N° 4006 - Proposition de loi de M. Jacques Bompard relative à la clause de conscience des pharmaciens



N° 4006

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 août 2016.

PROPOSITION DE LOI

relative à la clause de conscience des pharmaciens,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jacques BOMPARD,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Très récemment, nous avons assisté au lancement d’une polémique, relayée par la ministre des droits des femmes, Laurence Rossignol, après que l’Ordre des pharmaciens, dans le cadre de la modification de leur code de déontologie, a soumis aux professionnels l’article R. 4235-18 proposant une « clause de confiance » mentionnant que « Sans préjudice du droit des patients à l’accès ou à la continuité des soins, le pharmacien peut refuser d’effectuer un acte pharmaceutique susceptible d’attenter à la vie humaine ». La grande majorité des pharmaciens, 85 % est favorable à cette clause de conscience leur permettant de lutter contre une inégalité de traitement qui caractérise le code de la santé. Alors que la clause de conscience est reconnue dans les cas d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) pour les médecins, sages-femmes, auxiliaires médicaux, kinésithérapeutes ou orthophonistes, elle ne l’est toujours pas pour les pharmaciens dont la responsabilité est grande. Un des arguments souvent invoqué contre cette clause de conscience est la situation de monopole dont ils bénéficient. Cependant, cette situation n’a pas pour objectif de préserver un secteur économique mais d’assurer un rôle sécuritaire pour la santé publique. Le pharmacien assure la qualité des produits se trouvant dans son officine et peut décider de ne pas en commercialiser en fonction de leur dangerosité. Ainsi, il peut refuser pour raisons médicales des médicaments à des patients et ne pas se soumettre sans discernement à la prescription du médecin. Par ailleurs, le droit du patient est souvent mis en avant face à la conscience professionnelle du pharmacien alors même que le patient peut trouver les médicaments dans une autre pharmacie et que le pharmacien, pour une question d’éthique ne doit pas vendre des produits qu’il considère comme nocifs à la santé du demandeur ou étant contraires au respect de la vie.

De plus, les évolutions techniques et législatives mettent les pharmaciens en première ligne et aggravent l’injustice dont ils sont victimes. Pour les produits dangereux, comme ceux prescrits dans le cadre de l’ « IVG médicamenteuse » avec la pilule abortive mifépristone, le RU 486, le pharmacien est dans l’obligation de les délivrer aux patients sans nier que l’objectif recherché est de mettre fin à une vie et que les effets secondaires peuvent être importants. En 2009, une étude finlandaise Immediate Complications After Medical Compared with Surgical Termination Pregnancy a démontré que 20 % des femmes ayant eu recourt à la pilule RU 486 ont souffert de complications médicales. Toujours selon cette étude, les événements indésirables faisant suite à une IVG médicamenteuse ont été 4 fois plus élevés que dans l’avortement chirurgical. Il faut aussi ajouter que la majeure partie des séquelles physiques et psychologiques apparaissent plusieurs mois ou années après l’IVG.

Aussi, comme le rappelait Isabelle Adenot, le président de l’Ordre des pharmaciens, les pharmaciens risquent d’être confrontés à l’apparition de produits létaux avec l’euthanasie ou le suicide assisté, comme ils le sont en Belgique avec le kit euthanasie. Qualifiée d’ « acte d’humanité en dernier recours » par ses partisans, l’euthanasie vient d’être autorisée sans limite d’âge depuis le 13 février 2014 par la Belgique. Ainsi, l’innocence de l’âge ne suffit plus à arrêter la folie de ces partisans, encourageant l’élimination des plus faibles. La question de sa légalisation, en France, est malheureusement au cœur des débats et risque d’aboutir. Premiers exposés, les pharmaciens doivent pourvoir, en toute conscience, accepter comme refuser toute demande pouvant affecter négativement la vie du patient ou attenter à la vie.

La liberté de conscience ne peut se limiter à quelques professions et doit comprendre l’ensemble des acteurs confrontés à des actes susceptibles d’affecter la vie humaine. Comme le disait Pierre Rabhi dans son Manifeste pour la Terre et l’Humanisme « La conscience est probablement ce lieu intimechaque être humain peut en toute liberté prendre la mesure de sa responsabilité à l’égard de la vie. ».

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Après l’article L. 4211-1-1 du code de la santé publique est inséré un article L. 4211-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 4211-1-2. – Le pharmacien dispose d’une liberté de conscience lui permettant de refuser d’acheter, de préparer ou vendre tout médicament ou traitement qu’il jugera dangereux pour le patient ou susceptible d’affecter la vie humaine. »


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