N° 4031 - Proposition de loi constitutionnelle de M. Roger-Gérard Schwartzenberg relative à l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale



N° 4031

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 septembre 2016.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

relative à l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Jean-Noël CARPENTIER, Gérard CHARASSE, Stéphane CLAIREAUX, Olivier FALORNI, Paul GIACOBBI, Joël GIRAUD, Gilda HOBERT, Jacques KRABAL, Jérôme LAMBERT, Jean-Pierre MAGGI, Dominique ORLIAC, Thierry ROBERT, Stéphane SAINT-ANDRÉ, Alain TOURRET,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Avant 1958, le président du Conseil désigné par le chef de l’État « se présente devant l’Assemblée nationale afin d’obtenir sa confiance sur le programme et la politique qu’il compte poursuivre » (1), selon la procédure de l’investiture.

C’est la tradition et c’est la logique : le Gouvernement, responsable devant l’Assemblée, doit s’assurer de sa confiance sur l’ensemble de sa politique avant d’entreprendre de diriger le pays. Il doit obtenir son soutien préalable. En demandant la sanction d’un vote et en passant ainsi avec sa majorité un contrat solennel qui fonde sa légitimité.

À son article 49, alinéa 1, la Constitution de 1958 emploie des termes relativement analogues : « Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. »

Il s’agit là d’une obligation et non d’une simple faculté, qui serait laissée à la libre appréciation de l’intéressé, l’indicatif équivalant à l’impératif dans les textes juridiques.

Michel Debré, premier Premier ministre de la Vème République, se soumet à cette obligation en janvier 1959. Georges Pompidou fait de même pour ses deux premiers Gouvernements en avril et octobre 1962.

En revanche, il en va différemment après la première élection présidentielle au suffrage universel en décembre 1965. Avec l’intention de marquer que le Gouvernement « procède » de l’Élysée, qui le nomme, et non de l’Assemblée.

Ainsi, les 3ème et 4ème Gouvernements Pompidou, formés en janvier 1966 et en avril 1967, le Gouvernement Couve de Murville, constitué en juillet 1968, le Gouvernement Chaban-Delmas, nommé en juin 1969, et le 1er Gouvernement Messmer, composé en juillet 1972, refusent ou évitent de solliciter un vote de confiance de l’Assemblée nationale lors de leur premier contact avec celle-ci.

Ainsi, pendant sept ans, de 1966 à 1973, par application de la doctrine gaullienne, les Premiers ministres successifs n’observent pas l’obligation que leur fait la Constitution.

Il faut attendre, en effet, avril 1973 et la formation du 2ème Gouvernement Messmer, après les législatives de mars, pour retrouver une conception plus respectueuse du Parlement. Pierre Messmer met alors en jeu l’existence de son nouveau ministère sur une déclaration de politique générale (2).

À son tour, après l’élection de M. Giscard d’Estaing à l’Élysée, le nouveau Premier ministre, M. Chirac, engage sa responsabilité devant les députés le 6 juin 1974.

On peut donc s’étonner de voir son successeur, M. Barre, refuser de se conformer à cette pratique. En expliquant le 5 octobre 1976, lors de son premier contact avec l’Assemblée, qu’il entend « défendre la conception des rapports entre l’exécutif et le législatif qui a prévalu depuis 1966 » et « rappeler que le Gouvernement est nommé par le chef de l’État ».

Ainsi, au lieu de respecter la tradition parlementaire, le texte de l’article 49, alinéa 1 et la pratique suivie pendant le premier septennat, puis de 1973 à 1976, Raymond Barre refuse de solliciter un vote de confiance des députés, en déniant les droits de l’Assemblée nationale.

En revanche, le 2ème Gouvernement Barre en avril 1977 et le 3ème en avril 1978 engagent leur responsabilité devant l’Assemblée.

Depuis 1977, les nouveaux Gouvernements sollicitent donc la confiance de l’Assemblée nationale. À la seule exception, correspondant à une impossibilité matérielle, de ceux formés juste après une élection présidentielle suivie immédiatement d’une dissolution (Mauroy I, Rocard I) ou d’élections législatives ayant lieu à leur terme normal, selon l’« inversion du calendrier » décidée par la loi du 15 mai 2001, qui place celles-ci très peu de semaines après le scrutin présidentiel (Raffarin I, Fillon I, Ayrault I).

Dans notre régime mi-présidentiel mi-parlementaire, l’autorité du Premier ministre résulte – hors cohabitation – d’une double confiance : celle du président de la République qui le nomme et celle de l’Assemblée nationale qui l’investit et peut le renverser.

De 1966 à 1977 (à la seule exception du 2ème Gouvernement Messmer), l’Exécutif aura tenu à affirmer la doctrine gaullienne de la primauté présidentielle : la nomination par le chef de l’État suffit à elle seule, le Premier ministre n’a pas à solliciter la confiance de l’Assemblée.

Même si, depuis 1977, l’on est revenu à un usage différent, il importe de se prémunir contre un éventuel retour à la pratique défavorable au parlementarisme qui a prévalu dans ces années 1966 à 1977.

Dès lors, vu les incertitudes et les aléas successifs et même si en droit l’indicatif équivaut à l’impératif, mieux vaut donc rédiger ainsi le 1er alinéa de l’article 49 :

« Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, a l’obligation d’engager devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. Hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet effet. »

Cette dernière phrase vise à éviter qu’un délai trop long s’écoule entre la désignation du nouveau Gouvernement et l’engagement de sa responsabilité devant l’Assemblée nationale. Ainsi, nommé à Matignon le 20 juin 1969, Jacques Chaban-Delmas n’avait présenté son programme de « Nouvelle société » que le 16 septembre 1969, trois mois après.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Le premier alinéa l’article 49 de la Constitution est ainsi modifié :

« Le Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, a l’obligation d’engager devant l’Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale. Hors session, le Parlement est réuni spécialement à cet effet. »

1 () Article 45 de la Constitution de 1946, révisé en 1954.

2 () Mais le 3ème Gouvernement Messmer, constitué hors session parlementaire le 1er mars 1974, n’aura pas encore pu comparaître devant l’Assemblée quand survient le décès du Président Pompidou le 2 avril 1974.


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