N° 1236 - Rapport d'information de M. Michel Ménard déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur l'accessibilité des jeunes aux séjours collectifs et de loisirs



N° 1236

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juillet 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

sur l’accessibilité des jeunes aux séjours collectifs
et de loisirs,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Michel MÉNARD,

Rapporteur.

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INTRODUCTION 5

I.- LES COLOS, UNE ACTIVITÉ ASSOCIATIVE MENACÉE 7

A. UNE BELLE IDÉE AFFAIBLIE PAR UNE DÉSAFFECTION RÉCENTE 7

1. Une activité associative d’abord libre puis encadrée par l’État 7

2. Un âge d’or des colos d’été sous l’égide de l’éducation nationale 11

3. Après l’âge d’or, les associations s’adaptent à la demande 14

4. Une fréquentation des colos en baisse constante depuis 1995 19

5. Les mini-camps tiennent lieu de centres de vacances 26

6. Des accueils différents selon l’âge des mineurs et les revenus des parents 30

B. LES CAUSES DE LA DÉSAFFECTION DES SÉJOURS DE VACANCES 35

1. Des séjours devenus trop chers pour les classes moyennes 35

2. Le retrait des comités d’entreprise, dernier soutien des colos 49

3. Des parents réticents à l’idée d’envoyer leurs enfants en colos 54

4. Une réglementation devenue défavorable aux colos 63

5. L’échec du contrat d’engagement éducatif 72

II.- DES SÉJOURS BÉNÉFIQUES QU’IL FAUT ENCOURAGER 83

A. DES BIENFAITS SUR L’ÉDUCATION DES JEUNES ET SUR LE TOURISME 83

1. Les colos, une forme d’éducation active 83

2. L’hébergement collectif, un vecteur d’émancipation 91

3. Un levier pour l’engagement des jeunes animateurs 98

4. Une plus-value réelle pour le tourisme rural 108

B. RÉINVENTER LES COLOS 114

1. Permettre à tous les enfants de partir en vacances 114

2. Reconquérir les classes moyennes pour retrouver une mixité sociale 117

3. Redonner à l’État un rôle actif d’incitateur au départ en colos 124

4. Maintenir des centres de vacances sur tous les territoires 129

5. Faire des colos un secteur phare de l’économie sociale et solidaire 133

6. Repenser le statut des animateurs 135

LISTE DES 21 PROPOSITIONS 139

TRAVAUX DE LA COMMISSION 143

CONTRIBUTION 163

ANNEXES 169

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION D’INFORMATION 169

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 170

INTRODUCTION

La commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a souhaité qu’une mission d’information fasse l’état des lieux de l’accueil collectif des mineurs (ACM) afin d’étudier l’opportunité d’instituer un volontariat de l’animation au profit des jeunes animateurs qui participent occasionnellement, pendant leurs vacances, à l’encadrement de ces accueils, qu’ils se tiennent dans des centres de vacances, de loisirs ou dans des campements.

Les accueils concernés sont ceux définis par les articles L. 227-4 et R. 227-1 du code de l’action sociale et des familles. Ce sont les accueils collectifs de mineurs scolarisés qui ont un caractère éducatif et sont organisés pendant les vacances scolaires, les congés professionnels et les loisirs.

La réglementation très stricte qui s’applique à ces accueils ne concerne pas toutes les activités auxquelles participent les jeunes en dehors de l’école et de leur famille mais seulement celles pratiquées dans certaines conditions, qui tiennent au nombre de mineurs accueillis, à la durée et à la fréquence des séjours et à leur hébergement la nuit.

Ces conditions définissent trois catégories administratives : celles des séjours qui incluent l’hébergement de plus de 6 mineurs hors du domicile des parents ou des tuteurs, ne serait-ce que pour une nuit ; celles des accueils de loisirs sans hébergement (ALSH) qui rassemblent, au moins deux heures par jour, plus de treize jours par an, de 6 à 300 mineurs ; celles de séjours de scoutisme dès qu’ils rassemblent au moins 7 mineurs.

Ces catégories administratives recouvrent en pratique trois formes d’accueil qui sont apparues successivement à la fin du XIXe siècle et au XXe siècle. Les accueils avec hébergement de plus de trois nuits étaient appelés auparavant centres de vacances et, à l’origine, colonies de vacances puis plus simplement colos. Les camps scouts, apparus dans les années 1920 en France, bénéficient d’un régime juridique à part.

Les accueils ou centres de loisirs, appelés autrefois patronages ou centres aérés, sont apparus plus tardivement encore. Ils se sont multipliés à partir des années 1970 et organisent depuis peu des hébergements courts d’une à quatre nuits, appelés mini-camps, pour de petits groupes de mineurs qu’ils accueillent à la journée le reste de l’année. Ces mini-camps sont considérés comme une activité accessoire de l’accueil de loisirs et non pas comme un court séjour de vacances sur place.

Ces trois catégories d’accueils sont soumises à un régime de déclaration préalable et d’encadrement par des personnels brevetés diplômés ainsi qu’à de nombreuses normes réglementaires qui protègent la sécurité physique et morale des mineurs. La réglementation réserve un sort particulier aux accueils qui ont pour objet une activité réglementée, qu’elle soit sportive, linguistique, artistique ou culturelle ainsi qu’aux accueils de scoutisme. Les rencontres européennes de jeunes et les chantiers de jeunes sont déclarés et enregistrés séparément.

L’organisation des accueils est encore très majoritairement associative et sans but lucratif. Elle dépend en premier lieu de l’âge des publics concernés, les moins de six ans relevant du régime de l’accueil de la petite enfance dans des lieux distincts, soumis au code de la santé publique et non pas à celui de l’action sociale.

Alors que la réglementation rapproche progressivement le statut des accueils de loisirs sans hébergement et celui des séjours de vacances, les activités périscolaires et classes de découvertes restent soumises au régime juridique des établissements scolaires, distinct de celui des ACM, bien que leur organisation et leur encadrement présentent des analogies avec les accueils de mineurs et que leur fréquentation soit soumise aux mêmes évolutions.

Parmi ces évolutions, le recul constant des départs de jeunes en séjours collectifs, remarqué depuis 1995, est devenu préoccupant au point que la commission des affaires culturelles crée une mission d’information sur l’accessibilité des jeunes aux ACM. La mission a entendu en auditions toutes les parties prenantes. Elle les a interrogés sur les causes possibles de la désaffection progressive dont pâtissent les accueils avec hébergement de plus d’une semaine par rapport aux accueils de loisirs ou de scoutisme dont la fréquentation progresse.

Il est apparu, à l’issue des travaux, que cette désaffection coïncide avec une baisse du taux de départ en vacances des mineurs, inédite depuis les années 1960. Cette baisse se traduit par le repli des temps libres des jeunes, en particulier des jeunes urbains, sur leur vie de quartier et sur les activités proposées par leur commune, qui sont, elles, encore très soutenues par la branche famille de la sécurité sociale. Ce repli provoque une perte de la culture familiale des vacances, préoccupante pour la cohésion nationale.

Ce repli ne concerne pas seulement les 3 millions de jeunes de 5 à 19 ans qualifiés d’immobiles parce qu’ils ne partent jamais en vacances mais également ceux qui partent moins, ou moins loin, des domiciles des parents. La mission a examiné les facteurs administratifs et sociologiques qui les écartent des séjours de vacances et surtout ceux de la hausse des prix, qui rendent ces séjours inabordables pour les enfants issus de familles modestes quand elles ne reçoivent d’aides ni de leur employeur, ni des caisses d’allocations familiales (CAF).

La mission a relevé, face à cette désaffection, les bienfaits éducatifs propres aux séjours collectifs avec hébergement. Elle propose un plan d’action national et territorial pour contrecarrer cette désaffection, qui, d’une part, entraîne la fermeture des centres de vacances et affecte, d’autre part, l’économie touristique locale, en particulier en zone rurale ou de montagne.

I.- LES COLOS, UNE ACTIVITÉ ASSOCIATIVE MENACÉE

A. UNE BELLE IDÉE AFFAIBLIE PAR UNE DÉSAFFECTION RÉCENTE

1. Une activité associative d’abord libre puis encadrée par l’État

Les accueils collectifs de mineurs avec hébergement présentent la particularité d’être, pour la plupart, organisés par des associations sans but lucratif, souvent peu subventionnées, qui proposent des prestations aussi bien caritatives que commerciales. Sur les 12 200 organisateurs de séjours avec hébergement recensés en 2011, 8 300 (68 %) sont des associations et 3 500 (29 %) des collectivités territoriales.

Par comparaison, ces collectivités sont davantage investies dans la gestion, soit directe soit déléguée, des 23 000 accueils de loisirs sans hébergement (ALSH) ouverts à l’année ou pendant les vacances scolaires. La moitié des ALSH sont gérés en propre par des municipalités et l’autre moitié par des associations qui agissent, le plus souvent, en étroite relation avec les collectivités territoriales qui les subventionnent et mettent du personnel à leur disposition.

Le nombre d’organisateurs d’accueils avec hébergement a peu varié depuis quinze ans. Il est sans doute surestimé parce que les organisateurs ne sont pas recensés sous un numéro SIREN unique et qu’ils peuvent se déclarer sous des noms différents d’un séjour à l’autre.

Leur activité est en outre très variable. Selon le bulletin statistique Stat-Info n° 12 de novembre 2012, publié par la mission des études, de l’observation et des statistiques (MEOS) du ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, près de 4 000 organisateurs n’ont déclaré qu’un seul séjour en 2011, 2 000 deux séjours et près de 5 000 entre trois et dix séjours.

10 % des organisateurs sont à l’origine de la moitié des 68 700 séjours déclarés. Parmi eux, 1 100 organisateurs planifient chaque année entre onze et cinquante séjours, ce qui correspond à une activité soutenue susceptible de mobiliser quelques salariés permanents sur l’année. 130 organisateurs assurent plus de cinquante séjours, soit 14 000 séjours au total.

Les sociétés commerciales sont peu présentes dans le secteur de l’offre de colonies de vacances. 250 sociétés ont organisé en 2011 4 700 séjours avec hébergement, soit 7 % de l’offre totale, dont 1 500 séjours linguistiques, seul secteur pour lequel les sociétés commerciales et les associations font jeu égal.

Les comités d’entreprise ne sont plus qu’une centaine à organiser eux-mêmes des colonies de vacances, souvent depuis des décennies et dans un parc immobilier qui leur appartient. La plupart des comités des grandes entreprises qui organisaient traditionnellement des séjours passent désormais des conventions ou des appels d’offres pour l’achat de séjours clés en main, auprès de grandes associations spécialisées ou de prestataires commerciaux. Quant aux entreprises de taille moyenne ou plus récentes, leur comité ont tendance à distribuer aux salariés des chèques-vacances qui peuvent financer un départ en colonies.

La forte prédominance du monde associatif dans l’organisation des séjours collectifs de mineurs est un héritage historique que résume M. Jean-Karl Deschamps, secrétaire national aux vacances, aux loisirs éducatifs et aux classes de découvertes de la Ligue de l’enseignement :

« Les centres de vacances ont été créés par la société civile et non pas l’État ou les collectivités, à la fin du XIXe siècle. Les départs se sont amplifiés à la fin du XXe siècle avant que le nombre d’enfants qui bénéficient de ces séjours ne baisse depuis la fin du XXe siècle. Les premiers séjours avaient un objet sanitaire, sortir les enfants des quartiers insalubres. Au début du XXe siècle les objectifs éducatifs deviennent plus généralistes mais aussi plus partisans et les colonies servent les positions religieuses ou idéologiques des uns et des autres.

« Après la guerre, la colonie resserre les liens sociaux. Il s’agit de repositionner le collectif au cœur de la démarche et de ressouder une jeunesse autour de l’histoire collective des centres de vacances et du scoutisme, pour participer à la reconstitution de la société. Dans les années 60-70, les nouvelles méthodes d’éducation installent l’individu et le rythme de vie de l’enfant au centre des préoccupations, alors que les années 80 promeuvent la découverte d’activités inhabituelles. »

Ainsi, les premières colonies de vacances ont été imaginées par des associations caritatives confessionnelles qui avaient une motivation hygiéniste et morale. Leurs œuvres de bienfaisance organisent des séjours collectifs sur les côtes atlantique et méditerranéenne en s’inspirant du modèle des placements d’enfants malades dans des sanatoriums. Elles veulent prévenir les épidémies de tuberculose qui sévissent dans les quartiers populaires des grandes villes industrielles en éloignant les enfants pauvres du méphitisme urbain pendant les mois d’été.

Elles souhaitent revivifier les enfants à la campagne, à la mer ou à la montagne, pour favoriser leur développement physique et moral et leur rendre un équilibre nerveux et une maîtrise musculaire par des exercices au grand air, au soleil et dans l’eau. Elles dressent des fiches médico-psychologiques pour vérifier l’efficacité du séjour en colonies par des accroissements pondéraux, staturaux et thoraciques des colons.

Les œuvres qui veulent aussi arracher les enfants à l’oisiveté et à l’ennui de leurs quartiers ouvrent des colonies de vacances d’été sans vocation curative mais à but éducatif. Le séjour devient une cure d’âme qui poursuit celle du patronage, au cours de laquelle l’enfant, comme l’explique Philippe-Alexandre Rey-Herme dans son livre La colonie de vacances, paru en 1955, « est soumis avec une continuité exceptionnelle au régime capable de favoriser son éducation et de combattre ses tendances égoïstes, en étant soustraits aux influences qui combattent, dans son milieu d’origine, l’influence du directeur ».

Si les premières colonies de vacances sont confessionnelles, une concurrence s’installe progressivement entre œuvres religieuses et œuvres scolaires laïques, à l’initiative des caisses des écoles de certaines municipalités. Deux fédérations, l’Union nationale des colonies de vacances et des œuvres de grand air, d’obédience catholique, et la Fédération nationale des colonies de vacances et des œuvres de plein air, fondée par le pasteur Louis Comte et l’instituteur Louis Conlombant, se partagent les centres et les colons jusqu’aux années 1930. La fédération laïque et protestante obtient l’adhésion des services sociaux des ministères, des municipalités, des établissements bancaires, des compagnies d’assurance et de chemin de fer et des grandes industries comme Peugeot ou Saint-Gobain, qui ouvrent leurs propres colonies d’été dans l’entre-deux-guerres.

Le nombre de jeunes vacanciers passe de 20 000 en 1905 à 100 000 en 1913 puis 220 000 en 1938. Les colonies connaissent une croissance si rapide qu’elle incite l’État à l’intervenir pour les réglementer. Les enfants accueillis, de plus en plus nombreux, sont accueillis dans des conditions qui deviennent précaires voire dangereuses. Pour les recevoir, les associations ou sociétés organisatrices se sont portées acquéreur de villas de bord de mer, de châteaux, de pavillons hospitaliers, aménagés à la hâte en réfectoires et en dortoirs.

Le climat des étés et les sorties fréquentes en plein air semblaient dispenser de porter une grande attention aux aménagements intérieurs, même si s’amorce un mouvement qui conduira aux réalisations innovantes des décennies suivantes. Les organisateurs s’occupaient de nourrir et de loger les enfants mais se préoccupaient moins de confort et de pédagogie à mesure qu’une compétition s’installait entre les organismes pour accueillir toujours plus d’enfants.

Le nombre d’enfants accueillis est resté longtemps le principal critère de performance des organisateurs et certaines colonies accueillaient plusieurs centaines voire jusqu’à un millier d’enfants chaque été. Alors que le bénévolat des dames d’œuvres s’est fait plus rare depuis les années 1920, les associations ont recruté des surveillants souvent sans formation et baissé le taux d’encadrement des grandes colonies. Un surveillant pouvait avoir la charge de 30 à 40 enfants. Une discipline autoritaire palliait souvent l’absence d’activités en petits groupes.

À la même époque, dans tous les autres pays européens, qu’ils soient démocratiques ou soumis à régime militariste et autoritaire, le scoutisme se développe rapidement et donne l’exemple de mouvements de jeunesse massifs qui soutiennent des doctrines politiques nouvelles et donnent à l’administration et à l’armée des cadres dévoués.

La France reste à l’écart de ce mouvement d’embrigadement de la jeunesse mais le gouvernement et l’administration exercent une surveillance plus étroite des initiatives privées et associatives, souvent concurrentes, qui se disputent l’organisation des colonies et l’adhésion des familles, en leur imposant, dès 1938, une réglementation qui obéit à trois principes constamment réaffirmés depuis cette date :

– 1°le mineur envoyé en colonie est placé sous la protection de l’État ;

– 2°les accueils et les équipes d’encadrement sont soumis à une obligation de déclaration préalable ;

– 3°les activités proposées doivent avoir un objectif éducatif déclaré et être conduites par un personnel qualifié.

L’administration s’est attachée aux conditions d’accueil et d’encadrement des enfants en fixant des seuils et des normes. Pour les faire respecter, elle obtient d’être informée par avance du lieu d’installation de la colonie, du nombre d’enfants accueillis et de la composition de l’équipe d’encadrement par une déclaration préalable faite par l’organisateur du séjour.

La déclaration préalable est un régime de réglementation des activités privées moins rigoureux qu’une autorisation préalable, quoique les procédures d’agrément des lieux d’accueil et des associations organisatrices mises en place progressivement tendent à s’en rapprocher. Elle permet aux services de diligenter des contrôles en se substituant aux parents pour vérifier, sur pièces et sur place, que les termes de la délégation de l’autorité parentale accordée à l’organisateur du séjour sont respectés et que la sécurité des enfants est assurée.

Ces contrôles et les sanctions à la fois administratives et pénales qui s’appliquent aux infractions constatées font respecter une réglementation des accueils qui a, dès l’origine, été précise et détaillée. Cette décision concerne l’organisation de la colonie, la disposition et la tenue des installations mais aussi la nature des activités proposées, la composition et le niveau de formation de l’équipe d’encadrement.

L’intervention de l’État dans l’organisation des colonies a pu heurter le milieu associatif, qui prenait en charge les enfants sur délégation de leurs parents. Elle a cependant été reconnue comme légitime dès 1924, par une déclaration de la Société des Nations, au nom de la protection des droits de l’enfant. Elle a été justifiée par les conditions d’accueil des jeunes vacanciers de plus en plus sommaires observées au cours de la forte croissance des premières colonies.

Elle a été toutefois d’autant mieux acceptée qu’elle s’est accompagnée d’une distribution de subventions aux principales associations qui organisaient les séjours, en contrepartie de leur agrément par une administration de tutelle qui contrôle, par ce moyen, leur orientation et leurs principes pédagogiques.

La réglementation des ACM reste marquée par la continuité juridique des trois principes précédents. L’hygiène et la sécurité physique des enfants ont toujours occupé le premier rang des préoccupations des services de l’État. En revanche, l’orientation éducative des séjours, les formes d’encadrement, les lieux de séjours et les activités autorisées sur place, réglementés jusque dans leur détail, ont varié au gré du transfert de la tutelle des accueils d’un ministère à l’autre.

Avant l’été 1938, la tutelle administrative des colonies est exercée par les services de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice, qui leur appliquent le droit commun de la protection de l’enfance en déshérence et de la répression de l’enfance coupable. Le décret-loi du 17 juin 1938 transfère cette tutelle à un sous-secrétariat aux sports et à l’organisation des loisirs, rattaché au ministère de la santé publique, qui fait prévaloir, dans les textes, ses préoccupations hygiénistes.

Cette tutelle est transférée, à la Libération au ministère de l’éducation nationale. Ce transfert marque l’influence croissante des préoccupations éducatives des mouvements laïques proches du ministère au détriment des œuvres caritatives confessionnelles qui assuraient auparavant le principal de l’encadrement des colonies. L’État ne s’inquiète plus seulement des conditions d’accueil des mineurs mais tout autant des principes pédagogiques de l’éducation informelle qui leur est dispensée sur place. Ce sera l’âge d’or des colonies de vacances d’été.

2. Un âge d’or des colos d’été sous l’égide de l’éducation nationale

Selon l’historien André Rauch, entendu par la mission d’information, le baby-boom et l’exode rural, aboutissent conjointement, dans les années 1950, à l’apparition, dans les villes, de classes d’âge scolaire très nombreuses. Le ministère de l’éducation nationale, à l’initiative de René Capitant et de Jean Guéhenno, veut les faire profiter du bon air et de l’alimentation saine des colonies pendant les mois des vacances d’été, pour qu’ils continuent d’échapper aux pénuries du rationnement, dont les cantines scolaires les préservent le reste de l’année, et qu’ils ne restent pas désœuvrés quand leurs parents n’ont pas encore les moyens de partir en vacances.

Entre 1949 et 1959, l’État soutient une politique de départ en colonies d’été du plus grand nombre possible d’enfants d’âge scolaire. Le ministère consacre à cette politique des moyens humains et budgétaires importants. Ces moyens sont confiés à une direction générale de la jeunesse et des sports qui est installée en 1948. Elle définit encore aujourd’hui la politique d’éducation populaire de l’État. La direction générale désigne, par le moyen de l’agrément jeunesse et sport, les associations aptes à organiser les séjours de vacances des mineurs désignés par les écoles et leur accorde une subvention par enfant et par journée qui couvre près de la moitié du prix du séjour. Le ministère obtient de la SNCF et des sociétés de transport par car des prix avantageux.

Le ministère ne se soucie pas seulement d’envoyer en colonies d’été le plus grand nombre d’enfants possibles. Il organise aussi la formation des équipes d’encadrement, requises en nombre par la progression rapide des départs, aux techniques de l’animation et de l’éducation informelle mises au point dans les années 1930 par les centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMEA).

Il donne à ces méthodes une reconnaissance institutionnelle par l’octroi, à l’issue des formations dispensées par les CEMEA et quelques autres associations choisies et subventionnées, de diplômes d’État d’animateurs et de directeurs de colonies, créés par un décret du 6 janvier 1954 et rendus obligatoires pour la majeure partie du personnel d’encadrement d’un séjour de vacances collectives.

Enfin, le ministère ne se contente pas de subventionner les associations qui organisent les séjours ou qui forment leurs animateurs. Il mobilise le corps enseignant pour convaincre les parents de laisser partir leurs enfants avec leurs instituteurs. Ces derniers doivent passer leurs diplômes d’animateur pendant leur formation à l’école normale.

Comme l’a rappelé le professeur André Rauch, « les brevets sont rendus obligatoires dans la formation des instituteurs qui passent dans les CEMEA un stage de pâques et participent obligatoirement à une colonie de vacances dans leur quatrième année d’étude avant de prendre la direction d’une colonie pendant leurs congés d’été, souvent en couple, lui étant directeur, elle économe, puisque l’on se marie entre instituteurs. Ceux que l’on a plus ou moins adroitement qualifiés de "Hussards noirs de la République" avaient reçu une formation civique à l’école normale, emprunte d’un moralisme très fort qui les conduit à consacrer leurs étés à diriger des colonies de vacances qui ne sont pas, pour eux, un appoint financier ».

Ces instituteurs, incités à consacrer une partie de leurs vacances à organiser, administrer et diriger des colonies de vacances, reçoivent en contrepartie une indemnité modique. Des enseignants qui militent dans les associations laïques proches du ministère, comme l’Union française des œuvres de vacances laïques (UFOVAL), créée en 1934 par la Ligue de l’enseignement pour développer les colonies, obtiennent des décharges de services pour animer les formations ou sont mis à la disposition des instances associatives pour s’investir dans leur gestion administrative.

Enfin, l’État finance la construction de centres de vacances pour accueillir les enfants envoyés en colonie pendant les mois de juillet et d’août. Il réserve à ces projets des crédits dans les plans successifs de reconstruction puis d’équipement du pays, sous forme de subventions directes ou de prêts aidés et définit les schémas d’architecture et d’aménagement des centres. Ces constructions augmentent rapidement le patrimoine des colonies qui était auparavant surtout constitué par des bâtiments anciens, villas de bord de mer ou châteaux déjà évoqués.

Selon M. Bernard Toulier, architecte et conservateur du patrimoine, dans cette période d’apogée des colonies, « des pavillons accueillent des enfants en petits groupes de 20 à 40 et non plus par milliers. C’est une architecture fonctionnaliste. Les jeunes ont une autonomie dans les petits pavillons mais, et c’est une signature française, même pour un centre nouveau, on distribue ces pavillons autour d’un vieux château qui n’accueille même pas un grand réfectoire. La direction régionale des affaires culturelles des Pays de la Loire signale, entre 1945 et 1965, une grande part de constructions nouvelles, plus de 60 %, dans les colonies de Vendée et de Loire-Atlantique.

« Aujourd’hui, on n’imagine plus construire du neuf pour accueillir les colonies de vacances qui ont un côté vieillot. On n’imagine pas davantage donner aux enfants le meilleur de l’architecture d’aujourd’hui tandis qu’entre 1946 et 1970, on trouvait normal qu’ils puissent fréquenter un centre de vacances modernes, comme celui construit par la municipalité de Bezons à Saint-Hilaire-de-Riez… Les enfants, issus du baby-boom avaient droit à la meilleure architecture et étaient engagés par elle dans la modernité. Aujourd’hui, les centres de vacances ne portent plus l’image du progrès ».

La politique du ministère de l’éducation nationale produit des résultats spectaculaires. En 1945, les colonies de vacances d’été accueillent 350 000 enfants d’âge scolaire. Ce nombre passe à 900 000 enfants en 1951, encadrés par 75 000 moniteurs et 7 000 directeurs, répartis dans 13 265 lieux de séjour puis 1,2 million de colons en 1959 avant d’atteindre un maximum d’1,35 million pour les seules colonies d’été au milieu des années 1960. Cette période de l’après-guerre est devenue, dans la mémoire collective, l’âge d’or des colonies de vacances.

Selon M. André Rauch, « le départ en vacances familial n’est pas possible avant les voitures personnelles et on ne parle pas de la 4 CV Renault avant 1953. Alors que dans les milieux ouvriers et employés, les familles vont encore souvent en vacances chez des proches à la campagne, pour donner un coup de main aux travaux des champs, par solidarité familiale, entre dans les mentalités l’idée qu’une famille doit à ses enfants des vacances ».

Les colonies de vacances deviennent un cadeau préparé toute l’année par l’économie du Sou des écoles et fait aux enfants pendant l’été. Cet âge d’or des colonies de vacances d’été dure jusqu’au milieu des années 1960. Selon M. André Rauch, « la chanson de Pierre Perret, Les jolies colonies de vacances, qui est ironique, marque que cet âge d’or est déjà passé ».

La fréquentation des colonies d’été ne commence à diminuer qu’en 1966 mais dès le changement de régime, en 1958, l’éducation nationale s’est désengagée de leur organisation et le ministère des sports en a repris la tutelle administrative. Ce retrait se traduit par une diminution de la participation des instituteurs à l’encadrement des séjours et par une réduction progressive des mises à disposition.

Les crédits budgétaires qui couvraient la moitié du coût des départs sont maintenus mais leur montant est détaché du nombre des mineurs accueillis chaque été par les associations agréées. Convertis en subventions de participation aux frais généraux des associations nationales et en équivalents budgétaires de postes mis à leur disposition, ces crédits progresseront jusqu’aux années 1970.

Le retrait de l’éducation nationale laisse également les colonies sans orientation pédagogique officielle. L’État veille à ce qu’il n’arrive rien de mal aux enfants pendant leur séjour mais il ne s’occupe plus de fixer les principes de leur éducation pendant les vacances, les familles et les associations organisatrices agréées étant jugées aptes à en décider seules.

Livrées à elles-mêmes, les associations adaptent rapidement et avec succès l’organisation et le contenu de leurs séjours à la demande des familles, des collectivités territoriales et des comités d’entreprise, sur lesquelles repose désormais la majeure partie du financement des colos.

3. Après l’âge d’or, les associations s’adaptent à la demande

L’évolution de la fréquentation des séjours collectifs entre 1954 et 2004 est décrite par une étude publiée par l’Observatoire des vacances et des loisirs des enfants et des jeunes (OVLEJ) dans son bulletin n° 16 de décembre 2005. Deux graphiques reproduits ci-dessous décrivent cette évolution en chiffres brut et en taux de départ pour l’ensemble de la classe d’âge.

Fréquentation des séjours collectifs de 1954 à 2004

Source : OVLEJ, bulletin n° 16 de décembre 2005.

Part de la population de 5 à 19 ans accueillie en séjours collectifs de 1954 à 2004

Source : OVLEJ, bulletin n° 16 de décembre.

Les deux graphiques attestent que la fréquentation des colonies de vacances d’été atteint son plus haut niveau en 1995. À cette date, 12 % des classes d’âge scolaire du baby-boom passent un mois d’été en colonies alors qu’il n’y a de colonies que l’été. Après cette date, les effectifs des colonies d’été baissent régulièrement jusqu’à aujourd’hui. C’est le déclin d’un modèle de colonies qui, d’une part, n’est plus encouragé par l’État et, d’autre part, n’est plus porté par un élan militant ou éducatif.

Cependant, ce modèle reste largement subventionné par l’État, les caisses d’allocations familiales, les municipalités et les comités d’entreprise. La diminution des aides publiques et sociales aux départs a eu des conséquences sur la baisse de fréquentation des colonies d’été, mais les facteurs qui expliquent le changement du modèle des séjours collectifs de vacances sont avant tout économiques et sociologiques. En effet, entre la fin des années 1960 et le début des années 1980, les colonies de vacances connaissent une mutation. Cette deuxième crise de croissance est provoquée par l’évolution de la société française vers le consumérisme et en particulier vers la consommation de loisirs.

La croissance du revenu disponible des ménages dans les années 1960 permet aux familles, même modestes, d’acheter une automobile et de voyager. Parents et enfants partent en vacances ensemble dans des villages aménagés, en campings, en stations balnéaires ou de sport d’hiver puis en hôtels-clubs. Le développement de l’économie du tourisme et des vacances familiales est accompagné par l’État, qui reporte ses dépenses d’investissement destinées aux centres de vacances d’été vers des infrastructures de sports et de loisirs.

Les colonies de vacances auraient pu disparaître sous le coup de cette évolution de la société. Au contraire, les statistiques de fréquentation indiquent qu’après un fléchissement dans les années 1970, elles redeviennent à la mode dans les années 1980. Le pic de fréquentation des séjours collectifs est atteint en 1983, avec plus de 1,6 million de départs en séjours collectifs de vacances enregistrés sur l’année. L’année 1995 fait mieux encore, si l’on rapporte la part des mineurs accueillis à l’effectif de la classe d’âge des 5-19 ans qui est réduite à partir de 1978 avec la fin du baby-boom cinq ans plus tôt.

Le taux de départ en colonies de vacances était de 11 % à 12 % tout au long des années 1960 et 1970. Il atteint 13 % dans les années 1980 puis 14 % en 1995. Comme le constate l’OVLEJ, « le point culminant de la fréquentation des centres de vacances ne se situe pas dans les années 1960 comme on tend à le penser » et ne correspond pas à leur âge d’or qui n’était en fait que celui des colonies d’été d’un mois.

Les séjours qui sont davantage fréquentés dans les années 1990 que ceux des années 1960 sont très différents. Ils témoignent d’une adaptation de l’offre proposée par les associations, qui continuent d’organiser la très grande majorité des séjours. Ce sont d’abord les séjours en colonies pendant les petites vacances qui font leur apparition et compensent en partie la désaffection observée pour les séjours d’été.

Les colonies organisées pendant les vacances d’hiver et de printemps et, marginalement, pendant les vacances de Toussaint, ne durent que deux semaines au plus mais réunissent jusqu’à 400 000 enfants au cours des années 1980, soit le tiers des effectifs des colonies d’été. Cet essor des courts séjours bénéficie principalement aux stations de sports d’hiver.

Les séjours de ski connaissent une croissance très rapide dans les années 1970, largement soutenue par l’État dans le cadre de la planification quinquennale des investissements publics. Du « plan neige » de 1964 et jusqu’en 1975, les plans définissent et subventionnent une série de programmes d’équipements sportifs en montagne dont ils confient la réalisation et l’exploitation commerciale à des promoteurs privés, qui peuvent disposer de réserves foncières allouées par les communes.

De grandes stations de sport d’hiver voient le jour d’abord en moyenne montagne puis en haute altitude. Elles sont dites « intégrées » parce que leur construction ajoute aux installations municipales de sports d’hiver des résidences privées de tourisme, des infrastructures hôtelières et même des centres de vacances pour les colonies. Les comités des grandes entreprises publiques et privées participent à l’effort d’équipement en finançant la construction de centres de vacances dans les stations des Alpes ou des Pyrénées.

Les associations organisatrices de séjours s’engagent dans une politique commerciale qui leur permet de s’affranchir en partie du soutien financier de l’État et des collectivités territoriales. Elles reprennent les techniques commerciales du secteur du tourisme. Elles captent et fidélisent une demande familiale de séjours sans déployer de réseau commercial propre, en éditant des catalogues qui vantent les activités pratiquées pendant les séjours tout autant que le cadre touristique qui les accueille.

Les activités proposées sont plus sportives que les jeux élaborés par les CEMEA. Elles utilisent à plein les investissements publics dans les infrastructures de sports et de loisirs sportifs ou de plein air. Les séjours, plus courts, deviennent thématiques. Les vacances de neige favorisent cette spécialisation qui gagne les séjours installés à la campagne avec la pratique de sports de rivière, des parcours en vélo tout terrain et les séjours à la mer avec des initiations aux sports nautiques et à la plongée sous-marine. Les colos ont été également des lieux de démocratisation d’activités relativement courantes aujourd’hui : VTT, tennis, planche à voile…

Sans concerner toute l’offre de séjours proposée par les associations, qui reste, surtout pendant l’été, dominée par les séjours dits multi-activités qui s’en tiennent aux animations traditionnelles, la spécialisation thématique de l’offre sert les politiques commerciales en valorisant l’image de marque des associations dans les catalogues. Les séjours les plus originaux ou les plus attirants, qui sont aussi les plus chers, servent d’appâts pour la vente de séjours plus classiques.

Une approche des vacances collectives caractérisée par la consommation quantifiée d’activités succède parfois à l’approche éducative. La réglementation des séjours, modifiée en 1960, 1963 et 1973, s’y adapte en encadrant plus strictement l’exercice d’activités sportives, de plein air, de montagne et de bains de mer. Les associations remplacent les instituteurs qui animaient les anciennes colonies par des moniteurs plus jeunes. Ces derniers sont moins souvent engagés dans un projet éducatif ou militant qu’attirés par des vacances gratuites leur assurant le gîte et le couvert et même une indemnisation modique, dont le principe reprend celle versée aux instituteurs volontaires.

Ces moniteurs deviennent des animateurs lorsqu’un décret du 8 février 1973 remplace les anciens diplômes d’État mis en place par le ministère de l’éducation nationale par des brevets d’aptitudes aux fonctions d’animateur (BAFA) et de directeur de colonies de vacances (BAFD), dont l’attribution appartient au secrétariat d’État chargé de la jeunesse, des sports et des loisirs. La formation exigée pour l’obtention des brevets n’est guère différente de celle qui était dispensée aux moniteurs mais le changement de dénomination traduit un changement de conception.

La finalité éducative s’efface parfois au profit de la conduite d’activités qui deviennent une fin en elles-mêmes et dont la pratique suffirait à assurer spontanément l’éducation des jeunes. Les enseignants cèdent progressivement la place à des animateurs de loisirs qui ne se distinguent guère de ceux employés dans les clubs de vacances familiales et à des moniteurs de sport aptes à encadrer la pratique d’activités dangereuses, même chez les plus jeunes.

Cette adaptation consumériste de l’offre de séjours a permis aux associations de compenser, sur l’année, la baisse d’activité des centres de vacances d’été. La plupart des associations apparues dans les années 1930 ont poursuivi leurs activités jusqu’à aujourd’hui. Les effets des crises économiques successives à partir de 1973, sans être négligeables sur la fréquentation des colos, ont surtout atteint celles organisées par les comités des entreprises touchées par les restructurations industrielles, dans les secteurs du textile, des mines et de la sidérurgie.

À défaut de soutenir les colonies de vacances des entreprises, quand nombre d’entre elles disposaient encore d’un patrimoine de centres de vacances d’été ancien, coûteux à entretenir et affecté par une baisse de fréquentation l’été, l’État a préféré instaurer un système de distribution aux salariés, par les comités d’entreprise, de chèques-vacances. Le principe de ces chèques avait été établi par une union coopérative et soutenu par les syndicats, le mouvement mutualiste et coopératif et les associations du tourisme social. Il s’agissait de favoriser l’accès aux vacances familiales des salariés les plus modestes, en abondant le montant du chèque vacances par une épargne salariale.

L’ordonnance du 26 mars 1982 portant création des chèques-vacances, prise sur le rapport d’André Henry, ministre du temps libre, reprend le principe d’un droit des travailleurs aux vacances après que le Gouvernement a accordé une cinquième semaine de congés payés. Ces chèques devaient être principalement distribués aux salariés les plus défavorisés, tout en garantissant que les prestations couvertes par les chèques soient suffisamment nombreuses pour qu’ils conservent une large liberté de choix. Le rapport indiquait toutefois que les activités d’éducation populaire et de pleine nature pourraient être payées par des chèques-vacances parce qu’elles sont « un facteur d’amélioration de la qualité du temps libre ».

Si ces chèques ont pu accélérer le désengagement des comités d’entreprise de l’organisation directe de colonies de vacances, ils ont cependant profité aux associations organisatrices de séjours qui ont toutes été agréées auprès de l’Agence nationale pour le chèque-vacances (ANCV), responsable de l’impression, de la distribution, de l’encaissement et du remboursement des chèques. L’aide indirecte accordée par l’État, sous forme d’exonération d’impôts et de charges sociales, qui fait tout l’intérêt de ces chèques, a soutenu la fréquentation des colonies de vacances associatives par les enfants des salariés des grandes entreprises jusqu’aux années récentes.

Même en considérant l’ensemble des familles, les statistiques qui mesurent le taux de départ en vacances des jeunes sous toutes ses formes indiquent que ce taux a continué de progresser sans interruption entre 1960 et 2004, passant de 50 à 75 % selon l’enquête INSEE Vacances, quand le taux de départ en vacances de la population passait de 43 % à 65 %.

Selon M. André Rauch, les familles n’ont pas hésité à puiser dans leur épargne ou à réduire d’autres postes de dépenses pour maintenir leur budget de départ en vacances et en particulier celui des vacances des enfants. C’est pourquoi les effets récessifs des crises économiques n’ont guère affecté le secteur des colonies de vacances entre 1973 et 2008.

De nouvelles formes de séjours collectifs sont même apparues en pleine crise économique. Les séjours linguistiques à l’étranger se sont multipliés avec l’implication, sur ce créneau, de sociétés commerciales spécialisées, à côté des associations traditionnelles.

Comme l’indiquent les deux graphiques précédents, alors que la fréquentation des séjours de vacances en France atteint un palier dès 1983, celle des séjours organisés à l’étranger continue de progresser jusqu’au début des années 1990, au point d’atteindre un nombre de départs annuels équivalent à celui des départs en colonies pour les petites vacances.

Les associations organisatrices de colos ont su s’adapter à l’évolution de la demande des familles et des entreprises en compensant la diminution continue de la fréquentation des colonies d’été traditionnelles par des offres de séjours plus attractives. Un point d’équilibre semblait atteint au milieu des années 1990, avec même d’heureuses surprises comme celle du pic de fréquentation observé en 1995 dans toutes les catégories de colonies, en dépit de l’environnement économique défavorable créé par la récession de 1993. C’est alors que se produit un effondrement de la fréquentation des centres de vacances qui apparaît dans les statistiques des années suivantes.

4. Une fréquentation des colos en baisse constante depuis 1995

La baisse de fréquentation des colonies de vacances relevée statistiquement depuis 1995 a été une source d’interrogation pour la mission. Au cours de ses travaux, elle a pu constater que les préoccupations qui ont abouti à sa création par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale dépassaient l’actualité juridique du temps de repos des animateurs, dont il sera question plus loin, et trouvaient leur origine dans la troisième crise qu’affronte le secteur des colonies de vacances.

À bien des égards, cette troisième crise pourrait sembler comparable aux deux précédentes puisqu’elle mêle des incidences sociologiques et économiques qui bouleversent les équilibres rompus successivement dans les années 1930 et 1960 et rétablis dans les deux décennies suivantes. À la lecture des statistiques de fréquentation des centres de vacances dans les premières années de la décennie 1990, on pouvait croire les colonies tirées d’affaire, leur activité stabilisée et leur rentabilité assurée, en dépit de la disparition des aides d’État et de l’arrêt des programmes d’équipement en infrastructures de vacances collectives.

C’est au contraire un constat inquiétant qui ressort de l’étude approfondie, conduite par l’OVLEJ, des chiffres de fréquentation et d’organisation de séjours de vacances. Le taux de départ des 5-19 ans en séjours collectifs de vacances de plus de 5 nuits, c’est-à-dire en colonie de vacances, qui avait atteint 14 % en 1995, n’est plus que de 7,5 % en 2011.

Si l’on considère le nombre de départs, la chute est moins spectaculaire. Sur l’année scolaire 2010/2011, 1,4 million d’enfants et d’adolescents ont été hébergés dans un centre de vacances, soit autant que le nombre de jeunes accueillis dans les colonies de vacances d’été en 1962 mais 250 000 de moins qu’en 1995.

Cette comparaison ne tient pas cependant pas compte de la forte reprise de la natalité depuis 2000 et de l’intégration dans les statistiques, après 2006, de séjours courts qui n’étaient pas comptés auparavant.

Les statistiques des accueils collectifs de mineurs

Les séries statistiques homogènes qui permettraient d’apprécier, sur de longues périodes, le nombre et les conditions des départs en vacances des Français et plus particulièrement des jeunes font défaut pour plusieurs raisons. Ces séries n’ont, pour l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), qu’un caractère facultatif et accessoire. Elles ne donnent pas lieu à des recensements systématiques mais à des enquêtes périodiques par sondage. Comme l’indique le bulletin des résultats de l’INSEE n° 4 de mai 2002, « l’observation par sondage des vacances des Français s’est poursuivie de façon régulière, depuis 1965, pour les vacances d’été et, depuis 1969, pour les vacances d’hiver. Entre 1973 et 1994 inclus, l’enquête a eu lieu deux fois par an dans le cadre de l’enquête communautaire de conjoncture auprès des ménages. À partir de 1994, il a été décidé que l’enquête serait réalisée tous les cinq ans, en octobre, dans le cadre des enquêtes permanentes sur les conditions de vie des ménages. La première enquête de ce type a eu lieu en octobre 1999. » La suivante, réalisée en 2004, fut en fait la dernière de cette ampleur et les publications qui figurent dans la rubrique « Vacances et loisirs » du site de l’INSEE sont désormais éclatées en sujets précis et d’une périodicité moindre.

Ce peu d’intérêt de l’INSEE pour la mesure statistique des vacances peut s’expliquer d’une part par la réduction budgétaire des moyens de l’INSEE et, d’autre part, par l’existence d’observatoires privés spécialisés sur ces thèmes, principalement le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC) et l’Observatoire des vacances et des loisirs des enfants et des jeunes (OVLEJ). L’OVLEJ est une création associative (JPA, UNAT, UFCV) face au manque d’informations émanant du ministère de la Jeunesse et de l’INSEE. À la différence d’instituts d’enquêtes à but lucratif, œuvrant dans des secteurs rémunérateurs et disposant de ce fait de commandes nombreuses et bien payées, ces observatoires disposent de moyens réduits et restent dépendants des subventions publiques quand ils veulent s’intéresser à des secteurs économiques dont les opérateurs sont très nombreux, de petites tailles et peu intéressés par des enquêtes nationales.

Ces deux organismes ont néanmoins publié régulièrement des enquêtes approfondies sur les vacances des mineurs et les colonies de vacances (1). À défaut de séries statistiques homogènes et continues, les résultats de ces enquêtes donnent des indications quantitatives précises et documentées sur l’évolution des séjours de vacances. Cependant, les études, à la différence des sondages réalisés par l’INSEE, s’en remettent principalement aux relevés des déclarations obligatoires des accueils collectifs de mineurs, collectées par la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA). Or, ces déclarations obéissent à des règles légales qui ont beaucoup fluctué. Elles n’ont concerné d’abord que les colonies de vacances avant de s’étendre aux centres de loisirs. Elles ne s’appliquaient qu’aux accueils dépassant des seuils définis en nombre de places et de jours d’hébergement, qui ont été plusieurs fois revus, rompant ainsi à plusieurs reprises l’homogénéité des séries statistiques tirées de ces déclarations.

Jusqu’au 30 avril 2003, étaient comptés comme séjours de vacances ceux de plus de 5 nuits. Ceux réunissant plus de 12 mineurs étaient obligatoirement déclarés. Ceux réunissant moins de 12 mineurs pouvaient l’être facultativement. Entre mai 2003 et décembre 2006, la déclaration facultative de séjours de moins de 12 mineurs a été supprimée. Plus préoccupant pour la fiabilité des données recueillies, à partir du 1er mai 2003, les chiffres prévisionnels qui sont communiqués par les organisateurs avant le début du séjour ne sont plus rectifiés comme ils l’étaient auparavant selon l’effectif réel de mineurs constaté après le début du séjour. Les effectifs comptabilisés après cette date sont donc surévalués dans des proportions inconnues puisque le changement des seuils de déclaration et la tendance générale à la baisse des départs en séjours de vacances ne permettent pas de reproduire, par défaut, sur les données collectées depuis 2003, les écarts moyens constatés lorsque les effectifs prévisionnels étaient corrigés.

Depuis 2007, les accueils de mineurs avec hébergement doivent être déclarés préalablement dès qu’ils réunissent plus de 6 mineurs et ce, quel que soit le nombre de nuits de séjour prévues. Un grand nombre de séjours courts, de moins de 6 jours, ont donc fait leur apparition dans les relevés statistiques. Ils n’étaient pas obligatoirement déclarés avant 2006. Depuis 2007, ils sont recensés dans deux catégories de séjours, celle des séjours de vacances courts et celle des activités d’hébergement accessoires d’un accueil de loisirs.

Le ministère reconnaît que les ruptures entraînées par les modifications des contraintes légales et des catégories du régime de déclaration des ACM, jointes au fait que ces déclarations « n’étaient pas correctement enregistrées », nuisent à l’interprétation des données collectées. Ces réserves méthodologiques étant posées, les tendances relevées dans les séries statistiques disponibles, depuis les années 1950, sur le taux de départ en séjours collectifs des 5-19 ans sont suffisamment affirmées pour être significatives. Enfin, répondant aux inquiétudes des secteurs des vacances collectives de mineurs et du tourisme, les ministères de la jeunesse et de sports et du tourisme ont mis en place des services statistiques qui suppléent, par leurs publications, à la raréfaction des enquêtes nationales. La mission des études de l’observation et des statistiques (MEOS) de la DJEPVA publie régulièrement des bulletins. Le service statistique du ministère du tourisme devrait également publier, à la demande d’Eurostat, à partir de juin 2013, des études trimestrielles et mensuelles sur les départs en vacances et les profils des non-partants.

Le tableau suivant, qui exclut les séjours inférieurs à 6 nuits afin de rendre la série statistique plus homogène, montre que la baisse de fréquentation des séjours sur les 15 dernières années affecte toutes les périodes de vacances et non plus seulement les vacances d’été qui rassemblent encore deux tiers des départs.

Les mineurs en centres de vacances par tranche d’âge, période et destination

Source : INSEE – DJEPVA.

La baisse de fréquentation est particulièrement accusée pour les deux premières classes d’âge, 4-6 ans et 7-12 ans, tandis que le taux de départ des adolescents régresse moins vite. Compte tenu de la rupture de la série statistique en 2003, les comparaisons doivent être faites séparément pour les périodes qui précèdent et suivent cette rupture. Le nombre de nuits d’hébergement en accueil collectif retracé dans le graphique suivant indique, de manière encore plus significative, que le nombre ou taux de départ de mineurs, la désaffection relative dont souffrent les colonies de vacances depuis 1995 :

Source : DJEPVA – note février 2004 Jeunesse et vie associative du ministère de l’éducation nationale.

Au summum de la fréquentation des centres de vacances, toutes périodes confondues, en 1995, le ministère comptait 28 millions de nuitées. Depuis, ce nombre n’a cessé de diminuer, sur un rythme beaucoup plus rapide que la diminution du nombre de départs. En 2011-2012, le ministère ne compte plus que 14 millions de journées enfants en centre de vacances. Cet effondrement de la fréquentation est, dans les statistiques précédentes, dissimulé par une moindre baisse du nombre de départs, qui n’a diminué que de 15 % sur la même période.

Cette évolution est confirmée par les services de la DJEPVA. Leur directeur, M. Yann Dyevre, a indiqué à la mission que « les familles vont vers des séjours plus courts qu’avant. Ce qui s’explique aussi par l’évolution plus globale de la façon de prendre ses vacances, plus tronçonnée. Les séjours collectifs de 3 semaines ou 1 mois ne sont plus du tout dans l’air du temps. Les familles sont intéressées par des offres assez courtes, faciles à prendre et jusqu’au dernier moment ».

La rapidité avec laquelle les courts séjours se sont imposés est surprenante. Entre 1994 et 1998, le nombre moyen de jours par séjour et par mineur est passé de 17 à 16. Elle tombe à 14 jours en 2002 et à 9,7 en 2011. Autrement dit, le raccourcissement des séjours s’est brutalement accéléré entre 2002 et 2012. Les séjours de vacances de plus de deux semaines étaient largement majoritaires en 1995. Ils sont devenus rares. La réduction de la durée des séjours est également un moyen d’en faire baisse le coût et de les rendre plus accessibles.

La durée moyenne des séjours de plus d’une semaine n’a cessé de se réduire, passant de 17 jours en 1994 à moins de 10 jours aujourd’hui, les durées les plus pratiquées étant désormais de 5 à 8 jours. Les séjours de deux semaines complètes représentent encore 20 % de l’offre. En revanche, les séjours de trois et quatre semaines, qui étaient la norme à l’origine des colonies de vacances et pendant leur âge d’or, sont en voie de disparition.

Le graphique suivant indique que, tous lieux confondus, la durée moyenne d’un séjour collectif de vacances est désormais de 7,4 jours et celle des mini-camps en accueils de loisirs de 3,4 jours. La moitié des 68 798 séjours déclarés a duré moins de 6 jours, 5 jours étant la durée la plus fréquemment observée. 7 800 séjours ont duré deux semaines et 5 000 séjours plus de deux semaines.

Alors que la fréquentation des colonies de vacances diminue, le nombre de séjours collectifs de mineurs recensés augmente. À réglementation constante depuis 2007, la DJEPVA recense 65 402 séjours collectifs de mineurs en 2007-2008 et 66 798 en 2010-2012. En réalité, ces deux nombres couvrent deux tendances inverses.

Selon une première tendance, le nombre de séjours en centres de vacances diminue. Il passe, dans la même période de 47 468 à 42 380, soit une baisse de 10,7 % et, sur ce total, le nombre de séjours de vacances de plus de 5 jours n’est plus que de 32 000 en 2012, en baisse de 12,8 % en quatre ans. Tous les séjours de vacances ne subissent pas une baisse d’activité. Les séjours sportifs et linguistiques, qui comptent les uns et les autres pour moins de 10 % des séjours, échappent remarquablement à la désaffection qui frappe les colonies de vacances.

À l’inverse de la première tendance, à la baisse, des colonies, la seconde tendance, à la hausse, des mini-camps organisés dans les centres de loisirs à titre d’activité accessoire est spectaculaire, comme en témoignent les relevés suivants :

5. Les mini-camps tiennent lieu de centres de vacances

Le basculement rapide, depuis le début des années 2000, des vacances collectives de mineurs des colonies de plusieurs semaines vers des courts séjours de moins d’une semaine, dans le centre de loisir de la commune, à proximité du domicile familial et, dans une moindre mesure, dans un camp scout, apparaît de manière spectaculaire dans les relevés statistiques.

L’extension du régime de la déclaration préalable à l’accueil collectif de plus de 6 mineurs, dès la première nuit d’hébergement hors du domicile familial, a révélé l’ampleur du phénomène des « mini-camps ». Ces séjours, qui sont inférieurs à 6 jours et se déroulent dans des accueils de loisirs ou de jeunes – dont l’hébergement de mineurs n’est qu’une activité accessoire par rapport à l’accueil de jour – connaissent une croissance rapide.

L’administration de tutelle des colonies de vacances et des centres de loisirs aurait fait preuve d’une réactivité remarquable en adaptant très rapidement la réglementation des accueils collectifs de mineurs à ce phénomène émergent, qui n’avait cependant pas pour origine, de la part des organisateurs de ces mini-camps, une volonté de se soustraire aux contrôles réglementaires pesant sur les séjours collectifs plus longs.

Le nombre de mini-camps, passé de 17 928 à 24 615, explique la hausse du total des séjours collectifs déclarés. Le nombre de mineurs accueillis dans ces mini-camps est passé de près de 300 000 en 2008 à 420 000 en 2011, laissant imaginer une progression exponentielle jusque-là. Cette progression a compensé en partie la désaffection pour les colonies des vacances et stabilisé le nombre total de départs de mineurs en vacances collectives depuis 4 ans autour d’1,8 million.

Ce nombre pourrait être favorablement comparé à celui des départs en colonies dans les années 1960, qui n’atteignait que 1,35 million, et même au 1,6 million de départs des années 1983 et 1995. Cette comparaison serait beaucoup plus flatteuse que celle des nuitées d’hébergement qui, même en tenant compte des mini-camps, stagnent à 16 millions contre 27 millions en 1995. Ce nombre de nuitées, désormais appelées « journées enfants », continue de diminuer, 700 000 nuitées étant perdues entre 2007 et 2011 et 700 000 à nouveau pour la seule année 2012.

Le succès croissant des mini-camps en centre de loisirs qui répond à la baisse continue de la fréquentation des séjours de vacances pourrait suggérer que les deux formes de séjours sont concurrentes et que l’avantage est aux mini-camps, qui se substituent peu à peu aux colonies plus longues dans des centres éloignés des zones urbaines. La DJEPVA fait sienne cette analyse en relevant « un report d’activités des séjours de vacances vers les accueils de loisirs, dont les mini-camps, qui sont compris dans nos statistiques de départs.

« Depuis une dizaine d’années, de plus en plus d’enfants, quand ils partent, le font dans un centre de loisirs pour faire un mini-camp. Le modèle de colonie de vacances où l’on part 2 ou 3 semaines est de ce fait moins présent, par un effet de transfert d’activités qui s’est encore confirmé cet été. L’activité colonie de vacances baisse de 3,5 % entre 2011 et 2012 alors que le nombre de départs dans les centres de loisirs augmente d’à peu près 2 % [sur la même période] ».

Néanmoins, en termes quantitatifs, les mini-camps n’excédant pas 5 jours et regroupant peu d’enfants, 17 en moyenne contre 32 pour une colonie de vacances, l’augmentation rapide de leur nombre ne permet pas de compenser la baisse de fréquentation des colonies de vacances. En outre, les services de la DJEPVA ont précisé que l’activité des mini-camps était sensible à la conjoncture économique.

La progression exponentielle des dernières années a été brutalement interrompue en 2011-2012 par une légère diminution du nombre de mini-camps organisés en centre de loisirs. Cette réduction inédite pourrait toutefois résulter des difficultés d’organisation et d’encadrement des séjours provoquées par le problème juridique des temps de repos des animateurs sous contrat d’engagement éducatif (CEE).

Il est trop tôt pour savoir si la mode des mini-camps a atteint son paroxysme ou bien s’ils vont continuer de progresser au rythme soutenu des premières années. Quoi qu’il en soit, ils rencontrent un large succès dans l’ensemble du milieu associatif et pas seulement parmi les organisateurs de centres de loisirs municipaux.

Ainsi, les représentants des deux fédérations des maisons de la culture, la Confédération des maisons des jeunes et de la culture de France (CMJCF) et la Fédération française des maisons des jeunes et de la culture (FFMJC), ont indiqué qu’ils n’organisaient pas de colonies de vacances mais que leurs mini-camps fonctionnaient bien tant en termes de fréquentation que d’engouement.

M. François Vercoutère, délégué général de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France, a donné une explication : selon lui, les mini-camps ne sont pas composés comme les séjours en centre de vacances achetés sur catalogue mais regroupent des mineurs qui se connaissent, connaissent leurs animateurs et le centre de loisirs où ils vont être accueillis quelques jours :

« Des centres sociaux organisent des camps courts de 5 ou 6 jours dans une démarche pédagogique parce que quand vous n’accueillez les enfants que dans la journée, leur retour à la maison le soir interrompt la dynamique collective du groupe que vous avez construit et vous repartez à zéro le lendemain matin.

« L’avantage des camps tient à la continuité du contact et de la dynamique de groupe sur plusieurs jours qui permet d’atteindre le terme d’une démarche éducative poussée jusqu’au bout. Il ne s’agit pas d’une offre de loisirs. Quand on a été à 8, 9 ou 10 ans très régulièrement dans un centre social, l’expérience d’un départ en camp pendant 5 jours avec des copains qui ont 12 ou 13 ans introduit une progression dans la continuité pédagogique. »

Ces camps sont construits collectivement sur une dynamique entretenue tout au long de l’année. Pour les plus de 15 ans, c’est l’aboutissement d’un engagement dans un projet.

M. François Vercoutère explique que « pour participer à l’organisation du camp, ces jeunes viennent au centre social pour réserver le camping. Ils appellent les services techniques de la mairie pour obtenir un équipement. Sur la tranche d’âge des plus jeunes, c’est une continuité pédagogique qui permet d’aller plus loin et pour les plus âgés, c’est un outil qui permet d’aller jusqu’au bout de l’engagement et de la responsabilisation. »

Le succès des mini-camps prend de court de nombreux organisateurs, contraints de réduire leur offre pour maintenir les taux de remplissage des séjours. Elle déstabilise aussi leur modèle économique en atteignant les conditions d’amortissement de leurs investissements et de leurs équipements, malgré la relative souplesse que leur confère leur structure, majoritairement associative.

En effet, compte tenu de leur forme associative, les principaux organisateurs peuvent fonctionner avec un petit nombre de salariés permanents et supporter des baisses d’activité importantes, d’autant que les personnels d’encadrement de leurs séjours sont des salariés occasionnels. Ils échappent ainsi aux difficultés financières qui, dans un secteur commercial connaissant une baisse d’activité comparable, auraient conduit nombre de sociétés à la faillite et de nombreux salariés permanents au licenciement.

En revanche, si elle n’a pas encore d’effet remarquable sur les associations organisatrices, la baisse de fréquentation des colonies de vacances aboutit à des fermetures de centres de vacances. Ces centres accueillaient, en 1998, 64 % des mineurs accueillis, 17 % étant hébergés en camps fixes, 10 % à l’étranger et 6 % participant à des circuits itinérants.

Ils étaient, dès l’origine, rarement occupés toute l’année. La chute de leur fréquentation et de la durée de séjour des colos qu’ils accueillent place un grand nombre d’entre eux sous le seuil de rentabilité.

Leur fermeture permet de maintenir le taux d’occupation des centres restant. En général, ces fermetures sont suivies par la vente du patrimoine immobilier détenu par les organisateurs de séjours, de son rachat par des promoteurs, de la destruction des installations et de la reconversion des sites.

Lors de son audition, M. Bernard Toulier a indiqué que « les services des ministères ont évalué le parc des colonies de vacances à 10 000 centres en activité au début des années 2000, sur 15 000 sites recensés pour en avoir accueilli, et porter la trace de la présence architecturale de ces centres.

« Aujourd’hui, selon un recensement des bâtiments en Loire-Atlantique et en Vendée, il reste un tiers du patrimoine des colonies en fonction, un tiers a été détruit mais garde des traces patrimoniales des colonies et un tiers est réutilisé pour d’autres usages. »

« La Vendée reste plus occupée par des colonies privées, qui y subsistent à 60 %, que la Loire-Atlantique. Cet état catastrophique invite à la réflexion, puisqu’on peut extrapoler ces proportions pour l’ensemble de la France. »

Nombre de personnalités entendues par la mission ont confirmé ces disparitions, les centres de vacances vendus cédant la place, dans les zones touristiques les plus convoitées, à des résidences de tourisme. M. Patrick Drouet, représentant l’Union nationale des associations de tourisme (UNAT), a cité plusieurs cas :

« Les Korrigan au Pouliguen ont fermé. Mesquer aussi. Les propriétaires des Océanides à la Bernerie-en-Retz ont préféré raser la colonie du ministère des finances pour installer des résidences de tourisme. Des centres de vacances ferment en Haute-Savoie, en Savoie, dans les Hautes-Alpes. L’UCPA a vendu la semaine dernière son centre des Hautes-Alpes. Les promoteurs rachètent les centres de vacances sur les sites les plus remarquables.

« L’association AVEA La Poste qui organise les colonies de vacances du comité d’entreprise de La Poste a vendu, en 2008, ses centres de vacances atlantiques (Carnac, Saint-Jean-de-Monts, Brétignolles-sur-Mer) et aucun site n’est redevenu une colonie. La direction immobilière abandonne la politique sociale de l’AVEA pour une logique de plus-value immobilière.

« On retrouve cette logique dans les communes comme Quiberon qui possédait, dans les années 1970, 14 centres de vacances de vacances alors qu’il n’en reste plus qu’un seul, géré par les œuvres des pupilles de l’enseignement public (PEP). Tous les autres ont fermé.

« Le casino au bout de la grande plage, face à Belle-Île, était l’ancien centre de vacances de la colonie de Creil. À la place de centres de vacances ouverts huit mois par an, s’installent des résidences de tourisme qui n’ouvrent que deux mois par an. »

Ces fermetures réduisent la diversité de l’offre de séjours. Si l’on ajoute à ces conditions propres aux colonies de vacances, la crise comparable qui affecte les classes de découvertes qui fréquentaient souvent les mêmes centres d’accueil, la disparition à terme des colonies de vacances au profit de courts séjours en camp d’été ou en centres de loisirs n’est pas à exclure. En effet, ces derniers ne nécessitent pas de maintenir des installations d’hébergement et de restauration coûteuses.

6. Des accueils différents selon l’âge des mineurs et les revenus
des parents

Les colonies de vacances seraient, selon ce premier scénario, en voie d’extinction, leur disparition programmée s’inscrivant d’abord dans la géographie, avec la disparition des centres d’accueil des colonies, puis dans la comptabilité nationale, avec leur régression statistique, avant de se traduire institutionnellement par la disparition du secteur associatif qui les organisait et formait leurs cadres, des circuits économiques qui les finançaient et des institutions publiques qui en assuraient la surveillance.

Ce scénario est d’autant plus plausible que les centres de loisirs qui concurrencent les colonies depuis les années 1970 sont, à bien des égards, semblables à celles-ci. De plus, ils autorisent une reconversion rapide, aussi bien des circuits de financement que des personnels d’encadrement, ouvrant même à ces derniers la perspective d’une professionnalisation de leur emploi et d’une transformation de leur poste occasionnel et de leur contrat de travail précaire en poste permanent et en contrat à durée indéterminée, mieux rémunéré.

La principale conséquence de cette substitution serait le rapatriement des centres d’hébergement des séjours collectifs de mineurs dans les principales métropoles d’où est issue la majeure partie de leur clientèle, depuis l’origine des premières colonies. La base de loisirs ou le centre aéré installé sur le territoire périurbain de la grande ville, se substituerait aux villas de bord de mer ou aux chalets de montagne, diminuant d’autant les coûts de transports et autorisant aussi bien des séjours à la journée, pendant le temps scolaire, que des mini-camps de vacances.

Ce premier scénario est, pour le moment, démenti par les études catégorielles de la fréquentation des séjours. Au lieu d’une substitution, on assiste plutôt à une segmentation du public des différents types de séjours, selon l’âge de l’enfant. Selon les statistiques de fréquentation des séjours collectifs par tranche d’âge, les mini-camps sont surtout fréquentés par les 6-10 ans et les colonies par les plus grands.

Dans les années 1990, le taux de fréquentation des centres de vacances par les jeunes de 6 à 17 ans était homogène pour les différentes classes d’âge scolaire. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas. Toutes les classes d’âge ont accusé une baisse de fréquentation des centres de vacances mais cette baisse est plus prononcée pour les enfants de 7 à 12 ans que pour les 13-16 ans. Or ce sont les premiers qui sont les principaux clients des centres de loisirs et des mini-camps.

C’est pour eux, davantage que pour les jeunes adolescents, que des places de plus en plus nombreuses en accueil de loisirs ont été ouvertes, non seulement le mercredi et le samedi après la classe mais surtout pendant les vacances scolaires. Ceci a eu pour conséquence la mise en concurrence, pour l’accueil de mineurs pendant les congés scolaires, des accueils de loisirs sans hébergement et des centres de vacances.

Si l’on ne considère que les places ouvertes pendant ces périodes, on dénombre 1,2 million de places d’accueil en juillet dans plus de 19 000 centres et 800 000 places ouvertes en août et pendant les autres vacances, Noël excepté. Les centres de loisirs offrent dix fois plus de places que les centres de vacances pendant les petites vacances et quatre fois plus que ces derniers pendant l’été. Toutefois, alors que les centres de vacances accueillent successivement des groupes de jeunes différents, les places ouvertes dans les centres de loisirs sont occupées par les mêmes enfants, qui y viennent régulièrement.

Même dans les centres de loisirs prisés par les plus jeunes, on constate une différence de fréquentation des mini-camps selon les classes d’âge, les 8-10 ans étant moins enclins à dormir sur place quelques nuits que les 11-13 ans qui sont pourtant moins nombreux qu’eux dans les centres de loisirs.

Désormais, le taux de départ en séjours collectifs de mineurs est progressif selon les classes d’âge. Avant 8 ans, les enfants ne fréquentent pas les accueils de nuit. Entre 8 et 10 ans, ils vont en ALSH et dorment parfois sur place. À partir de 12 ans, ils partent encore en colonies mais moins souvent et moins longtemps qu’auparavant. Le taux de départ en colonies de cette classe d’âge a été divisé par deux depuis les années 1990 :

Taux de départ en séjours collectifs par tranche d’âge en 2011

Source : OVLEJ.

Pour l’accueil des 10-12 ans, les mini-camps sont désormais en concurrence directe avec les centres de vacances dont ils ont capté une partie significative de la clientèle. En revanche, après l’entrée au collège, les jeunes fréquentent moins le centre de loisirs. C’est pourquoi, au lieu d’un scénario annonçant la disparition des colonies de vacances, on peut imaginer qu’elles se spécialisent dans l’accueil des jeunes adolescents, collégiens et lycéens.

Ce scénario alternatif qui imagine une complémentarité entre accueil en centres de loisirs et départs en colonies de vacances fait de ces dernières un moment de transition dans l’apprentissage individuel de l’autonomie à l’adolescence, dans une chaîne des accueils de loisirs extrascolaires.

Selon M. René Bouillon, secrétaire général de la Fédération des œuvres éducatives et de vacances de l’éducation nationale (FOEVEN) :

« Les séjours en centre de vacances et en centre de loisirs ne s’opposent pas mais sont complémentaires. Les séjours d’activité accessoires permettent un premier départ avec une équipe d’encadrement connue. Ils donnent envie d’un séjour plus long. Le séjour de vacances avec hébergement propose d’aller se confronter aux autres, avec lesquels on ne partage pas la vie quotidienne de l’école ou du centre de loisir. Les centres de vacances remplissent une mission d’intégration sociale. Ils assurent un brassage social. C’est la plus-value de ces séjours que l’on ne souligne pas assez. »

Les espoirs des organisateurs de colonies de vacances reposent désormais sur la captation d’une plus large part de la population des 12-16 ans, qui est devenue la principale clientèle des centres de vacances. Mais cette population est plus limitée que celle des 8-16 ans qui fréquentait les colonies traditionnelles et les quatre années de cette adolescence n’autoriseraient qu’un petit nombre de séjours en colonies par mineur puisque, même pour cette catégorie, le taux de départ en colonie est en baisse depuis les années 1990.

Quant aux plus de 16 ans, ils ne fréquentent guère les centres de vacances en tant que mineurs accueillis puisque leur taux de départ n’est que de 4 %, alors que le ministère dénombre par ailleurs 15 779 animateurs de 17 ans, 27 516 de 18 ans et 30 000 de 19 ans sur 241 000 animateurs déclarés en 2010-2011.

Les scénarios d’évolution des séjours collectifs ne peuvent pas seulement reposer sur une segmentation des formes d’accueil selon les classes d’âge. Un phénomène tout aussi déterminant pour ces scénarios apparaît non plus dans les statistiques de fréquentation, établies à partir des données recueillies par la DJEPVA, mais dans les études qualitatives qui se sont intéressées à l’origine sociale des enfants qui partent ou ne partent pas en vacances et en colonies.

Un rapport du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CRÉDOC) de mars 2010 présente les résultats d’une enquête sur l’impact de la crise économique sur les vacances des Français. Ce rapport confirme que, désormais, « la physionomie du départ en vacances est très marquée socialement ».

Le rapport constate « un mouvement d’érosion des taux de départs des catégories populaires » qui s’accuse depuis 2008. Il établit une distinction sociale entre deux groupes : « … d’un côté, les groupes fragiles continuent de partir un peu moins chaque année… De l’autre, après avoir subi le mouvement général de baisse des départs, les populations qui partaient déjà beaucoup (classe aisée, classe moyenne supérieure, jeunes, Franciliens) sont parties davantage… Ce sont ces groupes de gros partants qui soutiennent le secteur. »

Le mouvement observé pour l’ensemble des ménages français se retrouve, quoique de manière atténuée, pour les mineurs. Leur départ en vacances n’est plus épargné par la crise comme il l’était auparavant, les parents préférant sacrifier leurs propres vacances plutôt que celles de leurs enfants.

Les études de l’INSEE et du CRÉDOC indiquent que le taux de départ en vacances des mineurs ne progresse plus depuis une dizaine d’années et stagne à 75 % alors que le taux de départ de l’ensemble de la population régresse. 3 millions d’enfants et de jeunes, soit 25 % de la classe d’âge des 5-19 ans, ne partent pas en vacances, c’est-à-dire qu’ils ne dorment jamais, dans l’année, plus de trois nuits hors de leur domicile. 2 millions d’entre eux ne le quittent même jamais pour plus d’une nuit.

Cette immobilité est directement corrélée au revenu familial. Elle affecte les enfants des familles dont le revenu est inférieur à 1 500 euros mensuels. Au-delà de ce seuil, les mineurs partent presque tous en vacances mais pas dans les mêmes conditions et pas aussi fréquemment. Les 5-19 ans partaient en moyenne 30 jours en vacances dans l’année en 1989, soit en séjours collectifs, soit en vacances familiales. En 2011, cette durée est tombée à 25 jours.

La stagnation du taux de départ des mineurs et la réduction de la durée de leurs séjours de vacances sont cependant inégalement réparties selon le revenu des parents. En outre, les familles font des choix de vacances inverses selon les revenus des ménages : les ménages plus pauvres et les plus riches privilégient les séjours collectifs tandis que les classes moyennes sacrifient les colos au profit des vacances familiales. Le graphique suivant reflète l’incidence de ces choix sur le taux de départ des mineurs en séjours collectifs :

Taux de départ en séjour collectif des 5-19 ans selon le revenu net mensuel familial

Sources : Enquêtes vacances INSEE 2004 (OVLEJ 2006), enquête OVLEJ-Études et recherches de la Jeunesse au plein air 2011.

Première observation : les enfants issus des familles aux revenus les plus faibles sont ceux qui partent le moins en vacances mais pas ceux qui fréquentent le moins les colonies de vacances. Leur taux de fréquentation des séjours collectifs est dans la moyenne. Il est même double du taux de départ des enfants issus des ménages dont les revenus sont immédiatement supérieurs au seuil des 1 000 euros nets mensuels.

Deuxième observation : le taux de départ est non seulement faible par rapport au pic de 14 % atteint dans les années 1980 et 1990 mais de plus très inférieur à la moyenne actuelle pour les enfants dont les parents ont un revenu compris entre 1 000 et 2 000 euros nets mensuels. L’OVLEJ insiste sur le fait que « les inégalités économiques, qui marquent fortement l’accès aux séjours collectifs se sont renforcées, au préjudice des enfants de familles à revenus moyens ».

Le taux de départ en séjour collectif, qui était inférieur à la moyenne pour les familles disposant d’un revenu mensuel de moins de 1 000 euros en 2004 s’est nettement amélioré en 2011. Il reste nettement inférieur à la moyenne pour les familles à revenu moyen. Il se dégrade même pour certaines catégories. La plupart des enfants des classes populaires et moyennes continuent à partir en vacances mais avec leurs parents ou en famille. Or ces foyers constituent la majorité de la population française. Leur choix pèse lourdement dans les statistiques globales de départ en vacances comme dans celles de fréquentation des accueils de mineurs.

Selon l’OVLEJ, les vacances familiales sont désormais le seul type de vacances pour 61 % des mineurs partants en 2011. Cette proportion était de 53 % en 2004 et de moins 50 % en 1981. Les vacances avec les parents progressent non seulement au détriment des vacances en séjour collectif, qui ne représentent en moyenne que 9,5 % des départs, soit 7 % en colonie de vacances et 2,5 % en mini-camps mais également au détriment de vacances chez les grands-parents dont la proportion est passée en trente ans de 16 % à 10 %. Les autres séjours de vacances, avec d’autres membres de la famille (8 %), chez des amis (6 %), seuls pour les plus âgés (4 %), restent stables.

Troisième observation : le taux de fréquentation moyen des colonies de vacances correspond désormais à celui des enfants issus de familles gagnant entre 2 000 et 4 000 euros mensuels, c’est-à-dire les classes moyennes supérieures, dans lesquelles se retrouve la majeure partie des 3,5 millions de salariés des grandes entreprises dont les comités subventionnent encore les départs en colonies de vacances. Le taux de départ en séjours collectifs des enfants issus de milieux aisés, gagnant plus de 4 000 euros nets par mois, s’envole même pour atteindre le double du taux moyen de départ.

Autrement dit, alors que les enfants des milieux aisés et ceux issus de familles qui restent très aidées soit par un comité d’entreprise ou une municipalité, soit par les services sociaux, continuent de fréquenter les centres de vacances, l’absence des enfants des classes populaires et moyennes entraîne non seulement une stagnation voire une baisse de la fréquentation mais aussi une segmentation sociale de plus en plus marquée des séjours.

En simplifiant, on pourrait conclure, au vu des études concordantes publiées par l’OVLEJ, l’association Jeunesse au plein air (JPA) et l’UNAT entre 2005 et 2012, que le secteur économique des séjours collectifs de mineurs a répondu à la baisse de fréquentation et de durée des séjours de vacances en accentuant leur spécialisation, au point que ce secteur apparaisse désormais en voie de segmentation en trois catégories :

– 1° des centres de loisirs pour les 6-12 ans pour les enfants des classes populaire et moyenne des milieux urbains ;

– 2° des colonies de vacances d’été pour les plus pauvres de tous âges, qui ne partent pas en vacances familiales ;

– 3° des courts séjours d’une à deux semaines pour les 13-16 ans issus de milieux favorisés qui n’ont pas restreint leurs dépenses de vacances ou issus de familles qui disposent encore d’aides au départ de la part de leur employeur.

Constatant que cette segmentation des accueils était étroitement corrélée à la désaffection des séjours de vacances de plus d’une semaine, qui réunissaient auparavant les jeunes de classes d’âge et de classes sociales désormais séparées, la mission d’information a recherché les causes de cette désaffection.

B. LES CAUSES DE LA DÉSAFFECTION DES SÉJOURS DE VACANCES

1. Des séjours devenus trop chers pour les classes moyennes

De l’avis de tous les interlocuteurs de la mission, le prix d’une semaine de vacances en colonie coûte entre 400 et 600 euros par enfant, avec un coût moyen à la journée de 63 euros contre 47 euros pour un séjour en village familial et 115 euros pour un séjour à l’étranger. Selon M. Jean-Louis Deroussen, président de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), un séjour de 12 jours dans un centre de vacances agréé par les caisses d’allocations familiales revient en moyenne à 574 euros, montant que les caisses prennent en charge à 41 % pour les familles les plus défavorisées. Par comparaison, les séjours de scoutisme sont beaucoup moins onéreux, de 10 euros par jour pour un week-end à 15 euros par jour pour un camp d’été. Entre les deux, une journée d’accueil en centre de loisir sans hébergement revient à 35 euros par jour.

Les prix des mini-camps en centre de loisirs sont également moins élevés que ceux en colonies de vacances. Il en est de même pour un séjour familial en camping. Selon M. Guylhem Feraud, président de la Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air : « Un emplacement nu pour deux personnes dans un camping une étoile coûte en moyenne moins de 100 euros pour une semaine complète, une nuit de 15 à 20 euros dans un camping une étoile jusqu’à 40 ou 50 euros dans un cinq étoiles. La location d’un mobile-home coûte entre 500 et 1 000 euros la semaine en cœur de saison, ce qui reste un prix attractif puisqu’il inclut les prestations, animations, spectacles et piscines. »

Ces comparaisons de prix pourraient expliquer que, pour les familles qui doivent se résoudre à des arbitrages dans leurs projets de vacances, il soit plus économique de partir en vacances familiales que d’envoyer les enfants seuls dans une colonie de vacances. Le coût du séjour expliquerait que les enfants des ménages qui disposent de 1 000 à 2 000 euros nets par mois n’aient pas accès aux colonies de vacances. Le prix des séjours a d’ailleurs été désigné, lors des auditions conduites par la mission, comme la première cause de désaffection des séjours par la plupart des intervenants.

Il est cependant apparu, au cours des débats, que cette hausse des prix pouvait être la conséquence récente d’une adaptation des organisateurs de séjours à de nouvelles conditions d’exercice de leurs activités. Ce n’est pas pour faire des bénéfices que ces organisateurs, pour la plupart sans but lucratif, relèvent les tarifs de leurs séjours. Ils y sont contraints par la segmentation du marché des séjours qui conduit à une montée en gamme de l’offre faite aux familles les plus aisées.

Cette montée en gamme permet de dégager suffisamment de marge financière pour compenser, au moins en partie, la baisse de la fréquentation globale des séjours et couvrir les charges fixes de l’association organisatrice. Mais elle conduit à une spécialisation des organisateurs associatifs, les uns dans l’accueil de loisirs subventionné, les autres dans les séjours thématiques, et à une compétition commerciale de plus en plus rude entre ces derniers et les opérateurs commerciaux qui leur disputent la clientèle la plus solvable, qui est aussi la plus exigeante en matière de confort, de prestations et d’activités à la mode.

M. Jacques Labat, membre du comité de direction l’Union française des centres de vacances (UFCV) constate que les séjours de vacances « sont plus thématiques et spécialisés, mais il faut distinguer l’innovation pédagogique d’un simple renouvellement de gamme qui est ici concerné ; il s’agit d’un langage de marketing. Les séjours présentés comme alléchants le sont autour d’une activité de consommation et on est loin d’une ambition éducative ».

Si les organisateurs de séjours de vacances se disputent les enfants des milieux aisés, c’est que ceux des milieux modestes désertent leurs séjours. Or, avant 1995, ces enfants y avaient accès. Serait-ce que le prix des séjours ait subitement augmenté à partir de 1995 ? Les facteurs de hausse des coûts avancés au cours des auditions, qu’il s’agisse des coûts d’encadrement ou des coûts d’entretien et de modernisation des centres de vacances, sont plus récents que la baisse de fréquentation. Ils ont pu accentuer cette baisse. Ils n’en sont pas à l’origine.

Le repli des classes populaire et moyenne sur les séjours en centres de loisirs ou sur les vacances familiales serait moins dû, selon les organisateurs de séjours, à la hausse des prix qu’à la réorientation des aides sociales au départ en colonies. La diminution de ces aides directes et indirectes a augmenté le coût résiduel du séjour pour des familles qui n’ont plus les moyens d’envoyer leurs enfants en colonies sans une aide substantielle.

Un séjour de 600 euros par enfant et par semaine pour une famille dont le revenu net mensuel ne dépasse pas 1 500 ou même 2 000 euros est inabordable sans une prise en charge par un tiers d’au moins la moitié du coût du séjour.

Les organisateurs de séjours ont particulièrement souligné la responsabilité des caisses d’allocations familiales et, dans une moindre mesure, celle de la politique commerciale de la SNCF dans la baisse des aides directes et indirectes au départ en colonies depuis les années 1990.

L’OVLEJ établit, dans l’étude parue dans son bulletin de décembre 2005, dix ans après le début de la crise des colonies de vacances, une relation directe et déterminante entre la disparition des bons vacances auparavant distribués par les caisses d’allocations familiales et la baisse de fréquentation des colonies par les classes moyennes et populaires, qui bénéficiaient de ces bons jusqu’au début des années 1990.

La suppression des subventions versées par les caisses d’allocations familiales aux séjours en colonies, au profit des accueils de loisirs sans hébergement, expliquerait le succès des mini-camps. Pour l’OVLEJ : « Les années 1994-95 marquent une date charnière dans l’évolution de la fréquentation des séjours collectifs. Le changement intervenu apparaît indépendant de l’évolution démographique et trop brutal pour relever d’une transformation des demandes ou besoins des familles. »

Cette évolution « apparaît directement liée aux changements intervenus dans la politique d’aide des CAF en la matière. Très volontariste après la guerre, le soutien au départ des enfants s’est progressivement réduit. Jusqu’au début des années 1980, il est resté suffisamment important pour permettre à un nombre croissant de mineurs de bénéficier de ces séjours… En revanche, la priorité donnée, par la CNAF, aux loisirs de proximité à partir de 1992, se traduit par une forte réduction des dépenses consacrées aux séjours collectifs et une chute de leur fréquentation depuis 1994 ».

Dans les années 1950 et 1960, les dépenses des caisses d’allocations familiales pour les loisirs et les vacances des jeunes ont suivi la même évolution que les subventions d’État. Après la distribution de bons vacances pour le départ des enfants en colonie dans les années 1950, ce sont les subventions d’investissement dans l’économie associative du tourisme, des sports et des vacances qui sont privilégiées dans les années 1960 et 1970.

Dans les années 1980, alors que l’État s’est retiré du marché des colonies des vacances, les caisses d’allocations familiales maintiennent une politique généreuse de distribution de bons vacances et continuent de subventionner les centres de vacances. Selon l’OVLEJ, « les bons vacances qui concernent alors une large part de la population… retrouvent progressivement l’importance qui leur était accordée après la guerre et représentent 80 % du budget vacances des CAF en 1992 ».

C’est à partir de cette date que les caisses d’allocations familiales commencent à réduire l’enveloppe budgétaire qu’elles leur consacrent en appliquant une circulaire d’orientation des dépenses d’aides sociales publiée par la CNAF qui prend acte du fait qu’elles ne peuvent plus « assurer le droit aux vacances pour tous ».

La Caisse nationale, constatant la stagnation de ses recettes et la faible efficacité sociale des bons vacances, choisit « d’instituer une politique d’aide aux temps libres des familles, des enfants et des jeunes… valorisant davantage les loisirs de proximité tout au long de l’année » et réoriente l’usage des ressources affectées du Fonds national d’action sociale (FNAS) comme celui des fonds laissés à la discrétion des conseils d’administration des caisses. Les conventions d’objectifs et de gestion passées entre l’État et la CNAF confirment depuis lors cette réorientation.

Les aides aux investissements dans les centres de vacances sont les premières victimes de cette politique. Puis les bons vacances, maintenus dans un premier temps par de nombreuses caisses sur leur propre fonds d’action sociale, sont progressivement abandonnés Ils ne subsistent plus aujourd’hui que dans quelques départements.

On pouvait imaginer que la suppression des aides aux colonies de vacances profiterait aux vacances familiales. Ce n’est cependant pas la stratégie retenue par la CNAF. Le graphique suivant décrit l’usage actuel des crédits du Fonds national d’action sociale :

Alors que la plupart des intitulés de cette répartition indiquent clairement la destination des fonds, l’accompagnement social des familles couvrant la rémunération des travailleurs sociaux, la part dévolue au temps libre des enfants et des familles est plus énigmatique. Or l’évolution, en 20 ans, de cette enveloppe budgétaire est spectaculaire :

Évolution des dépenses des CAF en faveur des temps libres des jeunes

(en euros constants valeur 2011)

Source : Note d’analyse jointe à l’avis du Haut Conseil de la famille du 5 février 2013.

À l’appui de sa démonstration, l’OVLEJ a corrélé cette évolution à celle de la fréquentation des centres de vacances. Il en a déduit, dans le graphique suivant, que l’orientation choisie par la CNAF en 1992 était directement à l’origine de la désaffection des colonies de vacances.

L’effet des dépenses sociales de la branche famille sur les colos

Source : Bulletin n° 16 de décembre 2005 de l’OVLEJ.

Cependant, cette corrélation dissimule plusieurs phénomènes. Si les caisses ont supprimé les bons vacances qui profitaient aux séjours en colonies des enfants des classes populaires et moyennes, ce n’est pas principalement pour financer les vacances familiales, mais pour subventionner les centres de loisirs qui sont une forme alternative de séjours collectifs de mineurs.

Le tableau suivant donne la répartition des crédits de cette enveloppe « temps libre des jeunes » du FNAS pour 2011 :

Ventilation des dépenses des caisses d’allocations familiales
pour les temps libres des jeunes en 2011

(en milliers d’euros)

 

Aides aux familles

Aides aux partenaires

Services caf

Total 2011

Rappel 2010

Évolution en %

Temps libres

126 681 

866 163 

19 759 

1 012 602

965 870

4,8

Accueil loisirs jeunes

21 510  

408 372  

3 703  

433 586

407 325

6,4

Autres loisirs de proximité

15 663  

5 209  

0  

20 872

20 366

2,5

Centres collectifs de vacances

24 208  

3 690  

2 114  

30 013

33 626

-10,7

Fonction globale « temps libres »

13  

418 309  

12 503  

430 825

419 877

2,6

Centres familiaux de vacances

27 068  

815  

1 094  

28 978

27 869

4,0

Vacances familiales individuelles

22 407  

328  

0  

22 734

20 022

13,5

Source : Rubrique Études et statistiques du site caf.fr.

La ligne « Accueil loisirs jeunes » désigne pour l’essentiel les prestations de service ordinaire versées aux centres d’accueil et de loisirs. La ligne « Fonction globale "temps libres" » correspond à la partie jeunesse des contrats enfance-jeunesse passés entre les caisses d’allocations familiales et les communes ou leurs groupements.

On peut constater que les aides aux vacances n’ont pas disparu mais qu’elles ne représentent plus que 7,5 % des dépenses du Fonds, soit un peu plus de 73 millions d’euros. Les aides aux vacances familiales individuelles ou dans des centres familiaux agréés reçoivent un peu moins des deux tiers de cette somme, les aides totales aux séjours en colonies de vacances ne bénéficiant plus que de 30 millions d’euros.

Les centres de vacances accueillent 1,4 million d’enfants et d’adolescents. Les centres de loisirs en accueillent 2,2 millions. Les caisses d’allocations familiales allouent aux premiers, directement ou indirectement, 30 millions d’euros et aux seconds 433 millions. Le changement de politique, que les organisateurs de séjours soulignent pour expliquer la baisse de fréquentation des centres de vacances par les enfants des familles modestes, trouve dans ces chiffres une explication plausible que M. Jean-Louis Deroussen n’a pas contestée lors de son audition.

Il a même confirmé que, dans la prochaine convention d’objectifs et de gestion négociée avec l’État, la majeure partie des aides sociales des CAF dédiées au temps libre des enfants serait encore allouée aux accueils de loisirs sans hébergement, sous forme de prestations de services.

La ligne « centres collectifs de vacances » est non seulement marginale dans l’ensemble des dépenses de temps libres des caisses d’allocations familiales mais elle est encore en baisse ces dernières années : - 9,3 % en 2009, - 2,5 % en 2010 et - 10,7 % pour l’exercice 2011.

M. Deroussen a donné la raison des économies réalisées, sur ce compte, par la substitution aux anciens bons vacances de nouvelles aides au départ en vacances des familles, dites Vacaf : « L’idée auparavant était de cibler les familles dont les revenus étaient inférieurs à un niveau et de leur proposer une aide financière sous forme de bons. Cela obligeait les caisses à provisionner les aides éventuelles destinées aux familles et il fallait attendre la fin de l’année pour savoir si la famille en avait profité ou non. Aujourd’hui les familles doivent exprimer un désir de vacances qui est ensuite seulement financé par les CAF. On a ainsi plus de facilité à mesurer d’avance la somme que l’on pourra allouer à ce départ. »

Le nom de Vacaf désigne un service commun de gestion des fonds d’aides aux vacances familiales confié à la caisse d’allocations familiales de Montpellier. Ce service regroupe le financement de vacances familiales, l’accompagnement des familles les plus fragilisées et la promotion du tourisme social. Les aides qu’il alloue se répartissent en trois volets :

− l’aide aux vacances familiales (Avf) est destinée à des familles autonomes qui répondent des critères fixés par les conseils d’administration des caisses ;

− l’aide aux vacances sociales (Avs) s’adresse aux familles qui ont besoin d’un accompagnement socio-éducatif ;

− l’aide aux vacances des enfants (Aven) permet de les envoyer en colonie ou dans des camps d’été.

Ces trois volets correspondent respectivement aux lignes « vacances familiales individuelles », « centres familiaux de vacances » et « centres collectifs de vacances » du tableau précédent.

À mesure que les caisses d’allocations familiales suppriment les bons vacances accordés sur la part des fonds qu’elles gèrent en propre et acceptent de rejoindre le programme commun Vacaf, leurs fonds ne bénéficient plus qu’aux familles les plus nécessiteuses, qui ont un quotient familial très faible.

Cette concentration des aides sur les familles les plus en difficulté et l’engagement des travailleurs sociaux qui obtiennent un financement pour le départ en colonies des enfants issus des foyers les plus pauvres, expliquent la remontée de leur taux de fréquentation des séjours collectifs entre 2004 et 2011.

À la différence des bons vacances, les aides Vacaf ne peuvent financer que des séjours dans des centres préalablement agréés, pour un coût moyen de 606 euros pris en charge aux deux tiers. Les colonies qu’accueillent les centres de vacances agréés, souvent composées en grande partie d’enfants de familles aidées, retrouvent ainsi l’orientation caritative qui était celle des premières colonies fondées par des œuvres religieuses.

En outre, les caisses d’allocations familiales accordent 3,6 millions d’euros de subventions directes à quelques associations caritatives organisatrices de séjours au niveau national, afin qu’elles prennent en charge des publics particulièrement défavorisés.

La corrélation établie par l’OVLEJ entre l’évolution des dépenses du FNAS et la fréquentation des colonies attribue aux caisses d’allocations familiales non seulement la cause mais aussi la responsabilité de leur désaffection. Cependant, la décision prise par la CNAF a été soutenue par l’État et plus encore par les collectivités territoriales. Cette conjonction de vues pourrait trouver son origine dans un changement des attentes et les besoins des familles, auxquels les institutions sociales et locales auront répondu en adaptant leurs politiques.

À mesure que les collectivités territoriales se sont investies dans les nouvelles compétences qui leur ont été dévolues par les lois de décentralisation, les caisses d’allocations familiales se sont rapprochées d’elles pour coordonner leurs actions sociales en faveur de l’accueil de la petite enfance mais aussi du temps libre des jeunes.

Cette coordination a abouti, à partir des années 1990, à des contrats par lesquels les caisses et les municipalités ont convenu de subventionner, sur plusieurs années, des activités de loisirs pour les enfants et les jeunes, en allouant à leurs organisateurs des prestations qui leur permettent de couvrir une partie de leurs dépenses de fonctionnement. Deux modèles de contrats se sont succédé, reprenant les contrats crèches et les contrats enfance passés par les communes pour l’accueil des jeunes enfants.

Aux contrats temps libres (CTL) mis en place en 1998 ont succédé les contrats enfance-jeunesse (CEJ) en 2006, qui ont restreint d’une part le nombre des communes bénéficiaires et, d’autre part, la nature des activités pouvant être financées. L’objectif assigné à ces contrats par une circulaire de 2006 était de cibler les publics et les territoires les moins bien servis et les besoins prioritaires des familles les plus vulnérables, sur le territoire des communes qui en accueillent une proportion supérieure à la moyenne. Les communes aidées sont réparties selon un ordre de priorité auquel correspondent des montants de subventions proportionnels.

L’allocation de subventions dans un cadre contractuel a pour principal objectif de conforter une offre de proximité non pas seulement pendant les vacances mais aussi pendant et après la classe, le mercredi et le parfois le week-end. En contrepartie des subventions accordées, les contrats enfance-jeunesse plafonnent les coûts de fonctionnement des structures bénéficiaires choisies par les communes et exigent un taux de fréquentation minimal, de 60 % pour les centres de loisirs par exemple, les accueils quotidiens étant vérifiés par des contrôles informatiques à l’entrée.

Cette politique concertée de financement des loisirs des jeunes entre les municipalités et les caisses d’allocations familiales a bien sûr fait le succès des centres de loisirs sans hébergement. 82 % des dépenses de la branche famille pour le temps libre des jeunes, soit 820 millions d’euros, sont distribuées sous forme de prestations de services, c’est-à-dire de subventions de fonctionnement, dans le cadre des contrats passés avec les communes. C’est une somme considérable qui constitue le principal levier de l’action publique nationale dans le domaine des loisirs de la jeunesse.

Par rapport aux colonies, les ALSH présentent de nombreux avantages pour les municipalités. Ils sont ouverts toute l’année. Ils peuvent employer du personnel municipal à plein-temps ou à temps partiel et non pas seulement des salariés occasionnels comme les centres de vacances. Ils maintiennent toutes les dépenses engagées, d’investissement et de fonctionnement, sur le territoire de la commune.

En outre, ces centres sont étroitement liés aux rythmes scolaires mis en place par la municipalité et sont considérés par les familles comme un mode de garde périscolaire prenant le relais des crèches municipales, autant dire comme un service public. Ils accueillent, à la journée, pendant les vacances, beaucoup plus d’enfants que les colonies pour des activités souvent comparables.

Les caisses d’allocations familiales ont subventionné 23 617 accueils de loisirs sans hébergement en 2011, offrant une capacité d’accueil de 2,1 millions d’enfants pendant 272 millions d’heures pour les moins de 6 ans et 445 millions d’heures pour les 6-13 ans, réparties à 34 % pendant le temps périscolaire, 20 % les mercredis et samedis et 46 % pendant les vacances.

Saisi par la ministre déléguée à la famille, le Haut Conseil de la famille a adopté, le 5 février 2013, un avis dans lequel il attire l’attention sur la croissance des besoins de financement des accueils de loisirs et des autres activités périscolaires qui découlera de la mise en place de nouveaux rythmes scolaires (2). Il insiste sur le nécessaire développement des accueils de loisirs pour les enfants du primaire dans les communes qui en sont dépourvues, évoquant un effort supplémentaire d’un milliard d’euros, soit un doublement des dépenses des caisses d’allocations familiales en faveur du temps libre des jeunes.

Il insiste surtout sur les disparités de structures d’accueil observées selon les départements qui sont considérables pendant les temps périscolaires et s’accroissent encore pendant les vacances. Sur la base des données relatives au seul mois de juillet, la note évalue la moyenne nationale des places en accueil de loisirs à 14 pour 100 enfants de 6 à 11 ans, avec des écarts allant de 7,5 % pour la Lozère (1 000 places) à 25 % pour le Nord (100 000 places) et 22 % pour les Ardennes.

Tous les centres de loisirs ne sont pas subventionnés par les CAF et ceux qui le sont ne reçoivent pas tous des subventions équivalentes. Le ministère de la jeunesse et des sports recense 33 268 accueils de loisirs ou de jeunes et près de 10 000 d’entre eux ne sont pas subventionnés par les caisses. Ce sont en général de petits accueils temporaires. Mais 40 % des accueils de loisirs sans hébergement subventionnés ne perçoivent qu’une prestation de service ordinaire plafonnée à environ 4 euros par jour et par enfant, ce qui couvre 10 % du coût moyen d’un accueil de loisirs.

Les autres ALSH subventionnés reçoivent, en plus de cette prestation, une prestation complémentaire qui la double ou la triple selon la contribution demandée aux familles, laissant 55 % du coût à la charge de la commune. Toutefois, les caisses conditionnent l’octroi de leur aide aux accueils à l’adoption, par leur gestionnaire, d’une politique tarifaire modulée en fonction du quotient familial. Des subventions d’investissement et des financements de projets peuvent ponctuellement aider une structure d’accueil à améliorer ses équipements ou à faire preuve d’innovation sociale.

Redistribuées, par l’intermédiaire des communes, aux associations qui gèrent les accueils ou organisent les activités localement, les subventions des caisses d’allocations familiales peuvent décider de la fermeture des centres comme du maintien des emplois. L’initiative de subventionner telle ou telle association ou activité n’appartient pas aux caisses.

Elle appartient aux communes qui négocient le contrat de subventionnement avec les caisses et choisissent les bénéficiaires locaux de ces subventions. Néanmoins, la hiérarchie des communes prioritaires, établie sur la base statistique de critères sociaux généraux, reste très dépendante de l’attention et de l’investissement que les communes consacrent à présenter des dossiers et à développer une politique d’aide aux jeunes.

Les communes prennent d’ailleurs une part supérieure à celle des caisses d’allocations familiales dans ces conventions. Le montant des fonds alloués par les communes ou leurs groupements aux loisirs des enfants et des jeunes n’est pas précisément connu. La note d’analyse du Haut Conseil de la famille reprend les données disponibles pour les communes de plus de 30 000 habitants. Celles-ci versent 1,2 milliard d’euros aux centres de loisirs, aux autres activités associatives pour les jeunes et, marginalement désormais, aux colonies de vacances, soit 3,2 % de leur budget.

À l’heure actuelle, ce sont elles qui régulent le secteur associatif des loisirs des enfants et des adolescents, puisque l’État s’en est détaché. Et puisqu’elles orientent également l’action sociale des caisses d’allocations familiales, leur retrait du secteur des colonies de vacances au profit d’un accueil de loisirs sur leur territoire a pu être déterminant dans la désaffection des colonies par les classes moyennes et populaires, quoique difficile à isoler statistiquement.

Mme Claudie Buisson, membre du contrôle général économique et financier, chargée par Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, d’une mission pour réduire les inégalités en matière d’accès aux vacances, a indiqué, lors de son audition, que, « selon une étude en cours sur les centres communaux d’action sociale (CCAS) de 1 000 communes identifiées par l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS), 115 millions d’euros sont d’aides sont versées en faveur des loisirs et des vacances dont au moins la moitié pour les loisirs des enfants en ALSH, au détriment du départ en colonies de vacances. Les opérateurs traditionnels qui subventionnaient les colonies ont modifié leurs arbitrages ».

Comme les municipalités jouaient non seulement un rôle de financeur dans le départ en colonies mais également un rôle prescripteur en mettant en relation des familles et les associations auxquelles l’organisation du séjour était déléguée, les mêmes raisons qui avaient favorisé les départs en colonies au XXe siècle favorisent à présent les séjours en centres de loisirs.

Il n’y a plus guère que quelques grandes et riches municipalités qui peuvent se permettre à la fois de subventionner des centres de loisirs et de conserver un patrimoine de centres de vacances pour accueillir les enfants de toutes origines sociales, soit gratuitement, soit en pratiquant des tarifs indexés sur le quotient familial. Paris est sans doute la plus atypique qui ne subventionne officiellement aucun accueil de loisirs déclaré comme tel et conserve une offre généreuse de séjours de vacances.

Le Haut Conseil de la famille observe de très importantes disparités territoriales dans les activités offertes aux jeunes par les communes. Selon les moyennes citées par la note d’analyse, celles de plus de 30 000 habitants consacrent 58 euros par habitant pour les temps libres des enfants et des jeunes, dont 23 euros pour les centres de loisirs, 31 euros pour les autres activités pour les jeunes et 4 euros pour les colonies de vacances. Il ne s’agit cependant que d’une moyenne qui couvre des écarts considérables. Un quart des communes dépense moins de 9 euros et un quart plus de 95 euros par habitant pour ces temps libres.

Le Haut Conseil conclut que les disparités d’offres d’activités subventionnées faites aux jeunes pour occuper leur temps libre sont « inévitables dès lors qu’aucune collectivité publique n’a l’obligation de déployer une offre de services correspondant à des normes précises ». La liberté d’appréciation laissée aux conseils d’administration des caisses d’allocations familiales dans la distribution de leur propre fonds d’action sociale permet certes d’adapter les politiques fixées par l’État et la CNAF aux besoins locaux des départements et des communes, mais elle accentue en contrepartie ces disparités.

La note d’analyse a avancé plusieurs pistes d’évolution pour les réduire. Ces pistes n’ont pas été retenues dans l’avis adopté par le Haut Conseil. Elles ont cependant le mérite de souligner les limites de la politique engagée en 1992 essentiellement au profit des centres de loisirs périurbains.

La note relève d’abord que « la tranche d’âge concernée par l’offre de temps libres et de loisirs est près de cinq fois plus importante que la tranche d’âge concernée par les modes d’accueils des jeunes enfants (moins de trois ans). Pour autant, le budget qui y est consacré par la branche famille est plus de dix fois moins important…

« Le nombre de structures concernées par les financements de la branche famille est pourtant deux fois plus important en matière de temps libres qu’en matière d’accueil des jeunes enfants (11 000 EAJE [établissements d’accueil du jeune enfant] contre plus de 20 000 ALSH) ».

La note reconnaît d’ailleurs que si, « depuis 1998, tout particulièrement avec le lancement des contrats temps libres, l’offre de services pendant les loisirs des enfants et des adolescents occupe une place plus importante dans les objectifs de l’action sociale des CAF… dans le cadre d’un budget contraint, la volonté de développer des modes d’accueil des jeunes enfants prend le pas sur celles de développer l’offre de services pendant les temps libres ».

La direction générale de la cohésion sociale du ministère des affaires sociales, qui négocie avec la CNAF la prochaine convention d’objectifs et de gestion, a laissé à la mission peu d’espoir sur une réorientation importante des dépenses d’action sociale des caisses en faveur du temps libre et moins encore en faveur des colonies de vacances.

Selon M. Philippe Didier-Courbin, adjoint à la directrice générale, chef du service des politiques sociales et médico-sociales : « L’essentiel de nos préoccupations portaient sur l’accueil du jeune enfant dans la précédente convention d’objectifs et de gestion, passée avec la CNAF et, secondairement, sur l’accueil de loisirs au quotidien tout au long de l’année puisque cet accueil concilie vie familiale et vie professionnelle.

« Les subventions dédiées aux vacances collectives et aux vacances d’été restent minoritaires. Nous ne sommes pas intervenus sur ce sujet puisque c’est au ministère en charge de la jeunesse de porter ces préoccupations… Nous souhaitons que les caisses soutiennent ces départs mais il y aura sans doute, de leur part, une prédilection en faveur des centres de loisirs en raison de l’aménagement du temps scolaire. »

Le Haut Conseil, dans sa note d’analyse, constate ensuite que « l’accueil de loisirs pour les préadolescents ou les adolescents est peu développé ». Les élus et les CAF, qui maîtrisent parfaitement la structure des centres de loisirs pour les petits, paraissent démunis face aux besoins des plus grands, lorsqu’ils ne sont pas pris en charge par un club sportif, une association culturelle ou les institutions sociales subventionnées que sont les centres sociaux et les maisons des jeunes et de la culture.

À la suite de la Conférence de la famille de 2007, des études évaluatives conduites par la branche famille ont confirmé que la politique contractuelle des caisses et des municipalités en faveur du temps libre des jeunes ne bénéficiait pas aux adolescents. Des expérimentations ont été menées par les CAF avec des budgets de 10 millions d’euros en 2011 et 15 millions en 2012 au bénéfice de 35 000 adolescents par an. Il s’agit de micro-projets portés pour moitié par les communes ou leurs groupements et pour un quart par les centres sociaux, le reste étant partagé entre des maisons des jeunes et de la culture et des associations de jeunes.

Pour le moment, cette initiative de rééquilibrage des subventions reste marginale et le dossier d’étude de la CNAF de décembre 2012 qui en dresse un premier bilan laisse une impression mitigée. Il constate que, dès qu’ils sont encouragés dans une activité, qu’ils se sentent responsabilisés, soutenus et accompagnés dans un projet, les jeunes développent une meilleure image d’eux-mêmes, s’ouvrent aux autres et s’engagent davantage.

Toutefois, ces évidences, qui accompagnent désormais toute description d’un projet participatif, se gardent toutefois d’identifier clairement les activités les plus profitables et l’on doit se contenter d’un catalogue pour le moins hétéroclite, sans doute inévitable dans une politique expérimentale. Du point de vue de la mission d’information, un fait saute aux yeux : dans ces expérimentations, il n’est pas question, de colonies de vacances !

Quant aux pistes d’évolutions de l’affectation des crédits temps libres des caisses d’allocations familiales, inspirées par ces expérimentations et avancées par Haut Conseil de la famille dans sa note d’analyse, elles ne semblent guère plus favorables aux colonies : « Une première option serait – compte tenu de son très faible montant peu structurante – de supprimer la prestation de service ordinaire ALSH pour les structures qui ne perçoivent que cette prestation de service sans complément de financement par un contrat enfance-jeunesse. »

L’économie réalisée (130 millions d’euros) serait réaffectée aux contrats enfance-jeunesse. Deux autres options, plus radicales, sont avancées : « Une deuxième option consisterait à considérer que, même avec un recentrage très limité, l’action de la branche famille n’est pas suffisamment structurante pour justifier de mobiliser 900 millions d’euros. Mais, comme pour beaucoup d’établissements, l’apport du financement par le contrat enfance-jeunesse est significatif, l’hypothèse d’un retrait de la branche famille ne semble donc pas opportune.

« Une troisième option consisterait à augmenter significativement le budget du Fonds national de l’action sociale (FNAS) de la branche famille afin de conférer aux prestations de service ALSH et CEJ un effet réellement structurant, à la hauteur de l’intérêt et de la nécessité de cette politique en direction des enfants et des adolescents et afin de se donner les moyens de réussir pleinement la réforme des rythmes scolaires. »

La note estime que la troisième option supposerait de doubler le budget temps libre du FNAS en l’augmentant d’un milliard d’euros. Cette option est peu réaliste alors que le budget des caisses d’allocations familiales, financé par des cotisations sociales, accuse en 2012 un déficit de plusieurs milliards d’euros et qu’il suscite bien des convoitises en période de restriction des dépenses publiques et d’allégement des charges salariales des entreprises. Les jeux d’arbitrages budgétaires ont fait passer, depuis les années 1990, les loisirs des enfants après l’accueil des tout-petits, et les colonies de vacances en dernier. Faut-il pour autant accabler les caisses d’allocations familiales et les communes en leur imputant la responsabilité de la désaffection des colonies de vacances ?

Certes, les communes ont cessé de s’intéresser aux colonies et celles qui possédaient en propre des centres de vacances les cèdent progressivement. Elles entraînent les caisses d’allocations familiales dans leur sillage puisque ces dernières leur laissent l’initiative du choix des loisirs aidés des jeunes, sauf ceux des familles les plus pauvres ou les plus fragiles, pour lesquelles cette initiative revient au travailleur social qui les guide et choisit avec elles le lieu et le mode de vacances parmi les offres agréées qui deviennent, de ce fait, réservées à ce public.

Mais ce choix des municipalités n’est-il pas conforme aux vœux ainsi qu’aux moyens financiers des familles des classes moyennes et populaires ? N’est-il pas adapté aux restrictions qui pèsent sur tous les budgets d’action sociale, sachant que, parmi les modes de vacances des jeunes, en centres de loisirs sur place, en vacances familiales chez des parents, en camping ou en village de vacances ou en colonies, ces dernières sont proportionnellement les plus chères ?

Comme Mme Claudie Buisson l’a rapporté au cours de son audition, « selon les caisses d’allocations familiales, il est plus rentable d’apporter une aide aux vacances à la famille, parce que l’on est sûr que les enfants partiront, plutôt que d’apporter une aide au départ en colonie, puisque l’écart entre le coût d’un enfant partant en vacances avec sa famille et le coût d’un enfant partant en colonie varie de 1 à 2 voire 3 selon les lieux d’accueil. Ce rapport de 1 à 2 prouve qu’il y a une moindre attractivité économique, pour les institutions comme pour les familles, à faire partir son enfant en colonie de vacances plutôt qu’à l’emmener soi-même en vacances ».

Les seules institutions sociales qui finançaient encore largement les colonies de vacances étaient les comités d’entreprise, qui ont pris la succession des comités d’œuvres sociales après la Libération et qui ont continué, jusque dans les années 1990, soit d’organiser des colonies de vacances dans des centres qu’ils ont achetés, aménagés ou fait construire, soit de soutenir financièrement les départs par l’achat groupé de places de séjours auprès d’associations organisatrices. En tentant de satisfaire une demande des familles pour des séjours plus courts et plus thématiques pour les adolescents, avec des moyens financiers obérés par la crise économique, ils en viennent à imposer aux organisateurs, par la voie des appels d’offres également empruntée par les collectivités territoriales, des conditions commerciales qui font le jeu des prestataires à but lucratif.

2. Le retrait des comités d’entreprise, dernier soutien des colos

Après le retrait de l’État, les comités d’entreprise ont joué un rôle déterminant dans l’adaptation du secteur associatif aux règles du marché des séjours qui lui ont été imposées dans les années 1980 et 1990. Ils financent encore directement un quart des séjours, soit davantage que les CAF.

L’OVLEJ estime, à partir de la dernière enquête de l’INSEE de 2004 sur les conditions de vie, que, tous modes de vacances confondus, ils financent partiellement les vacances de 14,6 % des 5-19 ans. Par comparaison, les caisses d’allocations familiales, deuxième financeur social, n’aident au départ que 4,8 % d’entre eux.

Les comités d’entreprise jouent un rôle d’autant plus déterminant dans la structuration de l’offre de séjours collectifs qu’ils peuvent être à la fois prescripteurs, financeurs et organisateurs séjours. Quelques grandes sociétés issues du secteur public des transports et de l’énergie ont conservé leur propre organisation associative de séjours.

Les représentants du comité central d’entreprise de la SNCF ont indiqué que ce comité consacrait encore un tiers de son budget à l’organisation de séjours de vacances pour 15 000 enfants dans les 45 centres qu’il possède. De l’aveu de ses représentants, il est l’un des rares à posséder un parc de centres de vacances en propre et à avoir les moyens de le mettre aux normes, grâce aux fonds d’une dotation patrimoniale annuelle de 1,5 million d’euros. Il a même eu la possibilité de lancer la reconstruction, sur ces fonds, à Montdidier, dans la Somme, d’une structure d’accueil pour les enfants de 4 à 5 ans.

Cette entreprise maintient une politique pro-active en faveur des colonies de vacances associatives qui devient exceptionnelle parmi les grandes entreprises françaises. En effet, celles-ci sont davantage disposées à privilégier les aides financières aux familles de leurs salariés plutôt que les organisations de séjours, ces dernières nécessitant un investissement administratif et un engagement pédagogique de la part des membres du comité d’entreprise et, implicitement, de sa direction.

Les grandes entreprises qui n’ont pas acquis de centres ou celles qui, comme La Poste, ont cédé leur patrimoine, continuent à acheter des séjours auprès des organisateurs pour proposer à leurs salariés des tarifs négociés, dont une partie reste prise en charge par le comité. Il convient de remarquer que cette évolution n’est pas forcément défavorable à la progression des départs en vacances collectives des enfants des salariés de l’entreprise.

L’implantation d’acteurs commerciaux dans les départements riches, avec le soutien des collectivités locales, n’est pas due au hasard. Les publics fréquentant ces séjours sont très ciblés. Les séjours sont proposés à des tarifs élevés qui excluent les enfants des milieux modestes et des classes moyennes.

M. Michel Désormière, secrétaire du comité d’entreprise de Michelin, a expliqué à la mission d’information que le comité, qui avait une longue tradition d’organisation de colonies pour les enfants du personnel, les a arrêtées en 2009 parce que « cela devenait complexe de trouver des animateurs et des directeurs. Les textes législatifs devenaient, sans doute pour de bonnes raisons, très complexes. Les coûts augmentaient, ne serait-ce qu’en raison du changement de statut des animateurs. Les bons temps libres et les bons vacances des CAF tombaient en désuétude, alors que nos répartitions CSP n’avaient pas changé.

« Nous n’avions plus le savoir-faire acquis par les acteurs du marché qui sont désormais très affûtés. Nous devions avoir une logistique de recrutement, d’équipement, avec des toiles de tente que nous avons jetées. Nous avons un patrimoine de 4 hectares sur l’île d’Yeu, qui ont connu trois générations de Michelin. Des séjours de huit semaines dans l’année à l’île d’Yeu généraient 200 000 euros de frais fixes chaque année pour une fréquentation en baisse sur les dernières périodes, de 70 enfants pour une capacité d’accueil de 200 à  250 lits enfants.

« Nous avions le choix entre vendre, ce que souhaitait une partie des élus et mettre en gestion le site. Nous l’avions confié à Okaya, la branche vacances de VVF Villages, qui a son siège à Clermont-Ferrand. Ils nous réservent des places à moindre coût mais remplissent le centre sur une plus longue période de l’année en augmentant les capacités d’accueil.

« Le même choix de mise en gestion a été fait pour deux autres villages de vacances pour adultes à dans les îles de Noirmoutier et de Ré, confiés à Vacances Famille. Sans subventions, les coûts de gestion du patrimoine devenaient excessifs pour notre budget. La mise en gestion permet de mieux l’entretenir et de préserver sa valeur financière parce que le site est fréquenté toute l’année ».

En remplaçant ses colos par des séjours négociés avec des partenaires associatifs et commerciaux soigneusement choisis pour le rapport qualité-prix de leurs offres, le comité d’entreprise de Michelin parvient à faire partir 1 780 enfants par an sur un public potentiel de 6 700 avec un budget en baisse. La fréquentation des séjours est stabilisée. Les prix de journées atteignent en moyenne 77 euros. Avec l’aide du comité d’entreprise, qui applique des barèmes selon le quotient familial des bénéficiaires, elles ne coûtent aux familles qu’entre 6,93 et 45,74 euros.

Michelin devient une exception parce que l’entreprise emploie encore en France une forte proportion d’ouvriers. À la différence des autres financeurs sociaux, les comités d’entreprise aident les départs en colonies sans appliquer de critères sociaux restrictifs et favorisent de ce fait les départs des enfants de cadres et de professions intermédiaires dont les parents, selon un rapport du Conseil national du tourisme de 2004, « ont déjà un revenu suffisant pour partir en vacances par leurs propres moyens ».

Ces familles sont largement solvables et exigeantes sur la qualité et l’attractivité commerciale des séjours. Pour satisfaire leurs demandes, les comités d’entreprise incitent les organisateurs qu’ils sollicitent à proposer des séjours de plus en plus thématiques, sportifs et ludiques et à monter en gamme. Auparavant, la position prépondérante prise par les comités d’entreprise sur le marché des séjours collectifs de vacances avait préservé la forme associative des organisateurs. En outre, cela avait sans doute facilité leur adaptation à l’évolution des années 1980 et 1990, car les achats groupés se faisaient encore de gré à gré avec les associations habituellement partenaires des comités.

Mais depuis que, comme les collectivités territoriales, de plus en plus de comités d’entreprise passent par des appels d’offres publics, ils mettent en concurrence les organisateurs, exigent, de leur part, une veille administrative et un investissement dans les procédures de marché et font du rapport qualité-prix des séjours le critère déterminant du choix.

M. Patrick Drouet, évoquant l’achat de classes de mer et de colonies de vacances sur appel d’offres, explique que l’on est passé « d’une politique de négociation de gré à gré avec un maire de commune ou un responsable de comité d’entreprise à une politique de l’appel d’offres favorisant les moins-disant. La mairie de Paris est un gros acheteur de classes de découvertes et de colonies de vacances. Or, en 2011, elle arrive à acheter moins cher ses classes et ses séjours alors que la SNCF, l’alimentation et les coûts salariaux n’ont pas baissé.

« Donc la marge du gestionnaire a baissé et les organisateurs sont dans des équilibres économiques fragiles. Le marché des classes de découvertes se tend et est devenu ultra-concurrentiel. Qui a encore les moyens d’investir dans le bâti alors que les séjours sont achetés moins chers ? On peut monter en gamme et en confort mais qui est capable d’acheter des séjours onéreux ? 

« Les entreprises et les collectivités ne sont pas prêtes à acheter des séjours plus chers pour financer l’entretien des bâtiments et maintenir un patrimoine remarquable. Il y a des différences dans les aides à la rénovation allouées par les régions. Les taux de subventions accordées pour la requalification et la rénovation des hébergements sont très différents : tantôt la règle du de minimis des 20 % est appliquée, tantôt les subventions atteignent 40 % ».

Ces procédures de marché font le jeu de quelques grands opérateurs à but lucratif, soucieux de la rentabilité de leurs investissements, qui ont établi une stratégie pour « écrémer » la partie la plus rentable du secteur des colos par une offre commerciale agressive, assise sur des réserves de trésorerie. Ils tentent de s’imposer sur le marché en cassant les prix et en jouant sur la disparition programmée de l’offre associative, dans l’espoir qu’une reconcentration à venir du secteur leur permettra, à terme, de dégager des marges commerciales.

Les services de la DJEPVA constatent que la fragilisation des opérateurs associatifs, dans leurs activités d’organisateurs de vacances collectives, favorise leur remplacement par des opérateurs privés qui étaient auparavant très peu présents dans ce secteur d’activité. Désormais, ils sont considérés par l’Union européenne comme des acteurs économiques au même titre que les associations, dans un champ d’activité commun relevant du secteur concurrentiel, bien que les uns aient un but lucratif et pas les autres.

L’enjeu que représente la demande de séjours de la part des comités d’entreprise est très important pour ces opérateurs. Le Haut Conseil de la famille, dans son avis du 5 février 2013, indique ne pas avoir réussi à isoler la part de leur budget que les comités d’entreprise et les comités des œuvres sociales de la fonction publique consacraient aux loisirs des jeunes et plus particulièrement aux colonies de vacances. Il estime à 930 millions d’euros les fonds de l’action sociale destinés aux fonctionnaires de l’État et à 400 millions d’euros ceux de fonctionnaires territoriaux, le tout réparti dans 5 000 comités d’action ou d’œuvres sociales.

Les 27 000 à 30 000 comités d’entreprise reçoivent, pour leur part, une contribution des employeurs qui s’élève à 3 milliards d’euros. En leur ajoutant les 8 milliards d’euros correspondant à la participation financière des salariés aux activités subventionnées, le Haut Conseil de la famille évalue à 11 milliards d’euros le poids financier des comités d’entreprise. Selon une étude publiée en 2010 par le Conseil national du tourisme, une fois retranchés les 10 % du budget consacré aux dépenses de Noël, cette somme est partagée à égalité entre les sports et loisirs, les voyages touristiques et les services aux salariés.

M. Jean-Karl Deschamps, secrétaire national aux vacances, aux loisirs éducatifs et aux classes de découvertes de la Ligue de l’enseignement, a estimé, quant à lui, lors d’un colloque intitulé « Quelles colos pour 2020 ? », organisé par l’UNAT le 23 novembre 2012, que les comités d’entreprise « consacrent aujourd’hui 95 % de leur puissance d’achat dans le tourisme social, dont nous faisons partie, aux acteurs du tourisme dit concurrentiel. Ce sont essentiellement des achats qui sont extérieurs aux organisateurs associatifs ou à but non lucratif ».

Qu’en est-il des préoccupations éducatives des séjours achetés sur appel d’offres ? Les sociétés commerciales satisfont aux mêmes obligations réglementaires que les associations concernant les projets éducatifs exigés par l’administration. Mais M. Jean-Karl Deschamps, explique que les marchés publics ont « provoqué un grand changement qui fait qu’aujourd’hui très peu de collectivités savent codifier dans leur règlement de marché public des éléments éducatifs et pédagogiques. Nous sommes passés d’un rapport de proximité d’idéal à un rapport de codification technique et administrative d’achats ».

Mme Agnès Bathiany, directrice générale de la Fédération générale des pupilles de l’enseignement public, regrette également que, « lorsque les séjours sont soumis à un appel d’offres des collectivités territoriales, les parents n’aient pas accès au projet éducatif de la mairie. Ils interrogent la mairie sans savoir pour quelles activités les enfants partiront. La marchandisation de notre secteur n’incite pas à se préoccuper de la mixité sociale mais privilégie surtout la baisse de coût... La dimension politique et éducative disparaît dans les critères des comités d’entreprises et des collectivités et l’utilité sociale de notre activité n’est pas reconnue ».

Pour le secteur associatif des colonies, l’abandon des achats groupés de séjours de vacances par les comités d’entreprise est tout aussi préoccupant que la montée en puissance des opérateurs à but lucratif. Près de 60 % des CE préfèrent distribuer des chèques-vacances à leurs salariés plutôt que de leur proposer des séjours collectifs de vacances. Et ces chèques servent rarement au départ en colonies des enfants. Or, lors de son audition par la mission, M. Philippe Laval, directeur de l’Agence nationale des chèques-vacances (ANCV), indiquait que « les centres de vacances, de séjour et de loisirs ainsi que les séjours scolaires éducatifs représentent un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros. Le secteur associatif représente les deux tiers de ce montant. Cela représente 4 % des chèques-vacances ».

L’abandon, par les comités d’entreprise, de leur politique de soutien au départ en colonies des enfants de leurs salariés serait une preuve que leur désaffection des séjours ne tient pas seulement à leur prix, qui n’est pas un obstacle pour les familles aidées par les comités, mais à une moindre attractivité de ces séjours pour les parents, en dépit des investissements et des efforts consentis par les organisateurs pour adapter leur offre aux tendances qui dominent les loisirs et en particulier à la pratique d’activités qualifiées par un intervenant de « tape-à-l’œil ».

M. Patrick Drouet donne l’exemple du « comité d’entreprise d’Airbus à Bouguenais dans la banlieue de Nantes [qui] faisait des colos de 2 semaines. Aujourd’hui l’offre est d’un séjour de 5 jours, du lundi au vendredi parce que les familles veulent passer le week-end avec l’enfant. Il ajoute que « ces modifications radicales des temps sociologiques sont significatives et méritent qu’on y porte attention ».

Les causes sociologiques de désaffection des colonies par les enfants ne sont pas les premières causes évoquées par les interlocuteurs de la mission ni par les enquêtes statistiques. Elles dessinent cependant une évolution de la demande de vacances des familles qui apparaît la meilleure explication des différences de taux de départ observées selon les classes d’âges.

M. Michel Désormière a souligné que l’offre de séjours de son comité était désormais « divisée par tranches d’âge et par thématiques. Les premières colos sont des séjours de proximité. Le premier départ des enfants est très dur pour les parents. Ces séjours qui montent en puissance, sont un aspirateur pour les petits mais pas seulement. C’est un vivier en progression ».

En habituant à partir en séjours collectifs très jeunes, les mini-camps et les courts séjours incitent les mêmes enfants, parvenus à l’adolescence, à partir plus loin et plus longtemps. Les enquêtes qualitatives et les sondages sur les motivations des parents qui envoient ou, au contraire, n’envoient plus leurs enfants en colonies de vacances, insistent sur la peur qu’ils éprouvent pour la sécurité morale de leurs enfants jusqu’à l’adolescence et pour leur sécurité physique par la suite, lorsqu’ils les savent sur la route ou qu’ils pratiquent des activités à risque.

3. Des parents réticents à l’idée d’envoyer leurs enfants en colos

Parmi les grandes synthèses faites par l’OVLEJ, on trouve, dans son bulletin n° 15 d’avril 2005, les résultats d’une enquête comparative sur les perceptions et attentes des parents à l’égard des colonies de vacances, portant sur un échantillon représentatif des parents d’enfants âgés de 11 à 18 ans. La majorité des parents se déclare favorable aux colos. Parmi les objections au départ, les plus citées, par trois quarts des réponses, sont le refus de l’enfant, avant le prix des séjours et les craintes pour la sécurité des enfants ou le risque de mauvaises fréquentations.

Serait-ce que les colos ne plaisent plus aux enfants ? Selon Mme Laurence Gilbert, membre du bureau du Syndicat national de l’éducation permanente, de la formation, de l’animation, de l’hébergement, du sport et du tourisme-Force ouvrière (SNEPAT-FO), les enfants sont en permanence immergés dans les structures collectives contraintes de l’école et des accueils périscolaires. Ils peuvent être désireux d’échapper à la discipline collective d’une colonie de vacances.

Et, pour M. Jean-Louis Deroussen : « C’est aux parents de faire comprendre à leur enfant que l’entrée dans la société et la vie implique de quitter le cocon familial. Il faut leur faire comprendre que pour trouver un métier et une situation professionnelle, ils auront à s’arracher du cocon familial. Ce peut être progressif. L’enfant et les parents surmontent leurs peurs par un premier séjour de courte durée.

« Il faut tout mettre en œuvre pour surmonter ces difficultés, y compris les réticences des parents qui ont eu du mal à quitter le cocon familial. En encourageant ces séjours, on montre qu’il y a un intérêt au-delà du loisir et de l’amusement pendant le séjour, dans la découverte d’un au-delà du quotidien alors que 2 millions d’enfants sans mobilité ne connaissent pas la vie plus loin que le coin de leur rue. »

Les colos seraient imposées par les parents aux enfants, pour leur bien. Les opinions négatives attribuées aux enfants pourraient toutefois refléter une ambivalence des parents à l’égard des colos. Ils souhaitent qu’elles socialisent les enfants et leur apprennent les règles du vivre ensemble. Mais ils attendent aussi de leurs enfants résistent au conformisme, qu’ils s’individuent et se singularisent, qu’ils fassent preuve d’autonomie et de créativité. Pris entre ces injonctions contradictoires, les enfants pourraient se laisser séduire par les thématiques de courts séjours mais se lasser très vite de la discipline et rejeter les contraintes qu’imposent l’accueil et l’hébergement collectifs.

Pour éviter cette lassitude et ce rejet, les séjours de vacances doivent pouvoir offrir aux jeunes la possibilité de profiter d’un moment de solitude ou de sélectionner leurs activités. Ils doivent aussi pouvoir choisir entre un séjour et des vacances familiales. Celles-ci sont souvent présentées, dans les analyses des organisateurs de séjours, comme une forme régressive de départ pour les enfants et les adolescents, puisqu’ils conçoivent l’éducation des jeunes, qu’elle soit scolaire ou informelle, comme un arrachement aux coutumes et aux préjugés familiaux et une libération des potentialités créatives individuelles des enfants.

Assurément, pour les quelque 3 millions d’enfants qui n’ont pas la possibilité de partir en vacances et les 2 millions d’entre eux qui ne quittent pas le foyer familial pour plus d’une nuit, les colonies de vacances offrent la possibilité d’échapper à l’enfermement du champ clos de l’environnement quotidien. Pour les autres, les vacances familiales peuvent être un moment heureux de joie partagée avec les plus proches, hors des contraintes routinières qui effacent souvent, sous les habitudes comportementales, les liens affectifs qu’ils partagent.

L’augmentation des temps libres des parents, consécutive à la réduction du temps de travail, a pu leur offrir davantage d’occasions de partager des moments de vacances, au premier sens du terme, de découverte, partagée sous un jour favorable, de lieux méconnus. On pourrait alors comprendre que les colonies aient longtemps été et soient encore, pour les familles qui n’ont pas les moyens de partir en vacances, un substitut que l’on délaisse dès que la possibilité s’offre de s’évader en famille.

Cela pourrait expliquer que les colonies soient moins fréquentées dès que la situation économique et les conditions de travail offrent aux familles des conditions favorables au départ mais, qu’à l’inverse, la baisse du taux de départ en vacances, le maintien d’une forte immobilité dans les milieux les plus pauvres et les difficultés économiques induites par les crises récentes remettent les colonies de vacances à l’honneur.

Ce serait cependant oublier la forte fréquentation des séjours par les adolescents des milieux aisés, qui partent aussi en vacances familiales. La différence des taux de départ selon les classes d’âge révèle moins les réticences des plus jeunes à partir en colos avec leurs copains que les sentiments de crainte de parents gagnés par une peur diffuse pour la sécurité de l’enfant, une angoisse de la séparation d’avec les plus petits et de la mise en danger des plus grands. Ces peurs nouvelles agissent davantage sur la décision de ne pas les envoyer en colonies que les refus attribués aux enfants ou le plaisir espéré des vacances familiales.

Pour les familles solvables, le principal obstacle au départ tiendrait à la crainte que l’enfant soit mis en danger à un âge où il ne peut ni se défendre ni décider raisonnablement par lui-même. Comme le remarque le professeur André Rauch, « les rapports entre animateurs et enfants sont placés sous la menace de la pédophilie ». Cette prévention se dissipe progressivement avec la puberté et pendant l’adolescence. Elle accentue la spécialisation des colonies dans les séjours pour adolescents et ne disparaît pas entièrement puisqu’elle laisse place, pour ces derniers, aux craintes d’accident corporel et de mauvaises fréquentations.

Ces phénomènes, repérés par les sociologues, sont confirmés par les témoignages recueillis par la mission au cours de ses auditions. Ils dessinent une évolution du rapport des familles françaises aux colonies de vacances au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. Dans les années 1950 et 1960, avant que les vacances familiales ne soient rendues accessibles pour le plus grand nombre, les colonies étaient, selon l’expression de M. André Rauch déjà citée, « un cadeau fait aux enfants ».

Par la suite, l’envoi des enfants en colonies a été vécu comme un abandon, une séparation douloureuse, sans doute nécessaire à leur acquisition progressive d’une autonomie et d’une audace curieuse, mais de plus en plus retardée jusqu’à l’adolescence et réduite dans sa durée, à mesure que les inquiétudes sur leur sécurité physique et morale se faisaient plus dirimantes et l’exigence sociale et éducative du départ en colos moins pressante. Si l’enfant doit partir dans un séjour collectif, pour son bien, pour s’émanciper et se socialiser, il doit y être conduit par ses parents, demeurer à portée d’une visite inopinée sur place et rendre compte en permanence du déroulement du séjour.

M. Patrick Drouet résume en quelques phrases cette évolution : « L’OVLEJ et le ministère de la jeunesse et des sports démontrent par leurs études que l’âge moyen des départs en colonie a changé. Le public garde à l’esprit que les colonies s’adressent aux 6-12 ans. Or aujourd’hui, ceux qui partent sont les 12-17 ans. La tranche d’âge qui part proportionnellement le plus en colonie est celle du collège. L’âge moyen du premier départ recule chaque année. L’enfant ne part plus en colos pour la première fois à 6 ans mais à 11 ans et demi. Entre 1990 et aujourd’hui, l’âge moyen du premier départ recule de trois à quatre mois tous les ans.

« Le comité central d’entreprise de la SNCF a fait une grande enquête auprès des parents des cheminots pour savoir pourquoi ils n’envoient pas leurs enfants en colos. La réponse est simple : parce qu’on n’a pas confiance. Je ne l’envoie en colonie que lorsqu’il a l’âge de se défendre et d’appeler les parents au téléphone en cas de problème. Les craintes sont liées à la pédophilie. Mais, comme en témoignent les travaux de M. Guillaume Maché sur la rupture du lien affectif, la difficulté du départ tient aux réticences des familles à lâcher leurs enfants qui sont choyés et dont elles ne veulent pas se séparer. »

Ces craintes parentales sont alimentées par l’image que les médias donnent des colonies de vacances. Cette image souvent passéiste et ridicule dans les fictions, devient même grotesque dans les mises en scène télévisées qui insistent sur les expériences transgressives que les hébergements permettent et sur l’immaturité complice des moniteurs. Dans les reportages d’actualité en revanche, les colonies n’apparaissent qu’à l’occasion de faits divers tragiques et d’accidents spectaculaires qui les présentent comme des lieux dangereux.

Selon Mme Yaëlle Amsellem-Mainguy, sociologue chargée d’études et de recherches à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), « une revue de presse sur les colonies de vacances, à partir des bases de données, ne fait ressortir que les événements graves qui s’y sont déroulés. Les événements chouettes, les spectacles, les concerts, les concours inter-séjours ne ressortent pas. Ce biais alimente la crainte des familles à envoyer leurs enfants en colos parce qu’ils vont forcément tomber dans l’accident de car qui a lieu tous les trois ans ».

Ce jugement implicite porté par les médias influence les mœurs et les opinions des parents comme celles des enfants. Il conforte l’inquiétude des premiers et leur inclination à retarder toujours davantage le premier départ dans une colonie éloignée du lieu de résidence et encadrée par une équipe d’animation inconnue. Les services de la DJEPVA confirment : « Les choix opérés par les ménages ne sont donc pas de nature économique seulement. On constate ainsi une certaine défiance des ménages à confier leurs enfants aux organisateurs de séjours collectifs de mineurs, on constate un lien brisé entre ces derniers et les familles. »

Mme Amsellem-Mainguy souligne que « ce sont ces événements marquants et redoutés par les familles qui, à mon avis, à écouter les animateurs et les parents, expliquent les réticences au départ des mineurs en colos… Quand on interroge les parents sur les colos, ils ont de bons souvenirs à raconter mais ajoutent immédiatement qu’ils n’y enverront pas leurs enfants, parce que c’est dangereux. Il faut leur rappeler la statistique du nombre d’accidents rapporté au nombre des jeunes qui partent en colos et au nombre des accidents domestiques ».

Ces craintes sont d’autant plus surprenantes pour les organisateurs de séjours qu’elles ne sont pas fondées sur une situation objectivement dangereuse mais sur une représentation fantasmatique, alimentée par des images. Selon M. Jean-Karl Deschamps : « la mise en exergue d’accidents dissuade les départs alors que les assurances témoignent qu’un enfant en centre de vacances a moins de risque de faire une mauvaise rencontre ou d’avoir un accident que dans le milieu familial ou amical ».

Les services de la DJEPVA confirment : « Ces séjours sont heureusement peu accidentogènes. Sur 4 millions d’enfants partant en séjours ou accueils de loisirs, on déplore une centaine d’accidents graves et pratiquement pas de décès, taux bien inférieur aux risques encourus lors des vacances familiales. » La médiatisation des rares accidents ou incidents qui surviennent dans les colonies a des effets d’autant plus dévastateurs sur l’opinion que les activités des colonies de vacances ne sont pas couvertes par les médias en dehors de ces faits divers.

À la crainte excessive des dangers supposés auxquels les colonies de vacances exposeraient les enfants s’ajoute celle de les voir rompre avec les habitudes et les valeurs transmises par la famille. Dans un contexte de repli sur le cocon familial et les communautés de proximité, les mélanges sociaux et culturels auxquels donnent lieu les colonies de vacances vendues sur catalogue peuvent être un frein au départ pour les familles.

Celles-ci sont devenues soucieuses d’épargner à leurs enfants les risques affectifs liés à la mixité et la relativisation des valeurs familiales qui résulte de la rencontre d’enfants du même âge, mais de milieu social ou culturel différent. M. Philippe Didier-Courbin, chef du service des politiques sociales et médico-sociales du ministère des affaires sociales, a évoqué les réticences des familles d’origine étrangère à accepter le départ d’un enfant en colonies, « loin de ses frères et sœurs et dans un environnement mixte », ajoutant qu’il n’y aurait pas d’adhésion de la famille à un tel projet.

Tiraillés entre les craintes pour la sécurité ou les bonnes habitudes des enfants et la conscience du profit qu’ils tirent d’un séjour collectif avec des copains de leur âge, les parents choisissent la solution de compromis que représente, pour les moins de 13 ans, un mini-camp de 4 à 5 jours dans un centre de loisirs, habituellement fréquenté par l’enfant et à proximité du domicile.

Le centre de loisirs est un acteur social bien connu des familles. Les parents et les enfants connaissent les équipes d’animateurs qu’ils retrouveront dans l’encadrement des mini-camps organisés sur place. Les familles peuvent être associées au projet éducatif qui prend place dans le cadre général des activités habituelles du centre. Pendant la durée du séjour, les familles peuvent passer voir les enfants hébergés.

M. Didier Jacquemain, délégué général de la Fédération nationale des Francas, confirme que « la proximité du projet élaboré avec les familles incite au départ en mini-camps. Les infrastructures sont légères et les séjours peu coûteux. Ces séjours sont financés par les collectivités locales davantage que les colonies de vacances, comme l’indique une note d’analyse du Haut Conseil de la famille de février 2013. C’est une forme d’apprentissage pour les parents qui dissipent leurs craintes sécuritaires ».

Le mini-camp, qui réunit de petits groupes d’enfants dans des hébergements sous tente, garde un aspect d’aventure, en particulier pour les plus jeunes enfants. Il ne présente pas toutefois les mêmes garanties de mixité sociale et géographique que les colonies de vacances traditionnelles, puisque le public des mini-camps est celui du quartier et de la commune dans lesquels le centre de loisirs est installé.

En contrepartie, la proximité maintenue avec l’environnement habituel des copains d’école et du terrain familier de la base de loisirs présente des avantages qui expliquent que le séjour en mini-camp ne rencontre ni prévention ni objection chez les parents. Le recrutement des participants se fait non pas sur catalogue marketing mais par le réseau local des adultes qui encadrent les enfants.

Selon Mme Claudie Buisson, « les causes psychosociologiques [de la désaffection des colonies] tiennent d’abord à la crainte croissante des parents de laisser leurs enfants à la garde de tiers. Les parents arbitrent clairement en faveur de courts séjours en mini-camps organisés à proximité du domicile familial, par une équipe d’encadrement qu’ils connaissent et qui dépend d’une collectivité territoriale. Les mini-camps dans la région rassurent les parents sur les cadres du séjour et leur laissent la possibilité d’aller visiter leurs enfants au milieu du séjour. Selon les représentants des collectivités territoriales que nous avons rencontrés, c’est à ces conditions que l’on parvient à maintenir une bonne fréquentation des séjours ».

Les craintes des familles pour la sécurité des enfants, l’alternative offerte par les mini-camps en centre de loisirs peuvent expliquer que les financeurs sociaux aient cessé de subventionner le départ en colonies des 6-12 ans. Leur désaffection pour les séjours de vacances, pour préjudiciable qu’elle soit à leur éducation et à la cohésion sociale, peut être jugée inéluctable. Les mêmes explications ne valent pas pour les 13-16 ans auxquels les séjours de vacances sont désormais principalement destinés. On serait tenté, à leur propos, de mettre la baisse de fréquentation observée sur le compte du prix des séjours. Mais ces hausses de prix sont elles-mêmes la conséquence des montées en gamme imposées aux organisateurs par la demande des familles et par la réglementation.

En effet, pour cette tranche d’âge, la demande des familles se porte en effet sur des activités valorisantes, qui poursuivent, pendant les vacances, l’accumulation scolaire de capital social. La course à la performance éducative se poursuit pendant le temps des vacances. Elle a deux conséquences sur le marché des séjours collectifs. Elle favorise l’offre la plus élaborée et la plus chère, celle des séjours linguistiques à l’étranger, des séjours sportifs de haut niveau et des séjours d’aventure, dont les conditions d’organisation et de déroulement garantissent aux familles des progrès mesurables dans les performances des enfants. À l’inverse, elle dévalorise les séjours qui présenteraient des risques pour l’ascension sociale des jeunes, en particulier ceux qui mettraient les plus favorisés au contact des plus défavorisés.

Mme Yaëlle Amsellem-Mainguy reconnaît que, si les centres de vacances et de loisirs sont l’occasion, pour les jeunes, « d’aller à la rencontre d’autres jeunes qu’ils n’auraient pas côtoyés en dehors de ces centres, ce sont aussi des champs de production d’inégalités, par la segmentation des structures, par la qualité de l’offre, par le coût et les saisons des séjours. La fréquentation des accueils collectifs, la mixité sociale sont variables selon les périodes de l’année. Le public des jeunes au mois d’août n’est pas le même que celui des autres périodes ».

La mixité sociale, qui était l’un des principaux atouts des colonies de vacances, est désormais battue en brèche du fait de leur spécialisation thématique, des écarts de coûts qu’elle implique, de la disparition des subventions qui compensaient ces écarts pour les familles modestes et de la relégation des enfants défavorisés dans des séjours qui leur sont réservés. La spécialisation thématique agrège autour d’activités de plus en plus discriminantes, par leur image ou par leur coût, des enfants issus de milieux sociaux et culturels semblables pour lesquels la pratique de ces activités devient un signe d’appartenance à une communauté affective ou élective.

Les organisateurs de séjours ont tout intérêt à séparer nettement les colonies pour les enfants pauvres issus des banlieues, dont l’économie repose sur les subventions publiques et les séjours haut de gamme qui sont financés par une clientèle aisée, parce que ces derniers craindraient d’y envoyer leurs enfants s’ils devaient côtoyer ceux des quartiers pauvres. La mixité sociale devient un risque pour la rentabilité de ces séjours. Selon Mme Louise Michon, responsable du secteur enfants/adolescents de l’Union nationale des centres sportifs de plein air (UCPA), « on n’accueille pas les jeunes en situation difficile dans des séjours à 600 ou 700 euros ».

Il en résulte une ségrégation sociale des séjours qui divise progressivement le marché des colonies en deux secteurs exclusifs à mesure que la clientèle issue de la classe moyenne disparaît. Les parents éviteraient les séjours qui pourraient exposer leurs enfants non pas seulement aux accidents ou aux incidents provoqués par des adultes mais surtout aux mauvaises fréquentations et aux violences entre jeunes. Selon Mme Agnès Bathiany : « l’absence des classes moyennes dans les centres de vacances fait monter des oppositions qui mettent en cause les projets éducatifs. Les attentes de familles issues de milieux différents ne sont pas les mêmes ».

M. André Rauch a évoqué des conflits sociaux entre groupes issus de milieux, de territoires et de cultures différents qui s’affronteraient pour s’imposer dans un rapport de force dont la colonie serait l’enjeu : « Les premières colonies n’envisageaient pas la mixité sociale. C’était la religion ou le civisme de la laïcité. Cela fonctionnait bien puisque les groupes avaient leurs lieux propres. Quelque chose est venu changer la donne et troubler ce fragile équilibre. Il y a plusieurs pistes dans cette nouvelle situation. La première est la mixité garçons-filles qui ne va pas de soi. La deuxième est la contamination, non pas seulement par la présence de l’autre, mais par le fait qu’il va nous entraîner dans le sens fixé par la composition majoritaire du groupe. Beaucoup de directeurs et de moniteurs que j’interrogeais pendant mes enquêtes évoquaient des conflits la nuit entre les groupes. »

MM. Jacques Labat et Jean-Marc Mahé ont rappelé les limites des politiques de départs ciblées qui font partir en groupe les jeunes les plus en difficulté, en tentant de résoudre les problèmes sociaux de certains quartiers. Les opérations anti-été chaud (ville vie vacances) du gouvernement et les appels d’offres de séjours passés par les municipalités urbaines proposent des vacances à des jeunes qui ne seraient, sinon, jamais partis. Mais les effets secondaires de ces départs collectifs ont pu être dévastateurs dans les stations balnéaires qui accueillaient des groupes de 40 jeunes reproduisant, sur place, les comportements en usage dans le quartier. Des bagarres éclataient entre bandes. Palavas-les-Flots, la Grande-Motte, certaines municipalités du bassin d’Arcachon ont fini par interdire l’accueil de ces groupes.

Si les conflits communautaires sont sans doute l’exception, les intervenants ont en revanche souligné les conflits individuels provoqués par le placement, dans les colonies du mois d’août, des enfants pris en charge par des services départementaux et des foyers qui ferment pendant cette période et expédient les jeunes en colonies, à moindre frais et sans prévenir les organisateurs ni les équipes d’encadrement. Plusieurs interlocuteurs ont ainsi déploré le manque d’échanges d’informations entre les foyers et les centres de vacances. Ils ont aussi relevé que les colonies servaient de garderie à bon compte pendant le mois d’août, puisque les frais de séjours acquittés auprès des organisateurs par les départements étaient bien plus faibles que les coûts d’hébergement et d’encadrement des mêmes mineurs accueillis en foyers.

M. René Bouillon, secrétaire général de la Fédération des œuvres éducatives et de vacances de l’éducation nationale (FOEVEN), confirme la part croissante que prennent les jeunes en situation difficile dans des séjours de plus en plus socialement homogènes : « Les services sociaux trouvent très utiles que les colos existent encore. Les associations d’éducation populaire aident les jeunes en familles d’accueil ou en foyer à partir en vacances mais quand nous n’avons plus que deux types de population sur nos séjours, cela pose des difficultés. Les jeunes en situation difficile sont vus comme des jeunes difficiles. Il nous faut donc doser la mixité et la réussite du projet éducatif du séjour suppose de respecter des conditions pour apprendre à se connaître, se respecter et participer à des activités.

« Le fait que les classes moyennes ne participent plus aboutit à ce que les associations soient les seules à prendre les risques de cette mixité. Les séjours sont parfois incomplets. Il faut éviter les ghettos de jeunes en situation difficile. L’utilité sociale des séjours devrait être reconnue par les départements qui sont responsables de l’aide à l’enfance. Nous ne devons pas rester les seuls à faire face aux difficultés. On a dévalorisé, à un moment donné, l’image des centres de vacances en disant qu’ils n’étaient plus fréquentés que par les jeunes en situation difficile. Nos séjours n’ont pas vocation à se spécialiser dans l’accueil de ces jeunes. »

De même, selon Mme Amsellem-Mainguy la fréquentation des colonies du mois d’août apparaît désormais risquée pour les parents parce que leurs enfants se trouveraient confrontés à de nombreux jeunes en situation personnelle difficile : « Au mois d’août, la fermeture des centres sociaux et d’une partie des foyers de jeunes conduit à envoyer les résidents en colos… Les jeunes d’un foyer sont envoyés par deux ou trois dans une colo qui en accueille d’autres, issus d’un autre foyer.... En résultent des problèmes de mixité sociale dans certains accueils collectifs ou certaines régions parce que les jeunes qui y vont sont les plus difficiles... Ils sont parfois 15 issus de foyers sur une colo de 40… »

M. Michel Désormière a évoqué le cas d’une enfant de 10 ans, partie en colo en août dans un organisme qui récupère des enfants en difficulté sociale : « Elle s’est retrouvée dans un groupe de 14 dont 2 enfants seulement avaient, selon son expression, une famille complète, avec un papa et une maman, sans parents séparés ni drame familial. C’était dur à entendre. La colo s’est mal passée puisque les enfants de ces familles étaient turbulents et sans cesse punis.

« L’enfant a été marquée et a attendu trois ans pour repartir. On en a parlé librement avec le partenaire qui a reconnu que le taux d’enfants difficiles était élevé au mois d’août. Ces enfants ont bien sûr le droit de partir mais la mixité sociale que nous essayons de promouvoir devient problématique et sans solution satisfaisante dans ces conditions-là. »

Mme Amsellem-Mainguy a expliqué que les enfants ne sont pas les seules victimes de ces situations. Les animateurs en pâtissent également lorsqu’ils « se trouvent face à des jeunes pour lesquels ils n’ont pas du tout été formés. Quand ils essaient d’appeler les foyers, personne ne décroche puisque c’est les vacances. Que peut faire un animateur de 20 ou 21 ans désemparé dans cette situation ?

« Soit la colonie est tirée vers le haut, soit elle est tirée vers le bas. Nous avons constaté les deux cas sur le terrain. Dans le premier cas, c’est dynamique. Dans le second cas, les animateurs doivent faire preuve de courage pour tenir leur colonie jusqu’au bout alors que les autres jeunes, qui ne viennent pas de foyers, adressent des messages désespérés à leurs parents pour qu’ils viennent les chercher ».

Dès lors, on comprend aisément que les parents qui en ont les moyens prennent des garanties pour éviter que leurs enfants se retrouvent dans ces situations et que la moindre allusion défavorable ou la moindre rumeur puisse dissuader un départ. Sans un net infléchissement de la fréquentation des séjours par un retour en colos des enfants de la classe moyenne, seuls survivront à la crise actuelle du secteur les séjours de proximité, les séjours spécialisés pour les publics entièrement pris en charge ou les séjours dont la fréquentation sociale est garantie par la nature des activités, la réputation de l’organisateur et le prix du séjour.

4. Une réglementation devenue défavorable aux colos

L’État, qui a porté les colonies de vacances après-guerre, au point d’en faire un mouvement de masse, est-il à présent indifférent au départ des enfants en colos puisqu’ils sont accueillis jusqu’à 12 ans en accueil de loisirs, qu’ils partent en mini-camps et, par la suite, en vacances familiales ? La croissance rapide des vacances familiales dans les années 1960 a été accompagnée par l’arrêt des aides d’État au départ en colonies. Puisque les familles pouvaient s’offrir des vacances, il devenait moins nécessaire pour l’État d’en offrir aux enfants.

Ce n’est cependant pas dans les termes d’un encouragement officiel aux vacances familiales qu’est décrit le changement de la politique en faveur des colonies de vacances dans les débats budgétaires des années 1960, qui insiste sur le report des crédits en faveur d’investissements et d’équipements de loisirs et de sports. Par la suite, les gouvernements des années 1980 et 1990 ont semblé délaisser les colonies et les abandonner au libre jeu des forces du marché, de l’offre commerciale et de la demande de loisirs des familles.

Dans un premier temps, la hausse des taux de départ et de la fréquentation des séjours pouvaient laisser penser que ce secteur d’activité avait trouvé sa propre dynamique de croissance, non plus dans un mouvement d’éducation populaire complémentaire de l’éducation nationale et soutenu par les autorités publiques, mais dans l’économie du sport, des vacances et du tourisme. Lorsque des mesures profitables aux colonies de vacances étaient adoptées, comme celle des chèques-vacances, c’était dans un cadre général de soutien aux loisirs et aux vacances, laissant les familles et les comités d’entreprise libres de choisir leurs modes de consommation des temps libres et des séjours de vacances.

Il ne s’agissait plus de prescrire, de soutenir ou même de recommander telle ou telle forme d’activité. Les colonies de vacances devaient compter sur leur propre attractivité pour soutenir la fréquentation de leurs séjours dans un secteur devenu concurrentiel. Les organisateurs se sont adaptés à cette politique. Tant que la fréquentation des séjours progressait, l’indifférence supposée de l’État à l’égard des colonies n’était pas critiquée et le sujet ne suscitait pas de débats.

Le retournement de la tendance et la baisse rapide de la fréquentation ont pris de court le milieu associatif. Il a protesté contre une série de mesures administratives qui ont eu des effets défavorables sur le secteur économique des colonies, renchérissant le coût des séjours, ajoutant des contraintes réglementaires, au point d’apparaître rétrospectivement, selon l’expression utilisée par Mme Claudie Buisson à propos des classes de découvertes, comme une forme de « dissuasion bureaucratique », bien que ces mesures n’aient pas été conçues dans ce but mais dans celui de sécuriser et de normaliser les séjours, pour répondre aux inquiétudes des familles et réduire le risque de contentieux judiciaire.

Les familles ne demandent pas seulement aux organisateurs de veiller à l’épanouissement et au confort de leurs enfants. Elles exigent aussi de l’État qu’il prenne des dispositions pour garantir, par des réglementations de plus en plus strictes, la sécurité physique et morale des mineurs. Alors que les organisateurs associatifs de colonies bénéficiaient d’une délégation d’autorité parentale implicite, les associations étaient supposées présenter a priori les qualités morales et les garanties éducatives requises pour que les enfants ne soient pas mis en danger.

Cette confiance présumée s’est érodée. Les parents ont imposé l’idée que tout accident était nécessairement la conséquence d’une faute, d’un manquement à une obligation de sécurité et de prudence. Ils ont commencé à mettre en jeu la responsabilité pénale des organisateurs de séjours à chaque accident grave. Ils ont exigé et obtenu de l’administration que des règles supplémentaires de sécurité des transports, des accueils et des activités, ainsi que des exigences de qualification professionnelle des personnels d’encadrement soient explicitement imposées aux organisateurs de séjours par la réglementation, au-delà de celles déjà mises en place dans les décennies précédentes. Il s’agit d’un comportement sociétal. Il faut un responsable et un coupable.

La politique réglementaire suivie par l’État à l’égard des colonies a accompagné plutôt que combattu les préventions à l’égard des colos. Dans son avis du 28 juin 2000 sur l’accueil des jeunes dans les centres de vacances et de loisirs, le Conseil économique et social regrette que la réglementation, lourde et complexe, soit désormais « essentiellement d’inspiration sécuritaire ».

La réglementation des colonies s’était figée en 1960, quand leur tutelle a été retirée au ministère de l’éducation nationale pour être confiée à celui de la jeunesse et des sports. Le décret n° 60-94 du 29 janvier 1960 concernant la protection des mineurs à l’occasion des vacances scolaires, des congés professionnels et des loisirs est resté en vigueur jusqu’aux années 2000.

Aux règles spécifiques concernant les lieux d’accueil des mineurs, l’aménagement des locaux et l’hygiène, posées dès 1938, s’étaient ajoutées, dans l’après-guerre, les exigences d’encadrement et de formation préalable des animateurs, puis celles concernant l’exercice des activités. Il s’agissait toujours de protéger la sécurité, la santé et la moralité des mineurs accueillis et, lorsque les colonies sont passées sous la tutelle de l’éducation nationale, de veiller à la qualité du projet éducatif qui leur est proposé.

Entre 1960 et les années 2000, les principales modifications de la réglementation ont visé les centres de loisirs, d’abord soumis à des exigences distinctes avant qu’un rapprochement entre les régimes juridiques des deux formes d’accueils ne s’engage à partir de 1975. Le Conseil économique et social, dans son avis, appelait d’ailleurs à la poursuite de ce rapprochement. Il s’étonnait de l’existence « de sources de droit totalement distinctes et différentes pour les centres de vacances (décret de 1960) et les centres de loisirs sans hébergement (arrêté de 1984), alors que, par-delà certaines spécificités fortes, tous les discours visent à la complémentarité et à la prise en compte globale de la problématique des loisirs collectifs de l’enfant ».

Le Conseil invitait le Gouvernement à adapter la réglementation pour ne pas en rester aux seules préoccupations sécuritaires et d’hygiène et conforter la mission éducative des structures d’accueil en privilégiant leur projet pédagogique. En outre, il proposait d’assurer la cohérence des textes en instituant une réglementation unique pour les deux types d’accueil, afin d’éviter les régimes dérogatoires, en particulier celui des mini-camps, qui se développaient alors en dehors des cadres juridiques des accueils de mineurs avec hébergement.

Le Conseil ne dissimulait pas les problèmes qui affectaient depuis quelques années les colonies de vacances, qu’il s’agisse de la disparition du patrimoine des centres de vacances, des effets de la réglementation des marchés publics sur leur organisation ou de l’intégration progressive des personnels d’encadrement des colonies dans le régime salarial, conventionnel et jurisprudentiel des professionnels de l’animation.

Le Conseil attendait un « nouveau départ » pour la réglementation des accueils de mineurs, à la suite d’une remise à plat générale de la réglementation et de l’adoption d’une loi d’orientation qui réponde « aux attentes du secteur, même si la procédure nécessite un gros investissement politique ». La loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel a bien procédé à une réforme de la réglementation des centres de vacances et des centres de loisirs sans hébergement. Elle les a réunis sous une même appellation d’accueils collectifs de mineurs. Elle les a maintenus sous la tutelle des services de l’État et sous l’autorité du préfet, en dépit de la compétence générale reconnue au conseil général en matière de protection des mineurs accueillis hors du domicile parental.

Cette loi n’a cependant pas allégé les contraintes administratives et réglementaires pesant sur les accueils. Au contraire, les exigences concernant la couverture de la responsabilité civile des organisateurs de séjour ainsi que le respect des normes d’hygiène et de sécurité des lieux d’accueils et celles de qualification des personnels qui encadrent les jeunes ont été renforcées. La loi a soumis les centres à une même obligation de déclaration préalable, étendue aux mini-camps par l’abaissement des seuils déclaratifs définis par le nombre de mineurs accueillis, sept contre douze auparavant. Elle a enfin modifié les règles administratives applicables au projet éducatif des accueils.

Les centres de loisirs n’étaient auparavant tenus d’établir un projet éducatif qu’en contrepartie d’une habilitation facultative. Ce projet était en outre laissé à l’initiative de l’équipe d’animation. Désormais, la loi en confie l’élaboration à la personne physique ou morale organisant l’accueil de mineurs. Il en complète le contenu exigé. Les textes d’application fixent les conditions dans lesquelles ce projet éducatif doit être transmis à l’administration mais aussi, sur leur demande, aux représentants légaux des mineurs avant l’accueil de ces derniers.

Selon M. Jean-Pierre Pequignot, dans son rapport d’avril 2007 sur les espaces de loisirs, « dans la période actuelle de remise en ordre de la réglementation, il est assez délicat de comprendre le cheminement qui a prévalu dans les modifications apportées à certains textes ainsi que dans les nouveaux textes. La cohérence de cette réglementation est à chercher dans l’analyse de la demande sur le terrain et le souci de protection des mineurs ». La crainte d’un accident lors d’un trajet en groupe ou de la pratique d’un sport à risque est souvent avancée.

Une proposition de loi avait été déposée par nos anciens collègues Richard Mallié et Renaud Muselier sous la précédente législature, à la suite d’un accident mortel de la circulation survenu en août 2009 aux États-Unis, pour substituer au régime de la déclaration celui d’un agrément des séjours collectifs de mineurs à l’étranger, afin de permettre un contrôle préalable sur les conditions d’organisation du séjour, à défaut d’enquête sur place. Le rapport de M. Christian Kert avait jugé cette proposition « particulièrement lourde à mettre en œuvre » et potentiellement « contre-productive », invitant à lui substituer un agrément global des organisateurs.

Le risque d’accident inquiète mais c’est surtout la hantise d’une agression sexuelle, perpétrée par les personnels d’encadrement sur les enfants accueillis, attisée par la médiatisation de cas dramatiques, qui s’est installée dans l’imaginaire collectif. Ceci n’a pas été sans incidence sur la réglementation et la surveillance exercée par les services de l’État sur les accueils, leurs organisateurs et leur encadrement.

Le régime des incapacités professionnelles, qui, avant 2001, ne visait que les organisateurs et l’encadrement des centres de vacances, a été étendu à tous les accueils de mineurs et à l’ensemble des intervenants, y compris les personnels de services et les bénévoles. Les dispositions introduites à cette fin à l’article L. 227-7 du code de l’action sociale et des familles par l’ordonnance du 1er septembre 2005 ont été reportées à l’article L. 133-6 par une autre ordonnance du 1er décembre 2005 afin que tous les établissements régis par le code soient concernés et plus seulement les accueils collectifs de mineurs.

Pour veiller au respect des obligations imposées aux accueils collectifs de mineurs et plus particulièrement au respect des interdictions professionnelles, les préfets ont été dotés de pouvoirs de police administrative afin d’agir préventivement à l’égard des risques avérés ou bien de sanctionner, par des suspensions et des fermetures, les personnes fautives comme les organismes défaillants. Les agents du ministère chargé de la jeunesse, habilités à procéder aux contrôles administratifs sous leur autorité, ont été assermentés afin de rechercher et de constater en même temps les infractions pénales commises.

Ces obligations administratives, assorties de sanctions plus lourdes que celles de l’ancienne réglementation, non plus contraventionnelles mais délictuelles, ont été imposées indifféremment à tous accueils collectifs de mineurs afin d’en renforcer la sécurité. Cette orientation sécuritaire a été accentuée par les textes législatifs et réglementaires qui se sont succédé après 2003. Selon M. Pequignot, « en 2004, suite à l’accident survenu dans un centre équestre », la réglementation a été rendue plus sévère encore et les seuils de déclaration ont à nouveau été baissés.

L’exposé des motifs de la loi du 17 juillet 2001 insistait déjà sur « de multiples faits divers [qui] ont montré la nécessité de faire preuve d’une extrême vigilance dans le choix des personnes exerçant des fonctions, quelles qu’elles soient, dans l’accueil d’enfants ou adolescents. Un régime d’incapacité a donc été prévu afin d’interdire aux personnes condamnées pour certaines infractions, notamment celles contre les bonnes mœurs, d’exercer de telles fonctions » et pour écarter « toute personne dont le maintien en activité présenterait des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs ».

Cette hantise a eu sur la fréquentation, par les mineurs les plus jeunes, des séjours de vacances éloignés du domicile familial, les effets révélés par les statistiques, réservant peu à peu ces séjours aux adolescents, jugés, par leurs parents, plus capables de se défendre.

Plus généralement, les réglementations sur la sécurité alimentaire et plus encore sur l’accessibilité des locaux publics aux personnes atteintes d’un handicap, souvent transposées de directives européennes, motivées par des préoccupations légitimes, guidées par des intentions louables et généreuses, ont fini par produire des effets inattendus sur les séjours collectifs, en faisant disparaître une partie de l’offre associative soit purement et simplement, soit au profit d’une offre commerciale réputée plus professionnelle.

Le patrimoine des centres de vacances a été victime d’une normalisation drastique de l’aménagement et de la sécurisation des locaux recevant du public. La protection contre les incendies, les risques de panique et les consignes d’hygiène imposées dans les locaux sanitaires et de restauration ont justifié l’installation, rendue obligatoire par les registres de sécurité, de systèmes d’alerte incendie, de ventilation, de désenfumage, d’éclairage de sécurité et d’isolement des cuisines… Autant d’aménagements qui ont nécessité des investissements coûteux.

Les règles d’hygiène alimentaire posées par une instruction du ministère de la jeunesse et des sports du 9 juillet 2002 adaptaient les obligations de séparation des locaux et de conservation des aliments dans le cas des séjours itinérants et des camps. Elles privilégiaient l’appel à la responsabilisation et la prévention. Le règlement européen du 29 avril 2004 a confirmé ces obligations et les a même renforcées afin d’assurer la traçabilité des aliments consommés et l’origine des intoxications. Selon M. Maurice Motsche, chargé de mission Jeunesse de la Confédération des maisons des jeunes et de la culture de France (CMJCF) : « La législation exige par exemple que l’on conserve des échantillons de l’ensemble des repas pris au cours du camp. Donc il faut emmener un frigo. »

Pourtant, pour M. Philippe Bancon, délégué général des Scouts et guides de France (SGdF) : « Ce n’est pas la réglementation mais la responsabilité des acteurs qui assure la sécurité. À trop suivre la réglementation à la lettre, on a des situations ubuesques. On finit par laver tout à l’eau de Javel sans plus de bon sens. Quand on accueille 17 000 jeunes sur un grand camp, il n’y a pas de réglementation adaptée. Il faut éduquer à la sécurité et non pas se préoccuper de ce qu’on pourra reprocher à l’organisateur en raison de la réglementation. »

Aux normes de sécurité s’ajoutent les normes d’accessibilité au public handicapé qui ont fait l’objet d’une attention constante de la part des autorités publiques depuis plusieurs années. Des principes généraux, favorisant l’accès des mineurs, porteurs d’un handicap, aux séjours de vacances et de loisirs ouverts au reste de la population, ont été posés par le législateur. Les transports publics sont adaptés aux différentes formes de handicaps. Une part des aides publiques au départ leur est réservée.

Une charte de déontologie pour l’accueil des personnes handicapées dans les centres de vacances et de loisirs non spécialisés a été signée en 1997 sous le patronage du ministère de la jeunesse et des sports. Des guides méthodologiques à destination des organisateurs et des animateurs de séjours ont été rédigés et distribués. Tout concourt à ce que les mineurs handicapés fréquentent les colonies ouvertes au reste de la population et que leur présence prouve que la mixité des séjours concourt à l’intégration des plus défavorisés dans le corps social et à la découverte, par les enfants valides, de l’altérité, du handicap et, du même coup, de la solidarité avec ceux qui sont leurs semblables.

On pourrait même se réjouir du succès de l’ensemble de ces dispositions en découvrant, à la lecture de l’étude de l’OVLEJ publiée dans son bulletin de juillet-août 2009, que le taux de départ en séjours collectifs des enfants et des jeunes en situation de handicap est supérieur de trois points au taux de départ moyen de leur classe d’âge.

Puis l’on apprend quelques lignes plus loin que « ce résultat pose question quant aux modes d’organisation de ces séjours, l’enquête [de l’INSEE] ne permettant pas de distinguer ceux se déroulant en milieu ordinaire des séjours spécialisés, mis en place par des associations d’usagers, de parents ou de services intervenant auprès des enfants…

« La relation observée entre le mode de scolarisation et le départ en séjour collectif laisse penser qu’il s’agirait plus fréquemment de séjours spécialisés. Les résultats des analyses conduites sur la constitution de réseaux amicaux des collégiens et lycéens interrogés dans le cadre de cette enquête viennent également à l’appui de cette hypothèse. En effet, à caractéristiques égales… seule la fréquentation de séjours collectifs contribue à augmenter le nombre de meilleurs amis déclarés par les collégiens et lycéens. Ce résultat ne s’observe pas pour les jeunes en situation de handicap ».

Le témoignage de M. Jacques Pittion, responsable du service « enfance-jeunesse » du comité central d’entreprise de la SNCF, confirme les conclusions de l’étude de l’OVLEJ : « S’agissant de l’accueil des enfants handicapés, les centres de vacances au sens large, sans même parler de lieux d’accueil, devraient favoriser l’intégration de jeunes handicapés de manière à partager une expérience collective la plus enrichissante possible. Nous constatons que cette expérience est aussi enrichissante pour le jeune en situation de handicap que pour les autres. Mais malheureusement, sur 12 000 enfants qui partent chaque été, il n’y a en moyenne que 25 à 30 handicapés qui partent alors que nous savons que la proportion d’enfants handicapés dans les familles de cheminots est plus importante. Sur les 25 jeunes accueillis en 2012, on dénombre 10 enfants autistes et 2 handicapés moteur, le reste relevant d’un handicap plus léger lié à des difficultés d’intégration sociale. »

L’intervention de l’État, par des mesures réglementaires favorisant l’accessibilité des accueils, s’avère même contre-productive quand, au lieu d’augmenter les taux de fréquentation de ces accueils par les différents publics auxquels ils sont destinés, ces mesures conduisent à la fermeture de centres d’accueil et à la réduction de l’offre de séjours. De ce point de vue, l’exemple le plus significatif est donné par l’application aux séjours de vacances pour mineurs de l’article 41 de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Cet article a introduit dans le code de la construction et de l’habitation une obligation d’aménagement des établissements recevant du public (ERP) aux usagers souffrant d’un handicap. Les possibilités de dérogation accordées par décret ont été, par la suite, restreintes et les établissements recevant du public contraints à respecter les normes d’accessibilité d’ici 2015.

Les centres de vacances appartiennent au type R et relèvent pour la plupart des quatrième et cinquième catégories, limitées à l’accueil de 300 personnes. Ils doivent être accessibles aux mineurs, quel que soit leur handicap et assurer la continuité de la chaîne de déplacement le long des circulations intérieures et extérieures, en veillant à respecter une largeur minimale.

Les mêmes normes ont été imposées aux centres de vacances, aux hôtels et aux bâtiments publics, comme par exemple les établissements scolaires ou hospitaliers. Selon le rapport de Mme Claire-Lise Campion remis en mars 2013 sur l’application de la loi de 2005, « l’enquête sur les lycées montre que le coût de mise en accessibilité oscille de 50 à 70 euros/m² pour cette catégorie d’établissements. En Rhône-Alpes, le coût total est estimé à  159 millions d’euros pour 276 lycées publics, soit de 30 à 130 euros/m² ».

Ces normes contraignent les organisateurs de séjours, qu’il s’agisse d’associations, de municipalités ou de comités d’entreprise, à des investissements immédiats considérables et hors de proportion avec les marges du secteur des colonies de vacances, afin de conformer leurs bâtiments au diagnostic d’accessibilité obligatoirement établi avant le 31 décembre 2010. C’est pourquoi, lorsque les accueils se tenaient dans des bâtiments classés, souvent des châteaux, ou dans des lieux dont la mise aux nouvelles normes aurait entraîné des dépenses excessives, ou même des démolitions suivies de réhabilitations lourdes, les organisateurs de séjours ont préféré se dessaisir de leur patrimoine immobilier et les associations qui géraient ce patrimoine ont, dans la plupart des cas, cessé leur activité.

Selon M. François Vercoutère, délégué général de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France : « Pour une association propriétaire de locaux à la mer ou à la montagne, il est difficile de rester aux normes en ayant par ailleurs des séjours moins nombreux et qui ne peuvent pas être proposés à un coût qui couvrirait l’investissement nécessaire pour respecter les normes de sécurité incendie et autres imposées par le ministère de la jeunesse et des sports. Les locaux des municipalités et des comités d’entreprise ont duré un peu plus longtemps mais on voit aujourd’hui des municipalités les revendre parce qu’elles ont du mal à les mettre aux normes.

« Je ne sais pas quoi en penser parce que l’on souhaite que les enfants qui fréquentent ces équipements ne meurent pas brûlés à cause de la porte qui n’ouvre pas dans le bon sens mais en même temps on constate qu’à chaque incident, on imagine qu’il va se passer la même chose dans tous les équipements et l’on en fait une norme. C’est une difficulté de trouver le juste milieu entre la garantie apportée aux parents que l’enfant qui part reviendra en bonne santé et le péril que les normes font courir à l’organisateur de séjour. »

La disparition des centres de vacances incite les organisateurs commerciaux de colonies à louer des lieux d’accueils plus récents, par exemple des établissements scolaires, nécessairement mis en conformité avec la réglementation, pour proposer des séjours en ville ou en zone périurbaine, moins chers que dans les zones touristiques.

Leur offre est particulièrement prisée des financeurs, municipalités ou comités d’entreprise, qui passent des appels de marché public pour constituer un catalogue de séjours qu’ils proposent aux familles. Un hébergement en internat scolaire permet à l’offre commerciale d’être plus compétitive que les offres associatives classiques et la procédure de l’appel d’offres, initialement conçue pour favoriser la concurrence dans la passation des marchés publics, aboutit à évincer les associations du marché des colonies.

M. Patrick Drouet explique que « les sociétés commerciales ne font pas de colonies dans les centres de vacances mais dans des lycées, des collèges, des maisons familiales rurales pour des raisons de rentabilité économique. Un lycée dans la Creuse de 300 lits se loue à des loyers très faibles, intéressants pour les gestionnaires puisque ce loyer s’ajoute aux subventions pour charges éducatives. En outre, ces établissements sont nécessairement aux normes. La rentabilité de ces hébergements est incomparable avec celle des colonies.

« Les sociétés commerciales qui en profitent s’engagent dans une approche consumériste dans lesquelles ce sont les activités proposées dans ces établissements qui attirent les enfants. Le catalogue de Telligo, leader des loisirs commerciaux, par exemple ne propose d’hébergement que dans des lycées. Il en va de même pour Loisirs 80. Le coût d’entretien d’un centre de vacances comme le château de la Turmelière à Liré est sans comparaison avec celui d’un lycée dans la banlieue d’Ancenis ».

M. René Bouillon confirme que « les établissements publics ont longtemps abandonné l’idée de remplir leurs internats pendant les vacances puisque cela causait des problèmes. Les AROEVEN sont nées de l’initiative d’enseignants qui ont accompagné leurs élèves dans ces internats d’été. Quand l’éducation nationale s’est détachée des préoccupations de l’éducation populaire, ces utilisations d’internat se sont arrêtées. Depuis que les établissements sont passés sous la responsabilité des collectivités territoriales, il y a des incitations à les louer, surtout l’été dans les lieux les plus en vue, à des opérateurs commerciaux qui les réservent pendant toutes les vacances et évincent les associations qui n’ont pas les mêmes moyens et les mêmes besoins ».

M. Patrick Drouet explique pourquoi les centres de vacances associatifs ferment les uns après les autres : « Une étude du conseil régional de Bretagne faite avec la Somival sur les centres du tourisme associatif sur toute la région a mis en évidence une fermeture des centres et mis en cause les normes et la réglementation qui accélère cette fermeture. Les gestionnaires d’équipement, qu’ils soient municipaux ou appartenant aux comités d’entreprise disent la même chose. Il a fallu se mettre aux normes incendies dans les années 1980 puis aux normes HACCP [Hazard Analysis Critical Control Point] de la restauration dans les années 1990 et aujourd’hui on nous demande de nous mettre aux normes d’accessibilité. Quelle sera la prochaine loi ? Les gestionnaires ont l’impression que l’entretien d’un patrimoine immobilier est un gouffre sans fond. »

L’escalade normative et ses conséquences dommageables sur l’activité des colonies ne touchent pas seulement les locaux d’accueil mais aussi les activités. La réglementation des activités physiques et sportives (APS), révisée par un arrêté du 20 juin 2003, distingue les contraintes, imposées à certaines activités à risque, d’obligations plus générales. Les sports mécaniques ou d’aventure qui retiennent l’attention du public dans les catalogues des organisateurs de séjours sont plus coûteux que les activités traditionnelles des colonies de vacances.

L’annexe III de l’arrêté impose la présence, dans l’équipe d’encadrement, d’un nombre de détenteurs de diplômes spécifiques à chaque pratique de sports nautiques, aériens ou de montagne. Ce nombre est proportionnel au nombre de pratiquants réunis. Le texte impose aussi le respect de consignes strictes dans l’organisation et la déclaration préalable des activités risquées, la reconnaissance des parcours, des conditions météorologiques et la vérification de la conformité des équipements aux normes en vigueur.

Pour encadrer ces activités très réglementées et parfois dangereuses, les organisateurs sont ainsi contraints par la réglementation de faire appel à des personnels qualifiés ou professionnels. Ces personnels ne peuvent être rémunérés sur la base des forfaits modiques appliqués aux animateurs occasionnels des centres. L’alignement de leur rémunération sur les grilles pratiquées dans les clubs de sport et de loisirs à vocation commerciale contribue à la hausse du prix des séjours. On ne peut que regretter que la pratique des activités physiques et sportives, dans un cadre ludique et de découverte, ne soit pas prévue par la loi. D’autre part, on ne peut que s’étonner que le même enfant, qui pratique la même activité au même endroit (par exemple le ski), soit soumis à des règlementations différentes selon qu’il est sur un temps de vacances ou scolaire.

Les obligations plus générales portant sur des activités qui ne sont pas mentionnées dans la liste de l’annexe III, comme la protection des déplacements des groupes de mineurs, en véhicule, à vélo ou à pied n’ont pour but que d’assurer la sécurité des mineurs en responsabilisant leur encadrement. Elles établissent cependant une présomption de responsabilité qui conduit à considérer tout accident comme un manquement à une consigne de sécurité et non comme un aléa de la vie courante. Elles poussent également à la surqualification des moniteurs, à la professionnalisation de l’encadrement des loisirs et à la multiplication d’équipements de sécurité et de dispositifs d’urgence et de secours, coûteux à acquérir et à maintenir en état de fonctionnement, alors même que leur usage est rare.

La réglementation ne vise pas seulement à protéger les usagers des centres d’accueils. Elle se soucie tout autant des conditions de travail de l’encadrement. Mais il apparaît juridiquement impossible, en dehors des centres de loisirs ouverts à l’année, de concilier le droit du travail qui exige qu’un salarié se repose au moins huit heures par jour et la coutume d’encadrement des centres de vacances, selon laquelle les animateurs occasionnels doivent avoir à cœur d’accompagner et de surveiller jour et nuit, sans ménager leur peine, les enfants qui leur sont confiés.

On aboutit à un droit du travail de plus en plus précis et favorable aux animateurs des centres de vacances mais qui n’est pas toujours appliqué et qui peut placer les organisateurs des séjours comme leurs personnels dans une position délicate d’illégalité qui expose leur responsabilité en cas d’incident.

5. L’échec du contrat d’engagement éducatif

L’encadrement des séjours de scoutisme est demeuré bénévole. Pour M. Philippe Bancon : « c’est la force et la fragilité du mouvement. Un tiers à un quart de nos bénévoles tourne chaque année, ce qui exige un effort de formation. On appelle les jeunes à prendre des responsabilités dans le mouvement alors qu’ils ont moins de place dans la société puisqu’ils finissent leurs études et trouvent un travail plus tard. Ils partent avec des jeunes qui ont le même âge qu’eux et dont ils sont entièrement responsables. Ils ne viennent pas pour cela, ils viennent pour la nature et les copains mais ils trouvent en retour une expérience de responsabilisation.

« Le bénévolat est une grande force éducative. Les enfants rencontrent dans leur quotidien des professionnels et des salariés. Avoir pour éducateur un bénévole permet à l’enfant de comprendre que l’adulte n’a pas d’autre raison d’être là que le plaisir de passer du temps avec lui. L’enfant découvre qu’il a assez de valeur pour qu’on soit là avec lui et sans autre raison. C’est un ressort éducatif profond pour faire grandir les enfants et pour former les adultes… On a du mal à faire reconnaître la spécificité du bénévolat en termes de ressort et de motivations contre le salariat.… Pour nous développer, il faut que des jeunes bénévoles s’engagent. Ils sont motivés mais ils doivent pouvoir concilier leur engagement avec des études, des stages ou des premiers boulots. Tout ce qui peut valoriser l’engagement bénévole, le prendre en compte dans les études ou dans les stages nous aiderait ».

À l’inverse, l’encadrement des colonies a cessé d’être bénévole dès les années 1930, lorsque les effectifs de colons ont dépassé les moyens des associations caritatives qui les organisaient. Les organisateurs ont recruté du personnel de service qui n’était pas formé à cette tâche et diminué les taux d’encadrement, un surveillant prenant en charge 30 à 40 enfants. L’État est intervenu à l’initiative notamment de Gisèle de Failly, pionnière de l’éducation active, pour autoriser le recrutement de jeunes moniteurs, en suivant le modèle proposé par le scoutisme et pour réglementer l’organisation et le taux d’encadrement des séjours.

Lorsque le ministère de l’éducation nationale a lancé, à la Libération, sa politique de départ massif en colonies, les animateurs formés aux méthodes nouvelles ne pouvaient suffire à encadrer les centaines de milliers d’enfants réunis dans les centres en été. Le ministère a dû mobiliser le corps des instituteurs et prévoir l’indemnisation de leurs fonctions de moniteurs et de directeur de colonies, exercées pendant les congés scolaires. Le principe de cette indemnisation a été étendu en 1955 à tous les moniteurs et directeurs occasionnels recrutés par les associations qui organisaient les séjours.

Du point de vue de la législation fiscale et sociale, cette indemnité n’était pas considérée comme un salaire. La réglementation des colonies de vacances a ainsi établi un régime intermédiaire entre le salariat et le bénévolat. Ce régime, qui perdure, a été fragilisé par le développement des accueils de loisirs, qui mêlent des employés permanents et occasionnels de statuts très divers. Le principe de cette indemnisation a été remis en cause en 1988 par les partenaires sociaux, lorsqu’ils ont conclu une convention collective nationale de l’animation socioculturelle.

L’annexe II de cette convention a redéfini les conditions d’emploi et d’indemnisation du personnel pédagogique employé occasionnellement dans les centres de vacances et de loisirs. En étendant la convention collective aux animateurs et aux directeurs des centres d’accueil de mineurs, les partenaires sociaux ont éloigné leur statut du bénévolat et l’ont rapproché du salariat et donc du droit commun du travail.

Pour tenir compte de la spécificité de ces emplois, qui exigent la présence continue des personnels auprès des mineurs qu’ils encadrent et s’accommodent d’une faible rémunération, l’annexe II de la convention a maintenu une rémunération faible. Mais elle a implicitement changé la nature de l’indemnité versée, devenue un salaire au forfait.

Ce mode de rémunération, dérogatoire au droit commun du travail, et l’absence de temps de repos pendant la journée et la nuit d’activité, confirmée par l’annexe II, ont été contestés par l’inspection du travail et par les représentants syndicaux d’animateurs qui, rompant avec la conception de l’encadrement de colonies de vacances qui assimilait animation et volontariat, se sont portés en justice pour obtenir l’application, à leur situation, des règles communes du droit du travail, en matière de rémunération et de temps de travail et de temps de repos.

M. Gilles Mondon, secrétaire général de l’UNSA Rhône-Alpes, ainsi que plusieurs autres intervenants, ont rappelé que les fonctions d’animateurs, exercées sans interruption ni repos, étaient très éprouvantes : « On a tous connu des animateurs revenant lessivés de 15 jours de vacances, le retour en voiture étant alors déconseillé. » Auparavant, ces conditions de travail conduisaient les organisateurs à recruter davantage d’animateurs qu’exigé par les seuils réglementaires. La hausse des coûts a eu raison de cette coutume.

Mme Laurence Gilbert, membre du bureau du SNEPAT-FO, a souligné que, dans les conditions économiques actuelles, étant donné le taux de chômage des jeunes, « les animateurs sont tellement à court d’argent comme beaucoup de gens qu’ils sont capables de prendre n’importe quoi, à n’importe quel prix et dans n’importe quelle condition, y compris de ne pas dormir la nuit, il faut repenser tout cela ». Les organisations syndicales ont rappelé que les animateurs ne devaient pas être utilisés de façon abusive comme une main-d’œuvre bon marché et corvéable à merci pendant le temps du séjour.

Le souhait légitime des représentants syndicaux des animateurs occasionnels des centres de vacances et de loisirs de professionnaliser leur statut et de leur offrir des postes et des conditions de travail répondant aux normes du droit commun du salariat a ouvert un conflit juridique et jurisprudentiel qui dure depuis 20 ans. Les réglementations successivement posées, par voie conventionnelle, légale ou réglementaire, pour améliorer le statut de ces personnels, tout en tenant compte de la spécificité des accueils de loisirs avec hébergement, ont été déférées devant les juridictions nationales ou européennes pour en accuser le caractère dérogatoire aux principes généraux du droit du travail.

Selon M. Didier Jacquemain : « L’annexe II faisait un lien entre la durée du temps de travail mentionnée dans la convention collective et un équivalent des deux heures de travail effectif correspondant à la grille de rémunération de la convention. Comme les animateurs travaillent largement plus de deux heures en réalité, il a été facile de démontrer que cette correspondance ne tenait pas. »

La rémunération forfaitaire d’une journée d’activité par un salaire correspond à deux heures de travail effectif. Or, pendant cette journée, le personnel pédagogique n’est pas seulement présent sur place, il est astreint à participer aux activités comme aux repas. Lorsque les mineurs accueillis sont hébergés, le personnel est supposé exercer sur eux une surveillance continue sans temps de repos. Rémunérer ces longues journées par un salaire équivalent à deux heures de travail effectif ne pouvait qu’être jugé illicite.

La contestation a d’abord été portée devant la juridiction civile française. La chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée en défaveur de la dérogation conventionnelle sur la rémunération forfaitaire des emplois occasionnels des centres de vacances et de loisirs. Renversant le régime administratif qui prévalait depuis 1955, la Cour a estimé, dans sa décision du 25 mai 1994, Association de gestion des centres de loisirs d’Arnage, que l’indemnisation forfaitaire de la journée d’activité d’un animateur par le paiement de l’équivalent de deux heures de travail effectif était illicite.

Le forfait n’est que présomptif et un animateur qui estime avoir accompli plus de deux heures de travail effectif au cours de sa journée de présence a droit au paiement des heures « qu’il justifie avoir effectuées ». La Cour a ajouté en 1996 que « le caractère occasionnel de l’activité d’un salarié ne modifie pas la nature salariale des sommes », tout en concédant, en 1997, que le forfait d’indemnisation pouvait introduire une présomption irréfragable à condition que cette présomption ait été expressément mentionnée dans le contrat de travail de l’animateur.

Le régime de la convention collective est ensuite apparu contraire à la définition légale du temps de travail posée par la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail. Selon l’article L. 212-4 du code du travail, « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles ».

Enfin, le régime a été fragilisé par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes qui s’est prononcée, le 9 septembre 2003, sur les temps de repos devant être accordés aux salariés astreints à des gardes. L’absence de temps de repos minimum et de compensation des temps de garde, dans le statut des employés occasionnels des centres de loisirs et de vacances, ne pouvait qu’être jugée contraire aux règles du temps de travail posées par la directive européenne n° 93/104/CE du 23 novembre 1993. En outre, la Cour a établi que les heures passées en temps de garde devaient être considérées comme du temps de travail effectif dans leur intégralité et ne pouvaient donc compter, même pour partie, comme un temps de repos. Enfin, s’agissant de l’indemnisation de ces heures, la Cour a imposé qu’elles soient toutes rémunérées, fût-ce à un taux horaire conventionnel dérogatoire.

Cette triple remise en cause de la convention collective de l’animation a conduit le Gouvernement à rechercher une solution juridique qui mette les organisateurs d’accueils collectifs de mineurs à l’abri d’une requalification, par l’inspection du travail, des contrats d’emploi occasionnel passés avec les animateurs et les directeurs des centres et qui les mette aussi à l’abri de recours en justice pour le paiement des heures de travail effectuées au-delà des forfaits conventionnels.

Le Gouvernement a d’abord demandé l’avis du Conseil économique et social. L’avis adopté le 28 juin 2000 fait état de divisions au sein du Conseil. Ce dernier reconnaît que le recours occasionnel à des non-professionnels, pour animer et encadrer les accueils de mineurs, est à la fois souhaitable, pour permettre à des centaines de milliers de jeunes de s’investir dans une expérience unique de socialisation et de prise de responsabilité, et indispensable, compte tenu de la saisonnalité de l’activité des centres. Mais il conteste que ces emplois occasionnels puissent échapper aux droits sociaux communs et au code du travail.

À la majorité, les membres du Conseil considèrent « qu’il n’y a pas lieu de créer une catégorie intermédiaire entre bénévoles et salariés dans la branche qui conduirait à instaurer des mesures dérogatoires au code du travail et à la réglementation sociale en général ». Cette position, soutenue par les représentants des syndicats de salariés, a été contestée par ceux des associations et des employeurs, qui ont soutenu un autre texte proposant un volontariat social pour l’animation occasionnelle des accueils de mineurs.

Un rapport d’information de notre ancien collègue Philippe Vuilque, sur les métiers de l’animation, déposé sur le bureau de l’Assemblée le 29 mars 2000, expose les problèmes que pose l’application du droit du travail aux personnels occasionnels de l’animation. Il évoque l’instauration d’un nouveau statut spécifique, celui de « jeunes animateurs volontaires stagiaires » ou JAVOS qui se substituerait en partie à l’annexe II de la convention collective de 1988.

M. Vuilque invite cependant le législateur à ne pas s’en tenir à ce statut : « Le système issu de l’annexe II a vécu, plus personne ne le défend. Pour autant, il n’est pas envisageable de s’en tenir, pour le remplacer, au mécanisme JAVOS. » Il invite aussi les partenaires sociaux à renégocier la convention collective pour substituer au mode de rémunération forfaitaire un système d’équivalence entre le temps de travail effectif et le nombre d’heures indemnisées.

Ce n’est qu’en 2005 que le Gouvernement, faute d’accord collectif sur une nouvelle convention, s’est finalement résolu à proposer un nouveau statut de l’animation occasionnelle. Écartant l’application d’un volontariat aux emplois occasionnels des centres d’accueil de mineurs, la loi n° 2006-586 du 23 mai 2006 relative au volontariat associatif et à l’engagement éducatif crée un nouveau contrat inspiré du statut des éducateurs et des aides familiaux.

Ce contrat d’engagement éducatif, tout en poursuivant dans la voie ouverte par la convention collective, vers une professionnalisation et une intégration des emplois occasionnels de l’animation dans le droit du travail, devait éviter que l’application stricte des règles générales de ce droit n’entraîne un renchérissement du prix des séjours de vacances et des accueils de loisirs, préjudiciable non seulement à leur fréquentation mais aussi à leur mixité sociale.

Ce contrat devait aussi accorder une reconnaissance légale à la notion d’engagement éducatif au service des mineurs, dans le cadre d’un projet pédagogique. Cette reconnaissance était susceptible de justifier juridiquement les dérogations aux principes généraux du droit du travail, par une sujétion consentie par le salarié en contrepartie d’une œuvre d’intérêt général. En quelque sorte, il s’agissait de reconnaître une forme de dévouement généreux, distincte à la fois de la sujétion et de l’indemnisation salariales.

La loi de 2006 a introduit, dans le code du travail, un article L. 774-2. Cet article a été déplacé par une ordonnance de codification de 2007 dans le code de l’action sociale et des familles et divisé par les articles L. 432-1 à L. 432-4. Il prévoit que les personnels pédagogiques des centres reçoivent un salaire minimum journalier, fixé par décret par référence au SMIC, dans la limite de 80 jours par an. Il prévoit aussi que la durée du travail de ces emplois occasionnels est fixée par une convention ou un accord de branche étendu et, qu’à défaut, le salarié bénéficie d’un repos hebdomadaire de 24 heures consécutives. Il renvoie à un décret les modalités de décompte du temps de travail et de vérification de l’application de ces dispositions par l’inspection du travail.

Le décret d’application n° 2006-950 du 28 juillet 2006 a été attaqué devant le Conseil d’État par un syndicat représentant des animateurs de l’Isère, l’Union syndicale solidaires Isère. Le requérant demandait que les heures de travail effectif soient rémunérées au SMIC et que le titulaire d’un contrat d’engagement éducatif bénéficie d’un temps de repos quotidien de 11 heures, en application de la directive européenne du 4 novembre 2003.

Dans sa décision du 2 octobre 2009, le Conseil a rejeté la plupart des demandes du requérant mais sursis à statuer sur le repos quotidien devant être accordé aux salariés sous contrat d’engagement éducatif, demandant à la Cour de justice de l’Union européenne de se prononcer sur l’application à ce contrat des garanties offertes par la directive sur le temps de travail.

La Cour, dans son arrêt du 14 octobre 2010, a estimé que ces garanties devaient s’appliquer au contrat d’engagement éducatif et que seules des activités spécifiques de la fonction publique ou des services de protection civile pouvaient bénéficier d’exemption. Dès lors, les salariés sous contrat d’engagement éducatif dans les centres de vacances et de loisirs se sont vus reconnaître un droit à repos quotidien de 11 heures, susceptible toutefois d’être compensé par un repos hebdomadaire équivalent, afin de maintenir une surveillance permanente des mineurs hébergés pendant la nuit.

L’argument selon lequel ces employés occasionnels pouvaient échapper au droit commun du temps de travail posé par la directive, parce qu’ils ne seraient pas salariés mais engagés volontaires, a été écarté par la Cour au motif que la notion de salarié est une notion autonome du droit européen, qui s’impose aux législations nationales et repose sur le constat objectif d’une subordination consentie en contrepartie d’une rémunération, quel que soit le nom donné à cette subordination conventionnelle.

La décision de la Cour confirme l’intégration du contrat d’engagement éducatif dans le droit général du travail. Elle précise les conditions d’octroi et de compensation des temps de repos aux animateurs. Ces conditions posées ont beaucoup inquiété les associations organisatrices de séjours, qui ont craint de devoir doubler les équipes d’encadrement.

Pour répondre à ces inquiétudes, le Gouvernement a mis en place, le 19 septembre 2011, un groupe de travail réunissant les représentants des ministères, des organisateurs associatifs et privés de séjour, des comités d’entreprise et des collectivités territoriales, sous la présidence de M. André Nutte, inspecteur général des affaires sociales honoraire.

Avant même que ce groupe de travail ne rende ses conclusions, le contrat d’engagement éducatif a été modifié par un amendement parlementaire introduit dans la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives. À la place du repos hebdomadaire de 24 heures prévu par la loi de 2006, l’amendement accorde au titulaire, conformément à la jurisprudence, un repos quotidien de 11 heures consécutives mais prévoit que ce repos puisse être reporté dans des conditions fixées par décret. Le décret d’application du 26 avril 2012 module le report du temps de repos selon la durée du séjour et autorise son fractionnement par périodes de quatre heures.

De l’aveu des organisateurs de séjours comme des organisations syndicales, avec ce dernier aménagement réglementaire, le contrat d’engagement éducatif est devenu un monstre juridique inapplicable, qui place les organisateurs de séjours et les animateurs dans une insécurité juridique qu’il avait pour but d’éliminer. Il a en outre des conséquences négatives sur l’ensemble du secteur de l’animation au point que son abrogation paraisse désormais inéluctable.

Une étude, réalisée par le cabinet Agires, à la demande de l’UNSA Rhône-Alpes, permet de prendre la mesure de ces conséquences à l’échelle du territoire d’une région. L’étude met en évidence l’impact de la réglementation des temps de repos sur le coût des séjours. Les effectifs des animateurs doivent augmenter de 10 à 80 % selon que l’organisateur applique le repos compensateur quotidien et met en place des équipes doubles, l’une le jour et l’autre la nuit, le départ des animateurs et l’arrivée de veilleurs de nuit étant source de perturbation pour les jeunes hébergés.

Selon Mme Elsa Régent-Pennuen, auteure du rapport d’Agires, « l’augmentation moyenne de la masse salariale est estimée à 20 % environ, se traduisant par une augmentation du coût des séjours de 7 à 45 %, selon le mode de repos compensateur choisi et la capacité des structures d’absorber le coût. Certaines disposent d’autres activités qui sont plus rentables et leur permettent de compenser le surcoût des séjours de vacances ».

M. Jacques Pittion a expliqué que ce comité avait pris le parti, dès le mois d’avril 2012 et avant même la parution du décret, d’appliquer de manière stricte le droit du travail et d’anticiper sur les articles L. 432-2 et L. 432-4 du code de l’action sociale et des familles : « Nous rémunérons les moniteurs bien au-delà de 2,2 fois le SMIC journalier puisque nous les rémunérons 55 % de plus. 2,2 fois le SMIC journalier, cela fait 20,75 euros brut par jour, alors que nous les rémunérons 32,22 euros brut, au prix d’un effort financier. Nous leur accordons un repos compensateur pris pour partie sur site et pour partie à l’issue du séjour, conformément à la réglementation.

« Nous avons même été au-delà puisque le droit du travail impose la prise différée d’un repos compensateur sans toutefois prévoir qu’il soit rémunéré. Le comité d’entreprise a estimé qu’il était normal de payer intégralement aux moniteurs le repos compensateur différé, au même tarif. La réforme du CEE qui a augmenté la rémunération des animateurs et nécessité 30 % d’embauches complémentaires dans nos centres de vacances d’été, pour compenser la prise de repos compensateur, a provoqué une hausse de 19,3 % de la masse salariale de l’encadrement de colonies de vacances, qui a été intégralement prise en charge sur les fonds propres du comité d’entreprise. Il n’y a pas eu d’augmentation des frais de séjour pour les familles. »

La durée et l’organisation de certains séjours sont affectées par ce changement réglementaire. Des mini-camps, des séjours de moins de 24 jeunes, qui ne franchissent plus le seuil de rentabilité, relevé par l’augmentation des équipes d’encadrement, sont annulés. Des séjours de deux semaines passent de 14 à 13 jours, ceux d’une semaine à quatre nuits pour permettre un report du temps de repos en fin de séjour. Plus grave encore, les temps de repos, prescrits par le régime du contrat d’engagement éducatif et répartis par les organisateurs du séjour, ne sont pas respectés par les animateurs, qui s’en tiennent aux anciens usages coutumiers de leur fonction, selon lesquels les animateurs se doivent de rester au service des enfants jour et nuit, sans interruption.

M. François Vercoutère témoigne que, sur le terrain, les temps de repos ne sont pas respectés : « Les directeurs de centre que j’ai appelés m’ont dit qu’ils ont continué à faire comme auparavant quand l’ambiance d’équipe fait que les choses fonctionnent bien, en espérant qu’il n’y ait pas d’accident et qu’aucun n’aille aux prud’hommes à la fin du séjour pour se plaindre de n’avoir pas eu ses heures de récupération. Le renchérissement du coût des heures à payer ou les suppléments d’embauche à faire ne sont pas admissibles. Certains directeurs ont recruté des emplois aidés, ce qui n’est pas mieux. »

Le principal argument justifiant l’instauration de ces temps de repos est d’éviter qu’un excès de fatigue ne conduise les animateurs à manquer de vigilance, à mésestimer des risques ou bien à profiter des veilles nocturnes pour faire la fête et perdre de vue leurs responsabilités. M. Francis Gabriel, représentant de la CFDT au comité d’entreprise de l’Union française des centres de vacances (UFCV) explique : « Les 11 heures de repos ne peuvent pas être fractionnées, c’est inconcevable, elles ont été définies parce que c’était un besoin pour la sécurité des enfants comme des équipes d’animation. C’est ce qui permet d’oublier ce qui a fait la légende des colos. Les phases de déresponsabilisation ou de régression où l’on oublie qu’on est des adultes sont des conséquences directes du manque de repos. En outre, l’interdiction de travailler pendant les 4 jours de la fin du séjour n’a pas de sens pour un occasionnel qui a besoin d’argent. Le repos doit donc être donné sans être fractionné, afin d’assurer la sécurité des équipes comme des enfants. »

La jurisprudence définit précisément le temps de repos d’un salarié qui doit quitter son lieu de travail pour vaquer à ses occupations. Comment quitter la nuit un centre de vacances installé en montagne ou en bord de mer pour rejoindre un domicile qui se trouve à l’autre bout du pays ? Si les animateurs restent sur place et qu’un incident survient, leur responsabilité peut être engagée, celle du directeur de centre et de l’organisateur aussi, alors qu’un grand nombre d’animateurs sont eux-mêmes mineurs.

Des organisateurs de séjours, des directeurs de centres mettent en place des temps de repos conformes à la réglementation mais inapplicables en pratique et s’exposent à un recours devant les prud’hommes. Non seulement le nouveau régime du contrat d’engagement éducatif manque son but, puisque les temps de repos ne sont pas pris dans les colonies, mais il place les cadres dans une position de double insécurité juridique. À celle liée aux temps de repos pris sur place s’ajoute celle liée aux temps de repos pris à la fin du séjour.

Selon M. René Bouillon : « les repos compensateurs qui permettent de faire tourner les équipes allongent la durée du contrat d’animation au-delà du séjour de vacances, ce qui empêche les animateurs d’enchaîner les séjours. Les jeunes y vont quand même en ne déclarant pas qu’ils sont encore en contrat. Deuxième illégalité, qui est une infraction pénale perturbante et inquiétante pour la qualité de nos séjours, le CEE étant un contrat de travail, un jeune en contrat à durée indéterminée ne peut pas le souscrire pendant ses congés payés, alors que c’était toléré par l’annexe II de la convention collective de 1988. »

« Les fonctionnaires qui souhaitent s’engager dans une colonie de vacances obtiennent une autorisation de leurs supérieurs hiérarchiques. Les employeurs privés ne peuvent se permettre d’accorder ce genre d’autorisation. Les animateurs des centres sociaux ne peuvent plus participer à des séjours pendant les vacances. Cela nous inquiète en tant qu’organisateurs. Nous embauchons malgré nous des gens qui sont dans ce cas ; c’est un préjudice réel ».

Le CEE a introduit des distorsions de concurrence entre les organisateurs de séjours. Selon Mme Elsa Régent-Pennuen : « la concurrence déloyale des organisateurs n’est pas marginale entre ceux qui appliquent la réglementation et ceux qui ne le font pas ».

Un contrat d’engagement éducatif peut être conclu par une association comme par une collectivité territoriale ou une société commerciale, organisatrices d’un accueil collectif de mineurs. Il est parfois abusivement utilisé par des employeurs à but lucratif qui utilisent une main-d’œuvre occasionnelle devenue bon marché plutôt que des salariés permanents, puisque le contrat d’engagement éducatif bénéficie d’un régime forfaitaire de cotisations sociales qui exclut celles pour le chômage et la retraite.

Pour éviter l’éviction des salariés sous contrat de droit commun par des salariés en CEE, l’article D. 432-1 du code de l’action sociale et des familles précise toutefois qu’un contrat d’engagement éducatif ne peut être conclu avec « les personnes physiques qui animent quotidiennement les accueils en période scolaire » ou celle qui « anime ou gère à temps plein ou à temps partiel » un accueil collectif de loisirs ou de vacances et qui « peut être amenée au titre de ses fonctions à assurer l’encadrement d’un accueil ou d’un stage destiné aux personnes engagées dans un cursus de formation ».

L’affaire des temps de repos du contrat d’engagement éducatif a agi en 2012 comme un révélateur du malaise qui s’est emparé du secteur associatif des colonies de vacances, en raison de la désaffection des séjours de vacances. Il est cependant possible que la fréquentation des séjours se stabilise, que les organisateurs associatifs qui possèdent encore des centres de vacances parviennent à les mettre aux normes et à financer les surcoûts de l’encadrement des séjours sans relever leurs prix dans des proportions qui les rendraient définitivement prohibitifs. Pour autant, il est probable que la crise s’accentue, substituant à un modèle de séjours associatifs fréquenté par des enfants et des adolescents des classes moyennes, trois modèles alternatifs :

– l’un réservé à la prise en charge caritative des vacances d’été des enfants pauvres et des jeunes de banlieue ;

– l’autre fait de mini-camps de quelques nuits passées dans les environs de la commune de résidence et, plus souvent, dans le centre de loisirs ;

– le troisième composé de séjours commerciaux de loisirs et de tourisme, réservés aux jeunes issus de milieux aisés et à la clientèle des comités d’entreprise.

Cette tripartition du secteur économique des colos, qui commence à se dessiner, outre qu’elle fait l’impasse sur la mixité sociale et géographique souhaitable de ces séjours, menace leur qualité éducative et la forme juridique associative de leurs organisateurs.

L’intervention des pouvoirs publics doit l’éviter, compte tenu non seulement de son importance pour l’économie du tourisme, mais également des bienfaits tant éducatifs que civiques, que des séjours avec hébergement de plus d’une semaine, passés loin du domicile, sont susceptibles d’apporter aux mineurs qui les fréquentent comme aux jeunes qui les encadrent.

II.- DES SÉJOURS BÉNÉFIQUES QU’IL FAUT ENCOURAGER

A. DES BIENFAITS SUR L’ÉDUCATION DES JEUNES ET SUR LE TOURISME

1. Les colos, une forme d’éducation active

Constatant la désaffection des colonies de vacances, anticipant la disparition des séjours associatifs, les autorités publiques doivent-elles à nouveau encourager leur fréquentation, en raison des effets bénéfiques spécifiques que les colos associatives produiraient sur les jeunes ? Cette question eut été incongrue à l’origine des colonies. Il s’agissait alors de lutter contre le méphitisme urbain et la tuberculose. Des préoccupations hygiénistes impérieuses motivaient des autorités publiques ou morales à prescrire autant qu’à offrir aux familles l’envoi de leurs enfants en colonies.

Ces préoccupations n’ont pas entièrement disparu. Elles demeurent présentes dans la réglementation des séjours qui vise à prévenir les intoxications alimentaires et la propagation de maladies contagieuses. Elles sont aussi plus discrètement portées par le souhait bienveillant des organisateurs et des équipes d’encadrement de proposer aux enfants une alimentation plus équilibrée et plus saine que celle que leur donnent des parents de moins en moins enclins à contrarier les désirs des enfants, sans pour autant heurter les habitudes et surtout les interdits alimentaires des familles.

Selon M. René Bouillon : « Les colos, au sortir de la guerre, avaient une dimension sanitaire qu’elles retrouvent. Nos séjours donnent un cadre aux enfants des milieux défavorisés : manger équilibré, dormir dans de bonnes conditions, avoir un rythme de vie régulier, dialoguer avec des adultes. Voilà ce qu’il nous faut remettre en avant. »

Quand les colonies de vacances sont devenues le centre d’intérêts et de conflits d’influence d’un monde associatif qui s’est investi massivement dans l’organisation de séjours collectifs, les préoccupations hygiénistes ont cédé le pas aux enjeux éducatifs. Ces associations militantes, d’abord prises dans les divisions idéologiques de l’entre-deux-guerres puis de la guerre froide se sont ensuite trouvées engagées et même très en pointe dans les débats théoriques sur la pédagogie et l’éducation.

À partir des années 1920, les principes d’une éducation nouvelle, issue de la doctrine pragmatiste américaine, ont été portés par une Ligue internationale. Ils ont conquis le scoutisme qui connaît, depuis lors, un succès ininterrompu dans les pays anglo-saxons. Cette nouvelle éducation rompt avec la passivité physique, l’attention intellectuelle et la subordination à l’autorité magistrale et paternelle auparavant privilégiées dans les institutions scolaires. Elle leur substitue l’apprentissage par une pratique ludique et physique plutôt que par l’écoute et la soumission aux instructions des maîtres.

Depuis les années 1930, le scoutisme offre un modèle d’organisation alternatif à la discipline scolaire des premières colonies de vacances. Ce modèle repose sur quatre principes : le jeu collectif, la constitution de petits groupes, la vie collective continue jour et nuit et l’encadrement par de jeunes moniteurs. L’éducation collective par le jeu est l’innovation principale de cette méthode. Elle s’éloigne des conceptions qui font de l’enfant un adulte en miniature ou, au contraire, un petit animal à dresser, en usage dans la pédagogie des précepteurs et dans les anciens collèges.

Comme le rapporte Mme Laura Lee Downs, historienne, dans son intervention lors du colloque intitulé « Quelles colos pour 2020 ? », organisé par l’UNAT le 23 novembre 2012, l’éducation active adopte une définition de l’enfance qui en fait une forme d’humanité spécifique mais transitoire :

« Il faut reconnaître ce qui exprime sa nature – le jeu – et plutôt que de lui imposer l’autorité des adultes, lui apprendre à se diriger lui-même dans la vie. La liberté de jouer, l’exercice de cette liberté dans le contexte collectif des grands jeux et, plus largement, l’apprentissage fait en colonie d’une bonne utilisation de sa liberté pendant les vacances sont autant d’éléments d’un droit de l’enfant aux vacances qui commence à se dessiner au sein des colonies. C’est un droit qui lie la liberté de l’enfant et l’exercice de sa capacité naturelle et innée à jouer, au développement de sa capacité d’agir, plus tard, en tant que citoyen actif d’une démocratie. »

Les jeux collectifs n’ont pas les mêmes exigences que les exercices scolaires. Ils sont faits de règles simples qui s’apprennent rapidement. Le bénéfice éducatif qu’ils apportent tient à l’émulation produite par le groupe de pairs, dans lequel chacun peut être à la fois un modèle et une énigme pour les autres. Les activités mimétiques du jeu collectif, qui mobilisent davantage les corps et l’instinct que la réflexion consciente, permettent de se découvrir soi-même et de découvrir les autres spontanément, dans le cours de l’action, sans arrêt et sans effort de concentration. Elles sont, de ce point de vue, complémentaires des exercices scolaires.

Le séjour collectif de loisirs renverse la logique de l’école qui ne laisse aux récréations qu’une place subalterne dans la journée d’apprentissage, rapidement réduite à mesure que l’enfant grandit. Le camp scout, la colo, exploitent à l’inverse toutes les potentialités émulatrices des récréations. La dynamique propre aux jeux collectifs, la distribution des rôles imposée par leurs règles, la promesse d’une récompense symbolique lors de la mise en concurrence des groupes suffisent la plupart du temps à emporter les réticences individuelles, tandis que les rapports de domination, les violences et les hiérarchies qui pourraient surgir sont bloqués par les règles et par la présence des moniteurs.

L’éducation active par le jeu est celle d’un petit groupe. Elle encourage la solidarité entre pairs du même âge, l’entraide collective plutôt que la recherche individuelle d’une suprématie physique ou d’une reconnaissance par une autorité magistrale et paternelle. Elle rompt avec le modèle scolaire des grandes classes comme avec le face-à-face entre précepteur et disciple. Les petits groupes reconstituent une forme de fratrie dans laquelle les relations avec les autres ne peuvent être évitées et exigent, pour que les activités collectives puissent suivre leur cours, que les enfants s’apprivoisent et se supportent malgré les inimitiés possibles et les différences.

La cohésion du groupe est imposée par la permanence de la vie collective, maintenue jour et nuit, qui ne laisse guère de possibilité aux enfants de se replier sur une sphère intime. Ils apprennent ainsi à surmonter leurs inhibitions, leurs déceptions et leurs craintes par la présence permanente des autres, par la répétition des épreuves qu’ils ont pu redouter ou auxquelles ils ont pu échouer, par la simplicité des jeux et par le renversement des rôles d’un jour à l’autre, qui facilitent la réparation des orgueils blessés.

À l’éducation par le jeu collectif et la vie en commun du petit groupe, la méthode active ajoute une quatrième singularité qui la distingue davantage de l’éducation scolaire ou familiale. Elle confie à de jeunes adultes, devenus moniteurs, le soin d’encadrer les groupes d’enfants ou d’adolescents. Ce modèle d’encadrement encourage l’identification et l’attachement sentimental des enfants à un moniteur qu’ils peuvent parfois choisir.

Les moniteurs ne sont pas craints. Ils apprennent à se faire obéir et respecter voire aimer, par la pratique d’actions collectives dans laquelle le plus âgé des praticiens est un guide et un chef et non pas un savant ou un maître. Une gradation de l’autorité s’établit à la place de l’ancienne séparation radicale entre maître et élève. Les jeunes savent qu’il leur sera possible de devenir à leur tour moniteur quelques années plus tard.

Ce modèle d’éducation sentimental et affectif plus qu’intellectuel ou réflexif porte une grande attention à la psychologie de l’enfant et de l’adolescent, aux besoins spécifiques de chaque âge. C’est pourquoi l’éducation active exige une formation spécifique des jeunes cadres et l’élaboration préalable, par le groupe d’encadrement, d’un projet pédagogique divisé en activités complémentaires, que les moniteurs se répartissent entre eux, en même temps qu’ils se partagent les groupes d’enfants. Les moniteurs doivent être formés à la conduite de ces groupes, aux contraintes de sa vie matérielle comme aux activités proposées.

En confiant l’organisation des séjours à de jeunes adultes, l’éducation active favorise l’esprit d’initiative des moniteurs et les innovations dont ils peuvent vérifier le succès et l’efficacité. Cette méthode d’éducation n’était pas celui des premières colonies qui réunissaient des enfants de tous âges et étaient dirigées et encadrées par des éducateurs chevronnés, accompagnés de bénévoles d’âge mur, souvent mères de famille ou religieuses, qui reproduisaient, dans les lieux de villégiatures, les rapports de subordination passive et d’obéissance alors en usage dans l’instruction scolaire et la prédication de patronage.

La méthode active a été progressivement introduite dans les colonies de vacances à l’initiative d’associations militantes, en particulier des centres d’entraînement aux méthodes d’éducation (CEMEA) fondés par Gisèle de Failly. Ceux-ci ont repris les principes d’organisation des séjours adoptés par le scoutisme, pour en promouvoir l’adoption dans les colonies de vacances et mettre de jeunes cadres, formés à cette méthode par des stages pratiques et théoriques intensifs, à la disposition des organisateurs. Les CEMEA ont gagné très rapidement la confiance et la faveur des autorités publiques au point de se voir confier, avec les associations de scoutisme, la responsabilité de la formation des animateurs et des directeurs de colonies, par des stages rendus par la suite obligatoires pour l’encadrement d’un séjour.

Les colonies de vacances ont été des laboratoires d’expérimentation des nouvelles pratiques pédagogiques, mises en œuvres par des associations capables de les diffuser sur tout le territoire, dans la population comme dans les milieux enseignants, en échappant, avant la guerre puis à nouveau dans les années 1960, à la tutelle administrative de l’éducation nationale et aux anciennes méthodes scolaires et magistrales auquel ce ministère est resté longtemps attaché.

À mesure que le modèle d’éducation active a pris l’ascendant, dans les colonies de vacances et les centres aérés, sur le modèle d’éducation populaire qui l’a un temps concurrencé, il a rencontré à la fois la faveur des familles et le soutien des autorités publiques jusqu’à s’imposer dans les doctrines administratives. L’éducation nationale et les autres institutions en charge de l’accueil et de l’éducation des enfants se sont converties aux principes de l’éducation active à partir des années 1970, en développant les activités d’éveil, des méthodes pratiques d’instruction et des activités ludiques périscolaires.

Ces méthodes et ces principes ont fait le succès des centres de loisirs municipaux. Ils ont gagné tous les accueils de mineurs et la plupart des structures de loisirs. À mesure que les jeux, les sports et les loisirs actifs sont devenus une pratique sociale de masse, reconnue par les autorités publiques, encouragée par les institutions, favorisée par l’extension des congés, des vacances et du temps libre, les formes d’éducation des enfants et de formation des cadres qui faisaient la singularité des colonies de vacances ont cessé d’être originales pour devenir normales et même banales.

Ainsi, les colonies de vacances se sont vues concurrencées localement, par les centres de loisirs, des clubs de sports et des associations culturelles subventionnées par les municipalités, dans lesquels l’inscription est peu onéreuse, et dans les zones touristiques, par des villages de vacances, des campings et des clubs qui ont adopté les mêmes pratiques de jeux et d’activités collectives, de sport, d’aventure et de randonnées en groupe.

En délaissant les querelles théoriques éducatives pour se laisser accaparer par les préoccupations gestionnaires et administratives, ces associations n’ont plus bénéficié du même soutien qu’auparavant de la part des administrations centrales et des principales autorités nationales responsables de l’éducation et de la santé des jeunes.

En ne recevant plus guère de soutien de l’État, les associations organisatrices de séjours ont dû choisir entre la spécialisation dans l’accueil de loisirs, qui les assure du maintien de subventions de la part des municipalités et des caisses d’allocations familiales, et l’adoption des pratiques commerciales en usage dans l’économie du tourisme et des loisirs. Pour celles qui ont fait le choix de la concurrence, le départ en colonies est devenu l’enjeu d’un marché des séjours, proposés à la vente par correspondance.

Dans un secteur atomisé, traversé par d’anciennes rivalités doctrinales entre associations, soumis à une forte pression concurrentielle, les organisateurs de séjours de vacances se sont engagés dans les pratiques commerciales qui leur permettaient de maintenir leur part de marché et de fidéliser une clientèle à la fois inconstante et de plus en plus avertie. Ils ont dû trouver des niches commerciales, choisir des thématiques qui leur garantissent des adeptes. Ils doivent remplir les séjours et les rentabiliser. La généralisation de la vente par internet, en permettant des recherches thématiques et non plus seulement par organisateur capable d’éditer un catalogue papier, a considérablement favorisé cette segmentation.

La marchandisation des séjours accentue la pression consumériste exercée par la demande des familles et des jeunes. Les organisateurs associatifs de séjour étant très nombreux dans un marché des séjours en baisse, l’avantage est à la demande sur l’offre. Les désirs des familles, voire ceux des jeunes, finissent par l’emporter sur les anciens engagements militants des associations et sur l’exigence pédagogique propre aux colos.

M. François Vercoutère est revenu sur ce tournant mercantile pris par le monde associatif des colonies de vacances : « J’interroge notre propre famille d’éducation populaire. C’est facile à dire après. Sur le moment tout le monde a cru bien faire. On a baissé la garde sur l’exigence de valeur et de pédagogie. On a pensé que pour pouvoir rester intéressant face à une offre montée par des privés, il fallait s’engager dans la consommation de loisirs.

« Une partie de la famille de l’éducation populaire a délaissé les offres plus simples basées sur l’aventure, la vie en collectivité, le travail en atelier. On s’est dit que les enfants ne venaient plus parce qu’ils préféraient aller consommer du quad ou du VTT dans l’offre faite par le privé d’à côté. On a voulu rester à la page et proposer ça aussi. Mais l’associatif n’a pas les moyens du privé et l’offre, même améliorée, n’était jamais à la hauteur du privé. »

Selon Mme Louise Michon, l’orientation consumériste de l’offre et de la demande de colonies a des répercussions sur l’attention portée au projet éducatif des séjours : « Les parents ont une soif de consommation qui favorise une surenchère d’activités que relaient les comités d’entreprise, sans tenir compte des conditions d’exercice de ces activités ni de leur qualité pédagogique. Les choix de séjours sont déterminés par les coûts, dans l’indifférence pour le projet éducatif. Les comités d’entreprise et les collectivités choisissent des partenaires et des prestataires en considérant les activités et pas les projets pédagogiques. »

Certes, l’administration de tutelle des colonies maintient l’orientation éducative des séjours, encore revendiquée par une grande partie des organisateurs associatifs, en complément ou en marge de leur argumentaire commercial. La loi précitée du 17 juillet 2001 a renforcé les règles administratives fixant le contenu et la procédure d’élaboration, en deux étapes : un projet éducatif, exigé des organisateurs et un projet pédagogique, établi par l’équipe d’encadrement de chaque accueil de loisirs comme de chaque séjour de vacances.

Le projet éducatif définit une organisation de la vie collective et des activités adaptées aux besoins psychologiques et physiologiques du public accueilli ainsi que les objectifs de l’action éducative. Ce projet est établi par l’équipe dirigeante d’une association, en suivant les termes de ses statuts et de sa doctrine. Il peut être repris d’une année sur l’autre. Selon M. Didier Jacquemain, le projet éducatif est devenu « un élément constitutif du cadre législatif et réglementaire d’organisation d’un accueil collectif. L’organisateur formule des priorités comme la qualité du vivre ensemble, la découverte d’activité émancipatrice de l’individu et contribuant à sa formation ».

Le projet pédagogique qui le décline précise les modalités d’hébergement et de participation des enfants et des jeunes aux activités, selon les locaux et les espaces utilisés. La loi oblige l’organisateur du séjour à transmettre les deux projets aux familles clientes. Cependant, l’unification des réglementations, l’adoption des procédures d’appel d’offres pour la commande de séjours, la pression des municipalités et des comités d’entreprise soucieux de satisfaire la demande des familles, la prédominance des préoccupations gestionnaires et sécuritaires ont réduit peu à peu l’élaboration de ces deux projets à des formalités administratives.

Ainsi, le projet éducatif s’apparente au descriptif d’une prestation de services, exigé dans le cadre d’un contrat commercial. Les innovations, les originalités deviennent risquées et se trouvent découragées. Il faut s’en tenir au modèle économique qui garantit le remplissage et la rentabilité des séjours. Quant au projet pédagogique, il est établi, sur le terrain, par le directeur et plus rarement par l’équipe d’encadrement et se résume trop souvent à une liste d’activité, parce qu’il est plus difficile de détailler un projet éducatif que de dresser un planning.

Mme Louise Michon a fait part des conclusions tirées d’une enquête conduite en 2012 auprès des salariés de l’association et des familles qui achètent les séjours. Elle indique que les jeunes animateurs ne connaissent pas le projet éducatif de l’association qui les emploie : « Ils connaissent le projet pédagogique qui le décline et auquel ils participent. Ils retrouvent par là des éléments du projet éducatif. »

Pour les parents, comme pour les enfants, ces projets se réduisent à des listes d’activités : « Les parents savent évoquer le sport et l’activité mais la plupart n’ont pas lu le projet éducatif. Ils s’en remettent à l’association qu’ils connaissent ou croient connaître et s’intéressent davantage aux activités précises qu’elle propose. On sait que les enfants vont participer à telle activité collective. »

Les organisateurs de colonies de vacances n’ont plus l’avance théorique qui les distinguait parmi les institutions pédagogiques du XXe siècle. Les mêmes méthodes, le même vocabulaire standardisé ont cours dans la plupart des accueils collectifs. Pour autant, la dérive formaliste et bureaucratique des projets éducatifs et pédagogiques des séjours n’est pas inéluctable.

M. Philippe Bancon a mis en valeur, devant la mission, les atouts qui permettent au scoutisme non seulement d’échapper à la désaffection des séjours de vacances mais, plus encore, de gagner des adeptes : « Nos cinq associations partagent un propos commun. Elles offrent des séjours spécifiques. Nos encadrants sont de jeunes bénévoles, de 17 à 25 ans, qui sont en responsabilité éducative. Nos propositions sont éducatives avant d’être des offres de loisirs. C’est un projet global pour faire grandir chaque enfant.

« Nos associations sont en bonne santé. De plus en plus d’enfants nous sont confiés et davantage de bénévoles nous rejoignent. Notre proposition a cent ans. Le scoutisme est enraciné dans une tradition éducative qui est apparue un temps ringarde et poussiéreuse mais qui revient au goût du jour, en raison de notre rapport à la nature… Notre proposition est désormais en contraste avec la consommation et la commercialisation de nos vies.

« Aller camper en pleine nature valorise la responsabilisation des jeunes adultes qui encadrent le groupe mais aussi l’autonomie des jeunes enfants qui perçoivent l’espace de liberté qui leur est laissé… On croit qu’être en sécurité, c’est être écarté du danger alors que nous pensons qu’il faut être préparé à l’affronter, à utiliser par exemple une scie à bûche pour couper des rondins…

« Il y a une tension positive entre la confiance que les parents placent dans les cadres et le sentiment de liberté et d’autonomie des enfants. Le sentiment d’appartenance à la communauté est marqué par des signes marqués, une tenue, une promesse et une loi. Il y a à nouveau une tension positive entre un espace où l’on est connu et reconnu dans le temps et un sentiment d’appartenance plus large à une communauté ouverte.

« Il y a enfin une articulation entre la capacité à animer une vie collective qui est permanente dans le scoutisme et le souci pédagogique de la progression individuelle de chaque personne en lien avec la communauté… Dans nos camps, les questions spirituelles sont abordées. C’est un contraste avec des espaces où ces questions sont aseptisées. L’angoisse des parents par rapport à l’avenir trouve des réponses dans nos propositions éducatives qui concernent la totalité de la personne. Notre proposition est décalée par rapport à l’ambiance générale. Elle est de ce fait fragile, mais aussi attirante… »

M. Adrien Chaboche, secrétaire général des Éclaireuses et éclaireurs unionistes de France (EEUdF), a insisté sur le maintien des exigences éducatives, le suivi de la progression de chaque jeune et le refus du consumérisme : « Notre projet éducatif pour chaque enfant s’étend sur une dizaine d’années. C’est une forte source d’adhésion et de motivations pour nos bénévoles. On voit la personne progresser. On ne se positionne pas comme un acteur produisant des activités de loisirs de bonne qualité. Nous nous inscrivons dans un champ de l’éducation populaire qui n’est pas assez valorisé aux yeux du public. Nous travaillons beaucoup la question de l’offre mais il faut rappeler aux familles que c’est important d’inscrire son enfant dans des activités éducatives. Le temps des vacances est un temps d’apprentissage. L’éducation n’est pas qu’apprentissage mais aussi acquisition de valeurs et de savoir être. »

M. Hocine Sadouki, commissaire général des Scouts musulmans de France (SMF), a souligné les nouvelles orientations prises par les activités scoutes, qui vont plus loin que les pratiques pédagogiques inventées dans les années 1920 : « Le scoutisme s’inscrit dans les débats sociétaux sur la terre, l’éducation, l’éveil, la communication et l’avenir. Le management en cercle associe chacun au projet. Le projet pédagogique est élaboré par l’équipe d’animation et pas seulement par le directeur. Les attentes et les besoins des jeunes sont pris en compte par des remontées et des évaluations qui conduisent à réviser les programmes.

« On insiste sur toutes les dimensions de l’enfant en fonction des tranches d’âge. Nous accompagnons les aînés dans les projets de vie, pour leur permettre d’être autonomes et responsables, d’être force de propositions même au niveau national, en association avec les institutions publiques. Nous prenons en compte les jeunes d’aujourd’hui. Nous sommes ouverts à tous même si nous avons une inspiration pédagogique. 5 à 10 % des jeunes que nous accueillons ne sont pas musulmans. »

Mme Tsilla Darmon, responsable nationale formation des Éclaireuses et éclaireurs israélites de France (EEIF), a confirmé l’engagement solidaire commun aux mouvements scouts : « Nous sommes apolitiques et nous proposons une éducation qui n’est pas politisée. Les parents préfèrent laisser le choix à leurs enfants. Nos mouvements construisent la paix et le vivre ensemble. »

M. Didier Bisson, délégué national programmes éducatifs et pédagogie des Éclaireuses et éclaireurs de France (EEdF), a également mentionné leur engagement citoyen : « Le scoutisme forme des citoyens capables de prendre des responsabilités ; notre partenariat avec l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (ANACEJ) a contribué à appeler à voter ; les parents sont associés à nos structures locales ; ils participent à l’administration et à la logique ; ils voient ce qu’on propose aux jeunes. »

En quelques mots, la plupart des bienfaits éducatifs des séjours collectifs pour mineurs ont été exposés par les mouvements scouts. Ils ont confirmé que les baisses de fréquentation n’étaient pas insurmontables et que la marchandisation des séjours comme la professionnalisation des cadres devaient laisser de la place pour des colos moins coûteuses et davantage profitable aux jeunes de tous âges. Notons que la réglementation est beaucoup moins exigeante pour les camps scouts que pour les centres de vacances. Cela n’est pas sans incidence pour les organisateurs de colos.

2. L’hébergement collectif, un vecteur d’émancipation

Votre rapporteur a retenu plus particulièrement de la présentation faite des séjours de scoutisme trois bienfaits éducatifs, qui ne dépendent pas principalement du lien de solidarité confessionnelle ou communautaire qui unit les familles et les jeunes aux associations.

Ces bienfaits résultent autant de l’application d’une méthode active d’éducation, devenue commune, que des conditions d’hébergement et de mixité sociale des séjours collectifs de mineurs conçus dans un but pédagogique et pas seulement hédoniste. Ces bienfaits, propres à chaque âge de l’enfance et de l’adolescence, sont l’émancipation par étapes des enfants et des adolescents et la responsabilisation liée à l’engagement des plus grands qui se prennent au jeu de l’animation.

Mme Anne Carayon a présenté les résultats d’un sondage réalisé en juin 2011, selon lequel, en dépit de la désaffection des séjours, les parents conservent une image positive des colonies de vacances. En effet, ils perçoivent la dimension éducative des séjours collectifs avec hébergement : 80 % pensent que les colos contribuent à la socialisation, l’autonomie et l’épanouissement des enfants et même 93 % parmi les parents dont les enfants sont déjà partis.

L’apprentissage des règles de la vie collective et des usages sociaux se fait, bien sûr, dans de nombreuses institutions en dehors du cercle familial, dans les garderies des plus petits, à l’école, dans les accueils périscolaires. Tous les accueils collectifs de mineurs, qu’il s’agisse d’accueils de loisirs avec ou sans hébergement, d’accueils de vacances, de séjours de scoutisme ou itinérants, en France comme à l’étranger, favorisent la socialisation des jeunes qui y participent par leur intégration dans un groupe de leur âge.

Dans les centres d’accueils de mineurs, la socialisation est favorisée par les rapports affectifs que les enfants entretiennent avec des animateurs un peu plus âgés qu’eux mais qu’ils ne confondent pas avec les éducateurs adultes qu’ils côtoient dans les autres institutions. Une socialisation plus individualisée et psychologiquement plus profonde est initiée par la participation des enfants à leurs premiers mini-camps qui les détachent de la sécurité affective quotidienne apportée par le coucher et le réveil en famille.

En contrepartie de cette première émancipation, le mini-camp leur apporte des récompenses affectives, par la vie de groupe et la présence d’animateurs devenus proches à l’occasion de la pratique des activités de jour. Les enfants découvrent les veillées et l’aventure des premières nuits passées sous la tente, à la belle étoile, dans des lieux pourtant familiers et avec les copains de classe ou de jeux.

Mme Yaëlle Amsellem-Mainguy explique que cette socialisation, qui unit un jeune à ses pairs et à de jeunes adultes extérieurs à la famille et à l’institution scolaire, qu’il peut prendre pour modèle et pour référent, contribue à la construction identitaire du jeune en lui permettant de trouver sa place dans le groupe sans que cette place soit assignée d’avance par les adultes ou par le jugement d’une institution. Les jeunes revendiquent une appartenance intra-générationnelle qui les détache des assignations auxquelles ils se trouvent réduits par l’état de dépendance qu’impose la première enfance et par la sujétion qu’exigent l’instruction et les apprentissages obligatoires.

L’émancipation collective que produisent les premières nuits passées en accueils collectifs se poursuit dans les séjours de vacances. Les colonies de vacances sont l’occasion d’un arrachement de l’enfant non plus seulement à sa famille et à ses éducateurs habituels mais aussi à son milieu de vie quotidien. Seuls, en fratrie ou même entre copains, les enfants qui partent en colos quittent leurs lieux de résidence et leurs terrains de jeux familiers pour partir à l’aventure dans des régions inconnues et retrouver sur place d’autres enfants de leur âge et des animateurs qu’ils ne connaissent pas.

Le groupe réuni lors d’un séjour de vacances est occasionnel, composé de personnes qui, pour la plupart ne vont se fréquenter assidûment que pendant la durée du séjour, sans pouvoir s’éviter, mais en sachant qu’ils se perdront de vue par la suite. Chaque participant est invité à partager des moments de jeux, de convivialité et aussi d’intimité sans que cela prête à conséquence pour sa vie quotidienne. Dans l’alchimie singulière de la colonie, les jeunes se retrouvent protégés du jugement social de leurs éducateurs sur leurs fréquentations et leurs talents et peuvent faire des tentatives, découvrir des talents et des aspects nouveaux et originaux de leur propre personnalité, sans craindre l’échec.

Selon Mme Yaëlle Amsellem-Mainguy, « celui qui va en accueil collectif dans sa ville, dans son quartier, continue de fréquenter les mêmes jeunes que ceux qu’ils voient à l’école. Il ne peut pas jouer des différentes facettes identitaires sur lesquelles la colo permet de jouer. En colos, des enfants moyens ou mauvais à l’école peuvent changer d’identité et se retrouver valorisés. Je peux être mauvais à l’école mais être reconnu en colos. Je peux avoir un rôle dynamique et moteur alors que j’étais très introverti à l’école.

« On peut tester d’autres dimensions de soi, s’habiller autrement, tester de nouvelles pratiques, s’autoriser à danser alors qu’il n’est rien de pire que de danser dans une boum devant les copains et copines de sa classe. Dans les veillées des colos, on voit des enfants qui s’extériorisent alors qu’ils ne l’auraient pas fait sous le regard quotidien qui pèse sur eux. La forme de contrôle social que l’on retrouve en colonie de vacances est décalée par rapport à celle de la vie quotidienne. Il y a une marge de progrès sur cet écart qui apporte un bienfait aux jeunes ».

Ce bienfait se capitalise d’un séjour à l’autre. Les tentatives couronnées de succès en colonies peuvent être reprises et exploitées dans la vie quotidienne, les échecs et les déceptions oubliés sans remords. Cette émancipation est d’autant plus profitable en colonies qu’elle reste sous le contrôle d’éducateurs bienveillants qui n’ont pas d’objectifs de performance à atteindre et ne peuvent qu’encourager les essais ludiques, dans les limites des usages permis par la sécurité des jeunes et l’unité de la vie collective.

Mme Claudie Buisson a fait part du succès de camps « centrés sur les sports extrêmes, comme l’escalade des falaises d’Étretat par des jeunes du Havre, la pratique de sports de rue dans Paris par des jeunes de banlieue, ou la descente de la Garonne en aviron de Toulouse à Bordeaux, du saut en parachute ou de la varappe. Ces séjours ne sont pas plus coûteux qu’une colonie de vacances classique mais c’est plus valorisant pour l’estime et l’image de soi. C’est une aventure qui permet de relativiser les choses. Un jeune caïd accroché à Étretat reviendra changé. Ces expériences sont enrichissantes et susceptibles de plaire à un public jeune sur lequel nous n’avons pas de prise puisqu’ils ne partent pas avec les parents ni tout seuls ».

À la différence de l’émancipation au sein de la famille, avec les amis ou à l’école, l’enjeu de l’épreuve que constitue la colo est, en apparence, faible. Les jeunes y découvrent une marge de liberté insouciante, disponible sans être exigeante, particulièrement favorable à l’épanouissement de ceux sur lesquels pèse désormais, selon l’expression de Mme Yaëlle Amsellem-Mainguy, « une injonction à devenir soi-même… Le processus d’autonomisation de l’enfance s’explique par la reconnaissance de l’enfant en tant qu’individu, par le déclin de l’autorité du père, par l’autonomisation des femmes au sein de la famille et par celle des enfants par la suite.

« Dans le schéma qui caractérise la famille moderne, l’enfant, le jeune apprend à construire son monde et à vivre dedans. Les nouvelles normes qui régissent la famille sont l’autonomie et l’indépendance. C’est ce contexte qu’il faut garder en tête pour entendre ce qui se passe dans les accueils collectifs. À travers les questions de libertés de choix d’activité et de temps libre, les jeunes ont, à l’adolescence, un monde toujours plus grand à gérer eux-mêmes, qu’ils revendiquent comme étant sous leur responsabilité. Différemment de l’école et de la famille, les expériences vécues en accueil collectif sont choisies ou aspirent à l’être ».

Cette émancipation progresse avec l’avancée en âge du jeune vacancier, parce qu’on lui laisse davantage d’initiative dans les activités. Les séjours pour les moins de 12 ans conservent des rythmes et une organisation scolaire et familiale. L’accent est mis sur la découverte d’environnements naturels inhabituels par des enfants souvent issus de milieux urbains et sur la pratique régulière des activités. Le conformisme et la discipline l’emportent sur l’émancipation parce qu’ils sécurisent l’enfant, encore très dépendant des relations affectives établies avec son entourage familier et pour lequel la recherche de substituts pendant les vacances, auprès des jeunes de son âge ou des animateurs, suffit à le faire progresser sans exiger de lui davantage d’implication ou d’efforts.

Les 12-14 ans sont ceux dont la fréquentation des séjours de vacances a le plus régressé et qui, n’allant plus en centre de loisirs, n’ont d’autre choix que de rester chez eux ou de suivre les vacances familiales. C’est pourtant le public pour lequel un investissement pédagogique spécifique des colonies de vacances serait le plus profitable, parce qu’entre 12 et 14 ans, la performance, l’affirmation de soi dans le groupe et la conscience de l’appartenance intra-générationnelle ont déjà produit une première émancipation des tutelles familiales et éducatives habituelles. À cet âge, les enfants sont encore trop immatures pour que l’encadrement relâche sa surveillance et suffisamment avertis pour entrer en conflit avec l’autorité des tutelles qui leur sont imposées. C’est lors des colonies de vacances qu’ils peuvent accomplir un pas supplémentaire dans l’émancipation sans être contraints à la transgression. L’animateur représente une alternative parmi les autorités habituelles auxquelles ces jeunes peinent à se soumettre.

Pour Mme Yaëlle Amsellem-Mainguy, « la présence de membres d’une même génération joue un rôle important dans les accueils collectifs. Les séjours sont fréquentés par des jeunes et encadrés par d’autres jeunes qui ont des codes communs, vestimentaires, musicaux ; ils parlent la même langue. Les animateurs deviennent des adultes référents qui ne sont pas là pour juger, noter, évaluer ni pour contrôler comme le font les parents mais pour accompagner. Les jeunes ont une vision très positive des animateurs. Les mots de confiance et de confidence reviennent fréquemment à leur propos, ce qui n’est pas le cas pour les enseignants. Un nouveau rapport à l’adulte se crée qui peut perdurer dans les relations aux adultes qui suivent la colonie. La proximité d’âge permet la transmission de références et la projection vers un avenir… Les animateurs offrent des modèles de jeunes qui se donnent à d’autres jeunes, qui leur accordent du temps et qui les aiment. Ils ne sont pas là parce que c’est un travail mais parce qu’ils en ont envie ».

L’apport affectif de la relation avec le jeune animateur est d’autant plus décisif dans le processus éducatif des jeunes de cet âge que, pour eux, les colonies sont plus imposées par les parents que choisies. Selon Mme Yaëlle Amsellem-Mainguy, « les loisirs sont vécus comme une contrainte. Il faut y aller même si l’on y passe du bon temps… Les jeunes disent souvent qu’ils ont mieux à faire que de fréquenter des centres de vacances, qu’ils n’ont besoin de personne pour s’occuper d’eux et surtout pas d’avoir des contraintes d’emploi du temps ou des activités obligatoires. Mieux à faire, c’est jouer au foot avec les copains, c’est aller bronzer ou draguer. Il faut l’avoir présent à l’esprit pour leur laisser des espaces qui ne soient pas encadrés ni formalisés pour se rassembler ».

Le retrait des 12-14 ans des colonies de vacances et leur absence des centres de loisirs conduit à ce que les bienfaits éducatifs des pédagogies actives, pratiqués par de jeunes moniteurs, ne sont accessibles aux jeunes de cet âge que dans les associations sportives ou culturelles de leur commune. Les activités sportives sont particulièrement soutenues par un secteur social et économique en pleine croissance qui bénéficie des retombées des spectacles sportifs, de la renommée de leurs têtes d’affiche et des ressources financières qu’elles drainent.

Les courts séjours sportifs ne connaissent pas la désaffection qui touche des séjours multi-activités et sont plus spontanément demandés par les jeunes qu’imposés par les parents parce qu’ils leur permettent de couronner, par une semaine de vacances festives, une année d’effort dans leur club municipal ou leur centre de loisirs. Proposer des activités sportives à la mode, faire venir, pour quelques heures, un sportif connu dans un centre d’accueil, aux frais de ses sponsors publicitaires, c’est être assuré de remplir un séjour et d’attirer les jeunes.

Des partenariats public-privé permettent même de financer des séjours caritatifs dans des centres de vacances prisés. Le Village Kinder organisé chaque été par la société Ferrero France permet à 1 000 enfants réunis par le Secours populaire de passer une semaine de vacances dans un centre pour sportifs de haut niveau et de rencontrer sur place un sportif célèbre, dans une forme originale de mécénat d’entreprise. Le rapporteur estime que le mécénat est un encouragement à ne pas verser d’impôts à l’État qui, de ce fait, ne peut plus jouer de rôle régulateur car le mécène choisit son bénéficiaire.

Le séjour sportif est-il, pour autant, le seul modèle d’éducation active proposé aux séjours de vacances des 12-14 ans ? La pratique d’activités sportives de plus en plus mécanisées, éprouvantes et source d’émotions fortes, donc exigeantes et coûteuses, lasse vite les jeunes, laisse de côté les moins fortunés et les moins à l’aise et nuit à la mixité des sexes dans les séjours. Des innovations pédagogiques sont indispensables pour attirer les jeunes de cet âge vers des séjours collectifs multi-activités qui les changent de la compétition en usage dans le sport comme, d’ailleurs, dans les jeux collectifs en ligne également très prisés par ces jeunes.

Par nature, la colonie privilégie les activités corporelles. Elle semble être à l’opposé d’une collectivité ludique rassemblée à distance par une voie électronique, un objet virtuel et des règles sans arbitre humain. Il y a, dans l’engouement des jeunes adolescents pour l’émancipation par les jeux électroniques, un défi à relever pour les séjours en pleine nature qui font pourtant le succès du scoutisme.

Selon M. François Vercoutère : « Monter une veillée, la préparer avec les copains, c’est peut-être au départ compliqué, ça peut paraître ringard mais cela apprend plus au bout du compte que d’assister au spectacle du magicien qu’on a payé… je pense qu’aujourd’hui, il y a une demande pour revenir à ces moments dans lesquels l’acte éducatif se pose. Ce n’est pas dans la consommation guidée par un moniteur technique ou dans le fait de dévaler des pentes en VTT que l’on apprend le mieux la vie. Cela peut paraître un peu vieux jeu. J’ai passé 50 ans mais je pense que la proposition que l’on peut faire à des petits sur une autre aventure, en partant en randonnée trois jours de gîte en gîte, en montant la veillée, leur apporte davantage que de dévaler des pentes en VTT... Quand vous avez fait un camp de VTT une première fois, éventuellement vous y retournez une deuxième fois et à moins d’être vraiment mordu, vous trouvez qu’il faut quelque chose de mieux la fois suivante et ce n’est jamais assez. Il faut alors aller à l’autre bout du monde, parce qu’on est à la recherche de quelque chose qui ne trouve pas de réponse dans la consommation. »

À partir de 15 ans, le taux de fréquentation des centres de vacances remonte. Les séjours deviennent, pour les lycéens, l’assurance de faire des rencontres amoureuses et d’échapper au contrôle parental. Selon Mme Yaëlle Amsellem-Mainguy, « l’arrivée des amis prend beaucoup de place dans la vie, les préoccupations scolaires deviennent une contrainte et du coup les temps de loisirs sont revendiqués comme étant très importants. La revendication d’avoir un monde à soi à gérer est extrêmement forte. Il faudrait davantage accentuer cette dimension par rapport aux dimensions sécuritaires et répressives qui enferment les jeunes dans leur minorité en leur rappelant qu’ils ont moins de dix-huit ans, qu’il faut qu’on les protège d’eux-mêmes d’abord, de l’extérieur ensuite. On leur dit qu’on attend d’eux qu’ils deviennent autonomes et indépendants mais qu’ils n’en sont pas capables et qu’ils sont mineurs. Ce double discours est difficile à entendre pour les jeunes ».

Si la mixité des sexes est importante à cet âge, celle des classes d’âge devient insupportable, les grands redoutant d’être infantilisés. Les plus de 15 ans qui partent en colonie n’ont plus l’appétit d’activité des pré-adolescents. Ce sont leurs parents qui veulent à la fois ne pas perdre les acquis scolaires récents, maximiser l’accumulation de capital humain et éviter à tout prix que le jeune ne s’ennuie. La pratique d’activités socialement valorisantes devient une motivation importante pour les parents et même prépondérante pour le départ des jeunes de 14 à 16 ans.

Pour Mme Yaëlle Amsellem-Mainguy, dans cette tranche d’âge plus particulièrement, « il y a un décalage entre ce qu’attendent les jeunes et ce que demandent des parents qui veulent trop bien faire, trop cadrer, de peur que les temps moins encadrés soient moins profitables pour les jeunes en termes de capital à valoriser ensuite dans la formation scolaire. Les adultes attendent des jeunes qu’ils s’engagent dans les activités tandis que les jeunes souhaitent davantage expérimenter, avoir le droit de se tromper, de changer d’activités. Même dans les colos surf, on fait autre chose, on nage, on joue au foot, au volley. Les animateurs doivent éviter la suractivité, malgré le contexte de concurrence et le risque de contestation de la part de parents qui veulent de l’activité à tout prix ».

En d’autres termes, les parents veulent en avoir pour leur argent. Le séjour thématique choisi sur catalogue, qu’il soit linguistique ou sportif, n’est plus envisagé dans le cadre d’une délégation de l’autorité parentale mais dans celui d’une prestation de service commerciale. Les activités précisément décrites dans le catalogue doivent être garanties faute de quoi les parents, avertis quotidiennement par téléphone, vont jusqu’à demander un remboursement.

À l’inverse, pour les jeunes de 15 ans eux-mêmes, les colonies imposent une discipline collective qui n’est acceptable que si elle est la contrepartie de vacances loin des parents et des copains d’école et dans des conditions libérales de badinage, de découverte et d’aventure. Mme Yaëlle Amsellem-Mainguy insiste sur l’oisiveté que, contrairement aux promesses des catalogues, les séjours doivent offrir à cette classe d’âge : « Les accueils collectifs offrent la possibilité de ne rien faire pendant les loisirs. C’est difficile à entendre pour l’action publique mais les jeunes revendiquent et ont besoin de temps pour ne rien faire, d’un temps dans lequel il ne se passe rien d’encadré, rien d’attendu. » Ne rien faire, c’est vivre un peu à son rythme tout en répondant aux sollicitations du groupe et en se soumettant à une discipline collective légère qui accompagne et encadre l’émancipation sans la brimer. C’est se découvrir capable d’établir une relation de confiance avec les cadres pour obtenir une plus grande liberté sans avoir besoin de la revendiquer ou de l’arracher par la désobéissance.

« S’il y a des temps sur lesquels les jeunes ne peuvent ni ne veulent négocier, ce qui apparaît bien dans les entretiens, il y a des moments où ils ont besoin de se retrouver entre eux pour découvrir une marge de liberté que ne leur offrent ni l’école ni les vacances en famille. Ils attendent de leurs animateurs un investissement. Ils ne rejettent pas du tout l’encadrement de leurs activités mais s’en font une idée précise en revendiquant du temps pour eux. Ils demandent aux animateurs de passer du contrôle à l’accompagnement vers les loisirs. Ils sont là en soutien, pour leur faire découvrir de nouvelles disciplines sportives ou culturelles.

« Un jeu s’installe entre le renforcement de la forme scolaire que prennent certains loisirs et la place des temps de vacances. Il y a une difficulté pour les animateurs et les organisateurs de laisser ces moments-là et d’éviter les récupérations éducatives. On leur demande de toujours faire mieux, de toujours proposer plus, de répondre à une envie de consommation des loisirs qui n’est pas entièrement celle des jeunes. Les animateurs se trouvent tiraillés entre les aspirations des jeunes et celles des parents, des familles et plus largement de la société adulte. Ils entendent bien les revendications des plus jeunes pour des moments moins encadrés mais subissent comme une pression la volonté des parents d’organiser des activités qui occupent les jeunes et qui, si possible, aient des effets éducatifs à long terme. »

Les organisateurs remplissent et rentabilisent leurs séjours par les propositions d’activités attractives et onéreuses. Il y a un nouvel équilibre économique et pédagogique à trouver entre ces séjours thématiques, auxquels les milieux modestes n’ont pas accès, alors qu’ils proposent des activités très attractives pour le public, comme l’acquisition d’une langue pour les enfants de cadres ou la pratique du surf, du quad, du parapente, de l’escalade, du rafting, du kart et les besoins éducatifs des jeunes, que ces activités lassent souvent assez vite et qui veulent, à partir de l’adolescence, avoir du temps et des occasions de se découvrir, de plaire et de séduire.

L’étape suivante de l’émancipation collective des adolescents produite par les séjours collectifs de vacances n’est envisageable qu’en dehors de l’achat de séjours sur catalogue. C’est la participation des jeunes à l’élaboration d’un séjour collectif. On passe alors insensiblement de l’émancipation collective à la responsabilisation et à l’engagement. M. François Vercoutère, délégué général de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France, a décrit devant la mission cette progression éducative, également revendiquée par les associations scoutes :

« Des centres sociaux organisent des camps courts de 5 ou 6 jours dans une démarche pédagogique parce que quand vous n’accueillez les enfants que dans la journée, leur retour à la maison le soir interrompt la dynamique collective du groupe que vous avez construit et vous repartez à zéro le lendemain matin. L’avantage des camps tient à la continuité du contact et de la dynamique de groupe sur plusieurs jours qui permet d’atteindre le terme d’une démarche éducative poussée jusqu’au bout. Il ne s’agit pas d’une offre de loisirs.

« Quand on a été à 8, 9 ou 10 ans très régulièrement dans un centre social, l’expérience d’un départ en camp pendant 5 jours avec des copains qui ont 12 ou 13 ans introduit une progression dans la continuité pédagogique… Il y a quelque chose de très spécifique dans le temps d’un accueil en internat, en raison du lien qui s’établit entre éduquants et éduqués. Le projet éducatif est porté par le groupe, aussi bien par l’encadrement que par la dynamique du groupe. Pour les plus âgés des jeunes, derrière le projet de camp, il y a une pédagogie de l’engagement et de la responsabilité. L’animateur accompagne ces jeunes toute l’année dans la préparation de ce camp.

« Cette pédagogie s’applique aussi pour les plus de 15 ans. Les camps en centres sociaux sont montés sur cette dynamique. C’est à ce moment-là que cela devient intéressant. Pour participer à l’organisation du camp, ces jeunes viennent au centre social pour réserver le camping. Ils appellent les services techniques de la mairie pour obtenir un équipement. Sur la tranche d’âge des plus jeunes, c’est une continuité pédagogique qui permet d’aller plus loin et pour les plus âgé, c’est un outil qui permet d’aller jusqu’au bout de l’engagement et de la responsabilisation. »

3. Un levier pour l’engagement des jeunes animateurs

L’engagement individuel et la responsabilisation qui couronnent les dernières étapes de l’émancipation collective conduisent une partie des jeunes qui fréquentent les colonies de vacances à l’adolescence à suivre une formation pour intégrer une équipe d’encadrement. Pour la plupart de ceux qui fréquentent la colonie, 16 ans est l’âge du dernier départ et seule une minorité, environ 5 %, entreprend, dans la foulée, les démarches pour commencer la formation nécessaire pour obtenir le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateurs (BAFA), exigé pour faire ensuite partie des équipes pédagogiques.

Selon M. René Bouillon : « le BAFA est l’un des derniers rites de passage entre l’adolescence et l’âge adulte. Les jeunes qui ont l’habitude de s’occuper d’eux-mêmes vont vers les autres pour les prendre en charge. Ce n’est pas une formation professionnelle, mais un lycéen passé par le BAFA s’engage davantage dans les organisations scolaires par la suite. On valorise un engagement pendant une courte période ».

C’est parmi ces jeunes prêts à se dévouer au service des autres et à l’occasion des formations, des stages qu’ils suivent et des séjours collectifs qu’ils encadrent que pourront éclore des vocations conduisant à un engagement social et parfois militant, qui motivera les intéressés tout au long de leur vie personnelle et professionnelle, même s’ils ne sont portés ni par une histoire et des modèles familiaux, ni par un parcours scolaire favorable à l’accession à des responsabilités sociales.

C’est un parcours d’émancipation qui échappe aux déterminismes sociaux des formations scolaires et universitaires parce qu’il ne s’appuie pas sur la maîtrise d’une culture écrite et savante mais sur une maîtrise physique et pratique voire un charisme personnel. Ce parcours, qui conduit le jeune qui a fréquenté des colonies de vacances à suivre la formation au BAFA, à s’engager dans l’encadrement de séjours puis à retourner suivre une formation au brevet d’aptitude aux fonctions de directeur (BAFD) pour devenir directeur de centre d’accueils distinguait auparavant quatre profils.

Le premier était celui des instituteurs, pour lesquels les brevets facultatifs d’animateur et de directeur qui avaient été ajoutés par une circulaire du 26 mars 1946 du ministère de l’éducation nationale à la formation dispensée dans les écoles normales, ont, par la suite, été rendus obligatoires dans le cadre de cette formation par des circulaires de 1949 et 1952.

Les instituteurs étaient invités à encadrer les séjours pendant leurs vacances, dans les premières années d’exercice de leur métier puis à les diriger par la suite, organisant en outre des classes de découvertes dans des conditions comparables pendant la période scolaire. Ils ont longtemps formé l’armature des associations d’éducation populaire qui ont pris en charge les colonies pendant leur âge d’or.

Le deuxième profil était celui des militants associatifs qui étaient investis dans les colonies de vacances depuis les mobilisations sociales des années 1930 et qui le sont restés après le retrait de l’éducation nationale. Les colonies de vacances jouaient pour eux le rôle d’école de cadres. Les associations d’éducation populaire qui les organisaient pouvaient repérer les jeunes les plus investis dans les activités de groupe, ceux dont l’engagement était communicatif et l’autorité naturelle. Elles pouvaient encourager chez eux les vocations politiques, syndicales, militantes en complétant les formations scolaires et universitaires.

Le troisième profil, qui s’est substitué aux précédents après 1968, est celui de jeunes qui ne sont plus militants ni familiers de l’éducation populaire et ne se destinent pas à l’enseignement mais qui aiment les enfants et plus encore passer des vacances gratuites et même indemnisées avec d’autres jeunes, dans des lieux touristiques prisés auxquels, sans doute, ils n’auraient pas accès par leurs propres moyens. Mme Laurence Gilbert reconnaît que beaucoup sont simplement à la recherche d’un job d’été qui leur permette de passer des vacances et de faire la fête quand les enfants sont couchés en gagnant un peu d’argent de poche.

Le quatrième profil est le plus récent et le plus déstabilisateur pour le modèle des colos associatives. C’est celui de jeunes adultes qui sont à la recherche d’un travail rémunéré pendant l’été et qui se saisissent des formations de l’animation comme d’un moyen d’obtenir immédiatement un emploi de quelques semaines par an. Ils ne s’intéressent pas au militantisme associatif et aux pédagogies innovantes qui mobilisaient les deux premiers profils. Ils n’ont plus l’insouciance joyeuse et festive du troisième.

Ce sont, pour la plupart, de jeunes femmes pour lesquelles l’engagement éducatif n’a plus de vocation militante mais acquiert une vocation professionnelle, parce qu’elles envisagent leurs brevets comme des diplômes qualifiants et l’encadrement d’un séjour comme une première expérience sur le marché du travail, en attendant de trouver une place dans les métiers l’éducation périscolaire et de l’enfance.

Selon M. Bouziane Brini, membre de la commission exécutive de l’Union des syndicats des personnels de l’animation, des organisations sociales, sportives et culturelles-CGT (USPAOC-CGT), « le public et les animateurs, eux aussi, ont changé. Les animateurs en temps de crise sont aussi là pour des raisons alimentaires, leur âge s’est élevé, ils n’ont plus 16 ou 17 ans et la notion de citoyenneté seule ne préside plus vraiment à leur engagement ».

Cette réorientation de la vocation finale de l’éducation collective, vers des professions spécifiques et non plus vers une forme d’encadrement militant et citoyen, explique l’intégration progressive du statut juridique des animateurs occasionnels dans le droit du travail, aussi bien par les conventions collectives que par la réglementation et la jurisprudence. Elle explique aussi la mobilisation de certains d’entre eux pour une amélioration de leurs conditions de travail et de leur rémunération. Elle explique enfin le passage progressif d’un engagement militant ou bénévole, que représentait l’obtention du BAFA, à un parcours professionnel dont ce brevet serait la première étape.

Cette aspiration à la professionnalisation de l’animation des séjours collectifs de mineurs est compréhensible, mais elle se heurte aux limites de la situation actuelle des animateurs. Les brevets d’aptitude d’animateur et de directeur de centres de vacances et de loisirs, qui ont succédé, en 1973, aux diplômes d’État de l’éducation nationale, ne correspondent pas à des formations professionnelles. Ce sont de courtes sessions théoriques, suivies de stages pratiques, fondés sur les principes établis par les CEMEA dans les années 1930.

Le décret de 1954 prévoyait une session de formation en internat, un stage en colonie de vacances et un examen écrit. Celui de 1973 supprime l’épreuve écrite et ajoute une session de perfectionnement. La première session de la formation au BAFA dure 8 jours. Le stage pratique, qui peut désormais se dérouler aussi bien en accueil de loisirs qu’en colonie ou en camp de scoutisme, dure 14 jours et la session d’approfondissement ou de qualification à l’encadrement d’activités réglementées, comme les sports nautiques ou motorisés 6 à 8 jours. La formation d’un directeur comprend des étapes analogues à celles suivies par les animateurs et un stage supplémentaire de 14 jours.

Ces durées de formation, quelle que soit la qualité de celle-ci, n’ont rien de commun avec celles d’un diplôme professionnel, lequel exige en général plusieurs centaines d’heures de cours et qui, lorsque la formation inclut, en alternance, des stages pratiques, se déroule sur plusieurs semestres.

En outre, à la différence des diplômes scolaires, universitaires ou professionnels, les brevets de l’animation ne sont pas préparés dans des écoles mais dans des centres de formation tenus par des associations agréées. Les moniteurs qu’elles emploient n’ont eux-mêmes suivi qu’une formation complémentaire assez courte et n’exercent parfois que quelques semaines par an.

En d’autres termes, il semble abusif d’estimer qu’un brevet d’aptitude puisse se substituer à une formation professionnelle qualifiante, d’autant plus qu’il existe, dans les mêmes secteurs d’activité des loisirs, des sports et de l’animation, des diplômes et des qualifications professionnelles dont les formations sont plus longues et plus exigeantes.

La substitution envisageable d’une animation professionnelle à l’animation occasionnelle assurée par de jeunes brevetés devrait passer par l’augmentation du nombre d’animateurs diplômés plutôt que par une reconnaissance des brevets d’aptitude parmi les qualifications professionnelles.

Le tableau des diplômes délivrés dans le domaine du sport et de l’animation, présenté sur la page suivante, indique que les diplômes de l’animation sont encore confidentiels et le nombre annuel des diplômés sans commune mesure avec les besoins du secteur économique de l’animation de loisirs et de vacances.

Nombre de diplômes professionnels et non professionnels délivrés par le ministère en charge des sports

   

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007 (3)

2008 (3)

Diplômes professionnels

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Diplômes sportifs (1)

8 388

7 826

9 382

8 397

8 689

8 833

9 463

9 724

9 775

10 040

10 069

10 072

9 321

10 268

dont :

BEES 1er degré (niveau IV)

7 844

7 268

8 783

7 759

8 106

8 200

8 935

9 097

9 027

8 843

7 814

6 624

5 987

5 384

 

BP JEPS(2) sport (niveau IV)

///

///

///

///

///

///

///

///

105

626

1 643

2 798

2 907

4 317

 

BEES 2ème degré (niveau II)

544

558

599

638

583

633

528

627

643

571

612

650

427

567

Diplômes de l’animation

1 289

1 434

1 737

1 985

1 853

2 374

2 934

3 334

3 102

3 225

3 275

3 501

3 783

5 480

dont :

BEATEP (niveau IV)

890

1 032

1 349

1 606

1 485

1 968

2 615

2 951

2 813

2 841

2 397

2 005

1 192

675

 

BP JEPS(2) animation socioculturelle (niveau IV)

///

///

///

///

///

///

///

///

///

42

537

1 178

2 263

2 626

 

DE JEPS animation socioculturelle (niveau III)

///

///

///

///

///

///

///

///

///

///

///

///

44

1 374

 

DES JEPS animation socio-culturelle (niveau II)

///

///

///

///

///

///

///

///

///

///

///

///

12

559

 

DEFA

399

402

388

379

368

406

319

383

289

342

341

318

272

246

Diplômes sociosportifs

1 250

1 179

1 399

1 466

1 538

1 512

1 416

1 395

1 453

1 517

1 144

1 245

907

900

dont :

BAPAAT

1 250

1 179

1 365

1 444

1 499

1 476

1 380

1 371

1 413

1 491

1 138

1 241

882

877

 

DEDPAD

///

///

34

22

39

36

36

24

40

26

6

4

25

23

Ensemble des diplômes professionnels

10927

10439

12518

11848

12080

12719

13813

14453

14330

14782

14488

14818

14011

16648

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Diplômes non professionnels

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BAFA

 

48 512

49 706

nd

nd

54 830

56 651

54 132

51 446

52 797

54 205

55 866

55 151

54 191

51 362

BAFD

 

6 602

6 752

nd

nd

2 527

2 346

2 173

2 113

1 958

2 303

2 263

2 287

2 340

2 440

BASE

 

nd

nd

nd

nd

193

122

166

86

107

64

51

20

139

2

Ensemble des diplômes non professionnels

55 114

56 458

nd

nd

57 550

59 119

56 471

53 645

54 862

56 572

58 180

57 458

56 670

53 804

Source : Ministère de la santé et des sports.

nd : résultat non disponible - //  : sans objet ; (1) : non compris les 4 à 5 diplômes du Brevet d’État d’éducateur sportif du 3ème degré délivrés chaque année ; (2) : le BP JEPS est destiné à remplacer à terme l’ensemble des diplômes de niveau IV, à savoir le BEES du 1er degré et le BEATEP ; (3) : état de la collecte au 12 octobre 2009.

Abréviations utilisées :

BEES : Brevet d’État d’éducateur sportif – BP JEPS : Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (transversal aux champs de l’animation et du sport, construit par spécialités) – BEATEP : Brevet d’État d’animateur technicien de l’éducation populaire et de la jeunesse – DE JEPS : Diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport – DES JEPS : Diplôme d’État supérieur de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport – DEFA : Diplôme d’État relatif aux fonctions d’animation – BAPAAT : Brevet d’aptitude professionnelle d’assistant animateur technicien – DEDPAD : Diplôme d’État de directeur de projet d’animation et de développement – BAFA : Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur – BAFD : Brevet d’aptitude aux fonctions de directeur – BASE : Brevet d’aptitude à l’animation socio-éducative.

Le nombre d’animateurs non professionnels brevetés chaque année reste stable, autour d’une moyenne de 53 000 par an, soit dix fois plus que le nombre des diplômés professionnels, qui progresse cependant, sur un rythme comparable à celui des diplômés professionnels du sport, deux fois plus nombreux.

Le nombre des diplômés et brevetés de chaque catégorie dissimule toutefois le fait que la plupart des détenteurs d’un diplôme sportif passent aussi leur BAFA. Il masque aussi un écart persistant dans la proportion des deux sexes entre les diplômés du sport, dont 73 % étaient des hommes en 2003, et ceux de l’animation, dont 69 % étaient des femmes, ces dernières formant 71 % des brevetés du BAFA la même année.

Or, dans les centres de loisirs et de vacances, la réglementation exige désormais la détention d’un diplôme sportif pour la pratique d’un nombre croissant d’activités, ce qui établit une double séparation, selon le sexe et selon la qualification, des animateurs brevetés sans diplômes et des animateurs diplômés. Les statistiques de la MEOS évaluent à 156 000 le nombre d’animateurs et de directeurs occasionnels dans les accueils collectifs de mineurs avec hébergement, assurant 316 000 interventions dont 72 000 au titre des activités accessoires des centres de loisirs.

Ces interventions sont assurées à 61 % par des détenteurs ou des stagiaires candidats au BAFA, 13 % par des détenteurs ou des stagiaires candidats au BAFD, 14 % par des fonctionnaires habilités à encadrer des mineurs, 1 % par des détenteurs d’une autre qualification et 9,5 % par des personnes non qualifiées, la réglementation autorisant leur participation jusqu’à 20 % des taux d’encadrement. Parmi les animateurs brevetés, le taux de rotation des effectifs d’encadrement des séjours d’une année à l’autre atteint 50 %, la moitié des animateurs recensés chaque année n’ayant pas exercé l’année précédente.

Selon M. René Bouillon : « la durée d’engagement des animateurs est de plus en plus courte. Le BAFA et le BAFD, selon le bulletin Stat-info du ministère, sont concurrencés par des diplômes équivalents alors que l’on ne veut pas davantage de professionnels et qu’ils n’ont pas vocation à encadrer un accueil collectif de mineurs pendant leur temps de vacances. Il faut reconnaître l’engagement des jeunes adultes qui font le pont entre les adultes et les jeunes. On ne leur demande pas les compétences d’un animateur professionnel ».

La part des interventions d’animateurs et de directeurs exercées sous le régime du contrat d’engagement éducatif n’est pas mentionnée dans les statistiques publiées, qui ne couvrent que les accueils avec hébergement, alors que ce contrat est aussi utilisé pour l’encadrement d’accueils de loisirs sans hébergement (ALSH). M. Francis Lebon, sociologue, évoque le nombre de 500 000 animateurs occasionnels en CEE à la lecture de l’enquête Emploi de l’INSEE de 2009 pour 130 000 animateurs professionnels dans l’ensemble de la branche.

Selon M. Christian Bélisson, délégué régional UNSA (UNSA-SEP), « les chiffres Uniformation donnent la globalité du secteur. Les travaux de Francis Lebon sont contestés par Jean-Claude Gillet, il faut être prudent sur le mode de question. La filière sport animation tourne bien autour de 300 000 auxquels s’ajoute la masse énorme des occasionnels ». Il évalue cette masse à 600 000 personnes. Une professionnalisation des postes occasionnels d’animation dans les séjours de loisirs sans hébergement, qui sont en grande partie financés par les communes et les caisses d’allocations familiales et emploient déjà des personnels permanents sous différents statuts, serait théoriquement possible.

La professionnalisation de l’animation

La professionnalisation de l’animation est un constat sociologique. C’est aussi une revendication syndicale, soutenue par une jurisprudence européenne, qui vient modifier l’économie du secteur des loisirs des jeunes, parce que cette économie s’était constituée dans un monde associatif en marge du salariat et du droit commun du travail.

Le constat sociologique a été posé par M. Francis Lebon, chargé de recherche à l’INJEP, dans un rapport sur les animateurs socioculturels et de loisirs publié en 2007 : « L’animation, qui propose notamment une critique pédagogique du monde scolaire, a d’abord appartenu à des activités religieuses et vocationnelles et n’est devenu un métier que dans les années 1960. Les activités d’animation ont alors peu à peu été définies comme des activités professionnelles, de façon tardive par rapport aux autres professions sociales… Le mouvement de "professionnalisation" façonne le double caractère de l’activité d’animation qui peut s’exercer en amateur ou de façon professionnelle. Il se traduit par l’émergence de rhétoriques professionnelles manifestant l’existence et la reconnaissance de cette nouvelle profession. Mais une grande partie des activités reste cependant le fait de non-professionnels. En effet, l’animation socioculturelle a ceci de particulier qu’elle fait appel à un nombre important de jeunes occasionnels... »

En contrepoint de ce mouvement, M. Philippe Bancon a expliqué, au cours de son audition, qu’en toile de fond de l’animation exercée dans les accueils collectifs de mineurs, « il y a la reconnaissance du bénévolat et de l’engagement… En France, qualité égale professionnel et bénévole égale amateur… On soupçonne les animateurs bénévoles de ne pas être à la hauteur des exigences ». À mesure que les exigences de sécurité des hébergements, des déplacements, des activités, notamment physiques et sportives, sont relevées par une réglementation qui impose toujours plus de qualifications à l’encadrement, la présence des animateurs occasionnels, indemnisés plutôt que salariés, est mise en cause. Elle l’est d’autant plus quand deux secteurs d’activité connexes, celui du sport d’une part et celui de l’accueil de la petite enfance de l’autre, sont de plus en plus réservés à des professionnels diplômés.

La professionnalisation devient en outre une revendication portée par une partie des animateurs occasionnels qui ne considèrent plus l’encadrement d’un groupe de mineurs comme une activité militante ou bénévole et celui d’un séjour collectif comme une forme d’engagement éducatif et de vacances indemnisées mais comme un travail de quelques semaines, mal rémunéré, que l’on accepte faute de mieux, dans une période de chômage de masse pour les moins de 26 ans, en espérant qu’il soit considéré comme une expérience professionnelle et qu’il compte pour la retraite. Il en va de même des brevets d’aptitude aux fonctions d’animateur ou de directeur d’accueils collectifs de mineurs qui sont considérés comme la première étape d’un parcours de qualification professionnelle dans les métiers de l’action sociale et de l’enfance.

Ces évolutions sociologiques expliquent que des revendications aient été portées en justice par les représentants syndicaux de jeunes animateurs qui souhaitaient améliorer leur sort et faire reconnaître leur expérience. M. Noël Morel membre de la commission nationale du Syndicat de l’éducation populaire-Solidaires explique qu’un jeune qui travaille ne doit pas être payé en dessous du SMIC, que le travail des jeunes a besoin d’une reconnaissance salariale, même dans les mouvements d’éducation populaire, trouvant « inacceptable que des mouvements d’éducation populaire proposent à des jeunes, en éventuelle contrepartie d’une formation, de travailler bénévolement ». Il ajoute que « quand la mairie de Paris ou les centres sociaux ne paient pas les animateurs stagiaires, on ne trouve pas ça normal » et qu’il n’y a pas de raison d’être moins sévère l’égard des collectivités territoriales ou des comités d’entreprise qui financent des centres de loisirs ou des séjours de vacances et qui ont les moyens de payer leur encadrement.

Dans cette perspective, l’équilibre économique actuel du secteur des accueils et des séjours collectifs de vacances et de loisirs, serait le seul obstacle à la requalification professionnelle des postes d’encadrement occasionnels. La jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour de justice de l’Union européenne aurait reconnu l’iniquité de leur situation et engagé la réforme de ce secteur attendue par les animateurs et leurs représentants syndicaux.

Cette perspective est cependant partielle. Un grand nombre des animateurs occasionnels ne souhaite pas faire carrière dans l’animation et considère encore l’encadrement d’une colonie de vacances comme un engagement éducatif et ludique de quelques semaines par an, entre 17 et 21 ans. Ils ne se soucient guère des règles du droit du travail et, s’ils ne seraient, bien sûr, pas défavorables à une augmentation des indemnités forfaitaires qui leur sont versées et à une baisse du prix des formations aux brevets, ils n’en attendent pas pour autant une solution au problème du chômage. Les associations d’éducation populaire et informelle s’opposent, en revanche, à l’intégration, dans le champ du salariat, d’une activité d’encadrement occasionnelle qu’elles considèrent comme un engagement volontaire achevant un parcours d’éducation collective.

La position présentée par la majorité des syndicats entendus par la mission d’information distingue le monde professionnel du monde occasionnel de l’animation. Le premier concerne les accueils de loisirs, dans lesquels la juxtaposition des types de contrats, à durée indéterminée, déterminée ou d’engagement éducatif perturbe l’organisation des équipes, alors que les modes de financement de ces accueils, qui accaparent les deux tiers des animateurs occasionnels brevetés, pourraient supporter un alignement progressif sur les deux conventions collectives de l’animation et du sport. En revanche, les organisations syndicales reconnaissent que le mode occasionnel, par exemple dans le cadre d’un volontariat de l’animation, peut demeurer le mode dominant d’encadrement des séjours de vacances, les professionnels n’étant requis que pour la pratique des activités dangereuses.

La professionnalisation est déjà réalisée pour les mini-camps organisés par les maisons de la culture ou par les centres sociaux, qui confient l’animation d’un groupe de jeunes aux travailleurs sociaux permanents de la structure, indemnisés pour les séjours auxquels ils participent. Celle des animateurs les plus jeunes, intéressés par l’acquisition d’une qualification professionnelle, pourrait passer par la création d’un statut d’apprenti qui remplacerait les formations non professionnelles aux métiers de l’animation par des formations en alternance à des diplômes sociosportifs ou à ceux de l’animation socioculturelle.

Cette professionnalisation est plus difficile à imaginer dans un secteur des séjours de vacances, divisé entre l’offre commerciale et fonction sociale, organisateur associatif et société à but lucratif, qui n’utilise près de 150 000 animateurs et directeurs occasionnels que quelques semaines, pendant un an ou deux.

La question de leur statut s’est envenimée avec la mise en place du contrat d’engagement éducatif, qui devait régler le problème juridique posé par l’extension à leur cas de la convention de l’animation aux animateurs occasionnels et par l’annulation jurisprudentielle des clauses dérogatoires qui s’appliquaient à ces animateurs, tant pour leur salaire que pour leur temps de travail.

M. Denis Louiset, chargé de mission aux CEMEA constate : « Depuis 2006, le contrat d’engagement éducatif (CEE) a modifié le rapport éducatif et compromet gravement l’entité particulière qu’est le centre de vacances parce qu’il pose l’engagement éducatif dans le registre du travail et ce de manière dérogatoire, alors que la rémunération qu’il offre est très loin de celles pratiquées dans le monde du travail. La continuité éducative n’est plus possible et on glisse vers une logique de 3/8. »

La modification du rapport éducatif introduite par le CEE apparaît surtout dans la désaffection de plus en plus marquée pour les fonctions de direction. Alors que le nombre d’animateurs formés chaque année reste stable et suffisant pour satisfaire les besoins des organisateurs de séjours, celui des directeurs passés par la formation au BAFD diminue, au point de provoquer des difficultés de recrutement.

Dans les années 2000, il y avait plus de 2 200 directeurs brevetés chaque année. En 2012, seuls 2 016 BAFD ont été attribués en France métropolitaine. À cette baisse s’ajoute l’expression d’un malaise lié à l’insécurité juridique et au changement de nature de leurs activités, induit par l’affaire du contrat d’engagement éducatif. Alors qu’ils étaient attirés dans les fonctions de direction par les enjeux de l’éducation des jeunes, les directeurs d’accueils de mineurs avec hébergement se retrouvent accaparés par des tâches administratives, des gestions de plannings et des problèmes de management auxquels ils n’ont été ni formés ni habitués.

Mme Elsa Régent-Pennuen explique que « le recrutement ne prend plus seulement en compte le projet éducatif mais aussi la personnalité du salarié, l’entretien préalable au recrutement se professionnalise... Il en va de même pour le recrutement du directeur. En général, les directeurs étaient eux-mêmes sous contrat d’engagement éducatif, alors même qu’ils géraient une équipe technique de cuisiniers ou agents de service en contrats à durée déterminée ou indéterminée… S’ajoute à présent à leur tâche le management des équipes d’animation ».

M. Gilles Mondon ajoute que « de directeurs pédagogiques qu’ils étaient jusqu’ici, avec une dimension de gestion du personnel, ils tendent à devenir des directeurs au sens strict, ce qui n’est plus le même métier. Leurs fonctions s’apparentent à présent à celles des managers de Mac-Do ».

Le contrat d’engagement éducatif est particulièrement inadapté aux fonctions de directeur de centre de vacances. Pour respecter les temps de repos, chaque équipe pédagogique devrait compter un directeur et un directeur adjoint, ce qui est rarement le cas dans les petits séjours de moins de 25 jeunes. Les directeurs ont d’autant plus de mal à imposer le respect des temps de repos qu’eux-mêmes ne les prennent pas. Ils sont, en outre, accaparés par les préoccupations de sécurité.

Le recrutement de directeurs devient difficile parmi les jeunes animateurs. Le décret de 1973 a rapporté l’âge minimal requis pour obtenir le brevet d’animateur de 18 à 17 ans, et, pour celui de directeur, de 25 à 21 ans. Mais l’âge médian des directeurs d’accueils avec hébergement a augmenté d’année en année pour atteindre 32 ans en 2011. Alors qu’ils sont appelés à faire preuve d’initiative, de responsabilité, d’autonomie et d’autorité, les plus jeunes semblent renoncer d’eux-mêmes.

Selon Mme Yaëlle Amsellem-Mainguy, « l’âge des animateurs les met dans une position difficile d’encadrement avec un sentiment de sur-responsabilité. Une partie d’entre eux refusent les fonctions de direction par peur de responsabilités assumées trop jeunes. Ils craignent, s’ils font quelque chose qui se passe mal, d’aller en prison. Ils ne hiérarchisent pas les risques et préfèrent refuser les responsabilités de direction, ce qui pose des problèmes de recrutement aux organisateurs ».

Les difficultés de recrutement de directeurs de séjours atteignent même le scoutisme. Selon M. Adrien Chaboche : « si nos associations connaissent une croissance, elle est freinée par le risque et la crainte des responsables qui hésitent à prendre la direction de camps ou à organiser des activités qui sont très réglementées et sur lesquelles la société porte un regard interrogateur voire suspicieux. Cette crainte excessive devant le danger n’existait pas il y a quinze à vingt ans où l’on s’engageait sans difficulté ».

4. Une plus-value réelle pour le tourisme rural

Outre les bienfaits éducatifs de ces séjours, il faut aussi prendre en compte leur importance pour l’économie du tourisme : ils soutiennent à la fois l’offre sociale et l’extension géographique dans des territoires ruraux, de montagne ou de campagne, parfois reculés ou peu accessibles.

Suivant le modèle des premières colonies de vacances, les séjours collectifs pour mineurs se répartissent encore principalement dans les départements littoraux et montagneux. En revanche, contrairement aux centres de loisirs, ils sont encore peu présents dans les départements urbains en dépit des facilités de transports publics et d’hébergement en internats scolaires qu’ils offrent aux colonies. Les départements des Alpes, des Pyrénées, du Massif Central, des Vosges et du Jura ainsi que ceux des littoraux atlantique et méditerranéen totalisent le plus grand nombre de journées enfants au cours de l’année.

En tête du palmarès des accueils de séjours de vacances pour mineurs par département, on trouve la Haute-Savoie pour laquelle les statistiques ministérielles comptabilisent 847 000 journées enfants en 2011, suivie de la Savoie et des Hautes-Alpes. Elles reçoivent respectivement 7,1 %, 5 % et 4,6 % des journées enfants hors mini-camps. Les huit départements du littoral atlantique représentent près de 18 % des accueils, suivis par ceux du littoral méditerranéen. Depuis les années 1980, ces tropismes restent inchangés.

Les mini-camps ont une géographie bien différente, qui privilégie la ville, à proximité des lieux d’habitation et de leur public. Les principaux départements qui les accueillent se trouvent dans les régions du Nord et de l’Ouest, le département du Nord en concentrant à lui seul 8 %.

Le basculement des politiques publiques d’accueil de l’enfance sur place, dans des centres de loisirs avec ou sans hébergement, au détriment de l’envoi des enfants en colonies à l’autre bout du pays, a eu des conséquences dommageables non seulement pour la fréquentation des centres de vacances mais aussi, par contrecoup, sur l’économie des territoires qui accueillaient ces colonies.

À la place des anciennes colonies, les territoires touristiques littoraux les plus convoités ont pu bénéficier de l’installation de résidences secondaires ou de tourisme, qui apportent localement une clientèle soit familiale, pendant les vacances, soit âgée, pendant le reste de l’année. Ces nouvelles clientèles ont un pouvoir d’achat et des modes de consommation qui compensent les pertes de recettes touristiques entraînées par le départ des colonies d’enfants.

Il n’en va pas de même en montagne et à la campagne, où la fermeture d’un centre de vacances, du fait de la baisse de fréquentation des colonies et des classes de découvertes, laisse les sites à l’abandon. Mme Géraldine Leduc, directrice générale de l’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques, a insisté sur la complémentarité, à laquelle les élus des communes rurales sont de plus en plus sensibles, entre les séjours collectifs pendant les vacances et ceux des classes de découvertes pendant l’année scolaire.

Cette complémentarité permet de maintenir ouverts toute l’année des centres d’accueils à la montagne ou à la campagne : « Pour nos collectivités locales, ces classes de découvertes représentent un enjeu parce qu’elles permettent d’allonger la saison touristique et d’avoir des touristes tout au long de l’année pour rentabiliser un patrimoine de centres d’accueil qui n’est plus aux normes. C’est aussi un moyen de faire découvrir aux enfants des régions de France qu’ils ne connaissent pas, en espérant qu’ils soient ensuite les ambassadeurs de ces régions auprès de leur famille et de leurs amis. C’est comme cela que les sports d’hiver ont démarré. Il y avait des classes de neige de trois semaines qui ont ensuite encouragé la fréquentation des stations.

« La France a la chance d’avoir des régions magnifiques et il faut faire découvrir aux enfants la campagne, leur apprendre à faire un feu de bois. Il est important pour nous que les sites habitués à recevoir des colonies de vacances puissent être ouverts tout au long de l’année et recevoir le plus de monde possible. L’association VVF, propriétaire des villages Okaya, spécialisés dans l’accueil de colonies de vacances, cherche à attirer des classes de découvertes le reste de l’année... Les maires aimeraient relancer les classes de découvertes au lieu de se focaliser sur les centres aérés spécialisés dans les activités périscolaires ou dans l’accueil sans hébergement des enfants qui ne peuvent pas partir en vacances, qui sont surtout l’apanage des villes. »

Les élus locaux sont inquiets de voir péricliter le modèle économique des centres de vacances en milieu rural ou de montagne parce qu’ils n’ont pas de modèle alternatif pour les sites délaissés. Mme Elsa Régent-Pennuen a souligné la diminution des activités de séjour et de tourisme dans les zones rurales reculées, en citant le cas des deux centres de vacances Vacoline au Collet d’Allevard dans l’Isère, celui de la Ligue de l’enseignement et celui des Pupilles de l’enseignement public (PEP), qui soutenaient l’économie locale en passant des commandes à la boulangerie et à l’épicerie du village.

L’évolution des destinations des séjours de vacances devient préoccupante parce que les territoires ruraux ou de montagne n’attirent plus spontanément les familles solvables qui leur préfèrent les destinations de bord de mer et plus encore les séjours itinérants à l’étranger. La progression des séjours à l’étranger est cependant modeste et s’ils sont portés par un effet de mode, ils restent réservés à une clientèle aisée ou subventionnée par un financeur social. À l’inverse, les séjours moins onéreux se replient sur des internats scolaires qui maintiennent les jeunes dans les environnements urbains et péri-urbains qui ne leur sont que trop familiers.

Les séjours à l’étranger, qui s’adressent aux adolescents plutôt qu’aux enfants, représentent 17 % des journées passées en séjours collectifs avec hébergement, un tiers étant déclaré au titre de séjour linguistique. Leur proportion augmente à proportion de la part croissante prise par les jeunes issus des milieux aisés dans les séjours. Aux premiers rangs des destinations viennent la Grande-Bretagne (2 224 séjours), l’Espagne (1 256 séjours) et les États-Unis (827 séjours.) 2 075 des 3 844 séjours itinérants déclarés en 2011 se sont déroulés à l’étranger alors qu’en France, ces séjours concernent surtout la Corse.

L’importance que les colonies de vacances peuvent prendre dans le soutien de l’économie du tourisme a été rappelée par M. Patrick Drouet : « Les centres de vacances du tourisme associatif ont bénéficié d’implantations remarquables. Ces centres sont dans des logiques de développement local. Ils sont pourvoyeurs d’emplois. Ce sont des lieux d’éducation pour les enfants. Ces centres favorisent une ouverture à l’année en complétant les colonies par des classes de découvertes d’un milieu naturel. Ces centres développent des partenariats avec les acteurs locaux. »

M. Drouet a fait part de l’inquiétude que lui inspire une ségrégation sociale grandissante qui conduit à réserver les zones touristiques littorales aux vacances des publics âgés et aisés en reléguant les colonies qui s’y installaient dans des zones reculées, à mesure que leur fréquentation diminue et qu’elles accueillent davantage d’enfants de milieux urbains défavorisés :

« Si l’on abandonne les colonies de vacances organisées dans des établissements patrimoniaux sur des sites touristiques au profit de séjours thématiques accueillis dans le patrimoine scolaire et urbain, c’est l’approche du tourisme par nos enfants qui est remise en cause et cela modifie la population qui fréquente les lieux touristiques. La Bretagne se plaint d’avoir une image vieillissante et de n’attirer qu’une population âgée attirée par les vieilles pierres. Mais si les enfants ne vont plus en centres de vacances à Saint-Malo ou Quiberon, ils perdront le goût de ces paysages parmi les plus beaux.

« Si je suis le président de l’office de tourisme de Belle-Île et que je ne peux pas augmenter le nombre de bateaux qui desservent l’île, je vais vouloir augmenter le panier moyen de chaque passager. Pour augmenter ce panier moyen, je vais demander aux hôtels deux étoiles de passer trois étoiles et aux trois étoiles de passer quatre étoiles, de même pour les gîtes. Cette montée en gamme est superbe pour l’économie touristique et les commerçants de l’île. Mais cela implique que la population qui ne peut pas suivre cette montée en gamme se trouve exclue de ces sites touristiques. Cela conduit à réserver des zones touristiques à une population favorisée et d’autres pour les populations pauvres.

« Les enquêtes de l’OVLEJ prouvent que cette segmentation des publics est en marche, avec des colonies pour enfants de CSP + disposant de revenus supérieurs à 4 000 euros, en séjour culturel ou linguistique, tandis que les populations plus défavorisées envoient leurs enfants dans des séjours à la campagne.

« Si l’on y prête garde, c’est l’idée même du centre de vacances en tant que lieu de mixité sociale, rassemblant enfants de cadres et d’employés, d’urbains et de ruraux, n’existera plus. C’était une des richesses de colos que ce lieu de vivre ensemble. Ce lieu favorisait la démocratie, la citoyenneté, la capacité de vivre avec autrui. En tirant le trait, on se retrouvera demain avec des colos pour les plus pauvres et des séjours à l’étranger pour les plus favorisés. »

Lors de son audition, Mme Claudie Buisson, a insisté sur la convergence entre les démarches du ministère du tourisme visant à réduire, en quatre ans, les inégalités d’accès aux vacances, et celles de la mission d’information sur l’accessibilité des jeunes aux séjours collectifs. Alors que les vacances des jeunes n’étaient pas dans le périmètre initial qui lui était fixé par Mme Pinel, la mission sur l’accès aux vacances pour tous s’est intéressée à l’évolution de leurs modes de départ en vacances, en raison du lien étroit, dégagé par les études statistiques, entre le moindre départ en vacances des jeunes et la perte d’habitude des vacances des familles et des adultes.

Mme Buisson a d’abord dressé le constat inquiétant d’une perte de la culture des vacances dans la population française, le taux de départ en vacances baissant de 1 % par an depuis dix ans. Cette baisse affecte l’économie touristique mais aussi la cohésion sociale : les populations ont tendance à se replier sur leur territoire de vie habituel et, n’ayant plus de contacts familiers avec le reste du territoire national, elles risquent de s’en désolidariser.

Mme Buisson a ensuite précisé que sa mission s’était préoccupée des vacances des plus jeunes : « Sans prétendre être légitimes à faire des propositions, nous nous contenterons d’évoquer le phénomène dans notre rapport. Nous avons conduit 120 auditions d’opérateurs de séjours. Les constats sont convergents et, de notre point de vue, assez dramatiques. L’UNAT en a dressé le bilan chiffré et analytique lors d’un colloque sur les colonies de vacances. Ce bilan montre différentes approches des opérateurs pour combattre ce phénomène. »

Selon elle, ces approches n’opposent pas les vacances familiales aux vacances collectives des jeunes. L’éloge des séjours collectifs qu’elle a fait devant la mission mérite d’être cité : « Nous sommes très attachés à promouvoir le départ en vacances des familles mais c’est précisément l’apprentissage de l’autonomie et de la découverte hors du cadre familial, dans un cadre différent, qui représente la véritable acculturation aux vacances. Si nous n’aidons pas les enfants à faire l’expérience de la découverte en autonomie, nous n’aurons réalisé que la moitié du chemin.

« Hier soir, au journal de France 2, dans un reportage sur une famille partant en vacances avec des adolescents, ces derniers ont exprimé leur satisfaction de partir en vacances avec leurs parents parce qu’ils redoutaient de ne pas savoir gérer l’autonomie. Ce témoignage m’a bouleversée. Les parents étaient probablement enseignants et assez présents. Mais une jeune fille de quinze ans qui aspire à l’autonomie mais doute d’être capable de la vivre me paraît symptomatique. Il y a une injonction paradoxale chez les jeunes qui ont envie d’être adultes mais en ont peur. Le moyen de vaincre cette peur et de devenir un adulte citoyen à part entière est de faire l’expérience de l’autonomie très tôt, en relativisant le caractère sécurisant des parents et en se responsabilisant soi-même.

« Les vacances des enfants en autonomie, en camp de vacances ou en classes de découvertes et les vacances familiales ne sont pas interchangeables. Elles sont un complément indispensable à l’acculturation aux vacances et à l’éducation du citoyen. Les classes de découvertes qui ne sont pas au cœur de votre démarche sont pour nous très importantes parce que leur désaffection participe du même phénomène que celle qui touche les colonies de vacances. C’est le premier chaînon manquant de la chaîne du départ en vacances. Les vacances des enfants vont au-delà du séjour de loisirs. C’est un élément de construction du citoyen de demain. La vie de groupe, le fait d’être soumis à une autre autorité que celle des parents, le fait de réaliser des apprentissages seuls, le fait de découvrir seul des choses que les parents ne connaissent pas est un enrichissement extraordinaire. »

Cet éloge pourrait être teinté de nostalgie si l’éducation collective apportée par les séjours collectifs de vacances n’avait plus de rentabilité économique suffisante pour surmonter la baisse des subventions publiques et la désaffection de la demande spontanée des familles solvables. Mais Mme Buisson a beaucoup insisté sur l’importance économique du secteur du tourisme associatif et sur l’effet de levier des colonies de vacances qui, à l’inverse de l’effet d’éviction auquel on pense d’abord, soutiennent les départs en vacances familiales. Comme le prouvent les taux de départ des ménages les plus aisés, ceux qui le peuvent partent à la fois beaucoup en famille et souvent en séjours collectifs.

Mme Buisson a rappelé que « le tourisme représente 7 % du PIB. On a assez tendance à l’oublier en considérant le tourisme comme une activité accessoire alors qu’il représente deux fois l’automobile et presque autant que l’aéronautique. Le tourisme présente une activité répartie sur le territoire, notamment le tourisme social qui est en outre beaucoup plus riche en emplois que le tourisme classique. 5 de ces 7 % viennent du tourisme des Français en France, le reste de l’accueil de touristes étrangers... Les touristes qui viennent acheter des sacs Vuitton aux Galeries Lafayette ne maintiendront pas la vie dans les villages de montagne ou de campagne, comme peut le faire le tourisme de nos concitoyens.

« Si l’on mène une politique active en faveur du tourisme, même sans subventions, en améliorant l’offre, en la faisant connaître, en stimulant la demande, on a la possibilité de stopper l’hémorragie actuelle et regagner une partie des 10 points de fréquentation perdus en 10 ans. Si on les regagne, puisque le tourisme social représente 10 % de l’activité touristique générale, cela représente un potentiel de croissance de 0,2 voire 0,3 point de PIB. Par les temps qui courent, les vecteurs de croissance ne sont pas si nombreux pour que l’on s’autorise à négliger ces quelques dixièmes de points, d’autant que c’est une croissance qui est largement répartie sur le territoire et a un contenu de cohésion sociale important. Voilà les raisons pour lesquelles je plaide pour relancer le tourisme pour tous. Si le tourisme des jeunes peut nous accompagner et que nos propositions soient convergentes, nous aurons bien agi ».

B. RÉINVENTER LES COLOS

1. Permettre à tous les enfants de partir en vacances

Les colonies de vacances avaient atteint un équilibre économique dans les années 1990. La désaffection des séjours a renversé cet équilibre, mettant les associations qui les organisent à la merci du moindre incident comme celui causé par le contentieux sur le temps de repos des animateurs occasionnels. Depuis 1995, l’évolution spontanée du marché tend à faire disparaître les séjours classiques, sans thématique, fréquentés par tous les milieux sociaux et à séparer les accueils collectifs de mineurs en deux secteurs : l’un, associatif et caritatif, deviendrait celui des garderies d’été ; l’autre, commercial et concurrentiel, celui de camps itinérants de tourisme et d’aventure pour adolescents des milieux aisés.

Cette évolution serait particulièrement défavorable au départ en vacances des enfants des milieux aux revenus modestes ou moyens, qui n’ont accès ni au caritatif, ni au commercial. L’État doit-il laisser faire ? Peut-il encore intervenir pour soutenir une offre bon marché de colonies de vacances ? Les vacances des enfants sont l’affaire de tous. Trop d’enfants ne quittent plus leur environnement quotidien. L’État doit les aider à s’émanciper.

Mme Claudie Buisson proposera sans doute, à l’issue de sa mission, des mesures permettant de relancer les vacances familiales et le tourisme social. Notre mission d’information devrait, pour sa part, encourager le départ en colo des 10-15 ans des classes moyennes, qui ont déserté des séjours devenus trop chers pour eux. Elle devrait aussi inviter l’État à reprendre une politique active et incitative en faveur d’une baisse des coûts et d’une hausse de la fréquentation des séjours collectifs avec hébergement, parce qu’on ne peut guère attendre des organisateurs qu’ils parviennent, d’eux-mêmes, à inverser la tendance actuelle, étant donné les contraintes auxquelles ils sont soumis.

Les opérateurs à but lucratif, qui investissent le secteur des séjours thématiques, en vue d’« écrémer » la clientèle la plus rentable, enjoignent, par exemple, aux anciennes associations de respecter les règles d’une concurrence loyale, de se soumettre aux mêmes contraintes réglementaires, sociales et fiscales, en particulier en termes de coûts et de conditions de travail des personnels d’encadrement des séjours. Ils entendent reléguer les associations subventionnées au seul secteur caritatif, qui ne les intéresse pas.

Est-ce à dire que la cause publique des colonies associatives pour tous les publics est perdue et que les bénéficiaires d’une nouvelle politique d’État en faveur des colos seraient finalement les opérateurs à but lucratif, qui s’emparent du marché ? À force de confondre les accueils de mineurs tantôt avec des garderies, tantôt avec des prestations de services commerciales, les clients et les financeurs des séjours perdent de vue leurs enjeux éducatifs, d’émancipation des jeunes, de mixité et de cohésion sociale des générations.

À eux seuls, ces enjeux justifieraient le rétablissement d’une politique nationale d’encouragement des départs des mineurs dans des séjours de vacances collectives, organisés par des associations sans but lucratif, investies dans l’éducation populaire et non pas dans le commerce d’activités à la mode. Mais ces colos associatives sont aussi des lieux de responsabilisation des jeunes animateurs qui se dévouent pour veiller sur eux jour et nuit, voire d’apprentissage de la parentalité. L’engagement volontaire de ces animateurs doit être reconnu par l’État.

Enfin, les enjeux des colos ne sont pas seulement éducatifs et sociaux. Ils sont aussi économiques et territoriaux. Le soutien que l’État apporterait aux colonies de vacances associatives devrait encourager la découverte de tous les territoires, en aidant les associations et les collectivités qui sont encore propriétaires d’un patrimoine de centres de vacances à les adapter aux normes réglementaires et aux exigences actuelles des familles et, dans les zones touristiques trop convoitées pour que de tels centres puissent se maintenir, en leur ouvrant les internats scolaires pendant les vacances.

Les organisateurs de séjours de vacances, entendus par la mission, se sont bien sûr montrés très désireux de voir les autorités publiques reprendre une politique de soutien au départ en vacances des jeunes. Mme Claudie Buisson a néanmoins rappelé les contraintes budgétaires d’une telle politique : « Il appartient aux pouvoirs publics d’impulser des politiques qui n’ont pas de rentabilité immédiate mais qui ont une justification importante. Je me suis aperçue du fait que le départ en vacances est beaucoup plus structurant qu’il n’y paraît, tant en termes d’éducation à la citoyenneté ou d’ouverture à l’autre que de cohésion sociale ou d’image de soi et même de développement économique. J’ai dit à Mme Pinel qu’il incombe à l’État d’élaborer une politique de soutien au départ en vacances, ce qui ne signifie pas financement des départs. La raréfaction des deniers publics oblige à être innovants et collaboratifs…

« On ne peut lutter contre les causes à la fois économiques et psychosociologiques de la désaffection pour les colonies de vacances qu’en adaptant l’offre… L’adaptation de l’offre concerne bien les deux aspects. Nous nous sommes aperçus du fait que le coût n’est pas le seul problème et qu’il fallait s’interroger sur les attentes des jeunes et des parents, pour leur offrir soit des formules de mini-camps, soit des formules qui reviennent à l’esprit initial de la colonie de vacances qui était l’aventure, avec un hébergement un peu spartiate sous la tente, qui change les jeunes d’un bâti en béton qui ne leur offre pas le dépaysement auquel ils aspiraient. »

Elle n’a cependant pas exclu, à l’appui de la politique d’adaptation de l’offre de séjours qu’elle souhaite, un soutien financier à la demande de colonies de vacances, par une réorientation de dépenses fiscales qui présentent moins d’externalités positives que n’en génèreraient, pour l’éducation informelle des jeunes et pour le soutien de l’économie touristique, une aide au départ en séjours collectifs.

Pour permettre aux trois millions d’enfants qui ne partent pas en vacances d’avoir accès, au moins une fois dans l’année, à un séjour collectif, l’État pourrait créer un fonds national d’aide au départ en vacances collectives, alimenté par des recettes nouvelles. M. Jean-Karl Deschamps a proposé le rétablissement d’une taxe sur l’hôtellerie de luxe qui avait été instaurée en septembre 2011, puis supprimée en décembre de la même année, à la suite de la hausse de 5,5 % à 7 % de la TVA sur l’hôtellerie.

Cette taxe a été de nouveau proposée par un amendement du groupe socialiste du Sénat, lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2013. Elle devait être affectée au financement d’une allocation transitoire de solidarité pour demandeurs d’emploi ayant eu une carrière longue. L’amendement a été voté en première délibération le 27 novembre 2012 mais l’article additionnel a disparu du texte lors du rejet, en seconde délibération, de l’ensemble de la première partie du projet de loi.

Il serait souhaitable de rétablir définitivement cette taxe en l’affectant au financement du départ en vacances collectives des millions de jeunes qui ne quittent pas le domicile de leurs parents plus de deux nuits consécutives. Selon M. Deschamps, « ce serait un geste de solidarité entre familles modestes et familles aisées qui peuvent payer une nuit d’hôtel entre 400 et 600 euros. Une taxe de 2 à 6 % rapporterait 100 à 200 millions d’euros. Il faudrait 600 millions d’euros, soit 200 euros par enfant, pour que les 3 millions d’enfants qui ne partent pas puissent aller en vacances au moins une fois dans l’année ».

Proposition n° 1 :

Créer un fonds national d’aide au départ en vacances collectives des jeunes qui ne partent pas en vacances, financé par le rétablissement d’une taxe sur l’hôtellerie de luxe.

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative a expliqué, au cours de son audition par la mission, que le taux de départ des 5-19 ans en vacances familiales, qui est passé de 80 % en 2004 à 86 % en 2011, progresse au détriment du taux de départ en vacances collectives, qui diminue parallèlement, alors que le taux global de départ en vacances des jeunes n’évolue pas.

Le rapporteur partage son ambition d’une politique éducative qui puisse faire partir en colos davantage d’enfants des classes moyennes. Sans recettes nouvelles, il ne reste, dans les finances publiques, que deux enveloppes, destinées aux loisirs et aux vacances des familles et des jeunes, dans lesquelles des crédits pourraient être réaffectés afin de diminuer le coût résiduel des séjours pour les familles. Ces deux enveloppes sont celle des chèques-vacances et celle des fonds d’action sociale de la branche famille.

2. Reconquérir les classes moyennes pour retrouver une mixité sociale

L’État a mis en place, par les chèques-vacances, une politique de soutien au départ en vacances efficace et peu coûteuse. Cette politique pourrait être renforcée au bénéfice des séjours collectifs de vacances des enfants de salariés par deux mesures proposées par Mme Claudie Buisson :

« Les familles dont le quotient familial est supérieur à 1 200 euros n’ont pas d’aides au départ, à moins qu’un des parents soit salarié d’une entreprise dont le comité a un budget d’action sociale et culturelle et distribue des chèques-vacances. Notre analyse macro-démographique indique que l’aide va aux salariés de grandes entreprises qui sont dans une situation stable, dans le secteur des banques, de l’assurance ou des anciennes entreprises publiques, couvertes de longue date par des conventions collectives. Cela représente 3,5 millions de salariés sur les 23 millions d’actifs.

« Nous avons donc un potentiel de 15 millions de salariés qui sont dans des TPE et qui n’ont pas accès aux chèques-vacances même si la loi de 2009 autorise leur distribution directe par l’employeur. Pour autant, la progression du chèque-vacances, dans un secteur des très petites entreprises [TPE] qui reste difficile à pénétrer, est très lente. En 5 ans, 130 000 salariés seulement de ces petites entreprises en ont bénéficié, sur les 15 millions de clients potentiels. Ce public est notre objectif principal puisque ces salariés sont ceux qui ont les salaires les plus bas et qui sont souvent en intérim ou sous-traitants de grandes entreprises.

« Si l’on voulait mener une politique de soutien au départ en vacances, la proposition principale serait l’extension des chèques-vacances dans les TPE. La loi le permet. Il faudrait à présent que le dialogue social, en particulier les accords de branche, instaurent cette distribution. Les pouvoirs publics pourraient l’encourager par une exonération de charges sociales comparable à celle dont bénéficient les comités d’entreprise.

« Le chèque-vacances alloué par une TPE n’est pas exonéré de charges sociales. On pourrait accroître l’extension du chèque-vacances par cette mesure. L’exonération sociale et fiscale du chèque-vacances accordée aux comités d’entreprise coûte à l’État un peu moins de 60 millions d’euros par an. C’est moins que l’exonération fiscale accordée aux résidences de tourisme, dont on connaît l’effet sur la réalisation de friches touristiques. Une politique publique qui soutiendrait le chèque-vacances dans les PME pourrait être couverte par la suppression de l’exonération fiscale des résidences de tourisme, qui ont un impact négatif sur l’organisation touristique.

« Les exonérations fiscales des résidences de tourisme soutiennent l’activité le temps de construire et de commercialiser, enrichissent les promoteurs, mais n’ont pas enrichi les propriétaires acquéreurs qui se retrouvent avec un bien qui n’a plus de valeur marchande et n’a pas enjolivé les stations. Nous pensons qu’en termes d’optimisation des politiques publiques, nous aurions intérêt, à coût équivalent pour l’État, à basculer cette exonération sur un soutien des chèques-vacances dans les TPE. On pourrait même réaliser une économie de gestion de la dépense publique puisque la progression des chèques-vacances dans les TPE est lente et n’atteindra pas, dans les premières années, un montant d’exonérations de 60 millions équivalent à celui consenti aux résidences de tourisme. »

Proposition n° 2

Augmenter la distribution des chèques-vacances aux salariés des petites entreprises, en leur accordant les mêmes exonérations fiscales et sociales que celles dont bénéficient les comités d’entreprise.

Les classes de découvertes et les colonies de vacances sont complémentaires. Elles utilisent les mêmes installations. Le dispositif des chèques-vacances pourrait être modifié pour favoriser le financement de ces départs collectifs, sans restreindre les facilités d’usage que ce chèque accorde aux familles. Il pourrait s’agir soit de carnets de chèques réservés aux séjours collectifs, soit de chèques, spécifiques mais plus avantageux, insérés dans les carnets ordinaires, selon la solution la plus efficace qui serait proposée par l’ANCV.

Proposition n° 3

Suggérer à l’ANCV de créer un chèque « séjours collectifs enfance-jeunesse », utilisable pour le départ en classe de découvertes et en colonies de vacances.

Les caisses d’allocations familiales reconnaissent que leur budget d’action sociale destiné à financer des activités offertes aux jeunes pendant leur temps libre n’atteint que les moins de 10 ans qui fréquentent assidûment les centres de loisirs. La CNAF a lancé, en 2010, des expérimentations pour financer, sur les crédits du FNAS, des activités de loisirs pour les plus grands. Ces expérimentations ont laissé de côté les colonies de vacances pour privilégier les mini-camps d’adolescents et les activités, organisées sur le territoire de la commune de résidence, par les centres sociaux, les maisons de jeunes et les associations locales.

Sans nécessairement relancer la distribution de bons vacances, que certaines caisses pratiquent encore sur leurs propres fonds, et même en recourant à des conventions d’objectifs et de moyens pour l’allocation des crédits d’action sociale, il serait possible de soutenir les départs en séjours collectifs de vacances des mineurs en étendant les partenariats passés entre les caisses et les principales associations agréées pour l’organisation des séjours.

Comme l’indique le tableau présenté page 40, le soutien financier, apporté par le FNAS de la branche famille, aux organisateurs de colonies, est pour le moment limité à 3,6 millions d’euros sur un budget temps libre de plus d’un milliard, alors que 80 % des crédits vont aux centres de loisirs. Quant aux 24 millions d’euros qui permettent le départ en colonies de vacances des enfants pauvres, ils ne bénéficient qu’à un nombre trop réduit de centres d’accueil agréés.

Selon M. François Vercoutère, « le nouveau dispositif Vacaf est très standardisé. Selon les retours qui nous sont faits des vacances familiales avec Vacaf, les CAF ont acheté des lieux qu’elles remplissent. L’outil Vacaf n’est pas adapté puisque les gens ont envie d’avoir le choix de leurs vacances. Nous travaillons plutôt avec l’ANCV qui est plus souple. Son apport financier laisse toute latitude au groupe de jeunes de choisir son lieu de départ en vacances et son mode d’hébergement. Les chèques vacances permettent de réserver dans un gîte ou dans un VVF alors que les sites Vacaf sont très ciblés ».

L’État est responsable, par les objectifs qu’il assigne aux dépenses d’action sociale du FNAS, de la destination des fonds affectés aux temps libres des jeunes et de l’organisation du dispositif Vacaf, décrite dans la convention d’objectifs et de gestion en cours de négociation. Depuis 1992, la priorité est donnée à l’accueil de la petite enfance et, en second lieu, à l’accueil des moins de 12 ans en centres de loisirs. En revanche, l’aide aux 12-18 ans fait défaut.

En privilégiant les accueils de loisirs sans hébergement (ALSH) au détriment des autres accueils collectifs de mineurs, les caisses d’allocations familiales délaissent, comme cela a été évoqué, la moitié du public visé par leur politique en faveur du temps libre des jeunes. En outre, elles accentuent aussi les inégalités territoriales entre les communes urbaines et périurbaines, qui ont une forte population résidente de jeunes et les moyens de développer une politique d’aide sociale et d’activités périscolaires à leur intention, et les communes rurales, qui s’investissent dans l’accueil de ces jeunes en colonies de vacances ou en classes de découvertes, mais sont moins aidées pour le faire.

Le 3 juin dernier, à l’issue d’une réunion du Haut Conseil de la famille, le Premier ministre a annoncé que les crédits du Fonds national d’action sociale de la CNAF progresseraient de 7,5 % par an, pour atteindre plus de 6,5 milliards d’euros en 2017, conformément à l’engagement pris par le Président de la République en faveur de la jeunesse. Ces fonds doivent améliorer les conditions d’accueil des enfants et adolescents après l’école et le mercredi mais aussi pendant les vacances. Ils sont bien sûrs très convoités.

Déjà en juin 2000, le Conseil économique et social relevait que « la CNAF est par ailleurs souvent interpellée de manière contradictoire par les pouvoirs publics : certains ministères veulent lui faire jouer un rôle important et majeur dans l’accueil de proximité, ou bien encore dans l’accompagnement des familles les plus en difficulté, invitant en cela la CNAF à développer une logique sociale au détriment d’une logique familiale. D’autres, comme le ministère du tourisme, souhaitent que la CNAF développe de nouveau une politique d’aide à la pierre pour les structures de vacances collectives ».

Encore aujourd’hui, c’est la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) du ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative qui est compétente en matière de loisirs des jeunes, mais c’est la direction générale de la cohésion sociale du ministère des affaires sociales et de la santé qui négocie avec la CNAF les conventions d’objectifs et de gestion et, de ce fait, l’affectation des fonds destinés au financement des temps libres des jeunes.

Il appartient au Gouvernement d’arbitrer entre les objectifs, également légitimes, de l’action sociale de l’État en faveur de l’enfance et de la jeunesse et de transposer cet arbitrage dans la convention passée avec la CNAF. Il lui est loisible, à cette occasion, de favoriser le rétablissement de liens contractuels étroits entre les caisses d’allocations familiales et les associations organisatrices de séjours collectifs de vacances, afin de cibler les publics qu’il faut aider à partir, tout en préservant la mixité et la cohésion sociale des colonies.

Les colonies doivent retrouver une part substantielle des crédits « temps libres » de la branche famille, voire équivalente à celle que reçoivent les centres de loisirs sans hébergement, dont les principes pédagogiques et les publics accueillis devraient être très proches, tant ces deux formes d’accueil sont complémentaires.

Les caisses d’allocations familiales joueraient alors un rôle comparable à celui des comités d’entreprise, qui choisissent les types de séjours qu’ils veulent soutenir. Elles pourraient imposer aux associations des barèmes de prix répondant à des critères sociaux, comme par exemple le nombre d’enfants d’une même fratrie envoyés en colos et le quotient familial des parents.

Sans attendre la décision de la mission d’information, devant l’imminence de la signature de la prochaine convention d’objectifs et de gestion, votre rapporteur a saisi la ministre des affaires sociales et de la santé pour lui faire part de sa préoccupation devant la réduction continue des fonds d’action sociale alloués à l’accueil des jeunes en séjours de vacances et devant les effets néfastes d’une politique qui, en concentrant l’aide au départ sur quelques publics cibles, les enferme dans des séjours qui leur sont pratiquement réservés.

Proposition n° 4

Flécher davantage de crédits du Fonds national d’action sociale de la branche famille vers les colos.

L’État peut encore faire baisser le prix des colonies de vacances en intervenant auprès de la SNCF pour qu’elle adapte l’offre commerciale qu’elle propose aux organisateurs de séjours.

La SNCF s’est engagée dans une stratégie industrielle du « tout TVG », consistant à investir massivement dans la construction de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse, financée par des emprunts mis à la charge de la société et non de l’État. Ce faisant, elle a cherché, avec le soutien de ses autorités de tutelle, à compenser la faible rentabilité commerciale de la plupart de ces nouvelles lignes en adoptant une politique commerciale de segmentation de sa clientèle.

Confrontée à une fréquentation de ses trains irrégulière sur l’année, la SNCF a dû procéder à des arbitrages dans l’allocation des places proposées sur les trajets les plus prisés, pendant les périodes de pointe. L’État l’a encouragée à maximiser la part prise par les clientèles les plus solvables. Or, pour la SNCF, les colonies de vacances et, plus largement, les groupes d’enfants et d’adolescents, sont une clientèle peu rentable et source de désagréments pour les autres voyageurs, sur les lignes TGV comme sur les grandes lignes classiques subsistant. Plus dommageable encore, cette clientèle entre directement en concurrence avec la clientèle familiale, aux dates de vacances, pour les mêmes destinations.

La SNCF n’a cependant pas abandonné son offre de trajets faite aux groupes sur ces périodes les plus tendues, ce qui n’aurait été accepté ni par le public ni par les autorités de tutelle. Elle a préféré relever le prix des voyages, ce relèvement s’accentuant avec l’abandon de la tarification au kilométrage au profit d’une tarification modulée selon l’anticipation des réservations et les taux de remplissage des trains, après la mise en place d’un nouveau système informatique de réservation et d’achat de billet, conçu sur le modèle du transport aérien, dans lequel les voyages de groupes passent plus fréquemment par la location de vols charters à bas coûts que par la préemption de places sur les lignes régulières.

Cette hausse des prix des billets s’est faite très progressivement et ses effets sur les coûts des séjours collectifs de vacances de mineurs ne sont apparus que tardivement. Elle a pesé sur les tarifs des colonies puisque le transport peut représenter un tiers du coût du séjour pour des destinations de mer ou de montagne éloignées des métropoles de départ.

Selon M. Foucault Jancel, chargé de mission d’étude auprès de l’Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques, « les coûts de transport représentent 30 % du prix des séjours, ce qui est conséquent. Nous nous sommes rendus compte que la SNCF n’avait plus de prestations correspondant aux besoins des classes de découvertes et des colonies de vacances, notamment en termes de délais de réservation et de temps nécessaire pour mettre en place le séjour et choisir le type de transport adéquat. Il s’est avéré délicat et difficile d’entrer en contact avec la SNCF puisqu’elle considère que son offre de voyage en groupe existe, est la plus pertinente et n’est pas négociable. C’est aux organisateurs de séjours de s’adapter à cette offre. Certes, la clientèle doit s’adapter aux difficultés que rencontre la SNCF mais cette dernière doit tenir compte des problématiques des colonies de vacances et des classes de découvertes ».

L’incidence réelle de la hausse des tarifs du transport ferroviaire sur les tarifs des séjours collectifs de vacances et, par contrecoup, sur leur fréquentation par les familles modestes reste cependant difficile à établir. M. Olivier Sanz, dirigeant du pôle relation client à la direction voyage de la SNCF, a décrit, devant la mission, l’offre commerciale faite par la SNCF aux groupes de mineurs. Ceux d’au moins 10 enfants, de moins de 15 ans, qui se déplacent pendant au plus 72 heures, bénéficient du tarif réglementé le plus avantageux, appelé « Promenade enfant ». Ce tarif accorde aux groupes 75 % de réduction sur des trajets dont le prix moyen par enfant atteint alors 9 euros. 250 000 enfants en bénéficient chaque année.

Au-delà de 72 heures séparant l’aller du retour, les groupes d’enfants de moins de 12 ans se voient proposer, sur devis établi à la suite d’un appel téléphonique passé à un numéro dédié, une réduction de 50 à 80 %, qui porte à 20 euros le prix moyen payé par un enfant partant en colos par les trains des grandes lignes de la SNCF, alors que le prix moyen d’un trajet en deuxième classe sur les mêmes lignes est, selon M. Sanz, de 60 à 65 euros.

M. Sanz a reconnu que cette offre commerciale est moins souple que celle qui était proposée par la SNCF jusqu’en 2006 : « En 2006, nos équipes avaient un système souple et flexible mais qui allait dans tous les sens et était impossible à piloter… Les clients réservaient 200 places et en rendaient 100 quelques jours avant le départ. C’était inacceptable. C’est pourquoi des règles ont été instaurées et des acomptes exigés. Mais il en est résulté un excès de rigidité. Le comité de direction de la branche voyage cherche à présent des solutions pour redonner de la souplesse à ce système de réservation, sans déstabiliser tout l’édifice, en trouvant un juste compromis. »

Si la SNCF n’a pas diminué le nombre de trajets offerts aux groupes d’enfants, le nouveau mode de réservation, assorti de règles plus rigides, a pu susciter des insatisfactions auprès des organisateurs de séjours. M. Sanz ajoute que ces insatisfactions ont pu être accrues par le délai de réponse plus réduit proposé aux demandes de devis adressées par les organisateurs de voyage en groupe. Le plan de transport, fixé par Réseau ferré de France, n’étant plus disponible longtemps à l’avance sur certaines saisons, comme la période d’hiver, la SNCF s’est trouvée dans l’incapacité d’établir des devis fermes six mois à l’avance.

Ces incertitudes, ces contraintes de réservation, notamment les acomptes exigés, ont pu encourager les organisateurs de séjours à chercher auprès des autocaristes un mode de transport plus flexible et moins onéreux. Les relevés statistiques établis par l’OVLEJ indiquent que les départs en colos se font désormais davantage par autocar (39 %) que par train (31 %), tandis que 22 % des jeunes se rendent sur le lieu du séjour en voiture. L’usage de l’avion reste marginal et ne concerne que les séjours à l’étranger.

Les voyages en autocar peuvent diminuer le coût des séjours. Mais les familles sont réticentes à accepter le transport par car de leurs enfants pour des destinations lointaines qui impliquent des trajets de nuit. Dans leur choix d’un séjour de vacances, l’argument de la sécurité des jeunes pendant le trajet peut emporter la décision, même si le moyen le plus sûr est plus coûteux. C’est pourquoi, il ne faut pas négliger l’atout que représenterait, pour les colonies de vacances, un geste commercial de la SNCF plus large que celui que Mme Claudie Buisson a évoqué lors de son audition :

« La SNCF a consenti, de façon limitée et confidentielle, un effort en offrant des billets de transport dans le cadre d’un dispositif qui s’appelle Bourse Solidarité Vacances, géré par l’Agence nationale des chèques-vacances au profit de familles très défavorisées, auxquelles sont offerts des séjours de vacances à prix cassés sur les ailes de saison, début juillet ou fin août, et des billets de train aller-retour à 30 euros pour toutes les destinations. Cela marche très bien. Même si, pour une famille, à quatre, le coût est élevé, cela permet tout de même un départ, mais c’est un apport confidentiel et limité. Un effort comparable pourrait être fait par la SNCF pour les colonies de vacances, pour lesquelles le coût du transport reste élevé par rapport au coût du séjour, quand le transport n’est pas pris en charge par une collectivité. »

Ce geste commercial pourrait être complété par une adaptation des modes de réservation des places de train, par des organisateurs qui ne savent pas toujours suffisamment à l’avance combien de mineurs se rendront par le train sur le lieu de leur séjour pour bénéficier de tarifs avantageux. M. Olivier Sanz a été missionné par le comité de direction de la branche voyage de la SNCF pour remettre à plat l’offre commerciale faite aux groupes. Il a assuré la mission que ce comité de direction était prêt à négocier avec les fédérations de clients, d’ici 2014, des tarifs de groupe plus flexibles que ceux établis depuis 2006.

Le rapporteur se félicite de l’ouverture de ces négociations et de l’attention que leur porte Mme Valérie Fourneyron, qui a indiqué qu’elle évoquerait la question du transport des colonies de vacances avec le président de la SNCF et qu’elle soutiendrait les propositions faites par la mission. Le rapporteur souhaite que la nouvelle offre commerciale qui sera faite aux groupes par la SNCF aboutisse à une hausse des voyages collectifs de mineurs et qu’elle ne soit pas réservée aux moins de 12 ans mais ouverte aux 12-16 ans, qui sont désormais la principale clientèle des colonies de vacances, les organisateurs de séjours étant, de leur côté, disposés à tenir compte des exigences de rentabilité imposées à la SNCF et des contraintes qui réduisent l’offre faite aux groupes sur les destinations et les dates de vacances les plus convoitées par toutes les clientèles.

Proposition n° 5

Inviter la SNCF à présenter une offre commerciale plus favorable au transport des groupes de mineurs accompagnés, en particulier des 12-16 ans, et à adapter son système de réservation aux contraintes des organisateurs de séjours collectifs et de classes de découvertes.

3. Redonner à l’État un rôle actif d’incitateur au départ en colos

Mme Valérie Fourneyron a assuré la mission du soutien du Gouvernement dans la mise en œuvre des propositions tendant à faire baisser le coût des séjours collectifs de vacances, hors coûts d’encadrement, afin de permettre à davantage d’enfants de partir en colos. Elle a insisté sur la hausse des coûts provoquée par la dérive consumériste des colos qui attirent la clientèle par des activités spectaculaires, souvent sous-traitées, au détriment de la finalité éducative des séjours.

La baisse du coût des séjours ne suffira pas à redonner aux familles le désir d’envoyer leurs enfants en colonies de vacances si elles n’y sont pas incitées par une politique nationale ambitieuse. M. André Rauch a utilisé l’expression de « souffle dogmatique » pour désigner une campagne nationale de soutien des départs en colos, qui puisse influencer les arbitrages faits par les familles dans leurs dépenses de vacances. Cette campagne pourrait s’appuyer sur le succès rencontré par les mini-camps pour promouvoir la continuité souhaitable de l’un à l’autre.

Proposition n° 6

Lancer une campagne publique nationale de promotion des séjours collectifs de vacances pour mineurs.

Une politique ambitieuse de l’État en faveur de l’éducation populaire doit stimuler l’inventivité des associations les plus dynamiques. L’État peut faire émerger un modèle original de séjours collectifs, solidaires, mixtes et attractifs, qui puisse sortir les jeunes des deux sexes et de toutes origines de leur environnement familial et habituel, de leur campagne ou de leur quartier et de leur groupe de copains afin de leur donner le goût de l’aventure et de l’engagement en même temps qu’une connaissance intime de leur pays, de la diversité de ses classes sociales, de ses paysages et de ses climats.

Ce modèle social devrait privilégier des activités de proximité et de plein air au moindre coût, afin d’être accessibles au plus grand nombre, plutôt que les sports mécaniques ou spectaculaires qui attirent l’œil sur les catalogues mais font augmenter les prix des séjours et excluent, de ce fait, la majorité des enfants.

Proposition n° 7

Valoriser le modèle social et économique d’éducation populaire, qui soit d’intérêt général et proposer des activités de proximité et de plein air au moindre coût, afin de rendre la colo accessible au plus grand nombre.

L’agrément « Jeunesse et éducation populaire » (JEP) est une marque de reconnaissance par l’État qui, au moyen de cette procédure d’agrément, met en valeur la qualité des activités développées par une association ou une fédération d’associations.

Le rapporteur souhaite qu’un partenariat étroit soit rétabli entre le ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative et les associations d’éducation populaire capables de porter un nouveau modèle d’éducation collective. Ce partenariat pourrait donner lieu à une labellisation, par l’État, des modèles les plus innovants et des organisations qui les auront mis au point. Cette labellisation valoriserait l’affiliation fédérative et distinguerait l’intérêt et l’originalité des projets éducatif, pédagogique et civique, imaginés et expérimentés auprès de tous les publics, les associations ayant par exemple accès aux enceintes scolaires pour les présenter.

Il pourrait bien sûr être envisagé de réserver à ces associations l’agrément Jeunesse et éducation populaire, progressivement devenu une formalité administrative et qui a perdu, de fait, toute valeur distinctive. L’exposé des motifs de la loi du 17 juillet 2001 le jugeait déjà obsolète, parce que ses critères d’attribution n’étaient pas assez précis et qu’il conditionnait de manière trop restrictive l’octroi d’une subvention publique à une association. Des critères d’agrément supplémentaires ont été posés par la loi. Ils exigent le respect de la liberté de conscience, l’absence de discrimination, le fonctionnement démocratique de l’association et la transparence de sa gestion. Mais ces critères ne distinguent ni les qualités éducatives et civiques de l’association, ni la valeur de ses projets pédagogiques.

C’est la raison pour laquelle, le rapporteur propose qu’un label, distinct et complémentaire de l’agrément, reconnaisse l’intérêt public des modèles éducatifs portés par les associations les plus innovantes et leur capacité à former des volontaires de l’animation à la pratique des activités recommandées par ces modèles.

Proposition n° 8

Labelliser les associations d’éducation populaire les plus innovantes et leur donner accès aux enceintes scolaires pour présenter leurs projets d’éducation informelle et valoriser l’affiliation fédérative.

Il ne s’agit pas seulement de distinguer quelques associations très en pointe dans la recherche pédagogique mais isolées de l’organisation des séjours et des activités sur le terrain. La nouvelle politique d’éducation populaire de l’État devra pouvoir s’appuyer, comme ce fut le cas par le passé, sur des réseaux fédératifs étendus, présents sur l’ensemble du territoire et dont l’équilibre économique soit assuré. La labellisation proposée devrait, pour cela, encourager l’affiliation des associations qui organisent localement des séjours à des réseaux fédératifs soutenus par l’État au plan national, en attribuant préférentiellement à ces réseaux les subventions du Fonds national d’aide au départ en séjours collectifs, proposé précédemment, et du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP).

Le FONJEP a été créé en 1964 pour compenser les effets, sur l’organisation associative des formations d’animateurs et des colonies de vacances, du désengagement de l’éducation nationale et de la diminution des postes d’instituteurs mis à la disposition des associations. Lorsqu’il a repris la tutelle des colos, le ministère de la jeunesse et des sports a mis en place un régime de subventions d’emplois de permanents associatifs et d’indemnisation des animateurs sur les crédits du FONJEP.

La gestion de ce fonds a été confiée à une association portant le même nom, qui est gérée paritairement par les représentants des ministères et des collectivités territoriales et par ceux des représentants des associations d’éducation populaire, c’est-à-dire principalement celles qui forment les candidats au BAFA et au BAFD. Cette association FONJEP agit pour le compte de l’État et des collectivités territoriales. Elle établit des conventions avec les associations qu’elle subventionne.

Les organisateurs de formation et de séjours peuvent recevoir des subventions des collectivités territoriales ainsi que des budgets des missions « Égalité des territoires, logement et ville » et « Sport, jeunesse et vie associative ». Les emplois associatifs financés par les ministères, plus de 6 000, prennent le nom de postes FONJEP.

Aujourd’hui, le ministère des sports et de la jeunesse prend en charge plus de la moitié d’entre eux, soit 3 500, pour un budget de près de 29 millions d’euros. Ces postes sont attribués à 2 500 associations agréées, implantées sur l’ensemble du territoire. Beaucoup d’associations ne bénéficient que d’un poste, parfois à temps partiel. L’État et les collectivités territoriales subventionnent également des accueils spécifiques de mineurs fragilisés ou provenant de zones rurales enclavées et de quartiers défavorisés. Enfin, l’État alloue 7,72 millions d’euros à des associations locales remarquées pour leur dynamisme ou leur action dans des territoires défavorisés.

Son action dans le domaine du temps libre des jeunes issus de milieux défavorisés est désormais coordonnée par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé). Cette agence a repris la tutelle du programme « Ville vie vacances » mis en place par Gaston Defferre lorsqu’il était ministre de l’intérieur. Ce programme alloue 9 millions d’euros par an de subventions à 3 500 projets, pour une subvention moyenne de 2 675 euros, afin de permettre aux jeunes filles et garçons des quartiers pauvres des grandes villes de bénéficier d’activités de loisirs à caractère éducatif, culturel, sportif et de participer à des actions citoyennes et civiques pendant les vacances scolaires.

Une partie de ces crédits pourrait être regroupée avec les recettes issues de la taxe sur l’hôtellerie de luxe pour donner à l’État les moyens de conduire une politique ambitieuse et ciblée en faveur des séjours collectifs d’éducation populaire, en subventionnant prioritairement les associations fédérées et labellisées.

Proposition n° 9

Renforcer les réseaux fédératifs en attribuant préférentiellement les postes FONJEP aux associations d’éducation populaire labellisées et fédérées.

La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qui a été adoptée définitivement le 25 juin dernier par le Sénat, fait du projet éducatif territorial un cadre d’organisation des temps de loisirs des jeunes et des activités périscolaires et même extrascolaires qui leur sont proposés.

Le moyen le plus efficace de promouvoir, sur l’ensemble du territoire, les modèles les plus innovants d’éducation populaire serait d’intégrer les séjours collectifs de mineurs, organisés par les associations labellisées et fédérées, ainsi que les classes de découvertes, dans ces projets éducatifs territoriaux. Cette intégration faciliterait l’attribution, aux séjours collectifs ou à leurs organisateurs, de subventions venant des collectivités, des fonds d’État ou des fonds d’action sociale des caisses d’allocations familiales.

Proposition n° 10

Intégrer les séjours collectifs de mineurs, organisés par des associations d’éducation populaire labellisées, ainsi que les classes de découvertes, dans les projets éducatifs territoriaux.

Cette intégration pourrait se heurter à l’une des conditions posées par la réglementation des projets éducatifs territoriaux, selon laquelle les aides publiques ne peuvent bénéficier qu’aux jeunes résidents sur le territoire des communes signataires des projets. Plus généralement, les politiques des collectivités locales en faveur du temps libre des jeunes privilégient les activités organisées sur leur territoire, au profit de leur population. Même les subventions apportées par les régions au premier départ en vacances des enfants les plus sédentaires ne bénéficient qu’aux centres d’accueils locaux.

Pour intégrer les colos et les classes de découvertes dans les projets éducatifs territoriaux, il serait nécessaire d’associer les collectivités qui font partir des jeunes et celles qui sont susceptibles de les accueillir dans des conventions spécifiques. On pourrait même imaginer que ces partenariats, joints aux projets éducatifs territoriaux, soient consolidés par des jumelages qui permettraient aux communes émettrices et réceptrices de partager le coût des départs et des séjours.

Dépassant le cadre des projets éducatifs territoriaux, ces jumelages pourraient s’étendre au plan européen ou international et raviver ainsi les échanges existant entre les communes.

Proposition n° 11

Développer des réseaux territoriaux de départs des jeunes en séjours collectifs, permettant le partage du coût des séjours par le jumelage des collectivités, dans le cadre des projets éducatifs territoriaux ou bien en ravivant les jumelages européens et internationaux dans ce domaine.

Le modèle social et économique porté par les réseaux fédératifs d’associations d’éducation populaire devrait être soutenu par la réglementation des accueils collectifs de mineurs. Or cette réglementation se montre aujourd’hui moins exigeante pour certaines formes de séjours avec hébergement que pour d’autres et parfois excessivement rigide voire dissuasive, s’agissant par exemple des contraintes administratives imposées aux classes de découvertes.

Le rapporteur souhaite que les tutelles des mini-camps, des colonies de vacances, des camps scouts et des classes de découvertes soient confiées à un seul ministère, responsable de l’agrément et de la labellisation des associations d’éducation populaire et qu’une seule réglementation, simplifiée et cohérente, applique à tous les mêmes règles d’hébergement, d’encadrement, de déclaration préalable et de sécurité, en particulier dans l’exercice des activités physiques, sportives ou de plein air.

Proposition n°12

Regrouper les activités des accueils collectifs de mineurs, des classes de découverte et de scoutisme dans le même département ministériel et modifier la réglementation afin d’avoir une cohérence réglementaire entre les différents types de séjours avec hébergement.

L’unification des régimes réglementaires des accueils collectifs de mineurs avec hébergement, pendant les temps scolaires et extrascolaires, devrait permettre de disposer de relevés statistiques fiables de leur fréquentation, de leur mode d’organisation et de leur encadrement. Le ministère responsable disposerait ainsi d’informations objectives permettant d’orienter une politique devenue plus active et plus incitative.

Cette politique exigerait également une large concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, qu’il s’agisse des financeurs publics et sociaux des séjours, des associations et sociétés organisatrices de séjours ou formatrices des cadres occasionnels, des propriétaires et gestionnaires des centres d’accueil, des représentants syndicaux et patronaux de la branche professionnelle de l’animation et des instances du tourisme social. Le rapporteur souhaite que cette concertation se tienne au sein d’une instance permanente qui accueille des séances de travail régulières et qui soit destinataire des études et des états statistiques établis par les services du ministère.

Proposition n°13

Créer un lieu de travail transversal de rencontre de tous les acteurs concernés (État, collectivités locales, associations, acteurs sociaux, acteurs touristiques, etc.) et développer une activité d’observation des accueils collectifs de mineurs.

4. Maintenir des centres de vacances sur tous les territoires

Pour que les réseaux territoriaux de séjours collectifs, organisés dans le cadre des projets éducatifs territoriaux ou des jumelages, couvrent l’ensemble du territoire, un maillage dense de centres de vacances ou de locaux d’accueils collectifs de mineurs avec hébergement, aménagés et mis aux normes, doit être préservé. Ces centres doivent être exploités dans des conditions économiques qui n’en fassent pas des gouffres financiers.

M. Bernard Toulier a rappelé que la France disposait encore d’un patrimoine exceptionnel de centres de vacances qui ne doit pas être considéré comme une charge pour les collectivités, les associations ou les entreprises qui le possèdent, mais comme un actif à valoriser, d’autant plus que l’hébergement collectif dans des sites naturels est le principal atout des colonies de vacances par rapport aux autres offres de loisirs faites aux jeunes.

Mme Claudie Buisson confirme qu’il y a « une convergence des acteurs publics pour sauver une partie de ce patrimoine touristique, notamment les colonies de vacances qui ont fermé. On pourrait proposer un Plan patrimoine dans lequel l’État jouerait le rôle d’assembleur en mettant en place une cellule d’ingénierie, les collectivités territoriales apporteraient des subventions complémentaires et les associations seraient bon gestionnaires, capables de monter des modèles économiques et de rembourser les emprunts contractés pour financer la rénovation. C’est possible… La responsabilité de l’État est d’accompagner une politique de ce type, qui aiderait des collectivités locales embarrassées d’un équipement vieillissant, parfois fermé, parfois coûteux parce qu’il faut en assurer le gardiennage pour éviter les déprédations. Il faut les aider à rendre vie à ces équipements par un modèle alternatif.

« J’ai beaucoup discuté avec des élus de montagne qui sont catastrophés de voir de très beaux équipements laissés à l’abandon. Je pense qu’une politique nationale, dans laquelle les collectivités auraient leur place, de stimulation de la demande et d’amélioration de l’offre serait pertinente ».

La cellule d’ingénierie proposée par Mme Buisson dans le secteur du tourisme associatif pourrait aider à la réhabilitation et à la réouverture des centres de vacances, remarquables par leur architecture ou leur emplacement, dans le cadre d’un plan national de valorisation de ce patrimoine. Or actuellement, selon M. Toulier, « aucun service de l’État ne connaît le corpus des 15 000 éléments des colonies de vacances. Ceux de la jeunesse et des sports n’enregistrent que les centres d’accueil et non les bâtiments. Ceux de la culture ou de l’architecture ne sont pas directement impliqués ».

La cellule d’ingénierie pourrait commencer par solliciter les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) afin de recenser les centres de vacances remarquables en vue de leur labellisation, de leur inscription ou de leur classement au titre des monuments historiques. M. Toulier précise que, « dans les cas de densité importante, on peut également proposer la constitution d’une zone de protection du patrimoine architecturale, urbain et paysager (ZPPAUP) pour imposer un cahier des charges d’urbanisme à l’ensemble de la zone ».

Le recensement des centres de vacances existants devrait être complété par une étude nationale sur les retombées économiques et sociales, dans leurs territoires d’implantation, des activités de colonies de vacances et de classes de découvertes afin de pouvoir, dans les zones qui laisseront apparaître un manque d’infrastructure d’accueils de mineurs, élaborer des programmes économiques permettant d’installer des centres d’hébergement ouverts à l’année, en mutualisant les groupes accueillis sur place et en diversifiant les activités proposées.

Pour être rentable, un centre de vacances doit être aménagé à la manière d’un hôtel-club confortable et proposer suffisamment d’activités sur place, en complément des hébergements, pour éviter des déplacements pendant le séjour. En basse saison, le site doit diversifier sa clientèle. L’été, il doit pouvoir accueillir des hébergements supplémentaires sous toile ou des habitations légères de loisirs qui permettent d’équilibrer les comptes.

Proposition n° 14

Lancer un plan de recensement du patrimoine des colonies de vacances et mener une étude nationale sur les retombées économiques et sociales, dans leurs territoires d’implantation, des activités de colonies de vacances et de classes de découvertes.

La rénovation d’un centre de vacances, la mise aux normes d’un accueil de mineurs ou l’installation d’un centre d’hébergement agrémenté d’équipements de loisirs nécessitent des investissements lourds, que les propriétaires associatifs ou les collectivités locales ne peuvent financer seuls. Pour les aider, l’État a mis en place un fonds nommé « Tourisme social investissement » (TSI), régi par une convention signée le 28 mars 2011 par le Gouvernement, l’ANCV et la Caisse des dépôts.

Ce fonds devait apporter 150 millions d’euros de fonds propres à des projets de rénovation et de réhabilitation d’équipements du tourisme social. M. Patrick Drouet a en expliqué le mécanisme, insistant sur le fait que la contribution du fonds à un projet était soumise à la condition d’une participation d’un tiers investisseur privé :

« La reprise en gestion d’un centre de vacances enthousiasmait auparavant les collectivités, qui étaient prêtes à apporter leur aide pour l’entretien du patrimoine et l’organisation de déplacements touristiques. Aujourd’hui, elles nous demandent d’être investisseurs et d’apporter de l’argent… Or les associations sont gestionnaires mais pas investisseurs. Les projets financés sur le fonds Tourisme social investissement (TSI) de la Caisse des dépôts exigent un tiers investisseur qui ne vient que sur les sites qui ont les bons indicateurs. Les territoires plus difficiles ne les intéressent pas. »

Seuls les centres de vacances les mieux situés peuvent attirer un investisseur privé avec lequel les propriétaires des lieux, les groupements associatifs qui en assurent la gestion, et ceux qui commercialisent les séjours peuvent établir des partenariats économiques viables. Les autres sont laissés à la charge des collectivités locales quand les terrains ne sont pas cédés à des promoteurs. Pour soutenir un modèle économique viable, qui mutualise les activités proposées dans les centres d’hébergement du tourisme social et des accueils de mineurs, il faut revoir la convention TSI et élaborer un nouveau système d’avances ou de prêts aidés en partenariat avec l’ANCV et la Caisse des dépôts.

Proposition n° 15

Étudier, avec l’ANCV et la Caisse des dépôts, un nouveau système d’aide à la rénovation des équipements du tourisme social et du patrimoine des centres de vacances, qui remplace le fonds Tourisme social investissement (TSI).

Par le passé, les financeurs sociaux des colonies de vacances, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales et des comités d’entreprise, ont su donner aux enfants le meilleur de l’architecture, de la décoration, du mobilier et des équipements pédagogiques de leur époque. Si les colonies de vacances n’appartiennent pas au passé de l’éducation informelle, elles doivent pouvoir continuer à donner lieu à des projets architecturaux innovants.

M. Bernard Toulier a proposé « d’engager une réflexion avec les autres ministères sur un cahier des charges de construction de nouveaux centres de vacances pour les enfants, en rassemblant les meilleurs spécialistes pour établir un programme architectural innovant, mais aussi un programme de gestion et d’investissement. La pédagogie du cadre de vie est aussi importante que celle des enseignements. Une ou deux expériences témoins pourraient ensuite être pilotées. La collectivité territoriale n’a plus les moyens de faire de l’innovation. Seuls les services de l’État ont les moyens de penser l’architecture de demain et solliciter des financements privés pour réaliser ces expériences…

« Il faut des bâtiments construits dans le respect du développement durable, économes en énergie et en osmose avec l’écologie et les aspirations aux loisirs. Ces programmes doivent être établis avec des spécialistes et, une fois bien structurés, être proposés à titre d’expérience, d’exposition et de réalisation type pour en faire la publicité. C’est à l’État de le faire et ce n’est pas une question de moyens. »

La cellule d’ingénierie mise sur pied pour valoriser le patrimoine des colonies pourrait également piloter cette réflexion interministérielle et lancer un concours de réalisation de centres de vacances répondant au cahier des charges retenu. Les projets lauréats seraient présentés lors d’une exposition publique.

Proposition n° 16

Définir de nouveaux modèles d’accueils collectifs de mineurs avec hébergement, répondant à un cahier des charges architectural, économique et pédagogique, lancer un concours et présenter les projets lors d’une exposition publique.

Dans les régions touristiques les plus convoitées, le prix du foncier ne permet pas à un centre d’hébergement de vacances d’atteindre l’équilibre économique. Les constructions nouvelles reposant sur plusieurs activités complémentaires n’y sont pas davantage envisageables. Pour maintenir une offre de séjours de vacances dans ces régions, Mme Valérie Fourneyron s’est déclarée favorable à une utilisation mixte des établissements scolaires et des internats, qui leur permette d’accueillir des colonies pendant les vacances.

Le rapporteur estime que les organisateurs associatifs de séjours agréés Jeunesse et éducation populaire devraient pouvoir bénéficier d’un accès privilégié à ces internats d’établissements scolaires, dont la location, à des prix moins élevés que ceux qu’implique l’entretien, à l’année, d’un centre de vacances, devrait contribuer à baisser le coût des séjours. Ils leur seraient loués dans le cadre de conventions associant l’État, les collectivités territoriales et les associations.

Proposition n° 17

Réserver en priorité la location, pendant les vacances, des internats des établissements scolaires publics situés dans les zones touristiques, aux associations agréées Jeunesse et éducation populaire, en vue de l’accueil de séjours collectifs de vacances.

5. Faire des colos un secteur phare de l’économie sociale et solidaire

Une politique ambitieuse de l’État en faveur du départ des jeunes en colonies de vacances ne concernerait pas seulement les réseaux fédératifs d’éducation populaire mais l’ensemble des acteurs associatifs, afin de faire de l’éducation informelle des mineurs un secteur phare de l’économie sociale et solidaire.

Les associations organisatrices de séjours ou d’accueils sont aujourd’hui fragilisées par la concurrence d’opérateurs à but lucratif qui s’emparent de segments de marché et de la clientèle la plus rentable et par la hausse des coûts induite par les contraintes réglementaires. Elles pourraient trouver avantage à adopter un statut juridique de groupement économique solidaire, que M. Patrick Drouet a présenté aux membres de la mission :

« J’ai créé un groupement économique solidaire nommé ALUDEO qui regroupe 9 associations en France, installées à Paris, Nantes, Bordeaux, Marseille ou Lyon. Ces associations transfèrent leurs activités dans le groupement. Cela nous donne les moyens de nous doter d’outils de ressources humaines et de systèmes d’information. Les associations nous rejoignent aussi pour partager un nouveau mode de gouvernance. »

« Les anciennes directions de colos sont perdues dans le nouveau marché. Elles ont besoin d’être remotivées et rassurées sur le maintien d’une activité dans le secteur de l’économie solidaire. L’achat de colos sur "Smartphone" trouble certains conseils d’administration… Le transfert d’activité vers ALUDEO d’Okaya, la marque junior des VVF et des Compagnons des belles étapes de Juvisy sera fait le 2 novembre. Nous allons devenir un acteur important du marché, avec 20 000 départs en colos.

« En mutualisant nos moyens, nous maîtrisons nos coûts et pouvons faire face à l’évolution des normes réglementaires sans devoir monter en gamme, en nous dotant d’une offre variée et innovante qui réponde à la demande. J’ai été reçu à la fondation d’Aguesseau qui organise des colos pour le ministère de la justice. Ils ont des départs organisés depuis toute la France, de Colmar comme de Valence. Mon groupement va leur offrir la possibilité de mutualiser ces départs avec ceux d’autres organisateurs de séjours, afin de diminuer les coûts de transport. »

La division du marché des colonies de vacances en secteurs séparés, occupés par des acteurs antinomiques, pourrait être évitée si les organisateurs associatifs de séjours se regroupaient pour occuper tous les segments du marché et équilibrer les séjours qui laissent peu de marges par d’autres, plus rentables, au lieu de subir la pression des menaces de procès en concurrence déloyale ou en infraction au code du travail.

Ces initiatives doivent venir des associations elles-mêmes mais peuvent aussi être encouragées par l’État. Le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, annoncé par le Gouvernement à l’automne prochain, pourrait prendre en compte la spécificité des accueils collectifs de mineurs.

Proposition n° 18

Inciter les associations à se regrouper pour faire des accueils collectifs de mineurs avec hébergement un secteur phare de l’économie sociale et solidaire.

La marchandisation de l’éducation populaire a favorisé les activités quantifiables au détriment des relations éducatives et de la continuité des projets pédagogiques. Les procédures d’appel d’offres utilisées par les collectivités et les entreprises pour l’achat de séjours ou de prestations de loisirs ont remplacé les organisations en régie, les délégations données par des collectivités publiques à des partenaires associatifs et même les négociations de gré à gré.

Les collectivités locales doivent être encouragées à se saisir des possibilités de mandatement ou de conventionnement pluriannuel d’objectifs et à inscrire leurs partenariats avec les acteurs de l’éducation populaire dans un cadre légal et solide, conforme au droit européen.

Par ailleurs, conformément aux compétences de l’État en matière d’enseignement, l’exclusion des activités d’éducation populaire complémentaires de l’école du champ d’application des marchés publics pourrait, au niveau national, faire l’objet d’une précision législative.

À défaut de pouvoir exclure l’éducation populaire, comme d’autres domaines d’activités sociales présentant un intérêt général, du champ d’application des procédures de marché et des règles de la concurrence commerciale, le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire devrait veiller à ce que les critères de ces appels d’offres promeuvent les mixités sociales et les finalités éducatives propres aux séjours collectifs des mineurs.

Proposition n° 19

Exclure les activités enfance-jeunesse du champ d’application des marchés publics. À défaut, promouvoir les mixités sociales et les finalités éducatives des séjours dans les critères des appels d’offres passés pour l’organisation d’accueils collectifs de mineurs.

6. Repenser le statut des animateurs

La professionnalisation des métiers de l’animation doit être encouragée. Cependant, le parcours éducatif accompli par les jeunes qui fréquentent les accueils de vacances avec hébergement n’a pas vocation à les engager tous dans la carrière professionnelle des métiers du loisir et de l’enfance. Pour un grand nombre d’entre eux, les séjours développeront surtout leur civisme, leurs qualités parentales et un équilibre entre l’esprit d’initiative et celui de responsabilité.

Le contrat d’engagement éducatif, que tous les animateurs occasionnels sont contraints de souscrire, quelle que soit leur vocation, introduit de la confusion aussi bien dans ce parcours de responsabilisation que dans le mouvement de professionnalisation en cours dans les accueils de loisirs, en laissant supposer que les brevets de l’animation sont la première étape d’une qualification professionnelle, que les diplômes qualifiants n’améliorent pas le statut des animateurs et que tous les encadrements d’accueil de mineurs sont équivalents.

Les accueils de loisirs ouverts toute l’année, où les animateurs occasionnels occupent en fait des postes permanents, peuvent accompagner la professionnalisation de leurs personnels. Les entreprises de commercialisation de séjours thématiques doivent respecter le droit du travail et les grilles salariales des accords de branches. Tous les accueils collectifs de mineurs doivent accorder aux membres des équipes d’encadrement les temps de repos qui assurent leur sécurité et celle des enfants dont ils ont la charge.

Mais l’engagement éducatif et civique d’adolescents et de jeunes adultes, pendant quelques semaines de vacances, doit rester un acte d’engagement désintéressé, reconnu comme tel. Il ne doit pas être dévoyé et dévalorisé en devenant une forme subalterne de salariat, mettant à la disposition des employeurs une main-d’œuvre corvéable et bon marché.

Le contrat d’engagement éducatif était censé répondre aux revendications syndicales, aux exigences posées par la jurisprudence et aux arguments avancés par les associations organisatrices de séjours en faveur d’un statut de volontaire de l’animation. En dérogeant au droit du travail tout en attribuant aux animateurs un statut de salarié qualifié, en reconnaissant nominalement leur engagement éducatif sans inciter les employeurs à les former, à les accompagner dans leur démarche et à valoriser leur expérience, il aboutit à une impasse et ne satisfait personne.

La difficulté de mettre en place des temps de repos quotidiens dans des séjours de vacances éloignés des domiciles des animateurs conduit au report systématique de ces repos en fin de séjour. Ils ne seront alors, dans la plupart des cas, ni respectés ni payés. Les dérogations apportées aux principes du droit du travail, par une rémunération forfaitaire qui ne tient pas compte du temps de travail réel, sont excessives si les animateurs doivent être considérés comme des salariés et non pas comme des bénévoles ou des volontaires.

Pour sortir de cette impasse, plusieurs formules de volontariat ont été avancées par les associations. Elles s’articulent aujourd’hui autour d’une démarche commune, une plateforme, conduite par l’association Jeunesse au plein air (JPA). Cette démarche revendique le principe d’un volontariat limité par une durée fractionnable, réservé au milieu associatif sans but lucratif et agréé pour l’exercice de missions d’intérêt collectif général à caractère social et éducatif, bien que cette restriction puisse introduire une distorsion de concurrence avec les offres d’accueil de mineurs faites par le secteur commercial.

Les associations hésitent encore sur l’étendue de ce volontariat. La plupart souhaitent le réserver aux temps de vacances scolaires. Certaines, comme la Ligue de l’enseignement, souhaitent qu’il ne soit pas utilisé pour l’encadrement des centres de loisirs pendant cette période. Les principaux syndicats représentant les professionnels de l’animation et du sport souhaitent, de leur côté, séparer nettement le statut des salariés de l’animation de celui des volontaires, qui n’exerceraient que pendant les vacances.

Selon Mme Anne Carayon, « même les syndicats nationaux comme la FSU ou Sud-Éducation voient d’un bon œil le volontariat, à condition qu’il soit nettement distingué du salariat par une formation tout au long de la vie. Les syndicats reconnaissent le rôle des séjours dans le parcours éducatif du jeune.

« Le volontariat exigera qu’une charte de l’animation soit conclue avec les organisateurs et avec les jeunes. Il faut expliquer à ces derniers qu’on ne leur propose pas un emploi, alors que le CEE maintient l’ambiguïté sur ce point. L’engagement volontaire doit être limité dans le temps, donner droit à une formation accompagnée, être réservé à des organismes sans but lucratif. Le volontaire doit être indemnisé et avoir des droits de protection sociale et de retraite ».

Votre rapporteur souhaite qu’une loi instaure ce volontariat de l’animation pour les colonies de vacances, les centres de loisirs non permanents, les formations d’animateurs volontaires et les vacances adaptées, organisées pour les personnes porteuses d’un handicap.

Ce volontariat s’adresserait à toute personne d’au moins 17 ans qui veut s’engager dans une mission d’intérêt général à finalité éducative auprès d’une personne morale à but non lucratif agréée pour l’accueillir. Selon les termes posés par la plateforme du volontariat de l’animation, « tout au long de la vie, le volontaire peut s’engager pour une durée annuelle limitée et fractionnable ».

Ce volontariat répondrait aux exigences posées par une charte nationale qui déterminerait les droits et devoirs du volontaire et de l’organisme d’accueil. Chaque engagement serait attesté par une convention conclue avec cet organisme. Il donnerait lieu à une formation des volontaires, prise en charge par l’organisme d’accueil. Chaque engagement serait attesté par la délivrance d’une reconnaissance d’acquis de l’expérience ou de contribution à une mission éducative d’intérêt général. Un livret décrirait les activités exercées, les aptitudes prouvées ainsi que les connaissances et les compétences acquises.

Par défaut, la formation inclurait la prise en charge par l’association de la formation aux BAFA et BAFD. L’association qui ferait l’avance des dépenses recevrait une subvention correspondant aux bourses de 300 à 500 euros versées par le FONJEP aux candidats aux brevets et éventuellement celles d’une centaine d’euros, prises sur un budget de 4 millions d’euros, pouvant être allouées par les caisses d’allocations familiales aux stagiaires qui s’engagent dans la session d’approfondissement ou de qualification. Le tout afin de couvrir les 800 à 1 000 euros que coûtent ces formations qui ne sont pas assurées dans l’enseignement public.

Le volontaire pourrait aussi recevoir les formations aux premiers secours en équipe (PSE) de niveau 1 et 2, de chef d’intervention (CI) et d’initiateur de premier secours. Enfin, sa formation pourrait porter sur les principes du civisme et de la citoyenneté. Elle pourrait être déléguée à une association tierce, agréée et labellisée, certains organisateurs de séjours de vacances à l’échelle nationale n’ayant ni la possibilité de réunir leurs animateurs pour leur dispenser une formation, ni les personnels compétents pour cela, même s’ils peuvent, en revanche, assurer le tutorat du volontaire dans l’exercice de ses fonctions.

L’engagement des volontaires s’inscrirait dans le projet éducatif de l’organisme qui les accueille. Ce projet devrait préciser leur rôle et leurs missions. Les volontaires seraient associés à l’élaboration du projet pédagogique des séjours. Une indemnité, exonérée d’impôt sur le revenu, leur serait versée pour chaque mission et une protection sociale leur serait accordée. Les périodes d’engagement seraient prises en compte pour le calcul des pensions de retraite.

Proposition n° 20

Instaurer un volontariat de l’animation, régi par une charte, pour l’encadrement occasionnel, auprès d’organismes sans but lucratif, des accueils collectifs de mineurs avec hébergement et des séjours de vacances adaptés pour les personnes handicapées. Ce volontariat s’inscrirait dans le cadre du projet éducatif de l’organisme et s’exercerait tout au long de la vie pendant une durée annuelle limitée et fractionnable. Il donnerait lieu à une formation, une indemnisation et une protection sociale du volontaire.

Cette proposition a, pour le moment, été écartée par le Gouvernement au bénéfice du contrat d’engagement éducatif, parce que le volontariat de l’animation se heurte à un obstacle juridique évoqué par le rapport du groupe de travail sur l’engagement éducatif, présidé par M. André Nutte. Qu’il s’inspire du modèle du volontariat rendu applicable aux sapeurs-pompiers par la loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011, ou bien des volontariats de service civique ou international réorganisés par la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010, le volontariat de l’animation devrait établir le caractère désintéressé de la relation entre le volontaire et l’organisme agréé pour le recevoir et le former. Il devrait aussi prouver l’exercice d’une mission d’intérêt général et l’absence de toute substitution de volontaires à des salariés ou à des bénévoles.

Mme Valérie Fourneyron a laissé entendre que ces conditions pourraient être remplies mais, qu’en revanche, la dernière condition posée, celle de l’absence d’une subordination du volontaire à ses tuteurs qui caractériserait une relation salariale, n’était pas compatible avec les règles de sécurité des accueils collectifs de mineurs, qui exigent que les animateurs soient subordonnés aux directeurs.

Le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire pourrait néanmoins instaurer ce volontariat en parallèle de la professionnalisation en cours de la filière de l’animation, souhaitée par le Gouvernement, en précisant le rôle et la place des animateurs volontaires dans les équipes d’encadrement et en apportant les garanties demandées par les organisations syndicales, afin de séparer nettement les métiers de l’animation, exercés à l’année par des professionnels, d’un volontariat occasionnel, réservé à l’encadrement des accueils avec hébergement pendant les vacances.

S’agissant des conséquences défavorables du CEE sur les séjours collectifs avec hébergement, Mme Valérie Fourneyron a indiqué qu’il était malaisé de les isoler de la tendance qui voit la fréquentation des séjours collectifs de vacances baisser régulièrement depuis 1995. La baisse accusée en 2012-2013 est de -3,5 % par rapport à l’année précédente. 27 300 séjours de vacances de plus de trois jours ont accueilli 820 000 mineurs cette année. 28 000 séjours en recevaient 850 000 en 2011-2012. Cette baisse a surtout touché les mini-camps, dont l’organisation semble avoir particulièrement pâti du changement de la réglementation sur les temps de repos des équipes d’encadrement. La ministre a d’ailleurs reconnu avoir besoin « d’une évaluation plus fine des conséquences du CEE » et que ce contrat n’était pas « le système idéal ».

Le rapporteur souhaite qu’une étude comparable à celle que l’UNSA a commandée pour la seule région Rhône-Alpes et présenté en audition, soit réalisée pour l’ensemble du territoire, afin de préciser les conséquences du contrat d’engagement éducatif sur la désorganisation des accueils collectifs de mineurs avec hébergement, la baisse de leur fréquentation et les difficultés de recrutement de directeurs de centres.

Proposition n° 21

Demander aux services de l’État, à la suite de l’étude menée à la demande de l’UNSA en Rhône-Alpes, une étude précise des conséquences du contrat d’engagement éducatif sur la désorganisation des accueils collectifs de mineurs avec hébergement, la baisse de leur fréquentation et les difficultés de recrutement de directeurs de centres.

LISTE DES 21 PROPOSITIONS

Permettre à tous les enfants de partir en vacances :

Proposition n° 1 : Créer un fonds national d’aide au départ en vacances collectives des jeunes qui ne partent pas en vacances, financé par le rétablissement d’une taxe sur l’hôtellerie de luxe.

Reconquérir les classes moyennes pour retrouver une mixité sociale :

Proposition n° 2 : Augmenter la distribution des chèques-vacances aux salariés des petites entreprises, en leur accordant les mêmes exonérations fiscales et sociales que celles dont bénéficient les comités d’entreprise.

Proposition n° 3 : Suggérer à l’ANCV de créer un chèque « séjours collectifs enfance-jeunesse », utilisable pour le départ en classe de découvertes et en colonies de vacances.

Proposition n° 4 : Flécher davantage de crédits du Fonds national d’action sociale de la branche famille vers les colos.

Proposition n° 5 : Inviter la SNCF à présenter une offre commerciale plus favorable au transport des groupes de mineurs accompagnés, en particulier des 12-16 ans, et à adapter son système de réservation aux contraintes des organisateurs de séjours collectifs et de classes de découvertes.

Redonner à l’État un rôle actif d’incitateur au départ en colos :

Proposition n° 6 : Lancer une campagne publique nationale de promotion des séjours collectifs de vacances pour mineurs.

Proposition n° 7 : Valoriser le modèle social et économique d’éducation populaire, qui soit d’intérêt général et proposer des activités de proximité et de plein air au moindre coût, afin de rendre la colo accessible au plus grand nombre.

Proposition n° 8 : Labelliser les associations d’éducation populaire les plus innovantes et leur donner accès aux enceintes scolaires pour présenter leurs projets d’éducation informelle et valoriser l’affiliation fédérative.

Proposition n° 9 : Renforcer les réseaux fédératifs en attribuant préférentiellement les postes FONJEP aux associations d’éducation populaire labellisées et fédérées.

Proposition n° 10 : Intégrer les séjours collectifs de mineurs, organisés par des associations d’éducation populaire labellisées, ainsi que les classes de découvertes, dans les projets éducatifs territoriaux.

Proposition n° 11 : Développer des réseaux territoriaux de départs des jeunes en séjours collectifs, permettant le partage du coût des séjours par le jumelage des collectivités, dans le cadre des projets éducatifs territoriaux ou bien en ravivant les jumelages européens et internationaux dans ce domaine.

Proposition n° 12 : Regrouper les activités des accueils collectifs de mineurs, des classes de découverte et de scoutisme dans le même département ministériel et modifier la réglementation afin d’avoir une cohérence réglementaire entre les différents types de séjours avec hébergement.

Proposition n° 13 : Créer un lieu de travail transversal de rencontre de tous les acteurs concernés (État, collectivités locales, associations, acteurs sociaux, acteurs touristiques, etc.) et développer une activité d’observation des accueils collectifs de mineurs.

Maintenir des centres de vacances sur tous les territoires :

Proposition n° 14 : Lancer un plan de recensement du patrimoine des colonies de vacances et mener une étude nationale sur les retombées économiques et sociales, dans leurs territoires d’implantation, des activités de colonies de vacances et de classes de découvertes.

Proposition n° 15 : Étudier, avec l’ANCV et la Caisse des dépôts, un nouveau système d’aide à la rénovation des équipements du tourisme social et du patrimoine des centres de vacances, qui remplace le fonds Tourisme social investissement (TSI).

Proposition n° 16 : Définir de nouveaux modèles d’accueils collectifs de mineurs avec hébergement, répondant à un cahier des charges architectural, économique et pédagogique, lancer un concours et présenter les projets lors d’une exposition publique.

Proposition n° 17 : Réserver en priorité la location, pendant les vacances, des internats des établissements scolaires publics situés dans les zones touristiques, aux associations agréées Jeunesse et éducation populaire, en vue de l’accueil de séjours collectifs de vacances.

Faire des colos un secteur phare de l’économie sociale et solidaire :

Proposition n° 18 : Inciter les associations à se regrouper pour faire des accueils collectifs de mineurs avec hébergement un secteur phare de l’économie sociale et solidaire.

Proposition n° 19 : Exclure les activités enfance-jeunesse du champ d’application des marchés publics. À défaut, promouvoir les mixités sociales et les finalités éducatives des séjours dans les critères des appels d’offres passés pour l’organisation d’accueils collectifs de mineurs.

Repenser le statut des animateurs :

Proposition n° 20 : Instaurer un volontariat de l’animation, régi par une charte, pour l’encadrement occasionnel, auprès d’organismes sans but lucratif, des accueils collectifs de mineurs avec hébergement et des séjours de vacances adaptés pour les personnes handicapées. Ce volontariat s’inscrirait dans le cadre du projet éducatif de l’organisme et s’exercerait tout au long de la vie pendant une durée annuelle limitée et fractionnable. Il donnerait lieu à une formation, une indemnisation et une protection sociale du volontaire.

Proposition n° 21 : Demander aux services de l’État, à la suite de l’étude menée à la demande de l’UNSA en Rhône-Alpes, une étude précise des conséquences du contrat d’engagement éducatif sur la désorganisation des accueils collectifs de mineurs avec hébergement, la baisse de leur fréquentation et les difficultés de recrutement de directeurs de centres.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles et de l’éducation, sous la présidence de M. Patrick Bloche, s’est réunie le mercredi 10 juillet 2013, pour examiner le rapport d’information de M. Michel Ménard, en conclusion des travaux de la mission d’information.

M. le président Patrick Bloche. Nous sommes réunis ce matin pour prendre connaissance du rapport de la mission d’information sur l’accessibilité des jeunes aux séjours collectifs et de loisirs qui a été mise en place, je vous le rappelle, le 21 novembre 2012 sous la présidence de Mme Annie Genevard et dont le rapporteur est M. Michel Ménard. Je propose de donner, en premier lieu, la parole à Mme Genevard avant que M. Ménard ne présente le rapport qui a été soumis hier à la mission d’information et qui a été adressé ensuite aux membres de la commission.

Mme Annie Genevard, présidente de la mission d’information. Merci, monsieur le président. Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les six mois de travail de la mission d’information sur l’accessibilité des jeunes aux séjours collectifs et de loisirs ont été riches d’enseignements, sur les modes collectifs d’accueils des mineurs, sur l’évolution de la relation des familles françaises aux vacances et sur les désirs d’émancipation et de découverte des jeunes. L’esprit de bonne intelligence et de collaboration respectueuse, préservé par les membres de la mission au fil des auditions, se retrouve dans un rapport dont nous partageons, pour l’essentiel, l’état des lieux et l’exposé des principales causes de désaffection à l’égard des colonies de vacances.

Au cours de nos quinze demi-journées de réunions sur sept mois et demi nous avons pu entendre plus de soixante interventions, portant sur tous les aspects de notre thème. Comme c’est souvent le cas pour une mission d’information, si nous avons répondu, je crois, aux principales questions que nous nous étions posées lors de notre constitution, des réflexions et des problématiques nouvelles sont également apparues au cours de nos échanges, qui en ont été ainsi considérablement enrichis.

Nous avons effectivement constaté que les séjours collectifs et de loisirs sont plus courts, moins nombreux, moins éloignés, concernent moins d’enfants et différemment que par le passé. Voilà les grandes lignes du constat. L’apprentissage de la vie en société cède à une approche parfois plus consumériste, tendue vers des activités linguistiques, culturelles ou sportives. La sociologie du public est très segmentée. C’est probablement l’un des principaux enseignements de cette mission. Alors que des populations en grande difficulté sociale sont l’objet d’aides ciblées, une population favorisée fait appel à des opérateurs privés pour donner un contenu aux vacances. Et les classes intermédiaires ne trouvent plus leur place dans ces séjours. Ce point a été souligné par quasiment toutes les personnes que nous avons auditionnées. Les classes moyennes, privées d’aides et de ressources suffisantes, sont absentes des séjours collectifs, ce qui nuit considérablement aux équilibres sociologique et économique de ces séjours. Ce secteur connaît une multiplicité d’acteurs confrontés aux difficultés économiques, au coût du transport, qui est apparu comme un élément de renchérissement des séjours, et également à l’application de réglementations toujours plus exigeantes. Mais nous avons aussi découvert des approches inattendues sur le patrimoine. Les colonies faisaient en effet œuvre sociale et architecturale utiles, autour de réflexions sur le bonheur des enfants. La mission s’est donc révélée très substantielle de ce point de vue. Elle montre qu’il y a un modèle à inventer, au-delà de la nostalgie de la colo, pour satisfaire l’appétence de la société pour des formes rénovées. Vingt et une propositions sont préconisées par notre rapporteur. Je m’associe à une grande partie d’entre elles, mais je ne peux le suivre, malgré notre analyse commune, sur certaines qui me semblent soit peu réalistes, soit risquant de fragiliser un secteur qui tente de se redresser en se diversifiant. Je pense, en effet, que le modèle unique n’est pas une réponse appropriée à notre époque, c’est la raison pour laquelle une contribution complémentaire sera ajoutée à ce rapport, mais je me propose d’y revenir à l’issue de la présentation du rapport par notre rapporteur.

Je lui laisse donc la parole en lui réitérant mon sentiment, malgré ces divergences qui sont la règle même de l’expression démocratique, que grâce à la réflexion qu’il vous soumet, notre mission propose une contribution réelle à notre principal objectif : tenter de trouver des solutions au départ en vacances des quelque trois millions d’enfants et de jeunes qui en sont privés aujourd’hui, ce qui est l’objectif et la raison même de cette mission.

M. le président Patrick Bloche. Merci, madame la présidente, de ce propos introductif, qui permet de rappeler le fait que vous ayez bien travaillé ensemble. Je pense que c’est important. Que vous ne soyez pas arrivés aux mêmes conclusions n’est pas un problème en cette assemblée. Nous sommes à présent curieux d’entendre les vingt et une propositions du rapporteur, intrigués par ce nombre significatif.

M. Michel Ménard, rapporteur. Monsieur le président, madame la présidente de la mission, je me félicite tout d’abord de l’esprit dans lequel nous avons travaillé avec les autres membres de la mission. Afin de faciliter l’accès des mineurs aux loisirs et aux vacances, les associations d’éducation populaire plaident depuis longtemps en faveur de l’instauration d’un volontariat de l’animation. En 2012, des députés du groupe SRC avaient déposé une proposition de loi en ce sens. La mission d’information avait donc pour objectif initial de préciser les conditions dans lesquelles pourrait être mis en place ce volontariat. Notre champ d’investigation a été d’emblée élargi afin de dresser un état des lieux des accueils collectifs de mineurs avec hébergement. Cet état des lieux a commencé par un constat, étayé par les statistiques officielles et les témoignages des associations d’éducation populaire. Depuis 1995, la fréquentation des séjours de vacances de plus d’une semaine n’a cessé de chuter. Parallèlement, on observe que les enfants de moins de douze ans ont plus tendance à fréquenter les centres de loisirs de leurs communes et que les jeunes des classes moyennes ne partent plus en colonies de vacances. La mission s’est également intéressée aux classes de découvertes, complémentaires, pendant le temps scolaire, des séjours collectifs. Elles connaissent la même désaffection.

Cette désaffection affaiblit la connaissance de notre pays par ses jeunes générations. L’éducation citoyenne, l’émancipation des vacanciers et des jeunes qui les encadrent, la découverte et l’aventure collective, qui sont des vertus propres aux séjours collectifs, en souffrent. La désaffection des colos a partie liée avec une évolution de la société. Les parents ont peur de confier leurs enfants les plus jeunes à des organisateurs de séjours. Quand ils acceptent de les voir passer la nuit hors du domicile, l’éloignement doit être compensé par un compte rendu permanent de leurs activités par téléphone. Ils sont moins réticents à laisser partir les plus grands mais craignent qu’ils s’ennuient ou fassent de mauvaises rencontres. Ils invoquent une discipline collective des colos qui serait trop rigide. Ils finissent par penser que les adolescents ont mieux à faire et ajoutent que, de toute façon, les séjours collectifs sont trop chers. La tendance dominante est donc au repli sur soi des familles, des collectivités locales et des entreprises. Le seul frein à cette tendance semble être la consommation à forte dose d’activités intensives, pendant de courtes périodes.

Désormais, les enfants et les jeunes partent moins loin, moins longtemps, moins souvent. Quand ils partent, c’est entre eux, en petits groupes, attirés par des activités à la mode, repérées dans des catalogues commerciaux. Face à ce nouveau modèle de séjours, les colos paraissent condamnées. Pour comprendre les raisons de leur désaffection, la mission en a d’abord examiné les différentes causes. Elle a ensuite cherché à mesurer les conséquences, pour la jeunesse, d’une disparition possible des vacances collectives de mineurs, en dépit de leur utilité sociale et de leur importance dans l’économie du tourisme social.

La première cause unanimement avancée pour expliquer la baisse de fréquentation des séjours est la hausse de leur coût pour les familles. Ces familles sont confrontées à la fois à une augmentation du prix des séjours et à une baisse des aides sociales, qui prenaient en charge une partie de ce prix.

Du côté de la hausse des prix, celle des transports a été souvent citée, qu’il s’agisse des trajets par car ou par train. La SNCF a reconnu que, depuis 2006, les conditions de réservation des voyages en groupe avaient été durcies. Le coût de l’encadrement des séjours et en particulier celui du contrat d’engagement éducatif est revenu très souvent dans les témoignages. Cependant, c’est surtout l’empilement des contraintes légales, administratives et réglementaires, ajoutées les unes aux autres pour garantir la sécurité des séjours et la mise aux normes des installations recevant du public, qui expliquent en grande partie la hausse du prix des séjours.

Cette hausse des prix s’est ensuite alimentée elle-même. La baisse de fréquentation des séjours de deux à trois semaines a placé les organisateurs associatifs dans des conditions économiques de plus en plus difficiles et les a contraints à monter en gamme. Les séjours vendus plus chers permettent en effet le maintien d’une offre moins onéreuse pour les familles modestes. Cet équilibre a été fragilisé par l’irruption d’opérateurs privés qui ont pris position sur les séjours de vacances pour mineurs, désormais considérés par la jurisprudence comme un marché concurrentiel. Ces opérateurs ont contribué à « écrémer » la part la plus rentable de la clientèle, enfermant souvent les anciennes associations dans le caritatif et l’accueil de loisirs. Enfin, la hausse des prix s’est accompagnée d’une diminution de l’offre de séjours, entretenue par la fermeture d’un grand nombre d’anciens centres de vacances installés sur tout le territoire. En découvrant le montant des devis correspondant aux diagnostics d’accessibilité de leurs centres, beaucoup de propriétaires, comités d’entreprise, associations et collectivités, ont choisi de fermer les locaux, de vendre les terrains à des promoteurs et de passer par des appels d’offres auprès d’opérateurs intermédiaires pour reconstituer un catalogue de séjours. Ils n’avaient pas les moyens d’investir dans de lourds travaux de rénovation.

Pour ne rien arranger, alors que les coûts des séjours commençaient à augmenter, les aides distribuées par les caisses d’allocations familiales et les municipalités en faveur du départ des mineurs en séjours collectifs de vacances ont été quasiment supprimées au milieu des années 1990. Elles ont été remplacées par des subventions de fonctionnement versées aux accueils de loisirs sans hébergement qui connaissent un succès croissant sur l’ensemble du territoire.

Le choix d’abandonner les départs en vacances loin des villes pour ouvrir, toute l’année, des accueils de loisirs dans les zones urbaines et péri-urbaines de résidence des jeunes a rompu les liens établis, dès les premiers départs en colos, entre les jeunes des villes et les communes rurales ou touristiques qui les accueillaient. Ce choix a eu des conséquences défavorables sur l’économie du tourisme social. Il a aussi changé le mode d’encadrement des séjours en promettant aux animateurs occasionnels des centres de vacances un emploi à l’année dans les centres de loisirs, plus professionnel et mieux rémunéré. Pour les associations d’éducation populaire, le choix social qui a été fait de privilégier l’accueil périscolaire de proximité au détriment des anciennes colonies de vacances a empêché la participation de nombreux mineurs à des séjours collectifs de vacances.

L’affaire du temps de repos des animateurs sous contrat d’engagement éducatif a été la norme de trop qui a provoqué une révolte dans le monde des colos et a ouvert une réflexion collective sur leur avenir. Appartiennent-elles au passé de l’éducation populaire en France ? Certains opérateurs économiques voudraient nous le faire croire. Ils trouvent des relais dans les ministères pour qualifier de passéiste et de ringarde l’offre de séjours éducatifs présentée par des associations d’éducation populaire pour la plupart centenaires. Il serait temps pour elles de changer d’orientation. Les unes s’engageraient dans l’accueil de loisirs de proximité, fortement subventionné. D’autres reviendraient aux opérations caritatives en faveur des enfants des quartiers pauvres, envoyés autrefois passer le mois d’août au grand air. D’autres encore se feraient une spécialité des séjours de vacances pour enfants ou adultes handicapés. Hors ces trois segments de marché, il n’y aurait plus de place pour des séjours collectifs associatifs, rassemblant des jeunes de plusieurs classes d’âges et de milieux sociaux différents autour d’activités sans thématique particulière.

Les enfants des classes populaires et moyennes n’auraient plus leur place dans les séjours de vacances et ne connaîtraient plus désormais que des vacances familiales. Les enfants des milieux pauvres qui ne partent pas en voyage en famille partiraient une fois tous les deux ou trois ans dans les centres d’été agréés, aux frais des caisses d’allocations familiales. Pour les enfants des milieux aisés, qui partent déjà beaucoup en vacances en famille, place aux séjours à thème et aux camps itinérants à l’étranger, organisés par des opérateurs à but lucratifs qui visent une clientèle très restreinte, capable de débourser 1 000 à 1 500 euros pour payer une semaine de vacances à leur enfant. Et pas question pour les associations subventionnées, non soumises à l’impôt, de convoiter cette clientèle, sous peine de recours en justice pour concurrence déloyale

Voici le résumé des causes sociales et économiques de la baisse du taux de départ des mineurs en séjours collectifs et l’avenir promis à leurs organisateurs. Le constat étant posé, reste une question : l’État et les financeurs sociaux doivent-ils continuer de privilégier les accueils de loisirs de proximité et abandonner les séjours collectifs de vacances au sort que leur réservent les lois du marché et la segmentation en cours des clientèles ? Je ne le pense pas. Cela reviendrait à renoncer à imposer aux séjours de vacances pour mineurs des exigences de mixité sociale ou territoriale voire éducative et à les laisser devenir un produit commercial comme un autre. Or, les colonies de vacances associatives ont un rôle clé à jouer, que ce soit pour la cohésion sociale du pays, l’économie du tourisme social, l’éducation à la citoyenneté et pour l’émancipation des jeunes et la garantie d’un droit aux vacances pour tous.

Pour que ce rôle soit reconnu à sa juste valeur, je vous livre ici quelques-unes des propositions de mon rapport. Je soutiens qu’un peu de solidarité de la part de la clientèle aisée des séjours de vacances envers les millions d’enfants français qui ne partent pas en vacances ou qui n’ont d’autre choix que les vacances en familles serait bienvenue dans les conditions économiques actuelles. C’est pourquoi j’ai repris la proposition faite par la Ligue française de l’enseignement de rétablir une taxe sur l’hôtellerie de luxe afin de financer un fonds national d’aide aux départs en vacances collectives des mineurs. Ce fonds doit être la première pierre d’une politique ambitieuse d’éducation populaire pour la jeunesse qui prenne le relais, pendant les vacances, de l’école dont la refondation a été voulue par le Gouvernement.

Cette politique aurait d’abord pour but de soutenir les colos associatives en baissant le coût des séjours. Ensuite, en regroupant les associations organisatrices autour de quelques fédérations et en soustrayant le secteur des vacances collectives de mineurs comme celui des accueils périscolaires de loisirs aux contraintes du marché, cette politique ferait des colos un secteur phare de l’économie sociale et solidaire et d’une éducation populaire complémentaire de l’instruction scolaire.

Pour faire baisser le prix des séjours, regagner les classes moyennes et préserver la mixité sociale des séjours, il faut agir sur le coût de transport et sur l’hébergement. La SNCF s’est engagée à revoir son offre commerciale faite aux groupes de jeunes. J’ai insisté pour que cette offre s’adresse aux douze-seize ans, qui sont désormais la première clientèle des colos. Les associations, de leur côté, cherchent de nouveaux modes d’hébergement à moindre coût dans les zones convoitées. Le rapport propose de leur ouvrir les internats scolaires pendant les vacances.

Une fois les coûts stabilisés, il est encore possible d’en diminuer la charge pour les familles en utilisant deux dispositifs, celui des chèques-vacances, qui devraient être distribués dans les petites entreprises et bonifiés pour l’achat d’un séjour collectif et celui des fonds d’action sociale de la branche famille, destiné aux temps libre des jeunes. À l’heure actuelle, ces fonds ne vont plus vers les colos mais uniquement vers les accueils de loisirs, qui ne sont pas fréquentés par les plus de douze ans ou très peu. Un fléchage de ces fonds vers les séjours de vacances devrait les rendre à nouveau accessibles à de nombreuses familles à revenus modestes.

Les travaux de la mission ont souligné une perte de confiance de ces familles à l’égard des organisateurs de séjour. Elle s’explique à la fois par des craintes infondées et par une méconnaissance du monde associatif et des vertus de l’éducation populaire. Je préconise de rétablir un partenariat étroit entre le ministère des sports et de la jeunesse, chargé de l’éducation populaire, et les principales fédérations associatives afin de valoriser davantage leur apport à l’éducation des jeunes, si possible de les soustraire aux contraintes du marché et des appels d’offres et de faire connaître leurs projets pédagogiques dans les municipalités et les écoles.

Le principal instrument de cette politique serait le projet éducatif territorial, partie intégrante de la loi sur la refondation de l’école. Pour intégrer les colos et les classes de découvertes dans les projets éducatifs territoriaux, il serait nécessaire d’associer les collectivités, qui font partir des jeunes, à celles qui les accueillent. Des conventions spécifiques passées entre les communes, les caisses d’allocations familiales et l’État et jointes aux projets territoriaux, partageraient le coût des séjours et du transport ainsi que les aides aux familles.

En complément de cette politique de valorisation de l’éducation populaire, l’engagement éducatif des jeunes animateurs qui ne souhaitent pas, pour autant, faire carrière dans les métiers de l’animation serait reconnu par l’État, grâce à l’instauration du volontariat de l’animation. Ce volontariat serait régi par une charte. Il serait réservé à l’encadrement occasionnel, auprès d’organismes sans but lucratif, d’accueils collectifs de mineurs avec hébergement et de séjours de vacances adaptés pour les personnes handicapées. Il s’exercerait tout au long de la vie pendant une durée annuelle limitée et fractionnable. Il donnerait lieu à une formation, à une indemnisation et à une protection sociale du volontaire.

Ce volontariat serait nettement distingué des métiers de l’animation, entre autres par l’absence de lien de subordination du volontaire à son tuteur et au directeur du centre. Concernant les métiers de l’animation, le rapport encourage une professionnalisation dans les accueils de loisirs sans hébergement et dans le secteur des séjours thématiques commerciaux.

Les opérateurs privés tentent actuellement de capter la clientèle la plus aisée des séjours collectifs de mineurs en l’attirant par des activités consuméristes et des escapades coûteuses à l’étranger, parfois sous prétexte de séjour linguistique. Alors que ces séjours commerciaux ne sont soumis à aucune obligation de mixité sociale et à peu de contrôles, ils bénéficient du régime préférentiel du contrat d’engagement éducatif (CEE) qui devait être initialement réservé aux séjours éducatifs. Compte tenu des dégâts faits par ce contrat dans l’économie des accueils de mineurs et dans la fréquentation des séjours collectifs, il est temps d’envisager son abrogation. Le Gouvernement hésite encore à franchir le pas. Le rapport préconise de l’informer plus précisément des conséquences défavorables du CEE sur l’organisation des séjours de vacances mais aussi sur l’économie du tourisme social.

Ces pistes ne sont qu’un aperçu de l’ensemble de celles contenues dans mon rapport, au nombre de vingt et une, pour des colos totalement en phase avec le XXIe siècle.

M. le président Patrick Bloche. Je vous remercie. Nous en venons maintenant aux orateurs des groupes.

Mme Sylvie Tolmont. Membre de la mission d’information, je tiens à saluer la richesse des interventions lors de nos auditions ainsi que la qualité des débats qui ont animé nos réunions, sous l’impulsion de la présidente et du rapporteur. Je félicite ce dernier de la qualité du travail qu’il a conduit : son excellent rapport donne des pistes d’action pertinentes et adaptées.

Le sujet de l’accessibilité des jeunes aux séjours collectifs et de loisirs soulève des enjeux complexes, révèle divers obstacles et suscite de nombreux questionnements. Ceux-ci conduisent, dans le rapport, à un plan d’action en vingt et un points, visant à préserver et développer les départs de mineurs en colos et à faire en sorte que les autorités publiques les encouragent.

En réaffirmant la raison d’être et le caractère fondamental des séjours collectifs de vacances pour les mineurs, les travaux de la mission ont aussi rappelé le nombre inacceptable, trois millions, de mineurs qui ne partent pas en vacances. Cette donnée met en exergue les inégalités sociales et leurs répercussions néfastes sur le départ en vacances des jeunes, notamment en colos.

Soulignant les bienfaits que celles-ci présentent pour les jeunes, le rapporteur a souhaité donner des orientations précises afin que les autorités publiques continuent d’encourager le départ des mineurs en séjours collectifs et luttent contre la désaffection dont ceux-ci sont victimes. Il est important, en effet, de réaffirmer les valeurs et les bienfaits portés par les colos, modèles d’éducation populaire et de vie sociale pour les mineurs qui les fréquentent.

Le séjour collectif suit une logique inverse de celle de l’école qui ne correspond pas toujours à chaque jeune. L’éducation active par le jeu met l’accent sur la solidarité entre pairs du même âge et sur l’entraide collective. La cohésion du groupe est promue dans un système de permanence de la vie collective.

Les colos vont aussi de pair avec l’hébergement, vecteur d’émancipation. Elles facilitent l’apprentissage des règles de vie collective et des usages sociaux. Elles sont un laboratoire du « vivre ensemble » pour les jeunes ainsi que des pratiques pédagogiques pour les encadrants. Elles favorisent la socialisation sous toutes ses formes. En outre, elles peuvent nourrir des vocations d’animateur pour les jeunes qui les ont fréquentées.

Pour tous ces motifs, leur extinction n’est pas acceptable. Et pourtant, elle progresse régulièrement depuis plus de quinze ans. Afin de pallier cette désaffection, notre rapporteur propose vingt et une mesures pour reconquérir les classes moyennes qui ont déserté les colos, conférer, de nouveau, à l’État un rôle actif d’incitateur au départ en colos, faire des colos un secteur phare de l’économie sociale et solidaire et enfin, repenser le statut de l’animateur.

Cette dernière proposition est d’une large portée. Il ne s’agit pas, simplement, d’établir un statut de l’animateur, pour répondre à des exigences d’ordre administratif, mais de reconnaître véritablement un savoir-faire à part entière, dont les missions ont des répercussions bien plus étendues que le seul encadrement de mineurs en vacances. L’animateur n’est pas seulement responsable de la sécurité de l’encadrement. Il est aussi celui qui stimule et provoque l’épanouissement du jeune sur son lieu de vacances. Il invente des sources de divertissement et de rencontre avec les autres membres du groupe dont il fait partie. Il installe des repères du « vivre ensemble » et les principes de l’échange et du partage en collectivité. L’animateur n’est pas un simple garant de la sécurité du mineur : son approche est bien plus riche et plurielle.

L’animateur de colos est aussi, aux yeux du jeune, un représentant de l’encadrement et une figure d’autorité, capable de manifester écoute, proximité et empathie. Il permet à des jeunes parfois éloignés du système scolaire et de ses codes de se réconcilier avec une autre forme d’encadrement. Le positionnement affectif et amical de l’animateur à l’égard du jeune permet à ce dernier de sortir de sa réserve et d’une attitude de méfiance, voire de défiance, pour faire preuve d’adhésion et de coopération. C’est la plus grande victoire des animateurs de colos.

Les séjours collectifs de vacances sont des ressources pédagogiques précieuses qu’il nous faut préserver et encourager, en instaurant un volontariat de l’animation. Celui-ci permettrait d’intégrer l’animateur à une filière de qualité de l’animation. Instituer un statut de l’animateur m’apparaît ainsi comme la juste reconnaissance et le moyen de valoriser le travail qu’il accomplit, dont les répercussions sont bénéfiques pour la société tout entière.

M. Frédéric Reiss. À mon tour de souligner la qualité du travail de la mission d’information, qui a été riche d’enseignements sur les modes collectifs d’accueil des jeunes, l’évolution du rapport aux vacances qu’ont les familles et le désir d’émancipation des jeunes.

Nous avons eu quelques séquences de nostalgie, avec le souvenir des « jolies colonies de vacances », mais je retiens surtout une analyse approfondie de l’hébergement actuellement proposé, des activités pédagogiques en plein air, ainsi que du public très diversifié qui profite de ces séjours collectifs.

Vingt et une propositions sont émises. Nous en partageons beaucoup, mais pas toutes.

Nous ne soutenons pas la proposition n° 1 qui prévoit la création d’un Fonds national d’aide au départ en vacances collectives des jeunes qui ne partent pas, en le faisant financer par un impôt supplémentaire – une taxe sur l’hôtellerie de luxe – alors que la pression fiscale s’est déraisonnablement accrue depuis un an. Il est assez significatif que cette proposition soit la première.

Les propositions nos 7 et 8 qui présentent les associations d’éducation populaire comme seul modèle d’organisation des séjours collectifs de vacances me semblent excessives. Il serait plus judicieux d’étendre la notion de projet éducatif à l’ensemble des acteurs du secteur, y compris privés.

De même, par la proposition n° 17, les associations se verraient réserver en priorité la location, pendant les vacances, des internats des établissements scolaires publics. Il me semble déraisonnable d’exclure les activités « enfance-jeunesse » du champ d’application des marchés publics, comme le suggère la proposition n° 19.

J’attire particulièrement votre attention sur la proposition n° 12 qui, en regroupant les activités des accueils collectifs de mineurs, des classes de découverte et de scoutisme dans le même département ministériel, suggère de modifier la réglementation afin d’avoir une cohérence réglementaire entre les différents types de séjours avec hébergement. Il me semble que c’est la spécificité du scoutisme qui est ainsi directement menacée alors que le scoutisme regroupe des courants de pensée très variés et pas seulement confessionnels et que c’est la seule forme de séjours collectifs de vacances à connaître un nouveau développement.

Deux propositions, enfin, me semblent intéressantes mais peu réalistes en période de disette budgétaire : la proposition n° 4 qui vise à flécher davantage de crédits du Fonds national d’action sociale de la branche famille vers les colos, alors que la convention d’objectifs et de gestion en cours d’adoption renforce l’action en faveur de la petite enfance ; et la proposition n° 9 visant à renforcer les réseaux fédératifs par l’attribution préférentielle de postes relevant du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire, dits « FONJEP », dont l’avenir me semble plutôt compromis.

Je regrette également que le rapport exclue entièrement les opérateurs privés de séjours. On ne saurait en effet se féliciter que les comités d’entreprise financent des séjours collectifs pour les familles et décourager, dans le même temps, les entreprises qui font de l’organisation de séjours pour toutes les familles leur activité et ont des compétences éducatives comparables et des personnels aussi qualifiés que les associations d’éducation populaire.

Les entreprises doivent être incitées à soutenir le départ en vacances des enfants, car le droit aux vacances est l’affaire de tous. Notre rapporteur a proposé d’étendre la distribution des chèques-vacances aux salariés des petites entreprises. C’est une bonne mesure puisqu’elle respecte le libre choix des familles et encourage autant les départs en vacances familiales que les séjours collectifs. Mais un autre dispositif pourrait inciter les entreprises qui ne distribuent pas de chèques-vacances et n’organisent pas elles-mêmes des séjours à soutenir financièrement ceux d’associations reconnues d’utilité publique : le mécénat d’entreprise.

Il pourrait être mis à profit pour financer les vacances collectives des enfants qui ne partent pas. On s’en tient souvent, lorsqu’il est question de mécénat, à l’organisation de manifestations culturelles ou d’événements mondains. Pourtant, l’exonération prévue par l’article 238 bis du code général des impôts peut aussi s’appliquer à l’organisation de séjours collectifs de vacances pour les mineurs. L’image des entreprises qui contribueraient au départ en vacances collectives des enfants s’en trouverait valorisée auprès du grand public.

M. Rudy Salles. Je souscris aux propos de M. Fréderic Reiss et je souhaiterai affirmer mon opposition totale à la proposition n° 1 de créer une taxe sur l’hôtellerie de luxe pour financer un Fonds national d’aide au départ en vacances. Je refuse le parallèle entre des colonies de vacances qui seraient pauvres et une hôtellerie de luxe qui serait riche. Cette présentation masque une réalité. L’hôtellerie de luxe est un secteur créateur d’emplois en zone touristique et une taxe nuirait à sa compétitivité. Je condamne donc cette proposition.

M. Thierry Braillard. Le constat dressé par le rapport est poignant : trois millions d’enfants de cinq à dix-neuf ans ne partent pas en vacances, soit un sur quatre ; de plus en plus de jeunes sont privés de colonies de vacances, faute d’encadrement et d’aides financières ; le nombre de séjours diminue ; neuf familles sur dix ne pourraient pas envoyer leurs enfants dans des colonies de vacances si elles ne recevaient pas d’aide. Le coût des séjours collectifs de vacances a augmenté en raison de l’empilement de contraintes légales et de l’accroissement des frais de transport. La décision du Conseil d’État du 10 octobre 2011 sur le principe du repos journalier des moniteurs, qui va à l’encontre de l’esprit de leur contrat de travail saisonnier, a compliqué l’organisation et augmenté le coût de l’encadrement des séjours. Ces hausses de coûts rendent les séjours inaccessibles aux classes populaires et moyennes.

Je souhaiterai faire trois remarques sur les préconisations du rapport. En premier lieu, la proposition de distribuer le chèque vacances dans les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE) me semble judicieuse, alors que cette facilité en fait est réservée, jusqu’à présent, aux comités d’entreprises de plus de cinquante salariés. En deuxième lieu, il est nécessaire d’assurer une meilleure coordination, sur le tourisme social, entre les services du ministère du tourisme et ceux du ministère des sports et de la jeunesse. Enfin, il conviendrait de réfléchir aux possibilités offertes par le service civique et de l’opportunité de le flécher vers les séjours collectifs.

Je souscris à la proposition n° 11. Je défendrai un amendement sur le projet de loi sur la modernisation de l’action publique territoriale et l’affirmation des métropoles afin que les actions en faveur de la jeunesse relèvent de la compétence régionale. Je souhaiterai souligner que la région Rhône-Alpes, dont de nombreux représentants sont présents ce matin, a mis en place un dispositif d’aide au départ en vacances qui permet la prise en charge des frais de séjour en camping dans la Drôme ou de montagne en Savoie ou en Haute-Savoie de jeunes de seize à vingt-cinq ans, pour un coût de cinquante euros par semaine. De nombreuses initiatives existent au sein des collectivités territoriales. Il serait pertinent de les coordonner. C’est pourquoi, je suis favorable au développement de réseaux territoriaux encouragé par la proposition n° 11.

M. le président Patrick Bloche. Je donne à présent la parole aux collègues qui ont souhaité intervenir dans le débat.

Mme Marie-Odile Bouillé. Je tiens à remercier la présidente et le rapporteur pour ce travail qui livre un historique des centres de vacances et une analyse précieuse de la situation des séjours collectifs. Les colos sont un sujet d’actualité en ce début d’été. Vous notez une baisse de leur fréquentation depuis 1995 et la fermeture, de ce fait, de nombreux établissements. Ainsi, selon un recensement des bâtiments en Loire-Atlantique et en Vendée, il reste un tiers du patrimoine des colonies en fonction, un tiers a été détruit et un tiers est réutilisé pour d’autres usages mais garde des traces architecturales des colonies.

Le rapport souligne la disparition progressive du financement des séjours collectifs de vacances par les caisses d’allocations familiales et un glissement des aides sociales vers les accueils de loisirs sans hébergement (ALSH), qui offrent aux jeunes des courts séjours tout au long de l’année, présentés comme plus attractifs. Parallèlement, le financement des colonies par les comités d’entreprises diminue au profit de chèques-vacances qui bénéficient rarement aux séjours collectifs. On assiste à la montée en puissance, dans ce secteur, d’opérateurs à but lucratif qui proposent des séjours thématiques dont le but est, je vous cite, « d’écrémer la clientèle la plus rentable » et qui imposent aux associations de respecter les règles d’une concurrence loyale. Les familles se trouvent confrontées à une offre de séjours dont les prix sont de plus en plus élevés. Cette situation est préjudiciable car elle entraîne une baisse de la mixité sociale des séjours et va à l’encontre d’une politique éducative à destination des classes moyennes et populaires. Sur quels leviers pourrait-on agir afin de faire évoluer le financement des colonies de vacances ? Comment faire en sorte que les familles renouent avec des séjours qui sont facteurs de découverte, d’épanouissement, d’ouverture pour leurs enfants, qui leur apprennent la vie collective et les valeurs qui fondent notre société ?

M. Patrick Hetzel. Je me félicite de ce travail complet et de cette analyse fine de la situation. Néanmoins, je tiens à faire part de mon désaccord avec l’une des orientations retenues par les préconisations du rapport. La proposition n° 1 qui stigmatise un secteur économique, facteur d’attractivité de notre territoire, me semble quelque peu caricaturale. Des mesures incitatives conviendraient mieux, dans le domaine des séjours de vacances, que des dispositions coercitives. Nous devons nous garder de la nostalgie du passé. La société a évolué en cinquante ans. Les familles aspirent à passer plus de temps avec leurs enfants et pas uniquement selon un mode collectif. Cela mérite une attention particulière de notre part. C’est pourquoi, il faut être prudent sur le projet de réinventer les colonies de vacances. Les propositions nos 2, 3, 4 qui ne sont qu’incitatives, me semblent plus intéressantes.

Mme Julie Sommaruga. Beaucoup des préconisations du rapport me semblent indispensables et devront faire l’objet d’un suivi. Tous les enfants doivent pouvoir bénéficier de séjours collectifs dont on connaît l’apport éducatif. Je souscris aux propositions nos 6 à 8 qui valorisent concrètement l’éducation populaire. Je suis favorable à la définition d’un statut de volontaire qui se distingue nettement de celui du salarié et garantisse une formation tout au long de la vie. S’agissant du contrat d’engagement éducatif, vous proposez une étude qui me semble indispensable. Je pense qu’il faudra cependant trouver rapidement, pour l’encadrement des séjours collectifs, une solution juridique qui soit viable et respectueuse des conditions de travail des animateurs. Je souhaiterai avoir l’avis du rapporteur sur ce sujet.

Mme Sophie Dion. Tous les enfants doivent pouvoir partir en vacances, ce point est consensuel. En revanche, je suis défavorable aux propositions du rapport qui me semblent incantatoires et relever de déclarations de principes. Je leur préfère les dispositions concrètes et précises. Toutefois, parmi celles-ci, figure la proposition n° 1 sur l’hôtellerie de luxe à laquelle je suis défavorable car ce secteur ne peut s’offrir une taxation supplémentaire. Le modèle de Robin des Bois qui prend aux riches pour donner aux pauvres est dépassé. Je regrette que le problème de la responsabilité civile des personnels encadrants et celui des règles du droit du travail qui leur sont applicables n’aient pas été exposés de manière concrète et précise. Prévoyez-vous que le statut d’animateur relève encore du droit du travail ? Comment le distinguez-vous du statut de bénévole ? La proposition n° 15 suggère un nouveau système d’aide à la rénovation des équipements du tourisme social. Ne pourrait-on utiliser des aides à l’investissement et à l’emploi des très petites entreprises dont le plafonnement serait relevé pour rénover le parc disponible pour l’accueil des séjours collectifs de vacances ? La proposition n°14 suggère de recenser le patrimoine des colonies de vacances. Les classes de neige, qui ont été expérimentées en 1950 à Praz-sur-Arly, y sont-elles incluses ? Ce sont des activités pour tous et non pas pour les plus riches et la montagne est porteuse de valeurs pour tous les enfants.

M Jean-Pierre Le Roch. Je remercie le rapporteur pour son excellent travail. Il confirme que la pérennité des structures d’accueil des séjours collectifs de jeunes, situées dans les zones touristiques littorales, est en péril. L’escalade normative à laquelle doivent faire face les colonies de vacances, que ce soit pour les locaux d’accueil, pour l’encadrement ou la règlementation des activités physiques et sportives, modifiée par un arrêté du 20 juin 2003, a renchéri le coût des séjours avec hébergement. La pression touristique croissante qui s’exerce sur certaines zones littorales les réserve à un public âgé et aisé et déplace les colonies de vacances qui s’y installaient vers des zones plus reculées, à mesure que la fréquentation de ces colonies diminue et qu’elles accueillent davantage d’enfants de milieux urbains défavorisés. Au risque de disparition des séjours collectifs de mineurs dans les zones touristiques s’ajoute celui de la baisse de la mixité sociale de ces séjours. Pouvez-vous me préciser le degré d’avancement de la disparition de ces structures dans les zones littorales touristiques ? Des mesures correctrices sont-elles envisagées ?

M. Paul Salen. Cet excellent rapport nous rappelle que trois millions d’enfants ne partent pas en vacances chaque année. La baisse de fréquentation des colonies de vacances est due à l’évolution de la société mais aussi au coût de ces séjours, devenus trop chers pour des classes moyennes qui n’ont pas accès aux aides financières. Pour y remédier, vous proposez une taxe sur l’hôtellerie de luxe qui risque cependant de pénaliser un secteur du tourisme qui se porte plutôt bien en France. Vous préconisez également d’accroître la distribution des chèques-vacances aux salariés des petites et moyennes entreprises. Cela risque de constituer une charge supplémentaire pour ces dernières. La proposition n° 17 réserve en priorité aux associations sans but lucratif qui organisent des séjours collectifs de vacances pour mineurs la location des internats des établissements scolaires publics. Ce mode d’hébergement donnera peut-être aux parents le sentiment que leur enfant reste dans un cadre scolaire et cela risque d’être peu incitatif. Néanmoins, si cette initiative était suivie d’effet, je ne souhaite pas que la location de ces internats soit réservée par priorité aux associations. De la même façon, je ne pense pas qu’il faille exclure les domaines de l’enfance et de la jeunesse de l’application des règles des marchés publics.

Mme Colette Langlade. Le rapport constate la baisse de fréquentation des colonies de vacances particulièrement pour les enfants âgés de six à douze ans et pour ceux dont les parents ont des revenus inférieurs à 1 500 euros mensuels. Différentes causes sont évoquées comme le durcissement des conditions de transport. Une négociation est-elle envisageable ? On comprend que les contraintes légales accumulées sur les séjours aient pu contribuer à leur désaffection. Les communautés de communes ont de nouvelles compétences en matière d’accueil des enfants. Ne pourraient-elles offrir à ces jeunes qui ne partent plus en colonies de nouvelles formes de vacances ? Le mot « colo » est souvent utilisé par le rapport. Les jeunes ne trouvent-ils pas ce terme trop « vieillot » ? Avez-vous pu, au cours de vos auditions, les interroger sur ce terme ?

Mme Dominique Nachury. Je salue un rapport très fouillé et très intéressant. Je ne suis pas sûre que l’on retrouvera les « colos » d’antan. Elles ont correspondu à une époque et à un besoin de la jeunesse, des familles et de la société. Il faut à présent leur trouver des alternatives innovantes, par leur forme, leur financement et leur organisation. Le rapport privilégie l’offre de séjours collectifs aux trois millions d’enfants qui ne partent pas en vacances. Mais il ne faut pas oublier les vacances familiales qui sont plus prisées qu’autrefois. Certaines collectivités territoriales prennent des initiatives pour les encourager. Par exemple, dans le Rhône, une aide permet aux familles de partir en vacances. Ces initiatives devraient être rendues plus cohérentes par les réseaux territoriaux que Thierry Braillard a évoqués. La proposition n° 17 qui encourage l’utilisation des internats scolaires dans les zones touristiques pour accueillir des jeunes durant les vacances est tentante mais ce mode d’hébergement présente des limites car ces locaux, comme celui du Lycée climatique de Villard-de-Lans, sont parfois utilisés pendant ces périodes. Quel potentiel d’accueil représentent-ils ?

M. Régis Juanico. Je tiens à féliciter la mission pour le travail très approfondi que le rapporteur nous présente ce matin. Notre groupe avait déposé, sous la précédente législature, deux propositions de loi sur le droit aux vacances pour tous et sur le statut du volontariat de l’animation. Je ne peux qu’approuver les propositions du rapport qui visent à développer les séjours collectifs de vacances pour mineurs, qu’il s’agisse ou non de colos. La mission confirme que les séjours collectifs avec hébergement de plusieurs jours sont un facteur d’épanouissement pour les enfants. L’absence de vacances pour trois millions d’enfants constitue une injustice et un facteur d’inégalité sociale majeurs. Le principal obstacle est financier. Les pistes de financement présentées par la mission sont intéressantes. Celle du développement de la distribution des chèques vacances et d’un chèque « enfance jeunesse » dans les PME est particulièrement opportune. Il faut aussi solliciter davantage les crédits d’action sociale des caisses d’allocations familiales en faveur des séjours collectifs et obtenir de la SNCF une offre de transport plus favorable aux groupes de jeunes. La taxe proposée sur l’hôtellerie de luxe ne me choque pas du tout. Les collectivités locales ont aussi un rôle important à jouer dans le financement des séjours de vacances et il est nécessaire de coordonner leurs actions. La création d’un observatoire me semble une très bonne idée. Je rappelle que les centres de vacances sont créateurs d’emplois non délocalisables. C’est une filière économique importante pour nos territoires. Je terminerai mon propos par la proposition d’un statut de volontariat de l’animation qui a été discutée au cours de l’audition de Mme Valérie Fourneyron. Il s’agit de faire coexister, dans les métiers de l’animation collective, une filière professionnelle régie par le droit du travail et un engagement citoyen soit volontaire soit bénévole, distinct du statut de salarié. Le statut de volontaire serait accessible sur les temps de congés et ne serait pas concurrent des statuts de salariés. Cette coexistence doit être possible. Des négociations de branche sont en cours sur ce sujet. Je pense que nous allons parvenir à un accord très largement partagé. Avez-vous l’intention de déposer une proposition de loi sur le statut du volontariat et de l’animation ?

M. William Dumas. Je suis élu d’un milieu très rural et j’ai assisté au développement de centres de loisirs très prisés par les parents. Enfant, j’allais en colo. Mes petites filles fréquentent le centre de loisirs. Elles y allaient d’abord pendant les vacances intermédiaires. Elles y vont à présent même pendant les vacances d’été. Elles apprécient particulièrement les courts séjours que ces centres organisent en bord de mer ou en montagne. Cette formule correspond bien aux besoins et aux attentes des enfants. En revanche, les initiatives prises par une communauté de commune de 10 000 habitants d’offrir aux jeunes plus âgés des séjours collectifs, peu couteux pour les parents, ont eu peu de succès. Huit adolescents sont partis la première année et dix la seconde. Les séjours collectifs de vacances ne leur plaisent pas. Quant aux classes de découvertes, je constate, en tant que président d’un établissement public de coopération culturelle, celui du Pont du Gard, qui reçoit 7 000 enfants par an, que les parents ne peuvent pas financer à la fois des séjours de vacances et ceux organisés par les écoles et les collèges. Les collectivités doivent leur apporter leur aide. Certaines font plus d’efforts que d’autres. La région Languedoc-Roussillon n’a pas mis en place d’aide spécifique comme la région Rhône-Alpes mais c’est le cas de nombreux départements.

Mme Annie Genevard, présidente de la mission d’information. Je reprendrai les termes de Thierry Braillard qui a considéré que le fait que trois millions d’enfants ne puissent pas partir en vacances chaque année était un « constat poignant ». Ce constat a constitué le fil conducteur de notre mission. Je voudrais croiser ce nombre de trois millions avec un autre, tout aussi significatif. Nous avons appris au cours de l’audition de Mme Valérie Fourneyron que 86 % des enfants et des jeunes qui partaient en vacances le faisaient en famille, avec leurs parents, contre 80 % auparavant. Je considère que c’est une bonne évolution. Mais cela ne signifie pas que les séjours collectifs n’ont pas leur place dans les vacances des enfants et des jeunes. Leur valeur éducative est essentielle car ils permettent de lutter contre le déterminisme communautaire et le repli sur soi. On n’a pas évoqué, parmi les causes de la désaffection des séjours collectifs, les réticences des enfants eux-mêmes pour ce genre de séjours collectifs. Les enfants ne veulent plus partir en colonies de vacances. S’ajoutent à ces réticences les multiples craintes des parents exprimées en termes de pédophilie, de mauvaises fréquentations ou de risques physiques. Toutes ces causes expliquent en grande partie la baisse de fréquentation des séjours collectifs. Je souligne d’ailleurs que les enfants sont beaucoup en collectivité durant l’année scolaire. Cette vie collective finit par leur peser et ils peuvent souhaiter y échapper pendant les vacances. Je ne reviendrai pas sur la création d’un impôt supplémentaire à laquelle je suis opposée. Les gens les plus fortunés contribuent déjà largement à la solidarité sociale. Opposer les riches et les pauvres relève d’une approche que je ne partage pas, parce qu’elle segmente les publics alors qu’il faut au contraire encourager la mixité des séjours collectifs. Il ne faut pas non plus avoir une approche comparable de l’organisation des séjours. Il n’y a pas d’un côté le secteur privé, qui ne présenterait aucune vertu pédagogique, et de l’autre côté le secteur public de l’éducation populaire qui serait paré de toutes les vertus. On ne peut plus avoir une vision aussi manichéenne des choses. Les uns peuvent se nourrir de l’approche des autres et l’on a besoin de tout le monde pour redonner de l’attractivité aux séjours collectifs. De même façon, il ne faut pas avoir de vision manichéenne du scoutisme. Toutes les confessions sont représentées, qu’elles soient religieuses ou idéologiques. Il y a des scouts musulmans comme des scouts laïques. La proposition consistant à réunir sous une même tutelle ministérielle et à appliquer une même réglementation pour toutes les formes d’accueils collectifs de mineurs fait courir un grand risque au scoutisme. Il faut conserver à ce mouvement son régime dérogatoire pour ne pas le fragiliser alors qu’il fait preuve de beaucoup de modernité. Le supprimer serait une grande faute. Je finirai en répondant à notre collègue Colette Langlade que nous nous sommes posé la question du caractère un peu vieillot du mot « colonie » mais que nous n’avons pas eu l’occasion, dans le cadre de la mission, d’interroger des jeunes sur l’image ringarde de la colo qui a retenu notre attention.

M. Michel Ménard, rapporteur. Je vais essayer de répondre à toutes les questions. Je voudrais apporter une précision à ce que vient de dire la présidente de notre mission. Mme Valérie Fourneyron nous a effectivement dit que 86 % des enfants qui partaient en vacances le faisaient en famille, mais il convient de remarquer qu’est considéré comme départ en vacances le fait de quitter son domicile plus de deux nuits dans l’année. Une telle définition relativise ce que l’on entend par vacances en matière statistique. Un enfant qui passe plus de deux nuits chez ses grands-parents est considéré comme étant parti en vacances. Parmi les trois millions d’enfants qui ne partent pas en vacances, un million partent un week-end par an en dehors de leur domicile. Le rapport s’est fixé comme objectif de valoriser le départ en vacances collectives des enfants pendant une durée plus longue, au minimum d’une semaine.

Mme la présidente remarque qu’un certain nombre d’enfants ne veulent pas partir. On peut se demander d’où viennent ces réticences. J’ai déjà évoqué celles des parents. Celles des enfants qui ne sont jamais partis proviennent, sans doute, d’une image déformée, voire d’une absence d’image de ce que peut être un centre de vacances. Les études montrent, par contre, que les enfants qui sont déjà partis souhaitent, dans leur grande majorité, repartir en centres de vacances. C’est une situation classique. Une appréhension dissuade de découvrir ce que l’on ne connaît pas. Un enfant qui n’a jamais goûté un plat dira qu’il ne « l’aime pas ». Il faut le lui faire goûter pour qu’il ait envie d’en redemander. Il me semble que c’est la même chose pour les vacances collectives.

En réponse aux remarques faites par Mme la présidente, je ne conteste pas du tout la qualité et les vertus pédagogiques des séjours proposés par des organisateurs privés. Ces séjours, vendus 1 000 à 1 500 euros, s’adressent à un public évidemment très ciblé. On peut dès lors se demander s’ils doivent bénéficier des mêmes aides que les organisateurs de séjours sans but lucratif qui proposent des tarifs les plus bas possibles pour accueillir le plus grand nombre d’enfants. Le rapport traduit-il une nostalgie des colos, comme l’ont indiqué certains intervenants ? Peut-être. Nous avons entendu des historiens qui ont travaillé sur l’histoire des colos, les conditions de leur création et qui nous ont rappelé leur histoire architecturale. Des animateurs nous ont expliqué comment les colos fonctionnaient et comment elles ont évolué. Mais notre souci commun est bien de permettre à tous les enfants de partir en vacances, de rappeler le rôle éducatif des centres de vacances et de voir comment les colos du XXIe siècle peuvent être organisées, en sachant que les colos actuelles n’ont plus rien à voir avec celles que nous avons connues il y a trente ou quarante ans. Je ne sais pas si le terme « colo » est adapté, mais « colonies de vacances » ne l’est certainement pas. Et si centre de vacances paraît plus moderne, les enfants continuent de dire qu’ils partent en colo. Ce terme générique ne correspond plus pour eux, à ce qu’il évoque pour nous et à ce qu’il recouvrait autrefois.

Les animateurs et directeurs des centres de vacances, titulaires de BAFA ou de BAFD, ont reçu d’une formation pédagogique sur la connaissance de l’enfant et les questions de sécurité. Ils constituent un encadrement de qualité, apte à prévenir les accidents craints par les parents. Si des accidents surviennent malheureusement en séjours collectifs, il faut rappeler qu’ils sont beaucoup moins nombreux et moins graves que ceux auxquels est exposé un enfant dans sa famille ou dans son quartier.

S’agissant du volontariat de l’animation, dont la création est une demande récurrente des organisateurs associatifs de séjours collectifs de mineurs, j’ai proposé qu’il soit réservé aux organisateurs de séjours avec hébergement. Les accueils de loisirs à la journée relèvent du droit commun du travail, les animateurs n’ayant pas à être présents vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Un animateur de centre de loisirs qui arrive à 7 heures et demi ou 8 heures le matin et part à 7 ou 8 heures du soir peut rentrer chez lui. Il n’en va pas de même pour les colos. Le contrat d’engagement éducatif, dans sa forme actuelle, prévoit que les animateurs prennent onze heures de repos quotidien. Cela ne veut pas dire qu’ils ne dormaient pas du tout avant cette réforme. En revanche, ils étaient effectivement présents vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La nouvelle réglementation, si elle était vraiment appliquée, supposerait que l’animateur quitte son lieu de travail pendant son temps de repos, ce qui pose d’évidentes difficultés quand il travaille loin de chez lui et dans un lieu isolé. En pratique, l’animateur reste sur le site. C’est un exemple des nombreux problèmes que pose ce contrat. La proposition du volontariat de l’animation s’inspire du service civique auquel M. Thierry Braillard faisait référence. Nous n’en sommes qu’au stade d’un rapport d’information. Nous n’avons pas détaillé les conditions de la mise en place de ce nouveau statut, qui pourrait, comme le suggère M. Régis Juanico, prendre la forme d’une proposition de loi, mais ce sera l’objet de discussions avec le ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Le sujet doit, bien sûr, être travaillé et affiné avant de faire évoluer la législation.

Nous attendons également avec impatience les dernières statistiques de départs en centres de vacances. La baisse de la fréquentation des séjours de vacances, constatée depuis 1995, ne s’observait pas pour les séjours avec un hébergement de quelques nuits, organisés à titre d’activité accessoire par les centres de loisirs. Ces courts séjours étaient même en nette progression ces dernières années. Or cette tendance s’est inversée l’année dernière. Il y a eu 70 000 départs de moins en 2011/2012 par rapport à l’année précédente, à la suite de la mise en place de la réforme du contrat d’engagement éducatif. Je ne sais pas si c’est la seule raison de cette baisse, mais je constate que, entre 2008 et 2011, les séjours avec hébergement en centres de vacances et de loisirs progressaient chaque année, avec 24 000 à 30 000 départs de plus d’une année sur l’autre. Il se trouve que l’inversion de tendance et la baisse du nombre des départs intervenue en 2011/2012 correspondent à la modification de la réglementation applicable au contrat d’engagement éducatif. Nous devrons attendre les statistiques les plus récentes pour avoir confirmation de cette nouvelle tendance, mais on peut penser que les difficultés croissantes d’organisation ont conduit à l’annulation d’un certain nombre de colonies ou d’accueils de loisirs avec hébergement.

M. Jean-Pierre Le Roch m’interrogeait sur le nombre de centres de vacances qui ont disparu. Selon M. Bernard Toulier, les deux tiers des centres de vacances de Loire-Atlantique et de Vendée ont déjà disparu. Un tiers a été vendu et démoli pour faire place à de nouvelles constructions ; un tiers a été destiné à d’autres usages ; il ne reste donc qu’un tiers du patrimoine concerné qui continue à fonctionner. On constate donc une tendance lourde d’abandon de ces centres. C’est pourquoi le rapport propose de recenser les bâtiments concernés pour connaître, sur l’ensemble du territoire français, l’état de ce patrimoine et envisager les mesures permettant non pas de sauvegarder l’ensemble des centres de vacances, mais de préserver un maillage territorial qui pourrait inclure d’autres modes d’hébergement comme les internats des collèges et des lycées. Ces derniers sont déjà utilisés pour l’hébergement de certaines colos mais je pense que l’on peut favoriser leur utilisation par les organisateurs de séjours à but non lucratif. La location de ces internats étant faite au moindre coût, elle doit être d’abord proposée aux associations sans but lucratif qui organisent des séjours à des tarifs modérés avant de l’être aux organisateurs à but lucratif.

Mme Colette Langlade a évoqué le coût du transport. Lors de leur audition, les représentants de la SNCF se sont engagés à faire de nouvelles propositions. Ils nous ont expliqué que le système de réservation des voyages en groupe qui existait jusqu’en 2006 était plus souple mais les mettait parfois en difficulté lorsque l’organisateur annulait, au dernier moment, un tiers ou la moitié des places réservées l’avance. Cela laissait des places inoccupées dans les trains. La préoccupation de la SNCF de remplir au mieux ses trains peut se comprendre. En revanche, ses tarifs de groupe les plus attractifs sont destinés aux enfants de moins de douze ans alors que la classe d’âge concernée par les colos est très majoritairement constituée d’enfants de plus de douze ans. Nous attendons donc des propositions plus intéressantes de la SNCF.

M. Frédéric Reiss a exprimé son désaccord avec un certain nombre de propositions. Je suis conscient que ces vingt et une propositions ne font pas nécessairement l’unanimité. Je rappelle cependant que la taxe sur l’hôtellerie de luxe n’est pas de mon invention mais qu’elle avait été votée par l’ancienne majorité. La même majorité l’avait ensuite supprimée au moment de l’augmentation du taux de TVA applicable à l’hôtellerie de 5,5 à 7 %. Le prix d’un séjour en centre de vacances correspond à une ou deux nuits passées dans un hôtel de luxe. Quelques euros, 2 ou 3, prélevés sur le prix d’une chambre louée à partir de 400 ou 600 euros la nuit ne me semblent pas changer l’économie de ces établissements mais permettraient à des enfants de partir en vacances. J’ai bien entendu les critiques de l’opposition sur nos propositions de financement, mais nous avons constaté que le premier obstacle au départ en vacances est financier. Le rapport a donc eu pour objet de dégager des pistes pour diminuer le coût des séjours. Il fait plusieurs propositions pour cela, en particulier l’élargissement du dispositif des chèques-vacances et le rééquilibrage des aides des caisses d’allocations familiales en faveur des colos. Mme Marie-Odile Bouillé m’interrogeait à ce propos. Je constate que la quasi-totalité de ces aides, actuellement près d’un milliard d’euros, est fléchée vers les accueils de loisirs. Or ceux-ci ne concernent, en très grande majorité, que les enfants de moins de douze ans. Les plus âgés ne les fréquentent pas. Les adolescents doivent pouvoir bénéficier de ces aides.

Contrairement à M. Frédéric Reiss, il me semble important de renforcer les réseaux fédératifs. C’est un parti pris. Je considère que dans le domaine des départs en vacances, les mouvements d’éducation populaire ont un rôle essentiel à jouer. Appartenir à un réseau, à une fédération, c’est le gage de bénéficier de ressources, d’expérimentations, d’innovations, de recherches engagées par ces mouvements. Il ne me semble pas que l’on ait plus d’idée quand on travaille de manière isolée dans son quartier que lorsque l’on est fédéré dans un mouvement. Être dans un mouvement fédératif est un atout pour les organisations. C’est d’autant plus vrai dans le milieu associatif que les fédérations appartiennent à des courants de pensée très divers et ont une histoire ancienne.

M. le président Patrick Bloche. Au-delà des différences d’approche que nous avons notées, et de la contribution évoquée par Mme la présidente, j’espère que nous allons conclure dans une belle unanimité en autorisant la publication de ce rapport.

La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

CONTRIBUTION DE MME ANNIE GENEVARD, PRÉSIDENTE, AU NOM DES MEMBRES DE LA MISSION D’INFORMATION APPARTENANT AU GROUPE DE L’UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE

Les six mois de travaux de la mission d’information sur l’accessibilité des jeunes aux séjours collectifs et de loisirs que j’ai présidée ont été très riches d’enseignement, sur les modes collectifs d’accueils des mineurs, sur l’évolution de la relation des familles françaises aux vacances et sur les désirs d’émancipation et de découverte des jeunes. L’esprit de bonne intelligence et de collaboration respectueuse préservé par les membres de la mission au fil des auditions se retrouve dans un rapport dont on peut, pour l’essentiel, partager l’état des lieux et l’exposé des principales causes de désaffection des colonies de vacances.

La mission a pu vérifier la disparition progressive des colonies de vacances qui réunissaient, pendant trois semaines, dans une région éloignée du domicile des parents, des jeunes urbains de tous les milieux sociaux dans un centre de vacances bâti en dur, sur un terrain propice aux jeux collectifs et aux activités pédagogiques de plein air. Ce modèle a vécu. Il ne concerne plus aujourd’hui que les enfants des milieux très défavorisés auxquels les caisses d’allocations familiales ne proposent pas d’autre choix de vacances. Ceux qui peuvent partir dans l’un des centres agréés par les caisses d’allocations familiales sont plus heureux que les trois millions d’enfants qui ne partent pas du tout en vacances mais ils aimeraient sans doute davantage pouvoir partir avec leurs parents au moins une fois dans l’année.

Les vacances en séjours collectifs sont désormais l’exception. Pour la très grande majorité des enfants et des jeunes, soit les trois quarts de 5-19 ans, les vacances se passent en famille. Lors de son audition, la ministre des Sports et de la Jeunesse a fait état d’une hausse de la proportion des mineurs qui partent en vacances avec leur famille au moins une fois dans l’année. Cette proportion est passée, en dix ans, de 80 à 86 %, principalement au détriment des vacances en séjours collectifs.

Pour les organisateurs de séjours collectifs et les représentants de ce qu’il est convenu d’appeler l’éducation populaire, cette progression est inquiétante. En nous faisant part des craintes que leur inspire et des difficultés que leur cause la désaffection de leurs séjours, ils ont beaucoup insisté sur les valeurs de vie collective transmises par les colos à l’ancienne, en suggérant qu’il fallait arracher les enfants au milieu familial pour en faire des citoyens solidaires et aptes aux transformations sociales.

Pour ma part et sans mésestimer l’apport éducatif et social des séjours collectifs qui doivent continuer d’être proposés, je me réjouis plutôt de cette progression des vacances familiales. Les vacances en famille sont des moments précieux dans lesquels les habitudes et les contraintes de la vie domestique sont suspendues et laissent place à des échanges plus libres, à une forme d’abandon et de joie qui n’a ni les excès de la fête ni la fadeur du quotidien.

Le succès des vacances familiales est une bonne nouvelle, notamment pour les plus jeunes, ces moins de 15 ans auxquels la famille apporte l’affection et l’attention que les collectivités dans lesquelles ils sont plongés en permanence, à l’école ou dans les activités périscolaires, ne peuvent leur procurer individuellement. Du reste, les enquêtes sur les causes de la désaffection des séjours collectifs de vacances placent en premier le refus des enfants, lassés sans doute d’être en permanence dans des structures collectives.

Pour les familles les plus fragiles, plutôt que de reléguer les enfants dans les centres de loisirs et les mères à la maison, pendant que les jeunes sont livrés à eux-mêmes au pied des immeubles ou devant leurs consoles de jeux, des vacances en famille, préparées par un travailleur social, éventuellement accompagnées par une association, seraient un moyen de changer les postures prises par les uns et les autres dans des relations sociales et un environnement urbain ou péri-urbain difficiles, de s’ouvrir aux autres et de découvrir de nouveaux paysages en laissant derrière soi un quotidien difficile.

Aujourd’hui, la société se préoccupe de chaque enfant individuellement et les familles laissent davantage de place aux aspirations personnelles et aux singularités de chacun de leurs membres. Les parents souhaitent laisser le temps à leurs enfants de trouver leur voie, de s’épanouir, de se découvrir des talents avant de choisir ce qu’ils cultiveront, même s’il faut, pour cela, s’écarter un peu des normes collectives imposées à chaque classe d’âge par les pédagogues et les établissements scolaires. C’est dans cette découverte progressive de soi-même, avec les proches, que les enfants grandissent bien.

Dans cette progression, les colonies de vacances ont encore leur place, non celle qui serait imposée par l’État, l’éducation nationale et les tuteurs moraux et politiques de la société, mais une place choisie et librement décidée par les familles, une place devenue complémentaire et non plus concurrente des vacances familiales, une place, enfin, qui peut permettre à certains enfants, dont les familles vivent très repliées sur elles-mêmes, de s’éveiller à d’autres réalités.

Depuis que les colonies de vacances ne sont plus subventionnées par les collectivités publiques et la branche famille de la sécurité sociale, les séjours collectifs de mineurs sont devenus coûteux. Ils sont deux fois plus chers qu’un séjour de vacances en famille pour des destinations comparables. Une famille doit payer de 600 à 1 000 euros la semaine par enfant quand elle n’a accès ni aux bons vacances des caisses d’allocations familiales, ni aux chèques-vacances distribués ou aux offres avantageuses négociées par les comités d’entreprise.

En arrière-plan des questions de coûts, le constat d’un changement sociétal du séjour de loisirs collectifs a été unanime. La sociologie des séjours collectifs de vacances des mineurs est devenue très clivée. Nous avons d’un côté des populations en grande difficulté sociale, objet d’aides ciblées, et, à l’autre bout de l’échelle sociale, une population de milieux privilégiés qui n’a pas de difficultés à faire appel à des opérateurs privés pour donner un contenu qualitatif aux vacances collectives.

Entre les deux, les enfants et les jeunes des classes moyennes n’ont plus accès aux séjours collectifs de vacances. Cet échec en matière de mixité sociale, qui exclut les classes moyennes, est très préjudiciable et injuste. Ces dernières ne sont pas suffisamment prises en compte dans les politiques publiques de l’enfance et de la jeunesse.

Les plus petits, lorsqu’ils vivent en ville, peuvent passer leurs vacances dans les centres de loisirs qui se sont multipliés dans un grand nombre de communes avec l’aide des caisses d’allocations familiales. Ces centres proposent des courts séjours de proximité, dans des mini-camps, qui sont très appréciés par les familles. Il n’est pas surprenant que ces séjours aient connu un succès considérable en quelques années, alors que, dans le même temps, les colonies de vacances traditionnelles attiraient moins.

Mais pour les plus grands, qui voudraient, comme les enfants des milieux aisés, goûter, le temps d’une semaine ou deux, aux plaisirs d’une activité convoitée et valorisante, d’un sport à la mode, d’un hobby ou d’un talent rare, lors des d’un stage intensif qu’on imagine accueilli dans un cadre choisi, sous la conduite de moniteurs chevronnés ou professionnels, le prix des séjours est un obstacle infranchissable.

Devant ce constat, partagé par tous, le rapporteur propose d’en revenir aux vieilles méthodes, de mettre sur la table de l’argent public dont on sait qu’il est devenu rarissime, de lever un impôt supplémentaire alors que la pression fiscale s’est déraisonnablement accrue depuis un an et de subventionner les offres de séjours des associations proches du ministère au détriment des offres concurrentes proposées par des prestataires privés, qui plus est en mobilisant les autorités publiques pour faire la promotion des séjours associatifs dans les écoles afin de convaincre les familles d’y envoyer leurs enfants.

Le ministère rejouerait le scénario des jolies colonies de vacances des années 1950, soixante ans plus tard, comme si la société française n’avait pas changé, comme si l’économie était en plein essor, comme si la puissance publique était confiante dans sa planification et dans ses certitudes pédagogiques. Le tout, au prix d’une taxe supplémentaire sur les vacances familiales et d’une récupération des aides sociales distribuées par la caisse d’allocations familiales.

Les organisateurs de séjours, qui espèrent encore dans un retour des subventions d’antan et dans un soutien idéologique de l’État pour échapper à la tendance défavorable du marché des séjours collectifs qui pèse sur eux depuis plus de 15 ans, doivent admettre que les conditions économiques actuelles ne le permettent pas et que les aspirations des familles ne peuvent plus être encadrées par des circulaires ministérielles. Ils doivent accepter l’arrivée de nouveaux acteurs privés. Le départ en vacances des trois millions d’enfants qui ne partent pas et l’accès des classes moyennes aux séjours collectifs sont des enjeux suffisamment importants pour ne refuser le concours d’aucun acteur. Les associations doivent aussi accepter les règles de bonne gestion, du droit du travail, des normes de sécurité des enfants et d’accessibilité des locaux. Ces règles admises par tous les acteurs, quels séjours collectifs peuvent-ils encore proposer ? Non pas une antithèse de vacances familiales, mais un complément.

Pour les enfants qui veulent passer quelques nuits d’aventure entre copains, un séjour d’une semaine en mini-camp doit rester financièrement accessible à tous, c’est l’affaire des communes, qui sont déjà très présentes sur ce créneau et dont il faut saluer l’effort, et des caisses d’allocations familiales. Pour les adolescents, il faut aller plus loin, apprendre et non plus seulement jouer, prendre des risques, non pas physiquement, en se mettant en danger, mais des risques, en acceptant de se confronter aux autres et de s’essayer à des activités difficiles, qui demandent des efforts, qui éloignent des pratiques scolaires et familiales rebattues. Ces séjours ne pourront pas être subventionnés. Ils doivent en même temps être le moins cher possible. Comment faire ?

Les séjours de scoutisme, qui rencontrent un succès croissant en pratiquant des tarifs accessibles à tous les milieux sociaux et sont soutenus par toutes les sensibilités, qu’elles soient laïques ou confessionnelles, montrent l’exemple. Leurs jeux, leurs occupations, le cadre dans lequel ils se déroulent chaque semaine, tout au long de la vie de l’enfant et du jeune, sont intemporels. Au lieu de supprimer le statut dont ils bénéficient, comme le suggère implicitement la proposition n° 12 du rapport, il serait souhaitable de promouvoir leur modèle pour rendre les autres séjours aussi attractifs sans augmenter leur coût.

Pour y parvenir, je crois beaucoup à l’innovation sociale. Les organisateurs de séjours, qu’ils soient ou non à but lucratif, doivent faire montre de la même inventivité que celle qui s’est épanouie d’autres domaines. C’est l’originalité de séjours innovants qui attirera les faveurs du public et saura répondre à des attentes collectives que les offres actuelles ne satisfont plus.

Les associations agréées par le ministère ont beaucoup décrié, au cours des auditions, les séjours Harry Potter, jugés trop commerciaux, mais chaque époque à ses références culturelles. Les succès de l’édition commerciale, du cinéma, de la télévision ou des réseaux sociaux peuvent être l’occasion de réunir des jeunes qu’ils fascinent ou amusent pour en dépasser les évidences, en sonder les profondeurs et trouver un soi-même un écho aux succès qui les ont portés. Je ne soutiendrai pas pour autant que, pour éduquer un groupe de jeunes, tous les prétextes qu’offrent les modes du moment sont bons. Il importe que le ministère de tutelle des séjours collectifs maintienne, par l’agrément de tous les opérateurs de séjours, qu’ils soient ou non à but lucratif et par la réglementation et les contrôles, des exigences de qualité éducative qui préviennent les dérives consuméristes.

C’est aux familles et aux enseignants proches des enfants et des jeunes, plus encore qu’au ministère de tutelle, qu’il appartient de départager les engouements déplacés des intérêts riches de potentialités. Ces inventions, ces potentialités semblent ne pas souvent intéresser les associations subventionnées qui défendent leurs budgets et les postes Fonjep mis à leur disposition. Je regrette que le rapport n’ait repris aucune des préconisations que j’avais faites et qu’il ait entièrement exclu les entreprises organisatrices de séjours. On ne saurait se féliciter que les entreprises financent, par l’intermédiaire de leurs comités, des séjours collectifs pour les familles de leur personnel et décourager, dans le même temps, celles qui font de l’organisation de séjours pour toutes les familles leur activité et ont des compétences éducatives comparables et des personnels aussi qualifiés que les associations d’éducation populaire.

Toutes les entreprises doivent être incitées à soutenir le départ en vacances des enfants, puisque le droit aux vacances est l’affaire de tous. Le rapporteur a proposé d’étendre la distribution des chèques-vacances aux salariés des petites entreprises. C’est une bonne mesure puisqu’elle respecte autant le libre choix des familles et encourage autant les départs en vacances familiales que les séjours collectifs. Mais un autre dispositif pourrait inciter les entreprises qui ne distribuent pas de chèques-vacances et n’organisent pas elles-mêmes des séjours à soutenir financièrement ceux d’associations reconnues d’utilité publique.

En effet, le mécénat d’entreprise pourrait être mis à profit pour financer les vacances collectives des enfants qui ne partent pas. On s’en tient souvent, lorsqu’il est question de mécénat, à l’organisation de manifestations culturelles ou d’événements mondains, aux dons versés pour l’acquisition d’œuvres d’art ou la restauration de monuments historiques et aux investissements dans la recherche ou les soins médicaux. Pourtant, l’exonération prévue par l’article 238 bis du code général des impôts peut s’appliquer à l’organisation de séjours collectifs de vacances pour les mineurs. L’image des entreprises qui contribueraient au départ en vacances collectives des enfants s’en trouverait valorisée auprès du grand public.

On peut même imaginer que les entreprises participent à la mise en valeur du patrimoine architectural des colonies de vacances et à l’invention de nouveaux lieux de séjours collectifs. J’ai été particulièrement attentive, aux cours de nos travaux, à la présentation des œuvres architecturales qui ont su, par le passé, dans des centres de vacances d’entreprise ou de collectivités, apporter aux enfants le meilleur d’une époque. Je suis convaincue qu’il y a aujourd’hui des possibilités aussi bien économiques qu’éducatives et culturelles pour apporter à nos enfants le meilleur de notre époque en leur construisant ou en réhabilitant des lieux d’épanouissement dans un cadre qui soit à la fois sûr et valorisant, par le moyen de partenariats publics-privés ou du mécénat, les uns apportant les financements, les autres des idées, les troisièmes le terrain et les sites.

Les collectivités, les familles, ont su, dans des époques lointaines et dans des conditions tout aussi difficiles que les nôtres trouver la force, les ressources et le désir de bâtir des lieux d’accueils, d’éducation et même d’élévation morale pour tous. Nous avons peine à retrouver aujourd’hui ce qui les animait. C’est pourtant de la confiance, dont ils savaient faire preuve en se projetant, par des œuvres de longue haleine, dans les siècles à venir, que nous avons besoin dans le désarroi présent. L’éducation de nos enfants, hors des temps scolaires, est l’une de ces œuvres de longue haleine à laquelle je souhaite que tous prennent leur part, associations, entreprises, éducateurs, animateurs, collectivités et familles, en faisant connaître les meilleures idées et les projets les plus novateurs, fussent-ils audacieux.

ANNEXES

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA MISSION D’INFORMATION

 

Groupe politique

Mme Annie Genevard – Présidente

UMP

M. Michel Ménard – Rapporteur

SRC

Mme Isabelle Bruneau

SRC

Mme Valérie Corre

SRC

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini

SRC

Mme Michèle Fournier-Armand

SRC

Mme Colette Langlade

SRC

Mme Lucette Lousteau

SRC

Mme Sylvie Tolmont

SRC

M. Dominique Le Mèner

UMP

M. Frédéric Reiss

UMP

Mme Barbara Pompili

Écologiste

M. Ary Chalus

RRDP

Groupe SRC : groupe socialiste, républicain et citoyen

Groupe UMP : groupe Union pour un Mouvement Populaire

Groupe UDI : Union des démocrates indépendants

Groupe RRDP : groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste

Groupe GDR : groupe de la Gauche démocrate et républicaine

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Jeudi 17 janvier 2013

Ø Ministère des affaires sociales, direction générale de la cohésion sociale – M. Philippe Didier Courbin, chef de service adjoint à la directrice générale, et Mme Hélène Paoletti, chef de bureau « famille et parentalité »

Ø M. André Nutte, inspecteur général des affaires sociales honoraire, président du groupe de travail sur le contrat d’engagement éducatif, et Mme Anne Sara, chargée de la formation des animateurs à la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative

Jeudi 24 janvier 2013

Ø Ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative – M. Yann Dyevre, directeur, M. Jérôme Fournier, chef du bureau de protection des mineurs en accueil collectif et en formation jeunesse et éducation populaire, M. Charles-Emeric Caffin, chef du bureau du développement de la vie associative, du volontariat et du bénévolat.

Ø Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) – M. Olivier Toche, directeur, et de Mme Yaëlle Amsellem-Mainguy, sociologue chargée d’études et de recherches

Jeudi 31 janvier 2013

Ø Agence nationale pour les chèques-vacances (ANCV) – M. Philippe Laval, directeur général, et Mme Dominique Ktorza, directrice des politiques sociales

Ø Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMEA) – MM. Denis Louiset et Fabrice Deboeuf, chargés de mission pour le secteur animation

Ø M. André Rauch, professeur émérite à l’université Marc Bloch de Strasbourg, auteur de Vacances en France

Jeudi 14 février 2013

Ø Caisse nationale d’assurance familiale (CNAF) – M. Jean-Louis Deroussen, président, Mme Dominique Nogues, responsable de pôle, et Mme Patricia Chantin, chargée des relations avec le Parlement

Ø Fédération des centres sociaux et socio-culturels de France –M. François Vercoutere, délégué général

Ø Confédération des maisons des jeunes et de la culture de France (CMJCF) – M. Daniel Frédout, directeur national, et M. Maurice Motsch, chargé de mission « jeunesse »

Ø Fédération française des maisons des jeunes et de la culture (FFMJC) – Mme Claire Vapillon, vice-présidente pour la branche « culture et jeunesse », Mme Danielle Gros, chargée de mission « jeunesse », et Mme Anne-Marie Bourouilh, responsable culture et développement

Jeudi 21 mars 2013

Ø Union nationale des associations de tourisme (UNAT) – M. Patrick Drouet, administrateur national référent du secteur vacances enfants-adolescents, vice-président de l’Observatoire des vacances des loisirs et des jeunes (OVLEJ), et M. Julien Tocque, directeur d’ALUDEO, groupement économique et solidaire organisateur de séjours

Ø Ligue de l’enseignement – M. Jean-Karl Deschamps, secrétaire national aux vacances, aux loisirs éducatifs et aux classes de découverte, et M. Thierry Barranco, chargé de mission

Jeudi 28 mars 2013

Ø Association Jeunesse au plein air (JPA) – M. Jacques Durand, président, et Mme Anne Carayon, directrice générale

Ø Fédération générale des pupilles de l’enseignement public – Mme Agnès Bathiany, directrice générale

Ø Union nationale des centres sportifs de plein air (UCPA) – Mme Louise Michon, responsable du secteur « enfants/adolescents »

Ø Fédération des œuvres éducatives et de vacances de l’éducation nationale (FOEVEN) Fédération des associations régionales des œuvres éducatives et de vacances de l’éducation nationale (AROEVEN) – M. René Bouillon, secrétaire général

Ø Fédération Léo Lagrange – Mme Fabienne Verrier, directrice juridique

Ø Fédération nationale des Francas – M. Didier Jacquemain, délégué général

Ø Éclaireuses et éclaireurs de France (EEdF)  M. Didier Bisson, délégué national programmes éducatifs et pédagogie

Ø Scouts et guides de France (SGdF) – M. Philippe Bancon, délégué général

Ø Éclaireuses et éclaireurs israélites de France (EEIF) – Mme Tsilla Darmon, responsable nationale formation

Ø Éclaireuses et éclaireurs unionistes de France (EEUdF)  M. Adrien Chaboche, secrétaire général

Ø Scouts musulmans de France (SMF)  M. Hocine Sadouki, commissaire général

Jeudi 18 avril 2013

Ø M. Bernard Toulier, auteur d’Architecture des colonies de vacances, revue In situ, 2008

Ø Association nationale des maires des stations classées et des communes touristiques – Mme Géraldine Leduc, directrice générale, et M. Foucault Jancel, chargé de mission

Ø Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air  M. Guylhem Feraud, président, et M. Nicolas Bouvier, directeur général du bureau de Paris d’APCO Worldwide

Jeudi 25 avril 2013

Ø Mme Claudie Buisson, contrôleur général économique, chargée par Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme d’une mission pour réduire les inégalités en matière d’accès aux vacances, et Mme Élisabeth Roure, adjointe sur la mission

Ø SNCF comité central d’entreprise – M. Christophe Parel, président des activités sociales, et M. Jacques Pittion, responsable du service « enfance jeunesse »

Mercredi 5 juin 2013

Ø Mme Elsa Régent-Pennuen¸ auteure d’un rapport sur l’animation pour l’UNSA et M. Gilles Mondon, secrétaire régional de l’UNSA Rhône-Alpes

Jeudi 6 juin 2013

Ø Union syndicale des personnels de l’animation des organisations sociales, sportives et culturelles de la Confédération générale des travailleurs (USPAOC CGT) – M. Ahmed Hamadi, secrétaire général, et M. Hamid Chebut, membre de la commission exécutive, conseiller fédéral

Ø Syndicat national d’éducation permanente, de l’animation et des associations de tourisme Force ouvrière (SNEPAT-FO)  Mme Laurence Gilbert, membre du bureau

Ø Fédération communication conseil culture de la Confédération française des travailleurs (CFDT) – M. Francis Gabriel, représentant de la CFDT au comité d’entreprise de l’Union française des centres de vacances (UFCV), et M. Matthieu Marfaing, membre du conseil de la branche « animation »

Ø Solidaires – M. Noël Morel, membre de la commission nationale

Ø Syndicat de l’éducation populaire - Union nationale des syndicats autonomes (SEP - UNSA)  M. Christian Belisson, délégué régional, et M. Patrice Weisheimer, secrétaire général du syndicat de l’éducation populaire

Ø Union française des centres de vacances (UFCV)  M. Jacques Labat, membre du comité de direction, et M. Jean-Marc Mahé, administrateur, membre du bureau

Jeudi 13 juin 2013

Ø M. Patrick Drouet, directeur général d’« Échanges et découvertes » pour les initiatives en Pays-de-Loire, mutualisation et démarches innovantes

Ø Michelin  M. Michel Desormière, secrétaire du comité d’entreprise

Mardi 25 juin 2013

Ø SNCF – M. Olivier Sanz, dirigeant du pôle relation clients à la direction voyage, et Mme Karine Grossetete, chargée des relations parlementaires

Mercredi 26 juin 2013

Ø Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative

Contributions écrites

Ø Agir ensemble pour les colos ;

Ø Ferrero France (présentation du « village Kinder ») ;

Ø Mutualité sociale agricole (MSA) ;

Ø Syndicat de l’éducation populaire-UNSA (SEP – UNSA) ;

Ø Syndicat employeur des acteurs du lien social et familial (SNAECSO) ;

Ø Union régionale de la jeunesse au plein air (URJPA) Pays de la Loire.

1 () À ce propos, M. Jean-Marc Mahé, membre du bureau de l’Union française des centres de vacances (UFCV) a souligné qu’en l’absence d’un pilotage des études par l’État, les données publiées ne satisfont que les besoins des associations membres des observatoires et ne suffisent pas pour conduire une politique publique.

2 () Haut Conseil de la famille, Note d’analyse de février 2013 sur la diversité de l’offre et les disparités d’accès selon les territoires en matière d’accueil des jeunes enfants et d’offre de loisirs et d’accueil des enfants et des adolescents autour du temps scolaire


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