N° 4114 - Proposition de loi de M. Jean-Marie Sermier visant à reconnaitre les écoles de production et à sécuriser leur modèle de financement



N° 4114

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2016.

PROPOSITION DE LOI

visant à reconnaître les écoles de production
et à sécuriser leur modèle de financement,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Jean-Marie SERMIER, Isabelle LE CALLENNEC, Damien ABAD, Élie ABOUD, Yves ALBARELLO, Julien AUBERT, Jean-Pierre BARBIER, Jacques Alain BÉNISTI, Sylvain BERRIOS, Jean-Claude BOUCHET, Jean-Louis CHRIST, Laure de LA RAUDIÈRE, Jean-Pierre DECOOL, Julien DIVE, Dominique DORD, Daniel FASQUELLE, Laurent FURST, Alain GEST, Arlette GROSSKOST, Jean-Claude GUIBAL, Michel HERBILLON, Sébastien HUYGHE, Jacques LAMBLIN, Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MARTY, Jean-Claude MATHIS, Gérard MENUEL, Damien MESLOT, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jacques PÉLISSARD, Stéphanie PERNOD BEAUDON, Bernard PERRUT, Michel PIRON, Bérengère POLETTI, Josette PONS, Frédéric REISS, Sophie ROHFRITSCH, Martial SADDIER, François SCELLIER, Fernand SIRÉ, Alain SUGUENOT, Guy TEISSIER, Michel VOISIN, Marie-Jo ZIMMERMANN,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En France, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans formation ni qualification. C’est inacceptable !

Ils décrochent parce que, mal à l’aise avec le modèle d’enseignement général, ils n’ont pas trouvé une méthode d’apprentissage adaptée à leurs besoins.

C’est pourquoi, pour ne laisser aucun jeune sur le bord du chemin, nous devons encourager de nouveaux modèles, a fortiori lorsqu’ils ont fait leur preuve sur le terrain.

La présente proposition de loi s’intéresse aux écoles de production qui ont montré leur pertinence pour former les jeunes dont les difficultés scolaires se doublent souvent d’une souffrance sociale.

La première école de production a été fondée en 1882 à Lyon par Louis Boisard qui était à la fois ingénieur et prêtre pour former des jeunes rétifs à l’enseignement classique.

Aujourd’hui, il existe 17 écoles de production en France qui forment 700 jeunes par an.

Elles atteignent un taux de réussite aux examens (CAP, bac pro) de plus de 90 %. De plus, la quasi-totalité des jeunes qui en sortent trouvent rapidement un emploi car les entreprises savent qu’elles embauchent des jeunes maîtrisant déjà bien leur métier.

Par ailleurs, les écoles de production se distinguent régulièrement lors des concours nationaux, tels que celui des meilleurs ouvriers de France et le concours général des métiers.

Ayant pour devise « faire pour apprendre », ces établissements alternent sur un même site des exercices pratiques et des cours théoriques. Un élève passe ainsi les deux tiers de son temps en atelier et le tiers restant dans une salle de cours. Cet « apprentissage intégré » permet une parfaite complémentarité entre les deux temps d’enseignement.

En atelier, l’élève est soumis aux exigences de la vie économique. En effet, les biens produits sont vendus à des clients, professionnels ou particuliers, à peine moins cher que sur le marché pour ne pas faire de concurrence déloyale aux entreprises. Avec de vraies commandes à honorer et de vrais délais à respecter, l’élève est mis en situation réelle. Surtout, il a la motivation de voir la pièce qu’il a réalisée vendue et satisfaire un client.

Le modèle de l’école de production reste malheureusement trop méconnu des pouvoirs publics.

Le ministre délégué à la formation professionnelle et à l’apprentissage en exercice admettait même devant le Sénat le 21 novembre 2012 « ne pas en avoir une connaissance précise ».

Le ministère de l’éducation nationale commence à travailler avec certaines écoles de production. Par ailleurs, les acteurs locaux, au premier rang desquels les régions, les associent de plus en plus régulièrement à leurs actions.

Il faut aller plus loin ! C’est pourquoi, la présente proposition de loi vise à inscrire dans le code du travail le modèle des écoles de production.

Par ailleurs, le coût d’un élève dans ce type d’établissement représente environ 8 000 euros par an. Il est financé, en moyenne, à 60 % par la vente de la production des ateliers. Les 40 % reposent sur le soutien du Conseil régional, collectivité compétente pour l’apprentissage et la formation professionnelle. Enfin, les écoles sont éligibles à la taxe d’apprentissage au titre « hors quota » (le barème).

Bien que de nombreux intervenants soient bénévoles, l’équilibre financier de ces structures reste fragile, par exemple en raison des investissements inhérents aux ateliers.

C’est pourquoi, prenant acte de la proximité du modèle avec celui des centres de formation des apprentis (CFA), la présente proposition de loi ouvre la part « quota » de la taxe d’apprentissage, qui représente 26 % du prélèvement, aux écoles de production.

Chaque jeune est différent et détient en lui-même le potentiel de sa propre réussite. Il appartient au législateur de refuser l’égalitarisme créateur d’échec scolaire et d’amertume.

Osons affirmer que diversifier les modèles de formation n’est pas abaisser le niveau d’exigence mais offrir à notre pays une génération aux savoir-faire et compétences élargies.

Au-delà, reconnaissons à chaque jeune le droit de trouver sa propre voie vers l’insertion sociale et professionnelle en fonction de ses envies, de ses aspirations et de sa personnalité. De cette liberté dépendent son épanouissement et son avenir.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

I. – Le livre II de la sixième partie du code du travail est complété par un titre VII ainsi rédigé :


« TITRE VII


« ÉCOLES DE PRODUCTION

« Art. L. 6271-1. – Les écoles de production sont des établissements d’enseignement technique gérés par des organismes à but non lucratif qui concourent, par leurs enseignements dispensés selon une pédagogie adaptée et par la mise en condition réelle de production, à l’insertion des jeunes sans qualification dans le monde du travail.

« Art. L. 6271-2. – Les écoles de production dispensent aux jeunes, à partir de seize ans, une formation générale et une formation technologique et professionnelle, en vue de l’obtention d’une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles. Les formations proposées répondent aux besoins locaux en termes de main-d’œuvre, et tiennent compte de l’offre de formation existante sur le territoire. La part de l’enseignement pratique dispensé au sein des écoles de production ne peut excéder deux tiers du temps d’enseignement total. Elles concourent aux objectifs éducatifs de la Nation. Elles sont soumises au contrôle pédagogique de l’État.

« Art. L. 6271-3. – Un arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle établit chaque année la liste de ces établissements.

« Art. L. 6271-4. – Les écoles de production sont habilitées à percevoir la part de la taxe d’apprentissage correspondant aux dépenses mentionnées au II de l’article L. 6241-2.

« Art. L. 6271-5. – Les employeurs mentionnés au 2° de l’article 1599 ter A du code général des impôts bénéficient d’une exonération totale ou partielle de la taxe d’apprentissage à raison des dépenses réellement exposées en vue de favoriser le développement et le fonctionnement des écoles de production.

« Art. L. 6271-6. – Un décret, pris après avis du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles mentionné à l’article L. 6123-1, fixe les modalités d’application du présent titre. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. – La charge pour les organismes collecteurs de taxe d’apprentissage est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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