N° 4147 - Proposition de loi de M. Gabriel Serville visant à prévenir le développement de zones d’habitat informel Outre-mer en facilitant l’expulsion des squatteurs des propriétés foncières d’autrui



N° 4147

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2016.

PROPOSITION DE LOI

visant à prévenir le développement de zones d’habitat informel Outre-mer en facilitant l’expulsion des squatteurs des propriétés foncières d’autrui,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques,
à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais
prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Gabriel SERVILLE,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis maintenant plus de deux décennies, les collectivités d’Outre-mer font face au phénomène de « bidonvilisation » de leurs périphéries urbaines. Cette prolifération, à un rythme toujours plus accéléré, de l’habitat indigne, a motivé la mobilisation de vastes plans de résorption de l’habitat insalubre.

Venus grever des finances locales déjà mises à mal par les politiques de réduction des déficits, ces plans se révèlent d’une efficacité toute relative du fait, tout du moins en partie, que l’habitat indigne Outre-mer est surtout un habitat informel, c’est-à-dire un groupement de plus de 10 logements situés sur des terrains publics ou privés, construits sans autorisation du propriétaire, en dehors de toute formalité juridique et sans respect des lois de planification urbaine.

Cet habitat informel, qui représente 80 % à 90 % de l’habitat précaire Outre-mer est constitué de locaux auto-construits, sans permis de construire, et dans 85 % des cas, sans droit ni titre sur le terrain d’autrui. Il forme ainsi des zones d’urbanisation de fait, sans desserte, assainissement, eau potable ou autres équipements publics propres à assurer leur salubrité et leur sécurité.

Ce type d’habitat, qui n’existe pas sur le territoire hexagonal, renvoie donc de manière prioritaire et urgente à la question de la régularité de l’occupation foncière.

En effet, le squat de biens immobiliers, la plupart du temps non domiciliaires, est en passe de se muer en véritable problème de société dans les collectivités d’Outre-mer et de remettre en cause des équilibres déjà lourdement fragilisés.

Dans les faits, sont présents dans l’habitat informel des occupants fonciers sans titre mais aussi des occupants ayant construit sur la base de contrats divers, sous seing privé, ou encore d’accords verbaux sur des terrains ne leur appartenant pas.

Déjà en 1996, les auteurs du rapport sénatorial sur le projet de loi relatif à « l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’Outre-mer » estimaient à 27 000 le nombre d’occupations de logements sans titre de propriété, implantés dans les seules zones des cinquante pas géométriques en Martinique et en Guadeloupe.

Le rapport du député Serge Letchimy de 2009 sur l’habitat insalubre et indigne Outre-mer, dénombrait, lui, plus de 150 000 personnes vivant dans 50 000 à 60 000 locaux à usage d’habitation relevant de l’habitat informel en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion. Ce type d’habitat tendrait à représenter « de 10 % à 12 % du patrimoine bâti de chaque département ».

En Guyane, 20 % des logements procéderaient ainsi de l’habitat informel alors qu’à Mayotte, l’INSEE estime que plus de 40 % des logements sont précaires.

In fine, en tenant compte du phénomène actuel de « bidonvilisation » rapide et massif en Guyane ainsi qu’à Mayotte, l’estimation du nombre global de logements informels et sans titre Outre-mer est estimé à 83 000 unités abritant environ 200 000 personnes, soit l’équivalent d’un département comme la Nièvre.

Dans l’hexagone, l’augmentation du nombre d’occupations illicites de domicile n’a pas laissé indifférent le législateur. Ainsi la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable comporte un article prévoyant et réprimant l’occupation illicite du domicile d’autrui et l’article L. 226-4 du code pénal le punit « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

Cependant, notre droit reste particulièrement inadapté à la lutte contre le squat de biens immobiliers non domiciliaires.

C’est dans ce contexte que la présente loi a pour ambition d’étendre, pour les collectivités d’Outre-mer régies par l’article 73 de la Constitution, les dispositions prévues par les articles L. 226-4 du code pénal (article 1) et 38 de la loi DALO du 5 mars 2007 (article 2) aux cas de squats d’immeubles non domiciliaires.

En effet, ces dispositions permettent, dans le cas exclusif de squat de domicile, une procédure d’expulsion accélérée par voie de décision administrative, sans passer par une décision de justice. Leur extension, pour les collectivités visées à l’article 73 de notre Constitution, au squat de tout immeuble privé permettrait ainsi de ralentir le phénomène de « bidonvilisation » des centres urbains Outre-mer, tout en améliorant les garanties au droit imprescriptible des propriétaires sur leurs biens immobiliers.

Il n’est en aucun cas question ici de remettre en cause le droit au logement opposable mais bien de ne pas faire reposer sur les propriétaires et, par ricochet, sur les collectivités, les conséquences néfastes des carences de l’État et du manquement de ses obligations en matière de production de logements.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, les infractions visées à l’article 226-4 du code pénal sont étendues à l’ensemble des propriétés immobilières d’autrui.

Article 2

L’article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, la procédure prévue par le présent article est applicable pour toute propriété immobilière d’autrui, dès lors qu’elle est initiée par le propriétaire de l’immeuble litigieux. »


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