N° 1555 - Rapport d'information de M. René Rouquet déposé en application de l'article 29 du règlement au nom des délégués de l'Assemblée nationale à l'Assemblée parlementaire du conseil de l'Europe sur l'activité de cette Assemblée au cours de la quatrième partie de sa session ordinaire de 2013



RAPPORT D’INFORMATION

FAIT

en application de l’article 29 du Règlement

au nom des délégués de l’Assemblée nationale à l’Assemblée

parlementaire du Conseil de l’Europe (1) sur l’activité de cette Assemblée

au cours de la quatrième partie de sa session ordinaire de 2013

par M. René ROUQUET

ET PRÉSENTÉ À LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

(1) La composition de cette délégation figure au verso de la présente page.

La Délégation de l’Assemblée nationale à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe était composée, en octobre 2013, de : Mme Danielle Auroi, M. Gérard Bapt, Mme Arlette Grosskost, M. Denis Jacquat, Mme Marietta Karamanli, MM. Christophe Léonard, Jean-Yves Le Déaut, François Loncle, Thierry Mariani, Jean-Claude Mignon, François Rochebloine et René Rouquet en tant que membres titulaires, et Mme Brigitte Allain, MM. Christian Bataille, Philippe Bies, Mme Pascale Crozon, Mme Marie-Louise Fort, MM. M. Pierre-Yves Le Borgn’, Frédéric Reiss, Rudy Salles, André Schneider, Gérard Terrier et Mmes Paola Zanetti et Marie-Jo Zimmermann, en tant que membres suppléants.

SOMMAIRE

Pages

INTRODUCTION 5

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION 7

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU 7

B. INITIATIVES DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS 9

C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION 10

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA PARTIE DE SESSION 11

A. ORDRE DU JOUR 11

B. TEXTES ADOPTÉS 12

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS 15

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE 17

A. OBSERVATION DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES EN ALBANIE 17

B. INTERVENTION DE M. SERGUEÏ NARYCHKINE, PRÉSIDENT DE LA DOUMA D’ÉTAT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE 21

C. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN BOSNIE-HERZÉGOVINE 22

D. LE RESPECT DES OBLIGATIONS ET ENGAGEMENTS DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA 28

E. DÉBAT D’URGENCE : LA SITUATION EN SYRIE 33

F. INTERVENTION DE M. TOMISLAV NIKOLIĆ, PRÉSIDENT DE LA SERBIE 39

G. DÉBAT LIBRE 41

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME 45

A. LES ACTIVITÉS DE L’ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES (OCDE) EN 2012-2013 45

B. LE DROIT DES ENFANTS À L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE 50

C. LA SÉCURITÉ NATIONALE ET L’ACCÈS À L’INFORMATION 53

D. LES PERSONNES PORTÉES DISPARUES DANS LES CONFLITS EUROPÉENS : LE LONG CHEMIN POUR TROUVER DES RÉPONSES HUMANITAIRES 55

E. LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, UN DÉFI PERMANENT QUI NOUS CONCERNE TOUS 58

F. LA LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION DES SENIORS SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL 61

G. RENFORCER L’INSTITUTION DU MÉDIATEUR EN EUROPE 65

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT 67

A. COMMUNICATION DE M. THORBJØN JAGLAND, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE 67

B. DÉBAT D’URGENCE : AGENDAS DE L’UNION EUROPÉENNE ET DU CONSEIL DE L’EUROPE EN MATIÈRE DE DROITS DE L’HOMME : DES SYNERGIES, PAS DES DOUBLES EMPLOIS ! 70

C. L’ÉVOLUTION DE LA PROCÉDURE DE SUIVI DE L’ASSEMBLÉE (JUIN 2012 – SEPTEMBRE 2013) 71

D. LA PRÉSIDENCE ARMÉNIENNE DU CONSEIL DE L’EUROPE 74

1. Intervention de M. Serge SARKISSIAN, président de l’Arménie 74

2. Communication de M. NALBANDIAN, ministre des Affaires étrangères de l’Arménie, Président du Comité des Ministres 76

ANNEXES 79

Annexe 1 Recommandation 2026 (2013) – La situation en Syrie  81

Annexe 2 Recommandation 2027 (2013) – Agendas de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme : des synergies, pas des doubles emplois ! 85

Annexe 3 Résolution 1957 (2013) – La sécurité alimentaire, un défi permanent qui nous concerne tous 89

Annexe 4 Résolution 1958 (2013) – La lutte contre la discrimination des seniors sur le marché du travail 95

Annexe 5 Recommandation 2025 (2013) – Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine 97

Annexe 6 Résolution 1955 (2013) – Le respect des obligations et engagements de la République de Moldova  103

INTRODUCTION

La diversité des thèmes abordés au cours de la quatrième partie de la session 2013 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a confirmé que l’institution sait se positionner au cœur des évolutions de nos sociétés. Les débats sur la sécurité nationale et l’accès à l’information, la sécurité alimentaire, le rôle du médiateur en Europe ou la lutte contre la discrimination des seniors sur le marché du travail ont, par exemple, été l’écho de préoccupations qui s’expriment depuis quelque temps dans l’espace politique européen.

L’Assemblée s’est également fait la caisse de résonance des avancées et des tensions politiques observées au sein du périmètre du Conseil de l’Europe ou dans sa périphérie immédiate. Elle a notamment organisé un débat d’urgence sur la situation en Syrie et dialogué avec des personnalités comme le président de la Douma d’État de la Fédération de Russie ou le président de la Serbie. Conformément au rôle éminent qu’elle entend jouer dans le fonctionnement du système européen de protection des droits de l’Homme, l’Assemblée a également débattu – dans le cadre de sa procédure de suivi – du mauvais fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine et des progrès enregistrés en République de Moldova.

L’Assemblée a également consacré un débat d’urgence aux agendas respectifs de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’Homme, tant il est vrai que puisqu’il s’agit de préserver la dignité de la personne humaine et la vigueur de l’État de droit, il ne saurait y avoir de concurrence entre ces deux organisations européennes.

I. ACTUALITÉS DE LA DÉLÉGATION

A. LA DÉLÉGATION ET SON BUREAU

La délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe comprend vingt-quatre députés (douze titulaires et douze suppléants) et douze sénateurs (six titulaires et six suppléants).

Composition de la délégation en octobre 2013

Membres titulaires

 

Chambre Parlement national

Groupe Parlement national

Groupe

Conseil de l’Europe

       

Mme Danielle AUROI

Députée

ECOLO

SOC

M. Gérard BAPT

Député

SRC

SOC

M. Jean-Marie BOCKEL

Sénateur

UDI-UC

PPE/DC

M. Éric BOCQUET

Sénateur

CRC

GUE

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

SOC

M. Bernard FOURNIER

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

SOC

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

PPE/DC

M. Denis JACQUAT

Député

UMP

PPE/DC

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

SOC

M. Christophe LÉONARD

Député

SRC

SOC

M. Jean-Yves LE DÉAUT

Député

SRC

SOC

M. François LONCLE

Député

SRC

SOC

M. Thierry MARIANI

Député

UMP

PPE/DC

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

PPE/DC

M. Philippe NACHBAR

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. François ROCHEBLOINE

Député

UDI

PPE/DC

M. René ROUQUET

Député

SRC

SOC

Membres suppléants

 

Chambre Parlement national

Groupe Parlement national

Groupe

Conseil de l’Europe

       

Mme Brigitte ALLAIN

Députée

ECOLO

SOC

M. Christian BATAILLE

Député

SRC

SOC

M. Philippe BIES

Député

SRC

SOC

Mme Maryvonne BLONDIN

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Bernadette BOURZAI

Sénatrice

SOC

SOC

Mme Pascale CROZON

Députée

SRC

SOC

Mme Marie-Louise FORT

Députée

UMP

PPE/DC

M. Pirre-Yves LE BORGN’

Député

SRC

SOC

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Jean-Pierre MICHEL

Sénateur

SOC

SOC

M. Yves POZZO DI BORGO

Sénateur

UDI-UC

PPE/DC

M. André REICHARDT

Sénateur

UMP

PPE/DC

M. Frédéric REISS

Député

UMP

PPE/DC

M. Rudy SALLES

Député

UDI

PPE/DC

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

PPE/DC

M. Gérard TERRIER

Député

SRC

SOC

Mme Paola ZANETTI

Députée

SRC

SOC

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN

Députée

UMP

PPE/DC

Le Bureau de la délégation est composé de la façon suivante :

Président

M. René ROUQUET

Député

SRC

Président délégué

M. Jean-Claude MIGNON

Député

UMP

Première vice-présidente

Mme Josette DURRIEU

Sénatrice

SOC

Vice-présidents

Mme Brigitte ALLAIN

Députée

ECOLO

 

M. Jean-Marie BOCKEL

Sénateur

UDI-UC

 

M. Jean-Claude FRÉCON

Sénateur

SOC

 

Mme Arlette GROSSKOST

Députée

UMP

 

Mme Marietta KARAMANLI

Députée

SRC

 

M. Jacques LEGENDRE

Sénateur

UMP

 

M. François LONCLE

Député

SRC

 

M. François ROCHEBLOINE

Député

UDI

 

M. André SCHNEIDER

Député

UMP

B. INITIATIVES DE SES MEMBRES ET NOMINATIONS

Les informations retracées ci-dessous concernent les initiatives prises par les membres de la délégation et les nominations intervenues depuis la fin de la précédente partie de session.

M. Bernard Fournier (Loire – UMP) a été élu vice-président de la commission des Migrations, des réfugiés et des personnes déplacées.

M. André Schneider (Bas-Rhin – UMP) a été élu vice-président de la sous-commission ad hoc sur la réforme du football international, rattachée à la commission de la Culture, de la science, de l’éducation et des médias.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, a été nommé par le Bureau président de la commission ad hoc du Bureau pour participer au Forum mondial de la démocratie (Strasbourg, 27-29 novembre 2013).

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées – SOC) et M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin – UDC-UI) ont été nommés membres de la sous-commission ad hoc du Forum de Lisbonne (6-7 novembre 2013), rattachée à la commission des Questions politiques et de la démocratie.

M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne – UMP), président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, a été nommé par le Bureau rapporteur sur le « Rapport d’activité du Bureau de l’Assemblée et de la Commission permanente (4 octobre 2013 – 27 janvier 2014) ».

M. Jean-Claude Frécon (Loire – SOC) a été nommé par la commission des Questions sociales, de la santé et du développement durable rapporteur sur « Appel pour un réel échange d’informations obligatoires sur les professionnels de santé condamnés ».

Mme Maryvonne Blondin (Finistère – SOC) a été nommée représentante de la commission des Questions sociales, de la santé et du développement durable pour le Forum de Lisbonne 2013 du Centre Nord-Sud (Lisbonne, 6-7 novembre 2013).

En sa qualité de président de la délégation française, M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC) est intervenu devant la sous-commission des Droits de l’homme de la commission des Questions juridiques et des droits de l’homme, le mercredi 2 octobre 2013, afin de présenter les actions conduites par la délégation française pour élaborer la liste des trois candidats au siège du Comité européen de prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (CPT) au titre de la France.

En sa qualité de vice-président de l’Assemblée parlementaire, M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC), président de la délégation française, a présidé la séance publique du jeudi 3 octobre après-midi.

C. RENCONTRES DE LA DÉLÉGATION

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé des Affaires européennes, a reçu la délégation française, le 18 septembre, pour une réunion de travail sur la quatrième partie de session 2013 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

La représentante permanente de la France auprès du Conseil de l’Europe, S.E. Mme Jocelyne Caballero, a reçu la délégation française, le 29 septembre, pour un dîner de travail au cours duquel elle a abordé les principaux points inscrits à l’ordre du jour.

M. René Rouquet (Val-de-Marne – SRC), président de la délégation française, a reçu en entretiens :

– M. Sandro Gozi, président de la délégation italienne (lundi 30 septembre) ;

– M. Armen Papikyan, Ambassadeur, Représentant permanent de l’Arménie auprès du Conseil de l’Europe (mercredi 2 octobre) ;

– Mme Tatiana Pârvu, Ambassadeur, Représentante permanente de la République de Moldova auprès du Conseil de l’Europe (jeudi 3 octobre) ;

– Mme Anne Brasseur, présidente du groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ADLE) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (jeudi 3 octobre).

II. INFORMATIONS GÉNÉRALES SUR LE DÉROULEMENT DE LA PARTIE DE SESSION

A. ORDRE DU JOUR

Lundi 30 septembre avril 2013

– Observation des élections législatives en Albanie (23 juin 2013) ;

– Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Edward Nalbandian, ministre des affaires étrangères de l’Arménie, président du Comité des Ministre ;

– Débat libre ;

Mardi 1er octobre 2013

– Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2012-2013 ;

– Intervention de M. Sergueï Narychkine, président de la Douma d’État de la Fédération de Russie ;

– Le droit des enfants à l’intégrité physique ;

– L’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée (juin 2012-septembre 2013) ;

Mercredi 2 octobre 2013

– La sécurité nationale et l’accès à l’information ;

– Intervention de M. Serge Sarkissian, président de l’Arménie ;

– Communication de M. Thorbjøn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe ;

– Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine ;

– Le respect des obligations et engagements de la République de Moldova ;

Jeudi 3 octobre 2013

– Débat d’urgence : La situation en Syrie ;

– Intervention de M. Tomislav Nikolić, président de la Serbie ;

– Les personnes portées disparues dans les conflits européens : le long chemin pour trouver des réponses humanitaires ;

– Débat d’urgence : Agendas de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme : des synergies, pas des doubles emplois ;

– La sécurité alimentaire, un défi permanent qui nous concerne tous ;

Vendredi 4 octobre 2013

– La lutte contre la discrimination des seniors sur le marché du travail ;

– Renforcer l’institution du médiateur en Europe.

B. TEXTES ADOPTÉS

Le Règlement de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe distingue trois types de textes : les avis, les recommandations et les résolutions :

– aux termes de l’article 24.1.a, une recommandation consiste en une proposition de l’Assemblée adressée au Comité des Ministres, dont la mise en œuvre échappe à la compétence de l’Assemblée mais relève des gouvernements ;

– définie à l’article 24.1.b, une résolution exprime une décision de l’Assemblée sur une question de fond, dont la mise en œuvre relève de sa compétence, ou un point de vue qui n’engage que sa responsabilité ;

– les avis répondent aux demandes qui sont soumises à l’Assemblée par le Comité des Ministres concernant l’adhésion de nouveaux États membres au Conseil de l’Europe, mais aussi les projets de conventions, le budget ou la mise en œuvre de la Charte sociale.

Le texte intégral des rapports, avis, comptes rendus des débats de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi que les textes adoptés, sont consultables sur le site : http://assembly.coe.int.

Texte et rapporteur(e)

Document(s)

Commission des Questions politiques et de la démocratie

La situation en Syrie

M. Björn VON SYDOW (Suède – SOC)

• Recommandation 2026

Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2012-2013

M. Dirk VAN DER MAELEN (Belgique – SOC)

• Résolution 1951

Commission des Questions juridiques et des droits de l’Homme

La sécurité nationale et l’accès à l’information

M. Arcadio DÍAZ TEJERA (Espagne – SOC)

• Résolution 1954

• Recommandation 2024

Agendas de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme : des synergies, pas des doubles emplois !

M. Michael McNAMARA (Irlande – SOC)

• Recommandation 2027

Renforcer l’institution du médiateur en Europe

M. Jordi XUCLÀ (Espagne – ADLE)

• Résolution 1959

Commission des Questions sociales, de la santé
et du développement durable

Le droit des enfants à l’intégrité physique

Mme Marlene RUPPRECHT (Allemagne – SOC)

• Résolution 1952

• Recommandation 2023

La sécurité alimentaire, un défi permanent qui nous concerne tous

M. Fernand BODEN (Luxembourg – PPE/DC)

• Résolution 1957

Commission des Migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Les personnes portées disparues dans les conflits européens : le long chemin pour trouver des réponses humanitaires

M. Jim SHERIDAN (Royaume-Uni – SOC)

• Résolution 1956

Commission sur l’Égalité et la non-discrimination

La lutte contre la discrimination des seniors sur le marché du travail

Mme Sahiba GAFAROVA (Azerbaïdjan – GDE)

• Résolution 1958

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (Commission de suivi)

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine

Mme Karin S. WOLDSETH (Norvège – GDE)
M. Egidijus VAREIKIS (Lituanie – PPE/DC)

• Recommandation 2025

L’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée (juin 2012 – septembre 2013)

M. Andres HERKEL (Estonie – PPE/DC)

• Résolution 1953

Le respect des obligations et engagements de la République de Moldova

Mme Lise CHRISTOFFERSEN (Norvège – SOC)
M. Piotr WACH (Pologne – PPE/DC)

• Résolution 1955

C. INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS

Lundi 30 septembre avril 2013

– Observation des élections législatives en Albanie (23 juin 2013) : Mme Maryvonne Blondin, MM. Bernard Fournier et Pierre-Yves LBorgn ;

– Communication du Comité des Ministres à l’Assemblée parlementaire, présentée par M. Edward Nalbandian, ministre des affaires étrangères de l’Arménie, président du Comité des Ministre : MM. Bernard Fournier, Jean-Pierre Michel et René Rouquet ;

– Débat libre : Mme Josette Durrieu, M. Jean-Yves Le Déaut ;

Mardi 1er octobre 2013

– Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2012-2013 : Mme Marie-Jo Zimmermann, MM. Jean-Marie Bockel et Jean-Yves Le Déaut ;

– Le droit des enfants à l’intégrité physique : Mmes Maryvonne Blondin et Marie-Louise Fort ;

– L’évolution de la procédure de suivi de l’Assemblée (juin 2012-septembre 2013) : Mme Marie-Jo Zimmermann ;

Mercredi 2 octobre 2013

– La sécurité nationale et l’accès à l’information : Mme Marie-Louise Fort ;

– Intervention de M. Serge Sarkissian, président de l’Arménie : M. Bernard Fournier ;

– Communication de M. Thorbjøn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe : MM. Jean-Pierre Michel et René Rouquet ;

– Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine : Mme Marie-Jo Zimmermann, MM. Jean-Marie Bockel, Pierre-Yves Le Borgn et Jean-Pierre Michel ;

– Le respect des obligations et engagements de la République de Moldova : Mme Josette Durrieu, MM. Thierry Mariani et René Rouquet ;

Jeudi 3 octobre 2013

– Débat d’urgence : La situation en Syrie : Mmes Brigitte Allain et Marie-Louise Fort, MM. René Rouquet et Rudy Salles ;

– Intervention de M. Tomislav Nikolić, président de la Serbie : M. Jean-Pierre Michel ;

– La sécurité alimentaire, un défi permanent qui nous concerne tous : Mme Brigitte Allain, M. André Schneider ;

Vendredi 4 octobre 2013

– La lutte contre la discrimination des seniors sur le marché du travail : MM. Frédéric Reiss et André Schneider ;

III. LES DROITS DE L’HOMME EN EUROPE ET DANS LE MONDE

A. OBSERVATION DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES EN ALBANIE

L’Assemblée parlementaire a débattu du rapport présenté par la commission ad hoc du Bureau pour l’observation des élections législatives en Albanie (23 juin 2013). La mission internationale d’observation des élections comprenait également des délégations de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE et du Bureau des Institutions démocratiques et des Droits de l’Homme de l’OSCE (BIDDH).

La mission internationale a conclu que les élections législatives ont été véritablement pluralistes, que les citoyens ont pris une part active à l’ensemble de la campagne et que les libertés fondamentales ont été parfaitement respectées. Elle a cependant constaté que l’atmosphère de défiance entre les deux principales forces politiques a nui au climat électoral et a compliqué l’administration de l’ensemble du processus électoral.

Mme Maryvonne BLONDIN (Finistère – SOC) a d’ailleurs insisté, dans son intervention, sur l’attitude des deux forces politiques principales qui étaient confrontées dans cette compétition électorale et son heureuse évolution entre la campagne et l’annonce des résultats :

« Membre de la commission ad hoc chargée d’observer le scrutin, je rejoins totalement les conclusions du rapport de notre collègue Petros Tatsopoulos. L’organisation des élections législatives albanaises a été, du point de vue juridique et administratif, relativement satisfaisante.

Les observations du Bureau international des droits de l’homme de l’OSCE et de la Commission de Venise avaient au préalable été intégrées dans le nouveau code électoral publié en juillet 2012. Le code pénal avait été également modifié en ce sens. Reste que la tenue d’une élection ne dépend pas que du cadre légal. L’attitude comme les pratiques des principaux groupes politiques et de leurs dirigeants lors de la campagne ont pu laisser craindre que ce scrutin ne modifierait en rien le climat politique dans le pays et ne déboucherait que sur une énième contestation des résultats, au risque de paralyser un peu plus l’État. S’il y a eu un réel débat de fond, accusations et anathèmes ont par trop marqué les échanges entre les représentants des formations politiques au risque de décrédibiliser le processus dans son ensemble. Pire, la violence constatée lors de certains meetings ou l’assassinat d’un militant, le premier jour de scrutin, pouvaient laisser craindre une dérive. Fort heureusement, le déroulement du scrutin a prouvé, par la suite, que ces manifestations inacceptables dans une démocratie moderne n’étaient que des incidents isolés.

In fine, le plus grand succès de ce scrutin tient à la reconnaissance par Sali Berisha de la défaite de son parti. Elle ouvre incontestablement de nouvelles perspectives pour le pays, qui aura besoin de toutes ses forces vives pour mener à bien toutes les réformes dont il a besoin en vue de pouvoir obtenir le statut de candidat à l’Union européenne. Cette perspective européenne a d’ailleurs été réaffirmée en juillet dernier par le président de la République française, François Hollande, lors du sommet de Brdo, en Slovénie.

Dans le même temps, l’Albanie doit continuer d’améliorer sa législation électorale afin d’éliminer les anomalies observées lors de notre mission. Elle devra surtout s’attacher à distinguer clairement les activités des partis politiques de celles des institutions publiques, et veiller à garantir un fonctionnement impartial et neutre de l’administration à tous les niveaux. Il lui faudra aussi instaurer une politique de santé spécifique, car j’ai constaté que beaucoup d’électeurs étaient malvoyants ! »

Le rapport de la commission ad hoc du Bureau fait plus précisément apparaître qu’en matière législative, des changements importants ont été apportés au Code électoral allant, la plupart du temps, dans le sens des recommandations formulées par la Commission de Venise et le BIDDH. En matière d’administration des élections, la commission fait état du rôle extrêmement important des partis politiques dans les structures concernées qui entraîne notamment une forte politisation des commissions électorales et a parfois aboutit à ce que soient prises des décisions contraires au code électoral. Cependant, les électeurs ont eu dans l’ensemble confiance dans l’exactitude et la qualité des listes électorales et l’inscription des candidats était ouverte à tous, ce qui a permis aux électeurs d’avoir un véritable choix.

La campagne électorale a été dynamique et globalement pacifique, les candidats ayant eu la possibilité de faire campagne librement. Certes, la commission a relevé une confusion constante entre les moyens des institutions publiques et les intérêts des partis et a relevé que certains observateurs internationaux ont fait état d’allégations d’achat de voix. La commission souligne cependant que l’environnement médiatique a été pluraliste et a proposé une variété de contenus, ce qui a permis aux électeurs de faire leur choix en toute connaissance de cause. L’indépendance éditoriale des médias a cependant été entravée par l’influence des milieux politiques.

La qualité des opérations électorales à proprement parler, le jour du scrutin, a été qualifiées de « supérieure à la moyenne », même si le début de la journée a été terni par des actes isolés de violence. L’un d’entre eux s’est soldé par la mort d’un sympathisant de parti des suites de blessures par balles et par deux blessés graves, dont un candidat, à la sortie d’un bureau de vote de Lac (district de Lezhe).

Tout en déplorant ces actes, M. Pierre-Yves LE BORGN’ (Français de l’étranger – SRC) a salué la maturité et le sens des responsabilités des dirigeants albanais, qui permettent d’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire du pays :

« Nous devons nous réjouir du bon déroulement des élections législatives du 23 juin en Albanie, qu’il faut mettre au crédit de tout le pays.

Malgré les vives tensions des quatre dernières années, toutes les composantes politiques albanaises ont fait preuve d’un grand sens des responsabilités. Ces élections ont apporté la démonstration des avancées démocratiques de l’Albanie. La reconnaissance rapide de sa défaite par le Premier Ministre M. Berisha est ainsi l’un des signes forts de cette maturité politique. Hommage doit être rendu au gouvernement sortant comme à la nouvelle coalition conduite par M. Edi Rama.

La classe politique albanaise dans son ensemble a su répondre à l’appel lancé avant les élections par M. Śtefan Füle, le commissaire européen en charge de l’élargissement. La présence importante d’observateurs internationaux pendant la campagne et le jour du scrutin a également été la preuve de l’intérêt européen porté au processus démocratique albanais. J’aimerais souligner combien ces missions d’observation électorale constituent une valeur ajoutée pour les pays en transition.

Au-delà de ces satisfecit, nous ne pouvons que déplorer les incidents, certes isolés mais graves cependant, qui se sont produits lors de cette période électorale, à Lacs notamment. Il faut aussi reconnaître que le retard pris dans l’annonce des résultats officiels le soir du vote est, à juste titre, l’un des points qui a soulevé le plus de critiques de la part des observateurs.

Comme le développe le rapport de M. Tatsopoulos en son point 19, « l’amélioration significative du déroulement des élections démocratiques en Albanie ne peut reposer uniquement sur la législation, mais exige un changement d’attitude et des pratiques des principaux groupes politiques et de leurs dirigeants ». Ce changement, en marche, est essentiel. Il faut notamment dépolitiser le fonctionnement des institutions qui assurent la mise en place des élections, puis la reconnaissance des résultats. Il faudra recenser ce qui a fonctionné à l’occasion de ce scrutin et ce qui mérite amélioration.

Désormais, forts de cette élection pluraliste et régulière, les nouveaux dirigeants doivent relever les défis politiques, économiques et diplomatiques qui se posent à l’Albanie. Dans ce cadre, l’opposition doit aussi jouer tout son rôle.

Chers collègues et amis albanais, vous avez pris vos responsabilités et une vraie alternance démocratique s’est produite dans votre pays. Je peux vous assurer qu’en notre qualité de membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, nous saurons prendre les nôtres pour vous accompagner sur cette route vers l’Europe.

La réussite de ce scrutin était pour votre pays l’une des conditions de l’obtention du statut d’État candidat à l’adhésion à l’Union européenne, il en reste encore d’autres auxquelles le gouvernement Rama s’attellera sans nul doute.

Nous connaissons vos convictions. Si l’Albanie a besoin de l’Europe, et vous nous le dites avec tant de passion, soyez assurés que l’Europe a aussi besoin de l’Albanie. »

M. Bernard FOURNIER (Loire – UMP) a lui aussi insisté sur la portée européenne des élections albanaises et l’importance de leur bon déroulement sur les perspectives de modernisation du pays :

« Monsieur le Président, mes chers collègues, si un certain nombre d’incidents regrettables ont été relevés par les observateurs, le principal enseignement des élections législatives albanaises du 23 juin dernier tient avant tout au sens des responsabilités adopté par la nouvelle opposition qui a su reconnaître sa défaite. Ce constat lucide était à la fois attendu par les Albanais et par la communauté internationale, en particulier l’Union européenne. Bruxelles conditionne légitimement la poursuite des négociations en vue d’une adhésion à terme de l’Albanie à la stabilisation de la vie politique.

Au-delà de la question européenne, c’est bien la modernisation du pays qui est également en jeu. Les réformes structurelles auxquelles doit impérativement s’atteler le pays passent par un fonctionnement normal des institutions démocratiques.

Une feuille de route avait été adressée par l’Union européenne à l’Albanie en novembre 2010. Celle-ci comprenait douze points.

En dépit de l’intensification de la lutte contre la criminalité organisée et des mesures adoptées en matière de protection de l’enfance ou d’amélioration des conditions de vie des détenus, un certain nombre de retards sont encore observables. Il en va ainsi des pressions sur les médias ou encore des lacunes relevées au sein du système judicaire.

Le développement économique continue par ailleurs à être freiné par les failles du droit de la propriété et des contrats. Le manque d’infrastructures et de capital humain ainsi que l’ampleur de l’économie parallèle ont également été relevés par la Commission européenne à de nombreuses reprises.

Je souhaite donc que le nouveau gouvernement travaille de concert avec l’opposition en vue de répondre rapidement à ces objectifs et permettre à l’Albanie de rattraper son retard sur la voie de l’intégration européenne. »

La commission ad hoc du Bureau souligne justement que la polarisation ancienne et vivace de la vie politique entre deux forces principales, le Parti démocrate, dirigé par le Premier ministre d’alors, M. Sali Berisha, et le Parti socialiste, dirigé par M. Edi Rama, a créé un climat peu propice au développement des débats de fond et a nui à la sérénité du contexte général des élections. Elle estime qu’il serait judicieux de réfléchir à l’élaboration et à la mise en œuvre de projets en faveur de l’Albanie dans le cadre des programmes d’assistance électorale du Conseil de l’Europe, en tenant compte des problèmes recensés au cours de ces élections.

B. INTERVENTION DE M. SERGUEÏ NARYCHKINE, PRÉSIDENT DE LA DOUMA D’ÉTAT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

M. Sergueï Narychkine, Président de la Douma d’État de la Fédération de Russie, était invité à s’exprimer devant l’Assemblée parlementaire, un an après un projet similaire qui avait été annulé au dernier moment. M. Narychkine a d’ailleurs commencé son intervention en soulignant que les raisons qui l’avaient poussé à reporter son voyage en 2012 étaient devenues les circonstances de sa présence en 2013.

Le président de la Douma d’État a estimé que les menaces actuelles portées à la paix sont liées directement à l’ignorance du droit et des libertés fondamentales ; or, l’histoire, notamment européenne, montre les dangers de l’indifférence. M. Narychkine a ajouté que, sans morale, il ne saurait exister de vérité historique, et que les pays européens n’ont pas le droit de fermer les yeux sur des comportements qui ne s’inscrivent pas dans les normes juridiques et morales communes.

Le président a plaidé pour un plus grand parlementarisme dans les affaires internationales et a souligné le rôle important joué par l’Assemblée parlementaire et la grande considération que la Fédération de Russie porte à ses débats. C’est pourquoi il a indiqué que les autorités russes ont le sentiment d’une certaine partialité dans la façon dont la Russie est critiquée au sein du Conseil de l’Europe. Il a expliqué ce sentiment par les nombreuses tentatives d’imposer à la Russie et à d’autres pays de nouvelles obligations. Pour lui, la procédure de suivi doit donc être profondément réformée et il convient de passer d’un suivi par pays à un suivi thématique. La pratique actuelle, à l’égard des nouvelles démocraties notamment, conduit à une division au sein de l’Assemblée parlementaire entre les pays considérés comme « purs » sur le plan démocratique et les autres : ceux-là sont soumis à toujours plus d’obligation alors que les premiers ne le sont jamais.

Au demeurant, M. Narychkine a estimé que le Conseil de l’Europe est confronté à bien d’autres problèmes objectifs, comme les atteintes aux normes internationales du droit et l’évolution nécessaire de celles-ci. Le Conseil de l’Europe est doté d’une base juridique unique et doit faire entendre sa voix. D’ailleurs, alors que le caractère absolu des libertés individuelles est bien souvent mis en avant, sans obligation juridique quelconque, chacun sait que, comme le disait Voltaire, « la liberté consiste à ne dépendre que des lois ». Pour le président de la Douma d’État, le Conseil de l’Europe ne doit pas non plus limiter à l’excès son champ d’intervention. En effet, les trois thèmes que sont la prééminence du droit, le respect des droits de l’homme et le développement de la démocratie sont liés à de nombreuses autres priorités de développement. Mais lorsque, sous prétexte d’aborder de prétendus conflits liés à l’actualité, on finit par oublier le développement de la culture, de l’éducation ou de la santé, on en vient à réduire le champ d’activité de l’Assemblée parlementaire et on vide de leur sens des orientations pourtant importantes pour les citoyens d’Europe.

M. Narychkine a également évoqué certains éléments de la politique russe qui inquiètent ses partenaires. Il s’est attaché à justifier l’adoption récente de lois telles que celle relative à l’interdiction des organisations financées par l’étranger, celle relative aux manifestations et réunions publiques, celle sur la protection de l’enfance contre certains contenus sur Internet ou encore celle qui réprime la propagande favorable aux comportements sexuels non traditionnels à l’adresse des mineurs. M. Narychkine a expliqué, par exemple, que la loi instituant une responsabilité pénale pour les offenses aux sentiments religieux visait à tirer les leçons de l’histoire de la Russie et répondait à une demande sociale des très nombreux citoyens qui attendent d’un État démocratique non seulement la reconnaissance mais la défense réelle de leurs convictions. Il a, à cet égard, souligné que ces législations nouvelles faisaient l’objet d’un suivi et que certaines d’entre elles pouvaient faire l’objet d’ajustements, si nécessaire.

Le président de la Douma d’État a conclu son intervention en affirmant que les idéaux humanistes et européens sont une plate-forme commune à tous les citoyens et tous les États du Conseil de l’Europe. Chacun partage la responsabilité du développement futur et la Russie n’a pas choisi la voie du conflit, qui ne conduit qu’à la défaite.

C. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN BOSNIE-HERZÉGOVINE

Aux termes de la Résolution 1115(1997), l’Assemblée parlementaire a décidé de suivre la situation en Bosnie-Herzégovine dès son adhésion au Conseil de l’Europe, qui est intervenue le 24 avril 2002. Deux rapports ont été élaborés par la commission de suivi, en juin 2004 et en septembre 2008. Dans le rapport présenté lors de la quatrième partie de la session 2013, la commission de suivi dresse le constat de l’impuissance des forces politiques à dépasser les antagonismes causes de la guerre ou conséquences de celle-ci et à construire la climat de confiance minimale nécessaire pour surmonter les clivages abyssaux qui en résultent.

Le rapport de la commission ne cache pas que les blocages que connaît la Bosnie-Herzégovine (au niveau de l’État central comme au niveau des deux « entités » qui le constituent) résultent pour partie du système institutionnel complexe et rigide que la communauté internationale a conçu pour mettre fin à la guerre, à la fin de l’année 1995. Mais il souligne également que le cadre issu des accords de Dayton « s’est considérablement resserré du fait même des responsables politiques locaux depuis la guerre ». Le rapport évoque à cet égard « la totale irresponsabilité des partis qui représentent les trois principaux groupes ethniques » auxquels les accords de Dayton ont attribué le monopole de la représentation et du pouvoir politiques à travers la notion de « peuples constituants ».

De fait, les tactiques partisanes ont retardé l’installation de la Chambre des peuples de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine (entité croato-bosniaque) et, par ricochet, la nomination du gouvernement de la Fédération ainsi que l’installation de la Chambre des peuples de Bosnie-Herzégovine pendant plusieurs mois. Au niveau de l’État central, seize mois ont été nécessaires pour former un gouvernement. Cependant, dès juin 2012, trois partis se sont distanciés de la coalition gouvernementale, déclenchant une nouvelle crise tant au niveau de l’État – crise réglée en octobre 2012 – que de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine – crise qui perdurait au moment de la publication du rapport de la commission.

La commission pointe d’autres sujets de préoccupation majeurs. La situation à Mostar est critique, car la Cour constitutionnelle a annulé des dispositions essentielles de son système électoral spécifique, créant un vide juridique ; depuis, l’incapacité des autorités de la Fédération à s’accorder sur les modifications nécessaires de la loi électorale empêche la tenue des élections locales. Le rapport indique à cet égard que « la situation de Mostar témoigne de la montée en puissance des luttes de pouvoir à caractère ethnique qui se livrent en Bosnie-Herzégovine à tous les niveaux, ainsi que la totale incapacité des acteurs politiques à endosser leurs responsabilités. » De même, à Sarajevo, les autorités de la Republika Srpska qui continuent de nier le génocide, même si les dernières élections locales laissent espérer une certaine normalisation.

Surtout, les impasses politiques dans lesquelles est plongée la Bosnie-Herzégovine bloquent la réforme constitutionnelle, qui est notamment indispensable pour mettre en œuvre l’arrêt Sejdić et Finci rendu en 2009 par la Cour européenne des Droits de l’homme. La « feuille de route » adoptée en juin 2012 n’a débouché sur aucune avancée et, si le blocage persiste, les élections de 2014 seront à nouveau organisées en violation de l’arrêt de la Cour. En conséquence, la commission de suivi estime que, plus de quatre ans après l’arrêt Sejdić et Finci, l’Assemblée parlementaire ne devrait pas continuer de tolérer une autre élection contraire à la Convention européenne des droits de l’homme ; elle propose que, si l’on n’enregistre aucun progrès sérieux en temps voulu avant les élections d’octobre 2014, l’Assemblée ne ratifie pas les pouvoirs d’une délégation qui aura été désignée en violation de la Convention européenne des droits de l’homme ; elle ajoute que l’Assemblée parlementaire devrait alors demander au Comité des Ministres d’envisager de suspendre la Bosnie-Herzégovine de son droit de représentation, conformément à l’article 8 du Statut du Conseil de l’Europe.

M. Jean-Pierre MICHEL (Haute-Saône – SOC) a estimé que, nonobstant les obstacles que représentent les institutions issues des accords de Dayton et le comportement des élites politiques de Bosnie-Herzégovine, le Conseil de l’Europe n’a pas à prononcer de sanctions contre ce pays :

« Je me suis rendu l’année dernière en Bosnie-Herzégovine, au nom du Sénat français, et j’ai constaté que s’il y a bien un consensus entre les parties en présence sur les insuffisances des institutions actuelles, chacune d’entre elles préfère faire porter la responsabilité de l’échec à la communauté voisine. Vingt ans après la guerre, dix-sept ans après l’arrêt des hostilités, le vouloir vivre-ensemble relève encore de la fiction. L’identité bosnienne ne s’incarne pas. La Bosnie-Herzégovine n’est pas encore un État.

Les Accords de Dayton ont mis fin à la guerre – heureusement, car ses horreurs continuent de se faire entendre aujourd’hui –, mais ils constituent aujourd’hui un obstacle à la constitution de l’État. Ils ont été bâtis sur la reconnaissance de trois communautés, qui se partagent le pouvoir. Il n’y a pas de volonté commune en Bosnie-Herzégovine. Les partis dits « civiques » demeurent, à l’heure actuelle, écartés de l’exercice du pouvoir, si tant est que celui-ci soit possible. De même, les citoyens qui n’appartiennent pas à ces trois communautés sont juridiquement exclus de toute la vie politique, économique et sociale du pays.

La Cour européenne a condamné ces accords, mais qui en est responsable ? Sont-ce les dirigeants bosniaques actuels ou les institutions internationales elles-mêmes ?

Il y a lieu de s’interroger sur un changement à terme des mentalités, tant la jeune génération paraît peu impliquée dans l’avenir du pays. Elle préfère émigrer ou bien s’adonner à l’illusion d’un islamisme radical de plus en plus présent, notamment dans les rues de Sarajevo, aujourd’hui la ville européenne la plus imprégnée par cette dérive de l’islam.

Le débat sur la réforme constitutionnelle, la simplification administrative ou la réflexion sur une véritable citoyenneté bosnienne est seulement au cœur des travaux d’universitaires expérimentés ayant connu la Bosnie-Herzégovine à l’époque yougoslave, qui ne sont pas dans la réalité d’aujourd’hui.

Pire, le fonctionnement même des écoles empêche l’émergence d’une nouvelle culture politique. L’éducation n’est, en effet, pas une compétence de l’État central. Chacune des communautés a donc un enseignement adapté, niant l’autre. Le cas est particulièrement criant au sein de la fédération croato-bosniaque où fonctionnent une quarantaine d’établissements appelés « Deux écoles sous un même toit ». Les élèves y sont répartis par communauté, entrent dans les locaux par des portes distinctes, leurs temps de récréation n’étant pas commun. Le rôle des autorités religieuses n’est pas anodin dans le maintien de telles structures.

Qui est responsable ? La Bosnie est placée aujourd’hui sous un triple suivi : celui de l’Onu, celui de l’Union européenne et le nôtre. Lorsque l’on voit les immeubles de l’Union européenne et de l’Onu en plein Sarajevo, on ne peut s’empêcher de se demander ce que font les milliers de fonctionnaires présents là auprès des autorités politiques du pays.

Ce n’est pas notre rôle que de prononcer des sanctions. Nous devons aider la Bosnie. Tout espoir n’est pas perdu puisqu’un accord a été conclu entre la Serbie et le Kosovo le 19 avril dernier et qu’hier un nouveau signe positif a été donné à Bruxelles. En l’état actuel des choses, les conclusions de ce rapport apparaissent particulièrement inopportunes. »

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN (Moselle – UMP) s’est également déclarée opposée aux sanctions proposées par la commission mais a dénoncé l’absence de volonté politique pour la réconciliation des parties au conflit :

« Madame la rapporteure, votre travail complet et objectif sur la situation en Bosnie-Herzégovine est remarquable, et je tiens à vous en féliciter.

Près de vingt ans après les accords de Dayton, la situation de ce pays est dramatique.

L’avenir européen de la Bosnie-Herzégovine semble s’éloigner chaque année un peu plus, alors que les autres pays des Balkans occidentaux se rapprochent de l’Union européenne : tandis que la Croatie et la Slovénie sont déjà dans l’Union, des progrès significatifs ont été accomplis en Serbie comme en Albanie. Comment peut-on comprendre que, même pour les négociations sur l’accession à l’Union européenne, la Bosnie-Herzégovine ne puisse avoir « une seule adresse » et qu’il faille négocier séparément avec les deux entités sur certains dossiers ?

Le blocage institutionnel que connaît la Bosnie empêche tout progrès. Les questions ethniques viennent ruiner toute tentative de réforme, à commencer par les amendements constitutionnels nécessaires à une mise en œuvre de l’arrêt Sejdić et Finci. Dans le contexte de la préparation des élections de 2014 et du recensement de la population bosniaque prévu la même année, la rivalité entre les deux principaux partis politiques du pays complique toute avancée vers un accord. Bien sûr, la Constitution issue des Accords de Dayton a ses défauts, mais ceux-ci ne peuvent servir de prétexte à l’immobilisme. Si la classe politique bosnienne ne prend pas ses responsabilités, les réformes exigées pour permettre à la Bosnie d’envisager un avenir dans l’Union européenne ne seront jamais menées à bien.

Alors que l’an prochain nous célébrerons le centenaire du début de la guerre à Sarajevo, nous ne pouvons que constater avec une certaine tristesse que, là encore, les désaccords entre les trois peuples qui constituent le pays viennent perturber la préparation. Cela nous rappelle malheureusement que, si la Bosnie n’est plus en guerre, elle n’est toujours pas en paix, comme le prouve d’ailleurs la tutelle internationale exercée sur ce pays.

L’organisation ONU Femmes soulignait récemment que seize ans après la fin de la guerre, la condition des rescapés des viols en temps de guerre n’avait toujours pas été pleinement pris en compte. Ces femmes victimes et les enfants conçus lors de ces viols font toujours l’objet de stigmatisation et continuent d’être rejetés en marge de la société. Je regrette que cet aspect n’apparaisse pas davantage dans le rapport, car ces femmes sont aussi les principaux témoins des procès liés aux crimes de guerre.

Cette absence de volonté de réconciliation sur ce sujet doit aussi être condamnée. Quelle démocratie bosnienne peut se mettre en place si la justice ne fonctionne qu’au ralenti et si les auteurs des crimes n’essaient pas, au moins un seul instant, de demander pardon ? La rancœur et l’amnésie ne sauraient pourtant constituer l’horizon politique de la Bosnie-Herzégovine.

Il y a quelques semaines, le Président allemand Joachim Gauck s’est rendu dans le village martyr d’Oradour-sur-Glane. La réconciliation franco-allemande doit servir d’exemple, au nom de la paix, de la jeunesse bosnienne et de l’Europe. Quant au Conseil de l’Europe, il peut être l’instance qui aidera ce pays à se construire.

Madame la rapporteure, je suis contre les sanctions, mais je souhaite vivement qu’un meilleur dialogue s’instaure. »

M. Pierre-Yves LE BORGN’ (Français de l’étranger – SRC) a souligné les carences de la classe politique de Bosnie-Herzégovine et appelé ses dirigeants à prendre enfin leurs responsabilités :

« Monsieur le président, le rapport de nos collègues évoque à juste titre le « carcan de Dayton ». Si ces accords avaient été en décembre 1995 le moyen de mettre fin au conflit terrible qui ensanglantait la Bosnie, la Constitution consacrée par leur chapitre 4 est aujourd’hui la cause essentielle des carences de gouvernance dans le pays.

À de nombreuses reprises, notre Assemblée parlementaire a appelé l’attention des autorités de Bosnie-Herzégovine sur la nécessité d’agir pour se donner un nouveau cadre constitutionnel. Peu a finalement été entrepris et cette situation a conduit la Bosnie dans une impasse préoccupante.

Je m’exprime ici, non en donneur de leçons, croyez-le bien, mais en amoureux sincère de la Bosnie et je m’autorise à ce titre l’expression franche que l’on se doit entre amis. Il est inacceptable que ce qui réunisse, peu ou prou, une classe politique par ailleurs systématiquement antagoniste soit le refus d’entendre les attentes populaires et celles de la communauté internationale !

J’en veux pour preuve la manifestation de juin 2013 à Sarajevo contre l’absence de numéro d’enregistrement pour les nouveau-nés, résultant d’un désaccord entre la Fédération et la Républika Srpska sur l’application d’un arrêt de la Cour constitutionnelle. Elle rassemblait pour la première fois bosniaques, bosno-croates et bosno-serbes.

J’en veux pour preuve aussi, sans préjudice des bonnes nouvelles de Bruxelles hier, la non-exécution depuis quatre ans de l’arrêt Sejdić et Finci de la Cour européenne des droits de l’homme sur l’interdiction faite aux membres des minorités nationales ou aux citoyens refusant de se voir rattachés à la notion de “peuples constituants”, de se présenter aux élections à la Chambre des peuples et à la présidence du pays.

Malgré les pressions du Conseil de l’Europe mais aussi de l’Union européenne, le recours systématique au vote par entité et l’interprétation extensive de la notion d’« intérêt vital national » bloque le processus décisionnel et donc toute initiative, tout progrès, toute perspective.

Le respect de l’État de droit n’est pas une suggestion mais une obligation ! Comment accepter la non-exécution de l’arrêt de la Cour constitutionnelle de 2010 sur le système électoral de Mostar, qui a eu pour conséquence l’impossibilité d’y organiser les élections locales en octobre 2012 ?

Toutes ces difficultés minent l’avenir de la Bosnie-Herzégovine. Elles découragent l’investissement international, elles privent la jeunesse bosnienne d’un futur, elles inscrivent l’impuissance communautariste comme le nationalisme comme horizon ultime.

Chers collègues bosniens : vous partagez une communauté de destins qui n’est pas une contrainte, mais au contraire votre chance. Vous avez une obligation immédiate de résultats. Vous avez le devoir avec la communauté internationale de réviser la Constitution de Dayton. Sans qu’il soit nécessaire de parler ici de sanctions, nous attendons de vous que vous preniez vos responsabilités, souverainement, librement, courageusement et surtout rapidement. »

Pour M. Jean-Marie BOCKEL (Haut-Rhin – UDI-UC), les sanctions proposées ne sont pas appropriées, notamment au vu des récentes annonces relatives à un règlement prochain des problèmes soulevés par l’arrêt Sejdić et Finci, mais celles-ci montrent que l’intervention du Conseil de l’Europe a su néanmoins être décisive :

« À ce stade du débat, je crois que tout a été dit, et fort bien, comme d’ailleurs à l’instant, sur le sens et l’utilité de ce rapport, et beaucoup d’interventions convergent. C’est quelque chose entre un électrochoc et une piqûre de rappel, et je crois que nos collègues le comprennent bien comme tel. Le Conseil de l’Europe, c’est vrai, oblige. Le Conseil de l’Europe, c’est une fierté, mais ce sont également des devoirs.

En ce qui concerne l’accord intervenu hier à Bruxelles, un collègue disait que nous ne sommes pas sous les ordres de Bruxelles. Sans doute, mais je crois au contraire que la perspective du débat d’aujourd’hui et celle de la présentation du rapport – ainsi que d’autres éléments, bien entendu – ont contribué à l’accélération du processus qui a conduit à l’accord et au calendrier avec la date du 10 octobre. Voilà un accord qui ne renvoie pas aux calendes grecques. De ce point de vue le rapport est extrêmement utile.

Nous savons que la situation est difficile, complexe – les uns et les autres l’ont dit – mais que tout n’est pas négatif. Il y a eu de la bonne volonté dans la mise en œuvre des arrêts de la Cour, des progrès ont été constatés par le Comité des Ministres et par les parlementaires qui connaissent ce pays mieux que d’autres. Je dirai, à la suite de ma collègue turque, que des sanctions donneraient le sentiment de deux poids et deux mesures, y compris entre pays du Conseil de l’Europe. De ce point de vue, et d’un point de vue strictement pédagogique, eu égard à la manière dont les citoyens et les opinions publiques le comprendraient, prendre des sanctions serait contreproductif, parce que disproportionné à l’heure où quelque chose se passe.

C’est vrai, il y a de l’impatience. C’est vrai, on a quelquefois eu le sentiment de tergiversations, mais aujourd’hui, le processus paraît engagé. Ce débat est extrêmement utile. Je pense que les sanctions ne sont pas appropriées mais que ce débat et ce rapport auront apporté quelque chose. Les responsables des différentes entités l’ont parfaitement compris. Quand je vois la manière dont nos collègues se sont mobilisés, qui demandaient un délai mais affirmaient qu’ils allaient y arriver, pas de sanctions, de grâce ! »

La commission avait déposé un projet de résolution. A la suite de l’adoption d’un amendement insérant une adresse de l’Assemblée au Comité des ministres, le texte soumis à l’Assemblée a été transformé en projet de recommandation, adopté à la majorité des deux tiers. La recommandation rappelle aux autorités de Bosnie-Herzégovine que l’arrêt Sejdić et Finci est juridiquement contraignant et doit être mis en œuvre, et qu’il s’agit d’une première étape dans la réforme constitutionnelle globale nécessaire pour se défaire des contraintes institutionnelles instaurées par la Constitution de Dayton. L’Assemblée regrette vivement que les responsables politiques n’aient pas respecté la feuille de route convenue avec l’Union européenne le 27 juin 2012 dans le cadre du dialogue de haut niveau sur le processus d’adhésion à l’Union européenne.

La recommandation affirme que l’Assemblée ne tolérera plus d’autre élection en violation de l’arrêt Sejdić et Finci et encourage toutes les parties prenantes politiques de Bosnie-Herzégovine à faire en sorte que le pays satisfasse d’ici la fin 2013 aux exigences découlant de l’arrêt Sejdić et Finci. La recommandation demande également au Comité des Ministres d’inviter instamment les autorités et les responsables politiques de Bosnie-Herzégovine à amender sans délai la Constitution et la législation électorale, conformément à l’arrêt Sejdić et Finci.

Enfin, la recommandation précise que l’Assemblée suivra de près la situation en Bosnie-Herzégovine. Si aucun progrès n’est réalisé sur les questions évoqués dans la recommandation avant la fin septembre 2014, l’Assemblée n’aura pas d’autre possibilité que de discuter et de déterminer, lors de la prochaine partie de session d’octobre 2014, les mesures à prendre dans ses relations avec la Bosnie-Herzégovine.

D. LE RESPECT DES OBLIGATIONS ET ENGAGEMENTS DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

La République de Moldova a adhéré au Conseil de l’Europe le 13 juillet 1995 et est sous procédure de suivi depuis 1996. Depuis le dernier rapport de suivi, qui a débouché sur l’adoption de la Résolution 1572 (2007), la République de Moldova a poursuivi les réformes entreprises en vue de satisfaire aux obligations et engagements envers le Conseil de l’Europe. Pour autant, la vie politique a été marquée par deux crises profondes :

– à la suite des élections législatives d’avril 2009, le Parlement a été dans l’incapacité d’élire le Président de la République, une majorité de 3/5 étant exigée ; une élection législative anticipée (juillet 2009) et un référendum constitutionnel (septembre 2010) n’ont pu surmonter le blocage ; après les élections anticipées de novembre 2010, il a fallu encore 16 mois pour parvenir à l’élection de M. Nicolae Timofti à la présidence de la République ;

– le décès d’un homme d’affaires au cours d’une partie de chasse (affaire dite « de l’accident de chasse »), en décembre 2012, a mis au jour des dysfonctionnements au sein de certaines institutions de l’État, notamment le Parquet et les services de protection et maintien de l’ordre, et a provoqué de très fortes tensions politiques entre les partis de la coalition au pouvoir, qui ont duré de janvier à mai 2013.

La commission de suivi relève que les crises politiques qu’a connues la République de Moldova résultent tout à la fois d’une forte polarisation entre la majorité et l’opposition et de la rigidité de certaines règles constitutionnelles. Elle fait part de sa « préoccupation » face à un certain nombre de questions qui restent à traiter, comme la réforme du Parquet, la séparation des pouvoirs et la dépolitisation des institutions judiciaires, la lutte contre la corruption et le bon fonctionnement et l’indépendance du Centre national anticorruption, la liberté des médias, la lutte contre la discrimination, ou la révision du code électoral.

La commission relève également les progrès sensibles intervenus en matière de questions territoriales. S’agissant de la Gagaouzie – qui, après avoir aspiré à l’indépendance à la fin de l’année 1991, bénéficie d’un statut spécial depuis décembre 1994 –, la large autonomie accordée au sein de la République de Moldova peut être considérée comme un bon modèle de coexistence pacifique entre différentes communautés animées par un sentiment national propre. L’effort doit maintenant porter sur l’harmonisation entre le droit édicté au sein de « l’unité territoriale autonome » et les normes juridiques moldaves et internationales. S’agissant de la région transnistrienne – dont le peuplement est majoritairement russophone –, la reprise des discussions au format « 5 + 2 » (Russie, Ukraine, OSCE, États-unis, Union européenne, République de Moldova et autorités de fait de la région transnistrienne) à la fin de l’année 2011 a permis de progresser dans la négociation d’un règlement du conflit. Cependant, le respect des droits de l’homme reste préoccupant et le dialogue pourrait être compromis par certaines initiatives unilatérales prises par les autorités de fait.

La commission salue la coopération sans faille de l’ensemble des autorités et leur volonté de respecter les normes du Conseil de l’Europe. Elle note, à cet égard, que la République de Moldova a ratifié à ce jour 81 conventions de l’Organisation. L’adoption par le Parlement, en juillet 2012, d’un « Plan d’action sur le respect, par la République de Moldova, de ses engagements vis-à-vis du Conseil de l’Europe » reflète la détermination des autorités à aller de l’avant dans ce processus. Pourtant, la commission estime que le pays doit encore engager et mettre en oeuvre des réformes essentielles afin d’assurer l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme. C’est pour cela que son rapport recommande à l’Assemblée de décider de poursuivre la procédure de suivi.

Intervenant au nom du groupe PPE/DC, M. Thierry MARIANI (Français de l’étranger – UMP) a appelé l’Assemblée à soutenir les efforts de la Moldavie pour se conformer aux exigences du Conseil de l’Europe et pour s’arrimer pleinement à l’Europe :

« Le 16 septembre, M. Iurie Leanca, Premier ministre moldave, déclarait : « La Moldavie a fait son choix : l’intégration européenne ». Ce choix, cette volonté de rapprochement avec l’Europe, est devenu l’un des principaux moteurs des réformes. Ainsi, malgré une situation économique et sociale difficile, malgré l’instabilité politique que le pays a connue en début d’année, malgré ses divisions, la Moldavie a accompli de réels progrès.

Cela a été rendu possible par une vraie volonté politique locale – assez rare dans la région pour être signalée. Bien sûr, comme le souligne le rapporteur, des problèmes subsistent. Mais il n’en reste pas moins que la Moldavie est, sans aucun doute, l’un des États de la zone où les progrès sont les plus notables.

Madame et Monsieur les rapporteurs, vous soulignez que des efforts sont à mener dans le domaine de la lutte contre la corruption, qui reste, il est vrai, une des principales faiblesses de l’État moldave. Cependant, le gouvernement Leanca a pris des initiatives en ce domaine qu’il faut saluer. Je pense notamment à l’action énergique de la ministre de l’éducation pour lutter contre la fraude au baccalauréat, action qui a rencontré un fort succès.

Dans le domaine de la justice, il faut aussi noter une amélioration du fonctionnement de l’institution grâce à une collaboration plus efficace entre le procureur général et le ministère de l’Intérieur.

Je pense qu’une partie de la résolution de ces problèmes réside également dans une amélioration substantielle de la situation économique de la Moldavie, qui est quasiment le pays le plus pauvre d’Europe.

Une grande partie du projet de résolution est consacrée à la question de la Transnistrie, preuve de l’importance de ce conflit gelé pour l’avenir de la Moldavie.

Le 23 septembre dernier, pour la première fois depuis 2006, le gouvernement moldave et les dirigeants de Transnistrie se sont assis à la même table. Cette reprise du dialogue est un signe positif du sens des responsabilités de l’État moldave. Le 3 octobre aura lieu une rencontre dans le cadre du groupe 5 + 2. Nous devons nous en réjouir tant ces dernières années tout semblait bloqué. Je salue les efforts du Président de notre Assemblée pour que la situation évolue dans cette région.

Pour accompagner ces progrès, l’Europe doit élargir et approfondir son soutien à la Moldavie qui est déjà important. En cela le sommet du Partenariat oriental de Vilnius le mois prochain sera essentiel pour l’avenir européen de ce pays.

Alors que le Parti communiste, dans l’opposition aujourd’hui, appelle ces dernières semaines, à une « révolution de velours » pour renverser le pouvoir démocratiquement élu, nous nous devons de tendre la main à la Moldavie.

En reconnaissant les efforts accomplis par ce pays, sans équivoque, nous permettrons à la Moldavie, à ses dirigeants et ses citoyens, de mieux défendre leur choix, celui de l’État de droit, de la démocratie, le choix des valeurs européennes ! »

Mme Josette DURRIEU (Hautes-Pyrénées – SOC), intervenant au nom du groupe socialiste, a estimé que la Moldavie étant toujours dans une situation instable aux plan institutionnel et diplomatique, il importait de ne pas prendre de risques en sortant prématurément de la procédure de suivi :

« Je peux témoigner des efforts exceptionnels de ce petit pays. J’ai rapporté ce dossier pendant 14 ans ! J’ai connu trois Présidents de la République et demi, si je puis dire, les générations anciennes et actuelles en politique et même futures. C’est un pays auquel je m’étais beaucoup attachée, vous aussi, je crois, Monsieur le président.

La Moldavie a dépassé beaucoup de crises aigues. J’en ai vécu beaucoup avec eux. C’était étonnant déjà, mais force est de constater que la Moldavie n’a pas résolu tous les problèmes de fond, structurels.

Il y a eu un problème institutionnel. Ils sont restés presque trois ans sans pouvoir élire un Président de la République. Problème d’équilibre des forces, ça viendra ; il y a toujours un Parti communiste fort et une coalition qui ne peut pas être probablement, totalement efficace à cause de sa diversité malgré la présence de brillants leaders. Tout cela sur un fond de corruption qui ne s’atténue pas. On a dans ce pays un problème de gouvernance évident, de stabilité institutionnelle qui n’arrive pas à trouver sa vitesse de croisière.

Au demeurant ils ont fait d’énormes réformes, étonnantes. La dernière année où ils ont élu un Président de la République, il y a eu moins d’avancées majeures. On en attend pour la décentralisation, la justice, etc. Bref la situation n’est quand même pas totalement stabilisée.

La Moldavie a toujours affirmé sa volonté d’engagement européen. Partenariat oriental, politique de voisinage sont les premières options. La Russie est le proche voisin, pas facile. L’Union euroasiatique : hier le Président de la Douma a déclaré : « Ils sont libres. » Non, ils ne le sont pas. « Ils sont informés des conséquences » a-t-il ajouté. Oui, on les connaît. La Moldavie subit un embargo sur le vin, peut-être sur le pétrole et le gaz.

La Transnistrie, n’en parlons pas. Madame la rapporteure, ne faisons pas de la résolution de ce problème une priorité pour mettre fin au monitoring et passer au post-monitoring. Cela ne dépend ni de vous ni de nous, vous l’avez dit à juste titre, mais du partenaire russe.

L’avenir nous devons l’assurer dans les meilleures conditions, à l’instant présent. Arrêter le monitoring, est-ce rendre le meilleur service au meilleur moment à ce pays ? Dans l’instant, je ne crois pas. Cet accompagnement que nous apportons est irremplaçable, il faut le pousser encore un peu. A l’échéance de 2014 et des élections législatives, nous pourrons peut-être apprécier la situation.

Je souhaite à cette Moldavie, à laquelle je suis très attachée, je le répète, un avenir positif fort, immédiat. Mais le moment présent ne nous autorise pas à prendre des risques. »

M. René ROUQUET (Val-de-Marne – SRC), président de la délégation, a rappelé que, dans un contexte économique et diplomatique troublé, la Moldavie pourrait compter sur la solidarité de ses partenaires européens :

« Il y a encore quelques années, lorsque nous évoquions le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldavie, nous le faisions avec sévérité. Avec la sortie de crise du mois de mai dernier, de vrais espoirs de stabilité et de progrès, pour la première fois depuis longtemps, se sont fait jour. Grâce aux réformes et aux plans entrepris, la situation des droits de l’homme et de l’État de droit en Moldavie s’est largement améliorée. Je citerai notamment la mise en place d’un plan national d’action pour les droits de l’homme ou du programme sur l’égalité des genres.

La Moldavie manque de moyens mais avec peu, elle a réussi beaucoup. Elle le doit à une réelle volonté politique de ses nouveaux dirigeants, qui ont pris leurs responsabilités. Nous devons les en féliciter.

Bien entendu, des difficultés subsistent, notamment en matière judiciaire et sur les questions liées à la corruption, mais les réformes vont continuer et se renforcer, j’en suis persuadé.

En effet, dans un mois, un événement fondamental pour l’avenir européen de la Moldavie aura lieu. Le sommet prévu à Vilnius devrait couronner les efforts des participants au Partenariat oriental et tracer des lignes directrices pour l’avenir. L’accord d’association et de libre échange qui devrait être signé entre la Moldavie et l’Union européenne est une chance pour ce pays. Les accords de ce type ont un potentiel gigantesque. Ils peuvent apporter des résultats concrets aux personnes et devenir des instruments pour les réformes. Pour ces jeunes Moldaves qui s’exilent chaque année, c’est l’espoir d’une Moldavie plus prospère, c’est l’espoir de pouvoir élever leurs enfants dans leur pays !

La Moldavie a subi ces dernières semaines des pressions extérieures regrettables, une véritable ingérence dans les choix politiques d’un État souverain. Malgré ces pressions, elle a confirmé son orientation pro-européenne. Je me félicite d’ailleurs de la décision prise par l’Union européenne d’ouvrir son marché aux vins moldaves. Ainsi l’Union européenne a-t-elle fait la preuve que le Partenariat oriental ce n’est pas de la géostratégie, ni seulement une intégration économique : c’est avant tout une solidarité, des valeurs communes pour une Europe unie et libre.

Chers collègues moldaves, vous savez combien la France est attachée à votre pays, combien nos liens sont profonds au travers de cette langue française qui est enseignée jusque dans votre Parlement, grâce à l’Alliance française de Chişinău. Chers amis moldaves, vous avez fait un choix courageux, vous avez fait beaucoup de sacrifices pour cela. Soyez certains que la France continuera à vous soutenir. La solidarité européenne ne sera pas un vain mot. »

La résolution adoptée par l’Assemblée se fait l’écho des éléments du rapport consacrés, soit aux progrès observés ces dernières années – comme les efforts déployés pour se conformer aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme –, soit des sujets de préoccupation qui restent prégnants – comme l’étendue de la corruption dans le système judiciaire, la police, l’éducation et le système de soins ou les déficiences du processus électoral. La résolution affirme que la communauté internationale doit continuer de soutenir les efforts de démocratisation et l’aspiration de la République de Moldova à se conformer pleinement aux normes du Conseil de l’Europe ; elle invite donc le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à poursuivre les programmes de coopération avec la République de Moldova.

Au vu des obligations et engagements qui demandent toujours à être pleinement respectés, l’Assemblée a décidé de poursuivre la procédure de suivi concernant le respect des obligations et engagements pris par la République de Moldova, mais s’est dite prête à examiner la possibilité d’évoluer vers un dialogue postsuivi si les réformes attendues étaient mises en œuvre.

E. DÉBAT D’URGENCE : LA SITUATION EN SYRIE

L’Assemblée parlementaire a consacré un débat d’urgence à la situation en Syrie, marquée, depuis la précédente partie de session, par l’attaque chimique à grande échelle perpétrée le 21 août dernier dans la périphérie de Damas et par l’adoption par le Conseil de sécurité de l’ONU de la Résolution 2118, le 27 septembre.

Le rapport présenté par la commission des Questions politiques rappelle que, depuis le début du soulèvement populaire, en mars 2011, la guerre entre le régime de M. Bachar el-Assad et différents groupes d’opposants en Syrie a fait plus 100 000 morts et est à la cause de plus de 2 millions de réfugiés et de plus de 4 millions de personnes déplacées. Les deux camps ont été accusés d’atrocités et des allégations d’emploi d’armes chimiques par les deux camps avaient été formulées dès avant le 21 août. Dans le même temps, le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas été en mesure, jusqu’aux jours derniers, d’adopter une résolution sur la situation en Syrie, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis d’un côté, la Chine et la Fédération de Russie de l’autre ne parvenant pas à dégager un accord.

Le rapport souligne également que la population syrienne constitue une mosaïque de groupes ethniques, culturels et religieux, et que cette diversité, au même titre que l’intégrité territoriale de la Syrie, doit être préservée. Pour autant, il relève que deux ans et demi après le début du soulèvement et de sa sanglante répression, les divisions au sein de l’opposition sont de plus en plus profondes ; le rapport essaie alors, dans la perspective de la prochaine conférence de paix, d’expliciter la composition complexe de l’opposition syrienne et d’éclairer son mode de fonctionnement, qui sont l’une des clefs de la résolution de la crise. Des développements substantiels sont consacrés aux tensions qui s’exacerbent entre l’Armée syrienne libre et divers groupes islamistes, dont certains affichent une orientation salafiste extrémiste, voire seraient affiliés ou alliés à Al-Qaïda. Ces tensions expliquent pour partie la faiblesse politique de la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution syrienne.

Après avoir rappelé les événements du 21 août, les réactions internationales que ces événements ont provoquées, la façon dont les armes chimiques sont traitées en droit international, les conditions d’adoption de la Résolution 2118 du Conseil de sécurité de l’ONU et les éléments de ce que l’on doit appeler un désastre humanitaire, le rapport de la commission des Questions politiques souligne que le fait d’être passé de l’éventualité de frappes militaires contre les forces gouvernementales syriennes – en dépit de l’absence d’une décision du Conseil de sécurité – à un accord de coopération multinationale reconnaissant le rôle central des Nations Unies et de l’OIAC est, en soi, un fait remarquable. La commission reconnaît cependant que « même si l’on ne recourt plus aux armes chimiques en Syrie, on continuera d’y mourir tous les jours, y compris des civils, des femmes, des enfants, en raison de l’emploi d’armes conventionnelles ». Elle estime également qu’en convenant de procédures de désarmement complexes et de contrôles réguliers stricts, les États membres du Conseil de sécurité ont pris un engagement à long terme et ont sans doute su davantage faire renaître l’espoir de mettre fin au conflit que ne l’auraient fait des frappes militaires. S’il réussit en Syrie, le processus engagé avec l’adoption de la Résolution 2118 pourrait aussi offrir la possibilité d’un désarmement plus large au Moyen-Orient et contribuer à mettre fin à l’impasse sur le programme nucléaire iranien. Pour ce qui touche à la Syrie proprement dite, la pierre de touche du rôle de la communauté internationale sera la fin même de la guerre civile et – tâche encore plus ambitieuse à long terme – la mise en place d’un Etat démocratique, pluriel et stable.

M. Rudy SALLES (Alpes-Maritimes – UDI) a souligné l’étroitesse des voies qui conduiront à la construction d’une nouvelle Syrie et a appelé à une plus grande implication de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la Méditerranée :

« La guerre civile qui endeuille la Syrie depuis plusieurs années appelle de notre part la plus grande détermination, mais aussi le réalisme le plus éclairé. Il ne s’agit pas de se laisser aller à quelque simplification entraînant des solutions qui pourraient paraître logiques, mais qui exposeraient les civils, et parmi eux les plus faibles, à des dangers encore plus grands.

Nous sommes tous d’accord pour dire que le régime de Bachar el-Assad ne peut pas continuer de diriger ce pays comme si rien ne s’était passé. Mais chasser un régime est une chose, le remplacer en est une autre. Il y a quelques mois, certains dirigeants occidentaux s’affichaient avec des représentants de l’opposition syrienne, somme toute a priori fréquentables. Certains allaient même jusqu’à proposer de leur vendre des armes afin de s’organiser contre le régime syrien.

Seulement voilà, l’opposition syrienne est une nébuleuse assez complexe qui n’est pas composée uniquement de démocrates et de militants des droits de l’homme, loin s’en faut ! Les djihadistes, les représentants d’Al-Qaida font partie de cette nébuleuse et participent largement aux exactions constatées dans ce pays, faisant souffrir le peuple avec une rare cruauté. Ainsi faut-il craindre que la disparition du régime actuel ne laisse la place au chaos dans les mains des terroristes.

C’est pourquoi je crois plus que jamais indispensable de rechercher la solution politique qui permette une ouverture de la Syrie aussi bien sur le contrôle et l’éradication des armes chimiques que sur la démocratisation. Aidons les Syriens à trouver la voie d’une meilleure gouvernance sans plonger ce peuple dans l’abîme.

Je me félicite donc des efforts déployés depuis plusieurs mois par la Russie ainsi que du dialogue qui s’est noué entre ce pays et les pays occidentaux, notamment les États-Unis. C’est, me semble-t-il, le seul moyen pour espérer une issue satisfaisante tant pour le peuple Syrien que pour la paix au Moyen-Orient ; et donc dans le monde.

La fermeté doit s’accompagner de la lucidité permettant de sortir de cette crise qui a déjà fait trop de victimes. Je souhaite que l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe en lien avec l’Assemblée Parlementaire de l’Union pour la Méditerranée puisse s’associer, d’une façon ou d’une autre, à cette mission de pacification où la haine doit pouvoir laisser la place au dialogue et où la guerre doit céder face aux pressions de la paix. »

Mme Brigitte ALLAIN (Dordogne – ECOLO) a attiré l’attention sur le sort des populations civiles et a souhaité que les pays européens ouvrent largement leurs portes aux réfugiés syriens :

« Le soulèvement du peuple syrien est né dans le sillage du « printemps arabe ». Ce mouvement de liberté, d’exigence de dignité et de justice sociale a été réprimé dans le sang par le pouvoir dictatorial syrien. L’utilisation, jusqu’à preuve du contraire, par le régime de Bachar el-Assad, de gaz chimiques contre sa population le 21 août dernier, en violation des conventions internationales, marque une ascension dans la terreur de cette guerre civile.

Si nous pouvons nous féliciter de l’adoption, enfin, d’une résolution à l’Onu, nous n’ignorons pas que de nombreux belligérants qui combattent les droits humains de liberté et de démocratie, se sont emparés de ce conflit et affaiblissent les activistes laïcs.

Le sort des populations civiles est particulièrement inquiétant. L’immense problème des réfugiés de Syrie reste plus urgent que jamais. Le coût humain de la tragédie syrienne est lourd depuis 2011 : 100 000 morts, 2 millions de réfugiés et plusieurs millions de déplacés. La moitié a moins de dix-sept ans.

Nous sommes face à une situation humanitaire terrible et face à un risque fort de déstabilisation de toute la région. Le Liban, la Jordanie, la Turquie et l’Irak ont fait preuve de générosité à l’égard de leurs voisins, au prix de sacrifices.

Comme l’indiquait avec raison M. Guterres, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, en début de semaine : « Le conflit en République arabe syrienne ne représente pas seulement une menace à la paix et à la sécurité globale, mais pose des problèmes structurels fondamentaux aux pays de la région. Ils sont aux prises avec d’énormes bouleversements démographiques du fait de l’afflux des réfugiés mettant à mal leur tissu social et économique. »

Est-il encore concevable de laisser ces pays supporter seuls le poids des réfugiés ? Est-il normal que, parmi les dix-sept pays qui vont partager cette charge, plus de la moitié soient des pays en développement ? Non.

Les pays européens devraient ouvrir leurs frontières aux réfugiés syriens et prendre des engagements chiffrés pour leur venir en aide, en activant notamment la directive européenne de 2001, dite de « protection temporaire », qui permet d’ouvrir largement les frontières de l’Europe dans une situation d’urgence.

Les ONG ont insisté fort justement sur la nécessité de rappeler à l’ensemble des belligérants l’impératif de respecter le droit humanitaire international, d’assurer l’accès des organisations humanitaires à l’ensemble du territoire syrien et de garantir des corridors humanitaires pour acheminer l’aide sanitaire et alimentaire.

Enfin, les crimes graves commis en Syrie contre la population civile – avec des armes chimiques ou des armes conventionnelles – ne peuvent rester impunis. Il faut rendre justice aux milliers de victimes. Le rôle de la Cour pénale internationale doit être affirmé avec force !

Alors que nous débattons, des civils meurent. L’histoire jugera le Conseil de l’Europe à son courage et à son unité sur ce vote. »

M. René ROUQUET (Val-de-Marne – SRC), président de la délégation française, a rappelé les multiples dimensions, militaire, politique, diplomatique, humanitaire, de la crise syrienne, qu’il faudra prendre en compte pour le règlement du conflit :

« La résolution 2118 adoptée le 27 septembre est un premier signe d’espoir. Le Conseil de Sécurité de l’Onu devient désormais, comme le demandait la France, le garant du désarmement chimique et qualifie l’utilisation de celles-ci de menace pour la paix. Damas a – enfin – pris des engagements devant toute la communauté internationale ; ces engagements devront être respectés.

Cette avancée sur les armes chimiques ne doit cependant pas nous faire oublier que la priorité est maintenant de trouver les conditions d’une solution politique qui, seule, permettra de mettre fin à la crise.

Le communiqué de Genève du 30 juin 2012, qui prévoit la mise en place d’un gouvernement de transition doté de tous les pouvoirs exécutifs – y compris les forces de police et de renseignement –, doit servir de base à la conférence « Genève 2 ».

Un des défis de « Genève 2 » sera la représentation de l’opposition syrienne. Si nous souhaitons un avenir démocratique pour la Syrie, nous devons renforcer notre soutien à l’opposition modérée.

C’est pourquoi il est très important de se mobiliser autour de la Coalition nationale syrienne, qui a besoin d’un appui international. La France a d’ailleurs organisé jeudi 26 septembre à New York une grande réunion de soutien à la Coalition nationale syrienne, autour de son président, Ahmad al-Assi al-Jarba.

Une tragédie humanitaire se joue devant nos yeux. Nous ne pouvons pas laisser les pays voisins de la Syrie assurer seuls la charge des réfugiés. Nous ne pouvons pas abandonner les personnes déplacées. Tout doit donc être mis en œuvre pour qu’un accès humanitaire immédiat, libre et sans entrave, soit garanti à toutes les populations dans le besoin.

De même, les demandes d’entraide émanant des réseaux civils syriens impliqués directement dans l’assistance humanitaire ainsi que celles de l’Assistance Coordination Unit devraient être soutenues.

Le vote – enfin acquis – d’une résolution au Conseil de Sécurité de l’Onu, la probable tenue d’une conférence sur la Syrie vers la mi-novembre sont autant de progrès que nous devons saluer. Cependant, nous devons rester lucides et faire preuve de prudence, même si la volonté est forte au Conseil de sécurité de mettre en place un dialogue politique entre les parties. N’oublions pas que les combats continuent de faire des victimes chaque jour ! N’oublions pas que pour l’instant les stocks d’armes chimiques existent toujours !

Par ailleurs, nous ne pourrons tolérer que la nouvelle Syrie ne respecte pas les droits des minorités et des femmes. Nous serons également attentifs au contexte régional – je pense en particulier au Liban, dont la situation est préoccupante.

Enfin – car c’est un point important – la Syrie est un pays en ruine. Les bombardements ont touché les habitations, mais aussi un patrimoine culturel unique au monde. Nous ne devons pas l’oublier, même si aujourd’hui l’urgence absolue est de protéger les civils en trouvant une solution politique efficace. »

Mme Marie-Louise FORT (Yonne – UMP) s’est réjouie que la piste d’un règlement politique soit revenue au premier plan et a affirmé l’impérieuse nécessité que la Syrie post-conflit ne soit pas prise en otage par les ennemis de la démocratie et des droits de l’homme :

« L’adoption de la résolution 2118 est un pas important vers un espoir de paix après deux ans de guerre civile. Radio France internationale soulignait cette semaine que « La Syrie ne serait ni l’Irak ni la Lybie, c’est le choix de la communauté internationale ».

Cette résolution a le mérite d’avoir réussi faire jaillir, enfin, une position internationale sur ce conflit alors que depuis plusieurs mois, celle-ci avait du mal à s’unifier.

Le rapprochement entre Russes et Américains en marge du G20 de Moscou a permis, il faut le reconnaître, la résurgence d’une conscience internationale. Il est d’ailleurs regrettable que l’Europe n’ait pas joué un rôle plus capital.

Cette volonté de la communauté internationale de favoriser un règlement politique ne peut que me réjouir, d’autant plus que les conclusions des experts de l’Onu sur l’attaque chimique du 21 août ne désignaient formellement aucun responsable. C’est d’ailleurs une des grandes difficultés des guerres civiles. Identifier les responsables est un exercice délicat et nous devons agir avec prudence. Les exactions sont commises par tous les camps. La haine, la vengeance rendent les guerres civiles encore plus barbares car la population civile en est la principale victime.

Monsieur le rapporteur, vous soulignez que la Syrie est une mosaïque ethnique, religieuse et culturelle. C’est également un pays laïc. La solution politique à ce conflit devra donc prendre en compte tous les Syriens.

Nous devrons aussi tirer les leçons du « printemps arabe » et ne pas laisser, au nom de la liberté, les ennemis de la démocratie et des droits de l’homme prendre le pouvoir.

Je serai particulièrement attentive au respect des droits des minorités, des chrétiens de Syrie et des femmes. Il n’y aura pas de démocratie syrienne sans cela. La question des réfugiés et des personnes déplacées devra également être traitée avec détermination pour permettre aux populations de retourner chez elles, comme elles y aspirent légitimement.

La conférence sur la Syrie qui devrait avoir lieu en novembre ne sera un succès que si, en plus d’arrêter la guerre, elle permet la pacification du pays, nécessaire au retour du tiers de la population syrienne jeté sur les routes par la guerre civile.

Il reste encore beaucoup d’obstacles et d’incertitudes sur la route de Genève. Une des questions principales est de savoir qui représentera l’opposition plurielle au régime. Accepteront-ils de venir pour former un gouvernement de transition sans discuter de l’avenir de Bachar el-Assad, qui garde, on le sait, bien des partisans en Syrie ? Quels pays seront présents ?

En attendant, des civils souffrent, des enfants meurent, des femmes sont violées : « Genève 2 » doit avoir lieu. « Genève 2 » a une obligation de résultat, sur la voie sage et prudente de la solution politique et non militaire. Un pas vers la paix, du moins devons-nous le souhaiter. »

La recommandation adoptée par l’Assemblée réaffirme avec force qu’il ne peut y avoir d’impunité pour ceux qui commettent des crimes contre l’humanité, quels qu’ils soient et où qu’ils soient. Elle exprime la satisfaction de l’Assemblée que, dans le contexte des menaces de frappes militaires, les efforts diplomatiques aient conduit, à la mi-septembre 2013, à un accord-cadre entre les États-unis et la Russie sur l’élimination des armes chimiques syriennes et à l’adoption de la résolution 2118 du Conseil de sécurité des Nations unies énonçant les modalités de son application.

La recommandation appelle le Comité des Ministres à exhorter les gouvernements des États membres à faire pression sur toutes les parties pour assurer le respect des cessez-le-feu nécessaire à la mise en œuvre du plan sur l’élimination des armes chimiques et à octroyer des ressources supplémentaires à l’OIAC pour qu’elle puisse s’acquitter de sa tâche. Elle l’appelle à faire de même pour que les États membres s’engagent vigoureusement à soutenir les efforts visant à établir un cessez-le-feu, à conforter l’opposition favorable à la démocratie et à la tolérance et à œuvrer à la réussite de la conférence de Genève 2.

La recommandation ne prône pas la chute du régime actuel mais appelle à l’établissement, en Syrie, d’un État démocratique stable et sans exclusive, qui respecte les droits de l’homme et les droits des minorités ethniques, culturelles et religieuses.

F. INTERVENTION DE M. TOMISLAV NIKOLIĆ, PRÉSIDENT DE LA SERBIE

Après deux tentatives infructueuses, en juin 2004 et février 2008, face à son adversaire Boris Tadić, M. Tomislav Nikolić a été élu président de la République et Serbie lors des élections de mai 2012. Il a milité pendant plusieurs années pour un rapprochement entre la Serbie et l’Union européenne, ayant d’ailleurs démissionné de la présidence du Parti radical serbe en raison de l’opposition de son bureau politique à cette ligne politique.

M. Nikolić a tout d’abord souligné que dix ans après son adhésion au Conseil de l’Europe, la Serbie se félicite de l’assistance durable que lui offre l’Organisation en vue du développement de la démocratie dans le pays. La Serbie s’est d’ailleurs acquittée de la quasi totalité des engagements pris lors de son adhésion. De nombreuses réformes ont été adoptées et, encore récemment, l’Assemblée nationale a adopté une Stratégie nationale pour la réforme de la justice – qui vise à renforcer l’indépendance, l’impartialité, la qualité et la responsabilité du système judiciaire – et une Stratégie nationale de lute contre la corruption – qui vise à supprimer cette barrière au développement économique et sociale, qui appauvrit la société et l’État et mine la confiance des citoyens dans les institutions. Le président de la Serbie a également indiqué appuyer la promotion par le Conseil de l’Europe du mécanisme de suivi, tout en se disant favorable à la fixation de critères plus clairs et mieux mesurables pour la décision de mettre un terme au processus de suivi.

M. Nikolić a fait part de la bonne volonté de la Serbie dans la recherche d’un règlement du différend entre Belgrade et Pristina, sous l’égide de l’Union européenne. Le premier accord de principe destiné à normaliser les relations entre les deux parties, qui a été conclu au printemps dernier, devrait apporter une stabilité nécessaire. Au demeurant, les autorités de la Serbie ne sont nullement hostiles à ce que les institutions provisoires du gouvernement du Kosovo-et-Métochie participent aux activités et politiques du Conseil de l’Europe sur une base fonctionnelle et que les populations de ce territoire bénéficient pleinement des droits et garanties offerts par le système européen de protection des droits de l’homme. Pour autant, le Conseil de l’Europe doit conserver son statut de neutralité, et une décision devra être prise au sujet de la majorité des habitants de nationalité albanaise, afin d’éviter toute sécession du Kosovo-et-Métochie par rapport à la Serbie.

Le président de la Serbie a ensuite évoqué l’héritage des guerres qui ont déchiré les pays de l’ex-Yougoslavie. Il a mis en avant la déclaration adoptée par l’Assemblée nationale où celle-ci condamne les crimes commis à Srebrenica, qui traduit la ferme volonté de la Serbie de participer au processus de réconciliation et à la coopération régionale. La Serbie attend avec patience que les autres parties fassent preuve de courage et de responsabilité.

M. Nikolić est revenu sur les évolutions positives qu’a connues la Serbie ces dernières années, notamment en matière de promotion de l’égalité et de lutte contre les discriminations, ou encore en matière de liberté d’expression, qui a été conforté par la dépénalisation de la diffamation. Si la situation des groupes LGTB est encore perfectible, compte tenu de l’état d’esprit général de la population, la Serbie a d’ores et déjà consenti un effort important en faveur des minorités nationales, sur la base des conventions du Conseil de l’Europe sur les minorité nationale et sur les langues régionales. M. Nikolić a affirmé que la Serbie est réellement engagée à poursuivre sa coopération avec le Conseil de l’Europe pour respecter pleinement ses valeurs et assurer le bien-être de ses citoyens, et qu’elle compte sur son appui pour ne pas laisser passer la chance qui s’offre à elle.

M. Jean-Pierre MICHEL (Haute-Saône – SOC) a interrogé le président Nikolić sur l’impact éventuel de l’accord entre Belgrade et Pristina sur les relations serbo-albanaises :

« Monsieur le Président, votre pays a signé le 19 avril dernier un accord historique avec le Kosovo en vue de normaliser vos relations. Sa concrétisation constituera à n’en pas douter un signal important pour l’ensemble de la région.

Je relève cependant que cette démarche courageuse de votre part en faveur de la paix dans les Balkans conduit quelques personnalités de Tirana à voir dans cette normalisation une première étape vers la grande Albanie. Quelles sont donc vos relations avec l’Albanie qui doit, elle aussi, participer à conforter la paix dans les Balkans ? »

M. Nikolić a évoqué les risques que pourraient faire peser sur la région des revendications de création d’une « grande Albanie » et a exprimé sa confiance dans les autorités albanaises et les institutions politiques européennes :

« Je n’ai pas eu de contacts personnels avec des représentants d’Albanie. Si j’ai rencontré son Président et son ministre des Affaires étrangères dans un cadre privé, je n’ai rencontré personne, si ce n’est bien sûr dans le cadre de la réunion des ministres des Affaires étrangères.

L’Albanie s’est engagée à ne pas insister sur la création d’un État unifié albanais. Au cours de la campagne des élections législatives, certains candidats ont évoqué ce rêve de former un État unique albanais dans les Balkans, ce qui ne serait acceptable ni pour nous ni pour l’Europe. La Serbie n’a pas d’influence sur les autres pays, nous avons besoin des organisations internationales et de l’Union européenne en la matière.

Des populistes albanais rêvent aussi d’une grande Albanie, mais les hommes et les femmes politiques connaissent la réalité. Ce ne serait pas une bonne chose pour l’Europe.

Que certains aient reconnu l’indépendance de pays en sécession est un précédent, mais autoriser la création d’une grande Albanie serait une mauvaise chose. Qui sait où cela nous mènerait ? Des Albanais vivent en Macédoine, d’autres au Monténégro. Pourquoi seuls les Albanais vivant chez nous seraient-ils attirés par un tel projet ?

Peut-être la création d’une grande Albanie est-il l’objectif de certains. C’est la raison pour laquelle la prudence s’impose. Aux termes du droit international que nous devons tous respecter, une minorité ne peut faire sécession d’un pays souverain. Que se passerait-il si tout mouvement sécessionniste de par le monde se voyait accorder le droit de créer un État indépendant ? Et d’ailleurs que diriez-vous si cela arrivait dans votre pays ? Pensez aux populations concernées.

J’ai été témoin de conflits et de guerres tout comme les membres de ma famille et mes collaborateurs. Je ne voudrais pas que quelqu’un d’autre ait à vivre cela. Je ne le souhaite à personne. »

G. DÉBAT LIBRE

La réforme du Règlement entrée en vigueur au début de la session 2012 prévoit l’organisation d’un débat libre. Les parlementaires disposent de trois minutes pour intervenir sur un sujet qui n’est pas inscrit à l’ordre du jour.

Mme Josette DURRIEU (Hautes-Pyrénées – SOC) a dénoncé la persistance d’une forme d’apartheid social dans les pays d’Afrique australe :

« Je vous présenterai un petit message d’humeur dans un débat libre, pour parler de ce dont on ne parle jamais : le Sud, l’Afrique, pour dire que l’apartheid n’a pas disparu.

Je me suis rendue la semaine dernière en Afrique australe – en Angola, Namibie et en Afrique du Sud – et je vais me rendre prochainement à Lisbonne pour un séminaire sur l’émancipation des populations du sud de la Méditerranée.

Alors non, l’apartheid n’a pas disparu. Et la Namibie fait partie de ces petits pays privilégiés. La capitale Windhoek est très sympathique. Cela dit, quand on traverse ces différents quartiers, séparés par des no man’s land qui isolent les quartiers ultrachics, les quartiers des classes moyennes de ceux de la véritable Afrique noire où l’on ne trouve pas un seul Blanc et que l’on entre dans le sein du township de Windhoek, effectivement, on se dit que Nelson Mandela n’est pas mort, mais que l’apartheid non plus n’a pas disparu.

Les townships sont des bidonvilles comme ceux que nous connaissons, nous tous qui voyageons un peu partout. Ils présentent la particularité d’être construits en tôle. Sous le soleil, il fait plus de 40 degrés l’été, moins 4 ou moins 5 degrés l’hiver. Et c’est la misère – que l’on voit essentiellement dans le regard d’un enfant.

Cet impératif de justice sur ce continent africain passera par son développement, qui devra, c’est essentiel, recouvrir un ensemble d’aspects. C’est à cette condition seulement que tous les hommes, et non pas uniquement une élite de ces pays, seront émancipés.

Par ailleurs, on dit que l’Afrique sera le continent du XXIe siècle. Je le pense. La puissance des atouts est énorme dans le sous-sol qui recèle du pétrole et des diamants, mais l’Afrique compte bien d’autres atouts encore.

Je pense à une jonction de l’Afrique avec l’Europe des rives sud de la Méditerranée et avec le Maghreb. La verticalité de la situation devrait pousser l’Europe à se concentrer sur cette Afrique en devenir et porter un regard vers le sud et ses populations. »

Prenant appui sur le débat français récemment ouvert sur la transition énergétique, M. Jean-Yves LE DÉAUT (Meurthe-et-Moselle – SRC) a appelé à améliorer la coopération et la coordination européennes dans le domaine de l’énergie :

« Il y a en ce moment en France un débat sur la transition énergétique. Une loi sur le sujet sera d’ailleurs votée au printemps prochain. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques que je copréside à l’Assemblée nationale a rendu récemment un rapport donnant son avis sur les conditions de cette transition énergétique. Les débats internes ont montré que l’on n’a sans doute pas pris suffisamment en compte la place de la coordination européenne dans la réussite de la transition énergétique.

L’Union européenne intervient d’ores et déjà à trois niveaux dans l’organisation du système énergétique à l’échelle du continent, mais les liens avec le Conseil de l’Europe sont faibles. Le premier niveau est la définition des grands objectifs définis dans le cadre des négociations internationales sur le climat. L’Union fait interface commune, en application de l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, puis organise le dialogue pour la déclinaison des objectifs globaux en objectifs nationaux, en application de l’article 192, comme cela s’est passé pour l’objectif « trois fois vingt ». Deuxième niveau, l’Union contribue à l’aide au financement à travers le budget de la recherche (Horizon 2020) et les fonds structurels, mais l’article 192 prévoit que « les États membres assurent le financement et l’exécution de la politique en matière d’environnement ». Enfin, troisième niveau, l’Union intervient dans quatre domaines : le bon fonctionnement du marché de l’énergie ; la sécurité de l’approvisionnement énergétique ; la promotion de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables ; l’interconnexion des réseaux énergétiques.

La coordination dans le domaine de l’énergie s’appuie essentiellement sur un contrôle a posteriori, or l’interdépendance entre les États en matière énergétique est croissante. On ne réussira pas la transition énergétique sans liens plus étroits entre les États.

Des progrès dans la coordination a priori sont donc indispensables. Il est urgent que les politiques d’investissement dans l’énergie, y compris pour les efforts d’innovation, soient décidées en concertation, sur le modèle de ce qu’on parvient à faire dans le domaine de l’aéronautique, par exemple. Le Conseil de l’Europe a lui aussi un rôle important à jouer en faveur de la transition énergétique. »

IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

A. LES ACTIVITÉS DE L’ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES (OCDE) EN 2012-2013

Les activités de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont traditionnellement présentées devant l’Assemblée parlementaire à l’occasion de la quatrième partie de session. L’Assemblée s’élargit, à cette occasion, aux délégations des parlements nationaux des États membres de l’OCDE non membres du Conseil de l’Europe (à savoir les délégations australienne, canadienne, chilienne, israélienne, japonaise, mexicaine et coréenne). À la suite de la réforme du Règlement entrée en vigueur en janvier 2012, le rapport correspondant est désormais présenté par la commission des questions politiques et de la démocratie.

Le rapport relève que les recommandations de politique économique directement inspirées du libre-échange et de l’application généralisée des mécanismes de marché, assorties d’une réduction de l’intervention de l’État, sont désormais plus souvent contestées par les gouvernements auxquelles elles sont adressées et que leur place dans le discours de l’OCDE tend à décroître. D’ailleurs, l’OCDE a lancé en 2012 l’initiative « Nouvelles approches face aux défis économiques » afin de rénover son cadre conceptuel d’analyse économique. La commission souligne aussi les risques encourus par les pays asphyxiés par la dette, notamment parce qu’ils peuvent ne pas tirer profit de politiques généralement considérées comme bénéfiques à la croissance et parce que les ajustements résultant de réformes dites « structurelles » se traduisent par une baisse des prix et des salaires qui renforcent la spirale déflationniste.

La commission analyse avec une acuité particulière les questions relatives aux travaux récents de l’OCDE en matière de fiscalité et de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, en soulignant l’intérêt du projet sur l’« Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices » (BEPS). Elle estime en effet que la capacité des gouvernements à lever des fonds par l’impôt afin de financer des services publics nécessaires est un socle fondamental pour ancrer la démocratie. Quand les actions de sociétés et d’individus sapent les capacités financières légitimes des gouvernements, les bases mêmes de la démocratie et du développement équitable sont menacées. Aux yeux de la commission, l’OCDE doit continuer à jouer un rôle moteur dans les efforts internationaux pour une plus grande équité des politiques fiscales dans le monde entier.

Le rapport consacre également des développements aux conséquences que l’inefficacité des réponses politiques et l’injustice fiscale pourraient avoir sur la confiance des citoyens à l’égard des institutions démocratiques dans la période de crise économique et de chômage que traverse l’Europe.

Comme les années précédentes, M. Angel GURRÍA, Secrétaire général de l’OCDE, était invité à intervenir devant l’Assemblée parlementaire et à répondre aux questions des délégués. Il a rappelé que, si les perspectives économiques sont aujourd’hui un peu meilleures, les blessures sociales de la crise sont loin d’être pansées et le chômage reste à des niveaux insupportables. La crise a également provoqué une montée des inégalités qui, au-delà des seuls revenus, concernent aussi la santé et l’éducation.

Pour relever ces défis, l’OCDE a compris qu’il fallait changer d’approche. Le Secrétaire général a souligné que l’un des résultats les plus productifs du dialogue entre le Conseil de l’Europe et l’OCDE est, justement, la mise au point des « Nouvelles approches face aux défis économiques », qui visent à tirer les enseignements de la crise pour améliorer les cadres conceptuels d’analyse et les conseils de politique économique délivrés par l’OCDE à ses États membres, en vue de concevoir un modèle de croissance économique « inclusif et résilient ».

M. Angel GURRÍA a ensuite évoqué les travaux de l’OCDE en matière fiscale, l’idée étant d’arriver à une économie équitable et juste, qui requiert des finances publiques saines et suppose que les gouvernements coopèrent pour mettre un terme à la fraude et à l’évasion fiscale des multinationales. M. GURRÍA a précisé que les lois fiscales nationales sont en décalage par rapport à la mondialisation des affaires et par rapport à la montée de l’économie numérique et a souligné l’intérêt de la récente convention de l’OCDE sur l’échange d’informations à des fins fiscales.

M. Jean-Marie BOCKEL (Haut-Rhin – UDC-UI) a relevé que l’attitude de l’Union européenne, de l’OCDE et du Fonds monétaire international face aux conséquences sociales de la crise et les initiatives prises récemment dans le cadre de l’Union rejoignaient les préoccupations exprimées depuis plusieurs sessions par l’Assemblée parlementaire quant à la nécessité de mieux prendre en compte les conséquences sociales des stratégies de redressement budgétaire :

« Les scrutins qui ont été organisés de part et d’autre du continent ces dernières années se sont pratiquement tous traduits, à l’exception notable de l’Allemagne, par le rejet des équipes gouvernementales en place, qui ont dû faire face à la tempête économique et financière. Le verdict des urnes traduit souvent deux idées différentes : le refus de prolonger des gouvernements jugés trop laxistes et donc responsables de la crise, d’une part ; la lassitude à l’égard de cures d’austérité souvent sévères et dont les objectifs restent mal compris par nos concitoyens, d’autre part.

Il n’est pas anodin que le Fonds monétaire international ou l’Union européenne préconisent aujourd’hui une meilleure calibration sociale des programmes de soutien mis en place par les États qui rencontrent de graves difficultés financières. Je note que cette préoccupation est également mise en avant par l’OCDE dans son initiative sur les « Nouvelles approches face aux défis économiques ». La lutte contre le surendettement des États ou le combat contre le laxisme budgétaire ne peuvent être automatiquement synonymes de moins disant social ou de surcharge fiscale. Il ne faudrait pas que le patient meure guéri…

L’Union européenne insiste désormais sur la lutte contre les conséquences sociales de la crise en promouvant de nouvelles approches, à l’image du dispositif de garantie pour les jeunes. On doit s’en féliciter. Le chômage des jeunes est aujourd’hui un phénomène massif en Europe, y compris au sein de l’Union européenne. Je pense tout particulièrement aux jeunes de moins de 25 ans, qui ne sont ni étudiants, ni employés, ni stagiaires, qui sont sans formation et près de 8 millions en Europe, futurs chômeurs de longue durée. Ce n’est pas acceptable.

La Commission européenne va inviter chaque État membre à présenter, dès 2014, une offre de qualité à tous ces jeunes sans emploi ou sans formation de moins de 25 ans. 8 milliards d’euros vont ainsi être dégagés pour financer ce dispositif.

Je relève que dans le même temps, l’Union engage une réflexion sur une allocation chômage européenne. Ce système d’assurance où les risques de chocs économiques seraient assumés par l’ensemble des États membres réduirait ainsi les fluctuations des revenus nationaux et offrirait des marges de manœuvres supplémentaires pour une politique budgétaire expansionniste en période de ralentissement. Ce régime représenterait une prestation de base, complétée par les États membres. L’instauration d’un tel dispositif aurait ralenti la chute des PIB espagnol et grec de respectivement 20 % et 10 %.

Cette révision, au sein de l’Union européenne, de nos approches économiques me semble aller dans le sens défendu par notre Assemblée, celui d’un traitement humain et responsable de la crise économique et de ses conséquences. Monsieur le Secrétaire général de l’OCDE, votre propre réflexion et vos initiatives vont également dans ce sens.

En tant que premier rapporteur, l’année dernière, d’un rapport de l’Assemblée sur les activités de l’OCDE, je voudrais, pour finir, féliciter M. Van der Maelen pour l’excellence de son travail, tout en regrettant que la sous-commission ad hoc créée au sein de la commission politique sur le suivi des travaux de l’OCDE ne se soit pas encore réunie. »

M. Jean-Yves LE DÉAUT (Meurthe-et-Moselle – SRC) a appelé l’OCDE à ranger la transition énergétique au nombre des « Nouvelles approches face aux défis économiques » et à en tirer les conséquences dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques :

« Près de six ans après le début de la crise, nous continuons à la ressentir. Le rapport sur l’OCDE propose de nouvelles approches économiques et je partage l’avis du rapporteur. La croissance ne peut pas être une fin en soi, elle doit contribuer à l’amélioration de la qualité de la vie des gens. Les notions de bien-être, de bonne santé, d’emploi, de formation, de qualification, de réduction des inégalités, de protection de l’environnement font partie de ce nouvel état d’esprit. M. Gurría, Secrétaire général de l’OCDE, a justement dit qu’une croissance inclusive doit être plus verte, plus équilibrée, plus durable. Nous y parviendrons si nous intégrons de nouveaux marchés émergents dans l’économie mondiale, si nous prenons mieux en compte les mutations technologiques et la raréfaction des ressources naturelles. L’OCDE devrait plus prendre en compte les technologies de rupture. La transition énergétique est l’exemple de ces nouvelles approches face aux défis économiques.

Nous devons faire un effort en matière de culture et d’éducation pour la réussite de la transition énergétique. C’est une problématique qui touche également à l’organisation de l’immigration dans nos pays de l’OCDE.

La culture et l’éducation jouent un rôle essentiel dans l’appropriation collective des contraintes qu’induisent le changement climatique et la nécessité de préserver l’environnement de la planète. Il est évident que les messages délivrés aux enfants par l’école, et les signaux envoyés aux adultes à travers l’appareil de culture (spectacles, médias) contribuent à moduler la demande d’énergie, en orientant les individus vers des comportements plus sobres, et vers l’usage de systèmes plus performants, notamment dans le bâtiment. Mon propos est plutôt de mettre en valeur l’effort de culture et d’éducation qu’il va falloir accomplir du côté de l’offre de nouvelles solutions énergétiques. Cela concerne évidemment la formation d’ingénieurs et de techniciens mobilisés pour poursuivre la mise au point de systèmes d’économies d’énergie et d’énergies renouvelables à des coûts se rapprochant de ceux des énergies fossiles ou nucléaires.

Mais cela concerne aussi la formation des professionnels du bâtiment (artisans et ouvriers spécialisés) sur la compétence desquels va reposer l’essentiel des économies d’énergie. La transition énergétique va ainsi imposer au secteur du bâtiment, dans les prochaines décennies, une révolution qualitative du même ordre de celle qu’a subi le secteur industriel depuis les années 1970 du fait de la concurrence internationale et de la mondialisation. Cela concerne à la fois l’architecture, l’énergie, l’isolation, les technologies améliorant la qualité de vie, les systèmes de régulation intelligents.

Cette révolution qualitative risque d’avoir des conséquences sociales déstabilisantes, si un effort de formation important n’est pas engagé : comme cela s’est passé dans l’industrie, les travailleurs ne pourront plus s’orienter vers des secteurs comme ceux du bâtiment par défaut, en offrant seulement une force de travail. Les travailleurs du bâtiment vont désormais devoir offrir une qualité de travail.

J’en arrive aux conséquences sur la gestion de l’immigration, qui demeure indispensable dans nos pays vieillissants, mais qui devra impérativement s’accompagner de formation, car la transition énergétique va faire disparaître un nouveau pan de l’économie où l’on pouvait accueillir jusque-là des travailleurs non qualifiés. C’est le défi auquel nous sommes confrontés car la crise a généré 15 millions de chômeurs supplémentaires dans les pays de l’OCDE. Nous ne recréerons des emplois qu’en développant ces nouvelles approches écologiques. »

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN (Moselle – UMP) a souhaité que l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, y compris en matière d’entreprenariat, bénéficie d’efforts de promotion accrus :

« Monsieur le rapporteur, vous évoquez dans votre projet de résolution les recommandations sur l’égalité hommes-femmes en matière d’éducation, d’emploi et d’entreprenariat adoptées par l’OCDE en mai dernier.

Dans ce contexte de crise, la question de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes est fondamentale. Les femmes sont souvent les premières victimes de la crise. En France nous avons adopté plusieurs lois ces dernières années afin de favoriser l’entreprenariat féminin et l’accès des femmes aux postes décisionnels. Nous allons bientôt examiner un nouveau projet de loi sur l’égalité homme-femme dont un volet sera consacré à ces questions – car il y a encore une bonne marge de progression !

L’entreprenariat des femmes est une chance pour la croissance et le développement économiques. Leurs petites entreprises sont créatrices d’emplois et répondent bien aux besoins locaux. Mais cet entreprenariat se heurte à plusieurs problèmes.

En premier lieu, le poids des représentations négatives qui entourent le statut de femme chef d’entreprise ou l’exercice par une femme de fonctions de direction, dans beaucoup de pays membres de notre Assemblée, à commencer par la France !

Le second obstacle tient à la difficile conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. L’OCDE fait de nombreuses recommandations à ce sujet, certaines s’inspirant de ce qui se passe dans les pays scandinaves. Pour une conciliation réussie des temps de vie, il faut au minimum de la souplesse dans la gestion des emplois du temps et un meilleur partage des tâches entre père et mère.

Les femmes entrepreneurs sont aussi confrontées à la frilosité des banques, surtout s’il s’agit de micro-entreprises ou de petites entreprises de services à la personne. Là encore, nous pouvons regretter que dans beaucoup de pays – France y compris –, les dossiers de prêts présentés par des femmes ne soient pas traités à l’égal de ceux des hommes. Cela oblige souvent à créer des organismes, des associations spécifiques pour seconder les femmes qui ont le désir d’entreprendre.

L’égalité professionnelle recoupe bien d’autres problèmes comme celui des écarts de salaires pour le même travail ou des inégalités face au temps partiel et donc à la retraite. La semaine dernière le rapport de la Banque mondiale « Femmes, business et droit » rappelait que 79 pays entravent encore le travail des femmes ou leur interdisent des métiers jugés « masculins » ou trop difficiles. En Russie, 456 métiers – oui, 456 ! – comme conducteur de machines agricoles ou aiguilleur de train, sont interdits aux femmes. Je tiens à signaler à nos collègues russes que c’est le record mondial, si on excepte bien sûr les 15 pays qui interdisent tout simplement aux femmes de travailler !

Chers collègues, la dernière réunion du G20 a mis en place beaucoup de nouvelles règles fiscales, financières, bancaires. Cela est nécessaire mais l’humain doit aussi être pris en compte. C’est en donnant aux femmes – et aux hommes – la place qui leur revient dans l’emploi et la création d’entreprise que nous pourrons conforter la prospérité de nos sociétés et le bien-être de leurs populations.

Dans la résolution qu’elle a adoptée, l’Assemblée se réjouit de diverses initiatives de l’OCDE, comme le lancement d’un nouveau cycle d’adhésions, le renforcement de sa Stratégie sur le développement et les efforts entrepris pour intégrer la Stratégie pour une croissance verte dans un nombre croissant de domaines d’intervention. Elle invite l’OCDE à développer les « Nouvelles approches face aux défis économiques » et appelle cette organisation à œuvrer plus avant pour garantir une taxation équitable des profits mondiaux. Elle l’encourage également à intensifier la lutte contre l’évasion fiscale, notamment en faisant pression au niveau international pour la mise en place de dispositifs et procédures permettant l’échange automatique de renseignements à des fins fiscales.

B. LE DROIT DES ENFANTS À L’INTÉGRITÉ PHYSIQUE

En dépit des mesures législatives et des politiques adoptées par les États membres du Conseil de l’Europe pour protéger les enfants des violences physiques, sexuelles et mentales, ces derniers continuent d’être victimes de violences dans de nombreux contextes différents. Une catégorie est particulièrement préoccupante, à savoir les violations de l’intégrité physique des enfants, que les tenants de ces pratiques présentent souvent comme un bienfait pour les enfants, en dépit de leurs conséquences définitives et de toute évidence négatives dans de nombreux cas.

C’est à partir de ces considérations que la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable a élaboré un rapport, qui identifie comme menaces les mutilations génitales féminines, la circoncision des jeunes garçons pour des motifs religieux, les interventions médicales d’assignation sexuelle pratiquées à un âge précoce sur les enfants intersexués ainsi que les piercings, les tatouages ou les opérations de chirurgie plastique qui sont pratiqués sur les enfants, parfois sous la contrainte. La commission évoque également la situation de certaines communautés qui préconisent de s’abstenir de recevoir des traitements médicaux, en particulier les transfusions sanguines ; elle considère que cette forme d’« abstention médicale » doit aussi être considérée comme une atteinte abusive à l’intégrité physique des enfants.

La commission souligne également que le droit des enfants à la protection de leur intégrité physique peut entrer en contradiction avec d’autres droits fondamentaux, comme le droit au respect de la vie privée et de la vie familiale ou le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Elle considère que l’on ne peut pas établir une hiérarchie abstraite entre les différents droits de l’homme, même si les droits « concurrents » – qui sont souvent ceux des parents – touchent leurs limites lorsque leurs conséquences contreviennent à l’intérêt de l’enfant.

Mme Maryvonne BLONDIN (Finistère – SOC) a centré son intervention sur les mutilations sexuelles féminines relevant de pratiques coutumières :

« Merci, Madame Rupprecht, pour cet excellent et ô combien délicat rapport que vous nous laissez en héritage, pour que le débat sur les droits des enfants à l’intégrité physique s’installe dans nos parlements.

Je m’attarderai plus particulièrement sur les mutilations sexuelles féminines ayant trait à d’anciennes pratiques coutumières. Plus de cent vingt millions de femmes et de fillettes sont victimes de ces pratiques sur le seul continent africain, soit le tiers de la population féminine de l’Afrique ! Elles existent aussi en Indonésie, en Malaisie et au Yémen… Je veux rappeler encore et encore qu’aucune religion n’impose ce type de sévices, au premier rang desquels il faut citer l’excision.

En France, les autorités estiment à au moins 20 000 le nombre des femmes et à 10 000 celui des fillettes qui seraient ainsi mutilées ou menacées de l’être.

Notre réponse juridique a considérablement évolué depuis les premiers cas découverts dans les années soixante-dix : plus de vingt procès, à l’encontre de parents dont les enfants sont décédés à la suite d’excisions, mais aussi à l’encontre d’exciseuses. Ces affaires étaient jugées en correctionnelle jusqu’en 1983. La Cour de Cassation, la plus haute juridiction française, a alors affirmé que l’ablation du clitoris constituait bien une mutilation au sens du code pénal français. Bien sûr, la sanction a également évolué avec des peines allant jusqu’à 20 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

Nous avons dans le même temps porté à 20 ans – à compter de la majorité de la victime – le délai de prescription de ces mutilations. Le secret professionnel peut, par ailleurs, être levé s’agissant de ces violences. Notre code pénal sanctionne également ces pratiques sur les mineures de nationalité étrangère résidant habituellement en France et qui sont victimes à l’étranger de mutilations sexuelles.

En 2014, la Marche sur Paris contre l’excision sera parrainée par la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, que nous avons eu l’honneur et le plaisir d’entendre lors de la dernière session en juin.

Je rejoins la rapporteure sur la nécessité d’aller plus loin au sein de notre Organisation en vue de mieux harmoniser nos pratiques en la matière. Il s’agit d’avoir une approche unifiée, en prévoyant notamment que dans tous les pays membres du Conseil de l’Europe, la législation sanctionne les mutilations commises à l’étranger sur les fillettes résidant habituellement sur leurs territoires respectifs.

Cette fermeté doit aller de pair avec une meilleure coopération avec les autorités des pays d’origine sur le thème de la prévention et de l’éducation. »

Mme Marie-Louise FORT (Yonne – UMP) a estimé que la communauté internationale devrait se pencher plus avant sur les mutilations génitales féminines et que l’Assemblée parlementaire devrait pour sa part engager une réflexion sur l’inceste :

« Madame la rapporteure, vous venez de rappeler avec conviction et passion que les mutilations génitales féminines sont une atteinte particulièrement insupportable à l’intégrité physique des enfants. Cette question devrait faire l’objet d’une attention spécifique au niveau international.

Aujourd’hui, dans le monde, 130 millions de femmes ou de jeunes filles sont victimes de ces mutilations. En France, on estime que 65 000 femmes ou fillettes sont mutilées ou menacées de l’être. Elles sont pour la plupart originaires du continent africain, où malheureusement ces pratiques relèvent de la tradition !

La France a adopté une législation très contraignante puisque l’auteur des mutilations peut être poursuivi quels que soient sa nationalité et le lieu où l’acte a été commis si la victime est française ou réside en France. Mutiler une fillette est ainsi passible d’une peine de réclusion criminelle allant jusqu’à vingt ans. Pourtant, malgré les nombreux procès et condamnations, ces pratiques perdurent.

Ces blessures engendrent de graves souffrances psychiques car ces jeunes filles mutilées n’auront pas une vie de femme épanouie sans chirurgie de réparation. Nous sommes face à une aliénation même de la condition de femme. C’est pourquoi il faut punir mais aussi rappeler avec force aux pères et aux mères de ces fillettes qu’une tradition qui a de si graves conséquences sur la santé physique et psychique d’un enfant est une atteinte intolérable à la dignité humaine. Comme l’indique fort justement la plaquette d’information distribuée en France, on dit qu’il faut respecter les coutumes, mais il faut avant tout respecter la loi !

Madame la rapporteure, vous avez voulu mettre en avant les atteintes à l’intégrité physique des enfants dont on parle peu dans les conventions. Il me semble que la question de l’inceste aurait aussi pu être intégrée à votre travail : c’est une autre forme d’atteinte à l’intégrité physique, tout aussi abominable. Nous savons combien ce sujet est tabou dans beaucoup de sociétés, comme toutes les violences domestiques d’ailleurs… C’est pourquoi il me paraît important que notre Assemblée évoque cette violence intrafamiliale et réfléchisse à la façon dont ces actes sont incriminés dans le droit pénal des États membres.

Je suis l’auteur de la loi française du 6 février 2010 visant à inscrire l’inceste sur mineur dans le code pénal. Malheureusement, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par un agresseur condamné, le Conseil constitutionnel a censuré le nouvel article du code pénal, estimant que les membres de la famille devaient être désignés plus précisément.

Alors que de nombreux États membres du Conseil de l’Europe font actuellement évoluer leur droit de la famille, voire la notion même de famille, la question est de savoir où s’arrête la famille. Et, par conséquent, à partir de quand est-on face à une agression qualifiable d’inceste ? C’est une question importante : en France plus de deux millions d’adultes auraient été victimes d’inceste dans leur enfance. Combien dans les quarante-sept pays du Conseil ?

Bien entendu, les auteurs d’actes incestueux sont souvent poursuivis pour viol et agression sexuelle, mais, s’il y a un cas où l’enfant est sans défense, c’est bien lorsque la violence naît au sein même de son environnement familial ! L’introduction d’une notion spécifique d’inceste dans le droit pénal doit être un objectif car les victimes de ces actes odieux sont en attente de reconnaissance. »

La recommandation adoptée par l’Assemblée recommande vivement aux États membres de sensibiliser davantage leurs populations aux risques potentiels que peuvent présenter certaines des pratiques évoquée par la commission pour la santé physique et mentale des enfants, et de prendre des mesures législatives et politiques qui contribuent à renforcer la protection des enfants dans ce contexte. Elle invite notamment les États à faire prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant et à ne pas craindre d’engager un débat public, y compris un dialogue interculturel et interreligieux, afin de dégager un large consensus sur le droit des enfants à la protection contre les violations de leur intégrité physique. Elle appelle les États membres à interdire les pratiques les plus préjudiciables, comme les mutilations génitales féminines et à se doter de mécanismes efficaces de prévention.

L’Assemblée a également adopté une recommandation, qui invite le Comité des Ministres à prendre pleinement en compte le droit des enfants à l’intégrité physique dans ses divers travaux comme l’élaboration de sa nouvelle Stratégie pour les droits de l’enfant et les autres normes pertinentes du Conseil de l’Europe

C. LA SÉCURITÉ NATIONALE ET L’ACCÈS À L’INFORMATION

Dans un rapport sur « la sécurité nationale et l’accès à l’information », la commission des Questions juridiques et des droits de l’homme rappelle l’importance du principe de transparence, notamment l’accès à l’information détenue par les autorités publiques, pour la démocratie et la bonne gouvernance en général, et pour la lutte contre la corruption en particulier. Elle considère que les intérêts de sécurité nationale légitimes et clairement définis sont des raisons suffisantes pour retenir certaines informations. En même temps, l’accès à l’information représente une composante essentielle de la sécurité nationale, en favorisant la participation démocratique, l’élaboration de politiques solides et le droit de regard du public sur l’action gouvernementale.

La commission se félicite de l’adoption, en juin 2013, par une large assemblée d’experts d’organisations internationales et de la société civile, d’universitaires et de praticiens de la sécurité nationale, des « Principes globaux de la sécurité nationale et du droit à l’information ». Ces principes visent à fournir des orientations aux législateurs et aux responsables concernés dans le monde entier en vue de parvenir à un juste équilibre entre l’intérêt public en matière de sécurité nationale et en termes d’accès à l’information.

La commission insiste sur un certain nombre de principes particulièrement importants, dont la nécessité d’un contrôle efficace des activités des services secrets, la protection de signalements en bonne foi d’abus par des « donneurs d’alerte » et la reconnaissance d’une « exception d’intérêt général » comme sauvegarde contre des exceptions trop larges de la règle générale de la libre accessibilité de toute information détenue par des autorités publiques. Pour la commission, des informations concernant la responsabilité d’agents de l’État ayant commis de graves violations des droits de l’homme, comme des assassinats, des disparitions forcées, des actes de torture ou des enlèvements, ne sont pas des secrets dignes d’être protégés.

Mme Marie-Louise FORT (Yonne – UMP) a développé l’idée que l’information du citoyen ne doit pas conduite à une transparence absolue :

« Monsieur le rapporteur, l’accès à l’information permet aux citoyens de participer de manière positive à la vie de leur société. D’une certaine manière, comme le rappelait récemment l’Union interparlementaire « l’information est l’oxygène de la démocratie ». Mais j’ai acquis la conviction que cette exigence d’information, légitime, du citoyen ne doit pas conduire à un principe de divulgation maximale et à une transparence absolue.

En effet, cette surinformation peut constituer un danger en amenant le citoyen à juger ses gouvernants non sur de vrais éléments politiques, mais sur des détails restrictifs, « médiatiques », beaucoup moins essentiels.

En laissant croire que la « démocratie liquide » pourrait remplacer à terme la démocratie représentative, certains réseaux sociaux ou sites d’information la mettent en danger partout où elle est fragilisée.

Nous devons donc être prudents car si l’information utilisée avec pragmatisme est en effet l’oxygène de la démocratie, l’information diffusée sans conscience peut devenir un danger pour nos valeurs et notre sécurité.

La question de l’équilibre nécessaire entre une liberté d’information inhérente à la démocratie et la préservation de la sécurité nationale se pose d’autant plus que notre monde évolue et que de nouveaux dangers menacent nos démocraties.

Monsieur le rapporteur, je pense que la publication de documents confidentiels, de télégrammes diplomatiques faisant parfois le compte rendu d’entretiens où des personnalités ont parlé librement parce qu’elles se croyaient protégées par cette confidentialité n’est pas sans importance. Cette absence de pragmatisme dont font preuve certains internautes doit nous amener à nous interroger : au nom des droits de l’homme, a-t-on le droit de tout publier ? J’ai envie de répondre : prudence, car la protection des données sensibles est devenue une obligation face à des terroristes de mieux en mieux organisés. La divulgation maximale des informations leur offre des armes précieuses pour nous toucher plus durement.

Prudence, car sous couvert de transparence de la vie publique, nous assistons de plus en plus à la publication d’informations personnelles, financières ou autres, exploitées par ceux qui luttent contre la démocratie. Les partis extrémistes de toute l’Europe ont bien compris l’usage qu’ils pouvaient en faire !

Prudence enfin, parce que face à une cybercriminalité redoutable, des réseaux mafieux prêts à tout, les services chargés de la sécurité doivent pouvoir travailler dans la discrétion.

Monsieur le rapporteur, il est vrai que certains États, y compris dans notre Assemblée, privent leurs citoyens d’un accès à l’information légitime, souvent corollaire d’une limitation de la liberté d’expression. C’est quelque chose contre lequel il faut lutter, et votre rapport en fait état. Mais il ne faut pas, au nom des droits fondamentaux, désarmer nos démocraties face à ceux qui veulent les anéantir.

Je termine en disant : prudence ! »

La résolution adoptée par l’Assemblée rappelle l’importance du principe de transparence, notamment l’accès à l’information détenue par les autorités publiques, pour la démocratie et la bonne gouvernance en général, et pour la lutte contre la corruption en particulier. Elle considère tout à la fois que les intérêts de sécurité nationale légitimes et clairement définis justifient de retenir l’information détenue par les autorités publiques et que l’accès à l’information représente une composante essentielle de la sécurité nationale, en favorisant la participation démocratique. Elle demande aux autorités compétentes des États membres du Conseil de l’Europe de prendre en compte les « Principes globaux de la sécurité nationale et du droit à l’information » adoptés en juin 2013 pour moderniser leur législation et leurs pratiques concernant l’accès à l’information. Elle réaffirme l’importance de la neutralité de l’Internet et encourage tous les États membres qui ne l’ont pas encore fait à signer et ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics. Elle affirme l’inquiétude de l’Assemblée parlementaire au sujet des récentes révélations concernant une surveillance des communications de grande ampleur effectuée par certains services secrets et décide de suivre cette importante question en temps utile.

La recommandation adoptée par l’Assemblée invite le Comité des Ministres à intervenir auprès des États membres dans les directions avancées par la résolution.

D. LES PERSONNES PORTÉES DISPARUES DANS LES CONFLITS EUROPÉENS : LE LONG CHEMIN POUR TROUVER DES RÉPONSES HUMANITAIRES

On estime à 20 000 environ le nombre de personnes disparues suite à plusieurs conflits armés intervenus en Europe au cours des dernières décennies. Or, dans de nombreux États européens, la lenteur des enquêtes sur le sort de milliers de personnes disparues freine la réconciliation des anciennes parties en conflit. De plus, l’incertitude quant au sort des disparus qui dure parfois plusieurs dizaines d’années, a des répercussions sur leurs proches, famille ou amis, et leurs communautés. C’est donc la société entière qui est touchée par les disparitions. Le rapport présenté par la commission des Migrations, des réfugiés et des personnes déplacées offre une vue d’ensemble de la situation des personnes disparues et dégage les principales raisons de l’incapacité de l’Europe à trouver une solution à ce problème.

Le rapport pointe d’abord du doigt le manque de volonté politique, que révèle la faible propension des dirigeants à demander un pardon pour les exactions commises par leurs prédécesseurs, leur tendance à se cacher derrière des exigences de réciprocité ou à traiter les victimes de faon partiale. L’absence de volonté politique conduit à un manque de coordination entre les anciens belligérants : la commission relève, par exemple, que même si les pays des Balkans ont pris des mesures pour améliorer la coopération régionale dans ce domaine, la Bosnie-Herzégovine n’a toujours pas signé d’accords bilatéraux avec ses voisins. De plus, les capacités nationales limitées – en termes financiers ou d’expertise médico-légale, par exemple – empêchent d’avancer sur la question des personnes disparues.

Mais, pour la commission, la raison fondamentale de la non résolution du problème des personnes disparues reste la peur : la peur des familles d’exiger des réponses à propos de leurs proches, la peur des autorités de dire la vérité sur leur sort. Les autorités redoutent les procédures juridiques : elles préfèrent couvrir les crimes commis par les régimes précédents et placer la stabilité politique et la sécurité au-dessus du droit des personnes de savoir ce qui est arrivé à leurs proches. Les familles ont peur des représailles : elles ne bénéficient d’aucune protection juridique lorsqu’elles demandent des informations sur leurs proches disparus et reculent par crainte d’autres arrestations possibles, voire d’autres disparitions.

C’est pour que les gouvernements européens soient enfin « à la hauteur » que la commission a soumis à l’Assemblée parlementaire un projet de résolution qui place les familles des personnes disparues au centre des actions à entreprendre.

M. Peter Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge, était invité à intervenir devant l’Assemblée parlementaire. Il a tout d’abord estimé que les travaux conduits par l’Assemblée et l’adoption d’un projet de résolution sur la question des personnes disparues dans les conflits européens constituait un moment important pour la reconnaissance de la dignité de la personne humaine, en particulier celle des victimes des conflits armés. Il s’agit également d’un enjeu vital pour aboutir à une véritable réconciliation entre communautés sur le continent européen.

M. Maurer a ensuite évoqué l’approche du CICR dans le domaine des personnes disparues. Celle-ci est avant tout opérationnelle, notamment dans les Balkans et dans le Caucase, et vise à aider les familles à obtenir une réponse sur le sort de leurs proches disparus et à soulager les souffrances que ces disparitions engendrent. L’approche du CICR est donc humanitaire et dénuée de toute considération politique. Durant la phase active d’un conflit, le CICR tente de retrouver la personne dont la famille n’a plus de nouvelles. Il cherche dans tous les lieux possibles : lieux de détention, camps de déplacés ou de réfugiés, hôpitaux, morgues… Par la suite, son action consiste à encourager et à soutenir la mise en place, par les autorités responsables, de mécanismes permettant d’apporter des réponses aux familles sur le sort de leurs proches disparus, de centraliser l’information sur les personnes disparues, de coordonner les efforts de recherches et de tenter d’identifier les dépouilles mortelles inconnues, grâce à la médecine légale et scientifique.

M. Maurer a précisé que le CICR encourage les États à adopter un cadre normatif complet permettant de prévenir les disparitions et de les résoudre, ainsi qu’un arsenal de mesures propres à répondre aux besoins des familles. Pour ce faire, le CICR a développé une loi modèle sur les disparus.

M. Maurer a exprimé sa confiance confiant dans les efforts que le Conseil de l’Europe va continuer à déployer pour garantir le respect de la dignité humaine, y compris dans des situations dans lesquelles le CICR intervient.

La résolution adoptée par l’Assemblée rappelle aux États membres que le droit international humanitaire et relatif aux droits de l’homme leur fait obligation de déterminer le sort des personnes disparues et l’endroit où elles se trouvent ; la Cour européenne des droits de l’homme l’a d’ailleurs précisé dans plusieurs arrêts prononcés dans des affaires de disparitions qui lui ont été soumises. La résolution énonce cinq priorités pour résoudre le problème des personnes portées disparues en Europe, qui consistent en particulier à placer les familles des personnes disparues au centre de toutes les actions liées au problème des personnes disparues et à soutenir le fonctionnement des mécanismes nationaux et régionaux créés pour prévenir et résoudre le problème des personnes disparues. La résolution souligne qu’il est essentiel de centraliser toutes les informations disponibles sur les personnes disparues et appelle de ses vœux l’établissement d’une autorité nationale centrale chargée de collecter et de vérifier les données ante mortem, et de garantir une procédure fiable pour la mise en œuvre des mesures d’identification. Elle exhorte également les États membres à respecter le droit des familles de récupérer les dépouilles de leurs proches disparus.

E. LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE, UN DÉFI PERMANENT QUI NOUS CONCERNE TOUS

L’alimentation est essentielle à la vie et au développement, et la sécurité alimentaire est donc à la base de tous les droits de l’homme. Notre planète pourrait fournir assez de nourriture pour tout le monde. Pourtant, près d’un milliard de personnes souffrent de faim ou de malnutrition, principalement dans le monde en développement, où 100 millions d’enfants présentent une insuffisance pondérale tandis que, dans le même temps, environ deux milliards d’hommes et de femmes sont en surpoids ou souffrent d’obésité. Plus de six millions d’enfants meurent chaque année des conséquences de la malnutrition – un enfant toutes les cinq secondes – et la famine fait une victime par seconde dans le monde. Avec la crise économique, l’insécurité alimentaire touche de plus en plus de personnes dans le besoin, même en Europe. Alors que la population mondiale a passé la barre des 7 milliards d’habitants en 2011 et devrait passer celle des 9 milliards en 2050, les décennies à venir seront cruciales afin de fournir à tous les êtres humains une nourriture adaptée à leurs besoins et des conditions de vie décentes.

C’est sur la base de ces considérations que la commission des Questions sociales, de la santé et du développement durable a élaboré un rapport sur « la sécurité alimentaire, un défi permanent qui nous concerne tous ». Celui-ci s’attache d’abord à faire le point sur les phénomènes qui menacent la sécurité alimentaire : les modes de consommation en pleine évolution modifient les régimes alimentaires et la généralisation des régimes carnés réduisent la quantité disponible de céréales ; la suralimentation crée de graves problèmes de santé publique et le gaspillage cause la perte de 30% à 50% de la nourriture produite dans le monde. Le changement climatique, les techniques agricoles destructrices, l’exploitation abusive des terres ou encore les politiques de soutien intempestif aux agrocarburants – notamment ceux de « première génération » – limitent l’augmentation des productions. Les marchés mondiaux sont déstructurés par des activités spéculatives et par la fraude.

A cet égard, M. André SCHNEIDER (Bas-Rhin – UMP) a souligné l’intérêt de développer une agriculture durable et de mettre en place des modes efficace de régulation des marchés, tout en exprimant des réserves sur une éventuelle suppression des subventions aux exportations de produits agricoles :

« La sécurité alimentaire est un défi majeur pour l’avenir de l’Humanité, et reste à la base de tous nos droits. Malheureusement, alors même que l’échéance de 2015 pour la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement approche, il est certain que dans beaucoup de régions du monde, celui visant à réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim ne sera pas atteint.

Monsieur le rapporteur, votre travail a le mérite de poser l’ensemble des problématiques qui ont un impact sur notre sécurité alimentaire.

Plusieurs de vos propositions ont retenu mon attention.

Vous nous proposez d’intensifier la lutte contre le réchauffement climatique et de veiller à ce qu’un accord international sur le changement climatique en 2015 reconnaisse les risques pour la sécurité alimentaire.

En 2012, j’ai travaillé sur l’impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense. Il est clair que les catastrophes naturelles qui se multiplient ces derniers temps impactent doublement la sécurité alimentaire mondiale : en réduisant à néant les seules ressources de familles qui ne vivent que de leur production agricole ; en créant une flambée des prix entraînant une cherté des produits alimentaires de base.

Mais cela ne sera pas possible sans la mise en œuvre d’une agriculture durable. Une vraie réflexion sur les circuits producteurs-consommateurs doit également être menée. Elle permettra de lutter contre la spéculation qui touche les marchés de matières premières agricoles.

La régulation mondiale des marchés que vous proposez me semble en effet indispensable à une sécurité alimentaire réelle, y compris sur les aspects sanitaires.

Je suis également particulièrement sensible à votre souci de favoriser la sécurité alimentaire dans les pays d’Afrique sub-saharienne. C’est une région que je connais bien. Vous avez raison : les projets permettant d’améliorer les moyens de subsistance en milieu rural sont essentiels. Pour les Africains bien entendu, mais aussi pour nous : l’aide alimentaire ne peut pas être la solution pour l’insécurité alimentaire !

Toutefois, votre proposition de suppression progressive des subventions aux exportations de produits agricoles qui faussent le marché, en vue d’améliorer la sécurité alimentaire dans les pays en développement, me paraît plus délicate.

Ce problème se pose d’ailleurs au cœur même de l’Union européenne, puisque les différences de coût de la main-d’œuvre entre les pays membres créent, de fait, une concurrence déloyale qui amène certains agriculteurs à ne plus récolter puisqu’ils le font à perte. Cela n’est pas acceptable dans le contexte actuel où beaucoup de familles en Europe, en France, n’ont plus accès à certains aliments devenus trop chers.

Comme vous, j’insiste sur le scandale que constituent le gaspillage et la non-gestion des pertes dans l’agroalimentaire de nos pays. Alors que des millions d’êtres humains ne mangent pas à leur faim, nous remplissons nos poubelles de produits périmés. Là encore cela, est inacceptable et nous devons prendre nos responsabilités.

La bataille de la faim, pour reprendre l’expression de la FAO, doit être gagnée. Sinon ce sont nos démocraties, nos valeurs qui seront mises en danger. »

Le rapport rappelle que la sécurité sanitaire des aliments est une composante essentielle de la sécurité alimentaire. Il souligne les risques causés par les substances chimiques – et leurs mélanges – utilisées dans le secteur agroalimentaire (produits phytosanitaires ou bisphénol A, par exemple) et évoque les incertitudes qui pèsent sur les OGM. Il présente enfin les grandes lignes d’une stratégie européenne de renforcement de la sécurité alimentaire, en précisant que les solutions à apporter aux pénuries alimentaires et aux problèmes de qualité des denrées doivent être mises au cœur des stratégies de réduction de la pauvreté et des risques.

Mme Brigitte ALLAIN (Dordogne – ECOLO) a placé la qualité et la sécurité sanitaire de l’alimentation au cœur de son intervention, non sans avoir au préalable dénoncé la spéculation qui nuit aux pays les plus fragiles :

« La crise alimentaire qui a frappé le monde en 2008 a ramené la question agricole au premier plan des priorités de la communauté internationale. Depuis plusieurs années, les marchés financiers amplifient les causes conjoncturelles des crises alimentaires, comme la sècheresse en 2008.

En spéculant sur l’évolution des prix des matières agroalimentaires, telles que le riz, maïs ou le blé, les banques d’investissement font grimper le prix des aliments. Ces « spéculateurs de la faim » portent une lourde responsabilité dans l’insécurité alimentaire qui touche de plein fouet les pays les plus fragiles.

Les actions d’information du public sur ces agissements, les critiques croissantes des ONG ont amené quelques banques européennes à se désengager des fonds agricoles. Malheureusement, si c’est un progrès, cela n’est pas suffisant.

Les politiques de soutien aux agrocarburants jouent un rôle décisif dans cette tendance à la hausse des prix alimentaires. La formule « manger ou conduire, il faut choisir » est plus que jamais d’actualité !

Nous devons donc nous réjouir de la décision récente du Parlement européen de baisser les objectifs en termes d’incorporation des agrocarburants. Ce plafonnement des agrocarburants dits de « première génération », produits à base de cultures alimentaires, est un premier frein, indispensable.

Mais si l’accès à une nourriture à un prix raisonnable est nécessaire, les préoccupations de transparence et de traçabilité légitimes des consommateurs et des responsables politiques de nos pays doivent également être prises en compte pour une sécurité alimentaire réelle.

Les récents scandales de la viande de cheval ont démontré que les pratiques de l’agroalimentaire d’aujourd’hui constituent les scandales phytosanitaires de demain. Qu’il s’agisse des OGM, des effets cocktail des pesticides ou des perturbateurs endocriniens, nous connaissons déjà leurs dangers potentiels.

L’information du consommateur, notamment par un étiquetage précis sur l’origine des matières premières ou sur le mode d’élevage, doit faire l’objet d’une attention particulière. C’est le droit à l’information fondamental de savoir comment sont produits les aliments.

C’est d’ailleurs en ce sens que les députés écologistes ont saisi le commissaire européen Tonio Borg de la nécessité « de mieux encadrer au niveau européen ces pratiques en érigeant la traçabilité alimentaire d’intérêt général et en favorisant autant que possible une agriculture relocalisée et de qualité, notamment par le biais de la commande publique ».

Monsieur le rapporteur, vous avez su prendre en compte tous ces aspects dans votre travail précis et complet ; je vous en félicite et j’espère que nos collègues voteront nombreux votre projet de résolution ! Et qu’il fera référence pour décider enfin d’une politique agricole européenne pour le droit à la souveraineté européenne pour tous les pays et pour la sécurité alimentaire de leurs peuples. »

Lors de la discussion des amendements au projet de résolution présenté par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, Mme Brigitte ALLAIN (Dordogne – ECOLO) est intervenue contre un amendement qui visait à inviter les États membres à « valoriser les politiques d’irrigation afin d’améliorer la productivité des terres de manière durable, permettant ainsi une augmentation de la production alimentaire ». Mme Allain a fait valoir l’argument suivant :

« Je considère que cet amendement n’a pas sa place dans la résolution. En effet, il défend des techniques agricoles consommatrices d’énergie et d’intrants. Les chercheurs ont montré que les pratiques agro-écologiques sont meilleures pour l’alimentation. Il serait dangereux d’orienter un choix de politique agricole dans cette résolution. »

Sur l’avis défavorable de la commission, l’amendement a été rejeté.

La résolution adoptée par l’Assemblée invite les États membres à travailler à une augmentation durable de la production agricole en intensifiant la lutte contre le changement climatique et la pollution chimique, en investissant dans l’agriculture « écologiquement intensive» et l’agriculture biologique et en réduisant l’utilisation de cultures vivrières pour la production de biocarburants. Elle appelle à diminuer les pertes et le gaspillage à tous les niveaux des systèmes de production, de distribution et de commercialisation des aliments, ce qui passe par des actions de sensibilisation des professionnels et des consommateurs. Elle présente plusieurs pistes permettant de renforcer la sécurité sanitaire des aliments et exhorte à multiplier les efforts pour assurer l’« accessibilité économique » de l’alimentation en faveur des populations les plus fragiles.

F. LA LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION DES SENIORS SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

L’Assemblée a examiné un rapport présenté par la commission sur l’Égalité et la non-discrimination, consacré à la discrimination des seniors sur le marché du travail et aux moyens de lutter contre cette discrimination.

La discrimination fondée sur l’âge est l’une des formes de discrimination les plus répandues en Europe. Dans le contexte européen actuel de crise économique et de vieillissement de la population, les travailleurs seniors sont confrontés à des difficultés accrues dans tous les aspects de l’emploi, notamment parce qu’ils continuent de faire face à des inégalités et à des stéréotypes. Pourtant, le vieillissement démographique est un défi auquel toutes les régions européennes devront faire face. La problématique du sort des travailleurs seniors s’inscrit dans une perspective différente : il s’agit aussi de savoir comment conserver à l’intérieur des entreprises les compétences et le savoir-faire des travailleurs seniors. Le maintien dans l’emploi des travailleurs de 55 ans ou plus et le retour au travail des jeunes retraités deviennent d’actualité.

Quelques instruments internationaux existent cependant pour lutter contre la discrimination fondée sur l’âge : la Recommandation du Bureau International du Travail n° 162 de 1980, qui présente des recommandations précises aux Etats pour le développement de leurs politiques nationales et législation ; les articles 10 et 19 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui donnent pouvoir à l’Union européenne pour lutter contre la discrimination basée sur six critères, y compris l’âge ; la directive 2000/78/CE du Conseil qui établit un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail et l’âge comme un critère de discrimination.

Mais les préjugés restent forts et les « lieux » de la discrimination multiples : à l’embauche, dans l’accès à la formation professionnelle, en matière de licenciement et de retraite anticipée – qui, bien souvent, cachent du chômage déguisé et sont de moins en moins dictées par un choix personnel ; les femmes les plus âgées sont également confrontées à des discriminations multifactorielles, les plus difficiles à combattre.

M. André SCHNEIDER (Bas-Rhin – UMP) a souligné l’importance de la formation et de l’allégement des charges sociales comme facteurs d’intégration des seniors, et a dénoncé le sort particulier fait aux femmes :

« Le vieillissement démographique est un défi pour nos sociétés européennes.

En France, les statistiques du chômage montrent que les plus de 50 ans sont véritablement en situation d’exclusion du monde du travail. On estime qu’une fois au chômage, un senior a quatre à cinq fois moins de probabilités qu’un autre chômeur de retrouver un emploi.

Quelles en sont les raisons ?

Le manque de formation pour se reconvertir est l’une des causes directes du chômage de longue durée. Ainsi, en France, il n’y a que 10 % des chômeurs en formation, mais c’est encore moins pour les seniors : 4 %.

Bien entendu, les seniors au chômage doivent faire des efforts pour ces formations à un âge plus élevé. Mais ce n’est pas parce qu’une personne a plus de 55 ans qu’elle est incapable d’apprendre un nouveau métier ou de se former à de nouvelles technologies ! A tout âge, la formation est la clé pour retrouver un emploi !

Ensuite, nous devons réfléchir aux moyens d’inciter les entreprises à engager des seniors. En effet, le salaire des seniors est souvent plus élevé en raison de la prise en compte de leur ancienneté. Cela représente souvent une charge financière trop forte pour les entreprises qui font appel parfois, comme vous le soulignez fort justement dans votre rapport, à des retraités moins payés puisqu’ils ont déjà une rente.

Dans les pays comme la France où les charges patronales et sociales sont particulièrement importantes, il est clair qu’une politique d’exonération de charges pour l’embauche d’un senior ne peut être qu’incitative.

Au-delà de cette question, nous ne pouvons que nous inquiéter du sort des femmes seniors. Elles sont plus durement touchées par le chômage. Mais même lorsqu’elles travaillent, elles subissent une autre discrimination : celle de la perspective d’une faible retraite à la fin de leur activité. Cela est dû en grande partie au fait qu’elles sont plus souvent concernées par les emplois à temps partiel ou temporaire, et que les périodes d’interruption pour maternité ou pour élever les enfants ne sont pas bien prises en compte.

Permettre à ces femmes d’aller au-delà de l’âge légal de la retraite pour améliorer leur pension ou leur permettre de cumuler un emploi et leur petite retraite pourrait être une solution à moyen terme.

Mais nous devons réfléchir à mettre en place les réformes nécessaires pour que la réintégration des femmes sur le marché du travail soit facilitée et surtout pour que les périodes non rémunérées ou à temps partiel soient mieux prises en compte.

Pour ces raisons, je trouve que nous devrions aller dans le sens de l’avis de la commission et de son amendement sur ce thème.

Une mauvaise intégration des seniors sur le marché du travail accentuera les tensions dans nos démocraties. Il devient urgent d’adopter les réformes adéquates sur la formation, sur l’emploi et sur les retraites. »

Le rapport de la commission souligne que la mise en œuvre d’actions positives pour la protection des groupes discriminés est indispensable, même si leurs effets sont parfois mitigés. Il considère surtout que, au-delà des mesures législatives indispensables à la lutte contre la discrimination fondée sur l’âge, le dialogue et le partenariat entre tous les acteurs concernés – notamment les employeurs – doivent être promus si l’on veut combattre les stéréotypes et changer les mentalités.

Dans cette perspective, M. Frédéric REISS (Bas-Rhin – UMP) a rappelé le rôle irremplaçable des seniors dans la transmission des savoirs et a plaidé pour une plus grande souplesse dans la gestion des fins de carrière :

« La question de la discrimination des seniors sur le marché du travail se pose avec d’autant plus d’acuité que ces derniers représentent une part importante des chômeurs et des actifs dans la plupart de nos pays. L’espérance de vie augmente, et les seniors, qui ont accumulé beaucoup d’expérience au fil d’une vie professionnelle riche, sont souvent en bonne forme et souhaitent aller au bout de leur parcours pour transmettre, le cas échéant, leur savoir-faire.

Madame la rapporteure, deux propositions de votre projet de résolution ont particulièrement attiré mon attention.

La formation tout au long de la vie me semble en effet essentielle. Vous le soulignez fort justement, elle doit concerner non seulement les seniors au chômage mais également les actifs. Elle se heurte toutefois à deux obstacles : la complexité et le fréquent manque de lisibilité des systèmes de formation professionnelle, pilotés par de multiples acteurs ; le préjugé selon lequel les seniors seraient incapables d’apprendre un nouveau métier ou de se former à de nouvelles technologies.

Vous proposez par ailleurs de créer des programmes de mentorat. Si la transmission du savoir est importante, car elle permet de donner une image positive des seniors aux jeunes générations, la question relève d’un autre débat, sur les conditions de fin de carrière. Cette transmission devrait en effet prendre la forme d’un relais sans condition entre deux travailleurs en début et en fin de carrière. Les systèmes qui ne créent que des effets d’aubaine pour les entreprises en les poussant à employer un « package » jeunes-seniors me paraissent dangereux. Transmettre le savoir est une tâche noble, qui doit être respectée et estimée à sa juste valeur.

En France, nous avons actuellement un grand débat sur la pénibilité au travail et sur les mesures de fin de carrière. L’une des solutions pourrait consister à soulager un senior de tâches pénibles en lui permettant de former un jeune. D’une manière générale, adapter l’emploi des seniors en favorisant le temps partiel ou l’aménagement d’horaires aurait l’avantage de permettre à ceux qui le souhaitent de rester plus longtemps sur le marché du travail. L’amendement de la commission qui tend à mentionner cette possibilité dans le projet de résolution me paraît donc une excellente initiative.

Un autre aspect du sujet n’apparaît pas dans votre projet de résolution : aujourd’hui, certaines personnes souhaitent travailler au-delà de l’âge légal de la retraite parce qu’elles se sentent en forme. Nous devrons en tenir compte, car l’évolution démographique de nos sociétés entraînera de fait une augmentation de leur nombre.

Vous évoquez dans le rapport la nécessité de réfléchir à une adéquation entre évolution de la démographie, temps de vie professionnelle et retraite. Nous en débattrons dès la semaine prochaine au Parlement français. Les seniors sont une chance pour nos économies ; c’est lorsque nous le reconnaîtrons que nous aurons gagné la lutte contre la discrimination des seniors sur le marché du travail. Je voterai évidemment pour cet excellent projet de résolution.

Je profite des quelques secondes qui me restent pour vous remercier, Monsieur le Président, de la manière bienveillante et efficace dont vous avez présidé notre Assemblée, la faisant indéniablement progresser sur la scène internationale. »

La résolution adoptée par l’Assemblée appelle les États membres à assurer que la législation nationale inclue l’âge en tant que critère de non-discrimination et à veiller à la bonne application de cette législation. Elle les appelle également à mettre en place des mesures positives en vue de faciliter l’accès à l’emploi des seniors, prenant en considération la situation de groupes particulièrement vulnérables. Elle souligne l’importance de l’accès à la formation continue et le rôle éminent des seniors dans les programmes de mentorat pour faciliter le dialogue entre les générations et multiplier les échanges d’expérience. Elle invite à renforcer les efforts entrepris pour déconstruire les stéréotypes défavorables à l’emploi des seniors.

G. RENFORCER L’INSTITUTION DU MÉDIATEUR EN EUROPE

L’institution du médiateur joue un rôle fondamental dans le renforcement de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme. Bien qu’il n’en existe pas de modèle standardisé en Europe – certains pays font le choix d’un médiateur unique et généraliste, d’autres optent pour une pluralité de médiateurs régionaux ou spécialisés dans certains domaines – cette institution poursuit partout un objectif commun : examiner les cas de mauvaise administration et protéger les droits des individus. C’est pourquoi la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a consacré un rapport au thème « Renforcer l’institution du médiateur en Europe ».

L’Assemblée parlementaire a déjà souligné l’importance de l’institution du médiateur dans ses Recommandations 757 (1975) et 1615 (2003), dans lesquelles elle invitait les États membres à mettre en place une telle institution. La deuxième recommandation mentionne les 15 caractéristiques essentielles d’un médiateur modèle. Plusieurs autres organes du Conseil de l’Europe ont également inscrit cette question à leur ordre du jour, ces dernières années : le comité des ministres – qui a d’ailleurs adopté plusieurs recommandations aux États membres –, le commissaire aux droits de l’homme, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux ou la commission de Venise. En décembre 2011, celle-ci a distingué certaines caractéristiques essentielles de l’institution du médiateur, comme l’existence ou l’absence d’une garantie constitutionnelle, les conditions d’exercice de la fonction de médiateur, la procédure de nomination ou encore les modalités de financement et la portée du mandat du médiateur.

Dans le rapport soumis à l’Assemblée parlementaire, la commission des Questions juridiques a également souhaité souligner l’importance renouvelée des « Principes de Paris », adoptés par l’ONU en 1993 et du système d’accréditation des Nations unies. Celui-ci accrédite les « Institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme » au regard de leur conformité aux critères posés par les Principes de Paris, cette accréditation étant réexaminée tous les 5 ans.

Le rapport de la commission met en évidence les nouveaux défis auxquels est confrontée l’institution du médiateur : les obligations nouvelles découlant du Protocole facultatif à la Convention des Nations unies contre la torture (notamment la mise en place d’un mécanisme interne de prévention de la torture), les obligations découlant des progrès de la législation anti-discrimination, les risques résultant, le cas échéant, de la multiplication des institutions du médiateur (chevauchement des mandats, concurrence administrative, confusion chez les requérants potentiels, etc.) ou encore les répercussions de la crise économique.

La commission considère donc que les États membres du Conseil de l’Europe qui n’ont pas encore mis en place de médiateur national et généraliste devraient le faire, en attribuant à cette institution une compétence étendue d’investigation dans les recours individuels dont elle est saisie, tout en veillant à éviter toute ingérence de sa part dans le contrôle juridictionnel des actes administratifs, au moins dans les cas de violation des droits de l’homme. Le médiateur idéal devrait être impartial et indépendant, inscrit, si possible, dans la Constitution, nommé par le parlement et responsable devant lui, doté de pouvoirs d’investigation auprès de l’ensemble des organes du pouvoir exécutif, et notamment d’un droit d’accès aux documents et aux personnes détenues. Les Etats devraient veiller à ce que leurs médiateurs disposent de moyens suffisants pour accomplir leur mission et bénéficient d’une visibilité accrue auprès de l’opinion publique.

La résolution adoptée par l’Assemblée invite les États membres qui ont créé des institutions du médiateur à veiller à ce que ces institutions respectent les critères découlant des travaux d’ores et déjà conduits dans différents organes du Conseil de l’Europe, en particulier l’indépendance et l’impartialité, une nomination par la voie parlementaire, un mandat très large, la garantie d’un accès à tous documents administratifs et aux centres de détention, la garantie de disposer de réels pouvoirs d’investigation, un accès à la Cour constitutionnelle et des conditions de saisine largement ouvertes aux citoyens, y compris les personnes morales.

L’Assemblée appelle les États membres à déployer tous les efforts possibles pour éviter des coupes budgétaires impliquant une perte d’indépendance des institutions de médiateurs, voire leur disparition. Elle encourage les États membres qui n’ont pas encore établi une institution du médiateur nationale et généraliste à créer rapidement une telle instance et à la doter d’un vaste mandat.

V. L’AVENIR DU CONSEIL DE L’EUROPE EN DÉBAT

A. COMMUNICATION DE M. THORBJØN JAGLAND, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU CONSEIL DE L’EUROPE

Le Secrétaire général du Conseil de l’Europe est traditionnellement invité à présenter une communication devant l’Assemblée parlementaire au cours de la première partie de la session annuelle ordinaire, dans le courant du mois de janvier. Mais lors de sa réunion tenue à Dubrovnik le 3 septembre dernier, le Bureau de l’Assemblée a estimé que les informations dont venait de lui faire part le Secrétaire général méritaient d’être présentées à l’Assemblée toute entière. C’est donc en réponse à cette invitation que M. Thorbjøn Jagland, Secrétaire général du Conseil de l’Europe, s’est exprimé au cours de la quatrième partie de la session 2013.

M. Jagland a, en premier lieu, souhaité rappeler le contexte général de la réforme du Conseil de l’Europe, qui consiste à conforter et vivifier le système conventionnel de protection des droits de l’homme, construit autour de la convention du même nom. Les ajustements successifs du mode de fonctionnement de la Cour européenne des Droits de l’homme – résultant de décisions internes ou de protocoles adoptés par les États membres – ne sont qu’une partie de la solution au problème de l’engorgement de la Cour. Les progrès les plus substantiels viendront de la bonne application de la Convention par les États membres.

Il est donc essentiel de concentrer les efforts de l’Organisation sur les programmes d’assistance aux États membres les plus directement concernés par l’activité de la Cour. Telle est, aux yeux du Secrétaire général, la logique de l’ensemble de la réforme : faire du Conseil de l’Europe une organisation qui réponde mieux aux besoins des États membres afin que chacun puisse mettre en place des réformes nécessaires, ce qui, à terme, aide la Cour. M. Jagland a précisé, à cet égard, certaines des avancées enregistrées dans le cadre des programmes déployés à l’intention de l’Ukraine, de la Turquie, de la Hongrie, de la Fédération de Russie, etc.

Le Secrétaire général a ensuite longuement évoqué la relation du Conseil de l’Europe avec l’Union européenne. Il a estimé que le rapport actuellement préparé au sein du Parlement européen sur l’opportunité pour l’Union de disposer de mécanismes propres pour évaluer le respect de l’État de droit et des droits de l’homme au sein de sa propre famille représente un vrai danger pour le système de convention paneuropéenne fondé en 1949. Un nouveau mécanisme d’évaluation des droits de l’homme fonctionnerait en doublon avec celui du Conseil de l’Europe. Dans cette hypothèse, il est très probable que les ressources seraient dirigées vers l’Union plutôt que vers le Conseil de l’Europe. De surcroît, la confusion qui règne déjà s’en trouverait accrue et ce nouveau mécanisme permettrait aux États membres de pratiquer une forme de « shopping » en choisissant ce qui leur plaît et en écartant le reste. M. Jagland a estimé qu’il s’agit d’un moment crucial dans l’histoire du Conseil de l’Europe, qui doit inciter à poursuivre la réforme de l’Organisation, à renforcer ses instruments de façon à être plus efficace sur le terrain et à consolider la coopération avec les partenaires majeurs que sont les Nations unies, l’Union européenne et l’OCDE ainsi qu’avec l’ensemble des États membres en tant que contributeurs volontaires à des actions déterminées.

M. Jean-Pierre MICHEL (Haute-Saône – SOC) a souhaité connaître les possibles répercussions de l’accord intervenu, le 19 avril dernier, entre Pristina et Belgrade sur la participation du Kosovo aux organes du Conseil de l’Europe :

« Monsieur le Secrétaire Général, le 14 juin dernier, nous avons adopté une résolution qui autorise l’adhésion du Kosovo à la Banque de développement du Conseil de l’Europe. Le lancement de cette procédure d’adhésion a coïncidé à quelques jours près avec l’annonce de l’ouverture des négociations en vue de la signature d’un accord de stabilisation et d’association entre l’Union européenne et le Kosovo. La résolution adoptée au mois de janvier dernier par notre assemblée avait également lancé le processus de participation de parlementaires kosovars aux travaux de nos commissions.

Je souhaite savoir, Monsieur le Secrétaire Général, si le Kosovo va pouvoir bénéficier à court terme d’autres mécanismes ou organismes du Conseil de l’Europe pour être mieux aidé, car il a fait un pas décisif en vue de normaliser ses relations avec la Serbie en signant l’accord de Bruxelles le 19 avril dernier, sous l’égide de l’Union européenne. »

Le Secrétaire général a loué l’approche pragmatique qui prévaut en matière de présence du Conseil de l’Europe auprès des populations du Kosovo :

« Je vous remercie de cette question qui m’offre l’occasion de dire qu’il s’agit là d’un excellent exemple de la manière dont l’Assemblée parlementaire, le Secrétaire Général et le Comité des Ministres peuvent agir ensemble. Nous avons fait beaucoup de progrès récemment.

Votre résolution avait pour objet de demander que fussent revus les contacts avec les autorités du Kosovo, de manière à ce que nous puissions travailler sur le terrain au Kosovo. Le texte a été envoyé au Comité des Ministres, qui y a répondu de manière positive et m’a demandé de mettre en œuvre cette proposition. C’est pourquoi j’ai ouvert le dialogue entre les plus hautes autorités de Belgrade et les autorités du Kosovo.

Nous nous sommes lancés dans la mise en œuvre d’un concept, la capacité fonctionnelle. Il y a à présent des mandats de contact direct avec des interlocuteurs indispensables pour travailler sur le terrain avec les autorités du Kosovo. J’ai pu obtenir un accord des autorités de Belgrade et du Kosovo, les unes et les autres sont satisfaites. Aujourd’hui, nous sommes précisément en train de mettre en œuvre cet accord. Il est important de comprendre pourquoi c’était nécessaire.

Si nous voulons utiliser le mécanisme du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, le CPT, suivre la mise en œuvre de la Convention européenne pour la prévention de la torture ou de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, particulièrement pertinente pour le Kosovo, si nous voulons utiliser ces instruments au Kosovo, il faut bien que ces rapports soient adressés à quelqu’un, qu’ils soient adressés aux autorités compétentes au Kosovo. Or c’était impossible, précédemment. Aujourd’hui, nous avons mis quelque chose en place qui en fait une réalité. Nous allons donc pouvoir déployer nos instruments directement avec des interlocuteurs sur le terrain pour défendre les droits de l’homme et la primauté du droit au Kosovo. C’est une approche extrêmement pragmatique qui a ouvert la voie à un accord entre Belgrade et le Kosovo ; j’en suis très reconnaissant. Tout a commencé à l’Assemblée parlementaire, avec la commission des questions politiques, et je remercie Björn von Sydow, qui avait pris cette initiative. Nous avons pu avancer sur ce sujet, sur la base de la résolution 1244 de l’ONU, bien sûr. Nous n’avons pas changé le statut de neutralité sur lequel toute notre activité se fonde.

Nous voulons être constructifs, apporter une aide constructive dans le processus entre Belgrade et Pristina. Nous ne ferons rien pour lui nuire. Au contraire, nous voulons apporter notre pierre à cet édifice que je qualifierai d’historique dans les Balkans. »

M. René ROUQUET (Val-de-Marne – SRC) a sollicité M. Jagland sur ce qui apparaît comme une marginalisation de l’Assemblée parlementaire dans le déroulement du prochain Forum mondial de la démocratie :

« Monsieur le Secrétaire Général, le Conseil de l’Europe organisera à la fin du mois de novembre, pour la deuxième fois, le Forum mondial de la démocratie. Cette initiative est toujours aussi pertinente car de nombreux événements de l’année écoulée montrent que trop souvent encore la démocratie ne va pas de soi, même dans les États membres du Conseil de l’Europe.

Pourtant, de nombreux membres de notre Assemblée parlementaire se sont émus de ce qui apparaît comme une certaine marginalisation de notre institution dans le déroulement annoncé du Forum. Or l’APCE est un organe clé du Conseil de l’Europe.

Monsieur le Secrétaire Général, comment pouvez-vous répondre à ce sentiment diffus de notre Assemblée ? »

Le Secrétaire général du Conseil de l’Europe s’est inscrit en faux contre l’idée que l’Assemblée parlementaire pourrait être ainsi marginalisée :

« Si vous avez l’impression que l’Assemblée parlementaire est marginalisée, je ne puis que le regretter. Et personnellement, je ne crois pas que cela soit vrai.

En répondant à une question tout à l’heure, j’ai dit que l’on pouvait corriger les choses et les examiner de plus près si nécessaire. L’Assemblée parlementaire est un acteur important dans cette organisation et elle est directement engagée par le biais de certains de ses membres qui sont nominalement impliqués. Mais nous continuerons à améliorer les choses. »

B. DÉBAT D’URGENCE : AGENDAS DE L’UNION EUROPÉENNE ET DU CONSEIL DE L’EUROPE EN MATIÈRE DE DROITS DE L’HOMME : DES SYNERGIES, PAS DES DOUBLES EMPLOIS !

La coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne est régie par un mémorandum d’accord entre les deux organisations, conclu le 23 mai 2007, qui contient un cadre général de coopération dans le domaine des droits de l’homme et des libertés fondamentales et souligne le rôle du Conseil de l’Europe en tant que « référence en matière de droits de l’homme, de primauté du droit et de démocratie en Europe ». Depuis la création de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne en 2007, la question du chevauchement des activités du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne est un sujet de préoccupation. Plusieurs initiatives ont été prises récemment en vue de créer un mécanisme de suivi destiné à vérifier dans quelle mesure les États membres de l’Union européenne respectent les valeurs communes, telles que les normes relatives aux droits fondamentaux, à la démocratie et à l’État de droit. C’est en réaction à ces initiatives que la commission des Questions juridiques et des droits de l’homme a été saisie, dans le cadre d’un débat d’urgence, pour élaborer un rapport sur les agendas respectifs du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne en matière de droits de l’homme.

Le rapport réaffirme la position déjà exprimée par l’Assemblée parlementaire, selon laquelle il faut éviter la duplication des activités du Conseil de l’Europe et le gaspillage des ressources. Les instruments juridiques contraignants du Conseil de l’Europe, et notamment la Convention européenne des droits de l’homme, constituent un système efficace de protection des droits de l’homme et de promotion de la démocratie et de l’État de droit dans tous ses États membres, y compris ceux qui sont aussi membres de l’Union européenne. L’instauration de mécanismes parallèles risque de donner lieu à des normes divergentes, d’inciter les États à rechercher la juridiction la plus favorable et de se traduire par un abaissement des normes du Conseil de l’Europe. C’est pourquoi toute initiative dans ce domaine doit tenir compte du rôle du Conseil de l’Europe, qui est « la référence en matière de droits de l’homme, de primauté du droit et de démocratie en Europe ». Si des synergies avec les mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe sont possibles, il faut les mettre en valeur. Mais, en tout état de cause, la pleine cohérence des normes ne peut être garantie que par l’adhésion – prévue dans le Traité sur l’Union européenne – de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme avait déposé un projet de résolution. A la suite de l’adoption d’un amendement insérant une adresse de l’Assemblée au Comité des ministres, le texte soumis à l’Assemblée a été transformé en projet de recommandation, adopté à la majorité des deux tiers.

La recommandation adoptée par l’Assemblée affirme que les normes communes à l’ensemble de l’Europe et le niveau de protection établi par les instruments juridiques du Conseil de l’Europe ne doivent pas être compromis ou sapés par les États membres du Conseil de l’Europe ou par l’Union européenne. Elle invite l’Union européenne à étudier les possibilités de synergies avec les mécanismes existants du Conseil de l’Europe dans les domaines des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit avant d’établir de nouvelles structures ou de continuer à étendre les activités d’organes récemment créés. La recommandation invite également le Comité des Ministres à rendre compte à l’Assemblée, de manière urgente, de ce qu’il fait pour renforcer le rôle du Conseil de l’Europe en tant que référence en matière de droits de l’homme, d’État de droit et de démocratie en Europe ; elle l’appelle également à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que la Convention européenne des droits de l’homme ne voit pas son rôle minoré en tant qu’instrument juridique de l’Europe toute entière.

C. L’ÉVOLUTION DE LA PROCÉDURE DE SUIVI DE L’ASSEMBLÉE (JUIN 2012 – SEPTEMBRE 2013)

La commission de suivi accompagne dix pays faisant actuellement l’objet d’une procédure de suivi (Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie- Herzégovine, Géorgie, République de Moldova, Monténégro, Fédération de Russie, Serbie et Ukraine) et les quatre pays engagés dans un dialogue post-suivi (Bulgarie, Monaco, l’ancienne République yougoslave de Macédoine et Turquie) dans leurs efforts pour assurer le plein respect de la démocratie, de l’État de droit et la protection des droits de l’Homme.

Entre juin 2012 et septembre 2013, la commission de suivi a produit des rapports de suivi complets sur le Monténégro, la Fédération de Russie, l’Azerbaïdjan et la République de Moldova et des rapports sur le dialogue postsuivi avec la Bulgarie, la Turquie et «l’ex-République yougoslave de Macédoine». En outre, elle a approuvé un avant-projet de rapport sur le dialogue postsuivi avec Monaco, transmis aux autorités monégasques pour qu’elles fassent part de leurs observations, lesquelles ont ensuite été examinées par la commission. Enfin, la commission a approuvé un rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine en septembre 2013. Les différents rapporteurs ont effectué de nombreuses visites d’information dans les pays concernés par leur mandat, ont participé à plusieurs missions préélectorales et / ou électorales en Arménie, en Géorgie, au Monténégro, en Ukraine, en Bulgarie et à Monaco. Les rapporteurs respectifs ont également soumis des notes d’information sur l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie qui ont toutes été déclassifiées par la commission.

Ces déplacements conduisent la commission de suivi à demander solennellement à un certain nombre d’États de poursuivre les progrès enregistrés en matière de réforme du système judiciaire, de lutte contre la corruption, de défense des intérêts des minorités, de respect de l’opposition politique, de liberté d’expression, etc.

Par ailleurs, la commission a inclus dans son rapport une présentation à la fois analytique et synthétique du respect de leurs obligations statutaires par les 33 États membres non soumis à une procédure de suivi ou engagé dans un dialogue post-suivi. Cette présentation est fondée, comme les années précédentes, sur les conclusions des autres mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe, mais vise désormais à les analyser de manière critique et à identifier les préoccupations les plus sérieuses suscitées dans chacun des pays afin de donner aux membres de l’Assemblée un maximum d’informations pertinentes.

La commission cherche, par ce moyen, à introduire une approche plus équilibrée dans le traitement de l’ensemble des États membres et à répondre aux critiques alléguant d’une inégalité de traitement entre les États membres et d’une politique de « deux poids, deux mesures » en matière de suivi.

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN (Moselle – UMP) a défendu le rôle de la commission de suivi, essentiel à la crédibilité du Conseil tout entier ; elle a également souhaité que les rapports de suivi accordent une place plus importante aux droits des femmes :

« Le Conseil de l’Europe a été créé afin que les valeurs européennes – les droits de l’homme, l’État de droit, la démocratie – ne soient plus jamais bafouées. « Plus jamais ça ! » : tel était le message des pères fondateurs au sortir de la guerre.

Aujourd’hui, malheureusement, tous les États membres ne respectent pas leurs obligations et certains n’en respectent que très peu. Monsieur le rapporteur, vous faites une analyse détaillée de la situation dans tous les États membres, ce qui est une bonne chose. Cependant, au vu de certains rapports dont nous avons récemment débattu, je pense que certains pays membres ont oublié la raison d’être de leur adhésion au Conseil de l’Europe – adhésion libre et volontaire, je le rappelle. Les valeurs défendues par notre Organisation ne sont pas optionnelles. Si l’on y adhère, l’on doit tout mettre en œuvre pour défendre les droits et la démocratie, sans quoi l’on n’est pas digne de faire partie de cette famille européenne.

Voilà pourquoi le rôle de la commission de suivi est essentiel à la crédibilité et à la pertinence même du Conseil. Son travail représente un message important pour la société civile et les défenseurs des droits dans les pays concernés. Impartialité, objectivité et fermeté doivent en être le fondement. Il ne peut y avoir aucun compromis sur les principes.

Nous devons également réfléchir aux valeurs que nous souhaitons particulièrement défendre. De ce point de vue, il me semble que les rapports de la commission devraient prendre davantage en considération les droits des femmes. Bien sûr, les discriminations contre les minorités, contre les LGBT, contre la société civile touchent les femmes, mais celles-ci sont souvent victimes de discriminations spécifiques, liées à leur condition féminine même. Peut-on parler de démocratie si les femmes sont peu représentées, ou ne le sont pas du tout, dans les institutions, au Parlement ou au gouvernement ? Peut-on parler de droits sociaux si les femmes ne peuvent pas être indépendantes financièrement ou ne peuvent pas travailler ? Peut-on parler de droits de l’homme si les femmes ne sont pas libres de leur corps et de leur esprit, si elles sont victimes de coutumes d’un autre temps ? Dans les conflits, lors des luttes ethniques, les femmes sont souvent les premières victimes, surtout lorsque le viol est utilisé comme une arme de guerre. Les valeurs européennes que nous portons ne peuvent pas exister si les droits des femmes ne sont pas respectés en tant que tels. Mon vœu le plus cher est que la commission de suivi tienne compte de cette exigence dans ses travaux. »

La résolution adoptée par l’Assemblée exprime la satisfaction de celle-ci vis-à-vis de la nouvelle approche adoptée par la commission pour évoquer dans son rapport d’activité les 33 États membres qui ne sont pas soumis à une procédure de suivi ou un dialogue postsuivi. Elle fait état de diverses évolutions positives ou inquiétantes observées dans plusieurs pays sous suivi. Elle regrette que l’absence de signature ou de ratification des conventions du Conseil de l’Europe par de nombreux États membres empêche les mécanismes prévus dans ces instruments d’assurer le suivi de leur mise en œuvre. A l’appui de ce propos, elle dresse un panorama de divers problèmes mis en évidence dans certains pays par les mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe qui fonctionnent d’ores et déjà. La résolution formule ensuite des recommandations à chacun des dix pays soumis à la procédure de suivi ainsi qu’aux pays qui ne sont pas soumis à cette procédure.

Parallèlement au projet de résolution, la commission de suivi avait déposé un projet de recommandation qui appelait le Comité des Ministres à accorder l’attention nécessaire aux rapports de suivi de l’Assemblée parlementaire les plus récents sur chaque pays et à mettre dorénavant systématiquement tous les futurs rapports de suivi de l’Assemblée parlementaire à son ordre du jour. L’Assemblée a adopté un amendement vidant de sa substance ce projet de résolution et, en conséquence, le projet lui-même n’a pas été mis aux voix, étant considéré comme rejeté.

D. LA PRÉSIDENCE ARMÉNIENNE DU CONSEIL DE L’EUROPE

1. Intervention de M. Serge SARKISSIAN, président de l’Arménie

Premier ministre de l’Arménie à partir de mars 2007, M. Serge Sarkissian a été élu président en février 2008 et a pris ses fonctions en avril de la même année. Il a été réélu le 18 février 2013, à l’issue d’une élection suivie par une mission d’observation internationale qui a conclu – à l’unanimité – que les opérations électorales avaient été, de manière générale, bien administrées et qu’elles s’étaient caractérisées par le respect des libertés fondamentales.

M. Sarkissian a, dans un premier temps, retracé le chemin parcouru par l’Arménie depuis son indépendance obtenue il y a 22 ans. L’adhésion de l’Arménie au Conseil de l’Europe a permis de rétablir l’appartenance historique et culturelle de ce pays à la famille européenne des nations. Elle a conforté le processus de formation d’un système étatique fondé sur les valeurs européennes de liberté, de démocratie et de prééminence du droit. Les avancées sont nombreuses : liberté d’expression, liberté des médias, liberté de réunion, dynamisme de la société civile, amélioration continue du droit électoral et des opérations électorales. L’Arménie est aujourd’hui en meilleure position pour relever les défis du chômage, de la pauvreté ou de la corruption. Elle compte sur le soutien du Conseil de l’Europe, notamment de la Commission de Venise, pour l’épauler dans les réformes actuelles, notamment la réforme judiciaire et la réforme constitutionnelle.

Le président de l’Arménie a rappelé que l’Union européenne est l’un des grands partenaires de l’Arménie. L’instrument créé dans le cadre du Partenariat oriental de l’Union européenne en coopération avec le Conseil de l’Europe est une initiative importante incluant une série d’activités au sein des Etats participants en matière d’élections, de réforme judiciaire, de bonne gouvernance, de corruption et de lutte contre la cybercriminalité. Pour autant, l’Arménie continuera d’entretenir des relations étroites, des relations d’alliés, avec la Russie, qui est également un partenaire essentiel. S’agissant du Haut-Karabakh, la résolution pacifique de la question, sous l’égide des co-présidents du Groupe de Minsk de l’OSCE reste une priorité jusqu’à un règlement global. M. Sarkissian a regretté l’attitude belliqueuse et hostile des autorités d’Azerbaïdjan et a estimé qu’elle ne correspond certainement pas à l’état d’esprit du peuple azéri. Il a redit sa conviction que les peuples d’Arménie et d’Azerbaïdjan ont la capacité de résoudre leurs désaccords dans le respect et de coexister de façon pacifique.

Le président de l’Arménie a conclu son intervention en rappelant que l’Arménie, de par son histoire, se sent une vocation particulière à lutter contre toute forme de génocide. Elle s’est engagée en ce sens à de nombreuses reprises, notamment au sein des instances des Nations unies et elle fait de la lutte contre l’intolérance et les discours de discrimination et de haine une priorité absolue dans le cadre de sa présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. A l’époque des technologies modernes de l’information et de la communication, ces discours se diffusent instantanément parmi des millions de personnes. Des réponses rapides et adaptées sont nécessaires. Il est de du devoir de tous les États membres de renforcer les ponts entre les nations, les citoyens, les sociétés, les cultures et les religions, afin de transmettre aux générations futures un monde plus pacifique et sûr.

M. Bernard FOURNIER (Loire – UMP) a interrogé M. Sarkissian sur les répercussions d’une éventuelle participation de l’Arménie au projet d’Union douanière porté par la Russie :

« Ma question complète celle de Mme de Pourbaix-Lundin.

L’Arménie a annoncé son souhait de rejoindre l’Union douanière mise en place par la Russie. Ce rapprochement n’a pas été sans susciter des interrogations au sein de l’Union européenne avec laquelle votre pays a souhaité renforcer ses liens au début de l’année 2013, via la signature d’un protocole à l’accord de partenariat et de coopération signé en 1999.

Cette décision semble remettre en cause le projet d’accord de libre-échange avec l’Union européenne que votre pays entendait signer lors du sommet du Partenariat oriental prévu à la fin du mois de novembre à Vilnius. Quel sens entendez-vous désormais donner aux relations entre votre pays et l’Union européenne ? »

M. Sarkissian a affirmé que son pays restait prêt à signer l’accord d’association négocié avec l’Union européenne et s’est étonné de ce qui lui a semblé être un revirement de la part des autorités européennes :

« Comme je l’ai dit plus tôt, nous allons continuer à développer nos relations avec l’Union européenne. Nous irons à Vilnius, et nous discutons avec nos collègues de l’Union européenne du type de document que nous pourrions signer.

Je tiens à rappeler que, dès le début des pourparlers, nous nous sommes mis d’accord avec nos collègues européens. Il a été dit que nos rapports avec l’Union européenne ne seraient faits pas aux dépens des relations existantes avec nos alliés. Les rapports avec l’Union européenne s’ajoutent aux rapports que nous avons avec d’autres organisations. Pendant trois ans, la compréhension réciproque régnait, nous nous comprenions, et je regrette que nos collègues au sein de l’Union européenne pensent que l’accord de libre-échange est incompatible avec l’Union douanière. L’accord d’association, au départ, concerne des réformes politiques et, je le dis, nous allons continuer toutes ces réformes, nous sommes prêts à aller de l’avant et à signer cet accord d’association à Vilnius. »

2. Communication de M. NALBANDIAN, ministre des Affaires étrangères de l’Arménie, Président du Comité des Ministres

M. Edward Nalbandian, ministre des Affaires étrangères de l’Arménie, président du Comité des Ministres, était invité à faire le point devant l’Assemblée parlementaire sur les actions de la présidence arménienne du Conseil de l’Europe.

Le ministre a affirmé que le Comité des Ministres continuerait à tout mettre en œuvre pour que les droits inscrits dans la Convention européenne des droits de l’homme soient respectés et protégés partout en Europe. A cet égard, il a rappelé la récente adoption des Protocoles n° 15 et n° 16 à la Convention. Le Protocole n° 16, ouvert à la signature des États membres le 2 octobre à Strasbourg, prévoit la mise en place d’une plate-forme de dialogue judiciaire entre la Cour européenne des droits de l’homme et les plus hautes juridictions internes, afin d’aider à résoudre des problèmes complexes au niveau national. Afin de conforter le système européen de protection des droits de l’homme, la présidence arménienne a organisé à Erevan, le 3 juillet, une conférence intitulée « Les normes européennes relatives à l’État de droit et l’ampleur du pouvoir discrétionnaire dans les États membres du Conseil de l’Europe »

M. Nalbandian a également évoqué la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance et la promotion des valeurs européennes par le dialogue interculturel, qui constitue le fil conducteur de la présidence arménienne. Il a rappelé que l’Arménie avait accueilli la « Rencontre 2013 sur la dimension religieuse du dialogue interculturel » les 2 et 3 septembre et a signalé qu’une Conférence à haut niveau sur la lutte contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance en Europe se tiendrait à Erevan les 21 et 22 octobre. Le ministre a précisé que la présidence arménienne soutient le Mouvement contre le discours de haine lancé par le Secrétaire Général et que le Comité des Ministres a affirmé, lors d’un récent débat thématique, que les gouvernements et les dirigeants politiques doivent faire preuve de cohérence et guider le débat public sur ces questions : ils doivent condamner publiquement toutes les manifestations de haine dans les discours publics et refuser que l’on justifie la diffusion de discours de haine par le principe de la liberté d’expression.

Le président du Comité des Ministres a abordé la question de la politique de l’Organisation à l’égard des régions voisines. Il a mentionné la décision de créer des bureaux du Conseil de l’Europe à Rabat et à Tunis et a informé l’Assemblée que le Comité des Ministres allait prochainement reprendre ses discussions sur la création éventuelle d’un statut officiel pour les pays intéressés des régions voisines, afin d’établir un cadre institutionnel de coopération.

M. Nalbandian a enfin souligné l’importance que le Comité des Ministres attache au Forum mondial pour la démocratie, dont la deuxième édition se déroulera du 27 au 29 novembre à Strasbourg. Il a appelé de ses vœux une participation très active de toutes les instances du Conseil de l’Europe, notamment des membres de l’Assemblée parlementaire chargés de la représenter. Le ministre a également évoqué les efforts de réforme en cours qui visent à rendre le travail du Conseil de l’Europe plus rationnel et plus efficace, ainsi que les questions politiques qui ont retenu l’attention du Comité des Ministres, comme la situation au Kosovo, la situation au Belarus. Il a rappelé l’importance des activités du Comité en matière de contrôle de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

M. Jean-Pierre MICHEL (Haute-Saône – SOC) a interrogé le ministre sur l’opportunité d’intégrer l’Iran au processus de règlement du conflit syrien :

« Monsieur le Ministre, vous avez fait allusion à la crise syrienne. Votre pays est depuis longtemps un allié de l’Iran. Or on ne saurait de trouver de solution politique à la situation en Syrie sans ce pays. Pensez-vous que l’Iran participera à des négociations en vue d’une solution pacifique à ce conflit ? »

M. Nalbandian a estimé que la portée de la résolution adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU dépassait le cadre des seuls États membres de ce Conseil :

« Je me félicite personnellement de la résolution du Conseil de sécurité sur les armes chimiques en Syrie, adoptée à l’unanimité il y a trois jours. Nous espérons qu’elle permettra l’élimination complète de ces armes et ouvrira des perspectives de négociations et de résolution pacifique du conflit.

La résolution des Nations Unies constitue un succès pour tous les pays qui ont participé à la discussion, pas seulement au Conseil de sécurité. Les résolutions du Conseil de sécurité ont un caractère contraignant. Cette résolution sera donc, c’est certain, respectée par tous les États de la région. »

Le ministre a invité M. René ROUQUET (Val-de-Marne – SRC) à se reporter à la réponse faite à un précédent orateur, le président de la délégation française l’ayant interrogé sur les récentes initiatives prises au sein de l’Union européenne pour mettre en place un nouveau mécanisme européen de suivi des droits de l’homme :

« L’Union européenne a fait part, à plusieurs reprises, ces derniers mois, de sa volonté de mettre en place un nouveau mécanisme pour faire respecter les droits de l’homme et l’État de droit. Cette nouvelle initiative comprendrait notamment « le suivi de la situation dans les États membres et la formulation de recommandations ou l’adoption de sanctions ». Cela n’est pas sans nous rappeler le travail de notre commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe ou encore celui que le Comité des Ministres a d’ores et déjà engagé de son côté. Une fois encore, l’Union européenne semble oublier que le Conseil de l’Europe a une expertise en matière de droits de l’homme.

Comme M. Kox, je me pose des questions au sujet de ces déclarations. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? »

M. Bernard FOURNIER (Loire – UMP) a pour sa part interrogé le ministre sur d’éventuels progrès dans le règlement du conflit du Haut-Karabakh :

« Lors de la précédente session, nous avions salué l’opportunité que représentait votre présidence et celle à venir de l’Azerbaïdjan pour faciliter les échanges entre vos deux pays et créer ainsi les conditions d’un règlement prochain de l’épineuse question du Haut-Karabakh.

Pouvez-vous nous indiquer si, comme nous l’escomptions, un cycle vertueux a pu enfin s’ouvrir, et nous présenter, le cas échéant, les premières pistes de travail en vue de trouver des solutions pragmatiques acceptables par toutes les parties ? »

M. Nalbandian a indiqué que l’Arménie s’était dite depuis longtemps prête à s’engager dans un règlement du différend sur la base de propositions internationales qui sont déjà sur la table :

« Le seul format possible pour un processus de négociation au niveau international est celui du Groupe de Minsk, et plus particulièrement de sa coprésidence. Dans ce cadre, plusieurs propositions ont été formulées au plus haut niveau, celui des présidents des trois pays du groupe membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies, la Russie, les États-Unis et la France. Leurs propositions détaillées ont été présentées à cinq reprises à l’occasion de déclarations de ces trois coprésidents, et l’Arménie est prête à s’engager, sur cette base, vers un règlement du problème. Si la partie azerbaïdjanaise est prête à en faire autant, sur la base des propositions présentées au nom de la communauté internationale, il devrait être possible de parvenir à une solution exclusivement pacifique. »

ANNEXES

Annexe 1

Recommandation 2026 (2013) – La situation en Syrie 
1

1. L’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1878 (2012) sur la situation en Syrie, dans laquelle elle condamnait fermement « les violations des droits de l’homme généralisées, systématiques et graves constituant des crimes contre l’humanité, commises par les forces militaires et de sécurité syriennes » et « les violations des droits de l’homme perpétrées par certains des groupes armés combattant le régime ».

2. Elle est consternée par le fait que les violences se sont aggravées depuis et qu’elles ont dégénéré en une véritable guerre civile et une tragédie humanitaire: plus de 100 000 personnes sont mortes depuis le début du conflit, 2 millions ont cherché refuge à l’étranger et 4,25 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays, soit un total de 6,8 millions de personnes ayant besoin d’une assistance humanitaire. De même, la violence fondée sur le genre, notamment le viol, l’enlèvement et la traite de femmes, l’exploitation sexuelle et les violences, la prostitution forcée et les mariages forcés font désormais partie d’une stratégie visant à déstabiliser la population syrienne. L’Assemblée condamne en particulier l’emploi à grande échelle d’armes chimiques le 21 août 2013 dans le district de Ghouta (Damas) qui aurait fait plusieurs centaines de morts, notamment parmi les civils, dont des centaines d’enfants.

3. L’Assemblée réaffirme avec force qu’il ne peut y avoir d’impunité pour ceux qui commettent des crimes contre l’humanité, quels qu’ils soient et où qu’ils soient. Toutes les allégations de violations et de crimes, perpétrés pendant le conflit syrien, en vertu des Conventions de Genève de 1949 et du Protocole de Genève de 1925 concernant la prohibition de l’emploi des armes chimiques et biologiques, doivent faire l’objet d’enquêtes approfondies et leurs auteurs, quels qu’ils soient et où qu’ils soient, doivent être traduits en justice, y compris, le cas échéant, devant la Cour pénale internationale.

4. L’Assemblée note à ce sujet que la Mission d’enquête des Nations Unies concernant les allégations d’emploi d’armes chimiques en République arabe syrienne, qui a présenté le 16 septembre son rapport sur l’attaque de Ghouta confirmant l’utilisation d’armes chimiques, se trouve de nouveau en Syrie pour un complément d’enquête sur des allégations de six autres attaques chimiques avant et après le 21 août.

5. L’Assemblée se félicite du fait que, dans le contexte des menaces occidentales de frappes militaires, le politique prenne le dessus et que les intenses efforts diplomatiques aient conduit, à la mi-septembre 2013, à un accord-cadre entre les États-Unis et la Russie sur l’élimination des armes chimiques syriennes et à l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies énonçant les modalités de son application. La Résolution 2118 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée le 27 septembre, juste après la décision de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) sur les procédures spéciales de destruction rapide et vérifiable des armes chimiques syriennes d’ici à la mi-2014, renouvelle les espoirs de paix et ceux d’un règlement pacifique du conflit.

6. L’Assemblée note aussi avec satisfaction que les autorités syriennes ont accepté l’accord, marqué notamment par l’adhésion de la Syrie à la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, et la transmission, par les autorités syriennes, des renseignements sur les armes chimiques que possède le pays, et sur les infrastructures y relatives, selon l’accord. La résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies oblige les autorités syriennes à accepter le personnel désigné par l’OIAC ou les Nations Unies auquel elles doivent donner un accès immédiat et sans entrave à tous les sites d’armes chimiques et le droit de les inspecter.

7. L’Assemblée est parfaitement consciente des énormes difficultés techniques et des obstacles juridiques que présente l’élimination des armes chimiques syriennes et du fait que la guerre civile qui fait rage dans le pays les augmente considérablement. Une volonté politique forte est nécessaire pour définir avec précision la mise en œuvre du plan dont le succès dépend de son respect strict par les autorités syriennes et par l’opposition. Dans l’attente de la cessation des hostilités, des cessez-le-feu devraient être instaurés pour que les sites d’armes chimiques puissent être inspectés et que les armes soient transportées et détruites.

8. A cet égard, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’exhorter les gouvernements des États membres du Conseil de l’Europe :

8.1. à faire pression sur toutes les parties pour assurer le respect des cessez-le-feu nécessaire à la mise en œuvre du plan arrêté d’un commun accord ;

8.2. à octroyer des ressources supplémentaires à l’OIAC pour qu’elle puisse s’acquitter de sa tâche difficile.

9. L’Assemblée note que si l’accord de la communauté internationale sur le processus destiné à l’élimination des armes chimiques syriennes a le mérite de faire renaître l’espoir d’un retour à la paix, il ne met pas fin à la guerre, qui peut continuer par l’emploi d’armes conventionnelles. C’est pourquoi, réaffirmant que seul un règlement politique du conflit peut faire entrevoir à la Syrie la possibilité de supprimer la violence et de se rallier au changement pour lequel tant de vies ont été sacrifiées, l’Assemblée soutient sans réserve l’organisation, à Genève, d’une Conférence internationale de Paix sur la Syrie (Genève 2) et espère que cette conférence pourra se tenir avant la fin de 2013.

10. La feuille de route pour une transition politique en Syrie, approuvée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, devrait progressivement déboucher sur la création de conditions propices à un processus politique dirigé par les Syriens et, à terme, à des élections libres et équitables, sur la base du plan de paix de Kofi Annan et du communiqué de Genève de juin 2012. Le peuple syrien doit être libre de construire son propre avenir.

11. A cet égard, l’Assemblée est toutefois préoccupée par l’abîme qui se creuse de plus en plus au sein de l’opposition syrienne et entre ses branches politiques et militaires. La présence de plus en plus marquée de djihadistes et d’autres groupes extrémistes combattant le régime, y compris des groupes terroristes, alimente au sein des diverses minorités religieuses et ethniques des craintes légitimes sur leur avenir dans une Syrie post-conflit. Malheureusement, la Résolution 2118 du Conseil de sécurité des Nations Unies semble avoir aggravé les divisions entre les groupes de l’opposition. L’Assemblée met aussi en garde contre les acteurs extérieurs qui, du fait d’intérêts géopolitiques spécifiques ou pour des raisons sectaires, soutiennent politiquement, militairement et financièrement les groupes extrémistes.

12. L’Assemblée recommande donc au Comité des Ministres d’exhorter les gouvernements des États membres du Conseil de l’Europe :

12.1. à user de leurs relations bilatérales avec les États arabes et autres États de la région pour obtenir leur soutien en faveur d’un cessez-le-feu en préparation de la Conférence internationale de paix sur la Syrie (Genève 2) ;

12.2. à participer à toutes les actions internationales visant à unifier les groupes de l’opposition syrienne qui favorisent la démocratie et la tolérance et à les amener à la table des négociations ;

12.3. à soutenir la mise en place d’un État démocratique sans exclusive et stable en Syrie qui respecte les droits de l’homme et les droits des minorités ethniques, culturelles et religieuses, plutôt que la chute du régime actuel ;

12.4. élaborer des projets de plans pour faire face aux ravages causés aux infrastructures physiques, résultant de la guerre.

13. L’Assemblée réaffirme que la mosaïque de groupes ethniques, culturels et religieux qui constituent la population syrienne, la tolérance religieuse, ainsi que la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie doivent être préservées dans une future Syrie post-conflit.

14. L’Assemblée est d’avis que la communauté internationale, dont l’unité se concrétise, comme en témoigne l’adoption de la Résolution 2118 du Conseil de sécurité des Nations Unies, devrait désormais se concentrer sur les conséquences humanitaires dramatiques du conflit. A ce sujet, rappelant ses Résolutions 1902 (2012) sur la réponse européenne à la crise humanitaire en Syrie et 1940 (2013) sur la situation au Proche-Orient, ainsi que le débat d’actualité d’avril 2013 intitulé « Les réfugiés Syriens en Jordanie, en Turquie, au Liban et en Irak: comment organiser et soutenir l’aide internationale ? », l’Assemblée :

14.1. appelle les États membres du Conseil de l’Europe à faire preuve de solidarité et de responsabilité collective en prenant les mesures nécessaires pour accueillir au mieux les réfugiés syriens. Elle se félicite à cet égard de la décision des autorités suédoises d’accorder des titres de séjour permanents et de reconnaître le droit au regroupement familial à tous les réfugiés syriens présents actuellement dans le pays, ainsi qu’à ceux qui vont arriver et obtenir un titre de séjour. Elle encourage d’autres États membres à envisager de prendre des mesures analogues ;

14.2. exprime de nouveau sa gratitude aux pays qui accueillent et aident les réfugiés syriens, en particulier aux autorités jordaniennes, turques, libanaises et irakiennes ;

14.3. appelle les États membres du Conseil de l’Europe ainsi que la communauté internationale dans son ensemble à répondre de toute urgence aux appels de fonds y compris par le biais de fonds supplémentaires à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient, pour aider les réfugiés syriens et les pays voisins qui les accueillent, ainsi que les personnes déplacées en Syrie. Compte tenu de l’afflux massif récent de réfugiés syriens dans les pays européens non limitrophes, la solidarité et l’aide internationale devraient aussi s’étendre à ces pays ;

14.4. souligne que les problèmes que pose la situation dramatique des réfugiés et des personnes déplacées en Syrie et dans les pays d’accueil ne sauraient être réglés sans perspectives de paix et de règlement politique du conflit ;

14.5. encourage en conséquence les États membres du Conseil de l’Europe à s’assurer que les effets de l’utilisation très répandue des violences sexuelles et de la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre et les conséquences humanitaires du conflit syrien et la nécessité d’une aide internationale d’urgence seront mises à l’ordre du jour de la prochaine conférence internationale de paix sur la Syrie (Genève 2).

Annexe 2

Recommandation 2027 (2013) – Agendas de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme : des synergies, pas des doubles emplois !
2

1. L’Assemblée parlementaire rappelle ses résolutions et recommandations précédentes consacrées à la coopération entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, en particulier la Résolution 1756 (2010) et la Recommandation 1935 (2010) sur la nécessité d’éviter la duplication des travaux du Conseil de l’Europe par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, et la Résolution 1836 (2011) et la Recommandation 1982 (2011) sur l’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe.

2. Elle souligne que les instruments juridiques contraignants du Conseil de l’Europe, au premier rang desquels la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5), constituent un système efficace de protection des droits de l’homme et de promotion de l’État de droit dans tous ses États membres, y compris ceux qui sont aussi membres de l’Union européenne.

3. Les normes communes à l’ensemble de l’Europe et le niveau de protection établi par les instruments juridiques du Conseil de l’Europe ne doivent pas être compromis ou sapés par les États membres du Conseil de l’Europe ou par l’Union européenne. Dans le même temps, des normes plus élevées et une protection renforcée sont toujours les bienvenues.

4. L’Assemblée réaffirme son point de vue, selon lequel le fait de réinventer des normes qui existent déjà et de mettre en place des structures parallèles revient à créer un double système de normes et à permettre un « choix de la juridiction la plus favorable », avec pour conséquences de faire apparaître de nouveaux clivages en Europe. Les doublons d’activités constituent par ailleurs un gaspillage des ressources budgétaires limitées nécessaires pour améliorer la protection des droits de l’homme et la promotion de l’État de droit.

5. En conséquence, l’Assemblée s’inquiète de ce que l’accélération donnée à l’expansion des activités menées par l’Union européenne dans le domaine des droits de l’homme pourrait amener à dédoubler inutilement les travaux du Conseil de l’Europe. Dans le sillage de la Charte des droits fondamentaux, l’Union européenne a établi une Agence des droits fondamentaux et créé la fonction de Représentant spécial pour les droits de l’homme ; elle envisage maintenant d’établir un mécanisme de suivi pour vérifier dans quelle mesure ses États membres respectent les normes communes relatives aux droits fondamentaux et à l’État de droit.

6. L’Assemblée rappelle que nombre des problèmes résultant de la coexistence des ordres juridiques du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne seront résolus par l’adhésion – prévue dans le Traité sur l’Union européenne – de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme.

7. L’Assemblée reconnaît la nécessité, pour l’Union européenne, de garantir la mise en œuvre de ses propres normes juridiques par tous ses États membres. Elle rappelle que l’expertise des organes pertinents du Conseil de l’Europe, constituée et financée dans une large mesure par les États membres de l’Union européenne agissant dans le cadre du Conseil de l’Europe, est à la disposition de l’Union européenne.

8. En particulier, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) du Conseil de l’Europe a récemment prouvé qu’elle était capable de fournir une évaluation objective et argumentée des implications constitutionnelles et relatives aux droits de l’homme concernant la situation en Hongrie. L’Assemblée a donné suite à ces constats dans la Résolution 1941 (2013), fondée sur un rapport de sa commission de suivi, et a invité sa commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias, sa commission des questions juridiques et des droits de l’homme et sa commission des questions politiques et de la démocratie à continuer de suivre les aspects pertinents de la situation en Hongrie.

9. Eu égard à ce qui précède, l’Assemblée invite

9.1. l’Union européenne :

9.1.1. à étudier les possibilités de synergies avec les mécanismes existants du Conseil de l’Europe dans les domaines des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit avant d’établir de nouvelles structures ou de continuer à étendre les activités d’organes récemment créés ;

9.1.2. en particulier, à continuer d’utiliser l’expertise des organes pertinents du Conseil de l’Europe, tels que la Commission de Venise, l’Assemblée parlementaire et les mécanismes de suivi spécialisés compétents, y compris ceux qui ont été établis en vertu de la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE n° 126), de la Charte sociale européenne révisée (STE n° 163), de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197) et de la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (STE n° 141), ainsi que le Groupe d’États contre la corruption et la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance ;

9.1.3. à explorer les modalités de coopération avec le Conseil de l’Europe pour promouvoir et mettre en œuvre des conventions susmentionnées du Conseil de l’Europe et à devenir Partie à ces conventions dans la mesure du possible ;

9.1.4. à accélérer l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme ;

9.2. les États membres du Conseil de l’Europe à faciliter la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne à tous les niveaux, y compris en veillant à ce que les conventions pertinentes soient rédigées ou adaptées de manière à faciliter l’adhésion de l’Union européenne ;

9.3. les États membres du Conseil de l’Europe qui sont aussi membres de l’Union européenne à exercer leur influence dans l’Union de manière à réduire au minimum les doubles emplois et à développer au maximum les synergies entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État de droit.

10. L’Assemblée condamne toute proposition de l’Union européenne et/ou du Parlement européen d’amoindrir ou de contester la position suprême de la Convention européenne des droits de l’homme en tant qu’instrument juridique européen définitif portant sur les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit dans les 47 États membres du Conseil de l’Europe.

11. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à rendre compte à l’Assemblée, de manière urgente, de ce qu’il fait pour renforcer le rôle du Conseil de l’Europe en tant que référence en matière de droits de l’homme, d’État de droit et de démocratie en Europe, comme énoncé dans le mémorandum d’accord de mai 2007 entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.

12. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que la Convention européenne des droits de l’homme ne voit pas son rôle minoré en tant qu’instrument juridique de l’Europe, portant sur les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit dans l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe, y compris les pays qui sont également membres de l’Union européenne.

Annexe 3

Résolution 1957 (2013) – La sécurité alimentaire, un défi permanent qui nous concerne tous
3

1. Sur une planète habitée par sept milliards de personnes et aux ressources naturelles abondantes, un milliard d’êtres humains souffrent de la faim ou de malnutrition alors que deux milliards sont en surpoids ou frappés d’obésité. Dans le monde, une personne meurt de faim chaque seconde, et un enfant toutes les cinq secondes, des conséquences de la malnutrition. Étant donné la crise économique, l’insécurité alimentaire affecte toujours davantage les personnes démunies, même en Europe. Il est capital de surmonter les déséquilibres existants pour offrir une alimentation suffisante et adéquate, ainsi que des conditions de vie décentes à l’ensemble des êtres humains.

2. L’alimentation est notre besoin et notre droit le plus fondamental. Si nous ne réussissons pas à garantir aux générations présentes et futures un accès à une alimentation suffisante, saine et nutritive, notre santé, le développement et les droits fondamentaux seront remis en cause. Cependant, alors que la nourriture ne manque pas à l’échelle mondiale, nous sommes sans cesse confrontés à des crises alimentaires causées surtout par l’homme. Celles-ci ne feront que s’aggraver si l’on ne règle pas les problèmes de gouvernance. L’Assemblée parlementaire considère la sécurité alimentaire comme l’un des plus grands défis du XXIe siècle. Ce défi nous concerne tous et les problèmes ne pourront être résolus que si la volonté politique et l’engagement des citoyens sont suffisants.

3. Alors que les inégalités sociales ne cessent d’empirer d’un pays à l’autre et en leur sein même, plus de solidarité est nécessaire pour renforcer la sécurité alimentaire par des politiques et des stratégies de développement, en particulier s’agissant des objectifs du Millénaire pour le développement, des objectifs de développement durable, des négociations relatives au commerce international et des consultations sur le cadre de gouvernance de l’après-2015. Étant donné que l’approvisionnement alimentaire durable est menacé de plus en plus par des facteurs démographiques, environnementaux et de marché, nos choix politiques collectifs qui concernent les systèmes alimentaires doivent établir un meilleur équilibre entre les besoins et les ressources.

4. L’Assemblée est profondément préoccupée par l’ampleur du gaspillage de denrées alimentaires et son impact sur nos conditions de vie. En effet, entre 30 % et 50 % des denrées alimentaires produites dans le monde sont gaspillées. Près de la moitié des denrées alimentaires convenant encore à l’alimentation humaine sont jetées dans les pays développés, alors qu’elles pourraient, si elles étaient récupérées, sauver de la famine et de la malnutrition près de 870 millions de personnes démunies dans le monde. La population toute entière doit faire des choix de consommation en meilleure connaissance de cause.

5. L’essor démographique et les modifications de régime alimentaire aggravent les pressions exercées sur l’environnement et en fin de compte sur l’offre de denrées alimentaires. Le changement climatique, l’exploitation abusive des terres, la pollution chimique et l’épuisement des ressources naturelles nuisent à la qualité et à la quantité de la production alimentaire. L’agriculture restera essentielle pour assurer la sécurité alimentaire, mais elle doit adopter des pratiques plus durables.

6. Le commerce de denrées alimentaires est devenu un lien capital entre producteurs et consommateurs. Cependant, certaines aberrations du système d’échanges mondiaux, telles que la spéculation, la captation des flux d’échanges par des sociétés privées et la fraude, aggravent la volatilité et le niveau des prix et nuisent à la diversité et la qualité des denrées alimentaires. Cela appelle une meilleure régulation des marchés et des contrôles des denrées alimentaires plus efficaces aux niveaux national et international, ainsi que des mesures pour garantir des revenus suffisants aux agriculteurs. L’Assemblée salue également les initiatives de commerce équitable offrant des garanties sociales et écologiques aux producteurs et aux consommateurs.

7. On ne peut surestimer l’importance de la sécurité sanitaire des aliments en tant qu’aspect essentiel de la sécurité alimentaire. Les scandales alimentaires à répétition – dans le monde et en Europe – montrent que les produits frelatés, contaminés ou non conformes aux normes non seulement nuisent à la santé, mais peuvent aussi tuer. Pour accroître la sécurité sanitaire des aliments et réduire les risques sanitaires auxquels s’exposent notamment les groupes les plus vulnérables (tels qu’enfants, femmes enceintes, personnes malades ou allergiques), les normes de référence et les exigences d’étiquetage pour les aliments transformés doivent être renforcées.

8. Au vu des considérations qui précèdent, l’Assemblée recommande vivement aux États membres :

8.1. s’agissant de la production durable de denrées alimentaires,

8.1.1. d’intensifier la lutte contre le changement climatique – notamment par la conclusion d’un accord mondial Kyoto-2 d’ici 2015 – et contre la pollution chimique afin de mieux concilier la quantité et la qualité des disponibilités alimentaires ;

8.1.2. d’investir dans une agriculture durable (notamment l’agriculture « écologiquement intensive » et l’agriculture biologique), y compris par le biais de mesures fiscales et réglementaires ;

8.1.3. d’accélérer le développement d’agrocarburants de deuxième génération à partir de déchets de la biomasse ou de végétaux non alimentaires et, entre-temps, de réduire l’utilisation de cultures vivrières pour la production de biocarburants ;

8.2. s’agissant d’une consommation plus responsable de nourriture,

8.2.1. de diminuer les pertes et le gaspillage à tous les niveaux des systèmes de production, de distribution et de commercialisation des aliments ;

8.2.2. de mener des campagnes de sensibilisation sur les effets nuisibles du gaspillage pour la sécurité alimentaire ;

8.2.3. de dispenser au public une éducation alimentaire adéquate afin de promouvoir l’acquisition d’habitudes alimentaires saines et de résorber le problème de surpoids et d’obésité, qui ne cesse de gagner du terrain ;

8.3. s’agissant du renforcement de la sécurité sanitaire des aliments,

8.3.1. d’intensifier les contrôles alimentaires pour mieux détecter les fraudes ayant une motivation économique et les substances illicites entrant dans la composition de denrées alimentaires ;

8.3.2. de veiller à ce que les denrées alimentaires soient étiquetées de façon transparente, claire et objective ;

8.3.3. d’accroître le soutien à la recherche indépendante sur les nouveaux risques alimentaires pour la santé humaine liés à une exposition à faible dose, mais prolongée, notamment aux organismes génétiquement modifiés (OGM), aux perturbateurs endocriniens, aux nanotechnologies et aux effets cocktail de résidus chimiques présents dans les aliments, en vue d’ajuster les normes de référence en vigueur ;

8.3.4. de veiller à ce que l’utilisation commerciale de nouvelles technologies et substances chimiques dans le secteur alimentaire fasse l’objet d’un examen scientifique rigoureux afin de définir les dispositions réglementaires requises ;

8.3.5. de renforcer le cadre législatif concernant la vente de boissons énergisantes aux enfants et aux adolescents, afin d’éviter les effets nocifs que peuvent avoir ces boissons sur leur santé et leur comportement ;

8.4. s’agissant de l’accessibilité économique aux aliments,

8.4.1. de consolider les mécanismes de solidarité pour lutter contre la pauvreté, qui entrave l’accès des populations concernées à la nourriture ;

8.4.2. d’accroître l’aide au développement consacrée à l’agriculture et à une meilleure conservation des aliments, et d’honorer les engagements pris en la matière ;

8.4.3. de reconnaître les enfants comme un groupe particulièrement vulnérable et de prendre des mesures spécifiques pour leur éviter la malnutrition et ses effets dévastateurs sur le développement des enfants ;

8.4.4. de favoriser la sécurité alimentaire dans les pays fragiles, en particulier en Afrique sub-saharienne et en Asie du Sud, en améliorant la capacité de résistance des petites exploitations agricoles et les moyens de subsistance en milieu rural, en contribuant à la bonne gouvernance régionale en matière de politiques agricoles et alimentaires et en renforçant l’aide aux populations vulnérables ;

8.4.5. de soutenir les principes minimaux, au regard des droits de l’homme, applicables aux acquisitions ou locations de terres à grande échelle qui ont été définis par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, et de s’employer à étendre le plus possible leur champ d’application géographique au moyen de programmes de coopération au développement et d’accords commerciaux internationaux ;

8.4.6. de promouvoir la sécurité alimentaire par l’établissement d’un nouveau cadre universel pour l’après-2015 intégrant les objectifs du Millénaire pour le développement et les objectifs de développement durable ;

8.5. s’agissant des réglementations,

8.5.1. de garantir la mise en œuvre pleine et entière du droit fondamental à une alimentation appropriée en reconnaissant, dans leur législation, le caractère exécutoire de ce droit, ainsi que du droit fondamental à une eau salubre ;

8.5.2. de s’employer à harmoniser, dans toute l’Europe et au-delà, l’application du principe de précaution aux disponibilités alimentaires, en vue d’assurer une protection adéquate de la santé publique ;

8.5.3. de soutenir les efforts des agences des Nations Unies, de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour protéger les denrées alimentaires contre la spéculation financière, contenir la volatilité des prix des aliments de base et encourager la constitution de réserves alimentaires au niveau national ou régional, selon le cas ;

8.5.4. de supprimer progressivement les subventions aux exportations de produits agricoles qui faussent le marché et de faire progresser les négociations de l’OMC sur le cycle de Doha en vue d’améliorer la sécurité alimentaire dans les pays en développement ;

8.5.5. de veiller à ce qu’un accord international sur le changement climatique en 2015 reconnaisse les risques pour la sécurité alimentaire et souligne l’importance de valoriser le capital naturel dans la poursuite des objectifs énoncés dans la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques.

Annexe 4

Résolution 1958 (2013) – La lutte contre la discrimination des seniors sur le marché du travail
4

1. La discrimination fondée sur l’âge est l’une des formes de discrimination les plus répandues, avec toutefois d’importantes différences entre les États membres du Conseil de l’Europe dans la prise de conscience du problème et l’ampleur des actions pour la combattre. Dans le domaine de l’emploi, la discrimination des travailleurs/euses seniors (les personnes actives de 50 à 64 ans) et, de manière plus générale, des seniors (65 ans et plus) se manifeste par des différences de traitement qui ne sont ni justifiées ni nécessaires, surtout dans l’accès à l’embauche et à la formation continue.

2. Dans le contexte européen actuel de crise économique et de vieillissement de la population, les travailleurs/euses seniors sont confronté(e)s à des difficultés accrues dans tous les aspects de l’emploi : ils continuent de faire face à des inégalités et à des stéréotypes, alors que la compétition est plus intense ; dans plusieurs pays, l’âge de la retraite a été repoussé et, en même temps, nombre d’entre eux sont poussés vers la retraite anticipée.

3. L’Assemblée parlementaire estime nécessaire de mettre en place des dispositions juridiques efficaces pour lutter contre la discrimination fondée sur l’âge, ainsi qu’introduire des actions positives en faveur des travailleurs/euses seniors qui souhaitent intégrer ou réintégrer le marché du travail, ainsi qu’en faveur des employé(e)s seniors, y compris ceux qui souhaitent continuer à travailler au delà de l’âge de départ à la retraite. La position particulièrement vulnérable des personnes touchées par des formes multiples de discrimination en cumulant différents critères devrait être spécifiquement prise en compte dans l’élaboration des mesures législatives ou politiques pertinentes.

4. En outre, à la discrimination fondée sur l’âge correspond une image négative du vieillissement dans la société, dit « âgisme ». L’Assemblée considère comme primordial d’œuvrer à changer les mentalités en vue d’éliminer les stéréotypes et de construire une image positive et réaliste de tout âge de la vie.

5. Sur la base de ces considérations, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe :

5.1. à assurer que la législation nationale inclue l’âge en tant que critère de non-discrimination et tient compte de la discrimination multiple ;

5.2. à veiller à la mise en œuvre effective de la législation anti-discrimination, y inclus par la mise en place de mécanismes de surveillance et d’un système d’incitations et de sanctions efficace le cas échéant ;

5.3. à mettre en place des mesures positives en vue de faciliter l’accès à l’emploi des seniors, prenant en considération la situation de groupes particulièrement vulnérables ;

5.4. à faciliter la réintégration sur le marché du travail des travailleurs/euses seniors ayant vécu de longues périodes de chômage ou d’arrêt de travail, notamment des femmes seniors qui ont eu de longues périodes sans emploi rémunéré, par exemple pour élever les enfants ou s’occuper d’autres membres de la famille, et dont l’emploi a été caractérisé par des contrats temporaires et à temps partiel ;

5.5. à développer l’accès à des formations continues pour les seniors en situation d’emploi ou de chômage afin de leur permettre d’actualiser leurs connaissances, de se perfectionner et de s’adapter aux nouvelles technologies et à leurs évolutions dans leur domaine professionnel ;

5.6. à soutenir des campagnes d’information visant à faire évoluer les mentalités vis-à-vis du vieillissement et à sensibiliser davantage le public à l’expérience considérable des travailleurs/euses seniors et à promouvoir des approches novatrices concernant leur emploi, telles que les systèmes d’aménagement du temps de travail, chaque fois que possible (par exemple, travail à temps partiel, emploi partagé, rotation des tâches) ;

5.7. à encourager les programmes de mentorat pour faciliter le dialogue entre les générations et multiplier les échanges d’expérience en vue d’éliminer les stéréotypes envers les seniors.

Annexe 5

Recommandation 2025 (2013) – Le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine
5

1. L’Assemblée parlementaire rappelle que, depuis l’adhésion du pays au Conseil de l’Europe en 2002, elle n’a eu de cesse, à maintes reprises, d’exhorter la Bosnie-Herzégovine à entamer une réforme constitutionnelle – pour la première fois en 2004, dans sa Résolution 1383 (2004) sur le respect des obligations et engagements de la Bosnie-Herzégovine (paragraphe 3).

2. L’Assemblée rappelle notamment sa Résolution 1701 (2010) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine, dans laquelle elle appelait les principaux acteurs politiques à engager, avant les élections législatives d’octobre 2010, un dialogue constructif sur des propositions concrètes d’amendements à la Constitution afin d’adopter un ensemble complet de réformes, supprimant notamment l’interdiction constitutionnelle qui s’exerce à l’égard des « autres » – c’est-à-dire les membres des minorités nationales ou les personnes refusant de se voir étiquetées « peuples constituants » (les Bosniaques, les Serbes ou les Croates) – et les empêche de se porter candidats aux élections à la Présidence et à la Chambre des peuples, situation mise en évidence par l’arrêt Sejdić et Finci c. Bosnie-Herzégovine rendu le 22 décembre 2009 par la Cour européenne des droits de l’homme.

3. L’Assemblée rappelle aussi sa Résolution 1725 (2010) sur le besoin urgent d’une réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine, dans laquelle elle exprimait sa vive inquiétude sur la non-adoption, avant les élections de 2010, des amendements nécessaires à la Constitution et à la loi électorale. Bien que globalement libres et justes, ces élections se sont donc tenues sur la base d’un cadre constitutionnel et juridique contraire à la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5) et à ses protocoles. La légitimité démocratique des membres de la Présidence et des parlementaires s’en trouve affectée, leur élection reposant sur un système vicié à la base.

4. L’Assemblée évoque également sa Résolution 1855 (2012) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Bosnie-Herzégovine, dans laquelle elle rappelle aux autorités que l’arrêt Sejdić et Finci est juridiquement contraignant et doit être mis en œuvre. L’Assemblée a également averti la Bosnie-Herzégovine que, si les amendements nécessaires n’étaient pas adoptés en temps voulu avant les prochaines élections de 2014, la qualité de membre du Conseil de l’Europe du pays serait remise en cause.

5. L’Assemblée réaffirme que l’exécution de l’arrêt Sejdić et Finci constitue une première étape dans la réforme constitutionnelle globale nécessaire pour se défaire du carcan institutionnel instauré par la Constitution de Dayton et, ce faisant, pour s’orienter vers une démocratie moderne, euro-compatible et fonctionnelle dans laquelle tous les citoyens, quelle que soit leur origine ethnique, jouissent des mêmes droits et libertés. L’Assemblée estime, en particulier, que les règles de quorum restrictives, le recours excessif au vote par entité (une double majorité qualifiée servant à toutes les prises de décision du parlement) et la définition ambiguë du prétendu « intérêt national vital » – au lieu d’empêcher, par le dialogue et la recherche de compromis, la mise en minorité des groupes ethniques – ont été systématiquement et abusivement utilisés et entravent aujourd’hui tous les processus décisionnels.

6. L’Assemblée regrette vivement que les autorités n’aient déployé aucun effort digne de ce nom pour mettre en place, avant les élections de 2010 ou après, un processus institutionnalisé sérieux destiné à préparer un ensemble complet d’amendements constitutionnels, en concertation avec la société civile et un large éventail d’experts juridiques.

7. A cet égard, l’Assemblée rappelle aux autorités de Bosnie-Herzégovine qu’en ne mettant pas en œuvre l’arrêt Sejdić et Finci, le pays non seulement manque à ses obligations et engagements envers le Conseil de l’Europe, mais il empêche l’entrée en vigueur de l’Accord de stabilisation et d’association conclu avec l’Union européenne en 2008, et il s’interdit la possibilité de soumettre sa candidature à l’Union européenne. Les autres pays de la région sont en progression, mais la Bosnie-Herzégovine reste de plus en plus à la traîne.

8. Par conséquent, l’Assemblée regrette vivement que les responsables politiques n’aient pas respecté la feuille de route convenue avec l’Union européenne le 27 juin 2012 dans le cadre du dialogue de haut niveau sur le processus d’adhésion à l’Union européenne, document par lequel ils s’engageaient à déposer des amendements constitutionnels devant le parlement avant le 31 août 2012 et à modifier la Constitution avant novembre 2012.

9. Les institutions démocratiquement élues, telles que l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine ou la Présidence tripartite, ne doivent pas recevoir d’ordre de la part de chefs de partis politiques, mais travailler conformément au mandat de quatre ans qu’elles ont reçu des électeurs. L’Assemblée estime que les amendements constitutionnels nécessaires ne doivent pas être négociés à huis clos par des dirigeants de partis politiques généralement non élus, mais soumis au parlement et votés. Aussi déplore-t-elle que les trois amendements constitutionnels déposés devant le parlement en août 2012, bien que mutuellement incompatibles, n’aient pas encore été soumis au vote.

10. L’Assemblée rappelle aux autorités de Bosnie-Herzégovine que, selon les normes du Conseil de l’Europe, notamment celles formulées par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le système électoral ne doit pas être modifié moins d’un an avant des élections, afin de permettre à l’administration électorale de faire face aux changements adoptés. Par conséquent, il est de toute première importance que les amendements constitutionnels nécessaires à la mise en œuvre de l’arrêt Sejdić et Finci, de même que les changements correspondants apportés à la loi électorale, soient adoptés en temps voulu avant les prochaines élections d’octobre 2014 pour la Présidence de Bosnie-Herzégovine, pour le Parlement au niveau de l’État, pour les parlements au niveau des entités et, enfin, pour les assemblées cantonales de la Fédération.

11. L’Assemblée ne tolérera plus d’autre élection en violation de l’arrêt Sejdić et Finci. L’Assemblée encourage toutes les parties prenantes politiques de Bosnie-Herzégovine à faire tout leur possible pour que le pays, qui est membre du Conseil de l’Europe, satisfasse d’ici la fin 2013 aux exigences découlant de l’arrêt Sejdić et Finci.

12. De plus, l’Assemblée demande au Comité des Ministres d’inviter instamment les autorités et les responsables politiques de Bosnie-Herzégovine à amender sans délai la Constitution et la législation électorale, conformément à l’arrêt Sejdić et Finci.

13. Enfin, l’Assemblée rappelle qu’une réforme constitutionnelle est indispensable pour le fonctionnement de l’État, mais qu’elle s’impose également au niveau des entités. C’est pourquoi elle appelle la Republika Srpska à relancer la procédure d’amendements constitutionnels, rejetée en avril 2012 du fait de l’opposition de la faction bosniaque du Conseil des peuples de la Republika Srpska. Il est inacceptable, par exemple, que la Constitution de la Republika Srpska prévoie encore la peine de mort.

14. La Fédération, l’autre entité de la Bosnie-Herzégovine – composée de dix cantons, chacun doté de sa propre Constitution et de son assemblée cantonale élue –, doit, elle aussi, adopter d’urgence des amendements à sa Constitution, notamment en ce qui concerne la suppression des dispositions constitutionnelles relatives au Médiateur dans la Fédération, lequel n’existe plus depuis la mise en place, en 2008, d’une institution de médiation unifiée au niveau de l’État.

15. L’Assemblée n’a cessé d’appeler à une réforme profonde de la Fédération car le système actuel, outre le fait qu’il est inefficace, n’est pas viable en temps de crise économique et financière. Par conséquent, l’Assemblée invite les autorités de la Fédération à sérieusement examiner les 185 propositions de réforme constitutionnelle soumises par des experts nationaux, y inclus la fusion de certains cantons et la redéfinition de la répartition des compétences entre niveaux municipal, cantonal et fédéral.

16. Dans sa Résolution 1855 (2012), l’Assemblée regrette vivement, suite aux élections de 2010, l’important retard pris pour constituer les deux chambres de l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine: la Chambre des représentants n’a commencé à fonctionner que vers la fin mai 2011, la Chambre des peuples au début de juin 2011. Au niveau de l’État, le gouvernement n’a été formé qu’en février 2012, soit plus de 14 mois après les élections.

17. L’Assemblée salue l’adoption, en février 2012, du budget de l’État pour 2011 et des lois sur le recensement et sur les aides de l’État, conditions requises par l’Accord de partenariat européen avec l’Union européenne. Elle regrette que le recensement ait été à nouveau reporté (à octobre 2013), rappelant que la Bosnie-Herzégovine est le seul pays de la région, hormis « l’ex-République yougoslave de Macédoine », à ne pas avoir organisé de recensement en 2011.

18. L’Assemblée est profondément préoccupée par la crise politique persistante qui a fait suite à la scission de la coalition des six partis au niveau de l’État, en mai 2012, après le refus du Parti d’action démocratique (SDP) de voter le budget 2012. Cette crise a une double origine : d’une part, la tentative du Parti social-démocrate (SDP) – soutenu par le Parti pour un meilleur avenir (SBB) et par les deux partis de l’Union démocratique croate (HDZ BiH et HDZ 1990) – d’exclure le SDA et ses alliés des coalitions au pouvoir au niveau de l’État, de la Fédération et des cantons et, d’autre part, le refus du SDA de se retirer.

19. L’Assemblée note que le SDP et ses partenaires au sein de la coalition au niveau de l’État ont, certes, réussi à révoquer du gouvernement au niveau de l’État les trois ministres affiliés au SDA, mais seulement à la fin octobre 2012. En outre, le SDP, le SBB et les deux partis HDZ ont réussi à opérer un remaniement des autorités dans quatre cantons et dans quelques municipalités. Toutefois, à ce jour, ces partis n’ont toujours pas réussi à remanier le gouvernement au niveau de la Fédération, bien que détenant une importante majorité parlementaire, laquelle a voté une motion de censure au gouvernement dans les deux chambres du parlement à la mi-février 2013. La faction bosniaque dominée par le SDA a bloqué la mise en œuvre du vote de défiance en invoquant l’« intérêt national vital » à la Chambre des peuples du parlement. Or, la question de l’intérêt national vital n’a pu être tranchée, les juges manquants n’ayant été nommés à la Cour constitutionnelle de la Fédération et à son panel sur l’intérêt national vital que fin juillet 2013. La Fédération se trouve donc complètement paralysée et hors d’état de fonctionner.

20. Par ailleurs, l’Assemblée note avec inquiétude un manque de respect grandissant envers l’État de droit. Les hauts responsables de la Republika Srpska ont, à plusieurs reprises, attaqué les principales institutions de l’État telles que la Cour constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine, la Cour d’État et le parquet, le Conseil supérieur des juges et procureurs et la Commission électorale centrale de la Bosnie-Herzégovine. Dans la Fédération, il est souvent arrivé que des responsables et partis politiques ignorent ou, dans certains cas, violent directement les obligations inscrites dans les constitutions et les lois, et ce par opportunisme politique. Plus inquiétante encore est la tendance croissante à purement et simplement ne pas mettre en œuvre les arrêts rendus par la Cour constitutionnelle au niveau de l’État.

21. L’Assemblée, en particulier, condamne la non-exécution de l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle, en 2010, sur certaines dispositions précises liées au système électoral de Mostar, ville divisée depuis la fin de la guerre. Étant donné le vide juridique créé par cette non-exécution, les élections locales n’ont pu avoir lieu à Mostar le 7 octobre 2012. Le mandat des membres précédents du conseil municipal a expiré en novembre 2012 et, depuis lors, la ville se retrouve sans budget ni responsables légalement élus. L’Assemblée appelle instamment les acteurs politiques à mettre fin à cette situation, extrêmement pénible pour la population. L’Assemblée déplore également la non-exécution de la décision prise, en juillet 2012, par la Cour constitutionnelle d’abroger la loi de la Republika Srpska sur les biens nationaux, ainsi que l’important retard pris par le parlement au niveau de l’État pour adopter des amendements à la loi sur le numéro d’identification à 13 chiffres des citoyens conformément aux décisions prises, en 2011 et au début 2013, par la Cour constitutionnelle. Ainsi, quelque 3 000 enfants nés depuis mars 2013 sont restés privés de soins de santé ou des documents nécessaires pour se rendre à l’étranger.

22. L’Assemblée estime que la situation actuelle empêche l’aboutissement de réformes indispensables dans des secteurs clés tels que les institutions démocratiques, l’État de droit et les droits de l’homme, et qu’elle ralentit les progrès du pays sur la voie de l’intégration européenne. L’Assemblée observe que, depuis 2006, la Bosnie-Herzégovine a réalisé très peu de progrès dans la mise en œuvre de certains engagements clés pris envers le Conseil de l’Europe.

23. Pour briser le cycle de blocages et d’affrontements perpétuels, l’Assemblée invite à nouveau les autorités de Bosnie-Herzégovine et les principaux acteurs de la scène politique à assumer leurs responsabilités, à mettre un terme à l’obstructionnisme et à travailler de manière constructive au niveau des institutions d’État.

24. L’Assemblée suivra de près la situation en Bosnie-Herzégovine et fera le point sur les progrès réalisés quant à la mise en œuvre de la présente résolution et des précédentes. Si aucun progrès n’est réalisé sur les questions mentionnées dans la présente résolution avant la fin septembre 2014, l’Assemblée n’aura pas d’autre possibilité que de discuter et de déterminer, lors de la prochaine partie de session d’octobre 2014, les mesures à prendre dans ses relations avec la Bosnie-Herzégovine.

Annexe 6

Résolution 1955 (2013) – Le respect des obligations et engagements de la République de Moldova 
6

1. La République de Moldova a adhéré au Conseil de l’Europe en 1995. Elle a manifesté depuis la volonté politique d’honorer ses engagements et ses obligations envers le Conseil de l’Europe, notamment en ratifiant 81 conventions de l’Organisation. Des préoccupations cruciales doivent toutefois encore être traitées dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit.

2. Après l’adoption de la Résolution 1572 (2007) sur le respect des obligations et engagements de la Moldova, la vie politique a été marquée par un grand nombre d’élections. Les élections législatives du 5 avril 2009 ont conduit à une impasse constitutionnelle en ce qui concerne l’élection du Président de la République avec la majorité des voix requise (soit 61 sur 101 députés). Des élections législatives anticipées ont eu lieu le 29 juillet 2009 et ont porté au pouvoir « l’Alliance pour l’intégration européenne ». Cependant, une nouvelle incapacité du parlement à élire le Président a mené à des élections législatives anticipées le 28 novembre 2010. Le 5 septembre 2010, un référendum constitutionnel proposant l’élection au suffrage direct du Président de la République n’a pas atteint le seuil de participation minimum requis de 33 %. L’ensemble des élections et le référendum constitutionnel ont été observés par des commissions ad hoc de l’Assemblée parlementaire.

3. Les actes de violence qui se sont produits pendant et après les manifestations post-électorales en avril 2009 et l’impasse constitutionnelle liée à l’élection du Président de la République ont incité l’Assemblée à adopter la Résolution 1666 (2009) sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Moldova et la Résolution 1692 (2009) sur la mise en œuvre de la Résolution 1666 (2009).

4. Elle reconnaît les efforts déployés par les autorités pour poursuivre le processus de démocratisation avec l’aide de partenaires internationaux. Dans ce contexte, elle se félicite de l’adoption par le parlement en juillet 2012 d’un plan d’action sur le respect des engagements pris par la République de Moldova à l’égard du Conseil de l’Europe, qui montre dans quelle mesure la République de Moldova respecte les engagements qu’elle a pris quand elle a adhéré à l’Organisation et souligne les questions qui restent en suspens. L’Assemblée encourage les autorités à se conformer pleinement aux engagements restants et à honorer leurs obligations, en collaboration avec le Conseil de l’Europe.

5. L’Assemblée se félicite de la volonté de la République de Moldova de faire avancer le processus d’intégration européenne et du désir des autorités moldaves de s’engager dans un accord d’association, y compris un accord de libre-échange complet et approfondi avec l’Union européenne dans le cadre du Partenariat oriental, ainsi que d’achever la mise en œuvre du plan d’action qui lie la République de Moldova à l’Union européenne sur la libéralisation des visas. Dans le même temps, elle note que les relations économiques avec les pays d’Europe orientale restent importantes.

6. La crise politique de janvier à mai 2013, qui a suivi « l’accident de chasse » de décembre 2012, a révélé de graves dysfonctionnements du parquet et d’autres institutions chargées du maintien de l’ordre. Elle a fait ressortir la nécessité de dépolitiser les institutions étatiques et d’assurer une meilleure séparation des pouvoirs. L’Assemblée espère maintenant que l’ensemble des partis politiques tireront des leçons de cette crise. Elle invite notamment les partis au pouvoir à adopter l’attitude responsable requise pour assurer le bon fonctionnement des institutions nécessaire dans une société démocratique, fondé sur la transparence et l’obligation de rendre des comptes. C’est-là une condition préalable au respect de l’État de droit, de la démocratie et des droits de l’homme, mais aussi pour stimuler l’économie, attirer des investissements étrangers, réduire la pauvreté et agir en faveur de l’intérêt public pour favoriser des meilleures conditions de vie pour tous. La démocratie implique un ensemble de freins et de contre pouvoirs au sein des institutions démocratiques. Les institutions étatiques ne devraient jamais servir les intérêts d’un parti ou d’une personne.

7. En ce qui concerne le fonctionnement des institutions démocratiques, l’Assemblée est heureuse que, le 16 mars 2012, le parlement ait élu le Président de la République, mettant ainsi fin à près de trois ans de paralysie politique et réinstaurant la séparation des pouvoirs conformément à la Constitution moldave. L’Assemblée invite tous les partis politiques à entamer des négociations pour parvenir au compromis politique nécessaire à la révision de l’article 78 de la Constitution (relatif à la procédure d’élection du Président). Une telle révision éviterait de futurs blocages politiques et l’éventualité d’élections législatives anticipées répétées, ce qui assurerait la stabilité politique nécessaire à la poursuite d’un processus de réforme dont le besoin se fait cruellement sentir. A plus long terme, les autorités moldaves devraient envisager une révision plus étendue de la Constitution.

8. Étant donné ce qu’elle a observé lors des élections, l’Assemblée reste préoccupée par les déficiences du processus électoral. Elle prend note avec satisfaction des efforts déployés en 2009-2010 pour améliorer le processus électoral malgré la tenue d’élections répétées et d’un référendum pendant cette période. Cependant, elle encourage les autorités moldaves à appliquer pleinement le code électoral adopté en juin 2010, y compris l’exigence de constituer une liste électorale électronique et de réduire encore le nombre d’électeurs enregistrés sur les listes électorales complémentaires. Elle espère que les autorités affecteront les crédits nécessaires pour équiper comme il convient tous les bureaux de vote et pour former les membres des bureaux électoraux afin d’obtenir toutes les garanties nécessaires à des élections libres et équitables. Les processus électoraux n’ont cessé d’être une pomme de discorde entre la majorité et l’opposition. L’achèvement des réformes électorales devrait donc être une question prioritaire pour les autorités. L’Assemblée insiste sur la nécessité pour les autorités moldaves de respecter les normes internationales en matière électorale, notamment le Code de bonne conduite en matière électorale de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise).

9. Dans le cadre des réformes électorales, l’Assemblée espère en particulier que les autorités moldaves modifieront le cadre légal concernant le financement des partis politiques et des campagnes électorales en tenant compte des avis conjoints du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) et de la Commission de Venise, adoptés le 11 mars 2013, et de la recommandation formulée en avril 2013 par le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) sur la transparence du financement des partis.

10. L’Assemblée encourage les autorités moldaves à poursuivre le processus de décentralisation et à entamer les consultations nécessaires sur la réorganisation des collectivités locales. Elle se félicite de l’adoption, le 5 avril 2012, de la Stratégie sur la décentralisation nationale à la suite de l’adoption de la Recommandation 322 (2012) par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. L’Assemblée invite les autorités moldaves à continuer de mettre en œuvre la stratégie de décentralisation conformément à la Charte européenne de l’autonomie locale (SCE n° 122). Elle espère que tous les partis politiques resteront attachés au renforcement des compétences et des moyens financiers des pouvoirs locaux afin de consolider la démocratie locale et d’offrir des services de qualité à la population. L’Assemblée prend acte des derniers amendements à la loi sur les finances publiques et espère que ces modifications assureront des transferts budgétaires équitables aux collectivités locales. Elle invite instamment le Parlement moldave à adopter la loi sur les finances publiques en priorité, afin de permettre la mise en œuvre de la loi en 2014.

11. L’Assemblée encourage les autorités moldaves et les représentants élus de l’entité territoriale autonome de Gagaouzie (Gagauz-Yeri) à poursuivre un dialogue constructif afin d’harmoniser le statut et la législation de l’entité avec la législation nationale et de faire en sorte que celle-ci soit conforme aux normes internationales dans le respect de la souveraineté de la République de Moldova. Elle rappelle que le Conseil de l’Europe est disposé à mettre à disposition sa compétence en la matière.

12. En ce qui concerne la prééminence du droit, l’Assemblée souligne qu’un certain nombre de réformes sont attendues des autorités moldaves afin d’assurer la séparation des pouvoirs et de dépolitiser les institutions judiciaires. Elle invite en particulier les autorités moldaves, en consultation avec la société civile et en coopération avec le Conseil de l’Europe et avec la Commission de Venise :

12.1. à poursuivre la réforme du système judiciaire et à mettre pleinement en œuvre le plan d’action sur la réforme de la justice (2011-2016) en y consacrant un budget approprié ;

12.2. à préciser les compétences de la Cour constitutionnelle et les procédures de désignation de ses membres en se fondant sur la compétence de la Commission de Venise ;

12.3. à réformer le parquet conformément à la Recommandation Rec(2000)19 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur le rôle du ministère public dans le système de justice pénale et la Recommandation 1604 (2003) de l’Assemblée sur le rôle du ministère public dans une société démocratique régie par le principe de la primauté du droit.

13. L’Assemblée reste particulièrement préoccupée par l’étendue de la corruption dans le système judiciaire, la police, l’éducation et le système de soins, qui remet gravement en cause la confiance de la population dans ses institutions et qui sape le bon fonctionnement des institutions publiques. Elle invite la République de Moldova à prendre des mesures résolues contre la corruption, à mettre en œuvre les recommandations restantes du Groupe d’États contre la corruption, à promouvoir une approche de « tolérance zéro » à tous les niveaux et à recourir aux dispositions de droit pénal concernant les pots de vins et le trafic d’influence, ainsi que l’a souligné le GRECO.

14. L’Assemblée insiste sur la nécessité de soutenir pleinement le bon fonctionnement du Centre national anticorruption (NAC) et la Commission nationale sur l’intégrité. Après la révision de la loi n° 106, qui a transféré le contrôle du NAC du parlement à nouveau au gouvernement en mai 2013, elle espère que le NAC s’acquittera de sa mission en toute indépendance. Elle exhorte les autorités à faire en sorte qu’aucune ingérence politique indue ne nuise au travail du Centre, ce qui est essentiel pour prévenir et combattre la corruption.

15. En ce qui concerne le respect des droits de l’homme, l’Assemblée se félicite de l’adoption de la version révisée du plan d’action national (2011-2014) de février 2012 pour les droits de l’homme et invite les autorités à le mettre en œuvre, compte tenu des recommandations du dernier Examen périodique universel des Nations Unies et des questions relatives à la lutte contre la discrimination soulevées par l’Assemblée parlementaire et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

16. L’Assemblée reste disposée à soutenir les efforts déployés par les autorités moldaves pour se conformer aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme (STE n° 5, « la Convention ») et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. A cet égard, elle note avec satisfaction le lancement d’un programme de coopération en 2013, financé par le Fonds fiduciaire du Conseil de l’Europe pour les droits de l’homme, pour soutenir une mise en œuvre cohérente de la Convention.

17. L’Assemblée prend note du processus de réforme mené depuis 2010 par le ministre de l’Intérieur pour réformer ses institutions subordonnées et décentralisées (par exemple la police et les carabiniers) et encourage la République de Moldova à se conformer aux normes relatives aux droits de l’homme. Elle réitère l’invitation formulée dans la Résolution 1666 (2009) afin de finaliser le transfert, du ministère de l’Intérieur au ministère de la Justice, de la responsabilité de la détention provisoire.

18. L’Assemblée reste préoccupée par le fait que les poursuites entamées à la suite des événements d’avril 2009 n’aient pas encore abouti. Comme elle l’a déjà fait en 2009, elle invite à nouveau les autorités à enquêter pleinement sur ces événements, à en poursuivre les responsables et à faire répondre les membres des forces de sécurité des infractions pénales qu’ils ont commises, ainsi que l’a rappelé le Commissaire aux droits de l’homme pendant sa visite de mars 2013 en République de Moldova.

19. Les médias restent une question sensible en République de Moldova. L’Assemblée exprime sa préoccupation à la suite de la longue procédure concernant le retrait en 2012 de la licence de la chaîne NIT. Elle exhorte les autorités à créer les conditions nécessaires pour assurer la liberté des médias et éviter toute ingérence politique en clarifiant la réglementation en matière de propriété des médias, en dépolitisant le secteur des médias et en l’ouvrant à la concurrence, et en examinant la question de la concentration des médias qui est un problème dans la plupart des démocraties. L’Assemblée espère que le parlement adoptera bientôt le nouveau code sur la radiodiffusion, qui a été révisé conformément aux recommandations du Conseil de l’Europe.

20. L’Assemblée note avec satisfaction que la République de Moldova a été le premier État membre à ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197) le 19 mai 2006. Elle encourage les autorités moldaves à intensifier encore la lutte contre la traite des êtres humains, conformément aux recommandations du Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) de juin 2012. Elle se félicite de l’adoption d’un nouveau plan d’action sur la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains (2012-2013) et de la rédaction de directives destinées à faciliter l’identification des victimes.

21. L’Assemblée est heureuse que la République de Moldova ait ratifié le 12 mars 2012 la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE n° 201, « Convention de Lanzarote ») et qu’elle participe activement à la Campagne « Un sur cinq ». Elle prend note aussi avec satisfaction de la révision du Code pénal et du Code de procédure pénale qui s’en est suivi.

22. L’Assemblée salue l’adoption de la loi anti-discrimination en 2012, qui est un premier pas sur la voie du respect des droits des personnes et des minorités dans leur ensemble. Elle espère que les autorités affecteront des ressources financières et humaines suffisantes au Conseil anti-discrimination et que ses conclusions seront prises en considération par les autorités pour corriger les déficiences éventuelles.

23. La lutte contre les préjugés homophobes reste un défi en République de Moldova. L’Assemblée invite tous les responsables politiques et religieux à assumer leur responsabilité de faiseurs d’opinion en encourageant la tolérance et s’abstenant d’encourager les attitudes homophobes et de faire des déclarations qui n’ont pas leur place dans une démocratie. Il faudrait aussi lancer de vastes campagnes de sensibilisation avec le ferme soutien politique des autorités.

24. Dans ce contexte, l’Assemblée est préoccupée par l’adoption récente le 24 mai 2013 d’un article 90.1 modifié du Code des contraventions, promulgué le 5 juillet 2013, qui réprime « la diffusion d’informations et/ou la réalisation d’actes destinés à diffuser (…) d’autres relations que celles qui sont liées au mariage et à la famille, conformément à la Constitution et au Code de la famille ». Une telle disposition est manifestement contraire aux normes européennes sur la lutte contre la discrimination. L’Assemblée exhorte donc les autorités moldaves à l’abroger et se félicite des mesures préliminaires prises par le Médiateur, le Conseil anti-discrimination et le ministère de l’Intérieur afin d’assurer une application correcte et uniforme de ces amendements jusqu’à leur abrogation.

25. La République de Moldova est une société multiculturelle et plurilingue. L’Assemblée invite les autorités moldaves à étudier encore la possibilité de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148), qui reste un engagement auquel la République de Moldova n’a pas donné suite, et de tirer profit de la compétence du Conseil l’Europe afin d’évaluer la faisabilité, l’incidence et la valeur ajoutée d’une telle ratification.

26. En ce qui concerne la région de Transnistrie de la République de Moldova, l’Assemblée se félicite de la reprise en 2012 des pourparlers 5+2, associant la République de Moldova, les autorités de fait de Transnistrie, l’OSCE, la Fédération de Russie et l’Ukraine, et les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne en tant qu’observateurs. L’Assemblée salue les progrès réalisés sur des questions pratiques, notamment dans le domaine de l’éducation, de l’environnement, des transports et des télécommunications. Elle reste toutefois préoccupée par l’aggravation des tensions causée ces derniers mois par des décisions unilatérales prises par les autorités de fait de la région de Transnistrie. Elle invite à nouveau l’ensemble des parties prenantes à entamer un dialogue constructif pour régler le problème de la Transnistrie tout en respectant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République de Moldova.

27. Rappelant le paragraphe 25 de sa Résolution 1896 (2012) sur le respect des obligations et engagements de la Fédération de Russie, l’Assemblée réitère son appel aux autorités russes d’achever le retrait des forces militaires russes et de leur matériel du territoire de la République de Moldova sans plus attendre.

28. Nonobstant le règlement du conflit de Transnistrie, l’Assemblée est particulièrement préoccupée par les violations des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la région de Transnistrie qui affectent la vie quotidienne de la population. Elle invite les autorités de fait à examiner les conclusions de l’expert des Nations Unies, Thomas Hammarberg, de février 2013 concernant notamment le pouvoir judiciaire, le respect du droit international relatif aux droits de l’homme, la torture et les mauvais traitements, les investigations pénales et les poursuites, le système pénitentiaire, l’accès au logement, à la santé et au droit à l’éducation, la pandémie de VIH et de tuberculose, la traite des êtres humains et les droits des personnes handicapées.

29. L’Assemblée invite également la Fédération de Russie et les autorités de fait à exécuter l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Catan et autres c. Fédération de Russie et République de Moldova, en ce qui concerne le droit à l’éducation dans des écoles utilisant l’alphabet latin.

30. L’Assemblée encourage les autorités moldaves et les autorités de fait de Transnistrie à continuer de coopérer pour favoriser les mesures de confiance sur les deux rives du Dniestr/Nistru lancées par le Conseil de l’Europe, afin de renforcer les contacts interpersonnels.

31. En conclusion, l’Assemblée reconnaît les progrès et la volonté constante de la République de Moldova de se conformer aux normes du Conseil de l’Europe. Cependant, elle relève qu’une série de questions fondamentales doivent encore être traitées pour assurer le développement durable des institutions démocratiques. Il conviendrait tout d’abord de promouvoir une culture politique axée sur la séparation des pouvoirs, le respect de contre-pouvoirs et la dépolitisation des institutions de l’État et des organes chargés de l’application des lois, ainsi que la promotion des droits de l’homme et la lutte contre la discrimination.

32. L’Assemblée est convaincue que la communauté internationale doit continuer de soutenir les efforts de démocratisation et l’aspiration de la République de Moldova à se conformer pleinement aux normes du Conseil de l’Europe. Elle invite donc le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à envisager de poursuivre et de renforcer les programmes de coopération sur les questions les plus urgentes à traiter par la République de Moldova, notamment la réforme constitutionnelle, électorale et judiciaire, la lutte contre la corruption, la promotion des droits de l’homme, la lutte contre la discrimination et la promotion de la bonne gouvernance à tous les niveaux de décision. Les autorités moldaves sont invitées à continuer de faire appel à la compétence de l’Organisation et de la Commission de Venise.

33. Étant donné les obligations et engagements qui demandent toujours à être pleinement respectés, l’Assemblée décide de poursuivre la procédure de suivi concernant le respect des obligations et engagements pris par la République de Moldova. Au vu des progrès réalisés depuis 2009, l’Assemblée reste prête à examiner la possibilité d’évoluer vers un dialogue postsuivi si les réformes attendues étaient mises en œuvre, conformément à la présente résolution.

1 () Discussion par l’Assemblée le 3 octobre 2013 (34e séance) (voir Doc. 13320, rapport de la commission des questions politiques et de la démocratie, rapporteur : M. von Sydow). Texte adopté par l’Assemblée le 3 octobre 2013 (34e séance).

2 () Discussion par l’Assemblée le 3 octobre 2013 (35e séance) (voir Doc. 13321, rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur : M. McNamara). Texte adopté par l’Assemblée le 3 octobre 2013 (35e séance).

3 () Discussion par l’Assemblée le 3 octobre 2013 (35e séance) (voir Doc. 13302, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteur : M. Boden). Texte adopté par l’Assemblée le 3 octobre 2013 (35e séance).

4 () Discussion par l’Assemblée le 4 octobre 2013 (36e séance) (voir Doc. 13292, rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, rapporteure : Mme Gafarova; et Doc. 13308, avis de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, rapporteur : M. Hanson). Texte adopté par l’Assemblée le 4 octobre 2013 (36e séance).

5 () Discussion par l’Assemblée le 2 octobre 2013 (33e séance) (voir Doc. 13300, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi), corapporteurs : Mme Woldseth et M. Vareikis). Texte adopté par l’Assemblée le 2 octobre 2013 (33e séance).

6 () Discussion par l’Assemblée le 2 octobre 2013 (33e séance) (voir Doc. 13303, rapport de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi), corapporteurs : Mme Christoffersen et M. Wach). Texte adopté par l’Assemblée le 2 octobre 2013 (33e séance).


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