N° 944 - Rapport d'information de M. Christian Eckert déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de programme de stabilité et de croissance pour les années 2013 à 2017



N° 944

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 avril 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
sur
le programme de stabilité et de croissance présenté par le Gouvernement pour les années 2013 à 2017

ET PRÉSENTÉ

PAR M. CHRISTIAN ECKERT,

Rapporteur général,

Député.

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INTRODUCTION 5

I.– LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT ET DE LA MAJORITÉ 7

A.– COMBLER LES FRACTURES D’UNE SOCIÉTÉ DÉSÉQUILIBRÉE, DEVENUE PROFONDÉMENT INÉGALITAIRE 7

B.– ASSURER UNE PROSPÉRITÉ DURABLE EN AFFRONTANT LES DÉRÈGLEMENTS DU MARCHÉ 12

II.– LE PROGRAMME DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE POUR LES ANNÉES 2013-2017 15

A.– LE CADRAGE MACROÉCONOMIQUE 15

1.– Le cadrage 2013-2014 15

2.– Le cadrage budgétaire 2015-2017 17

B.– LA TRAJECTOIRE DE SOLDE ET DE DETTE PUBLICS 20

1.– Le maintien de l’objectif d’équilibre structurel en 2016 20

a) Une conjoncture économique qui pèse sur la trajectoire de solde effectif 20

b) L’accélération du rythme de réduction du déficit structurel 22

2.– La trajectoire de dette publique brute 24

C.– L’ÉVOLUTION DES RECETTES ET DES DÉPENSES PUBLIQUES 26

1.– La place désormais réduite des prélèvements obligatoires dans l’effort de réduction du déficit public 26

a) Un effort structurel en recettes nettement inférieur à celui des années 2011 à 2013 26

b) Le taux de prélèvements obligatoires en voie de stabilisation 29

2.– Les dépenses 31

a) L’effort structurel en dépenses 31

b) L’évolution du taux de dépenses publiques 35

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES, SUR L’AVIS DU HAUT CONSEIL RELATIF AUX PRÉVISIONS MACROÉCONOMIQUES ASSOCIÉES AU PROJET DE PROGRAMME DE STABILITÉ POUR LES ANNÉES 2013 À 2017 37

AUDITION DE M. BERNARD CAZENEUVE, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES, CHARGÉ DU BUDGET, SUR L’EXÉCUTION DU BUDGET 2012 47

AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES, ET M. BERNARD CAZENEUVE, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES, CHARGÉ DU BUDGET, SUR LE PROGRAMME DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE POUR LES ANNÉES 2013-2017 59

INTRODUCTION

La France poursuit son effort de réduction des déséquilibres budgétaires au rythme prévu. Entre 2012 et 2014, le solde structurel devrait s’améliorer de plus de 3 % du PIB et, s’il est vrai que le déficit effectif est plus élevé qu’escompté, cela prouve que ni le Gouvernement ni la majorité ne souhaitent atteindre des objectifs budgétaires secondaires au prix d’une récession.

En matière économique, l’urgence budgétaire et la réforme fiscale ont, depuis le début de la législature, concentré l’attention de la représentation nationale et de l’opinion publique. Cette préoccupation compréhensible ne doit toutefois pas occulter les objectifs et la cohérence de la politique économique du Gouvernement et de la majorité.

Cette politique économique répond aux risques que le marché dérégulé peut faire courir aux fondements de la société et à la prospérité de l’économie.

Lorsque rien ne l’entrave, le marché peut porter une réelle atteinte à la structure de la société et l’éloigne des valeurs sur lesquelles elle doit être organisée. L’accroissement constant des écarts de richesse, la persistance du chômage de masse et la difficulté à faire vivre une famille par les revenus du travail sont des réalités produites par l’économie laissée à elle-même. Ces réalités entrent en profonde contradiction avec les valeurs que nous défendons et doivent être combattues avec les moyens de l’État.

Certains peuvent accepter de telles conséquences en faisant l’hypothèse que le libre jeu du marché est seul gage de prospérité. Or l’histoire récente nous a, une nouvelle fois, prouvé que cet axiome est erroné. Le marché complètement dérégulé est un obstacle à une prospérité durable car il génère des crises financières profondes, entraîne des dommages irréversibles sur l’environnement et se révèle en général incapable d’investir aujourd’hui dans les activités qui feront demain la richesse du pays.

Deux leçons doivent être retenues de la crise économique et financière de 2008 : d’une part, la politique budgétaire doit viser à rétablir l’équilibre structurel en 2016 et, d’autre part, la politique économique doit faire face aux dérèglements du marché. La lucidité veut que nous acceptions la première pour réduire le fardeau de la dette pesant sur les générations futures et retrouver des marges de manœuvre pour nos politiques publiques prioritaires, nos valeurs nous obligent s’agissant de la seconde.

I.– LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT ET DE LA MAJORITÉ

A.– COMBLER LES FRACTURES D’UNE SOCIÉTÉ DÉSÉQUILIBRÉE, DEVENUE PROFONDÉMENT INÉGALITAIRE

La politique économique du Gouvernement se veut interventionniste car elle a fondamentalement pour objet de réduire les déséquilibres issus du fonctionnement normal du marché, en redonnant sens aux valeurs républicaines françaises de solidarité. Il s’agit de prendre les mesures qui permettront de retrouver la voie de la croissance mais également de répartir les fruits de cette croissance de manière juste afin de maintenir la cohésion sociale de notre pays.

Faut-il rappeler l’héritage de la politique économique antérieure ? Un déficit extérieur abyssal (75 milliards d’euros), une dette majorée de 600 milliards d’euros en cinq ans alors que la crise économique de 2008 n’en explique qu’un tiers, l’incapacité de financer nos dépenses publiques par l’impôt, conduisant de facto à un déficit public très important, et des inquiétudes sociales qui ont conduit les Français à voter pour le changement au mois de mai dernier.

Que fait le Gouvernement depuis ?

Il prend les mesures nécessaires à la préservation de notre souveraineté sur le plan économique en assurant le redressement de nos finances publiques. Il s’agit d’une priorité nationale et européenne : notre dette publique dépasse les 1 800 milliards d’euros et la charge d’intérêt annuelle est supérieure à 50 milliards d’euros : or la France a besoin de faire appel aux marchés financiers pour se refinancer et doit donc tout mettre en œuvre pour continuer à bénéficier de taux d’intérêt bas comme actuellement. Si le Gouvernement se détournait de l’objectif de retour à l’équilibre, le coût social d’une remontée des taux d’intérêt pourrait être potentiellement lourd : les exemples européens sont désormais nombreux pour le démontrer. C’est tout l’objet des prévisions macroéconomiques et budgétaires retenues par le programme de stabilité, qui sera présenté en détail par la suite (voir chapitre II).

On ne peut que le regretter, mais il faut bien assumer ce fardeau. Le Gouvernement prend soin pour sa part d’assurer le redressement de nos finances publiques en alliant efficacité et justice sociale.

C’est la raison pour laquelle les augmentations d’impôts votées depuis mai 2012 ont prioritairement pesé sur les entreprises et les ménages les plus privilégiés. Après la loi de finances rectificative d’août dernier et ses mesures relatives aux impositions sur le patrimoine, la loi de finances pour 2013 a profondément réformé l’impôt sur le revenu, en rétablissant, en premier lieu, sa progressivité réelle (création d’une tranche à 45 %, barémisation de la fiscalité des revenus du capital, réforme du quotient familial). Les mesures relatives aux entreprises ont été calibrées pour peser sur les grandes entreprises, qui disposent des ressources financières suffisantes pour faire face à de nouveaux prélèvements.

De la même manière, si la maîtrise des dépenses publiques est devenue inéluctable, le Gouvernement a néanmoins fait des choix pour préserver les politiques d’intervention en faveur des plus modestes et consolider les fondamentaux de notre modèle social : l’école, la sécurité, la justice ont vu leurs moyens augmenter sur la période 2013-2015. Le Gouvernement et la majorité assument ces choix.

De la même manière, malgré la contrainte budgétaire, le Gouvernement prend les mesures qui s’imposent pour améliorer durablement le pouvoir d’achat des ménages modestes : outre l’augmentation du SMIC, avec un « coup de pouce » en juillet 2012 et l’évolution de ses modalités d’indexation par le décret du 8 février 2013, l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire pour la rentrée 2012/2013 ainsi que la baisse de 5,5 % à 5 % du taux réduit de TVA sur les produits de première nécessité programmée à compter de 2014, le Gouvernement vient de présenter des mesures structurelles :

– le plan quinquennal contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale permet de tendre la main aux populations les plus précaires alors que, selon l’INSEE, la pauvreté dans notre pays a augmenté de 1,2 point depuis 2002 tandis qu’elle décroissait continuellement depuis 1997 : 14,1 % des Français sont aujourd’hui considérés comme pauvres (soit 8,6 millions de pauvres si l’on utilise le seuil de 60 % du niveau de vie médian, c’est-à-dire moins de 964 euros net par mois pour une personne seule).

Cette situation n’est pas acceptable et justifie de réduire les inégalités et de prévenir les ruptures ; de venir en aide et d’accompagner vers l’insertion ; et enfin de coordonner l’action sociale et d’en valoriser ses acteurs. Toutes les mesures concrètes associées à ces objectifs sont explicitées par le Gouvernement dans le programme national de réforme associé au programme de stabilité ;

– le plan d’investissement pour le logement et les mesures d’encadrement des loyers doivent permettre aux Français de retrouver une capacité à se loger dans des conditions convenables, le logement constituant le premier poste de dépense des ménages. Une vingtaine de mesures sont lancées. Il faut en priorité souligner que ce plan permettra d’assurer les conditions de la production de 150 000 logements sociaux par an. En annonçant la diminution de la TVA à 5 % dès 2014, pour la construction et pour tous les travaux de rénovation de logements sociaux, le Gouvernement propose de produire 22 500 logements sociaux supplémentaires, outre ceux déjà prévus pour l’année prochaine ;

– la préservation du système de retraites par répartition suppose également une réforme de grande ampleur afin de combler le besoin de financement de nos régimes de retraite à l’horizon 2020, qui s’élèverait à 23 milliards d’euros (soit 1 point de PIB) selon le Comité d’orientation des retraites (COR). Les réformes menées par les précédents Gouvernements n’étaient pas à la hauteur des enjeux et se sont pourtant révélées très injustes vis-à-vis des personnes à carrière courte, pénible ou heurtée, à salaires faibles ou encore à l’égard des polypensionnés. Dans ce contexte, le Gouvernement a confié à une commission d’experts, présidée par M. Yannick Moreau et installée le 27 février 2013, la mission de proposer des pistes de réformes visant non seulement à rétablir l'équilibre à court terme et assurer la soutenabilité à long terme des régimes (horizon 2040), mais aussi à renforcer l’équité du système de retraites et en améliorer la lisibilité. Le Gouvernement devrait en tirer des conséquences dès 2014.

Au-delà de ces réformes destinées à restaurer le pouvoir d’achat des plus modestes et des personnes en situation de précarité, il est apparu également indispensable de faire face aux échecs du fonctionnement du marché du travail en France. La progression d’un chômage de masse (10,6 % de la population active fin 2012), touchant en particulier les jeunes et les seniors, l’accroissement du nombre de travailleurs pauvres, et l’incapacité de lutter contre la segmentation du marché du travail jusqu’à présent (1) ont conduit le Gouvernement à proposer plusieurs mesures de nature à réformer profondément notre marché du travail.

Il faut tout d’abord citer les mesures en faveur du soutien à l’emploi des jeunes et des seniors :

– la création de 150 000 emplois d’avenir d’ici 2014 doit permettre aux jeunes de moins de 26 ans, particulièrement éloignés du monde du travail (inférieur au niveau « bac ») et en situation de précarité (bénéficiaires du RMI, de l’allocation parent isolé, et de l’allocation de solidarité spécifique), de retrouver un emploi durable (d’une durée comprise entre 17h30 et 35 heures par semaine sur une période de 1 à 3 ans) auprès d’un organisme du secteur non marchand (bénéficiaire d’une aide financière par l’État) et de suivre également un parcours de formation permettant d'acquérir des compétences professionnelles ;

– la création des contrats de génération permet aux entreprises de moins de 300 salariés (soit 99,5 % des entreprises françaises) de bénéficier d’une aide financière de l’État de 4 000 euros par an, pendant trois ans, dès lors que ces entreprises embauchent en CDI un salarié de moins de 26 ans tout en conservant dans leurs effectifs un salarié de 57 ans ou plus. Le Gouvernement attend la création ou le maintien de 500 000 emplois d’ici 2017 grâce à ce dispositif ;

– enfin, le Gouvernement envisage de renforcer les dispositifs en faveur de l’accompagnement dans et vers l’emploi ou la formation des jeunes : ainsi, la réforme de la collecte et de la répartition de la taxe d’apprentissage dès 2014 devrait permettre d’atteindre l’objectif de 500 000 apprentis d’ici 2017. Compte tenu de son succès, l’action spécifique à destination des « jeunes décrocheurs », mise en place par les partenaires sociaux en avril 2011, est prolongée pour permettre à 20 000 jeunes supplémentaires ayant quitté le système éducatif sans diplômes, de retrouver le chemin de l’emploi ou de la formation. Le Gouvernement a également annoncé la mise en place d’une « garantie jeune » visant à inscrire 100 000 jeunes en situation de pauvreté dans un parcours contractualisé d’insertion dans la vie sociale.

Il faut également saluer l’adoption, en première lecture à l’Assemblée nationale, du projet de loi de sécurisation de l’emploi, qui transpose l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, signé par les trois organisations représentatives des employeurs et trois des cinq organisations syndicales représentatives des salariés représentant une majorité des voix des salariés.

Ce texte démontre tout d’abord le retour de l’État, à l’appui des salariés et de la négociation sociale, comme garant dans la prévention des licenciements économiques.

Désormais, tout plan de sauvegarde de l’emploi sera soumis à l’accord majoritaire des salariés à travers leurs organisations syndicales ou, à défaut, à une homologation de l’administration. Conformément à l’engagement du Président de la République, l’objectif est de renchérir le coût des licenciements en fonction des moyens des entreprises, en vue de les dissuader le plus possible. L’administration pourra d’ailleurs refuser un plan social qui ne serait pas suffisamment protecteur pour les salariés. Parallèlement à cette nouvelle procédure, ce texte améliore la sécurité des salariés en rendant plus difficile la flexibilité externe (plans sociaux limités, taxation des contrats à durée déterminée, encadrement des temps partiels) au profit des redéploiements internes aux entreprises (simplification du dispositif de chômage partiel, accord de maintien dans l’emploi négocié et assorti de protections, de garanties, et d’une contribution des dirigeants actionnaires).

La deuxième évolution profonde prévue par ce texte est une participation accrue des salariés à la définition des stratégies d’entreprise.

La mise en place d’une représentation des salariés au conseil d’administration des très grandes entreprises, de plus de 5 000 salariés, en constitue indéniablement la mesure emblématique qui traduit un engagement fort du Président de la République. Cette démarche participative s’incarne également dans la nouvelle participation des salariés, à travers leurs représentants, à la stratégie de l’entreprise, avec la création de deux consultations annuelles supplémentaires sur les orientations stratégiques de l’entreprise et son utilisation du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), un recours élargi à l’expertise, une obligation de négocier les grandes orientations du plan de formation…

Enfin, comme le souligne notre collègue, M. Jean-Marc Germain, rapporteur du projet de loi (2), ce texte apporte de nouveaux jalons constitutifs d’une véritable sécurité sociale professionnelle. Que ce soit en matière de santé – avec la généralisation de la couverture complémentaire de santé à l’ensemble des salariés et la mise en place d’un mécanisme de portabilité des droits pour les salariés qui quittent l’entreprise –, en matière de formation – avec la création d’un compte personnel de formation destiné à suivre toute personne de son entrée sur le marché du travail à son arrivée à la retraite – ou encore en matière de couverture chômage – avec la mise en place de droits « rechargeables » à l’assurance chômage –, l’approche qui est privilégiée est bien celle de la reconnaissance de droits aux individus en tant que salariés, mais également, dans la mesure du possible, pendant leurs périodes d’inactivité, de chômage ou de formation.

Au-delà de ces droits « portables », ce texte vise aussi à améliorer les transitions en encadrant par la négociation collective les mobilités demandées aux salariés à l’intérieur des entreprises, en créant une mobilité externe sécurisée qui permet de tenter une expérience professionnelle dans une autre entreprise, avec un droit au retour si cela ne se passe pas comme prévu mais également en obligeant les entreprises qui veulent fermer un établissement à rechercher des repreneurs (3).

*

Bien évidemment, l’ensemble de ces mesures doit être financé dans le respect de nos engagements de retour à l’équilibre des comptes publics. Il faut donc dégager des économies par ailleurs et mettre à contribution l’ensemble des acteurs publics pour assumer l’effort de redressement des comptes. Ce ne sont donc pas seulement les « riches » qui sont mis à contribution, mais l’État, les opérateurs et autres organismes concourant à un service public de l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale.

La modernisation de l’action publique (MAP) dans le cadre de laquelle le Gouvernement va lancer en 2013 plus de 40 évaluations partenariales de politiques publiques, en associant l’ensemble des acteurs publics et privés concernés, ainsi que le Parlement, s’inscrit dans cette démarche. Neuf évaluations supplémentaires seront d’ailleurs menées en 2014. La MAP se veut donc radicalement différente de la RGPP (Révision générale des politiques publiques) menée par le précédent Gouvernement, tant sur le périmètre couvert – l’ensemble des dépenses publiques, et pas seulement les dépenses de fonctionnement de l’État – que sur le plan méthodologique, à travers la démarche d’évaluation partenariale qu’elle propose. Ces évaluations partenariales permettront de rénover les objectifs associés à chacune des politiques publiques considérées et de viser à « faire mieux avec moins » en fonction des capacités contributives de chacun. Là encore, cela imposera au Gouvernement de procéder à des choix, après avoir été parfaitement éclairé à partir d’un diagnostic partagé, pour réduire autant que possible les inégalités dans notre pays et veiller à la préservation de notre modèle social.

Au-delà de ces choix destinés à restaurer les valeurs fondamentales de notre société, le Gouvernement prend les mesures indispensables au redressement de notre économie pour permettre le retour à une prospérité durable, face aux échecs de l’économie laissée à elle-même.

B.– ASSURER UNE PROSPÉRITÉ DURABLE EN AFFRONTANT LES DÉRÈGLEMENTS DU MARCHÉ

La croyance dans les effets spontanément bénéfiques du marché a en grande partie fondé les politiques économiques menées au cours des dernières années en France et dans les autres pays développés. Cette croyance veut que la main invisible du marché soit seule en mesure d’allouer au mieux les ressources au sein de l’économie et constitue la principale condition à la croissance économique. L’accroissement de richesse que cette approche de la politique économique est censée atteindre a justifié une extension généralisée du marché dans de nombreux champs d’activité – depuis la multiplication des privatisations jusqu’aux modalités de rémunération des fonctionnaires.

Or, non seulement l’extension généralisée du marché n’est pas une condition de la croissance économique – des pays comme la Suède ou le Danemark, dont les taux de dépenses publiques sont élevés, le prouvent – mais le marché dérégulé peut même s’avérer un obstacle à la prospérité. Les années récentes ont rappelé la validité d’une telle conclusion, que trois exemples peuvent illustrer.

En premier lieu, la crise économique et financière de 2008 est la conséquence, non pas d’un excès d’État dans le fonctionnement de l’économie, mais, au contraire, d’une trop grande liberté laissée aux différents acteurs du marché financier. Ceux-ci ont alimenté des bulles spéculatives, notamment sur le marché immobilier américain, en développant des produits financiers dont le risque n’était pas maîtrisé et en profitant des angles morts de la régulation. Celle-ci s’est révélée manifestement trop souple, en particulier s’agissant des banques, et a montré que les contraintes pesant sur les acteurs du système financier étaient trop légères.

Le Gouvernement et la majorité ont tiré les conséquences de la crise financière de 2008 en renforçant la réglementation applicable au secteur financier et, plus particulièrement, aux banques. Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires en cours de navette parlementaire complète la réglementation prudentielle adoptée au niveau européen par une réforme de structure, qui tend à distinguer les activités bancaires bénéficiant aux ménages et aux entreprises des activités dont le seul but est d’alimenter le système financier, sans aucun bénéfice pour l’économie réelle. Par ailleurs, ce même projet de loi prévoit que les autorités de régulation financières, comme le futur Haut conseil de stabilité financière, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ainsi que l’Autorité des marchés financiers (AMF), bénéficieront de moyens juridiques élargis pour identifier et réprimer les comportements qui mettent en péril le bon fonctionnement du système financier.

En deuxième lieu, les dérèglements du marché se traduisent par une incapacité à assurer la prospérité du pays à long terme en raison des dommages environnementaux irréversibles et de l’épuisement des ressources qu’ils entraînent. Le laisser-faire conduirait aujourd’hui à ce que la production d’énergie soit fondée en majeure partie sur la consommation d’énergies fossiles. Une telle évolution conduirait à une aggravation du réchauffement climatique et de la dépendance de la France envers les pays producteurs d’hydrocarbures.

Le Gouvernement et la majorité se sont donc engagés dans un soutien marqué à la transition énergétique. Une nouvelle fiscalité écologique devrait ainsi être instaurée à l’horizon de l’année 2015, à l’issue de débats approfondis. Par ailleurs, les dispositifs d’incitation fiscale à l’investissement locatif ont été recentrés sur les bâtiments les plus économes en énergie.

En troisième lieu, le marché dérégulé est incapable à lui seul d’assurer la prospérité du pays car il n’est pas en mesure d’anticiper quelles seront les activités qui feront la richesse de la prochaine génération, ni même d’accompagner dans le temps le financement de ces activités. L’expérience prouve que seule l’intervention de l’État permet d’orienter les ressources d’une nation vers les secteurs d’activité qui seront les plus porteurs à l’horizon d’une trentaine d’années. La France bénéficie aujourd’hui des investissements publics réalisés dans les années 1970 et 1980 dans l’aéronautique avec EADS, dans l’énergie avec EDF et Areva ou dans l’agro-alimentaire grâce au soutien accordé par la politique agricole commune. Les États-Unis bénéficient, quant à eux, d’une avance notable dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication en raison notamment des subventions et des commandes du ministère de la Défense, comme le prouve la création d’Internet.

C’est sur la base d’un tel constat que le Gouvernement et la majorité ont assigné à la Banque publique d’investissement qu’ils ont instituée une mission de soutien et d’accompagnement des secteurs d’avenir. La BPI devra en particulier pallier les défaillances des apporteurs de capitaux qui sont souvent incapables d’évaluer la valeur et a fortiori la rentabilité d’un projet économique de long terme. Cette nouvelle mission, qui pourra être financée sur les ressources du fonds d’épargne, devra faire de la BPI un organe d’accompagnement des activités qui soutiendront la croissance économique dans les années 2020 et 2030. La récente installation du conseil national de l’industrie devrait permettre d’identifier les filières industrielles les plus porteuses et ainsi d’organiser leur soutien par l’État.

Enfin, parce qu’il n’est de richesse que d’hommes, la persistance d’un chômage de masse, aggravé par la crise économique et financière de 2008, montre que, sans intervention de l’État, le libre jeu du marché ne permet pas de mobiliser l’ensemble des salariés qui souhaitent travailler et ne peut donc assurer le niveau de richesse qui serait atteint si leurs compétences et leur savoir-faire étaient pleinement utilisés.

Face à ce défi, le Gouvernement et la majorité ont eu non seulement recours aux outils traditionnels de la politique de l’emploi mais ils ont également instauré un dispositif novateur : le crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et l’emploi (CICE). L’objet du CICE est d’inciter financièrement les employeurs à développer l’emploi au profit des salariés qui souhaitent travailler sans le pouvoir. Plutôt que de recourir à une utilisation encore accrue du capital ou de quitter le territoire national, la production doit être d’abord assise sur la valeur de salariés dans lesquels la société a investi par le biais de la formation mais qui ne peuvent utiliser leurs talents au sein du processus productif. En visant les salaires allant du SMIC jusqu’à 2,5 SMIC, le champ des bénéficiaires du dispositif est large, depuis les travailleurs les moins qualifiés du secteur des services jusqu’aux ouvriers qualifiés et cadre intermédiaires du secteur industriel.

L’objet du CICE est également de rétablir les marges des entreprises afin de leur ouvrir des perspectives nouvelles de développement, d’innovation et d’investissement. Dans le contexte économique actuel, il doit permettre de modifier leurs anticipations et d’enclencher un cercle vertueux d’investissement et de croissance économique.

En définitive, l’expérience montre que la croyance dans le marché dérégulé comme principal vecteur de croissance économique est erronée. Ce constat, rappelé par la crise économique et financière de 2008, fonde la politique du Gouvernement et de la majorité de soutien à la croissance.

II.– LE PROGRAMME DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE
POUR LES ANNÉES 2013-2017

A.– LE CADRAGE MACROÉCONOMIQUE

1.– Le cadrage 2013-2014

Étant donné la stagnation de l’économie constatée en 2012 (0 % du PIB), le Gouvernement a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour 2013 et 2014 par rapport à celles retenues par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (4). Celles-ci passent donc de 0,8 % du PIB à 0,1 % du PIB en 2013 et de 2 % du PIB à 1,2 % du PIB en 2014.

En 2013, le scénario repose sur l’hypothèse d’une amélioration de l’environnement international de la zone euro, notamment aux États-Unis et au Japon, tandis qu’au sein de la zone euro, les tensions financières se dissiperaient progressivement, mais la croissance demeurerait pénalisée par le processus de réduction de l’endettement privé et la consolidation budgétaire en cours. Sur l’ensemble de l’année, la croissance française serait principalement tirée par la reprise des exportations compte tenu des mesures de soutien en faveur de l’export et des premiers effets du CICE. En outre, la courbe du chômage devrait s’inverser en fin d’année compte tenu des premiers effets des mesures en faveur de l’emploi et de l’ANI.

En 2014, la reprise commencerait à s’installer grâce au redressement de la demande mondiale adressée à la France et à la reprise des investissements des entreprises facilitée par la réforme du financement de l’économie (BPI, plan trésorerie, réforme bancaire nationale et union bancaire européenne) et avec l’appui de la montée en charge du CICE qui améliorera la compétitivité de l’économie française et les marges des entreprises. La consommation des ménages repartirait à la hausse sous l’effet d’une baisse du taux d’épargne, devenu particulièrement élevé fin 2012.

Le Rapporteur général observe que les prévisions de taux de croissance retenues par le Gouvernement sont, pour la première fois, strictement en ligne avec celles de la Commission européenne (5) bien que les fondamentaux sous-jacents ne soient pas les mêmes. La Commission européenne retient en effet une demande intérieure plus dynamique que celle prévue par le Gouvernement mais de moindres gains de compétitivité. En outre, les prévisions de la Commission européenne n’intègrent pas l’effet sur la croissance des mesures d’ajustement structurel proposé par le Gouvernement, lequel pourrait être négatif à court terme.

Le consensus des économistes est quant à lui plus pessimiste que le Gouvernement (– 0,1 % en 2013 et 0,7 % en 2014) alors que l’OCDE est légèrement plus optimiste tout en soulignant le risque d’aléas à la baisse en cas de réformes structurelles insuffisantes (0,1 % en 2012 et 1,3 % en 2014).

Le cadrage macroéconomique sur lequel repose le programme de stabilité est, par ailleurs, soumis pour la première fois à l’avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) (6), organe budgétaire indépendant, placé auprès de la Cour des comptes, et créé par la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Celui-ci a relevé qu’un certain nombre d’aléas sont susceptibles de différer la reprise et d’avoir un impact négatif pour les années 2013 et 2014 tant sur le plan de l’environnement international, que sur celui de l’évolution de la compétitivité de la France par rapport à ses partenaires, ou encore sur l’évolution à la baisse du taux d’épargne des ménages. À l’inverse, mais sans doute dans une moindre mesure, le HCFP estime que d’autres aléas pourraient jouer à la hausse comme une plus forte contribution des stocks à la croissance ou une dépréciation du taux de change effectif.

Le Rapporteur général se félicite de la création du HCFP qui permet de développer le débat sur le cadrage macroéconomique sous-tendant le programme de stabilité dans des conditions de discussion objectives et indépendantes. Il prend acte des aléas mis en évidence par le HCFP, et en particulier des aléas baissiers, mais considère que le Gouvernement se montre néanmoins prudent en choisissant d’aligner ses prévisions de croissance pour 2013 et 2014 sur celles de la Commission européenne tout en portant l’essentiel de l’effort de réduction du déficit structurel sur les dépenses dès 2014.

Les gouvernements précédents n’avaient pas manifesté une telle prudence. Dans son dernier rapport sur le programme de stabilité proposé par sa famille politique, M. Philippe Marini, alors Rapporteur général du budget au Sénat, dénonçait lui-même qu’entre 2002 et 2010, aucune programmation pluriannuelle n’avait jamais été respectée, compte tenu de prévisions de croissance trop optimistes, égales ou supérieures à 2,5 % par an en volume et d’un rythme de croissance des dépenses supérieur à 2 % par an en volume (7) (contre 0,5 % en moyenne dans le présent programme de stabilité).

Le Rapporteur général en conclut que les prévisions macroéconomiques du Gouvernement pour les années 2013 et 2014 sont réalistes, pour autant que les acteurs économiques, et en particulier les entreprises, se saisissent de l’ensemble des nouveaux outils créés par le Gouvernement depuis 10 mois pour soutenir l’activité économique, l’emploi et les exportations.

2.– Le cadrage budgétaire 2015-2017

Le scénario macroéconomique de moyen terme présenté par le Gouvernement ne diffère pas de celui présenté dans la loi de programmation en vigueur. L’hypothèse de croissance du PIB est ainsi de 2 % par an dès 2015, soit un chiffre légèrement supérieur à la croissance potentielle évaluée à 1,5 % en moyenne.

Ce scénario repose sur la poursuite du redressement des comptes publics, la baisse du taux d’épargne des ménages et une reprise de l’économie mondiale : les échanges extérieurs contribueraient positivement à la croissance, le chômage baisserait, améliorant la masse salariale privée, et le taux de marge des entreprises se redresserait davantage avec la fin de la montée en charge du CICE.

Le HCFP fait néanmoins valoir que le retour à un niveau de croissance supérieur à la croissance potentielle de la France dès 2015 est incertain et dépend essentiellement de la capacité de la France à réduire son déficit structurel et à relancer l’emploi privé.

Le Rapporteur général n’a quant à lui aucun doute sur la capacité de la France à résorber son déficit structurel pour parvenir à l’équilibre structurel en 2016. Si la conjoncture économique se dégradait sur le plan européen ou international du fait des aléas à la baisse mis en avant par le HCFP, la trajectoire d’assainissement structurel des comptes publics proposés par le Gouvernement n’en serait pas affectée. En revanche, le solde public conjoncturel pourrait être impacté négativement, dégradant le solde public nominal et la dette publique, comme en 2013.

Soucieux néanmoins de prendre la mesure de la vulnérabilité actuelle de nos finances publiques, le Rapporteur général propose donc de mesurer l’impact sur l’évolution du déficit public nominal et sur la dette publique, d’une révision à la baisse des prévisions de croissance, en se fondant sur la moyenne des estimations des principaux experts en macroéconomie pour 2013 (– 0,1 % du PIB) et 2014 (0,7 % du PIB) et d’une hypothèse de croissance égale à la croissance potentielle au-delà (soit 1,5 % en 2015 et 2016 puis 1,6 % en 2017).

Comme le montrent les graphiques ci-après, un tel scénario maintiendrait la France dans une procédure de déficit excessif jusqu’en 2015 car, toute chose égale par ailleurs, le déficit public nominal atteindrait 4 % en 2013 et serait encore supérieur à 3 % fin 2014 (3,3 % du PIB). Il faudrait donc, dans ce scénario, adopter des mesures de redressement supplémentaires à celles présentées dans le présent programme de stabilité afin de respecter l’engagement que négocie actuellement le Gouvernement auprès de la Commission européenne de repousser à 2014 la réduction du déficit nominal sous la limite des 3 %.

Il faut par ailleurs noter les conséquences sur la dette publique d’une croissance plus faible qu’anticipée. Si l’on s’en tient au scénario bas précité, la dette publique pourrait frôler 97 % du PIB en 2014 et baisser lentement pour atteindre 94 % fin 2017, en supposant les flux de créances constants dans les deux scénarii.

ÉVOLUTION PRÉVISIONNELLE DU DÉFICIT PUBLIC NOMINAL

(en % du PIB)

Source : PSTAB et calculs du rapporteur général.

ÉVOLUTION PRÉVISIONNELLE DE LA DETTE PUBLIQUE BRUTE

(en % du PIB)

Source : PSTAB et calculs du rapporteur général.

Il faut en revanche relativiser l’importance des prévisions de croissance de moyen terme sur le déficit public. En effet, quel que soit le scénario envisagé, la France sera sortie de la procédure de déficit excessif à laquelle elle est aujourd’hui soumise. La seule obligation qu’elle devra respecter, en vertu du TSCG, sera de poursuivre la réduction de son déficit structurel de 0,5 % par an jusqu’à atteindre l’équilibre en 2016 comme le prévoyait déjà la loi de programmation. Cela signifie qu’une dégradation du solde public nominal par rapport à la prévision en raison d’une croissance moindre n’imposera pas de prendre de mesures de redressement des comptes supplémentaires dès lors que ce solde reste inférieur à 3 % du PIB.

SYNTHÈSE DES HYPOTHÈSES RETENUES POUR LES DEUX SCÉNARII

Scénario du PSTAB

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PIB

2 033

2 066

2 126

2 206

2 289

2 375

en valeur

1,6 %

1,6 %

3,0 %

3,8 %

3,8 %

3,8 %

en volume

0,0 %

0,1 %

1,20 %

2,0 %

2,0 %

2,0 %

inflation

1,6 %

1,5 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

Recettes (a)

1 052

1 101

1 143

1 185

1 230

1 271

élasticité

1,1

0,9

0,9

1,0

1,0

1,0

Dépenses

1 150

1 178

1 205

1 231

1 258

1 285

évolution en volume

1,0 %

0,9 %

0,5 %

0,4 %

0,4 %

0,4 %

Solde APU

– 98

– 77

– 63

– 46

– 28

– 13

en % PIB

– 4,8 %

– 3,7 %

– 2,9 %

– 2 %

– 1,2 %

– 0,7 %

Dette (b)

1 834

1 933

2 005

2 050

2 076

2 095

en % PIB

90,2 %

93,6 %

94,3 %

92,9 %

90,7 %

88,2 %

             

Scénario bas

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PIB

2 033

2 061

2 112

2 181

2 251

2 327

en valeur

1,6 %

1,4 %

2,5 %

3,3 %

3,3 %

3,4 %

en volume

0,0 %

– 0,1 %

0,70 %

1,5 %

1,5 %

1,6 %

inflation

1,6 %

1,5 %

1,8 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

Recettes (a)

1 052

1 097

1 136

1 173

1 211

1 251

élasticité

1,1

0,9

0,9

1,0

1,0

1,0

Dépenses

1 151

1 179

1 205

1 231

1 258

1 285

évolution en volume

1,0 %

0,9 %

0,5 %

0,4 %

0,4 %

0,4 %

Solde APU notifié

– 98,2

– 82

– 70

– 59

– 47

– 33

en % PIB

– 4,8 %

– 4,0 %

– 3,3 %

– 2,7 %

– 2,1 %

– 1,4 %

Dette (b)

1 834

1 958

2 047

2 104

2 149

2 188

en % PIB

90,2 %

95,0 %

96,9 %

96,5 %

95,5 %

94,0 %

(a)Les recettes sont calculées en tenant compte de l’élasticité prévue par le programme de stabilité en intégrant les mesures nouvelles en recettes annoncées.

(b)Il est fait l’hypothèse d’un montant identiques de flux de créances dans les deux scénarii.

Source : Calculs du Rapporteur général à partir des hypothèses du PSTAB 2013-2017 appliquées aux données 2012 établies le 29 mars 2013 par l’INSEE.

À l’inverse, le Rapporteur général n’exclut pas non plus une amélioration de la prévision de la croissance de moyen terme. Rappelons notamment que la croissance française s’élevait avant la crise de 2008, à 2,5 % en 2006 et 2,3 % en 2007, de sorte que la capacité de rebond économique de la France est importante. Dans ce scénario favorable, la réduction du déficit public effectif serait plus rapide qu’anticipé et la dette publique inférieure aux prévisions retenues par le programme de stabilité, toute chose égale par ailleurs.

B.– LA TRAJECTOIRE DE SOLDE ET DE DETTE PUBLICS

1.– Le maintien de l’objectif d’équilibre structurel en 2016

a) Une conjoncture économique qui pèse sur la trajectoire de solde effectif

Les deux tableaux suivants indiquent les prévisions de solde public résultant de la loi de programmation des finances publiques en vigueur et du programme de stabilité proposé par le Gouvernement.

SOLDE PUBLIC EFFECTIF

(en % du PIB)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PSTAB 2013-2017

– 4,8

– 3,7

– 2,9

– 2

– 1,2

– 0,7

LPFP 2012-2017

– 4,5

– 3

– 2,2

– 1,3

– 0,6

– 0,3

SOLDE PUBLIC PAR SOUS-SECTEURS D’ADMINISTRATION PUBLIQUE

(en % du PIB)

PSTAB 2013–2017

2012

2013

2014

2015

2016

2017

APU

 4,8

 3,7

 2,9

 2,0

 1,2

 0,7

État

– 3,9

– 2,8

– 2,2

– 1,9

– 1,5

– 1,2

ODAC

– 0,1

– 0,1

– 0,1

0

0

0

APUL

– 0,2

– 0,2

0

0

0

0

ASSO

– 0,6

– 0,6

– 1

– 0,1

0,3

0,6

 

           

LPFP 2012–2017

2012

2013

2014

2015

2016

2017

APU

 4,5

 3,0

 2,2

 1,3

 0,6

 0,3

État

– 3,7

– 2,5

– 2,0

– 1,5

– 1,2

1

ODAC

– 0,1

– 0,2

– 0,2

0

0

– 0,1

APUL

– 0,1

– 0,1

0

0

0,1

0,1

ASSO

– 0,5

– 0,2

0

0,3

0,6

0,8

En 2012, le déficit public s’est établi à 4,8 % du PIB, en hausse de 0,3 % du PIB par rapport à la prévision faite par le Gouvernement. Cet écart s’expliquerait par deux éléments principaux.

D’une part, la recapitalisation de Dexia, à hauteur de 2,55 milliards d’euros, soit 0,1 % du PIB, a été considérée par Eurostat comme ne relevant pas d’un investissement avisé, la banque pouvant être assimilée à une structure de défaisance. En conséquence, cette dépense ponctuelle a dû être intégrée dans le calcul du solde public en 2012.

D’autre part, la dégradation de la conjoncture dans les derniers mois de l’année 2012 semble avoir été plus forte que prévu, entraînant des moins-values de recettes de l’ordre de 0,2 % du PIB par rapport à la prévision. Sur le budget de l’État, comme le ministre chargé du budget l’a exposé devant la commission des Finances le 23 janvier dernier et confirmé lors de l’audition du 16 avril dernier, les moins-values de recettes fiscales par rapport à la prévision faite dans la dernière loi de finances rectificative pour 2012 s’établissent à 1,7 milliard d’euros, en raison notamment d’un manque à gagner de 3,3 milliards d’euros de taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, la croissance de la masse salariale aurait été moindre qu’escompté, entraînant une moins-value de l’ordre de 0,1 % du PIB sur les recettes des administrations de sécurité sociale.

En 2013, le déficit effectif atteindrait 3,7 % du PIB.

L’écart entre la prévision initiale de 3 % du PIB et la prévision ainsi rectifiée à 3,7 % du PIB s’expliquerait notamment par les éléments suivants :

– la révision à la baisse de la croissance économique, qui amputerait mécaniquement les recettes d’environ 0,35 % du PIB ;

– un « effet base », à hauteur de 0,2 % du PIB, résultant, comme décrit plus haut, de recettes moins importantes que prévu en 2012 ;

– une élasticité des recettes à la croissance de 0,9, qui serait inférieure à la prévision fixée à 1, ce qui entraînerait un manque à gagner en recettes de l’ordre de 0,1 % du PIB.

En résumé, il semble que l’intégralité de la révision à la hausse de la prévision de déficit public pour 2013 soit due aux effets de la conjoncture économique dégradée.

Du fait de l’effet base décrit plus haut et de la plus grande sensibilité de leurs recettes à la conjoncture, le budget de l’État et la sécurité sociale devraient concentrer la plus grande partie de la détérioration du solde public. Le déficit de l’État atteindrait ainsi 2,2 % du PIB – contre 2 % prévu en loi de programmation – et celui de la sécurité sociale 0,5 % – contre 0 % prévu en loi de programmation.

En 2014, le déficit public atteindrait 2,9 % du PIB si le taux de croissance du PIB atteignait 1,2 % en volume. Cette réduction attendue de 0,8 % du PIB serait due à deux éléments contraires. D’une part, l’effort de réduction du déficit structurel atteindrait, comme décrit plus bas, 1 % du PIB. D’autre part, la croissance du PIB restant inférieure à son potentiel, il demeurerait un déficit conjoncturel de l’ordre de 0,2 % du PIB.

On peut noter que, si le taux de croissance du PIB s’élevait au niveau de la prévision actuelle du consensus des économistes, soit 0,7 %, le déficit public atteindrait, toutes choses égales par ailleurs, environ 3,1 % du PIB.

Enfin, à partir de 2015, le déficit public diminuerait progressivement pour atteindre 0,7 % du PIB en 2017. Cette diminution serait due à la poursuite de l’effort de réduction du déficit structurel – jusqu’en 2016 – et à une croissance du PIB supérieure à la croissance potentielle à partir de 2015, qui permettrait de réduire le déficit conjoncturel. Certes, le déficit effectif ne serait pas annulé en 2017. Toutefois, l’équilibre des finances publiques s’évalue au regard des fondamentaux des comptes publics, traduits par le déficit structurel qui serait nul dès 2016.

Cette amélioration du solde public serait notamment permise par la disparition, dès 2015, des déficits des organismes divers d’administration centrale (ODAC) et des collectivités territoriales. S’agissant des ODAC, une telle prévision semble supposer la disparition des investissements d’avenir, qui représentent une dépense annuelle de l’ordre de 0,1 % du PIB. L’évolution prévisionnelle du solde des collectivités territoriales s’inscrit dans le cycle électoral, les dépenses d’investissement augmentant généralement avant les élections avant de retomber en début de mandat.

b) L’accélération du rythme de réduction du déficit structurel

Les deux tableaux suivants illustrent les prévisions de solde structurel et d’effort structurel.

Rappelons que l’effort structurel correspond à la variation du solde structurel due à des mesures adoptées par les pouvoirs publics (8). L’effort en recettes est calculé sur la base du rendement net des mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires alors que l’effort en dépense est l’écart entre le niveau de dépense anticipé et le niveau de dépenses qui serait constaté si la dépense croissait au rythme de la croissance potentielle du PIB.

SOLDE PUBLIC STRUCTUREL

(en % du PIB potentiel)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PSTAB 2013-2017

– 3,7

– 2

– 1

– 0,5

0

0

LPFP 2012-2017

– 3,6

– 1,6

– 1,1

– 0,5

0

0

EFFORT STRUCTUREL

(en % du PIB potentiel)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PSTAB 2013-2017

Mesures PO

Effort en dépenses

1,3

1,1

0,2

1,9

1,5

0,4

1

0,3

0,6

0,6

0,0

0,7

0,5

0,0

0,5

0,3

– 0,2

0,5

LPFP 2012-2017

Mesures PO

Effort en dépenses

1,4

1,1

0,3

1,9

1,6

0,3

0,5

– 0,1

0,6

0,5

– 0,2

0,7

0,4

0,0

0,4

0,1

– 0,3

0,4

Le déficit structurel de 2013 serait supérieur de 0,4 % du PIB à la prévision de la loi de programmation.

Selon les informations transmises au Rapporteur général, cette révision en hausse ne serait pas due à un moindre effort structurel, qui s’établirait, comme prévu, à 1,9 % du PIB. Certes, la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2013 ainsi que le moindre rendement de la taxe sur les transactions financières contribueraient à diminuer d’un peu moins de 0,1 % du PIB l’effort en recettes. Toutefois, cet effet serait compensé par un effort en dépense légèrement supérieur à la prévision, du fait notamment de l’entrée en vigueur dès le 1er avril de la réforme des régimes complémentaires de vieillesse.

La révision à la hausse de la prévision de déficit structurel pour 2013 serait intégralement due à des éléments indépendants de l’effort structurel.

D’une part, la composante « non discrétionnaire » du solde structurel se dégraderait d’environ 0,2 % du PIB. Pour mémoire, le calcul du solde structurel nécessite de recourir à une estimation de l’élasticité des recettes à la croissance, qui permet d’évaluer la part conjoncturelle des surplus et plus-values fiscales. Cette élasticité est calculée sur la base des moyennes constatées par le passé et est supposée stable. Toutefois, comme en 2013, elle peut, sur une année, être inférieure à cette moyenne, ce qui implique des manques de recettes qui viennent dégrader le déficit structurel.

D’autre part, le déficit public pour 2011 a été revu à la hausse, de 5,2 % à 5,3 % du PIB, en raison d’une réévaluation des dépenses d’investissement des collectivités territoriales et des hôpitaux. Cette évolution, qui affecte mécaniquement le déficit structurel, se répercute, par « effet base », sur le déficit structurel des années suivantes.

Cet écart entre prévision initiale et possible exécution du solde structurel est inférieur à 0,5 % du PIB. S’il demeurait à ce niveau, il ne devrait donc pas conduire au déclenchement de la procédure de correction des écarts prévue par l’article 23 de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (9).

En 2014, le déficit structurel diminuerait de 1 % du PIB, soit un effort inférieur à ceux prévus pour 2012 – 1,4 % du PIB – et 2013 – 1,9 % du PIB. Il s’établirait à 1 % du PIB, soit un niveau inférieur à la prévision de 1,1 % du PIB faite en loi de programmation, ce qui permettrait d’éviter le déclenchement de la procédure de correction des écarts en dépit du « dérapage » qui serait constaté en 2013 (10).

Cet effort serait le double de celui prévu en loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement prouvant ainsi sa volonté de mener à bien l’assainissement budgétaire dans des délais accélérés.

Cet effort structurel de 1 % du PIB en 2014 serait réparti en :

– 0,7 % du PIB sur les dépenses, contre 0,6 % prévu en loi de programmation des finances publiques ;

– 0,3 % du PIB sur les recettes, contre – 0,1 % prévu en loi de programmation des finances publiques.

Comme prévu par la loi de programmation, l’effort structurel reposerait, à partir de 2015, exclusivement sur les dépenses et les prélèvements obligatoires seraient d’abord stabilisés puis en baisse en 2017.

2.– La trajectoire de dette publique brute

Compte tenu de la révision à la baisse du taux de croissance en 2012, 2013 et 2014 par rapport aux prévisions de la LPFP, l’écart au solde stabilisant la dette – c'est-à-dire l’écart par rapport au niveau de déficit permettant de commencer à réduire le stock de la dette publique – est beaucoup plus exigeant que celui retenu précédemment.

Il s’ensuit un creusement mécanique de la variation de dette publique auquel s’ajoutent des flux de créances plus importants que ceux anticipés dans la LPFP pour les années 2013 et 2014 du fait de la souscription au capital de la BEI en loi de finances initiale pour 2013 (1,6 milliard d’euros) et de la montée en puissance rapide du MES (6,5 milliards d’euros ont été décaissés en 2012 et 2013 sur un total de 16,3 milliards d’euros à verser jusqu’à la fin de l’année 2016).

COMPARAISON DE LA PRÉVISION DE DETTE BRUTE ENTRE LE PSTAB ET LA LPFP

(en % du PIB)

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

               

Ratio dette publique (LPFP)

86,0

89,9

91,3

90,5

88,5

85,8

82,9

               

Solde stabilisant la dette

 

– 1,7

– 2,3

– 3,3

– 3,3

– 3,2

– 3,1

Solde nominal

 

– 4,5

– 3

– 2,2

– 1,3

– 0,6

– 0,3

               

Écart au solde stabilisant la dette (A)

2,8

0,7

– 1,1

– 2

– 2,6

– 2,8

Flux de créance (B)

 

1,0

0,7

0,3

0

– 0,1

0

               

Variation ratio de dette (LPFP) (A+B) 

3,8

1,4

– 0,8

– 2

– 2,7

– 2,8


Source :
Rapport annexé à la LPFP pour les années 2012 à 2017 et calculs du Rapporteur général.

(en % du PIB)

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

               

Ratio dette publique (PSTAB)

85,8

90,2

93,6

94,3

93,0

90,8

88,2

               

Solde stabilisant la dette

 

– 1,4

– 1,5

– 2,7

– 3,4

– 3,3

– 3,3

Solde nominal

 

– 4,8

– 3,7

– 2,9

– 2

– 1,2

– 0,7

               

Écart au solde stabilisant la dette (A)

3,5

2,2

0,2

– 1,4

– 2,1

– 2,6

Flux de créance (B)

 

0,9

1,2

0,5

0

– 0,1

0

               

Variation ratio de dette (PSTAB) (A+B)

4,4

3,4

0,7

-1,4

– 2,2

– 2,6

Source : PSTAB 2013-2017 et calculs du Rapporteur général.

Il ressort également de ces tableaux que le pic de la dette publique devrait donc intervenir en 2014 (et non plus en 2013) tandis que le retour de la dette publique sous la barre des 90 % est repoussé à 2017 au lieu de 2015, sous réserve du respect des hypothèses de croissance retenues par le présent programme de stabilité.

Le Gouvernement anticipe qu’avec le retour à l’équilibre structurel en 2016 et, sous réserve d’une croissance aux alentours de 2 % en volume par an à compter de 2015, le ratio de dette publique diminuerait de 2 points par an en moyenne de sorte que le critère de dette fixé dans le volet correctif du Pacte de Stabilité et de Croissance européen (PSC).

Il faut en effet rappeler que le critère de dette, qui s’ajoute dorénavant au critère de déficit pour le déclenchement ou la sortie d’une procédure pour déficit excessif, vise à assurer un retour suffisamment rapide du ratio d’endettement vers le seuil des 60 % du PIB.

En application de l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui prévoit une surveillance du ratio de dette sur PIB lorsqu’il dépasse le seuil de 60 % « à moins que ce [ratio] ne diminue suffisamment et ne s'approche de la valeur de référence à un rythme satisfaisant », le règlement sur le volet correctif du Pacte modifié dans le cadre du « six-pack » prévoit une réduction à un rythme moyen d’un vingtième par an, sur trois ans, de l’écart du ratio de dette à 60 % (11).

Compte tenu du niveau de dette publique de la France prévu par le programme, une décrue moyenne de l’ordre de 1,5 point de PIB par an est requise pour respecter ce critère. En visant une réduction annuelle moyenne de la dette publique de 2 points de PIB entre 2014 et 2017, le programme de stabilité va donc bien au-delà de cette obligation.

En tout état de cause, pour les pays qui étaient en procédure de déficit excessif en novembre 2011, à l’instar de la France, il est prévu une période de transition de trois ans après la fin de la procédure en cours, durant laquelle le critère de dette ne s’appliquera pas, mais lors de laquelle ces pays doivent assurer des progrès suffisants permettant le respect de cette règle à la fin de la période de transition. Selon le programme de stabilité, pour la France, d’après les derniers calculs de la Commission, un ajustement structurel minimal de 0,2 point par an est requis à partir de 2014, avant que celle-ci soit obligée de respecter pleinement ce critère en 2017 (12).

Le Rapporteur général en déduit que, si le scénario bas présenté précédemment devait se réaliser et conduire à une augmentation de la dette publique, l’ajustement structurel du déficit public serait en tout état de cause supérieur à 0,2 point de PIB par an à partir de 2014 et ne remettrait donc pas en cause la capacité de la France à respecter ce critère avant 2017.

C.– L’ÉVOLUTION DES RECETTES ET DES DÉPENSES PUBLIQUES

1.– La place désormais réduite des prélèvements obligatoires dans l’effort de réduction du déficit public

a) Un effort structurel en recettes nettement inférieur à celui des années 2011 à 2013

Le tableau suivant indique les prévisions d’effort structurel en recettes, faites par la loi de programmation des finances publiques et par le programme de stabilité proposé par le Gouvernement. Rappelons que l’effort structurel en recettes correspond au produit net ou au coût net des mesures nouvelles prises en matière de prélèvements obligatoires.

EFFORT STRUCTUREL EN RECETTES

(en % du PIB)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PSTAB 2013-2017

1,1

1,6

0,3

0

0

– 0,2

LPFP 2012-2017

1,1

1,6

– 0,1

– 0,2

0

– 0,3

Le programme de stabilité proposé par le Gouvernement revoit à la hausse l’effort structurel en recettes pour 2014. En dépit de cette réévaluation, cet effort connaîtrait une diminution marquée par rapport aux années précédentes, en s’établissant à 0,3 % du PIB, après 0,8 % en 2011, 1,1 % en 2012 et 1,6 % en 2013.

Cet effort structurel pour 2014 se décompose en deux blocs principaux :

– les éléments intégrés dans la prévision faite en loi de programmation ;

– les éléments qui sont apparus postérieurement à l’adoption de cette loi et sont pris en compte par la nouvelle prévision du programme de stabilité proposé par le Gouvernement.

En premier lieu, la loi de programmation des finances publiques prévoyait, pour 2014, un effort structurel sur les prélèvements obligatoires négatif, de l’ordre de – 0,1 % du PIB. Cette première évaluation résultait de deux effets contraires.

Elle découlait, d’une part, du manque à gagner en recettes résultant du crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et l’emploi (CICE), dont le coût s’établira à 0,5 % du PIB en 2014 et serait partiellement compensé, à hauteur de 0,3 % du PIB, par les mesures prévues en matière de taxe sur la valeur ajoutée, soit, au total, un effort structurel négatif de – 0,2 % du PIB.

Elle résultait, d’autre part, de la montée en charge de diverses mesures fiscales, pour un produit net estimé à 2,5 milliards d’euros par le Gouvernement, soit 0,1 % du PIB. On peut mentionner notamment :

– la hausse des cotisations « vieillesse » dans le cadre de l’extension du bénéfice des départs anticipés pour carrières longues, pour environ 0,9 milliard d’euros ;

– la hausse de la contribution pour le service public de l’énergie (CSPE), pour un montant qui serait probablement de l’ordre du milliard d’euros ;

– le relèvement du taux de cotisation à la CNRACL pour un montant proche de 0,6 milliard d’euros ;

– l’accroissement de la contribution de solidarité pour l’autonomie acquittée par les retraités, pour environ 0,4 milliard d’euros.

Cette prévision intégrait, par ailleurs, le principe d’une compensation des manques à gagner attendus en 2014 du fait de la disparition du produit de plusieurs mesures fiscales prévues par la loi de finances pour 2013 et détaillées dans le tableau suivant.

MESURES FISCALES PRÉVUES EN LOI DE FINANCES POUR 2013
DONT L’INCIDENCE BUDGÉTAIRE DISPARAÎT EN 2014

(en % du PIB potentiel)

TOTAL

– 6,6

Disparition de la « petite rétroactivité » prévue par plusieurs mesures

– 3,2

dont « niche Copé »

– 1,4

dont déductibilité des charges financières

– 1,3

dont limitation de l’imputation des déficits antérieurs

– 0,5

Disparition de mesures de trésorerie temporaires

– 1,8

dont prélèvement sur les entreprises d’assurance

– 0,8

dont élargissement du cinquième acompte

– 1

Acompte sur l’impôt sur le revenu pour l’imposition des intérêts et dividendes

– 1,6

En second lieu, l’apparition, postérieurement à l’adoption de la loi de programmation, de deux éléments nouveaux conduit à mobiliser de manière non anticipée de nouvelles ressources.

D’une part, la loi de programmation des finances publiques ne prévoyait pas certains facteurs qui ont pour effet d’amoindrir les recettes publiques en 2014 et qu’il s’agit de compenser pour se conformer à la prévision de la LPFP.

La décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2013 entraînerait un manque à gagner évalué à – 0,5 milliard d’euros.

Le Gouvernement anticipe, par ailleurs, un moindre rendement de la taxe sur les transactions financières (TTF) par rapport à la prévision, pour un montant qui serait proche de 1 milliard d’euros – le produit de la taxe atteignant, sur cette base, de l’ordre de 0,6 milliard d’euros en 2013, contre une prévision initiale de 1,6 milliard d’euros. Cette réévaluation à la baisse tire les conséquences de l’exécution 2012, qui s’est conclue sur un produit de l’ordre de 200 millions d’euros, soit moins de la moitié de la prévision de 530 millions d’euros.

D’autre part, l’effort supplémentaire, par rapport à la prévision faite en loi de programmation, de réduction du déficit structurel implique de mobiliser soit un montant supplémentaire de mesures nouvelles pour environ 0,3 % du PIB, soit environ 6 à 7 milliards d’euros.

Si l’on peut regretter que la nécessité du désendettement public conduise à une nouvelle mobilisation des prélèvements obligatoires, il importe néanmoins de relativiser ce nouvel effort. Cette augmentation supplémentaire des prélèvements serait, en effet, la moins forte depuis l’année 2011. On peut d’ailleurs remarquer qu’en 2011, la précédente majorité avait adopté un ensemble de hausses d’impôts représentant 0,8 % du PIB, représentant près de trois fois l’effort prévu pour 2014.

Le Gouvernement a annoncé plusieurs pistes pouvant répondre à cette nécessité d’augmentation des ressources. Conformément à l’objectif de gel en valeur des dépenses fiscales, prévu par l’article 14 de la loi de programmation, des mesures de réduction des dépenses fiscales pourraient être adoptées. Dans l’hypothèse d’un strict respect de cet objectif, l’ampleur de ces mesures pourrait être de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros. Par ailleurs, selon les informations recueillies par le Rapporteur général, la réforme des régimes de retraites complémentaires conduirait à des ressources supplémentaires de l’ordre de 1 milliard d’euros en 2014. Enfin, les mesures de lutte contre la fraude devraient également permettre d’accroître les ressources publiques.

En définitive, il est possible que les textes financiers de l’automne doivent comporter des mesures nouvelles du fait de :

– la nécessité de compenser les mesures qui disparaissent en 2014 ;

– la nécessité de procéder à une nouvelle mobilisation des ressources pour permettre la réduction du déficit public et compenser les manques à gagner liés à la décision du Conseil constitutionnel et au moindre produit de la taxe sur les transactions financières.

Le tableau suivant récapitule les principaux éléments ayant une incidence sur l’effort structurel en recettes en 2014.

L’EFFORT STRUCTUREL EN RECETTES EN 2014

(en % du PIB)

Effort structurel en recettes

+ 0,3

Éléments intégrés dans la prévision faite en LPFP

 

dont CICE

– 0,5

dont disparition mesures LFI 2013

– 0,3

dont montée en charge diverses mesures en recettes

+ 0,1

dont compensation des mesures LFI 2013

+ 0,3

dont mesures TVA de financement du CICE

+ 0,3

Éléments nouveaux intégrés dans la prévision du PSTAB

 

dont compensation décision du Conseil constitutionnel et moindre produit TTF

+ 0,1

dont effort supplémentaire en recettes

+ 0,3

b) Le taux de prélèvements obligatoires en voie de stabilisation

Le tableau suivant compare les prévisions de taux de prélèvements obligatoires associées à la loi de programmation des finances publiques et au programme de stabilité proposé par le Gouvernement. Rappelons que la variation de ce taux résulte de l’effet combiné de l’effort structurel en recettes et de la surréaction ou de la sous-réaction des prélèvements à la croissance – traduites par la notion d’élasticité.

TAUX DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

(en % du PIB)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PSTAB 2013-2017

44,9

46,3

46,5

46,5

46,5

46,5

LPFP 2012-2017

44,9

46,3

46,3

46,2

46,2

45,9

Pour 2013, la prévision du taux de prélèvements obligatoires n’est pas modifiée et demeure de 46,3 %.

Cette stabilité masque plusieurs évolutions par rapport à la prévision.

En premier lieu, l’élasticité des prélèvements à la croissance, que la loi de programmation prévoyait unitaire, serait de 0,9. En d’autres termes, si le PIB progresse de 1,7 % en valeur en 2013, la croissance spontanée des prélèvements obligatoires serait limitée à environ 1,5 %. Il semble que ces moindres recettes s’expliqueraient notamment par un impôt sur les sociétés dont la croissance spontanée serait toujours nettement inférieure à celle du PIB, ce qui justifierait une révision à la baisse de son produit prévisionnel d’environ 2 milliards d’euros.

Cette élasticité inférieure à l’unité pourrait entraîner un manque à gagner de l’ordre de 0,1 % à 0,2 % du PIB.

En second lieu, du fait de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2013 et du moindre rendement de la taxe sur les transactions financières, le niveau des prélèvements obligatoires se révèlerait inférieur de 1,5 milliard d’euros par rapport à la prévision, soit un peu moins de 0,1 % du PIB.

Néanmoins, le taux de prélèvements obligatoires resterait stable par rapport à la prévision car les dépenses dues au titre des contentieux fiscaux – traitées en moindres recettes en comptabilité nationale – seraient moins importantes que prévu. Compte tenu de la complexité des dossiers et des risques élevés d’appels sur les décisions qui seront rendues, la dépense au titre du précompte mobilier serait, en effet, reportée à 2014 et 2015 – permettant une économie de l’ordre de 0,1 % du PIB en 2013.

En 2014, le taux de prélèvements obligatoires atteindrait 46,5 % du PIB.

Cette progression de 0,2 % du PIB serait due à l’effort structurel en recettes de 0,3 % du PIB, décrit plus haut, partiellement compensé, à hauteur de 0,1 % du PIB, par une sous-réaction des prélèvements à la croissance, traduite par l’hypothèse d’une élasticité inférieure à l’unité, à hauteur de 0,9. Celle-ci s’expliquerait par une progression de la masse salariale – prévue à 2,4 % – inférieure à celle du PIB en valeur – prévue à 3 % –, ce qui est habituel en phase de reprise de l’activité – ce moindre dynamisme permettant de compenser la baisse de la productivité du travail constatée au moment du ralentissement de l’activité.

À noter également que la dépense au titre des contentieux – traitée en moindre recette en comptabilité nationale – atteindrait 2,7 milliards d’euros en 2014, soit 1 milliard d’euros de plus que prévu en loi de programmation. Le tableau suivant indique les prévisions de dépenses au titre de ces contentieux, prévues par la loi de programmation et par le programme de stabilité proposé par le Gouvernement. Rappelons que la dépense est comptabilisée, en comptabilité nationale, quand la décision de justice devient définitive, ce qui ne correspond pas nécessairement au moment du décaissement, qui est en revanche pris en compte en comptabilité budgétaire.

DÉPENSES AU TITRE DES CONTENTIEUX FISCAUX EN COMPTABILITÉ NATIONALE

(en % du PIB)

PSTAB 2013-2017

2012

2013

2014

2015

TOTAL

0

– 2,8

– 2,7

– 2,8

Précompte mobilier

0

0

– 1

– 1

OPCVM

0

– 1,5

– 1,8

– 1,8

Communications électroniques

0

– 1,3

0

0

 

 

 

 

 

LPFP 2012-2017

2012

2013

2014

2015

TOTAL

– 1,7

– 4,85

– 1,75

0

Précompte mobilier

– 0,2

– 1,8

0

0

OPCVM

– 1,5

– 1,75

– 1,75

0

Communications électroniques

0

– 1,3

0

0

2.– Les dépenses

a) L’effort structurel en dépenses 

Le tableau suivant présente les prévisions d’effort structurel en dépenses, faites par la loi de programmation des finances publiques et par le programme de stabilité proposé par le Gouvernement.

EFFORT STRUCTUREL PRÉVU PAR LE PSTAB ET LA LPFP

(en % du PIB)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PSTAB 2013-2017

0,2

0,4

0,7

0,6

0,5

0,5

LPFP 2012-2017

0,3

0,3

0,6

0,7

0,4

0,4

Écart PSTAB/LPFP

– 0,1

+ 0,1

+ 0,1

+ 0,1

+ 0,1

+ 0,1

L’effort structurel en dépense est mesuré par l’écart entre le montant constaté de la dépense publique et le montant qui aurait été constaté si celle-ci avait crû au rythme de la croissance potentielle. Le calcul de l’effort structurel en dépense dépend donc en partie de l’hypothèse de croissance potentielle. Toutefois, celle-ci n’a pas été modifiée entre la LPFP et le programme de stabilité.

● Le Rapporteur général constate tout d’abord que l’effort structurel prévu pour 2012 a été révisé à la baisse de 0,1 point de PIB dans le programme de stabilité. Ceci s’explique par la nécessité de tenir compte des résultats de l’exécution 2012 présentés par l’INSEE le 29 mars 2013. Or ces résultats démontrent un dérapage de la dépense locale par rapport à la prévision de 0,1 point de PIB tandis que les dépenses de l’État, hors dépenses exceptionnelles, et les dépenses sociales sont en ligne avec la prévision.

● L’effort structurel prévu pour 2013 est quant à lui révisé à la hausse passant de 0,3 à 0,4 point de PIB. Pour autant, ce résultat mérite d’être affiné. D’une part, la prévision de la LPFP était égale à 0,34 point de PIB mais avait été arrondie à 0,3 point de PIB. D’autre part, par rapport à la LPFP, les mesures d’économies sur la dépense non anticipées sont peu nombreuses et s’élèveraient à 0,04 point de PIB maximum, faisant passer l’effort structurel de 0,34 point de PIB à 0,38 point de PIB, arrondi à une décimale à 0,4 point de PIB. Sont ici visés :

– les effets de la mise en œuvre de l’accord auquel sont parvenus les partenaires sociaux le 13 mars 2013 concernant les régimes de retraite complémentaires des salariés et des cadres du secteur privé (Arrco-Agirc). La moindre indexation à l’inflation des retraites complémentaires à compter du 1er avril 2013 pourrait représenter une économie d’environ 300 millions d’euros cette année (contre environ un milliard d’euros en année pleine).

– l’économie sur les dépenses indexées résultant de la révision à la baisse de la prévision d’inflation par rapport à la LPFP : l’indice des prix à la consommation hors tabac en 2013 est en effet ramené de 1,75 % à 1,3 % dans le programme de stabilité.

● À compter de 2014, l’effort structurel en dépense est renforcé par rapport à la LPFP de 0,1 point de PIB par an, soit 2 milliards d’euros d’économies supplémentaires par rapport aux prévisions retenues par la LPFP pour chaque année considérée. En 2014, l’effort structurel reposerait donc à 70 % sur des économies en dépenses, à hauteur de 0,7 point de PIB, et à 30 % sur des recettes supplémentaires tandis qu’à partir de 2015, la réduction du déficit structurel reposerait exclusivement sur des économies en dépenses.

En 2014, l’ajustement structurel en dépense s’élèverait à 0,7 point de PIB, soit une économie supérieure à 14 milliards d’euros par rapport au montant qui aurait été constaté si la dépense publique avait crû au rythme de la croissance potentielle (estimée à 1,5 %).

La répartition de l’effort en dépense en 2014 pèserait pour environ la moitié sur l’État et ses opérateurs (7,5 milliards d’euros) et pour l’autre partie sur les administrations de sécurité sociale (5 milliards d’euros) et les collectivités territoriales (1,5 milliard d’euros).

S’agissant des dépenses de l’État et des organismes divers d’administration centrale, le programme de stabilité prévoit d’accélérer la baisse en volume de ces dépenses engagées en 2013 : celles-ci baisseraient de – 0,4 % à – 0,5 % en 2014.

Rappelons que le respect de la norme « zéro valeur » impose, selon la Cour des comptes, de réaliser 6 milliards d’euros d’économies par rapport à leur évolution tendancielle au sein du budget de l’État chaque année. L’exécution 2011 et 2012 montre que cet objectif est atteignable, puisque pour ces deux années, les dépenses de l’État, hors dette et pensions et hors mesures exceptionnelles, se sont avérées inférieures à la cible. Par ailleurs, l’annonce d’une économie supplémentaire de 1,5 milliard d’euros en 2014, dont la moitié pèserait sur l’État et ses opérateurs, garantit que, si l’on y parvient, les dépenses de l’État baisseront encore davantage qu’en 2013 en valeur et en volume.

Néanmoins, comme cela a été souligné précédemment, le respect de cet objectif et le financement des priorités du Gouvernement imposent de trouver des économies supplémentaires au sein du budget de l’État. Pour ce faire, le Gouvernement a lancé un vaste chantier d’évaluation des politiques publiques dans le cadre de la modernisation de l’action publique (MAP), soumis au contrôle du Parlement. Celles-ci pourraient permettre de dégager des marges de manœuvre budgétaires dès 2014, notamment par le biais de la simplification et du recentrage des aides aux entreprises et de la refondation des dépenses de formation professionnelle dont la faible efficacité a été dénoncée dans le rapport annuel de la Cour des comptes pour l’année 2012. En outre, la mise en œuvre des programmes ministériels de modernisation et de simplification devrait contribuer à la rationalisation de l’organisation et du fonctionnement des ministères et de leurs opérateurs et dégager des gains d’efficacité. Ces programmes étant en cours d’élaboration, il n’est pas possible d’en chiffrer les impacts dès maintenant.

D’après les informations transmises au Rapporteur général, le Gouvernement anticipe par ailleurs une légère économie sur la charge de la dette en 2014 par rapport au scénario de remontée des taux d’intérêts retenu dans la LPFP. Cette économie pourrait être de l’ordre de 0,5 milliard d’euros. Dans cette hypothèse, et sous réserve de dépenses de pensions conformes à la prévision, les dépenses de l’État, sous la norme en volume, seraient en baisse, puisque le Gouvernement s’est engagé à répercuter intégralement sur la réduction du déficit toute économie réalisée sur la charge de la dette.

S’agissant des dépenses des administrations de sécurité sociale, qui incluent notamment les dépenses des quatre branches de la sécurité sociale (vieillesse, maladie, famille, accident du travail et maladies professionnelles) ainsi que les dépenses d’indemnisation du chômage, le programme de stabilité prévoit de diviser par deux le rythme de progression en volume de ces dépenses. Celles-ci croîtraient ainsi de 0,8 % en volume en 2014 contre 1,8 % en 2013.

Pour justifier cette prévision, le Gouvernement fait valoir que les dépenses d’indemnisation du chômage devraient décélérer en raison de la montée en puissance des différentes mesures de soutien en faveur de l’emploi décrites en première partie du présent rapport. De plus, si l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) prévu pour 2014 augmente de + 2,5 % à + 2,6 %, cette hausse permettra néanmoins d’atteindre l’objectif d’économie de trois milliards d’euros par rapport à son évolution tendancielle. Cette cible est par ailleurs atteignable dès lors que l’exécution 2011 et 2012 montre une sous-exécution par rapport à la prévision alors même que l’ONDAM était plus faible (+ 2,4 % en 2012). Pour 2013, le comité d’alerte de l’ONDAM estime qu’une économie par rapport à la prévision est encore envisageable compte tenu de l’effet de base 2012 favorable. Enfin, le Gouvernement anticipe une baisse en valeur des dépenses vieillesse et famille compte tenu des réformes en préparation pour engager le rééquilibrage de ces deux branches à moyen terme : des économies d’un milliard d’euros sur les prestations familiales et sur les retraites complémentaires sont d’ores et déjà documentées pour 2014 même si le Parlement ne s’est pas encore emparé de ces sujets.

S’agissant enfin de l’évolution des dépenses locales, le Rapporteur général observe l’objectif ambitieux affiché par le programme de stabilité qui prévoit une forte baisse du rythme de leur progression, lequel passerait de + 1,3 % en volume en 2013 à + 0,2 % en 2014. Deux raisons justifieraient cette évolution : d’une part, un effort supplémentaire de 750 millions d’euros par rapport à l’objectif affiché en LPFP, portant à 1,5 milliard d’euros en valeur la baisse des concours de l’État aux collectivités territoriales ; d’autre part, le cycle de la dépense en fonction du calendrier électoral conduirait à une réduction sensible des dépenses d’investissement local en 2014 compte tenu des élections municipales.

Le Rapporteur général estime que l’effort supplémentaire demandé aux collectivités territoriales en 2014 devrait certes les conduire à restreindre leurs dépenses mais dans une proportion peu significative par rapport à la progression en volume de leurs dépenses. Rappelons que les dépenses locales s’élèvent à plus de 240 milliards d’euros en 2012.

En revanche, le Rapporteur général constate que, par le passé, les années pré-électorales ont effectivement été généralement marquées par une forte baisse du rythme de progression de la dépense locale : ainsi, entre 2007 et 2008, la croissance en volume des dépenses des APUL est passée de 4,7 % à 1,9 % ; de même, entre 2000 et 2001, celle-ci est passée de 5,7 % à 0,4 % (13).

● Pour les années 2015 à 2017, le programme de stabilité prévoit un rythme de croissance des dépenses publiques de 0,4 % en volume en moyenne, comme en 2014. Le Gouvernement envisage durablement de diviser par deux la croissance de la dépense publique par rapport aux années 2012 et 2013.

Cela s’explique par le choix du Gouvernement de faire peser sur les seules dépenses l’effort d’ajustement structurel prévu pour 2015 (0,7 point de PIB), 2016 et 2017 (0,5 point de PIB). Ce choix est cohérent avec la politique d’ensemble du Gouvernement menée depuis mai 2012, consistant à privilégier à court terme les hausses d’impôts avant de faire peser l’effort à moyen terme sur les dépenses. Ce choix s’explique par le fait que les augmentations d’impôts sont moins récessives à court terme que les « coupes sèches » dans les dépenses, mais qu’à moyen terme, seules des réformes structurelles d’envergure permettent de réduire durablement le déficit structurel et la dette publique.

Concrètement, cela signifie qu’il faudra réitérer en 2015 l’effort en dépense réalisé en 2014 d’environ 14 milliards d’euros d’économies par rapport à la tendance. Cela est possible grâce au maintien des différentes normes de dépenses prévues par la LPFP, au doublement de l’effort demandé aux collectivités en 2015 (– 3 milliards d’euros par rapport à 2013) et à la poursuite de réformes structurelles, après évaluation et négociation dans le cadre de la MAP. En outre, les réformes engagées sur les prestations familiales ou la retraite devraient monter en charge d’ici 2015.

Enfin, pour 2016 et 2017, le programme de stabilité prévoit de réduire l’effort en dépense par rapport aux deux années précédentes. Avec le retour à l’équilibre structurel en 2016 et la poursuite d’une bonne maîtrise de la dépense publique, le Gouvernement sera ainsi en mesure de proposer des réductions d’impôts afin de revenir au niveau du taux de prélèvements obligatoires prévu pour 2013, soit 46,3 % du PIB.

b) L’évolution du taux de dépenses publiques

Le tableau suivant compare les prévisions de taux de dépenses publiques associées à la loi de programmation des finances publiques et au programme de stabilité proposé par le Gouvernement.

Rappelons que la variation de ce taux résulte de l’effet combiné de l’effort structurel en dépense et de l’évolution de la croissance et de l’inflation, car une partie des dépenses publiques sont indexées tandis que d’autres ne le sont pas.

TAUX DE DÉPENSES PUBLIQUES

(en % du PIB)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

PSTAB 2013-2017

56,6

56,9

56,4

55,5

54,7

53,9

LPFP 2012-2017

56,3

56,3

55,4

54,4

53,7

53,1

Écart PSTAB/LPFP

+ 0,3

+ 0,6

+ 1

+ 1,1

+ 1

+ 0,8

Compte tenu de la dégradation de la conjoncture par rapport aux prévisions de la LPFP (révision à la baisse de la croissance et du taux d’inflation (14)), le ratio dépenses publiques sur PIB se dégrade mécaniquement en 2012 et 2013, provoquant un effet base défavorable de + 0,9 point de PIB sur la période 2014-2017.

Si le taux de dépenses publiques 2013 (56,9 %) constitue certes un maximum historique, le Rapporteur général observe qu’en valeur les dépenses publiques sont stables par rapport à la prévision de la LPFP : prévues à 1 181 milliards d’euros en LPFP, elles sont réévaluées à 1 179 milliards d’euros dans le programme de stabilité.

À compter de 2014, le taux de dépenses publiques devrait baisser sous l’effet de l’ajustement structurel des finances publiques très majoritairement concentré sur la dépense. Ainsi, en 2014, le taux de dépenses publiques baisserait de 0,5 point de PIB pour s’établir à 56,4 % du PIB puis décroîtrait régulièrement d’environ 0,8 point de PIB chaque année pour atteindre 53,9 % du PIB en 2017.

Au total, la dépense publique reculerait de 3 points de PIB entre 2013 et 2017, ce qui n’est pas arrivé dans l’histoire des finances publiques depuis 1978 au moins (15).

*

* *

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES, PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES, SUR L’AVIS DU HAUT CONSEIL RELATIF AUX PRÉVISIONS MACROÉCONOMIQUES ASSOCIÉES AU PROJET DE PROGRAMME DE STABILITÉ POUR LES ANNÉES 2013 À 2017

Au cours de sa séance du mardi 16 avril 2013, la Commission entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques, sur l’avis du Haut Conseil relatif aux prévisions macroéconomiques associées au projet de programme de stabilité pour les années 2013 à 2017.

Mme Valérie Rabault, Présidente. Mes chers collègues, nous accueillons maintenant M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, en sa qualité de président du Haut Conseil des Finances publiques, organisme indépendant créé par la loi organique relative à la programmation et la gouvernance des finances publiques du 17 décembre 2012.

Le Haut Conseil a notamment pour fonction d’éclairer le Parlement et le Gouvernement sur la fiabilité des prévisions macroéconomiques associées aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale, aux lois de programmation et au programme de stabilité et de croissance.

Je rappelle que notre Commission a auditionné, en mars dernier, les deux personnalités désignées par le président de l’Assemblée nationale et par le président de la commission des Finances pour siéger au Haut Conseil – M. Jean Pisani-Ferry et Mme Marguerite Bérard-Andrieu –, que ce Conseil s’est réuni pour la première fois le 21 mars dernier et qu’il a été immédiatement mis à contribution pour donner un avis sur les prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité et de croissance.

Je donne la parole à M. Didier Migaud afin qu’il nous éclaire sur la façon dont le Haut Conseil a travaillé et sur l’avis qu’il vient de donner et qui est public.

M. Didier Migaud, Président du Haut Conseil des Finances publiques. Merci Mme la Présidente. Monsieur le Rapporteur général, Mesdames et Messieurs les députés, je suis heureux d’intervenir devant vous, pour la première fois en tant que Président du Haut Conseil des Finances publiques. Comme vous l’avez rappelé, Mme la Présidente, cet organisme crée par la loi organique du 17 décembre 2012 et placé auprès de la Cour des comptes, a vocation à éclairer les décideurs publics, en particulier le législateur, sur les décisions qui engagent nos finances publiques. Le Haut Conseil est un organisme consultatif composé d’experts en macroéconomie et en finances publiques, et s’exprime par des avis qui laissent naturellement toute leur marge de décision aux représentants du suffrage universel que vous êtes. La mise en place du Haut Conseil des Finances publiques s’est faite dans un délai très court. 4 mois seulement se sont écoulés entre la promulgation de la loi organique et la parution du premier avis. Ces délais ont pu être tenus grâce à l’appui de la Cour des comptes, et je signale que le Haut Conseil sera bientôt doté d’un site internet dédié. Avant de répondre à vos questions, je souhaiterais apporter quelques précisions sur ce nouvel organisme et sur les méthodes qu’il emploie pour élaborer ses avis.

La nomination des dix membres qui forment, avec son président, le Haut Conseil est intervenue après un tirage au sort prévu par la loi, permettant d’assurer le respect de la parité. Ces formalités sont l’application du décret du 18 février. Le Haut Conseil des Finances publiques a tenu sa première réunion le 21 mars au cours de laquelle il a élaboré et adopté son règlement intérieur. Celui-ci comporte un volet déontologique, prévoyant la publication des déclarations d’intérêts des membres du Conseil, et formule de strictes règles de confidentialité, permettant de travailler en toute confiance avec l’Administration. Le Haut Conseil repose sur une réflexion collégiale et s’appuie sur un secrétariat composé d’un économiste en chef – Jean-Philippe Cotis, conseiller maître à la Cour des comptes, ancien directeur général de l’INSEE et ancien économiste en chef de l’OCDE –, assisté deux magistrats, MM. Philippe Ravalet et Boris Melmoux-Eude, ainsi que M. Simon Bertoux. Cette équipe sera prochainement élargie avec l’arrivée de nouvelles compétences issues d’horizons divers. Je précise que les dépenses de fonctionnement du Haut Conseil sont prélevées sur le budget de la Cour des comptes. La création de cette structure ne pèse donc pas sur les finances publiques.

Le 8 avril, le Haut Conseil a été saisi de sa première demande d’avis par le Gouvernement. J’insiste sur le champ couvert par cet avis : il ne porte que sur les prévisions marco-économiques, sur lesquelles repose le projet de programme de stabilité. Il ne porte pas, conformément à la loi organique, sur la trajectoire des finances publiques. En revanche, à l’occasion des avis sur projet de loi de Règlement en mai, et sur le projet de loi de finances en septembre, le Haut Conseil des Finances publiques se prononcera sur le respect de la trajectoire de solde structurel. Bien que complété par des réponses écrites et orales, obtenues lors d’auditions des représentants des administrations, le Haut Conseil a estimé, lors de sa séance du 10 avril, que les informations dont il disposait étaient incomplètes. En particulier, l’absence de données suffisantes sur la trajectoire des finances publiques retenue par le Gouvernement ne permet pas d’apprécier la contribution des finances publiques à l’évolution de la croissance. Des éléments succincts ont été fournis par la suite, mais nous souhaiterions qu’à l’avenir, les délais dont nous disposons soient élargis, et que des informations complètes nous soient délivrées au plus vite.

Le Haut Conseil n’est pas un organisme de prévisions. Il fonde ses analyses sur les statistiques disponibles, sur les travaux des organismes français et internationaux d’études et de prévisions économiques, ainsi que sur les informations transmises par le Gouvernement. Pour élaborer son avis, il a procédé à l’audition des responsables des administrations compétentes – Trésor, Direction du budget, mais également d’organismes externes de prévisions et d’études économiques – la Banque de France, l'OCDE et l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Il ne revient pas au Haut Conseil de valider ou d’invalider les prévisions du Gouvernement. Selon la loi organique, le Haut Conseil rend un avis, indépendant, qui doit permettre d’apprécier le réalisme du scénario présenté, et les risques qui l’entourent.

J’en viens maintenant au contenu de cet avis. À court terme, le Gouvernement retient une hypothèse de croissance de 0,1 % en 2013. Cette prévision repose principalement sur un scénario d’amélioration progressive de l’environnement international, hors zone euro. Pour 2014, un ralentissement de la consolidation budgétaire en zone euro, et une accélération de la demande mondiale adressée à la France, conduisent le Gouvernement à retenir une hypothèse à 1,2 % de croissance. Le Haut Conseil des Finances publiques a identifié les principaux facteurs de risque qui viendraient nuancer à la baisse ce scénario. Je citerai les trois principaux, mais d’autres sont rappelés dans l’avis.

L’environnement international pourrait être globalement moins porteur. En effet, les tensions pourraient persister au sein de la zone euro ; et la reprise des exportations françaises est conditionnée par le redémarrage de ces économies, notamment celles du Sud.

En dépit des mesures récemment adoptées, comme le CICE, la compétitivité des entreprises françaises pourrait se rétablir moins rapidement qu’annoncé.

La consommation des ménages et l’investissement des entreprises pourraient être plus faibles qu’anticipé, compte tenu d’un contexte d’incertitude persistant. La baisse attendue du taux d’épargne pourrait être contrariée par des facteurs jouant en sens inverse, comme les craintes liées à l’augmentation du chômage et la perspective de nouvelles hausses des prélèvements obligatoires en 2014.

Au total, le Haut Conseil n’exclut pas un léger recul du PIB en 2013, et une croissance sensiblement inférieure à 1,2 % en 2014.

Vous aurez certainement remarqué que le Gouvernement a retenu des taux de croissance identiques à ceux publiés par la Commission européenne fin février 2013. Mais cette similitude n’est qu’apparente et masque en réalité des scénarios très différents. Pour le Gouvernement, les effets de l’ajustement budgétaire sur la croissance seraient contrebalancés par des mesures nouvelles en faveur de la compétitivité des entreprises. Un tel enchaînement paraît optimiste.

J’en viens à présent aux prévisions de moyen terme annoncées par le Gouvernement. Celles-ci sont bâties sur deux hypothèses. La première concerne la croissance potentielle, c'est-à-dire la mesure de la capacité de l’économie française à croître de manière soutenable sans tension sur les prix. Le Gouvernement l’estime à 1,5 point de PIB. La seconde hypothèse revient à situer la croissance effective par rapport à ce potentiel, et le Gouvernement suppose que, dès 2015, la croissance deviendra supérieure à ce potentiel. Il la situe à 2 %. Cette prévision est pour le Haut Conseil incertaine. Sur le rythme de la croissance potentielle tout d’abord, les nombreuses disparitions d’entreprises et le maintien à un niveau élevé d’un chômage de longue durée pourraient freiner le retour de la croissance potentielle. Sur la seconde hypothèse, le Haut Conseil identifie plusieurs facteurs pouvant retarder le redressement de la croissance : un rétablissement plus tardif de la compétitivité des entreprises et un comportement plus prudent des ménages épargnants. C’est pourquoi le Haut Conseil estime que la croissance pourrait ne pas dépasser son rythme potentiel aussi rapidement qu’envisagé, sans toutefois que cette perspective de 2 % de croissance ne soit irréaliste au-delà de 2015.

En conclusion, le Haut Conseil des Finances publiques constate que les nouvelles règles européennes adoptées en 2011 n’ont pas substantiellement modifié les conditions dans lesquelles le Gouvernement prépare et présente le programme de stabilité. Il note également que, dans les plans précédents, les prévisions de croissance à court ou moyen terme, ont été systématiquement affectées d’un biais optimiste. Le Haut Conseil estime enfin que les développements macroéconomiques gagneraient à être enrichis afin d’améliorer l’information du Parlement et la qualité du débat public. Si vous le souhaitez, je pourrai revenir sur ces questions.

Voilà Mme la Présidente, M. le Rapporteur général, Mesdames et Messieurs les députés, les quelques observations que je souhaitais formuler à partir de cet avis écrit, qui seul nous engage bien sûr.

Mme Valérie Rabault, Présidente. Merci beaucoup M. le Président. Je laisse à présent la parole à Monsieur le Rapporteur général.

M. Christian Eckert, Rapporteur général. Merci Mme la Présidente. M. le Président, vous avez évoqué les hypothèses de croissance retenues, et c’est d’ailleurs l’un des principaux points sur lesquels un avis vous est demandé. J’aimerais savoir si vous aviez pris connaissance des dernières évaluations du FMI qui, semble-t-il, réévaluent ces prévisions.

Par ailleurs, vous insistez sur la continuité des programmes de stabilité, les uns succédant aux autres. Cependant, pour la première fois, le scénario du Gouvernement pour 2013 et 2014 est strictement aligné sur les hypothèses fournies par la Commission européenne.

Troisième point, vous émettez de nombreuses réserves sur l’impact du CICE sur l’activité économique et la croissance. Or ce dispositif représente, en volume en tout cas, un élément important du dispositif de relance par l’allègement des charges des entreprises. Pourriez-vous nous expliciter les points qui justifient vos incertitudes ?

Dernière question, à propos de vos interrogations sur le taux d’épargne des ménages. Actuellement, ce taux est très élevé, environ 16 % du revenu disponible brut. Il aurait donc naturellement vocation à diminuer, ce qui soutiendrait la consommation et la croissance. Or vous abordez ce point sous un angle psychologique, évoquant les incertitudes économiques qui pourraient décourager les ménages à utiliser cette part d’épargne.

Voilà les quelques remarques et questions, M. le Président, que me suggérait votre avis.

Mme Valérie Rabault, Présidente. Merci Monsieur le Rapporteur général. Suite à cette intervention, j’aurais également une question. Vous avez insisté, M. le Président, sur le champ couvert par votre avis, à savoir l’analyse des prévisions de croissance du Gouvernement. Or, la croissance peut être définie comme une hypothèse, mais elle est également le résultat d’une politique. Dans les scénarios que vous avez étudiés, disposez-vous d’une matrice qui permettrait d’obtenir un lien entre la prévision de croissance et le déficit structurel ou nominal ? Dans le temps, très court j’en conviens, qui vous a été imparti, cette analyse a-t-elle été menée ?

M. Didier Migaud. Je vous remercie. Pour répondre tout d’abord à la question de Monsieur le Rapporteur général portant sur les dernières estimations du FMI, nous n’en avons pas pris connaissance officiellement. Lors de son audition, le Trésor les avait effectivement évoquées, mais les chiffres exacts ne sont parus que ce matin. Ces chiffres sont pessimistes pour la croissance 2013, estimée à – 0,1 %, tandis que la prévision de croissance pour 2014 est de 0,9 %. Ces estimations sont assez proches des autres instituts de conjoncture. L’OCDE, dont nous avons rencontré les responsables, devrait en effet corriger à la baisse ses prévisions. Et l’OFCE est encore plus pessimiste sur les hypothèses 2013 et 2014.

Les programmes de stabilité présentés par la France ont toujours pêché par optimisme, quels que soient les gouvernements et les majorités. Ce biais est une constante. Il est vrai que l’actuel gouvernement a, cette fois, fractionné la prévision en deux périodes : 2013-2014 d’une part, 2015-2017 d’autre part.

S’il y a une similitude apparente entre les taux retenus, ils ne recouvrent pas les mêmes scénarios. Le Haut Conseil a réalisé une évaluation des risques pour 2013 et 2014, prenant en considération aussi bien ceux pouvant conduire à la baisse que les tendances haussières. Les risques à la baisse apparaissent plus importants. C’est pour cela que nous avons exprimé une interrogation sur les hypothèses de croissance retenues par le gouvernement.

L’impact du CICE peut être réel et nous le soulignons dans l’avis, mais il est difficile de l’évaluer car l’argumentation qui nous a été remise à ce sujet est d’une extrême modestie. Ses effets gagneraient à être davantage documentés. En tout état de cause, ils dépendront du comportement réel des entreprises en matière d’investissement.

En ce qui concerne le taux d’épargne, nous avons repris le scénario de baisse qui émane du gouvernement et qui est plausible dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat. Mais nous avons identifié plusieurs facteurs qui pourraient contrarier cette évolution, notamment si la situation économique continue à se dégrader et si le chômage continue à augmenter. L’économie, et notamment l’aspect consommation, contient par ailleurs une dimension psychologique et tout n’est pas rationnel.

Enfin, nous ne sommes pas outillés pour apprécier la cohérence des hypothèses budgétaires retenues par le gouvernement par rapport à la trajectoire économique réelle. Le Haut Conseil n’est pas un organisme de prévision : il travaille à partir d’éléments d’information fournis par le gouvernement ainsi que par un certain nombre d’organismes. Nous essayons, à partir de ces éléments, de nous forger un point de vue et nous aimerions que le débat parlementaire, à l’occasion du programme de stabilité, soit l’occasion de travailler sur différents scénarios, avec un certain nombre de variantes. De ce point de vue, l’exercice se situe dans une certaine continuité. En effet, si quelques hypothèses ont été modifiées par rapport à l’année dernière pour les années 2013-2014, en revanche on a l’impression que le plan précédent est repris sans modification pour ce qui concerne la période 2015-2017.

Mme Valérie Pécresse. L’hypothèse formulée par le gouvernement d’une croissance de 1,2 % en 2014 paraît particulièrement optimiste si on la compare aux prévisions de tous les grands organismes de conjoncture. Il est vrai que le gouvernement s’est appuyé sur les prévisions de la Commission européenne. Pour autant, la Commission n’aboutit pas aux mêmes conclusions que le gouvernement puisqu’elle considère que le déficit budgétaire français s’aggravera en 2014 quand ce dernier entend continuer à le réduire. On peut craindre que la volonté gouvernementale de réduire les déficits n’affecte la croissance et que le résultat s’écarte in fine des prévisions de la Commission européenne.

Le Gouvernement peut être tenté d’émettre des hypothèses volontaristes de croissance, en première intention, dans un projet de budget. Mais ce qui se passe en 2013 pose problème : la prévision budgétaire de croissance avait été fixée à 0,8 %, ce qui semblait déraisonnable, puis, le président de la République a annoncé que l’activité économique n’augmenterait pas de plus de 0,1 % en 2013. Mais aucune loi de finances rectificative n’a été présentée au Parlement : nous sommes donc en train d’exécuter un budget que l’on sait insincère.

Le Haut Conseil ne pourrait-il pas proposer au gouvernement de présenter, comme cela se fait dans certains pays, plusieurs scénarios de croissance dans ses lois de finances ? En effet, la loi de finances n’est pas une prévision de croissance, mais un solde budgétaire. On ne croit plus aux hypothèses de croissance associées aux projets de lois de finances, à commencer par celle pour 2014, soit + 1,2 %. Résultat : le gouvernement présente une hypothèse de croissance peu réaliste, attend le plus longtemps possible pour présenter un collectif budgétaire – afin de ne pas avoir à reconnaître son erreur – et gère la situation en faisant du « surgel » et des annulations sauvages de crédits. Cela ne me paraît pas être de bonne pratique budgétaire.

M. Alain Rodet. Pouvez-vous nous indiquer comment le Haut Conseil pondère les prévisions émanant de différents organismes : Commission européenne, Banque de France, INSEE, OCDE... Je rappelle que M. Pisani-Ferry, qui anime un think tank européen et qui travaille sur les prévisions de croissance, siège dans le Haut Conseil.

M. Dominique Lefebvre. La transparence est nécessaire dans les débats qui accompagnent toute prévision, inévitablement basée sur certaines hypothèses mais soumises à des aléas. Je voudrais attirer l’attention sur les prévisions de croissance relatives à la période 2015-2017 qui ont été fixées à 2 %. Qui est réellement en mesure, aujourd’hui, d’établir de tels scénarios ? L’avis du Haut Conseil permet donc d’apporter un peu de transparence sur la manière dont sont bâties ces prévisions, à partir desquelles sont évaluées, lors de l’examen de la loi de finances, les recettes budgétaires qui sont un élément du solde avec les dépenses. L’exercice est donc utile.

Mais quelles sont les limites du travail du Haut Conseil ? Vous bornez-vous à apporter des nuances aux prévisions gouvernementales ou pouvez-vous aller jusqu’à les juger « totalement irréalistes » ? La question est d’importance compte tenu de toutes les conséquences des prévisions de croissance, et pas seulement en termes de recettes budgétaires.

Actuellement, la démarche gouvernementale est raisonnable. Que signifierait l’évocation de scénarios plus pessimistes, comme cela vient d’être évoqué ? Expliquer que l’on n’atteindra pas à l’horizon 2017 les objectifs de redressement des finances publiques partagés par la Commission européenne ? Annoncer en conséquence des hausses d’impôts, des baisses de dépenses ? On accroîtrait alors la récession et on réduirait davantage les perspectives de croissance.

Je voudrais donc que vous me confirmiez que le Haut Conseil relève certes les risques pesant sur les prévisions gouvernementales, mais que le scénario 2013-2014, qui est calé sur les prévisions de la Commission européenne, n’est pas jugé irréaliste.

Mme Karine Berger. Nous avons beaucoup appris, même si nous avons bien noté que vous avez travaillé avec des éléments d’information limités. Pour autant, où situez-vous la place de l’économie française dans l’actuel cycle économique ? Il y aurait, selon vous, peu de chances que la France passe au-dessus de la croissance potentielle d’ici 2017 ?

Si l’on considère que la croissance potentielle existe, et que le cycle économique est une réalité, alors, à un moment ou à un autre, l’économie française repassera au-dessus de la croissance potentielle. Comme, à mon sens, la France a été en deçà de sa croissance potentielle au cours des cinq dernières années, je pense qu’au cours des cinq prochaines années, elle devrait retrouver une croissance au-dessus de sa croissance potentielle.

De ce point de vue, 2 % de croissance à partir de 2015 me paraît être un scénario très raisonnable, sachant que l’hypothèse de croissance potentielle sur laquelle se dégage un consensus pour cette période reste de 1,6 à 1,7 % : ce chiffre correspond à ce qui a été enregistré au cours des dix dernières années, même si le gouvernement précédent n’a pas fait œuvre remarquable pour soutenir la croissance potentielle par ses décisions. Au regard de ces hypothèses, pouvez-vous nous expliquer comment vous voyez la fin de ce cycle ?

Peut-être avons-nous un désaccord sur le niveau actuel de l’output gap – l’écart de production – de l’économie française. Les estimations en la matière sont extrêmement diverses. L’OFCE a évoqué un chiffre compris entre - 3 et - 6 points de PIB potentiel. Le gouvernement se base sur une estimation beaucoup plus limitée, d’environ - 2 points. Quel est votre point de vue ?

Par ailleurs, vous mentionnez un certain nombre de risques baissiers sur les prévisions de croissance. Mais n’existe-t-il pas des éléments qui pourraient tirer la croissance vers le haut, des « risques haussiers » ? Des éléments positifs me paraissent conforter l’économie mondiale : la baisse récente des prix des matières premières, la réduction de l’inflation, la reprise de l’économie américaine, le développement du commerce dans la zone Asie-Pacifique. Avez-vous pris en compte ces éléments dans vos hypothèses de travail ?

M. Éric Alauzet. Je tiens à insister sur le fait qu’un certain nombre de critères ne sont pas pris en considération dans les travaux du Haut Conseil. C’est ainsi que l’on pourrait espérer un meilleur rendement de la lutte contre la fraude fiscale. Il serait souhaitable que les analyses présentées intègrent le poids des différents critères retenus dans la croissance, en particulier la variation des dépenses publiques. Le Haut Conseil peut-il communiquer quel serait, selon lui, le niveau de croissance en 2013 et en 2014 s’il considère que le projet de programme de stabilité repose sur des hypothèses trop optimistes ? Quelles seraient les conséquences d’une mauvaise prévision ?

M. Jean-François Lamour. J’observe que les prévisions macroéconomiques du Gouvernement sont, en apparence, très proches de celles établies par la Commission européenne, mais derrière ces chiffres, les paramètres divergent, notamment en matière de déficit public. Une loi de finances rectificative me semble indispensable, compte tenu de la révision à la baisse des prévisions de croissance. Faute de collectif budgétaire, l’infléchissement de la politique des finances publiques risque d’être trop tardif, indépendamment même du nécessaire respect de la sincérité budgétaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’observe que l’analyse du Haut Conseil comporte des commentaires négatifs sur les prévisions macroéconomiques des programmes de stabilité : ces prévisions seraient toutes caractérisées par un « biais optimiste ». Pourquoi, alors que le Haut Conseil délivre au Gouvernement un feu orange proche du rouge, ne pas revoir les prévisions sur une base plus prudente ? Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – n’aurait-il pas été plus efficace s’il avait été mis en œuvre à l’été 2013 plutôt qu’en janvier 2014 ? L’aggravation des déficits ne comporte-t-elle pas un risque pour la France ?

M. Pascal Cherki. L’objectif tendant à ramener à 2,9 % le déficit budgétaire en 2014 impose des efforts supplémentaires. Cet objectif est-il compatible ou non avec la nécessité de soutenir la croissance économique ? Le risque de récession a été mis en évidence en particulier dans le cadre des études du FMI et de l’OCDE.

M. Didier Migaud. Le Haut Conseil est attentif à ne pas s’élever au-dessus de sa condition... Selon les termes mêmes de la loi organique du 17 décembre 2012, il est compétent pour exprimer un avis sur les hypothèses macroéconomiques retenues pour la préparation du projet de programme de stabilité. Puis, il a à apprécier la cohérence des hypothèses retenues pour l’élaboration du projet de loi de finances initiale pour 2014 avec la loi de programmation et le programme de stabilité. Il pourra enfin être amené, le cas échéant, à formuler des recommandations s’il constatait que la trajectoire n’était pas respectée et qu’un écart était constaté entre les résultats et les objectifs.

Le Haut Conseil, qui n’est pas un organisme de prévision, n’a pas à prévoir un taux de croissance. Il travaille sur les hypothèses du Gouvernement et bénéficie des échanges organisés dans le cadre d’auditions des administrations et des organismes réalisant des études et des prévisions économiques.

Le Haut Conseil a fait l’inventaire de l’ensemble des risques qui peuvent affecter les prévisions et a constaté que ceux à la baisse sont supérieurs aux aléas pouvant avoir un impact positif. Il a considéré que les hypothèses gouvernementales ne sont pas irréalistes, notamment lorsqu’il prévoit un dépassement du niveau de croissance potentiel à l’horizon 2017 mais que l’écart de production avec le rythme potentiel de croissance, estimé par le Gouvernement à 3,5 %, ne se comblerait que partiellement à l’horizon 2017. Le retour de la croissance risque d’être plus lent que prévu, d’autant que la situation en 2015 devra être appréciée au regard des résultats de 2013 et 2014.

Les risques d’effets récessifs sont variables et fonction des modalités de la politique budgétaire, mais ne pas agir aurait également des conséquences : la crédibilité internationale de la France auprès de nos partenaires et des marchés est à prendre en considération.

Le Haut Conseil n’a pas à porter de jugement sur la cohérence des hypothèses de croissance. C’est aux représentants du suffrage universel qu’il revient d’arrêter les objectifs et de déterminer les mesures à prendre. La commission des Finances est très bien placée pour diligenter des études permettant d’enrichir aussi bien le programme de stabilité que la loi de programmation, et formuler des propositions.

Le Haut Conseil, qui dispose de peu de moyens, s’est efforcé de travailler avec objectivité. Il n’a pas manqué d’identifier également des aléas qui pourraient avoir un impact positif sur la prévision, en particulier une meilleure contribution des stocks à la croissance et une dépréciation éventuelle du taux de change effectif réel. Toutefois, la balance des aléas positifs et négatifs met en évidence qu’il existe un risque réel à la baisse sur les prévisions macroéconomiques.

Mme Marie-Christine Dalloz. A-t-on une idée de l’impact sur la compétitivité du crédit d’impôt compétitivité emploi ?

M. Didier Migaud. Ce type de mesure peut avoir des effets réels. En l’absence d’informations suffisantes de la part du ministère de l’Économie et des finances, nous ne pouvons les apprécier complètement.

Mme Marie-Christine Dalloz. La France pourrait-elle être impactée par le non-respect des engagements touchant au déficit en 2014, compte tenu des tensions qui pourraient se produire dans la zone euro ?

M. Didier Migaud. Cette question n’est pas posée aujourd’hui au Haut Conseil des finances publiques.

M. Charles de Courson. Vous êtes parvenus à des conclusions simples : pour 2013 et 2014, les prévisions sont au mieux réalistes, mais susceptibles d’être revues à la baisse. Pour 2015-2017, les prévisions sont très incertaines, l’Union européenne envisageant une croissance potentielle de 1,1 % à 1,2 %. Avez-vous connaissance des taux de marge des entreprises sur la période concernée ? Comment les entreprises pourraient-elles investir si ces taux continuent à se dégrader ? Comment améliorer, par ailleurs, les facteurs de compétitivité en France ?

M. Laurent Grandguillaume. On parle beaucoup d’austérité à l’heure actuelle, mais il est indispensable de réduire les dépenses publiques, pour préserver notre souveraineté nationale. Avez-vous procédé à une évaluation de l’impact d’une remontée potentielle des taux d’intérêt sur la charge de la dette, car la difficulté à réduire le déficit serait accrue ? Et selon quelles hypothèses ?

M. Jean-Pierre Gorges. Nous avons souhaité la création de ce Haut Conseil des finances publiques pour objectiver notamment la notion de croissance. Celle-ci est depuis très longtemps perçue comme une variable d’ajustement quand on essaie de « caler » le budget, mais cela parait plus vrai encore en 2013. Ne faudrait-il pas prévoir à l’intérieur des exercices budgétaires des amortisseurs connus à l’avance, ce qui permettrait d’avoir des prévisions budgétaires plus conformes aux réalités et de ne pas mentir au citoyen ? Au début de 2013, l’on a indiqué ainsi qu’on ne pouvait tenir les engagements pris lors du débat d’orientation budgétaire.

M. Didier Migaud. Certaines des réponses que je puis vous fournir sont contenues dans l’avis du Haut Conseil, d’autres n’en relèvent pas.

Sur les questions évoquées par M. de Courson touchant aux marges des entreprises et à la compétitivité, nous sommes insuffisamment documentés pour présenter les conséquences macroéconomiques des différentes hypothèses envisagées par le Gouvernement. Quel est l’impact d’une hausse des taux d’intérêt sur la charge de la dette et la réduction des déficits ? Cette question ne nous est pas posée. Mais le Haut Conseil aura l’occasion de donner son appréciation sur la cohérence de certains chiffres donnés par le Gouvernement avec ses engagements notamment à l’égard de nos partenaires européens, dans le cadre de l’avis qu’il donnera sur le projet de loi de finances pour 2014.

Le Haut Conseil n’est pas en mesure de répondre à la proposition faite par M. Gorges. Il donnera un avis s’agissant de la cohérence des hypothèses retenues lors de la loi de finances avec le programme de stabilité ; quant à la Cour des comptes, elle remettra un rapport à la fin du mois de juin sur la situation et les perspectives des finances publiques qui apportera des éléments de réponse aux questions posées.

Mme Valérie Rabault, Présidente. Monsieur Migaud, je vous remercie.

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AUDITION DE M. BERNARD CAZENEUVE, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES, CHARGÉ DU BUDGET, SUR L’EXÉCUTION DU BUDGET 2012

Au cours de sa séance du mardi 16 avril 2013, la Commission entend M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie et des finances, chargé du budget, sur l’exécution du budget 2012.

M. le président Gilles Carrez. Mes chers collègues, nous accueillons ce soir M. Bernard Cazeneuve : il s’agit de sa première audition comme ministre délégué auprès du ministre de l'Économie et des finances, chargé du budget. Cette audition sera consacrée à l’exécution des comptes de l’année 2012. Nous n’évoquerons l’année 2013 que demain où, à l’issue du conseil des ministres, M. Pierre Moscovici, accompagné de M. Bernard Cazeneuve, viendra nous présenter le programme de stabilité qui fera l’objet d’un débat la semaine prochaine devant l’Assemblée nationale au titre de l’article 50-1 de la Constitution.

M. Cazeneuve évoquera également aujourd'hui les résultats des contrôles fiscaux effectués au titre de l’année 2012. Il est accompagné, à cette fin, de M. Alexandre Gardette, chef du service du contrôle fiscal à la direction générale des finances publiques.

Comme vous le savez, le déficit public au sens de la comptabilité nationale atteint 4,8 points de PIB – quelque 100 milliards d’euros. Il est donc supérieur de 0,3 point aux prévisions de la dernière loi de finances rectificative de l’année 2012.

Monsieur le ministre, quelles sont les causes de cet écart, alors que nous avions l’espoir, à la mi-décembre 2012, de terminer l’année autour de 4,5 % ? Seuls, à l’époque, les 2,6 milliards d’aide à la recapitalisation de Dexia faisaient peser une incertitude sur le collectif budgétaire, pour le cas où Eurostat nous obligerait à intégrer cette somme à notre déficit.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie et des finances, chargé du budget. Mesdames et messieurs les députés, j’ai eu l’occasion au cours des derniers jours de rencontrer le président de votre commission et de l’assurer de mon entière disponibilité pour répondre aux questions que vous souhaiteriez me poser en matière budgétaire et fiscale. J’ai également déjà rencontré le rapporteur général et plusieurs membres de votre commission sur des sujets spécifiques qui font l’objet de réflexions ou de rapports en cours, en vue d’alimenter le dialogue que le Gouvernement souhaite entretenir avec les parlementaires.

Vous vous interrogez notamment, monsieur le président, sur le décalage existant en matière de déficit entre l’objectif de 4,5 % et le chiffre atteint : 4,8 %. Pour répondre, il convient tout d’abord de rappeler la situation que nous avons trouvée à notre arrivée : le budget 2012 a en effet été exécuté par deux gouvernements successifs, qui ont, chacun, été six mois à la tête du pays. Il faut également nous pencher sur notre action puis sur les résultats enregistrés. Je m’appuierai sur des chiffres, afin d’aborder ce sujet de façon incontestable.

Le précédent gouvernement avait élaboré au mois de septembre 2011 le projet de budget pour 2012 sur une hypothèse de croissance de 1,75 %, une hypothèse alors en décalage avec le consensus des principaux instituts spécialisés, qui l’établissait entre 1 % et 1,2 %. Le déficit attendu pour 2011 tournait alors autour de 5,2 %, le niveau des dettes avait augmenté de vingt-cinq points de PIB au cours des cinq précédentes années et le déficit du commerce extérieur atteignait les 75 milliards, un chiffre qui traduisait l’absence de compétitivité de notre économie.

Le nouveau gouvernement a commandé dès le 18 mai un audit à la Cour des comptes de manière à élaborer un projet de loi de finances rectificative dans des conditions objectives et incontestables. Ce rapport nous a été rendu au mois de juillet. Les hypothèses de croissance avaient du reste déjà été révisées, puisqu’elles étaient passées de 1,75 % au mois de septembre 2011 à 1 % au mois de février 2012, puis à 0,7 % en avril 2012, lors de la présentation, par le précédent gouvernement, de son programme de stabilité.

Pour la Cour des comptes, il était impossible de tenir les objectifs de dépenses du fait que celles-ci avaient été manifestement sous-évaluées à hauteur de 2 milliards d’euros, s’agissant notamment du financement de la prime de Noël pour les bénéficiaires du RSA ou de l’évolution de l’allocation adulte handicapé. Les hypothèses sur lesquelles le budget de 2012 avait été élaboré n’étaient donc pas les bonnes – elles chuteront même à 0,3 % au mois de juillet. Nous devions également contenir les 2 milliards d’euros de dérapages éventuels précités si nous voulions atteindre les objectifs budgétaires que nous avions fixés devant la Commission européenne.

C’est pourquoi nous avons immédiatement pris des mesures de nature fiscale à hauteur de 7 milliards d’euros. Pourquoi de telles mesures ? Parce qu’il est très difficile de prendre en quelques semaines seulement des mesures d’économie sur les dépenses qui soient ciblées avec discernement, car cela implique de mener, en amont, un travail approfondi de réorganisation budgétaire avec les administrations des différents ministères. Nous avons donc demandé un effort aux contribuables les plus riches tout en épargnant ceux dont la capacité contributive est plus faible. Nous avons par ailleurs gelé 1,5 milliard d’euros, somme qui n’a à aucun moment été dégelée. Cette décision nous permettra de disposer en fin d’exercice d’une réserve de précaution de 5,9 milliards d’euros.

D’aucuns prétendent que nous n’aurions pas atteint nos objectifs de dépenses pour 2012 : c’est pourquoi je tiens à donner les chiffres incontestables de l’évolution de la dépense. Entre 2002 et 2007, la croissance moyenne annuelle de la dépense publique tourne autour de 2,3 %. Entre 2007 et 2012, elle tombe à 1,7 %. En 2012, elle atteint 0,7 %, alors qu’on attendait 0,5 %, l’écart de 0,2 point étant essentiellement dû à une évolution plus dynamique que prévue des dépenses des collectivités locales. L’évolution de la dépense pour 2012 demeure toutefois dans un rapport de 1 à 3 avec l’évolution tendancielle de la dépense constatée au cours des précédents exercices budgétaires. Les mesures que nous avons immédiatement prises ont donc permis de contenir l’évolution de la dépense publique et donc d’améliorer la situation de notre déficit. En effet, d’après les calculs des services de la direction du budget, si nous n’avions pas fait adopter une loi de finances rectificative, le déficit budgétaire se serait aggravé, puisque, compte tenu de l’évolution des hypothèses de croissance et des dépenses publiques non documentées, qui dérapaient, il aurait atteint 5,5 %, avec un déficit structurel de 4,2 %. L’effort d’ajustement structurel n’aurait donc été que de 0,7 % alors que nous nous étions engagés sur une baisse de 1,2 %. La maîtrise des dépenses publiques a donc eu un effet immédiat sur l’évolution du déficit. Compte tenu des mesures que nous avons prises tant en recettes qu’en dépenses, nous avons ramené en 2012 le déficit structurel à 3,7 %, ce qui correspond à un effort d’ajustement structurel de 1,2 % – et non de 0,7 % seulement si, comme je l’ai dit, nous n’avions rien fait.

Je tiens également à insister sur la baisse, en 2012, de 300 millions d’euros des dépenses de l’État. Quant à l’ONDAM, la correction de la trajectoire a permis de réaliser 1 milliard d’euros d’économie par rapport au PLFSS. Ces deux chiffres témoignent donc d’une absolue maîtrise des dépenses publiques – État et santé – en 2012.

S’agissant des prélèvements, j’ai souvent entendu dire que les 7 milliards de prélèvement décidés à l’été avaient conduit à une pression indue en raison de la préférence donnée à la fiscalité sur les économies de dépenses. Il faut savoir que, compte tenu du taux de croissance réelle par rapport aux prévisions, nous avons dû, à notre arrivée, réduire de 8 milliards le niveau des recettes fiscales attendues, 6 de ces 8 milliards résultant d’une erreur manifeste de prévision du budget initial. Toutefois, alors que la loi de finances initiale tablait sur 915 milliards d’euros de prélèvements obligatoires pour 2012, ceux-ci se sont élevés à 914 milliards – ce chiffre inclut les 7 milliards d’ajustement –, soit un montant inférieur d’1 milliard aux prévisions initiales.

Je souhaite enfin vous indiquer les raisons précises pour lesquelles le déficit s’élève à 4,8 % et non à 4,5 %. Tout d’abord, le déficit réel a été en 2011 de 5,3 % et non de 5,2 % : 0,1 % se trouve donc mécaniquement reporté aussi sur 2012. Ensuite la France a dû, à la demande de l’Union européenne, réajuster à hauteur de 800 millions d’euros les crédits de paiement nécessaires au financement des grandes politiques européennes – Erasmus et autres projets financés par des fonds structurels –, pour compenser la décision de novembre 2010 de les « raboter ». Il a également fallu comptabiliser dans notre déficit les 2,5 milliards d’aide à la deuxième recapitalisation de Dexia, qu’Eurostat a considérée comme une dépense de fonctionnement, contrairement à la première. Nous avons enfin dû tenir compte du décalage existant entre les hypothèses de croissance de la troisième loi de finances rectificative et le chiffre réel, inférieur de 0,2 point.

M. le président Gilles Carrez. Si je me rappelle bien, la loi de finances pour 2012 a été bâtie sur une prévision de croissance non pas de 1,75 % mais de 1 % – 1,75 % correspond au taux de croissance constaté en 2011. Il conviendrait évidemment de vérifier ce premier point.

Je tiens également à rappeler que des projets de loi de finances rectificative ont été systématiquement présentés au Parlement au fur et à mesure des développements de la crise financière : or, l’hypothèse de croissance du collectif budgétaire de février 2012 avait été ramenée à 0,5 %, ce qui a conduit à des ajustements financiers. Comme l’effet base était favorable – la croissance exécutée de 2011 était légèrement supérieure aux prévisions –, nous avons enregistré plusieurs milliards de recettes supplémentaires. Le collectif a aussi purement et simplement annulé plus d’1 milliard de crédits, et des recettes fiscales supplémentaires ont été adoptées, dont la taxe sur les transactions financières qui, il est vrai, n’a pas donné le rendement escompté.

Monsieur le ministre, il convient de nous mettre d’accord sur les chiffres.

M. le ministre. Je suis à peu près sûr des chiffres que j’ai produits. La loi de finances initiale pour 2012 a été bâtie en septembre sur une hypothèse de croissance de 1,75 %, ramenée au mois de février à 1 %. Quelques semaines plus tard, le gouvernement de l’époque, dans le cadre de la présentation de son programme de stabilité, l’a baissée à 0,7 %.

M. Henri Emmanuelli. Il est grave que la Commission des finances ne connaisse pas les chiffres exacts.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Emmanuelli, la préparation d’une loi de finances commence avant l’été. La question demeure la suivante : sur quelle hypothèse de croissance la loi de finances pour 2012 adoptée en décembre s’est-elle appuyée ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’hypothèse de croissance a été révisée durant l’examen du projet de loi de finances.

M. le président Gilles Carrez. C’est vrai.

Cette discussion montre tout l’intérêt de la création du Haut conseil des finances publiques. Elle révèle aussi combien il est nécessaire de procéder à des ajustements successifs pour répondre à une situation en constante évolution.

Au mois de septembre, la prévision de croissance légèrement optimiste de 1,7 % pour 2011 a été reprise pour 2012. Il a toutefois suffi de quelques semaines au gouvernement pour la ramener à 1 %. Monsieur Emmanuelli, la loi de finances adoptée en décembre 2012 a donc été finalement construite avec une prévision de croissance de 1 %.

M. Henri Emmanuelli. Un projet de loi de finances se prépare bien avant le mois de septembre, monsieur le président.

M. le président Gilles Carrez. Un projet de loi de finances se prépare en continu.

M. le ministre. Je ne peux que rappeler la réalité des chiffres que j’ai indiqués : une hypothèse de croissance initialement établie à 1,75 %, descendue à 1 % pour le collectif de février puis finalement ramenée à 0,7 % dans le cadre du programme de stabilité.

M. Christian Eckert, rapporteur général. La préparation du PLF 2012 s’est faite sur la base d’une prévision de croissance à 1,75 %. Au cours de l’examen du texte en novembre, la prévision de croissance a été ramenée à 1 % et le Gouvernement a introduit de nouvelles recettes. Elle n’était plus que de 0,5 % dans le collectif de février.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est tout à fait cela.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur le ministre, les moins-values de recettes de TVA, de l’ordre de 3,3 milliards d’euros – un montant loin d’être anodin –, sont-elles la conséquence d’une baisse de la consommation ou d’un transfert de la consommation sur des produits dont le taux de TVA est moins élevé ?

Vous avez souligné le fait que les dépenses locales ont progressé plus rapidement que prévu – de l’ordre de 0,1 point de PIB. S’agit-il de dépenses de fonctionnement ou d’investissement ? Par ailleurs, quel type ou quel niveau de collectivité territoriale est concerné par cette augmentation ? La réponse est certes difficile à établir, mais elle pourrait être fort utile notamment au Comité des finances locales (CFL) pour lui permettre de déterminer où il convient de porter l’effort de réduction annoncé d’1,5 milliard d’euros.

La réserve de précaution résiduelle s’élèverait à 610 millions en crédits de paiement et à 910 millions en autorisations d'engagement à la fin 2012. Le Gouvernement a-t-il l’intention d’annuler ces crédits en loi de règlement ou ceux-ci feront-ils l’objet de reports ?

La taxe sur les transactions financières devait rapporter 500 millions d’euros en 2012 et 1,6 milliards en 2013. Son produit a finalement atteint 210 millions d’euros en 2012 et pourrait être de l’ordre de 600 millions d’euros en 2013. Ainsi bien que nous en ayons doublé le taux en août 2012, il manque toujours 1 milliard. Certes, s’il est toujours possible de commettre des erreurs de prévision, surtout lorsqu’il s’agit de prévoir les recettes d’un outil aussi nouveau que la taxe sur les transactions financières, une telle marge d’erreur ne laisse pas de nous interroger. Quelle raison en donnez-vous ? Je crois me rappeler que la liste des exemptions est assez importante. Je n’ignore pas non plus que certains préfèrent attendre que la mesure aboutisse au plan européen. Nous avons toutefois donné l’exemple et c’est une bonne chose.

M. le ministre. Le rendement de la TVA est effectivement très décevant, puisqu’il est inférieur de 3 milliards d’euros à nos prévisions, et même inférieur de plus de 5 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2012 – nous avions en effet déjà révisé nos attentes au mois de juillet, de façon pourtant prudente.

Cela tient pour moitié à une croissance plus faible que prévu : beaucoup de consommateurs ont sans doute, en raison de la crise, privilégié des produits de première nécessité, dont les taux de TVA sont plus faibles. En outre, les entreprises ont davantage piloté leur trésorerie en 2012, et demandé davantage de remboursements de TVA qu’elles ne l’avaient prévu à l’origine.

S’agissant des dépenses des collectivités locales, le dépassement des prévisions est dû pour moitié à l’investissement, pour moitié au fonctionnement. Je ne dispose pas aujourd’hui du détail par niveau de collectivités locales.

Le rendement de la taxe sur les transactions financières s’est élevé à 200 millions d’euros environ en 2012, alors que la prévision initiale était de 537 millions pour 2012. Nous sommes en train d’analyser les raisons de cette différence, mais il semble qu’il y ait eu d’une part, sous-évaluation initiale de l’assiette exonérée, et, d’autre part, une élasticité de l’assiette à un certain nombre de transactions.

M. le ministre. S’agissant enfin de la réserve de précaution, l’essentiel en a été utilisé par la loi de finances rectificative de fin d’année ; je ne peux pas encore vous dire si le reliquat sera reporté ou annulé en loi de règlement.

Mme Valérie Rabault. Quel est pour 2012 le montant récupéré grâce aux contentieux fiscaux ? Quelle part cela représente-t-il dans le déficit structurel et dans le déficit nominal ?

M. Charles de Courson. Je suis allé faire une petite recherche, car j’aime les choses précises. Voici les chiffres : le projet de loi de finances pour 2012 a été fondé sur une hypothèse de croissance qui n’était pas, monsieur le ministre, de 1,7 %, mais de 1 %. Ce taux a été réajusté deux mois plus tard, lors de la première loi de finances rectificative, et descendu à 0,5 % ; il a ensuite été remonté à 0,7 % en avril, lors de la transmission du programme de stabilité à la Commission.

Voici ce que l’on peut lire dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative du mois de juillet 2012 : « La loi de finances initiale pour 2012 avait été construite sur une hypothèse de croissance de 1 %. Cette hypothèse s’avérant trop optimiste, la précédente majorité l’a rectifiée à 0,5 % lors de la première loi de finances rectificative pour 2012, puis a construit son programme de stabilité 2012-2016, transmis à la Commission européenne en avril 2012, sur une croissance pour 2012 réévaluée à 0,7 %.

« Cette hypothèse est aujourd’hui caduque. Ainsi, l’INSEE prévoit une croissance de 0,4 % en 2012, dans sa note de conjoncture du mois de juin.

« Soucieux de travailler sur des hypothèses réalistes, le Gouvernement a retenu le chiffre de 0,3 % de croissance du PIB pour l’année 2012. Cette approche prudente est dictée par l’impératif de ne faire peser aucun risque sur l’atteinte de notre objectif de déficit public à 4,5 % en 2012. »

J’ajouterai qu’au final, nous sommes à peu près à zéro.

M. le président Gilles Carrez. Dans une situation très incertaine, il est nécessaire de réajuster en permanence. En 2011, la croissance s’est envolée au premier trimestre, atteignant 0,9 %. Certains, dont Mme Lagarde, ont alors, par extrapolation, imaginé une croissance supérieure à 2 % pour l’année 2011 : au début de l’été 2011, lorsque la préparation de la loi de finances pour 2012 a commencé, l’hypothèse de croissance était donc autour de 1,7 %. Il a malheureusement fallu la rectifier assez vite : la loi de finances votée pour 2012 a finalement retenu une croissance de 1 %. Deux mois plus tard à peine, cette prévision a été descendue à 0,5 %.

Cela montre surtout le caractère tout relatif des prévisions de croissance à la décimale près : nous n’avons aucun intérêt à polémiquer sur ces chiffres, qui sont toujours démentis par les faits. En revanche, il est crucial d’essayer de s’ajuster en permanence à l’évolution de la conjoncture.

M. le ministre. Tout cela n’est sans doute pas fondamental.

M. Henri Emmanuelli. Non, mais ce n’est pas normal !

M. le ministre. Les bons chiffres sont les suivants : dans le projet de loi de finances pour 2012, c’était 1,75 % ; dans la loi de finances pour 2012, 1 % ; dans la loi de finances rectificative, 0,5 % ; dans le programme de stabilité, 0,7 % ; dans les deuxième et troisième lois de finances rectificatives, 0,3 %.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas ce qui a été dit tout à l’heure.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre, il n’y aurait pas eu de désaccord si vous aviez présenté les chiffres de cette façon tout à l’heure.

M. le ministre. J’ai le sentiment de n’avoir fait que répéter les mêmes chiffres !

M. Charles de Courson. Il existe un problème de provisionnement d’une partie des dépenses publiques, notamment pour le dossier Dexia. Envisagez-vous, avant d’arrêter les comptes, de passer une provision, et si oui, à quelle hauteur ? Selon les spécialistes, à moins de 50 %, ce ne serait pas réaliste. La Caisse des dépôts a, elle, prévu une provision pour la totalité.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pourriez-vous nous exposer précisément les réductions de dépenses de fonctionnement qui ont été engagées en 2012, hormis les économies faites sur les intérêts de la dette ?

Comment expliquez-vous la diminution des recettes fiscales ? Vous avez parlé de diminution du rendement de la TVA ; or la hausse du taux intermédiaire au 1er janvier 2012 aurait dû avoir un effet : ce n’est pas ce que l’on constate. Vos explications ne me semblent donc pas satisfaisantes.

Quant à l’avenir, vous n’avez toujours pas prévu de réajuster vos hypothèses de croissance pour le budget 2013. Pourriez-vous nous en dire plus ?

M. le président Gilles Carrez. Cette question pourra être posée demain : nous nous en tiendrons aujourd’hui aux questions sur l’exécution du budget 2012.

M. Marc Goua. L’État doit à EDF quelque 4 milliards d’euros. Il y a également une importante créance correspondant aux intérêts de cette dette. Un accord est intervenu pour étaler le paiement de la créance principale ; les 900 millions d’euros d’intérêts ont-ils été prévus dans le budget 2012, ou bien les retrouverons-nous dans le budget 2013 ?

M. Régis Juanico. Pouvez-vous nous donner des indications sur les recettes fiscales autres que celles liées à la TVA – impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ? Comment ces recettes ont-elles évolué et ces évolutions correspondent-elles à vos prévisions ?

M. le ministre. Je répondrai d’abord sur les dépenses de contentieux européen.

S’agissant du contentieux relatif aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), nous avions prévu de rembourser en 2012 1,5 milliard d’euros. Le traitement de ces dossiers est suspendu à la définition d’un dossier type, ce qui se fait sous le contrôle du tribunal administratif de Montreuil. Notre objectif est de traiter ces dossiers de façon très rigoureuse, afin d’éviter tout problème juridique. En 2013, nous avons prévu 1,75 milliard supplémentaire, somme qui sera peut-être augmentée des remboursements non réalisés en 2012, qui pourraient s’élever à 1 milliard d’euros.

S’agissant du contentieux relatif au précompte, deux cas ont été jugés par le Conseil d’État. Les requérants demandaient près de 200 millions d’euros ; l’État a été condamné à reverser moins de 20 millions d’euros. L’estimation du coût pour les finances publiques ayant été fondée sur une estimation correspondant à la moitié du montant demandé, cela conduisait à un montant total de 2 milliards d’euros, qui a été étalé sur deux ans : 200 millions d’euros en 2012 et 1,8 milliard en 2013. La décision du conseil d’État augure donc plutôt d’une bonne surprise ; mais les dossiers doivent être traités au cas par cas, et tous ne pourront sans doute pas l’être en 2013. Il sera donc encore question de ce contentieux en 2014.

Monsieur de Courson, le retour de Dexia à l’équilibre est prévu pour 2020 ; il n’est pas question de procéder à une dépréciation. Nous vous donnons rendez-vous lors de la discussion de la loi de règlement pour plus de détails.

Monsieur Juanico, vous m’interrogez sur les différences entre les rendements et les prévisions. Pour l’impôt sur les sociétés, nous en sommes à 400 millions ; pour la TICPE, à 0,2 milliard ; pour l’impôt sur le revenu, à 0,5 milliard, ce qui s’explique principalement par un recouvrement meilleur que prévu. Tout cela montre que nos prévisions étaient relativement prudentes.

Monsieur Goua, la dette due à EDF dans le cadre de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) sera remboursée au fur et à mesure. Les engagements de l’État ont été inscrits dans les comptes hors bilan pour 2012.

Madame Dalloz, vous m’interrogez sur la réduction des dépenses de fonctionnement. En 2012, nous avons gelé le point d’indice de la fonction publique, mais aussi arrêté ou différé des projets d’investissement, dans les domaines notamment de la culture et de la défense – dans ce dernier cas, un effort très important de maîtrise des dépenses de communication a notamment été fourni. Enfin, s’agissant de la sécurité sociale, un plan d’économie sur la gestion des caisses a permis de dégager une économie globale de 120 millions d’euros.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous aviez, je crois, parlé d’une compensation pour les 800 millions supplémentaires versés à l’Union européenne. Qu’en est-il ?

M. le ministre. L’Union européenne a dû débloquer 2,9 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour répondre à ses engagements, car les crédits de paiement prévus en 2010 se sont révélés insuffisants ; la quote-part française s’est élevée à 800 millions d’euros. Il y aura bien sûr une compensation par un surgel en 2013.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre, pouvez-vous maintenant nous dire quelques mots sur l’activité de contrôle fiscal en 2012, et sur les recettes qui en sont la conséquence ?

M. le ministre. L’activité de contrôle fiscal a permis de collecter en 2012 environ 18 milliards d’euros, soit 14,3 milliards d’euros de droits et 3,7 milliards de pénalités. Sur ces 18 milliards, 6 milliards sont liés à des contrôles sur la grande fraude et la grande délinquance fiscale. Les fonds récupérés à ce titre ont augmenté de 26 %, ce qui est significatif. L’augmentation globale des fonds récupérés entre 2011 et 2012 est d’environ 11 %. Nous avons l’intention de poursuivre et même d’intensifier nos efforts.

Je dois aussi vous indiquer que 1 157 dossiers ont été transmis à l’autorité judiciaire ; parmi eux, 997 correspondent à des plaintes pour fraude fiscale ou pour opposition au contrôle ; 60 dossiers ont été transmis à la police judiciaire fiscale ; il y a enfin 100 dossiers d’escroquerie.

M. Henri Emmanuelli. De combien de dossiers la Commission des infractions fiscales avait-elle été saisie ? On sait que c’est souvent là que se situe le goulot d’étranglement, sans comprendre trop bien pourquoi.

M. le ministre. Il y a eu 1 126 dossiers transmis, et 987 dossiers retenus.

M. Henri Emmanuelli. C’est donc une proportion importante !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les raisons pour évoquer la question de la fraude fiscale sont nombreuses : il y a l’actualité, certes, mais aussi la perspective d’une mission d’information de la commission des finances sur la lutte contre la fraude, mission que le président Carrez pourrait présider et que je pourrais rapporter, sans oublier la mission sur l’optimisation fiscale des entreprises dans le contexte international, présidée par Éric Woerth et rapportée par Pierre-Alain Muet.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous donner quelques indications sur l’affaire du fichier HSBC ? Vous avez récemment écrit à ce propos à M. le président de la Commission, et votre courrier a été transmis à tous nos collègues. La presse a critiqué l’emploi qui a été fait de ces fichiers ; mais il me semble, au vu des informations que vous et votre prédécesseur nous avez données, qu’il faut éviter tout amalgame entre redressement fiscal et plainte pénale. Il est légitime de s’interroger sur l’extrême rareté des poursuites pénales à la suite de l’exploitation de ces fichiers : c’est, je crois, à mettre en rapport avec cette question – dont j’ai compris qu’elle était récurrente – du monopole de l’administration fiscale pour apprécier l’opportunité des poursuites pénales. Notre commission, en lien peut-être avec la Commission des lois, souhaite se pencher sur cette question très importante.

J’ai cru comprendre que, sur le plan des redressements fiscaux, les fichiers HSBC avaient été exploités ; en revanche, il n’y a pas eu de poursuites pénales, en raison notamment de la nature des sources et de la façon dont ces fichiers ont été obtenus. C’était la question implicitement soulevée par Henri Emmanuelli, et c’est, je crois, une vraie question.

Nous souhaiterions également en savoir plus sur les conventions fiscales et les échanges d’informations. Combien y en a-t-il, que contiennent-elles, fonctionnent-elles correctement ? M. le président Carrez et moi-même voudrions dresser un inventaire de ce qui existe dans ce domaine, et comprendre comment est établie la liste des États et territoires non coopératifs (ETNC). Souhaitez-vous modifier, améliorer la liste des critères retenus pour figurer sur cette liste ? Quelles sont, pour les pays concernés, les conséquences de l’inscription sur cette liste ?

Troisièmement, je voudrais dire combien j’ai été choqué par les pratiques de certains établissements bancaires, français ou étrangers, qui, via leurs filiales, se livrent à un véritable rabattage, pour ne pas dire pire, de clients vers les paradis fiscaux. Dans le cas d’UBS, il semblerait que l’Autorité de contrôle prudentiel ait eu connaissance, dans l’exercice de sa mission de surveillance des établissements bancaires, de tels dysfonctionnements au sein de la filiale française d’UBS. Comment se fait-il que celle-ci ait fait l’objet d’une simple mise en demeure et que la commission des sanctions de l’ACP n’ait pas été saisie de cette affaire ? L’ACP ne devrait-elle pas, à côté de sa mission de vérification des ratios prudentiels, avoir l’obligation de sanctionner de telles pratiques ? La loi bancaire donne-t-elle compétence à l’ACP dans ce domaine ?

Telles sont les pistes que nous vous proposerons d’approfondir, monsieur le ministre délégué. D’autres travaux sont en cours et je sais que le Gouvernement doit annoncer des mesures de lutte contre les paradis fiscaux. Pouvez-vous nous indiquer votre point de vue sur ces sujets ?

M. Henri Emmanuelli. Je n’ignore pas combien la répression de la fraude fiscale peut s’avérer complexe sur le plan juridique. La France pourrait cependant mettre en place une législation telle que le Foreign Account Tax Compliance Act américain, ou loi FATCA ? S’apprête-t-on à faire la même chose en France ?

M. Yann Galut. Si on doit évidemment saluer l’efficacité et la compétence de vos services, on peut légitimement s’interroger sur l’impossibilité pour la justice de poursuivre la fraude fiscale sans l’aval de Bercy. Nous sommes les seuls en Europe à fonctionner ainsi. Dans la situation où nous sommes aujourd’hui, nous ne pouvons plus laisser à Bercy le monopole des poursuites en matière de fraude fiscale. Certes le Président de la République a annoncé un alourdissement des sanctions pénales prononcées à l’encontre des élus coupables de fraude fiscale et nous savons très bien qu’une étanchéité absolue sépare les services d’enquête de Bercy et le pouvoir politique, mais le doute subsistera tant que la justice ne pourra pas s’autosaisir en matière de fraude fiscale. Il faut que le débat qui doit avoir lieu dans quelques semaines nous permette de trouver collectivement une solution à ce problème.

M. Pascal Cherki. La Cour de cassation a estimé que les informations contenues dans le listing dérobé à HSBC ne pouvaient pas fournir de base juridique à des poursuites judiciaires du fait de l’illicéité de leur origine. L’objectif d’optimisation du contrôle fiscal n’impose-t-il pas de faire évoluer la loi sur ce point, sachant que la divulgation d’informations par des employés des établissements bancaires est souvent la seule façon pour l’administration fiscale de percer l’opacité de ces institutions ?

Par ailleurs, envisagez-vous de renforcer les moyens humains du contrôle fiscal ? Selon la plus importante organisation syndicale du ministère des finances, la suppression par la droite de 18 % des effectifs de l’administration fiscale en dix ans a nui à l’organisation du contrôle fiscal. Il serait intéressant, monsieur le président, que notre commission entende le point de vue de ce syndicat dans la perspective de nos travaux futurs.

Mme Valérie Rabault. Je voudrais d’abord dire que nous sommes quelques-uns ici à partager le souhait exprimé par notre collègue Emmanuelli d’un FATCA européen.

Sur les quatorze milliards d’euros de droits récupérés par vos services, est-il possible de savoir combien l’ont été auprès de particuliers, et combien auprès d’entreprises ? Dans ce dernier, cas, sait-on quelle forme a pris la fraude – prix de transferts, bénéfices non déclarés ?

M. le ministre. Je ne suis pas en mesure de vous dire dans l’immédiat comment ces 14 milliards d’euros se répartissent, mais je m’engage à transmettre cette information à la Commission des finances dans les heures qui viennent.

Je voudrais profiter des nombreuses questions qui m’ont été posées sur la lutte contre la fraude fiscale pour rappeler les initiatives que le Gouvernement entend prendre en la matière, tant au niveau national qu’à l’échelle européenne.

Au niveau national, nous avons déjà pris des dispositions dans le cadre de la loi de finances pour 2013 et la loi de finances rectificative pour 2012, ainsi que dans celui de la loi bancaire.

La loi de finances pour 2013 et la loi de finances rectificative pour 2012 prévoient notamment le renversement de la charge de la preuve pour les transferts de bénéfices vers les pays à fiscalité privilégiée et une taxation à hauteur de 60 % des fonds placés par des particuliers dans des paradis fiscaux dont l’origine reste inconnue.

Quant à la loi bancaire, elle oblige les établissements bancaires à rendre compte de façon extrêmement détaillée de l’activité de la totalité de leurs filiales à l’étranger – positionnement, nature de l’activité, effectifs, niveau des bilans. Elle leur fait également obligation de signaler à Tracfin les mouvements de capitaux qui leur sembleraient suspects.

Ces mesures doivent être complétées par de nouvelles dispositions de droit français dont je ne peux pas rendre compte aujourd’hui puisqu’elles doivent figurer dans des projets de loi actuellement en préparation.

Jusqu’à présent, étaient inscrits sur la liste des États et territoires non coopératifs, les ETNC, les pays qui n’avaient pas conclu avec la France de convention d’assistance administrative permettant l’échange de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale des parties. C’est la raison pour laquelle certains États ont été sortis de cette liste après avoir signé une telle convention. Aujourd’hui, huit États y figurent encore. Désormais la signature d’une convention d’échange d’informations ne suffira pas à garantir à un État qu’il ne figurera plus sur la liste : il faudra en outre que cette convention nous permette de disposer effectivement de tous les éléments que nous souhaitons et que les dispositions de la convention, notamment en ce qui concerne le niveau d’échange d’informations, soient scrupuleusement respectées.

Le Gouvernement veut par ailleurs renforcer la lutte contre les paradis fiscaux à l’échelle européenne. Le Président de la République a indiqué clairement sa volonté d’être à l’avant-garde en ce domaine.

Nous voudrions ainsi que la future directive sur la fiscalité de l’épargne en cours de négociation renforce le principe de l’échange d’informations bancaires entre États membres de l’Union européenne afin d’assurer la transparence bancaire à l’intérieur de l’espace européen. Cette initiative se heurte à l’opposition de certains États membres, qui ont pourtant accepté de signer une convention de type FATCA avec les États-Unis – l’Autriche notamment. Nous souhaitons enfin que l’Union européenne reçoive mandat de négocier des conventions de type FATCA avec les pays tiers.

Vous avez par ailleurs évoqué la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l’exploitation des preuves fournies par l’administration en matière fiscale et dont l’origine serait illicite. Cette jurisprudence pourrait nous conduire à réfléchir aux évolutions législatives susceptibles de permettre l’exploitation pleine et entière de ces éléments. Une décision en la matière suppose une analyse juridique extrêmement fine, de façon que de telles données puissent être exploitées dans les meilleures conditions.

S’agissant plus particulièrement de la liste HSBC, j’ai adressé à votre commission une lettre faisant état de l’ensemble des éléments dont nous disposons et que le droit nous autorise à communiquer. Il est inexact de prétendre qu’aucune suite judiciaire n’avait été donnée à la communication de cette liste par l’administration fiscale. En effet, la justice a été saisie de 56 dossiers concernant 80 personnes.

M. Henri Emmanuelli. Pourquoi limiter l’échange automatique d’informations bancaires prévu par la future directive européenne à certaines catégories de revenus ? En tout état de cause, on sait très bien, même si on a feint jusqu’ici de l’ignorer, que les banques luxembourgeoises détournent la réglementation européenne imposant la transparence sur les dépôts des personnes physiques en proposant à leurs clients de placer leur épargne dans une société créée à cet effet. C’est la raison pour laquelle nous devrons voter des mesures précises et offensives en cette matière.

M. le ministre. S’agissant de la directive Épargne, la France a une position extrêmement ferme de refus de toute approche restrictive. Je vous propose de consacrer à ces questions particulières une séance de travail qui nous permette d’aller au fond des choses.

M. Charles de Courson. Les douanes ont le droit de rémunérer leurs « aviseurs » : ne pourrait-on pas étendre cette faculté de rémunérer des informateurs, qui donne de bons résultats, à l’administration fiscale ? S’agit-il là d’une piste sur laquelle vous travaillez ?

M. le ministre. Nous travaillons sur plusieurs pistes, mais je ne suis pas mandaté pour annoncer ici, ce soir, des décisions qui n’ont pas encore été arbitrées. Le sujet est suffisamment complexe pour que nous prenions le temps de la réflexion collective.

Mme Sandrine Mazetier. Je remarque que Transparency International a salué les initiatives prises cette semaine par la France, qui ont déjà reçu l’adhésion de six pays européens.

Je rappelle que certains de nos collègues de l’UMP se sont opposés à des décisions prises dans l’un des derniers textes financiers qui tendaient à mettre à contribution des honoraires jusqu’ici exonérés au-delà d’un certain chiffre d’affaires. Cette mesure visait entre autres des cabinets d’avocats spécialisés dans l’accompagnement de contribuables tentant d’échapper aux redressements fiscaux.

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AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES, ET M. BERNARD CAZENEUVE, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE ET DES FINANCES, CHARGÉ DU BUDGET, SUR LE PROGRAMME DE STABILITÉ ET DE CROISSANCE POUR LES ANNÉES 2013-2017

Au cours de sa séance du mercredi 17 avril 2013, la Commission entend M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances, et M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie et des finances, chargé du budget, sur le programme de stabilité et de croissance 2013-2017.

M. le président Gilles Carrez. Nous accueillons M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances, et M. Bernard Cazeneuve, ministre chargé du budget, pour débattre du projet de programmation des finances publiques pour la période 2013-2017 – dit programme de stabilité –, qui, assorti d’un programme national de réformes – PNR –, fera l’objet, mardi 23 avril, d’une déclaration du Gouvernement en séance publique, suivie d’un vote, avant d’être transmis à la Commission européenne.

Je tiens à saluer la présence parmi nous de Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des Affaires européennes ; j’avais également proposé à Mme Élisabeth Guigou d’assister à cette audition, mais son agenda ne le lui permettait pas.

Le ministre du Budget nous a confirmé que le déficit budgétaire pour 2012 sera plus élevé que prévu : il devrait atteindre 4,8 points et non 4,5 points de PIB. Par ailleurs, l’objectif de déficit public pour 2013 n’est plus fixé à 3 points de PIB, mais à 3,7 points.

Hier, le président du Haut Conseil des finances publiques – HCFP – a exposé devant la Commission les méthodes de travail de cet organisme et a commenté l’avis public qu’il a rendu concernant les hypothèses macroéconomiques associées au programme de stabilité que vous allez nous présenter. Il en est ressorti que le HCFP, s’il ne considère pas comme irréalistes les hypothèses retenues par le Gouvernement sur la période, relève un certain nombre d’aléas et de fragilités qui affectent le scénario retenu. Au terme de son analyse, les risques baissiers s’avèrent plus importants que les risques à la hausse.

Il relève également que, si les prévisions de la Commission européenne présentées en février sont analogues à celles du Gouvernement, elles reposent sur des scénarios très différents et le Haut Conseil juge optimistes les perspectives retenues par le Gouvernement.

Quant aux dernières prévisions du FMI, elles sont plus faibles que celles du Gouvernement, puisque le FMI prévoit une légère récession de 0,1 % en 2013 et une croissance de 0,9 % en 2014, alors que le Gouvernement table sur une augmentation du PIB de 0,1 % en 2013 et de 1,2 % en 2014.

Les prévisions macroéconomiques et la programmation budgétaire relèvent d’un art difficile. Bien que les prévisions doivent contenir une dimension de volontarisme et d’optimisme, le Gouvernement n’a-t-il pas retenu des hypothèses insuffisamment prudentes ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances. Les programmes de stabilité et de réforme décrivent la stratégie économique du Gouvernement, les prévisions macroéconomiques qu’il a élaborées et la trajectoire des finances publiques. Ils revêtent une importance et une portée symbolique égales à celles d’un projet de loi de finances, même si leur nature diffère. C’est donc avec solennité et avec la conscience des responsabilités qui nous incombent que M. Bernard Cazeneuve et moi-même présentons à la commission des Finances ces premiers programmes de la législature.

Le Président de la République a récemment rappelé les grandes orientations de la politique suivie par le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault : le redressement de l’économie du pays autour d’une approche équilibrée conciliant la remise en ordre des finances publiques, les réformes ambitieuses de notre économie et la recherche active de la croissance. Nous traçons ce sillon depuis notre arrivée aux responsabilités, équipés d’une boussole – la justice – et ne perdant pas de vue la ligne d’horizon représentée par l’inversion de la courbe du chômage.

Le programme de stabilité et le PNR s’inscrivent dans un contexte difficile. En 2012, la France a souffert d’un endettement supplémentaire – le ratio de la dette rapportée à la richesse nationale a augmenté de vingt points en l’espace de peu d’années –, d’un déficit structurel élevé et d’un déficit nominal supérieur à 5 % du PIB sans les mesures d’ajustement prises à l’été 2012. Souffrant de lourdes faiblesses structurelles, notre pays a connu, au cours de la période 2007-2011, une croissance nulle en moyenne annuelle et une forte augmentation du chômage. Le rapport Gallois avait également mis en évidence le grand affaiblissement de la compétitivité de notre économie dans les dix dernières années, qui s’est traduit par le développement d’un fort déficit commercial – encore supérieur à 65 milliards d’euros en 2012. Nous menons des efforts de redressement de long terme pour faire face à cette situation.

En outre, la zone euro se trouve confrontée à une crise sans précédent. Nous avons apporté des réponses adaptées à chacun des pays qui ont dû faire face à de forts déséquilibres financiers. Néanmoins, la zone n’a pas encore retrouvé la croissance et subit même, depuis la fin de l’année 2012, une dégradation de sa situation économique ; ainsi, la Commission européenne prévoit que la zone euro restera en récession – de l’ordre de 0,3 point de PIB – en 2013, sachant que le chômage touche près de 19 millions de personnes en Europe.

Le programme de stabilité illustre le sens de notre action, visant à conduire des réformes pour le redressement économique du pays. En France et en Europe, on débat du rythme et de l’ampleur de la réduction des déficits au regard de la croissance. Pouvons-nous redresser l’économie sans assainir les finances publiques ? D’autres choix sont-ils envisageables ? Il y a toujours des alternatives en économie, car toutes les décisions résultent d’arbitrages, mais il nous paraît impossible de laisser dériver les comptes publics, car l’excès d’endettement pèserait sur les générations futures et le coût de la dette se renchérirait – alors que la France emprunte à un taux d’intérêt à dix ans qui ne dépasse pas 1,8 %, record historique qui allège le service de la dette et favorise le financement des entreprises. Nous partageons tous le constat selon lequel un pays qui s’endette est un pays qui s’appauvrit et qui s’affaiblit. Or la France souffre d’un endettement public excessif – supérieur à 90 % du PIB – qui ne doit plus s’accroître.

La vraie question ne concerne donc pas la nécessité du redressement des finances publiques, mais son rythme et son équilibre par rapport à la croissance. Depuis l’élection de François Hollande, la France porte ce sujet avec force dans l’ensemble des forums de coopération économique internationale ; à l’échelle européenne, nous plaidons depuis mai 2012 pour un rééquilibrage des politiques en faveur de la croissance, notamment auprès de notre partenaire allemand – notre relation avec l’Allemagne constituant un moteur puissant dans la zone euro –, dont la solidité des finances publiques devrait l’inciter à dynamiser davantage son économie. Nos idées progressent dans les enceintes du G7, du G20, du FMI, de l’OCDE où nous défendons l’importance des politiques de relance de la croissance, mais notre voix sera d’autant plus entendue que nous serons crédibles et forts. Le programme de stabilité et le PNR ont précisément pour objet de définir cette politique conciliant soutien à la croissance et remise en ordre des comptes. Nous devons trouver le bon rythme pour que le nécessaire assainissement ne bride pas les moteurs de l’activité.

Afin de peser dans le débat européen, nous devons conduire – à notre façon et sans reniement – les réformes qui sont attendues de nous. C’est dans cet esprit que nous avons élaboré le pacte de compétitivité et le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, et nous devons poursuivre cette politique de réforme pour nous renforcer et peser davantage sur la scène internationale.

Nos prévisions de croissance pour les années 2013 et 2014 – progression du PIB de 0,1 % et de 1,2 % – sont identiques à celles de la Commission européenne. Nous tablons sur une croissance annuelle de 2 % entre 2015 et 2017, niveau qui ne nous permettrait d’ailleurs pas de rattraper la diminution de notre croissance potentielle enregistrée ces dernières années. Le HCFP – nouvelle instance de notre cadre rénové de gouvernance des finances publiques – estime que le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement est entouré d’aléas – certains à la baisse, d’autres à la hausse. Je confirme devant la Commission les prévisions de croissance du programme de stabilité. Compte tenu de l’ampleur des réformes engagées, il serait inopportun de se fixer un objectif de croissance plus prudent, comme vous l’évoquez, monsieur le Président, et de prendre par exemple en compte la prévision du FMI – qui pense que la France connaîtra une récession de 0,1 % cette année ; cela conduirait en outre à programmer un ajustement excessif pour ramener le déficit sous la barre de 3 % du PIB en 2014. Nos hypothèses reposent sur la conviction du redémarrage progressif de l’économie européenne – puisque la plus grande part de l’effort a déjà été effectuée dans de nombreux pays – et sur celle de l’impact des réformes que nous avons menées – le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) de 20 milliards d’euros, la réforme du financement de l’économie, les mesures volontaristes pour l’emploi, le plan d’urgence en faveur du logement, l’action pour l’investissement des collectivités locales, la création de la Banque publique d’investissement (BPI).

Le programme de stabilité et le PNR portent des réformes nécessaires pour renouer avec une croissance plus forte, plus équilibrée et plus solidaire. Ils s’orientent autour de trois axes.

Le premier concerne la compétitivité. Beaucoup a été fait en onze mois et l’année en cours sera consacrée à la mise en œuvre et à l’approfondissement des mesures prises. Le CICE traduit la réorientation de notre système fiscal vers l’encouragement de la compétitivité et de l’innovation ; nous incitons les entreprises à se saisir de ce dispositif déjà opérationnel et dont la montée en puissance va se poursuivre – notamment grâce à son préfinancement par le système bancaire pour les PME. La nouvelle fiscalité des dividendes et l’extension du crédit impôt recherche constituent d’autres mesures favorables à l’investissement.

Dans le cadre des assises de l’entrepreneuriat, d’autres décisions seront arrêtées. La création de la BPI, la loi bancaire, le plan trésorerie et le soutien à l’investissement des collectivités locales ont remis le secteur financier au service de l’investissement des PME, des PMI et des ETI. Pour la prochaine étape de la réforme du financement de l’économie, nous mobiliserons le rapport de Mme Karine Berger et de M. Dominique Lefebvre pour utiliser plus efficacement l’épargne abondante des Français.

Plusieurs réformes dans les secteurs des services, de l’énergie et du logement visent également à soutenir notre compétitivité ; je présenterai ainsi début mai avec Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, un projet de loi sur la consommation qui renforcera les droits des consommateurs et luttera contre les rentes injustifiées. Une réforme ferroviaire sera élaborée prochainement. Enfin, le Président de la République nous a demandé de conduire un choc de simplification. Toutes ces initiatives tendent à restaurer la compétitivité de notre tissu productif.

Le deuxième axe vise à préparer l’avenir en structurant notre économie autour de filières industrielles clefs et en soutenant les secteurs stratégiques par une politique d’investissements ciblés. Un fonds multisectoriel, doté de 590 millions d’euros et placé au sein de la BPI, appuie les filières prioritaires. Nous développons également une stratégie d’investissement de long terme dans les secteurs cruciaux du logement, de la rénovation thermique et du numérique, notamment.

Le troisième axe englobe la politique de lutte contre le chômage et la précarité avec le plein déploiement des mesures déjà adoptées, comme la réforme du marché du travail.

Au total, nous souhaitons mettre en œuvre ces réformes dans les prochains mois avec le concours de la représentation nationale, afin de stimuler la croissance, objectif principal de notre action.

Trois temps scandent notre stratégie de redressement des comptes publics. Le premier couvre 2013 où nous ajusterons le rythme d’assainissement des comptes pour ne pas briser la croissance. Le deuxième s’ouvrira en 2014 où nous approfondirons notre effort structurel pour atteindre nos objectifs de déficit. Enfin, à partir de 2015, nous commencerons à réduire la part de l’endettement dans le PIB afin de progresser vers l’équilibre structurel grâce à la montée en puissance des économies en dépenses.

Il ne s’agit pas, comme l’a rappelé le Président de la République, d’une politique d’austérité, mais d’une politique sérieuse et juste, car nous sommes revenus sur notre objectif – voté par le Parlement dans la loi de programmation des finances publiques – de 3 % de déficit en 2013 du fait de la détérioration du contexte économique européen : le maintenir nous aurait conduits à précipiter l’entrée de la France en récession avec des conséquences sur les entreprises et sur l’emploi. Nous avons donc élaboré une nouvelle prévision de déficit
– identique à celle de la Commission européenne et située à 3,7 % du PIB. Il n’y aura pas d’effort d’ajustement budgétaire supplémentaire – et pas de collectif budgétaire – en 2013 afin de ne pas peser sur la croissance.

En 2014, nous réduirons le déficit à 2,9 %, grâce à un effort structurel de 1 point de PIB, obtenu notamment par la modernisation de l’action publique – MAP –, qui nous permettra de respecter nos engagements européens sans briser l’activité. Au-delà de 2014, nous maintenons le cap de l’équilibre structurel pour l’atteindre en 2017.

En 2013, deux tiers des efforts d’assainissement proviennent de la fiscalité et un tiers seulement des dépenses ; cette proportion sera inversée à partir de 2014, l’objectif étant de stabiliser le taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB en 2015, avant de le faire diminuer en 2016 et 2017. Le rythme de progression de la dépense publique n’atteindra que 0,5 % et sera donc divisé par quatre par rapport à celui de la dernière décennie ; le poids de la dépense publique dans le PIB sera réduit de trois points de PIB au cours du quinquennat – soit plus de 60 milliards d’euros – grâce à la montée en puissance de la MAP qui dégagera des économies pérennes. Enfin, tous les acteurs publics contribueront à l’effort de redressement des comptes : ainsi, les dépenses de l’État – hors dette et pensions – baisseront de 1,5 milliard d’euros en 2014 et les concours financiers aux collectivités locales diminueront de 1,5 milliard d’euros en 2014 et de 3 milliards d’euros en 2015.

Le programme de stabilité et le PNR représentent l’occasion de valider nos orientations responsables et équilibrées de politique économique. Le Gouvernement entend associer crédibilité et ambition en adoptant un rythme de consolidation budgétaire qui ne pénalise pas la croissance, en mettant en œuvre les réformes qui préparent l’avenir, qui permettent de réorienter la construction européenne et qui donnent plus de poids à la France. Nous refusons l’austérité que les Français ne veulent pas, mais nous opérons des choix sérieux et responsables, ambitieux et réalistes. Je souhaite donc que votre Commission, avant l’Assemblée nationale dans son ensemble le 23 avril, soutienne ces programmes.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je publierai un rapport sur le programme de stabilité et le PNR à la fin de cette semaine, afin de contribuer à nourrir le débat en séance publique le 23 avril.

La réduction du déficit structurel constitue la référence au regard de laquelle on doit estimer l’ampleur de l’assainissement des finances publiques. De ce point de vue, il est impossible de reprocher une quelconque inaction au Gouvernement, puisque le déficit structurel aurait diminué de 1,4 point de PIB en 2012 et devrait baisser de 1,9 point en 2013 et de 1 point en 2014. Cet effort en 2014 est le double de celui qui avait été prévu dans la loi de programmation. Le rythme d’amélioration des finances publiques connaît donc une accélération. Entre 2011 et 2014, le déficit structurel passera de près de 5 % à 1 % du PIB. Après l’adoption des textes financiers de cet automne, l’essentiel du redressement budgétaire aura été accompli. La dégradation du déficit nominal en 2013 serait essentiellement due à la conjoncture et il est de bonne méthode – comme le promeut l’OCDE – de ne pas réagir aux effets de la conjoncture sur le déficit public, afin de préserver la croissance et d’éviter un cercle vicieux conduisant à accumuler des mesures d’économies qui pèseraient à leur tour sur l’activité.

Les prélèvements obligatoires devraient augmenter légèrement, contrairement à ce que la loi de programmation prévoyait. Il convient de relativiser cette hausse, car elle concerne avant tout les dépenses fiscales dont le montant en valeur doit être gelé au cours de la législature. Cet accroissement – de l’ordre de 0,3 % en 2014 – s’avère nettement inférieur à ce qu’il a pu être dans le passé, notamment en 2011.

Plus important, le Gouvernement entend faire porter l’essentiel de l’assainissement budgétaire sur les dépenses d’ici à 2017. Ainsi, en 2014, 70 % de l’effort se concentrera sur les dépenses publiques. Outre les mesures déjà prévues en loi de programmation des finances publiques – gel en volume et en valeur des dépenses de l’État, plafonnement des taxes affectées aux opérateurs, réduction de 750 millions d’euros des concours aux collectivités locales –, le Gouvernement propose d’accroître ce mouvement en abaissant de 1,5 milliard d’euros les dépenses de l’État – hors dette et pensions – afin de réduire de moitié le rythme de progression de la dépense publique entre 2013 et 2014. Néanmoins, cette politique ne remettra pas en cause les priorités du Gouvernement en faveur de l’emploi, de l’école et de la justice. À partir de 2015, tout le poids de l’effort de réduction du déficit structurel reposera sur les dépenses avec l’objectif – difficile à atteindre – de réaliser 10 milliards d’euros d’économies en moyenne annuelle.

Dans le scénario du Gouvernement, la dette publique atteindra 93,6 % du PIB en 2013, puis un pic à 94,3 % en 2014, avant de se replier jusqu’à 88,2 % à la fin de 2017. Sans les mesures d’ajustement, notre taux d’endettement dépasserait 100 % du PIB très prochainement, ce qui nous exposerait à une hausse des taux d’intérêt.

Au-delà de ce propos liminaire, je souhaite vous poser quelques questions.

Messieurs les ministres, quelle forme prendra la décélération des dépenses des collectivités locales – qui ne doivent progresser que de 0,2 % en 2014 après avoir crû de 1,3 % en 2013 ? En effet, la réduction de 1,5 milliard d’euros des concours de l’État ne peut expliquer à elle seule cette diminution de la croissance des dépenses locales.

Monsieur le ministre de l’Économie et des finances, vous proposez de repousser à 2014 le retour du déficit public sous la barre des 3 % du PIB : réussirez-vous à faire accepter ce report à la Commission européenne ?

Selon le programme de stabilité, les recettes nouvelles n’assureront plus que 30 % de l’effort structurel en 2014. Quels prélèvements obligatoires seront augmentés ?

L’évolution prévue de la dette publique est-elle compatible avec le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), qui enjoint une réduction annuelle de un vingtième de l’écart au seuil de 60 % du ratio dette sur PIB ?

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des Affaires européennes. Vue de la commission des Affaires européennes, cette audition constitue une deuxième étape du dispositif de suivi du semestre européen, qui doit être mis en œuvre de manière d’autant plus rigoureuse que les mécanismes européens de surveillance budgétaire et macroéconomique viennent d’être renforcés par l’adoption du « Two-Pack », qui prévoit que la Commission européenne donne un avis sur le projet de budget annuel.

Le projet de loi de finances pour 2013 avait déjà pris en compte les orientations budgétaires européennes et cette audition fait suite à l’adoption il y a un mois, à l’initiative des deux commissions des Affaires européennes et des Finances, d’une résolution sur les orientations européennes de politique économique. Une troisième étape de ce processus de suivi portera sur les recommandations formulées par la Commission européenne sur les programmes de stabilité et de réforme. M. Maroš
Šefčovič, vice-président de la Commission européenne, participera à notre réunion prévue sur ce sujet le 26 juin prochain.

Je sais qu’il vous tient à cœur, messieurs les ministres, de maintenir l’équilibre délicat entre bonne gestion, impératif de solidarité et préparation de l’avenir. Le conseil européen des 14 et 15 mars 2013 a rappelé la nécessité de satisfaire les besoins d’investissement d’avenir, tout en garantissant la discipline budgétaire dans le cadre d’un volet préventif du pacte de stabilité et de croissance. Il a également insisté sur la question de l’emploi, notamment celui des jeunes auquel la présidence irlandaise attache une grande importance.

La Commission européenne privilégie un scénario économique pessimiste à ce stade. Comment le Gouvernement compte-t-il concilier les investissements nécessaires à la réindustrialisation, à l’adaptation au changement climatique et à l’innovation avec la réalisation d’économies épargnant nos concitoyens les plus fragiles ? Messieurs les ministres, sortons-nous de la logique d’austérité que le Président de la République avait portée dès l’été dernier et qui se trouve aujourd’hui contestée par le FMI, mais également par la BCE ?

S’agissant des nouvelles recettes nécessaires au redressement budgétaire, n’y aurait-il pas de piste à creuser sur la fiscalité environnementale ? La commission des Affaires européennes va d’ailleurs se pencher sur la taxe carbone aux frontières de l’Union européenne. Plus largement, pourrait-on redéfinir les critères de bonne gestion afin d’exclure du calcul des déficits les investissements nationaux ou transnationaux positifs – par exemple dans les biens communs comme le réseau ferroviaire ?

M. le ministre de l’Économie et des finances. Monsieur le Rapporteur général, la négociation avec la Commission européenne a déjà débuté, puisque, le 12 avril, j’ai rencontré à ce sujet M. Olli Rehn, commissaire aux affaires économiques et monétaires. La Commission joue son rôle de gardienne des textes et souhaiterait que la France consente un effort plus important de réduction de son déficit à partir de 2014, afin qu’il se situe autour de 2,5 % du PIB. J’ai expliqué à M. Rehn que l’essentiel résidait dans l’effort structurel et dans le niveau de la dépense publique, que nous ne voulions pas casser la croissance, que nous refusions l’austérité et que nous défendions une politique sérieuse, calée sur un rythme soutenable de réduction des déficits.

Cette négociation ne sera pas facile, car la Commission nous demandera de documenter l’ensemble des éléments du programme de stabilité – y compris pour l’année 2013, bien que le débat sur la situation de nos finances publiques soit moins vif – et parce qu’elle se montrera exigeante sur les réformes structurelles – nous en faisons d’ailleurs, comme l’atteste ce programme de stabilité. Je veux croire que la Commission européenne sera soucieuse de permettre à la France – deuxième économie de la zone euro – de conserver un taux de croissance qui soit suffisant et qui valide ses propres prévisions.

J’ai également rencontré M. Wolfgang Schäuble, ministre des Finances allemand, pour lui dire qu’il était de l’intérêt de l’Allemagne que la France soit forte pour relancer la construction européenne. Ce programme de stabilité sera transmis à la Commission européenne le 30 avril ; celle-ci ajustera ses prévisions de croissance début mai et émettra des recommandations à la fin du mois de mai avant l’adoption des programmes de stabilité nationaux au Conseil européen des 27 et 28 juin.

Le règlement sur le volet correctif du pacte budgétaire – modifié dans le cadre du « Six-Pack » – prévoit une réduction du ratio d’endettement de un vingtième par an pendant trois ans. Compte tenu du niveau de dette publique en France, il faudrait une baisse moyenne de 1,5 point de PIB pour respecter ce critère. La décrue moyenne annuelle entre fin 2014 et fin 2017 sera de l’ordre de deux points, si bien que nous respecterons cette obligation dans la période 2015-2017.

Le taux de prélèvements obligatoires progresse de 0,3 % de PIB entre 2013 et 2014, soit 6 milliards d’euros. Il n’y aura pas d’augmentation générale des impôts d’État sur les ménages en 2014, hors la refonte des taux de TVA – déjà votée par l’Assemblée nationale – pour financer le CICE. S’agissant des taux de TVA, nous serons attentifs aux propositions que pourra avancer la commission des Finances, car je confirme que nous souhaitons respecter le travail du Parlement.

Madame la présidente, nous sommes préoccupés par les politiques d’austérité à l’échelle européenne ; ce n’est pas l’orientation que suit la France et le Président de la République a proposé, dès son premier conseil européen, un pacte de croissance ciblé sur l’investissement. Nous posons la question du rythme de consolidation budgétaire au regard de nos capacités de croissance, et souhaitons qu’émerge une approche plus coopérative entre les pays qui disposent d’excédents et ceux qui souffrent de déficits. La réorientation de la construction européenne reste insuffisante, mais elle progresse et la France ne réussira à la promouvoir davantage que si sa politique budgétaire est jugée crédible.

Le Gouvernement est ouvert à la discussion avec la représentation nationale sur la fiscalité écologique – à condition que le taux de prélèvements obligatoires reste inchangé.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le Rapporteur général, dans les économies programmées pour l’année 2014, 1,5 milliard d’euros concerneront les collectivités territoriales, mais l’évolution des dépenses des collectivités territoriales tient également au cycle électoral qui explique que le niveau d’investissement sera significatif en 2013 et en repli à partir de 2014.

En 2014, deux tiers de l’effort structurel proviendront d’économies en dépenses et un tiers, soit 6 milliards d’euros, résultera de mesures fiscales. Celles-ci ont déjà été engagées pour partie, notamment avec l’augmentation des cotisations sociales résultant de l’accord sur les retraites complémentaires. Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, nous avions prévu certaines recettes fiscales qui ne pourront être perçues ; ainsi, l’imposition à 75 % des revenus supérieurs à 1 million d’euros par an a été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel et certains prélèvements auront un produit inférieur, parfois de moitié, aux prévisions – je pense notamment à la taxe sur les transactions financières. Grâce à la nouvelle taxe de 75 % sur les rémunérations très élevées et à d’autres mesures, nous souhaitons récupérer ce manque de recettes en 2014.

Nous avons engagé une lutte déterminée contre la fraude fiscale, qui a déjà donné des résultats en 2012, puisque les recettes résultant de cet engagement ont crû de près de 11 % et ont atteint 18 milliards d’euros – 14,3 milliards d’euros de droits et 3,7 milliards d’euros de pénalités –, dont 6 milliards d’euros qui proviennent de la traque de la fraude fiscale de grande ampleur. Nous entendons intensifier cette politique et en escomptons des recettes importantes. Nous souhaitons également limiter les niches sociales et fiscales.

Au total, l’effort en recettes ne provient pas de contributions supplémentaires des citoyens.

En 2012, la dette s’est élevée à 90,2 % du PIB et devra atteindre 88,2 % en 2017 ; le TSCG dispose que la dette doit baisser de un vingtième de l’écart au seuil de 60 % par an, au cours des trois années suivant la sortie de la procédure de déficit excessif. Les chiffres d’évolution de la dette entre 2012 et 2016 montrent que nous remplirons cette obligation.

Mme Karine Berger. Ce programme de stabilité essaie de concilier le retour de la croissance économique à court et à long termes avec le rétablissement des finances publiques.

Monsieur le Président, nous n’avons pas retenu les mêmes éléments de la position du HCFP. Le HCFP a avant tout souligné que toute prévision de croissance comportait des incertitudes. Parmi celles-ci, le niveau du déficit structurel peut faire l’objet de débats, davantage liés à la théorie économique qu’à la statistique.

Messieurs les ministres, les deux objectifs de finances publiques sont-ils bien de retrouver le plus rapidement possible un niveau de dette et de déficit – inférieur à 3 % du PIB – publics soutenables, et de ramener le déficit structurel à 0,5 % du PIB – niveau correspondant à nos engagements européens – voire en dessous de ce seuil ? Si ces cibles sont atteintes plus rapidement que prévu, pourriez-vous modifier l’équilibre entre la lutte pour le redressement des finances publiques et la stimulation de la croissance ?

Le PNR décrit les réformes mises en œuvre au cours des neuf derniers mois, mais il ne mentionne l’évaluation de leur impact que pour une seule d’entre elles, le CICE, dont l’appréciation dépend de l’école de pensée économique à laquelle on se rattache. Le PNR ne fait ainsi aucun état de l’évaluation des emplois d’avenir, des contrats de génération, de l’évolution du SMIC et des trente-quatre autres mesures du pacte de compétitivité. Disposez-vous d’éléments permettant d’estimer tout ce que ces réformes de fond, de soutien à l’offre et à la demande apporteront à notre économie en 2013 et en 2014 ?

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre, vous avez affirmé qu’il n’était pas possible de redresser l’économie si les finances publiques n’étaient pas assainies. Nous sommes d’accord avec vous, mais votre effort s’avère d’une ampleur insuffisante et il ne bénéficie pas du plein soutien de votre majorité. Il sera d’ailleurs intéressant d’entendre votre réponse à l’intervention de Mme Berger qui vous incite, une fois atteint l’objectif de 0,5 % de déficit structurel – concept intéressant, mais ambigu et périlleux –, à faire une pause dans l’effort. Le déficit structurel n’efface pas les déficits qu’il faut payer, car ils engagent une dette supplémentaire. Nous nous inscrivons dans une démarche opposée à celle de Mme Berger, mais nous attendons votre réponse avec impatience.

Madame Auroi, nous nous opposons aux velléités constantes de changer les règles du jeu : sortir l’investissement du calcul du déficit dans le secteur ferroviaire, dans la défense ou dans l’enseignement supérieur, c’est risquer d’ôter toute pertinence aux chiffres.

Les réformes nécessaires au retour de la croissance ont-elles réellement été engagées ? Le FMI signale que notre pays souffre d’un déficit de confiance et indique que 2013 sera la première année de récession depuis 2009. Le FMI et le HCFP constatent que vous anticipez une baisse du taux d’épargne. Monsieur le ministre de l’Économie, une telle diminution est-elle compatible avec les grandes orientations de votre future réforme des retraites ? En effet, la logique de désindexation des pensions soutenue par le Gouvernement et par les partenaires sociaux ne pousse-t-elle pas au contraire à stimuler l’épargne en grevant la confiance ?

Le HCFP vous demande de documenter les effets du CICE. Dans quel délai répondrez-vous à cette exigence, et transmettrez-vous cette évaluation à la représentation nationale ?

Vous ne voulez pas présenter de collectif budgétaire en 2013, car cela vous gêne ; en outre, vous souhaitez demander davantage de temps à la Commission européenne pour atteindre votre objectif de réduction du déficit tout en affirmant que l’essentiel de l’effort a été engagé, ce qui est pour le moins contradictoire.

Sur la question des effectifs de la fonction publique, continuez-vous de penser qu’ils doivent rester stables, ou la lettre de cadrage du Premier ministre du 8 mars amorce-t-elle une petite évolution bienvenue en affirmant que, s’agissant des économies, « l’effort portera principalement sur les dépenses hors masse salariale » ?

Le programme de stabilité repose sur un accroissement des prélèvements obligatoires de 0,2 point de PIB, soit 4 milliards d’euros en 2014. Mais le CICE comporte un solde s’élevant également à 4 milliards d’euros. Les impôts conçus uniquement pour 2013 – représentant 6 milliards d’euros – ne doivent pas non plus être omis, car, si leur disparition n’était pas compensée par des impôts nouveaux, les prélèvements obligatoires n’augmenteraient pas de 0,2 point de PIB, mais diminueraient. Bref, j’arrive à 14 milliards d’euros d’impôts supplémentaires.

Quelle sera la part de la cession d’actifs de l’État dans la réduction de la dette en 2014 et au cours des années suivantes ?

Enfin, chacun aura noté que ce programme de stabilité consacre l’abandon de votre engagement de retour à l’équilibre des finances publiques en 2017.

M. Charles de Courson. Messieurs les ministres, le HCFP écrit qu’un « léger recul du PIB en 2013 et une croissance sensiblement inférieure à 1,2 % en 2014 ne peuvent pas être exclus », preuve de la surévaluation de vos prévisions de croissance pour 2013 et 2014. À partir de 2015, vous prévoyez 2 % de croissance chaque année, alors que le HCFP est d’avis que « la prévision d’une croissance effective de 2 % par an dès l’année 2015 est incertaine ». En moyenne, les gouvernements ont surestimé les taux de croissance de l’ordre de 1 point depuis vingt ans, ce qui entraîne chaque fois un déficit plus élevé, car le réajustement des dépenses et des recettes prend du temps. Vous commettez donc la même erreur, que je dénonce depuis quinze ans, que je sois dans la majorité comme dans l’opposition. D’ailleurs, comment l’économie française retrouve-t-elle brutalement un chemin de croissance de 2 % en l’absence de tout facteur structurel explicatif ?

En 2013, vous nous avez expliqué que le solde budgétaire bénéficiait de 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires et de 10 milliards d’euros de dépenses en moins. Or le programme de stabilité fait apparaître des prévisions réévaluées pour 2013 : au lieu d’une diminution de 10 milliards d’euros, les dépenses augmenteront de 6 milliards d’euros et l’accroissement des prélèvements atteindra en fait 28 milliards d’euros – ce que n’a cessé de clamer l’opposition. La proportion de deux tiers d’effort en recettes et un tiers en dépenses ne correspond pas à la réalité, puisque l’ajustement en dépenses est nul.

Pour 2014, les recettes nouvelles ne s’élèvent pas à 4 milliards d’euros, comme vient de le dire notre collègue Hervé Mariton, mais à 14 milliards d’euros, si bien qu’il faudrait une réduction de 10 milliards d’euros de certaines recettes pour arriver à une hausse totale de 4 milliards d’euros. Quelles sont ces recettes qui diminuent ? S’agissant des dépenses, vous affichez une réduction de 10 milliards d’euros en 2014, de 18 milliards en 2015, de 16 milliards en 2016 et de 14 milliards en 2017. Rien que pour la modeste baisse de 10 milliards d’euros en 2014, quels postes de dépenses seront affectés ? En effet, le programme de stabilité prévoit une contraction des dépenses des collectivités locales de 1,5 milliard d’euros, un allègement de 1 milliard des allocations familiales, une diminution de 1 milliard des dépenses en faveur des entreprises – ce qui n’est pas cohérent avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi – et une réduction de 1 milliard d’euros des achats de l’État – vos prédécesseurs nous ayant tous promis de tels gains sur les achats sans jamais y parvenir, je puis vous assurer que vous gagnerez à peine 300 millions d’euros sur ce poste de dépenses : comment arrivez-vous à 10 milliards d’euros ?

M. Éric Alauzet. Comme M. Moscovici, nous sommes attachés à la résorption de la dette, pour nos enfants et petits-enfants. Mais, contrairement à ce qui est censé se passer, le creusement de la dette ne fait pas augmenter les taux d’intérêt, ce qui affaiblit notre argumentaire. Certes, les taux auxquels nous empruntons sont faibles, parce que d’autres pays vont encore moins bien que nous, et la machine implosera tôt ou tard. Mais quand ? Pour l’instant, cet état de fait perdure.

Atteindrons-nous l’objectif des 3 % ? Aucun d’entre nous n’en est certain et le passé n’est pas fait pour nous rassurer. Le problème principal est la dégradation de la confiance de nos concitoyens et des observateurs – plus que le rajustement, d’autant plus facilement envisageable qu’en effet la différence entre – 0,1 % et + 0,1 % est ténue : on est bien loin des erreurs d’appréciation commises auparavant, notamment pour 2012 où la marge d’erreur atteignait 0,7 point !

Cette situation entraîne une pression sur la dépense. Dès lors, une question se pose : à quel stade la baisse des dépenses devient-elle excessive ? Quel est le seuil en deçà duquel elle entraîne des effets délétères sur notre société ? L’opposition, qui considère que la baisse n’est jamais assez forte et qu’il suffirait de réduire le gaspillage pour résoudre le problème, nie l’existence d’un tel seuil. On constate déjà les conséquences néfastes de la diminution des dépenses qui financent nombre d’actions de l’État ; en particulier, les réductions de personnel placent nos administrations dans une situation très délicate, par exemple à l’Office national des forêts ou à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

En ce qui concerne les recettes, le débat sur le financement du CICE par la TVA – à 5 %, 10 % ou 20 % – n’est pas encore tranché. Pour notre part, nous l’avons beaucoup dit, nous nous inquiétons des effets de la hausse du taux réduit de TVA de 7 à 10 %, qui touche aux besoins primaires de nos concitoyens. Nous préférerions une augmentation du taux normal qui le porterait à 20 ou à 20,5 %. Le fait que l’opposition ait formulé la même proposition ne saurait m’empêcher de la défendre, à moins de m’enfermer dans une posture.

La fiscalité écologique devant elle aussi contribuer au financement du CICE et abonder certaines compensations, il n’en restera plus grand-chose pour mener des actions « écologiques ». Il est d’autant plus nécessaire d’en définir l’assiette de manière claire et cohérente : prenons garde aux exonérations qui risqueraient de brouiller le message.

Contraints sur les dépenses comme sur les recettes, nous devons donc trouver de nouvelles recettes. Je vous l’ai dit hier dans l’hémicycle, monsieur le ministre de l’Économie : à mon sens, c’est la lutte résolue, au niveau européen, contre la fraude et l’évasion fiscales qui devrait nous les apporter, nous permettant ainsi de rembourser la dette et de retrouver des marges de croissance et de développement.

M. Jean-François Lamour. Sur l’avis du Haut Conseil des finances publiques, je ne suis pas d’accord avec Mme Berger : les incertitudes ne portent que sur l’efficacité des mesures prévues ou sur les perspectives de réduction des dépenses, notamment du fait du taux de croissance. Pour 2014, comment pouvez-vous prétendre atteindre le taux de croissance de 1,2 % prévu par la Commission européenne alors que celle-ci évalue à 0,2 % la hausse de la dépense publique, que vous prévoyez quant à vous de réduire de 0,8 % ? Ce problème est posé dans l’analyse que vient de nous remettre M. Migaud. Selon vous, deux éléments compenseraient cet ajustement budgétaire : le CICE, peu documenté, comme l’a souligné M. Mariton, et un dynamisme réduit des importations. Pourriez-vous expliciter ce dernier point ?

Mme Valérie Rabault. Monsieur Lamour, il a été rappelé hier, lors de l’audition de M. Migaud, que le Haut Conseil avait souligné plusieurs risques, mais aussi étudié des scénarios de hausse.

Messieurs les ministres, vous montrez les effets positifs sur la France d’une reprise de la croissance à l’étranger. Comment intégrez-vous à vos calculs la reprise assez nette qui s’amorce aux États-Unis et en Asie ?

Mme Valérie Pécresse. Madame Rabault, j’ai sous les yeux l’avis du Haut Conseil, qui dit bien que le scénario gouvernemental est très différent de celui de la Commission puisque le déficit budgétaire se réduit dans le premier, mais s’accroît dans le second, et qui indique que « l’ampleur de l’ajustement budgétaire envisagé […] pèserait sur la croissance ». On verra si le Gouvernement a raison ; en tout cas, il ne saurait prétendre qu’il propose les mêmes perspectives que la Commission européenne. Le Haut Conseil parle de risque à la baisse, non de risque à la hausse.

Si la croissance n’est pas au rendez-vous, si elle ne dépasse pas 1,5 % au lieu d’atteindre 2 %, pouvez-vous confirmer que la dette du pays continuera d’augmenter jusqu’à la fin du quinquennat ?

Confirmez-vous les calculs d’Hervé Mariton et Charles de Courson qui additionnent 6 milliards d’euros destinés à stabiliser la pression fiscale, 4 qui vont l’accroître, 4 de fiscalité écologique et 6 de TVA, soit, au total, 20 milliards d’euros de nouveaux impôts en 2014 ?

S’agissant de la baisse des dépenses, le tableau qui nous est présenté a été légèrement maquillé pour rendre la mariée plus belle, selon les techniques dont Bercy a coutume et que nous connaissons tous ici. Ainsi le précédent quinquennat a-t-il été amputé de l’année 2012 et le quinquennat en cours prolongé jusqu’à la fin 2017, ce qui permet sans doute d’accentuer l’augmentation des dépenses sous le gouvernement précédent et leur baisse sous celui-ci. Vous ne nous reconnaissez donc même pas le vote du budget 2012, auquel nous avons pourtant beaucoup travaillé avec Gilles Carrez, notamment pour réduire la dépense. Ce n’est pas bien grave ; le problème, c’est que, lorsqu’on maquille la mariée pour la faire paraître plus belle, cela fait douter de son honnêteté.

Selon le document que vous nous avez transmis, « la dépense a été strictement tenue en 2012 : elle a évolué de 0,7 % en volume hors éléments exceptionnels ». Or les éléments exceptionnels sont toujours inclus dans les calculs de dépenses. Ils l’étaient en 2011. Pour mon information personnelle, j’aimerais connaître le montant des éléments exceptionnels qui ont fait déraper la dépense en 2012.

Dernière question : quand, en 2013, présenterez-vous un collectif budgétaire ? Le budget que vous êtes en train d’exécuter n’est plus sincère et vous procédez à ce que Jérôme Cahuzac appelait pudiquement un « surgel », c’est-à-dire à des annulations de crédits votés par le Parlement. La croissance ne sera pas de 0,8 % du PIB, mais de 0,1 %. Nous voulons que le Parlement puisse se prononcer sur les réductions de dépenses auxquelles vous allez procéder. Si vous ne le lui permettez pas, il y aura déni de démocratie !

Mme Arlette Grosskost. Messieurs les ministres, dans le document que vous nous présentez, vous affirmez que « les craintes sur la pérennité de l’euro se sont dissipées ». Pourtant, le spectre de la déflation plane sur la zone euro. Le taux de change faisait d’ailleurs partie des incertitudes soulignées hier par le Haut Conseil. Qu’en pensez-vous ? Qu’en est-il du maintien de nos coûts de production et des marges de nos entreprises, alors que le coût des matières premières et des produits importés augmente, ce qui risque de neutraliser les effets de vos mesures, notamment du CICE ?

M. Pascal Cherki. J’aimerais faire part ici d’un motif d’insatisfaction dont les ministres ne sont pas responsables. Vous avez raison, monsieur Moscovici, d’accorder à ces deux programmes la même importance qu’à un projet de loi de finances. Des deux documents de 83 et 84 pages que nous venons de recevoir dépend en effet la crédibilité de nos hypothèses de croissance. Cela justifierait que nous puissions en discuter. Ainsi, à la page 13 du Programme national de réforme, il est question, à propos de « réformes structurelles au service de la croissance potentielle pour soutenir le pouvoir d’achat et réduire les coûts des entreprises », d’un projet de loi sur la réforme ferroviaire destiné à moderniser le « cadre social » « afin de créer les conditions d’une concurrence équitable entre l’opérateur historique et les nouveaux entrants ». Le bilan à moyen et à long terme de la privatisation du rail sous Margaret Thatcher, la dégradation du réseau et la hausse des coûts qui se sont ensuivis invitent à s’interroger sur des affirmations aussi abruptes, qui appelleraient un débat plus approfondi.

Cette audition va déboucher sur une déclaration du Gouvernement relative au programme de stabilité, qui ne pourra donner lieu à aucun amendement, alors même qu’il détermine le respect par la France de ses engagements vis-à-vis de l’Union européenne. En d’autres termes, l’essentiel du travail est accompli indépendamment des représentants de la nation. Cette situation, dont nous héritons, devrait inciter le Gouvernement, qui réfléchit à la transparence et à la modernisation de nos institutions, à s’interroger sur notre équilibre institutionnel. Il y va de la crédibilité du politique : le Parlement doit pouvoir contrôler l’action du Gouvernement – quelque résolument qu’il le soutienne, comme le font les élus socialistes.

Au regard des prévisions de croissance, le rythme de la réduction – nécessaire – des déficits n’est-il pas un peu trop rapide pour ne pas compromettre une croissance fragile ? De ce point de vue, le chiffre de 2,9 % est-il le bon ?

M. Jean-Pierre Gorges. Monsieur Moscovici, vous avez affirmé qu’un pays qui s’endette s’affaiblit et s’appauvrit. Je ne suis pas d’accord avec vous : la dette peut permettre à un pays de s’enrichir si elle ne résulte pas de dépenses de fonctionnement. Peu importe son montant : ce qui compte, c’est la capacité du débiteur à la rembourser. C’est justement celle-ci qui nous fait aujourd’hui défaut, parce que nous manquons d’investissements productifs. Peut-être devrions-nous nous endetter dans certains domaines pour créer de la croissance.

Je suis membre de la commission des Finances depuis 2002 et tous les ans, c’est la même chose : gauche et droite se servent de la croissance comme d’une variable d’ajustement budgétaire. On fait les comptes, on s’efforce de se mettre en conformité avec les exigences européennes, puis on fixe la croissance en conséquence. Vous l’estimez ainsi à 2 % pour 2017 alors que nous ne sommes pas capables de dire ce qu’elle sera dans quinze jours ! À côté de ces pratiques, la météo est une science exacte ! Je vous renvoie au débat que nous avons eu hier avec le président du Haut Conseil des finances publiques.

Monsieur Moscovici, je vous repose la question à laquelle M. Migaud m’a dit hier ne pas avoir le droit de répondre : ne serait-il pas possible de proposer une présentation du budget incluant d’emblée les amortisseurs, en dépenses et en recettes ? Si, par exemple, en ce qui concerne les dépenses, on a prévu d’augmenter le glissement vieillissement-technicité au profit des fonctionnaires, on pourrait le porter à 3 % si la croissance est là, à 2 % dans l’hypothèse contraire. C’est d’ailleurs ce que l’on finit par faire lors des collectifs budgétaires. En l’état, l’exercice est mensonger. Monsieur le ministre, je vous l’ai dit l’année dernière lorsque vous affirmiez que la dépense publique allait être réduite de 10 milliards d’euros : si le taux de dépense, en pourcentage du PIB, est constant alors que le PIB augmente de 0,8 %, cela signifie en réalité que vous prévoyez 16 milliards de dépenses supplémentaires. Vous aviez répondu qu’il s’agissait d’une diminution de l’augmentation. Arrêtons de mentir aux Français !

M. le ministre de l’Économie et des finances. Le Haut Conseil des finances publiques est une instance indépendante qui a rendu son avis au terme d’une semaine d’échanges avec nos services. Il a d’ailleurs également formulé des observations sur la forme de l’exercice, laquelle est perfectible puisqu’il s’agit d’une procédure nouvelle, qui s’est déroulée dans la plus grande transparence et qui a demandé beaucoup de travail supplémentaire à notre administration. Au total, l’expérience a été concluante et elle sera renouvelée. Son résultat m’inspire le même sentiment qu’à Mme Berger. Si notre scénario ne va pas sans risques ni sans aléas, le Gouvernement n’a aujourd’hui aucune raison de modifier ses prévisions de croissance. En effet, il ne serait pas opportun de se fixer un objectif exagérément prudent pour 2014 étant donné la politique que nous menons et l’ampleur des réformes engagées ; en outre, cela nous conduirait à programmer un ajustement structurel excessif.

J’invite Mme Pécresse à relire l’avis du Haut Conseil, selon lequel « un certain nombre d’aléas pourraient […] avoir un impact positif sur la prévision », dont « une contribution plus forte des stocks à la croissance sous l’effet d’une amélioration des anticipations d’activité des entreprises », ainsi qu’« une dépréciation éventuelle du taux de change effectif réel ». Si les aléas baissiers mentionnés par le Haut Conseil sont plus nombreux que les aléas haussiers, l’on ne peut pour autant passer ces derniers sous silence.

Je le répète après M. Alauzet, les prévisions du FMI diffèrent très peu des nôtres, les deux variant légèrement autour d’une croissance nulle en 2013. Nous devons viser cet objectif en proscrivant tout pessimisme qui pourrait entraîner un effet récessif supplémentaire.

Plusieurs d’entre vous se sont interrogés sur la sincérité de nos prévisions. Nous sommes convaincus que, en 2014, la croissance sera soutenue par le redémarrage de l’activité de nos principaux partenaires, par la reprise au sein de la zone euro, à laquelle nous travaillons, et par les réformes mises en œuvre par le Gouvernement. On peut dénombrer quatre bonnes raisons pour que la situation s’arrange dans la zone euro au cours du deuxième trimestre 2013, puis en 2014. D’abord, il y aura forcément moins d’austérité en 2014 qu’en 2013 : à l’exemple de la France, on peut ajouter celui des Pays-Bas et même celui de l’Allemagne, où le débat s’engage sur la reprise de la demande. Ensuite, les décisions adoptées lors du Conseil européen de juin dernier vont produire leurs effets ; je songe notamment à l’union bancaire. Troisièmement, la politique monétaire restera durablement accommodante, comme l’a annoncé la Banque centrale européenne. Enfin, nos partenaires européens appliquent des réformes tendant à réduire le déficit par des politiques de croissance.

Plusieurs éléments expliquent que nous ayons les mêmes prévisions de croissance que la Commission européenne tout en présentant un scénario différent : une demande internationale un peu supérieure du fait de cette réorientation des politiques européennes, l’effet des réformes qui n’avaient pas été intégrées aux calculs de la Commission – ce que nous lui avions d’ailleurs signalé –, auxquels s’ajoute un niveau d’importations légèrement inférieur. Tels sont les éléments dont découlent nos prévisions, qui sont parfaitement sincères. Voilà pourquoi, tout en saluant le travail du Haut Conseil et en prêtant la plus grande attention à ses conclusions, nous avons maintenu nos chiffres.

En ce qui concerne l’important débat sur la cible structurelle ouvert par Karine Berger, le solde public nominal est passé de + 0,5 % en 2017, prévu en loi de programmation des finances publiques, à – 0,7 % dans le présent programme, et le solde structurel de 0 à – 0,3 %. Mme Berger le sait bien, les évaluations du solde structurel, si intéressantes soient-elles, notamment pour le Haut Conseil auquel elles servent de boussole, sont très incertaines, a fortiori à l’horizon 2017. Elles opposent d’ailleurs les économistes. Toutes choses égales par ailleurs, la Commission estimera que notre progression, vue au prisme de son analyse plutôt conservatrice, devrait nous conduire en 2017 à un solde structurel proche de l’équilibre, mais négatif, alors que selon, l’OFCE, par exemple, nous aurions déjà atteint l’équilibre structurel en 2013 ou en 2014 et devrions donc cesser nos efforts. Je n’approuve ni l’une ni l’autre. Ne mettons pas en péril notre crédibilité, en général et vis-à-vis de la Commission en particulier. Quoi qu’il en soit, l’écart confirme que l’analyse économique n’est pas une science exacte et que nous avons raison de porter au niveau européen le débat relatif au calcul de la croissance potentielle et à l’écart de production. Nous devons nous fonder sur des principes simples : la poursuite de l’effort est indispensable ; le cap, c’est la réduction du déficit structurel sans austérité inutile, sans masochisme et en préservant les moteurs de la croissance. L’inversion de la courbe de l’endettement prévue pour 2015 devrait y concourir.

Les mesures contenues dans le PNR ont fait pour la plupart l’objet d’études d’impact : c’est le cas du CICE, des emplois d’avenir, des contrats de génération. L’effet de chaque réforme est intégré au scénario macroéconomique. Toutefois, il est exact que nous ne disposons pas d’une évaluation globale. Je vais donc demander à mes services d’y travailler afin d’améliorer l’information du Parlement. Précisons que le rythme de la croissance potentielle va, selon nos prévisions, s’accélérer au cours des quatre années à venir sous l’effet de nos réformes, pour atteindre 1,5 à 1,6 %, ce qui représente une hausse de 0,5 point au cours du quinquennat.

Monsieur Mariton, vous m’avez interrogé sur les prévisions du FMI. Après avoir été, de son propre aveu, trop optimiste quant aux effets des politiques d’ajustement, il semble avoir aujourd’hui tendance à accroître exagérément les multiplicateurs. Plusieurs facteurs sont en jeu. Notre hypothèse de croissance potentielle de 1,5 à 1,6 % intègre l’évolution du stock de capital, du travail, de la productivité globale des facteurs.

Quel est notre cap ? Nous visons l’équilibre structurel à la fin du quinquennat et comptons nous rapprocher de l’équilibre nominal en 2017. Nous nous y tiendrons, compte tenu des incertitudes attachées aux prévisions à long terme. En ce qui concerne l’après-2017, il conviendra de déterminer à nouveau la meilleure trajectoire.

La baisse du taux d’épargne me paraît logique, car elle reflète une résilience de la consommation dans un contexte où les ajustements ciblent les agents les plus susceptibles d’épargner. Elle n’est pas du tout incompatible avec la réforme des retraites. Sur ce dernier sujet, l’approche qui sera retenue dépend des partenaires sociaux, qui doivent jouer leur rôle, et des travaux de la commission Moreau. Il s’agit d’assurer l’équilibre des régimes de retraite à court, moyen et long terme.

Les cessions d’actifs n’apporteront pas de recettes maastrichtiennes, mais des recettes en capital, que l’État peut affecter soit au désendettement, soit à des dépenses en capital. On peut citer l’exemple de la cession de 3,1 % d’actions Safran, pour un peu plus de 450 millions d’euros. Par ailleurs, l’État apporte des ressources nouvelles à la BPI pour financer des investissements d’avenir. Responsable de la politique patrimoniale – prérogative du ministre des Finances depuis 1948 –, je vous présenterai une doctrine globale d’utilisation de ces cessions d’actifs, préférable à des débats au coup par coup.

S’agissant de l’effet du CICE, nous escomptons la création de 300 000 emplois et un gain de 0,5 point de PIB d’ici à 2017. Nul ne peut le nier, la mise en œuvre du dispositif a été exceptionnellement rapide. On nous a même reproché de l’avoir fait voter trop vite une fois que le Président de la République l’eut décidé dans le cadre du pacte national pour la compétitivité. Nous avons lancé l’offre de préfinancement de la BPI dès le 26 février et nous l’avons étendue le 5 avril aux TPE pour lesquelles le CICE ne dépasse pas 25 000 euros, constatant que les banques commerciales ne jouaient pas leur rôle auprès d’elles. Selon mes informations, plus de 1 400 demandes de préfinancement ont été accordées au cours de ce bref laps de temps, pour près de 500 millions d’euros. Je vous propose de revenir vous présenter d’ici à un mois l’état d’avancement de ce dispositif, qui fonctionne bien et dont nous souhaitons accélérer la mise en place, comme l’a rappelé ce matin le Président de la République en Conseil des ministres.

Madame Pécresse, j’ai déjà en partie répondu à vos questions. En ce qui concerne la sincérité de nos prévisions, notre objectif de croissance pour les années 2015 à 2017 n’est pas hors de portée ; je le qualifierais même de tout à fait raisonnable – même si, vous le savez comme moi, à cet horizon l’exercice de prévision demeure très conventionnel et assez incertain. Mais ce n’est pas parce que la France vient de vivre deux années de croissance nulle qu’elle y est condamnée pour l’éternité. Au cours des dix années qui ont précédé la crise, la croissance française était en moyenne supérieure à 2 %, soit un rythme à peine supérieur à la croissance potentielle que nous prévoyons pour la période 2015 à 2017, alors que nous disposons d’une capacité de rebond nettement plus élevée qu’alors.

Je n’ai pas pour habitude de raisonner avec des « si ». Si la croissance n’atteint pas 2 %, nous en débattrons le moment venu. Mais, pour notre part, nous n’avons nullement l’intention de mener une politique d’austérité. Il n’y aura donc pas de projet de loi de finances rectificative, parce que notre stratégie est absolument opposée à celle du gouvernement précédent : nous n’entendons pas revenir tous les trois mois sur le cap et sur la trajectoire que nous avons fixés. Je le répète, nous ne ferons pas d’effort supplémentaire outre ce qui a déjà été voté.

Mme Valérie Pécresse. Et le surgel ?

M. le ministre de l’Économie et des finances. Je n’ai pas exclu des mesures techniques, mais un plan d’ajustement supplémentaire.

Monsieur Alauzet, toute mesure d’ajustement pèse incontestablement sur la croissance. Cela étant, s’il n’y a pas de consolidation expansionniste, l’évaluation du multiplicateur budgétaire n’est pas non plus une science exacte qui vaut partout et toujours. Elle dépend de la nature de la consolidation, notamment du partage entre recettes et dépenses, et surtout du ciblage des mesures. En l’espèce, nous nous sommes efforcés de faire porter la hausse des prélèvements sur les agents dont les capacités contributives sont les plus élevées.

En ce qui concerne les taux d’intérêt, la France jouit d’une crédibilité qui résulte de son statut économique, de l’importance de son épargne, de la politique qu’elle mène. Nous devons la préserver, car une hausse de 100 points de base a des effets considérables sur nos finances publiques, sans parler de la croissance. Les exemples de l’Espagne et de l’Italie montrent un effet boule de neige : on sait comment cela commence, on ignore comment cela finit. Pour ces raisons, je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur Gorges : l’endettement ne peut pas être considéré comme un atout. Je le maintiens, une économie qui s’endette est une économie qui s’appauvrit, qui s’affaiblit, et qui subit une hausse déraisonnable du service de la dette.

S’agissant de l’assiette de la fiscalité écologique, M. Cazeneuve et moi-même sommes tout disposés à y réfléchir. En ce qui concerne la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, je vous répondrai, monsieur Alauzet, comme hier lors de la séance de questions au Gouvernement : il s’agit d’un impératif à la fois moral – car ces comportements sont insupportables dans le contexte que nous connaissons – et économique.

Enfin, monsieur Cherki, le chiffre de 2,9 % de déficit public en 2014 correspond à la voie que nous avons choisie et qui concilie l’exigence de redressement des comptes et l’impératif de croissance. Cet objectif doit nous permettre de respecter nos engagements en termes tant nominaux que structurels. La Commission européenne en demande évidemment davantage, mais la France ne souhaite pas ajouter l’austérité à la récession. La négociation sera donc difficile, mais elle aboutira. Nous modifions l’approche en faisant découler les cibles nominales de l’effort structurel plutôt que l’inverse. Cela étant, sans être identique à celle de la Commission, notre cible nominale est défendable : elle ne constitue pas un handicap dans nos discussions au niveau de l’Union européenne et de la zone euro dans la situation que celle-ci connaît actuellement.

M. le ministre délégué chargé du budget. J’aimerais pour ma part répondre aux interpellations de l’opposition, qui a tenu son discours habituel : premièrement, les efforts portant sur la dépense ne seraient pas suffisants ; deuxièmement, il y aurait des impôts cachés ; troisièmement, le niveau de déficit obtenu ne serait pas conforme à ce qui est annoncé.

Madame Pécresse, le talent que vous prêtez à l’administration pour maquiller les chiffres n’a pas dû s’exercer lorsque vous étiez en fonction, tant les chiffres de l’époque sont mauvais.

Mme Valérie Pécresse. Vous ne comptez pas 2012 dans votre bilan alors que j’étais encore en fonction.

M. le ministre délégué chargé du budget. Je vais vous parler très précisément de 2012 – plus précisément qu’hier, d’ailleurs, puisque j’ai maintenant en tête toute la chronologie des événements. Je rappellerai d’abord quelques éléments très simples et incontestables. Madame Pécresse, monsieur Mariton, monsieur de Courson, comment les dépenses, à propos desquelles vous jugez que nous n’en faisons pas assez, ont-elles évolué au cours des deux quinquennats pleins pendant lesquels vous étiez au pouvoir ? Elles ont augmenté en moyenne de 2,3 % par an entre 2002 et 2007 et de 1,7 % entre 2007 et 2012. Depuis que nous sommes au pouvoir, nous avons dû procéder à des corrections du budget, qui n’avait pas été fondé sur des hypothèses sincères.

Mme Valérie Pécresse. La Cour des comptes a jugé notre budget parfaitement sincère. Par ailleurs, vous n’étiez pas à ce poste à l’époque.

M. le ministre délégué chargé du budget. La continuité de l’État me permet de savoir ce qu’ont fait mes prédécesseurs, y compris au titre du semestre européen. Laissez-moi terminer et vous pourrez contester mes dires. En ce qui concerne le budget que nous avons trouvé à notre arrivée, le rapport publié par la Cour des comptes en juillet 2012 montrait que 2 milliards d’euros de dépenses n’avaient pas été correctement évalués. Vous avez fondé le budget pour 2012 sur une hypothèse de croissance de 1,75 %, puis de 1 %, que vous avez ensuite ramenée à 0,5 % en loi de finances rectificative.

Mme Valérie Pécresse. C’étaient des correctifs.

M. le ministre délégué chargé du budget. Non, c’était la marque de votre propension à vous tromper, qui rend peu crédibles les reproches que vous nous adressez aujourd’hui. Si nous n’avions pas pris des dispositions pour tenir compte des conditions dans lesquelles vous aviez élaboré le budget, le déficit aurait atteint en 2012 5,5 % au lieu de 4,8 %. Et, s’il s’est élevé à 4,8 % et non à 4,5 %, c’est notamment à cause de l’affaire Dexia et du budget européen, dont nous ne sommes pas responsables. Pourquoi les moyens alloués, en crédits de paiement, au budget européen ont-ils été rabotés à ce point ?

Mme Valérie Pécresse. Cela se passe ainsi pour chaque budget.

M. le ministre délégué chargé du budget. Non : en novembre 2010, M. Sarkozy a envoyé à la Commission une lettre dans laquelle il annonçait sa décision délibérée de raboter tous les crédits de paiement destinés au financement du budget européen au titre des engagements pris. Il n’est pas interdit de donner des leçons à toutes les séances de questions au Gouvernement et de la commission des Finances ; encore faut-il être capable de rendre compte de la manière dont on a exécuté ses propres prévisions budgétaires.

Mme Valérie Pécresse. Chaque fois que nous avons modifié nos prévisions de croissance, nous avons fait un collectif budgétaire. Et la Cour des comptes nous a donné quitus.

M. le ministre délégué chargé du budget. Comment le déficit structurel a-t-il évolué au cours des deux précédents quinquennats ? Il a été presque constamment très dégradé. À aucun moment vous ne l’avez redressé, sauf en 2011, alors que la situation économique était bien différente de celle que nous connaissons. De notre côté, nous avons procédé à un redressement du déficit structurel par les mesures correctives que je viens d’indiquer, à hauteur de 1,2 point de PIB en 2012 ; nous nous fixons un objectif de 1,9 point en 2013 et 1 point en 2014.

En ce qui concerne les dépenses de l’État, elles ont diminué de 300 millions d’euros en 2012 ; elles ont vocation à diminuer de 1,5 milliard en 2014. Madame Pécresse, monsieur Mariton, en quelle année les dépenses de l’État ont-elles diminué dans ces proportions au cours des deux quinquennats qui viennent de s’écouler ? Je serais heureux de le savoir.

Mme Valérie Pécresse. En 2011.

M. le ministre délégué chargé du budget. Pas du tout : en 2011, M. Fillon a indiqué que le niveau des dépenses de l’État en exécution était inférieur de 4,7 milliards aux prévisions. Cela ne veut pas dire que les dépenses de l’État ont diminué. D’ailleurs, vous vous êtes souvent targués d’avoir réalisé grâce à la révision générale des politiques publiques des économies absolument mirifiques, à hauteur de 12 milliards d’euros, alors même que les dépenses de l’État augmentaient de 170 milliards ! Car c’est l’évolution tendancielle des dépenses publiques que l’on mesure. Voilà pour la maîtrise des dépenses.

Mme Valérie Pécresse. Et les éléments exceptionnels ?

M. le ministre délégué chargé du budget. Je le répète, il s’agit d’abord de Dexia, recapitalisée à hauteur de 2,5 milliards d’euros, ce dont nous ne sommes pas responsables ; ensuite de 800 millions d’euros au titre du budget européen qui auront un effet négatif sur le budget 2012 mais positif sur le budget 2013 ; enfin, de raisons qui tiennent à la conjoncture, en l’espèce au décalage entre l’hypothèse de croissance de 0,3 % sur laquelle nous avons fondé le projet de loi de finances rectificative et le taux de 0 % constaté à la fin de la période.

J’en viens aux impôts. Monsieur Mariton, 6 milliards d’euros d’impôts sont inclus dans la trajectoire pour 2012. Je rappelle la manière dont nous les documentons : 1 milliard de réduction de cotisations sociales résultent de l’accord sur les retraites complémentaires ; nous sécurisons en 2014 les recettes attendues mais non perçues en 2013, dont le produit de la taxe de 75 % ou celui de la taxe sur les transactions financières, deux fois moins élevé que prévu ; par ailleurs, nous continuons de travailler sur les niches fiscales et sociales et nous avons la ferme intention de poursuivre notre lutte déterminée contre la fraude fiscale, qui a rapporté 2 milliards d’euros supplémentaires l’an dernier – 18 milliards en tout – et devrait nous permettre cette année d’atteindre le chiffre de 6 milliards sans imposer une nouvelle taxe aux Français.

Vous ne pouvez pas ajouter à ce montant les 4 milliards du CICE : si le financement des 10 milliards de diminution des charges pesant sur les entreprises est compensé par 6 milliards de TVA, l’effet du CICE sur les prélèvements obligatoires est de moins 4 milliards, et non de plus 4 milliards.

M. Hervé Mariton. Dans ce cas, pourquoi le taux de prélèvements obligatoires ne baisse-t-il pas davantage ?

M. le ministre délégué chargé du budget. Quant aux one shot, ils étaient intégrés, en produit, au budget pour 2013. Vous ne pouvez pas considérer comme une hausse de la pression fiscale la consolidation d’une recette de 2013 dans le budget pour 2014 par la pérennisation de taxes : il ne s’agit pas d’impôts supplémentaires mais d’impôts déjà acquittés en 2013 et que nous pérennisons.

M. Hervé Mariton. Ce ne sont plus les mêmes puisque c’est un one shot : ce sont donc d’autres impôts !

Mme Valérie Pécresse. Ce sont de nouveaux impôts, monsieur le ministre !

M. le ministre délégué chargé du budget. Pas du tout : ces 6 milliards de produit fiscal faisaient partie des produits fiscaux engrangés en 2013.

Mme Valérie Pécresse. Nous, nous nous plaçons du point de vue des Français !

M. le ministre délégué chargé du budget. Nous consolidons ce produit en 2014 : vous ne pouvez donc pas les ajouter.

M. Hervé Mariton. Il faut bien trouver vos 6 milliards quelque part !

M. le ministre délégué chargé du budget. Je conçois que vous défendiez ce raisonnement pour faire peur, mais en toute honnêteté intellectuelle et en toute transparence fiscale, il ne tient pas.

Mme Valérie Rabault, présidente. Merci, messieurs les ministres.

La Commission autorise la publication du rapport du rapporteur général sur le programme de stabilité et de croissance présenté par le Gouvernement pour les années 2013-2017.

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1 () Voir le rapport n° 847 de M. Jean-Marc Germain relatif au projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, 27 mars 2013, http://www.assemblee-nationale.fr/14/rapports/r0847-tI.asp

2 () Voir le rapport n° 847 de M. Jean-Marc Germain précité.

3 () Voir le rapport n° 847 de M. Jean-Marc Germain précité.

4 () Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000026871050&dateTexte=&categorieLien=id

5 () Commission européenne, Prévisions de l’économie européenne, Hiver 2013, 1/2013, 22 février 2013.

6 () Voir l’avis n° HCFP 2013-01 sur le site : http://www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/Premier-avis-du-Haut-Conseil-des-finances-publiques

7 () Voir le rapport d’information de M. Philippe Marini au nom de la commission des Finances du Sénat, n° 456, du 26 avril 2011, pages 17 et suivantes : http://www.senat.fr/rap/r10-456/r10-4561.pdf

8 () Pour plus de détail sur le calcul du solde et de l’effort structurel, se référer au rapport n° 244 sur le projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (pages 74 et suivantes).

9 () Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

10 () La procédure de correction des écarts doit, en effet, être engagée si l’écart est supérieur à 0,25 % du PIB par an, en moyenne sur deux années consécutives. Dans le cadre de cette prévision, l’écart de 0,4 % du PIB en 2013 serait entièrement comblé en 2014, ce qui écarterait tout risque de déclenchement de la procédure.

11 () Article 2 du règlement 1467/97 amendé par Règlement (UE) n° 1177/2011 du Parlement européen et du Conseil du 8 novembre 2011.

12 () PSTAB, page 32 : « Pendant cette période de transition, les États membres doivent respecter un ajustement structurel linéaire minimum. Pour le définir, la Commission définit une trajectoire d’ajustement linéaire du solde structurel qui, si elle était suivie, permettrait de respecter la référence à la fin de la période de transition. La trajectoire « minimale » consisterait à (i) ne pas chaque année s’écarter de plus de 0,25 % du PIB de cet ajustement structurel, et (ii) au total, ne pas être à plus de 0,75 % de la cible d’ajustement. Si l’un de ces critères n’est pas rempli, la Commission considère que les progrès sont « insuffisants » ».

13 () Source : INSEE, comptes nationaux, base 2005 et calculs du rapporteur général.

14 () La révision à la baisse de l’inflation joue en défaveur de ce ratio car une bonne partie des dépenses publiques ne sont pas indexées sur l’inflation, à commencer par la masse salariale, de sorte que leur montant est stable quel que soit le niveau d’inflation.

15 () INSEE, Comptes nationaux, base 2005, au regard de la comparaison annuelle du ratio dépenses des APU / PIB.


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