N° 2052 - Rapport d'information de MM. Jean-Christophe Fromantin et Patrice Prat déposé en application de l'article 146-3 du règlement, par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la mise en oeuvre des conclusions du rapport d'information (n° 1225) du 4 juillet 2013 sur l'évaluation du soutien public aux exportations




N
° 
2052

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 juin 2014.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 8, du Règlement

PAR LE COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES

sur la mise en œuvre des conclusions du rapport d’information (n° 1225)
du 4 juillet 2013 sur l’évaluation du soutien public aux exportations

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Jean-Christophe FROMANTIN et Patrice PRAT

Députés

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LE GOUVERNEMENT SE MOBILISE POUR RÉPONDRE AUX DÉFIS DU REDRESSEMENT DU COMMERCE EXTÉRIEUR 6

A. LA MOBILISATION DU GOUVERNEMENT TRADUIT UNE PRISE DE CONSCIENCE SALUTAIRE 6

1. La situation du commerce extérieur reste préoccupante en dépit de la reprise mondiale 6

2. L’ensemble du Gouvernement se mobilise pour mettre en œuvre une véritable stratégie industrielle 8

3. La diplomatie économique est au cœur de la nouvelle stratégie 10

B. DE NOUVEAUX DISPOSITIFS ONT ÉTÉ CRÉÉS POUR MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS DES ENTREPRISES 13

1. La banque publique d’investissement étoffe sa gamme de produits pour les exportateurs 13

2. La direction générale des douanes offre de nouveaux services d’information aux entreprises 14

3. Les grands projets bénéficieront d’un mécanisme exceptionnel de refinancement 15

4. Une mission est en cours pour redéfinir les exigences de la part française 16

II. L’EFFORT DE RATIONALISATION DES STRUCTURES ET DES DISPOSITIFS RESTE CEPENDANT INSUFFISANT 17

A. L’ÉTAT N’A PAS ENCORE ARRÊTÉ SA DOCTRINE D’INTERVENTION À L’INTERNATIONAL 17

1. Les compétences et les tutelles sont disséminées entre plusieurs ministres 17

2. La controverse sur la doctrine d’intervention du réseau commercial et diplomatique à l’étranger demeure 19

B. LA RÉORGANISATION DE LA PUISSANCE PUBLIQUE EST AU MILIEU DU GUÉ 21

1. Le guichet unique n’est pas encore d’actualité 22

2. La nouvelle agence de la France à l’international n’est pas encore opérationnelle 23

3. Le transfert des garanties publiques de Coface à Bpifrance est pour l’instant écarté 24

4. Une plus grande transparence est souhaitable pour favoriser la généralisation des bonnes pratiques régionales en matière de soutien à l’export 25

C. L’EFFORT DE RATIONALISATION DES DISPOSITIFS N’A PAS ÉTÉ MIS EN œUVRE 27

1. L’assurance prospection n’a pas fait l’objet d’un meilleur ciblage et reste fortement déficitaire 27

2. Le crédit d’impôt pour dépenses de prospection est toujours en vigueur 29

EXAMEN PAR LE COMITÉ 31

ANNEXE N° 1 : PROPOSITIONS PRÉSENTÉES PAR LES RAPPORTEURS DANS LEUR RAPPORT D’INFORMATION DU 4 JUILLET 2013 47

ANNEXE N° 2 : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 53

INTRODUCTION

Désignés rapporteurs de l’évaluation du soutien public aux exportations par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC), MM. Jean-Christophe Fromantin et Patrice Prat ont présenté leur rapport le 4 juillet 2013 devant le Comité qui en a autorisé la publication.

Les propositions des rapporteurs tenaient en cinq axes :

1. – Répondre à la nouvelle donne du commerce international, notamment en suscitant l’envie d’exporter et en donnant l’image d’un pays industriel dynamique ;

2. –  Renforcer l’engagement de l’État régalien, notamment en définissant une véritable doctrine d’intervention de l’État à l’international ;

3. – Clarifier les compétences des acteurs s’agissant de la détection du potentiel export, en faisant de Bpifrance le pivot de la relation avec les entreprises ;

4. –  Mieux coordonner les acteurs de « l’équipe de France de l’export » à l’étranger pour offrir des services plus complets et plus lisibles aux entreprises, en clarifiant notamment le rôle d’Ubifrance ;

5. – Rationaliser et simplifier les produits de financement du développement international.

Cette évaluation, qui constituait la contribution de l’Assemblée nationale à la réflexion en cours sur la modernisation des dispositifs d’appui à l’internationalisation de l’économie, a été transmise au Premier ministre, au ministre de l’Économie et des finances, ainsi qu’à la ministre du Commerce extérieur qui a fait part de sa réaction aux conclusions des rapporteurs lors d’une réunion organisée à l’Assemblée nationale le 24 juillet 2013.

Conformément à l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, les rapporteurs présentent au CEC, à l’issue d’un délai de six mois suivant la publication de leur rapport, un rapport de suivi sur la mise en œuvre de leurs conclusions.

Dans cette perspective, ils ont procédé à des auditions des directions d’administration centrale concernées – direction générale du Trésor du ministère de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique, direction des Entreprises et de l’Économie internationale du ministère des Affaires étrangères et du Développement international – et des opérateurs : Coface, Ubifrance et la banque publique d’investissement (Bpifrance).

I. LE GOUVERNEMENT SE MOBILISE POUR RÉPONDRE AUX DÉFIS DU REDRESSEMENT DU COMMERCE EXTÉRIEUR

Alors que la situation du commerce extérieur reste préoccupante, le Gouvernement intensifie son action en faveur de la compétitivité et du dynamisme industriel. Le transfert du commerce extérieur sous l’égide du ministre des affaires étrangères à l’occasion du remaniement d’avril 2014 traduit l’importance stratégique des négociations internationales et la recherche d’une meilleure coordination des différentes sphères de l’influence.

A. LA MOBILISATION DU GOUVERNEMENT TRADUIT UNE PRISE DE CONSCIENCE SALUTAIRE

1. La situation du commerce extérieur reste préoccupante en dépit de la reprise mondiale

Selon les chiffres publiés par la direction générale des douanes, le déficit commercial s’établit à 61,2 milliards d’euros en 2013, soit 3 % du PIB, contre 67,2 milliards en 2012. Cette légère amélioration s’accompagne d’une hausse du nombre d’entreprises exportatrices pour la deuxième année consécutive, établi à 120 700.

ÉVOLUTION TRIMESTRIELLE DES ÉCHANGES ET DU DÉFICIT COMMERCIAL

(en milliards d’euros)

Source : Douanes – Données estimées FAB-FAB, CVS-CJO, y compris matériel militaire.

Pour autant, cette amélioration est ambiguë. Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, avait affirmé en novembre 2013 que le déficit serait ramené « à 60 milliards à la fin de l’année ». Même si l’objectif est en passe d’être atteint, la France reste le seul pays de la zone euro à afficher un déficit de plus de 2 %. Moindre qu’attendue, l’amélioration est en fait due à une baisse des importations (-2,3 % en 2013 après +1,2 % en 2012), elle-même due à un tassement du prix des matières premières. Les exportations françaises ont, quant à elles, reculé de 1,3 % l’an dernier, après une croissance de 3,1 % l’année précédente. Selon les douanes, le recul concerne surtout les biens intermédiaires, les machines et les équipements, en lien avec la faiblesse des investissements en Europe. La baisse des exportations de véhicules automobiles se poursuit. En revanche, les ventes correspondant aux points forts de la spécialisation française résistent mieux : produits pharmaceutiques et des industries agro-alimentaires, produits agricoles, livraisons aéronautiques et certains produits de l’industrie du luxe (habillement, joaillerie et bijouterie, parfums et cosmétiques). Le premier excédent français vient de l’aéronautique (22 milliards d’euros) devant les produits agroalimentaires (11,5 milliards).

La part des exportations françaises de biens et de services dans les exportations de la zone euro accuse une légère baisse au second semestre 2013. Cette part, qui était passée de 17,5 % en 1998 à 12,9 % fin 2010, s’était depuis stabilisée. Au second semestre 2013, elle s’est à nouveau dégradée pour atteindre 12,7 %.

ttp://www.coe-rexecode.fr/var/ezwebin_site/storage/images/analyses-et-previsions/a-noter/le-redressement-de-la-competitivite-francaise-se-fait-attendre/348160-1-fre-FR/Le-redressement-de-la-competitivite-francaise-se-fait-attendre_visual_article.jpg

Source : Infographie Coe-Rexecode, mars 2014.

Au premier trimestre 2014, les exportations reprennent vers les pays de l’Union européenne tandis que la baisse vers les pays tiers se poursuit, en particulier vers l’Asie. Le Fonds monétaire international annonce une reprise de la croissance mondiale qui devrait atteindre 3,4 % en 2014. La demande adressée à la France devrait croître de 19 milliards d’euros, selon l’assureur-crédit allemand Euler Hermès. Le déficit commercial pourrait continuer sa décrue, compte tenu de la demande intérieure qui devrait rester faible, en France.

Les rapporteurs avaient préconisé de compléter les statistiques relatives au commerce extérieur par de nouvelles données, susceptibles de mieux traduire les enjeux actuels (proposition n° 1). Ils renouvellent leur demande de voir mesurées l’intensité en emploi et la valeur ajoutée des échanges, à partir des travaux initiés par l’OCDE, de voir distingués des soldes zone euro et hors zone euro lors de la publication des chiffres du commerce extérieur et de voir les services inclus dans la balance commerciale.

2. L’ensemble du Gouvernement se mobilise pour mettre en œuvre une véritable stratégie industrielle

Pour reconquérir des parts de marché à l’export et redresser le commerce extérieur, le Gouvernement mise sur les mesures prises en faveur de la compétitivité (CICE, pacte de responsabilité, amélioration du fonctionnement du marché du travail), sur l’accompagnement des entreprises et le soutien à l’innovation. L’internationalisation des entreprises fait partie intégrante de cette stratégie industrielle. Elle s’appuie sur des dispositifs d’accompagnement des entreprises à l’international, sur une politique de marque (la marque France) et sur une diplomatie d’influence en pleine mutation.

Bien que l’évaluation des rapporteurs ait eu pour premier objet l’efficacité et l’efficience des dispositifs de soutien public aux exportations, ils n’ont pas manqué de rappeler que la situation du commerce extérieur était directement liée aux faiblesses de nos industries, au manque de compétitivité coût et hors coût ainsi qu’aux difficultés de financement des entreprises françaises.

Ils formulaient plusieurs propositions afin de susciter davantage l’envie d’exporter, de donner l’image d’un pays industriel dynamique (proposition n° 2) et de mieux coordonner l’action de l’État par la définition d’une stratégie claire, partagée et pérenne (proposition n°8). Près d’un an après la remise du rapport, les pouvoirs publics semblent avoir pris la mesure de l’enjeu même si les effets se feront sentir à plus long terme.

La stratégie « secteur-pays » promue par Mme Nicole Bricq sera pérennisée et probablement enrichie d’un cinquième « mieux » relatif à la culture et à la communication numérique. (1) Comme l’indiquaient les rapporteurs, il est souhaitable que l’élaboration de cette stratégie soit véritablement interministérielle et qu’elle soit déclinée en projets opérationnels pour les ambassadeurs. D’après un bilan fourni par le ministère des affaires étrangères (2), 80 postes ont élaboré ou remis à jour le volet économique de leur plan d’action en 2013.

Les rapporteurs se félicitent aussi de voir que l’importance des salons internationaux est davantage reconnue et que des efforts ont été faits pour améliorer la représentation française.

Ubifrance recherche une visibilité optimale par l’architecture et le design des pavillons France dans les grands salons internationaux tout en regrettant des moyens nettement inférieurs à ceux de ses homologues étrangers (4,5 millions d’euros pour le budget 2014 de l’agence pour la partie Pavillons sur salons, contre 43 millions d’euros en 2014 pour nos homologues en Allemagne).

L’opérateur a fait état des difficultés qui surviennent lorsque des grandes entreprises veulent imposer leur marque au détriment de la marque France. L’architecture des pavillons France a donc été repensée pour favoriser les compromis : ainsi le dernier appel d’offres a permis, sur le contrat Europe Élargie, d’avoir un design plus moderne mettant en exergue les couleurs françaises, d’avoir des hauteurs donnant encore plus de visibilité et d’offrir aux régions ou aux groupements professionnels une spécificité d’affichage tout en restant sous la bannière France. Cet exemple illustre les défis de la légitimation d’une marque France et la moindre capacité des entreprises françaises à « naviguer en escadre » par rapport aux entreprises allemandes. Les rapporteurs se félicitent cependant du pragmatisme d’Ubifrance dans la poursuite de cette stratégie de marque.

Bien qu’il ne s’agisse pas du cœur de métier d’Ubifrance, l’agence intervient en marge des principaux salons français, en liaison avec Unimev (Union française des métiers de l’événement), afin de contribuer à leur visibilité, conforter leur dimension internationale et leur utilité comme première marche à l’export, en particulier pour les primo-exportateurs. Concrètement, les salons organisés en France sont désormais intégrés dans le Programme France Export qui recense toutes les manifestations commerciales quel que soit l’organisateur. Ubifrance met en place des espaces internationaux et organise des visites de délégations d’acheteurs étrangers et de grands comptes sur ces salons français (SIAL, Pollutec, Vinexpo, Salon de l’élevage).

Enfin, les rapporteurs, qui proposaient de développer une politique de grands événements internationaux en France, se félicitent de l’enthousiasme suscité par le projet d’une candidature de la France à l’organisation d’une exposition universelle en 2025.

84 % des Français soutiennent le projet d’une exposition universelle « France 2025 »

Le projet d’une candidature de la France à l’organisation de l’exposition universelle en 2025 fait son chemin. Depuis 2013, le projet s’est affermi en associant des étudiants des grandes écoles et des représentants institutionnels (Association des Maires de France, Atout France, France Événements, Chambre de commerce et d'industrie Paris Ile-de-France, etc.).

Sur proposition de M. Jean-Louis Borloo, président du groupe Union des démocrates indépendants à l'Assemblée nationale, une mission d'information parlementaire pour soutenir la candidature de la France à l'accueil de l'Exposition universelle de 2025 a été décidée dans son principe par la Conférence des Présidents le 8 octobre 2013, puis confirmée le 7 janvier 2014.

Cette mission d’information, dont la réunion constitutive a eu lieu le 22 janvier 2014, est composée de 30 membres. M. Jean-Christophe Fromantin (délégué général du groupe Union des démocrates indépendants) en a été élu président, et M. Bruno Le Roux (président du groupe Socialiste, Radical et Citoyen), rapporteur.

Un sondage réalisé entre le 9 et le 11 avril 2014 montre que 84 % des Français soutiennent le projet d’exposition universelle en 2025 et que 90 % des Français ont une bonne ou très bonne image des expositions universelles. Ces chiffres montrent combien les expositions organisées dans notre pays depuis 1855 ont non seulement transformé la France et sa capitale, mais marqué en profondeur les esprits. Autre enseignement notable de cette étude, à la question « Si la France devait prochainement être candidate à l’organisation d’un événement mondial, préféreriez-vous que ce soit l’exposition universelle de 2025 ou les Jeux olympiques de 2024 ? », 36 % des sondés se sont prononcés pour l’exposition universelle contre 18 % pour les Jeux olympiques (33 % plaidant pour les deux et 13 % pour aucun). 

La candidature officielle de la France auprès du Bureau international des expositions (BIE) interviendra en 2016. Elle devra s’accompagner d’une mobilisation nationale pour promouvoir le projet auprès des 167 autres États membres du BIE. Le choix du pays hôte aura lieu en 2018.

Source : site Internet d’Expo France 2025.

3. La diplomatie économique est au cœur de la nouvelle stratégie

Le rattachement du commerce extérieur au ministre des affaires étrangères marque une inflexion dans la stratégie du Gouvernement alors que les négociations bilatérales et multilatérales s’intensifient.

Au moment de la publication du rapport, en juillet 2013, les négociations du cycle de Doha sur la libéralisation des échanges au niveau international, commencées en 2001, étaient dans l’impasse. Les négociations bilatérales apparaissaient comme l’avenir des accords commerciaux.

En décembre 2013 s’est ouverte la conférence de Bali, nouveau cycle de négociations de quatre jours et trois nuits, pour obtenir quelques progrès sur l’agenda défini à Doha et mettre fin à la crise latente du multilatéralisme. À la surprise générale, cette conférence s’est conclue par un succès. Pour la première fois depuis sa création, en 1995, l’Organisation mondiale du commerce a conclu un accord sur la libéralisation des échanges commerciaux. L’accord de Bali représente à peine 10 % du programme de réformes décidé à Doha mais il n’en reste pas moins un pas décisif qui redonne de la crédibilité au multilatéralisme. Ensemble de mesures minimales surnommé « Doha light », le texte concerne trois volets : l'agriculture, avec un engagement à réduire les subventions à l'export, l'aide au développement par une exemption accrue des droits de douane aux produits provenant des pays les moins avancés, et la « facilitation des échanges », censée réduire les formalités aux frontières.

En revanche, les négociations sur le partenariat transatlantique se heurtent à une opposition croissante.

Les enjeux de l’accord de partenariat transatlantique

Le partenariat transatlantique (dit aussi accord de libre-échange ou, en anglais, Transatlantic Free Trade Area, abrégé TAFTA) constitue le plus grand accord de libre-échange jamais négocié. Les États-Unis et l’Union européenne représentent en effet 50 % du PIB mondial et 30 % du commerce mondial. Outre les effets bénéfiques attendus sur la croissance, la nouvelle zone de libre-échange constituerait, selon ses promoteurs, un ensemble économique capable de rivaliser avec la Chine et d’imposer ses normes dans le commerce mondial.

Alors que quatre « rounds » de discussions ont déjà eu lieu, les négociations achoppent sur plusieurs points sensibles. Les Européens souhaitent que leurs entreprises accèdent aux marchés publics américains et réclament des garanties d’approvisionnement en énergie pour l’Europe. Les États-Unis veulent mettre en place un mécanisme d’arbitrage (ISDS – Investor state dispute settlement) qui autorise une entreprise à attaquer un État pour une législation qui lui ferait du tort. Enfin, de nombreux différends sectoriels ponctuent les négociations sur l’agriculture, l’aéronautique ou les médias. Le Parlement européen, sous l’impulsion de la France, notamment, a retiré l’audiovisuel et les produits culturels du champ de l’accord.

La presse française s’est faite l’écho des inquiétudes de plusieurs ONG et partis politiques (« un typhon qui menace les Européens », d’après Le Monde Diplomatique, « les Américains vont nous bouffer », d’après l’hebdomadaire Marianne), en particulier sur le manque de transparence ou encore sur le poids des multinationales dans les négociations. La création de tribunaux spéciaux chargés des litiges commerciaux fait craindre la mise en cause par des multinationales soucieuses de leurs profits de mesures sociales ou environnementales prises par les États parties. Il est signalé qu’en vertu des accords commerciaux existants, des sociétés américaines ont pu engager des poursuites contre l’augmentation du salaire minimum en Égypte ou contre la limitation des émissions toxiques au Pérou, en considérant que l’Alena (3) est, dans ce dernier cas, un moyen de protéger le droit de polluer du groupe américain Renco. Les OGM, les normes de qualité dans l’alimentation ou la protection de la vie privée sont désormais au cœur des débats. Les révélations sur l’ampleur des écoutes réalisées par l’agence américaine du renseignement en Europe ont instauré un climat de défiance. La pression des conservateurs aux États-Unis (Tea Party), qui craignent notamment les conséquences de l’accord sur l’industrie automobile américaine, est aussi de nature à remettre en cause ces négociations.

Dans ce contexte, l’Assemblée nationale française a adopté le 22 mai 2014 une résolution sur le projet d'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique. Le texte demande davantage de transparence et une meilleure information des parlementaires sur l’état des négociations, qui devront faire l’objet d’un vote de ratification. Il demande que les négociateurs et leurs éventuels conflits d’intérêts soient identifiés. Il se félicite de l’organisation, par la Commission européenne, d’une consultation publique relative au mécanisme de règlement des différends entre États et investisseurs, qui a abouti à la suspension des négociations sur ce point.

Lors de la discussion de la proposition de résolution, le Gouvernement a rappelé les lignes défendues par la France auprès de la Commission européenne : exclusion des services audiovisuels (garantie par le mandat de négociation), réciprocité dans l’ouverture des marchés publics, protection des données personnelles, reconnaissance des indications géographiques (comme le champagne ou le roquefort) et enfin, santé et protection des consommateurs. Pour ce dernier aspect, il s’agit de préserver la législation européenne et française sur la décontamination chimique des viandes (poulets « chlorés », poulets « aux hormones »), les OGM, l’utilisation de promoteurs de croissance en élevage ou de clonage à but alimentaire.

Dans ce contexte, Mme Fleur Pellerin a été nommée secrétaire d'État chargée du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international à l’occasion du remaniement ministériel du 3 avril 2014. Ce rattachement aux Affaires étrangères est une première depuis le début de la Ve République.

Les rapporteurs accueillent favorablement cette évolution qui devrait permettre de mieux coordonner les acteurs de l’export à l’étranger sous l’autorité de l’ambassadeur (proposition n° 8) et surtout d’organiser des synergies entre la diplomatie économique et la diplomatie culturelle et scientifique. D’après un premier bilan réalisé par le ministère des affaires étrangères (4), 98 « conseils économiques » ont déjà été mis en place à cette fin par les ambassadeurs. (5) Ce mouvement devrait être amplifié.

La cohérence de la position française dans le cadre des négociations actuelles pourrait s’en trouver renforcée. À titre d’illustration, la déclaration de M. Laurent Fabius relative à l’amende encourue par la BNP-Paribas dans le cadre d’un contentieux avec l’administration américaine témoigne de ce renforcement (cf. encadré infra). La veille stratégique pourrait être développée au profit d’une meilleure influence sur les normes, conformément aux préconisations formulées dans le rapport Revel. Enfin, la politique d’aide publique au développement (propositions n° 11 et 12) pourrait être optimisée conformément aux conclusions des rapporteurs.

Certains commentateurs croient deviner une inflexion dans le sens d’un soutien accru aux dossiers régaliens (nucléaire, armement). Au cours de son audition par les rapporteurs, le directeur des Entreprises et de l’Économie internationale du ministère des Affaires étrangères et du Développement international a également évoqué un changement de paradigme s’agissant des négociations avec les fonds souverains. La volonté de donner davantage de choix aux investisseurs se traduira dorénavant par la proposition d’un « menu » comportant divers niveaux de risques, sur le modèle des pratiques des banques d’affaires.

Le contentieux entre BNP-Paribas et l’administration américaine :
un enjeu diplomatique

La banque française BNP-Paribas est accusée par la justice américaine d’avoir financé des opérations en dollars avec des pays sous embargo américain, comme l’Iran, le Soudan et Cuba. Elle risque une amende de 10 milliards de dollars (7,3 milliards d’euros). La banque pourrait aussi se voir interdire temporairement de régler des transactions en dollars.

Les États-Unis considèrent en effet que toute opération faite en dollars doit être conforme à la législation américaine. En l'espèce, BNP-Paribas aurait procédé à des paiements en dollars depuis ses comptes américains, mais à partir des bureaux de Paris et Genève, à destination de bénéficiaires du Soudan ou d'Iran, deux pays sanctionnés par un embargo américain. De fait, depuis 2008, les poursuites contre les entreprises étrangères se sont multipliées donnant lieu à des mesures coercitives spectaculaires pour corruption ou violation des sanctions économiques.

Le 4 juin 2014, le Président de la République a plaidé pour un règlement « proportionné » de ce contentieux. Paris a souligné qu’une telle ponction sur une banque de l'importance de BNP-Paribas ne manquerait pas d'avoir un impact sur tout le système financier européen.

Le 6 juin 2014, le ministre des Affaires étrangères, M. Laurent Fabius, a déclaré que ce contentieux pourrait avoir des conséquences « négatives » sur le traité de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne en cours de négociation.

B. DE NOUVEAUX DISPOSITIFS ONT ÉTÉ CRÉÉS POUR MIEUX RÉPONDRE AUX BESOINS DES ENTREPRISES

À la mobilisation stratégique du Gouvernement s’ajoute un effort pour offrir de nouveaux produits aux exportateurs en fonction des failles de marché identifiées. En particulier, la banque publique d’investissement (Bpifrance) a rationalisé son offre de financements tout en créant de nouveaux produits plus adaptés aux besoins des entreprises.

1. La banque publique d’investissement étoffe sa gamme de produits pour les exportateurs

Conformément à une recommandation des rapporteurs (proposition n° 4), Bpifrance offre désormais des prêts bonifiés pour accompagner les entreprises vers le numérique. Ces prêts sont d’un montant compris entre 200 000 et 3 millions d’euros, remboursables sur 7 ans dont un différé de remboursement de 2 ans en capital. L’État bonifie ces prêts à hauteur de 200 points de base. Aucune garantie n’est prise sur les actifs de l’entreprise ni sur le patrimoine du dirigeant. Le Prêt Numérique doit être associé systématiquement à un prêt d’accompagnement ou à un apport en fonds propres ou quasi fonds propres au moins du même montant. L’effet de levier est donc maximal. Bpifrance consacre 300 millions d’euros à cette action. Ce sont donc en réalité 600 millions de financement qui sont mobilisés au service des technologies numériques.

Par ailleurs, la banque publique d’investissement a étoffé sa gamme de produits à partir du constat de nouvelles failles de marché. À l'occasion de la présentation du premier bilan d'activité de Bpifrance, en février 2014, M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie, et Mme Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, ont annoncé la mise en place, avant l'été, d'un nouveau dispositif de financement des exportations des PME et ETI. Ce dispositif, en cours de finalisation, permettra aux PME et ETI de proposer des financements à leurs clients à l’export (crédit acheteur, rachat de crédits fournisseurs, etc.), pour des crédits de petits montants pour lesquels ces solutions sont aujourd'hui rarement disponibles.

Les chargés d’affaires de Bpifrance se déploient dans les territoires pour proposer ces produits et rassurer les entrepreneurs, tant sur le numérique que sur l’international. D’après M. Alain Renck, directeur de Bpifrance Export, le développement international suscite beaucoup de doutes chez les chefs de petites entreprises : « Je ne parle pas assez bien anglais. Comment vais-je gérer mon usine à distance ? » sont les questions les plus fréquentes.

2. La direction générale des douanes offre de nouveaux services d’information aux entreprises

En juillet 2013, les rapporteurs avaient déjà noté les efforts croissants de la douane pour se moderniser et améliorer l’accessibilité de ses services aux entreprises. Ils préconisaient toutefois d’améliorer l’ergonomie des services en ligne, d’encourager la mise en place de dispositifs d’alertes pour les entreprises et de sensibiliser les chefs d’entreprises aux enjeux du dédouanement, du fret et de la logistique (proposition n° 9).

Entendu par les rapporteurs, M. Jean-Michel Thillier, sous-directeur du commerce international, a réaffirmé l’ambition de la direction générale des douanes de faire de la simplicité des procédures douanières un outil d’attractivité pour le territoire français. Cet objectif est poursuivi à travers trois axes de progrès : la simplification, la dématérialisation et l’accompagnement des entreprises.

La simplification est recherchée par une démarche de type « guichet unique ». Des expérimentations sont actuellement conduites en lien avec les ministères délivrant des autorisations d’import ou d’export pour certains produits spécifiques (santé, défense) pour faire de la douane l’interlocuteur unique des entreprises, y compris pour ces autorisations. Une généralisation est envisagée dès 2015.

La dématérialisation des procédures se poursuit. Une nouvelle procédure dématérialisée pour le fret express sera disponible d’ici deux ans, conformément aux attentes des opérateurs économiques, en lien avec le développement
du e-commerce. La dématérialisation permet de dégager des ressources humaines pour renforcer d’autres fonctions de la douane, notamment le contrôle et, de façon croissante, l’accompagnement des entreprises.

La douane a désigné des interlocuteurs dédiés par types d’entreprises, distingués en fonction de leurs besoins douaniers. Des services personnalisés sont ainsi proposés aux PME et aux ETI. Dans un contexte réglementaire volatile au niveau européen, des événements sont organisés pour informer les fédérations professionnelles sur les évolutions à venir. Des réunions de travail organisées à Paris et en région ont permis d’informer entre 5 000 et 6 000 entreprises, selon M. Thillier. Il s’agit chaque fois de consultations individuelles d’environ trois quart d’heures. Si le partenariat entre Ubifrance et la douane est satisfaisant, M. Thillier a admis qu’une relation restait à construire avec la banque publique d’investissement pour coordonner les interventions auprès des entreprises.

Comme l’avaient recommandé les rapporteurs, l’ergonomie du site Internet de la douane a été entièrement revue dans un souci de lisibilité et afin de proposer des alertes aux entreprises. Depuis février 2014, la douane publie aussi un magazine tiré à 14 000 exemplaires. Elle communique également via la presse spécialisée. L’utilisation de nouveaux médias, comme Twitter, est envisagée. Grâce à cette politique active de communication, elle devrait contribuer, comme le souhaitaient les rapporteurs, à sensibiliser les entreprises aux enjeux logistiques et douaniers.

Le statut d’opérateur économique agréé, qui offre à l’entreprise qui le détient des procédures simplifiées et des obligations déclaratives réduites, mériterait d’être davantage répandu. Avec 1 100 statuts délivrés depuis 2008, la France est encore loin derrière l’Allemagne (6 700 statuts) mais proche des Pays-Bas (1 500). Le mouvement est cependant amorcé : avec 200 délivrances tous les ans, la France est en voie de rattraper ses voisins.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’OPÉRATEURS ÉCONOMIQUES AGRÉÉS

Demandes et délivrances de certificats OEA en France depuis la mise en œuvre, en 2008, de ce certificat

(unités)

France

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014*

Demandes

121

235

179

229

183

198

62

Délivrances

22

159

198

218

233

190

83

Demandes cumulées

121

356

535

764

947

1145

1207

Délivrances cumulées

22

181

379

597

830

1020

1103

(*) Au 5 juin 2014.

Source : Direction générale des Douanes.

3. Les grands projets bénéficieront d’un mécanisme exceptionnel de refinancement

Dans leur rapport de juillet 2013, les rapporteurs préconisaient d’aligner l’offre de financement public sur celle de nos concurrents, notamment l’Allemagne, qui a confié au groupe KfW la mission de refinanceur à hauteur d’une enveloppe annuelle de 1,5 milliard d’euros, et la Suède, qui a confié à la banque publique SEK le refinancement à grande échelle des crédits export. En France, la mise en place d’un mécanisme de refinancement se heurtait aux réticences de la Caisse des dépôts. Il était envisagé d’avoir recours aux fonds souverains des pays du Moyen-Orient désireux d’investir en France.

Les rapporteurs soulignaient également que plusieurs de nos concurrents comme les États-Unis ou le Canada avaient recours à des prêteurs publics (US Exim Bank aux États-Unis, Export Development Canada au Canada) qui ont accordé respectivement 6,3 milliards de dollars et 13,7 milliards de dollars canadiens de prêts directs acheteurs en 2011.

En définitive, la mission de refinancement exceptionnel des grands crédits export sera officialisée, comme l’ont préconisé les rapporteurs (proposition n° 32). Elle sera assurée par la Société de financement local (SFIL) créée le 23 janvier 2013 avec la Caisse des dépôts, la Banque postale et le groupe Dexia pour pourvoir aux besoins de financement des collectivités territoriales et des établissements publics de santé.

Les rapporteurs se félicitent de cette avancée, fruit d’une réflexion mûrie sur les défaillances de marché et les pratiques des autres pays. Ils rappellent que le refinancement comme le prêt direct ne doivent avoir aucun impact sur les comptes publics dès lors qu’ils sont exercés par une société financière disposant d’une autonomie financière et décisionnelle affirmée. Il conviendra de s’assurer que la SFIL respecte les conditions d’une telle autonomie.

4. Une mission est en cours pour redéfinir les exigences de la part française

En juillet 2013, les rapporteurs ont préconisé d’adapter la réglementation relative à la part française aux objectifs de rétablissement du commerce extérieur. La vérification de la part française est une contrainte imposée aux exportateurs pour bénéficier d’un appui public ; il s’agit de ne pas encourager les délocalisations en vérifiant que les prestations et fournitures fabriquées sur le territoire national représentent une part significative du contrat aidé par la puissance publique.

Alors que plusieurs de nos concurrents faisaient – et font toujours – preuve d’un grand pragmatisme en la matière, la France maintient un seuil intangible de 50 % de part française dans tout projet aidé. Le contrôle de ce seuil devient de plus en plus difficile du fait de la complexité croissante des chaînes de valeur ajoutée. Chargée de vérifier cette part française tant ex ante qu’ex post, la direction générale de la Compétitivité, de l’Industrie et des Services ne cache pas la difficulté de l’exercice.

Les rapporteurs proposaient donc de moduler davantage ce seuil ou, mieux encore, d’adopter une notion proche de celle de l’intérêt national en vigueur en Suède, par exemple. Ils insistaient surtout sur la recherche d’un impact positif sur l’emploi en France (proposition n° 29).

Au cours de son audition, M. Raphaël Bello, le chef du service des Affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises de la direction générale du Trésor a confirmé qu’une mission conduite par l’Inspection générale des finances travaillait actuellement sur une évolution de la part française, comme Mme Nicole Bricq l’avait annoncé aux rapporteurs le 24 juillet 2013. Une notion proche de celle d’intérêt national devrait être retenue.

II. L’EFFORT DE RATIONALISATION DES STRUCTURES ET DES DISPOSITIFS RESTE CEPENDANT INSUFFISANT

En dépit de la mobilisation du Gouvernement sur le plan stratégique et en matière de financement, l’effort de rationalisation, préconisé par les rapporteurs pour améliorer la lisibilité des dispositifs publics, reste insuffisant. En particulier, faute d’un débat clair sur la doctrine d’intervention de l’État à l’international, le transfert du commerce extérieur au ministère des affaires étrangères pourrait se traduire par davantage de complexité.

A. L’ÉTAT N’A PAS ENCORE ARRÊTÉ SA DOCTRINE D’INTERVENTION À L’INTERNATIONAL

1. Les compétences et les tutelles sont disséminées entre plusieurs ministres

D’après le décret relatif aux attributions du ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius est désormais « compétent pour définir et mettre en œuvre la politique du développement international de la France, notamment au titre du commerce extérieur et du tourisme. » M. Fabius sera notamment responsable des négociations commerciales sur le traité transatlantique qui étaient jusqu’ici préparées par Bercy.

Conformément aux souhaits des rapporteurs, le rôle de l’ambassadeur en sort renforcé. Il aura la charge de piloter les acteurs de « l’équipe de France de l’export » et de veiller à leur complémentarité. Il devrait surtout permettre une meilleure coordination entre la diplomatie économique, d’une part, et la diplomatie culturelle et scientifique, d’autre part. Cette meilleure coordination pourrait être fructueuse, en particulier pour les produits à forte dimension culturelle : les produits touristiques, les produits agroalimentaires en général, les produits de luxe. Mais l’enjeu est aussi, par la diplomatie culturelle et scientifique, de donner l’image d’un pays innovant, conformément aux recommandations formulées par le CEC, lors de l’évaluation du réseau culturel de la France à l’étranger. (6)

En outre, selon M. Jacques Maire, directeur des Entreprises et de l’Économie internationale du ministère des affaires étrangères, les services d’Ubifrance pourraient être hébergés dans les ambassades pour réduire les coûts immobiliers.

Les rapporteurs notaient, en juillet 2013, que la création d’Ubifrance, en 2009, avait conduit à définir les services économiques régaliens et leurs missions comme ce qui ne relevait pas d’Ubifrance. Il était urgent de leur donner de nouvelles perspectives.

Dorénavant, le ministre des affaires étrangères « a autorité, conjointement avec le ministre des Finances et des Comptes publics et avec le ministre de l'Économie, du Redressement productif et du Numérique, sur les services économiques à l'étranger. » Cette autorité conjointe pourrait offrir de nouveaux débouchés aux agents concernés, dont les rapporteurs soulignaient la difficulté de positionnement entre, d’une part, leurs collègues d’Ubifrance, et d’autre part, leurs collègues des affaires étrangères.

Au-delà de leur positionnement, la question de leurs missions reste posée. Le directeur des Entreprises et de l’Économie internationale a estimé au cours de son audition que les capacités d’analyse présentes à l’étranger étaient insuffisamment exploitées. Il souscrit aux propositions des rapporteurs de confier des missions nouvelles aux services économiques régaliens.

Il conviendrait de préciser, dans les semaines et les mois à venir, quelles seront ces missions nouvelles. Pour leur part, les rapporteurs proposaient de rendre les informations produites par les services économiques régaliens plus accessibles aux entreprises, en adressant des notes de veille stratégique ou des alertes. Ils proposaient également de rassembler des services en ligne aux entreprises sur un site Internet unique, permettant notamment de signaler des problèmes d’accès aux marchés étrangers. Enfin, ils estimaient que les services économiques régaliens pourraient œuvrer à la sensibilisation des entreprises à l’intelligence économique.

Si le ministre des affaires étrangères et la secrétaire d’État chargée du commerce extérieur sont désormais compétents pour définir la politique du commerce extérieur, les dispositifs de financement restent du ressort des ministres de Bercy. Certes, Mme Pellerin est « associée à la politique de financement des exportations » et « associée à la politique en matière de compétitivité » mais c’est Arnaud Montebourg, le ministre de l'Économie, du Redressement productif et du Numérique, conjointement avec M. Michel Sapin, ministre des Finances et des Comptes publics, qui reste compétent pour « le financement des entreprises et des exportations ». Ainsi, selon M. Jacques Maire, le Quai d’Orsay a récupéré le passif – l’annonce des mauvais chiffres du commerce extérieur – mais pas l’actif – les dispositifs de financement.

Ce partage a sa cohérence mais il nécessiterait une excellente coordination ministérielle. Le directeur des entreprises et de l’économie internationale estimait lors de son audition que des progrès étaient encore nécessaires pour limiter les doublons. Si beaucoup de fonctions support sont aujourd’hui mutualisées, les fonctions d’analyse ne le sont pas. Par exemple, la direction générale du Trésor ne transmettrait pas systématiquement au ministère des affaires étrangères les notes qu’elle commande au Centre français d'étude et de recherche en économie internationale (Cepii).

Les rapporteurs ont conscience qu’un pas a été franchi par le rattachement au ministère des affaires étrangères de la secrétaire d’État au commerce extérieur. Dans un souci de clarification, de simplification et aussi d’efficience, ils estiment souhaitable d’envisager, à terme, l’unification des moyens et des leviers du commerce extérieur sous une même autorité.

2. La controverse sur la doctrine d’intervention du réseau commercial et diplomatique à l’étranger demeure

En juillet 2013, les rapporteurs faisaient état de questions sur le modèle économique d’Ubifrance et sur la doctrine d’intervention de l’État à l’international, questions qu’il convenait de trancher alors qu’Ubifrance amorçait un tournant stratégique.

La ministre du Commerce extérieur avait en effet annoncé, en novembre 2012, que l’agence accompagnerait de façon renforcée un nombre restreint d’entreprises, ciblées par la banque publique d’investissement et Ubifrance en fonction de leur potentiel à l’export, dans un nombre de pays lui aussi restreint, ciblés en fonction de leur intérêt stratégique.

Les rapporteurs avaient adopté des positions différentes sur ce sujet : M. Jean-Christophe Fromantin souhaitait privilégier la subsidiarité des acteurs publics par rapport aux acteurs privés dans un mouvement dynamique ; M. Patrice Prat souhaitait que l’opérateur public soit le garant d’une qualité de service identique dans tous les pays couverts, vis-à-vis duquel les autres acteurs devraient se positionner.

Les deux approches procédaient de modèles économiques différents. Le modèle du « tapis roulant » défendu par M. Fromantin avait le mérite d’encourager le développement des acteurs privés et d’accroître la présence française dans le monde. Il nécessitait, dans un premier temps, d’augmenter les ressources publiques de l’opérateur Ubifrance pour lui permettre de remplir ses missions de service public sans entrer en concurrence avec les acteurs privés. Mais à terme, le développement d’une activité de conseil à l’international rentable en réduisait le coût pour les finances publiques.

Le scénario proposé par M. Patrice Prat avait le mérite de la lisibilité et offrait un service public homogène. En confirmant l’ambition globale d’Ubifrance, il permettait à l’agence de se développer en finançant son développement dans les pays moins rentables par des ressources tirées des prestations vendues dans les pays les plus rentables. Dans ce scénario, les défaillances de marché palliées par l’État étaient considérées comme durables, voire structurelles.

Alors que le premier scénario ferait de l’ambassadeur un coordonnateur essentiel des différents acteurs sur le terrain et du ministère des affaires étrangères le mécanicien du fameux « tapis roulant », le second scénario ferait d’Ubifrance le bras armé d’un puissant ministère de l’industrie.

Lors de son entretien avec les rapporteurs le 24 juillet 2013, Mme  Bricq avait clairement pris position pour le second modèle. Elle observait deux schémas organisationnels au niveau mondial. Dans un modèle qu’elle qualifiait d’anglo-saxon, le ministère des affaires étrangères (ou secrétariat d’État) définit toute la diplomatie économique et il existe une forte porosité, recherchée et entretenue, entre diplomatie et commerce. Dans un modèle plus continental, le commerce extérieur est toujours rattaché au ministère de l’industrie. En Allemagne, par exemple, le patronat, les banques, les industries et le ministère de l’industrie se déplacent ensemble à la conquête des marchés étrangers. En France, ce débat n’a jamais été posé et mériterait de l’être, estimait la ministre. Elle jugeait pour sa part que la France n’avait pas les moyens du modèle anglo-saxon en dépit de son réseau diplomatique étendu.

Le directeur des Entreprises et de l’Économie internationale fait prévaloir une approche différente. Il considère que l’universalité du réseau diplomatique est un avantage comparatif par rapport à d’autres pays concurrents et qu’il faut le maintenir. En outre, il estime que, si l’approche ciblée prônée par Bercy a sa pertinence, les marchés ciblés sont aujourd’hui saturés. Ils ne seront pas suffisants pour redresser le commerce extérieur. Pour cela, il faut conquérir de nouveaux marchés et le réseau diplomatique doit y contribuer. Afin de permettre des redéploiements, M. Jacques Maire souhaite favoriser une meilleure répartition des moyens entre les chambres de commerce et d’industrie française à l’étranger (CCIFE) et Ubifrance, en accordant davantage de délégations de service public. L’ambassadeur serait le pilote unique de la politique commerciale à l’étranger et il s’appuierait sur deux réseaux d’accompagnement des entreprises : un réseau propriétaire, à coûts fixes, et un réseau franchisé.

La direction générale du Trésor rappelle quant à elle que les agences ont été fondées avec l’objectif de renforcer la professionnalisation des équipes et le ciblage. Elle craint un saupoudrage des moyens et une dilution des conseillers Ubifrance dans le réseau diplomatique, qui feraient courir le risque d’une diminution de l’impact économique. Elle considère que la couverture géographique d’Ubifrance est satisfaisante : l’agence est présente dans 60 pays qui représentent 93,1 % des exportations françaises actuelles (cf. tableau infra). À l’argument de M. Jacques Maire sur la nécessité de conquérir de nouveaux marchés, M. Raphaël Bello répond que la couverture d’Ubifrance est justement pensée pour être dynamique et se redéployer en cas de besoin. Actuellement, les opportunités d’affaires dans les pays néo-émergents mis en avant par le Quai d’Orsay seraient marginales.

Face à cette diversité d’approches, les rapporteurs en appellent à une solution pragmatique. Ils renouvellent leurs propositions n° 19 et 21 en faveur d’un recensement de l’offre de service à l’export des acteurs privés et de l’octroi de nouvelles délégations de service public à des prestataires privés exclusifs.

Ils souhaitent également que le débat sur la couverture géographique du réseau diplomatique et d’accompagnement des entreprises à l’export puisse être étayé par des éléments objectifs, l’évaluation des opportunités d’affaires pour les entreprises françaises à l’étranger ne faisant manifestement pas consensus.

B. LA RÉORGANISATION DE LA PUISSANCE PUBLIQUE EST AU MILIEU DU GUÉ

Le 15 novembre 2013, la ministre du Commerce extérieur a annoncé un rapprochement des acteurs de l’équipe de France de l’export (Ubifrance, CCI International et CCI France) qui allait dans le sens des recommandations des rapporteurs. Concrètement, ce rapprochement se traduisait par :

– l’entrée d’Ubifrance au sein du conseil d’administration de l’association CCI International ;

– l’engagement commun autour du portail internet dédié à l’internationalisation des entreprises « France International » – dont la première version sera en ligne avant la fin de l’année : les chambres de commerce et d’industrie et Ubifrance s’associeront pour porter de façon pérenne le développement de ce site dont l’objectif est de mettre à disposition des entreprises une plate-forme unique pour tous leurs projets et incluant tous les partenaires de l’internationalisation des entreprises ;

– la mise en place d’un partenariat renforcé sur la programmation et la commercialisation d’événements collectifs et sur les capacités de réponse des entreprises françaises aux appels d’offres internationaux.

Les autres efforts de rapprochement annoncés par la ministre, entre l’agence de l’export pour le secteur agroalimentaire Sopexa et Ubifrance d’une part, et entre Ubifrance et l’Agence française pour les investissements internationaux (Afii) d’autre part, n’ont pas encore abouti complètement à ce jour.

1. Le guichet unique n’est pas encore d’actualité

En juillet 2013, les rapporteurs se félicitaient de la priorité donnée à la diplomatie économique au ministère des affaires étrangères, estimant que le fait que les ambassadeurs soient au service des performances économiques de la France et qu’ils soient plus accessibles aux entreprises était une bonne chose. Pour autant, ils ajoutaient qu’il « n’est pas souhaitable que cette initiative se traduise par une augmentation du nombre d’interlocuteurs pour les entreprises. À cet égard, l’envoi d’ambassadeurs en région doit être suivi avec attention. […] La direction des Entreprises et de l’Économie internationale ne doit pas devenir un nouveau guichet. »

Outre des « représentants spéciaux », personnalités à l’expertise reconnue, nommés pour accompagner la relation économique avec certains pays, le ministère des Affaires étrangères et du Développement international a en effet mis à la disposition des présidents de région qui le souhaitent des « ambassadeurs en région » pour favoriser le rapprochement entre les entreprises et le réseau diplomatique. Dix régions bénéficient de ce dispositif. (7) De plus, 25 fonctionnaires de la sous-direction de soutien aux secteurs stratégiques de la direction des Entreprises et de l’économie internationale offrent un accès facilité au réseau diplomatique aux ETI, en allant notamment à leur rencontre dans les salons. Appuyés par les quatre « fédérateurs » désignés par Mme Bricq en mai 2013 pour chacun des quatre « mieux » de sa stratégie secteur-pays, ils veillent à ce que leurs intérêts, stratégies et actions soient bien intégrés dans le travail des ambassades, au besoin en les conseillant et en les appuyant.

Selon le directeur des Entreprises et de l’Économie internationale, ces agents, spécialistes d’un secteur, ont été très bien accueillis par les entreprises. Ils ont permis de doubler le nombre d’entreprises en contact direct avec le ministère des affaires étrangères, qui est passé de 400 en novembre 2012 à 700 en novembre 2013. Les éléments de bilan communiqués aux rapporteurs font état d’une mobilisation importante avec de nombreux indicateurs d’activité  (8), mais l’impact de cette mobilisation sur les courants d’affaires n’a pas été évalué. M. Maire a présenté le dispositif comme une dynamique qui produira ses effets à moyen et long terme.

En outre, depuis la fin de l’année 2013, le ministère des affaires étrangères a engagé des volontaires internationaux en administration (VIA). Environ 6 par pays concerné, ils sont rémunérés par le ministère et placés sous l’autorité de l’ambassadeur mais détachés au sein de chambres de commerce françaises à l’étranger dans des pays où le dispositif public de soutien à l’internationalisation des entreprises est inexistant ou faible compte tenu du potentiel du pays. D’autres VIA avec les mêmes fonctions sont placés dans les ambassades.

Tout en se félicitant du dynamisme de la direction des Entreprises et de l’Économie internationale, les rapporteurs signalent de nouveau le risque de multiplication des interlocuteurs pour les entreprises. Il serait particulièrement souhaitable que les fonctionnaires du Quai d’Orsay interviennent de façon parfaitement coordonnée avec les chargés d’affaires Bpifrance et Ubifrance qui se sont déjà rapprochés de façon à aller ensemble à la rencontre des chefs d’entreprises et qui commencent à aller davantage à la rencontre des ETI.

Dans un autre registre, la facilitation des échanges de données dans l’optique de former un guichet unique numérique pour les entreprises fait partie des projets évoqués par la direction générale du Trésor, qui signale cependant des freins sérieux liés au secret bancaire.

2. La nouvelle agence de la France à l’international n’est pas encore opérationnelle

Dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP), la mission d'évaluation sur l'efficacité du dispositif d'appui à l'internationalisation de l'économie française, conduite par MM. Alain Bentejac et Jacques Despont, avait préconisé, en juin 2013, la création d'un grand ensemble, dénommé « France internationale », dont la finalité serait de représenter l'intégralité de l'offre internationale de la France, y compris le tourisme – donc Atout France – ainsi que la marque France.

En juillet 2013, au cours de son entretien avec les rapporteurs, Mme Bricq avait confirmé le rapprochement de l’Agence française des investissements internationaux (Afii) et d’Ubifrance, dont les objectifs lui semblaient proches. Le rapprochement d’Atout France avait été initialement envisagé mais s’est heurté à de fortes résistances. A cet égard, l’intitulé du portefeuille de Mme Pellerin est peut-être de bon augure.

D’autres rapprochements ont également été préconisés par la commission des Finances du Sénat dans un rapport sur le dispositif de soutien aux exportations agroalimentaires. (9) Les sénateurs montraient que l’action de la Sopexa était redondante avec celle d’Ubifrance et qu’elle bénéficiait essentiellement aux vins et spiritueux, au détriment des autres entreprises du secteur. En novembre 2013, le Gouvernement a annoncé avoir mis à l'étude la création d'une structure commune à Ubifrance et Sopexa sous la forme d'une entreprise en joint venture pour regrouper les fonctions de soutien à l'export agroalimentaire.

La fusion de l’Afii et d’Ubifrance s’annonce difficile. Les deux agences semblent avoir des cultures d’entreprise différentes. La nouvelle directrice générale d’Ubifrance et de l’Afii, Mme Muriel Pénicaud, nommée après le départ de Mme Véronique Bédague au cabinet du Premier ministre, devra mener à bien la fusion entre les deux opérateurs dans le contexte précédemment évoqué de débats sur l’intervention de l’État à l’international et le rôle de l’agence.

En tout état de cause, la fusion ne se traduira pas automatiquement par un gain net pour les finances publiques ; son coût a été estimé entre 3,5 et 12 millions d’euros par le rapport de préfiguration de la fusion réalisée par l’Inspection générale des finances. Selon M. Jean-Paul Bacquet, président d’Ubifrance, la suppression de 19 équivalents temps pleins dans les fonctions support attendue de la fusion, est très hypothétique.

3. Le transfert des garanties publiques de Coface à Bpifrance est pour l’instant écarté

Dans le souci d’améliorer la lisibilité des dispositifs de soutien public aux exportations et constatant qu’assureur-crédit et banque publique se trouvaient rapprochés dans bien d’autres pays du monde, les rapporteurs avaient proposé l’intégration de la direction des garanties publiques de Coface dans la banque publique d’investissement (proposition n° 26).

Ce transfert s’avérait d’autant plus opportun que l’actionnaire de Coface, Natixis, ne faisait pas mystère de son intention de se désengager de cette activité qu’il qualifiait de non stratégique. Aujourd’hui, alors que Coface prépare son entrée en bourse et l’ouverture de son capital à de nouveaux actionnaires, la question est plus que jamais d’actualité. Pour autant, elle suscite de nombreuses réserves.

Le directeur des garanties publiques de Coface estime que ce transfert n’est pas souhaitable. Les métiers de banquier et d’assureur ne sont pas les mêmes. Bpifrance n’a pas l’expertise nécessaire pour évaluer la solvabilité de clients étrangers alors que la direction des garanties publiques de Coface bénéficie du système d’information et des compétences de la direction des affaires juridiques de Coface compte privé. La direction générale du Trésor estime que la lisibilité pour les entreprises serait renforcée mais que le coût de transaction d’un tel changement est élevé. L’avantage de fusionner Bpifrance et la direction des garanties publiques de Coface n’aurait pas été établi par l’Inspection générale des finances.

Lors de son audition par les rapporteurs, le directeur des garanties publiques de Coface a estimé que le transfert des garanties publiques à Bpifrance poserait des problèmes juridiques. La délégation de service public a été octroyée en 1946 à Coface par la loi. La convention entre l’État et l’assureur-crédit n’en est qu’un mode de gestion. Toute remise en cause devra donc donner lieu à une négociation ad hoc entre l’État et les actionnaires de Coface. En outre, les règles européennes relatives à la concurrence s’opposent en principe à ce que les garanties publiques soient transférées directement à Bpifrance sans remise en concurrence.

La prochaine entrée en bourse de Coface pourrait toutefois constituer une menace pour les données des entreprises françaises gérées par la direction des garanties publiques de Coface. Celle-ci manipule en effet des informations sur de nombreux groupes du CAC40 ainsi que sur les entreprises du secteur de la Défense, aujourd’hui protégées par une réglementation ad hoc (habilitation des chargés d’affaires).

En l’absence de certitudes sur la capacité de l’État à s’opposer à une prise de participation significative de la part d’acteurs de marchés étrangers, les rapporteurs estiment que les conditions juridiques et financières d’une intégration de Coface à la banque publique d’investissement devraient faire l’objet d’une réflexion plus poussée, à partir des travaux réalisés ou en cours, notamment par l’inspection générale des finances.

4. Une plus grande transparence est souhaitable pour favoriser la généralisation des bonnes pratiques régionales en matière de soutien à l’export

Dans leur rapport de juillet 2013, les rapporteurs préconisaient de s’appuyer davantage sur les régions pour la détection du potentiel export et pour le développement du portage des plus petites entreprises par les grands groupes. Ils plaidaient en faveur d’un nouveau partenariat entre l’État et les régions, pour favoriser la subsidiarité. Pour ce faire, ils proposaient notamment de préciser leurs compétences en matière d’internationalisation des entreprises dans le prochain projet de loi relatif à la décentralisation, d’encourager des modes d’organisation régionale qui privilégient la coopération avec les autres acteurs (Ubifrance, Bpifrance, les chambres de commerce et d’industrie, notamment), plutôt que la création de structures et de bureaux à l’étranger, et de rendre publique une évaluation régulière des stratégies, dispositifs et partenariats mis en œuvre au niveau régional.

En 2013, deux projets de loi de décentralisation ont été déposés au Sénat, dont un susceptible de préciser les compétences des régions en matière de développement économique. Le Gouvernement a cependant annoncé le retrait de ces deux textes et le dépôt d’un nouveau projet prévoyant notamment des compétences exclusives pour les régions et les départements et la suppression de la clause de compétence générale, ainsi que des incitations à la fusion entre collectivités. Par la suite, dans son discours de politique générale du 8 avril 2014, le Premier ministre Manuel Valls est allé beaucoup plus loin en proposant la suppression des conseils départementaux en 2021 et une division par deux du nombre de régions.

D’après l’exposé des motifs du projet de loi présenté en Conseil des ministres le 14 mai 2014, « à la clause de compétence générale qui permettait jusqu’à présent aux régions et aux départements d’intervenir en dehors de leurs missions principales, parfois de manière concurrente, souvent de façon redondante, se substitueront des compétences précises confiées par la loi à un niveau de collectivité. Les régions disposeront ainsi de tous les leviers nécessaires pour assurer, aux côtés de l’État, dans les territoires, la responsabilité du développement économique, de l’innovation et de l’internationalisation des entreprises. […] la région constitue l’échelon de référence notamment en vue de soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui sont un facteur décisif pour notre croissance économique. Elle a tout particulièrement vocation à accompagner la croissance de ces entreprises, à renforcer leur capacité à innover et à exporter. »

L’article 2 du projet de loi prévoit l’adoption par les conseils régionaux d’ « un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation qui sera soumis à l’approbation du représentant de l’État dans la région. » La représentation des conseils régionaux au conseil d’administration d’Ubifrance sera renforcée. D’après le projet de loi, la région sera la seule collectivité à disposer dorénavant d’une compétence de plein droit pour accorder des aides à des entreprises en difficulté, dans le respect des règles communautaires en matière de concurrence.

Comme l’ont préconisé les rapporteurs, l’article 4 du projet de loi transfère aux régions la compétence de l’animation des pôles de compétitivité. Il les conforte également ainsi que les métropoles dans la gouvernance nationale de la politique des pôles de compétitivité (proposition n° 13).

Les rapporteurs recommandaient aussi de rendre publique une évaluation régulière des stratégies, dispositifs et partenariats mis en œuvre au niveau régional. À cet égard, le projet de loi prévoit la mise en place d’un observatoire de la gestion publique locale, qui pourra réaliser « des évaluations de politiques publiques locales ainsi que des missions d’expertise et d’audit. » Il sera chargé « d’assurer la diffusion de ces travaux afin de favoriser le développement de bonnes pratiques. »

Il est cependant regrettable que le titre IV sur la transparence et la responsabilité financières des collectivités territoriales ne contienne aucune disposition visant à rendre obligatoire la mise en ligne sur Internet des informations financières, bien que l’exposé des motifs, qui n’est qu’indicatif, forme le vœu que « lorsqu’un site Internet existe, ces présentations doivent être mises en ligne. »

Une plus grande transparence est en effet indispensable, notamment pour interroger la pertinence de certaines pratiques régionales non coopératives et coûteuses, comme la création de structures et de bureaux de représentation à l’étranger. Les rapporteurs réitèrent leur souhait de voir ces pratiques abandonnées au profit :

– de stratégies ciblées sur des filières ou des catégories d’entreprises (TPE primo-exportatrices, par exemple) ;

– d’aides remboursables ou d’aides collectives, qui impliquent un véritable suivi des entreprises bénéficiaires et ont un objectif affiché ;

– d’un véritable accompagnement proposé en partenariat avec les chambres de commerce et d’industries régionales ;

– du rassemblement des dispositifs au sein de « guichets uniques ».

D’après les informations communiquées par la direction générale du Trésor, huit conseils régionaux n’ont pas encore adopté de plan régional pour l’internationalisation des entreprises (PRIE) : l’Alsace, le Languedoc-Roussillon, la Lorraine, la Picardie, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion.

C. L’EFFORT DE RATIONALISATION DES DISPOSITIFS N’A PAS ÉTÉ MIS EN œUVRE

1. L’assurance prospection n’a pas fait l’objet d’un meilleur ciblage et reste fortement déficitaire

Les rapporteurs avaient alerté le Gouvernement, en juillet 2013, sur le déficit récurrent de l’assurance prospection. L’assurance prospection a pour finalité d’accompagner la prospection commerciale des PME en finançant les dépenses de prospection en cas d’échec total ou partiel. Elle offre à ces entreprises un relais de trésorerie (dans la phase de prospection, des indemnités sont versées à l’entreprise pour couvrir une partie de ses dépenses) et une assurance contre l’échec (lorsque les recettes sont insuffisantes, l’entreprise conserve tout ou partie des indemnités reçues).

Depuis 2008, afin de stimuler la démarche exportatrice dans davantage d’entreprises, la procédure a été élargie aux ETI et entreprises innovantes. Cet élargissement s’est accompagné d’une dégradation du risque puisque le déficit technique a plus que doublé entre 2008 et 2012 (de 148 à 265 millions d’euros). Cette dégradation était attendue puisque l’assurance prospection présente un profil structurellement déficitaire. En mars 2012, un nouveau produit complémentaire a été créé à destination des entreprises primo-exportatrices. Ce produit forfaitaire, d’un montant maximum de 30 000 euros, a été baptisé « assurance prospection premiers pas » ou A3P. Le succès de ce dispositif et son lancement récent incitaient les rapporteurs à lui accorder davantage de temps avant d’effectuer une première évaluation. Toutefois, ils notaient que le taux d’acceptation des dossiers atteignait 84 %. L’A3P constituait donc bien une nouvelle mesure de démocratisation de l’assurance prospection, susceptible d’en augmenter à nouveau les coûts pour le budget de l’État.

Compte tenu du coût de gestion élevé de ces dispositifs – la rémunération de la Coface s’élevant à 23 millions d’euros – et de la dégradation de l’effet de levier (10), les rapporteurs proposaient, à l’instar de la direction du Budget, d’en renforcer le caractère assurantiel (proposition n° 14) :

– en augmentant le taux des primes ;

– en allongeant la période d’amortissement des dépenses ;

– en relevant le taux d’amortissement des dépenses.

Par instruction du ministre chargé de l’économie, l’assiette de l’assurance prospection a fait l’objet d’aménagements techniques et, conformément à la recommandation des rapporteurs, la période de remboursement des dossiers faisant l’objet d’une période de garantie de trois ans et plus a été allongée d’un an. Cette mesure s’applique depuis le 16 juin 2014 à toutes les demandes d’assurance prospection et d’A3P, ainsi qu’aux renouvellements des contrats en assurance prospection.

Pour 2014, les crédits ouverts au titre de l’assurance-prospection progressent encore de 11 % pour atteindre 110 millions d’euros (contre 99 millions d’euros en 2013). (11) La cause doit en être recherchée dans la simplicité de l’A3P qui a provoqué un afflux des demandes. Au regard de cet « appel d’air », il serait raisonnable d’envisager un meilleur encadrement des dépenses éligibles a priori. Les rapporteurs souhaitent donc qu’il soit procédé à une évaluation rapide de ce dispositif, avant fin 2015.

Par ailleurs, ils estiment que les mesures envisagées à ce stade pour réduire le coût de l'assurance prospection risquent d'être inefficaces et contre-productives, notamment celles visant à plafonner certaines dépenses particulières tels que les frais de séjour à l'étranger, les salaires des responsables export, les recours à des professionnels auxiliaires, etc. Des résultats beaucoup plus intéressants à la fois pour les finances publiques et pour la responsabilisation des entrepreneurs pourraient facilement être obtenus en raisonnant davantage en termes d'assurance que de subvention, par exemple en augmentant les primes d'assurance, les taux et les durées d'amortissement, et en ciblant le risque couvert pour réduire la sinistralité.

2. Le crédit d’impôt pour dépenses de prospection est toujours en vigueur

En 2013, les rapporteurs avaient proposé la suppression du crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciales, également recommandée par le Conseil des prélèvements obligatoires et le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales.

Complexe, très difficile à contrôler, inadapté aux exigences réelles de la conquête des marchés extérieurs, ce dispositif coûte 13 millions au budget de l’État chaque année.

Les rapporteurs s’étaient étonnés de voir exactement le même montant inscrit chaque année en loi de finances pour évaluer cette dépense fiscale. Interrogée, la direction de la Législation fiscale avait reconnu ne pas suivre particulièrement ce dispositif qu’elle estimait marginal. Elle ne disposait d’aucune donnée consolidée sur ses bénéficiaires.

En dépit du constat partagé sur l’inadaptation du dispositif, cette dépense fiscale n’a toujours pas été supprimée. Jugeant que l’outil fiscal avait sa pertinence, la direction générale du Trésor a en effet souhaité conduire une étude avec la direction de la législation fiscale sur les voies d’amélioration de ce dispositif. Cette étude n’a toutefois pas été menée à ce jour. En conséquence, les rapporteurs renouvellent leur recommandation.

EXAMEN PAR LE COMITÉ

Le Comité examine le présent rapport lors de sa séance du 19 juin 2014.

M. Régis Juanico, président. Je vous prie de bien vouloir excuser le président Claude Bartolone, qui m’a demandé de le suppléer.

L’article 146-3 du Règlement prévoit que les rapporteurs du CEC présentent au Comité un rapport de suivi de la mise en œuvre de leurs conclusions à l’issue d’un délai de six mois suivant la publication de leur rapport d’évaluation initial.

Nous examinons aujourd’hui, sur ce fondement, le rapport de suivi de l’évaluation du soutien public aux exportations. Nos deux rapporteurs, M. Patrice Prat pour la majorité et M. Jean-Christophe Fromantin pour l’opposition, nous avaient présenté leur évaluation le 4 juillet 2013.

M. Jean-Christophe Fromantin, rapporteur. Dans notre rapport de juillet dernier, nous avions formulé cinq axes de propositions. Premièrement, sensibiliser les entreprises aux possibilités de développement international par des politiques publiques appropriées et susciter leur envie d’exporter. Deuxièmement, inciter l’État à définir une véritable doctrine d’intervention à l’international et l’appeler à rendre des arbitrages et à afficher ses choix : par exemple, convient-il de privilégier les pays émergents ou bien les marchés avec lesquels nous avons déjà des flux d’échanges bien établis, mais sur lesquels la concurrence est plus rude ? Troisièmement, clarifier les compétences : une kyrielle d’acteurs publics, semi-publics, consulaires et privés, centralisés, décentralisés ou implantés à l’étranger interviennent dans ce domaine et les entreprises nous ont souvent signalé qu’elles ne s’y retrouvaient pas dans la profusion d’aides et de dispositifs qui leur sont proposés. Quatrièmement, mieux coordonner l’ensemble de ces acteurs, en France – tant au niveau national que régional – et à l’étranger – sous l’autorité des ambassadeurs. Cinquièmement, rationaliser et simplifier les dispositifs de financement, qu’il s’agisse des crédits octroyés aux acheteurs, des subventions à l’exportation ou des systèmes d’assurance.

Dans le point d’étape que nous vous présentons aujourd’hui, nous notons un certain nombre de progrès, notamment un effort de rationalisation et l’engagement d’une réflexion sur les dispositifs de financement ainsi que sur l’évolution de la « part française ». En revanche, sur d’autres points, les choses n’ont pas évolué.

M. Patrice Prat, rapporteur. Pour établir ce rapport de suivi, nous avons auditionné des représentants des directions d’administration centrale – notamment la direction générale du Trésor (DGT) du ministère de l’économie, du redressement productif et du numérique et la direction des entreprises et de l’économie internationale (DEEI) du ministère des affaires étrangères et du développement international – et des opérateurs concernés – Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface), Agence française pour le développement international des entreprises (Ubifrance) et Banque publique d’investissement (Bpifrance). Si nous devions, tels des professeurs, remplir un bulletin de notes, notre appréciation serait : « Des progrès, mais peut mieux faire ».

Nous avons constaté des améliorations : le Gouvernement montre sa détermination à redresser le commerce extérieur en créant de nouveaux dispositifs. Ainsi il met en œuvre une véritable stratégie industrielle, qui commence à porter ses fruits, cependant que la diplomatie économique sort renforcée des récentes réorganisations, ce qui se traduit par une intensification des négociations commerciales. Pour sa part, Bpifrance a étoffé sa gamme de produits pour mieux répondre aux besoins des exportateurs et a cherché à rationaliser cette offre. De même, la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) joue un rôle accru : elle mène des expérimentations afin de constituer un guichet unique qui devrait délivrer toutes les autorisations relatives à l’export, offre de nouveaux services aux entreprises, et fait des efforts d’information et de sensibilisation, mais aussi de simplification en dématérialisant ses procédures. D’autre part, les grands projets pourront désormais bénéficier d’un mécanisme exceptionnel de refinancement. Enfin, une mission a été lancée pour redéfinir, en ce qui concerne la « part française » des produits soutenus à l’exportation, des exigences qui suscitaient des interrogations, certains considérant qu’elles pouvaient constituer un frein à notre développement international.

Cependant, plusieurs points restent à améliorer. L’effort de rationalisation des structures et des dispositifs demeure insuffisant. La réorganisation de la puissance publique est au milieu du gué : la répartition des compétences entre les différents acteurs n’a pas été clarifiée comme nous l’avions demandé dans notre rapport de juillet 2013. En particulier, les compétences et les tutelles sur les opérateurs publics restent partagées entre plusieurs ministres. De plus, l’État n’a pas encore définitivement arrêté sa doctrine d’intervention à l’international, qui continue à faire l’objet d’une controverse entre les administrations.

En dépit de la reprise mondiale, la situation de notre commerce extérieur reste très préoccupante. Même si notre déficit commercial tend à se réduire au fil des années, il s’élevait encore à environ 61 milliards d’euros en 2013, soit près de 3 % du PIB. D’autre part, l’amélioration du solde est surtout due à une baisse des importations, en raison notamment du tassement du prix des matières premières. Quant aux exportations, après une hausse en 2012, elles ont reculé à nouveau en 2013, bien que le nombre d’entreprises exportatrices ait crû pour la deuxième année consécutive – elles sont désormais 120 700.

Nos meilleures performances en matière d’exportations correspondent aux points forts de la spécialisation française : produits pharmaceutiques, produits agricoles et agroalimentaires, industrie du luxe et aéronautique. Nos points faibles demeurent les biens intermédiaires, les équipements et les machines-outils. Nous devons faire mieux dans ces secteurs. Au total, la part des exportations françaises dans les exportations de la zone euro s’est de nouveau dégradée pour s’établir à 12,7 % en 2013.

M. Jean-Christophe Fromantin, rapporteur. Cette dégradation est alarmante : cette part était de 17,5 % en 1998.

Notre stratégie d’exportation évolue dans le bon sens : alors qu’elle reposait essentiellement sur l’accompagnement direct des entreprises, au moyen d’aides opérationnelles et de subventions, elle intègre désormais la diplomatie économique. À cet égard, le regroupement des affaires étrangères et du commerce extérieur sous une même autorité est un premier pas positif, de nature à renforcer notre position dans la véritable bataille des normes engagée à l’échelle internationale.

Le redressement de notre commerce extérieur passe avant tout par l’amélioration de la compétitivité, coûts et hors coûts, des entreprises. Les mesures fiscales adoptées à cette fin n’auront d’effet que dans deux ou trois ans, de l’avis de tous les économistes, mais elles contribuent à la reconstitution des marges des entreprises, condition essentielle pour que celles-ci développent des stratégies de compétitivité hors coûts et bénéficient d’avantages comparatifs. La France tente ainsi de mener une politique de l’offre.

En outre, le Gouvernement a défini quatre familles d’activités prioritaires pour l’export, auxquelles il vient d’en ajouter une cinquième : la culture et le numérique. Il est tout à fait pertinent de privilégier ces deux secteurs et de les lier : la France et ses territoires disposent d’atouts importants en matière d’offre culturelle, et le développement du numérique exerce un véritable « effet de levier » dans ce domaine.

Nous avions relevé une forme de « complexe français » dans l’expression de l’envie de se projeter à l’international. D’autres pays affichent plus volontiers que la France leur ambition en matière de rayonnement. Ainsi l’Allemagne installe souvent des stands beaucoup plus importants que les nôtres dans les grands salons internationaux. Cependant, animant depuis près de six mois avec M. Le Roux une mission d’information sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025, je constate que les différents acteurs que nous avons auditionnés – État, collectivités territoriales, diplomates, grandes entreprises – manifestent tous une forte volonté de faire rayonner notre pays.

L’actualité récente illustre l’importance de la diplomatie économique. Alors que les négociations commerciales multilatérales étaient dans l’impasse, la conférence qui s’est tenue en décembre 2013 à Bali a ouvert la perspective de nouveaux accords. Quant à l’accord de libre-échange transatlantique, il s’agit certes d’un sujet compliqué et controversé, mais il est important d’en débattre : le partenariat commercial entre l’Union européenne et les États-Unis revêt une importance stratégique ; il faut lui donner corps face à l’émergence de la zone Pacifique. Le fait que les administrations des affaires étrangères et du commerce extérieur parlent désormais d’une seule voix ne peut que nous faciliter la tâche sur un dossier de cette nature.

Enfin, nous évoquons dans notre rapport le contentieux entre BNP-Paribas et l’administration américaine. Poussée à son terme, la logique américaine veut que toute entreprise étrangère ayant des activités aux États-Unis puisse être poursuivie par la justice américaine dès lors qu’elle a effectué une transaction libellée en dollars – ou bénéficiant d’une couverture dans cette monnaie – qui contrevient à la législation américaine, même si cette opération est dépourvue de lien avec le territoire américain. Ainsi, si un exportateur français a vendu du roquefort à un client asiatique, l’un ou l’autre pourrait théoriquement être condamné pour infraction aux normes sanitaires américaines à partir du moment où il se mettra à vendre ou à acheter d’autres produits sur le marché américain. Or 87 % des opérations de commerce international sont libellées en dollars. La doctrine américaine fait donc courir un grand risque au commerce international. Cela doit d’ailleurs nous inciter à nourrir une véritable ambition pour l’euro.

M. Patrice Prat, rapporteur. Parmi les améliorations apportées par le Gouvernement, il convient de relever la création de nouveaux dispositifs pour les entreprises.

Bpifrance joue un rôle actif à cet égard : elle a étoffé sa gamme de produits à destination des entreprises. Ainsi elle propose des prêts bonifiés pour réaliser des investissements dans le numérique. Elle consacre 300 millions d’euros à cette action, montant qui se trouve doublé du fait que ces prêts doivent être associés à d’autres prêts bancaires d’un montant au moins équivalent. En outre, pour des crédits de petit montant, elle propose des solutions de financement aux clients des entreprises exportatrices : crédits acheteurs et rachat de crédits fournisseurs. Cela correspond à une forte demande des entreprises qui n’était pas satisfaite par le marché. Enfin, Bpifrance et Ubifrance déploient des chargés d’affaires communs après des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) pour les sensibiliser à l’intérêt de prospecter des marchés à l’étranger.

Pour bénéficier d’un appui public, les entreprises doivent montrer que les produits exportés comportent un minimum de « part française ». Cette règle a des vertus, mais elle peut se révéler un frein, comme nous l’avions relevé dans notre rapport de juillet 2013. À ce stade, la France maintient un seuil intangible de 50 % de « part française » pour tout projet aidé. Cependant, en pratique, il devient de plus en plus difficile de contrôler que ce seuil est bien respecté. Nous avions suggéré une approche plus pragmatique, qui consisterait à moduler ce seuil, voire à retenir le critère de « l’intérêt national » utilisé en Suède ou une notion équivalente. À cet égard, nous avions insisté sur la nécessité de prendre avant tout en compte l’impact sur l’emploi en France. Une mission de l’inspection générale des finances rendra prochainement ses conclusions sur le sujet.

D’autre part, les grands crédits export pourront désormais bénéficier d’un mécanisme exceptionnel de refinancement. Cette mission, qui sera prochainement officialisée, reviendra à la Société de financement local (SFIL), créée le 23 janvier 2013 par l’État, la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale par démembrement de Dexia. Nous rappelons, comme nous l’avions indiqué dans notre rapport initial, que les activités de refinancement et de prêt direct ne devraient avoir aucun impact sur les comptes publics dès lors qu’elles sont exercées par une société disposant d’une véritable autonomie financière et décisionnelle. Il conviendra de s’assurer que la SFIL respecte les conditions d’une telle autonomie.

Enfin, la DGDDI offre, elle aussi, de nouveaux services aux entreprises. Ainsi elle regroupera bientôt l’ensemble des procédures d’autorisation requises pour les exportations, y compris les autorisations spéciales pour le matériel de défense ou les produits de santé – des expérimentations sont en cours sur ce point. Elle poursuit également son effort de dématérialisation : compte tenu du développement du e-commerce, elle a décidé de mettre en place pour le fret express une téléprocédure qui devrait être disponible dans deux ans. En outre, elle offre des services d’information personnalisés aux entreprises, sous forme de consultations individuelles ou de réunions sur les évolutions de la réglementation européenne qu’elle organise régulièrement à Paris et en province. Pour finir, nous notons avec satisfaction que la France rattrape actuellement son retard par rapport à ses voisins européens en matière de délivrance du statut d’opérateur économique agréé, qui offre aux entreprises un accès à des procédures simplifiées.

Cependant, l’effort de rationalisation des structures et des dispositifs demeure insuffisant. En particulier, la politique de soutien aux exportations reste éclatée entre Bercy et le Quai d’Orsay. Un pas a été franchi avec le rattachement du commerce extérieur au ministère des affaires étrangères, mais ce rattachement n’est pas complet. Si le partage actuel a sa cohérence, il nécessiterait une parfaite coordination entre les ministres. À défaut, des blocages risquent de survenir sur le terrain. Il conviendra d’apprécier la pertinence de la réorganisation à l’épreuve des faits.

D’autre part, la doctrine d’intervention de l’État à l’international doit être clarifiée. Actuellement, la DEEI et la DGT en ont chacune leur propre conception. La DEEI préconise un redéploiement des moyens vers les pays « néo-émergents ». Pour ce faire, elle souhaite revoir la répartition des moyens entre Ubifrance et les acteurs privés, notamment en accordant davantage de délégations de service public. De son côté, la DGT rappelle qu’Ubifrance a été créée avec l’objectif de renforcer la professionnalisation des équipes et le ciblage. Elle craint un saupoudrage des moyens et une dilution des conseillers Ubifrance dans le réseau diplomatique, qui réduirait leur efficacité économique. Selon elle, l’impact d’une réaffectation des moyens vers les pays néo-émergents serait marginal.

M. Jean-Christophe Fromantin, rapporteur. Tel est le principal message de notre rapport de suivi : la création d’une « holding de tête » est une avancée très positive, mais les deux « bras armés » n’ont pas la même doctrine d’intervention. Partant du constat que certains marchés sont saturés, la DEEI veut concentrer l’effort sur les pays néo-émergents. La DGT et Ubifrance estiment au contraire que le volume d’affaires n’est pas suffisant dans ces pays et qu’il faut continuer à porter l’effort sur les marchés traditionnels, où la concurrence est rude. Sans doute y a-t-il du vrai dans les deux analyses, mais il appartient désormais aux autorités politiques de fixer une orientation. Nous le dirons aux ministres concernés lorsque nous leur présenterons notre rapport de suivi.

D’autre part, la fusion entre l’Agence française pour les investissements internationaux et Ubifrance est au milieu du gué. Les auditions ont révélé une situation assez inquiétante : les tensions entre les équipes des deux agences sont fortes ; l’état d’esprit et l’ambiance actuels ne sont guère propices à un rapprochement harmonieux. Il convient de clarifier les choses.

Le ministère des affaires étrangères a déployé ses propres agents – dix ambassadeurs pour les régions, vingt-cinq fonctionnaires – sur le territoire français. Leur mission est de mettre en contact les ETI avec le réseau diplomatique. Cela crée une certaine confusion : Ubifrance et Bpifrance, qui commencent à travailler ensemble, envoient eux aussi des chargés d’affaires auprès des PME et des ETI. Il n’existe pas de « territoire réservé » à l’une ou à l’autre administration, mais veillons à ce qu’elles ne se fassent pas concurrence sur le terrain ! De plus, le ministère des affaires étrangères recrute des volontaires internationaux en entreprise (VIE) qu’il affecte non pas dans le réseau de la DGT ou d’Ubifrance, mais dans les chambres de commerce et d’industrie à l’étranger. Nous avions déjà mis en lumière la complexité du système dans notre rapport de juillet 2013. Il ne faudrait pas y ajouter !

Enfin, nous avions proposé le transfert des garanties publiques – assurance prospection et assurance-crédit à l’exportation – de la Coface à Bpifrance. Dans de nombreux pays, les deux métiers – banque publique et assurance-crédit – sont regroupés. L’analyse du risque pays et du risque client est d’ailleurs une activité qui leur est commune. Avec un tel transfert, les entreprises disposeraient d’un guichet unique. Cette opération nous paraissait d’autant plus nécessaire que la Coface doit prochainement entrer en bourse. Or rien ne garantit que son capital restera détenu par des actionnaires français. Si tel n’était pas le cas, une menace pèserait sur les données stratégiques des entreprises françaises qu’elle traite. Nous maintenons donc notre proposition, qui mériterait d’être étudiée de manière plus approfondie.

M. Patrice Prat, rapporteur. L’effort de rationalisation que nous avions souhaité en ce qui concerne l’assurance prospection et le crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale n’a été que très partiellement effectué.

Nous regrettons que l’assurance prospection n’ait pas fait l’objet d’un meilleur ciblage et reste fortement déficitaire. Certes, ce déficit est structurel, mais certains points peuvent certainement être améliorés.

L’assurance prospection offre aux exportateurs un relais de trésorerie et une assurance contre l’échec. En 2008, elle a été étendue aux ETI et aux entreprises innovantes, afin de stimuler leurs démarches d’exportation. Cependant, ce développement s’est accompagné d’une dégradation du risque, le déficit technique étant passé de 148 à 265 millions d’euros entre 2008 et 2012. Pour 2014, les crédits ouverts au titre de l’assurance prospection ont encore progressé de 11 % pour atteindre 110 millions d’euros, contre 99 millions en 2013. La cause est certainement à rechercher dans le lancement de « l’assurance prospection premiers pas » – version simplifiée de l’assurance prospection destinée aux plus petites entreprises –, qui a suscité un afflux de demandes.

Conformément à nos préconisations, la période d’amortissement des dépenses a été allongée et l’assiette de l’assurance prospection a été revue, mais ces mesures demeurent insuffisantes. Quant au plafonnement envisagé pour des dépenses telles que les frais de séjour à l’étranger, les salaires des responsables export ou le recours à des professionnels auxiliaires, il pourrait se révéler contre-productif et déresponsabiliser les entreprises.

Nous avions aussi proposé la suppression du crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale. Nous avions relevé la complexité du dispositif, la difficulté de le contrôler et son inadaptation aux besoins en matière de conquête des marchés extérieurs. Il coûte environ 13 millions d’euros à l’État chaque année. La DGT a jugé que cet outil fiscal avait sa pertinence. Elle a lancé, avec la direction de la législation fiscale, une étude sur les améliorations qui pourraient lui être apportées. Toutefois, cette étude n’a toujours pas été menée. Nous renouvelons donc notre recommandation de supprimer ce crédit d’impôt.

M. François Brottes. Il n’y a pas que les questions d’organisation institutionnelle qui importent. Conduit par mes fonctions de président de la commission des affaires économiques à beaucoup voyager à travers le monde, j’ai pu constater que la cohérence de notre action à l’étranger dépendait largement du caractère et de la personnalité des hommes et des femmes qui l’animent, ainsi que de la qualité de leurs relations. La culture du commerce extérieur gagne du terrain au Quai d’Orsay et nos ambassadeurs sont devenus plus soucieux d’action économique que par le passé, ce dont il faut se réjouir. Mais il manque une évaluation mensuelle de ce que font tous ces agents. Dans certains bureaux d’Ubifrance, on peut douter de leur réelle proactivité pour favoriser les exportations de nos entreprises. Nous aurions donc tout intérêt à avoir un « retour » des entreprises qui les contactent, pour savoir en quoi consistaient leurs demandes et ce qu’il en est advenu. On a parfois le sentiment que ces agents passent leur temps à élaborer des tableaux de la situation macroéconomique de chaque pays – tableaux qui ne sont d’ailleurs pas toujours à jour, comme je l’ai signalé au président d’Ubifrance – alors que leur première tâche devrait être de faciliter les contacts sur place pour les entreprises françaises qui souhaitent exporter.

Je laisse à Mme Guittet, dont je partage pleinement le point de vue sur le sujet, le soin d’intervenir sur le problème des délais de paiement.

Disposons-nous d’un inventaire des barrières non tarifaires ? Le rôle du dollar tel qu’il vient d’être évoqué en est une, mais il en existe beaucoup d’autres et leur connaissance peut être cruciale pour orienter les efforts de certaines filières.

Je terminerai par une suggestion. Pour rencontrer régulièrement des expatriés lors de mes déplacements, je sais qu’ils souhaitent pour la plupart maintenir des liens avec la France. Disons-le clairement aussi : ils en ont assez d’être tenus pour des apatrides ! L’une des propositions que j’ai évoquées avec eux consisterait en une sorte de jumelage entre eux et des classes de lycée, de leur région d’origine par exemple. Nous peinons à susciter l’intérêt de nos jeunes pour la marche du monde et pour le travail à l’international, toutes choses qui ne s’apprennent malheureusement pas à l’école ; or bien des expatriés seraient heureux d’avoir un ou deux contacts mensuels avec des lycéens, ne serait-ce que pour leur expliquer comment on vit dans leur pays d’accueil et ce que l’on y fait. Qu’en pensez-vous ?

Mme Monique Rabin. Tout en vous félicitant pour votre travail, je trouve votre constat un peu pessimiste. Certes, notre solde commercial ne s’est que très légèrement amélioré, mais notre déficit hors énergie, lui, s’est réduit de 10 %. C’est la première fois qu’il diminue autant depuis 2007. Il aurait valu la peine de le relever et d’ébaucher une analyse des raisons qui peuvent l’expliquer. En effet, cette amélioration n’est pas seulement due au fait que notre pays a moins importé. Je travaille actuellement sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2013, et les chiffres sont assez probants.

Autre chiffre intéressant, le nombre d’entreprises exportatrices a augmenté de 1,8 %. Ce n’est peut-être pas considérable, mais dans la mesure où c’est essentiellement le fait d’ETI, c’est plutôt signe que nous sommes sur la bonne voie.

Je partage pleinement votre avis sur la nécessité de clarifier les compétences entre Bercy et le Quai d’Orsay. Néanmoins, le schéma proposé à la page 10 de votre présentation me semble insister par trop sur la multiplicité des interlocuteurs de l’entreprise à l’étranger. Outre que tous ne sont pas présents dans tous les pays, Ubifrance est souvent hébergé dans les locaux de l’ambassade ou dans ceux des chambres de commerce et d’industrie à l’étranger (CCIFE), dont l’agence a commencé à se rapprocher. Il y a donc déjà un réel effort de rationalisation, dont vous ne rendez pas compte.

Vos observations sur l’assurance prospection sont très intéressantes. En revanche, je m’inquiète d’entendre que sa simplification a provoqué un afflux des demandes. Notre pays consent de vrais efforts en matière de simplification des normes, avec la nomination récente d’un secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification administrative, et ce serait dommage que cette simplification soit à l’origine d’un « appel d’air ». Que pouvez-vous ajouter sur ce point ?

L’an dernier, nous avions constaté le mal-être des chambres de commerce et d’industrie, qui jouent un rôle essentiel dans certaines régions de France et dans certains pays étrangers. Ce mal-être s’est-il dissipé ?

Vous relevez que le crédit d’impôt pour dépenses de prospection, dont vous aviez proposé la suppression, est toujours en place. Pourquoi ne pas cosigner tous un amendement proposant sa suppression dans le cadre du prochain projet de loi de finances ? Si nous sommes convaincus, allons-y !

La proposition de M. Brottes en suscite une autre de ma part : une commission d’enquête sur l’exil des forces vives de France, présidée par M. Luc Chatel, a été constituée au sein de notre Assemblée. J’en suis membre – ainsi que M. Juanico. Il serait intéressant de faire le lien entre votre travail et les réalités humaines de l’exil – ou plutôt de l’expatriation – de personnes qui illustrent à l’étranger le savoir-faire français et qui souhaitent qu’on valorise leur travail au lieu de les montrer du doigt. Je vais proposer à la commission d’enquête de vous auditionner.

Mme Chantal Guittet. Le déficit de notre commerce extérieur restant abyssal en dépit de tous les efforts, l’export ne peut qu’être un sujet de préoccupation majeure pour notre pays.

Je suis d’accord avec vous sur la complexité du dispositif. Faute de s’y retrouver, de nombreuses petites entreprises désireuses d’exporter viennent me demander conseil et, pour ma part, ce n’est que par hasard que j’ai appris récemment l’existence d’ambassadeurs en région. J’ignore d’ailleurs encore où trouver celui qui a été nommé en Bretagne et ce qu’il fait. Il est dommage que le Quai d’Orsay n’ait pas jugé bon d’informer à ce propos les autorités publiques et les élus…

Votre rapport évoque trop peu l’effet de levier de certaines mesures dont le coût, certes important, doit être apprécié au regard de ce qu’elles rapportent. Je pense notamment à l’assurance prospection. J’assistais hier à l’assemblée générale des opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI) : il semble que la décision d’aménager l’assiette de l’assurance prospection et d’allonger le délai de remboursement des dossiers faisant l’objet d’une période de garantie de trois ans et plus ait été prise sans les consulter. Il faudrait arriver à structurer cette profession des négociateurs commerciaux et reconnaître que c’est elle qui défriche le terrain et prend des risques afin de placer les produits français pour le compte des PME – ce qu’on ignore souvent. Ayons l’intelligence d’organiser une filière dont l’utilité est indéniable : encourager les PME et les ETI à aller en Chine est une chose, mais on sait bien que seules, elles courent à l’échec. Il est donc impératif d’avoir recours à des négociateurs qui ont le savoir-faire nécessaire.

Ces négociateurs reconnaissent que le crédit d’impôt pour dépenses de prospection a peu d’utilité. Je l’ai dit, il n’en va pas de même de l’assurance prospection. Celle-ci couvrait jusqu’ici 75 % de leurs charges ; c’est en fait une avance sur le chiffre d’affaires, puisqu’ils la remboursent sur le chiffre d’affaires réalisé. Les aménagements techniques dont l’assiette a fait l’objet font que cette couverture a été abaissée à 50 %, et ce sans consultation des intéressés ; ils n’auront pas d’autre choix que de faire moins de prospection.

J’en viens à la question des délais de paiement, sujet sur lequel je me suis battue lors de la discussion de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. Pourquoi donc la France est-elle toujours plus royaliste que le roi dans la transposition des directives européennes ? La directive sur les délais de paiement fixe ceux-ci à 30 ou 60 jours, sauf stipulations contraires expresses. La France n’a pas retenu cette possibilité de dérogation, et nous en payons les conséquences. Ainsi on demande aux négociants en céréales, qui ont déjà dû verser 30 % aux agriculteurs dès les semis, de payer dans les 60 jours ou dans les 45 jours fin de mois une récolte qui ne leur sera peut-être payée à eux-mêmes que six mois après. Résultat : leur besoin en fonds de roulement augmente démesurément et, ne pouvant y faire face, ils préfèrent acheter en Allemagne, en Belgique ou en Suisse, pays où les délais peuvent aller jusqu’à 120 jours parce qu’eux ont su transposer la directive de façon intelligente.

Enfin, les professionnels ont découvert par hasard qu’ils n’avaient plus le droit de provisionner leurs créances à moyen et à long terme comme ils le faisaient depuis toujours. La mesure, qui figure dans la loi de finances, est applicable à compter du 1er avril 2014, si bien qu’elle va affecter leurs bilans. J’ignore pourquoi elle a été prise.

Ces deux observations ne concernent pas les grands groupes, que j’avais d’ailleurs exclus des amendements que j’ai défendus lors de la discussion de la loi relative à la consommation, dans la mesure où ils disposent de moyens de trésorerie. Mais si nous voulons que les PME et les ETI – qui constituent 99 % de notre tissu industriel – exportent, gardons-nous de multiplier les embûches administratives et fiscales. Réfléchissons aussi aux moyens de mieux prendre en compte les négociateurs commerciaux, qui connaissent bien les pays dans lesquels ils travaillent. Nos entrepreneurs ne demandent pas nécessairement des subventions, mais d’abord et avant tout une information sur ce qu’entend faire le Gouvernement et une clarification des mesures qui sont prises. Ils souhaitent également être consultés lorsque celles-ci sont susceptibles d’affecter leur bilan et leurs finances.

M. Laurent Furst. Le propos de Mme Guittet me semble très pertinent à bien des égards. Je me permets simplement d’observer que les notions de PME, d’ETI et de grands groupes ne sont pas des notions juridiques, mais des classifications économiques. En outre, un emploi est un emploi : qu’il soit créé par un artisan ou par la multinationale allemande installée en France, il contribue à la richesse de notre territoire.

Mme Chantal Guittet. La loi de modernisation de l’économie (LME) définit les différents types d’entreprises dans son article 51.

M. Laurent Furst. Je commencerai, messieurs, par une observation générale que m’inspire la lecture de votre rapport. Si, contrairement à celle de l’Union européenne et de presque tous les pays d’Europe du nord, notre balance commerciale est déficitaire, y compris avec l’ensemble de nos voisins, ce problème, qui nous est propre, est dû à la persistance sur un cycle relativement long d’un taux de marge particulièrement faible – le plus faible d’Europe – de nos entreprises qui, de ce fait, innovent peu et investissent peu, notamment dans les structures export, qui coûtent cher. Disons-le franchement : elles n’en ont pas les moyens. Pour prendre une image, il ne sert à rien de mettre un as au volant s’il y a du sucre dans le réservoir. Ce qu’il faut, c’est faire en sorte que les entreprises restaurent leur taux de marge pour pouvoir être plus audacieuses sur les marchés extérieurs.

La réflexion sur les structures n’en reste pas moins essentielle, et vous l’avez conduite. En tant qu’élu local, je suis familier des questions de développement économique. Il est indéniable que notre pays a un problème d’organisation de ses administrations économiques, souvent absentes dans nos territoires. C’est pourquoi j’ai salué la création des commissaires au redressement productif, qui sont l’embryon de cette administration économique territoriale. Le rôle de l’État n’est pas nécessairement de produire. En revanche, il doit avoir un rôle d’entraînement et de fédération des énergies, dans un esprit « colbertiste ». En Allemagne, les grands groupes entraînent les PME à l’export ; tous travaillent ensemble, en collaboration avec les Länder ou l’État et avec les organismes consulaires. C’est cette démarche véritablement collective qu’il nous faut mettre en place.

Enfin, j’aimerais vous interroger sur un point d’ordre à la fois culturel et très pratique. Selon vous, le marché européen doit-il être appréhendé comme un marché d’exportation, ou les marchés allemand et espagnol, par exemple, ne sont-ils pas déjà pour nous comme le marché domestique, bien loin de ces marchés « grand export » où on se heurte souvent à des barrières juridiques et à des chausse-trapes en tout genre ? Quel est votre avis ?

M. Jean-Christophe Fromantin, rapporteur. Monsieur Brottes, un système de suivi des contacts vient d’être mis en place, avec le concours d’un organisme d’études extérieur, pour s’assurer que les prestations réalisées par Ubifrance sont suivies d’effets. De mémoire, ce dispositif recense le nombre d’entreprises qui font appel à Ubifrance et celui des contacts qui leur sont proposés, ainsi que les dispositifs mis en œuvre pour répondre à leurs demandes. En revanche, il ne donne pas d’éléments sur le chiffre d’affaires généré ni sur l’effet de levier, bref sur l’efficacité opérationnelle du dispositif public.

Quant aux barrières non tarifaires, je puis vous dire d’expérience qu’il est très difficile de les recenser, sachant que ce peut être, par exemple, la contre-étiquette de bouteilles de vin sur laquelle une mention doit obligatoirement apparaître à l’encre bleue et dans une police de caractères précise. Je me souviens aussi d’opérations d’exportation pour lesquelles nous devions fournir un certificat en deux exemplaires ; en fin de compte, il en fallait trois parce que telle ou telle administration en réclamait un supplémentaire. Comme il s’agissait de produits rapidement périssables, il ne restait plus qu’à renvoyer le conteneur. Ces barrières consistent surtout, en fait, en une succession de tracasseries que les pays mettent en œuvre de manière plus ou moins assumée – d’où l’intérêt du multilatéralisme : c’est grâce aux négociations multilatérales que nous parviendrons à neutraliser progressivement ce type d’obstacles qui sont souvent, disons-le, érigés de mauvaise foi.

L’idée d’une sensibilisation des lycéens à l’international par des opérations de jumelage avec des expatriés n’entre pas tout à fait dans le champ de notre rapport, mais elle mérite d’être étudiée. Je répète ce que nous avions écrit dans notre évaluation : pour développer nos échanges, il faut avant tout renforcer l’apprentissage des langues étrangères. En effet, la barrière de la langue reste aujourd’hui l’un des premiers freins à l’exportation.

Madame Rabin, pour évaluer les progrès en matière de commerce extérieur, j’ai pour ma part tendance à privilégier deux indicateurs. Le premier est la valeur ajoutée, qui n’est pas aujourd’hui un indicateur agrégé. Ce n’est d’ailleurs pas moi qui le dis, mais M. Pascal Lamy, ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce, qui expliquait récemment qu’il fallait cesser de calculer notre performance à l’export en termes de solde entre flux entrants et flux sortants. Pour des pays comme le nôtre, qui vivront de plus en plus sur leur capacité à générer de la valeur ajoutée, agréger des flux à valeur ajoutée très faible – hydrocarbures, blé – avec des flux de produits à forte valeur ajoutée ne permet pas de donner une vision claire de notre performance à l’exportation. Nous avions d’ailleurs intégré cet élément dans notre rapport initial : l’idée est d’apprendre à évaluer cette performance par le déficit ou l’excédent de valeur ajoutée plus que par le déficit ou l’excédent des flux bruts.

Le second indicateur intéressant est constitué par les parts de marché. Les perspectives de croissance pour la France sont estimées en fonction de notre capacité à bénéficier de la croissance des pays les plus consommateurs et des pays émergents. Dans cette optique, il est clair que les parts de marché sont un élément d’appréciation essentiel. Si nos parts de marché en Chine régressent, nous ne profiterons pas de la croissance chinoise, quand bien même l’évolution des flux serait en notre faveur. Il en va de même pour la zone euro : si la croissance s’y accélère et que nous y perdons des parts de marché, c’est toute notre performance à l’export qui en sera amoindrie.

Nous sommes tout à fait d’accord sur la nécessité de la simplification, mais la Coface a décidé de simplifier le dispositif de l’assurance prospection à l’entrée, ce qui a eu pour effet de l’ouvrir largement, et de contrôler davantage à la sortie. Il aurait été préférable – et c’est le sens de notre préconisation – de faire l’inverse. De fait, ce choix a créé un effet d’aubaine, ou en tout cas permis de gonfler inconsidérément les entrées dans le dispositif : on a encouragé les entreprises à déposer des dossiers et à partir à l’export, quitte à constater des difficultés a posteriori, quand il était trop tard. Mieux vaudrait être plus pédagogues, affiner le contrôle à l’entrée et faire davantage confiance aux entreprises pour la suite. L’idée est donc de déplacer l’effort de simplification vers la sortie du dispositif.

L’effet de levier de l’assurance prospection se dégrade. Bien entendu, il faut mieux intégrer l’ensemble des acteurs de la négociation commerciale internationale, madame Guittet : ce sont eux qui font in fine le chiffre d’affaires. S’agissant de l’assurance prospection, ils préconisent une meilleure prise en compte des dépenses de prospection et un meilleur contrôle a priori plutôt qu’a posteriori.

Nous sommes tout à fait d’accord avec vous sur la nécessité de restaurer les marges de nos entreprises, monsieur Furst. Le premier avantage à l’export ne réside pas tant dans les aides publiques que dans le fait de disposer de marges qui permettent d’investir, d’innover et de se démarquer des concurrents.

L’Europe est-elle un marché grand export ou un marché domestique ? Cela dépend des produits. Il est bien plus difficile de négocier une vente de biscuits avec une centrale d’achat allemande qu’une vente de semi-conducteurs à l’arséniure de gallium au Vietnam, où notre avantage comparatif est très fort et où la norme ne joue pas comme une contrainte pour notre industrie. L’un des cas les plus compliqués sur lesquels j’aie eu à travailler concernait d’ailleurs les normes imposées par l’institut allemand de normalisation, le Deutsches Institut für Normung (DIN), pour les importations des produits de décolletage en provenance de la vallée de l’Arve : exporter en se pliant à ces exigences était bien plus malaisé que de vendre du champagne millésimé en Inde ou en Chine !

Il est vrai que, si, du point de vue des normes ou de la couverture des changes, les exportations en Europe ne sont plus de l’export, elles sont encore considérées comme telles du point de vue comptable et logistique – de même que sont comptabilisés comme exports nos envois de produits par conteneurs dans nos départements et territoires d’outre-mer. Bref, l’ensemble de ce qui est comptabilisé en export va dépendre à la fois des contraintes opérationnelles propres à certains produits et de tout un champ normatif, comptable, réglementaire et logistique.

M. Patrice Prat, rapporteur. Je partage l’avis de François Brottes : s’il est bien sûr nécessaire de veiller à la cohérence de notre architecture institutionnelle et administrative, il faut aussi compter avec la personnalité de ceux qui travaillent au développement de nos marchés à l’international. Nous avions d’ailleurs constaté dans notre premier rapport – suite aux auditions auxquelles nous avions procédé et à nos visites sur le terrain – que le taux de pénétration sur ces marchés dépendait grandement de la fluidité dans les relations entre les différents acteurs. Le facteur humain est donc un facteur clé de notre réussite à l’international.

Nous avons aujourd’hui, en effet, une nouvelle génération d’ambassadeurs plus consciente des impératifs économiques. Nous avons eu l’occasion de le constater, encore qu’une évaluation pourrait réserver des surprises et il serait donc souhaitable de conforter cette évolution des esprits : chacun de nos ambassadeurs doit s’approprier réellement cette culture du commerce extérieur.

Il y a des évaluations de l’efficience des services d’Ubifrance et de ses personnels. Ceux-ci sont toutefois confrontés à quelques difficultés pour estimer précisément le courant d’affaires généré, dans la mesure où ils n’ont pas systématiquement de retour des entreprises. C’est l’une des faiblesses de la grille d’évaluation.

S’agissant des barrières non tarifaires, l’Union européenne a mis en place un certain nombre d’outils, comme la Market Access Database (MADB) de la Commission européenne, qui fournit aux entreprises intéressées par l’exportation une information sur les freins administratifs auxquels elles peuvent se heurter selon la destination de leurs produits. Le service des douanes a son propre outil – il renvoie d’ailleurs à celui de l’Union européenne – qui recense également les difficultés et les freins par pays, à partir des alertes qui ont pu lui être adressées. Mais, comme l’a rappelé Jean-Christophe Fromantin, ces barrières non tarifaires consistent souvent en tracasseries, d’où la difficulté d’en dresser un inventaire précis et de systématiser les réponses à y opposer.

J’aimerais conforter le point de vue de Monique Rabin, qui nous invite à être attentifs aux améliorations qui ont été enregistrées, au premier rang desquelles la réduction de notre déficit commercial, mais les études dont nous disposons montrent que cette amélioration doit beaucoup à la baisse de nos importations liée à la crise et à la contraction de la demande.

En sens inverse, je nuancerai le propos de Laurent Furst : paradoxalement, alors que nos parts de marché se réduisent dans la zone euro, nous avons enregistré une amélioration au premier trimestre 2014. Il faudra en tirer les enseignements.

L’Union européenne est-elle devenue pour nous un marché domestique ? Ce sera sans doute le cas à terme, mais n’est-ce pas la conséquence logique de la construction d’un marché unique et d’un processus d’intégration comme celui qui est à l’œuvre sur le continent ?

J’ai insisté tout à l’heure sur l’effet de levier, notamment à propos des prêts bonifiés de Bpifrance en faveur des investissements dans le numérique. En ce qui concerne l’assurance prospection, force est cependant de reconnaître que cet effet de levier se réduit d’année en année : l’indicateur de ses effets de court terme a été quasiment divisé par deux entre 2008 et 2012. Nous ne ferons donc pas l’économie d’une réflexion sur les raisons de cet affaiblissement, qui va à l’encontre de ce que nous attendions.

M. Régis Juanico, président. Merci pour la qualité des travaux que vous avez menés – et que vous allez poursuivre. Pour ma part, je retiens l’idée suggérée par Monique Robin de vous entendre dans le cadre de la commission d’enquête sur l’exil des forces vives de France.

Le Comité autorise la publication du présent rapport.

ANNEXE N° 1 :
PROPOSITIONS PRÉSENTÉES PAR LES RAPPORTEURS
DANS LEUR RAPPORT D’INFORMATION DU 4 JUILLET 2013

I.– RÉPONDRE À LA NOUVELLE DONNE DU COMMERCE INTERNATIONAL

1.– Adapter nos outils à la mondialisation

– Proposition n° 1 : Compléter les statistiques douanières relatives au commerce extérieur par un outil statistique reflétant la réalité de la mondialisation :

– adopter un mode d’établissement de la balance commerciale française plus large, incluant les services ;

– instituer d’autres indicateurs appuyés sur les travaux de l’OCDE relatifs à la valeur ajoutée ou l’intensité en emploi ;

– tirer les conséquences de la mise en œuvre du marché unique européen et de l’intégration européenne, en distinguant, au sein de la balance des paiements, un solde zone euro d’un solde hors zone euro.

– Proposition n° 2 : Susciter l’envie d’exporter et donner l’image d’un pays industriel dynamique :

– lancer une grande campagne nationale en faveur d’une mobilisation collective pour l’export, en montrant les atouts de « l’équipe de France de l’export » et de la marque France ;

– améliorer la représentation française dans les grands salons internationaux, notamment la foire de Hanovre, en veillant à ce que le pavillon français soit attractif et dynamique ;

– développer une politique de grands évènements internationaux dans les domaines de la culture, du sport, des salons et des congrès internationaux ;

– organiser des salons internationaux en France, en particulier sur le secteur industriel et les filières d’excellence françaises.

– Proposition n° 3 : S’inscrire dans un projet européen renouvelé, facteur de puissance et d’économies :

– développer une plate-forme européenne interactive sur les obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce, alimentée par les États-membres ;

– encourager la mutualisation des capacités d’accueil, d’hébergement et d’information des entreprises hors UE ;

– favoriser les partenariats régionaux transfrontaliers au sein de l’UE et plus généralement, promouvoir une solidarité européenne pour « chasser en meute ».

– Proposition n° 4 : Accélérer la transition numérique :

– lancer une campagne d’information et de formation sur le e-commerce, ainsi que sur les outils de marketing en ligne ;

– proposer des prêts bonifiés de la Banque publique d’investissement en faveur de l’accompagnement des entreprises vers le numérique (pour la présentation d’une offre commerciale en ligne et l’amélioration de la productivité).

2.– Mieux évaluer l’efficacité des dispositifs publics de soutien aux exportations

– Proposition n° 5 : Renforcer l’information du Parlement sur les garanties :

– publier les flux correspondant aux paramètres de gestion (primes, récupérations, indemnités et coûts de gestion Coface) de chacune des garanties gérées par Coface dans le rapport annuel de performance du programme « Appels en garantie de l’État » ;

– prévoir la transmission du rapport sur les opérations effectuées pour le compte de l’État par Coface et Natixis lors de l’année N-1 avant le dépôt du projet de loi de finances de l’année N+1.

– Proposition n° 6 : Mesurer l’effet de levier généré dans la durée par les prestations d’Ubifrance sur les exportations à partir des données relatives aux courants d’affaires.

3.– Améliorer le portage des entreprises

– Proposition n° 7 : Développer le portage des PME et des ETI dans le cadre des filières ou des pôles de compétitivité, en accordant une garantie Coface bonifiée (assurance-crédit, risque exportateur) aux grands groupes présentant un plan de portage.

II.– RENFORCER L’ENGAGEMENT DE L’ÉTAT RÉGALIEN

1.– Mieux coordonner l’intervention de l’État

– Proposition n° 8 : Définir une stratégie interministérielle de développement des entreprises à l’international :

– pérenniser au niveau interministériel la stratégie nationale secteurs-pays et l’actualiser tous les cinq ans ;

– décliner cette stratégie nationale en projets opérationnels pour les missions diplomatiques et pour les ambassadeurs ;

– organiser dans les postes, sous la présidence de l’ambassadeur, une conférence de coordination régulière des acteurs locaux afin d’évaluer la mise en œuvre de la stratégie export.

2.– Lutter contre les obstacles tarifaires et non tarifaires

– Proposition n° 9 : Renforcer l’accessibilité des services régaliens :

– rassembler les services en ligne aux entreprises sur un seul et même site, ergonomique et facile à utiliser, permettant de signaler et de faire instruire les problèmes d’accès aux marchés étrangers ;

– prévoir une déclinaison régionale de ces bases de données pour permettre l’accès à une information détaillée sur des secteurs spécifiques et importants localement ;

– encourager la mise en place de dispositifs de veille stratégique assortis d’alertes pour les entreprises exportatrices ;

– donner à la direction générale des douanes l’objectif de sensibiliser les chefs d’entreprises aux enjeux du dédouanement, du fret et de la logistique.

3.– Défendre la propriété intellectuelle

– Proposition n° 10 : Prévoir un programme ambitieux d’accompagnement personnalisé des PME à l’international dans le contrat d’objectifs et de performance 2013-2016 de l’Institut national de la propriété intellectuelle.

4.– Optimiser la politique d’aide publique au développement

– Proposition n° 11 : Renforcer l’aide liée :

–  défendre au sein de l’OCDE le principe d’une aide liée pour les pays en développement les plus riches ;

– augmenter la proportion de l’aide liée française pour la porter à la moyenne de l’OCDE.

– Proposition n° 12 : Améliorer l’effet de levier de l’aide projet déliée au bénéfice des entreprises françaises :

– augmenter le taux de concrétisation des projets dont les études préalables sont financées par le Fasep ;

– diffuser l’information sur les projets financés par l’aide publique au développement auprès des entreprises françaises ;

– quantifier les obligations sociales et environnementales des entreprises soumissionnaires dans les cahiers des charges.

III.– LA DÉTECTION DU « POTENTIEL EXPORT » :
PASSER DU QUANTITATIF AU QUALITATIF

1.– Clarifier les compétences des différents acteurs

– Proposition n° 13 : Confirmer le principe et les modalités d’une co-gouvernance par l’État et les régions de la politique en faveur des exportations en conférant aux régions les compétences relatives à l’internationalisation des entreprises et à la mise en place de démarches collectives :

– préciser ces compétences dans le prochain projet de loi relatif à la décentralisation ;

– encourager les modes d’organisation régionale qui privilégient la coopération avec les autres acteurs plutôt que la création de structures et de bureaux à l’étranger ;

– initier une démarche partenariale entre l’État et les régions pour développer le portage, dans le cadre d’une politique de filière ;

– valoriser et encourager les dispositifs régionaux de soutien aux démarches de prospection en filière ;

– rendre publique une évaluation régulière des stratégies, dispositifs et partenariats mis en œuvre au niveau régional.

2.– Mieux cibler les aides à la prospection

Proposition n° 14 : Engager un plan de mesures techniques confortant le caractère assurantiel de l’assurance prospection et réduisant son déficit technique récurrent :

– augmenter le taux des primes ;

– allonger la période d’amortissement des dépenses ;

– relever le taux d’amortissement des dépenses.

– Proposition n° 15 : Supprimer le crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale.

IV.– L’ACCOMPAGNEMENT DES ENTREPRISES À L’ÉTRANGER : ASSURER UN PILOTAGE STRATÉGIQUE

1.– Clarifier la doctrine d’intervention de l’État à l’international

– Proposition n° 16 : Adapter les missions d’Ubifrance en fonction des profils des entreprises :

– maître d’œuvre des régions pour la fourniture de prestations de prospection aux TPE et PME ;

– co-opérateur du développement des TPE et PME à fort potentiel avec BPI France Export ;

– conseiller attentif aux besoins des ETI, chargé de les orienter, le cas échéant, vers d’autres expertises.

2.– Coordonner et professionnaliser les acteurs de « l’équipe de France » à l’export

– Proposition n° 17 : Fédérer au sein du programme France Export les aides à l’exportation déployées par les organismes sectoriels, les fédérations professionnelles ou interprofessionnelles et les comités professionnels de développement économique.

– Proposition n° 18 : Encadrer et responsabiliser le réseau des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF) :

– élaborer des critères de nomination des CCEF ;

– rendre publics les comptes rendus d’activité des CCEF ;

– associer les CCEF à la définition des couples secteurs – pays et publier leurs avis.

– Proposition n° 19 : Octroyer de nouvelles délégations de service public à des prestataires exclusifs sur la base d’un cahier des charges précis, dont le respect devra être régulièrement évalué, y compris dans des pays où Ubifrance est aujourd’hui présent.

– Proposition n° 20 : Développer l’activité privée de soutien à l’export :

– poursuivre le recensement de l’offre de services à l’export des acteurs privés ;

– publier une liste des services offerts et des besoins non couverts pour chaque pays sur le site d’Ubifrance ;

– encourager Ubifrance dans sa démarche d’ensemblier de ces services.

3.– Développer l’hébergement et l’accompagnement des entreprises qui souhaitent s’implanter à l’international

– Proposition n° 21 : Favoriser l’emploi partagé des volontaires internationaux en entreprise par les PME et demander à Ubifrance d’organiser la formation préalable et continue des VIE.

– Proposition n° 22 : Relancer la négociation avec certains pays afin de supprimer les obstacles au développement du volontariat international en entreprise.

– Proposition n° 23 : Créer une « maison France » unique à l’étranger, offrant des espaces d’exposition ou de réunion, une sélection de conseils agréés et un hébergement pour les volontaires internationaux en entreprise, ainsi qu’une solution d’implantation et d’incubation pour les PME.

V.– LE FINANCEMENT DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL : RATIONALISER ET SIMPLIFIER L’OFFRE

1.– Regrouper les compétences et les produits sous la marque Bpifrance Export

– Proposition n° 24 : Transférer l’intégralité des garanties publiques portant sur les cautions et les préfinancements à Coface.

– Proposition n° 25 : Créer un outil de gestion de la relation client (GRC) permettant à Coface et Oséo d’échanger des informations (offres de produits, matrice standardisée des informations demandées aux entreprises pour l’éligibilité aux différents dispositifs, historique des dossiers traités).

– Proposition n° 26 : Intégrer les activités de la direction des garanties publiques de Coface à la Banque publique d’investissement.

2.– Simplifier les procédures

– Proposition n° 27 : Créer un label d’exportateur agréé valant présomption de conformité aux exigences assurantielles publiques.

– Proposition n° 28 : Redéfinir les règles de délégation de l’État à Coface pour l’instruction et l’octroi de garanties publiques en faveur des PME afin de les dispenser systématiquement d’un examen en Commission des garanties et du commerce extérieur.

– Proposition n° 29 : Moduler au cas par cas les exigences de la part française en fonction des objectifs de rétablissement de l’équilibre de notre commerce extérieur et de l’impact sur l’emploi.

3.– Mieux répondre aux besoins de financement des entreprises exportatrices

– Proposition n° 30 : Créer une garantie en faveur des financeurs de programmes d’affacturage inversé à destination des exportateurs et de leurs fournisseurs.

– Proposition n° 31 : Simplifier la documentation relative aux garanties portant sur les crédits export de petit montant (15 millions d’euros) et privilégier les crédits fournisseurs.

– Proposition n° 32 : Officialiser la mission de refinancement des crédits export de la Caisse des dépôts en cas de carence du marché.

ANNEXE N° 2 :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

– M. Jacques Maire, directeur des entreprises et de l’économie internationale, direction des entreprises et de l’économie internationale (ministère des Affaires étrangères et du Développement international) (14 mai 2014) ;

– M. Christophe Viprey, directeur des garanties publiques de la Coface (14 mai 2014) ;

– M. Alain Renck, directeur de Bpifrance Export, accompagné par M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles et médias, Banque publique d’investissement (Bpifrance) (14 mai 2014) ;

– M. Jean-Paul Bacquet, député du Puy-de-Dôme, président d’Ubifrance, accompagné par M. Henri Baissas, directeur général adjoint (14 mai 2014) ;

– M. Raphaël Bello, chef du service des affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises, direction générale du Trésor (ministère de l’Économie, du redressement productif et du numérique) (14 mai 2014) ;

–  M. Jean-Michel Thillier, sous-directeur du commerce international à la direction générale des douanes et des droits indirects, accompagné par M. Jean-François Loué, directeur de projet, chef du département des statistiques et des études économiques et par Mme Laurence Jaclard, chargée de mission relations institutionnelles (4 juin 2014).

1 () Présentées par Nicole Bricq  le 3 décembre 2012, les quatre familles d’activités prioritaires pour l’export correspondent chacune à de nouveaux besoins qui émergent aujourd'hui autour du « mieux vivre » : « mieux se nourrir », « mieux se soigner », « mieux vivre en ville » et « mieux communiquer ».

2 () Bilan de la mobilisation du réseau en 2013 pour les rencontres Quai d’Orsay Entreprises 2014, Quand la diplomatie facilite l’économie, 8 avril 2014. Consulté le 26 mai 2014 à l’adresse suivante : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/bilan_cle028f93.pdf

Cette étude concerne les pays pour lesquels le volume d’exportations de la France est supérieur à 50 millions d’euros et pour lesquels le risque pays est modéré, soit 125 pays. Les indicateurs ont été renseignés sur une base déclarative et rendent compte d’estimations établies à l’échelle des postes.

3 () Accord de libre-échange nord-américain (États-Unis, Canada, Mexique).

4 () Bilan de la mobilisation du réseau en 2013 pour les rencontres Quai d’Orsay Entreprises 2014, Quand la diplomatie facilite l’économie, 8 avril 2014. Consulté le 26 mai 2014 à l’adresse suivante : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/bilan_cle028f93.pdf

5 () Cette étude concerne les pays pour lesquels le volume d’exportations de la France est supérieur à 50 millions d’euros et pour lesquels le risque pays est modéré, soit 125 pays. Les indicateurs ont été renseignés sur une base déclarative et rendent compte d’estimations établies à l’échelle des postes.

6 () Rapport d’information n° 1591 déposé par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation du réseau culturel de la France à l’étranger et présenté par M. François Loncle et Mme Claudine Schmid, députés.

7 () Brochure du ministère des affaires étrangères, Le Quai d’Orsay au service des entreprises, janvier 2014. Consulté le 26 mai 2014 à l’adresse suivante : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/photos-videos-publications/publications/brochures-institutionnelles/article/le-quai-d-orsay-au-service-des-106247

8 () Bilan de la mobilisation du réseau en 2013 pour les rencontres Quai d’Orsay Entreprises 2014, Quand la diplomatie facilite l’économie, 8 avril 2014. Consulté le 26 mai 2014 à l’adresse suivante : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/bilan_cle028f93.pdf

9 () L'agroalimentaire français face au défi de l'export : pour une réforme ambitieuse du dispositif public de soutien, rapport d’information n° 736 de MM. Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin et André Ferrand fait au nom de la commission des Finances et publié le 10 juillet 2013.

10 () Les chiffres d’affaires déclarés ont été divisés par 2 entre 2000 et 2011 (de 1,6 milliard d’euros à 800 millions d’euros) alors que les engagements ont progressé de près de 50 % (de 111 millions d’euros à 165 millions d’euros).

11 () Rapport n° 1428 fait au nom de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2014, sur les engagements financiers de l’État par M. Dominique Lefebvre, rapporteur spécial, le 10 octobre 2013.


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