N° 4159 - Proposition de loi de Mme Bérengère Poletti visant à instaurer des zones franches rurales au sein des zones de revitalisation rurale



N° 4159

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 octobre 2016.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer des zones franches rurales au sein des zones de revitalisation rurale,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Bérengère POLETTI, Alain MOYNE-BRESSAND, Dominique DORD, Dominique LE MÈNER, Daniel FASQUELLE, Michel HERBILLON, Jean-Luc REITZER, Bernard PERRUT, Jean-Claude GUIBAL, Thierry BENOIT, Michel PIRON, Arlette GROSSKOST, Fernand SIRÉ, Yves FROMION, Olivier AUDIBERT TROIN, Yves CENSI, Josette PONS, Paul SALEN, Michel SORDI, Julien AUBERT Damien ABAD et Philippe BRIAND,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La ruralité souffre et le Gouvernement ne l’entend pas.

Nous traversons aujourd’hui une crise de la ruralité sans précédent, qui nous pousse à parler d’une France à deux vitesses. Alors que 21 millions de Français vivent sur nos territoires ruraux, soit 80 % de notre territoire, ils sont pourtant souvent laissés à l’abandon, manquent d’aides et de soutiens. Le sentiment d’exaspération exprimé par les maires ruraux, les acteurs socio-économiques et toute la population est à son paroxysme, avec les baisses de dotations imposées depuis quatre ans, l’augmentation des charges, l’affaiblissement des aides économiques, et le poids croissant de normes après l’abandon du choc de simplification. Les collectivités locales ont subi un nouveau bouleversement avec la réforme institutionnelle mise en place par la loi NOTRe : moins de conseillers départementaux en milieu rural qui représentent leurs territoires, et une dilution des élus régionaux.

Ces territoires observent le fossé qui se creuse entre des métropoles et communautés d’agglomération de plus en plus fortes, et le monde rural de plus en plus isolé. Et rares sont les aides qui peuvent leur être octroyées. À l’octobre 2015, nous avons déjà dû nous battre dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, dans un élan trans-partisan, afin de conserver les dispositions d’exonérations sociales partielles applicables aux zones de revitalisation rurale (ZRR), que le Gouvernement voulait supprimer. Cette proposition « ruralicide » illustre malheureusement le manque de prise en compte de cette crise dans nos territoires ruraux : de moins en moins d’installations, des commerces de village qui ferment, des difficultés à trouver un médecin, à embaucher un salarié …

Les ZRR comprennent les communes membres d’un Établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre situées dans un secteur à faible densité de population et satisfaisant à l’un des trois critères socio-économiques suivants :

– un déclin de la population ;

– un déclin de la population active ;

– une forte proportion d’emplois agricoles.

Les zones de revitalisation rurale (ZRR) sont des aides économiques importantes, mais toujours pas suffisantes, pour le maintien de l’attractivité de nos territoires ruraux. Elles s’appliquent uniquement aux activités nouvelles, et ne permettent pas d’encourager la création et la reprise d’entreprise. Les ZRR ne proposent pas d’exonération de cotisations sociales patronales, dont chacun connaît le poids pour les entreprises. Dans certaines zones frontalières, le handicap de ces ZRR est encore accentué du fait de la proximité d’États qui accordent de très larges facilités à leurs entreprises.

En France, les territoires urbains bénéficient de leur coté du dispositif de zones franches urbaines (ZFU), créé en 1996 pour redynamiser des quartiers de la politique de la ville présentant un cumul de difficultés. Les ZFU sont des quartiers de plus de 10 000 habitants, définis à partir des critères suivants :

– taux de chômage ;

– proportion de personnes sorties du système scolaire sans diplôme ;

– proportion de jeunes ;

– potentiel fiscal par habitant.

Les entreprises implantées ou devant s’implanter dans ces quartiers bénéficient d’un dispositif complet d’exonérations de charges fiscales et sociales durant cinq ans. Programmées pour disparaître en 2014, les ZFU ont été reconduites jusqu’en 2020 avec une nouvelle appellation : « ZFU-TE » (zone franche urbaine territoires entrepreneurs). Ce dispositif apparaît comme une mesure simple, attractive, ayant fait ses preuves. Durant ses premières années, le dispositif a eu un effet très positif sur l’activité économique : dans les zones créées en 1997, les exonérations ont permis, au bout de cinq ans, l’implantation de 9 700 à 12 200 établissements de tous types, soit 41 500 à 56 900 emplois.

Le dispositif de Zone franche urbaine devrait ainsi pouvoir être appliqué aux territoires ruraux, dans des bassins locaux ciblés. La présente proposition de loi vise donc à créer des zones franches rurales (ZFR).

L’objectif est d’y maintenir ou créer des activités commerciales, artisanales ou de services, d’y accroître la mixité fonctionnelle et sociale, et d’améliorer la situation de l’emploi local. Les zones franches rurales s’adressent donc aux entreprises, aux artisans, aux commerçants et aux professions libérales, implantées ou devant s’implanter, qui bénéficieront d’un dispositif complet d’exonérations de charges fiscales et sociales durant cinq ans :

– exonération d’impôt sur les bénéfices ;

– exonération d’impôt sur les sociétés ;

– exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) ;

– exonération de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ;

– exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties ;

– exonération de taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie ;

– exonération de taxe de chambres de métiers et de l’artisanat.

Les zones de revitalisation rurales (ZRR) sont des points d’appui intéressants pour définir les bassins ciblés par les zones franches rurales (ZFR). Ces dernières s’appliqueraient en complément des exonérations partielles permises par les ZRR.

Les élus locaux devraient donc pouvoir demander la création, dans les zones de revitalisation rurale de zones franches rurales, pour faire bénéficier aux entreprises, aux artisans, aux commerçants et aux professions libérales, qui s’y installent ou qui développent leur activité, des allègements fiscaux déjà en vigueur auxquels s’ajouteraient les allègements de cotisations sociales patronales qui ne s’appliquent actuellement que dans les zones franches urbaines.

L’objectif est de concentrer les mesures d’aide aux entreprises créatrices d’emplois dans les zones rurales les plus touchées par le déclin démographique et économique. Il s’agirait donc d’un engagement contractuel fort de la part de l’État, vis-à-vis de territoires en difficulté, qu’il a d’ailleurs bien souvent lui-même a mis en difficulté. Nos territoires ruraux pourraient ainsi, plus facilement, s’engager sur des bases formelles auprès d’entreprises qui ont des projets d’installation et de création d’emplois, celles-ci étant attirées par des conditions favorables.

Aujourd’hui, la situation est urgente, et la situation trop préoccupante pour refuser d’envisager des mesures d’envergure, pour redonner de la vitalité à nos territoires.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 1465 A du code général des impôts est ainsi complété par un V ainsi rédigé :

« V. – Des zones franches rurales sont créées à compter du 1er janvier 2017 pour une durée de cinq ans dans les zones de revitalisation rurales définies au II du présent article.

« Dans ces zones, les entreprises et les groupements d’employeurs exerçant une activité artisanale, industrielle, commerciale au sens de l’article 34, une activité agricole au sens de l’article 63, ou non commerciale au sens du 1 de l’article 92 du même code, sont exonérés d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l’exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d’actif, de cotisation foncière des entreprises, de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe foncière sur les propriétés bâties, de taxe pour frais de chambres de commerce et d’industrie, de taxe de chambres de métiers et de l’artisanat.

« Toute entreprise ou organisme qui cesse volontairement son activité en zone de revitalisation rurale après avoir bénéficié d’une aide en application des présentes dispositions est tenu de verser les sommes qu’il n’a pas acquittées en vertu des exonérations qui lui ont été consenties. »

Article 2

Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application des zones de franches rurales.

Article 3

La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux produits importés des pays non membres de l’Union européenne.

La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la création d’une taxe conditionnelle à la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux produits importés des pays non membres de l’Union européenne.

La perte de recettes pour les chambres de commerce et d’industrie est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux produits importés des pays non membres de l’Union européenne.

La perte de recettes pour les chambres de métiers et de l’artisanat est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux produits importés des pays non membres de l’Union européenne.


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