N° 1161 - Rapport d'information de MM. Philippe Doucet et Philippe Gosselin déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur le statut de l'élu



N° 1161

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 juin 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

déposé

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE, en conclusion des travaux d’une mission d’information (1) sur le statut de l’élu,

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. PHILIPPE DOUCET et PHILIPPE GOSSELIN,

Députés.

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La mission d’information sur le statut de l’élu est composée de :

MM. Philippe Doucet, président-rapporteur ; Philippe Gosselin, vice-président et co-rapporteur ; Mme Pascale Crozon, vice-présidente, MM. Gilles Bourdouleix, Marc Dolez, Olivier Dussopt, Matthias Fekl, Hugues Fourage, Yves Goasdoué, Guy Geoffroy, Paul Molac, Pierre Morel-A-L’Huissier, Jacques Pélissard, Pascal Popelin, Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Jacques Valax, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 5

I. FAVORISER L’ÉGAL ACCÈS AUX FONCTIONS ÉLECTIVES ET LE RENOUVELLEMENT DE LA REPRÉSENTATION POLITIQUE 9

A. UNE REPRÉSENTATION POLITIQUE SOUFFRANT D’UN MANQUE DE DIVERSITÉ 9

1. Des progrès remarquables dans la féminisation des élus, qui demeurent inachevés pour l’accès aux fonctions à responsabilités 10

2. Des élus dont l’âge et le profil socio-professionnel ne reflètent pas la population française 13

a) Des élus relativement âgés 15

b) La « surreprésentation » de certaines catégories professionnelles 17

B. DES GARANTIES À CONFORTER POUR DES ÉLUS AUX PROFILS PLUS DIVERS 19

1. Ouvrir le champ des candidatures 19

2. Faciliter la réinsertion professionnelle 21

a) Améliorer le dispositif de l’allocation différentielle de fin de mandat 21

b) Développer les possibilités de formation pour préparer la réinsertion professionnelle 24

c) Valoriser l’expérience acquise par l’élu 26

3. Assurer l’acquisition de droits à une retraite supplémentaire 27

a) Le système tel qu’il fonctionnait jusqu’au 1er janvier 2013 27

b) Les changements apportés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 28

c) Pour l’obligation de cotiser à un régime de retraite par rente 29

II. DONNER AUX ÉLUS LES MOYENS D’ACCOMPLIR PLEINEMENT LEURS MANDATS 31

A. POUVOIR S’INVESTIR LIBREMENT DANS L’EXERCICE DES FONCTIONS ÉLECTIVES LOCALES 33

1. Une inégale capacité à concilier vie publique et vie privée 33

a) Des garanties assez larges accordées dans l’exercice du mandat 33

b) Des droits effectifs pour tous les élus ? 36

2. Des garanties à étoffer pour une plus grande liberté de choix 37

a) Ajuster le périmètre d’application du crédit d’heures 37

b) Conforter la protection des élus salariés 38

B. RECEVOIR UNE JUSTE COMPENSATION DES CONTRAINTES PROPRES À L’ACCOMPLISSEMENT D’UN MANDAT 42

1. Parfaire la couverture des risques assurée par la sécurité sociale 42

2. Établir un régime indemnitaire conforme au rôle nouveau des élus locaux 46

a) De justes indemnités eu égard au travail fourni ? 46

b) Compenser l’investissement dans l’exercice des mandats électifs 50

C. BÉNÉFICIER D’UNE FORMATION PERMETTANT DE MIEUX SERVIR LA COLLECTIVITÉ 58

1. Consacrer l’exigence de formation des élus 59

2. Satisfaire les demandes de formation 61

a) Dégager les ressources nécessaires à la formation des élus 61

b) Assurer aux élus l’accès la formation sur l’ensemble du territoire 64

3. Assurer l’acquisition des compétences pertinentes 67

III. VEILLER À L’ÉQUILIBRE DES DROITS ET DES DEVOIRS DANS L’EXERCICE DE RESPONSABILITÉS ÉMINENTES 71

A. PRÉVENIR LES CONFLITS D’INTÉRÊTS ET FAVORISER LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE 71

1. Consacrer les obligations déontologiques des élus locaux dans une charte ayant valeur législative 73

2. Favoriser l’intégration de la déontologie dans l’exercice des mandats et le débat public 75

3. Rendre obligatoire la publication de l’utilisation de la réserve parlementaire 77

B. ÉTABLIR UN RÉGIME DE RESPONSABILITÉ PÉNALE ADAPTÉ AUX CONDITIONS D’EXERCICE DES MANDATS 80

1. La question récurrente de la responsabilité pénale des élus en cas de délit non intentionnel 81

2. Le problème de la définition de la prise illégale d’intérêt 84

C. FORMALISER UN STATUT DE L’ÉLU 88

1. Une idée ambitieuse : construire un statut des élus 88

2. Une proposition nécessaire : regrouper les dispositions relatives aux droits et devoirs des élus locaux 90

EXAMEN EN COMMISSION 93

LISTE DES PROPOSITIONS 109

CONTRIBUTION DU GROUPE GDR 113

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION 115

ANNEXE 117

Plus d’un demi-million de Français exerce un mandat local (2). En donnant de leur temps et de leur énergie, de manière désintéressée, ils assurent au quotidien le fonctionnement démocratique de nos collectivités locales et de leurs groupements. Si l’action des élus nationaux suscite parfois une forme de défiance, le travail des élus locaux, proche du terrain et au contact permanent de la population, dans lequel les oppositions partisanes sont généralement peu marquées, est apprécié de nos concitoyens, qui en voient les réalisations concrètes.

Depuis le vote des premières lois de décentralisation, en 1982, le rôle des élus locaux n’a cessé de se développer et de se complexifier au fur et à mesure de l’attribution de nouvelles compétences aux différents niveaux de collectivités. Dès le début de ce processus est apparue la nécessité de doter d’un statut ces élus, dont les responsabilités étaient amenées à croître. Ainsi, l’article 1er de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions prévoyait déjà que la loi déterminerait le « statut des élus ».

Parallèlement à l’élaboration de cette loi fondatrice, le sénateur et ancien ministre Marcel Debarge avait rédigé, à la demande du Premier ministre, un rapport sur le statut de l’élu local, départemental et régional et la limitation du cumul des fonctions et mandats électifs, présenté dès janvier 1982. Mais il fallut attendre dix ans et un second rapport du même auteur (3) pour que ses préconisations trouvent une traduction législative, dans la loi du 3 février 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux. La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale et la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ont renforcé le dispositif initial.

Entre début 2002 et fin 2012, en dépit de la poursuite du processus de décentralisation, quasiment aucun progrès n’a été enregistré. Le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, déposé sur le bureau du Sénat le 21 octobre 2009 (4) comprenait certes un titre III relatif aux conditions d’exercice des mandats locaux, mais il n’a jamais été discuté, ses dispositions jugées les plus importantes – relatives aux conseillers territoriaux – ayant été introduites par amendements dans un autre projet de loi (5). Plusieurs propositions de loi abordant ce sujet (6) ont en outre été adoptées au cours des dernières années par le Sénat, mais la navette ne s’est pas poursuivie. Récemment, d’importantes modifications ont été apportées aux règles relatives à la couverture sociale des élus locaux par l’article 18 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013. Enfin, le 29 janvier dernier, le Sénat a adopté une proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus, de leur mandat, présentée par Mme Jacqueline Gourault, présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des Lois du Sénat (7) – que nous désignerons dans la suite du rapport par les noms de ses auteurs. L’Assemblée nationale devrait l’examiner prochainement.

Entre 1992 et 2002, les élus locaux se sont vus reconnaître un certain nombre de droits, qui visaient à leur permettre de mieux exercer leur mandat. Les quatre piliers de ce dispositif sont un régime indemnitaire, une protection sociale, des droits d’absence pour les élus salariés, des possibilités de suspension d’une activité professionnelle, accompagnées d’aides au retour à l’emploi. Le bénéfice de ces droits n’est pas accordé à l’ensemble des élus locaux : il varie considérablement en fonction de la catégorie de la collectivité ou du groupement de collectivités au sein desquels la personne a été élue, mais aussi des fonctions qu’elle y exerce (maire, adjoint au maire, président ou vice-président d’un conseil régional ou département par exemple) et du nombre d’habitants de cette collectivité ou de ce groupement. Un président de conseil régional ou départemental ou le maire d’une grande ville peut compter sur une série de dispositifs, quand un simple conseiller municipal, a fortiori, d’une commune de petite taille, n’a quasiment aucun droit. 72 % des élus municipaux exercent ainsi leur mandat sans percevoir aucune indemnité de fonction. Ces contrastes reflètent naturellement des différences très importantes dans le niveau des responsabilités à assumer, le temps à consacrer au mandat, et les compétences à maîtriser.

Les mesures prises au cours des trente dernières années constituent des éléments qui pourraient trouver place au sein d’un statut de l’élu, ou des élus, si l’on veut mettre l’accent sur leur incontestable diversité. Mais un tel statut, qui articulerait les droits et les devoirs des élus, n’existe pas, comme les personnes entendues par la mission d’information l’ont souligné. Il semblerait d’ailleurs que cela ne constitue pas une exception française : par exemple, comme M. Éric Kerrouche (8) l’a expliqué, les législations des différents États européens comportent des mesures relatives aux conditions d’exercice des mandats électifs, mais elles sont rarement codifiées et ne couvrent qu’imparfaitement l’ensemble du parcours de l’élu entre son élection et sa sortie de mandat, ce qui s’expliquerait par la difficulté à faire accepter ces mesures dérogatoires à la population.

L’absence de cet instrument juridique unique, qui faciliterait la connaissance des dispositifs non seulement par les élus mais aussi par l’ensemble de nos concitoyens, est regrettable, mais c’est d’abord la question de son contenu qui a retenu l’attention de la mission d’information. Créée par la commission des Lois le 13 mars 2013, celle-ci s’est en effet fixée pour objectifs de dresser l’inventaire des dispositifs existants et de formuler des propositions afin de les adapter aux besoins d’aujourd’hui, marqués par de nouvelles attentes de la société vis-à-vis des élus, en termes d’efficacité comme de transparence, mais aussi par la limitation à venir du cumul entre un mandat national (ou européen) et un mandat local (9).

La mission d’information, composée de dix-huit membres représentant tous les groupes de l’Assemblée nationale, a souhaité adopter une vision large du champ de ses travaux. D’abord, comme elle portait sur le statut de l’élu, sans que ce dernier soit qualifié, elle n’a pas exclu a priori les élus nationaux de ses réflexions ; néanmoins leur situation étant très différente de celle des élus locaux et les garanties qui leur sont accordées constituant d’ores et déjà, de fait, une forme de statut, ses travaux et ses propositions ont essentiellement concerné les élus locaux. Ensuite, contrairement à la démarche suivie en 2011 par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat (10), la mission d’information ne s’est pas limitée aux questions liées à la recherche de conciliation du mandat avec la vie professionnelle de l’élu et à celles de la protection matérielle du mandat ; elle a aussi abordé les sujets de la prévention des conflits d’intérêts et de l’équilibre à trouver entre droits et devoirs des élus.

Le volet consacré à la prévention des conflits d’intérêts a été privé d’une partie de sa pertinence par le dépôt, dès le 24 avril dernier, d’un projet de loi organique et d’un projet de loi relatifs à la transparence de la vie publique (11). Avant que l’actualité ne rende nécessaire l’accélération du programme du Gouvernement, il était prévu qu’ils ne soient déposés qu’après la fin des travaux de la mission d’information. Celle-ci n’en a pas moins organisé une table-ronde sur ce sujet, qu’elle a aussi évoqué avec l’ensemble de ses interlocuteurs.

Sur proposition de son président-rapporteur et de son vice-président et co-rapporteur, qui ont travaillé en bonne intelligence, la mission d’information a concentré ses auditions sur les représentants des principales associations d’élus ; elle a aussi entendu Mme Jacqueline Gourault et un membre du groupement de recherche sur l’administration locale en Europe (GRALE), à titre introductif, ainsi que plusieurs représentants de la direction générale des collectivités locales (DGCL). Elle a privilégié la voie de la contribution écrite afin d’obtenir l’analyse de plusieurs universitaires spécialistes de ces sujets et la position d’un grand nombre de partis politiques. Elle a ainsi interrogé tous les partis ou groupements politiques ayant un ou plusieurs élus à l’Assemblée nationale, au Sénat ou au Parlement européen, ainsi que ceux qui ont présenté un candidat à la dernière élection présidentielle. Seul un petit nombre d’entre eux a répondu à cette sollicitation. Votre rapporteur et votre co-rapporteur les en remercient, tout comme ils remercient les universitaires qui ont accepté de contribuer aux travaux de la mission et l’ensemble des personnes qui y ont pris part.

Il apparaît clairement que les élus locaux ne se sentent pas reconnus par la société à la hauteur de leur investissement personnel dans l’exercice de leur mandat, alors que celui-ci est toujours plus lourd et exigeant, en particulier pour ceux qui sont investis de fonctions exécutives. La technicité de ces fonctions, le temps qu’elles exigent, les responsabilités qu’elles impliquent ont augmenté plus vite et plus fortement que les dispositifs censés aider les élus à les assumer dans de bonnes conditions. Cela risque de se traduire par une diminution de l’intérêt de nos concitoyens pour l’engagement politique, cet adjectif s’entendant au sens large de défense de l’intérêt général, et non de manière partisane. La « crise des vocations » menace à chaque scrutin local, faisant craindre que le vide créé attire des personnes moins désintéressées. Comme l’a souligné Mme Marilyse Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la fonction publique et de la décentralisation, lors de son audition par la mission, il est essentiel pour la démocratie que les élus soient « bien dans leur vie et dans leur mandat », ce qui justifie amplement le coût, au demeurant raisonnable, des différentes mesures qui pourraient être prises sur la base des recommandations de la mission.

La mission d’information a articulé sa réflexion autour de trois nécessités : favoriser l’égal accès aux fonctions électives et le renouvellement de la représentation politique, donner aux élus les moyens d’accomplir pleinement leurs mandats et veiller à l’équilibre des droits et des devoirs dans l’exercice de leurs responsabilités. Elle formule un certain nombre de propositions. Si quelques-unes sont identiques à celles adoptées par le Sénat dans le cadre de la proposition de loi Gourault-Sueur, qui se voulait pragmatique, ou en sont voisines, d’autres sont plus ambitieuses. Ensemble, elles visent à faire en sorte que le statut de l’élu ne soit plus un « serpent de mer » de notre débat public.

I. FAVORISER L’ÉGAL ACCÈS AUX FONCTIONS ÉLECTIVES ET LE RENOUVELLEMENT DE LA REPRÉSENTATION POLITIQUE

Un statut de l’élu, ou des élus, doit non seulement assurer à ceux-ci des conditions leur permettant d’exercer leur mandat le mieux possible, dans l’intérêt général, mais aussi neutraliser autant que possible les biais qui ont aujourd’hui pour effet d’exclure certains pans de la population de l’accession à un mandat électif.

Il est vrai que, jamais, dans aucune démocratie, les élus n’ont reflété de manière parfaitement fidèle la composition de leur électorat. On ne peut nier que des progrès très importants ont été réalisés en France au cours de la dernière décennie pour ce qui est de la féminisation des élus. Mais la « République des notables » qui a vu le jour à la fin du XIXe siècle est loin d’avoir disparu et les Français, toujours mieux formés et informés, aspirent logiquement à être représentés ou administrés par des élus qui leur ressemblent, vivent comme eux et comprennent leurs problèmes et leurs aspirations.

Le denier mot appartient toujours aux électeurs, mais la tâche du législateur doit être de faire en sorte que les personnes les plus diverses puissent se porter candidates aux différents mandats, nationaux ou locaux. Cela suppose de rendre l’accession à un mandat électif plus « naturel » en facilitant le passage de l’état de simple citoyen à celui d’élu, et inversement.

A. UNE REPRÉSENTATION POLITIQUE SOUFFRANT D’UN MANQUE DE DIVERSITÉ

Le manque de diversité des élus et la nécessité d’y porter remède ont été soulignés par l’ensemble des interlocuteurs de la mission, et en particulier par les nombreux représentants des associations d’élus qu’elle a reçus.

Dans leur ouvrage paru en 2006 (12), M. Éric Kerrouche, que la mission d’information a entendu, et Mme Élodie Guérin-Lavignotte, parlent, pour les élus locaux, de « pesanteurs sociologiques » à propos de la sous-représentation féminine, de l’inégale représentation des classes d’âges et du déséquilibre dans la représentation des catégories socioprofessionnelles, phénomènes qu’ils ont observés dans la quasi-totalité des pays européens.

1. Des progrès remarquables dans la féminisation des élus, qui demeurent inachevés pour l’accès aux fonctions à responsabilités

D’une manière générale, les femmes sont sous-représentées parmi les élus, dans l’ensemble des pays européens. Mme Élodie Guérin-Lavignotte et M. Éric Kerrouche indiquent ainsi que, en 2002, les femmes étaient minoritaires dans les conseils municipaux, quel que soit le pays européen. Elles ne dépassaient le tiers des membres de ces conseils qu’en Finlande et en Norvège (34 %), en Lettonie (39 %), en Suède (42 %) et en France (47,5 %). Il est important de souligner que, parmi ces pays, seule la France obtenait ce résultat grâce à l’application de règles particulières favorables à la parité.

Après plusieurs tentatives inabouties, c’est la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 qui a permis l’adoption de telles règles en autorisant la loi à déroger au principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant la loi pour « favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives » (13), ce à quoi les partis politiques doivent contribuer (14). La loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives a imposé que, pour tous les scrutins de liste, sous peine d’irrecevabilité, les listes comportent une moitié de candidats de chaque sexe, à l’unité près. Pour les scrutins de liste à un tour (les élections européennes et les sénatoriales, dans les départements les plus peuplés), l’obligation d’alternance devait être stricte du début à la fin de la liste ; pour les élections municipales (15) et les élections régionales, l’obligation d’alternance était prévue par tranche de six candidats. La loi du 11 avril 2003 (16) a instauré l’alternance stricte pour les listes des élections régionales et la loi 31 janvier 2007 (17) a fait de même pour les listes des élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants. Cette dernière loi a aussi introduit une obligation de parité dans les exécutifs régionaux et municipaux (au-dessus de 3 500 habitants, pour ces derniers) et contraint les candidats aux élections cantonales à avoir un suppléant de l’autre sexe. Parallèlement, a été mis en place en 2000, puis renforcé en 2007, un système de sanctions financières pour les partis ou groupements politiques, qui conduit à une retenue sur la première fraction de la dotation financière publique qui leur est attribuée, retenue d’autant plus élevée que l’écart est grand entre les nombres des candidats de chaque sexe qu’ils ont présentés aux élections législatives.

Cette volonté politique, d’abord mise en œuvre par le gouvernement de M. Lionel Jospin, puis réaffirmée par ceux de MM. Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin, a permis une féminisation très importante des catégories d’élus auxquelles les différentes lois s’appliquaient, comme le montrent les tableaux reproduits infra (18). Pour les élections régionales, la part des femmes élues est passée de 27,6 % en 1998 à 47,6 % en 2004 et 48,2 % en 2010. En mars 2008, 35,8 % des conseillers municipaux élus étaient des femmes – la proportion est de 48,5 % dans les communes de plus de 3 500 habitants, et de l’ordre du tiers pour les plus petites. À l’échelon national, les résultats restent nettement inférieurs, les règles étant moins contraignantes : on ne compte encore actuellement que 26 % de femmes à l’Assemblée nationale et 23,5 % au Sénat. Force est de constater qu’en l’absence de toute règle contraignante applicable à l’élection des conseillers généraux, seuls 15 % d’entre eux étaient des femmes à l’issue du renouvellement de 2011 (la proportion était de 12,9 % avant ce renouvellement).

Le nombre femmes élues locales a ainsi beaucoup progressé, mais elles n’ont pas forcément accédé à des fonctions à responsabilités. Seuls 14,4 % des maires étaient des femmes au 1er février 2012, selon les chiffres publiés par la direction générale des collectivités locales (DGCL). À la suite des élections de 2008, la part des femmes parmi les maires variait entre 8 % pour les communes comptant entre 9 000 et 30 000 habitants et 14,3 % pour les communes de moins de 3 500 habitants. Certes, cette proportion n’était en moyenne que de 7,8 % en 1995 et de 11 % à l’issue des élections municipales de 2001, mais le décalage reste très fort en comparaison de l’évolution de la part des conseillères municipales. De même, seules 5,7 % des structures intercommunales à fiscalité propre étaient présidées par des femmes en 2002 ; elles n’étaient encore que 7,2 % pour l’ensemble des structures intercommunales en 2011, alors qu’entre un cinquième et un quart des délégués serait des femmes (19). Pour ce qui est des conseils généraux, on ne comptait que cinq présidentes en 2011 (contre une seule en 2001) et une seule région était présidée par une femme.

Au-delà des fonctions de chef de l’exécutif, les comparaisons publiées par Mme Élodie Guérin-Lavignotte et M. Éric Kerrouche dans l’ouvrage précité font apparaître une forme de « rétrogradation » des femmes lors de la constitution des exécutifs. Après les élections de 2001, un quart des conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants étaient des femmes, mais seulement 17 % occupaient un poste d’adjointe. Le déséquilibre le moins fort concernait les communes comptant entre 9 000 et 30 000 habitants, où 41,2 % des adjoints étaient des femmes, quand elles constituaient 46,4 % des conseillers municipaux. C’était dans la strate de communes au-dessus (allant de 30 000 à 100 000 habitants) que le déséquilibre était le plus marqué (36,3 % d’adjointes pour 48 % de conseillères). Cette marginalisation quantitative s’accompagnait du cantonnement des femmes à certains domaines, ce qui reflète un partage sexué des rôles : les femmes obtiennent des postes d’adjoints ou des délégations dans les secteurs social et familial, en lien avec l’éducation, la petite enfance, les relations avec le public ou la gestion du quotidien, quand les hommes ont un quasi-monopole des responsabilités économiques, financières, en lien avec la sécurité, et dans une moindre mesure, l’urbanisme et l’aménagement. Il est probable que l’obligation de parité dans les exécutifs municipaux et régionaux, introduite en 2007, si elle a réduit le phénomène de « rétrogradation », n’a fait que renforcer ce partage des tâches. Elle a en revanche permis de porter, à l’issue des élections de 2008, à 49 % la part des femmes parmi les adjoints dans les communes de plus de 3 500 habitants et à plus du tiers leur part parmi les premiers adjoints, et a eu un effet d’entraînement sur les plus petites communes, puisque ces proportions y sont respectivement de 30 % et de 22,5 %, ce qui est nettement plus qu’en 2001.

Les deux chercheurs précités mentionnaient plusieurs éléments susceptibles d’expliquer cette sous-représentation féminine. Ils évoquaient d’abord la « participation politique limitée des femmes les plus qualifiées ou dotées des plus hauts statuts professionnels », qui « aurait un effet amplificateur dans la mesure où les décideurs politiques sont issus massivement de ces groupes » mais ils insistaient sur la nécessité de prendre en compte d’autres facteurs tels que la discrimination, parfois dissimulée, contre les candidates ; le manque de temps et de réseaux dont souffrent les femmes souvent responsables des tâches ménagères ; une socialisation politique qui met l’accent sur la division par genre du travail politique. Ils soulignaient enfin ce qu’ils appelaient « l’effet hors-groupe », c’est-à-dire le fait que les femmes ne ressemblent que peu à l’élite masculine dominante des partis politiques. Ainsi, en 2001, les élues françaises étaient plus jeunes, plus souvent sans profession et adhérant moins aux partis politiques et, donc, plus en rupture avec leurs attentes et leurs modes de fonctionnement.

Il est très difficile d’agir sur ces facteurs, mais les différentes dispositions prises en France en faveur de la parité ont permis d’améliorer considérablement la situation en poussant les partis politiques à présenter davantage de candidates. Ces progrès devraient se poursuivre au cours des prochaines années.

En effet, la loi du 17 mai 2013 (20) contient plusieurs avancées en matière de parité hommes/femmes. D’abord, son article 48 abroge les dispositions, issues de la loi du 16 décembre 2010 (21), qui créaient le conseiller territorial, chargé de siéger tout à la fois au conseil général et au conseil régional, dont le mode d’élection, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, aurait entraîné un formidable recul de la représentation des femmes dans les conseils régionaux. Ensuite, son article 3 prévoit un nouveau mode d’élection pour les conseillers départementaux, qui remplaceront les conseillers généraux à compter du prochain renouvellement, en 2015 : les électeurs de chaque canton (le nombre de cantons étant réduit de moitié) éliront deux conseillers de sexe différent qui se présenteront en binôme de candidats ; ce devrait donc être la fin du bastion masculin qu’était jusque là le conseil général. Son article 24 limite aux communes de moins de 1 000 habitants (au lieu de 3 500) l’application du scrutin majoritaire pour ’élection des conseillers municipaux : le scrutin de liste et la stricte alternance homme/femme seront donc la règle dans les 9 550 communes de 1 000 habitants et plus, à compter de 2014. Enfin, le titre V de la loi organise un nouveau mode de fléchage pour l’élection des conseillers communautaires – nouveau nom des délégués des communes auprès des structures intercommunales –, qui assurera, pour les communes soumises au scrutin de liste, la parité parmi ces conseillers, à un près, puisque les premières personnes élues sur la liste auront vocation à remplir ce mandat.

Enfin, le projet de loi relatif à l’élection des sénateurs, déposé par le Gouvernement sur le bureau du Sénat le 20 février 2013, vise à abaisser de quatre à trois le nombre minimal de sénateurs par département à partir duquel ceux-ci sont élus à la représentation proportionnelle (22), chaque liste devant être composée alternativement d’un homme et d’une femme. La part des sénateurs élus à la proportionnelle passerait ainsi de 52 % à 74 %.

2. Des élus dont l’âge et le profil socio-professionnel ne reflètent pas la population française

La direction générale des collectivités locales (DGCL) publie chaque année un rapport intitulé Les collectivités locales en chiffres, qui présente notamment des informations sur l’âge et la catégorie socio-professionnelle des élus locaux. La comparaison entre les données publiées en 2002 et celles publiées en 2013, reproduites ci-après, est très intéressante.

LES ÉLUS LOCAUX EN 2002


Extraits de : direction générale des collectivités locales, Les collectivités locales en chiffre 2002.

LES ÉLUS LOCAUX EN 2013

Extraits de : direction générale des collectivités locales, Les collectivités locales en chiffres 2013.

a) Des élus relativement âgés

La part des personnes âgées de soixante ans et plus progresse faiblement pour les élus régionaux (23,6 % en 2002, 28 % en 2013), mais a augmenté de plus de 20 points pour les conseillers généraux (passant de 31,9 % à 55,1 %) et de plus de 30 points pour les maires (23) (passant de 28,5 % à 59,5 %). Leur « surreprésentation » est forte, puisque cette classe d’âge regroupait 20,4 % de la population française en 2002 et 23,4 % en 2012, et elle a fortement augmenté. La part des élus âgés entre quarante et cinquante-neuf ans ayant diminué à peu près dans les mêmes proportions, il peut en être déduit, simplement, que les élus ont, en dix ans, vieilli, mais cela signifierait que les mêmes personnes sont restées élues pendant dix ans. C’est certainement le cas pour une partie d’entre elles, mais pas pour toutes ; quand bien même ce serait la principale explication, apparaîtrait l’existence d’un problème de non-renouvellement, auquel il faudrait aussi essayer de remédier.

Le cas des conseillers régionaux fournit un indice intéressant. La parité s’est appliquée à leur élection pour la première fois en 2004 : le renouvellement qu’elle a entraîné est certainement pour beaucoup dans le faible vieillissement de cette catégorie d’élus locaux ; c’est même la seule qui a rajeuni puisque la part des moins de quarante ans, déjà plus élevée que pour les autres catégories, a presque doublé en dix ans (7,6 % en 2002, 13 % en 2013).

Les représentants des associations d’élus rencontrés par la mission ont généralement indiqué qu’ils ne disposaient pas de statistiques exhaustives sur l’âge et la catégorie socio-professionnelle des élus membres de leurs associations, mais tous ont mis l’accent sur le vieillissement des élus.

Les évolutions signalées à la mission par M. Christophe Rouillon, vice-président de l’Association des maires de France (24), sont très claires : le nombre des maires de moins de quarante ans a été divisé par trois entre 1983 et 2008, leur proportion chutant de 12,5 % à 4,17 %. La baisse se poursuit depuis, la DGCL indiquant une part de 1,8 % seulement au 1er février 2013.

La Fédération des maires des villes moyennes, qui rassemble les maires de communes et les présidents d’intercommunalités comptant entre 20 000 et 100 000 habitants, a récemment réalisé une enquête auprès de ses 200 membres, dont l’un de ses vice-présidents, M. Raymond Couderc, a donné les résultats à la mission (25). Sur les 157 responsables locaux qui y ont répondu, 58 % avaient plus de soixante ans et seulement 2 % moins de quarante ans.

Selon l’ouvrage précité de Mme Élodie Guérin-Lavignotte et M. Éric Kerrouche, une enquête réalisée en 2003 et 2004 sur les maires des communes de plus de 10 000 habitants en Europe met en évidence un âge moyen autour de 50 ans : les maires les plus jeunes sont espagnols, avec une moyenne de l’ordre de 48 ans, quand les plus âgés sont britanniques, leur moyenne d’âge étant de 57 ans, soit seulement quelques mois de plus que les maires français. Les councillors d’Angleterre et du pays de Galles (26) présentaient en 1998 une moyenne d’âge de 56 ans, quand cette moyenne était de 53 ans pour les conseillers régionaux français et de 55 ans pour les conseillers généraux.

Les facteurs d’explication présentés par les chercheurs tiennent à la situation personnelle de ces personnes, qui ont plus de temps à consacrer à un mandat, mais aussi des caractéristiques telles que le fait d’être à l’apogée de sa carrière professionnelle, de disposer de réseaux solides au sein d’une collectivité dans laquelle on réside en général depuis longtemps. Ils concluent que ces personnes peuvent potentiellement utiliser et « convertir » ces éléments de leur statut social dans la sphère politique.

L’insertion dans des réseaux joue un rôle très important et discriminant, y compris pour l’accession à un mandat municipal : plus de 30 % des conseillers municipaux déclarent qu’un de leur parent ou grand-parent a exercé un tel mandat ; le poids de l’héritage est encore plus marqué pour les élus de moins de trente ans, qui se caractérisent par des qualités relationnelles, un ancrage territorial et un capital social lié à cet héritage familial.

b) La « surreprésentation » de certaines catégories professionnelles

L’âge élevé des élus locaux se traduit dans la proportion élevée des retraités. Toujours selon les chiffres publiés par la DGCL, en 2001, 29,7 % des maires étaient des retraités, quand ces derniers constituaient 22,1 % de la population active de plus de 15 ans. Dans les statistiques de 2012, cette part a augmenté pour atteindre 32,4 % (pour 27 % environ de la population active). Elle n’est que légèrement moins élevée pour les conseillers régionaux (29,9 %). 19,6 % de l’ensemble des conseillers municipaux étaient retraités et M. Christophe Rouillon a indiqué que les adjoints au maire étaient aussi très souvent des retraités. Seuls les conseillers régionaux, nettement plus jeunes, présentent une part de retraités légèrement inférieure à 10 % (9,9 %).

Les principales raisons mises en avant sont le faible renouvellement – en l’absence de limitation du nombre de mandats successifs, mais aussi, souvent dans les communes rurales, faute de successeur potentiel –, le manque de temps à la disposition des personnes exerçant une activité professionnelle pour remplir un mandat électif, la faiblesse des indemnités perçues par les élus, vos rapporteurs y reviendront.

L’appartenance socio-professionnelle des élus locaux tend à confirmer ces explications puisque les plus représentées parmi les élus sont les catégories dont les membres soit peuvent disposer de leur temps relativement librement, soit bénéficient de rémunérations confortables.

En 2013, la « surreprésentation » des exploitants agricoles est forte pour tous les mandats locaux, mais elle est maximale pour celui de maire – 15,6 % des maires sont des exploitants agricoles, alors que ceux-ci ne représentent que 1 % des Français de quinze ans et plus – et celui de conseiller municipal (11,1 %). Il faut surtout y voir une conséquence du poids des communes rurales parmi l’ensemble des communes françaises.

Les autres catégories fortement « surreprésentées » parmi les maires sont les artisans, commerçants et chefs d’entreprises (8 % des maires, pour 3,3 % de la population active) et les cadres et professions intellectuelles supérieures (15 % des maires, pour moins de 9 % de la population active). La « surreprésentation » de ces derniers est encore plus marquée parmi les conseillers généraux et régionaux, dont ils représentent plus de 32 %. La part de la catégorie des « professions intermédiaires » est assez proche de leur part dans la population active (13,2 %) pour les mandats de conseillers municipaux (11,5 %), de maires (11 %) et de conseillers généraux (14,4 %) ; elle est en revanche presque deux fois supérieure (25,6 %) pour les mandats régionaux. Quant aux employés, s’ils sont bien représentés parmi les conseillers municipaux (20,6 % pour 16,6 % des actifs), ils sont sous-représentés s’agissant des autres mandats locaux. Enfin, les ouvriers sont peu nombreux à être élus : alors qu’ils constituent 13,5 % des actifs, leur part est de 4,8 % parmi les conseillers municipaux, 2 % parmi les maires, 0,4 % parmi les conseillers généraux et 1,1 % parmi les conseillers régionaux.

Les données de la DGCL ne distinguent pas les fonctionnaires des autres actifs. Selon les chiffres publiés en 2011 dans Pouvoirs locaux, les Cahiers de la décentralisation (27), plus de 20 % des élus municipaux sont des fonctionnaires (7,4 % sont des enseignants) ; cette part est de 11 % pour les maires, 21,2 % pour les conseillers généraux (11,8 % sont des enseignants) (28) et 25 % pour les conseillers régionaux. Dans la mesure où les fonctionnaires constituent 10 % de la population française de plus de 15 ans (mais occupent 20 % des emplois), ils sont en effet bien, voire très bien, représentés parmi les élus locaux – d’autant que ces chiffres n’incluent pas les fonctionnaires à la retraite.

Selon la Fédération des maires des villes moyennes, la moitié de ses membres qui ont répondu à son questionnaire provenait du secteur public. Sur le total, 25 % de ses membres étaient ou avaient été fonctionnaires de l’éducation nationale, 20 % fonctionnaires dans l’administration de l’État et 5 % fonctionnaires territoriaux. En ce qui concerne ceux issus du secteur privé, on comptait 33 % de professions libérales, 15 % de cadres du privé et 2 % de chefs d’entreprise. Lors de son audition par la mission, M. Raymond Couderc, vice-président de la Fédération (29), en concluait que le maire type d’une ville moyenne est à la retraite, issu du public et ancien enseignant.

La part relativement importante des fonctionnaires parmi les élus locaux, mais aussi et surtout nationaux (30), en particulier parmi ceux qui sont amenés à interrompre leur activité professionnelle pour exercer leur mandat, est souvent imputée au fait qu’ils bénéficient du droit de réintégrer leur administration, qu’ils aient été placés en position de détachement, en application, en ce qui concerne les élus locaux, des articles L. 2123-10, L. 3123-8 ou L. 4135-8 du code général des collectivités territoriales (31), ou de mise en disponibilité.

Si les salariés d’entreprises privées, surtout jeunes, sont relativement peu nombreux parmi les élus, c’est justement parce qu’ils craignent les conséquences que leur mandat pourrait avoir sur leur carrière, qu’il leur soit tenu grief de leur engagement public ou du temps qu’ils devraient consacrer à ce mandat – même quand la loi leur en reconnaît le droit (32) –, que leurs revenus en souffrent ou qu’ils aient des difficultés à retrouver un emploi après avoir interrompu leur activité professionnelle.

M. Raymond Couderc a estimé que les personnes qui éprouvaient le plus de difficultés à reprendre l’activité qu’elles ont arrêtée pour se consacrer à un mandat électif à temps plein étaient celles qui exerçaient une profession libérale ou étaient chefs d’entreprises car elles avaient du mal à reconstituer leur clientèle. On peut néanmoins penser que ces professions font aussi partie de celles qu’un élu peut conserver, au moins à temps partiel. La question de la compatibilité entre l’exercice d’une activité professionnelle et celui d’un mandat électif sera traitée infra (33). En tout état de cause, les chefs d’entreprise et les professions libérales ne sont pas « sous-représentés » parmi les élus.

Il est évident que la part relativement faible des employés et surtout des ouvriers parmi les élus locaux et des femmes élues parmi les titulaires de fonctions exécutives tient en partie à des ressorts psychologiques ou culturels sur lesquels la loi ne peut guère agir. Mais celle-ci n’en est pas pour autant totalement impuissante. Les lois successives ont mis en place un certain nombre de dispositifs visant à lever certains obstacles, lesquels s’avèrent encore insuffisants. Vos rapporteurs traiteront ici de ceux destinés à favoriser l’accès à un mandat électif et à faciliter l’après-mandat, que l’ancien élu retourne à la vie professionnelle ou qu’il prenne sa retraite.

B. DES GARANTIES À CONFORTER POUR DES ÉLUS AUX PROFILS PLUS DIVERS

La diversification des profils des élus et leur renouvellement passent par une plus grande fluidité entre l’exercice d’un mandat électif et celui d’une activité professionnelle. Comme de nombreux interlocuteurs de la mission l’ont souligné, chacun peut être élu mais personne n’est censé le rester toute sa vie.

Les limitations relatives au cumul des mandats, si elles sont adoptées, se traduiront nécessairement par l’accession de nouvelles personnes à un mandat. Même si la limitation du nombre de mandats successifs n’est pas encore à l’ordre du jour du débat public, le fonctionnement normal de la démocratie conduit, à chaque scrutin, à l’arrivée de nouveaux élus et au départ d’autres. Lorsque le cumul entre un mandat national et un mandat exécutif local sera interdit, celui ou celle qui aura perdu un mandat ne pourra plus compter sur l’autre pour amortir les conséquences d’une défaite électorale. Ces évolutions rendent donc encore plus nécessaire l’amélioration des dispositifs existant.

1. Ouvrir le champ des candidatures

Un retraité ou un indépendant, commerçant, artisan, chef d’entreprise, membre d’une profession libérale, peut, s’il souhaite être candidat à un mandat électif, dégager du temps pour faire campagne : il est son propre maître. Tel n’est pas le cas des salariés, du secteur privé ou du secteur public. C’est pourquoi la loi leur accorde, dans certains cas, un congé électif.

La loi n° 78-3 du 2 janvier 1978 portant dispositions particulières aux salariés candidats ou élus à l’Assemblée nationale ou au Sénat a créé ce congé au profit des seuls candidats aux élections parlementaires nationales, mais la loi du 27 février 2002, précitée, a élargi le bénéfice du dispositif aux candidats à l’élection au Parlement européen, au sein d’un conseil municipal d’une commune d’au moins 3 500 habitants, d’un conseil général, d’un conseil régional ou de l’Assemblée de Corse. Régi par l’article L. 122-24-1 du code du travail, ce congé est au maximum de vingt jours ouvrables pour les candidats aux élections parlementaires nationales, de dix jours ouvrables pour les autres bénéficiaires.

Chaque absence doit être d’au moins une demi-journée et le salarié est tenu d’avertir son employeur au moins vingt-quatre heures avant. La durée de ces absences peut, à la demande du bénéficiaire, être imputée sur celle de ses congés payés ; quand ce n’est pas le cas, elles ne sont pas rémunérées et donnent lieu à récupération en accord avec l’employeur. Leur durée est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits à congés payés ainsi que des droits liés à l’ancienneté.

L’article L. 122-24-3 du code du travail étend cette disposition aux fonctionnaires et aux agents non titulaires de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ainsi qu’aux personnels des entreprises publiques, « pour autant qu’ils ne bénéficient pas déjà de dispositions plus favorables ».

Les candidats à une élection municipale dans une commune de moins de 3 500 habitants ne peuvent pas en bénéficier actuellement. Le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale (34) proposait l’extension de ce congé électif aux candidats au conseil municipal des communes de 500 habitants et plus. L’article 2 bis de la proposition de loi Gourault-Sueur, adoptée par le Sénat (35), a retenu le seuil de 1 000 habitants.

La mission d’information est favorable à la solution choisie par le Sénat dans la mesure où, en application de l’article 24 de la loi du 17 mai 2013 précitée, les conseils municipaux des communes de 1 000 habitants et plus seront désormais élus au scrutin de liste. Ce changement de mode de scrutin justifie pleinement que les candidats puissent bénéficier du congé électif, comme les candidats au conseil municipal des communes de plus de 3 500 habitants, qui appliquent déjà le scrutin de liste.

Proposition n° 1 : Ouvrir le droit au congé électif aux candidats à une élection municipale dans les communes de 1 000 habitants et plus.

S’il est important de permettre à davantage d’actifs salariés de mener campagne dans de bonnes conditions, il est au moins aussi nécessaire d’encourager les vocations en réduisant autant que possible les difficultés de retour à la vie professionnelle après l’exercice d’un mandat qui aurait conduit l’élu à interrompre son activité professionnelle.

2. Faciliter la réinsertion professionnelle

Un certain nombre de candidats potentiels, les jeunes actifs en particulier, hésitent à se présenter à une élection ou à briguer une fonction exécutive par crainte de l’avenir : qu’adviendra-t-il s’ils ne sont pas réélus ? C’est souvent pour parer à ce risque que les élus sont tentés de cumuler les mandats.

Il faut donc que la loi offre des dispositifs permettant de faciliter le retour à la vie professionnelle des anciens élus.

a) Améliorer le dispositif de l’allocation différentielle de fin de mandat

Les élus qui ont interrompu leur activité professionnelle pour exercer leur mandat ne sont pas des salariés de la collectivité ou de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) au sein desquels ils assument des responsabilités. Aussi ne cotisent-ils pas au régime d’assurance chômage. À l’issue de leur mandat, s’ils ne retrouvent pas rapidement une activité professionnelle, ils ne peuvent donc pas percevoir d’allocations chômage.

C’est pour combler ce manque que, reprenant une proposition du rapport Mauroy (36) de 2000, que la loi du 27 février 2002 a créé une allocation de fin de mandat. Il s’agit d’une allocation différentielle, versée pendant six mois au plus, dont le montant ne peut dépasser 80 % de la différence entre le montant de l’indemnité brute mensuelle que touchait l’élu et l’ensemble des ressources qu’il perçoit à l’issue du mandat. Elle ne peut être accordée que pour un seul mandat aux élus qui avaient cessé leur activité professionnelle pour assumer l’un des mandats suivants :

– maire d’une commune de 1 000 habitants et plus ;

– adjoints au maire, ayant reçu délégation de fonction, d’une commune de plus de 20 000 habitants ;

– président d’une communauté de 1 000 habitants et plus ;

– vice-président, ayant reçu délégation de fonction, d’une communauté de communes de plus de 20 000 habitants ;

– vice-président, ayant reçu délégation de fonction, d’une communauté d’agglomération ou d’une communauté urbaine ;

– président de conseil général, de conseil régional ou du conseil exécutif de l’Assemblée de Corse ;

– vice-président, ayant reçu délégation de fonction, d’un conseil général ou régional.

L’exigence d’avoir reçu une délégation de fonction pour les adjoints au maire et les vice-présidents d’un conseil général ou régional a été ajoutée par la loi du 13 août 2004 (37), qui a aussi prévu que l’allocation ne pourrait être versée qu’aux élus dont le mandat a pris fin lors du renouvellement général de leur assemblée (ou, pour les conseillers généraux, lors du renouvellement de leur série).

Les bénéficiaires doivent soit être inscrits à Pôle Emploi, soit avoir repris une activité professionnelle procurant des revenus inférieurs aux indemnités de fonction perçues auparavant.

Le financement de cette allocation est assuré par le fonds de financement prévu à l’article L. 1621-2 du code général des collectivités territoriales et géré par la Caisse des dépôts et consignations. Ce fonds est alimenté par une cotisation des communes de plus de 1 000 habitants, des départements, des régions et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Le même article indique que l’assiette de cette cotisation est constituée par le montant total des indemnités maximales susceptibles d’être allouées par la collectivité ou l’établissement à ses élus et que son taux, qui ne peut dépasser 1,5 %, est fixé par décret, compte tenu des besoins de financement du fonds. Depuis 2010, ce taux est de 0 %, compte tenu de l’excédent des ressources du fonds, constaté au 31 décembre 2009.

Cette situation d’excédent est la conséquence du très faible nombre d’allocations servies. Fin 2008, à l’issue des élections municipales et cantonales, il était limité à 134 allocations, qui bénéficiaient à 117 élus municipaux, 16 élus d’un établissement de coopération intercommunale et un vice-président de conseil général. Le service chargé de la gestion de ce fonds n’avait été saisi que de 148 demandes. Il semblerait que cette situation découle non pas de l’absence de besoin d’aide des anciens élus locaux mais du fait que le dispositif reste méconnu.

Ce constat était fait dans le rapport d’information de MM. Philippe Dallier et Jean-Claude Peyronnet (38) mais ceux-ci ne formulaient par de proposition relative à cette allocation.

En revanche, une proposition de loi sénatoriale, adoptée au Sénat le 30 juin 2011 (39), visait à étendre cette allocation à l’ensemble des maires (40) et à fixer à 10 000 habitants la taille minimale des communes dont les adjoints au maire ayant reçu délégation pourraient en bénéficier. L’article 4 de la proposition de loi Gourault-Sueur propose quant à lui de porter de six mois à un an la durée maximale de perception de cette allocation.

La mission d’information est favorable à la modification de ce dispositif sur plusieurs poins. Elle pense qu’il pourrait s’inspirer davantage du mécanisme d’allocation de retour à l’emploi mis en place en faveur des anciens députés (41).

L’ALLOCATION D’ASSURANCE MUTUELLE, DIFFÉRENTIELLE ET DÉGRESSIVE
DE RETOUR À L’EMPLOI DES DÉPUTÉS

Cette allocation est un dispositif spécifique d’assurance chômage à l’instar de ce qui existe pour les salariés du secteur privé, les députés ne relevant pas du régime de droit commun. Elle présente cinq caractéristiques :

– elle est versée aux députés non réélus à la recherche d’un emploi, ce qui exclut les fonctionnaires et tous ceux qui ont retrouvé un emploi. Les anciens députés qui ont atteint l’âge d’ouverture du droit à pension de député ne peuvent prétendre au bénéfice de cette allocation ;

– la durée de versement est limitée à 6 semestres au maximum ;

– l’allocation est dégressive : montant maximum égal à 100 % de l’indemnité parlementaire le 1er semestre, puis 70 % le 2ème semestre, 50 % le 3ème semestre, 40 % le 4ème semestre, 30 % le 5ème semestre et 20 % le 6ème semestre ;

– l’allocation est différentielle : sont déduits de son montant tous les revenus que peut percevoir l’ancien député (indemnités perçues au titre de mandats locaux, revenus du patrimoine, etc.) ;

– elle est financée uniquement par les cotisations versées chaque mois par les députés en exercice dans un fonds, le Fonds d’assurance mutuelle, différentielle et dégressive de retour à l’emploi des députés.

Depuis le 1er janvier 2012, la gestion administrative, comptable et financière de ce fonds est confiée à la Caisse des dépôts et consignations. Les demandes d’attribution de l’allocation sont donc instruites par la Caisse, qui assure également le versement des allocations.

Source : site internet de l’Assemblée nationale.

D’abord, ils estiment qu’il serait préférable de désigner cette allocation « de fin de mandat » par l’expression d’allocation « de retour à l’emploi », à la fois plus positive et plus proche du véritable sens de cette allocation.

Ils considèrent que, tout comme les députés en exercice versent une cotisation mensuelle destinée à alimenter le fonds de financement du dispositif, les élus locaux susceptibles de bénéficier du versement de l’allocation devraient également cotiser eux-mêmes, sur leurs indemnités, pour financer le fonds de financement de cette allocation. Ce financement se substituerait à celui actuellement à la charge des collectivités. La nature assurancielle du dispositif serait ainsi soulignée. Le taux de cette cotisation pourrait, comme aujourd’hui, être fixé en fonction des besoins. Lorsque les élus cotiseront eux-mêmes pour ce fonds, ils prendront directement conscience de l’existence du dispositif.

La mission d’information pense, comme le Sénat en 2011, que le champ des bénéficiaires de cette allocation devrait être élargi. Il lui semble que l’ensemble des maires devrait être éligible à ce dispositif et que le seuil de 20 000 habitants devrait être abaissé à 10 000 habitants : pourraient ainsi bénéficier également du versement de l’allocation les adjoints au maire ou les vice-présidents, ayant reçu une délégation, des communes ou des communautés de communes de 10 000 habitants et plus. La mission propose en outre d’abaisser également le seuil pour bénéficier du droit à suspension du contrat de travail (42).

Enfin, la mission est favorable à ce que l’allocation, qui est différentielle, soit versée pendant une année, au lieu de six mois. Comme Mme Marilyse Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la fonction publique et de la décentralisation (43), l’a suggéré au cours de son audition par la mission, cet allongement pourrait s’accompagner d’une réduction du montant de l’allocation pendant le semestre de versement supplémentaire : par exemple l’allocation pourrait se limiter à 40 % de la différence entre indemnité anciennement perçue et revenus réels, au lieu de 80 %, à compter du septième mois, afin d’inciter les anciens élus à retrouver une activité professionnelle le plus rapidement possible.

Proposition n° 2 : Renommer « allocation de retour à l’emploi » l’allocation différentielle de fin de mandat et assurer son financement par un fonds alimenté par une cotisation prélevée sur les indemnités de fonction des élus susceptibles d’en bénéficier.

Proposition n° 3 : Élargir le champ des bénéficiaires de cette allocation à l’ensemble des maires ainsi qu’aux adjoints au maire ou vice-présidents, ayant reçu une délégation, dans les communes ou groupements de communes de 10 000 habitants et plus.

Proposition n° 4 : Allonger de six mois à douze mois la durée maximale de versement de cette allocation ; à compter du septième mois, le montant versé compenserait non plus 80 % mais 40 % de la différence entre indemnité anciennement perçue et revenus réels.

b) Développer les possibilités de formation pour préparer la réinsertion professionnelle

La loi du 3 février 1992 a permis aux élus susceptibles de bénéficier du droit à suspension du contrat de travail de demander, à l’issue de leur mandat, à suivre un stage de remise à niveau organisé dans l’entreprise, compte tenu notamment de l’évolution de leur poste de travail ou de celle des techniques utilisées (article L. 2123-11 du code général des collectivités territoriales). En application de la loi du 27 février 2002, ils ont également droit à une formation professionnelle et à un bilan de compétences dans les conditions fixées par le livre IX du code du travail (article L. 2123-11-1 du même code). Il est aussi prévu que, lorsque l’intéressé demande à bénéficier du congé formation ou du congé de bilan de compétences, le temps passé au titre du mandat local est assimilé aux durées d’activité exigées pour l’accès à ces congés. Ces élus, quelle qu’ait été leur activité antérieure, ont accès à ces dispositifs, qui ne bénéficient normalement qu’aux salariés.

Sont actuellement éligibles à ces formations et au bilan de compétences les élus visés à l’article L. 2123-9 du code général des collectivités territoriales, c’est-à-dire qui bénéficient, s’ils sont salariés, du droit à réintégration à l’issue d’un mandat (44). Il s’agit de tous les maires et des adjoints au maire des communes de 20 000 habitants au moins, des présidents de certains EPCI et de leurs vice-présidents, à partir de ce même seuil de population pour ces derniers, ainsi que des présidents des conseils généraux et régionaux et de leurs vice-présidents.

La mission propose plus loin (45) d’élargir le champ de ces bénéficiaires, ce qui aura pour effet mécanique de permettre à davantage d’élus ayant interrompu leur activité professionnelle de demander à suivre une formation ou à faire un bilan de compétences après la fin de leur mandat.

Parallèlement, la mission se rallie à la disposition intégrée en cours de débat au Sénat dans la proposition de loi Gourault-Sueur (46) visant à créer un droit individuel à la formation au bénéfice des membres des assemblées délibérantes des collectivités locales et de leurs groupements. Ce droit, d’une durée de vingt heures par an, cumulable sur toute la durée du mandat, serait financé par une cotisation obligatoire de 1 % assise sur les indemnités des élus locaux et collectée par un organisme collecteur national.

Le dispositif de la proposition de loi précitée précise que la mise en œuvre de ce droit relève de l’initiative de l’élu et peut concerner des formations sans lien avec l’exercice du mandat. Ce dernier point est important, puisqu’il permettra aux élus de suivre des formations autres que celles nécessaires à leur travail au sein de la collectivité ou du groupement de collectivités (voir infra, II, C sur cet aspect de la formation des élus), mais la mission d’information estime que ces formations devraient être, autant que possible, qualifiantes ou diplômantes, afin de faciliter, le cas échéant, la réinsertion professionnelle des élus. Elle considère aussi que ce droit individuel à la formation devrait pouvoir être utilisé pour la réalisation d’un bilan de compétences avant la fin de mandat, en particulier au profit d’un élu qui prévoirait de ne pas se représenter ou de ne plus briguer une fonction exécutive.

Proposition n° 5 : Permettre à davantage d’élus ayant interrompu leur activité professionnelle pour exercer leur mandat de suivre une formation ou un bilan de compétences à l’issue de ce mandat (conséquence de l’élargissement du champ des bénéficiaires du droit à suspension du contrat de travail, objet de la proposition n° 10).

Proposition n° 6 : Créer un droit individuel de formation pour les élus locaux, financé par une cotisation obligatoire assise sur leurs indemnités de fonction et collectée par un organisme national. Ce droit devrait être utilisé en priorité pour faciliter la réinsertion professionnelle des élus, notamment, en cas de besoin, par la réalisation d’un bilan de compétences avant la fin du mandat.

c) Valoriser l’expérience acquise par l’élu

Les interlocuteurs de la mission ont régulièrement signalé les difficultés rencontrées par les élus, même les plus expérimentés, pour retrouver une activité professionnelle après avoir cessé d’exercer des mandats impliquant pourtant des responsabilités importantes et des compétences évidentes.

Ils se heurtent au manque de reconnaissance de l’expérience qu’ils ont accumulée, problème récurrent dans notre pays, mais particulièrement sensible pour les anciens élus. Un dispositif de validation des acquis de l’expérience serait donc précieux puisqu’il leur permettrait d’obtenir un diplôme, sésame indispensable en France. Tous les représentants des associations d’élus reçus par la mission d’information en ont fait la demande.

Il convient d’abord de souligner que l’article L. 335-5 du code de l’éducation prévoit déjà un tel mécanisme pour l’obtention des diplômes et des titres à finalité professionnelle (cet article fait partie d’un chapitre consacré aux formations technologiques et aux formations professionnelles). Si, de manière générale, la durée minimale d’activité requise pour bénéficier de cette possibilité ne peut être inférieure à trois ans, pour les conseillers municipaux, généraux ou régionaux, sa mise en œuvre est conditionnée à l’exercice de leurs fonctions pendant au moins une mandature complète.

L’article 5 de la proposition de loi Gourault-Sueur vise à compléter ce mécanisme pour l’obtention de grades ou de titres universitaires. Il consiste à élargir aux fonctions électives le champ d’application de l’article L. 613-3 du code de l’éducation selon lequel « toute personne qui a exercé pendant au moins trois ans une activité professionnelle, salariée, non salariée, bénévole ou de volontariat, en rapport avec l’objet de sa demande, peut demander la validation des acquis de son expérience pour justifier tout ou partie des connaissances et des aptitudes exigées pour l’obtention d’un diplôme ou titre délivré, au nom de l’État, par un établissement d’enseignement supérieur ».

La mission d’information est tout à fait favorable à ce dispositif sur le fond. Elle considère néanmoins que, par souci de simplicité et d’harmonisation, il conviendrait que les durées d’exercice du mandat requises soient les mêmes, que le diplôme soit professionnel ou universitaire, comme il est de trois ans dans les deux cas pour les autres activités. Cette durée pourrait être fixée à celle d’une mandature complète, soit cinq ou six ans selon les mandats.

Proposition n° 7 : Ouvrir la possibilité d’une valorisation des acquis de l’expérience, sanctionnée par un diplôme universitaire, aux personnes ayant exercé une fonction élective pendant une mandature complète.

3. Assurer l’acquisition de droits à une retraite supplémentaire

La diversification du profil des élus passe aussi par la garantie que l’exercice d’un mandat ne se traduira pas négativement sur le montant de leur retraite alors qu’ils auront interrompu ou simplement réduit leurs activités professionnelles pour assumer correctement leurs responsabilités.

Cet impératif n’est pas nouveau : beaucoup a déjà été réalisé, et un pas supplémentaire important a été fait avec l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Pour la mission d’information, une dernière étape doit encore être franchie.

a) Le système tel qu’il fonctionnait jusqu’au 1er janvier 2013

Le système est complexe car il est différent selon la situation professionnelle de chaque élu.

Commençons par le plus simple : depuis la loi du 3 février 1992, il existe un régime commun à tous les élus locaux, celui de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC). Doivent obligatoirement y être affiliés tous les élus locaux qui perçoivent une indemnité pour l’exercice de leurs fonctions (la liste a été progressivement allongée pour les inclure tous : par exemple, les membres des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale qui perçoivent une indemnité sont concernés depuis la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale).

En contrepartie, tous les élus locaux qui ont cotisé peuvent percevoir une pension de retraite pour tout mandat échu, même s’ils continuent à cotiser à l’IRCANTEC au titre d’un mandat en cours, à la seule condition que les deux mandats soient exercés dans des catégories différentes de collectivités territoriales (commune, département, région ou EPCI).

Jusqu’à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (47), s’ajoutait à ce premier niveau un second niveau, différent selon la situation de l’élu.

Les élus bénéficiant du droit à la suspension de leur contrat de travail ayant effectivement cessé leur activité professionnelle et ne relevant d’aucun autre régime de base étaient affiliés au régime général de la sécurité sociale : ils y cotisaient, ainsi que les collectivités locales remplissant alors le rôle d’employeur, aux taux de droit commun applicables respectivement à la « part salariale » et à la « part patronale », l’assiette des cotisations étant les indemnités de fonction (hors indemnités représentatives de frais) effectivement perçues.

Les autres élus, ceux poursuivant leur activité professionnelle ou étant à la retraite, pouvaient quant à eux se constituer des droits à pension auprès d’un fonds de retraite par rente (le Fonds de pension des élus locaux, FONPEL, ou la Caisse autonome de retraite des élus locaux, CAREL). Il appartenait à ces élus de décider de cotiser pour cette retraite par rente et de choisir leur taux de cotisation, dans le respect d’un taux plafond fixé par décret à 8 % (le taux le plus bas est de 4,6 %) ; lorsqu’ils avaient pris cette décision, la collectivité était tenue de participer financièrement à la constitution de cette retraite, à égalité. Les assemblées délibérantes n’avaient pas à se prononcer sur le bien-fondé ou le montant de cette dépense, qui fait partie des dépenses obligatoires de la collectivité ou de l’EPCI.

b) Les changements apportés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013

Ces changements concernent l’affiliation au régime général d’une part, la possibilité de se constituer une retraite supplémentaire par rente d’autre part.

L’article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 élargit le champ des élus locaux affiliés au régime général de sécurité sociale pour l’ensemble des risques. Il ne subordonne plus cette affiliation aux critères de l’absence d’exercice d’une activité professionnelle et de la non-affiliation à un autre régime de base.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2013, cotisent au régime général de la sécurité sociale tous les élus locaux dont les indemnités de fonction sont supérieures à une fraction, fixée par décret à 50 %, de la valeur du plafond de la sécurité sociale (soit 1 543 euros depuis le 1er janvier 2013). Ce seuil exclut de cette cotisation tous les maires des communes de moins de 1 000 habitants (soit 27 000, sur un peu moins de 36 700), dont l’indemnité moyenne est de 900 euros, et tous les adjoints aux maires des villes de moins de 50 000 habitants, dont l’indemnité moyenne est de 700 euros (seuls 700 adjoints au maire de grandes villes, sur 160 000 adjoints, sont concernés par l’assujettissement). En revanche, la mesure touche l’ensemble des conseillers généraux et régionaux (48). La fixation de ce seuil permet de cibler cette mesure sur les élus les mieux indemnisés afin de ne pas peser sur ceux qui ne perçoivent qu’une faible indemnité. Selon les informations fournies par le Gouvernement au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, le coût de cette mesure a été évalué à 140 millions d’euros, dont un cinquième à la charge des élus (c’est-à-dire correspondant à la « part salariale ») et le reste, soit environ 110 millions d’euros, à la charge des collectivités territoriales (au titre de la « part patronale »). Ce coût devrait être partiellement compensé pour les finances locales (à hauteur de 20 millions d’euros) par la moindre dépense associée au transfert à la sécurité sociale des dépenses aujourd’hui prises en charge par les collectivités en cas d’arrêt de travail ou d’accident du travail (49).

À la suite de l’adoption d’un amendement de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, ceux qui étaient auparavant assujettis au régime général parce qu’ils avaient cessé toute activité professionnelle pour exercer leur mandat et ne relevaient d’aucun régime obligatoire de sécurité sociale continuent à cotiser au régime général, quel que soit le niveau de leurs indemnités de fonction. C’est par exemple le cas des maires de petites communes ou des adjoints ayant délégation de l’exécutif dans des communes moyennes, qui se consacrent entièrement à leur mandat.

Par ailleurs, pour ce qui est du régime de retraite supplémentaire par rente, jusqu’ici ouvert aux seuls élus retraités ou exerçant une activité professionnelle, le même article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 permet désormais à l’ensemble des élus locaux percevant une indemnité d’y adhérer, qu’ils aient ou non interrompu leur activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat. La dépense obligatoire induite pour les collectivités en sera mécaniquement accrue, mais le Gouvernement n’a pas évalué ce surcoût, qui dépend du nombre des élus concernés qui décideront de se constituer une telle retraite et du taux de cotisation qu’ils choisiront.

Désormais, une partie des élus peut donc cotiser aux trois régimes de retraite existants (régime général, retraite complémentaire de l’IRCANTEC, retraite par rente), alors que le système ne permettait auparavant que d’être affilié à deux d’entre eux. Cette réforme a naturellement un coût, pour les élus – mais ils bénéficient de prestations en contrepartie –, mais aussi et surtout pour les collectivités.

c) Pour l’obligation de cotiser à un régime de retraite par rente

Les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 constituent des progrès évidents : les élus pourront bénéficier de retraites d’un montant plus convenable grâce à l’addition des différents niveaux.

La mission d’information estime qu’une dernière étape devrait être franchie, comme l’ont demandé certains interlocuteurs de la mission, celle de l’obligation de cotiser à un régime de retraite par rente pour tous les élus percevant une indemnité de fonction.

Lors de son audition par la mission, Mme Marilyse Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la fonction publique et de la décentralisation (50), s’y est déclarée favorable. Au cours de l’examen au Sénat de la proposition de loi Gourault-Sueur, elle avait déposé, au nom du Gouvernement, un amendement visant à rendre obligatoire, pour les élus percevant une indemnité de fonction, la constitution d’une retraite par rente. Elle l’avait retiré, tout en soulignant la nécessité d’aborder cette question, en particulier pour lever un obstacle à l’engagement local des jeunes.

Si une telle proposition suscite des réticences, c’est à cause de son coût potentiel pour les collectivités, estimé entre 60 et 130 millions d’euros selon les informations fournies par la direction générale des collectivités locales, alors qu’elles doivent déjà prendre en charge l’augmentation des cotisations sociales induites par les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Mais l’objectif de fond, qui est d’assurer à tous les élus indemnisés la perception d’une retraite décente, n’est pas contesté.

Comme cela a été indiqué, actuellement, les collectivités ou les EPCI doivent financer au même niveau que les élus la constitution d’une retraite par rente, dès lors que ceux-ci ont décidé de cotiser. Surtout, l’élu a la possibilité d’acheter des points de retraite par rente au titre des années pendant lesquelles il a exercé un mandat antérieurement à son affiliation. Ce rachat s’effectue aussi sur la base des indemnités effectivement perçues pour le ou les mandats en question et à un taux de cotisation identique à celui qu’il a choisi pour le mandat en cours ; la collectivité ou l’EPCI sont soumis à la même obligation de participation à la constitution de cette retraite, ce qui peut exiger d’eux une dépense d’un montant non négligeable et qu’ils ne peuvent pas anticiper.

Pour éviter ce problème, la mission d’information pense qu’il conviendrait d’accompagner la création d’une obligation de constituer une retraite par rente de la suppression de la possibilité de racheter des points pour une période antérieure à l’entrée en vigueur de cette obligation. La participation de la collectivité ou de l’EPCI serait ainsi moins importante et plus prévisible.

Proposition n° 8 : Pour tous les élus qui perçoivent des indemnités de fonction, rendre obligatoire la constitution d’une retraite par rente, en supprimant la possibilité de rachat de points pour une période antérieure à l’entrée en vigueur de cette obligation.

II. DONNER AUX ÉLUS LES MOYENS D’ACCOMPLIR PLEINEMENT LEURS MANDATS

De prime abord, cette orientation paraît éluder un débat consubstantiel à la réflexion sur le statut de l’élu : peut-on considérer l’exercice de fonctions publiques représentatives comme un métier à part entière ? En vérité, cette question expose les élus et les citoyens à un dilemme ancien et difficile à trancher.

Il subsiste en France une adhésion assez profonde et répandue à l’idée que les mandats électifs ne sauraient être réservés à des professionnels de la politique.

La vivacité de cette conception se mesure entre autres à l’attachement dont peut bénéficier le principe de gratuité de l’exercice des fonctions électives (51). Certes, la proposition du rapport de Pierre Mauroy (52) tendant à accorder un « statut d’agent civique territorial » aux présidents de conseil régional, de conseil général, aux maires et à leurs principaux adjoints témoigne d’une réelle évolution des esprits depuis le début des années 2000. Pour autant, ainsi que tend à le montrer l’examen au Sénat de la proposition de loi Gourault-Sueur, il n’existe pas à ce jour de majorité favorable à l’abandon du principe de gratuité. D’après l’analyse développée devant la mission par Mme Jacqueline Gourault, l’un des co-auteurs de ce texte, seul un quart des sénateurs présents au cours de ce débat était prêt à voter la suppression de la disposition consacrant ce principe (53).

La réticence devant la perspective que les fonctions électives deviennent un métier se lit également dans le choix même des mots employés pour définir les droits et obligations des élus. Il convient ainsi de souligner que les principaux textes applicables en la matière n’évoquent nullement la notion d’un statut qui, aux yeux d’une certaine partie de l’opinion publique, tendrait à assimiler le mandat à une fonction professionnalisée. L’exemple le plus emblématique de cette perception reste le titre de la loi fondatrice du 3 février 1992, qui traite des « conditions d’exercice des mandats locaux ».

Toutefois, ce modèle fondé sur « l’amateurisme républicain » peut paraître dépassé à bien des égards.

Telle est la conclusion à laquelle parviennent nombre d’élus entendus par la mission. Ainsi il ressort de l’analyse développée par M. Pierre-Alain Roiron, membre du bureau de l’Association des petites villes de France (54), qu’il faut en finir avec le mythe de la gratuité des fonctions électives locales. L’exercice d’un mandat exige beaucoup de temps et d’énergie. Les élus doivent se conformer aux prescriptions de la loi en des matières de plus en plus techniques (à l’exemple de la passation des marchés publics). Pour un maire, le nombre des questions à traiter va croissant, cet alourdissement de l’exercice des fonctions résultant pour partie de l’accumulation des normes, source de charges financières pour les collectivités et de responsabilités nouvelles pour les élus.

De fait, ainsi que l’a exposé M. Éric Kerrouche, directeur de recherche au CNRS et représentant du Groupement de recherche sur l’administration locale en Europe (55), on assiste à une transformation des logiques électives à raison de la complexification de la société et de la technicisation des fonctions politiques. Ce mouvement conduit à une spécialisation dans l’exercice des mandats. Ainsi, d’après l’étude réalisée par M. Kerrouche (56) concernant les exécutifs municipaux, « le temps que les maires consacrent à leur mandat est un révélateur indirect de la montée en puissance de la professionnalisation du personnel politique local ». Suivant cette même analyse, il existe d’autres indices de cette évolution : d’une part, l’inscription dans le temps, une professionnalisation graduelle se manifestant notamment par la succession des mandats communaux ; d’autre part, l’affirmation d’une thématique managériale, nombre de maires se revendiquant comme des managers et des entrepreneurs capables, par leurs initiatives, de transformer leurs communes.

Aux yeux de la mission, la demande sociale tend d’ailleurs à exiger des responsables publics une efficacité qui pousse les élus à adopter ce type de posture. Dès lors, il ne s’agit pas d’ignorer la professionnalisation à l’œuvre dans l’exercice des fonctions électives. Cela étant, encore faut-il s’entendre sur les implications de cette transformation du rôle des élus.

Comme de nombreuses personnes entendues dans le cadre de ses travaux, les membres de la mission ne croient pas qu’être élu est un métier : le mandat n’est ni une activité exercée pour la rémunération matérielle qu’il procure, ni une spécialisation choisie dans le cadre d’une division sociale du travail.

Même si certains politiques peuvent prétendre « faire carrière » et s’installer durablement à la tête des collectivités publiques, l’exercice des fonctions électives demeure un engagement unique par l’intervention du suffrage universel. Celui-ci offre un bail précaire mais exceptionnel par les éminentes responsabilités qu’il conduit à assumer.

Dans cet esprit, il convient de tirer toutes les conséquences de la professionnalisation, celle-ci impliquant de mettre les élus en situation de vivre leur engagement sans sacrifier pour autant leur vie personnelle, tout en répondant aux exigences qui s’attachent à leur position singulière. À cette fin, trois conditions sont requises : en premier lieu, pouvoir s’investir entièrement dans l’exercice de fonctions électives ou mieux concilier vie publique et vie professionnelle ; en deuxième lieu, bénéficier d’une juste compensation des contraintes propres à l’accomplissement d’un mandat ; en dernier lieu, disposer d’une formation permettant de mieux servir la collectivité.

A. POUVOIR S’INVESTIR LIBREMENT DANS L’EXERCICE DES FONCTIONS ÉLECTIVES LOCALES

Le propos n’est pas ici d’apporter une appréciation sur la légitimité ou l’opportunité de mesures tendant à interdire ou à plus strictement limiter le cumul des mandats électifs ou encore de modifier le régime des incompatibilités. Certes, ainsi que l’a relevé Mme Jacqueline Gourault (57), il ne faut pas se focaliser sur la pratique des parlementaires et croire que la question ne se pose pas pour les élus locaux.

Néanmoins, pour ces derniers, la conciliation entre vie professionnelle et temps consacré à la vie publique relève d’un arbitrage souvent difficile.

Dès lors, il importe d’étoffer les dispositifs existant afin d’offrir aux élus une plus grande liberté de choix et, d’abord, de tenir compte des disparités dans les conditions d’exercice des mandats.

1. Une inégale capacité à concilier vie publique et vie privée

Certes, le droit accorde à l’ensemble des élus les mêmes garanties destinées à leur permettre de poursuivre une activité professionnelle tout en exerçant des responsabilités électives. Cela étant, il s’avère que les conditions d’application des droits ainsi reconnus au plan juridique ne favorisent pas toujours leur caractère effectif pour tous les élus dans la vie quotidienne.

a) Des garanties assez larges accordées dans l’exercice du mandat

• En application des dispositions du code général des collectivités territoriales (CGCT), les élus bénéficient d’un dispositif d’autorisations d’absence (58) distinct de l’autorisation d’absence que peuvent obtenir les candidats à des fonctions électives (59).

Celles-ci ont pour finalité de permettre aux conseillers municipaux, généraux et régionaux ainsi qu’aux membres de l’Assemblée de Corse et du conseil exécutif de celle-ci de disposer du temps nécessaire « pour se rendre et participer » :

– aux séances plénières de leur assemblée (60) ;

– aux réunions des commissions instituées par une délibération de l’assemblée dont ils sont membres ;

– aux réunions des assemblées délibérantes et des bureaux des organismes où ils ont été désignés afin de représenter leur collectivité.

Les salariés membres d’un conseil de communauté urbaine ou de communauté d’agglomération peuvent également solliciter des autorisations d’absence suivant des règles spécifiques. Le même droit est reconnu, lorsqu’ils ne bénéficient pas de règles plus favorables, aux fonctionnaires de l’État, aux fonctionnaires territoriaux ou hospitaliers ainsi qu’aux agents contractuels de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics administratifs qui exercent des fonctions publiques électives (61).

L’élu, salarié ou agent public, doit informer son employeur de la date de la séance ou de la réunion dès qu’il en a connaissance, par écrit et en précisant la durée de l’absence envisagée (62). Cette information apparaît comme la seule exigence posée par les textes qui, par ailleurs, ne comportent aucune précision quant à la nécessité d’une autorisation expresse ou la possibilité d’un refus de l’employeur. Il convient cependant de noter que les textes réglementaires mentionnent l’absence « envisagée », ce qui peut être interprété comme laissant une possibilité de refus à l’employeur.

• La loi accorde également aux élus locaux un crédit d’heures. Ce dispositif vise à leur permettre de « disposer du temps nécessaire à l’administration » (63) de leur collectivité ou des organismes auprès desquels ils la représentent et « à la préparation des réunions des instances où ils siègent ».

Le crédit d’heures des élus locaux est forfaitaire et trimestriel, déterminé par le CGCT par référence à la durée hebdomadaire du travail (64. Suivant cette logique, la quotité d’heure est réduite, en cas de temps partiel, au prorata du rapport entre, d’une part, les horaires inscrits au contrat de travail du salarié ou la durée de service (pour les agents publics) et, d’autre part, la durée légale du travail (65). Les heures non utilisées pendant un trimestre ne peuvent faire l’objet d’un report (66).

Le montant des crédits d’heures dont peuvent bénéficier les maires, les adjoints, les conseillers municipaux délégués et les conseillers municipaux varie en fonction de l’importance démographique de la commune.

LE CRÉDIT D’HEURES DES ÉLUS LOCAUX

Taille de la commune

Maire

Adjoint et conseiller municipal délégué

Conseiller municipal

– de 3 500 habitants

105 h

52 h30

Pas de crédit d’heures

3 500 à 9 999 habitants

105 h

52 h 30

10 h 30

10 000 à 29 999 habitants

140 h

105 h

21 h

30 000 à 99 999 habitants

140 h

140 h

35 h

+ 100 000 habitants

140 h

140 h

52 h 30

Source : Association des maires de France, Statut de l’élu(e) local(e), juin 2013.

Les membres des conseils régionaux et départementaux peuvent également prétendre au bénéfice d’un crédit d’heures dont la valeur les place sur un même rang que les maires et les adjoints. Le crédit s’élève ainsi à :

– 105 heures pour les conseillers départementaux et régionaux ;

– 140 heures pour les présidents et vice-présidents des conseils départementaux et régionaux.

Les présidents, vice-présidents et les membres des organes délibérants des communautés de communes, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération et des communautés d’agglomération nouvelle sont respectivement assimilés au maire, aux adjoints et aux conseillers municipaux d’une commune dont la population serait égale à celle de l’ensemble des communes composant l’établissement public de coopération intercommunale.

Le CGCT réserve par ailleurs le cas des élus ayant la qualité d’enseignants (67) et comporte des dispositions spécifiques applicables aux élus d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille (68).

Les élus, salariés ou agents publics, doivent informer leur employeur par écrit trois jours au moins avant leur absence, en précisant la date et la durée de l’absence envisagée ainsi que la durée du crédit d’heures à laquelle ils ont encore droit au titre du trimestre en cours (69). La demande ainsi formulée présente un caractère formel dans la mesure où, en application de la loi (70), les employeurs sont tenus d’accordés aux élus concernés l’autorisation d’utiliser leur crédit d’heures.

Les dispositifs de l’autorisation d’absence et du crédit d’heures font toutefois l’objet d’un encadrement par le biais de la notion de temps global d’absence applicable à l’ensemble des élus locaux.

Aux termes des dispositions du CGCT (71), ce temps d’absence ne peut dépasser la moitié de la durée légale du travail pour une année civile. La durée légale du travail ainsi prise en compte s’apprécie sur la base de la durée hebdomadaire légale fixée par l’article L. 212-1 du code du travail (pour les salariés du privé) ou sur la base de la durée annuelle de service (pour les agents publics) (72) en décomptant cinq semaines de congés payés ainsi que leurs jours fériés (73).

b) Des droits effectifs pour tous les élus ?

Les quelques éléments que la mission a pu recueillir donnent à penser que les droits reconnus aux élus s’appliquent de manière assez contrastée.

Il ressort ainsi de l’audition de Mme Frédérique Massat, présidente de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM) (74), que les droits d’absence reconnus aux salariés demeurent peu utilisés car les personnes concernées n’osent pas demander à s’absenter, notamment du fait de leur charge de travail.

De surcroît, si les employeurs sont a priori tenus de faire droit aux demandes d’absence ou d’utilisation du crédit d’heures, en revanche, la rémunération du temps d’absence ne constitue évidemment pas une obligation (75). Même si le temps d’absence est juridiquement assimilé à une durée de travail effective pour les droits à congés payés, pour les droits découlant de l’ancienneté (76) et pour la détermination du bénéfice des prestations sociales, l’Association des maires de France relève une mise en œuvre problématique des dispositions du CGCT sur ce point (77).

Or, il n’existe de compensation de la perte de revenu professionnel liée à la participation des élus aux réunions ou au temps consacré à l’administration de leur collectivité que pour les communes et au demeurant à titre facultatif, en application de l’article L. 2123-3 CGCT. Du reste, cette disposition ne vaut que pour les élus ne percevant pas une indemnité de fonction.

Dans ces conditions, il apparaît que l’application des garanties accordées aux élus dans le cadre de l’exercice de leur mandat demeure fondamentalement tributaire des ressources des collectivités. Elle présente donc des disparités que le dispositif légal actuel n’appréhende pas de manière suffisamment efficace compte tenu de la diversité des situations économiques et sociales locales.

2. Des garanties à étoffer pour une plus grande liberté de choix

Afin de rendre ces dispositifs plus opérants, la mission estime qu’il convient d’ajuster le périmètre d’application du crédit d’heures mais également de conforter la protection des élus salariés.

a) Ajuster le périmètre d’application du crédit d’heures

La mission propose sur ce point d’abaisser de 3 500 à 1 000 habitants le seuil à partir duquel les conseillers municipaux peuvent bénéficier d’un crédit d’heures.

De son point de vue, en effet, les responsabilités assumées par les élus locaux ne décroissent pas nécessairement avec le poids démographique des collectivités.

Au contraire, l’expérience montre que, du fait de la taille relativement circonscrite des conseils municipaux et de la proximité avec les habitants, le rôle des conseillers municipaux des communes de moins de 3 500 habitants dépasse celui de simples membres d’un organe délibérant. Ceci peut d’autant mieux se concevoir qu’avec la rurbanisation des espaces proches des centres urbains, la demande sociale à l’égard des élus des communes se renouvelle.

Du reste, il convient de noter que le seuil de 1 000 habitants constitue désormais la référence dans l’organisation des scrutins locaux du fait des dispositions introduites par la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, précitée. En particulier, les règles de « fléchage » sur les listes de candidats, destinées à accroître la légitimité des délégués aux conseils des EPCI, s’appliquent à l’échelle des communes de 1 000 habitants, ce qui implique de nouvelles responsabilités pour ces élus.

Il importe donc de leur permettre de concilier leur engagement dans la vie publique et le maintien d’une activité professionnelle. Aussi l’extension du champ des élus pouvant disposer d’un crédit d’heures concernerait tous les conseillers des communes d’au moins 1 000 habitants, même dépourvus de toute délégation.

Proposition n° 9 : Étendre le champ d’application du crédit d’heures aux conseillers des communes d’au moins 1 000 habitants.

b) Conforter la protection des élus salariés

Cette orientation vise également à donner aux élus une certaine liberté d’engagement dans la vie publique en ce qu’elle a pour finalité d’étendre les garanties accordées dans l’exercice d’une activité professionnelle afin de permettre au plus grand nombre d’exercer un mandat électif.

• À cet effet, la mission propose, en premier lieu, d’élargir le droit à la suspension du contrat de travail au bénéfice des adjoints des communes d’au moins 10 000 habitants.

Aujourd’hui, la loi reconnaît à certains élus locaux exerçant des fonctions exécutives le droit de cesser leur activité professionnelle afin de se consacrer entièrement à leur mandat. Bénéficient de cette possibilité légale, par application des dispositions en vigueur pour les salariés élus membres de l’Assemblée nationale ou du Sénat (78) :

– les maires ;

– les adjoints au maire des communes de plus de 20 000 habitants ;

– les présidents des établissements publics de coopération intercommunale ;

– les vice-présidents des communautés de communes de plus de 20 000 habitants ;

– les vice-présidents des communautés d’agglomération et des communautés urbaines ;

– les présidents des « syndicats mixtes ouverts » associant exclusivement des collectivités territoriales et des groupements de collectivités ;

– les vice-présidents des « syndicats mixtes ouverts » associant exclusivement des collectivités territoriales et des groupements de collectivités de plus de 20 000 habitants ;

– les présidents et vice-présidents des conseils généraux et régionaux.

Le droit à suspension du contrat de travail est réservé aux salariés justifiant d’une ancienneté supérieure à un an. Les fonctionnaires peuvent quant à eux être placés, sur leur demande, en position de détachement sous réserve d’une autorisation hiérarchique (79). La mise en disponibilité est en revanche de plein droit.

À l’expiration de leur mandat, les élus peuvent demander à reprendre leur activité professionnelle et à retrouver, dans les deux mois suivant cette demande, un emploi analogue assorti d’une rémunération équivalente à celle correspondant à leur ancien poste. Les élus bénéficient en droit de tous les avantages acquis par les salariés de leur catégorie pendant la durée de leur mandat.

En cas de renouvellement de mandat après un mandat d’une durée au moins égale à cinq ans, l’élu bénéficie pendant un an d’une priorité de réembauche dans un emploi correspondant à sa qualification. Il bénéficie alors de tous les avantages qu’il avait acquis au moment de son départ.

Pour les mêmes motifs qui sous-tendent sa proposition relative aux crédits d’heures, la mission estime que le seuil de 20 000 habitants retenu pour accorder aux adjoints aux maires le bénéfice du droit à la suspension du contrat de travail ne se justifie pas du point de vue des responsabilités assumées. Le seuil doit être abaissé.

On observera que le seuil de 10 000 habitants est souvent retenu dans l’établissement du périmètre des dotations destinées aux communes ne disposant pas de ressources suffisantes pour faire face à leurs charges. Il en va ainsi de la dotation de solidarité rurale (DSR), l’un des critères cumulatifs conditionnant son attribution étant le fait d’être une commune de moins de 10 000 habitants. Ce chiffre peut correspondre à la population d’un chef-lieu de canton ayant un rôle important dans un bassin d’activité.

D’ailleurs, suivant les arguments développés par une partie de la doctrine, le seuil de 10 000 habitants semble présenter une certaine pertinence lorsqu’il s’agit de déterminer la professionnalisation des exécutifs locaux (80).

Proposition n° 10 : Ouvrir le bénéfice du droit à la suspension du contrat de travail aux adjoints au maire des communes d’au moins 10 000 habitants et aux vice-présidents des EPCI de plus de 10 000 habitants.

• En second lieu, la mission estime nécessaire de reconnaître aux élus locaux le statut de salarié protégé dans les conditions définies par le code du travail. Elle retient le dispositif adopté par le Sénat dans le cadre de l’examen de la proposition de loi Gourault-Sueur.

Certes, le code général des collectivités territoriales assure déjà aux élus une protection en droit contre une remise en cause de leur contrat de travail qui serait motivée par l’exercice d’un mandat électif.

Ainsi, le code affirme qu’« aucun licenciement ni déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés » en raison des autorisations d’absence ou de l’utilisation d’un crédit d’heures, « sous peine de nullité et de dommage et intérêts au profit de l’élu ». Suivant les mêmes dispositions, « la réintégration ou le reclassement dans l’emploi est de droit » (81). Pour ce qui concerne les élus municipaux, l’article L. 2123-8 du CGCT interdit même « à tout employeur de prendre en considération les absences [liées à l’exercice du mandat] pour arrêter ses décisions en ce qui concerne l’embauche, la formation professionnelle, l’avancement, la rémunération et l’octroi d’avantages sociaux ».

Dans une logique analogue de protection, le CGCT suspend à l’accord de l’élu concerné toute modification de la durée et des horaires de travail qu’un employeur pourrait envisager en tenant compte des autorisations d’absence et de l’utilisation d’un crédit d’heures pour l’exercice du mandat électif (82).

Cependant, ce type de garantie ne vaut que si les intéressés connaissent exactement leurs droits. Or, on peut douter que dans des petites communes dépourvues de service juridique étoffé, les élus puissent spontanément invoquer leurs droits.

Dans ces conditions, le statut de salarié protégé pourrait contribuer à assainir les relations professionnelles dans la mesure où il permettrait d’identifier le salarié ayant la qualité d’élu comme bénéficiant de droits spécifiques attachés à l’exercice d’une fonction représentative pour la collectivité.

Objet du livre IV de la deuxième partie du code du travail, le statut de salarié protégé procure une protection contre une rupture du contrat de travail ou des décisions relatives à son exécution en rapport avec des actes commis dans le cadre de la fonction représentative. Cette protection vaut notamment en cas de :

– licenciement du salarié protégé, quelle qu’en soit la nature (licenciement économique ou pour motif personnel) et donc la motivation (faute grave, insuffisance professionnelle, inaptitude, entreprise en difficultés, etc.) ;

– rupture conventionnelle ;

– rupture amiable pour motif économique ;

– transfert d’un salarié compris dans un transfert partiel d’entreprise ou d’établissement.

Elle repose sur la mise en œuvre d’une procédure faisant intervenir :

– la consultation du comité d’entreprise : celui-ci est ainsi consulté pour avis, à l’issue de l’entretien préalable, si l’employeur envisage le licenciement de l’un de ses membres élus, d’un délégué du personnel, d’un représentant syndical en son sein, d’un représentant des salariés au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHCT) ;

– l’autorisation de l’inspecteur du travail : l’employeur doit obligatoirement obtenir son accord préalable avant toute rupture du contrat de travail ; la décision de l’inspecteur du travail est susceptible de recours dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

La protection s’applique pendant toute la durée du mandat et, après son expiration, pendant une période comprise entre six et douze mois, suivant le mandat détenu (délégué syndical, représentant de la section syndicale, membre élu au comité d’entreprise, conseiller des prud’hommes, etc.).

Du point de vue de la mission, le statut de salarié protégé devrait être aménagé afin que l’engagement dans la vie publique ne contraigne pas les élus à renoncer en partie à leur vie professionnelle. Il incombera éventuellement au législateur de définir la durée de cette protection après la cessation des fonctions électives.

Proposition n° 11 : Accorder aux élus locaux le statut de salarié protégé tel qu’il est défini par les dispositions du livre IV de la deuxième partie du code du travail.

B. RECEVOIR UNE JUSTE COMPENSATION DES CONTRAINTES PROPRES À L’ACCOMPLISSEMENT D’UN MANDAT

Dans sa définition des conditions de l’exercice des responsabilités au niveau local, énoncée voici plus de vingt-cinq ans, la Charte européenne de l’autonomie locale mettait en exergue la nécessité de « permettre la compensation financière adéquate des frais entraînés par l’exercice du mandat ainsi que, le cas échéant, la compensation financière des gains perdus ou une rémunération du travail accompli et une couverture sociale correspondante » (83).

Du point de vue de la mission, ces objectifs comptent en effet parmi les finalités incontournables de tout statut de l’élu. Aujourd’hui, la question se pose tout particulièrement pour les élus locaux, le cadre de l’exercice de leur mandat présentant une dimension assez embryonnaire par rapport à celui qui s’applique aux membres de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Comme l’ensemble des personnes entendues par la mission l’ont souligné et comme indiqué supra (84), les conditions matérielles d’exercice des fonctions exécutives locales ne contribuent pas au renouvellement et à la diversité sociologique des élus. Il en découle un biais de représentation qui, insidieusement, mine la légitimité des autorités locales.

Pour conjurer cette menace, il importe de dépasser le débat lancinant sur la gratuité des fonctions en accordant la juste contrepartie d’un engagement non dénué d’exigences et d’implications personnelles. Cette démarche implique de parfaire la couverture des risques assurée par la sécurité sociale et d’établir un régime indemnitaire plus conforme au rôle nouveau des élus.

1. Parfaire la couverture des risques assurée par la sécurité sociale

Sur ce plan, il convient de souligner le caractère relativement étoffé du cadre mis en place par le législateur au bénéfice des élus.

Depuis l’entrée en vigueur de l’article 18 de loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013 précitée, l’ensemble des élus locaux ainsi que les délégués des collectivités territoriales membres d’un établissement public de coopération intercommunale sont affiliés au régime général de la sécurité sociale pour l’ensemble des risques que ce régime couvre (maladie, vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles) (85).

Créé par la LFSS 2013, l’article L. 382-31 du code de la sécurité social prévoit l’assujettissement des indemnités de fonction aux cotisations de sécurité sociale si leur montant dépasse une fraction du plafond de la sécurité sociale, part fixée à 50 % de ce plafond par le décret n° 2013-362 du 26 avril 2013 (86). Le montant des indemnités de fonction ainsi soumis à cotisations s’élève depuis le 1er janvier 2013 à 1 543 euros par mois. En application de l’article L. 382-31 précité, sont également assujetties les indemnités de fonction d’un montant inférieur à cette fraction, versées aux élus locaux ayant cessé toute activité professionnelle pour l’exercice de leur mandat.

S’agissant des fonctionnaires en activité, les indemnités de fonction sont assujetties dans les mêmes conditions que pour les élus non-fonctionnaires. En revanche, le régime applicable aux fonctionnaires en détachement pour exercer les mandats électifs demeure inchangé : pour les risques maladie, maternité, invalidité et décès, accidents du travail ainsi que pour les allocations familiales, l’administration, la collectivité ou l’établissement public de coopération intercommunale dont relève l’agent public demeure redevable des cotisations employeur assises sur le traitement indiciaire brut.

L’affiliation des élus locaux au régime général de sécurité sociale implique pour les élus l’acquisition de droits propres. Or, celle-ci dépend, conformément aux principes du régime général, du versement de cotisation. En conséquence, aux termes de l’article L. 382-31 du code de la sécurité sociale, les élus dont les indemnités ne pourront être assujetties du fait d’un montant inférieur à la fraction fixée par le décret du 26 avril et qui n’auront pas cessé leur activité professionnelle (87) afin d’exercer leur mandat ne pourront obtenir le bénéfice de certaines prestations en espèces (88).

Suivant l’analyse développée dans une circulaire interministérielle du 14 mai 2013 (89), seuls les élus dont les indemnités de fonction sont assujetties pourront s’ouvrir des droits au seul titre de leur mandat :

– pour les indemnités journalières versées au titre des risques maladie-maternité et accident du travail et maladies professionnelles, les droits ouverts étant fonction des cotisations versées ;

– pour les prestations de l’assurance décès et les pensions d’invalidités, le mandat local pouvant être assimilé à une activité salariée.

En revanche, que leurs indemnités soient ou non assujetties aux cotisations de sécurité sociale, les élus affiliés au régime général bénéficieront nécessairement des prestations en nature (90) au titre des risques maladie et maternité, les élus étant présumés, en application de la réglementation, avoir effectué 60 heures de travail salarié ou assimilé au cours d’un mois civil ou de trente jours consécutifs.

Dans le dispositif actuel, persiste donc une inégalité suivant le montant des indemnités de fonction et la possibilité que celles-ci procurent éventuellement de cesser son activité professionnelle afin de se consacrer au seul mandat.

Ce constat renvoie au problème de l’inégalité des ressources entre collectivités et conduit à s’interroger notamment sur la couverture sociale des élus ayant poursuivi une activité professionnelle et appartenant à une collectivité ne pouvant verser une indemnité importante.

Ainsi, lorsqu’un élu local n’a pas cessé toute activité professionnelle et ne peut exercer son mandat du fait de la maladie, de la maternité, de la paternité ou d’un accident, le code général des collectivités territoriales prévoit une réduction de son indemnité de fonction à due concurrence du montant des indemnités journalières versées par son régime de protection sociale (91). On comprend là encore la disparité potentielle des situations liée à l’inégalité des indemnités versées.

La mission estime qu’il conviendrait de réfléchir à une amélioration de la prise en charge des risques maladie, maternité, invalidité et accidents du travail pour les élus poursuivant une activité professionnelle et ne percevant pas d’indemnités de fonction suffisante pour être soumises à cotisation.

TAUX DES COTISATIONS SOCIALES DES ÉLUS ET DES COLLECTIVITÉS

Cotisations et contributions

Élu « salarié »

Commune ou EPCI « employeur »

Cotisations d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès

0,75 %

12,80 %

Cotisation vieillesse plafonnée

6,75 %

8,40 %

Cotisation vieillesse déplafonnée

0,10 %

1,60 %

Cotisation allocations familiales

0 %

5,40 %

Cotisation accident du travail

0 %

Taux des agents non titulaires

CSG (sans abattement pour frais professionnels) et CRDS

8 %

0 %

Contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA)

0 %

0,3 %

Versement transport

0 %

Seulement dans les collectivités
de plus de 9 agents

Source : Association des maires de France, Statut de l’élu(e) local(e), juin 2013.

Améliorer la couverture sociale des élus suppose également de leur assurer un accès aux prestations sociales, pendant et après l’exercice d’un mandat.

Cela suppose de résoudre la question de l’intégration des indemnités de fonction parmi les ressources qui conditionnent le bénéfice de certaines prestations sociales.

Dans une question en date du 23 avril 2013 et adressée à la ministre des Affaires sociales (92), notre collègue M. Fabrice Verdier évoquait ainsi les difficultés que pouvaient rencontrer les personnes bénéficiaires d’une pension d’invalidité, cette aide ne pouvant être cumulée avec une indemnité de fonction si la somme de leur montant dépasse le revenu perçu avant l’arrêt de travail. Au cours de l’examen de la proposition de loi Gourault-Sueur, les sénateurs sont convenus de l’intérêt d’exclure la fraction représentative des frais d’emploi des ressources ouvrant droit à une prestation sociale.

Cette difficulté tient manifestement à l’ambiguïté du statut juridique des indemnités de fonctions versées aux élus locaux.

Il y a lieu de souligner qu’aux termes de la circulaire du 15 avril 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux établi par le ministère de l’Intérieur, « l’indemnité de fonction allouée aux élus locaux [ …] ne présente le caractère ni d’un salaire, ni d’un traitement, ni d’une rémunération quelconque ». La fiscalisation de l’indemnité de fonction, consacrée par l’article 28 de la loi précitée du 3 février 1992, n’emporte donc pas nécessairement sa prise en compte dans les ressources qui conditionnent l’obtention de certaines prestations sociales.

Dans cette optique, le dispositif de la proposition de loi adoptée par le Sénat à l’initiative de Mme Gourault et de M. Sueur, qui ne vise à exclure la prise en compte que de la seule fraction représentative des frais d’emploi, laquelle se définit comme une indemnisation forfaitaire des frais susceptibles d’être exposés par un élu pour l’exercice de son mandat, paraît mesuré. Versée à tous les élus locaux percevant une indemnisation, la fraction représentative des frais d’emploi représente le montant de l’indemnité versée à un maire d’une commune de moins de 500 habitants, soit 646,25 euros mensuels aujourd’hui.

Proposition n° 12 : Écarter la prise en compte du montant de la fraction représentative des frais d’emploi dans l’examen des ressources conditionnant le bénéfice des prestations sociales.

2. Établir un régime indemnitaire conforme au rôle nouveau des élus locaux

La mission entend dépasser l’alternative que recèle la distinction établie par Max Weber entre « vivre pour la politique et vivre de la politique ». De son point de vue, il convient en effet de faire en sorte que les indemnités correspondent au poids des responsabilités qui s’attachent aux mandats et, dans la mesure du possible, compensent l’investissement dans l’exercice des fonctions électives locales.

a) De justes indemnités eu égard au travail fourni ?

Cette question se pose dans la mesure où les indemnités ne constituent pas en tant que telle une rémunération, les fonctions électives locales n’étant pas considérées comme une activité professionnelle. Il s’agit là de la conséquence nécessaire de la consécration du principe de gratuité des fonctions électives locales, principe affirmé par l’article 74 de la loi municipale du 5 avril 1884 et codifié aujourd’hui à l’article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales pour ce qui concerne les mandats municipaux.

Ainsi que l’a rappelé la circulaire précitée du 15 avril 1992, les indemnités de fonction ne constituent pas un salaire. Elles sont destinées à couvrir les frais courants inhérents à l’exercice des fonctions des élus et à compenser la diminution du temps qu’ils peuvent accorder à leurs activités personnelles et professionnelles. Autre indice de la nature particulière des indemnités de fonction, l’imposition de ces sommes repose sur des règles spécifiques (93).

D’autre part, les modalités mêmes de calcul des indemnités favorisent une certaine hétérogénéité entre les élus locaux du fait de l’importance du critère du poids démographique respectif de chaque collectivité dans la fixation de celles-ci.

En l’état actuel du droit, les indemnités de fonction sont fixées en pourcentage de l’indice brut 1015 (qui correspond à l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique) par l’organe délibérant de la collectivité ou du groupement de collectivités, dans les trois mois qui suivent le renouvellement de l’organe délibérant. Selon la règle du parallélisme des formes, elles peuvent être modifiées par le même organe en cours de mandat. Le montant des indemnités peut être modulé par l’organe délibérant dans le respect des taux maximaux déterminés par la loi, eu égard au nombre d’habitants de la collectivité ou du groupement de collectivités concerné, à la catégorie de collectivité ou de groupement et aux fonctions exercées.

En application de ces règles, le montant des indemnités de fonction peut ainsi varier de manière assez importante comme l’illustrent les tableaux ci-après, relatifs aux montants maximaux bruts mensuels des indemnités de fonction des titulaires de mandats locaux.

INDEMNITÉS DE FONCTION BRUTES MENSUELLES DES ÉLUS COMMUNAUX (94)

 

Maires

Adjoints

Conseillers municipaux

Population

(nombre d’habitants)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Moins de 500

17

646,25

6,6

250,90

6

(compris dans l’enveloppe indemnitaire globale du maire et des adjoints)

228,09

De 500 à 999

31

1 178,46

8,25

313,62

228,09

De 1 000 à 3 499

43

1 634,63

16,5

627,24

228,09

De 3 500 à 9 999

55

2 090,81

22

836,32

228,09

De 10 000 à 19 999

65

2 470,95

27,5

1 045,40

228,09

De 20 000 à 49 999

90

3 421,32

33

1 254,48

228,09

De 50 000 à 99 000

110

4 181,62

44

1 672,65

228,09

De 100 000 à 199 999

145

5 512,13

66

2 508,97

6

228,09

Plus de 200 000

145

5 512,13

72,5

2 756,07

6

228,09

INDEMNITÉS DE FONCTION BRUTES MENSUELLES DES ÉLUS DÉPARTEMENTAUX (95)

 

Président du Conseil général

Vice-président ayant délégation de l’exécutif du Conseil général ou du Conseil de Paris

Conseillers membres de la commission permanente

Conseillers généraux

Population

(nombre d’habitants)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Moins de 250 000

145

5 512,13

80

3 041,18

50

1 900,73

40

1 520,59

De 250 000 à 500 000

145

5 512,13

90

3 421,32

60

2 280,88

50

1 900,73

De 500 000 à moins de 1 million

145

5 512,13

100

3 801,47

70

2 661,03

60

2 280,88

De 1 million à moins de 1,25 million

145

5 512,13

105

3 991,54

75

2 851,10

65

2 470,95

1,25 million et plus

145

5 512,13

110

4 181,62

80

3 041,18

70

2 661,03

N.B. : Le barème des conseillers généraux s’applique aux conseillers régionaux dans les régions d’outre-mer (96).

INDEMNITÉS DE FONCTION BRUTES MENSUELLES DES ÉLUS RÉGIONAUX (97)

 

Président du Conseil régional

Vice-président ayant délégation de l’exécutif du Conseil régional

Conseillers membres de la commission permanente

Conseillers régionaux

Population

(nombre d’habitants)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Moins de 1 million

145

5 512,13

80

3 041,18

50

1 900,73

40

1 520,59

De 1 à 2 millions

145

5 512,13

90

3 421,32

60

2 280,88

50

1 900,73

De 2 à 3 millions

145

5 512,13

100

3 801,47

70

2 661,03

60

2 280,88

3 millions et plus

145

5 512,13

110

4 181,62

80

3 041,18

70

2 661,03

INDEMNITÉS DE FONCTION BRUTES MENSUELLES DES ÉLUS
DES COMMUNAUTÉS URBAINES ET DES COMMUNAUTÉS D’AGGLOMÉRATION 
(
98)

 

Présidents

Vice-présidents

Délégués des communes

Population

(nombre d’habitants)

Taux maximal

(en % de
l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de
l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de
l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

De 30 000 à 49 999

90

3 421,32

33

1 254,48

6

(compris dans l’enveloppe indemnitaire globale)

228,09

De 50 000 à 99 999

110

4 181,62

44

1 672,65

228,09

De 100 000 à 199 999

145

5 512,13

66

2 508,97

6

228,09

De 200 000 à 399 999

145

5 512,13

72,5

2 756,07

6

228,09

Plus de 400 000

145

5 512,13

72,5

2 756,07

28

1 064,41

INDEMNITÉS DE FONCTION BRUTES MENSUELLES DES ÉLUS
DES COMMUNAUTÉS DE COMMUNES ET DES SYNDICATS D’AGGLOMÉRATION NOUVELLE 
(
99)

 

Présidents

Vice-présidents

Population

(nombre d’habitants)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Moins de 500

12,75

484,69

4,95

188,17

De 500 à 999

23,25

883,84

6,19

235,31

De 1 000 à 3 499

32,25

1 225,97

12,37

470,24

De 3 500 à 9 999

41,25

1 568,11

16,5

627,24

De 10 000 à 19 999

48,75

1853,22

20,63

784,24

De 20 000 à 49 999

67,5

2 565,99

24,73

940,10

De 50 000 à 99 999

82,49

3 135,83

33

1 254,48

De 100 000 à 199 999

108,75

4 134,10

49,5

1 881,73

Plus de 200 000

108,75

4 134,10

54,37

2 066,86

Suivant le constat dressé par l’ensemble des personnes entendues par la mission, ces disparités posent des problèmes de deux types.

En premier lieu, le montant des indemnités, calculé à partir de seuils de population, créé des inégalités qui ne correspondent pas toujours à des différences réelles quant à la charge de travail des élus. Ainsi que la mission l’a déjà affirmé, la gestion de deux collectivités de taille différente peut comporter des difficultés d’une même complexité.

En second lieu, les montants versés en application des premières tranches du tableau peuvent ne couvrir qu’imparfaitement les charges inhérentes à l’exercice des fonctions électives. Il en va tout particulièrement ainsi pour les petites communes. D’après le témoignage de M. Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France (100), un poste tel que les dépenses de carburant peut représenter près de la moitié de l’indemnité de fonction pour les maires des communes de moins de 500 habitants. Or, les difficultés matérielles rencontrées dans l’accomplissement du mandat peuvent décourager les candidatures à l’exercice de fonctions électives.

Aussi, apparaît-il indispensable de modifier les modalités d’indemnisation des élus locaux afin de compenser effectivement leur engagement.

b) Compenser l’investissement dans l’exercice des mandats électifs

À cet effet, la mission appelle à des mesures tendant, d’une part, à une revalorisation réelle mais proportionnée des indemnités de fonction et, d’autre part, à l’établissement d’un régime indemnitaire transparent pour nos concitoyens.

• Appliquer une revalorisation réelle et proportionnée des indemnités de fonction

En premier lieu, la mission d’information propose de fixer par principe au taux maximal prévu par la loi l’indemnité des responsables des exécutifs des collectivités locales (communes, départements et régions) et des établissements publics de coopération intercommunale.

Cette mesure s’inspire très directement du dispositif retenu par le Sénat dans le cadre de l’examen de la proposition de loi Gourault-Sueur et qui a recueilli un très large assentiment auprès des personnes entendues par la mission. En l’occurrence, l’article 1er de ce texte prévoit que, par définition, l’indemnité de fonction versée pour l’exercice « des fonctions de maires et de présidents de délégation spéciale et les indemnités maximales pour l’exercice effectif des fonctions d’adjoints au maire des communes, de conseillers municipaux des communes de plus de 100 000 habitants et plus, de membres de délégations spéciales faisant fonction d’adjoint » résulte de l’application du pourcentage le plus élevé que fixe la loi du montant correspondant à l’indice brut 1015.

Surtout, la proposition de loi modifie profondément la procédure de détermination des indemnités versées aux maires en ce qu’il fait de la fixation de son montant au taux maximal prévu par la loi un principe et non plus le résultat d’une délibération. Ainsi, dans les communes de 3 500 habitants et plus, il faudrait une délibération du conseil municipal pour que le montant de l’indemnité perçue par le maire soit inférieur au montant fixé par les textes. La fixation d’une indemnité inférieure ne serait plus possible que dans les communes de moins de moins de 3 500 habitants.

Du point de vue de la mission, ce dispositif présente l’avantage d’épargner aux élus des débats toujours mal perçus dans l’opinion publique et donnant l’impression désagréable que la fixation des indemnités participe d’une démarche ne servant que des intérêts catégoriels. Cependant, s’agissant des communes, elle estime que le seuil de 3 500 habitants n’est plus pertinent alors que le seuil de référence retenu pour l’application des nouvelles règles introduites par la loi précitée du 17 mai 2013 est une population de 1 000 habitants. Enfin, le débat relatif au montant des indemnités concerne tout autant les départements, les régions et les EPCI.

Dès lors, il semble justifié d’élargir le dispositif prévu par la proposition de loi Gourault-Sueur à l’ensemble des collectivités et intercommunalités et de ramener à 1 000 habitants et plus le seuil de population des communes à partir duquel l’organe délibérant pourra fixer les indemnités de fonction à un montant inférieur à celui prévu dans la loi (101).

Proposition n° 13 : Fixer par principe l’indemnité de fonction des responsables des exécutifs des collectivités locales (communes, départements et régions) et des établissements publics de coopération intercommunale au taux maximal prévu par la loi.

Conserver aux organes délibérants des communes d’au moins 1 000 habitants le pouvoir de la fixer, par délibération, à un niveau inférieur.

En deuxième lieu, la mission préconise une revalorisation de l’ordre de 10 % des indemnités de fonction allouées aux maires des communes dont la population est comprise entre 3 500 et 50 000 habitants.

Par cette mesure, il s’agit d’améliorer la situation des maires des communes se trouvant sur des territoires marqués par des logiques de rurbanisation et celle des communes urbaines mais de taille moyenne sinon petite. La mission partage volontiers l’idée développée au cours des 6e assises des villes moyennes et des intercommunalités (102), suivant laquelle les villes moyennes doivent servir de pôles d’équilibre dans la structuration du territoire qu’induit le développement des métropoles. Il importe donc que les élus de ces collectivités disposent d’indemnités à la hauteur de ce rôle. Cet objectif rend également souhaitable de réduire les inconvénients qui découlent d’une multiplication des seuils dans le calcul des indemnités.

Du point de vue des finances publiques, le champ de cette proposition apparaît du reste assez raisonnable au vu de la répartition des communes selon leur taille.

En effet, le champ de cette mesure porterait sur 2 836 communes représentant 43,4 % de la population, soit un périmètre relativement large et pertinent pour la conduite de l’action publique.

Proposition n° 14 : Revaloriser de 10 % le montant des indemnités de fonction des élus des communes dont la population est comprise entre 3 500 et 50 000 habitants.

Dans un même souci de limiter les effets négatifs de l’application de seuil fondés sur l’importance démographique des collectivités, la mission propose de réduire les tranches applicables pour le calcul des indemnités de fonction des élus départementaux et les élus régionaux.

Pour les conseils départementaux, cette proposition consiste d’une part à fusionner les tranches « moins de 250 000 » et « de 250 000 à 500 000 » en retenant le taux maximal de l’indice brut 1015 le plus élevé pour les présidents, les vice-présidents ayant délégation de l’exécutif, les conseillers membres de la commission permanente, ainsi que les conseillers départementaux. En cela, la mission retient la proposition formulée devant elle par Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont, vice-présidente de l’Assemblée des départements de France, qui a montré que le régime indemnitaire des élus départementaux ne tenait pas suffisamment compte de la réalité des missions exercées par les élus dans les territoires ruraux (103).

D’autre part, la proposition de la mission comporte la fusion des tranches « de 1 million à moins de 1,25 million » et « 1,25 million et plus », l’indemnité devant être calculé sur le pourcentage de l’indice brut 1015 de la tranche « de 1 million à moins de 1,25 million ». Dans sa globalité, cette mesure aboutirait au tableau suivant :

INDEMNITÉS DE FONCTION BRUTES MENSUELLES DES ÉLUS DÉPARTEMENTAUX
TELLES QUE PROPOSÉES PAR LA MISSION

 

Président du Conseil

départemental

Vice-président ayant

délégation de l’exécutif du Conseil départemental ou du Conseil de Paris

Conseillers membres de la commission

permanente

Conseillers

départementaux

Population

(nombre d’habitants)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Moins de 500 000

145

5 512,13

90

3 421,32

60

2 280,88

50

1 900,73

De 500 000 à moins de 1 million

145

5 512,13

100

3 801,47

70

2 661,03

60

2 280,88

De 1 million et plus

145

5 512,13

105

3 991,54

75

2 851,10

65

2 470,95

La fusion des deux dernières tranches vise à permettre une réduction des inégalités de situation que ne justifient pas les faibles écarts de population entre le haut de l’avant dernière tranche « de 500 000 à moins de 1 million » et le bas de la tranche « de 1 million à plus de 1,25 million ».

Pour élus régionaux, suivant une même logique, les modifications proposées par la mission aboutiraient au tableau suivant :

INDEMNITÉS DE FONCTION BRUTES MENSUELLES DES ÉLUS RÉGIONAUX
TELLES QUE PROPOSÉES PAR LA MISSION

 

Président du Conseil régional

Vice-président ayant délégation de l’exécutif du Conseil régional

Conseillers membres de la commission permanente

Conseillers régionaux

Population

(nombre d’habitants)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015))

Indemnité brute

(en euros)

Taux maximal

(en % de l’IB 1015)

Indemnité brute

(en euros)

Moins de 2 millions

145

5 512,13

90

3 421,32

60

2 280,88

50

1 900,73

De 2 à 3 millions

145

5 512,13

100

3 801,47

70

2 661,03

60

2 280,88

3 millions et plus

145

5 512,13

105

3 991,54

75

2 851,10

65

2 470,95

Proposition n° 15 : Remédier aux disparités du régime indemnitaire des élus départementaux et régionaux en fusionnant les tranches inférieures (au taux le plus élevé) et en alignant les deux tranches supérieures du tableau applicable pour le calcul de leurs indemnités (à un taux moyen).

Dans cette démarche de revalorisation, la mission n’occulte pas les difficultés financières que de telles mesures peuvent créer pour certaines collectivités et, en particulier, pour les petites communes car en droit, la charge du financement des indemnités repose sur leur budget. D’ailleurs, on notera qu’à ce jour, les statistiques fournies par la Direction générale des collectivités locales ne permettent pas connaître très précisément le montant des indemnités perçues, ce qui participe à la complexité de toute évaluation.

Dans ce contexte, un moyen de surmonter cette question financière semble résider dans l’organisation d’une péréquation à l’échelle des intercommunalités.

En effet, la mutualisation des ressources pourrait permettre d’assurer un régime indemnitaire plus approprié aux élus des communes-membres qui participent, directement ou indirectement, à l’exercice de l’action publique sur le territoire intercommunal. Par ailleurs, ainsi que l’a relevé M. Marc Fesnau, représentant de l’Assemblée des communautés de France(104), il existe des rapports de plus en plus étroits entre les fonctions municipales et les fonctions intercommunales, notamment entre celles de maire et de président de communauté de communes.

Dès lors, il pourrait être envisagé de permettre aux membres des bureaux des communautés de communes de percevoir une indemnité qui compléterait celle à laquelle donne droit l’exercice de fonctions d’élu d’une commune-membre.

En l’état actuel du droit, l’indemnisation des élus n’exerçant de responsabilité au sein de cette instance ne constitue pas une obligation. L’article L. 5211-12 du CGCT prévoit des modalités d’indemnisation pour l’exercice effectif des fonctions de président et de vice-président d’un syndicat de communes, d’une communauté de communes, d’une communauté urbaine, d’une communauté d’agglomération, d’une métropole et d’un syndicat d’agglomération nouvelle. Seules les communautés d’agglomération et les communautés urbaines indemnisent les membres de leur organe délibérant. En revanche, l’article L. 5211-13 du CGCT prévoit seulement une indemnisation des frais de déplacements des autres membres pour la participation aux réunions des conseils et des comités.

La mission propose donc d’accorder une indemnisation aux élus siégeant au bureau des communautés de communes, étant entendu toutefois que le nombre de personnes pouvant siéger au sein de cette instance doit être strictement limité. Pour ce faire, pourrait être pris en compte le nombre de vice-présidences existantes, en s’inspirant des règles de la loi du 31 décembre 2012 relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d’agglomération dans la logique qui fixe une enveloppe limitant le nombre des postes indemnisés pouvant être créés (105).

Proposition n° 16 : Permettre l’indemnisation des élus siégeant au bureau des communautés de communes sans être président ou vice-présidents.

Plafonner en conséquence les effectifs des bureaux de ces établissements.

• Établir un régime indemnitaire transparent

Cette nécessité s’impose d’autant plus que la France est un pays qui entretient un rapport complexe avec l’argent et dans lequel l’idée d’une rétribution des élus ne va pas de soi. En contrepartie des mesures de revalorisation que la mission propose, il importe donc d’assurer la lisibilité du régime indemnitaire. Les règles sur lesquelles ce régime repose doivent pouvoir être comprises par tout à chacun car le manque de transparence sur les conditions pratiques d’exercice des mandats nourrit le soupçon et altère la légitimité des décideurs publics.

La mission juge que trois mesures pourraient contribuer à la réalisation de cet objectif.

La première proposition consisterait à exprimer en valeur nette le montant maximal des indemnités pouvant être perçues dans le cadre des fonctions électives locales.

Ainsi qu’il a été expliqué précédemment, le montant qui figure aujourd’hui dans le code général des collectivités territoriales est une indemnité maximale brute, correspondant de surcroît à un pourcentage d’un indice de la grille de la fonction publique. Cette présentation des indemnités ne paraît pas satisfaisante. Certes, cette solution pragmatique permet aux organes délibérants de ne pas avoir à réviser les indemnités allouées aux élus à chaque revalorisation du point d’indice de la fonction publique. En revanche, elle s’inscrit peu dans un souci de transparence dès lors que le montant réel des indemnités brutes allouées est peu visible et lisible pour les concitoyens.

Cela étant, il convient de prendre en considération le fait que les prélèvements opérés sur les indemnités, notamment les cotisations versées pour la retraite par rente, induisent des variations parfois sensibles entre le montant brut de l’indemnité figurant dans les tableaux du CGCT et les sommes effectivement perçues. Cette difficulté d’ordre méthodologique ne présente pas pour autant un caractère insurmontable. Il pourrait être envisagé de rendre public un montant net des indemnités à titre indicatif en leur appliquant le taux minimal des prélèvements dont les élus doivent s’acquitter.

Proposition n° 17 : Rendre public un montant net des indemnités perçues par les élus en tenant compte des prélèvements minimaux que celles-ci supportent en application des lois et règlements en vigueur.

La deuxième proposition tient à l’application plus systématique des retenues sur indemnités prévues en cas d’absences trop fréquentes et injustifiées des membres des organes délibérants des collectivités locales et des établissements publics de coopération intercommunale.

En l’état du droit, le code général des collectivités territoriales donne compétence aux conseils départementaux et régionaux (106) pour réduire le montant de l’indemnité de fonction allouée à leurs membres « en fonction de leur participation aux séances plénières, aux réunions des commissions dont ils sont membres et aux réunions des organismes dans lesquelles ils représentent [leur collectivité]. » La réduction ne peut dépasser un montant représentant la moitié de l’indemnité maximale pouvant être versée.

On notera cependant qu’il n’existe aucune disposition similaire concernant les conseillers des communes et les membres des organes délibérants des EPCI. Elle serait inutile dans la mesure où seuls les maires, les adjoints au maire, les conseillers municipaux ayant reçu délégation et les conseillers des villes d’au moins 100 000 habitants, les présidents et vice-présidents des EPCI perçoivent une indemnité. Ceux-ci doivent cependant justifier un exercice effectif de leurs fonctions pour y prétendre.

S’agissant des conseils départementaux et régionaux, les dispositions en vigueur laissent une faculté de réduction de l’indemnité qui peut être mise en œuvre dans les conditions fixées par leur règlement intérieur.

Du point de vue de la mission, dans l’optique de l’élaboration d’un statut de l’élu, le régime applicable aux conseils départementaux et régionaux devrait se rapprocher davantage de celui des parlementaires.

Les membres de l’Assemblée nationale peuvent ainsi subir une retenue sur leur indemnité lorsqu’ils sont absents plus de deux absences dans le même mois aux réunions des commissions permanentes dont ils sont membres (107).

La mission préconise que, pour les membres des conseils départementaux et régionaux, la réduction de l’indemnité versée en fonction de la participation soit de principe, le soin étant laissé aux organes délibérants d’organiser la mise en œuvre de ce dispositif suivant les modalités fixées par leur règlement intérieur. Cette proposition passerait par la réécriture des articles L. 3123-16 du CGCT (pour les élus départementaux) et L. 4135-16 du CGCT (pour les élus régionaux).

Proposition n° 18 : Imposer par la loi l’introduction dans le règlement intérieur des conseils départementaux et régionaux du principe de la réduction de l’indemnité des membres des organes délibérants en fonction de leur participation aux séances plénières, aux réunions des commissions dont ils sont membres et aux réunions des organismes dans lesquels ils représentent leur collectivité.

La dernière proposition destinée à améliorer la transparence du régime indemnitaire tient à l’établissement d’un contrôle du respect du principe de l’écrêtement des indemnités que les élus peuvent cumuler à raison de l’exercice de plusieurs mandats électifs.

La loi dispose qu’en application de ce principe, la somme de leurs indemnités ne saurait dépasser un plafond correspondant à une fois et demie l’indemnité parlementaire (108). Ce plafond est fixé à 8 272,02 euros par mois depuis le 1er juillet 2010. Selon la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, « la part écrêtée est reversée au budget de la personne publique au sein de laquelle le conseiller municipal exerce le plus récemment un mandat ou une fonction ». Il s’agit là d’une rupture avec le droit précédemment en vigueur suivant lequel le reversement de la part « écrêtée » ne pouvait être effectué que sur délibération nominative du conseil municipal, départemental ou régional.

Toutefois, cette procédure nouvelle ne peut que perdre de sa portée en l’absence de tout dispositif de contrôle du respect du principe de l’écrêtement.

En effet, selon les conclusions d’un rapport d’information du Sénat sur la valorisation des mandats locaux par le non-cumul publié en mars 2013 (109), il n’existe actuellement aucun moyen de connaître l’ensemble des fonctions occupées par un même élu. Le répertoire national des élus, gérés par le ministère de l’Intérieur, ne recense que les mandats détenus et ne fait pas mention des fonctions exercées dans les EPCI, ni des fonctions occupées par un élu en dehors de leurs mandats.

Afin de remédier à ce problème, la mission préconise de rendre obligatoire pour les élus locaux l’établissement d’une déclaration annuelle auprès de l’administrateur général des finances publiques (110) de leur domicile.

Cette déclaration retracerait l’intégralité des indemnités perçues par un élu au titre de ses différents mandats dans des collectivités et des fonctions exercées dans les EPCI, les syndicats de coopération intercommunale et les organismes dans lesquels il représente sa collectivité (par exemple, les jetons de présence dans les instances des offices HLM). Le document agrègerait également les montants écrêtés reversés aux collectivités. L’administrateur des finances publiques exercerait un contrôle sur l’exactitude des déclarations. Il serait habilité à informer les collectivités locales du non-respect de la règle de l’écrêtement.

Afin que les élus puissent mieux se conformer à leurs obligations, il conviendrait également de définir précisément l’ensemble des indemnités et compensations (par exemple, des indemnités perçues pour la représentation de la collectivité à laquelle appartiennent les élus).

Proposition n° 19 : Rendre obligatoire pour les élus locaux l’établissement d’une déclaration annuelle des indemnités perçues, destinée à l’administrateur général des finances publiques du lieu de leur domicile.

Donner à ce dernier un pouvoir de contrôle de l’exactitude des déclarations et d’information des collectivités auxquelles les élus appartiennent.

C. BÉNÉFICIER D’UNE FORMATION PERMETTANT DE MIEUX SERVIR LA COLLECTIVITÉ

Ultime conséquence du mouvement de professionnalisation qui affecte l’exercice des mandats, les élus se doivent aujourd’hui de posséder ou d’acquérir des compétences techniques et des savoir-faire spécialisés.

Ce constat ne date pas d’hier. En 1977 déjà, le rapport de la commission Aubert, commission chargée d’analyser les réponses apportées dans le cadre d’une large consultation des maires sur les enjeux de la décentralisation, montrait que les élus considéraient la formation comme l’une des conditions indispensables du développement des compétences des collectivités. Dans le même esprit, le rapport du sénateur Marcel Debarge présentait, en 1982, l’amélioration de la formation des élus comme une nécessité découlant de la suppression de la tutelle administrative des préfets sur les collectivités locales, affirmant même que « le statut [de l’élu] commence par la formation. » (111).

L’analyse demeure plus que jamais d’actualité car, avec l’approfondissement du mouvement de décentralisation engagé par les lois de mars 1982 et le redéploiement des services de l’État sur le territoire, la tâche des élus devient bien plus complexe : ils doivent assumer les responsabilités qui s’attachent aux compétences nouvelles que le législateur confie aux collectivités territoriales, répondre aux demandes sociales tout en appliquant des normes de plus en plus nombreuses et techniques. Dès lors, la qualité de la formation conditionne aujourd’hui plus que jamais l’exercice des mandats électifs locaux.

Les participants des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat – à l’instar des personnes entendues par la mission – n’ont pas livré un autre diagnostic : parmi les voies et moyens d’affirmation d’un statut de l’élu, ils retiennent « le renforcement des droits à la formation, [en] contrepartie des compétences de plus en plus importantes exercées par les collectivités et de la technicité requise pour leur exercice » (112).

C’est en ces mêmes termes que la mission conçoit cette problématique et entend présenter des réponses à une préoccupation récurrente. Dans ce but, trois objectifs sous-tendent ses propositions : tout d’abord, consacrer une exigence de formation des élus ; ensuite, satisfaire les demandes de formation ; enfin, assurer l’acquisition des compétences pertinentes pour l’exercice des mandats.

1. Consacrer l’exigence de formation des élus

Depuis la loi du 3 février 1992, le code général des collectivités territoriales (CGCT) reconnaît le « droit à une formation adaptée à l’exercice de leurs fonctions » à l’ensemble des élus locaux (113).

Aux termes de ces mêmes dispositions modifiées par la loi du 27 février 2002, les organes délibérants des collectivités et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) doivent délibérer sur l’exercice du droit à la formation de leurs membres dans les trois mois qui suivent leur renouvellement. À cette occasion, les conseils déterminent les orientations et les crédits ouverts à ce titre.

En outre, le CGCT comporte deux dispositifs destinés à favoriser l’exercice du droit à la formation des élus.

Il s’agit, d’une part, d’un congé de dix-huit jours que les élus poursuivant une activité professionnelle en qualité de salariés (114) ou d’agents publics (115) peuvent solliciter auprès de leur employeur afin de suivre une formation en rapport avec l’exercice de leurs fonctions. Le droit à un congé de cette durée vaut pour toute la durée du mandat et quel que soit le nombre de mandats détenus. Il est par principe acquis pour suivre un stage ou une session de formation organisé(e) par un organisme agréé par le ministère de l’Intérieur (116). L’employeur ou l’autorité hiérarchique peut cependant opposer un refus motivé le cas échéant par des conséquences dommageables pour la production ou la bonne marche de l’entreprise, ou par des nécessités de service (117).

Il s’agit, d’autre part, de la prise en charge par la collectivité (118) ou par l’EPCI des frais résultant pour l’élu de l’exercice du droit à la formation. En l’occurrence, font l’objet d’un remboursement les frais de déplacement (119), de séjour et d’enseignement. De surcroît, les dispositions du CGCT prévoient la compensation des pertes de revenus subis par les élus dans l’exercice de leur droit à la formation, « dans la limite de dix-huit jours par élu pour la durée du mandat et d’une fois et demi la valeur horaire du salaire minimum par heure ». L’élu doit produire auprès de sa collectivité ou de son EPCI les justificatifs nécessaires.

Les témoignages recueillis auprès des personnes entendues par la mission invitent à s’interroger sur la portée réelle du droit à la formation des élus.

Cette interrogation vaut tout particulièrement en ce qui concerne les élus des collectivités disposant de peu de ressources compte tenu de leur population, notamment en milieu rural. Ainsi, suivant l’état des lieux dressé par M. Vanik Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France (120), les élus ruraux se montrent réticents à suivre des formations, faute de temps et par crainte de se voir mis en difficulté.

Cette perception de freins psychologiques au suivi des formations fait écho aux constats établis par un certain nombre d’observateurs dans la durée. En 2000, l’article publié par M. Laurent Derboulles, chercheur au Centre de recherche et de documentation administratives sur la décentralisation de l’université de Reims (121), concluait déjà : « Au-delà des questions de financement, les résistances traditionnelles des élus aux actions de formation, comme le manque de disponibilité ou le scepticisme, continuent à se manifester. » Selon cet auteur, cette attitude pouvait s’expliquer par la persistance, dans l’inconscient collectif des élus, « de la certitude selon laquelle leur réussite élective implique leur capacité à s’occuper des affaires de la cité », le recours à une formation étant perçu comme un « aveu de faiblesse ».

Or en vérité, la formation constitue au contraire un besoin avéré car elle donne aux élus la capacité d’exercer leurs responsabilités sans dépendre de manière excessive de l’expertise de fonctionnaires territoriaux – de mieux en mieux formés – ou du conseil des services de l’État – pas nécessairement présents.

Aussi, la mission propose de rendre obligatoire le suivi d’une formation pour les responsables exécutifs des collectivités territoriales et des EPCI.

Cette obligation vaudrait notamment pour la première année de mandat, afin notamment de permettre aux nouveaux élus d’appréhender plus aisément et plus rapidement les exigences des fonctions qui leur sont confiées. La mission a souhaité circonscrire le champ de cette obligation aux responsables exécutifs car elle n’écarte pas d’un revers de main la préconisation défendue par les représentants de certaines associations d’élus (122: que les compétences individuelles des élus déterminent les besoins de formation. En cela, elle fait également sien un point de vue recueillant un assez large consensus depuis plus de dix ans. L’illustrent les conclusions de la mission commune d’information du Sénat sur les conditions d’exercice des mandats locaux qui, dans le rapport publié au débat de la précédente décennie(123), estimait que « chaque maire doit suivre au moins une formation au cours de son mandat » et prévoyait la possibilité d’étendre cette mesure aux autres élus locaux, après évaluation.

Dans le cadre d’une contribution aux travaux de la mission, le Bureau de l’Association des maires de France s’est montré également favorable à des journées obligatoires de formation, au cours des trois premiers mois du mandat, considérant que « le caractère obligatoire de la formation permet de placer tous les élus sur un pied d’égalité » (124).

Il s’agit en effet de lever des obstacles psychologiques – quand ils existent – mais également de s’affranchir des inégalités locales et, ainsi, d’assurer aux élus le bénéfice d’un droit dont ils ne peuvent souvent pas jouir du fait de la situation matérielle de leur collectivité ou de leur EPCI.

Proposition n° 20 : Rendre obligatoire par la loi le suivi d’une formation pour les membres des exécutifs municipaux, départementaux, et régionaux, au cours de la première année d’exercice du mandat.

Mais il serait vain d’affirmer une obligation nouvelle si les pouvoirs publics ne se préoccupaient pas des modalités pratiques de sa mise en œuvre, c’est-à-dire en l’espèce des ressources et des conditions de l’offre de formation pour les élus.

2. Satisfaire les demandes de formation

Atteindre cet objectif suppose au préalable d’apporter des réponses appropriées à deux questions décisives : d’une part, l’existence de ressources financières à la hauteur des besoins de formation ; d’autre part, l’accès des élus aux structures de formation sur l’ensemble du territoire.

a) Dégager les ressources nécessaires à la formation des élus

Le financement du droit reconnu aux élus de bénéficier d’une formation adaptée à l’exercice de leur fonction repose sur le budget des collectivités territoriales auxquelles ils appartiennent. Précisément, les collectivités doivent affecter des crédits couvrant les dépenses liées au suivi par les élus de formations, mais également la compensation des pertes de revenu occasionnées par l’exercice de ce droit. Il s’agit là d’une dépense obligatoire pour les collectivités. Ainsi, un élu local peut a priori saisir la chambre régionale des comptes territorialement compétente afin d’obtenir l’inscription des crédits de formation au budget (125). Pour autant, une formation n’entre dans le champ de la dépense obligatoire prévue par la loi que sous la réserve qu’elle ait un lien direct avec l’exercice du mandat.

Le code général des collectivités territoriales prévoit de manière expresse que le montant des dépenses de formation ne peut excéder 20 % du montant total des indemnités de fonction qui peuvent être allouées aux élus des collectivités(126).

Pourtant, l’ensemble des données disponibles démontre moins l’intérêt d’un plafonnement des dépenses de formation que la nécessité de garantir une utilisation minimale des crédits affectés à ce poste.

De fait, la sous-consommation des crédits de formation constitue une réalité durablement observée depuis l’entrée en vigueur de la loi du 3 février 1992.

Dès 2000, le conseil national de la formation des élus locaux, instance consultative placée auprès du ministre de l’Intérieur, établissait un constat sans appel : « Les membres du conseil national de la formation des élus locaux se montrent préoccupés par l’utilisation extrêmement limitée que font encore, huit ans après l’intervention de la loi du 23 février 1992, les élus locaux de leur droit à la formation, alors même que cette formation constitue une nécessité et qu’elle est de nature à mieux les prémunir contre les risques qu’ils peuvent encourir. »

De même, en 2009, d’après l’étude d’impact accompagnant le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie territoriale déposé sur le Bureau du Sénat, les dépenses de formation représentaient de 0,5 % à 4,2 % des indemnités susceptibles d’être versées aux élus, les montants variant beaucoup entre les collectivités. D’après un rapport d’information de la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat (127) et les propres éléments recueillis par la mission auprès de la DGCL, même à défaut de statistiques actualisées, on peut raisonnablement penser que ces ordres de grandeur conservent une certaine pertinence.

DÉPENSES MOYENNES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
POUR LA FORMATION DES ÉLUS À L’EXERCICE DE LEURS MANDATS

 

Communes

EPCI
à fiscalité propre

Départements

Régions

Dépenses moyennes consacrées à la formation entre 2004 et 2008

(en millions d’euros)

6,61

0,83

1,7

2,63

Part moyenne consacrée à la formation entre 2004 et 2008

(par rapport au montant total d’indemnités versées)

0,6 %

0,5 %

1,4 %

4,2 %

Source : Étude d’impact du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale du 21 octobre 2009.

Afin de favoriser l’utilisation de ressources relativement peu employées, la mission propose d’inscrire dans la loi le principe d’un plancher de dépenses en faveur du financement de la formation des élus ainsi que la possibilité d’un report des crédits affectés à cet effet.

Ainsi que l’ont affirmé plusieurs des personnes qu’elle a entendues (128), il importe absolument de dégager des moyens pour un poste de dépenses aussi essentiel pour les élus mais également pour la collectivité. Il en va en effet de la qualité de l’action publique locale et de la légitimité d’élus qui, aujourd’hui, peuvent de plus en plus difficilement fonder l’exercice de leur pouvoir sur une éventuellement notabilité.

Dans cette optique, l’établissement d’un plancher plutôt qu’un plafond de dépense pour la formation semble offrir un mécanisme plus incitatif. C’est la raison pour laquelle la mission reprend volontiers à son compte le dispositif de la proposition de loi adoptée par le Sénat à l’initiative de Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Pierre Sueur. Ce texte prévoit en son article 6, pour l’ensemble des collectivités territoriales ainsi que pour les EPCI, que « le montant prévisionnel des dépenses de formation ne peut être inférieur à 2 % du montant total des indemnités de fonction qui peuvent être allouées » aux élus. En outre, « les sommes non dépensées sont reportées sur le budget suivant dans la limite du renouvellement de l’assemblée délibérante concernée ».

Du point de vue de la mission, ce dispositif présente l’avantage de dépasser les contraintes de l’annualité budgétaire, d’écarter toute incertitude quant à l’inscription des crédits et d’offrir néanmoins une certaine souplesse dans la planification de l’effort en faveur de la formation, en tenant compte des besoins des élus n’exerçant pas de responsabilités exécutives.

Cela étant, la mission n’ignore pas le poids financier que pourrait représenter l’application de cette mesure pour certaines collectivités territoriales, en particulier pour les petites communes. Aussi, elle estime qu’il convient d’exploiter toutes les possibilités de mutualisation des dépenses de formation à l’échelle intercommunale que le droit actuel ménage (129).

Proposition n° 21 : Fixer à 2 % du total des indemnités de fonctions susceptibles d’être allouées aux élus le montant prévisionnel minimal des crédits que les collectivités territoriales et les EPCI doivent inscrire à leur budget au titre des dépenses obligatoires de formation.

Autoriser le report des crédits de formation non consommés pendant la durée des mandats.

b) Assurer aux élus l’accès la formation sur l’ensemble du territoire

On touche ici au problème des conditions pratiques de l’offre de formation, lesquelles dépendent de la qualité et de la répartition des opérateurs en ce domaine.

Sur le seul plan du droit, la qualité des intervenants susceptible d’assurer la formation des élus paraît assurée par les procédures existantes. En l’occurrence, en application de l’article L.1221-1 du CGCT, les opérateurs doivent obtenir un agrément délivré par le ministre de l’Intérieur (130), cette décision étant rendue avec l’avis obligatoire du Conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL). La durée de l’agrément ministériel accordé aux organismes s’élève à deux ans pour une première demande et passe à quatre ans à la suite d’un renouvellement (qui peut être indéfini) (131).

D’après les critères énoncés et appliqués par le CNFEL dans l’exercice de sa mission, la procédure actuelle d’instruction et de délivrance des agréments (132) aux organismes de formation semble favoriser une évaluation pertinente de l’adéquation entre l’offre de formation et les besoins des élus : « les éléments portant sur la définition d’un réel programme de formation destiné aux élus afin qu’ils puissent exercer au mieux leur mandat, la compétence de l’équipe de formateurs, le niveau de prix pratiqué, la qualité du bilan pédagogique (pour les dossiers de renouvellement) sont particulièrement étudiés.» (133) Dans le cadre de ses propres travaux, la mission n’a eu connaissance d’aucun fait qui l’amènerait à porter une autre appréciation sur l’efficacité de la sélection à laquelle le CNFEL concourt.

En revanche, ainsi que l’a également relevé la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat (134), l’étude des travaux du conseil met en lumière une offre de formation assez inégale à l’échelle du pays.

Cette inégalité tient d’abord à la relative diversité des prestations fournies par les opérateurs cherchant à obtenir un agrément. D’après les conclusions du rapport d’activité du CNFEL pour l’exercice 2010-2011 (135), les refus d’agrément se justifient par le fait que des opérateurs – souvent privés – « ont un manque de connaissance des besoins spécifiques des élus et ou des collectivités territoriales et sont enclins à proposer des thèmes de formation limités à un seul domaine d’intervention qui s’avère trop étroit et spécialisé ou sans lien avec direct avec l’exercice du mandat d’élu local pour satisfaire aux besoins fondamentaux des élus locaux mentionnés dans le code général des collectivités locales ». Le Conseil notait par ailleurs que « certains organismes, privés ou publics, semblent avoir pour unique souci d’élargir leur ”clientèle” en proposant aux élus des modules de formation déjà créés pour d’autres publics, cadre territorial ou d’entreprises, sans prendre le temps de les adapter aux besoins spécifiques du mandat de l’élu ».


Source : Conseil national de la formation des élus locaux,
Rapport d’activité 2010-2011, p. 24.

L’inégal accès à l’offre de formation s’explique ensuite par les disparités observées dans la répartition géographique des opérateurs.

D’après les chiffres publiés par la Délégation aux collectivités territoriales du Sénat sur la base de l’analyse des travaux du CNFEL (136), 187 organismes de formation possédaient un agrément ou étaient engagés dans cette procédure au 28 juin 2012. Or, on recense près de 30 % des organismes agréés en région parisienne, Paris abritant 42 des 55 organismes implantés dans la région. Quinze départements totalisaient près de 40 % des organismes agréés et, en 2011, 31 départements en métropole ne disposaient pas d’un organisme agréé de formation des élus locaux.

Certes, ce dernier chiffre marque une amélioration par rapport à la situation prévalant au début de la précédente décennie puisqu’en 2003, le nombre des départements dépourvus d’organismes de formation agréés s’élevait à 43. Par ailleurs, la majorité des organismes agréés peuvent fournir des prestations à l’échelle nationale, leurs formateurs se déplaçant à la demande des collectivités.

Cependant, pour que la formation réponde au mieux aux besoins des collectivités et des élus, une certaine proximité avec les territoires et une connaissance du terrain semblent éminemment préférables.

Dans cette optique, la mission prône l’organisation d’une offre de formation dans laquelle les délégations régionales du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) joueraient un plus grand rôle.

Établissement public paritaire déconcentré (137), le CNPFT assure, en vertu des dispositions législatives relatives à la fonction publique territoriale, des missions de formation et d’emploi concourant à l’accompagnement des collectivités territoriales et de leurs agents dans leur mission de service public (138). La loi du 19 février 2007 a étendu sa compétence s’agissant de l’élaboration et de l’organisation de formations obligatoires pour les agents territoriaux (139). Le CNFPT conçoit et dispense également des formations non obligatoires : les formations de perfectionnement, les formations diplômantes ou certifiantes, les préparations aux concours et examens professionnels de la fonction publique territoriale. Il organise en outre plusieurs concours de la fonction publique territoriale (dont celui d’administrateur territorial) ; il propose un accompagnement à la validation des acquis de l’expérience (VAE) et organise la reconnaissance de l’équivalence des diplômes (RED). Sa compétence s’étend sur tout le territoire grâce à un réseau de 29 délégations régionales et leurs antennes départementales, de 18 pôles de compétences et de 5 instituts (4 instituts nationaux spécialisés d’études territoriales et l’Institut national des études territoriales).

Aux yeux de la mission, cette proximité avec les élus locaux, ainsi que la contribution financière essentielle des collectivités territoriales au fonctionnement de cet organisme (140) désignent tout particulièrement le CNFPT et ses délégations régionales à devenir des opérateurs de référence dans la formation à l’exercice des mandats.

D’après les informations fournies par la DGCL, en l’état actuel du droit, le Centre ou l’une de ses délégations pourrait parfaitement obtenir l’agrément nécessaire à tout opérateur intervenant dans ce domaine. Si tel n’était pas le cas, la mission estime qu’il conviendrait de compléter la liste des missions dévolues au CNFPT en modifiant l’article 12-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

Proposition n° 22 : Étoffer l’offre de formation destinée aux élus en incluant ces prestations dans le champ de compétence et d’intervention des délégations régionales du Centre national de la fonction publique territoriale.

3. Assurer l’acquisition des compétences pertinentes

Les avantages indéniables d’une décentralisation de l’offre de formation ne doivent pas en effet occulter l’enjeu décisif d’une harmonisation qui permette une égale maîtrise des fonctions électives locales.

Si la taille et les ressources de collectivités affectent notablement les conditions d’exercice des mandats, les élus font face aux mêmes exigences et doivent souvent relever les mêmes défis. Dès lors, ils doivent posséder un tronc commun de savoir-faire et de compétences.

Cette optique – qui ne nie pas les spécificités locales – conduit tout naturellement à réfléchir à la formalisation d’un programme minimal de formation des élus à l’échelle nationale, programme fondé sur l’identification de besoins partagés et de connaissances prérequises.

Nos proches voisins offrent des exemples de pratiques ou de dispositifs qui contribuent à l’harmonisation de la formation des élus dans l’exercice de leurs mandats.

D’après les informations rassemblées par la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat (141), tel est le cas au Royaume-Uni et, particulièrement en Angleterre où l’on trouve, au niveau central, des informations relatives aux compétences attendues de la part des élus locaux. Ainsi, la Local Governement Improvement and Developpement Agency émet à ces sujets des recommandations et a publié un guide intitulé Skill framework for elected member ou cadre de référence des qualifications des élus. Il existe également des publications destinées aux élus locaux et portant sur des thématiques particulières. À titre d’illustration, dans le domaine de la planification stratégique, The Planning Advisory Service (Service de conseil en planification), financé par des collectivités locales, a publié en 2006 un document cadre des compétences des élus en matière de planification. Les associations de collectivités locales développent un programme de formation coordonné à l’échelle nationale et financé par un prélèvement obligatoire sur les collectivités.

En France, une telle fonction pourrait être confiée au conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL). Sur le strict plan juridique, il convient de remarquer qu’en application de l’article L. 1221-1 du CGCT, la définition des « orientations générales de la formation des élus locaux concernés par les dispositions relatives aux droits des élus locaux à la formation » entre déjà dans le champ de ses compétences. Étant composé à parité par des élus locaux et des personnalités qualifiées (142), le conseil se trouve a priori en mesure de définir et formaliser des programmes adaptés aux besoins recensés sur le terrain par-delà la politique d’agrément des organismes de formation qu’il contribue à définir (cf. supra).

Il lui appartiendrait au préalable d’élaborer un socle des compétences et connaissances requises pour les élus exerçant des fonctions exécutives et qui, à ce titre, sont soumis à l’obligation de formation précédemment évoquée. L’élaboration de ce socle pourrait donner lieu à une vaste concertation avec les pouvoirs publics et les associations d’élus et se traduire par l’établissement d’un programme devant faire l’objet d’une actualisation régulière.

Du point de vue de la mission, la formation des élus locaux à l’exercice de leurs fonctions devrait nécessairement comporter, en raison du caractère assez complexe et sensible de ces matières :

– un enseignement relatif à la déontologie, chaque élu devant connaître les droits et les devoirs inhérents à l’exercice d’une fonction publique représentative (143) ;

– une sensibilisation aux règles encadrant la responsabilité pénale des élus, notamment en matière de délits non intentionnels (144) ;

– l’acquisition des notions et procédures essentielles que les élus utilisent assez quotidiennement dans leur mandat, telles que celles relatives au budget, au droit des marchés publics, au droit de l’urbanisme, au droit commercial voire au droit de la concurrence ou de l’environnement.

Ainsi serait donné un contenu pertinent à la mise en œuvre de l’obligation de formation que la mission préconise.

Proposition n° 23 : Confier au conseil national de la formation des élus locaux l’élaboration d’un socle minimal de compétences nécessaires à l’exercice des fonctions exécutives locales.

III. VEILLER À L’ÉQUILIBRE DES DROITS ET DES DEVOIRS DANS L’EXERCICE DE RESPONSABILITÉS ÉMINENTES

L’établissement d’un authentique statut de l’élu ne saurait raisonnablement se borner à des mesures tendant à l’amélioration des conditions matérielles de l’exercice des mandats électifs. Le suffrage universel confère en effet à qui en reçoit l’onction un rôle pour le moins singulier et exorbitant : celui de prendre part plus directement que ses concitoyens à l’exercice de la souveraineté nationale dans le cadre de fonctions représentatives.

À cette place sans pareille dans notre société s’attachent nécessairement des droits et des devoirs. Il convient de les définir précisément dans l’intérêt de la collectivité mais également dans le respect de l’engagement pris à son service. Les élus ne sont pas des simples particuliers mais pour autant, ils ne se doivent pas tout entiers au public.

C’est dans cet esprit que la mission entend promouvoir des mesures qui, du point de vue de ses membres, doivent poursuivre trois objectifs : en premier lieu, prévenir les conflits d’intérêts et favoriser la transparence de la vie publique ; en deuxième lieu, appliquer un régime de responsabilité pénale proportionnée aux conditions d’exercice des mandats ; en dernier lieu, formaliser un véritable statut de l’élu.

A. PRÉVENIR LES CONFLITS D’INTÉRÊTS ET FAVORISER LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE

Sans nul doute, conserver la confiance des citoyens dans les institutions représente aujourd’hui l’un des défis majeurs que la République doit relever. Par-delà la capacité même de l’État et des collectivités locales à régler les problèmes de la vie collective, la population peut parfois s’interroger sur la propension de certains de ses représentants à mener des actions n’ayant pas l’intérêt général pour seule finalité.

Même si le questionnement s’exprime davantage à l’encontre des élus nationaux qu’à l’endroit des élus locaux, plus proches du terrain, il n’en met pas moins en relief l’expression d’un soupçon diffus. Ce sentiment se nourrit volontiers des inévitables imperfections du fonctionnement de la démocratie représentative. Or, dans une culture politique française tout encore imprégnée des théories rousseauistes du contrat social, la légitimité du pouvoir repose sur le postulat que les décisions prises par les représentants du corps politique expriment la volonté générale.

Dans ce contexte, il importe de conforter la légitimité des élus par des procédures qui, dans l’exercice des mandats électifs, garantissent en toutes circonstances une nette distinction entre intérêts publics et intérêts privés.

Il s’agit là d’une préoccupation essentielle partagée par l’ensemble des membres de la mission. Ainsi que M. Daniel Lebègue, président de Tranparency international France l’a démontré (145), la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, la transparence des institutions participant à l’exercice du pouvoir et les relations entre les groupes d’intérêts et les décideurs publics constituent des enjeux qui ne sont pas sans lien avec la problématique du statut de l’élu. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dès sa réunion constitutive organisée en mars 2013, la mission a entendu y consacrer en partie ses travaux.

L’émotion suscitée par des révélations relatives à des soupçons de fraude fiscale imputable à un ancien membre du Gouvernement a, depuis lors, conduit les pouvoirs publics à se saisir pleinement de ces questions. Le Parlement a ainsi entamé l’examen de deux projets de loi relatifs à la transparence de la vie publique.

Par-delà le jugement que chacun peut porter sur la pertinence de leur dispositif, du point de vue des membres de la mission, ces textes offrent à tout le moins un cadre approprié au large débat de fond qui doit permettre l’adoption des procédures nécessaires au rétablissement de la confiance des citoyens.

Aussi, la mission se bornera-t-elle ici à présenter ici trois propositions susceptibles de compléter utilement des mesures déjà en discussion devant la représentation nationale.

PRINCIPALES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI (N° 1005)

RELATIF À LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE

(TEXTE DE LA COMMISSION DES LOIS DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE EN 1ÈRE LECTURE)

Le texte complète les dispositions du projet de loi organique (n° 1004) également relatif à la transparence de la vie publique, qui visent à modifier les règles du code électoral applicables aux parlementaires ainsi que celles touchant aux indemnités versées aux anciens ministres (146).

Le projet de loi ordinaire a pour objet de :

consacrer l’obligation pour des responsables et agents publics d’exercer leurs fonctions « avec dignité, probité et impartialité » ;

définir la notion de conflit d’intérêts et renforcer les obligations de déport ou d’abstention dans une telle circonstance pour les membres du Gouvernement, les membres des collèges des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, les titulaires de fonctions exécutives locales (maires et adjoints des communes d’au moins 3 500 habitants, présidents et vice-présidents des conseils généraux et régionaux, présidents et vice-présidents de groupements de collectivités locales, autres bénéficiaires d’une délégation de signature par un président d’exécutif local) ;

imposer l’établissement d’une déclaration de situation patrimoniale (en début et en fin de mandat) ainsi qu’une déclaration d’intérêt et d’activité aux membres du Gouvernement, parlementaires nationaux et européens, principaux responsables exécutifs locaux, membres des autorités administratives indépendantes, collaborateurs des cabinets ministériels et du Président de la République, titulaires d’emploi à la décision du Gouvernement nommés en conseil des ministres et responsables des principales entreprises publiques ; selon le texte adopté par la commission des Lois, les déclarations de patrimoine pourront être consultées en préfecture par les électeurs inscrits sur les listes électorales et ne pourront pas faire l’objet d’une publication ou d’une divulgation, sous peine d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ;

créer une Haute autorité de la transparence de la vie publique (147), chargée de veiller au respect des obligations déclaratives prévues par le projet de loi (148) en tant que destinataire de ces informations, d’apprécier la variation des situations patrimoniales et dotée d’un pouvoir d’injonction afin de mettre un terme aux situations de conflits d’intérêts ; en cas de conflit d’intérêt avéré, la Haute autorité peut également informer les autorités compétentes du non-respect d’une obligation légale, publier un rapport spécial au Journal officiel, et saisir le procureur de la République en cas de prise illégale d’intérêt ;

confier à la Haute autorité le contrôle des activités lucratives susceptibles d’être exercées par des membres du Gouvernement et les responsables exécutifs locaux pendant la durée de l’exercice de leurs fonctions et dans un délai de trois suivant la cessation de celles-ci.

instituer des sanctions pénales pour non-respect des dispositions de la loi, et notamment : un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende pour non-respect d’une injonction de la Haute autorité en cas de conflit d’intérêts ; un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amendement en cas de non-réponse sans délai à une injonction de la Haute autorité en vue de la transmission d’éléments relatifs à la situation fiscale ; trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas d’omission de déclaration d’une partie substantielle du patrimoine ou des intérêts, ou en cas d’évaluation mensongère du patrimoine (pour les membres du Gouvernement, les parlementaires, les élus locaux et acteurs publics assujettis à ces obligations déclaratives).

1. Consacrer les obligations déontologiques des élus locaux dans une charte ayant valeur législative

Afin de favoriser la transparence de la vie publique, il importe de préciser les normes de comportement que les élus doivent adopter dans l’exercice de leurs fonctions et que les citoyens sont en droit d’attendre de la part de leurs représentants. En effet, appréhender le caractère déontologique et éthique d’un comportement ne va pas de soi. La déontologie se définit comme une théorie des devoirs et procède donc d’une morale. Son caractère contingent implique donc que les exigences formulées en la matière par le corps social soient explicitées de sorte que les élus se les approprient pleinement, notamment dans le cadre de la formation à l’exercice des fonctions que la mission propose de rendre obligatoire.

Aussi, la mission préconise-t-elle l’établissement d’un cadre déontologique applicable aux élus locaux sous la forme d’une charte des droits et des devoirs formalisée par le Parlement.

Cette charte viserait avant tout, de manière symbolique, à manifester l’attachement aux valeurs éthiques et au respect de l’intérêt public consubstantiel à l’engagement dans l’exercice de fonctions électives. Elle rappellerait des principes élémentaires (tels que les obligations de dignité, de probité et d’impartialité (149)) mais prescrirait également des règles de comportement dans certaines situations problématiques (par exemple, une situation de conflits d’intérêts ou l’exercice des fonctions pendant le temps de la campagne électorale).

De fait, il existe à l’heure actuelle un certain nombre d’exemples d’instruments dépourvus de valeur normative mais répondant à cette finalité. Nonobstant les chartes dont se dotent certaines communes ou les projets élaborés par des groupes d’élus, peut ainsi être cité le code de conduite européen relatif à l’intégrité politique des élus locaux et régionaux adopté, en 1999, par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe (150).

En proposant de conférer à un cadre déontologique de ce type une valeur législative, la mission entend garantir l’application uniforme des mêmes principes au sein des collectivités territoriales, tout en respectant le principe de libre administration des collectivités territoriales, affirmé par l’article 72 de la Constitution. Aux termes de cet article, les collectivités s’administrent librement dans les conditions déterminées par la loi et il appartient donc au législateur de fixer des normes générales que les collectivités pourront éventuellement enrichir suivant les exigences formulées dans le cadre du débat démocratique local.

Outre une valeur législative, la mission estime utile de donner à cette affirmation des exigences déontologiques inhérentes à l’exercice des mandats électifs une certaine solennité. À cette fin, elle propose que la charte des droits et des devoirs des élus locaux soit solennellement proclamée à l’occasion de l’installation qui suit le renouvellement de l’organe délibérant et de l’exécutif des collectivités territoriales.

Du point de vue des membres de la mission, cette mesure semble plus conforme à la culture nationale que l’instauration d’un serment. Dans la culture politique républicaine en effet, ceux qui participent à l’exercice de la souveraineté nationale et à l’exécution des lois, même indirectement, sont présumés respecter le droit et adhérer aux institutions du pays. On constatera du reste qu’en dehors de la période révolutionnaire, il n’existe pas d’exemple de serment imposé aux élus.

Il apparaît néanmoins souhaitable d’organiser un rappel solennel des droits et devoirs des élus au moment où ils prennent leurs fonctions. Ce rappel pourrait prendre la forme d’une lecture par le doyen d’âge des principaux articles de la charte des droits et devoirs des élus à l’occasion de la désignation par l’organe délibérant de l’exécutif d’une collectivité. Symboliquement, cet acte interviendrait avant la prise effective des fonctions, en l’occurrence avant que le maire, les présidents de conseils départementaux ou régionaux ne s’installent à la place qui leur revient dans la salle des délibérations.

De manière très pratique, cette procédure pourrait être adaptée aux circonstances locales. Il s’agit néanmoins que chacun prenne conscience des implications de l’engagement que représente l’exercice des fonctions d’élus.

Proposition n° 24 : Consacrer les obligations déontologiques des élus locaux dans une charte des droits et des devoirs ayant valeur législative.

Prévoir la lecture solennelle de cette charte à l’occasion de chaque renouvellement de l’organe délibérant et de l’exécutif des collectivités.

2. Favoriser l’intégration de la déontologie dans l’exercice des mandats et le débat public

Le propos de la mission n’est pas ici de préconiser l’établissement de nouvelles infractions pénales. Certains comportements peuvent effectivement justifier une sanction judiciaire. Toutefois, l’assimilation des droits et des devoirs passe tout autant par une pédagogie active, sous la vigilance des citoyens, que par des procédures de coercition.

Il convient de mettre les élus locaux en mesure de juger par eux-mêmes de la conformité de la pratique avec les exigences éthiques et déontologiques qui doivent prévaloir dans l’exercice de leur mandat. La réalisation de cet objectif nécessite tout d’abord une sensibilisation à ces problématiques. C’est la raison pour laquelle la formation à l’exercice des fonctions électives que la mission entend rendre obligatoire pour les exécutifs locaux devra comporter un module d’enseignement consacré à la déontologie (151).

Néanmoins, des exposés nécessairement théoriques ne sauraient permettre d’appréhender l’ensemble des aléas qui entourent l’exercice des fonctions électives. Il apparaît donc plus que souhaitable que les élus puissent, autant que nécessaire, recevoir des conseils et être éclairés sur l’application concrète des principes qu’ils doivent respecter.

À cette fin, la mission suggère la création d’un poste de délégué régional de la Haute autorité de la transparence de la vie publique qui, en tant que référent, serait chargé de conseiller les élus sur l’application de la charte des droits et des devoirs.

Certes, il pourrait être envisagé que la future Haute autorité assume elle-même une telle fonction. D’ailleurs, le projet de loi sur la transparence de la vie publique (152) lui confie la mission de répondre aux questions posées – à titre confidentiel (153) – par les personnes assujetties aux obligations déclaratives énoncées par la loi « sur les questions d’ordre déontologique qu’elles rencontrent dans l’exercice de leurs missions ». En outre, le texte investit la Haute autorité de la responsabilité de formuler des recommandations et de définir des lignes directrices publiques en matière de déontologie.

Cependant, l’étendue et la diversité des missions à la charge de cette nouvelle autorité indépendante ainsi que les modalités de sa saisine paraissent autant d’obstacles pratiques à l’efficacité que pourrait avoir son intervention auprès de l’ensemble des élus locaux.

Ainsi, la catégorie des élus locaux assujettis à des obligations déclaratives à l’égard de la Haute autorité se révèle assez large. Elle inclut notamment les titulaires d’une fonction de président de conseil régional, de président de conseil général, de président de l’Assemblée de Corse, de président du conseil exécutif de Corse, de présidents de l’Assemblée de Martinique et de l’Assemblée de Guyane, de président élu d’une collectivité d’outre-mer, de maire d’une commune de plus de 30 000 habitants ou de président élu d’un groupement de communes doté d’une fiscalité propre dont la population excède 30 000 habitants. S’y ajoutent les conseillers régionaux et départementaux, les conseillers exécutifs de Corse, les conseillers à l’Assemblée de Guyane, les conseillers à l’Assemblée de Martinique et les adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants lorsqu’ils sont titulaires d’une délégation de signature. Suivant l’étude d’impact jointe au projet de loi, on dénombre pas moins de 300 conseillers régionaux, 1 180 conseillers généraux, 261 maires des communes de plus de 30 000 habitants, 720 adjoints aux maires des communes de plus de 100 000 habitants.

Dès lors, il semble difficilement envisageable d’augmenter encore le nombre de personnes susceptibles de saisir la Haute autorité en matière déontologique, par exemple en étendant le champ de sa compétence aux élus des communes de moins de 30 000 habitants.

Aussi, la mission estime que la fonction de conseil pourrait être également assumée au bénéfice de l’ensemble des élus locaux, de manière décentralisée, par des délégués de la Haute autorité de la transparence de la vie publique installés dans chaque région métropolitaine et dans les collectivités d’outre-mer.

Pour ce faire, il pourrait être pris exemple sur le réseau des délégués régionaux du Défenseur des droits (154). Sur ce modèle, les délégués régionaux de la Haute autorité pourraient être saisis par les élus de toutes les collectivités, indépendamment de leur taille, afin de répondre de manière confidentielle à leurs interrogations individuelles relatives à l’exercice de leur mandat. Ils pourraient également rendre des avis sur les modalités d’application de la loi sur la transparence de la vie publique et de la charte des droits et des devoirs, par le biais d’un rapport rendu public dont pourraient se saisir les organes délibérants des collectivités locales.

Ce dispositif présenterait deux avantages : en premier lieu, alléger la tâche de la Haute autorité dans l’exercice de sa fonction de conseil ; en second lieu, assurer une application cohérente à l’échelle du territoire national des normes définies en matière de déontologie des élus. Sa mise en œuvre impliquerait sans doute de compléter à terme les dispositions résultant de l’examen du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique et de donner les moyens nécessaires à la Haute autorité de sorte que celle-ci exerce ses missions de manière plus décentralisée.

Proposition n° 25 : Créer un réseau de délégués régionaux de la Haute autorité de la transparence de la vie publique, notamment compétents pour répondre aux questions que se posent les élus locaux.

3. Rendre obligatoire la publication de l’utilisation de la réserve parlementaire

Même si l’absence d’un authentique statut incite à mettre davantage l’accent sur les conditions d’exercice des mandats locaux, il va de soi qu’en matière de déontologie, l’exigence qui s’attache à la responsabilité politique représente un même enjeu pour les élus nationaux, c’est-à-dire pour les membres des assemblées parlementaires.

Sur ce plan, chacun peut mesurer les progrès accomplis tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, progrès notamment matérialisés par :

– la création d’un comité de déontologie parlementaire au Sénat (155) et l’institution d’un déontologue à l’Assemblée nationale (156) ;

– l’obligation de remplir une déclaration d’intérêts que les parlementaires doivent remettre au Bureau de l’assemblée à laquelle ils appartiennent (157) ;

– l’adoption d’un code de déontologie à l’Assemblée nationale qui énonce les principes essentiels qui s’imposent aux députés dans l’exercice de leurs fonctions.

Dans cette perspective, la présente préconisation relative à l’usage de la « réserve parlementaire » participe de la volonté de parachever l’encadrement des conditions d’exercice des mandats des élus nationaux sur le plan de la transparence et de la déontologie.

La « réserve » désigne en l’occurrence une ligne du budget de l’État relevant du ministère de l’Intérieur et ayant pour objet les « Subventions pour travaux d’intérêt local » (158). Ouverte à chaque exercice par amendement des commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat au projet de loi de finances initiale, cette ligne de crédits est répartie entre les membres de chacune des assemblées parlementaires afin de leur permettre de financer la réalisation de projets dans leur circonscription. En 2013, le montant de la réserve parlementaire s’élève à 89,49 millions d’euros à l’Assemblée nationale et à 56,26 millions d’euros au Sénat (159). À l’Assemblée nationale, depuis le 1er janvier 2013, date d’entrée en vigueur de la réforme engagée à l’initiative de M. Claude Bartolone, son président, ces crédits font l’objet d’une répartition au prorata des effectifs de chaque groupe politique.

Cependant, ce dispositif continue de susciter d’inutiles soupçons quant à l’utilisation de l’argent public et à l’indépendance des parlementaires, ceux-ci jouissant de toute latitude dans le choix des projets d’intérêt local ainsi financés.

La « réserve parlementaire » encourt surtout la critique du fait des modalités d’accès aux données relatives à son emploi.

D’après l’analyse développée par la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA)(160), l’affectation des crédits de la réserve parlementaire peut donner lieu à l’établissement de deux types de documents :

– des documents relatifs à la constitution et à la répartition de la réserve parlementaire, c’est-à-dire : les documents élaborés par les commissions des Finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ou par d’autres membres du Parlement ou ceux destinés ou remis aux parlementaires ;

– des documents relatifs à la réserve parlementaire produits ou reçus par l’administration, ou susceptibles d’être obtenus par elle au moyen d’un traitement automatisé d’usage courant (avec notamment l’ensemble des notes, correspondances, documents de suivi et pièces comptables relatifs aux opérations administratives de mise en œuvre des décisions d’utilisation de la réserve parlementaire).

La CADA estime que l’ensemble de ces documents peuvent être qualifiés de documents administratifs au sens de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 (161) et, qu’à ce titre, ils peuvent être communiqués à toute personne qui en fait la demande en application de ce texte. La commission a ainsi jugé communicable le relevé des subventions versées dans un département au titre des crédits de la réserve parlementaire (162).

Aussi, dans un souci de transparence, la mission préconise de rendre obligatoire la publication de l’usage fait par chaque parlementaire de la « réserve » qui lui a été allouée.

En cela, elle partage la position adoptée par de nombreux parlementaires, nouveaux ou anciens dans leurs fonctions. On citera à titre d’illustration la proposition de résolution déposée le 30 avril 2013 par M. Pierre Morel-A-L’Huissier et plusieurs de nos collègues (163). Ce texte propose à l’Assemblée nationale de se prononcer en faveur de « l’obligation pour les parlementaires de publier le détail de l’affectation de la réserve parlementaire », ses auteurs confiant le contrôle de l’affectation à la Commission pour la transparence de la vie politique.

Si cette dernière instance est appelée à céder la place à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, la proposition de nos collègues conserve néanmoins toute sa pertinence sur le principe. S’agissant des modalités pratiques, il pourrait sembler préférable que la publication de l’usage de la réserve parlementaire relevât de la compétence du Sénat ou de l’Assemblée nationale, la future Haute autorité se voyant déjà confier un nombre important de missions. Cette publication pourrait intervenir au terme d’un délai de six mois après la clôture d’un exercice budgétaire.

Proposition n° 26 : Rendre obligatoire pour les députés et les sénateurs la publication du détail de l’affectation de leur réserve parlementaire.

B. ÉTABLIR UN RÉGIME DE RESPONSABILITÉ PÉNALE ADAPTÉ AUX CONDITIONS D’EXERCICE DES MANDATS

Les représentants des différentes associations de maires entendues par la mission ont souligné le poids de la responsabilité pénale parmi les causes de la « crise des vocations » qu’ils observent : les maires apparaissent non seulement faiblement indemnisés au regard du temps qu’ils consacrent à leur mandat, mais aussi excessivement exposés au risque de voir mise en cause leur responsabilité pénale.

Ce malaise se cristallise principalement autour de deux questions : celle de la responsabilité en cas de délit non intentionnel, et celle de la définition de la prise illégale d’intérêt.

La mission d’information, pas plus que ses interlocuteurs, ne songe évidemment à placer les élus à l’écart de poursuites pénales justifiées par l’existence d’une faute. Il peut y avoir parmi les élus, comme au sein de la population française, des personnes peu sérieuses ou tentées de tirer un profit personnel de l’exercice de leur mandat, et celles-ci doivent être poursuivies et sanctionnées, y compris, dans les cas les plus graves, par le prononcé d’une peine d’inéligibilité plus longue que prévu actuellement, comme le propose l’article 19 du projet de loi relatif à la transparence de la vie politique, précité, pour certains délits (164). Mais il est tout aussi nécessaire que les élus dans leur ensemble puissent remplir leur mandat sereinement, sans craindre constamment d’être l’objet de poursuites pénales.

Comme l’évoquait déjà, en 2000, le rapport Mauroy, toute réflexion sur ce sujet est rendue difficile par l’absence d’informations précises sur le nombre de mises en cause d’élus au titre de tel ou tel délit, sur le nombre de condamnations et les peines prononcées. La mission d’information appelle donc à l’élaboration d’un outil statistique permettant de connaître précisément la fréquence des cas de mise en cause de la responsabilité pénale des élus.

1. La question récurrente de la responsabilité pénale des élus en cas de délit non intentionnel

La très grande sensibilité des élus à la mise en jeu de leur responsabilité pénale pour délits non intentionnels tient à la caractéristique même de ces fautes, qui les distinguent foncièrement de toutes les autres fautes pénales : il y a en effet mise en cause pénale en dehors de toute intention de commettre le délit et bien souvent sans que l’élu ait eu conscience que son comportement pouvait entraîner un danger pour quiconque. Le texte de l’article 121-3 du code pénal mérite d’être intégralement cité :

« Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.

« Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.

« Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

« Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer. (…) »

Cette rédaction résulte de la loi du 10 juillet 2000, dite « Fauchon » (165), du nom du sénateur qui en a fait la proposition. Elle visait à mettre un terme à la croissance importante des mises en cause pénales d’élus pour des faits d’imprudence ou de négligence au cours des années 1990. L’avancée la plus importante consistait à affirmer, dans un article 4-1 du code de procédure pénale, que, en l’absence de « faute caractérisée » et en cas de lien de causalité indirecte, la responsabilité sera civile et non plus pénale. Elle s’accompagnait d’une réécriture de l’article 121-3 du code pénal.

En principe, pour que la faute commise par une personne, un élu en l’occurrence, soit constitutive d’une infraction pénale, il faut un fait fautif, un dommage et un lien de causalité entre la faute et le dommage. La rédaction du troisième alinéa de l’article 121-3 du code pénal a ajouté une quatrième condition : qu’il soit établi « que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. »

Au surplus, alors qu’une faute simple (d’imprudence ou de négligence) suffit lorsque la causalité entre la faute et le dommage est directe, en cas de causalité indirecte, la responsabilité pénale des personnes physiques auteurs des faits est conditionnée à l’existence d’une faute d’une certaine gravité – une faute dite qualifiée – consistant soit en la violation « de façon manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement », soit en « une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ».

Ainsi, en l’absence d’un lien de causalité direct entre la faute et le dommage et si la faute ne présente pas l’une de ces deux caractéristiques, la responsabilité pénale de la personne physique ne peut être mise en cause, même si sa responsabilité civile demeure. Le juge dispose d’une certaine marge de manœuvre dans l’appréciation du lien de causalité ou de la faute caractérisée, mais il a la possibilité de disjoindre responsabilité pénale et responsabilité civile.

Les modifications apportées par la loi « Fauchon » sont apparues toute à fait pertinentes. Néanmoins, après une douzaine d’années de mise en œuvre, il semble qu’elles n’ont pas résolu toutes les difficultés et que subsistent des cas de mise en cause de la responsabilité pénale des élus difficiles à justifier (166).

Le livre blanc de l’Association des petites villes de France de novembre 2005 (167) faisait le constat d’une amélioration de la situation à la suite de l’entrée en vigueur de la loi « Fauchon », puis d’un « glissement interprétatif du juge pénal très inquiétant », observé à partir de fin 2002. Plusieurs exemples de décisions étaient cités, parmi lesquels la condamnation du maire de Chamonix dans l’affaire du tunnel du Mont Blanc, qui étaient considérées comme « contraires à l’intention du législateur qui avait introduit, dans les délits d’homicide par négligence, un élément intentionnel (un risque que l’élu ou le fonctionnaire ne pouvait ignorer) » (168). L’association n’en estimait pas moins que la loi « Fauchon » était « une excellente loi, très équilibrée, qui protège les élus des abus antérieurs, sans pour autant les placer en situation d’irresponsabilité » ; elle préconisait non pas la modification de la loi mais la publication d’une nouvelle circulaire du garde des Sceaux à destination des parquets pour rappeler les intentions de cette loi (169) eu égard aux arrêts de la Cour de cassation et l’ouverture d’un dialogue régulier entre associations d’élus, parquets et magistrats du siège, dans le cadre, par exemple, d’une conférence annuelle placée sous l’égide du garde des Sceaux.

Ses préconisations n’ont pas été mises en œuvre et la situation ne s’est pas améliorée, si on en croit le témoignage des interlocuteurs de la mission. C’est le représentant de l’Association des petites villes de France (170) qui a le plus fortement insisté sur ce problème, mais Mme Marilyse Lebranchu, ministre de la Réforme de l’État, de la fonction publique et de la décentralisation, l’a aussi mentionné au cours de son audition (171). Ainsi, encore récemment, un maire a été jugé pénalement responsable de blessures provoquées par la chute d’un panneau de basket dans une aire de jeu communale – sa condamnation ayant été suivie par la fermeture des espaces de jeu de la commune, pour éviter tout risque futur… –, un autre d’un accident dû à la présence de gravillons à proximité d’un chantier correctement signalé par ailleurs, pour ne citer que deux exemples donnés le premier par votre rapporteur, le second par la ministre.

Alors que, en 2005, l’Association des petites villes de France ne proposait pas de modifier la loi, la persistance des difficultés qu’elle a observées la conduit désormais à suggérer trois pistes d’évolution. La première consisterait à étendre les cas dans lesquels la responsabilité pénale de la collectivité pourrait être recherchée (plutôt que celle du maire, même si l’une n’empêche pas l’autre) en supprimant de l’article 121-2 du code pénal l’alinéa qui limite la responsabilité pénale des collectivités territoriales et de leurs groupements aux infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public. La seconde conduirait à une nouvelle modification de l’article 121-3 du même code pour restreindre les cas dans lesquels la responsabilité pénale de l’élu peut être recherchée en supprimant, lorsque le lien de causalité est indirect (donc au quatrième alinéa), le cas de la « faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité que la personne en cause ne pouvait ignorer » ; il s’agirait ainsi de contrer l’interprétation jugée trop large que les juges font de ce cas. Enfin, une troisième proposition, plus marginale, vise à adapter les règles de représentation en justice des collectivités locales afin de permettre au représentant légal de la personne morale (c’est-à-dire au maire, dans le cas qui nous intéresse) de demander la désignation d’un mandataire de justice pour la représenter, même s’il n’est pas lui-même objet de poursuites pour les mêmes faits ou des faits connexes (172).

Quant à la ministre, elle a évoqué à son tour une modification de l’article 121-3 du code pénal, afin de revoir la rédaction de la caractérisation de la faute conduisant à la mise en cause de la responsabilité pénale de la personne physique en cas de causalité indirecte entre la faute et le dommage.

Interrogés par vos rapporteurs, les services du ministère de la Justice ont exprimé des réticences à l’idée de modifier la rédaction de cet article, alors que l’équilibre établi en 2000 leur semblait satisfaisant. Bien qu’ils ne disposent pas de chiffres sur le nombre des condamnations pénales d’élus prononcées sur le fondement de l’article 121-3 du code pénal, ils ont indiqué que seules quelques dizaines de condamnations étaient recensées chaque année pour des délits non intentionnels et ont appelé à la plus grande prudence.

L’insistance des interlocuteurs de la mission sur ce sujet, y compris celle de la ministre en charge de la décentralisation, et l’expérience de ses membres, élus locaux pour une partie d’entre eux, les conduisent à penser qu’il faut avancer sur cette question.

Après avoir pris l’avis du ministère de la Justice, ils retiennent une solution équilibrée qui consisterait à l’élargir le champ de la responsabilité pénale des collectivités territoriales, mais seulement aux délits non intentionnels. La modification porterait donc sur le deuxième alinéa de l’article 121-2 du code pénal, sans toucher à la rédaction de l’article 121-3 du même code. Sans écarter automatiquement la mise en cause des élus, elle permettrait de limiter les cas de ce type en rendant possible l’engagement de la responsabilité pénale des collectivités – laquelle peut d’ailleurs être mise en jeu en cas de causalité indirecte même en l’absence de faute qualifiée (173).

Proposition n° 27 : Étendre le champ de la responsabilité pénale des collectivités territoriales aux délits non intentionnels.

2. Le problème de la définition de la prise illégale d’intérêt

L’autre point de droit pénal signalé à la mission d’information comme posant problème est la définition de la prise illégale d’intérêt.

Le dispositif pénal a pour objet d’éviter qu’une personne exerçant une fonction publique ne se place dans une situation où son propre intérêt entre en conflit avec l’intérêt public dont elle a la charge, et où, donc, l’intérêt général pourrait être sacrifié à l’intérêt particulier. Il s’agit aussi d’éviter les situations de simple risque de soupçon de partialité.

La définition du délit figure au premier alinéa de l’article 432-12 du code pénal, dans les termes suivants : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. » Des peines complémentaires, parmi lesquelles l’interdiction des droits civiques ou celle d’exercer une fonction publique, sont aussi encourues.

Le délit est constitué quand l’élu a perçu un bénéfice ou un intérêt matériel, direct ou indirect, mais cet intérêt peut être d’une autre nature, morale ou politique, ou encore d’image, voire philosophique ou religieuse ; il peut ne pas avoir été concrétisé ou être très faible. Peu importe même que l’intérêt soit ou non en conflit avec celui de la collectivité, ou n’en soit pas distinct ou même que l’agissement de l’élu soit louable. La jurisprudence a ainsi étendu très largement la notion d’un « intérêt quelconque » retenue dans la définition précitée. L’intention délictueuse est nécessaire mais caractérisée dès que l’élu contrevient sciemment à l’interdiction. Il semble que, au final, il y ait peu de condamnations sur le fondement de cet article (174), mais beaucoup de poursuites, ce qui gêne le travail des élus locaux.

La sévérité de ces dispositions pénales apparaît clairement au regard des situations dans lesquelles le juge administratif peut annuler une décision où serait intervenu un « conseiller intéressé » ; aux termes de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ». Même si le Conseil d’État a une lecture extensive de cette disposition, la jurisprudence administrative s’est efforcée de ne pas lui conférer un caractère automatique et de neutraliser les intérêts bénins, généraux ou trop indirects. Ainsi, l’existence de liens de parenté avec les bénéficiaires d’un acte ne suffit pas, en principe, à caractériser un intérêt, sauf s’il est suffisamment direct. En outre, il n’y a pas intérêt à l’affaire au sens de cet article, lorsqu’il s’agit d’un intérêt attaché à la qualité d’habitant ou de contribuable de la commune. Enfin, l’acte n’est illégal que si la participation de la personne intéressée a eu une influence effective, ce qui n’est pas le cas, par exemple, lorsque l’organe délibérant se prononce à l’unanimité et que l’intéressé n’y a pas joué un rôle central, en tant que rapporteur notamment.

Dans son livre blanc de 2005, l’Association des petites villes de France souligne qu’il n’est pas toujours évident de savoir en amont si le délit est caractérisé ou non, ce qui peut conduire à accentuer l’insécurité juridique des élus locaux. Elle fait aussi un lien avec la difficile conciliation de l’exercice d’un mandat avec celui d’une profession : alors qu’il est courant, au sein des exécutifs locaux, d’attribuer les délégations en fonction des compétences personnelles des élus, cette pratique peut être source de problèmes en créant des situations susceptibles de constituer des conflits d’intérêts. D’une manière générale, l’association relève que « la largesse de l’incrimination laisse planer un doute sur la légalité de nombreux actes ou comportements » (175).

Aussi formule-t-elle deux propositions : une nouvelle rédaction de l’article 432-12 du code pénal pour exclure l’intérêt moral du champ de l’infraction et le renforcement des outils de prévention de ce délit par la création d’une commission de déontologie, composée d’élus locaux, chargée de conseiller les élus sur les cas litigieux, sur la base d’une stricte confidentialité. Cette seconde proposition rejoint la question de la prévention des conflits d’intérêts (176).

Dans sa contribution aux travaux de la mission, M. Arnaud Haquet, professeur de droit public à l’université de Rouen, appelle aussi à redéfinir la prise illégale d’intérêt pour contrer la jurisprudence de la Cour de cassation, qu’il qualifie de « sévère et bornée ». Il estime notamment que les élus qui dirigent une collectivité ont toujours un « intérêt quelconque » dans son fonctionnement, dès lors qu’ils l’administrent.

La question de la définition de ce délit a été abordée à plusieurs reprises par le Sénat au cours des dernières années. Ce fut le cas, notamment, le 24 juin 2010, à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d’intérêt des élus locaux présentée par M. Bernard Saugey (177: adoptée à l’unanimité en dépit des réserves de la chancellerie, le ministre s’en étant finalement remis à la sagesse du Sénat, elle substituait à la notion d’un « intérêt quelconque » celle d’un « intérêt personnel distinct de l’intérêt général ». Un an plus tard, le 30 juin 2011, le même dispositif était à nouveau adopté dans le cadre de la proposition de loi visant à renforcer l’attractivité et à faciliter l’exercice du mandat local, présentée par M. Bernard Saugey et Mme Marie-Hélène des Esgault, déjà mentionnée. Les sénateurs sont revenus à la charge sur ce sujet au cours de l’examen de la proposition de loi Gourault-Sueur et ont adopté le même dispositif pour la troisième fois. Le Gouvernement a donné un avis défavorable à cette proposition, jugeant indispensable un travail de concertation approfondi avec la chancellerie avant toute modification du code pénal.

La Commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, dite « commission Sauvé », qui a abordé ce sujet au cours de ses travaux, a estimé qu’il convenait d’harmoniser les textes applicables en matière de conflits d’intérêts et de ne prévoir de sanction, a fortiori pénale, qu’en présence d’un intérêt de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de la personne, étant souligné qu’elle proposait aussi un nouveau cadre visant à éviter les situations de conflit d’intérêts potentiel ; le but était donc de mieux assurer l’articulation entre les volets préventif et répressif.

Évoquant les amendements adoptés au Sénat, elle a jugé que la substitution proposée ne permettait pas une totale harmonisation avec les interdictions « préventives » (telles que celle figurant dans le statut général des fonctionnaires), contrairement à ce qu’autorise la mention d’un « intérêt de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de la personne », avant de conclure que les modifications envisagées par le Parlement et celles qu’elle proposait n’étaient toutefois pas exclusives l’une de l’autre, mais plutôt complémentaires.

Enfin, dans le même esprit, la « commission Jospin » (178) a proposé de préciser, après la mention d’un « intérêt quelconque » – qui lui semble devoir être préservée car elle permet de prendre en compte des intérêts extra-patrimoniaux –, que celui-ci doit être « de nature à compromettre son indépendance ou son impartialité » pour qu’il y ait sanction.

Après avoir constaté que le projet de loi relatif à la transparence de la vie publique ne proposait pas de modifier l’article 432-12 du code pénal (179), la mission estime que l’ajout de cette précision serait effectivement utile puisqu’elle permettrait de ne sanctionner que les situations dans lesquelles il existe réellement un doute sur l’indépendance ou l’impartialité de la personne en cause.

Proposition n° 28 : Modifier la définition de la prise illégale d’intérêts afin que le délit ne soit constitué que lorsque l’intérêt quelconque, pris, reçu ou conservé par l’auteur, a été de nature à compromettre son indépendance ou son impartialité.

Par ailleurs, aucune des personnes entendues par la mission n’a fait part de préoccupations relatives à la définition du délit de favoritisme, ou délit d’octroi d’un avantage injustifié, qui figure à l’article 432-14 du code pénal. Évoqué, au même titre que la prise illégale d’intérêt, par M. Jean-Luc Pissaloux, dans la contribution qu’il a adressée à la mission, comme une incrimination faisant courir des risques importants aux exécutifs locaux sans même qu’ils en soient forcément conscients, ce délit était largement traité dans le livre blanc de l’Association des petites villes de France, qui appelait à une nouvelle rédaction de sa définition afin que le délit ne soit constitué que si le juge prouve l’intention de favoriser. La proposition de loi visant à renforcer l’attractivité et à faciliter l’exercice du mandat local, précitée, adoptée par le Sénat le 30 juin 2011 (180), procédait à une réécriture de cette définition dans cette logique, tout en renforçant les peines encourues.

L’absence de mention de cette question au cours de ses auditions comme le fait que le Sénat n’ait pas réintroduit cette disposition dans la proposition de loi Gourault-Sueur portent la mission à penser que les élus ont tiré les conséquences de la sévérité de la jurisprudence et sont plus attentifs à ne pas prendre de risque de condamnation sur ce fondement (181) lorsque les collectivités ou leurs groupements sont amenés à attribuer des marchés publics ou à conclure des délégations de service public.

C. FORMALISER UN STATUT DE L’ÉLU

Jusqu’ici vos rapporteurs se sont intéressés aux mesures que la mission juge nécessaires de prendre pour obtenir davantage de diversité parmi les élus locaux et permettre à ceux-ci d’exercer leur mandat dans les meilleures conditions – pour eux-mêmes et dans l’intérêt général –, ce qui suppose une situation matérielle convenable, un minimum de sécurité juridique et l’établissement d’une transparence garantissant notamment la prévention des conflits d’intérêts.

Mais le traitement de ces problèmes de fond doit être complété par celui d’une question de forme, celle de la formalisation du statut de l’élu, si souvent demandée.

1. Une idée ambitieuse : construire un statut des élus

Les trois universitaires spécialistes de ces sujets qui ont accepté de contribuer aux travaux de la mission ont naturellement abordé les questions de fond. L’un d’entre eux, M. Arnaud Haquet, professeur de droit public à l’université de Rouen, a aussi réfléchi à la forme que pourrait prendre ce qu’il appelle un statut des élus, reprenant ainsi l’expression figurant à l’article 1er de la loi du 2 mars 1982, selon laquelle des lois devront déterminer « le statut des élus » (182).

Il part du constat que tous les élus n’exercent pas les mêmes fonctions : alors que les parlementaires, qui participent à l’exercice de la souveraineté nationale, bénéficient de garanties statutaires constitutionnelles, les élus locaux administrent des collectivités infra-étatiques et ne participent pas directement à l’exercice de la souveraineté nationale. La catégorie des élus locaux est elle-même très hétérogène : leurs missions et leurs droits, notamment indemnitaires, sont donc logiquement très différents. Il en conclut qu’il faut construire un statut général, comportant des statuts particuliers.

Étant donné le poids de ses responsabilités, le chef d’un exécutif local devrait, selon cette analyse, se voir reconnaître un statut propre, proche de celui d’un agent public par assimilation, conformément à ce que plusieurs rapports ont proposé, depuis le rapport Mauroy de 2000. La reconnaissance de ce statut devrait s’accompagner d’une augmentation des rémunérations les plus basses (dans ce cas, on ne parlerait plus d’indemnités de fonction) et d’une obligation de formation.

Se pose alors la question de savoir si l’octroi de ce statut, qu’il qualifie de « professionnalisé », est justifié pour l’ensemble des maires, indépendamment de la taille de la commune et des compétences qu’ils exercent en son nom. Il lui semble que, pour des raisons de coût mais aussi d’efficacité, ce statut pourrait être réservé aux maires des communes de plus de 10 000 habitants, ainsi qu’aux présidents des départements, des régions et des EPCI à fiscalité propre.

Finalement, M. Haquet ébauche le plan de ce statut des élus, qui énoncerait les droits et obligations de tous les élus : il devrait comporter une première partie générale pour l’ensemble des élus, nationaux et locaux, membres des assemblées délibérantes et titulaires de fonctions exécutives, une deuxième partie propre aux parlementaires, une troisième partie pour les élus locaux, au sein de laquelle une sous-partie serait consacrée aux titulaires de fonctions exécutives locales, dont l’activité serait officiellement rémunérée, voire qui bénéficieraient d’un statut d’agent public par assimilation.

Si cette proposition est ambitieuse, sa mise en œuvre se heurterait à des obstacles importants.

D’abord, en tant que députés, les membres de la mission d’information ne peuvent qu’être attentifs au fait que, dans le respect de la séparation des pouvoirs et du principe d’autonomie des assemblées parlementaires, il appartient à chacune des assemblées de fixer elle-même – notamment par des décisions de son Bureau – un certain nombre de règles applicables à ses membres qui devraient figurer dans ce statut des élus, alors qu’elles ne sont, contrairement aux autres dispositions qu’il contiendrait, de nature ni législative ni réglementaire. Il faut d’ailleurs observer que la mention du « statut des élus » dans l’article 1er de la loi du 2 mars 1982 renvoie aux seuls élus des collectivités territoriales, comme l’intitulé de la loi mais aussi le contenu de l’article 1er lui-même l’indiquent clairement.

Ensuite, comme cela a été expliqué supra (183), ils n’ont pas souhaité aller jusqu’à plaider en faveur du rapprochement du statut de certains chefs d’exécutif local de celui d’agent public par assimilation.

En revanche, sur le fond, leurs propositions ne sont pas très éloignées de celles de M. Haquet, qu’il s’agisse de l’obligation de formation pour les membres des exécutifs locaux, de la réévaluation des indemnités accordées à une partie d’entre eux, ou du choix du seuil de 10 000 habitants pour déterminer les bénéficiaires des dispositifs présentant un caractère de professionnalisation de fait (droit à la suspension du contrat de travail notamment).

2. Une proposition nécessaire : regrouper les dispositions relatives aux droits et devoirs des élus locaux

Plus modestement, la mission soutient l’idée de rassembler les dispositions relatives aux droits et aux devoirs des élus locaux. Ils estiment même que ce travail est absolument indispensable.

Le corpus actuel se caractérise en effet par une grande complexité, moins au fond, que du fait de son éclatement.

La majorité des dispositions en question figure dans le code général des collectivités territoriales, mais l’organisation de celui-ci, par catégorie de collectivités (la deuxième partie est consacrée aux communes, la troisième aux départements, la quatrième aux régions, la sixième aux collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, la septième aux autres collectivités régies par l’article 73 de la Constitution), conduit à la répétition de nombreuses dispositions parce qu’elles s’appliquent aux élus des collectivités relevant de plusieurs catégories.

Par exemple, le droit à la suspension du contrat de travail apparaît à l’article L. 2123-9 pour les élus municipaux susceptibles d’en bénéficier, à l’article L. 3123-7 pour les conseillers généraux, à l’article L. 4135-7 pour les conseillers régionaux, à l’article L. 4422-22 pour les membres du conseil exécutif de l’Assemblée de Corse, à l’article L. 5214-8 pour les membres des conseils de communauté de communes, à l’article L. 5215-16 pour les membres des conseils de communauté urbaine et à l’article L. 5216-4 pour les membres des conseils de communauté d’agglomération. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il n’est pas facile pour les élus de s’y retrouver, notamment s’ils exercent plusieurs mandats ou fonctions, ce qui, non seulement n’est pas interdit, mais est même consubstantiel pour les élus municipaux qui représentent leur commune au sein d’un EPCI.

La lecture des règles applicables pour la fixation du montant des indemnités de fonction des présidents, vice-présidents et, dans certains cas, délégués des EPCI s’apparente quant à elle à un véritable jeu de piste : en principe, il est renvoyé, pour chaque catégorie d’établissements, aux règles applicables aux conseillers municipaux, « sous réserve des dispositions […] propres » à chaque catégorie d’établissements, lesquelles tiennent compte, notamment, de la manière dont a été déterminé le nombre des délégués.

La présentation de ces dispositions, sous une forme plus claire et intelligible, dans une même partie du code général des collectivités territoriales présenterait plusieurs avantages : leur accès, et donc leur connaissance, en seraient grandement facilités pour les élus, mais aussi pour l’ensemble des électeurs et des contribuables ; ce faisant, cela contribuerait à davantage de transparence et permettrait peut-être de dissiper un certain nombre de fantasmes relatifs aux prétendus « privilèges » dont bénéficieraient les élus. La première proposition du rapport d’information des sénateurs Dallier et Peyronnet (184) allait dans le même sens, dans le but de conférer davantage de visibilité aux dispositions constitutives du statut de l’élu.

Les éléments relatifs à la déontologie des élus locaux, dont la mission appelle de ses vœux l’élaboration, trouveraient naturellement leur place dans cette nouvelle partie du CGCT. Devraient aussi y figurer, au moins sous forme de renvoi aux articles du code pénal ou du code de procédure pénale, les dispositions pénales visant les dépositaires de l’autorité publique en tant que tels, à l’exemple de celles relatives aux manquements au devoir de probité ou aux abus d’autorité, afin que l’équilibre entre les droits et les devoirs apparaisse clairement. Le rattachement à cet ensemble de dispositions du code électoral, relatives aux inéligibilités et aux incompatibilités, pourrait aussi être envisagé, mais il n’est pas aussi nécessaire dans la mesure où au moins les premières s’appliquent aux candidats à un mandat local plus qu’aux élus locaux eux-mêmes.

Proposition n° 29 : Regrouper dans une partie du code général des collectivités territoriales l’ensemble des dispositions relatives aux droits et devoirs des élus locaux, sous une forme claire et intelligible.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 19 juin 2013, la Commission procède à l’examen du rapport d’information présenté par M. Philippe Doucet, rapporteur, et M. Philippe Gosselin, co-rapporteur.

M. Philippe Doucet, rapporteur. Je tiens d’emblée à me féliciter des conditions dans lesquelles s’est déroulée cette mission. Je crois que nous avons accompli un travail de qualité avec mon collègue Philippe Gosselin, dans le respect mutuel de nos convictions et dans un temps assez contraint puisque nous avons avancé la date de présentation de nos conclusions.

Tuer le serpent de mer que représente le statut de l’élu était l’un des objectifs que nous nous étions fixés. Pour nous, quatre raisons principales ou objectifs rendent indispensable l’établissement d’un véritable statut de l’élu. En premier lieu, il nous apparaît nécessaire de favoriser l’égal accès aux fonctions électives et le renouvellement de la représentation politique. Il ressort des auditions que nous avons réalisées et, notamment, des chiffres communiqués dans ce cadre par l’Association des villes moyennes (c’est-à-dire des villes de 5 000 à 20 000 habitants) à propos du profil sociologique des maires que 60 % d’entre eux sont des retraités, 20 % des fonctionnaires (professeurs ou anciens cadres des collectivités territoriales) ; 18 % appartiennent à la catégorie des professions libérales (avocats, médecins, vétérinaires) et seulement 2 % se recrutent dans d’autres catégories socioprofessionnelles. Ce dernier chiffre n’est évidemment pas à l’image de la société française et on voit bien une distorsion considérable de la représentation sur le plan de l’âge et de l’appartenance socio-professionnelle.

Le deuxième objectif que nous poursuivons est de donner aux élus les moyens d’accomplir leur mandat. Le troisième objectif est de répondre à une demande croissante de transparence de la part des citoyens en rendant les dispositifs compréhensibles. Le quatrième et dernier objectif porte sur l’équilibre des droits et des devoirs des élus dans l’exercice de leurs responsabilités.

Le Parlement examine actuellement des projets de loi tendant à renforcer la transparence de la vie publique ainsi qu’un texte interdisant le cumul d’un mandat parlementaire et de fonctions exécutives locales. Mais il s’agit également d’accepter le prix de la démocratie. Si les citoyens estiment que la démocratie coûte trop cher, ils peuvent choisir de vivre sous un autre régime ! On peut sans doute reprocher beaucoup de choses aux élus mais ils participent du fonctionnement de la démocratie. Cette démocratie a un coût qu’il faut afficher. Depuis la loi que Michel Rocard a fait voter en 1990 sur la limitation des dépenses électorales et la clarification du financement des activités politiques, les citoyens peuvent connaître le coût des campagnes électorales car les règles sont fixées de manière transparente. Une même exigence s’impose en ce qui concerne les élus. Nous avons besoin d’élus aux parcours divers, disposant des moyens d’accomplir leur tâche et d’assumer leur responsabilité dans des conditions qui leur assurent l’indépendance nécessaire.

Les échanges que nous avons eus dans le cadre des travaux de la mission ont montré d’abord que personne ne veut d’un passage à un modèle dit « allemand » qui tend à assimiler certains élus locaux à des fonctionnaires. Au contraire, la plupart des personnes que nous avons entendues ont exprimé un attachement au principe de gratuité des fonctions, à cette idée – qui fait partie de la tradition politique héritée de la Révolution française – que les élus se mettent au service du bien public en exerçant leurs fonctions de manière gratuite et en ne percevant qu’une indemnité. Cette tradition politique française conserve aujourd’hui toute sa force.

Les travaux de la mission ont par ailleurs mis en lumière une certaine méconnaissance des dispositifs existants. Nous avons en effet reçu un certain nombre de demandes – y compris de la part d’associations d’élus possédant une certaine expertise – qui, après examen, se sont révélées déjà satisfaites par le droit existant.

Ce constat nous conduit à proposer de regrouper, dans une partie du code général des collectivités territoriales, l’ensemble des dispositions relatives aux droits et devoirs des élus locaux sous une forme claire et intelligible. Ainsi, le code comportera en son sein un statut de l’élu formalisé. C’est l’objet de la proposition n° 29.

Le rapport répond ensuite à une demande de transparence et d’intelligibilité car notre système est si complexe que les citoyens s’y perdent. Il faut assurer sa lisibilité. D’où notre proposition n° 24 qui consiste à consacrer les obligations déontologiques et les droits des élus dans une « charte des droits et des devoirs » qui sera lue à l’occasion de chaque renouvellement des exécutifs et des organes délibérants. De telles chartes existent aujourd’hui dans les grandes entreprises, notamment internationales : elles expliquent aux salariés les règles de fonctionnement. Notre idée est bien de donner une valeur informative à cette charte qui rappellera aux élus leurs droits et leurs devoirs mais qui permettra également aux citoyens de les connaître.

Dans un souci de transparence, le rapport comporte une proposition n° 19 visant à établir un contrôle de l’application des règles relatives à l’écrêtement des indemnités de fonction. Celui-ci s’impose en principe aux élus mais il n’existe en pratique aucun dispositif de nature à en garantir le respect en toutes circonstances. Dans le cas des députés maires, les services communaux peuvent s’assurer que les indemnités liées au mandat municipal ne dépassent pas le plafond légal. En revanche, dans le cas d’une participation des élus à des syndicats de coopération divers ou lorsqu’ils perçoivent des jetons de présence en siégeant dans le conseil d’administration d’un office HLM, il n’y a pas d’instance spécifique de contrôle. C’est pourquoi le rapport propose que tous les ans, les élus déclarent l’ensemble des indemnités perçues, quelle qu’en soit l’origine (indemnités au titre des mandats de député et de maire, de l’exercice de fonctions dans les intercommunalités ou des syndicats mixtes, jetons de présence versés pour la participation aux conseils d’une société d’économie mixte). Cette déclaration devrait être envoyée à l’administrateur général des finances publiques du lieu de leur domicile, là où ils établissent leur déclaration de revenus. Il s’agirait d’une déclaration spécifique qui garantirait l’application des règles de l’écrêtement sur l’ensemble du territoire.

La proposition n° 26 vise quant à elle la publication de l’usage de la réserve parlementaire. Sur ce point, chacun doit assumer ses choix.

En ce qui concerne l’amélioration des conditions matérielles d’exercice des mandats, le rapport ne remet pas en cause le principe républicain de gratuité des fonctions électives. Il propose le financement d’une « allocation de retour à l’emploi » par le prélèvement d’une cotisation assise sur les indemnités de fonction des élus. Actuellement, seuls les retraités et les fonctionnaires ou les élus en mesure poursuivre une activité professionnelle peuvent envisager d’exercer des fonctions électives sans courir le risque de ne pas retrouver, après la fin de leur mandat, la position qu’ils occupaient avant d’être élus. Avec la proposition n° 2, les élus bénéficieraient d’un système prudentiel qu’ils autofinanceraient.

Un autre objectif de la mission est d’accorder aux élus locaux un droit individuel à la formation, financé par une cotisation obligatoire prélevée sur les indemnités de fonction. On constate en effet que les formations qui leur sont destinées sont difficilement mises en place. Tel est l’objet de nos propositions n° 20 et 21.

En matière de formation, le rapport préconise également l’élaboration d’un socle des compétences minimales pour l’exercice des fonctions exécutives locales. Les budgets alloués aux dépenses de formation à l’exercice des fonctions d’élu demeurent très peu utilisés. Or, si les fonctionnaires territoriaux possèdent aujourd’hui un bon niveau de formation, notamment par rapport aux évolutions réglementaires, grâce aux délégations régionales du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), tel n’est pas le cas des élus, qui se trouvent ainsi en situation de décalage. L’objectif est donc d’abord de rendre obligatoire un montant minimal de dépenses des collectivités en faveur de la formation de leurs élus, de manière à ce que ceux-ci puissent recevoir une sorte de « kit de début de mandat », en particulier sur le droit des finances locales – sujet souvent complexe – et sur les règles du d’urbanisme. Nous pensons que le CNFPT pourrait dispenser des formations adaptées aux besoins des élus par le biais de ses délégations régionales, de sorte qu’ils bénéficient d’une formation organisée de manière décentralisée.

La mission propose une revalorisation de 10 % des indemnités de fonction des élus des communes de 3 500 à 50 000 habitants, ce qui représente 2 836 communes et 43 % de la population nationale. On peut estimer que le montant des indemnités versées dans les petites et dans les grandes communes apparaît raisonnable eu égard à la disponibilité laissée par ces fonctions. Au contraire, pour les élus des communes de plus 3 500 habitants et jusqu’à 50 000 habitants, il s’avère plus difficile de poursuivre une activité professionnelle avec un mandat de maire. C’est pourquoi nous proposons une revalorisation des indemnités des élus pour cette catégorie de collectivités.

Alors que la République repose sur le principe d’égalité, nous avons constaté l’existence de disparités dans le régime indemnitaire des élus départementaux et régionaux. Les indemnités versées varient en effet fortement suivant la population des collectivités. Cependant, entre un département d’Île-de-France densément peuplé, disposant de moyens de transport en commun, et un département rural d’une région de montagne dont les élus doivent réaliser de nombreux déplacements, je ne suis pas sûr qu’il ne faille prendre en considération que les disparités de population. Le régime indemnitaire devrait tenir compte d’autres critères comme l’étendue des départements, les infrastructures routières, l’équipement en transports en commun. Aujourd’hui, les écarts entre les indemnités des conseillers généraux peuvent varier du simple au double sous l’effet du facteur démographique. Cela n’a pas de sens. C’est pourquoi le rapport propose la suppression de la tranche indemnitaire la plus faible et de la tranche indemnitaire supérieure dans le régime applicable aux départements afin de réduire les disparités. Il comporte la même proposition pour les élus régionaux, étant observé que leur régime indemnitaire comporte une strate de moins.

Je voudrais insister à présent sur la responsabilité pénale des élus car ce sujet est revenu de manière fréquente au cours de nos auditions. Il existe une véritable crainte chez les élus d’être mis en cause pour des délits non intentionnels tels que ceux reconnus dans des affaires liées à la chute de panneaux de basket. Nous avons interrogé la Chancellerie. Ses services ne relèvent pas de problème dans l’application du droit existant alors que les élus perçoivent au contraire un problème d’une certaine acuité. Dans ces conditions, le rapport a travaillé sur deux idées : d’une part, il faut maintenir le principe de la responsabilité pénale des élus ; d’autre part, il convient d’étendre le champ de la responsabilité pénale des collectivités territoriales en matière de délits non intentionnels. Dès lors, la responsabilité des élus ne devrait être mise en cause que si ceux-ci n’ont pas pris les mesures nécessaires et ne se sont pas montrés suffisamment vigilants, par exemple en ne donnant pas suite à des rapports des services techniques, à des pétitions ou des signalements concernant la fragilité d’un équipement. En revanche, leur responsabilité ne devrait pas être recherchée s’il n’y a pas de lien direct entre leur action et le dommage. Tel serait, par exemple, le cas si une personne glisse sur des gravillons, tombe dans un lac et se noie. Dans cette hypothèse, il apparaît préférable de mettre en cause la responsabilité de la collectivité.

Le rapport affirme que le montant des indemnités des élus doit être fixé par le Parlement. Cette proposition répond à une demande générale. Cela évitera les débats difficiles dans les petites communes qui interviennent juste après l’installation des maires. Il faut une règle claire afin que la fixation des indemnités des élus ne semble pas résulter d’un arrangement local, que ce soit pour les maires, les conseillers généraux et les conseillers régionaux

On trouve parmi les anciens élus des retraités pauvres touchant de faibles retraites alors qu’ils se sont longtemps engagés au service du bien public. La mission propose de rendre obligatoire la constitution d’une retraite par rente pour les élus touchant des indemnités de fonction afin de résoudre ce problème.

Au total, le rapport comprend 29 propositions. Il est le fruit du travail que nous avons accompli avec Philippe Gosselin et je tiens à redire, pour conclure, que je me félicite du résultat auquel nous sommes parvenus, moi le député francilien et lui le député d’un département rural.

M. Philippe Gosselin, co-rapporteur. Il est vrai que le président-rapporteur est un « député des villes » quand je suis un « député des champs », mais je souligne que notre statut de parlementaire et surtout notre expérience des mandats locaux, qui a nourri notre réflexion, nous ont rapprochés. Ce travail a bien montré que, si on peut envisager de limiter plus strictement le cumul entre un mandat national et un mandat local, il ne faut pas aller jusqu’à l’interdire.

Nos travaux se sont déroulés dans un excellent climat, sans qu’apparaissent des oppositions partisanes ou majeures entre nous, ce qui n’est guère étonnant, la gestion locale étant elle-même très peu partisane. Le statut que nous préconisons doit améliorer le travail quotidien des élus locaux, pas en faire des privilégiés. Il s’agit simplement de reconnaître leur engagement, qui ne doit ni se traduire par des dépenses sur leurs fonds personnels, ni entraîner un niveau inférieur de retraite, par exemple. Il faut rendre hommage ici à tous les élus locaux, qui exercent un mandat, et non un métier, et touchent à ce titre une indemnité, qui n’est pas un salaire. Parmi les cinq cent mille élus locaux, une part très importante (la plupart des conseillers municipaux sans fonction exécutive) n’est pas indemnisée du tout.

Le processus de décentralisation s’est traduit par des changements considérables dans l’exercice des mandats locaux. La charge de travail s’est accrue fortement sous les effets conjugués du transfert de compétences et de la montée en puissance des structures intercommunales. Le nombre des réunions, le poids des responsabilités a crû, sans que le statut des élus bénéficie d’améliorations suffisantes, même si des progrès ont été enregistrés, tels que la réévaluation de la grille des indemnités maximales et la création d’un régime de retraite supplémentaire, encore peu utilisé. Mais des difficultés persistent. Par exemple, il est souvent délicat pour un maire de demander, dès la première réunion du conseil municipal, que lui soit votée une indemnité : cela suscite des polémiques, il est l’objet de pressions… De même, lorsque les élus réduisent leur temps de travail pour remplir pleinement leurs fonctions, cela doit être reconnu.

Il est important de réunir en un ensemble cohérent et lisible les dispositions éparses qui existent et de les renforcer afin de faciliter l’accès à un mandat électif, d’améliorer les conditions de son exercice et de faciliter la sortie de mandat. Une personne qui a exercé un mandat pendant des années a acquis des compétences. Il est impératif qu’elle puisse en tirer parti en obtenant un diplôme universitaire dans le cadre de la valorisation des acquis de l’expérience, par exemple. Le renouvellement régulier des élus ne sera possible que s’il y a une fluidité entre mandat électif et vie professionnelle. Sur le volet de la transparence, l’établissement d’une charte de déontologie permettra de disposer d’un instrument juridique mais aussi d’information en direction des électeurs. Les propositions de la mission sont consensuelles et très attendues par les intéressés.

Je ne formulerai qu’une réserve, sur la proposition n° 25 relative aux délégués régionaux de la Haute autorité de la transparence de la vie publique. Le débat est d’ailleurs encore en cours sur la création de cette Haute autorité au niveau national. Il me semble qu’il serait préférable de s’appuyer sur une commission qui existe déjà. En outre, l’établissement de ces délégués risque d’être source de complexification et de divergences de jurisprudence.

Il faut donner un signal fort d’ici le début 2014, c’est-à-dire avant le début du mandat des élus locaux qui seront issus des élections du printemps prochain. Il importe peu que cela passe par le vote d’un projet de loi ou d’une proposition de loi, telle que celle déjà adoptée par le Sénat en début d’année. Mais il est urgent de passer du stade du rapport d’information à celui de dispositions législatives applicables.

M. Guy Geoffroy. En tant que membre de la mission, je veux remercier notre président et notre vice-président pour leur travail, auquel nous avons, à notre échelle, apporté notre contribution. Je confirme, pour avoir été présent autant qu’il m’était possible de l’être, que le travail de la mission s’est déroulé dans une bonne ambiance, non convenue. Les propos tenus par les uns et les autres ont souvent convergé, et la recherche des diagnostics comme des solutions les plus pragmatiques et les plus réalistes s’est faite de façon consensuelle.

J’ai toutefois un regret. Comme je l’ai fait savoir hier au président Jean-Jacques Urvoas, je déplore que nous ayons été convoqués au même moment à l’audition du ministre de l’Intérieur, au sujet des textes relatifs au non-cumul des mandats, et à la présentation du rapport à la mission d’information. J’ai été contraint de choisir l’audition du ministre. Cela n’est pas satisfaisant car la réunion de la mission devait permettre de débattre du rapport, de ses orientations et de l’adopter avant son examen par la commission des Lois. Je regrette d’avoir eu à faire ce choix et que nous ne soyons pas en mesure d’organiser nos travaux différemment.

Il est par ailleurs tout aussi regrettable que nous ayons siégé en séance publique jusqu’à deux heures du matin dans la nuit de lundi à mardi, puis que nous ayons eu une réunion de commission mardi matin, à neuf heures trente, et enfin que nous soyons restés dans l’hémicycle jusqu’à deux heures quarante-cinq ce matin, avant de nous rendre en commission, à neuf heures trente de nouveau. Cela fait partie des problèmes d’organisation de notre assemblée, qui pèsent tant sur les élus que sur les personnels. Il me semblait qu’il existait une règle selon laquelle il n’était possible de reprendre le travail, dans l’hémicycle, qu’au terme d’un délai de huit heures après la levée de séance. Je constate que cela ne s’applique pas aux réunions de commission.

Je tiens tout de même à rappeler, ce que j’ai fait valoir en séance publique, que le rôle des commissions a beaucoup changé puisqu’elles ont désormais un rôle législatif formel qu’elles n’avaient pas auparavant. À présent, les amendements adoptés en commission font partie intégrante du texte discuté en séance publique. Sauf à être modifiés par un nouvel amendement, ils sont définitivement adoptés par l’Assemblée.

Je voulais évoquer ce regret car je pense qu’il ne faut pas travailler de cette manière. Cela ne peut d’ailleurs que confirmer l’interrogation, l’inquiétude, voire – bien que je ne veuille pas aller jusque-là – la suspicion que tout ceci nous est présenté simultanément à dessein, à tel point que l’on pourrait se demander si ce désordre n’est pas, en réalité, sciemment organisé.

J’ai également une interrogation. J’adhère spontanément à l’esprit, à la forme et aux propositions de ce rapport. J’y retrouve les échanges que nous avons pu avoir tout au long de la mission. Je m’interroge néanmoins sur la manière dont nous allons communiquer sur le sujet. Nous discutons actuellement, à l’Assemblée nationale, de la transparence de la vie publique et évoquons de nombreux sujets financiers liés à cette question. Or, il me semble que les initiatives de certains de nos collègues s’apparentent à la recherche du « plus blanc que le plus blanc ». On peut se demander à quoi va aboutir ce mouvement. Va-t-on demander le retour au suffrage censitaire et exiger des élus qu’ils puissent financer leur accès aux mandats électifs ? Tout ceci me semble très inquiétant pour notre démocratie. Nous discutons en ce moment, grâce à ce rapport, de propositions tout à fait légitimes portant sur les questions financières afférentes aux mandats électifs. Le fait de proposer d’augmenter de 10 % les indemnités d’une certaine catégorie d’élus ne va toutefois pas être facile à expliquer même si, à titre personnel, je suis d’accord avec cette proposition. Je me demande comment cela va être perçu.

C’est pourquoi j’invite les rapporteurs à préparer un document destiné à communiquer sur ce rapport et à parer les attaques, inévitables, dont les élus locaux risquent d’être l’objet.

Ce travail est un bon travail et je suis très favorable à sa publication. La manière dont nous allons le faire connaître étant néanmoins susceptible de poser des problèmes, il me semble que nous devons faire à attention à notre communication sur le sujet. Mes inquiétudes ne sont peut-être pas fondées mais je tenais tout de même à vous en faire part.

Mme Cécile Untermaier. Je veux d’abord remercier les rapporteurs pour cet excellent travail. Comme nous le savons tous, il s’agit d’un travail difficile à réaliser, notamment en raison de la très grande hétérogénéité des situations dans lesquelles se trouvent les élus locaux. Qu’y a-t-il de comparable, en effet, entre le maire d’une petite commune et le président d’un conseil général ? Vous avez donc essayé de rassembler, dans un document unique, les mesures qui pourraient servir l’ensemble des élus locaux et je vous en félicite.

Il me semble néanmoins que nous aurons entièrement réussi dans cette voie lorsque nous aurons pu faire le lien entre vos propositions et les textes dont nous débattons actuellement, relatifs au non-cumul des mandats et à la transparence de la vie publique.

Il est vrai que les élus locaux exercent des mandats toujours plus difficiles à gérer et que la technicité des compétences requises heurte le principe de l’égal accès aux fonctions électives. Il faut, comme vous le proposez, accompagner l’élu par une formation bien adaptée, gratuite et continue, même si je ne pense pas qu’il faille la rendre obligatoire.

Il faut un statut qui soutienne réellement les élus et non pas qui les encadre de façon trop rigide. Cela pourrait en effet avoir pour conséquence de décourager les citoyens de se porter candidats aux mandats en question. Il faut veiller à ce que cela ne se produise pas. Je trouve tout à fait intéressante l’idée de faciliter la réinsertion professionnelle des élus locaux et d’allonger de six à douze mois la durée de versement de l’allocation de retour à l’emploi, prévue en fin de mandat exécutif. Cela participe de l’égalité d’accès aux mandats électifs. Je trouve également positive l’idée de valoriser l’expérience acquise par l’élu et de prévoir le bénéfice du droit à une retraite supplémentaire.

S’il est bien pensé, le statut de l’élu peut être un outil de renouvellement et d’égalité d’accès aux mandats électifs. La société en sera bénéficiaire.

Je souhaiterais quand même rappeler que nous devons envoyer un signal fort aux élus locaux de petites communes. Je crois que nous devons leur montrer que nous nous préoccupons de leur situation et que nous voulons soutenir leur action. Une proposition de loi adoptée par le Sénat, qui traite notamment de la question de l’indemnité, devrait servir de support à notre réflexion. Je crois qu’il faut être honnête et reconnaître que l’indemnité ne correspond jamais à la charge de travail qui incombe aux élus. Néanmoins, s’il y a un effort financier à réaliser, il ne faut pas en écarter les très petites communes.

J’ai une interrogation au sujet des paliers d’indemnités, qui me semblent être une source de clivages et d’injustice. Ne peut-on pas plutôt imaginer une rémunération proportionnelle à la population de la commune ? Nous pourrions poser la question au ministre de l’Intérieur.

Au total, ce rapport s’inscrit dans la droite ligne des textes en discussion actuellement à l’Assemblée nationale.

M. Patrice Verchère. Je tiens tout d’abord à féliciter les deux rapporteurs pour le travail accompli au service de la revalorisation du rôle des élus locaux. Certaines propositions concernent d’ailleurs les élus des plus petites collectivités, dont la tâche est de plus en plus ardue. À ce propos, je m’interroge sur la proposition n° 14 relative à la revalorisation du montant des indemnités de fonction des élus des communes dont la population est comprise entre 3 500 et 50 000 habitants. Pourquoi ne pas étendre cette proposition aux élus des communes d’au moins 1 000 habitants, qui bénéficient aujourd’hui d’indemnités particulièrement basses ? Si l’on considère que, pour les élus des communes rurales, le coût des transports et le temps passé à se rendre en préfecture ne sont pas parfaitement compensés par leur indemnisation, alors il paraît nécessaire, malgré la proposition n° 13, de leur étendre le bénéfice de la proposition n° 14.

Au-delà de la formation des élus locaux, j’insiste sur la nécessité de maintenir les services locaux de la préfecture et de la trésorerie, qui apportent un réel soutien aux élus, notamment ruraux, par les conseils qu’ils prodiguent.

En ce qui concerne la proposition n° 26, qui vise à rendre obligatoire la publication du détail de l’affectation de la réserve parlementaire, je n’y vois aucun inconvénient. Je m’interroge cependant sur la portée d’une telle proposition lorsque les grandes collectivités territoriales, département et région, offrent, par le biais de leurs élus, des t-shirts ou des places à des matchs de football à leurs habitants. Il en est de même de la dotation cantonale dont bénéficient les conseillers généraux de certains départements, dont le fonctionnement est proche de celui de la réserve parlementaire. Ne devraient-ils pas également faire publiquement état de cette utilisation des deniers publics ? S’il faut absolument être transparent, il faut aller jusqu’au bout de la démarche et faire le jour sur les sommes très importantes qui peuvent être engagées.

M. François Vannson. Je tiens à souligner la qualité du travail des rapporteurs, qui proposent des pistes intéressantes. Cependant, je considère que la question de la réserve parlementaire est tout à fait étrangère au thème du rapport. Non pas que je sois contre cette proposition tendant à rendre obligatoire la publication du détail de l’affectation de la réserve parlementaire. À titre personnel, je m’y suis d’ailleurs toujours astreint, estimant que c’était là un moyen de valoriser le travail parlementaire.

Les propositions du premier chapitre, qui porte sur l’égal accès aux fonctions électives et sur le renouvellement de la représentation politique, vont dans le bon sens. Néanmoins, ce rapport, comme les textes dont nous sommes saisis, pourrait aussi être l’occasion de dépoussiérer les règles d’incompatibilité. À titre d’illustration, un garde forestier ne peut pas, en l’état actuel du droit, être conseiller général ou régional ; il peut cependant être député ou sénateur. Mais, si l’incompatibilité n’est pas soulevée dans le cadre d’un recours, certains élus peuvent passer à travers les mailles du filet. Ce type de dispositions est parfaitement obsolète et nous pourrions utilement modifier ces règles dépassées.

Cela étant dit, je suis tout à fait favorable à la publication de ce rapport.

M. Philippe Houillon. Je vais être bref. Je voulais apporter mon concours au tressage de la couronne de lauriers auquel nous assistons. Je suis favorable à la publication de ce rapport, même si quelques points me paraissent relever de la démagogie, en particulier la proposition n° 19 qui suggère de rendre obligatoire pour les élus locaux l’établissement d’une déclaration annuelle des indemnités perçues, destinée à l’administrateur général des finances publiques du lieu de leur domicile.

Cette déclaration existe déjà : c’est la déclaration de revenus ! Sur la déclaration complémentaire – je pense que tous les élus locaux le savent –, on doit indiquer le montant des indemnités perçues.

Cet excellent travail démontre une bonne connaissance du statut de l’élu local de la part des rapporteurs dont je note que, curieusement, ils sont tous deux députés-maires. Les rapporteurs ont eu le temps de travailler. Leur bonne connaissance du statut de l’élu local tient sans doute à leur statut d’élu à la fois national et local. Puisqu’on parle franchement, j’ai une question à poser à chacun des deux rapporteurs, qui, tout en étant insolente, est au cœur du débat. Vous qui êtes maires d’une ville de plus de 100 000 habitants (pour ce qui concerne M. Philippe Doucet) et d’une ville beaucoup plus petite (pour ce qui concerne M. Philippe Gosselin), vous prévoyez, je suppose, Messieurs les rapporteurs, de vous représenter aux prochaines élections municipales. Or vous proposez dans ce rapport un code de déontologie pour les élus locaux, code qui, comme tous les documents de ce type, comportera des déclarations générales appelant à la probité financière mais aussi intellectuelle, ainsi qu’à la délicatesse. Je suppose que, dès aujourd’hui, vous allez vous appliquer à vous-même ces obligations de bonne conduite. Par ailleurs, au moins l’un d’entre vous va vraisemblablement voter pour un projet de loi limitant le cumul des mandats. Dès lors, quelle est votre conception des obligations déontologiques que vous préconisez ? Qu’allez-vous donc dire sur vos intentions aux électeurs devant lesquels vous allez vous présenter ?

M. Philippe Doucet, rapporteur. Sur ce dernier point, je souhaiterais répondre tout de suite à Philippe Houillon. Vous partez du principe que je me représenterai aux élections municipales. Mais cette décision n’est pas prise. Je n’exclus rien. Je prendrai cette décision avec ma famille qui perçoit davantage les servitudes que les grandeurs de la vie publique. Mais la question de cumuler des mandats est un problème de riches. Pour cumuler, il faut se représenter et pouvoir être réélu. Si je ne me représente pas ou que je suis battu, le problème sera réglé. S’agissant d’une nouvelle candidature en 2017, nous aurons ce débat si je suis réélu à la mairie ; je pourrai éventuellement ne pas solliciter un nouveau mandat de parlementaire.

En ce qui concerne proposition n° 19 relative à la déclaration sur l’écrêtement, il ne s’agit pas d’une clause de style. Nous avons été très surpris de constater que les indemnités de tous types versées aux élus ne font nulle part l’objet d’une consolidation. La déclaration que nous proposons sera un document distinct qui pourra être annexé à la feuille d’impôt mais il faut une instance auprès de laquelle l’ensemble des indemnités sera agrégé.

M. Philippe Gosselin, co-rapporteur. Je vais être beaucoup plus direct que mon collègue Philippe Doucet. Si je suis candidat aux élections municipales, j’expliquerai aux électeurs que le cumul d’un mandat national et d’un mandat local ne pose aucune difficulté. Je ne voterai pas le projet de loi dont nous avons parlé ce matin.

M. Jean-Michel Clément. Je ne sais pas si on va parvenir à mettre fin à tous les fantasmes qui circulent et dont je crains qu’on les alimente avec les débats du moment. Le travail que vous avez fait est périlleux. Il faut combattre la prétendue confusion des genres entre intérêt public et intérêt personnel qui existerait dès lors qu’on serait élu. Or dès qu’on en parle, on a l’impression d’entretenir cette suspicion permanente.

Vous avez proposé de lever l’ambiguïté en matière de prise illégale d’intérêts. Je crois que c’est nécessaire : on ne peut pas laisser des élus sous la menace permanente de poursuites pénales. Même si la procédure aboutit à un non-lieu, personne ne se souvient, à l’issue de la procédure, que le maire a été mis hors de cause. Il faut être plus précis dans la définition de la prise illégale d’intérêts.

S’agissant du code de déontologie, j’y suis favorable. Si on applique déjà en pratique ces règles déontologiques, il n’y a pas de raison pour que nous ne les écrivions pas. S’il y a un manquement, la sanction est méritée et nul ne pourra dire qu’il ne savait pas.

Ce serait une excellente chose que de fixer par la loi l’indemnité de fonction des responsables des exécutifs des collectivités locales (communes, départements et régions) et des établissements publics de coopération intercommunale. On n’en parlera plus dans les conseils municipaux.

Il faut également lier l’indemnité à la présence effective des élus. C’est une règle basique qui existe entre autres dans le conseil de surveillance du syndicat mixte au sein duquel je siège.

En conclusion, votre remarquable travail doit trouver une traduction normative.

M. Daniel Vaillant. Je ne veux pas tresser à ce rapport une couronne de lauriers de peur qu’elle se transforme en couronne mortuaire ! Je sais que le statut de l’élu est une question très compliquée. J’ai fait voter la loi relative à la démocratie de proximité en 2002 et je me souviens que la question du statut de l’élu local présentait de nombreuses difficultés, notamment au regard de son impact budgétaire.

Pour reprendre la proposition de Guy Geoffroy, il faut une présentation pédagogique mais aussi engageante de ce rapport. Si nous voulons donner à l’élu local un vrai statut, c’est parce que nous souhaitons limiter le cumul du mandat parlementaire avec les mandats locaux et que nous voterons aussi une loi visant à limiter le cumul des emplois et des fonctions au niveau local.

Je voudrais dire à notre collègue Philippe Houillon que sa position sur le cumul des mandats est surprenante : il semble y être opposé alors qu’il est lui-même à la fois député, maire et avocat. Je ne comprends donc pas sa position.

Pour revenir au sujet qui nous intéresse plus directement, je crois que nous devons être très pédagogues sur la question du statut de l’élu. Guy Carcassonne soulignait que les cinq cent mille élus locaux sont non seulement une économie mais également un plus pour le « vivre ensemble ». J’en suis tout à fait convaincu. Bien entendu, cela n’empêche pas de mutualiser les compétences et les services à l’échelon local afin de rationaliser les dépenses.

Je rappelle toutefois que lorsqu’il y a un problème majeur, dans la nuit, dans un village, c’est l’adjoint au maire de service, et pas le fonctionnaire, si toutefois il y en a un, qui fait le nécessaire pour le régler. Voilà ce qu’il nous reste de proximité. Si les élus locaux disparaissent, alors cette proximité-là disparaîtra aussi, ce qui aura en outre de graves conséquences sur la situation économique. En fin de compte, sans doute le fonctionnaire remplacera-t-il l’élu. Je le dis sans avoir la moindre hostilité à l’égard des fonctionnaires.

Je reste donc convaincu de la nécessité de l’ancrage local. Ma conviction est que les cinq cent mille élus locaux ne représentent pas un coût mais une économie. C’est pourquoi, il faut les protéger, notamment de la précarité. Je pense néanmoins qu’une proposition de loi est aléatoire, et je préférerais que cette question fasse l’objet d’un projet de loi. Il pourrait se fonder sur les éléments contenus dans le rapport, notamment à propos de la transparence de la vie publique, et sur la proposition de loi sénatoriale.

Je suis réservé sur la question des indemnités fixées par la loi. Cela signifie-t-il qu’il faudrait procéder à un vote dès qu’une réévaluation du barème serait envisagée ? Ne peut-on pas plutôt procéder par voie réglementaire ? Il me semble que la loi n’est pas forcément l’outil le mieux adapté, en raison de la « lourdeur » de la procédure législative.

Par ailleurs, s’agissant de la déclaration de revenus dont nous avons parlé, il apparaît que le système de la retenue à la source fonctionne parfaitement. Je serais plutôt en faveur de la généralisation de ce système en ce qui concerne l’indemnité des élus locaux. Au Conseil de Paris, les indemnités sont prélevées à la source et je trouve que c’est la meilleure solution. L’impôt à la source, que j’appelle par ailleurs de mes vœux, serait une manière de régler la question de la transparence.

En conclusion, je suis favorable à la publication du rapport.

M. Philippe Doucet, rapporteur. Pour répondre à l’inquiétude exprimée par Guy Geoffroy en ce qui concerne la perception de nos travaux dans l’opinion publique, on ne peut s’attendre à ce que les journalistes fassent de ce rapport leur livre de chevet dans les semaines à venir. Pour avoir évoqué nos travaux avec un certain nombre d’entre eux, je perçois un certain scepticisme sur la possibilité d’en finir avec le « serpent de mer ». Nous susciterons sans doute l’intérêt quand nous en arriverons au stade de l’examen d’un projet ou d’une proposition de loi.

Pour répondre à Daniel Vaillant sur le coût de la démocratie, je crois qu’il faut être clair. Si les citoyens veulent la démocratie, il faut des élus indemnisés. La démocratie a un prix. On peut envisager de vivre sous un autre régime mais une non-démocratie a également son coût. Face aux fractures du territoire national, les élus locaux jouent un rôle considérable d’amortisseurs. La preuve de l’importance de ce rôle est notamment que de tous les détenteurs de fonctions électives, les élus municipaux sont les plus appréciés par nos concitoyens. Avec l’élection présidentielle, les élections municipales sont les scrutins qui suscitent le plus de participation. Face aux populismes, il faut affirmer cette ligne.

S’agissant de la revalorisation des indemnités des élus des communes, nous n’avons pas inclus dans le champ de cette proposition les communes de moins de 1 000 habitants parce que dans ces collectivités, l’exercice des fonctions électives s’apparente à un travail « complémentaire » qui s’ajoute à l’activité professionnelle que le maire peut conserver. Dans ces conditions, il nous est apparu que sans être mirobolante, l’indemnité brute d’un maire d’une commune de moins de 500 habitants – soit 646 euros – était assez proportionnée dans la mesure où l’exercice des fonctions pouvait représenter une journée ou une journée et demi de travail. En ce qui concerne les villes de 50 000 habitants et plus, on peut considérer que le compte n’y est pas, notamment au regard des salaires des cadres du secteur privé. Cela étant, dans l’ambiance générale, nous avons souhaité remédier au point faible du régime indemnitaire. Pour les communes de 10 000 à 20 000 habitants, l’indemnité de fonctions des maires se monte à 2 470 euros brut alors que leur travail représente environ les deux tiers de leur temps, ce qui rend compliquée la poursuite d’une activité professionnelle en plus de l’exercice d’un mandat électif. Par ailleurs, nous avons souhaité prendre en compte la situation des communes qui, comme les communes de montagne ou du littoral, sont confrontées à de fortes variations de leur population, notamment l’été. Il faut prendre en considération cette saisonnalité dans le travail des maires. La mesure de revalorisation que comporte le rapport aura un impact financier modeste, de l’ordre de trois millions d’euros.

Pour ce qui est de la fixation par la loi du montant des indemnités des élus, il ne s’agit pas d’une usine à gaz. Les grilles et la référence à l’indice de la fonction publique figurent déjà dans le droit existant. Il est important que le montant soit fixé par le législateur car, dans les petites communes, les maires ne se trouvent pas en mesure de faire adopter une délibération sur le montant de leur indemnité. Le problème aujourd’hui est moins l’augmentation des indemnités que la possibilité d’en percevoir qui ne se réduise pas à un modeste défraiement. Pour beaucoup de maire, l’indemnité passera ainsi souvent de 0 à 646 euros avec notre proposition.

M. Philippe Gosselin, co-rapporteur. Actuellement, nombre de maires des petites communes perçoivent une indemnité de fonction très inférieure au niveau maximal autorisé. Le fait d’être indemnisés à cette hauteur constituera donc une augmentation importante, même sans revalorisation de ce maximum. Il ne faut pas trop peser sur le budget de ces communes, mais il est certain que le maire doit y être très présent auprès de ces concitoyens, même si ce n’est pas une activité à temps plein.

M. Philippe Doucet, rapporteur. En ce qui concerne la question de la publicité autour de l’utilisation de la réserve parlementaire ou des dotations cantonales, notre proposition s’inscrit dans une logique de déontologie. Il nous semble important que l’usage des crédits – il appartient aux conseils généraux de définir des règles pour ce qui les concerne – fasse l’objet d’une transparence. Je ne suis pas un ayatollah de la publication de la réserve parlementaire. Mais j’ai été frappé par le fait que cette demande émane de la plupart des associations d’élu qui ont exprimé le souci de parer à tout soupçon. Aujourd’hui, on laisse dire que tout député dispose de 130 000 euros par principe. À tort ou à raison, nous vivons dans une société où tout se sait. Il me semble donc que, pour conjurer la menace du soupçon, il faut rendre publiques et accessibles les informations sur l’usage des crédits de la réserve parlementaire.

S’agissant des règles d’inéligibilité applicables aux gardes forestiers évoquées par notre collègue François Vannson, je dois dire que nous ne les avions pas prises en compte. Si nous en venons à examiner un projet de loi, nous pourrions effectivement aborder ce sujet.

Les travaux de la mission doivent permettre des avancées. Il faut affirmer une ligne politique, rappeler que les élus jouent un rôle important dans les territoires pour le maintien du lien social. Je reprends volontiers à mon compte l’idée de Guy Carcassonne : il coûte moins cher d’avoir des élus que de ne pas en avoir.

M. Philippe Gosselin, co-rapporteur. Bien sûr, les élus doivent déclarer toutes les indemnités qu’ils touchent pour leur imposition à l’impôt sur le revenu. Le problème réside dans l’absence de contrôle du respect des règles relatives à l’écrêtement lorsqu’un même élu reçoit des indemnités de provenances diverses : si elles sont toutes versées dans la même commune, l’écrêtement est opéré automatiquement, mais pas dans les autres cas. Beaucoup de personnes pensent que les élus qui cumulent les fonctions cumulent les indemnités sans limite ; assurer le respect des règles d’écrêtement est un élément de transparence important.

M. Guy Geoffroy. Je crois qu’il y a une donnée qu’il faut rappeler. Il y a vingt ans, nous cumulions les fonctions comme nous le souhaitions, nous percevions les indemnités qui leur correspondaient, et nous ne payions pas d’impôt. Cela pouvait représenter trente mille euros par mois. Aujourd’hui, le cumul des mandats est limité, même si certains veulent aller plus loin, et nous payons des impôts sur ces revenus, ce qui me semble être la moindre des choses. Ainsi, notre rémunération se limite peu ou prou à 7 500 euros par mois, soit quatre fois moins qu’il y a vingt-cinq ans. Il faut demander à ceux qui nous interpellent de faire la liste des activités qui auraient connu des changements aussi importants en un quart de siècle. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur nos prédécesseurs. Toutefois, la comparaison avec l’ancien système permet de refuser qu’on nous jette l’opprobre.

M. Philippe Gosselin, co-rapporteur. En outre, dans la mesure où les élus ne bénéficient pas du « glissement vieillesse-technicité », contrairement aux fonctionnaires, et n’ont pas non plus de prime d’ancienneté, le point de la fonction publique n’ayant pas été revalorisé au cours des dernières années, la valeur réelle de leurs indemnités a diminué.

M. Dominique Raimbourg, président. Le débat est clos. Je soumets donc aux membres de la Commission la question de l’autorisation de publier le rapport de la mission d’information.

La Commission, à l’unanimité, autorise le dépôt du rapport de la mission d’information sur le statut de l’élu, en vue de sa publication.

LISTE DES PROPOSITIONS

La mission d’information a articulé sa réflexion autour de quatre nécessités : favoriser l’égal accès aux fonctions électives et le renouvellement de la représentation politique, donner aux élus les moyens d’accomplir pleinement leurs mandats, répondre à une demande croissante de transparence de la part des citoyens et veiller à l’équilibre des droits et des devoirs dans l’exercice des responsabilités publiques. Elle formule des propositions. Si quelques-unes sont identiques à celles adoptées par le Sénat dans le cadre de la proposition Gourault-Sueur, qui se voulait pragmatique, ou en sont voisines, d’autres sont plus ambitieuses. Ensemble, elles visent à faire en sorte que le statut de l’élu ne soit plus un « serpent de mer » de notre débat public.

FORMALISER UN STATUT DE L’ÉLU

Proposition n° 29 : Regrouper dans une partie du code général des collectivités territoriales l’ensemble des dispositions relatives aux droits et devoirs des élus locaux, sous une forme claire et intelligible.

POUR FAVORISER L’ÉGAL ACCÈS AUX FONCTIONS ÉLECTIVES ET LE RENOUVELLEMENT DE LA REPRÉSENTATION POLITIQUE

Proposition n° 1 : Ouvrir le droit au congé électif aux candidats à une élection municipale dans les communes de 1 000 habitants et plus.

Proposition n° 2 : Renommer « allocation de retour à l’emploi » l’allocation différentielle de fin de mandat et assurer son financement par un fonds alimenté par une cotisation prélevée sur les indemnités de fonction des élus susceptibles d’en bénéficier.

Proposition n° 3 : Élargir le champ des bénéficiaires de cette allocation à l’ensemble des maires ainsi qu’aux adjoints au maire ou vice-présidents, ayant reçu une délégation, dans les communes ou groupements de communes de 10 000 habitants et plus.

Proposition n° 4 : Allonger de six mois à douze mois la durée maximale de versement de cette allocation ; à compter du septième mois, le montant versé compenserait non plus 80 % mais 40 % de la différence entre indemnité anciennement perçue et revenus réels.

Proposition n° 5 : Permettre à davantage d’élus ayant interrompu leur activité professionnelle pour exercer leur mandat de suivre une formation ou un bilan de compétences à l’issue de ce mandat (conséquence de l’élargissement du champ des bénéficiaires du droit à suspension du contrat de travail, objet de la proposition n° 10).

Proposition n° 6 : Créer un droit individuel de formation pour les élus locaux, financé par une cotisation obligatoire assise sur leurs indemnités de fonction et collectée par un organisme national. Ce droit devrait être utilisé en priorité pour faciliter la réinsertion professionnelle des élus, notamment, en cas de besoin, par la réalisation d’un bilan de compétences avant la fin du mandat.

Proposition n° 7 : Ouvrir la possibilité d’une valorisation des acquis de l’expérience, sanctionnée par un diplôme universitaire, aux personnes ayant exercé une fonction élective pendant une mandature complète.

Proposition n° 8 : Pour tous les élus qui perçoivent des indemnités de fonction, rendre obligatoire la constitution d’une retraite par rente, en supprimant la possibilité de rachat de points pour une période antérieure à l’entrée en vigueur de cette obligation.

POUR DONNER AUX ÉLUS LES MOYENS D’ACCOMPLIR PLEINEMENT LEURS MANDATS

EN LEUR ACCORDANT DU TEMPS POUR L’EXERCICE DES FONCTIONS ÉLECTIVES LOCALES

Proposition n° 9 : Étendre le champ d’application du crédit d’heures aux conseillers des communes d’au moins 1 000 habitants.

Proposition n° 10 : Ouvrir le bénéfice du droit à la suspension du contrat de travail aux adjoints au maire des communes d’au moins 10 000 habitants et aux vice-présidents des EPCI d’au moins 10 000 habitants.

Proposition n° 11 : Accorder aux élus locaux le statut de salarié protégé tel que défini par les dispositions du livre IV de la deuxième partie du code du travail.

PAR UNE JUSTE COMPENSATION DES CONTRAINTES PROPRES À L’ACCOMPLISSEMENT D’UN MANDAT

Proposition n° 12 : Écarter la prise en compte du montant de la fraction représentative des frais d’emploi dans l’examen des ressources conditionnant le bénéfice des prestations sociales.

Proposition n° 13 : Fixer par principe l’indemnité de fonction des responsables des exécutifs des collectivités locales (communes, départements et régions) et des établissements publics de coopération intercommunale au taux maximal prévu par la loi.

Conserver aux organes délibérants des communes d’au moins 1 000 habitants le pouvoir de la fixer, par délibération, à un niveau inférieur.

Proposition n° 14 : Revaloriser de 10 % le montant des indemnités de fonction des élus des communes dont la population est comprise entre 3 500 et 50 000 habitants.

Proposition n° 15 : Remédier aux disparités du régime indemnitaire des élus départementaux et régionaux en fusionnant les tranches inférieures (à taux inchangé) et en alignant les deux tranches supérieures du tableau applicable pour le calcul de leurs indemnités (à un taux moyen).

Proposition n° 16 : Permettre l’indemnisation des élus siégeant au bureau des communautés de communes sans être président ou vice-présidents. Plafonner en conséquence les effectifs des bureaux de ces établissements.

Proposition n° 17 : Rendre public un montant net des indemnités perçues par les élus en tenant compte des prélèvements minimaux que celles-ci supportent en application des lois et règlements en vigueur.

Proposition n° 18 : Imposer par la loi l’introduction dans le règlement intérieur des conseils départementaux et régionaux du principe de la réduction de l'indemnité des membres des organes délibérants en fonction de leur participation aux séances plénières, aux réunions des commissions dont ils sont membres et aux réunions des organismes dans lesquels ils représentent leur collectivité.

Proposition n° 19 : Rendre obligatoire pour les élus locaux l’établissement d’une déclaration annuelle des indemnités perçues, destinée à l’administrateur général des finances publiques du lieu de leur domicile. Donner à ce dernier un pouvoir de contrôle de l’exactitude des déclarations et d’information des collectivités auxquelles les élus appartiennent.

PAR UNE FORMATION LEUR PERMETTANT DE MIEUX SERVIR LA COLLECTIVITÉ

Proposition n° 20 : Rendre obligatoire par la loi le suivi d’une formation pour les membres des exécutifs municipaux, départementaux, et régionaux, au cours de la première année d’exercice du mandat.

Proposition n° 21 : Fixer à 2 % du total des indemnités de fonctions susceptibles d’être allouées aux élus le montant prévisionnel minimal des crédits que les collectivités territoriales et les EPCI doivent inscrire à leur budget au titre des dépenses obligatoires de formation. Autoriser le report des crédits de formation non consommés pendant la durée des mandats.

Proposition n° 22 : Étoffer l’offre de formation destinée aux élus en incluant ces prestations dans le champ de compétence et d’intervention des délégations régionales du Centre national de la fonction publique territoriale.

Proposition n° 23 : Confier au conseil national de la formation des élus locaux l’élaboration d’un socle minimal de compétences nécessaires à l’exercice des fonctions exécutives locales.

POUR VEILLER À L’ÉQUILIBRE DES DROITS ET DES DEVOIRS DANS L’EXERCICE DE RESPONSABILITÉS ÉMINENTES

EN PRÉVENANT LES CONFLITS D’INTÉRÊTS ET EN FAVORISANT LA TRANSPARENCE DE LA VIE PUBLIQUE

Proposition n° 24 : Consacrer les obligations déontologiques des élus locaux dans une charte des droits et des devoirs ayant valeur législative. Prévoir la lecture solennelle de cette charte à l’occasion de chaque renouvellement de l’organe délibérant et de l’exécutif des collectivités.

Proposition n° 25 : Créer un réseau de délégués régionaux de la Haute autorité de la transparence de la vie publique, compétents pour répondre aux questions que se posent les élus locaux.

Proposition n° 26 : Rendre obligatoire pour les députés et les sénateurs la publication du détail de l’affectation de leur réserve parlementaire.

EN ÉTABLISSANT UN RÉGIME DE RESPONSABILITÉ PÉNALE ADAPTÉ AUX CONDITIONS D’EXERCICE DES MANDATS

Proposition n° 27 : Étendre le champ de la responsabilité pénale des collectivités territoriales aux délits non intentionnels.

Proposition n° 28 : Modifier la définition de la prise illégale d’intérêts afin que le délit ne soit constitué que lorsque l’intérêt quelconque, pris, reçu ou conservé par l’auteur, a été de nature à compromettre son indépendance ou son impartialité.

CONTRIBUTION DU GROUPE DE
LA GAUCHE DÉMOCRATE ET RÉPUBLICAINE (GDR)

La question du statut de l’élu doit nécessairement s’inscrire dans une réflexion globale d’une réforme institutionnelle et des modes de scrutin. L’enjeu étant de permettre une meilleure représentativité des femmes, jeunes, citoyens issus de l’immigration, salariés du privé, ouvriers et employés.

La décentralisation ayant largement renforcé les responsabilités des élus locaux, la création d’un statut de l’élu, garantissant leurs droits et devoirs, permettrait ainsi de les accompagner dans leur mission, en parallèle du renforcement de leurs droits à se former et du statut de leurs collaborateurs.

Parallèlement, le statut de l’élu ne doit pas servir à renforcer un mouvement de professionnalisation de la vie politique par la consécration d’élus notables faisant carrière au travers de leur mandat. A l’inverse, il doit garantir l’exigence démocratique d’un égal accès de tous aux fonctions électives.

Dans ce cadre, il faut lutter contre le discours ambiant qui voudrait stigmatiser les élus comme étant privilégiés. Traiter la question de leur statut ne doit pas contribuer à creuser le fossé qui sépare les citoyens et leur représentant. C’est pourquoi, ce sujet doit être traité dans le prolongement d’une réforme des institutions.

Un tel statut devra, avant tout, favoriser l’investissement de tous les citoyens au service de la collectivité, sécuriser leur engagement, assurer la sauvegarde de leur vie personnelle, familiale et professionnelle, conforter leur mission et respecter leur mandat. Il faudra également redonner confiance à tous nos concitoyens en la loyauté des élus qui les représentent.

La question du cumul d’un emploi salarié et d’un mandat local est majeure dans la mesure où de nombreux salariés peuvent être freinés dans leurs engagements citoyens par peur des pressions exercées par leurs employeurs. Pourtant, la République ne doit pas s’arrêter à la porte des entreprises. Cette situation est au cœur de la fracture démocratique que connaît aujourd’hui notre pays.

L’exercice d’un mandat par des salariés doit être facilité. Pour ce faire, leurs droits dans l’entreprise doivent être renforcés à l’image de ce qui existe pour les personnels protégés (délégué syndical…).

Le code du travail doit consacrer ces situations en réservant un espace à l’élu local salarié. Le droit à autorisations d’absences et crédits heures doit être mieux reconnu et mieux respecté dans l’entreprise.

La formation des élus est une condition essentielle au fonctionnement de la décentralisation et de la lutte contre la professionnalisation des élus. C’est pourquoi, il est essentiel de la revaloriser. Dans ce cadre, un plancher de dépense doit être fixé dans le budget des collectivités.

De plus, le caractère politique de la formation des élus locaux doit perdurer. La formation des élus ne peut pas être neutre. Le système d’agrément prévu par le CGCT permet de garantir cette particularité. Toutefois, des moyens supplémentaires pourraient être attribués au CNEFL afin de lancer des campagnes de communication sur la nécessité de formation des élus et sur les moyens dont ils disposent.

Par ailleurs, la préparation de la fin d’un mandat électoral doit notamment s’organiser autour de la possibilité de formation et d’accompagnement de l’élu au retour à l’emploi.

Enfin, les compétences acquises dans le cadre d’un mandat électoral devraient être beaucoup mieux valorisées, notamment dans la perspective d’une évolution professionnelle lors de la sortie du mandat.

La décentralisation a intensifié les responsabilités des élus locaux. Les collaborateurs d’élus exercent aujourd’hui des missions indispensables pour le mandat d’un élu. Leur rôle doit donc être reconnu et valorisé.

Les collaborateurs souffrent aujourd’hui d’une précarité majeure. Un statut particulier doit leur être reconnu afin de leur assurer une reconversion professionnelle en cas de cessation de leur fonction auprès de l’élu.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION (185)

• Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation – mercredi 3 avril 2013

—  Mme Jacqueline Gourault, présidente

• Groupement de recherche sur l’administration locale en Europe – mercredi 3 avril 2013

—  M. Éric Kerrouche, directeur de recherche au CNRS, enseignant à l’Institut d’études politiques de Bordeaux

• Association des maires ruraux de France – mercredi 10 avril 2013

—  M. Vanik Berberian, président

• Association nationale des élus de la montagne – mercredi 10 avril 2013

—  Mme Frédérique Massat, présidente

––  M. Pierre Bretel, délégué général

––  M. Olivier Riffard, chargé de mission

• Association des petites villes de France – mercredi 10 avril 2013

—  M. Pierre-Alain Roiron, membre du bureau

––  M. Florent Yann Lardic, conseiller pour les politiques territoriales

• Fédération nationale des villes moyennes – mercredi 10 avril 2013

—  M. Raymond Couderc, vice-président

• Direction générale des collectivités locales – mercredi 17 avril 2013

—  M. Bruno Delsol, directeur général adjoint

––  M. Claude Chagnet, chef du bureau des élus locaux, du recrutement et de la formation des personnels territoriaux

––  Mme. Patricia Larrouy, chargée du statut de l’élu dans ce bureau

• Transparency International France et Anticor, dans le cadre d’une table ronde sur les conflits d’intérêt – mercredi 17 avril 2013

––  M. Daniel Lebègue, président de Transparency International France, accompagné de Mme Myriam Savy, chargée de mission

––  M. Éric Alt, vice-président d’Anticor

• Association des maires de France – mercredi 17 avril 2013

––  M. Christophe Rouillon, vice-président

––  M. Jean-Raymond Hugonet, président de l’Union des maires de l’Essonne

––  Mme Geneviève Cerf-Casau, chef du service Administration et gestion locales

––  M. Alexandre Touzet, chargé des relations avec le Parlement

• Assemblée des communautés de France – mercredi 24 avril 2013

––  M. Marc Fesneau, membre du conseil d’administration

––  M. Simon Mauroux, chargé de mission aux affaires juridiques

• Assemblée des départements de France – mercredi 24 avril 2013

• Ministère de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique – mardi 14 mai 2013

––  Mme Marilyse Lebranchu, ministre

• Ministère de la Justice (personnes entendues par le rapporteur et le co-rapporteur) – mardi 21 mai 2013

––  Mme Catherine Sorita-Minard, sous-directrice de la justice pénale spécialisée

––  M. Arnaud Viornery, magistrat au sein du bureau du droit économique et financier

ANNEXE

Recommandation 60 (1999) (1) sur l’intégrité politique des élus locaux et régionaux
du
Congrès des pouvoirs locaux et régionaux en Europe

1. Le Congrès,

2. Vu la proposition de résolution sur l’intégrité politique des élus locaux et régionaux présentée à la 3e session du Congrès ;

3. Ayant pris connaissance du rapport présenté par M. Viorel COIFAN (Roumanie) à la présente session ;

4. Tenant compte du principe de subsidiarité ainsi défini dans le texte de la Charte européenne de l’autonomie locale : « L’exercice des responsabilités publiques doit, de façon générale, incomber de préférence aux autorités les plus proches des citoyens » ;

5. Persuadé que les élus locaux et régionaux, à qui les élections ont confié un mandat politique, doivent assumer ces responsabilités devant l’ensemble de la population locale ou régionale, dans le respect de la loi et de l’intérêt général ;

6. Considérant que l’exercice de ces responsabilités par les élus locaux et régionaux de la Grande Europe doit aller de pair avec le respect des principes de l’éthique et une intégrité à toute épreuve ;

7. Reconnaissant que le non-respect de ces principes risque de porter atteinte non seulement à la crédibilité des élus locaux et régionaux mais aussi à la démocratie en général et de saper ainsi les fondements même de l’Etat de droit ;

8. Déplorant que des  « affaires » de corruption dans lesquelles se trouvent impliqués des représentants de la classe politique locale ou régionale nuisent à la crédibilité de ces derniers ;

9. Ayant constaté que le problème de corruption peut se poser d’une façon sérieuse dans les conditions des changements économiques;

10. Convaincu que le Code de conduite à l’attention des élus locaux et régionaux tel qu’il figure à l’annexe à la présente Recommandation aura pour vocation de les guider dans la réalisation de leurs tâches quotidiennes alliant le respect des principes de l’éthique et l’application des mesures préventives, destinées à diminuer les risques de corruption ;

11. Considérant que l’objectif principal de l’adoption et de la promotion du Code de conduite des élus locaux et régionaux au niveau européen est le renforcement de la confiance entre les élus et les citoyens ;

12. Tenant compte des travaux pertinents des autres secteurs du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne, de l’Organisation de Coopération et Développement Economiques et de l’Organisation des Nations Unies en matière de lutte contre la corruption ;

13. Rappelant le paragraphe III, 2 « Lutte contre la corruption et le crime organisé » du Plan d’action adopté à l’occasion du II Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement des 40 pays membres du Conseil de l’Europe, en particulier le sous-paragraphe 2 appelant à une conclusion rapide des travaux d’élaboration d’instruments juridiques internationaux, conformément au Programme d’action du Conseil de l’Europe contre la corruption ;

14. Rappelant que le Programme d’action du Conseil de l’Europe contre la corruption adopté en novembre 1996 par le Comité des Ministres a accordé une priorité élevée à l’élaboration des codes de conduites pour des élus dans la lutte contre la corruption ;

15. Rappelant la Résolution (97) 24 portant les vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, notamment le paragraphe 15 de cette Résolution encourageant l’adoption par les représentants élus de codes de conduite et de règles sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales ;

16. Tenant compte notamment des travaux du Groupe Multidisciplinaire sur la Corruption (GMC) sur la Convention pénale sur la corruption, ouverte à la signature à l’occasion de la session de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (janvier 1999) ;

17. Tenant compte également des conclusions de la Troisième Conférence européenne des services spécialisées dans la lutte contre la corruption portant sur le trafic d’influence et le financement illégal des partis politiques (Madrid, 28-30 octobre 1998) qui concluent à la nécessité de promouvoir sur le plan européen des Codes de conduite pour les élus ;

18. Compte tenu des travaux de l’OCDE en matière de promotion des valeurs éthiques dans le service public et de création d’une « infrastructure de l’éthique » ;

19. Rappelant les douze principes éthiques adoptés par le Conseil de l’OCDE le 23 avril 1998 qui ont pour objectif d’encourager un comportement conforme à l’éthique dans le service public ;

20. Ayant constaté que certains pays membres du Conseil de l’Europe ont amorcé des travaux de promotion des valeurs éthiques dans la conduite des affaires locales et en ont fait une des priorités de l’assainissement de la vie publique ;

21. Invite l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe :

- à soutenir le Code de conduite européen relatif à l’intégrité politique des élus locaux et régionaux ;

22. Invite le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe :

- à prendre en compte le texte de Code dans les travaux du GMC ;

- à associer d’une manière étroite le CPLRE aux travaux du GMC par l’intermédiaire des représentants du Congrès lorsque le GMC examine les questions relatives aux autorités locales et régionales ;

- à transmettre la Recommandation 60 (1999) contenant dans son annexe le Code de conduite européen relatif à l’intégrité politique des élus locaux et régionaux aux gouvernements nationaux des Etats membres afin que ces derniers puissent en tenir compte lors de changements législatifs ou campagnes de promotion des valeurs éthiques au niveau national.

Annexe

Code de conduite européen relative à l’intégrité politique des élus locaux et régionaux

Préambule

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe,

Soulignant que les élus locaux et régionaux exercent leurs fonctions dans le cadre de la loi et conformément au mandat qui leur est confié par les électeurs et qu’ils sont responsables devant l’ensemble de la population locale ou régionale, y compris devant les électeurs qui n’ont pas voté pour eux ;

Considérant que le respect des termes du mandat des électeurs va de pair avec le respect des normes éthiques ;

Profondément interpellé par la multiplication des scandales judiciaires impliquant des responsables politiques en raison d’actes commis dans l’exercice de leurs fonctions et constatant que l’échelon local et régional n’échappe pas à ce phénomène;

Convaincu que la promotion des codes de conduite à l’attention des élus locaux et régionaux permettra le renforcement de la confiance entre la classe politique locale et régionale et les citoyens ;

Persuadé que ce lien de confiance est indispensable pour qu’un élu mène à bien sa mission ;

Constatant que les dispositifs législatifs sont de plus en plus complétés par des codes de conduite dans différents domaines tels que les relations commerciales, les relations bancaires, l’administration ;

Estimant qu’il est du devoir des élus locaux et régionaux d’initier une démarche analogue dans leurs sphères de compétences ;

Persuadé que la définition des obligations éthiques pesant sur les élus locaux et régionaux dans un code de conduite est de nature à clarifier leur rôle et leur mission et de réaffirmer l’importance de celle-ci ;

Convaincu qu’un tel code doit envisager de la manière la plus large possible l’ensemble de l’action de l’élu ;

Soulignant que la définition de règles de conduite implique le respect des impératifs de l’éthique ;

Rappelant également que la restauration d’un climat de confiance nécessite l’implication de l’ensemble de la société civile et soulignant à cet égard le rôle des citoyens eux-mêmes et des médias;

Réaffirmant enfin que l’imposition de devoirs ne se conçoit pas sans l’octroi de garanties permettant aux élus locaux et régionaux d’exercer leur mandat et rappelant à cet égard les dispositions pertinentes contenues en ce sens dans la Charte Européenne de l’Autonomie Locale et dans le projet de Charte Européenne de l’Autonomie Régionale ;

Prenant en considération les textes en vigueur au sein des pays membres et les travaux internationaux pertinents, propose le Code de conduite relatif à l’intégrité des élus locaux et régionaux suivant :

TITRE I - CHAMP D’APPLICATION

Article 1 - Définition de l’élu

Aux fins du présent Code, le terme “ élu ” désigne tout responsable politique exerçant un mandat local ou régional conféré par élection primaire (élection par le corps électoral) ou secondaire (élection à des fonctions exécutives par le conseil local ou régional).

Article 2 - Définition des fonctions

Aux fins du présent Code, le terme “fonctions ” désigne le mandat conféré par l’élection primaire ou secondaire et l’ensemble des fonctions exercées par l’élu en vertu de ce mandat primaire ou secondaire.

Article 3 – Objet du Code

L’objet de ce Code est de spécifier des normes de comportement que les élus sont censés observer dans l’exercice de leurs fonctions et d’informer les citoyens sur les normes de comportement qu’ils sont en droit d’attendre des élus.

TITRE II – PRINCIPES GÉNÉRAUX

Article 4 - Primauté de la loi et de l’intérêt général

Les élus siègent en vertu de la loi et doivent à tout moment agir conformément à celle-ci.

Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu poursuit l’intérêt général et non exclusivement son intérêt personnel direct ou indirect, ou l’intérêt particulier d’individus ou de groupes d’individus dans le but d’obtenir un intérêt personnel direct ou indirect.

Article 5 - Objectifs de l’exercice du mandat

L’élu garantit un exercice diligent, transparent et motivé de ses fonctions.

Article 6 - Exercice du mandat

Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu respecte les compétences et prérogatives de tout autre mandataire politique ou tout agent public.

Il s’abstient d’inciter ou de concourir et s’oppose à la violation des principes énumérés au présent titre par tout autre mandataire politique ou tout agent public dans l’exercice de ses fonctions.

TITRE III – OBLIGATIONS SPECIFIQUES

Chapitre 1- Accès à la fonction

Article 7 - Règles en matière de campagne électorale

La campagne électorale du candidat vise à diffuser et expliquer le programme politique de celui-ci.

Il s’abstient d’obtenir tout suffrage par d’autres moyens que la persuasion ou la conviction.

En particulier, il s’abstient de tenter d’obtenir des suffrages par la diffamation des autres candidats, par la violence et/ou des menaces, par la manipulation des listes électorales et/ou des résultats du scrutin ainsi que par l’octroi d’avantages ou de promesses d’avantages.

Chapitre 2 - Exercice de la fonction

Article 8 - Clientélisme

L’élu s’abstient d’exercer ses fonctions ou d’utiliser les prérogatives liées à sa fonction dans l’intérêt particulier d’individus ou de groupes d’individus dans le but d’obtenir un intérêt personnel direct ou indirect.

Article 9 - Exercice de compétences à son propre avantage

L’élu s’abstient d’exercer ses fonctions ou d’utiliser les prérogatives liées à sa fonction en vue de son propre intérêt particulier personnel direct ou indirect.

Article 10 - Conflit d’intérêts

Lorsqu’il a des intérêts personnels directs ou indirects dans les dossiers faisant l’objet d’un examen par le conseil ou par un organe exécutif local ou régional l’élu s’engage à déclarer ces intérêts avant la délibération et le vote.

L’élu s’abstient de prendre part à toute délibération ou vote ayant pour objet un intérêt personnel direct ou indirect.

Article 11 - Cumul

L’élu se soumet à toute réglementation en vigueur visant à limiter le cumul de mandats politiques.

L’élu s’abstient d’exercer d’autres mandats politiques qui l’empêchent d’exercer son mandat de l’élu local ou régional.

L’élu s’abstient d’exercer des fonctions, mandats, professions ou charges qui supposent un contrôle sur ses fonctions d’élu ou que ses fonctions d’élu sont censées contrôler.

Article 12 - L’exercice des compétences discrétionnaires

Dans l’exercice de ses compétences discrétionnaires, l’élu s’abstient de s’accorder un avantage personnel direct ou indirect, ou un avantage à un individu ou à un groupe d’individus dans le but d’obtenir un avantage personnel direct ou indirect.

Il assortit sa décision d’une motivation circonstanciée reprenant l’ensemble des éléments qui a fondé sa décision, et notamment les dispositions de la réglementation applicable ainsi que les éléments qui démontrent la conformité de sa décision à cette réglementation.

En l’absence de réglementation, sa motivation comprend les éléments qui démontrent le caractère proportionné, équitable et conforme à l’intérêt général de sa décision.

Article 13 - Interdiction de la corruption

Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu s’abstient de tout comportement de corruption active ou passive tel que défini par la réglementation pénale nationale ou internationale en vigueur.

Article 14 - Respect de la discipline budgétaire et financière

L’élu s’engage à respecter la discipline budgétaire et financière, gage de la bonne gestion des deniers publics, telle qu’elle est définie par la législation nationale pertinente en vigueur.

Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu s’abstient de tout acte destiné à détourner de leur objet les fonds et/ou les subventions publiques. Il s’abstient de toute démarche dont l’objectif serait d’utiliser à des fins personnelles directes ou indirectes des fonds et/ou des subventions publiques.

Chapitre 3 - La cessation de fonctions

Article 15 - Interdiction du « pantouflage »

Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu s’abstient de prendre des mesures lui accordant un avantage personnel professionnel futur après la cessation de ses fonctions :

- au sein d’entités publiques ou privées qui étaient sous son contrôle pendant l’exercice de ses fonctions ;

- au sein d’entités publiques ou privées avec qui il a noué des relations contractuelles pendant l’exercice de ses fonctions ;

- au sein d’entités publiques ou privées qui ont été créées pendant l’exercice de ses fonctions et en vertu de celles-ci.

TITRE IV – MOYENS DE CONTRÔLE

Chapitre 1 - Accès à la fonction

Article 16 - Limitation et déclaration des dépenses électorales

Dans le cadre de sa campagne électorale, le candidat limite le montant de ses dépenses électorales de manière proportionnée et raisonnable.

Il exécute toute mesure imposée par la réglementation en vigueur visant à rendre public l’origine et le montant des recettes utilisées lors de sa campagne électorale, ainsi que la nature et le montant de ses dépenses.

A défaut de réglementation en vigueur, il communique sur simple demande ces données.

Chapitre 2 - Exercice de la fonction

Article 17 - Déclaration d’intérêts

L’élu exécute avec diligence toute mesure imposée par la réglementation en vigueur visant à rendre public ou à contrôler ses intérêts personnels directs ou indirects, les mandats, fonctions et professions qu’il exerce ou l’évolution de sa situation patrimoniale.

A défaut de réglementation à ce sujet, il communique sur simple demande ces données.

Article 18 - Respect des contrôles internes et externes

Dans l’exercice de ses fonctions, l’élu s’abstient de faire obstacle à l’exercice d’un contrôle motivé et transparent de l’exercice de ses fonctions par les autorités de contrôle interne ou externe compétentes.

Il exécute de manière diligente les décisions exécutoires ou définitives de ces autorités.

La motivation des actes ou décisions qui sont soumis à ces autorités de contrôle est assortie de la mention expresse de l’existence de ces contrôles et de l’identification précise des autorités compétentes.

TITRE V – RELATIONS AVEC LES CITOYENS

Article 19 - Publicité et motivation des décisions

L’élu est responsable pour la durée de son mandat devant l’ensemble de la population locale.

L’élu assortit toute décision de faire ou ne pas faire d’une motivation circonstanciée reprenant l’ensemble des éléments qui l’a fondée, et notamment les dispositions de la réglementation applicable ainsi que les éléments qui démontrent la conformité de sa décision à cette réglementation.

En cas de confidentialité, il motive celle-ci en développant les éléments qui imposent cette confidentialité.

Il répond avec diligence à toute demande émanant de citoyens relative à l’exécution de ses fonctions, à la motivation de celle-ci ou au fonctionnement des services dont il a la responsabilité.

Il encourage et développe toute mesure qui favorise la transparence de ses compétences, de l’exercice de ses compétences et du fonctionnement des services dont il a la responsabilité.

TITRE VI - RELATIONS AVEC L’ADMINISTRATION

Article 20 - L’engagement de personnel

L’élu s’engage à empêcher tout recrutement du personnel administratif fondé sur les principes autres que la reconnaissance des mérites et des compétences professionnelles et/ou à des fins autres que les besoins du service.

En cas de recrutement ou de promotion de personnel, l’élu prend une décision objective, motivée et diligente.

Article 21 - Le respect de la mission de l’administration

Dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, l’élu respecte les missions de l’administration dont il a la responsabilité, sans préjudice de l’exercice légitime de son pouvoir hiérarchique.

Il s’abstient de demander ou exiger de la part d’un agent public l’exécution de tout acte ou toute abstention lui octroyant un avantage personnel direct ou indirect, ou octroyant un avantage à des individus ou des groupes d’individus dans le but d’obtenir un avantage personnel direct ou indirect.

Article 22 - La valorisation des missions de l’administration

Dans le cadre de l’exercice de ses missions, l’élu veille à valoriser le rôle et les missions de son administration.

Il encourage et développe toute mesure qui favorise la performance du fonctionnement des services dont il a la responsabilité ainsi que la motivation de leur personnel.

TITRE VII – RELATIONS AVEC LES MÉDIAS

Article 23

L’élu répond de manière diligente, sincère et complète à toute demande d’informations émanant des médias relative à l’exercice de ses fonctions à l’exclusion d’informations couvertes par la confidentialité ou d’informations relatives à la vie privée de l’élu ou d’un tiers.

Il encourage et développe toute mesure qui favorise la diffusion dans les médias d’informations relatives à ses compétences, à l’exercice de ses fonctions et au fonctionnement des services dont il a la responsabilité.

TITRE VIII - INFORMATION, DIFFUSION ET SENSIBILISATION

Article 24 - Diffusion du Code auprès des élus

L’élu s’engage à avoir lu et compris l’ensemble des dispositions du présent Code ainsi que les réglementations auxquelles il renvoie et déclare avoir la volonté d’être guidé par les dispositions du Code.

Article 25 - Diffusion du Code auprès des citoyens, des agents et des médias

Il encourage et développe toute mesure qui favorise la diffusion du présent Code et la sensibilisation aux principes qui y sont énumérés auprès des agents dont il assume la responsabilité, auprès des citoyens et des médias.

(1)Discussion par le Congrès et adoption le 17 juin 1999, 3e séance.

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () Selon les chiffres publiés par la direction générale des collectivités locales, on comptait, à l’issue des élections de 2008, 519 417 conseillers municipaux, dont 36 635 maires, 1 880 conseillers régionaux et 4 042 conseillers généraux en métropole et dans les départements d’outre-mer.

3 () M. Marcel Debarge a présidé un groupe de travail sur le statut de l’élu local, qui a rendu ses conclusions en mars 1990. Son rapport de 1982 avait conduit, en septembre 1983, au dépôt d’un projet de loi qui n’a jamais été examiné.

4 () Projet de loi n° 61 (2009-2010).

5 () C’est ainsi la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales qui a créé le conseiller territorial.

6 () Tel est le cas, en particulier, de la proposition de loi visant à renforcer l’attractivité et à faciliter l’exercice du mandat local, présentée par M. Bernard Saugey et Mme Marie-Hélène des Esgault n° 449 (2010-2011), et, sur une question particulière, de la proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d’intérêts des élus locaux n° 268 (2008-2009).

7 () Proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat, n° 120 (2012-2013).

8 () Audition du 3 avril 2013. Directeur de recherche au CNRS, enseignant à l’IEP de Bordeaux, M. Kerrouche représentait, devant la mission d’information, le Groupement de recherche sur l’administration locale en Europe.

9 () Projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, Assemblée nationale, XIVè législature, n° 885, et projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen, Assemblée nationale, XIVè législature, n° 886.

10 () Rapport d’information fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur le statut de l’élu, par MM. Philippe Dallier et Jean-Claude Peyronnet, intitulé Faciliter l’exercice des mandats locaux : réflexions autour du statut de l’élu, n° 318 (Sénat, 2011-2012), 31 janvier 2012.

11 () Projet de loi organique et projet de loi relatifs à la transparence de la vie publique, Assemblée nationale, XIVè législature, nos 1004 et 1005.

12 () Élodie Guérin-Lavignotte et Éric Kerrouche, Les élus locaux en Europe. Un statut en mutation, La documentation française, 2006, pp. 80 et sqtes.

13 () Alors introduite à l’article 3 de la Constitution, cette disposition, qui s’applique désormais aussi « aux responsabilités professionnelles et sociales », figure à l’article 1er de la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

14 () En application de l’article 4 de la Constitution.

15 () Le scrutin de liste n’était alors applicable que dans les communes de 3 500 habitants et plus.

16 () Loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques.

17 () Loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

18 () Voir infra le début du 2.

19 () Il n’existe pas de données nationales, mais l’Observatoire de la parité a effectué une étude sur trente départements.

20 () Loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

21 () Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

22 () Projet de loi n° 377 (2012-2013). Il s’agit de revenir à la situation qui prévalait entre 2000 et 2004. C’est le scrutin majoritaire qui s’applique dans les départements où est élu un nombre de sénateurs inférieur.

23 () Pour ce qui est de l’âge, les données publiées par la DGCL portent seulement sur les maires, et non sur l’ensemble des conseillers municipaux.

24 () Audition du 17 avril 2013.

25 () Audition du 10 avril 2013.

26 () Les councillors sont élus au niveau des comtés en Angleterre et des « autorités unitaires » au Pays-de-Galles, dont la taille est proche de celle de nos départements, sachant qu’il n’y a pas d’assemblée délibérante à un niveau équivalent à celui de nos régions.

27 () Pouvoirs locaux, Les Cahiers de la décentralisation, n° 88 I/2011.

28 () Ces chiffres n’incluent pas les retraités de l’enseignement, qui constituent 6,5 % des conseillers généraux.

29 () Audition du 10 avril 2013.

30 () Près de 25 % des députés actuels et plus de 40 % des sénateurs sont des fonctionnaires.

31 () Ces articles visent respectivement l’exercice des mandats de maire ou d’adjoint au maire d’une commune de plus de 20 000 habitants, de président ou vice-président de conseil général, de président ou vice-président de conseil régional ; les titulaires d’un mandat de parlementaire national ou européen bénéficient aussi de la position de détachement.

32 () Voir infra II, A.

33 () Voir infra II, A.

34 () Projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, n° 61 (2009-2010), déposé au Sénat le 21 octobre 2009 ; il n’a jamais été examiné.

35 () Texte adopté n° 78 (2012-2013).

36 () Rapport de la commission pour l’avenir de la décentralisation, présidée par Pierre Mauroy, intitulé Refonder l’action publique locale : rapport au Premier ministre, remis au Premier ministre Lionel Jospin le 17 octobre 2000, La documentation française, 2001, proposition n° 97, p. 97.

37 () Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

38 () MM. Philippe Dallier et Jean-Claude Peyronnet, Faciliter l’exercice des mandats locaux : réflexions autour du statut de l’élu, rap. cit.

39 () Proposition de loi visant à renforcer l’attractivité et à faciliter l’exercice du mandat local, présentée par M. Bernard Saugey et Mme Marie-Hélène des Esgault n° 449 (2010-2011) ; texte adopté n° 154 (2010-2011) ; article 9.

40 () L’extension du bénéfice de cette allocation à l’ensemble des maires est évoquée dans la contribution de M. Bernard Poujade, professeur de droit public à l’université Paris V René Descartes, aux travaux de la mission d’information.

41 () Les anciens sénateurs bénéficient d’un système équivalent.

42 () Voir infra II, A.

43 () Audition du 14 mai 2013.

44 () Voir infra II, A.

45 () Ibid.

46 () Article 5 bis.

47 () Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

48 () Selon les informations figurant dans l’étude d’impact du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (projet de loi n° 287).

49 () Voir infra II, B.

50 () Audition du 14 mai 2013.

51 () Ce principe est consacré par l’article L.2123-17 CGCT, disposition relative aux conditions d’exercice des mandats municipaux mais qui vaut pour l’ensemble des mandats locaux.

52 () Pierre Mauroy, Refonder l’action publique locale : rapport au Premier ministre, rap. cit. Aux termes de la proposition n° 84, les élus bénéficieraient d’un cadre statutaire et salarial matérialisé par un contrat à durée déterminée, une rémunération fixée en fonction de leur mandat, le droit de cotiser à une caisse de retraite et une couverture sociale.

53 () Audition du 3 avril 2013.

54 () Audition du 10 avril 2013.

55 () Audition du 3 avril 2013.

56 () Éric Kerrouche, « Les maires français, des managers professionnels ? », Annuaire des collectivités locales, tome 26, 2006, pp. 83-98.

57 () Audition du 3 avril 2013.

58 () Articles L. 2123-1 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-1 CGCT pour les élus départementaux, L.4135-1 CGCT pour les élus régionaux.

59 () Cf. supra I, B.

60 () Cette notion exclut les simples séances informelles de travail préparatoire de tout ou partie de l’assemblée locale, réunions destinées à l’information des conseillers ou à un premier échange de vues, avec éventuellement la participation de personnes non membres de l’assemblée locale.

61 () Articles R. 2123-2 CGCT pour les mandats municipaux, R. 3123-3 CGCT pour les mandats départementaux, R. 4135-3 CGCT pour les mandats régionaux.

62 () Articles R. 2123-1 (salariés) et R. 2123-2 (agents publics) CGCT pour les élus municipaux, R. 3123-1 (salariés) et R. 3123-3 (agents publics) CGCT pour les élus départementaux, R. 4135-1 (salariés) et R. 4135-3 (agents publics) CGCT pour les élus régionaux.

63 () La notion d’« administration » n’a pas de signification stricte et se révèle donc susceptible de recouvrir tout ce qui n’est pas préparation et participation aux réunions.

64 () Articles L. 2123-2 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-2 CGCT pour les élus départementaux, L. 4135-2 CGCT pour les élus régionaux.

65 () Articles R. 2123-7 CGCT pour les élus municipaux, R. 3123-6 CGCT pour les élus départementaux, R. 4135-6 CGCT pour les élus régionaux.

66 () Certains conseils municipaux (communes chefs-lieux, communes touristiques, communes sinistrées, communes attributaires de la dotation de solidarité urbaine au cours de l’un des trois précédents exercices, etc.) peuvent voter une majoration de ces crédits d’heures sans que celle-ci puisse dépasser 30 % par élu.

67 () Articles R. 2123-6 CGCT pour les élus municipaux, R. 3123-5 CGCT pour les élus départementaux, R. 4135-5 CGCT pour les élus régionaux. Le service hebdomadaire des enseignants fait l’objet d’un aménagement en début d’année scolaire. La durée du crédit d’heures est répartie entre le temps de service effectué en présence des élèves leur incombant statutairement et le temps complémentaire de service dont ils sont redevables en application des textes réglementaires.

68 () Article L. 2511-33 CGCT.

69 () Articles R. 2123-3 pour les élus municipaux, R. 3123-2 CGCT pour les élus départementaux, R. 4135-2 CGCT pour les élus régionaux.

70 () Articles L. 2123-2 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-2 CGCT pour les élus départementaux, L. 4135-2 CGCT pour élus régionaux.

71 () Articles L. 2123-5 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-3 CGCT pour les élus départementaux, L. 4135-3 CGCT pour les élus régionaux.

72 () La durée de service est fixée à l’article 1er du décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ou à l’article 1er du décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 ou à l’article 1er du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002

73 () Articles R. 2123-9 CGCT pour les élus municipaux, R. 3123-7 CGCT pour les élus départementaux, R.4135-7 CGCT pour les régionaux.

74 () Audition du 10 avril 2013.

75 () Voir au sujet des autorisations d’absence et le crédit d’heures, le dernier alinéa des articles L. 2123-1 et L. 2123-2 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-1 et L. 3123-2 CGCT pour les élus départementaux et L. 4135-1 et L. 4135-2 CGCT pour les élus régionaux.

76 () Articles L. 2123-7 CGCT pour les élus communaux, L. 3123-5 CGCT pour les élus départementaux, L. 4135-5 CGCT pour les élus régionaux.

77 () Association des maires de France, Statut de l’élu(e) local(e), p. 6.

78 () Les articles L. 2123-9 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-7 CGCT pour les élus départementaux et L. 4135-7 CGT pour les élus régionaux incluent les élus locaux dans le champ d’application des articles L.3142-60 à L. 3142-64 du code du travail relatives aux droits des salariés élus membres de l’Assemblée nationale et du Sénat. .

79 () Articles L. 2123-10 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-8 CGCT pour les élus départementaux et  L. 4135-8 CGCT pour les élus régionaux.

80 () Voir en ce sens la contribution aux travaux de la mission de M. Arnaud Haquet, professeur de droit public à l’université de Rouen.

81 () Articles L. 2123-8 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-6 CGCT pour les élus départementaux, L. 4135-6 CGCT pour les élus régionaux.

82 () Articles L. 2123-7 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-5 CGCT pour les élus départementaux et L. 4135-5 CGCT pour les élus régionaux.

83 () Article 7 de la Charte européenne de l’autonomie locale, adoptée par le Conseil de l’Europe le 15 octobre 1985.

84 () Cf. première partie.

85 () Articles L. 2123-25-2 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-20-2 CGCT pour les élus départementaux, L. 4135-20-2 CGCT pour les élus régionaux.

86 () Décret n° 2013-362 du 26 avril 2013 relatif aux conditions d’affiliation des élus locaux au régime général de la sécurité sociale.

87 () Au titre de cette activité, ils bénéficient d’une affiliation et donc de prestation en nature.

88 () Les prestations en espèce correspondent à un revenu de substitution servi à un assuré au titre la perte d’un revenu professionnel liée à la maternité, à l’invalidité, à un accident du travail, à une maladie professionnelle ou à la vieillesse. Il s’agit : des indemnités journalières en cas de maladie, de maternité ou d’accidents du travail ; d’une pension en cas d’invalidité ; d’une rente (pour les maladies professionnelles ou les accidents du travail). Relèvent également des prestations en espèces les revenus de complément tels que ceux pour compenser par exemple la charge d’un logement (tels que l’allocation logement).

89 () Circulaire interministérielle n° DSS5BDGCL2013193 du 14 mai 2013 relative à l'affiliation au régime général de sécurité sociale des titulaires de mandats locaux ainsi qu'à l'assujettissement des indemnités de fonction qui leurs sont versées.

90 () Les prestations en nature de la sécurité sociale ont pour objet le remboursement total ou partiel des dépenses médicales ou paramédicales ainsi que les frais d’hospitalisation.

91 () Articles L. 2123-25-1 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-20-1 CGCT pour les élus départementaux et L. 4135-20-1 CGCT pour les élus régionaux.

92 () Question écrite n° 25179 de M. Fabrice Verdier à la ministre des affaires sociales et de la santé (publiée au Journal officiel le 23 avril 2013).

93 () En application de l’article 28 de la loi n° 92-108 du 3 février 1992, les indemnités perçues par les élus locaux sont soumises à des impositions autonomes et progressives dont le barème est fixé par la loi de finances. En outre, les élus locaux doivent obligatoirement cotiser à l’IRCANTEC et les indemnités de fonction sont soumises à la CSG et à la CRDS.

94 () Articles L. 2123-23, L. 2123-24, L. 2123-24-1-I et L. 2123-24-1-II CGCT.

95 () Articles L. 3123-16 et L. 3123-17 CGCT.

96 () Article L. 4432-6 CGCT.

97 () Articles L. 4135-16 et L. 4135-17 CGCT.

98 () Articles L. 5211-12, L. 5215-16, L. 5215-17, L. 5216-4, L. 5216-4-1, R. 5215-2-1 et R. 5216-1 CGCT.

99 () Articles L. 5211-12, R. 5214-1 et R. 5332-1 CGCT.

100 () Audition du 10 avril 2013.

101 () Actuellement, l’article L. 2123-20-1 CGCT prévoit que dans les communes de moins de 1 000 habitants, l’indemnité du maire est fixée au taux maximal prévu par la loi, sauf si le conseil municipal en décide autrement.

102 () 6emes Assises de villes moyennes et des intercommunalités, organisées à Colmar, les 6 et 7 juin 2013, par la Fédération des Villes moyennes.

103 () Audition du 24 avril 2013.

104 () Audition du 24 avril 2013.

105 () Loi n° 2012-1561 du 31 décembre 2012 relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération.

106 () Troisième alinéa des articles L. 3123-16 CGCT (pour les élus départementaux) et L. 4135-16 CGCT (pour les élus régionaux).

107 () Article 42 du Règlement de l’Assemblée nationale. La retenue peut être appliquée en cas de plus de deux absences mensuelles « réserve faite des réunions de commission se tenant alors que l’Assemblée tient séance ou la présence au même moment du député dans une autre commission permanente », en session ordinaire. Le montant de la retenue s’élève à 25 % du montant mensuel de l’indemnité de fonctions pour chaque absence du commissaire convoqué au cours de la session ordinaire.

108 () Articles L. 2123-20-II CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-17 CGCT pour les élus départementaux et L. 4135-18 CGCT.

109 () Rapport d’information sur la valorisation des mandats locaux par le non-cumul, de MM. François-Noël Buffet et Georges Labazée, sénateurs, rapporteurs de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, n° 442 (2012-2013), 20 mars 2013, p. 25.

110 () Qui remplacent les trésoriers payeurs généraux en application du décret n° 2009-208 du 20 février 2009 relatif au statut particulier des administrateurs des finances publiques.

111 () Le rapport marque l’aboutissement des travaux réalisés par M. Debarge dans le cadre d’une mission auprès du ministre de l’Intérieur et de la décentralisation sur le statut de l’élu local, départemental et régional et la limitation du cumul des fonctions et des mandats électifs. Ses conclusions sont remises le 22 janvier 1982, le Premier ministre ne rendant public le rapport que le 3 juin 1982.

112 () Cf. Éléments de conclusion, par Jean-Pierre Bel, Président du Sénat, des états généraux de la démocratie territoriale, p. 7.

113 () Articles L. 2123-12 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-10 CGCT pour les élus départementaux, L. 4135-10 CGCT pour les membres des conseils régionaux, L. 5214-8 CGCT pour les membres des conseils des communautés de communes, L. 5216-4 pour les membres des conseils des communautés d’agglomération, L. 5215-16 CGCT pour les membres des conseils des communautés urbaines.

114 () Articles L. 2123-13 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-11 CGCT pour les élus départementaux, L.4135-11 CGCT pour les élus régionaux.

115 () Articles R. 2123-19 à R.2123-22 CGCT pour les élus municipaux, R.3123-16 à R.3123-19 CGCT pour les élus départementaux, R. 4135-16 à R.4135-19 CGCT pour les titulaires de mandats régionaux.

116 () De manière générale, le CGCT prévoit que l’élu salarié ou agent public doit prévenir par écrit son employeur ou l’autorité hiérarchique dont il relève, au moins trente jours à l’avance, en précisant la date et la durée de l’absence envisagée, ainsi qu’en désignant l’organisme responsable du stage ou de la session de formation. L’employeur accuse réception de la demande. À défaut de réponse expresse notifiée au plus tard le quinzième jour qui précède le début du stage, le congé est réputé accordé.

117 () Avant d’exprimer un accord ou un refus concernant une demande de congé formation, l’employeur doit recueillir l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. La décision de refus d’une autorité hiérarchique doit être communiquée avec sa motivation à la commission administrative paritaire au cours de la réunion qui suit ce refus.

118 () Articles L. 2123- 14 CGCT pour les élus municipaux, L. 3123-12 CGCT pour les élus départementaux, L. 4135-12 CGCT pour les élus régionaux.

119 () Dans les conditions fixées par le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l’État.

120 () Audition du 10 avril 2013.

121 () Laurent Derboulles,  « De la libre formation des élus locaux », AJDA, 2000, p. 773.

122 () Voir notamment en ce sens les interventions de M. Vanik Berbérian, président de l’Association des maires ruraux de France (audition du 10 avril 2013) et de M. Pierre-Alain Roiron, membre du bureau de l’Association des petites villes de France (audition du 10 avril 2013).

123 () Rapport d'information de M. Michel Mercier, sénateur, fait au nom de la mission commune d'information chargée de dresser le bilan de la décentralisation et de proposer des améliorations de nature à faciliter l'exercice des compétences locales, sur la sécurité juridique des actes des collectivités locales et les conditions d'exercice des mandats locaux, rapport n° 166, déposé le 18 janvier 2000.

124 () Contribution aux travaux de la mission de l’Association des maires de France à la suite de son audition.

125 () Réponse ministérielle à la question écrite n° 13567 de M. Paul Blanc au ministre de la Fonction publique, de la réforme de l’État et de la décentralisation (réponse publiée au Journal officiel du Sénat le 28 mars 1996, p. 739). Suivant cette analyse, la formation des élus locaux étant un droit, non une obligation, le préfet ne procédera pas, en principe, à la mise en œuvre de la procédure d'inscription d'office prévue par l'article L. 1612-15 du code général des collectivités territoriales s'il constate que le budget d'une collectivité locale ne comporte aucun crédit au titre des dépenses de formation des élus. En revanche, un élu local peut déclencher la procédure prévue à l'article L. 1612-15 CGCT en saisissant directement la chambre régionale des comptes.

126 () Articles L. 2123-14 CGCT pour les élus communaux, L. 3123-12 CGCT pour les élus départementaux, L. 4135-12 CGCT pour les élus régionaux.

127 () La formation des responsables locaux : un enjeu pour nos territoires, Rapport d’information fait au nom de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation par M. Antoine Lefèvre, sénateur, n° 94 (2012-2013), 31 octobre 2012, pp. 19 et 20.

128 () Voir en ce sens les interventions de Mme Frédérique Massat, présidente de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM) (audition du 10 avril 2013) et de M. Marc Fesneau, représentant de l’Assemblée des communautés de France (audition du 24 avril 2013).

129 () En application de l’article L. 2123-14-1 CGCT, les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale peuvent transférer à ce dernier, dans les conditions prévues par l'article L. 5211-17 CGCT, les compétences qu'elles détiennent en application des deux derniers alinéas de l'article L. 2123-12 CGCT. Le transfert entraîne de plein droit la prise en charge par le budget de l'établissement public de coopération intercommunale des frais de formation visés à l'article L. 2123-14 CGCT. Dans les six mois suivant le transfert, l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur l'exercice du droit à la formation des élus des communes membres. Il détermine les orientations et les crédits ouverts à ce titre.

130 () L’article L. 1221-1 CGCT conditionne également la délivrance de l’agrément à l’absence de toute condamnation à une peine criminelle ou à une peine correctionnelle d’emprisonnement sans sursis, prononcée depuis moins de dix ans et inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire de la personne exerçant à titre individuel l’activité de formation ou qui dirige ou gère une personne morale opérant en ce domaine.

131 () Décret n° 2009-8 du 5 janvier 2009 relatif au Conseil national de la formation des élus locaux et portant diverses mesures de coordination relatives aux conditions d'exercice des mandats locaux.

132 () Articles R. 1221-13 à R. 1221-21 CGCT.

133 () Conseil national de la formation des élus locaux, Rapport d’activité 2010-2011, p. 14.

134 () La formation des responsables locaux : un enjeu pour nos territoires, rap. cit., pp. 22 à 24.

135 () Conseil national de la formation des élus locaux, Rapport d’activité 2010-2011, pp. 16-17.

136 () La formation des responsables locaux : un enjeu pour nos territoires, rap. cit., pp. 17-18.

137 () Crée par la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987 modifiant les dispositions relatives à la fonction publique territoriale, dite « loi Galland ».

138 () Article 12-1 de la Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et article 11 de la Loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale et complétant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

139 () Loi n° 2007-209 du 19 février 2007 relative à la fonction publique territoriale.

140 () Le budget du CNFPT est alimenté par une cotisation obligatoire de 1 % ayant pour assiette la masse salariale des collectivités territoriales.

141 () La formation des responsables locaux : un enjeu pour nos territoires, rap. cit.

142 () En application de l’article R. 1221-21 du CGCT, le CNFEL est formé de vingt-quatre membres, nommés par arrêté du ministre de l’Intérieur pour un mandat de trois ans renouvelable. Il s’agit de : 12 élus locaux, représentant les différentes catégories de collectivités territoriales, désignés après consultation des associations représentatives des élus locaux (AMF, ADF, ARF) ; 12 personnalités qualifiées, comprenant un membre du Conseil d’État, un magistrat de la Cour des comptes, quatre professeurs de l’enseignement supérieur et six personnalités qualifiées choisies par le ministère de l’Intérieur en fonction de leur compétence et de leur expérience.

143 () Voir infra III, A.

144 () Voir infra III, B.

145 () Table ronde sur les conflits d’intérêts, 17 avril 2013.

146 () Article 5 de la loi de l’ordonnance n° 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l’application de l’article 23 de la constitution.

147 () La Haute autorité instituée par le texte remplace la Commission pour la transparence financière de la vie politique créée par la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la commission pour la transparence financière de la vie politique.

148 () Pour l’accomplissement de cette mission, la Haute autorité peut : adresser des demandes complémentaires aux intéressés ; accéder à des informations de nature fiscale et solliciter l’appui des services fiscaux ; exercer d’un pouvoir d’injonction ; publier un rapport spécial relevant des manquements aux obligations prévues par la loi au Journal officiel ou le cas échéant, transmettre ce document au parquet.

149 () Obligations réaffirmées à l’article 1er du projet de loi (n° 1005) relatifs à la transparence de la vie publique.

150 () Recommandation 60 (1999) sur l’intégrité politique des élus locaux et régionaux, adoptée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe le 17 juin 1999, 3e séance, reproduite en annexe.

151 () Cf. supra, II, C.

152 () Article 13 du projet de loi.

153 () Les éléments de réponse fournis ne sont pas susceptibles d’être rendus publics.

154 () En application de l’article 37 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, le Défenseur peut désigner, sur l’ensemble du territoire ainsi que pour les Français de l’étranger, des délégués, placés sous son autorité, qui peuvent, dans leur ressort géographique, instruire des réclamations et participer au règlement des difficultés signalées ainsi qu’à la mise en œuvre de programme de formation dans les domaines de la compétence du Défenseur. À ce jour, on dénombre ainsi 450 délégués dans les départements de métropole et d’outre-mer.

155 () Crée par un arrêté du Bureau du Sénat du 25 novembre 2009, le Comité de déontologie parlementaire se présente comme une instance consultative, compétente dans le domaine des questions déontologiques relatives au mandat parlementaire et au fonctionnement du Sénat. Le Comité rend des avis sur des situations particulières ou sur des problématiques plus générales relatives à l’éthique parlementaire. Le Bureau du Sénat peut décider de rendre publics ses avis.

156 () La création de la fonction de déontologue de l’Assemblée nationale résulte de la décision adoptée par le Bureau le 6 avril 2011. Le déontologue a pour mission de recevoir les déclarations d’intérêts, de conseiller les députés sur toute situation délicate au regard des exigences déontologiques et d’alerter le Bureau en cas de manquement.

157 () En application de la décision du Bureau du Sénat en date du 14 décembre 2011 et depuis le premier trimestre 2012, les sénateurs doivent transmettre des déclarations d’activités et d’intérêts à la délégation du Bureau en charge des conditions d’exercice du mandat du sénateur, composée d’un représentant par groupe politique. Cette délégation peut, en outre, être saisie par tout membre du Sénat d’une demande d’avis sur les activités qu’il souhaite entreprendre ou les intérêts qu’il envisage d’acquérir. Les déclarations d’activités et d’intérêts des membres du Sénat – à l’exclusion des informations relatives à leurs proches – sont mises en ligne sur le site internet du Sénat.

En application de la décision du Bureau de l’Assemblée nationale rendue le 6 avril 2011, les députés doivent remettre une déclaration d’intérêts à la Déontologue en début de mandat.

158 () Cette ligne de crédits ressortit du programme 122 (« Concours spécifiques et administration ») et de l’action 01 (« aides exceptionnelles aux collectivités territoriales ») qui relèvent de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette mission entre dans le périmètre des crédits du ministère de l’Intérieur.

159 () Réponse à la question écrite n° 8522 de M. Pierre Morel-A-L’Huissier au ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des finances, chargé du budget, publiée le 7 mai 2013 au Journal officiel (p. 4973).

160 () Réponse à la question écrite n° 4459 de Mme Marie-Jo Zimmermann au ministre de l’Intérieur, publiée le 27 novembre 2012 au Journal officiel (p.7004).

161 () Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.

162 () Avis n° 20062201 du 28 juin 2006 et n° 20064702 du 9 novembre 2006.

163 () Proposition de résolution (n° 1013) tendant à la création d’un plan national de sécurisation et de transparence de la gestion publique, déposée par MM. Pierre Morel-A-L’Huissier, Lionel Luca, Damien Abad, Étienne Blanc, Laurent Furst, Jean-Pierre Decool, Mme Isabelle Le Callennec et M. Sauveur Gandolfi-Scheit, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 avril 2013.

164 () La peine d’inéligibilité actuellement encourue est au maximum de cinq années pour un délit et de dix années pour un crime ; l’article 19 du projet de loi précité propose qu’elle puisse être prononcée à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre, notamment, du titulaire d’un mandat conféré par le suffrage universel, en cas d’infractions portant atteinte à la moralité publique, comme la corruption ou le trafic d’influence, la fraude électorale ou fiscale.

165 () Loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.

166 () Le 9 octobre 2010, le Sénat a organisé un colloque intitulé La responsabilité pénale par imprudence à l’épreuve des grandes catastrophes : La loi Fauchon dix ans après qui dressait un bilan de la mise en œuvre de cette loi.

167 () Ce livre blanc, intitulé Moderniser l’exercice des mandats locaux, a été publié par La gazette des communes, le 21 novembre 2005.

168 () Ibid., p. 13.

169 () Une circulaire du 11 octobre 2000 avait déjà présenté les nouvelles dispositions résultant de l’adoption de la loi « Fauchon ». Elle demandait notamment aux magistrats de favoriser les poursuites pénales contre les personnes morales, dans les cas où cela était possible.

170 () Audition du 10 avril 2013.

171 () Audition du 14 mai 2013.

172 () Cette condition figure au premier alinéa de l’article 706-43 du code de procédure pénale.

173 () Le quatrième alinéa de l’article 121-3 du code pénal n’est en effet applicable qu’aux personnes physiques.

174 () Le rapport de la commission de réflexion sur la prévention des conflits d’intérêt dans la vie publique, présidée par M. Jean-Marc Sauvé, évoque entre 30 et 40 condamnations par an sur le fondement de l’article 432-12 du code pénal, quand il y en a environ 70 pour corruption ; il signale aussi que le montant des peines est modeste (amendes modérées, voire peines d’emprisonnement avec sursis), ce qui contraste avec la portée de l’incrimination. Les services du ministère de la Justice parlent de 38 à 49 condamnations par an entre 2007 et 2011, concernant par exemple 9 élus en 2007, 23 en 2009 et 27 en 2011.

175 () Livre blanc de l’Association des petites villes de France, op. cit., p. 15.

176 () Voir, supra, III, A.

177 () Proposition de loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d’intérêts des élus locaux n° 268 (2008-2009) ; texte adopté n° 133 (2009-2010).

178 () Rapport de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par M. Lionel Jospin, intitulé Pour un renouveau démocratique, pp. 91-92.

179 () Son article 20 propose en revanche de renforcer les sanctions encourues pour le délit de « pantouflage », défini à l’article 432-13 du code pénal, qui consiste en une prise illégale d’intérêt à l’issue de l’exercice de certaines fonctions, et ne s’applique qu’aux fonctionnaires et agents d’une administration publique.

180 () Texte adopté n° 154 (2010-2011), article 7.

181 () Selon les informations fournies par les services du ministère de la Justice, le nombre total des condamnations prononcées pour favoritisme aurait été limité à 37 en 2007, 27 en 2008 et 33 en 2011, sans que soit connue la part des élus parmi l’ensemble des condamnés.

182 () Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

183 () Voir supra II, B.

184 () MM. Philippe Dallier et Jean-Claude Peyronnet, Faciliter l’exercice des mandats locaux : réflexions autour du statut de l’élu, rap. cit.

185 () Par ordre chronologique et par structure représentée.

L’Association des maires des grandes villes de France, l’Association des communautés urbaines de France et l’Association des régions de France ont également été invitées par la mission d’information, mais n’ont pas été en mesure de répondre positivement à cette invitation.


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