N° 2839 - Rapport d'information de MM. Gaby Charroux et Éric Woerth déposé en application de l'article 146-3 du règlement, par le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation de l'action de la douane dans la lutte contre les fraudes et trafics




N° 2839

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 juin 2015.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146-3, alinéa 6, du Règlement

PAR LE COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET PRÉSENTÉ PAR

MM. Gaby CHARROUX et Éric WOERTH

Députés

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. UN CONTEXTE PEU FAVORABLE À L’ACUITÉ DU CONTRÔLE DOUANIER 9

A. LA MAJORITÉ DES FLUX DE MARCHANDISES ÉCHAPPE À LA DOUANE FRANÇAISE 9

B. LA CONCURRENCE ACCROÎT LES IMPÉRATIFS DE LA FLUIDITÉ CROISSANTE DU TRAFIC 10

C. L’ACTION DE LA DOUANE DANS L’ENVIRONNEMENT EUROPÉEN 11

1. La convergence des missions des douanes européennes 12

2. La politique du contrôle douanier en Europe 12

D. LES OUTILS JURIDIQUES DU CONTRÔLE SONT INSUFFISANTS 13

1. Les outils de lutte contre la fraude doivent être renforcés par une intégration européenne plus poussée 13

2. La lutte contre la contrefaçon : contrer les effets négatifs de l’arrêt Nokia Philips 14

E. L’AUGMENTATION DU COMMERCE PAR INTERNET : L’ADAPTATION DE LA DOUANE EST ENCORE TROP LENTE 17

1. La surveillance des sites internet : conférer un caractère prioritaire aux moyens de Cyberdouane 17

2. Le contrôle de la livraison des produits : le traitement différencié des catégories d’opérateurs s’impose 18

F. LES SPÉCIFICITÉS DU RÉGIME DOUANIER DE TVA À L’IMPORTATION 20

II. L’ORGANISATION DE LA DOUANE DOIT ACCÉLÉRER SON ÉVOLUTION 23

A. S’INTERROGER SUR LA POURSUITE DE LA BAISSE DES EFFECTIFS AU REGARD DE LA DIVERSIFICATION DES MISSIONS 23

1. Les différents « métiers » de la douane : le développement d’une mission d’accompagnement et de conseil aux opérateurs 23

a. Les effectifs de surveillance concurrencés par les effectifs dédiés aux opérations commerciales 23

b. Le service « grands comptes » et les services dédiés aux opérateurs économiques agréés : une nouvelle mission qui devra être évaluée 24

c. Le renforcement des cellules conseil aux entreprises pour accompagner les PME et les ETI 26

2. La question de l’évolution des effectifs 26

B. MIEUX MESURER LES PERFORMANCES 28

1. Des priorités à actualiser et à hiérarchiser 28

2. Les insuffisances des outils de mesure des moyens engagés 30

3. Des résultats variables selon les trafics et les fraudes 30

C. L’ADAPTATION DU RÉSEAU TERRITORIAL EST INÉVITABLE 36

1. Poursuivre la réorganisation du réseau en maintenant la couverture de surveillance du territoire 37

2. Un dispositif aéro-maritime très consommateur de moyens 38

D. ACCÉLÉRER LA MODERNISATION DES MÉTHODES DE TRAVAIL DANS LE RESPECT DU DIALOGUE SOCIAL 39

1. La montée en puissance du ciblage nécessite des moyens humains et matériels adaptés 39

a. La création du Service d'analyse de risque et de ciblage (SARC) prévue en 2016 40

b. Le projet API-PNR France 40

2. Quelle évolution en ce qui concerne le pilotage et l’organisation de la surveillance et des contrôles ? 41

a. L’expérimentation de nouvelles organisations de surveillance et de contrôle 41

b. Vers un pilotage centralisé accru ? 42

c. Améliorer la chaîne des contrôles 43

3. Accompagner l’évolution des fonctions et des métiers en donnant la priorité aux recrutements et à la formation 43

4. Un dialogue social à reconstruire avec une réciprocité des efforts 44

5. La remise à niveau de la logistique et des équipements : une priorité de premier rang 45

6. L’amélioration des systèmes d’information : la condition de toute démarche de progrès 46

E. RENFORCER LA COLLABORATION ENTRE LES ADMINISTRATIONS 49

1. Le rapprochement récent avec la direction générale des finances publiques (DGFIP) 49

2. L’étroite coopération avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) 51

CONCLUSION 54

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES 55

EXAMEN PAR LE COMITÉ 71

ANNEXE : PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS 81

CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES À L’ÉVALUATION DE L’ACTION DE LA DOUANE DANS LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES ET TRAFICS 83

INTRODUCTION

Lors de sa réunion en date du 31 octobre 2013, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a décidé d’inscrire à son programme de travail une évaluation de l’action des douanes dans la lutte contre les fraudes et les trafics sur proposition du groupe « Gauche démocrate et républicaine ».

Le 5 décembre 2013, le CEC a désigné les deux rapporteurs de cette évaluation : M. Gaby Charroux, membre du groupe « Gauche démocrate et républicaine », et M. Éric Woerth, membre du groupe « Les Républicains ».

Sur le fondement de l’article L. 132-5 du code des juridictions financières, le président de l’Assemblée nationale a, sur proposition du CEC, demandé l’assistance de la Cour des comptes afin de réaliser cette évaluation. Par lettre du 3 février 2014, le Premier président de la Cour des comptes a confirmé son accord pour procéder à cette évaluation qui a été confiée à la première chambre de la Cour.

Les rapporteurs du CEC ont rencontré régulièrement les rapporteurs de la Cour des comptes afin d’être tenus informés de leurs travaux et de faire part de leurs observations. Ils ont participé ensemble à deux déplacements, le premier à la direction inter-régionale de la douane de Marseille en date du 16 juin 2014 et le second à la direction inter-régionale de Roissy en date du 30 juin 2014.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, a présenté au CEC le rapport de la juridiction financière, le 19 février 2015. Le compte rendu de cette présentation ainsi que le rapport de la Cour sont joints au présent rapport.

En application de l’article 146-3 du Règlement de l’Assemblée nationale, a été constitué un groupe de travail désigné par les commissions compétentes (1) et composé de Mme Sylviane Alaux, de MM. Jean-Claude Buisine et Christophe Caresche, de Mmes Nathalie Chabanne et Marie-Christine Dalloz, de M. Yann Galut et de Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Les rapporteurs ont tenu onze auditions au cours des mois de mars et avril 2015 qui se sont conclues par une réunion avec le secrétaire d’État au budget, M. Christian Eckert, le 15 avril 2015.

L’approche des rapporteurs n’a pas été de refaire l’évaluation élaborée par la Cour des comptes à leur demande, mais plutôt d’en approfondir les tenants et aboutissants et de mieux mesurer l’impact de certaines de ses propositions, en les confrontant à l’analyse des principales parties prenantes (la direction générale de la douane et les organisations syndicales représentatives), ainsi qu’un certain nombre de leurs partenaires dans la lutte contre les fraudes et les trafics.

Au cours de ces auditions, les rapporteurs ont gardé en mémoire que la douane assume d’autres missions que la lutte contre les trafics, et notamment le recouvrement de certaines recettes fiscales, ainsi que le conseil aux entreprises dans leurs démarches administratives, notamment préalables à l’exportation.

Ils ont eu aussi le souci de mesurer l’impact des importantes réductions d’effectifs opérées dans cette administration depuis une dizaine d’années, réalité qui leur a été régulièrement rappelée tout au long de leurs auditions.

I. UN CONTEXTE PEU FAVORABLE À L’ACUITÉ DU CONTRÔLE DOUANIER

En application des règles du marché commun, le territoire de l’Union constitue un territoire douanier unique et ce sont les douanes de ses points d’entrée qui procèdent au contrôle des marchandises et qui perçoivent les droits de douane en bénéficiant d’une rétrocession de 25 % sur les droits perçus.

Ainsi que le rapport de la Cour des comptes le rappelle, le trafic entrant sur le territoire de l’Union représente 16 % de l’ensemble des importations mondiales et plus de deux milliards de tonnes de marchandises par an.

Les transports de marchandises sont assurés pour 90 % d’entre eux par la voie maritime. Pour le fret maritime destiné à la France, les principaux points d’entrée sont situés à l’étranger, à Anvers et à Rotterdam ; notre pays est donc contraint de se remettre à la vigilance de ces deux partenaires européens.

Le contexte décrit par la Cour est celui d’une capacité réduite de contrôle de la douane française, du fait de la faible compétitivité des ports français qui a pour conséquence un trafic dévié vers d’autres ports européens, des divergences de pratiques des douanes européennes, un retard d’adaptation du droit communautaire, une jurisprudence restrictive de la CJCE, et enfin, un régime de transit douanier communautaire rendant les fraudes difficiles à détecter par les services vérificateurs.

A. LA MAJORITÉ DES FLUX DE MARCHANDISES ÉCHAPPE À LA DOUANE FRANÇAISE

Un million de conteneurs entrent chaque semaine sur le territoire européen, et le nombre de conteneurs entrés en 2011 dans les ports français s’est élevé à plus de 5 millions. Selon l’organisation Prosafe (2), statistiquement, seul un produit sur 10 000 est vérifié par les douanes avant d’entrer sur le territoire européen.

Lorsque les marchandises sont débarquées dans un port français mais qui n’est pas leur premier port d’entrée sur le territoire européen, la douane française n’a que des moyens limités : malgré le récent système de protection communautaire ICS et les nouvelles possibilités de ciblage (qui seront évoqués plus loin), seuls les États membres qui accueillent un navire lors de sa première escale dans l’Union reçoivent les données des marchandises. Hormis le cas de risque identifié et avéré, ces données ne sont pas retransmises par le premier État membre aux États membres accueillant le navire à l’occasion des escales suivantes.

Les ports français ne sont que marginalement premier port d’entrée dans l’Union. La douane française ne peut donc effectuer aucun ciblage automatisé pour les marchandises déchargées sur nos quais dans les cas, fréquents, où le navire a déjà touché un autre port de l’Union européenne. Ce défaut devrait être corrigé par la mise en œuvre des déclarations sommaires de dépôt temporaire anticipées.

B. LA CONCURRENCE ACCROÎT LES IMPÉRATIFS DE LA FLUIDITÉ CROISSANTE DU TRAFIC

La France se trouve en concurrence avec les autres pays de la façade maritime européenne, la Belgique et les Pays-Bas. Le port de Rotterdam, le premier d’Europe, est toujours en concurrence avec les autres ports de la « Rangée Nord-Europe » (Le Havre, Anvers, Bremerhaven, Hambourg).

Les Pays-Bas jouent un rôle particulier car ils ont développé autour du port de Rotterdam, bien avant l'ouverture des frontières de 1993, une offre logistique à l'échelle européenne, planifiant les investissements nécessaires dans un secteur considéré comme une priorité nationale. La douane y a toujours été perçue comme faisant partie intégrante de l'offre logistique néerlandaise. La démarche de modernisation est menée conjointement par la douane et les exploitants des plateformes portuaires et aéroportuaires, pour promouvoir l'offre néerlandaise auprès des entreprises et des logisticiens.

C’est ainsi que le port de Rotterdam a fait l’objet de grands-travaux d’intérêt national avec le « polder modèle », un ensemble d’investissements stratégiques qualifiés de priorité nationale et conduits d’une manière consensuelle entre l’État et les partenaires sociaux. L'extension du port de Rotterdam, gagnée sur la mer (les Maasvlakte I et II), a nécessité des investissements pendant plusieurs décennies qui n'auraient pas été possibles sans un consensus de tous les acteurs concernés.

L'objectif est d’accueillir les nouveaux navires porte-conteneurs de très grande capacité grâce à des moyens de manutention presque totalement automatisés permettant de réduire le temps d'escale, même pour les navires de très grande capacité.

Les investissements néerlandais ont bénéficié d’une recherche permanente du consensus entre les partenaires sociaux et l'État ; les orientations stratégiques de la douane ont fait l'objet de discussions avec les organisations syndicales représentées au sein du conseil d’administration et n'ont pas rencontré d'opposition de leur part.

Notre pays accuse un certain retard d’organisation, d’échelle et d’équipement en comparaison, comme d’autres douanes européennes. Pourtant, ainsi que l’a souligné M. Nicolas le Gall, attaché douanier de la DGDDI pour les pays du Benelux, entendu par les rapporteurs, le terme « retard », est impropre si l’on considère que le dernier classement de la Banque mondiale « Doing Business » (volet commerce transfrontalier) classe la France devant les Pays-Bas, l’Allemagne ou la Belgique.

Notre pays est notamment en tête pour des projets innovants tels le projet national PNR, destiné à améliorer les ciblages et les contrôles douaniers aéroportuaires ou la téléprocédure « Pablo » pour la dématérialisation des bordereaux de détaxe de TVA.

Dans ce contexte concurrentiel européen, la rapidité du dédouanement est un élément essentiel de la compétitivité des douanes européennes. Elle a longtemps fait l’objet d’un indicateur de performance dans le programme annuel de performances de la douane. L’indicateur Délai moyen d’immobilisation des marchandises dédouanées dans la journée affiche des valeurs cibles de plus en plus brèves : la cible était fixée à 5 minutes pour 2013, et est descendue à 4 minutes 45 pour 2014. Cet indicateur a été supprimé dans le projet annuel de performances pour 2015, l’administration estimant qu’il ne s’avérait plus significatif pour mesurer l’efficacité du soutien apporté par la douane aux entreprises souhaitant se développer à l’international.

Par ailleurs, les pratiques de mise sous contrôle des marchandises, comme la « mise sous contrôle préventive par les agents », ont été limitées : la mise sous contrôle de la déclaration en douane lors de l’arrivée de la marchandise oblige dorénavant les agents à réaliser effectivement le contrôle, ce qui n’était pas toujours le cas auparavant. La fluidité du dédouanement en est donc accrue.

C. L’ACTION DE LA DOUANE DANS L’ENVIRONNEMENT EUROPÉEN

L'Union douanière est l'une des réalisations les plus anciennes et les plus achevées de l'Union, initiée en 1968 avec le Tarif douanier commun. Le nouveau code des douanes de l'Union (CDU), adopté en 2013, entrera pleinement en vigueur en 2016 : ce cadre juridique établit les règles communes à toutes les administrations douanières, mais il définit aussi une vision partagée du rôle et des missions de la douane.

Le code des douanes de l’Union fixe l’objectif de la dématérialisation totale des procédures douanières, de la fluidification accrue d’un dédouanement conçu à l’échelle européenne (dédouanement centralisé) et fait du statut d'Opérateur économique agréé (OEA) le pivot des facilités douanières accordées aux entreprises. La douane française évolue donc dans un cadre d'action presque totalement communautarisé.

En outre, depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, la douane est chargée d’une mission de sûreté et de sécurité portant sur les échanges internationaux de marchandises, afin de prévenir la menace terroriste.

1. La convergence des missions des douanes européennes

L’Union européenne, sous l’impulsion des États-Unis et en lien avec les normes de sécurité préconisées par l’Organisation mondiale des douanes après le 11 septembre, a instauré à ses frontières un niveau de protection qui devrait théoriquement être équivalent pour toutes les marchandises en provenance de pays tiers.

La réglementation communautaire prévoit la transmission obligatoire d’une déclaration sommaire d’entrée de la cargaison, contenant des données sûreté-sécurité (nom de l’expéditeur, nom du destinataire, type de marchandise, circuit de la marchandise, notamment). Cette transmission à l’ensemble des États membres concernés permet d’effectuer une analyse automatique des déclarations (ciblage) avant l’arrivée des marchandises sur le territoire de l’Union européenne, analyse réalisée par l’Import control system (ICS). Le système ICS est entré en vigueur le 1er juin 2011 (3). Dans ce système, l'analyse de risque et la décision de contrôle sont prises par l'administration des douanes du premier port ou aéroport touché. Le contrôle peut y être réalisé ou différé dans le port/aéroport de destination. Ce système crée une solidarité de fait entre les douanes européennes.

Depuis 2009, la traçabilité des flux pour l’exportation a été instituée avec l’Export control system (ECS). Les rapporteurs ont assisté à une démonstration du système électronique de gestion de ces déclarations (ICS) lors de leur déplacement à Marseille.

2. La politique du contrôle douanier en Europe

Toutefois, bien que les administrations douanières européennes appliquent les mêmes normes réglementaires, la mise en œuvre pratique de ces normes communes, l’organisation administrative, les pouvoirs d’investigation et de sanction restent du ressort de chacun des 28 États membres. Il existe donc une très grande disparité d'organisation et de pouvoirs entre les administrations douanières européennes.

Pour la mise en œuvre du système ICS, il n’est pas satisfaisant que les profils de risque ne soient pas complètement harmonisés. Le rapport d’information présenté en décembre 2013 par le Sénateur Richard Yung a souligné ces difficultés et préconisé un approfondissement de la coopération sur le ciblage entre les administrations douanières et avec l'Union européenne : ce rapport proposait notamment un meilleur partage des profils de ciblage entre les administrations et la création d'une task force ICS.

Les douanes du Benelux et notamment celle des Pays-Bas voient souvent mise en cause par leurs partenaires européens leur capacité à contrôler les flux de marchandises qui transitent par leurs ports et leurs aéroports. Le phénomène de concurrence entre le port d’Anvers et celui de Rotterdam pour la captation de parts de marché a conduit à la baisse du nombre et de l’efficacité des contrôles.

La douane néerlandaise met quant à elle en avant les investissements importants réalisés et les méthodes innovantes développées pour expliquer que, si les contrôles sont peu nombreux, ils sont censés être plus efficaces et moins pénalisants pour les opérateurs économiques.

Il est certain que les effectifs d’agents de douane en charge du contrôle dans le principal État d’entrée des marchandises ne sont pas élevés en proportion du flux de marchandise à contrôler : 4 588 agents (en ETPT) en 2014 pour les Pays-Bas.

Les statistiques disponibles permettent de reconstituer un taux approchant de contrôle, à partir du nombre de contrôles réalisés sur une année ainsi que le nombre de conteneurs qui transitent par le port de Rotterdam : le taux de contrôle théorique des conteneurs dans le port de Rotterdam serait de 0,68 %, et de 0,79 % si l’on ajoute les contrôles par scanner.

D. LES OUTILS JURIDIQUES DU CONTRÔLE SONT INSUFFISANTS

Au plan européen, le cadre juridique du contrôle douanier a été renforcé en 2011. Cependant, les méthodes opérationnelles des douanes nationales divergent largement, ce qui nuit à l’efficacité générale du contrôle sur le territoire de l’Union. Par ailleurs, l’arrêt Nokia rendu en 2011 par la Cour de Justice de l’Union européenne a ébranlé le cadre juridique du contrôle des marchandises en transbordement, et rendu plus complexe le contrôle des marchandises suspectées de contrefaçon, dans l’attente de la révision en cours des instruments européens de 2008 et 2009.

1. Les outils de lutte contre la fraude doivent être renforcés par une intégration européenne plus poussée

Le système de contrôle des importations international et communautaire ICS est entré en vigueur au plan européen en 2011. Il a fait l’objet en France d’un développement avec la généralisation de la déclaration sommaire de dépôt temporaire (DSDT) anticipée, qui vient d’être confirmée par la récente circulaire sur ICS du 15 février 2015 (DA 15-010).

La DSDT anticipée a pour but de renforcer le dispositif « sûreté et sécurité » de la France en permettant d’effectuer une analyse de risque automatisée et d’éventuels contrôles sur toutes les marchandises arrivant sur le sol français. Elle doit être déposée par les opérateurs faisant entrer une marchandise par un autre État membre mais à destination du territoire national, au plus tard au moment de la présentation en douane. Elle devrait permettre d’appréhender l’ensemble des flux destinés à être déchargés sur le territoire national quand la France n’est pas le premier point d’entrée dans l’Union européenne.

Elle contient les informations figurant dans la déclaration sommaire d’entrée (ENS) (4), et quatre données supplémentaires : le numéro de l’autorisation de dépôt temporaire, la localisation des marchandises, le statut douanier et le code du bureau de déchargement. Elle préfigure l’application du plan communautaire prévoyant la transmission croisée systématique de ces données.

La DSDT anticipée concerne principalement le vecteur maritime et, dans des cas limités, le vecteur aérien.

La mise en œuvre de la DSDT anticipée se fera en deux temps afin de permettre la certification des entreprises prestataires de solutions informatiques. Son utilisation par les opérateurs sera facultative jusqu’au 14 septembre 2015, puis obligatoire.

La DSDT comme l'ENS participera à l’analyse de risque par le pays de déchargement, risque en termes de sûreté comme en termes de sécurité.

Cependant, comme la Cour le met en exergue, ce système ne pourra qu’être imparfait en l’absence d’intégration opérationnelle des douanes européennes : les schémas d’analyse de risques et de priorités sont actuellement différents, la coopération insuffisante entre la douane du point d’entrée et celle du pays de destination finale, les contrôles croisés sont insuffisamment nombreux, ce à quoi il faut ajouter des données transmises par les opérateurs souvent de mauvaise qualité.

L’ensemble de ces éléments forme un contexte de contrôle reconnu comme difficile et insuffisant pour la douane française. Pour la lutte contre la contrefaçon, en particulier, les conséquences d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne ont conduit à adopter une loi en 2014, sans complètement résoudre les problèmes posés.

2. La lutte contre la contrefaçon : contrer les effets négatifs de l’arrêt Nokia Philips

L’activité et le commerce de produits de contrefaçon constituent un phénomène qui a connu une explosion au cours des dix dernières années.

Dans ce contexte, l’arrêt Nokia Philips de 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne, qui comportait une interprétation stricte du règlement européen de 2003 relatif à la qualification de contrefaçon, a eu des conséquences négatives immédiates : la rétention par la douane française de produits suspectés de porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle a chuté de 65 % en 2012 par rapport à 2011 (le nombre des produits retenus est tombé de 115 millions de produits à 40 millions).

Corrélativement, le nombre des produits contrefaits saisis par les douaniers a également chuté en 2012, avant d’amorcer une remontée.

Le graphique suivant présente l’évolution quantitative des saisies de produits identifiés par la douane comme contrefaits.

CONTREFAÇONS
ÉVOLUTION DES SAISIES DE CONTREFAÇONS SUR 10 ANS

(en millions d’articles)

Source : Douane résultats 2014.

Les résultats de la saisie d’articles identifiés comme contrefaits étaient de 8,9 millions d'articles en 2011. Ces résultats ont chuté à 4,6 millions d'articles en 2012, puis ont fortement remonté en 2013 avec 7,6 millions d’articles de contrefaçon saisis, une hausse spectaculaire des saisies plutôt conjoncturelle et liée à des affaires exceptionnelles. La prévision accompagnant l’indicateur de performance de l’action de la douane intitulé Nombre d’articles de contrefaçon saisis a été actualisée à 6 millions d’articles saisis pour 2014 et établie à 6,5 millions d’articles pour 2015.

Les services ont dû s'adapter au nouvel environnement juridique en améliorant le ciblage des contrôles et la collecte du renseignement.

La loi du 11 mars 2014 (n° 2014-315) doit être l’une de ces adaptations en apportant des outils juridiques pour renforcer la lutte contre la contrefaçon.

Elle aligne la procédure de retenue de marchandises soupçonnées de contrefaçon prévue par le code de la propriété intellectuelle (applicable aux marchandises tierces dédouanées et aux marchandises fabriquées sur le territoire de l'Union) avec la procédure prévue par le règlement (UE) n° 608/2013 applicable aux marchandises non dédouanées. La possibilité de placer les marchandises en retenue, jusqu'alors limitée aux marques, aux dessins et modèles et aux droits d'auteur, a été étendue à l'ensemble des droits de propriété intellectuelle. La loi a également inséré dans la législation nationale la procédure de destruction simplifiée rendue obligatoire par ce même règlement. Cette procédure permet d'aboutir, sous le contrôle de la douane et sous la responsabilité du titulaire de droit, à la destruction des marchandises sans intervention judiciaire dès lors que le titulaire du droit a confirmé le caractère contrefaisant des marchandises, qu'il a donné son accord à leur destruction et que le déclarant ou le détenteur des marchandises a donné son accord ou ne s'est pas opposé expressément à cette destruction.

Les actes matériels (importation, détention, vente, offre de vente…), nécessaires pour caractériser la contrefaçon de droit commun, ont été étendus à toutes les situations, y compris au transbordement. Le régime de prohibition prévu par l'article 38 du code des douanes, qui permet de constater un délit d'importation en contrebande, a été élargi à l'ensemble des marchandises contrefaisantes et n'est plus limité aux marques, dessins et modèles, droits d'auteur et droits voisins et à l'importation de marchandises portant atteinte à un brevet.

Malgré cette adaptation de notre droit, le principe demeure selon lequel il ne peut y avoir d'atteinte à un droit de propriété intellectuelle en transbordement car celui-ci n'implique aucune commercialisation de la marchandise sur le territoire de l'Union européenne. L'arrêt Nokia-Philips est donc toujours pleinement applicable et seule une modification du droit matériel (« paquet marques ») de l'Union permettra de revenir sur ses conséquences.

La Cour des comptes a toutefois donné des critères permettant de présumer que la marchandise est destinée à la commercialisation dans l'Union et, par voie de conséquence, permettant de retenir et de saisir les marchandises contrefaisantes en transbordement (manque de coopération avec les autorités douanières, découverte de documents ou de correspondances suggérant qu'un détournement des marchandises vers les consommateurs dans l'Union est susceptible de se produire...).

La loi du 11 mars 2014 permet seulement de préserver la possibilité de saisir des marchandises contrefaisantes en transbordement lorsque les critères permettant de présumer que la marchandise est destinée au marché de l'Union sont établis.

Enfin, cette loi a renforcé les mesures de lutte contre la fraude, d'une part, en étendant à tous les droits de propriété intellectuelle l'infiltration et le dispositif dit des « coups d'achat » et, d'autre part, en prévoyant la transmission a posteriori par les opérateurs de fret express de données permettant d'établir une cartographie afin d'améliorer l'analyse de risque et le ciblage (voir infra).

Il conviendra de vérifier que les moyens ouverts par la loi du 11 mars 2014 sont efficaces et que le jeu des critères de présomption est assez facile à mettre en œuvre. Si le dispositif est trop complexe ou trop lourd, retenir les marchandises restera une opération délicate.

En tout état de cause, il est indispensable de progresser au plan européen pour donner aux douanes des États membres des outils plus faciles d’emploi et plus efficaces dans le cadre de la révision de la directive du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques et du règlement du 26 février 2009 sur la marque communautaire, initiée par la Commission européenne le 27 mars 2013 (négociation du « paquet marques »).

En l’absence de norme européenne facilitant le contrôle des marchandises en transbordement, les douanes ne disposent pas des procédures juridiques sûres et d’un accès assez facile pour faire face à la progression des contrefaçons, qui outre le tort qu’elles portent aux entreprises, représentent un danger pour la santé et la sécurité des consommateurs étant donné la part importante des médicaments dans les articles contrefaits.

E. L’AUGMENTATION DU COMMERCE PAR INTERNET : L’ADAPTATION DE LA DOUANE EST ENCORE TROP LENTE

Comme le relève la Cour des comptes, les spécificités du commerce en ligne (anonymat, mobilité des sites et des hébergeurs, morcellement des envois) ne favorisent pas les contrôles, d’autant que les colis en transit à Roissy passent souvent moins d’une heure sur le sol français.

Il est ainsi avéré que ce type de commercialisation et de distribution peut donner lieu à des infractions graves, comme les contrefaçons de médicaments ou le trafic de stupéfiants, notamment des nouvelles drogues de synthèse.

Les rapporteurs renvoient sur ce point au rapport d’information des sénateurs Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier, relatif au rôle des douanes dans la lutte contre la fraude sur internet (n° 93 en date du 23 octobre 2013).

1. La surveillance des sites internet : conférer un caractère prioritaire aux moyens de Cyberdouane

La première action de la douane consiste à surveiller les offres des sites de commercialisation : Cyberdouane est ainsi un service de dix analystes relevant de la direction du renseignement douanier qui intervient en amont des enquêtes. Son rôle est de recueillir les informations relatives à la fraude sur internet et de les transmettre, après enrichissement, à un service répressif chargé de finaliser les investigations.

L’objectif est d’identifier les personnes physiques ou morales sur le territoire national qui se dissimulent derrière des pseudonymes sur les sites de ventes, les forums, les blogs et les réseaux sociaux. Ces fraudeurs ainsi que les gestionnaires de sites illégaux utilisent internet pour vendre en ligne ou poster des annonces relatives à des marchandises prohibées ou fortement taxées.

Cyberdouane dispose de logiciels spécialisés, facilitant les investigations sur internet. Par exemple, un logiciel de veille, permet au service de réagir à l’apparition de mots-clés spécifiques sur un grand nombre de sites ou de forums. Cette veille d’un automate dédié permet de sélectionner sans interruption un grand nombre de transactions potentiellement frauduleuses et devant faire l’objet de vérifications par un analyste. Les agents de Cyberdouane disposent de connexions internet anonymes permettant d’enquêter sans laisser de traces informatiques auprès des cibles visées.

Mettant en œuvre les dispositions du code des douanes, les cyberdouaniers peuvent solliciter les opérateurs de l’internet afin de se faire communiquer les informations qu’ils détiennent sur l’un de leurs clients : nom, prénom, adresse IP, adresse postale, numéro de téléphone, coordonnées bancaires, historique des achats et des ventes sur les trois dernières années, permettant d’initier des enquêtes financières ou destinées à saisir des marchandises contrefaisantes.

La phase répressive peut notamment s’appuyer sur une modalité d’action particulière, le coup d’achat, destinée à caractériser un flagrant délit et dont le champ d’application a été étendu à l’ensemble des marchandises protégées par le droit de la propriété intellectuelle par la loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon.

Les agents des douanes habilités à cet effet peuvent, sur l’ensemble du territoire, avec l’autorisation du procureur de la République, et sans être pénalement responsables de ces actes, acquérir les produits et permettre la réalisation d’opérations d’acquisition sous un dispositif d’anonymisation sécurisé et complet.

Les rapporteurs estiment que la douane, en limitant l’effectif des analystes de Cyberdouane à une dizaine de personnes, n’a pas reconnu à cette action le niveau de priorité nécessaire et qu’une montée en puissance de cette cellule doit désormais intervenir rapidement avec l’objectif d’atteindre progressivement un effectif d’une cinquantaine d’analystes, considéré comme une taille critique mieux adaptée au volume du commerce par internet.

2. Le contrôle de la livraison des produits : le traitement différencié des catégories d’opérateurs s’impose

Plus en aval, la douane peut intervenir sur le territoire national, au moment de la livraison des produits par un prestataire de fret postal ou express.

Pour les livraisons express, le contrôle se fait selon des modalités comparables au fret classique, bien que dans des délais plus contraints, soit au titre de la déclaration sommaire d’entrée à des fins de sûreté-sécurité, soit au stade du dédouanement, sur la base d’une télé-procédure électronique, Delta X.

À titre d’illustration du volume des flux, cette application a traité 6 millions de déclarations sur la plate-forme de Roissy en 2013. Les interventions de la douane se font donc essentiellement sur ciblage : pour l’opérateur FEDEX, la douane ouvre en moyenne entre 100 et 200 colis sur les 10 000 colis dédouanés chaque nuit.

Les procédures sont plus souples pour le fret postal qui n’est pas soumis à la déclaration sommaire d’entrée ni à la déclaration en douane, sauf pour les marchandises d’une valeur supérieure à 1 000 euros alors que les autres colis sont simplement accompagnés d’une déclaration contenant un nombre minimal d’informations. Le fret postal représentait 32 millions d’envois inférieurs à 2 kg à Roissy en 2013.

Le contrôle de la douane est moins précis que celui opéré sur les colis express et repose davantage sur l’intuition ou l’expérience des agents.

De fait, les expressistes soulignent qu’ils ne doivent pas être mis sur le même plan que les opérateurs postaux : du fait de leurs tarifs élevés, leurs clients sont surtout des entreprises, souvent à haute valeur ajoutée, et eux-mêmes appartiennent à des groupes internationaux fortement intégrés qui garantissent une solide traçabilité à leurs clients.

Les opérateurs postaux en revanche sont indépendants les uns des autres, leurs relations sont régies par une organisation internationale, l’Union postale universelle, leurs clients sont surtout des particuliers et la traçabilité dépend de la rigueur des opérateurs locaux.

Ces différences objectives rendent nécessaire un traitement différencié de ces deux catégories d’opérateurs, de même que la publication séparée des indicateurs de contrôle de ces deux types de flux.

Afin de renforcer la surveillance des flux intracommunautaires passant par ces deux types de réseau de distribution, la loi du 11 mars 2014, codifiée à l’article 67 sexies du code des douanes, a créé un nouveau régime de transmission d’informations des données « relatives à l’identification des marchandises et objets acheminés ainsi que de leurs moyens de transport ».

La finalité de ce dispositif n’est pas d’utiliser ces données à des fins de ciblage mais d’analyse de risques, d’amélioration de la connaissance de la menace et d’orientation des contrôles a posteriori sur les flux intracommunautaires.

Les discussions préalables à l’élaboration du décret d’application de ce dispositif montrent toutefois que sa genèse est difficile : les expressistes contestent le bien-fondé d’un régime spécifiquement national qui créerait des distorsions de concurrence et rappellent la portée du principe de libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne, alors que la Poste observe qu’elle ne peut s’engager pour le compte des autres opérateurs postaux et met en doute la capacité des systèmes d’information de la douane à traiter le volume de ses flux.

F. LES SPÉCIFICITÉS DU RÉGIME DOUANIER DE TVA À L’IMPORTATION

La Cour des comptes souligne la vulnérabilité particulière de notre pays au régime douanier de TVA à l’importation, dit régime 42, en vertu duquel une marchandise importée dans un État membre de l’Union européenne mais à destination d’un autre État membre peut être exonérée de TVA jusqu’à la livraison dans son pays de destination.

Comme le relève la Cour, ce régime peut donner lieu à plusieurs types de fraude, soit que la marchandise soit commercialisée dans l’État de première importation sans acquitter la TVA, soit qu’elle soit effectivement envoyée dans l’État de destination prévu mais sans acquitter la TVA, soit encore qu’elle soit envoyée dans un autre État mais toujours sans acquitter de TVA.

La France peut ainsi subir un important manque à gagner sur des marchandises importées depuis des plates-formes communautaires (ports de Rotterdam ou d’Anvers) mais à destination de son territoire.

La TVA est collectée par la direction générale des finances publiques (DGFIP) pour les transactions se réalisant sur le territoire national, pour les acquisitions intra-communautaires de biens et services et pour les importations de marchandises en provenance de pays tiers et dédouanées dans un autre pays européen.

En revanche, la TVA sur les marchandises en provenance de pays tiers importées depuis un port ou aéroport français est collectée par la douane, à l’occasion de l’admission de la marchandise sur le territoire : l’importateur procède à un décaissement au moment du dédouanement pour régler la TVA à l’administration douanière, soit directement, soit par l’intermédiaire de son commissionnaire en douane. Il en obtient ultérieurement la restitution par l’administration fiscale, via la déclaration mensuelle sur la TVA collectée.

Le contrôle de l’acquittement de la TVA due à la suite d’opérations d’importation exonérées au titre du régime douanier 42 implique une coopération étroite entre administrations fiscale et douanière, tant au niveau national qu’au niveau communautaire, puisque la douane est responsable du contrôle des conditions légales d’octroi du régime 42 au moment de l’importation (contrôle de recevabilité), tandis que les autorités fiscales présentes dans le pays de destination finale des marchandises sont désignées pour effectuer le contrôle du paiement effectif de la TVA intracommunautaire au moment de la mise à la consommation des marchandises préalablement exonérées.

La surveillance du régime 42 impose donc au minimum une étroite coopération entre la douane et la DGFIP et, plus souvent, une collaboration avec des administrations fiscales et douanières européennes, ce qui accroît la vulnérabilité du système à la fraude, d’autant que la base de données communautaire VIES ne dispose pas d’une fonction permettant de vérifier que l’exonération obtenue dans l’État membre d’importation a bien pour contrepartie la taxation dans l’État membre de livraison finale.

La Cour des comptes européenne a fait des propositions spécifiques sur le régime 42 dont l’une au moins semble particulièrement pertinente aux yeux des rapporteurs, celle consistant à modifier la directive TVA afin que les livraisons intracommunautaires après importation en régime 42 fassent l’objet d’une présentation distincte dans les états récapitulatifs de TVA établis par les opérateurs, afin d’opérer les rapprochements nécessaires au contrôle.

En effet, l’expertise de l’état récapitulatif de TVA, dans sa configuration actuelle, ne permet pas de distinguer les livraisons intracommunautaires faisant suite à un régime douanier de type 42 des autres livraisons intracommunautaires réalisées par un opérateur.

Cela oblige les vérificateurs à consulter la comptabilité-matière des entreprises pour procéder aux recoupements nécessaires au contrôle du bon acquittement de la TVA. L’enquête s’en trouve considérablement alourdie et conduit les services de programmation et de pilotage des contrôles à considérer la fraude au régime douanier 42 comme une thématique nécessitant une mobilisation significative des effectifs d’enquête.

Dans l’attente d’une modification opportune de l’état récapitulatif de TVA, la DGDDI a mis en place des solutions pour permettre à la DGFIP d’accéder aux montants relatifs aux flux dédouanés en régime 42 en permettant l’accès direct des agents du contrôle fiscal à l’outil Delt@-archivage. La DGDDI a procédé à des modifications de Delt@ consistant en la mise en place de contrôles de cohérence automatiques des rubriques de la déclaration en douane, lors de la sollicitation par l’opérateur du régime 42, portant sur les informations suivantes : identifiant TVA de l’importateur ou de son représentant fiscal, identifiant TVA du destinataire final de la marchandise, mention spéciale signalant l’exonération de TVA, vérification de la structure des numéros TVA indiqués sur la déclaration.

Les deux directions ont aussi mis en place une task force spécialisée dite Dragon, destinée à faciliter les opérations simultanées (visite douanière et perquisition fiscale) pour ce type d’infraction.

Au niveau communautaire, la douane a pris en charge la coordination des travaux sur la fraude au régime 42 au sein du réseau « EUROFISC » qui dépend des services de la Commission et qui permet déjà des croisements de données sur les sociétés douteuses ou convaincues de fraude à ce régime.

Les Pays-Bas ont remplacé de facto le régime 42 par un régime d’auto-liquidation de la TVA qui permet, via un représentant fiscal, de dédouaner la marchandise aux Pays-Bas et de l’expédier vers le pays de destination dans le cadre d’une livraison intracommunautaire. De ce fait, la marchandise n’est plus sous sujétion douanière et la douane, pas plus celle des Pays-Bas que celle du pays de livraison, n’est plus compétente pour réaliser les contrôles qui dépendent des seuls services fiscaux. Pour cette raison, la fraude éventuellement générée par ce mécanisme d’auto-liquidation n’est plus qualifiée d’infraction douanière mais bien de fraude fiscale.

Comme le régime 42, le mécanisme de l’auto-liquidation dispense les entreprises importatrices de faire l’avance de TVA dès l’importation des marchandises sur le territoire de l’Union européenne puisqu’il en diffère le réglement jusqu’à la déclaration de chiffre d’affaires qu’elles doivent, comme tous les redevables, transmettre périodiquement à l’administration fiscale.

S’il a les mêmes effets positifs que le régime 42 sur la trésorerie des entreprises qui y recourent, le mécanisme de l’auto-liquidation couvre un périmètre plus large, puisqu’il est aussi ouvert aux importations destinées au territoire national, sans condition de livraison intracommunautaire ultérieure.

La Cour des comptes avait estimé dans son rapport public 2014 que l’absence de ce régime en France pénalisait nos plateformes logistiques et encourageait les entreprises opérant sur notre territoire à dédouaner à l’étranger.

Sensibles à ce message, les pouvoirs publics ont, dans la loi n° 1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014, autorisé la douane française à proposer le régime de l’auto-liquidation à partir du 1er janvier 2015.

Toutefois, ce régime est réservé aux entreprises disposant d’un agrément à la procédure simplifiée de dédouanement avec domiciliation unique (PDU) qui permet actuellement à certaines entreprises d’effectuer auprès d’un unique bureau de douane l’ensemble des formalités de dédouanement.

Comme le relevait la rapporteure générale de la Commission des finances de l’Assemblée nationale dans sa présentation du dispositif, « Le choix de subordonner le bénéfice de la mesure à l’obtention préalable par l’entreprise (ou par son représentant en douane) de l’agrément pour la PDU s’explique par les garanties que cette formalité d’enregistrement offre à l’administration contre le risque de défaillance du redevable. En effet, pour bénéficier de l’agrément, l’entreprise demandeuse doit déposer une demande auprès du bureau des douanes concerné et faire l’objet d’un audit d’agrément préalable, qui permet de vérifier l’existence de flux réguliers de marchandises et de moyens matériels et humains adaptés. »

Ce choix trop prudent risque toutefois d’atténuer l’attractivité de la mesure, même si celle-ci initie un processus louable que certains de nos partenaires européens ont engagé de longue date.

Ces différentes évolutions tendent à consacrer le rôle de chef de file de la DGFIP dans la lutte contre la fraude à la TVA, y compris lorsqu’elle porte sur la TVA à l’importation, et à clarifier les compétences des deux directions générales, la douane assumant davantage un rôle de signalement, via la transmission de l’information à la DGFIP.

II. L’ORGANISATION DE LA DOUANE DOIT ACCÉLÉRER SON ÉVOLUTION

Les rapporteurs constatent les transformations importantes menées à bien par la DGDDI. La Cour des Comptes, dans son rapport, engage le ministère et la direction à poursuivre sans tarder le resserrement du réseau territorial et le perfectionnement de l’organisation des contrôles. Les rapporteurs considèrent que notre adaptation aux nouvelles méthodes de travail et notre accès aux nouveaux moyens technologiques doivent être beaucoup plus rapides. L’adaptation du réseau territorial est inévitable et la douane doit continuer de faire évoluer ses métiers. Beaucoup d’améliorations peuvent et doivent être apportées avec volontarisme en matière d’équipement, de moyens technologiques et de formation.

A. S’INTERROGER SUR LA POURSUITE DE LA BAISSE DES EFFECTIFS AU REGARD DE LA DIVERSIFICATION DES MISSIONS

Les missions traditionnelles de surveillance de la douane ne forment qu’une des deux branches d’activité de la douane, et la branche d’accompagnement des activités économiques des entreprises s’est considérablement développée et devrait le faire encore dans un proche avenir.

1. Les différents « métiers » de la douane : le développement d’une mission d’accompagnement et de conseil aux opérateurs

La douane française a fait de l’accompagnement des entreprises à l’international l'une de ses priorités. Pour atteindre cet objectif important en termes d’attractivité du territoire et de compétitivité des entreprises, la douane s’est tournée vers une relation plus partenariale avec les entreprises. Elle a également entrepris plusieurs chantiers pour accélérer la dématérialisation des formalités douanières afin d'en réduire le coût et les délais pour les entreprises agissant sur les marchés internationaux.

Cette approche récente, que d’autres pays comme les Pays-Bas avaient anticipée, conduit à une diversification des missions des agents de la douane, mais ne s’accompagne pas d’un moindre besoin en ce qui concerne les capacités de contrôle et de surveillance, comment le montrent les données chiffrées portant sur les fraudes présentées plus haut.

L’évolution du nombre d’agents dans chacune des deux branches d’activité de la douane fait apparaître l’importance qu’a prise l’activité d’accompagnement du commerce international et la perception des contributions indirectes.

a. Les effectifs de surveillance concurrencés par les effectifs dédiés aux opérations commerciales

Le plafond d’emplois des agents de la branche de la surveillance, effectuant des interventions et astreints à des sujétions particulières, est établi pour 2015 à 6 924 ETPT et 8 340 en incluant les missions liées à la préservation de la sécurité et de la sûreté de l’espace national et européen.

Le plafond d’emplois des agents de la branche des opérations commerciales et de l’administration générale (chargés des échanges internationaux et de la qualité du dédouanement, de l’encadrement de filières économiques et de la fiscalité douanière, énergétique et environnementale) s’élève à 5 050 ETPT.

La Cour estime que le quantum d’effectifs contribuant à la lutte contre la fraude ne peut être déterminé, les missions accomplies par les agents d’une branche pouvant s’apparenter selon les cas ou concomitamment à une autre branche. La Cour estime néanmoins à 12 000 le nombre d’agents qui contribuent à la lutte contre les trafics. Mais, comme le souligne le syndicat UNSA, les agents chargés de la fiscalité douanière, énergétique et environnementale (2 000 agents) accomplissent aussi des missions de lutte contre la fraude lorsqu’ils travaillent sur des dossiers de détournement de produits pétroliers ou de trafics liés à la convention CITES, deux types de trafic générant des revenus occultes très importants.

Les moyens de la DGDDI ont globalement diminué de 14 % au cours des années 2003-2013. Par contre, les moyens de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), service chargé de la lutte contre les grands trafics, ont augmenté de 8 %, de même que les moyens du Service national de la douane judiciaire (SNDJ), qui ont progressé de 16 %. L’administration souligne que les diminutions d’effectifs qui ont eu lieu au cours des dernières années ont pris en considération la charge de travail dans les centres informatiques, la concentration du trafic commercial à Roissy (fret traditionnel, express et postal), et les nouveaux projets tels le projet Newton au Tunnel sous la Manche, qui se traduit par un accroissement du nombre de lignes de contrôle des poids lourds.

Les rapporteurs ont pu constater, lors de leur visite dans les infrastructures aéroportuaires de Roissy, que les volumes considérables de marchandises introduites sur le territoire y dépassent les capacités de traitement quotidiennes des douanes. L’exhaustivité des contrôles est clairement impossible en l’état actuel des moyens humains et logistiques.

L’effectif français consacré au contrôle n’est d’ailleurs pas particulièrement élevé, si l’on le compare avec nos partenaires européens : ainsi la Border force britannique, chargée du contrôle de l’ensemble des frontières, compte 8 000 agents, dont une partie, il faut le souligner, est compétente pour la lutte contre l’immigration qui est actuellement l’une de ses priorités.

b. Le service « grands comptes » et les services dédiés aux opérateurs économiques agréés : une nouvelle mission qui devra être évaluée

La douane française, comme la douane néerlandaise, fait évoluer son action en passant d'une approche « verticale » (qui privilégie le contrôle) à une approche « horizontale » (qui privilégie la conformité ou « compliance »). Cette approche conduit à distinguer entre les opérateurs connus et certifiés, considérés comme fiables, sur lesquels l'administration peut réduire le poids des contrôles et les autres opérateurs sur lesquels l'administration veut concentrer ses capacités de contrôle. Cette nouvelle démarche se base sur la notion d'opérateur économique agréé (OEA).

La part du commerce extérieur bénéficiant de la certification européenne d’opérateur économique agréé (indicateur 2.1) est un nouvel indicateur, introduit dans le projet annuel de performances 2015, en remplacement du délai moyen d’immobilisation des marchandises dédouanées dans la journée qui ne s’avérait plus significatif pour mesurer l’efficacité du soutien apporté par la douane aux entreprises souhaitant se développer à l’international. L’engagement de la douane se traduit aujourd’hui par une offre de services dédiés aux opérateurs qui souhaitent s’engager dans une démarche de transparence et de confiance avec l’administration.

Ces opérateurs sont au nombre de 1 200 en France, et plus de 1 400 aux Pays-Bas, qui ont introduit cette démarche avant notre pays.

Par ailleurs, le Service grands comptes (SGC), dont la montée en charge est prévue jusqu’en 2018, aura vocation à constituer l’interlocuteur unique des grandes entreprises et de certaines entreprises de taille intermédiaire (environ 60 groupes, soit 300 entreprises). Il permettra de leur garantir des procédures rapides et efficaces ainsi qu’un traitement homogène au niveau national des demandes et de la charge déclarative afférente à leurs opérations.

Ce nouveau service à compétence nationale, rattaché à une direction interrégionale pour sa gestion, exercera une mission de conseil, en apportant une analyse personnalisée de la situation de chaque groupe et en recherchant des procédures adaptées afin d’optimiser leurs schémas fiscal, douanier et logistique, et une mission de bureau de douane, en centralisant la prise en charge de toutes les autorisations et formalités douanières, en prescrivant des contrôles à effectuer par les bureaux de proximité et en assurant les contrôles ex post.

Le recouvrement des droits et taxes pour les grands comptes et la rationalisation de leurs crédits et garanties douanières devraient être assurés par un pôle comptable unique.

La création de ce service privilégie la notion d'interlocuteur unique au sein de la douane et devrait clarifier la répartition des missions entre les services douaniers (bureaux de douane, pôles d’action économique…). Le dédouanement sera centralisé, en cohérence avec le schéma de dédouanement centralisé prévu par le code des douanes de l'Union qui entrera en vigueur en 2016.

c. Le renforcement des cellules conseil aux entreprises pour accompagner les PME et les ETI

La douane a l’ambition pour les prochaines années d’apporter un soutien de proximité aux petites et moyennes entreprises et aux entreprises de taille intermédiaire. L’objectif est de favoriser leur croissance à l’international et d’améliorer la protection de leur marché en luttant, notamment, contre la concurrence de produits de contrefaçon ou dangereux. Il est prévu de renforcer l’action économique régionale des cellules conseil aux entreprises (CCE).

Participent à ce soutien la simplification des procédures et le développement de la dématérialisation.

Le rôle de la douane connait à travers ces actions une véritable mutation, qui tend à privilégier l’appui et le conseil par rapport au contrôle. Il conviendra de suivre les résultats de cette action afin d’être certain que les risques de fraude douanière ou fiscale n’en seront pas accrus, notamment dans les grandes entreprises opérateurs importants sur le marché international.

2. La question de l’évolution des effectifs

Comme la plupart des administrations, la douane a connu des bouleversements dans le cadre de la RGPP. La réduction des emplois a été très importante, puisque le nombre des agents est passé de 22 000 au début des années 1980 à un peu plus de 16 000 aujourd’hui.

La direction générale a fermé plus de 1 500 services depuis 1993 (dont 1 000 services de contributions indirectes) et a vu ses effectifs diminuer de 14 %, soit 3 000 emplois, pendant la décennie 2003-2013.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DOUANIERS DEPUIS 2003

Source : DGDDI, documents budgétaires.

Il s’agit d’une administration de l’État qui s’est beaucoup réformée ces dernières années. Ainsi que l’a souligné Mme Hélène Crocquevieille, sa directrice générale, entendue par les rapporteurs, la direction générale est actuellement engagée dans un projet stratégique validé par les ministres en janvier 2014, à mettre en œuvre d’ici à 2018 pour la majeure partie des mesures, et à horizon 2020 pour les plus structurantes.

Le plafond d’autorisation d’emplois de la douane s’élevait à 16 662 ETPT en 2014, soit une réduction de 205 ETPT par rapport à l’année précédente.

Pour 2015, il est fixé à 16 396 ETPT, soit une baisse de 266 ETPT (132 ETP au titre de l’extension en année pleine des suppressions intervenues en 2014 et une suppression de 205 ETP soit 134 ETPT en 2015).

Les emplois supprimés concernent pour 24 % les agents de catégorie A + et A, pour 43 % les agents de catégorie B et pour 32,23 % les agents de catégorie C.

Les effectifs, en 2014, étaient de 666 ETPT pour l’administration centrale, de 14 059 ETPT pour les services régionaux, de 46 ETPT pour les services à l’étranger et de 1 891 ETPT pour les services « Autres » (services à compétence nationale de la DGDDI comme le centre informatique douanier, la direction nationale des recherches et des enquêtes douanières, la direction nationale du recrutement et de la formation professionnelle, la direction nationale des statistiques et du commerce extérieur, ainsi que le service national de douane judiciaire).

Les rapporteurs convergent pour considérer que la DGDDI est une administration qui a conduit beaucoup de réformes difficiles au cours des dernières années ; elle a subi une réduction de ses effectifs, allant au-delà du non remplacement de un agent sur deux partants à la retraite.

Sur l’évolution à engager pour les prochaines années, ils adoptent cependant des positions différentes.

M. Éric Woerth estime que la poursuite de la réduction des effectifs ne peut pas se faire à organisation égale. Elle suppose une réduction de l’empreinte territoriale des brigades, en supprimant les brigades trop petites, tout en conservant la couverture territoriale de surveillance nécessaire. Selon lui, il serait utile d’évoluer vers une prise en considération des effectifs en ETP par mission – mission « contrôle aux frontières », mission « contrefaçon » –, ce qui permettrait de passer à une vision plus analytique en regroupant les effectifs de la douane et ceux d’autres administrations qui participent à la même mission. Il pourrait être envisagé de traiter certaines actions menées par la douane, comme certaines missions de la police, comme des éléments d’une mission interministérielle englobant effectifs et moyens des différents services impliqués.

M. Gaby Charroux considère quant à lui que les effectifs de la DGDDI doivent être, a minima, maintenus au niveau actuel, qui ne peut être considéré comme élevé. En effet, la douane a été un gros contributeur à la RGPP et a atteint une limite en personnel qui ne peut être compensée par les organisations ou l’utilisation de techniques et processus nouveaux. Il exprime une grande réticence à la suppression des petites brigades de douaniers, qui risquerait de laisser certaines parties du territoire à l’écart de la surveillance et réduirait encore le service public qu’offrent ces unités et l’efficacité en matière de surveillance et de contrôle. Concentrer les brigades sur les lieux de flux de trafics et de fraudes risque de favoriser chez les délinquants la mise en place de parcours en « segments brisés », afin de déjouer la surveillance de ces « grands axes ».

B. MIEUX MESURER LES PERFORMANCES

La Cour des comptes regrette que la douane n’actualise ni ne hiérarchise suffisamment ses priorités dans la lutte contre les trafics, privilégiant ainsi une logique de reconduction qui donne l’impression d’une certaine passivité face aux nouvelles formes de fraude ou de trafic.

1. Des priorités à actualiser et à hiérarchiser

L’analyse des objectifs associés à la lutte contre la fraude montre que ceux-ci sont nombreux et largement reconduits d’une année sur l’autre, comme le montre la comparaison des documents associés à la note de cadrage unique pour les années 2014 et 2015.

Les objectifs stratégiques du programme 302 facilitation et sécurisation des échanges de la Mission gestion des finances publiques et des ressources humaines sont ainsi déclinés en objectifs opérationnels et en actions recommandées aux responsables des budgets opérationnels de programme que sont les directions interrégionales de la douane.

Les versions 2014 et 2015 de ces documents diffèrent peu, même si l’on voit apparaître en 2015 quelques actions non évoquées en 2014, comme l’acquisition du renseignement relatif au trafic de déchets, le suivi des évolutions de la route du khat ou le contrôle des cercles et maisons de jeux.

Cette continuité des actions d’une année sur l’autre n’est pas étonnante en soi, ce qui est plus contestable est l’apparente absence de hiérarchisation des différentes actions, dont la somme est importante : plus de quarante actions recommandées au titre de l’objectif de lutte contre la grande fraude douanière.

Pour sa part, la Cour semble regretter l’excessive polarisation de la douane sur le triptyque « stupéfiants, tabac, contrefaçons », tout en reconnaissant qu’elle sait faire preuve au besoin de réactivité, par exemple en traitant des sujets émergents comme le commerce électronique, le trafic de médicaments ou les mouvements de capitaux.

La douane assume la primauté de ce triptyque, notamment dans son projet stratégique douane 2018, dans les termes suivants : « L’amélioration continue de l’organisation des structures en charge de la collecte et du traitement du renseignement a permis à la douane de rationaliser ses contrôles et d’obtenir des résultats en progression dans tous les secteurs de la lutte contre la fraude, notamment dans les trois secteurs clés que sont le trafic de stupéfiants, la contrefaçon et la contrebande de tabacs. Ces trois secteurs continueront à être des domaines d’intervention prioritaire des services douaniers en raison des atteintes graves qu’ils portent à la société. Pour autant, l’accent mis sur ces priorités ne conduira pas la douane à délaisser les autres formes de fraudes, notamment celles en lien avec la criminalité organisée (blanchiment, manquement à l’obligation déclarative, escroquerie à la TVA…) ou encore celles qui portent atteinte à l’environnement. »

De fait, la Cour n’a pas identifié de carence spécifique dans la lutte contre tel ou tel trafic, à la différence de certaines organisations syndicales de la douane qui imputent au poids des indicateurs de performance du programme 302, très axés sur le fameux triptyque, les insuffisances de leur action dans d’autres secteurs de fraude.

Dans sa contribution écrite envoyée au CEC après son audition, le Syndicat national des agents des douanes CGT a ainsi déploré les carences du contrôle mené sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction et protégées par la convention CITES, malgré les épisodes médiatiques des saisies d’hippocampes séchés, de tortues étoilées ou d’écailles de pangolins. Plus généralement, les organisations syndicales soulignent le faible taux de contrôle des conteneurs ou des colis et dénoncent une insuffisante vérification des normes et de la traçabilité des produits.

La douane affirme toutefois que la lutte contre les importations de produits dangereux demeure un axe stratégique majeur de son action et souligne la stabilisation à un niveau élevé du taux de produits non conformes aux normes techniques qu’elle relève : un peu plus de 29 % en 2014, soit 14,8 millions d’articles non conformes sur un total de 50,5 millions contrôlés.

La douane met aussi régulièrement en valeur tel ou tel aspect de ses contrôles, ciblés sur des marchandises spécifiques ou particulièrement symboliques : en 2014 par exemple elle a fortement accru ses contrôles sur les jouets avec une croissance de 83 % des contrôles par rapport à 2013 (6,6 millions de jouets contrôlés dont 1 million non conformes).

Plus que les trafics, la Cour met finalement plutôt l’accent sur les carences de la lutte contre les fraudes aux droits et taxes, en particulier la TVA, dont elle estime que « la douane a tendance à ne pas faire un objectif de premier plan, d’autant que ses résultats en la matière apparaissent modestes » (voir infra).

2. Les insuffisances des outils de mesure des moyens engagés

Depuis la disparition des outils de comptabilité analytique résultant du déploiement de Chorus, la douane ne dispose plus d’outils performants d’analyse de coûts et attend la mise en œuvre du module PCM (profitability and cost management) dont l’acquisition dépend du conseil d’orientation de Chorus.

La douane ne connaît ainsi pas précisément les coûts de son action contre la fraude, même si la Cour est parvenue à estimer à 12 000 le nombre de ses agents en équivalents temps plein (sur un total de 16 662 en 2014, soit plus de 70 %) contribuant à la lutte contre les fraudes et les trafics. Compte tenu du poids de la masse salariale dans les dépenses totales de la douane, le même ratio peut être approximativement appliqué au budget total, qui s’est élevé à un montant de 1,230 milliard en 2014, soit un montant du coût de la lutte contre la fraude par la douane de l’ordre de 860 millions d’euros.

Cette relative imprécision ne surprend pas les organisations syndicales qui mettent en exergue la polyvalence des agents de la douane qui les amène potentiellement presque tous à agir contre la fraude et les trafics.

Les rapporteurs ne peuvent qu’encourager la cellule d’analyse de gestion de la douane, comme le fait la Cour, à progresser dans l’évaluation de ses coûts, par exemple en matière d’opérations à fort enjeu ou de grande envergure, afin de disposer d’éléments permettant de mieux mesurer l’efficience des moyens publics engagés qui demeurent, en l’occurrence, largement dimensionnés par les effectifs humains.

Dans ce domaine, la douane avait exprimé dans son projet stratégique de bonnes intentions, qu’il convient désormais de concrétiser : « Par ailleurs, la contrainte budgétaire rend nécessaire un pilotage précis des crédits et une allocation optimale des moyens. La douane fera donc progresser son dispositif de maîtrise des coûts, avec notamment la mise en place d’une comptabilité analytique, laquelle constituera un outil efficace de contrôle de gestion, tant au niveau central que local ».

3. Des résultats variables selon les trafics et les fraudes

Le dispositif de mesure de la performance associé à l’objectif de lutte contre la fraude, tel qu’il figure dans la loi de finances, évolue plutôt favorablement ces dernières années, comme le montrent notamment les résultats de la lutte contre le trafic de stupéfiants.

OBJECTIF : LUTTER CONTRE LA GRANDE FRAUDE DOUANIÈRE, LA CRIMINALITÉ ORGANISÉE ET PROTÉGER LES ENTREPRISES ET LES CONSOMMATEURS EUROPÉENS

Libellé des indicateurs

Unité

Résultat 2012

Résultat 2013

Résultat 2014

Montant des saisies de stupéfiants

millions €

256

536

657,5

Quantités de tabac et de cigarettes saisies en contrebande

tonnes

371

430

422,7

Nombre d’articles de contrefaçons saisis

millions d’articles

4,6

7,6

8,8

Nombre de contentieux protection du consommateur

nombre

6 122

7 113

7 213

Nombre total de contentieux à enjeu de lutte contre la fraude

nombre

8 559

9 522

10 175

Source : DGDDI.

La Cour souligne la prégnance de la culture de la saisie à la douane et en regrette les insuffisances.

Il est exact que la douane construit sa communication notamment externe autour de ses grands succès de saisies de marchandises interdites, à la destruction desquelles son ministre de tutelle est souvent convié devant les caméras.

Ainsi, l’objectif de lutte contre la fraude de son programme annuel de performance est-il mesuré par trois indicateurs relatifs aux saisies sur un total de cinq indicateurs.

La Cour relativise cette importance en observant que le montant des saisies est aléatoire et qu’une seule opération exceptionnelle peut artificiellement gonfler les résultats d’une année donnée et fausser l’appréhension réelle de la performance de fond. Les rapporteurs estiment que cette observation est fondée mais qu’elle n’interdit pas une lecture de moyen terme des chiffres des saisies sur plusieurs années permettant la mise en évidence de tendance de fond, au-delà des artefacts créés par quelques opérations exceptionnelles.

Plus significativement, la Cour estime qu’une saisie seule ne suffit pas à éradiquer le trafic si les réseaux ne sont pas démantelés et met en garde contre les saisies prématurées sans transmission à la justice des informations permettant l’ouverture d’une procédure éradiquant toute la filière.

Ce à quoi le syndicat UNSA douanes répond, dans sa contribution écrite envoyée au CEC postérieurement à son audition, en rappelant les fondamentaux de l’action douanière : « nous ne travaillons à titre administratif quasiment qu’en flagrant délit, le délit douanier étant matérialisé par la détention de la marchandise de fraude. Dès lors, effectivement, le douanier a pour habitude de lier saisie de la marchandise et constatation. Cependant, la saisie lorsqu’elle est importante ou entraîne un placement en retenue douanière de l’infracteur, donne lieu à une dénonciation à Parquet et très souvent à une enquête judiciaire en flagrance, très souvent menée par le Service national de la douane judiciaire (SNDJ). »

Enfin, et comme pour toutes les activités illicites, il est impossible d’interpréter les chiffres des saisies de manière relative, c’est-à-dire de les mesurer au volume du trafic sur le territoire national et donc de mesurer la contribution exacte de la douane à l’affaiblissement des systèmes criminels.

Sur un plan plus technique, la Cour critique le mode de comptabilisation par la douane de ses saisies de stupéfiants qui intègrent les saisies opérées par des services à l’étranger sur la base des informations qu’elle leur a fournies (une lettre officielle de reconnaissance de cette contribution est nécessaire pour cette prise en compte), alors que l’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) ne compte que les saisies réalisées sur le territoire national.

Interrogée sur ce point par les rapporteurs, la douane a fait la réponse suivante : « En matière de restitution des résultats des saisies de produits stupéfiants, la Cour relève que le bilan publié par la douane n’est pas cohérent avec les données de l’OCRTIS.

Or, la base OSIRIS gérée par l’office ne reprend que les saisies effectuées sur le territoire national ; en cela, elle est en phase avec la mission de l’OCRTIS qui est de diligenter des enquêtes sur le territoire national et de démanteler des réseaux de trafiquants basés ou ayant des intérêts en France, conformément au principe de territorialité de la loi pénale.

L’action de la douane, police des marchandises, est d’une autre nature puisqu’elle vise à protéger le territoire national et communautaire contre l’importation de marchandises prohibées.

Les affaires réalisées à l’étranger (ARE) ne sont pas comptabilisées par l’OCRTIS au motif qu’elles ne donnent pas lieu à l’ouverture d’une information judiciaire sur le territoire national. Or, dès lors qu’une saisie de produits stupéfiants est réalisée à l’étranger (essentiellement en Europe), la marchandise est retirée du marché et détruit ; une enquête judiciaire visant à démanteler l’organisation de fraude est ensuite engagée par la juridiction compétente.

Dans le nouveau dispositif de validation des ARE applicable dès cette année, la destination finale de la marchandise est un élément essentiel de recevabilité du dossier qui a semblé plus pertinent que le pays d’engagement des poursuites judiciaires.

En outre, ce mode opératoire permet incidemment un rapport particulièrement favorable entre les résultats obtenus et les moyens engagés, dans la mesure où les opérations dispendieuses (procédure de saisie, stockage, destruction...) sont réalisées par l’État dans lequel la marchandise est saisie. L’efficience budgétaire des opérations menant à des ARE est donc nettement supérieure à celle aboutissant à des saisies sur le territoire national.

La douane est tout à fait favorable à engager une réflexion afin de mettre en cohérence son bilan et celui de l’OCRTIS et souhaite même en prendre l’initiative. Mais le seul objectif de cohérence des bilans ne doit pas conduire à dévaloriser les ARE dont l’efficacité LCF ne peut être contestée.

La douane a donc étendu son action au-delà des frontières nationales, non pour améliorer la présentation de ses résultats, mais bien pour renforcer son efficacité, réduire les risques opérationnels de perte d’objectif ou de dilution des trafics et, enfin, protéger au mieux ses sources.

Enfin, depuis 2014, l’administration des douanes adresse à l’OCTRIS ses résultats en matière de stupéfiants en distinguant les saisies réalisées sur le territoire national de celles opérées à l’étranger. »

Les rapporteurs souscrivent à cette analyse mais ils observent que ce mode de comptabilisation des saisies conduit inéluctablement à des doubles comptes au niveau européen car les services partenaires de la douane française ne retraitent pas dans leurs statistiques d’activité les saisies opérées sur information française.

Les contrefaçons donnent aussi essentiellement lieu à des observations techniques portant sur la comptabilisation des objets saisis. La Cour regrette ainsi la rusticité de l’indicateur en nombre d’objets qui agrège toutes sortes de choses différentes. Interrogée par les rapporteurs sur ce point, la douane a répondu que cet indicateur était normalisé au niveau européen y compris à un niveau de détail important (mode de comptabilisation des plaquettes de médicaments contrefaits), qui permettait des comparaisons fondées.

En revanche, la suppression de l’indicateur portant sur les contrefaçons en valeur semble pertinente aux yeux des rapporteurs, du fait de la difficulté à valoriser les articles saisis dont une proportion importante n’existe pas sur le marché de l’authentique.

La Cour n’a pas remis en cause la méthode de valorisation (en millions d’euros) des saisies de stupéfiants utilisée par l’indicateur de la loi de finances alors que la douane communique habituellement sur les saisies en volume.

Enfin, la Cour n’a pas non plus contesté la pertinence de l’indicateur en poids de tabac de contrebande saisi dont l’homogénéité repose sur l’identité d’utilisation par les circuits licites et illicites.

Les rapporteurs relèvent aussi que la Cour n’a pas commenté les deux indicateurs associés à l’objectif de lutte contre la fraude douanière et portant d’une part sur le nombre total de contentieux à enjeu de lutte contre la fraude, d’autre part sur le nombre de contentieux de protection du consommateur.

Le premier indicateur totalise le nombre de dossiers contentieux significatifs réalisés dans les secteurs des stupéfiants (saisies de plus de 500 euros), des tabacs (saisies de plus de 2 000 euros ou 8 kg), des contrefaçons (saisies de plus de 100 articles), des manquements à l’obligation déclarative de sommes, titres ou valeurs lors du franchissement de frontières intra ou extracommunautaires (montant des sommes en jeu supérieur à 37 000 euros), des armes de guerre ou de défense (saisies de plus de deux armes) et des articles saisis dans le cadre de la Convention de Washington sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction (saisies de plus de 50 articles).

Le second comptabilise les infractions aux normes techniques, sanitaires, de santé et phytosanitaires. Il reprend également les fiches de dessaisissement établies par les services lors du contrôle des denrées alimentaires présentes dans les bagages des voyageurs et lors du contrôle du fret express et postal.

Enfin, l’indicateur mesurant l’efficacité du ciblage des contrôles de la douane, défini comme le ratio entre, d’une part, le nombre de dossiers contentieux ayant donné lieu à pénalités réalisés sur des déclarations en douane mises sous contrôle et, d’autre part, le nombre total de déclarations en douane mises sous contrôle, affiche aussi une évolution intéressante puisque la performance a quadruplé entre 2009 et 2014, même si elle semble atteindre un plafond depuis 2013.

ÉVOLUTION DE L’EFFICACITÉ DES CONTRÔLES DOUANIERS

(Nombre de contentieux pour 10 000 déclarations mises sous contrôle)

Source : DGDDI.

S’agissant de la lutte contre la fraude fiscale, la Cour a fait part de son scepticisme sur le volontarisme de la douane à combattre la fraude à la TVA, ce que cette dernière a contesté en réponse à une question des rapporteurs dans les termes suivants : « La douane a bien pris en compte la nécessité d’orienter son action dans les domaines à forts enjeux pour les finances publiques. Depuis 2014, la note de cadrage unique (NCU) oriente prioritairement les services douaniers sur les contrôles portant sur des enjeux fiscaux et financiers, notamment en matière de minoration de valeur en douane, de manquement à l’obligation déclarative, de fiscalité énergétique, de contributions indirectes et de TVA (notamment en régime 42). Ces priorités sont reprises, au plan local, dans les documents d’orientation régionale (DOR). Cette prise en compte de l’importance de la fraude fiscale se traduit dans les chiffres : le nombre de contentieux purement fiscaux ne cesse de progresser (16 406 en 2012, 18 804 en 2013 et 19 627 en 2014). »

L’indicateur de la loi de finances associé à la lutte contre la fraude fiscale est le montant des droits et taxes redressés.

La Cour qualifie la progression de cet indicateur de « plus lente et régulière que les autres statistiques douanières, davantage tributaires des aléas de l’activité des douanes ».

REDRESSEMENTS SIGNIFIÉS PAR LA DGDDI

(en millions d’euros)

 

2011

2012

2013

2014

Montant redressé (réalisé)

265

294

322,7

357

Progression

 

+ 11 %

+ 9,8 %

+ 10,6 %

Dont droits de douane et assimilés

30

33

29

NC

Dont TVA à l’import (hors produits pétroliers)

137

148

155

NC

Source : PLR 2013, RAP programme 302.

La Cour estime que les redressements issus de la lutte contre la fraude et les trafics portent pour l’essentiel sur les droits de douane et la TVA à l’importation, qui représentent un peu plus de la moitié des redressements, le solde se rattachant aux autres missions fiscales de la douane qui ne rentrent pas dans le champ de la présente évaluation.

Interrogée par les rapporteurs, de manière un peu provocatrice, sur la faiblesse du ratio entre les recettes perçues et les redressements opérés (357 millions de redressements sur un montant total de 69 milliards de recettes recouvrées, soit un ratio de 0,5 %), la douane a contesté cette approche en relevant que la sécurisation des recettes perçues était un objectif en soi qui était activement recherché grâce à une politique de prévention et d’accompagnement des entreprises : audits, agréments, autorisations spécifiques.

La douane relève aussi la spécificité des prélèvements dont elle a la charge, constitués notamment de la fiscalité énergétique et décrit ses efforts particuliers dans ce domaine dans les termes suivants : « L’action conduite en matière de fiscalité énergétique est particulièrement éclairante à cet égard. Dans ce secteur à très forts enjeux fiscaux, la douane est confrontée à un petit nombre d’opérateurs qui, pour la plupart d’entre eux, ont été préalablement certifiés opérateurs économiques agréés. La démarche de sécurisation des perceptions sur les importations de carburant a ainsi permis de percevoir de très gros montants en recettes, tandis que le volet contrôle se réduit à des vérifications de régularité ne donnant pas lieu à des redressements du même ordre de grandeur. La sécurisation des perceptions est permise par la connaissance des opérateurs que la douane accompagne dans des démarches de certification. Les contribuables sont identifiés et s’inscrivent dans une démarche de coopération. »

La douane relève aussi qu’il convient d’ajouter au montant des redressements qu’elle a elle-même notifiés, ceux qui l’ont été par la DGFIP sur la base des informations qu’elle lui a transmises et qui s’élèvent à 123 millions d’euros en 2014, montant confirmé par la DGFIP aux rapporteurs.

La Cour affirme enfin qu’il conviendrait de compléter cet indicateur par le montant des droits effectivement recouvrés afin d’évaluer la réelle portée budgétaire de cette action. Le syndicat UNSA douanes a contesté cette suggestion en alertant sur le risque de voir l’action de la douane se polariser sur les seuls fraudeurs jugés solvables, laissant en quelque sorte les autres dans l’impunité. Les rapporteurs ne souscrivent pas à cette crainte, d’autant que ce nouvel indicateur s’ajouterait à l’actuel et ne s’y substituerait pas et que, par ailleurs, un fraudeur insolvable peut faire l’objet d’une procédure judiciaire et pénale. Les rapporteurs considèrent donc que l’indicateur de performance peut être utilement complété.

La douane a d’autant moins de raison de craindre la publication de ces chiffres, qu’ils sont en progrès significatifs puisque les taux de recouvrement des créances contentieuses sont passés de 44 % en 2011 à 56 % en 2012, 61 % en 2013 et 68 % en 2014.

C. L’ADAPTATION DU RÉSEAU TERRITORIAL EST INÉVITABLE

À l’échelon de base, les agents de la surveillance sont répartis entre 214 brigades terrestres et 45 brigades aéronavales. Les agents des opérations commerciales gèrent 179 bureaux de douane, 76 services de contributions indirectes et 41 recettes.

Le nombre des implantations douanières a diminué de 18 % entre 2010 et 2014 ; huit implantations ont été supprimées en 2014, portant leur nombre à 925 implantations en tout. La diminution du nombre de sites traduit les opérations de restructuration de services et la rationalisation des implantations immobilières pour se conformer à la politique immobilière de l'État.

Le projet annuel de performances pour 2015 indique que les surfaces SUN occupées par les services ont diminué de 3 % entre 2013 et 2014 alors que les surfaces SUN domaniales diminuaient de 1,7 % durant la même période. La direction des douanes privilégie autant que possible les implantations dans des locaux domaniaux.

La Cour des comptes constate que la centralisation géographique progressive et la dématérialisation du dédouanement permettent une concentration des opérations sur les principaux points d’entrée et de sortie du territoire, ce qui rend possible la reconfiguration des unités des opérations commerciales se consacrant au dédouanement comme celle des unités de surveillance.

Cette évolution du dispositif est inscrite dans le plan stratégique Douane 2018, mais de manière trop progressive selon la Cour, qui considère qu’il convient de relancer le processus de réorganisation.

De même, au niveau de base, le plan stratégique prévoit de resserrer le réseau comptable, pour parvenir à une recette par direction interrégionale, ce qui entraîne une réorganisation importante des implantations. Cette mesure s’accompagne de la généralisation du télépaiement pour les opérateurs.

1. Poursuivre la réorganisation du réseau en maintenant la couverture de surveillance du territoire

La Cour des comptes note que la douane est toujours implantée dans tous les départements, sauf deux. Aussi, considère-t-elle que plusieurs bureaux sont inutiles, que 90 brigades, sur un total de 214, manquent d’efficacité du fait de leur faible effectif (une vingtaine d’agents) et de leur positionnement géographique écarté des points ou voies touchés par les trafics et fraudes.

Elle considère également que les moyens d’action des brigades isolées à effectif réduit ne répondent plus aux attentes dans un contexte d’évolution des méthodes et ne peuvent mobiliser les moyens techniques de recherche et de fouille qui permettent d’optimiser l’action.

Le projet stratégique de la douane prévoit une mesure intitulée « regrouper certaines brigades pour augmenter leurs capacités opérationnelles » : l’administration considère en effet que les regroupements sont aujourd’hui indispensables pour mettre en œuvre les nouveaux schémas tactiques d'intervention en préservant la sécurité des agents. L’objectif est de concentrer les unités douanières sur les grands axes de passage et de flux du commerce international.

La DGDDI conduit depuis 2013 une réflexion sur le bon positionnement des unités de terrain pour obtenir la meilleure efficacité. Cependant les schémas de réorganisation n’utilisent guère d’éléments prospectifs sur l’évolution des courants de fraudes et de trafics ; de plus ils semblent hésiter entre différentes logiques de « couverture géographique » ; enfin, ils montrent une attention très grande à effectuer une réorganisation pragmatique, refusant des « modèles standards ». Aussi l’appréhension d’une dynamique par l’évaluateur extérieur est-elle difficile.

La réorganisation, il faut le reconnaître, se heurte à d’importantes oppositions tant internes à l’administration qu’extérieures, avec la réticence des élus locaux et des collectivités à accepter la fermeture des brigades. Toutefois, après deux années de préparation, un projet de carte des modifications territoriales a été validé au niveau ministériel et va être soumis à la concertation locale associant élus, préfets, agents et représentants du personnel.

Les rapporteurs prennent acte de la nécessité d’adapter le réseau de surveillance territoriale aux nouvelles méthodes de recherche et de contrôle. Ils estiment nécessaire que l’attention soit portée au maintien d’une « couverture » de surveillance du territoire, sous une forme renouvelée, assurée par des brigades au format adapté à ces nouvelles méthodes. Même si l’objectif d’un contrôle de tous les transits relève de l’utopie, aucune partie du territoire ne doit être laissée à l’écart de la surveillance terrestre.

Il convient de souligner que la nouvelle organisation de la surveillance routière, fondée sur des centres opérationnels douaniers terrestres (CODT) au rayon d’action élargi, qui entre en vigueur de manière très progressive avec le centre opérationnel expérimental de Bordeaux, apportera une expérience très importante pour envisager les évolutions futures de la surveillance terrestre.

2. Un dispositif aéro-maritime très consommateur de moyens

Ce dispositif mobilise 850 emplois et la majeure partie des crédits d’investissement alors que ses résultats sont plus que modestes, selon les termes de la Cour, et que le parc naval est très dégradé. La Cour reconnaît toutefois que, en dehors de la lutte contre la fraude, la douane assume des missions relevant de l’action de l’État en mer comme la police des pêches, la lutte contre l’immigration clandestine ou les pollutions, mais elle appelle de ses vœux une clarification de cet état de fait et prône, dans cette attente, un moratoire sur le renouvellement des moyens aériens et navals.

La direction générale des douanes et droits indirects souligne que l’activité de la douane en mer est polyvalente de même que ses moyens, et que les coûts d’heures du dispositif aéromaritime sont faibles alors que les missions sont multiples, en cohérence avec le schéma global de la fonction garde-côtes sous l’égide du Secrétariat général de la mer (5).

Elle indique que la performance douanière en matière de lutte contre la fraude en mer doit néanmoins être renforcée, en adaptant l’organisation et l’interopérabilité des moyens de la douane avec les autres acteurs de l’action de l’État en mer.

La douane poursuit plusieurs programmes de modernisation de ses moyens, avec l’acquisition de vedettes de surveillance rapprochée, de vedettes et patrouilleurs garde-côtes aptes à exercer les missions de surveillance dans l’ensemble de la zone économique exclusive (200 milles nautiques), d’avions équipés de systèmes multi-missions de surveillance maritime et de détection des pollutions et d’un nouveau patrouilleur méditerranéen en capacité d’exercer les missions de surveillance des frontières extérieures sur une zone large. De même, la douane améliore l’intégration des données qu’elle collecte dans le système de la Marine nationale et dans les préfectures maritimes.

À titre de comparaison, il peut être souligné qu’aux Pays-Bas, la douane ne dispose pas de navires en propre, mais peut utiliser les embarcations d’autres services en cas de besoin. Cette solution radicale ne convient pas à notre pays dont la façade maritime est très grande et témoin d’un grand nombre de trafics, y compris de trafics humains.

En revanche, l’adaptation des moyens matériels aéromaritimes doit être repensée, en coordination avec les autres administrations de l’État.

D. ACCÉLÉRER LA MODERNISATION DES MÉTHODES DE TRAVAIL DANS LE RESPECT DU DIALOGUE SOCIAL

Les méthodes de la douane connaissent depuis plusieurs années des évolutions importantes, notamment avec la montée en puissance du ciblage. Ces évolutions comportent des conséquences sur la répartition des agents entre les deux branches de la douane, comme on l’a vu, mais aussi sur l’organisation territoriale, sur le niveau choisi pour le pilotage des actions, et également sur les fonctions et les métiers.

1. La montée en puissance du ciblage nécessite des moyens humains et matériels adaptés

Le ciblage, c’est-à-dire la création de profils automatisés de risque sur la base des déclarations en douane, est effectué aux différents niveaux de compétence, de l’échelon national à l’échelon local. Cette méthode de contrôle est apparue aux Pays-Bas, qui ont considéré que la performance des opérations de contrôle ne pouvait désormais reposer que sur un traitement adapté des données de masse. La plupart des douanes européennes ont ensuite adopté cette méthode.

Dans ce pays, son usage s’est appuyé sur les centres de contrôle (customs centers) chargés à la fois de réaliser des analyses de risque (système du scoring), de créer des profils de marchandises ou d’opérateurs à risque et de programmer les contrôles pour les services de terrain. Ces derniers n'ont donc plus d'initiative sur les contrôles qu'ils réalisent. Les centres de contrôle effectuent en temps réel une évaluation de la pertinence des profils de risque et les modifient au regard des résultats obtenus. Ces centres fonctionnent également comme services « support » pour les unités de terrain. Chaque centre intègre un PC opérationnel qui assiste en temps réel les équipes de contrôle sur le plan réglementaire mais également opérationnel (ils peuvent les assister en cas d'incident).

La douane française élabore un outil qui s’apparente à ces centres avec le centre opérationnel douanier terrestre en développement à Bordeaux et le projet de SARC évoqué plus loin, avec cependant une différence, car les douanes néerlandaises ont fait le choix d’un ciblage quasi complètement programmé et informatisé des contrôles, ce qui n’est pas le cas en France.

a. La création du Service d'analyse de risque et de ciblage (SARC) prévue en 2016

Le SARC, qui devrait être localisé en Île-de-France, sera en charge de la production de l'intégralité des analyses de risque et des études portant sur l'avant dédouanement, le dédouanement et la fiscalité.

Il s’agira d’un service à vocation directement opérationnelle, qui procédera à l’intégration des profils de ciblage dans l'outil Risk management system (RMS) et effectuera le pilotage des contrôles ex post grâce à l’orientation des dossiers vers les services intéressés par le type de risque préalablement identifié.

Le SARC sera composé de cinq cellules de travail spécialisées : sûreté-sécurité, protection des intérêts financiers, protection du consommateur, datamining et fiscalité.

La mise en place de cette mesure est accompagnée d’échanges avec les services qui entreront dans la définition du champ d’intervention du futur SARC ainsi que sur son articulation avec les autres services douaniers et correspondants extérieurs : services centraux, grandes plateformes aéroportuaires, notamment. Au niveau régional, la déclinaison du service se fera en cellules de renseignement et d’orientation des contrôles (CROC).

b. Le projet API-PNR France

Cet important projet a pour objectif l’exploitation des données API (Advanced passenger information) et PNR (Passenger name record) afin de prévenir, détecter et poursuivre plus efficacement les actes de terrorisme et les formes graves de criminalité.

Il est conduit par une mission interministérielle (Finances, Intérieur, Défense et Transports) créée à l'initiative du Premier ministre en juillet 2011. La DGDDI participe à ses travaux et met à disposition les moyens techniques, financiers et humains nécessaires à la bonne conduite du projet.

L’Unité d'information passagers (UIP), service à compétence nationale placé auprès de la direction générale des douanes, sera chargée de la mise en œuvre, de la collecte, du traitement et de la diffusion des données provenant des compagnies aériennes. Les fonctionnalités développées comporteront différents types de ciblage : ciblage de précision, ciblage personnalisé, ciblage de masse, criblage enfin, qui permettra à terme à la douane d'effectuer un rapprochement des données collectées par le système avec des données extraites du SILCF (fichier des antécédents douaniers et de mise en attention).

Seront également effectuées des recherches multicritères, qui permettront l'obtention d'informations sur des vols effectués par des personnes ou des objets à partir de critères combinés, ainsi que leur visualisation, qui permettra, dans un cadre strictement défini, à un utilisateur de terrain de consulter les données sans pouvoir ni les enregistrer ni les traiter. La visualisation viendra compléter utilement la fonction ciblage de précision.

La France a adopté un cadre juridique temporaire pour le PNR France avec la loi de programmation militaire 2014-2019. Son article 17 (article L. 232-7 du code de la sécurité intérieure) prévoit la création d’une UIP, l'obligation pour les compagnies aériennes de transmettre leurs données API et PNR et la collecte et l’utilisation de ces données à des fins de lutte et de prévention contre le terrorisme, les crimes graves et les atteintes aux intérêts supérieurs de la Nation (6).

Son application aura lieu du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2017, date pour laquelle le cadre juridique définitif devra être adopté.

Au niveau communautaire, les discussions relatives au projet de directive PNR, présenté en février 2011 par le Conseil et la Commission, se poursuivent afin de parvenir à un texte définitif à la fin de l’année 2015.

L’unité d’information « passagers » serait administrativement ouverte en septembre 2015 avec plus d'une vingtaine d’agents, dont une dizaine de douaniers, dans les locaux de Roissy pour une montée en charge progressive jusqu’à son ouverture opérationnelle en janvier 2016. À terme, il est prévu d’affecter plus d’une vingtaine de douaniers au sein de l’Unité d’information passagers.

2. Quelle évolution en ce qui concerne le pilotage et l’organisation de la surveillance et des contrôles ?

L’importance croissante du ciblage, comme le développement de nouveaux dispositifs d’organisation et techniques, conduit à une modification du pilotage. Il conviendra cependant de trouver un équilibre efficace entre un pilotage et une orientation des contrôles définis au niveau national et la part d’initiative à confier aux autorités proches du terrain.

a. L’expérimentation de nouvelles organisations de surveillance et de contrôle

Une expérimentation de surveillance routière a été lancée en 2014 à Bordeaux, couvrant trois départements à partir d'un centre opérationnel douanier terrestre (CODT) : son objectif premier est de progresser dans le pilotage « zonal » des unités de surveillance terrestres en testant un certain nombre de dispositifs organisationnels et techniques.

Le centre opérationnel expérimental, qui comporte 18 agents et un responsable de catégorie A à sa tête, pilote les unités présentes sur le terrain, y compris la police ou les SDIS, pour assurer des contrôles dynamiques performants. Le CODT prend le commandement opérationnel dans les cas imposés par l'urgence tels que les plans d'alerte, la gestion et l’interception des « hits Lapi » (7) ou encore les opérations interrégionales d'ampleur.

La coopération se base sur un partage de l'information en temps réel grâce au déploiement de nouveaux matériels de radio et de géolocalisation.

Le bilan de cette expérimentation est apprécié positivement par la direction nationale, considérant qu’elle permet de créer un réseau fiable et pérenne. Elle rompt le sentiment d'isolement des équipes déployées sur le terrain et leur donne une visibilité dans l'action.

Selon la direction, la sécurité des agents sur le terrain se trouve renforcée par le CODT, les agents bénéficiant d'un suivi permanent et d'une assistance en temps réel des moyens engagés grâce aux outils de géolocalisation et de cartographie.

D’autres CODT devraient être déployés à Lille, Metz, Lyon, Marseille et Paris avant fin 2016, et seront un apport à la lutte antiterroriste.

b. Vers un pilotage centralisé accru ?

Le projet stratégique pour la douane (PSD) a visé dans un premier temps à transférer du niveau régional vers la direction interrégionale la fonction de pilotage et d'orientation des contrôles, avec la création de cellules interrégionales de programmation des contrôles (CIPC). Ce mouvement d'inter-régionalisation s’est heurté à la forte opposition des organisations syndicales et des agents.

À la place, a été posé le principe d’un interlocuteur unique régional en lien avec le futur SARC : les cellules de renseignement et d’orientation des contrôles (CROC) vont devenir des « cellules régionales de programmation des contrôles » (CRPC). Elles ne réaliseront plus d’analyse de risque, contrairement aux anciennes cellules, mais il leur incombera de recenser les besoins des services régionaux en la matière et de les transmettre au SARC. Les cellules régionales devront veiller à la bonne prise en compte à l’échelon local des contrôles programmés au niveau national, ainsi qu’à l’efficacité des ciblages et au suivi des résultats.

L’équilibre est donc à construire entre une capacité accrue des inter-régions à piloter et coordonner l'action des services, et le maintien d’un pilotage régional, veillant à mener des contrôles répondant aux enjeux territoriaux et en assurant une chaîne des contrôles optimale.

Les rapporteurs considèrent que le ciblage passe par un pilotage national important, dont l’équilibre pourrait consister en une définition des orientations du contrôle faite en grande majorité en fonction de l’analyse des données au plan national, avec une marge d’initiative locale. La « spontanéité » des contrôles n’est en effet pas optimale pour donner la plus grande efficacité à la lutte contre les fraudes et les trafics.

c. Améliorer la chaîne des contrôles

Le rapport de la Cour des comptes aborde la question également importante au plan logistique de la chaîne des contrôles, soulignant qu’elle doit être améliorée. Cette chaîne comporte le renseignement (notamment celui opéré par la direction du renseignement douanier de la DNRED), l’analyse de risque portant sur les renseignements collectés et sur les flux de marchandises dédouanées, et enfin le ciblage.

L’organisation de la chaîne des contrôles est morcelée et ne donne pas entière satisfaction, car, comme on l’a vu, les différents niveaux de compétence de la douane procèdent à leur ciblage et il peut y avoir redondance des contrôles pour un seul opérateur.

Les rapporteurs prennent acte des remarques de la Cour ayant pour objet la recherche d’un équilibre plus satisfaisant entre les différentes phases du processus – dédouanement, contrôles avant dédouanement et contrôles ex post. Il est important que le rôle et la valeur ajoutée des cellules régionales de pilotage des contrôles (CRPC) soient précis et clairs, afin d’éviter les hésitations constatées à propos du rôle et de l’apport des CROC.

3. Accompagner l’évolution des fonctions et des métiers en donnant la priorité aux recrutements et à la formation

La Cour recommande une plus forte spécialisation des fonctions et des métiers, considérant que les différents types de trafics détiennent chacun leur particularité et leurs règles de droit applicables. Cette observation conduit à préconiser un recrutement davantage fondé sur les profils nécessaires à l’accomplissement des missions en lien avec la transformation des échanges et des trafics.

La DNRED et le SNDJ ont déjà commencé à recruter, sur des postes à profil, des agents spécialisés. La Cour pose la question de l’extension de ce recrutement à profil pour les services chargés des opérations commerciales ou de la surveillance.

Pourtant, l’évidence d’un changement de nature des trafics et des fraudes ne s’impose pas. Les produits qui font l’objet des trafics et des fraudes – stupéfiants, armes, tabac, contrefaçons – sont plutôt stables. Les changements intervenus tiennent davantage aux méthodes de fraude, liées à l’évolution de l’organisation des réseaux de criminalité opérant dans différents domaines à la fois et dont les origines et les voies géographiques bougent.

Au premier abord, les effectifs douaniers ne semblent pas assez nombreux pour pouvoir créer des spécialisations au sein des deux branches d’activité de la douane. Le risque serait de manquer d’agents spécialisés dans tel ou tel domaine en certains points du territoire, ou de ne pas pouvoir mettre en œuvre une mobilité et une polyvalence suffisantes lors de changement de priorité. En outre, la spécialisation est déjà une réalité en matière économique et financière.

Par contre, le recrutement d’informaticiens et d’analystes de données, comme de techniciens pour le matériel logistique sophistiqué s’impose de toute évidence.

Les recommandations de la Cour portant sur le régime de travail dans les aéroports et en particulier à Roissy soulèvent certainement des questions d’aménagement importantes. Néanmoins elles paraissent davantage relever du dialogue social. En effet, les syndicats entendus par les rapporteurs font valoir que, si a priori la présence d’agents entre minuit et cinq heures du matin semble inutile alors qu’il n’y a pas de vol commercial la nuit, beaucoup d’autres considérations entrent en ligne de compte : vols résiduels ou retardés, maintien d’une sécurité des locaux et des armes de service, préparation de l’activité liée aux vols du matin.

4. Un dialogue social à reconstruire avec une réciprocité des efforts

Selon la Cour, la douane se heurte à un blocage des organisations syndicales dans ses efforts de réforme du réseau territorial : « le dialogue social est en panne à la DGDDI depuis deux ans et les projets de réformes se heurtent à une forme de boycott depuis 2012 : la participation des organisations syndicales aux groupes de travail est sporadique. Il en résulte un enlisement : aucune structure n’a été fermée depuis 2012. ».

Le lancement de la démarche de projet stratégique, en décembre 2012, par les ministères concernés, a suscité de vives réactions de la part des syndicats douaniers, qui ont posé des préalables à la concertation : un moratoire sur les suppressions d'emplois et l’inscription de la douane dans les administrations budgétairement prioritaires, un moratoire sur les réorganisations de services, ainsi que l’arrêt de la baisse des crédits.

Le contexte de diminution continue des emplois au sein de la DGDDI pendant dix ans et de réorganisation permanente des services depuis 1993 explique la position ferme des organisations syndicales, qui ont fait part aux rapporteurs de leur méfiance et leur incompréhension face à une nouvelle démarche de réforme. Le climat social s’est donc fortement dégradé, aboutissant à une forte mobilisation lors du préavis de grève lancé en mars 2014, à l’initiative de l'intersyndicale douanière : plus de 45,74 % de grévistes au plan national, et une mobilisation inhabituelle des cadres supérieurs douaniers.

L’administration a fait évoluer son projet à la suite de ce mouvement social, en adoptant un schéma d'emploi un peu plus favorable : la diminution porte sur 250 postes au lieu des 360 prévus (8). Par ailleurs, deux mesures du projet stratégique pour la douane étaient retirées. Doit être souligné aussi l’aboutissement positif des négociations relatives à l’accompagnement social et financier des personnels dans le cadre de la réorganisation.

La mobilisation des partenaires sociaux demeure cependant forte sur la baisse des moyens et des effectifs ainsi que sur les questions soulevées par le rapport de la Cour des comptes.

Les rapporteurs soulignent la nécessité de rétablir un dialogue social régulier et constructif, prenant acte de la reprise de la concertation au cours des dernières semaines. De nombreux facteurs ont rendu et rendent l’accomplissement des missions difficile : la croissance des flux d’échanges et la démotivation qui peut être ressentie face à la limitation des moyens, le retard des moyens informatiques et des moyens logistiques, le sentiment d’une perte d’autonomie à mesure que l’analyse de risque est produite par la direction régionale et limite la décision quant aux dossiers contrôlés, notamment. La priorité doit être donnée à la mise à niveau des moyens techniques et logistiques. Enfin, il est important d’accompagner la réorganisation des brigades de mesures sociales permettant le déménagement des agents et de leur famille vers le lieu des brigades renforcées dans de bonnes conditions.

5. La remise à niveau de la logistique et des équipements : une priorité de premier rang

Pour le contrôle du flux de marchandises dans les ports ou par le vecteur terrestre, la comparaison des équipements de scannérisation des marchandises est très défavorable à la France, notamment par rapport aux matériels mis à la disposition de la douane néerlandaise dans le but de rendre les contrôles à la fois rapides et systématiques.

Ainsi le port de Rotterdam est équipé dans les deux zones de contrôle douanier de quatre scanners fixes, d'un trainscan qui peut scanner l'intégralité d'un train circulant à 60 kilomètres/heure, d'un backscatter et de scanners mobiles. Le nouveau terminal « Maasvlakte II » sera équipé d'un scanner de dernière génération entièrement automatisé qui permettra d'inspecter jusqu'à 150 conteneurs par heure (contre 20 en moyenne pour les scanners classiques).

Ce port a également été équipé d’un scanner corporel millimétrique, de 42 portiques de radiodétection qui permettent de contrôler pratiquement 100 % des conteneurs (les dernières données disponibles font état de 6 871 532 contrôles et de 86 258 hits). Enfin, la douane néerlandaise dispose d'un véhicule de radiodétection et de moyens de contrôle portatifs de radiodétection.

Même si la douane française a de bons résultats eu égard à ses moyens, et confère un rôle plus important à l’exploitation du renseignement notamment humain, il serait nécessaire de renforcer de manière décisive les moyens de scannérisation des ports du Havre et de Marseille, ainsi que de l’aéroport de Roissy.

La DGDDI n’a actuellement qu’un scanner fixe sur le port du Havre, le Cycoscan, qui présente des dysfonctionnements ; la douane implantée sur le port doit mobiliser pour les contrôles deux des quatre scanners mobiles dédiés à la surveillance terrestre.

Pour réaliser tous les contrôles terrestres, la douane française n’a été équipée que de quatre camions scanners mobiles spéciaux, ce qui est insuffisant d’autant plus que ces matériels connaissent des difficultés administratives de positionnement sur les sites de contrôle.

Une remise à niveau des équipements s’avère indispensable pour pallier la baisse des effectifs des dix dernières années et remédier au faible taux actuel de contrôle des conteneurs ou des colis dans les ports et aéroports.

Les moyens de surveillance terrestre doivent également être étoffés et modernisés en ce qui concerne les scanners et les moyens de radio. Ainsi que le déplorent les représentants des syndicats de la douane entendus par les rapporteurs, les moyens de radio utilisés par les agents de la surveillance terrestre sont insuffisants, ce qui porte atteinte à leur sécurité au cours des opérations.

6. L’amélioration des systèmes d’information : la condition de toute démarche de progrès

La Cour dresse un constat sévère sur la situation des systèmes d’information de la douane en soulignant l’insuffisante urbanisation et interconnexion du portefeuille applicatif qui compte environ 120 systèmes d’information différents, une certaine vulnérabilité à la sécurité des données, une planification insuffisamment rigoureuse du développement des projets et une trop faible priorisation budgétaire.

La lourdeur de l’utilisation des applications « métiers » est un handicap sérieux dans l’activité quotidienne des agents des douanes, comme l’a relevé de manière un peu désabusée le syndicat CFDT douane dans sa contribution écrite à la discussion relative au projet stratégique : « La multiplication des applications douanières rend impossible toute utilisation efficace. Plus grave encore, eu égard aux annonces de volonté de reconquête du dédouanement, la réalité vient miner cette ambition : les télé-services sont vieillissants et les moyens disponibles pour leur modernisation inexistants ce qui risque bien de faire fuir les opérateurs. L’informatique douanière ne suit plus et l’organisation des projets informatiques engendre des gâchis monumentaux (absence de synergie entre les projets, remise en question permanente de ces derniers, recours à des prestataires hors de prix incompétents ou non pilotés,...).

Un agent vérificateur assurant une veille écran peut avoir à consulter plus de 20 applications différentes (DELTA C, DELTA D, RITA, ROSA, TRIGO, BANACO, SIL, ROC, SIV,…). Ceci génère des contraintes et un manque de lisibilité (ergonomie et structure des applications différentes, impossibilité de passer d’une application à l’autre…).

Les informations redondantes ne sont pas dupliquées sur les différentes applications, nécessitant ainsi des saisies multiples (avec les erreurs inévitables).

Le manque d’ergonomie des applications, qui n’ont pas toujours été conçues en tenant compte des avis utilisateurs, est un frein à leur utilisation efficace.

Très peu de didacticiels ou modes d’emplois sont disponibles sur ces applications. La plupart des modules ne sont que des inventaires détaillant les rubriques, sans préciser et expliciter leur utilisation.

Les données transmises entre applications inter-connectées sont incomplètes (Ex Delta C, Delta Archivage). Dans ces conditions, il est impossible pour les services de supervision ou d’enquête de posséder des informations fiables.

Les services n’ont aucune visibilité sur l’architecture générale des systèmes. Il est impossible d’avoir connaissance des bases impactées par chaque application et de déterminer les interactions entre celles-ci. Par exemple, il est impossible de connaître les informations récupérées automatiquement par DELTA C ou D, celles qui sont automatiquement vérifiées et de voir les bases qui ont été modifiées. En outre, les applications DELTA n’effectuent aucune recevabilité et de nombreux contrôles de cohérence ne sont pas effectués, obligeant les vérificateurs à se substituer à la machine. L’identification des anomalies et des incohérences se fait de manière empirique au fur et à mesure des constatations.

Le plan stratégique ne prend aucunement en compte cette problématique de cohérence et d’interconnexion des applications, d’amélioration des contrôles automatiques, permettant de soulager les services de contrôles qui pourraient ainsi se consacrer directement au trafic et à la marchandise. »

Le plan stratégique affichait pourtant de bonnes intentions dans les termes suivants : « L’informatique douanière continuera à être clairement au service de ses usagers, opérateurs et douaniers, en poursuivant un double objectif de simplification et de dématérialisation, tant des documents que des procédures. Outre l’accompagnement des grands projets d’automatisation, les services informatiques s’efforceront de proposer toujours plus d’outils au service de l’efficience des agents (datamining, mobilité, services collaboratifs, moteur de recherche intégré, gestion électronique de documents » et la mesure 26 consistait à « faire du système d’information (SI) un axe prioritaire dans la stratégie de la douane à horizon 2018 ».

Sur un plan budgétaire, selon les éléments fournis aux rapporteurs par la douane, le plan triennal (2014-2016) d’évolution des effectifs prévoit un renforcement de 25 ETP sur la fonction informatique dans sa globalité (assistance à maîtrise d’ouvrage, pilotage de projets, développement, production, maintenance, support, assistance aux utilisateurs, etc.). De plus, le niveau d’autorisations d’engagement a été augmenté en 2014 de plus de 30 % (41 millions d’euros en 2014 contre 31 millions d’euros en 2013), avant une légère nouvelle hausse en 2015, et un retour au niveau de 2014 pour 2016 et 2017.

Les rapporteurs souhaitent que ces arbitrages initiaux qui vont dans le bon sens ne soient pas contredits par les conditions de l’exécution budgétaire qui s’est parfois traduite, comme en 2013, par un report de la modernisation de certaines applications informatiques.

Dans sa réponse aux rapporteurs, la douane annonce aussi une modernisation à tous les niveaux : salles techniques, virtualisation, urbanisation applicative, gestion de la dette technique y compris applicative, mise en œuvre de nouvelles applications, refonte des référentiels, refonte des portails, industrialisation des services d’échanges internes et externes, sécurité du système d’information en matière de disponibilité, d’intégrité et de confidentialité ainsi qu’en matière de signature électronique.

La douane annonce aussi la mise en place de plusieurs systèmes d’information transverses rompant avec la culture du cloisonnement comme :

– le projet Quantum de mise en place d’une sphère décisionnelle dont les puits de données sont alimentés à partir des données applicatives du système d’information ;

– le projet Canopée (consultation analyse des données partagées) qui consiste en la mise en œuvre d’un outil de requête plus complet et plus puissant sur les données applicatives ;

– et le projet Fidel (fiche d’identité des entreprises en ligne) dont l’objectif est de centraliser l’ensemble des informations disponibles sur les entreprises en les puisant dans les différents référentiels et applications métier existants (Rosa, Quantum, Soprano, par exemple). Dans une première phase, l’outil sera utile pour toute question liée aux procédures de dédouanement. À terme, il intégrera des données relatives aux contrôles, à la comptabilité, mais aussi à la fiscalité. Il permettra ainsi d’avoir une vision à 360° des entreprises en lien avec la douane, vision tenue à jour automatiquement au travers des flux inter-applicatifs.

Compte tenu de l’importance des processus de dématérialisation des procédures d’une part, et d’exploitation de données de masse par des techniques de ciblage d’autre part, les rapporteurs considèrent la modernisation de l’informatique douanière comme une priorité de rang un et ont rencontré un large consensus sur ce point lors de leurs auditions.

E. RENFORCER LA COLLABORATION ENTRE LES ADMINISTRATIONS

Les rapporteurs considèrent que la douane n’a un avenir que si elle ne se disperse pas, ce qui suppose d’avancer dans la coopération et le rapprochement avec la DGFIP et la DGCCRF.

1. Le rapprochement récent avec la direction générale des finances publiques (DGFIP)

Tout en en soulignant les insuffisances ou les contradictions éventuelles, la Cour estime que la coopération entre les deux directions a pris un nouvel essor récemment, à la suite de la signature d’un protocole national le 3 mars 2011.

Ce protocole avait en effet pour objet de développer les échanges d’informations à vocation opérationnelle et de mettre en place un véritable pilotage de la coopération entre les services des deux directions en accordant une importance particulière à des vecteurs de fraude comme internet et la TVA intra-communautaire.

Sous l’impulsion d’un comité de pilotage et de comités opérationnels, cette coopération devait porter sur l’échange d’informations relatives à de nombreux points d’intérêt commun, l’accès croisé aux fichiers des deux directions, les enquêtes ou contrôles conjoints ou coordonnés et les actions de sensibilisation ou de formation.

Sur les deux premiers points au moins, ces bonnes intentions se sont concrétisées et ont apporté des résultats, comme l’a relevé la directrice générale des douanes en réponse aux rapporteurs : « Sur la base du protocole signé le 3 mars 2011, la coopération entre les services n’a cessé de croître. J’en veux pour preuve non seulement le nombre et la qualité des informations échangées mais également et surtout les résultats obtenus. Suite aux renseignements précis transmis par les agents des douanes, les contrôles fiscaux ont donné lieu à un montant total de droits et pénalités notifiés de près de 123 millions d’euros en 2013, soit plus du tiers des droits et taxes redressés par la douane. Ce résultat porte essentiellement sur de la fraude à la TVA. Ce chiffre, j’insiste, est en constante progression au fil des années : 68 millions en 2011, 81 millions en 2012 et donc 123 en 2013. »

La directrice générale semblait toutefois nuancer sa satisfaction en évoquant l’asymétrie des résultats de la coopération en ces termes : « Inversement, les droits et taxes redressés par l’administration des douanes sur information des services fiscaux s’établissent à 317 000 euros en 2013, à 13,6 millions en 2012 et 460 000 euros en 2011. Vous pouvez mesurer combien mes services font preuve “d’altruisme” en matière de coopération. Le récent protocole passé entre le service national de douane judiciaire et la direction nationale des enquêtes fiscales est de nature à rééquilibrer cette coopération. Il permet désormais d’accroître les poursuites judiciaires des infractions fiscales graves, comme l’escroquerie à la TVA, en vue de démanteler les organisations criminelles ».

En matière d’accès croisé aux fichiers, les choses ont aussi progressé, même si la DGFIP a rappelé aux rapporteurs combien elle était traditionnellement réticente à autoriser l’accès à ses applications à des intervenants extérieurs à sa direction compte tenu du caractère très confidentiel des informations qu’elles contiennent. Elle a assorti cet accès de conditions très strictes sur la traçabilité des consultations et leur utilisation.

Le bilan détaillé des consultations croisées fourni aux rapporteurs pour l’année 2013 confirme l’appréciation de la Cour.

En octobre 2012, une cinquantaine d’agents de la DGDDI ont ainsi été habilités à transparence structure écran (TSE), application utile à la réalisation d’enquêtes périphériques, des audits douaniers et d’analyses de risques.

Pour des raisons techniques, l’application SIRIUS Pro a dans un premier temps été livrée principalement à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). Suite à une demande de la DGDDI qui a souligné la complémentarité de cette application avec les outils douaniers, ainsi que son utilité en termes d’orientation des contrôles, de réalisation d’enquêtes et d’études de solvabilité, une extension des habilitations à l’application SIRIUS PRO a eu lieu en 2014. Actuellement, 165 agents de la DGDDI sont habilités à cette application.

Pour sa part, la DGFIP a accès à l’application Delt@ Archivage (relative au régime 42 de TVA, voir supra) depuis 2012. Cependant, cette application qui n’est plus mise à jour depuis fin 2014 doit être remplacée par CANOPEE. Des échanges entre la DGFIP et la DGDDI sont en cours afin de déterminer les modalités d’accès à cette nouvelle application.

Une ouverture plus large aux applications DGFIP par les services des douanes (ADONIS sur les comptes fiscaux des particuliers et ADELIE sur les professionnels) pose certaines difficultés en termes de sécurisation de consultation des bases de données, avant même la déclaration auprès de la CNIL.

Dans l’attente de ces accès croisés, chaque direction sous-traite à son partenaire les consultations utiles, ce qui constitue un mode dégradé par rapport à une véritable interconnexion des applications, solution souhaitée par la Cour comme par les rapporteurs.

En 2013, les bases DGDDI ont été consultées à plus de 5 000 reprises pour le compte de la DGFIP et les bases DGFIP ont été consultées à plus de 21 000 reprises pour le compte de la douane. Les applications les plus consultées demeurent, comme en 2012, ADONIS (26 % des consultations), Base Nationale des Données Patrimoniales BNDP (21 % des consultations) et TSE (20 % des consultations) et sont le fait, pour 75 % d’entre elles, de la seule DNEF par l’intermédiaire de deux de ses agents détachés au sein de la DNRED, pour les besoins des enquêtes réalisées par cette dernière.

Les autres demandes sont principalement motivées par la nécessité d’obtenir des renseignements sur la moralité fiscale d’un usager, sa localisation ou pour fiabiliser l’action en recouvrement.

Il faut aussi relever l’adhésion de la douane à la Task force créée en mars 2014 par la DGFIP afin de réunir tous les services de l’État compétents en matière de lutte contre la fraude à la TVA.

2. L’étroite coopération avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

La coopération avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est jugée par la Cour tellement étroite qu’elle souligne « les chevauchements importants » entre les deux directions pour finir par s’interroger sur leur rapprochement dans une entité unique, responsable de la police de la marchandise.

Il est patent que les deux directions interviennent parfois dans les mêmes secteurs d’activité au titre du contrôle de la conformité aux normes des produits et des marchandises, d’autant que la globalisation des échanges a singulièrement augmenté la proportion de biens importés, totalement ou partiellement, disponibles sur le marché intérieur, renforçant d’autant le périmètre d’intervention de la douane.

Lors de son audition par les rapporteurs, la DGCCRF a toutefois pris soin de préciser que ce champ commun de compétences relevait de missions complémentaires, précisées d’une part par le code de la consommation et d’autre part par le code douanier, et non pas identiques ou superposables.

Pour se faire bien comprendre, le représentant de la DGCCRF a pris l’exemple du contrôle conjoint d’un pot de miel en relevant que l’agent de la DGCCRF s’attacherait par exemple à vérifier que le produit était bien du miel de lavande comme l’affichait son étiquette, alors que le douanier s’attacherait plutôt à mesurer son taux de sucre afin de déterminer le tarif douanier applicable à cette marchandise.

Les deux administrations peuvent donc s’intéresser aux mêmes marchandises mais souvent pour des raisons différentes. Fusionner les directions ou rattacher la DGCCRF à la DGDDI – l’une compte 3 000 agents équivalent temps plein, contre plus de 16 600 pour l’autre – aurait pour conséquence de s’engager dans un programme de formation croisée des agents loin d’être évident car la polyvalence complète semble impossible à atteindre, compte tenu de la diversité et de la complexité des réglementations applicables.

Les directions doivent en revanche continuer à renforcer leur coopération dans la continuité du protocole de 2011, applicable jusqu’en 2016 et décliné localement et annuellement au niveau national.

Les secteurs concernés par cette coopération sont essentiellement les produits industriels, les contrefaçons de marques, les denrées alimentaires et aliments pour animaux d’origine non animale en matière sanitaire, le secteur vitivinicole, le commerce électronique et les laboratoires.

Les modalités de la coopération consistent en échanges d’informations (600 fiches de liaison échangées en 2013), en contrôles coordonnés (plus de 17 600 en 2013) ou en contrôles conjoints (300 en 2013) ou en accès croisé aux bases de données « métier ».

S’agissant des produits industriels, les deux directions élaborent chaque année un plan commun de contrôle sur des produits devant faire l’objet d’une surveillance renforcée. Les jouets et les articles de puériculture sont considérés comme des thèmes permanents de contrôle, compte tenu de leur sensibilité particulière.

En 2015, au-delà des petits appareils électroménagers domestiques et des appareils d’éclairage, 46 catégories de produits industriels relevant de 18 réglementations différentes ont été sélectionnées sur la base des principaux risques potentiels dont la programmation du contrôle relève de l’une ou l’autre des directions ; celles-ci doivent s’échanger les résultats de leurs contrôles et se répartir les entreprises à contrôler afin d’éviter des contrôles redondants à périodes rapprochées, dans la mesure où certains opérateurs sont susceptibles d’être contrôlés par les deux directions.

En matière d’internet, les rapporteurs regrettent que le centre de surveillance du commerce électronique (CSCE) de la DGCCRF, compétent pour veiller au respect de la réglementation applicable à la consommation et à la concurrence par le e-commerce, ne soit pas mieux traité que cyberdouane (voir supra), puisqu’il ne compte que 10 agents équivalent temps plein.

Les deux directions s’appuient enfin sur un réseau de laboratoires communs, fusionnés en 2007 pour créer le service commun des laboratoires (SLC) qui comptait en 2012 plus de 400 agents pour un budget de plus de 34 millions d’euros.

Louable dans son principe, puisque cette mise en commun de moyens d’analyses semblait logique au regard de la coopération entre les deux directions, cette fusion ne s’est pas accompagnée, selon la Cour, des gains de productivité attendus, comme elle l’a sévèrement exprimé dans un référé en date du 16 avril 2014 en ces termes : « Les gains d’efficience engendrés par la fusion ont été nuls, alors que d’une manière générale, les activités d’analyse ont bénéficié d’évolutions technologiques de nature à générer des gains de productivité importants dans les laboratoires d’analyses publics et privés. Ce résultat s’explique pour une large part par le fait que la fusion s’est opérée à l’identique en termes de structure et qu’elle n’a pas été à l’origine d’une politique de regroupement géographique et de spécialisation, propre à générer des gains de productivité. »

La Cour déplorait également l’absence de mise en œuvre d’une comptabilité analytique qui permettrait de comparer la performance entre les nombreux laboratoires du SLC et les prestataires extérieurs, de facturer aux opérateurs mis en cause le coût des analyses des produits déclarés non conformes et de rendre possible une facturation interne des prestations fournies par le SCL aux deux directions afin de leur faire supporter le coût réel des analyses qu’elles commandent.

Les rapporteurs ne peuvent qu’appuyer cette recommandation qui figure comme une priorité du cadre d’orientation pluriannuel du SCL signé par les deux directrices générales le 2 juillet 2014.

CONCLUSION

Les rapporteurs ont pris acte des transformations importantes conduites par la DGDDI au cours des dix dernières années, et des difficultés occasionnées pour les personnels par ces transformations qui n’ont pas toujours pu être conduites dans de bonnes conditions de dialogue social. Ils considèrent, comme la Cour des comptes, que la modernisation des méthodes de travail est nécessaire, et qu’il faut la conduire rapidement. Le bouleversement des méthodes de travail avec le rôle du ciblage est une réalité et un enjeu d’avenir et d’efficacité, mais notre administration doit en tirer les conséquences en termes d’investissement dans les nouveaux moyens technologiques, dans le recrutement et la formation des agents.

À cet égard, les recrutements prévus pour les services d’analyse et de contrôle par ciblage sont très insuffisants. Il convient également d’accélérer la refonte des multiples systèmes d’information qui coexistent, d’opérer la réingéniérie des processus et d’alléger les applicatifs pour rendre leur usage plus fluide et plus simple pour les agents.

Enfin, notre pays accuse un grand retard dans les moyens techniques de contrôle aussi bien dans les ports que dans les aéroports et sur le territoire, et il est impératif de donner aux agents des moyens modernes et adaptés à l’ampleur du trafic qu’ils doivent surveiller. Notre pays doit remettre ses équipements à niveau, suivant en cela l’exemple des Pays-Bas, notamment.

AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

Lors de sa séance du 19 février 2015, le Comité entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur l’évaluation de l’action de la douane dans la lutte contre les fraudes et trafics, réalisée par la Cour des comptes à la demande du Comité.

Mme Martine Pinville, présidente. Je vous prie d’excuser le président Bartolone, qui m’a demandé de le suppléer. Nous allons entendre ce matin M. Didier Migaud, qui va nous présenter la contribution de la Cour des comptes à l’évaluation de l’action de la douane dans la lutte contre les fraudes et les trafics.

Je vous rappelle que nous avons décidé de réaliser cette évaluation à la demande du groupe GDR, et que nous avons demandé l’assistance préalable de la Cour des comptes.

Le premier président de la Cour est accompagné de M. Raoul Briet, président de la première chambre, et de M. Henri Paul, président de chambre, rapporteur général. Le rapport vous a été distribué. Cette audition est ouverte à la presse. Nos deux rapporteurs sont Gaby Charroux et Éric Woerth. Ils seront accompagnés dans leurs travaux par Sylviane Alaux qui a demandé à participer à cette évaluation.

Monsieur le Premier président, nous vous écoutons.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Madame la Présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de venir une nouvelle fois devant vous afin de présenter l'enquête réalisée à la demande du Comité d'évaluation et de contrôle.

En application des dispositions de l'article L. 132-5 du code des juridictions financières, votre Comité a souhaité que la Cour lui remette un rapport sur l'action de la douane dans la lutte contre les fraudes et trafics. Plusieurs échanges de correspondance avec le Président de l'Assemblée nationale ont permis d'en délimiter le périmètre.

Je veux saluer l'implication forte de MM. les députés Gaby Charroux et Éric Woerth, rapporteurs désignés par votre Comité. Les rapporteurs de la Cour ont ainsi bénéficié de réunions de travail fructueuses et de deux déplacements conjoints à Roissy et à Marseille.

Par ailleurs, ce rapport s'inscrit dans la continuité des travaux de la Cour sur le rôle et l'action de la douane. Après avoir examiné la réforme du dédouanement et ses rapports avec les opérateurs économiques, elle a traité des missions fiscales de la douane dans son rapport public 2014. Le document qui vous est présenté aujourd'hui fait suite à un rapport antérieur de 2007 sur sa branche « surveillance ».

Pour vous le présenter, je suis entouré de Raoul Briet, Président de la première chambre, d'Henri Paul, président de chambre et Rapporteur général du Comité du rapport public et des programmes, de Christian Charpy, conseiller maître, contre-rapporteur, de M. Jean-Christophe Chouvet, conseiller maître, et de M. Sébastien Justum, auditeur, rapporteurs.

Au terme de son enquête, la Cour fait le constat que la douane exerce ses missions dans un cadre largement défini au niveau européen et dans un contexte de constantes et très rapides évolutions des fraudes et trafics. Son action doit être évaluée à l'aune de ces nouvelles menaces et de ces nouveaux enjeux. La douane ne les méconnaît pas, mais son adaptation est trop lente.

Sur le fondement de ce constat, la Cour formule deux principaux messages : l'efficacité de la douane dépend d'abord de sa capacité à réorganiser ses structures et adapter ses méthodes ; il lui faut aussi resserrer et approfondir sa coopération avec les autres services de l'État exerçant dans des domaines connexes.

La douane exerce ses missions dans un cadre largement défini au niveau européen, et non plus dans un cadre purement national. L'ouverture économique de notre pays, comme sa position de carrefour géographique, l'exposent particulièrement aux fraudes et aux trafics. Pourtant, en pratique, plusieurs contraintes affectent la capacité de la douane à contrôler les flux de marchandises importées.

Les marchandises qui entrent en France par voie routière ou ferroviaire ont déjà été introduites sur le territoire de l'Union européenne. Celles qui arrivent par voie maritime entrent le plus souvent en Europe par des ports non français, en particulier par Anvers et par Rotterdam. Or, dans le cadre de l'union douanière, les contrôles sont effectués aux frontières extérieures de l'Union européenne. Par ailleurs, les douanes de chaque État membre ont la faculté de moduler leurs contrôles. Ainsi, les douanes belge et néerlandaise tendent à accorder la priorité au contrôle des marchandises destinées à leur propre pays. De surcroît, le droit européen limite encore les possibilités de contrôle sur les marchandises en transit.

La douane peut contrôler elle-même les marchandises qui proviennent de pays tiers par la voie aérienne. Néanmoins, elle se heurte à des difficultés spécifiques. D'une part, les flux de marchandises comportent souvent de multiples envois de faible valeur unitaire, fréquemment commandés par voie électronique. D'autre part, la plus grande partie des transports de marchandises est effectuée sur des vols passagers, aux rotations rapides. Cette contrainte, particulièrement forte à Roissy, premier hub européen, limite le potentiel d'action des services douaniers.

Ainsi, la vision traditionnelle du douanier, montant la garde aux frontières nationales, arrêtant à sa guise les vecteurs de transport et fouillant les cargaisons à sa discrétion, est une vision datée.

Toutes les conséquences de ces évolutions doivent donc être tirées. La Cour appelle notamment à un renforcement des échanges d'informations entre douanes nationales sur les entrées et la circulation de marchandises à l'intérieur de l'Union. S'agissant des fraudes à la TVA, elle préconise la mise en place d'un système d'information européen de vérification de la cohérence des déclarations d'échanges de biens effectués dans les différents États membres.

L’action de la douane doit être évaluée à l'aune des nouvelles menaces et des nouveaux enjeux, car les menaces et les méthodes des fraudeurs et des trafiquants ont beaucoup évolué. Dans le même temps, et de manière un peu surprenante, l'approche de la douane est restée très stable.

Je veux d'abord rappeler la différence entre fraudes et trafics. Les fraudes sont des infractions portant sur des flux en principe licites. Il s'agit par exemple de déclarations ne correspondant pas à la réalité des flux de marchandises. Les trafics sont des opérations illicites par nature – contrebande, introduction de stupéfiants ou de produits contrefaits. La ligne de partage entre fraudes et trafics n'est pas étanche : par exemple, de la drogue peut être dissimulée dans un conteneur contenant des marchandises ordinaires ; des contrefaçons peuvent être déclarées sous une rubrique générique, « maroquinerie » ou « produits textiles », dans l'espoir de franchir sans encombre les contrôles douaniers.

Les risques de fraudes se sont accrus à mesure de la progression du commerce international et de la complexité croissante des règles applicables. Les trafics ont beaucoup évolué, avec le recours à internet et la sophistication de leurs modalités financières. Ils se sont diversifiés et mondialisés.

Dans son rapport, la Cour constate que les priorités affichées par la douane consacrent la prééminence du triptyque « stupéfiants, tabacs, contrefaçons ». Bien que justifiés au regard des enjeux de sécurité, de santé publique et de préservation des intérêts économiques de la France, ces objectifs ne couvrent pas tout le spectre des menaces. De plus, ils ne font pas l'objet d'une réflexion stratégique permettant de les hiérarchiser et d'expliciter les critères justifiant le choix des priorités.

Dans le cadre existant, la douane privilégie la lutte contre ces trafics par rapport à la lutte contre les fraudes fiscales, notamment la fraude à la TVA, dont les conséquences budgétaires sont pourtant très lourdes pour les finances publiques.

Par ailleurs, la méthode d'évaluation de l'action de la douane est peu satisfaisante et manque de transparence. Elle s'appuie sur plusieurs indicateurs qui portent notamment sur les saisies de produits de trafic ou encore sur les droits redressés après détection d'une fraude. Or la mesure de ces indicateurs est en soi sujette à caution. Il est souhaitable que ces données soient fiabilisées et publiées avec un niveau plus grand de précision. De même, s'agissant des saisies de stupéfiants, il importe que la douane adopte les règles interministérielles définies par l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), plutôt que de garder les siennes qui donnent une image plus avantageuse de son action.

Cet effort d'évaluation est particulièrement nécessaire dans un contexte de forte contrainte budgétaire. Si, depuis 2008, les moyens de la douane ont été maintenus en euros courants autour de 1,6 milliard d’euros, ses effectifs, tout comme ceux d'autres administrations, ont baissé d'environ 20 % entre 2003 et 2013. Pour autant, en l'absence de comptabilité analytique, il est difficile de mesurer précisément la part des ressources utilisées pour la lutte contre les fraudes et trafics. La Cour a estimé à environ 12 000 les effectifs douaniers mobilisés à un titre ou à un autre par cette tâche.

Largement héritée du passé, l'organisation de la douane présente plusieurs particularités. Son administration repose sur des services à compétence nationale, douze directions interrégionales et quarante-deux directions régionales, dont les performances sont hétérogènes.

Deux services à compétence nationale se consacrent exclusivement à la lutte contre les fraudes et les trafics : la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), forte de 720 agents ; le Service national de douane judicaire (SNDJ), qui compte un peu plus de 200 agents.

Leurs performances, mesurées par leur contribution aux résultats de la douane, apparaissent supérieures à celles des autres. L'orientation retenue par la douane de préserver, voire de renforcer leurs moyens, va donc dans le bon sens.

Une reconfiguration des services déconcentrés paraît nécessaire. Les éléments rattachés aux directions interrégionales et régionales couvrent à la fois les points d'entrée portuaires et aéroportuaires et les axes routiers, et les directions garde-côtes les façades maritimes. Ils sont aussi indispensables, mais leur configuration et leurs modalités d'intervention appellent des réformes ambitieuses et rapides.

Les services territoriaux demeurent trop dispersés. Ils comportent encore trop d'unités de taille insuffisante. En 2013, sur 213 brigades de surveillance, 90 comptaient moins de 19 agents. Or ces brigades perdent de leur efficacité en dessous d'un seuil, que la douane est réticente à formaliser, mais qui se situe autour de 30 agents. La restructuration de ce dispositif territorial est en cours. Mais son rythme est trop lent, à cause des difficultés du dialogue social interne comme des résistances locales.

La Cour recommande aussi de resserrer le maillage de la surveillance terrestre autour des points correspondant aux enjeux prioritaires, c'est-à-dire à proximité des frontières et sur les principales voies de circulation. Elle préconise que les régimes de travail dans les aéroports franciliens soient revus.

La douane a lancé trois initiatives en vue de moderniser ses méthodes de contrôle, qui ont connu un succès inégal. Elle a engagé la refonte des processus de contrôle sur les plates-formes, notamment portuaires. Elle avait prévu de concentrer le pilotage des contrôles au niveau des directions interrégionales et non plus régionales, mais ce projet, pourtant essentiel et inscrit dans le projet stratégique de la douane, a été abandonné du fait de multiples résistances internes. Enfin, elle a décidé de créer un nouveau service à compétence nationale, le service d'analyse de risques et de ciblage (SARC), chargé de mettre les techniques informatiques modernes au service d'une politique de contrôle plus cohérente et intégrée.

Au total, la reconfiguration du dispositif de contrôle a été amorcée selon des lignes tout à fait appropriées. Pourtant, le mouvement reste beaucoup trop lent.

Les moyens de l'action aéromaritime devraient être rationalisés. La douane contribue à l'action de l'État en mer, aux côtés de la Marine nationale, des affaires maritimes et de la gendarmerie maritime. C'est à ce titre qu'elle est dotée d'un dispositif de surveillance aéromaritime. Ce dispositif suscite plusieurs interrogations.

Sa disponibilité opérationnelle est faible, particulièrement dans sa composante navale. Cela s'explique notamment par l'obsolescence du matériel, les défaillances de la maintenance, les règles d'emploi et les régimes de travail. Le renouvellement du matériel, intégral pour les avions, progressif pour les navires, est en cours, non sans difficulté ou errements. Il absorbe d'ailleurs la majeure partie des crédits d'équipement de la douane. Celle-ci procède également à une refonte des structures par façade maritime. Ces mesures sont loin d'avoir produit tous les effets attendus.

Mais, plus fondamentalement, c'est la finalité même du dispositif qui est en cause. Dans les faits, ce sont les missions non douanières – surveillance des pêches, protection de l'environnement, notamment – qui occupent le plus les moyens de la douane. La conjonction de la faible disponibilité des moyens douaniers et de leur absorption par des missions non douanières aboutit parfois à des situations paradoxales. Il est ainsi arrivé qu'en l'absence de moyen disponible, la douane fasse appel à un bâtiment de la Marine nationale, voire à un navire étranger, pour arraisonner un bâtiment suspect.

En réalité, sans le dire explicitement, l'État fait peser sur la douane son action en mer. Aussi, dans l'attente d'une réorganisation d'ensemble de l'action de l'État en mer, la Cour recommande qu'un moratoire soit appliqué sur l'acquisition de nouveaux moyens navals et aériens, au-delà des marchés déjà signés.

L'efficacité des services douaniers dépend de leur capacité à coopérer avec les autres services de l'État chargés de lutter contre les fraudes et trafics.

La douane n'est pas le seul service de l'État chargé de lutter contre les trafics. Dans un environnement complexe où les fraudeurs communiquent aisément entre eux, une action coordonnée des services de l'État est indispensable, à trois niveaux : au sein des ministères économiques et financiers ; avec les autres ministères concernés ; et avec l'autorité judiciaire.

Au sein des ministères économiques et financiers, la douane n'a formalisé que très tardivement des dispositifs de coopération avec trois autres directions : la direction générale des finances publiques (DGFiP), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits FINanciers clandestins).

Elle coopère formellement avec la DGFiP depuis 2011. Le principal enjeu commun est celui de la lutte contre la fraude à la TVA. La douane fait partie du groupe de travail interministériel et opérationnel consacré à ce thème. Il a été créé en janvier 2014. Il est piloté par la DGFiP. Les échanges d'informations se sont développés entre les deux directions. Dans l'attente de systèmes d'information directement interopérables, l'ouverture d'accès croisés aux bases de données respectives devrait faciliter ces échanges. Néanmoins, les actions communes lancées n'ont encore qu'un caractère partiel, notamment en ce qui concerne la perception de la TVA sur les envois postaux et par fret express.

La douane et la DGCCRF coopèrent formellement depuis 2011, même si elles ont mis en commun leurs laboratoires dès 2007. Elles sont associées dans la lutte contre la contrefaçon. Elles ont à veiller ensemble au respect des normes destinées à assurer la sécurité des produits et la protection du consommateur. Les deux directions échangent leurs informations, harmonisent leurs politiques de contrôle, et procèdent à des actions communes, jusqu'à l'échelon déconcentré.

Enfin, la douane et TRACFIN ont formalisé leur coopération en 2013.

La douane travaille aussi avec des services dépendant d'autres ministères. Elle veille avec les services du ministère de l'agriculture à la lutte contre les fraudes alimentaires et à la prévention des risques sanitaires. Elle coopère aussi avec l'Agence nationale de sécurité du médicament. Dans les deux cas, la coopération rencontre plusieurs limites, évoquées précisément dans le rapport de la Cour.

Les relations de la douane avec le ministère de l'intérieur sont multiples et parfois difficiles. Elles sont d'une part affectées par la question de la répartition de la charge de la surveillance des 130 points de passage aux frontières. Quatre-vingts sont aujourd'hui confiés à la douane, pour la plupart dans les aéroports secondaires. Dans la mesure où cette tâche vise davantage la prévention de l'immigration clandestine que le contrôle des marchandises, la Cour recommande qu'elle soit confiée à la seule police de l'air et des frontières (PAF).

La question se pose, d'autre part, de la répartition des responsabilités entre la douane et le ministère de l'intérieur en matière de lutte contre les fraudes et trafics, au premier chef dans le domaine des stupéfiants. La Cour relève des chevauchements dans les compétences, qui peuvent aboutir à des doublons, voire à de la concurrence entre services. Elle appelle à une meilleure coordination et transparence entre services de police et services douaniers.

Le cœur du problème réside dans la modification des modalités d'action de la douane : elle opère de moins en moins par intervention directe sur les marchandises à l'occasion de contrôles inopinés mais plutôt sur la base du renseignement, du ciblage. Elle ne se contente pas de saisir les marchandises de fraude mais s'efforce aussi d'identifier et de démanteler des réseaux. Par conséquent, ses méthodes tendent à se rapprocher de celles des services de police.

Enfin, la tendance est à la judiciarisation croissante des affaires douanières. Certains des pouvoirs de la douane ne peuvent être exercés que sous le contrôle du juge. De même, les douaniers du service national de douane judiciaire ont le statut d'officier de police judiciaire et sont dépendants de l'autorité judiciaire.

La question se pose de plus en plus de savoir à quel stade un dossier, initialement traité par la douane dans le cadre de ses pouvoirs administratifs, doit être transmis à l'autorité judiciaire. Celle-ci souhaite que ce soit le plus tôt possible, au nom de l'efficacité des investigations et de la qualité de la procédure. La douane y est parfois réticente, tant pour des considérations de délai que par crainte que l'autorité judiciaire ne la dessaisisse pour confier le dossier à un service de police ou de gendarmerie. Des concertations approfondies entre services de l'État s'imposent pour harmoniser les approches.

En conclusion, si les missions douanières s'exercent désormais dans un cadre européen et dans un contexte de menaces accrues, cela ne remet en cause ni leur utilité ni leur légitimité. Bien au contraire, cela les renforce. Néanmoins, cette situation appelle aussi de sa part une démarche résolue d'adaptation de son organisation et de ses modes d'action, en fonction de priorités explicites. Son dispositif opérationnel doit en effet être cohérent avec les enjeux de la lutte contre les fraudes et contre les trafics.

La Cour a constaté des efforts de réforme, qu'elle salue. Elle regrette néanmoins la lenteur de leur mise en œuvre et les résistances rencontrées, y compris en interne et parfois au niveau local. Elle appelle également à une meilleure coordination des services de l'État. Comme toujours, les observations de la Cour sont accompagnées de recommandations. J'en ai évoqué quelques-unes dans mon propos. Vous les retrouverez toutes dans le rapport.

Mme Martine Pinville, présidente. Monsieur le Premier président, je vous remercie. Je donne la parole aux rapporteurs.

M. Gaby Charroux, rapporteur. Je vous remercie de l’aide importante que la Cour des comptes nous a apportée pour mieux comprendre la situation de la douane.

Notre demande avait pour objectif de mieux cerner le besoin d’évolution qui s’est fait sentir pour moi à l’occasion des contacts avec les services locaux de la douane, dans ma circonscription, mais aussi des états généraux de la douane de septembre 2013. Vous constatez aussi qu’une évolution est nécessaire, tout en regrettant qu’elle soit trop lente.

Le traitement de la question des effectifs, du personnel et des éventuels regroupements est parfois perçu comme une menace, tandis qu’une forme d’amertume s’exprime du fait d’une certaine impuissance et d’un certain manque de moyens. Il arrive en effet que les fonctionnaires de la douane se trouvent dépassés par les trafiquants ; certaines dispositions les empêchent en outre d’agir, par exemple lorsque l’objet des trafics ne fait que transiter sur le territoire national ou y est entré par des ports étrangers.

Tant à Marseille qu’à Roissy, une grande amertume s’est exprimée quant aux moyens mis à la disposition de la douane. À l’aéroport de Charles-de-Gaulle, alors que le trafic est passé de 65 à 85 millions de passagers, les services sont restés à effectifs constants, même si leur régime de travail est à la vérité un régime particulier.

Quant aux travaux à venir de notre Comité, je voudrais éviter qu’il parte de l’a priori que les 17 000 fonctionnaires aujourd’hui au service de la douane méritent une réorganisation ou une réduction supplémentaire de leurs effectifs. À mon sens, il faut plutôt constater la réalité de la situation et juger, sur cette base, si les nouvelles priorités et solutions préconisées en sont vraiment, ou si elles ne font pas naître une amertume justifiée. Car, vu la croissance du trafic de personnes et de marchandises, les effectifs peuvent être aussi par endroits insuffisants.

M. Éric Woerth, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le Premier président, d’avoir exposé de manière aussi synthétique le rapport détaillé et concret élaboré par les équipes de la Cour. Il en transparaît que la douane a beaucoup évolué ; elle s’est en effet adaptée au démantèlement des frontières tout en maintenant une culture très forte. Ce dernier point, loin d’être anecdotique, constitue souvent un facteur d’explication, puisque les douaniers constituent un corps de fonctionnaires séparé avec son histoire propre.

L’évolution en cours débouche sur des méthodes empiriques et décalées par rapport aux enjeux à affronter, à savoir la mondialisation, la croissance continue du trafic et les évolutions technologiques. Ce décalage ne crée-t-il pas un problème d’identité ? Une fusion avec la DGCCRF ou avec d’autres services pourrait y répondre, sans que soit sous-estimée l’utilité de la douane.

Il me semble que se pose d’abord un problème de ciblage. Des milliers de tonnes de marchandises arrivent de toutes parts, sur les plateformes de fret, alors que les moyens de contrôle sont dérisoires, puisque les douaniers peuvent seulement ouvrir colis par colis. Ils n’y sont pour rien et y mettent même beaucoup d’opiniâtreté. Mais, à moins d’un ciblage informatique et numérique, les résultats continueront de se faire attendre. La douane française ne serait d’ailleurs pas la seule concernée, mais toute l’union douanière.

La douane française est particulièrement démunie en matière de contrôle des personnes. S’ils ne voyagent pas sur Air France, les passagers font l’objet d’une surveillance au petit bonheur la chance. D’autres méthodes sont à mettre à l’étude, pour lesquelles des moyens sont sans doute nécessaires.

Vous relevez que la douane perpétue le triptyque « stupéfiants, tabacs, contrefaçons ». Ce sont en effet les points forts de la douane. Mais comment considérez-vous qu’on puisse définir une meilleure stratégie par rapport à de nouvelles priorités ?

Vous n’avez pas évoqué, monsieur le Premier président, la Délégation nationale de lutte contre la fraude, établie à Bercy pour mieux coordonner les services ayant à lutter contre la fraude, par exemple pour faciliter entre eux le partage des moyens informatiques. Quant à la douane, au-delà des photographies de destruction d’objets contrefaits et des saisies spectaculaires, ses résultats méritent d’être mieux présentés pour qu’ils soient inattaquables.

Au niveau territorial, je suis préoccupé par le blocage du dialogue social, qui empêche la douane d’évoluer. Comment le dialogue social peut-il être amélioré ? Enfin, la coopération me semble à approfondir avec les services de Bercy, en particulier avec la DGFiP ou la DGCCRF en matière de lutte contre la fraude à la TVA, même si cette problématique dépasse l’horizon strictement national.

Avec la PAF, la douane est déjà appelée à jouer parfois le rôle de supplétif, tandis que ses rapports avec l’OCRTIS devraient relever moins de la compétition, et davantage de la coopération.

M. Didier Migaud. Quant aux effectifs de la douane, la Cour a le sentiment que ce n’est pas tant leur niveau global qui fait problème, que la question de leur utilisation optimale. La douane dispose en effet de marges d’adaptation importantes, si elle sait rendre son organisation plus efficace et plus réactive. Cela vaut en particulier pour les services de surveillance et pour ceux qui concourent à la lutte contre les trafics et les fraudes.

À l’échelle de l’ensemble de ses services, il faut sans doute exploiter la dématérialisation, comme cela a déjà été identifié pour les opérations commerciales. Des économies potentielles de personnel se font autrement jour au sein des services fiscaux de la douane. Car la fusion de services d’où est issue la DGFiP n’a pas englobé les services comptables de la douane. Cette question de périmètre mériterait un examen approfondi.

Monsieur Woerth, monsieur Charroux, vous avez l’un et l’autre évoqué le blocage du dialogue social. Il est vrai que la douane a dû renoncer à mettre en œuvre certaines des orientations de rationalisation et de modernisation présentées l’an dernier dans son document d’orientation « Douane 2018 », du fait de résistances qui se sont en particulier focalisées sur le pilotage régional. Rappelons que la douane compte 42 directions régionales et 12 directions interrégionales. En adoptant le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, vous avez prévu de réduire le nombre des régions, mais en partant des 22 régions existantes, alors que la douane en délimite encore 42…

Le resserrement du dispositif territorial s’appuie sur un processus complexe. L’encadrement de la douane établit une liste des sites potentiellement à fermer. Elle la transmet au cabinet du ministre. Si le cabinet donne son feu vert, une consultation peut être ouverte tant avec les organisations représentatives qu’avec les élus locaux concernés. À supposer qu’un consensus se dégage pour accepter la fermeture, la décision est alors soumise au cabinet du ministre. Vu la complexité du processus, aucune décision de fermeture n’a été prise au cours des deux dernières années. Le dialogue social est certainement à renouveler, car des décisions sont à prendre.

Pour le régime de travail, il est dérogatoire dans les aéroports franciliens, où il repose sur un protocole qui remonte à 1982. En vertu du principe de la « couverture horaire permanente » et de vacations de douze d’heures d’affilée, la douane est présente sur place entre minuit et cinq heures du matin, alors que le trafic est à peu près nul à ces heures-là. Ces équipes pourraient certainement être employées plus utilement le jour. Du fait des récupérations réglementaires, qui sont d’ailleurs légitimes, cette particularité du régime de travail réduit en pratique le nombre d’agents disponibles.

Monsieur Woerth, vous avez aussi évoqué les priorités stratégiques à définir et le nécessaire ciblage. Certaines choses évoluent très vite. Les sources d’information sont sans cesse enrichies, à l’instar de la déclaration de sûreté ou du registre nominal des passagers (PNR, passenger name record) français et bientôt européen. S’il faut savoir prendre en considération le flair du douanier, l’analyse des risques devrait donc être informatisée et automatisée. En cours d’expérimentation, le développement du Service d’analyse de risque et de ciblage devrait être une priorité.

Quant à la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, elle pourrait s’atteler à la fraude à la TVA, compte tenu des enjeux budgétaires. Celle-ci devrait ainsi remonter dans la hiérarchie des priorités de la douane. Nous avons déjà conduit plusieurs travaux sur ce sujet.

M. Raoul Briet, Président de la première chambre de la Cour des comptes. Il est toujours difficile d’évaluer la pertinence des effectifs globaux, d’autant que, chaque organisation s’inscrivant dans un contexte spécifique, les comparaisons avec l’étranger ne sont pas probantes. Cependant, si l’on s’en tient à la réalité française, en étudiant branche par branche les différentes activités de la douane, on identifie la possibilité de gagner en efficience. L’an dernier, quand nous avons travaillé sur les missions fiscales transférées, il y a longtemps, de la direction générale des impôts à celle des douanes, nous avons découvert qu’alors qu’il existe une multitude de très petites taxes, le système douanier, peu enclin à la spécialisation, veut que chaque fonctionnaire puisse traiter tous les cas. Le travail est organisé de manière trop traditionnelle. Le maintien d’un réseau comptable dont les comptes sont vérifiés par la première chambre au même titre que ceux de la DGFiP s’explique par des raisons plus historiques que fonctionnelles. Privilégiant les dépenses de personnel ou d’équipement, la douane a peu investi dans l’informatique, qui lui permettrait de travailler plus efficacement.

Une autre raison nous dissuade de raisonner sur les effectifs globaux : il est difficile de se concentrer exclusivement sur la douane, puisque la lutte contre les trafics est le fait de plusieurs administrations. C’est ce qui explique que nous distinguions des marges d’optimisation dans leur déploiement. Ainsi, le rôle que joue la douane en mer dépasse ses missions entendues au sens strict.

Cela dit, la douane possède, comme le signale Monsieur Woerth, une identité et une organisation propres. S’il est difficile de se repérer dans l’organigramme de la direction générale des douanes, cela tient autant à son histoire qu’à sa volonté de ne pas séparer ses fonctions économiques, fiscales et sécuritaires, pour éviter toute réorganisation. Les nouvelles formes du trafic exigent qu’elle renonce à sa logique de polyvalence territoriale. Il faut désormais privilégier le renseignement, qui permet d’accéder aux informations et de les traiter par des techniques d’exploration de données (data mining). Le contrôle physique ne peut être efficace que si ce travail est réalisé en amont.

Rendons hommage aux services : la DNRED et le SARC ont entamé leur mutation en privilégiant de nouveaux outils. Mais, si les douaniers affectaient plus de moyens au renseignement et au traitement de l’information, et faisaient évoluer en amont le réseau territorial, ils auraient le sentiment de travailler plus utilement. Je n’oublie pas la Délégation nationale de lutte contre la fraude, mais son activité porte essentiellement sur la fraude sociale, c’est-à-dire la lutte contre le travail clandestin. Elle n’a pas de réel impact sur les grandes directions de Bercy, comme la DGFiP ou la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).

La douane s’interroge elle-même sur le bien-fondé des contrôles dans les aéroports, activité qu’elle a demandée et obtenue lors du passage au marché unique, quand elle cherchait de nouvelles tâches. Mieux vaudrait qu’elle y renonce et que l’on redéploie des moyens du côté de la PAF.

Compte tenu de leur histoire, les douaniers ne considèrent pas la fraude à la TVA comme une priorité stratégique. Il y a trois ans, à la demande de la commission des finances, nous avions rédigé sur le sujet un rapport qui proposait un programme d’action. La douane doit contribuer à celui-ci, compte tenu des enjeux financiers qu’il recouvre.

M. Jean Launay. Je me suis particulièrement intéressé au passage du rapport de la Cour sur la surveillance aéromaritime. Vous écrivez qu’au-delà des marchés déjà signés, il faut appliquer un moratoire à l’acquisition de tout nouveau moyen aérien ou naval. Mais il me semble lire entre les lignes qu’une réorganisation d’ensemble est nécessaire. Vous pointez aussi un vrai problème d’organisation en relevant que « la DGDDI donne la priorité à la préservation de son périmètre sur les impératifs d’efficience ». Pour définir la stratégie de l’État en mer, ne faut-il pas une inter-ministérialité plus grande ?

M. Gaby Charroux, rapporteur. En entendant Monsieur Briet, je comprends la crainte des brigades de sécurité qui travaillent dans nos circonscriptions : celle que le conseil et le renseignement ne l’emportent désormais sur la répression. C’est un risque auquel nous devons être attentifs lors de nos prochaines auditions.

M. René Dosière. Selon la Cour, la fraude à la TVA intracommunautaire – ou fraude carrousel – représente 3 à 5 milliards d’euros par an, notamment parce que la réponse de l’administration est toujours plus lente que l’aptitude des fraudeurs à faire disparaître les sociétés taxi. Pour contrer le phénomène, j’ai déposé un amendement visant à obliger les entreprises à déclarer instantanément leurs achats, ce qui permettait à la DGFiP de connaître en temps réel les achats intracommunautaires. Cette proposition n’a pas encore été discutée, mais j’ai d’ores et déjà reçu une longue lettre des représentants de FO me reprochant de vouloir dessaisir la douane de la lutte contre la TVA, et de nier ainsi la culture douanière. Voilà qui illustre la difficulté de communication entre les administrations.

M. Didier Migaud. Monsieur Launay, même si la vétusté du parc naval entraîne dysfonctionnements et surcoûts, un programme massif d’investissement destiné à maintenir un important parc naval douanier ne nous semble pas justifiable. Dans l’Atlantique et la mer du Nord, les moyens navals ne donnent guère de résultats en matière de lutte contre les trafics. Le dispositif naval de la douane effectue surtout des missions interministérielles qui relèvent de l’action de l’État en mer.

Un préalable indispensable à tout programme d’investissement serait d’établir un schéma cohérent des implantations navales et des coopérations entre services, lequel fait encore défaut. Les arbitrages rendus lors des restructurations sont fluctuants, parfois peu étayés. Ainsi, alors que la zone caraïbe est le théâtre d’un trafic massif de stupéfiants, le dispositif douanier des Antilles semble délaissé. Deux vedettes acquises en 2010, destinées aux bases navales de Martinique – Fort-de-France et Le Marin –, n’ont jamais été opérationnelles.

En ce qui concerne la lutte contre la fraude à la TVA intracommunautaire, nous avons constaté une mauvaise coordination entre les services, ce qui justifie le propos de Monsieur Dosière, ainsi qu’une certaine négligence. L’ampleur de cette fraude a été sous-estimée par les services, qui ont manqué de réactivité. Des décisions ont cependant été prises. Nous continuons à suivre le sujet, qui représente un enjeu stratégique pour l’État.

M. Éric Woerth, rapporteur. L’ampleur de la fraude n’a pas été sous-estimée par la DGFiP.

M. Didier Migaud. Celle-ci ne s’est peut-être pas donné tous les moyens de réagir.

M. Raoul Briet. Monsieur Charroux, la douane remplit diverses missions. À l’égard des opérations commerciales, son action vise à rendre le pays attractif et à aider les entreprises. C’est dans le domaine du dédouanement, où elle entre en concurrence avec d’autres États, que la douane a consenti, il y a cinq à dix ans, les plus grands efforts.

Ceux-ci doivent à présent porter sur le renseignement, qui conditionne l’efficacité de la répression. Je ne distingue aucune antinomie entre les deux domaines, même si le renseignement appelle une organisation, voire un personnel, distincts de ceux que la douane utilise traditionnellement. Pour prendre en compte les exigences actuelles, il faut centraliser certaines actions et travailler avec des spécialistes des systèmes d’information.

Monsieur Dosière, la douane possède une culture physique, puisqu’elle travaille sur la matière, alors que le contrôle fiscal s’exerce sur des documents comptables. Cela explique peut-être la réaction à laquelle vous vous êtes heurté. Sur le plan pratique, il faut rendre les systèmes d’information de la DGFiP et de la DGDDI interopérables, ce qui permettra à tous les agents d’accéder à la globalité des bases de données. Cette évolution, qui n’appelle pas de grandes transformations, est en marche depuis deux ou trois ans. Si elle était intervenue plus tôt, nous aurions moins de retard à rattraper.

Mme Catherine Quéré. Je citerai un exemple concret, observé dans ma circonscription, pour montrer que la douane a grand besoin de se moderniser et de se dématérialiser. Les producteurs de pineau des Charentes sont tenus d’acheter à l’interprofession une capsule-congé par litre, système qui permet à l’administration de calculer le montant des taxes et de la TVA qu’ils doivent acquitter. Un directeur des douanes ayant jadis exclu le cognac de ce dispositif, les producteurs de cognac doivent remplir un carnet à souches, que le douanier vérifie chaque mois feuille par feuille ! Cette situation est non seulement absurde mais antiéconomique, puisqu’elle interdit à ces producteurs de profiter des plateformes de distribution qui se mettent en place pour la vente d’alcool. Je l’ai signalée à la directrice des douanes et à Monsieur Sapin.

M. René Dosière. La douane a gardé la culture du papier !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Qui contrôle, qui régule, qui analyse le système douanier ? J’ai l’impression que la douane, livrée à elle-même, échappe à tout contrôle et à toute évaluation.

M. Olivier Marleix. Un excellent rapport rédigé par Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier pour la commission des finances du Sénat a étudié le rôle de la douane dans la lutte contre la fraude fiscale sur internet. Le système de recouvrement des droits de douane et de la TVA sur le commerce en ligne est notoirement insuffisant. Si les grands opérateurs comme Amazon, la Fnac ou Vente-privee. com acquittent la TVA, qu’en est-il de ceux qui se situent hors de l’Union européenne et dont les flux de ventes se traduisent par du fret express ou du fret postal ?

Selon nos collègues du Sénat, les moyens physiques dont disposent les douaniers dans les aéroports sont dérisoires par rapport au volume de flux, qui se monte à 300 tonnes de fret postal par jour. Le rapport mentionne le projet AMAS, qui vise à améliorer le suivi des colis par une transmission préalable et automatique des informations postales. Il faut aussi mettre en place un système spécifique pour collecter l’impôt sur les produits d’e-commerce vendus par des sociétés installées à l’étranger, ce qui dépasse la mission des agents de la douane.

Peut-on chiffrer la fraude à la TVA sur l’e-commerce ? Souhaitez-vous suggérer des pistes au législateur ? Les sénateurs proposent de supprimer le dispositif d’envoi en valeur négligeable, qui entraîne une exonération d’office du paiement de la TVA. Doit-on aller plus loin et réviser les directives européennes, afin de systématiser les prélèvements à la source ? Faut-il instaurer une responsabilité des intermédiaires de paiement en ligne, où qu’ils se situent ?

M. Jacques Myard. Comment expliquer que les chiffres relatifs aux saisies de drogue varient autant d’une année à l’autre ? Pouvez-vous nous expliquer le fonctionnement de la toile profonde (deep web) ?

M. Didier Migaud. L’exemple cité par Mme Quéré conforte notre analyse : il faut décidément mettre fin à certains archaïsmes.

Madame Le Dain, la douane n’est pas en autogestion, puisqu’elle est placée sous l’autorité d’une direction générale, qui relève de la compétence d’un ministre. Je confirme toutefois qu’elle évolue lentement. Il faut de la volonté pour dépasser – dans la concertation – rigidités et pesanteurs, et prendre des décisions permettant de gagner en efficacité.

Les saisies, monsieur Myard, relèvent d’un certain aléa qui entraîne des différences d’une année à l’autre. Il est difficile d’apprécier sur le long terme les performances de la lutte contre les trafics ou l’efficacité des redressements, dont le nombre, en augmentation régulière, reste modeste. Ceux-ci ont représenté 323 millions en 2013. On observe en outre une différence sensible entre droits redressés et recouvrés, sur lesquels nous avons du mal à obtenir des informations précises.

M. Éric Woerth, rapporteur. Pouvez-nous nous donner quelques précisions sur le service Cyberdouane, affecté à la surveillance d’internet ?

M. Raoul Briet. La Cour mène actuellement une enquête sur la DNRED qui devrait lui permettre de formuler en cours d’année des observations définitives. Celles-ci pourront être transmises à la commission des finances, qui complètera ainsi son information sur le deep web ou la cyberdouane.

En matière de saisie de stupéfiants, la douane établit ses statistiques d’une manière particulière, qui s’éloigne du cadre interministériel fixé par l’OCRTIS. Plus généralement, si nous savons ce qu’est la saisie, nous ignorons le volume de la fraude, ce qui nous interdit de mesurer précisément l’efficacité de la douane. Enfin, le système de comptabilité analytique que celle-ci utilise ne permet pas d’évaluer les moyens dédiés à la lutte contre la fraude.

La différence des traitements réservés au pineau des Charentes et au cognac illustre la subsistance de procédures archaïques et de règles disparates, que la douane semble réticente à remettre en cause.

Mme Martine Pinville, présidente. Je remercie le Premier président de la Cour des comptes et ceux qui l’accompagnent. Il revient aux rapporteurs du Comité de formuler des propositions, à partir de l’analyse de la Cour, afin d’améliorer l’action de la douane dans la lutte contre les fraudes et trafics.

Le Comité autorise la publication du rapport de la Cour des comptes.

EXAMEN PAR LE COMITÉ

Lors de sa séance du 3 juin 2015, le Comité examine le présent rapport.

M. Régis Juanico, président. Mes chers collègues, je vous prie d’excuser le président Bartolone qui m’a demandé de le suppléer. Nous allons aujourd’hui examiner le rapport d’évaluation de l’action de la douane dans la lutte contre les fraudes et les trafics. Je vous rappelle nous avons décidé de réaliser cette évaluation à la demande du groupe Gauche démocrate et républicaine. Elle a fait l’objet d’une demande d’assistance à la Cour des comptes, dont l’étude nous a été présentée par son Premier président, M. Didier Migaud, le 19 février dernier. Nos rapporteurs sont MM. Gaby Charroux, pour la majorité, et Éric Woerth, pour l’opposition.

Le groupe de travail était composé de Mme Sylviane Alaux, M. Jean-Claude Buisine, M. Christophe Caresche, Mme Nathalie Chabanne, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Yann Galut et Mme Anne-Yvonne Le Dain.

M. Éric Woerth, rapporteur. Au cours de nos travaux, auxquels Mmes Chabanne et Dalloz, notamment, ainsi que M. Buisine, ont pris une part assidue, nous avons rencontré et entendu nombre d’interlocuteurs, appartenant à divers organismes. Le Premier président Migaud est venu présenter le rapport de la Cour des comptes, relativement sévère à l’égard de la douane. Notre propos n’a pas été de refaire ce rapport, mais de lui apporter certains compléments ou rectifications.

La douane française évolue dans un contexte qui lui est peu favorable, car la majorité des flux de marchandises entre sur le territoire français via des ports étrangers, au premier rang desquels Rotterdam et Anvers. Ce trafic considérable, de conteneurs en particulier, échappe ainsi en partie à la douane, ce qui nous amène à considérer que bon nombre des réponses aux questions relatives à l’efficacité du contrôle douanier français sont à apporter au européen. Nous ne pouvons nous en remettre au hasard, au contrôle par échantillons, encore moins au fameux « flair » du douanier. Il nous faut recourir aux méthodes de ciblage les plus « scientifiques » possible.

Le système de ciblage Import Control System (ICS) constitue l’outil majeur dans ce domaine. Dès le mois de septembre 2015, la France imposera une déclaration sommaire de dépôt temporaire (DSDT) pour les marchandises à destination de notre territoire ayant transité par un autre pays de l’Union européenne, ce qui confortera notre capacité autonome de ciblage.

Certaines décisions de la Cour de justice de l’Union européenne nous empêchent de lutter efficacement contre la contrefaçon : c’est notamment le cas de l’arrêt Nokia Philips du 1er juillet 2011, aux termes duquel une marchandise en stand by passant par le France ne peut plus faire l’objet d’un contrôle pour contrefaçon, si bien que les saisies de contrefaçons ont connu, dans un premier temps, une baisse de 65 % entre 2011 et 2012.

Une réponse partielle a été apportée par le Gouvernement avec l’adoption de la loi du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon, qui a étendu la possibilité de placer les marchandises en retenue, jusqu’alors limitée aux marques, aux dessins et modèles ainsi qu’aux droits d’auteur, à l’ensemble des droits de propriété intellectuelle. Ce texte a également créé la procédure de destruction simplifiée qui permet d’aboutir, sous le contrôle de la douane et sous la responsabilité du titulaire du droit, à la destruction des marchandises contrefaites sans intervention judiciaire. Il conviendra certes d’évaluer l’efficacité de ces instruments juridiques, mais on observe d’ores et déjà, depuis 2014, une hausse importante des saisies de contrefaçons.

Nous nous sommes penchés sur le commerce par Internet, qui prend une ampleur croissante. Nous avons visité les locaux de la société FEDEX à Roissy et rencontré les douaniers opérant sur place ; il est très difficile à une équipe limitée à une dizaine de personnes, malgré toute leur bonne volonté, de faire face au volume quotidien des envois. Aussi estimons-nous qu’une quarantaine de recrutements seraient nécessaires, afin de porter l’effectif à cinquante : cette demande, au demeurant raisonnable, de créations de postes est la seule que vous m’entendrez formuler…

La Cour des comptes déplore que la douane concentre son action sur la contrefaçon, le tabac et les stupéfiants, au détriment de la fiscalité et en particulier de la TVA. Comme nous le soulignons dans notre rapport, les choses ne sont cependant pas si simples. Notre régime douanier de TVA à l’importation, dit « régime 42 », veut que celle-ci ne soit acquittée que dans le pays de destination, ce qui peut favoriser l’« évaporation » de TVA, faute de communication entre les services. Les Pays-Bas, quant à eux, ont remplacé ce régime par un système d’autoliquidation de la TVA, qui permet de mieux assurer les contrôles. En France, la TVA relève, selon les cas, soit de l’administration fiscale, soit de l’administration des douanes ; il faut rapprocher l’une et l’autre, afin que la douane dispose des documents et éléments nécessaires pour savoir si la TVA a été acquittée ou non.

M. Gaby Charroux, rapporteur. Je centrerai mon propos, quant à moi, sur l’évolution, qui doit être accélérée, de l’organisation des services douaniers. L’adaptation du réseau territorial est inévitable, et la douane doit poursuivre l’évolution de ses métiers.

On constate une baisse globale, contrastée selon les secteurs, des effectifs de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) : moins 14 % en dix ans, aboutissant à un effectif de 16 662 agents en 2014.

Les moyens humains de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), service chargé de la lutte contre les grands trafics, ont toutefois augmenté de 8 %, ceux du service national de la douane judiciaire (SNDJ) de 16 %. Les effectifs de la branche des opérations commerciales et de l’administration générale, qui prend une place accrue par rapport aux tâches de contrôle et de surveillance, s’élèvent à 5 050 équivalents temps plein.

La DGDDI a conduit beaucoup de réformes difficiles au cours des dernières années ; elle a subi une réduction de ses effectifs allant au-delà du non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite. Toute la question est de savoir jusqu’où cette réduction doit aller et dans quelles conditions la suppression d’autres services douaniers sur le territoire national peut être envisagée. Je dois à l’honnêteté d’indiquer que, selon Éric Woerth, la baisse globale des effectifs doit être poursuivie, tandis qu’à mon sens il convient, au bas mot, de les maintenir à leur niveau actuel.

Une autre nécessité est d’actualiser les objectifs et de hiérarchiser les priorités. Nous sommes certes confrontés à la fraude, mais l’accompagnement des entreprises constitue également une nécessité. Divers moyens innovants ont été mis en œuvre à cette fin, parmi lesquels la création du service des grands comptes et celle du statut d’opérateur économique agréé.

Dans le domaine de la lutte contre la fraude, l’utopie d’un contrôle exhaustif des marchandises et des personnes entrant sur notre territoire est aujourd’hui dépassée. Nous n’en avons pas les moyens ; en avons-nous, d’ailleurs, la volonté ? À Roissy, le contrôle systématique est pratiquement abandonné, et nous avons constaté beaucoup d’amertume chez les agents. Sans doute faut-il remettre en cause, comme le disait Éric Woerth, la polarisation de l’activité sur les stupéfiants, le tabac ou les contrefaçons, notamment pour mieux combattre la fraude à la TVA, mais cela suppose une définition plus claire des objectifs.

S’agissant du réseau territorial, les agents de surveillance sont répartis en 214 brigades terrestres et 45 brigades aéronavales, et le nombre des implantations a diminué de 18 % entre 2010 et 2014, pour atteindre 925 actuellement. La Cour des comptes préconise de réduire encore ce nombre, en regroupant les agents des brigades qui n’atteignent pas la taille critique. Nous considérons, pour notre part, qu’il convient de maintenir une couverture systématique du territoire et de ne pas restreindre la surveillance aux grands axes de passage ou de flux du commerce international. Enfin, il faut réviser l’organisation des moyens matériels aéro-maritimes en coordination avec les autres administrations de l’État car, de ce point de vue, nous sommes très en retard.

Sur le plan des méthodes de travail, des progrès ont été réalisés en matière de ciblage, grâce à la création du service d’analyse de risque et de ciblage (SARC) ainsi qu’à l’expérimentation menée au centre opérationnel douanier terrestre (CODT) de Bordeaux. Il faut encore étoffer et moderniser les moyens de surveillance terrestres, tels les scanners et moyens de radio, actuellement insuffisants même si des progrès sensibles sont constatés, qui nous permettent de soutenir la comparaison avec bien d’autres pays européens, les Pays-Bas notamment – qui constituent, cela dit, un cas sans doute particulier.

L’amélioration des systèmes d’information de nos services douaniers est une priorité de premier rang. Il s’agit d’un domaine d’une grande complexité, qui place les personnels devant une certaine difficulté, et qui suppose donc un effort spécifique.

Je conclurai sur un sujet qui, en quelque sorte, transcende les thèmes que j’ai abordés : la très grande difficulté du dialogue social au sein de la DGDDI, soulignée par la totalité des cinq syndicats représentatifs. S’il n’y en avait eu qu’un pour le dire – et je tourne mon regard vers moi-même, disant cela, avec un peu d’humour –, nous aurions pu penser qu’il y avait un peu d’excès dans ce constat, mais cette unanimité nous a troublés et nous en avons fait part à la directrice générale des douanes comme au ministre du budget ; il s’agit d’une situation sérieuse que nous devons prendre en compte.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je tiens à saluer la qualité du travail accompli par les rapporteurs et ferai néanmoins une remarque liminaire qui risque d’apparaître comme peu consensuelle – mais nous sommes ici, après tout, pour faire preuve de franchise dans notre expression. La performance n’est pas liée au niveau d’effectifs, puisque leur baisse n’a pas empêché, au cours des trois dernières années, une nette progression des résultats dans tous les domaines. Certes, cette baisse ne pourra se poursuivre indéfiniment, mais la réalité est là.

Nous avons bien compris que le projet stratégique avait été très mal vécu et perçu par les agents, et peut-être mal présenté. Faut-il, selon vous, le redéfinir, ou peut-on le mettre en œuvre en l’état – et, si oui, à quelle échéance ? Il y a une attente de la part des agents, perplexes devant l’évolution du service en général et de leur métier en particulier.

Vous évoquez la refonte nécessaire des systèmes d’information. Je ne comprends pas que Bercy n’ait pas mieux pris la mesure des difficultés. Sans une bonne coordination et un bon pilotage, on n’avancera pas, et cela nuira non seulement à la lisibilité de l’action de la douane, mais aussi au service rendu.

Vous préconisez une remise à niveau des moyens du service, avec des méthodes modernes adaptées à l’ampleur du trafic à surveiller. Avez-vous estimé le coût approximatif de cette remise à niveau ?

Enfin, peut-on réduire encore, selon vous, le nombre des implantations territoriales, ou bien le seuil critique est-il atteint ? Comment réorganiser le service tout en maintenant le niveau de présence nécessaire ?

M. Marc Francina. Je suis l’élu d’une circonscription comportant 120 kilomètres de frontière avec la Suisse, pays qui n’appartient pas à l’Union européenne, et dans laquelle il reste 22 douaniers qui travaillent par équipes de trois : autant dire qu’ils ne peuvent rien faire ! À Bercy, on leur explique en outre que, puisqu’ils ne font pas de saisies de drogue, leurs effectifs vont encore être réduits. Si vous me donnez trois valises de billets, j’embarque au port d’Évian à cinq heures trente du matin, et le tour est joué !

Les douaniers qui gardent l’entrée de Bercy seraient beaucoup mieux employés sur le terrain qu’à surveiller les voitures qui arrivent au ministère. La diminution des effectifs, qui n’est pas propre au gouvernement actuel, a été très mal vécue, de même que la fermeture du centre de dédouanement de Thonon. Il ne reste plus aujourd’hui, sur la côte du lac Léman, que les postes de Saint-Gingolph et d’Annemasse. Alors même que les douaniers n’ont plus les moyens d’accomplir leur mission, le rapport encourage l’administration à diminuer davantage les effectifs.

Mme Nathalie Chabanne. Je voudrais tout d’abord saluer la qualité du travail des rapporteurs. Certes, les avis divergent sur la présence territoriale du service des douanes, mais cette administration, qui a payé un lourd tribut à la réduction des effectifs, est en outre sommée depuis des années de réformer ses méthodes de travail, notamment en pratiquant davantage le ciblage qui, s’il donne de bons résultats, n’en a pas moins dérouté les douaniers.

Je suis, moi aussi, l’élue d’une circonscription frontalière, avec l’Espagne en l’occurrence. C’est un important lieu de passage de produits illicites, ce qui crée une situation difficile. Or, le grand Sud-Ouest est confronté à la menace de suppression des brigades d’Albi et du Verdon. Pour une question d’effectifs, on privilégie les grands axes, ce qui signifie qu’on va surveiller le Perthus ou Biriatou, mais pas l’intérieur, où les trafics ont quasiment la voie libre – comme le montre le volume des saisies effectuées au col de Somport lorsque les équipes s’y déplacent.

Comme Gaby Charroux, je pense que nous avons besoin d’un bon maillage territorial. Les agents, sur le terrain, nous disent que les services sont déjà « à l’os » et qu’on ne peut pas leur ôter plus de moyens, matériels ou humains : pour lutter contre le trafic de stupéfiants, par exemple, un maître-chien est indispensable. Ce maillage n’est pas incompatible avec le ciblage, mais si l’on impose aux équipes un ciblage de plus en plus pointu, si l’on centralise de plus en plus les brigades, on se privera de leurs initiatives et de l’apport que constitue leur connaissance des particularités du terrain.

Les opérations commerciales constituent une spécialisation en plein avènement, mais les douaniers – je suis moi-même ancienne douanière – ont le sentiment qu’on leur demande de se limiter aux activités d’enregistrement afin de permettre aux entreprises de gagner en compétitivité en accélérant les procédures. Le risque est qu’ils s’entendent dire un jour : « Vous enregistrez, vous tamponnez et vous laissez passer », et qu’on les empêche de faire des contrôles qui n’entrent pas dans les critères du ciblage.

Enfin, le dialogue social au sein de cette administration est primordial. Les agents reconnaissent eux-mêmes qu’ils ne peuvent pas tout contrôler, mais cela fait bien plus de deux ans qu’ils font des propositions de réforme ; il est indispensable de savoir les écouter, si l’on veut que la douane parvienne à définir ses missions et, surtout, n’en perde aucune.

M. Éric Alauzet. Réagissant aux propos liminaire d’Éric Woerth, je constate que certaines décisions contre-productives ont été prises qui pourraient affaiblir la qualité et la performance des contrôles. J’observe par ailleurs que la réalisation du canal Seine-Nord ne fera qu’amplifier le déséquilibre dont souffre le port du Havre par rapport aux ports étrangers que sont Rotterdam et Anvers.

Le rapport fait état d’une baisse des effectifs de 14 %, mais il ne détaille pas assez précisément cette baisse par cadre d’emploi. Or il semble que ce soit les catégories C qui en pâtissent le plus, tandis que les postes d’encadrement progressent, en quantité comme en masse salariale, avec des bonifications pour la réalisation d’objectifs de réduction des effectifs.

Le maintien de la présence territoriale me paraît important, car ce sont les territoires ruraux ou moins urbanisés qui souffrent de sa réduction, le risque étant, comme pour toutes les administrations, celui d’une concentration de l’activité et de l’emploi dans les grands centres urbains. C’est une vraie question d’aménagement du territoire, sans doute marginale au regard de notre sujet, mais l’enjeu est de taille pour les territoires concernés.

M. Olivier Marleix. Je félicite les rapporteurs pour leur travail, à la fois complémentaire de celui de la Cour des comptes et riche en propositions. La réponse aux situations nouvelles créées par le commerce en ligne ne réside pas dans la seule gestion des effectifs. Il ne s’agit plus d’ergoter sur les suppressions de postes passées, mais de réaliser la transition entre une administration de main-d’œuvre et une administration disposant de moyens modernes. Or, le rapport ne consacre qu’une page à ce sujet, et s’étend davantage sur les questions d’effectifs ; j’aurais préféré l’inverse.

On évoque des outils technologiques nouveaux, capables de scanner un train entier roulant à grande vitesse, ou des scanners intelligents – comme celui développé par l’entreprise française Morpho – capables de détecter la présence de produits stupéfiants. L’enjeu véritable pour la douane est de se doter, dans les grandes plateformes portuaires ou aéroportuaires, de moyens technologiques à la hauteur des enjeux du développement du commerce international sous toutes ses formes. Il faut pallier l’insuffisance des moyens humains consacrés aux missions traditionnelles de lutte contre les trafics et en consacrer plus à la lutte contre l’évasion fiscale, notamment celle liée à la TVA.

Je fais mienne la question de Marie-Christine Dalloz : sommes-nous capables d’évaluer l’effort budgétaire à fournir pour faire de la douane française une administration à la pointe de la technologie ?

Mme Monique Rabin. Les rapporteurs ont-ils étudié les initiatives prises par certains préfets de région, par exemple pour combattre le travail dissimulé en associant plusieurs administrations – Inspection du travail, direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), DGDDI ?

Je déplore par ailleurs que le rapport ne comporte pas plus de préconisations, et je compte donc beaucoup sur le rapport de suivi pour en faire d’autres, afin que ce travail ne reste pas lettre morte. Enfin, je partage les observations qui ont été faites sur le coût de la modernisation, qui nécessite des technologies de pointe, mais aussi des moyens humains.

M. Jean Launay. Le rapport indique que le dispositif aéronaval est un gros consommateur de moyens ; or, notre parc naval est dégradé et les investissements y sont coûteux, d’où l’insistance mise sur le nécessaire développement de la coordination entre administrations de l’État. Cette question est au cœur du sujet : quels moyens mobiliser, au-delà de ceux de la douane, et comment les regrouper ? La présence de l’État en mer est primordiale, car la façade maritime de notre pays est considérable.

M. Éric Woerth, rapporteur. À ceux qui regrettent que notre rapport soit insuffisamment prescriptif, je répondrai que notre situation est particulière puisque, à la différence de la plupart des autres évaluations du CEC, nous disposons d’un rapport de la Cour des comptes, qui comporte sur un certain nombre de points des préconisations assez détaillées. C’est le cas, entre autres, du dispositif aéronaval, pour lequel nous avons fait nôtres les conclusions de la Cour sans y revenir. Sur d’autres points, en revanche, il arrive que les analyses nous paraissent contestables, ou doivent être amendées, ou nécessitent un approfondissement. C’est pourquoi les deux rapports doivent être lus en regard l’un de l’autre.

Certaines recommandations revêtent un aspect incantatoire, telle celle relative à l’accélération de l’harmonisation des informations sur la TVA entre pays membres de l’Union européenne. Les systèmes d’information ne peuvent, de toute façon, pas vivre isolément les uns des autres. S’il est illusoire de prétendre fixer une date, ce que personne n’est d’ailleurs en mesure de faire, notre propos était surtout de mettre un peu de pression sur la DGDDI et le ministère de tutelle afin d’aboutir à un calendrier acceptable.

En ce qui concerne les effectifs, M. Charroux et moi n’avons pas, c’est vrai, la même vision des choses. Pour ma part, je reconnais que la douane a beaucoup contribué à la baisse puis à la stabilisation des effectifs de la fonction publique, et nous avons salué cet effort. Cela étant, faut-il s’arrêter là, ou poursuivre l’évolution ? J’opte pour la deuxième solution, qui passe selon moi par un redéploiement entre la surveillance et les opérations commerciales et par un recours accru aux moyens techniques récentes. Les innovations qu’a évoquées Olivier Marleix représentent un très gros gain potentiel de productivité.

Les budgets d’investissement sont très faibles au regard des budgets de fonctionnement : 65 millions d’euros sur un budget total de 1,6 milliard d’euros. Cela fait problème lorsque l’on songe aux moyens nécessaires pour doter les douaniers d’équipements nouveaux, notamment dans les Antilles : la lutte contre la drogue y nécessite des avions, des bateaux et du renseignement. Mais on peut poursuivre la diminution des effectifs – peut-être à un rythme inférieur – si on accepte l’idée que le douanier n’a pas besoin d’être partout, à toutes les frontières.

Marc Francina déplore qu’il n’y ait pas plus de douaniers à sa frontière, qui n’est pas, il est vrai, une frontière interne à l’Union européenne et qui ne se situe pas franchement dans une zone rurale, mais qu’il y ait trente ou quarante douaniers au lieu de vingt ne changerait pas grand-chose. N’oublions pas que les forces de police et de gendarmerie sont présentes et ont vocation à contrôler des personnes et des voitures. Mais, pour ce qui regarde le contrôle douanier lui-même, il faut privilégier le ciblage, qui repose sur la centralisation du renseignement. Plus de ciblage, plus de moyens techniques, avec des coups de main ponctuels : voilà ce que nous savons faire, et qui est très efficace.

Le douanier qui contrôle ce qu’il veut au gré de son inspiration représente un modèle en passe de disparaître, même s’il convient, comme l’a dit Mme Chabanne, de conserver une marge de souplesse au nouveau local. Compte tenu du volume des flux et de la mobilité des contrevenants, le ciblage s’impose et s’imposera de plus en plus.

Quant à la drogue, il est moins efficace de la saisir au terme de son parcours que de le faire à l’entrée, faute de quoi on se condamne à ne saisir que de petites quantités de marchandise et d’argent liquide. Je ne dis pas qu’il faille s’en abstenir, mais au bon moment et avec des moyens adéquats – y compris sur le canal Seine-Nord lorsqu’il sera en service, car, comme les péniches ne vont pas vite, il sera possible de les scanner à loisir…

La question de la fusion avec la direction générale des finances publiques (DGFIP) et des inquiétudes que cette perspective suscite chez les agents est une sorte de « marronnier », que tout nouveau ministre arrivant à Bercy trouve en bonne place sur son bureau. Je considère que le sujet n’est pas à l’ordre du jour, car la DGFIP travaille dans bien des domaines ne relevant pas uniquement des questions de douane, et je ne suis d’ailleurs pas sûr qu’une réduction des effectifs améliorerait les choses. En revanche, il faut mettre en commun les données des deux administrations, qui relèvent du même ministre et qui doivent davantage collaborer. Un progrès a été constaté à cet égard, même si la DGDDI a tendance à considérer que c’est davantage elle qui alimente la DGFIP que l’inverse. L’efficacité de l’administration ne passe pas forcément par la fusion, mais surtout par l’échange, qui permet à chacun d’accomplir mieux la tâche qui est la sienne.

M. Gaby Charroux, rapporteur. Je partage bien des points de vue qui se sont exprimés et j’entends particulièrement celui de M. Francina. Je suis élu de la circonscription des Bouches-du-Rhône qui recouvre le port de Fos-sur-Mer, Port-Saint-Louis-du-Rhône et Martigues-Lavéra. Il y a trois ou quatre ans, j’ai rencontré des douaniers qui m’ont fait part de leur désarroi devant les évolutions qu’ils constataient. À leur invitation, j’ai participé aux états généraux de la douane ainsi qu’aux travaux du Conseil économique social et environnemental (CESE) où le sujet a été évoqué. J’ai mesuré l’attachement des douaniers à leur mission, qui ressort aussi de toutes les auditions que nous avons effectuées.

J’avoue ne pas comprendre la volonté de poursuivre la réduction des effectifs, dont le rapport montre qu’elle a été considérable au cours des dix dernières années. Je peux confirmer à M. Alauzet  que ce sont bien les emplois de catégorie C qui ont été principalement touchés. Cela peut s’expliquer par les évolutions technologiques, le ciblage, etc., mais il n’empêche que le « bon vieux douanier du coin », que ce soit celui de Port-Saint-Louis-du-Rhône ou des bords du lac Léman, est désemparé et se demande jusqu’où l’on va aller ainsi. Nous sommes confrontés à une évolution considérable : celle des échanges commerciaux entre les pays et des trafics qui s’ensuivent, mais aussi celle des méthodes de la douane. Reste que nous ne pouvons continuer cette course effrénée à la diminution des moyens humains : il faut garder un équilibre.

J’ignore si demain nous parviendrons à ressembler aux Pays-Bas qui ont su s’adapter à ces contraintes nouvelles ; j’espère que oui, car cela voudrait dire que les ports de Marseille ou du Havre seraient égaux en importance à celui de Rotterdam, mais cela suppose des moyens financiers.

L’idéal serait, bien entendu, de remonter jusqu’à la source des trafics qui, souvent, sont situés dans des pays étrangers, mais cela exige un gros effort de communication, car lorsque l’on explique qu’on n’intervient pas contre le petit trafiquant local – celui qui gâche la vie de tout un quartier – au motif que l’on concentre la lutte sur les grands trafics, personne ne peut l’accepter, et cela crée une irritation considérable.

Le Comité autorise la publication du présent rapport.

ANNEXE :
PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

1. Auditions :

– Mme Manuela Dona et de M. Sébastien Gehan, co-secrétaires généraux du Syndicat national des agents des douanes-CGT (SNAD-CGT) (11 mars 2015).

– M. Diego Rizzo, secrétaire général de CFDT-Douanes (11 mars 2015).

– M. Philippe Bock, co-secrétaire général de Solidaires Douanes (11 mars 2015).

– M. Vincent Thomazo, secrétaire général d’UNSA-Douanes, et de M. Jean-Marie Favre, secrétaire interrégional, section Service national de douane judicaire (11 mars 2015).

– Mme Marie-Jeanne Catala, secrétaire générale par intérim, et de M. Jacques Deffieux, président de la branche cadre de l’Union syndicale des douanes – Force ouvrière (USD-FO) (11 mars 2015).

– M. Marc-André Feffer, directeur général adjoint, chargé de la stratégie de développement, des affaires juridiques et internationales et de la régulation du groupe La Poste, et de M. Jean-Paul Forceville, directeur de la régulation et des affaires institutionnelles et européennes (18 mars 2015).

– Mme Brigitte Iconomoff, manager Douanes en charge des questions réglementaires de Fedex (18 mars 2015).

– Mme Hélène Crocquevieille, directrice générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), accompagnée de M. Jean-Paul Balzamo, sous-directeur des affaires juridiques, du contentieux, des contrôles et de la lutte contre la fraude, et de Mme Laurence Jaclard, chargée des relations institutionnelles (1er avril 2015).

– M. Frédéric Chastenet de Géry, chef du service du soutien au réseau à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), accompagné de M. Jean Fouché, chef de bureau (8 avril 2015).

– M. Olivier Sivieude, chef de service du contrôle fiscal, à la direction générale des finances publiques (DGFiP), accompagné de M. Florent Barrois, adjoint Bureau CF3, et de M. Manuel Faucher, task force TVA DGFiP (15 avril 2015).

– M. Nicolas Le Gall, attaché douanier aux Pays-Bas (15 avril 2015).

– M. Christian Eckert, Secrétaire d’État au Budget, accompagné de M. Fabrice Aubert, conseiller juridique, M. François Adam, directeur-adjoint de cabinet, M. Sébastien Rabineau, conseiller parlementaire, et de Mme Hélène Crocquevieille, directrice générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) (15 avril 2015).

2. Déplacements :

• à Marseille (16 juin 2014) :

– M. Jean-Louis Moret, directeur interrégional des douanes-Méditerranée ;

– M. Patrice Vernet, directeur régional des douanes de Marseille ;

– M. Vincent Augias, chef du Pôle orientation des contrôles (POC) de Marseille ;

– M. Guy Cros, chef divisionnaire à Marseille extérieur ;

– M. Bruno Ligiot, chef divisionnaire de Marseille-Fos.

• à la Direction interrégionale des douanes et droits indirects de Roissy-en-France (30 juin 2014) :

– M. Dominique Labiche, directeur interrégional ;

– Mme Corinne Cléostrate, directrice régionale à Roissy voyageurs ;

– M. Philippe Legué, directeur régional à Roissy fret.

CONTRIBUTION DE LA COUR DES COMPTES À L’ÉVALUATION DE L’ACTION DE LA DOUANE DANS LA LUTTE CONTRE LES FRAUDES ET TRAFICS

Cette contribution peut être consultée à l’adresse suivante :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i2839.asp

1 () Finances, économie générale et contrôle budgétaire ; Lois constitutionnelles, législation et administration générale ; Défense nationale et forces armées.

2 () Prosafe (Product Safety Forum of Europe) est une organisation à but non lucratif réunissant les autorités et personnes responsables de la surveillance du marché au sein de l’Espace économique européen, dans le but d’améliorer la sécurité des usagers et consommateurs de produits et de services en Europe.

3 () Le règlement n°648/2005 du 13 avril 2005 fixe le cadre commun dans lequel les administrations douanières européennes doivent travailler conjointement pour assurer la mission de sûreté et de sécurité.

4 () Informations listées à l’annexe 30 bis des dispositions d'application du code des douanes communautaire (DAC).

5 () La DGDDI fournit les exemples suivants concernant son action en mer en 2014 : 257 personnes ont été secourues (245 en 2013) ; 84 % du total des pollutions constatées l’ont été par la douane (60 pollutions constatées en 2014 ; 99 en 2013) ; 6,6 millions d’euros de droits et taxes ont été redressés par les services garde-côtes ; ces mêmes services ont participé à la saisie de produits stupéfiants pour une valeur de 2,6 millions d’euros.

6 () Cet article a été décliné en deux décrets, le premier relatif à la collecte et au traitement des données, adopté en Conseil d’État et publié au Journal officiel le 26 septembre 2014. Ce texte va donner de nouveaux moyens d’action aux services compétents (listés dans le décret) qui pourront utiliser la plate-forme métier UIP comme un prestataire de service. Le second est un décret simple visant à la création de la future UIP (localisation, gouvernance, organisation) publié au Journal officiel le 22 décembre dernier.

7 () Lecture automatique des plaques d’immatriculation.

8 () Ces chiffres ne prennent pas en compte la question de la localisation à Metz, en 2014, de 127 emplois supplémentaires pour le recouvrement, le contentieux et le contrôle de la taxe poids lourds.


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