N° 4370 - Proposition de loi de Mme Françoise Guégot visant à définir la certification des logiciels d'aide à l'administration



N° 4370

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 janvier 2017.

PROPOSITION DE LOI

visant à définir la certification des logiciels d’aide à l’administration,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Françoise GUÉGOT, Olivier DASSAULT, Damien ABAD, Marie-Louise FORT, Marc-Philippe DAUBRESSE, Laurent WAUQUIEZ, Philippe Armand MARTIN, Geneviève LEVY, Claude GREFF, Marianne DUBOIS, Nicole AMELINE, Jean-Pierre DOOR,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En France et d’après la Haute Autorité de santé (HAS), 30 000 décès sont causés chaque année par les erreurs médicales, c’est-à-dire directement par le système censé soigner ces patients. Dans ce même rapport, il est stipulé que 12 000 à 15 000 de ces décès découlent d’erreurs directement liées au médicament, malgré un circuit réglementé et un personnel soignant formé, professionnel et attentif. À l’impact conséquent sur les citoyens français et l’image du système de santé français s’ajoute un constat alarmant dressé par les études ENEIS de la DREES : ces erreurs, qui représentent plus de quatre fois la mortalité routière, ne tendent pas à diminuer !

Du point de vue des établissements de santé, lutter contre ces erreurs passe par la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse et repose sur le principe dit des « 5B » : assurer que le bon médicament est administré au bon patient à la bonne dose au bon moment par la bonne voie d’administration. Cette lutte contre les erreurs médicamenteuses a récemment progressé sous l’impulsion, d’une part, de l’arrêté du 6 avril 2011, relatif au management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse et aux médicaments dans les établissements de santé et, d’autre part, de l’article L. 161-38 du présent code, avec la certification des logiciels d’aide à la prescription (LAP) et des logiciels d’aide à la dispensation (LAD).

Néanmoins, la sécurisation de la prise en charge médicamenteuse ne s’arrête pas aux seules étapes couvertes par ces deux travaux et tous les regards se tournent aujourd’hui vers l’administration des médicaments. Étape cruciale de la prise en charge médicamenteuse, cette administration reste un acte doublement isolé : dans l’espace, car le personnel infirmier est seul auprès du patient, et dans l’information, car la tâche en tant que telle est aujourd’hui souvent dissociée des phases amont et aval de la prise en charge médicamenteuse. Conséquence directe de cet angle mort selon la HAS : 40 % des erreurs se produisent aujourd’hui au moment de l’administration du médicament, avec un personnel soignant privé de moyens technologiques adéquats.

Pourtant, ces moyens existent et commencent à apparaître dans les établissements de santé français : les logiciels d’aide à l’administration (LAA) accompagnent le personnel infirmier au chevet du patient afin d’assurer le respect des « 5B » en temps réel et de manière informatisée. Ces logiciels reposent sur des lecteurs de code-barres portatifs détenus par le personnel infirmier servant à scanner les codes-barres ou datamatrix sur les médicaments disponibles à l’hôpital et en établissement médico-social, à l’image de ce qui se fait déjà pour les transfusions sanguines ou les chimiothérapies.

Aux États-Unis d’Amérique et suite à un constat similaire dressé il y a plus de 15 ans, cette technologie a démontré son efficacité en évitant jusqu’à 90 % des erreurs et des événements indésirables graves qui peuvent en découler, à tel point que la présence d’un code-barres sur chaque conditionnement primaire de médicaments destinés à l’hôpital est devenue obligatoire. Le logiciel d’aide à l’administration (LAA) est d’autant plus intéressant qu’il potentialise l’intérêt des autres logiciels hospitaliers comme le logiciel d’aide à la prescription (LAP) et le dossier patient informatisé (DPI) en s’y connectant en « boucle fermée », de sorte que l’objectif « zéro papier » pour les données médicales critiques puisse être atteint avec une sécurité maximale. Ce système en boucle fermée était déployé dans 56,7 % des établissements de santé aux USA au premier trimestre 2015 et a apporté des résultats édifiants : sur la seule année 2013, 6 020 décès et 301 000 événements indésirables graves ont pu être évités grâce à cette solution, permettant d’économiser chaque année plus d’1,5 milliard de dollars (1,34 milliard d’euros) selon le rapport de l’AHRQ, équivalent américain de la HAS.

L’utilisation de ces logiciels d’aide à l’administration en France se développe ainsi pour l’ensemble des médicaments disposant d’un code-barres ou d’un datamatrix, à savoir aujourd’hui les médicaments à risque comme les transfusions sanguines, les chimiothérapies ou encore certaines doses unitaires préparées en pharmacie, et sera extensible à l’ensemble des médicaments hospitaliers au fil de l’avancement des travaux sur un datamatrix harmonisé côté industriel. Néanmoins, afin d’assurer que la sécurité offerte par ces solutions soit conforme et que ces logiciels soient cohérents avec la stratégie nationale définie pour les logiciels d’aide à la prescription notamment, il est nécessaire que la Haute Autorité de santé soit chargée de définir les exigences attendues pour ces logiciels et d’en proposer une certification comme cela a été fait pour les logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation.

En conséquence, nous proposons d’élargir le périmètre de la certification et les exigences attendues pour les logiciels hospitaliers d’aide à la prescription (LAP) et à la dispensation (LAD) exposées dans l’article L. 161-38, à l’étape d’administration des médicaments (LAA). Comme pour le LAP et le LAD, la HAS serait parfaitement habilitée pour définir le référentiel des LAA permettant d’améliorer la qualité et la sécurité de l’administration des médicaments et ainsi d’aider le personnel infirmier dans ses missions au service des patients. Du point de vue réglementaire, ce texte concernerait dans un premier temps les seuls médicaments à risque disposant déjà de codes-barres, assurant la faisabilité de la démarche, et pourra être étendu de manière graduelle aux autres médicaments hospitaliers selon l’avancement des travaux d’harmonisation des datamatrix.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après le III de l’article L. 161-38 du code de la sécurité sociale, il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« III bis – La Haute Autorité de santé établit la procédure de certification des logiciels d’aide à l’administration des médicaments. Elle garantit que ces logiciels assurent la sécurisation de l’administration des médicaments identifiés par un code-barres ou un datamatrix conformément à la prescription saisie dans le logiciel d’aide à la prescription et qu’ils assurent la traçabilité de l’acte d’administration dans le dossier patient informatisé. Cette procédure de certification participe à l’amélioration des pratiques d’administration dans les établissements de santé. Elle garantit la conformité des logiciels d’aide à l’administration à des exigences minimales en termes de sécurité et de conformité de l’administration. »

Article 2

Le IV de l’article L. 161-38 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, la référence : « III » est remplacée par la référence : « III bis » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « ou une aide » sont remplacés par les mots : « , à l’administration ou » ;

3° Au troisième alinéa, après la première occurrence du mot : « à » sont insérés les mots : « l’administration ou à ».


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