N° 4285 - Proposition de loi de Mme Virginie Duby-Muller visant à mettre en place une visite médicale de contrôle à la conduite systématique pour les conducteurs de soixante-dix ans et plus



N° 4285

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 décembre 2016.

PROPOSITION DE LOI

visant à mettre en place une visite médicale de contrôle à la conduite systématique pour les conducteurs de soixante-dix ans et plus,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Virginie DUBY-MULLER,

députée.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le permis de conduire est un droit administratif de circuler donnant l’autorisation de conduire sur une route publique un ou plusieurs véhicules tels qu’une automobile, une motocyclette, un cyclomoteur, un camion ou un autobus, dans une zone géographique donnée, généralement un pays. Il gage la capacité du conducteur à circuler sans mettre en danger sa vie ni celle d’autrui.

En France, le permis de conduire est délivré à vie : à l’exception d’affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire à durée de validité limitée (1), il n’existe pas de dispositif de contrôle régulier du conducteur.

On le sait, il est évidemment du devoir de chaque conducteur d’être responsable de sa conduite : de savoir s’évaluer, s’arrêter en cas de fatigue, consulter un médecin, être prêt à remettre en question ses pratiques quotidiennes. Mais il est parfois complexe de s’autoévaluer, et de renoncer à une habitude de plusieurs dizaines années : la conduite.

Il est scientifiquement prouvé que les capacités physiologiques et cognitives nécessaires à une bonne conduite tendent à diminuer dès 45 ans : des rhumatismes peuvent contraindre l’amplitude des mouvements, la vue et l’audition baissent, les médicaments atténuent la vigilance, et la coordination est moins bonne. Selon les estimations de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (2) (ONISR), la mortalité des personnes de plus de 65 ans a fortement augmenté en 2015 (840 personnes décédées soit + 9 %). Les seniors sont également particulièrement touchés en tant qu’automobilistes (+ 66 personnes tuées sur les 10 premiers mois de 2015). En 2014, les conducteurs de 75 ans et plus ont 1,6 fois plus de risque d’être tués sur la route que l’ensemble des conducteurs de voiture.

Pour s’adapter à ces évolutions de la mortalité sur les routes, plusieurs pays européens ont déjà mis en place des systèmes de contrôle. Les conducteurs des Pays-Bas, du Danemark ou de Finlande doivent ainsi passer une visite médicale régulièrement à partir de 70 ans ; dès l’âge de 50 ans en Italie ou au Portugal.

Ainsi, cette proposition de loi vise à mettre en place une visite médicale de contrôle à la conduite systématique pour les conducteurs de 70 ans et plus. Elle serait constituée par un module d’évaluation de l’aptitude à conduire effectué par un médecin de ville, à renouveler tous les 5 ans. Le médecin pourrait, à l’issue de l’évaluation :

– valider les pleines capacités du conducteur via un certificat attestant de sa capacité totale à conduire ;

– prononcer une interdiction totale ou partielle de conduire, comme il est habilité à le faire pour les usagers souffrant de certaines affections médicales incompatibles avec la conduite (problèmes cardio-vasculaires, de vision...).

En cas de déficience physique n’entraînant toutefois pas l’inaptitude totale à la conduite automobile, la possibilité de limiter les déplacements dans le temps (conduite de jour uniquement par exemple) et/ou dans l’espace (interdiction d’emprunter l’autoroute...) pourrait être imposée au conducteur.

Une possibilité d’appel, levant de manière temporaire l’interdiction à la conduite, est bien évidemment possible, devant la commission médicale du permis de conduire.

L’utilisation de la voiture pour les seniors est bien souvent un acte de sociabilité. Avec cette proposition de loi, il ne s’agit pas de les stigmatiser, mais d’instaurer un contrôle – rapide et bienveillant - avec l’âge, pour garantir leur sécurité et celle des autres conducteurs.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après l’article L. 221-2 du code de la route, il est inséré un article L. 221-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 221-3. – Tout détenteur du permis de conduire de catégories A et B âgé de soixante-dix ans au moins doit fournir un certificat médical délivré par un médecin agréé auprès de la préfecture du département et attestant de sa capacité totale ou partielle à conduire. Il peut prononcer l’interdiction totale ou partielle de conduire dans les conditions définies par décret pris en conseil d’État.

« Tous les cinq ans après ce premier certificat, il est procédé à un contrôle médical d’aptitude à la conduite.

« Le détenteur du permis de conduire peut faire appel suite à la décision du médecin agrée devant la commission médicale du permis de conduire, levant de manière temporaire l’interdiction à la conduite. »

Article 2

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration du tarif de la taxe mentionnée à l’article 991 du code général des impôts.

1 () Arrêté du 31 août 2010 modifiant l'arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l'obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée ; NOR: DEVS1019542A.

2 () http://www.securite-routiere.gouv.fr/medias/espace-presse/publications-presse/en-2015-80-deces-de-plus-sur-les-routes-dans-des-accidents-globalement-plus-violents.


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