N° 3322 - Rapport d'information de Mme Marianne Dubois et M. Joaquim Pueyo déposé en application de l'article 145 du règlement, par la commission de la défense nationale et des forces armées, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur le bilan et la mise en perspective des dispositifs citoyens du ministère de la Défense




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3322

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2015.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

en conclusion des travaux d’une mission d’information (1)

sur le bilan et la mise en perspective des dispositifs citoyens du ministère de la Défense

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Marianne DUBOIS et M. Joaquim PUEYO,

Députés.

——

(1) La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

La mission d’information sur le bilan et la mise en perspective des dispositifs citoyens du ministère de la Défense est composée de :

– Mme Marianne Dubois et M. Joaquim Pueyo, rapporteurs ;

– MM. Nicolas Bays, Jean-Jacques Candelier, Francis Hillmeyer, Laurent Kalinowski, Mme Nathalie Nieson et M. Michel Voisin, membres.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION : LA NOSTALGIE DU SERVICE NATIONAL 7

PREMIÈRE PARTIE : LES ÉTAPES OBLIGATOIRES DU PARCOURS DE CITOYENNETÉ 13

I. L’ENSEIGNEMENT DE DÉFENSE : SENSIBILISER LA JEUNESSE À SON DEVOIR DE DÉFENSE 13

A. IMPLIQUER L’INSTITUTION SCOLAIRE DANS LE RENOUVELLEMENT DU LIEN ENTRE LA JEUNESSE ET L’ARMÉE 13

1. Pallier la disparition du service militaire dans l’éducation des jeunes 13

2. Le contenu des programmes 14

B. UN BILAN EN DEMI-TEINTE 16

1. Les protocoles avec l’éducation nationale 16

2. Une mise en œuvre inégale 18

II. LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ : DÉVELOPPER L’ESPRIT DE DÉFENSE 20

A. UNE ÉTAPE OBLIGATOIRE POUR PRÉPARER UN ENGAGEMENT PLUS POUSSÉ AU SEIN DES ARMÉES 20

1. Un préalable indispensable : le recensement à seize ans 20

2. Un appel de préparation à la défense plutôt qu’un « rendez-vous citoyen » 20

B. L’UTOPIE D’UN « SERVICE MILITAIRE EN UN JOUR » 23

1. Une mise en œuvre plutôt réussie 23

a. L’organisation de la journée 23

b. L’animation de la journée 24

2. Des finalités mal identifiées 26

a. Un contenu erratique 26

b. Une photographie intéressante d’une classe d’âge 29

c. Une utilité pour les armées difficilement appréciable 29

DEUXIÈME PARTIE : DES POSSIBILITÉS D’ENGAGEMENT COMPLÉMENTAIRES POUR PROLONGER LE PARCOURS DE CITOYENNETÉ 31

I. LES PÉRIODES MILITAIRES : OFFRIR UNE IMMERSION AU SEIN DES ARMÉES 31

A. PROLONGER L’APPEL DE PRÉPARATION À LA DÉFENSE 31

1. Un héritage de la conscription 31

2. Une immersion concrète au sein des armées 31

B. UNE OFFRE VARIÉE, UN SUCCÈS CERTAIN 32

1. La marine nationale 33

2. L’armée de l’air 33

3. L’armée de terre 34

C. UN CANTONNEMENT PROGRESSIF VERS LE PRÉ-RECRUTEMENT 34

1. Un outil de rayonnement pour les armées 34

2. Un vivier de recrutement pour les armées 35

II. LE VOLONTARIAT DANS LES ARMÉES : PERMETTRE À TOUT CITOYEN DE CONTRIBUER À LA DÉFENSE DE LA NATION 36

A. GARDER UN LIEN FORT ENTRE LA NATION ET SON ARMÉE 36

1. Un service volontaire plutôt qu’un service obligatoire de courte durée 36

2. Offrir une expérience militaire à une part significative de la jeunesse 37

B. UN DISPOSITIF QUI S’ÉTEINT PROGRESSIVEMENT 38

1. Trois armées, trois politiques différentes 38

2. Le rêve impossible d’une armée mixte 39

III. LA RÉSERVE MILITAIRE : RENFORCER LES CAPACITÉS DES FORCES ARMÉES ET ENTRETENIR L’ESPRIT DE DÉFENSE 40

A. D’UNE RÉSERVE DE MASSE À UNE RÉSERVE D’EMPLOI 40

1. Une réserve pléthorique et peu opérationnelle du temps de la conscription 40

2. Une réserve désormais intégrée à l’armée d’active 41

3. Un cadre juridique adapté au volontariat 42

B. LE RENDEZ-VOUS MANQUÉ DE LA PROFESSIONNALISATION 45

1. Une montée en puissance jamais accomplie 45

2. Une doctrine d’emploi qui manque de clarté 47

a. Des compléments individuels plutôt que des unités constituées 47

b. Une mobilisation insuffisante en cas de crise sur le territoire national 48

3. La réserve citoyenne mal identifiée 51

TROISIÈME PARTIE : DES DISPOSITIFS POUR RENFORCER LA COHÉSION NATIONALE DE PLUS EN PLUS NOMBREUX 53

I. PALLIER LA DISPARITION DE LA FONCTION CIVIQUE ET SOCIALE DU SERVICE MILITAIRE 53

A. LA RÉUSSITE DU SERVICE CIVIQUE 53

1. Un service obligatoire à composante civile : un choix écarté dès 1997 53

2. Le long cheminement vers le volontariat de service civique 55

3. La loi du 10 mars 2010 56

a. Une composante du service national universel 56

b. Un volontariat au service de l’intérêt général 57

c. Une montée en puissance réussie 58

B. LES ACTIONS EN FAVEUR DE LA JEUNESSE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE 59

1. La commission Armées-Jeunesse 59

2. Le délégué ministériel à la jeunesse et à l’égalité des chances 60

3. Les cadets de la défense 61

a. Un programme civique pour les plus jeunes 61

b. Un programme resté au stade de l’expérimentation 64

c. Une absence totale de pilotage au niveau national 66

II. LE SAVOIR-FAIRE DES ARMÉES MIS À PROFIT POUR RÉUSSIR L’INTÉGRATION PROFESSIONNELLE DE LA JEUNESSE 67

A. L’EXPÉRIENCE RÉUSSIE DU SERVICE MILITAIRE ADAPTÉ 67

1. Un dispositif original 67

2. Un pilotage efficace 69

B. UNE FORMULE D’INSPIRATION MILITAIRE : L’EPIDE 71

1. Une transposition partielle du service militaire adapté 71

2. Des résultats encourageants 72

C. LES DÉFIS DU SERVICE MILITAIRE VOLONTAIRE 73

1. Une expérimentation pendant deux ans 73

2. Assurer la pérennité du dispositif 75

CONCLUSION DES RAPPORTEURS : REDONNER DU SENS AU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL 77

I. UN PROGRAMME DE CADETS PLUTÔT QU’UNE FORME NOUVELLE DE SERVICE MILITAIRE 78

1. Pourquoi s’adresser à un public si jeune ? 78

2. Quel contenu donner à ce programme de cadets ? 79

3. Comment mettre en œuvre un tel programme ? 80

II. SUPPRIMER LA JDC ET RENFORCER LES OBLIGATIONS DU PARCOURS DE CITOYENNETÉ 82

1. Supprimer la JDC plutôt que de la dédoubler 82

2. Renforcer l’enseignement de défense obligatoire 84

III. UNE RÉSERVE NOUVELLE POUR PARTICIPER À L’EFFORT DE LA DÉFENSE 85

1. Une réserve de garde nationale pour protéger le territoire 85

2. Une réserve honoraire pour le rayonnement 88

IV. TROIS PROGRAMMES, UN SEUL PILOTE 90

TRAVAUX DE LA COMMISSION 93

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS 109

ANNEXE AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DES RAPPORTEURS 111

INTRODUCTION : LA NOSTALGIE DU SERVICE NATIONAL

Alors que l’appel sous les drapeaux a été suspendu il y a désormais près de vingt ans, par une décision du président de la République du 22 février 1996 transcrite dans la loi du 28 octobre 1997 (1), le service national suscite encore de la nostalgie chez nombre de nos concitoyens.

Cette nostalgie est ravivée, à intervalles réguliers, par des événements dramatiques qui témoignent d’une intégration républicaine et sociale insuffisante d’une part importante de la jeunesse française : émeutes urbaines de l’automne 2005 et, avec une plus grande acuité, attentats terroristes commis cette année sur le territoire national par des ressortissants français.

Il est vrai que la conscription avait incontestablement contribué à favoriser l’émergence de la conscience nationale au point qu’elle était devenue un élément consubstantiel de l’identité républicaine de la France du XXsiècle.

Moins un héritage de la Révolution que de la IIIRépublique – le service militaire n’est vraiment devenu obligatoire et universel qu’en 1905 – cette institution imposée par l’État était devenue progressivement pour des générations entières un rite de passage à l’âge d’homme. Ce n’était que libéré de ses obligations militaires que l’on pouvait se marier, choisir un état professionnel, bref s’établir : « le service faisait du conscrit un homme » (2).

Parce qu’elle est devenue commune à tous les jeunes hommes du pays, cette expérience a diffusé la conscience d’appartenir à une communauté nationale. Le départ pour le régiment était souvent l’occasion de quitter son département et de découvrir le pays tandis que son universalité rassemblait les jeunes Français de toutes origines sociales. Après l’école, mais au même titre qu’elle, le service militaire a joué un rôle essentiel dans la formation d’une conscience nationale et de l’identité de la France au XXsiècle.

Jusqu’à la Première Guerre mondiale, la modernité du monde militaire a facilité ce grand brassage : faire son service militaire, c’était aussi pour beaucoup passer un premier examen médical, être obligé de parler le français, découvrir l’eau courante, les chaussures ou encore l’électricité.

Au-delà de son rôle social, enfin, la conscription a joué un rôle civique. Le service militaire faisait partie intégrante du projet républicain. Pour Gambetta, il fallait « mettre partout, à côté de l’instituteur, le militaire afin que nos enfants, nos soldats, nos concitoyens soient tous aptes à tenir une épée et à supporter vaillamment toutes les épreuves pour la patrie » (3) tandis que le maréchal Lyautey voulait faire de l’officier « l’éducateur de la Nation tout entière ». Incontestablement, le service militaire a contribué à développer l’attachement patriotique dont l’union sacrée de 1914 fût le meilleur témoignage.

L’apport de la conscription à l’histoire de notre pays, tant pour le sort des armes que pour la constitution d’une communauté nationale, est encore très présent dans la mémoire et les représentations collectives.

Il faut néanmoins se garder de toute forme de nostalgie. Si le service militaire obligatoire a été supprimé en 1997, c’est ce qu’il n’était plus adapté aux enjeux de la France de la fin du XXsiècle.

Tout d’abord, le service militaire obligatoire ne répondait plus aux besoins opérationnels des armées.

Conçue historiquement pour opposer des effectifs nombreux à la menace allemande – l’armée française comptait 3,5 millions d’hommes sous les drapeaux à la veille de la Première Guerre mondiale – la loi du nombre ne présentait plus d’intérêt stratégique majeur pour les armées à la fin des années 1990.

La disparition de menaces directes aux frontières, la nécessité de projeter des professionnels aguerris sur des théâtres extérieurs ne justifiaient en effet plus l’existence d’une armée de masse, à la capacité opérationnelle réduite du fait de sa composition mixte, faite de professionnels et d’appelés.

Alors qu’elle comptait encore 500 000 militaires en 1996, dont plus de 40 % d’appelés, l’armée française s’était donc déjà engagée dans un processus irréversible de professionnalisation. La réduction de la durée du service à dix mois, conjuguée à la technicité croissante des équipements mis en œuvre par les armées, limitait en effet la capacité opérationnelle des appelés. Dans les faits, il y avait donc une armée à deux vitesses, ce que le concept de « disponibilité opérationnelle différenciée » traduisait.

C’est bien parce qu’il était devenu inefficace et qu’il remettait en cause la capacité opérationnelle de l’ensemble des armées que le service militaire a été abandonné en 1997.

Mais moins que de l’utilité opérationnelle du service militaire, c’est de son rôle social et civique dont les partisans de son rétablissement sont le plus nostalgiques. Là aussi, il faut se garder de toute illusion.

Le service national ne jouait plus que de façon tout à fait marginale son rôle d’intégration civique et sociale.

Tout d’abord, le recul de l’âge d’incorporation, du fait de l’allongement de la durée des études, faisait que les jeunes appelés étaient déjà engagés dans leur vie d’adulte : ils avaient déjà voyagé, commencé ou terminé leurs études, voté. Le service militaire n’était donc plus vécu comme un rite d’entrée dans la vie d’adulte mais plutôt comme une perturbation sur le chemin de celle-ci.

Loin de l’image idéalisée de l’agrégé et de l’ouvrier partageant pendant une année le même casernement, le service national excluait, en 1995, ceux que menaçait l’exclusion sociale : le taux d’exemption – 20 % en moyenne – était d’autant plus fort qu’étaient faibles les niveaux scolaires et généraux déterminés lors des opérations de sélection : 18 % des titulaires d’une licence ou d’un autre diplôme supérieur étaient exemptés mais ce taux atteignait 53 % dans la population de plus faible niveau scolaire, dont 50 % chez les illettrés profonds, en raison des effets associés à l’illettrisme. Pour justifier ces exclusions, on rappelait alors que le rôle premier de l’armée n’était pas d’être une entreprise d’insertion sociale au profit des Français mais de défendre le pays.

Enfin, la multiplication des formes civiles du service au cours de la décennie 1980 – 39 000 appelés en 1996 contre 9 000 en 1987 – liées le plus souvent aux relations personnelles des appelés, donc des plus favorisés, atténuait fortement le principe d’universalité et le brassage social qui devait en découler.

S’il a suspendu l’appel sous les drapeaux, le législateur de 1997 n’a pas pour autant supprimé le service national mais lui a donné un contenu et un sens nouveaux : le service national universel.

Au terme d’une large concertation et de longs travaux parlementaires (4), le législateur n’avait pas souhaité rompre l’indispensable lien qui doit unir la Nation à son armée mais le renouveler en empruntant des voies nouvelles.

La loi du 28 octobre 1997 a d’abord réaffirmé que les citoyens concourraient à la défense de la Nation et que ce devoir s’exerçait notamment par l’accomplissement du « service national universel » – universel parce qu’il n’exemptait plus les jeunes Françaises de cette obligation.

Elle a ensuite mis en place un parcours de citoyenneté, forme nouvelle de ce « service national universel ». Ce parcours de citoyenneté comprend des étapes obligatoires : l’enseignement de défense, le recensement et l’appel de préparation à la défense. Il comprend également des choix : les périodes militaires, le volontariat dans les armées et l’engagement à servir dans la réserve.

« La loi portant réforme du service national institue un parcours de citoyenneté qui redonne sa place à deux vertus cardinales des sociétés démocratiques : pour tous, l’obligation, donc le devoir civique du recensement et de l’appel de préparation à la défense, et au-delà, pour certains, le volontariat, qui sollicite l’esprit d’engagement » expliquait ainsi le Premier ministre, M. Lionel Jospin, lors d’un discours à l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN), le 3 septembre 1998.

C’est à ce service national universel que les rapporteurs de la mission d’information ont souhaité consacrer leurs travaux, en vertu du mandat que leur a confié la commission de la Défense en décembre 2014.

Si les événements tragiques de l’année 2015 ont donné à ces questions une acuité particulière, ils ont souhaité prendre le temps d’analyser l’ensemble des composantes de ce service national universel, ainsi que les différents dispositifs palliatifs mis en place ces dernières années par les armées pour suppléer la disparition de la fonction sociale de l’ancien service militaire.

Il ne s’agit pas pour les rapporteurs de participer au « concours Lépine de la recette miracle pour une jeunesse citoyenne et républicaine » (5) auquel nous assistons depuis quelques mois, mais d’évaluer une politique publique mise en place il y a près de vingt ans et de réfléchir à son adaptation aux réalités contemporaines.

La première partie de ce rapport est consacrée aux étapes obligatoires du parcours de citoyenneté : l’enseignement de défense, le recensement et l’appel de préparation à la défense. Si la mise en œuvre de l’enseignement de défense dans les collèges et lycées est perfectible, les rapporteurs s’interrogent sur l’utilité réelle de l’appel de préparation à la défense, devenu journée défense et citoyenneté en 2010.

La deuxième partie s’intéresse aux dispositifs mis en place par le législateur de 1997 pour compléter la partie obligatoire du parcours de citoyenneté : préparations militaires, volontariat dans les armées et engagement dans la réserve. Force est de constater qu’aucun d’entre eux n’a pris l’ampleur espérée par le législateur et qu’ils sont tous demeurés confidentiels.

La troisième partie, enfin, rappelle les différentes initiatives prises depuis 1997 pour pallier la disparition de la fonction civique et sociale du service militaire : service civique, plan « égalité des chances » du ministère de la Défense et, plus récemment, service militaire volontaire. Une grande dispersion et un manque de visibilité caractérisent ces initiatives.

Au terme de leurs travaux, les rapporteurs partagent deux convictions :

– les armées, grâce à leur savoir-faire en matière de jeunesse, ont un rôle à jouer dans l’éducation de celle-ci et des valeurs à lui transmettre ;

–  plutôt qu’un dispositif uniforme poursuivant plusieurs buts sans n’en atteindre aucun, il est plus efficace de mettre en place des politiques ciblées en direction de publics bien identifiés avec des objectifs clairs.

Les rapporteurs proposent donc dans leur conclusion de remettre de l’ordre dans les différentes formes d’engagement proposées par le ministère de la Défense et de définir une politique en direction de la jeunesse autour de trois axes : un programme de cadets de la défense pour l’éducation civique, des réserves opérationnelles pour la protection du territoire national, et un service militaire pour l’emploi pour l’insertion professionnelle.

PREMIÈRE PARTIE :
LES ÉTAPES OBLIGATOIRES DU PARCOURS DE CITOYENNETÉ

Tel qu’il a été conçu par le législateur de 1997, le parcours de citoyenneté constitue la forme nouvelle du service national.

L’article L. 111-2 du code du service national, tel qu’il résulte de la loi de 1997 sur le service national (6) dispose ainsi : « Le service national universel comprend des obligations : le recensement, l’appel de préparation à la défense et l’appel sous les drapeaux. Il comporte aussi des volontariats. »

L’appel sous les drapeaux étant suspendu, ce parcours de citoyenneté comprend en fait trois étapes obligatoires : l’enseignement de défense dans le cadre scolaire, le recensement à l’âge de seize ans et l’appel de préparation à la défense, devenue journée défense et citoyenneté (JDC), entre le seizième et le dix-huitième anniversaire.

I. L’ENSEIGNEMENT DE DÉFENSE : SENSIBILISER LA JEUNESSE À SON DEVOIR DE DÉFENSE

A. IMPLIQUER L’INSTITUTION SCOLAIRE DANS LE RENOUVELLEMENT DU LIEN ENTRE LA JEUNESSE ET L’ARMÉE

1. Pallier la disparition du service militaire dans l’éducation des jeunes

« Du fait de la suspension de l’appel sous les drapeaux, écrivait le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, M. Didier Boulaud, le lien armée-Nation, constitutif de la tradition et de l’identité républicaines de la France, doit être renouvelé dans son contenu comme dans ses modalités d’expression. » (7)

C’est pourquoi le législateur décida de confier cette mission à l’école, institution qui remplissait aux côtés de l’armée un rôle fondamental dans l’intégration républicaine depuis plus d’un siècle. Le ministre de la Défense, M. Alain Richard, exprima ainsi en séance publique son souhait « de revitaliser l’enseignement de l’instruction civique et de l’histoire pour que les adolescents soient formés dès leur scolarité aux fondements de notre pacte républicain et aux valeurs fondamentales de notre démocratie. Dans ce cadre, ils seront initiés aux principes de la défense sous la responsabilité du corps enseignant. » (8)

Alors que le projet de loi présenté par le Gouvernement prévoyait que cet enseignement serait dispensé dans tous les établissements scolaires, le Parlement a précisé qu’il ne le serait que dans les établissements du secondaire, c’est-à-dire au collège et au lycée. Lors du débat parlementaire, le ministre de la Défense avait précisé que le programme se traduirait par « un certain nombre d’heures ou de dizaine d’heures réparties sur deux ou trois années de scolarité entre la quatrième et la première » (9).

Quant au contenu précis des programmes, le ministre avait évoqué l’histoire militaire, la politique de défense et de sécurité de la France, les missions et l’organisation des forces armées. Le contenu des programmes ayant un caractère réglementaire, la loi se contenta de rappeler le caractère obligatoire de cet enseignement et d’en définir les grands axes.

Article L. 114-1 du code du service national

« L’enseignement de la défense est organisé dans les conditions fixées par l’article L. 312-12 du code de l’éducation ci-après reproduit :

« Art. L. 312-12 – Les principes et l’organisation de la défense nationale et de la défense européenne ainsi que l’organisation générale de la réserve font l’objet d’un enseignement obligatoire dans le cadre de l’enseignement de l’esprit de défense et des programmes de tous les établissements d’enseignement du second degré.

« Cet enseignement a pour objet de renforcer le lien armée-Nation tout en sensibilisant la jeunesse à son devoir de défense. »

Lors des débats, les parlementaires avaient signifié leur volonté de voir l’institution militaire étroitement associée à la mise en œuvre des programmes, un amendement proposant même d’y impliquer l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN). Aucune proposition de portée normative ne fut adoptée, le ministre de la Défense rappelant que la présence de militaires au sein de l’école n’était pas exclue.

S’il avait convenu l’existence de « différences de sensibilité entre l’école et l’armée », le ministre de l’Éducation nationale, M. Claude Allègre, avait pour sa part souligné, devant la commission de la Défense, que la loi engagerait totalement le ministère et aurait un effet contraignant sur les enseignants. Le succès de la réforme, avait-il enfin précisé, reposerait avant tout sur l’adhésion de ces derniers (10).

2. Le contenu des programmes

L’enseignement de défense est aujourd’hui principalement dispensé en classes de troisième et de première, à travers deux modules « défense » clairement identifiés dans les nouveaux programmes d’enseignement moral et civique.

Dans la mesure où ces programmes ne sont entrés en vigueur qu’à la rentrée 2015, il est naturellement difficile pour les rapporteurs d’en évaluer la portée réelle.

En classe de troisième, l’enseignement de défense est une composante de la dimension « engagement : agir individuellement et collectivement » qui vise notamment à « développer une conscience citoyenne, sociale et écologique. » L’élève doit y acquérir, aux côtés des « grands principes des droits sociaux », une « connaissance des grands principes de la défense nationale ». Font pour cela l’objet d’un enseignement :

« – la journée défense et citoyenneté ;

« – les citoyens et la défense nationale, les menaces sur la liberté des peuples et la démocratie, les engagements européens et internationaux de la France. »

Parmi les exemples de pratiques citées pour appuyer cet enseignement, on relève : « à l’occasion du recensement des élèves âgés de 15 ans, faire comprendre le sens de cette opération, son lien avec la JDC et le rôle des citoyens dans la défense nationale » et l’étude « d’une action militaire dans le cadre de l’Onu ».

Tel qu’il est rédigé le programme actuel n’est donc pas très éloigné sur ce point du programme d’éducation civique précédemment en vigueur, qui comprenait une partie intitulée « La défense et la paix ». Cette partie du programme représentait alors 20 % du programme d’éducation civique de troisième, soit six à sept heures par an. Preuve qu’il était parfaitement intégré aux programmes scolaires, il a fait l’objet d’une épreuve au brevet des collèges en 2014 (11).

En classe de première générale, l’enseignement de défense s’inscrit dans le module « exercer sa citoyenneté dans la République française et l’Union européenne ». Doivent y être enseignés :

« – l’organisation et les enjeux de la défense nationale ;

« – l’engagement dans des conflits armés, la sécurité internationale. »

Il est conseillé pour cela d’organiser des débats « sur l’éthique et les enjeux de conflits avec des acteurs de la défense nationale par l’intermédiaire des trinômes académiques » et de présenter les métiers de la défense, ce qui est nouveau. Si le programme est tout à fait conforme aux souhaits exprimés par les parlementaires en 1997, l’absence d’épreuve d’enseignement moral et civique au baccalauréat réduit probablement la mise en œuvre pratique de cette partie du programme par les enseignants.

Au-delà de ces deux séquences bien identifiées, un certain nombre de notions relatives à la défense et à la sécurité nationale sont présentes dans les programmes d’histoire et géographie tout au long de la scolarité obligatoire. Sans vouloir prétendre à l’exhaustivité, on peut relever que des thèmes comme « La Révolution française et l’Empire » en classe de quatrième, « L’Europe un théâtre majeur des guerres totales – 1914-1945 » en classe de troisième ou encore « Mers et océans, un monde maritimisé » en classe de quatrième sont autant d’entrées pour les enseignants pour aborder ces sujets. Le programme d’enseignement moral et civique comprend en outre, dès le premier degré, un apprentissage des symboles de la République.

Il y a donc incontestablement dans les programmes scolaires, hier comme aujourd’hui, une matière riche et diverse, organisée selon une progression qui amène l’élève aux connaissances et compétences de défense et de sécurité nationale indispensables à l’exercice de ses devoirs de citoyen.

Le seul regret que peuvent exprimer les rapporteurs est la disparition de toute notion relative à la défense dans le nouveau « socle commun de connaissances, de compétences et de culture » prévu par l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation nationale.

Ce socle, créé par la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programmation pour l’avenir de l’école, présente ce que tout élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire à la fin du collège.

Le socle commun défini par le décret du 11 juillet 2006 comprenait sept compétences à acquérir parmi lesquelles « la culture humaniste », au sein de laquelle les élèves devaient comprendre « l’unité et la complexité du monde par une première approche » « des conflits dans le monde et des notions de défense ». Le rôle de la défense nationale était en outre présent dans le livret personnel de compétences au sein des « compétences sociales et civiques ».

Le nouveau socle commun, défini par le décret du 31 mars 2015, entrera en vigueur à la rentrée 2016 et ne comprend aucune entrée propre à la défense, même si l’on peut imaginer qu’elle pourrait être incluse dans celle, plus vaste, de « la formation de la personne et du citoyen. »

B. UN BILAN EN DEMI-TEINTE

1. Les protocoles avec l’éducation nationale

Dans le cadre de la sensibilisation de la jeunesse aux valeurs de la citoyenneté et aux enjeux de la défense, un partenariat entre les ministères de la Défense et de l’Éducation nationale est formalisé depuis 1982. Les principes et modalités ont été définis dans le cadre quatre protocoles successifs, en 1982, 1989 et 1995, le dernier en date ayant été établi le 31 janvier 2007. Il a été renforcé, à partir de 2012, par un protocole additionnel signé avec le ministère chargé de l’Enseignement supérieur.

On peut constater tout d’abord qu’il a fallu attendre dix ans pour que les bouleversements nés de la réforme du service national de 1997 soient intégrés à ces partenariats entre la défense et l’éducation nationale. Le protocole de 2007 a donc pris en compte, pour la première fois, la mission nouvellement confiée à l’éducation nationale en matière d’enseignement de défense et les nouveaux programmes scolaires issus de la réforme de 2005. Ce texte comprend une quarantaine d’actions réparties en trois chapitres : « Parcours de citoyenneté », « Insertion et emploi » et « Développement de la connaissance ».

Pour assurer sa mise en œuvre, il a été créé un comité de pilotage, composé de représentants des deux ministères et du directeur de l’IHEDN, chargé de se réunir au moins une fois par an.

Concrètement, le secrétariat permanent de ce comité est assuré par la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la Défense et par la direction générale de l’enseignement scolaire du ministère de l’Éducation nationale, par l’intermédiaire en son sein d’un délégué national pour l’éducation à la défense.

La DMPA soutient l’enseignement de défense principalement par la réalisation de documents pédagogiques à destination des enseignants et des élèves. Elle a par exemple édité récemment plusieurs livrets pédagogiques consacrés aux deux conflits mondiaux « Louis, soldat de la Grande Guerre », « Philippe de Hautecloque dit général Leclerc ». Elle diffuse dans les centres de documentation des établissements scolaires la revue bimestrielle « Les chemins de la mémoire » et propose des contenus enrichis sur le site Internet du même nom.

Elle finance également auprès des établissements scolaires des projets pédagogiques : rallyes citoyens, visites scolaires des lieux de mémoire ou encore réalisation de travaux individuels. Elle organise enfin chaque année le concours national de la résistance et de la déportation, qui est le premier concours scolaire en termes d’inscrits – 42 000 élèves en 2015, pour 2 000 établissements concernés.

Le délégué national pour l’éducation à la défense est, pour sa part, plus particulièrement chargé de sensibiliser les enseignants aux problèmes de défense par l’organisation de formations, colloques ou opérations diverses. Il s’occupe également de l’interface avec les différents interlocuteurs de la communauté de défense : IHEDN, commission Armées-Jeunesse, service militaire adapté, etc.

L’application du protocole est ensuite appuyée, au niveau local, par les trinômes académiques. Depuis 1987, ces trinômes réunissent, sous l’autorité du recteur d’académie, l’autorité militaire territoriale, – le délégué militaire départemental – le représentant de l’éducation nationale et le président de l’association régionale des auditeurs de l’IHEDN. Ils organisent différentes manifestations à destination des élèves et du corps enseignant.

2. Une mise en œuvre inégale

Indubitablement, la mise en œuvre de ces protocoles n’a pas été à la hauteur des espérances suscitées.

Le protocole de 2007 comprenait tout d’abord un nombre bien trop élevé d’indicateurs, une quarantaine, auxquels se sont ajoutées ensuite les dispositions du plan « égalité des chances » du ministère de la Défense, pour être suivi avec l’application nécessaire. Il a donc été décidé de se concentrer sur un nombre restreint d’indicateurs chiffrés : visites d’unités militaires (hors JDC), enseignants sensibilisés, stages conventionnés proposés par la défense ou encore unités d’enseignement libres consacrés à la défense dans les universités.

Indicateurs de suivi du protocole défense-éducation nationale

   

2011

2012

Parcours de citoyenneté

Nombre d’élèves ayant visité une unité militaire (hors JDC)

Collège : 17 748

Lycée : 14 495

Collège : 15 320

Lycée : 11 562

Nombre de cadres et d’enseignants formés à l’enseignement de défense

6 492

14 788

Insertion – emploi

Nombre de bénéficiaires de stages conventionnés proposés par la défense

Collège/lycée : 6 400

Supérieur : 5 700

Collège/lycée : 5 539

Supérieur : 5 152

Accueil de jeunes de milieu modeste

EPIDE : 2 300

Lycées militaires : 600

Tutorat grandes écoles : 450

EPIDE : 2 300

Lycées militaires : 600

Tutorat grandes écoles : 450

Nombre de classes de défense et de sécurité globales ouvertes dans les réseaux d’établissements scolaires du réseau ECLAIR

École primaire : NC

Collège : 15

Lycée : 0

École primaire : 2

Collège : 20

Lycée : 4

Développement de la connaissance

Nombre de validations des acquis de l’expérience (VAE) demandées et obtenues

Demandes : 572

VAE totale : 484

VAE partielle : 62

Total validation : 546

Demandes : 360

VAE totale : 300

VAE partielle : 53

Total validation : 363

Unités d’enseignement libre « Défense globale » dans l’enseignement supérieur

Modules de sensibilisation aux questions de défense recensés : 25

Nombre d’étudiants inscrits à ces modules : 1 332

Modules de sensibilisation aux questions de défense recensés : 21

Nombre d’étudiants inscrits à ces modules : 1 711

Source : direction de la mémoire, du patrimoine et des archives.

Pour mettre en perspective ces chiffres, on peut rappeler qu’on comptait, en 2015, 3,3 millions de collégiens, 2,1 millions de lycéens et 855 000 enseignants.

L’activité des trinômes académiques, au nombre de 33 sur le territoire national, est largement dépendante de l’implication de ses acteurs et est donc très variable d’une académie à l’autre. Si les événements organisés en 2013 ont permis de toucher 531 923 élèves, essentiellement sous la forme de manifestations qui leur étaient destinées, l’académie de Créteil représentait ainsi à elle seule le tiers de ces participations ! Par ailleurs, même si elle progresse régulièrement, la proportion d’enseignants ayant participé aux actions des trinômes, sous la forme de colloques, de manifestations ou d’actions de formation, ne s’établissait en 2013 qu’à 4,4 %.

La sensibilisation et la formation des enseignants sont naturellement décisives dans la réussite de la mise en œuvre du protocole. Or, parce qu’il ne relève pas d’une discipline en propre ou d’une compétence spécifique aux métiers du professorat, l’enseignement de défense n’est pas un enseignement obligatoire dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE). Il peut être abordé dans le cadre du master de second degré des enseignements d’histoire et géographie, par exemple. Mais dans la mesure où les formations dispensées dans les ESPE relèvent d’établissements régis par le principe d’autonomie qui caractérise tous les établissements d’enseignement supérieur, il n’est pas possible de l’imposer. Si quelques académies proposent cet enseignement, nous sommes donc encore très loin d’une généralisation.

Le système actuel est donc insuffisant : il se heurte à une trop grande dispersion des acteurs, de leurs projets et de leurs moyens. La DMPA n’est en outre certainement pas la direction du ministère de la Défense la plus à même de coordonner et de veiller à la bonne application du protocole.

Conscient de ces lacunes, le ministère de la Défense s’est engagé dans l’élaboration d’un nouveau protocole, plus ambitieux dans son périmètre et élargi au ministère de l’Agriculture, pour prendre en compte les 150 000 élèves de l’enseignement agricole.

Le projet de protocole, que les rapporteurs n’ont pas pu consulter, prévoit également une gouvernance rénovée avec la mise en place d’un comité de pilotage stratégique et de trois comités exécutifs correspondants aux trois nouveaux axes d’efforts : développer l’enseignement de défense, favoriser l’insertion des jeunes par la défense et le lien armées-Nation et faciliter le recrutement de la défense et la reconversion des militaires dans la société civile. Il devrait être adossé à des actions concrètes, lisibles et plus réalistes.

II. LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ : DÉVELOPPER L’ESPRIT DE DÉFENSE

En complément de l’enseignement de défense dispensé dans les établissements scolaires, le législateur de 1997 a souhaité créer les conditions d’un contact direct entre l’ensemble de la jeunesse et l’armée.

Il a donc institué à cette fin un rendez-vous obligatoire, l’appel de préparation à la défense, précédé d’un recensement, également obligatoire.

A. UNE ÉTAPE OBLIGATOIRE POUR PRÉPARER UN ENGAGEMENT PLUS POUSSÉ AU SEIN DES ARMÉES

1. Un préalable indispensable : le recensement à seize ans

Deuxième étape du parcours de citoyenneté, le recensement est obligatoire pour tous les jeunes Français, garçons et filles, à l’âge de seize ans.

À cette occasion, « les Français déclarent leur état civil, leur situation familiale et scolaire, universitaire ou professionnelle à la mairie de leur domicile ou au consulat dont ils dépendent » ainsi que le précise l’article L. 113-2 du code du service national. L’administration leur remet en retour une attestation de recensement.

Jusqu’à dix-huit ans, l’attestation de recensement est indispensable pour s’inscrire à tout examen placé sous le contrôle de l’autorité publique, tel que le brevet d’études professionnelles (BEP), le certificat d’aptitude professionnelle (CAP), le baccalauréat ou encore la conduite accompagnée.

Cette démarche s’effectue habituellement en se déplaçant physiquement dans les bureaux d’état civil de la mairie de résidence mais également de plus en plus par voie électronique, en utilisant le portail mon.service-public.fr.

La finalité première de cette opération est militaire : elle permet d’établir un fichier indispensable à la convocation des jeunes à la journée défense et citoyenneté ainsi qu’au rétablissement éventuel de l’appel sous les drapeaux.

Les listes de recensement préparent et facilitent également l’inscription des jeunes sur les listes électorales.

2. Un appel de préparation à la défense plutôt qu’un « rendez-vous citoyen »

Troisième étape obligatoire du parcours de citoyenneté, la journée défense et citoyenneté, anciennement journée d’appel de préparation à la défense, doit avoir lieu après le recensement et avant le dix-huitième anniversaire du jeune.

Elle donne lieu à la remise d’un certificat individuel de participation, obligatoire jusqu’à 25 ans pour s’inscrire à tout examen placé sous le contrôle de l’autorité publique.

L’article L. 114-3 du code du service national introduit par la loi de 1997 en détaillait le contenu :

« Lors de l’appel de préparation à la défense, les Français reçoivent un enseignement adapté à leur niveau de formation qui permet de présenter les enjeux et les objectifs généraux de la défense nationale, les moyens civils et militaires de la défense et leur organisation, les formes de volontariats ainsi que les préparations militaires et les possibilités d’engagement dans les forces armées et les forces de réserve. »

« À cette occasion sont organisés des tests d’évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française. »

Ainsi que le soulignait le rapporteur du texte pour l’Assemblée nationale, cette préparation à la défense est « un élément central du dispositif » mis en place par la loi de 1997 (12). Il s’agit avant tout d’une « opération militaire » selon les termes employés par le ministre de la Défense lors du débat en séance publique, qui doit permettre de vérifier la fiabilité du recensement et constitue, en conséquence, un outil pour une remontée en puissance ultérieure.

Les sessions, expliquait-il également, ont vocation à se tenir principalement sur des sites militaires et à être animées par des officiers d’active et de réserve. Le but de cette journée était bien de faire sortir les jeunes de leur cadre scolaire et de leur faire rencontrer, souvent pour la première fois, des militaires.

Les termes d’« appel de préparation à la défense » avaient fait l’objet de nombreux débats, dans la mesure où le format retenu, une journée de 7 h 30 à 8 heures, ne pouvait se limiter, par définition, qu’à une simple information sur les missions et le fonctionnement des armées. Le ministre de la Défense avait expliqué ce choix :

« Pourquoi appel ? Pour la raison simple qu’il y a une obligation et qu’il est essentiel que la loi le dise. […]

« Pourquoi préparation ? Parce que c’est l’une des étapes, après l’initiation par la voie scolaire, de la sensibilisation des jeunes, une étape qui leur donne la possibilité d’aller plus avant, notamment vers les préparations militaires ou les volontariats. Donc, il s’agit bien de préparer l’avenir.

« Pourquoi défense ? […] Parce ce que nous avons choisi de concentrer les thèmes de cette journée de convocation sur des objectifs de défense. » (13)

Tel qu’il était entendu par le législateur de 1997, l’appel de préparation à la défense n’était donc qu’un élément, central, du parcours de citoyenneté, qui débutait avec l’enseignement de défense dans le cadre scolaire et s’achevait avec une préparation militaire ou un volontariat dans les armées. S’il ne durait qu’une journée, c’est parce qu’il avait vocation à être prolongé par un engagement plus long au sein des armées, une semaine ou plus dans le cas des préparations militaires, un an ou plus dans le cas du volontariat.

Une autre formule avait pourtant été proposée par le Gouvernement avant le changement de majorité intervenu au printemps 1997, celle d’un « rendez-vous citoyen » obligatoire de cinq jours.

S’inspirant des conclusions de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le service national (14), le projet de loi débattu au Parlement en mars 1997 proposait ainsi « une institution d’un type nouveau qui adapte à notre temps la tradition du service national, celle d’un rendez-vous civique, d’un temps privilégié d’échange entre la Nation et sa jeunesse, d’une occasion solennelle de rappeler à chaque jeune citoyen ses droits et ses devoirs. »

Ni période militaire, ni version prolongée des anciens « trois jours », ce rendez-vous citoyen avait pour ambition d’offrir aux jeunes appelés un bilan médical, scolaire et professionnel, de leur présenter les institutions de la République, les enjeux de la défense, de permettre une meilleure compréhension des droits et devoirs du citoyen, de les initier au secourisme ou encore de leur présenter les différentes formes de volontariat.

Ce rendez-vous devait se dérouler dans un délai de deux années après le recensement. Les jeunes devaient être accueillis sur l’une des douze plateformes installées sur l’ensemble du territoire métropolitain, capables d’héberger environ 800 jeunes, encadrés par des centaines de personnes, civiles et militaires.

Peu centré sur les questions de défense, il devait offrir aux jeunes français une expérience de vie collective et « une étape sur le chemin de la citoyenneté et de l’intégration sociale » selon les mots du ministre de la Défense de l’époque, M. Charles Millon (15).

Cette formule fut abandonnée par la majorité suivante car elle semblait à la fois trop ambitieuse dans ses objectifs et trop complexe à mettre en œuvre, dans la mesure où les administrations civiles s’engageaient à reculons dans son organisation. Surtout, le contenu des sessions et la définition des modules semblaient trop flous pour être vraiment efficaces.

C’est pourquoi le législateur fit le choix d’une journée unique, mais centrée uniquement sur les questions militaires.

B. L’UTOPIE D’UN « SERVICE MILITAIRE EN UN JOUR »

Depuis la première journée d’appel de préparation à la défense, le 3 octobre 1998, et jusqu’au 31 décembre 2014, douze millions de jeunes Françaises et Français ont participé à ce rendez-vous obligatoire, devenu journée défense et citoyenneté depuis 2011 (16).

Plus de quinze ans après sa création, ce rendez-vous, qui concerne près de 800 000 jeunes Français chaque année, a vu son contenu et ses missions se diversifier, au point qu’il est tout autant une journée de formation à la citoyenneté et une plate-forme de détection des jeunes décrocheurs qu’une présentation des missions de la défense.

1. Une mise en œuvre plutôt réussie

a. L’organisation de la journée

La journée défense et citoyenneté (JDC) est organisée et mise en œuvre par une administration dédiée du ministère de la Défense, la direction du service national (DSN), placée sous l’autorité du secrétaire général pour l’administration.

La DSN comptait, au 31 décembre 2014, 1 309 personnes – 1 020 civils et 289 militaires – pour organiser et mettre en œuvre la journée. Depuis les décisions prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la chaîne du service national a perdu plus de la moitié de ses effectifs, qui étaient de 2 893 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2007.

Le coût de la journée défense et citoyenneté

Du fait de l’évolution de la maquette budgétaire, les crédits de la JDC ne sont plus regroupés au sein du seul programme 167 « Liens entre la Nation et son armée », mais également pris en charge par les programmes 212 « Soutien de la politique de défense » et 178 « Préparation et emploi des forces ».

Le coût total de la JDC comprend :

– la masse salariale des 1 309 agents de la direction du service national, ainsi que les indemnités d’enseignement des animateurs (53,36 euros par jour), soit 83,8 millions d’euros au total ;

– les crédits de fonctionnement de la journée, soit 22,5 millions d’euros, qui comprennent notamment le remboursement des frais de transport engagés par les jeunes ainsi que les frais de restauration ;

– les crédits d’investissement, dédiés à l’entretien des infrastructures de la DSN et aux besoins de développement des systèmes d’information, soit cinq millions d’euros.

Le coût total de la journée était donc de 111,3 millions d’euros en 2014, soit une dépense de 142,50 euros par jeune.

Afin de se recentrer sur l’organisation de la JDC, le soutien est en effet désormais assuré par les bases de défense. L’organisation en vigueur depuis le 1er janvier 2013 repose sur une administration centrale, implantée à Orléans, et cinq établissements du service national (ESN), situés à Bordeaux, Lyon, Nancy, Rennes et Versailles. Ces cinq établissements sont chargés du pilotage, de la gestion, du soutien et du contrôle des 33 centres du service national (CSN) qui leur sont rattachés. Ce sont ces derniers qui mettent ensuite en œuvre directement les 11 000 sessions annuelles de JDC sur 261 sites du territoire national (17).

Pour l’année 2015, 185 de ces sites sont des sites militaires, soit 71 % du total, les sites civils étant principalement des établissements scolaires, des mairies ou des salles de congrès. Tous les départements ont au minimum un site JDC.

La motivation de l’ouverture d’un site est le résultat du meilleur compromis entre la présence d’un site militaire adapté et l’importance du bassin démographique et la facilité d’accès au site, le but étant de ne pas aller au-delà d’une heure de trajet pour le jeune. La volonté de la DSN, contrariée ces dernières années par la réorganisation de la carte militaire, est naturellement de privilégier les sites militaires et de pouvoir ainsi proposer aux participants des visites sous la forme de présentation de matériels, de rencontres et de témoignages.

Par ailleurs, la DSN réalise annuellement des JDC dites « de relations publiques », à caractère exceptionnel ou thématique à hauteur de 155 sessions sur des sites non permanents, afin de médiatiser son action et, au-delà, d’aller au plus près des jeunes, comme par exemple en milieu carcéral.

b. L’animation de la journée

Pour animer les JDC, la DSN dispose d’un vivier d’un peu plus de 8 000 militaires, mis à sa disposition par les armées et les services spécialisés, dont un peu moins de 20 % de réservistes. Il ne s’agit pas de militaires spécialement affectés à cette mission mais de militaires qui, en plus de leurs missions habituelles, animent, quelques jours par an, ces journées – et reçoivent pour cela une indemnité.

Vivier des animateurs de la JDC par armée au mois de janvier 2015

Armée ou service d’appartenance

Active

Réserve

Total général

TERRE

3 536

267

3 803

AIR

779

194

973

MARINE

457

298

755

GENDARMERIE

1 375

742

2 117

Autres services

413

60

473

Vivier animateurs

6 560

1 561

8 121

Source : direction du service national

Avec respectivement 37 % et 26 % des effectifs totaux, l’armée de terre et la gendarmerie représentent, sans surprise, la grande majorité du vivier des animateurs.

Vivier des animateurs de la JDC par catégorie au mois de janvier 2015

Officiers

1 225

15,09 %

Sous-officiers

6 497

80,00 %

Militaires du rang

399

4,91 %

Total

8 121

 

Source : direction du service national.

80 % des animateurs sont des sous-officiers. La décision a été prise, début 2014, d’ouvrir la fonction d’animateur aux militaires de rang. Ainsi que l’a expliqué le directeur du service national, M. François Le Puloc’h, aux membres de la commission de la Défense, le 11 février 2015, cette décision est très positive car « les jeunes apprécient d’avoir affaire à des militaires, y compris des membres de la Légion, proches de leur âge et capables de parler concrètement de leur engagement. » (18)

Sans que l’on en comprenne vraiment les motivations, les officiers ne peuvent en revanche plus exercer la fonction d’animateur au-delà du grade de commandant. Cela est regrettable car cela peut conduire des réservistes à ne pas renouveler leur contrat lorsqu’ils atteignent ce grade. Cela conduit également les officiers en formation, stagiaires de l’école de guerre ou auditeurs du centre des hautes études militaires (CHEM) à être exclus du dispositif à un moment de leur carrière où leurs témoignages seraient certainement très riches pour les jeunes Français et où ils disposent du temps nécessaire pour animer quelques journées dans l’année (19).

Dans la mesure où ce sont les armées qui affectent elles-mêmes leurs militaires à cette mission sur la base, théoriquement, du volontariat, la DSN ne dispose quasiment d’aucune marge de manœuvre pour le choix de ses animateurs. Elle essaie, dans la mesure du possible, de privilégier les soldats de retour d’opérations pour offrir des témoignages de qualité mais n’est en aucun cas décisionnaire en la matière.

La DSN dispense à chacun une formation de trois jours mais, faute d’outils de suivi centralisé, éprouve des difficultés à fidéliser ses animateurs. On observe donc une rotation importante du vivier d’animateurs, liée à leurs mutations successives – et elles sont fréquentes dans les armées. En outre, malgré l’investissement consenti dans leur formation, les animateurs participent à peu de journées sur une année : 41,5 % d’entre eux avaient animé entre une et trois journées au cours de l’année 2014, 20 % entre sept et quinze, la moyenne se situant à 4,5.

D’une manière générale, on a le sentiment, comme le soulignait déjà M. Jean-Louis Dumont dans un rapport d’information déposé en conclusion des travaux d’une mission d’évaluation et de contrôle de la commission des Finances en 2004 (20), que les armées ne se sont jamais pleinement saisies de l’opportunité que leur offrait la JDC. Elles disposent pourtant d’un public « captif », correspondant à l’intégralité d’une classe d’âge, pendant une journée complète.

2. Des finalités mal identifiées

Si, grâce au savoir-faire de la direction du service national, la mise en œuvre de la JDC est une réussite opérationnelle, ses finalités sont en revanche plus difficiles à identifier.

a. Un contenu erratique

Conçue initialement comme une préparation à un engagement plus poussé au sein des forces armées, la journée s’est enrichie de messages et d’informations supplémentaires au fil des ans, alourdissant ainsi son contenu et perdant de vue son objectif initial.

Il suffit pour constater cette évolution de lire la rédaction de l’article L. 114-3 du code du service national actuellement en vigueur, tel qu’il résulte des modifications législatives successives (21) :

« Lors de la journée défense et citoyenneté, les Français reçoivent un enseignement adapté à leur niveau de formation et respectueux de l’égalité entre les sexes, qui permet de présenter les enjeux et les objectifs généraux de la défense nationale, les moyens civils et militaires de la défense et leur organisation, le service civique et les autres formes de volontariat ainsi que les périodes militaires d’initiation ou de perfectionnement à la défense nationale et les possibilités d’engagement dans les forces armées et les forces de réserve. Ils sont sensibilisés aux droits et devoirs liés à la citoyenneté et aux enjeux du renforcement de la cohésion nationale et de la mixité sociale. La charte des droits et devoirs du citoyen français mentionnée à l’article 21-24 du code civil leur est remise à cette occasion. Ils bénéficient également d’une sensibilisation à la sécurité routière.

« À cette occasion sont organisés des tests d’évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française. Il est délivré une information générale sur le don de sang, de plaquettes, de moelle osseuse, de gamètes et sur le don d’organes à fins de greffe. S’agissant du don d’organes, une information spécifique est dispensée sur la législation en vigueur, sur le consentement présumé et sur la possibilité pour une personne d’inscrire son refus sur le registre national automatisé prévu à l’article L. 1232-1 du code de la santé publique. »

Si ces ajouts répondent tous à des objectifs légitimes, on est en droit de se demander s’il est vraiment réaliste de dispenser toutes ces informations au cours d’une seule journée de huit heures et, surtout, si c’est aux armées que doit incomber cette mission.

Depuis plus de quinze ans, on observe donc un étrange mouvement de balancier entre les différentes administrations, qui veulent profiter de la mise à disposition d’une classe d’âge pour faire passer leurs messages, et le ministère de la Défense, qui veut recentrer la journée sur les questions de défense.

Dès 2004, le programme de journée fut ainsi recentré sur les questions militaires au moment même où on y introduisait un module de secourisme de 75 minutes.

En 2008, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale prévoyait que la JAPD serait « rénovée et centrée sur sa mission fondamentale de sensibilisation des jeunes aux nouveaux enjeux de défense et de sécurité. » (22)

Or, avant même la mise en place de la formule rénovée, la JAPD devint, en 2010 « journée défense et citoyenneté » (23), enrichie d’un module de présentation du service civique.

La JDC rénovée, mise en œuvre à partir de 2011, comprenait finalement trois modules : « Vous êtes des citoyens » ; « Vous devez faire face à un monde instable » ; « Vous avez un rôle à jouer ».

Aussi, en 2013, la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 annonça une nouvelle formule : « Seul lien institutionnel formel subsistant entre les jeunes et la défense, la JDC est un complément indispensable à une armée professionnelle pour favoriser l’adhésion du citoyen aux objectifs de défense. Il s’agit non seulement de renforcer le volet défense, mais également de moderniser les vecteurs pédagogiques mis en œuvre. » (24)

La JDC « recentrée sur les questions de défense » comprend aujourd’hui trois modules pédagogiques traitant des questions de défense :

– animation n° 1 (45 mn) : « Nous vivons dans un monde instable : une défense nécessaire » ;

– animation n° 2 (50 mn) : « Une réponse adaptée : notre appareil de défense » ;

– animation n° 3 (50 mn) : « Vous avez un rôle à jouer : un engagement citoyen ».

Les notions de citoyenneté, qui faisant l’objet d’un module spécial lors de la précédente formule de la journée, sont désormais intégrées à une réflexion globale sur la nécessité de comprendre les valeurs à défendre.

On ne peut que se réjouir de ce nouveau recentrage sur la défense. Mais on peut également constater que le temps dégagé par la suppression du module de secourisme n’a pas été mis à profit pour approfondir les questions de défense puisqu’il a été remplacé par un nouveau module, de sensibilisation à la sécurité routière.

Déroulement d’une journée défense et citoyenneté

8 h 45

Discours d’accueil- formalités administratives (25 minutes)

9 h 10

Présentation animateurs/groupe – micro-trottoir (25 minutes)

9 h 35

Animation n° 1 « Nous vivons dans un monde instable : une défense nécessaire » (45 minutes)

10 h 20

Pause (15 minutes)

10 h 35

Visite – témoignage- présentation de matériel – projection vidéo- débat (60 minutes)

11 h 35

Tests d’évaluation des acquis fondamentaux de la langue française (40 minutes) – présentation des dispositifs d’insertion

12 h 15

Information sur les différents dons (5 minutes)

12 h 20

Déjeuner

13 h 20

Animation n° 2 : « Une réponse adaptée : notre appareil de défense » (60 minutes).

14 h 10

Module sécurité routière (60 minutes)

15 h 10

Pause (15 minutes)

15 h 25

Animation n° 3 « Vous avez un rôle à jouer : un engagement citoyen » (50 minutes).

16 h 15

Évaluation de la journée – remise des certificats

16 h 45

Clôture de la session

b. Une photographie intéressante d’une classe d’âge

En recevant chaque année l’intégralité d’une classe d’âge, 783 266 jeunes en 2014, la journée défense et citoyenneté offre une photographie intéressante aux pouvoirs publics et leur permet de détecter et d’orienter les jeunes les plus en difficulté.

Les tests d’évaluation des acquis fondamentaux de la langue française, mis en place dès 1998 grâce à un partenariat avec l’éducation nationale, ont ainsi permis de détecter 76 889 jeunes en difficulté de lecture en 2014, soit 9,88 % des participants. Lorsqu’il s’agit de jeunes scolarisés – 58 912, soit 76,6 % des détectés – la direction du service national transmet leurs coordonnées aux structures scolaires : inspections d’académie, directions diocésaines pour l’enseignement catholique et directions régionales de l’agriculture pour les lycées agricoles. Ceux qui ne sont pas scolarisés sont reçus en entretien personnel par la DSN et sont principalement orientés vers les missions locales d’insertion professionnelle et autres dispositifs partenaires.

En outre, la DSN est partie prenante du plan français Garantie européenne pour la jeunesse et contribue ainsi à la détection des NEETs – personnes n’étant ni en éducation, ni en formation, ni en emploi – au bénéfice du ministère du Travail et de l’Emploi. Qu’ils aient réussi ou non le test de détection des apprentissages fondamentaux, la DSN reçoit donc les jeunes non scolarisés et dépourvus de diplôme ou d’emploi pour les orienter, sur une base volontaire, vers les établissements publics d’insertion de la défense (EPIDE) ou, outre-mer, vers le service militaire adapté (SMA). Les coordonnées de ceux qui n’ont pas souhaité se tourner vers ces solutions de remédiation sont transmises aux plates-formes de suivi et d’appui aux décrocheurs dans le cadre du plan de lutte contre le décrochage scolaire.

La journée défense et citoyenneté n’a en revanche jamais intégré d’examen de santé, contrairement à ce que souhaitaient initialement les parlementaires, aucun accord n’ayant pu être trouvé entre les ministères de la Défense et de la Santé. Elle offre cependant à l’Observatoire français des drogues et toxicomanies la possibilité d’organiser une enquête tous les trois ans par un questionnaire anonyme.

Enfin, depuis 2010, la JDC diffuse un film de présentation du service civique réalisé par l’Agence du service civique.

c. Une utilité pour les armées difficilement appréciable

Si tous les tests réalisés à l’occasion de la JDC représentent un intérêt incontestable pour les pouvoirs publics, on s’interroge néanmoins sur l’utilité réelle de cette journée pour les armées.

Chaque année, plus de 150 000 jeunes, soit 20 % des effectifs, manifestent un intérêt pour les armées et la gendarmerie et demandent des informations supplémentaires.

224 749 fiches d’intérêt individuel – un jeune pouvant manifester son intérêt pour plusieurs armées – sont ensuite transmises aux centres d’information et de recrutement des armées (CIRFA). La direction du service national a d’ailleurs conclu un partenariat avec les services de recrutement des trois armées pour promouvoir la connaissance des armées et des métiers proposés.

Mais faute de suivi statistique, il est difficile de mesurer l’impact réel de la transmission de ces fiches pour le recrutement des armées. En 2004, la mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale avait estimé que, globalement, la JAPD était à l’origine de 5 % des candidatures effectivement déposées dans les CIRFA, ce qui est assez faible.

Ces éléments ne semblent toutefois pas pertinents pour apprécier l’efficacité de ces transmissions : alors que 58 109 jeunes avaient manifesté un intérêt pour le service civique en 2014, 150 000 avaient déposé un dossier cette même année. Cette différence s’explique par le fait qu’il ne s’agit pas des mêmes jeunes qui participent à la JDC et qui s’engagent ensuite dans l’année dans le service civique.

C’est la question de l’âge de la convocation qui est ici posée. Le contact des jeunes Français avant leur majorité permet de leur présenter les armées à un âge où la plupart n’ont pas nécessairement formalisé leur projet professionnel. Il permet néanmoins de « semer l’idée » de l’armée dans l’esprit des jeunes.

Enfin, on pourra souligner que la JDC ne pourrait jouer aucun rôle dans une éventuelle remontée en puissance s’il était décidé de rétablir l’appel sous les drapeaux. Contrairement à ce que faisait l’ancienne direction centrale du service national – et que le « rendez-vous citoyen » proposait de maintenir, il n’est procédé à aucune opération de sélection des jeunes appelés, nous l’avons vu. Les fichiers individuels sont certes conservés par la DSN mais il est probable qu’ils présenteraient une utilité limitée si on décidait de rappeler une classe d’âge quelques années après son passage en JDC.

DEUXIÈME PARTIE : DES POSSIBILITÉS D’ENGAGEMENT COMPLÉMENTAIRES POUR PROLONGER LE PARCOURS DE CITOYENNETÉ

Conscient que l’enseignement de défense et l’appel de préparation à la défense d’une journée ne seraient pas suffisants pour permettre à la jeunesse de nouer un lien fort avec son armée, le législateur de 1997 avait souhaité offrir des possibilités d’engagement supplémentaires au sein des forces.

Les préparations militaires, les volontariats dans les armées ainsi que les engagements dans la réserve ont donc été conçus pour offrir ce complément indispensable aux étapes obligatoires du parcours de citoyenneté.

Or, si ces dispositifs existent encore aujourd’hui, ils touchent désormais des publics bien trop faibles pour jouer un rôle véritable dans le maintien du lien entre la Nation et son armée.

I. LES PÉRIODES MILITAIRES : OFFRIR UNE IMMERSION AU SEIN DES ARMÉES

A. PROLONGER L’APPEL DE PRÉPARATION À LA DÉFENSE

1. Un héritage de la conscription

Les préparations militaires sont un héritage de la conscription. Avant 1997, les futurs appelés avaient la possibilité d’effectuer des préparations, de quelques jours à quelques semaines, dans une spécialité de leur choix afin d’accomplir ensuite leur service dans cette spécialité et accéder notamment à des fonctions d’encadrement.

L’obtention du brevet d’une préparation militaire leur procurait en outre l’avantage de bénéficier d’au moins une année de report supplémentaire. En 1996, 24 000 jeunes, soit 10 % des appelés, avaient suivi ces préparations.

2. Une immersion concrète au sein des armées

Avec la loi de 1997, la philosophie du dispositif, sinon son contenu, évolue sensiblement : il s’agit désormais de conforter le lien armées-Nation en faisant découvrir à la jeunesse l’institution militaire de manière concrète, au-delà de la simple journée d’appel de préparation à la défense, mais aussi de faciliter le recrutement et la formation des futurs réservistes ou volontaires des armées.

Les propos tenus par le ministre de la Défense, M. Alain Richard, lors de la présentation du projet de loi réformant le service national à l’Assemblée nationale traduisent bien cet état d’esprit : « Dans le prolongement de l’appel de préparation à la défense, les jeunes Français auront la possibilité, s’ils le désirent, de participer à des cycles de préparation militaire. Cette démarche volontaire permettra aux jeunes de recevoir une formation militaire élémentaire et de découvrir l’activité quotidienne des armées. [ …] La mise en présence du personnel militaire d’active dans les unités et du personnel avec les jeunes participants contribuera à l’établissement de relations de confiance entre la jeunesse et l’armée, ainsi qu’au recrutement de réservistes et de volontaires. » (25)

Il précisa également à cette occasion que la durée de ces préparations militaires serait comprise entre vingt-cinq et trente jours.

Tel qu’il était entendu par le législateur de 1997, le dispositif des préparations militaires constituait donc un moyen de prolonger l’appel de préparation à la défense et d’accéder ensuite, pour ceux qui le souhaitent, à la réserve.

Art. L. 114-12 du code du service national issu de la loi du 28 octobre 1997

« Les Français peuvent, sur leur demande, prolonger l’appel de préparation à la défense par une préparation militaire. Cette préparation militaire consiste en une formation militaire dont la durée est fixée par l’autorité militaire en fonction des besoins de chaque arme et spécialité. À l’issue de cette préparation militaire, les Français pourront avoir accès à la réserve. »

B. UNE OFFRE VARIÉE, UN SUCCÈS CERTAIN

Les préparations militaires ont laissé la place en 2006 (26) à des périodes militaires, initiales et de perfectionnement. Ouvertes aux jeunes Français de seize à trente ans, elles accueillent chaque année près de 16 000 participants. Elles sont organisées par chacune des trois armées selon des modalités qui leur sont propres.

On pourra tout d’abord souligner que la nouvelle rédaction de l’article L. 114-12 du code du service national semble changer sensiblement la philosophie du dispositif : elle ne fait plus le lien ni avec l’appel de préparation à la défense, ni avec les réserves.

Art. L. 114-12 du code du service national actuellement en vigueur

« Une période militaire d’initiation ou de perfectionnement à la défense nationale est organisée sur l’initiative du ministre chargé de la défense nationale qui en définit les modalités.

« La période militaire d’initiation ou de perfectionnement à la défense nationale est accessible aux Français âgés de plus de seize ans et de moins de trente ans et ayant l’aptitude reconnue par le service de santé des armées pour suivre le cycle de formation correspondant. »

1. La marine nationale

La marine nationale propose deux formes de préparation, en fonction du niveau scolaire des participants : les préparations militaires marine (PMM) et les préparations militaires supérieures (PMS), comprenant trois spécialités : marine marchande, maistrance et état-major.

81 préparations militaires sont organisées chaque année, à Brest, Marseille, Toulon et Paris, dont 76 PMM, pour 4 708 jeunes accueillis en 2015.

PRÉPARATIONS MILITAIRES DE LA MARINE

 

PMM

PMS MARMAR

PMS MAIST

PMS EM

TOTAL

Évolution

2012

2 366

55

51

87

4 571

/

2013

2 417

55

51

88

4 624

+53

2014

2 132

66

70

89

4 371

-253

2015

2 461

69

74

89

4 708

+337

Source : état-major de la marine.

Les centres PMM et PMS sont placés sous la responsabilité des commandants d’arrondissement maritime pour l’organisation générale, le soutien, le suivi administratif et le fonctionnement.

Le cycle d’instruction d’une PMM comprend 77 heures d’instruction à terre, programmées généralement sur une douzaine de samedis, auxquelles s’ajoutent des cérémonies de présentation au fanion et de remise de brevets. L’instruction fait une large place à la formation maritime (29 heures) et à la formation militaire (13 heures) mais aussi aux premiers secours (12 heures). Elle comprend également un certain nombre de sorties de cohésion et d’activités sportives. Une période bloquée de cinq jours consécutifs vient compléter cette instruction en permettant aux participants, durant les vacances scolaires, de visiter un port militaire et d’effectuer une sortie à la mer. Il est intéressant de noter que plus de 82 % des stagiaires des PMM étaient mineurs en 2015.

Les stagiaires des PMS sont un peu plus âgés puisque le niveau d’études minimum requis est de bac + 2 pour les PMS marine marchande et maistrance et licence pour la PMS état-major. Le cycle de formation diffère sensiblement en fonction de la spécialité choisie mais est organisé selon le même schéma que les PMM, avec séances d’instruction et conférences à terre pendant l’année scolaire et visites de sites et embarquement à la mer pendant les vacances.

2. L’armée de l’air

L’armée de l’air propose également deux types de formations : les périodes militaires d’initiation (PMI), tournée plutôt vers l’acculturation militaire, et les périodes militaires de perfectionnement (PMP), qui proposent une formation militaire élémentaire. 1 050 stagiaires participent aux premières chaque année et 950 aux secondes. Les jeunes ayant obtenu le brevet PMP sert actuellement de ressource prioritaire pour la sélection des volontaires à un premier engagement à servir dans la réserve.

3. L’armée de terre

L’armée de terre offre chaque année à plus de 8 000 jeunes la possibilité d’effectuer différents types de périodes militaires : les périodes militaires découverte (PMD) et les périodes militaires de perfectionnement.

Les PMD sont des phases d’immersion de quatre à dix jours dans les régiments proposant aux stagiaires, très majoritairement âgés de moins de vingt ans, différentes activités physiques et sportives. Les PMP sont plus longues, de douze à trente jours, et s’organisent en périodes spécialisées (maintenance), périodes supérieures (PMS) et périodes parachutistes, notamment au sein de la brigade des forces spéciales de l’armée de terre (BFST).

PÉRIODES MILITAIRES DE L’ARMÉE DE TERRE

CHIFFRES DE L’ANNÉE 2014

NOMBRES

PLACES

% de places réalisées

PMD (hors élèves lycées militaires)

226

7 270

92 %

PMS (hors élèves lycées militaires)

19

815

90 %

PM BFST

3

40

100 %

PMP - (dont 35 places lycées militaires et une PMP outre-mer)

2

100

100 %

PM maintenance

36

150

100 %

TOTAUX

286

8 375

 

Source : état-major de l’armée de terre.

286 sites, unités ou écoles, organisent ces périodes sur l’ensemble du territoire. Elles sont organisées et encadrées par les cadres des différentes unités, sous l’autorité de la direction des ressources humaines de l’armée de terre, en coordination avec les grands commandements (commandement des forces terrestres, service de la maintenance industrielle terrestre et sous-direction de la formation pour les écoles militaires).

C. UN CANTONNEMENT PROGRESSIF VERS LE PRÉ-RECRUTEMENT

1. Un outil de rayonnement pour les armées

Les périodes militaires organisées par les trois armées remportent aujourd’hui un succès certain auprès de la jeunesse française. Elles proposent des parcours très variés, de quelques jours d’immersion à une formation complète sur une année scolaire, permettant aux jeunes de découvrir de façon concrète l’institution militaire, son fonctionnement et ses métiers.

Elles constituent également un vecteur important de rayonnement pour les armées, la participation des jeunes stagiaires à des manifestations publiques ou à des événements ou cérémonies militaires étant très fréquente.

La très grande majorité des stagiaires ayant autour de 17-18 ans, elles permettent de compléter utilement l’information dispensée lors de la journée défense et citoyenneté en offrant une véritable expérience au sein des forces.

Même s’il n’a jamais été question, au regard des besoins opérationnels des armées, d’offrir une expérience militaire à l’ensemble d’une classe d’âge, on peut néanmoins regretter la faiblesse des publics touchés, 16 000, au regard des participants à la JDC, près de 800 000.

Il faut sur ce point préciser qu’il n’existe aujourd’hui pas de crédits budgétaires dédiés. Ces périodes sont donc organisées par chacune des unités, sur leurs crédits de fonctionnement, et l’activité opérationnelle obligera par exemple l’armée de terre à supprimer plus de 1 500 places dès cette année.

On peut également regretter l’absence de lien direct avec la JDC, dont elles devaient initialement constituer le prolongement ainsi que l’exposition insuffisante dont elles souffrent, du fait de leur dispersion.

2. Un vivier de recrutement pour les armées

Les périodes servent naturellement de vivier de recrutement pour la réserve. L’obtention d’un brevet de préparation militaire est une voie d’accès privilégiée à une formation de réserviste et est même obligatoire pour les futurs réservistes officiers de l’armée de terre. Elles constituent également souvent une première étape vers un recrutement dans les forces d’active, en particulier dans l’armée de terre.

Si elles ne font pas partie du processus de recrutement, les préparations militaires spécialisées de l’armée de terre sont aujourd’hui, de fait, quasiment obligatoires pour les candidats à un poste d’officier sur titre (OST) ou sous contrat (OSC) et fortement recommandées pour certaines spécialités de sous-officiers : 38 % des engagés volontaires sous-officiers (EVSO) étaient par exemple titulaires d’un brevet de préparation militaire en 2014.

Les périodes militaires parachutistes sont en outre réservées aux élèves de classes préparatoires des lycées militaires tandis que les périodes militaires des forces spéciales sont un véritable pré-recrutement pour ces dernières.

Si l’on comprend l’utilité pour l’institution de juger autrement que sur dossier ou lors des tests de sélection les candidats à l’engagement, il ne faudrait pas que ces périodes militaires ne soient offertes qu’à des futurs professionnels des forces armées, au risque de perdre de vue l’intention initiale du législateur, qui était de conforter le lien armées-Nation en faisant découvrir à la jeunesse l’institution militaire. Il est donc regrettable qu’elles semblent se cantonner progressivement à un processus de pré-recrutement pour les armées.

II. LE VOLONTARIAT DANS LES ARMÉES : PERMETTRE À TOUT CITOYEN DE CONTRIBUER À LA DÉFENSE DE LA NATION

Troisième composante du service national universel, le volontariat dans les armées avait pour objectif de maintenir un lien fort entre la Nation et son armée grâce à l’engagement de volontaires aux côtés de professionnels.

A. GARDER UN LIEN FORT ENTRE LA NATION ET SON ARMÉE

1. Un service volontaire plutôt qu’un service obligatoire de courte durée

Le législateur de 1997 avait étudié, avant de l’écarter, la formule d’un service militaire obligatoire de courte durée.

M. Paul Quilès avait par exemple proposé la création d’un service d’éducation à la défense, c’est-à-dire d’une formation de base aux techniques de défense d’une durée d’un mois et demi à deux mois, dispensée à tous les jeunes Français entre 18 et 27 ans (27).

Cette formation militaire de base ne visait pas tant à fournir des effectifs aux armées qu’à assurer à toute la jeunesse un minimum de connaissances militaires, utilisables éventuellement dans le futur, en cas de résurgence d’une menace majeure.

Pour séduisante qu’elle fût, cette formule se heurtait à deux principaux écueils.

Une mise en œuvre extrêmement complexe, tout d’abord. Dans le cas d’un service de deux mois, et en prenant en compte les 300 000 appelés de 1997, il aurait fallu incorporer six contingents annuels de 50 000 jeunes gens environ. Cela aurait induit un coût administratif très lourd, en raison de la nécessité de traiter une rotation continue d’appelés.

Une efficacité opérationnelle très limitée, ensuite. Le chef d’état-major des armées d’alors, le général Jean-Philippe Douin, avait par exemple expliqué aux députés qu’en tant qu’employeur, il lui fallait un an pour former un soldat : « Ce soldat qui peut partir au combat doit effectuer un service d’un an minimum. Il faut quatre mois d’entraînement, six mois de potentiel et du fait de la marge des relèves, il nous faut un an. » (28). Il avait également ajouté : « Le service de deux ou trois mois va forcer ce jeune à rester en France dans des emplois subalternes. Cela va engendrer une scission à l’intérieur des armées, scission qu’il convient d’éviter. »

Par ailleurs, il avait été mis en doute la capacité opérationnelle de jeunes hommes qui seraient rappelés après une longue période d’inactivité, sans avoir entre-temps subi d’autres entraînements militaires. « Cette formule revient à espérer qu’un conducteur soit en mesure de conduire cinq, dix ou vingt ans après avoir passé son permis, et sans avoir touché un volant entre-temps » avait conclu le sénateur Serge Vinçon. (29)

2. Offrir une expérience militaire à une part significative de la jeunesse

Afin de contribuer à la pérennité du lien entre l’armée et la jeunesse, le législateur de 1997 avait souhaité que les jeunes puissent choisir de servir dans les armées en qualité de volontaires du service national.

Il s’agissait alors d’assurer la continuité des missions publiques assumées jusque-là grâce aux moyens humains du service national mais aussi d’offrir une expérience militaire à une part significative de la jeunesse. Le ministre de la Défense avait évoqué le chiffre de 27 271 emplois de volontaires à pourvoir d’ici 2002, dont 16 232 dans la gendarmerie.

Preuve de cet attachement au volontariat, le rapporteur du texte pour l’Assemblée nationale, M. Didier Boulaud, avait souhaité – sans être suivi – qu’il soit précisé dans la loi que « les volontaires constituent avec les professionnels et les réservistes une des trois composantes des forces armées. »

La loi de 1997 définit donc le cadre juridique du volontariat. Placés naturellement sous un statut militaire, les volontaires ont la possibilité de souscrire un engagement d’un an, renouvelable jusqu’à soixante mois. Les volontaires devaient servir de vivier pour la réserve.

Extraits du code du service national

« Art. L. 121-1. – Les Français et les Françaises peuvent servir avec la qualité de militaire comme volontaires dans les armées dans les conditions prévues aux articles L. 4132-6, L. 4132-11 et L. 4132-12 du code de la défense.

« Art. L. 121-2-1. – Les Français qui ont accompli un volontariat dans les armées restent disponibles dans la réserve militaire, dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur volontariat. »

B. UN DISPOSITIF QUI S’ÉTEINT PROGRESSIVEMENT

1. Trois armées, trois politiques différentes

Dans la marine, les volontaires non officiers (VLT) sont recrutés au titre de cinq grandes spécialités : équipage volontaire, pompier volontaire, opération et navigation, sécurité et logistique et alimentation. Le taux de sélection est en moyenne de deux candidatures étudiées pour un poste, une meilleure sélectivité étant néanmoins constatée dans la spécialité opération et navigation (environ trois candidats par poste) tandis que la filière alimentation n’est pas toujours en mesure de pourvoir tous ses postes. L’âge moyen des candidats est de vingt ans et onze mois et le niveau scolaire est en constante hausse : 45 % des sélectionnés sont au minimum titulaires du baccalauréat.

Les VLT suivent une formation initiale de cinq semaines à l’école des fourriers de Querqueville ou au centre d’instruction naval de Saint-Mandrier. La majorité des volontaires ne renouvellent pas leur contrat à l’issue de leur première année (62 %), quelques-uns prolongeant jusqu’à deux ou trois ans leur expérience. Globalement, 26 à 30 % d’entre eux souscrivent ensuite un contrat de quartier-maître de la flotte, tandis que 5 à 6 % intègrent l’école de maistrance pour y suivre une formation d’officier-marinier.

Les contrats de volontaire officier aspirant (VOA) remportent un vif succès auprès des étudiants et des jeunes diplômés de niveau bac + 4 à bac + 5 : quatre à cinq candidatures sont recensées par poste ouvert. Ils suivent ensuite une formation initiale de trois semaines à l’école navale, complétée par une formation supplémentaire pour ceux qui se destinent à un emploi de chef de quart. Le spectre des postes offerts est très large : ils peuvent ainsi assurer des fonctions d’adjoint à un chef de secteur sur des unités navigantes tout en étant employé comme chef de quart, intégrer l’équipe communication d’un état-major ou encore une équipe achats. La plupart des VOA ne sont pas reconduits à l’issue de leur première année de contrat afin de permettre à un maximum de candidats de découvrir l’institution.

Dans l’armée de terre, le statut de volontaire militaire du rang (VDAT) est clairement envisagé par l’institution comme une forme de pré-recrutement, avant la signature d’un contrat d’engagé volontaire de l’armée de terre (EVAT). Il est ainsi proposé aux candidats à l’engagement qui demeurent indécis ou pour tester les aptitudes et les motivations avant de signer un engagement plus long. La vocation d’un VDAT est donc de devenir un EVAT : plus de 80 % des VDAT présents après leur septième mois de service souscrivent un contrat d’EVAT, le but pour l’armée de terre étant d’amener ces militaires à un total de cinq ans de service. Les contrats de VDAT ne sont donc que très exceptionnellement renouvelés au-delà de la première année. Les VDAT suivent leur formation au sein des centres de formation initiale des militaires du rang (CFIM).

L’armée de terre ne propose plus de contrat de volontariat d’officier. Elle a néanmoins mis en place un dispositif original, le partenariat grandes écoles. Il s’agit de proposer aux diplômés de bac + 4 à bac + 5 une immersion complète de six mois au sein de l’armée de terre, décomposée en six semaines de formation aux écoles de Saint-Cyr-Coëtquidan, quatre semaines en école d’application et de trois mois en régiment. Elle offre ainsi aux étudiants sélectionnés une expérience unique, accomplie sur un semestre de leur scolarité. Concrètement, les étudiants sélectionnés souscrivent un contrat de volontaire dans les armées, ce qui permet de leur conférer le statut de militaires pendant la durée de leur stage et de leur attribuer la solde afférente. Ils dénoncent ensuite leur contrat peu avant la fin de la période probatoire de six mois.

Dans l’armée de l’air enfin, le volontariat répond à plusieurs objectifs. Il doit permettre, tout d’abord, de répondre à des besoins locaux en visant à mettre à disposition des bases aériennes des effectifs complémentaires au sein de fonctions ou unités fragilisées ou en tension. Cette expression de besoin, pour des volontaires comme des volontaires aspirants, relève des commandants de base aérienne.

Le volontariat doit également contribuer à satisfaire des emplois génériques identifiés par les commandements d’emploi et ne nécessitant pas forcément les mêmes niveaux de compétences et/ou de formation interne qu’un militaire du rang ou qu’un officier sous contrat. Ainsi, les volontaires sont généralement identifiés comme des « assistants » à une fonction déjà existante.

L’armée de l’air limite à deux ans les perspectives maximales de service en tant que volontaire. Les volontaires qui souhaiteraient demeurer dans cette armée, en fonction de leur spécialité et de la qualité des services rendus, peuvent postuler pour des emplois de militaire du rang ou d’officier sous contrat. Le volontariat demeure un tremplin privilégié pour accéder à ces emplois.

2. Le rêve impossible d’une armée mixte

Le volontariat est aujourd’hui totalement confidentiel au sein des armées. Seuls 1 415 volontaires ont souscrit un contrat dans l’une des trois armées au cours de l’année 2014 : 887, dont 30 officiers dans l’armée de terre, 519, dont 62 officiers, dans la marine et seulement neuf, dont quatre officiers dans l’armée de l’air.

Ces chiffres sont très éloignés des projections faites en 1997.

Largement méconnu du grand public, le volontariat est ainsi en voie de disparition dans les armées. Alors qu’elles ont connu une diminution importante de leurs effectifs et subi des contraintes budgétaires, il est évident que les volontaires n’ont jamais été une priorité pour elles.

On peut naturellement le regretter, notamment pour la ressource en réservistes que les volontaires auraient pu fournir aux armées, après une année ou plus en leur sein.

Mais on doit surtout constater que le dispositif n’est pas adapté à une armée professionnelle, dont les besoins opérationnels et le niveau d’exigence vont croissant. L’armée mixte telle qu’elle avait fonctionné pendant plus d’un siècle et telle qu’elle avait été envisagée en 1997 ne répond probablement plus aux impératifs du temps présent.

III. LA RÉSERVE MILITAIRE : RENFORCER LES CAPACITÉS DES FORCES ARMÉES ET ENTRETENIR L’ESPRIT DE DÉFENSE

L’organisation actuelle de la réserve militaire est le fruit de la professionnalisation des armées. Composée désormais de volontaires, même si les militaires sont soumis théoriquement à une obligation de disponibilité après avoir quitté le service actif, elle entend clore le parcours de citoyenneté en permettant à chaque Français de contribuer à la défense de la Nation.

A. D’UNE RÉSERVE DE MASSE À UNE RÉSERVE D’EMPLOI

1. Une réserve pléthorique et peu opérationnelle du temps de la conscription

Jusqu’à la suspension de l’appel sous les drapeaux, la réserve militaire était une composante à part entière du service national, qui comprenait alors des obligations d’activité, le service militaire, et des obligations de réserve. Elle était donc composée de tous les hommes âgés de moins de trente-cinq ans ayant effectué leur service militaire, ce qui représentait un effectif théorique de trois millions de soldats au début des années 1990, soit six fois plus que l’armée d’active. Héritière de la tradition républicaine de la mobilisation générale de la Nation en armes, cette réserve de masse avait pour objectif principal la défense du territoire national contre les invasions étrangères.

C’est après la défaite contre la Prusse que la loi du 27 juillet 1872 avait institué les principes fondamentaux des réserves en vigueur jusqu’à la suspension du service national. À l’issue du service national dans l’armée d’active, qui durait alors cinq ans, chaque citoyen devait servir quatre ans dans la réserve de l’armée d’active, puis cinq ans dans l’armée territoriale et enfin six ans dans la réserve de l’armée territoriale. Chaque armée gérait ses réserves de manière distincte et indépendante.

Différentes lois ont ensuite modifié le texte fondateur de 1872, mais ses principes n’ont jamais été remis en cause. La loi du 1er avril 1923 a ainsi réduit le service militaire actif à dix-huit mois et a légèrement modifié le système des réserves : elle a remplacé l’appellation de « réserve de l’armée d’active » par celle de « disponibilité » et a remplacé l’« armée territoriale » par un concept de première réserve pour les réservistes âgés de moins de quarante ans et une deuxième réserve pour les autres.

La loi n° 71-424 du 10 juin 1971 s’est ensuite appliquée jusqu’au 31 décembre 2002, date de la suspension du service national. Ce texte, qui a réduit le service national à douze mois, a porté la durée de la disponibilité à quatre ans au lieu de trois et a regroupé les première et seconde réserves en une seule, à laquelle était censé appartenir tout citoyen masculin jusqu’à l’âge limite de trente-cinq ans.

Les disponibles et les réservistes devaient participer à des périodes d’exercice pour assurer leur formation ou à des « périodes » pour occuper une fonction dans les armées, sans que chacune de ces périodes puisse dépasser un mois par an ni leur total six mois pendant la durée des services dans la réserve. Ils pouvaient en outre être convoqués en cas de mobilisation générale ou partielle.

Le système tel qu’il fonctionnait au début des années 1990 était en fait largement virtuel : la ressource en réservistes, déterminée par les dispositions législatives applicables, excédait de beaucoup les besoins réels des armées. La ressource dont disposait théoriquement l’armée de terre représentait ainsi dix fois les trois cent mille postes à pourvoir dans le cadre du plan de mobilisation. Dans les faits, les réservistes les moins qualifiés ne recevaient plus d’affectation moins d’un an après avoir achevé leur service actif.

Le plan « Réserves 2000 », mis en place à partir de 1993 eut pour objectif de corriger les faiblesses les plus manifestes de l’organisation des réserves, pléthoriques et peu opérationnelles, en se concentrant sur les réserves les plus utiles pour les armées, bien en deçà de l’effectif de trois millions de réservistes que représentait le potentiel de mobilisation. Il créa également un cadre contractuel pour permettre aux volontaires de s’engager ainsi qu’un corps de spécialistes.

Bien que resserrée à environ 500 000 réservistes, le poids des effectifs requérait un système de gestion encore coûteux et inefficace, incapable de répondre à la mobilité croissante des anciens appelés, et l’écart entre les effectifs théoriques, les réservistes affectés, les réservistes convoqués et les réservistes effectivement présents ne cessa de s’accroître. Comme en convint le ministre de la Défense, M. Charles Millon, devant les parlementaires en 1996, sur les 500 000 réservistes en droit, « seuls 50 000 jeunes Français répondent aux convocations, vont faire leurs périodes et sont utiles à la défense de leur pays » (30).

2. Une réserve désormais intégrée à l’armée d’active

Un changement important intervint avec la fin de la conscription, décidée en 1996. Celle-ci entraînant la fin de toute obligation relative à la réserve, il était en effet nécessaire de remanier profondément ses conditions d’emploi et de recrutement. Ces changements intervinrent en deux temps.

La loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002 redéfinit tout d’abord les conditions d’emploi. Il n’existe plus désormais de concept d’emploi propre aux réserves. À une réserve de masse, « en attente », la LPM entend substituer une réserve plus restreinte, mieux entraînée et mieux intégrée aux forces d’active. Elle lui assigne trois fonctions :

– « fournir aux forces d’active les renforts nécessaires, le cas échéant, pour accroître ou maintenir leurs capacités, dans les différentes fonctions ;

– « remplir des missions sur le territoire national en substitution du personnel ou d’unités d’active, pour permettre la disponibilité permanente des forces ;

– « entretenir le lien entre les forces armées et la Nation. »

Concrètement, les réserves ont donc vocation à intervenir dans trois cas de figure : en temps de paix, pour apporter les compléments dont l’armée d’active aurait besoin, notamment en spécialistes, lorsqu’une crise s’installe dans la durée et pour alléger la pression sur l’active, enfin, quand une menace dépasse un certain niveau pour procurer l’appoint nécessaire pour surclasser l’adversaire.

Cette logique d’emploi commanda la définition d’un format encore plus resserré par rapport au plan « Réserves 2000 », le faisant passer de 500 000 à 100 000, dont 50 000 pour la gendarmerie. Cet effectif cible de 100 000 est à juger non pas à l’aune des 500 000 réservistes en droit, mais bien aux 50 000 réservistes effectivement actifs identifiés par le ministre de la Défense en 1996.

La LPM 1997-2002 prévit ensuite l’adoption d’un nouveau dispositif juridique pour la réserve afin d’en fixer les conditions de recrutement, d’emploi ainsi que les droits et obligations des réservistes. C’est la loi du 22 octobre 1999 (31), complétée depuis par la loi du 18 avril 2006 (32), qui a fixé le cadre juridique prévu par la LPM.

3. Un cadre juridique adapté au volontariat

La loi du 22 octobre 1999 tire pleinement les conséquences de la fin de la conscription et créé un cadre juridique nouveau, en offrant un véritable statut aux volontaires désireux de participer à la défense de la Nation.

L’article 1er de la loi, aujourd’hui codifié à l’article L. 4221-11 du code de la défense, inscrit tout d’abord la réserve militaire dans la continuité du parcours de citoyenneté nouvellement crée.

Article L. 4221-11 du code de la défense (extrait)

« I. – Les citoyens concourent à la défense de la Nation. Ce devoir peut s’exercer par une participation à des activités militaires dans la réserve.

« II. – La réserve militaire s’inscrit dans un parcours citoyen qui débute avec l’enseignement de défense et qui se poursuit avec la participation au recensement, l’appel de préparation à la défense, la période militaire d’initiation ou de perfectionnement à la défense nationale et le volontariat. Ce parcours continu permet à tout Français et à toute Française d’exercer son droit à contribuer à la défense de la Nation.

« III. – La réserve militaire a pour objet de renforcer les capacités des forces armées dont elle est une des composantes pour la protection du territoire national, comme dans le cadre des opérations extérieures, d’entretenir l’esprit de défense et de contribuer au maintien du lien entre la Nation et ses forces armées. »

La loi met ensuite en place une réserve « opérationnelle » de premier niveau (dite RO 1), qui regroupe des volontaires civils ou d’anciens militaires, qui signent un engagement et reçoivent une affectation en fonction des besoins des armées.

Elle crée également pour les volontaires une réserve « citoyenne », non affectée et non entraînée, constituée de réservistes bénévoles en provenance de l’active, de la réserve opérationnelle ou directement de la société civile. Ces réservistes ont pour mission d’entretenir l’esprit de défense et de renforcer le lien entre la Nation et son armée.

Si le volontariat est réaffirmé, le législateur soumet néanmoins à une obligation de disponibilité les militaires quittant le service actif pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans. Le rappel de ces « disponibles », qui constituent la réserve opérationnelle de second niveau (dite RO 2), doit permettre de faire face à une crise majeure, notamment en palliant le déficit de volontaires pendant la phase de montée en puissance de la réserve. Cette disposition n’a, pour l’instant, jamais été appliquée.

La loi a instauré, en outre, un véritable statut du réserviste : le contrat de travail civil de ce dernier est suspendu pendant les périodes d’activité dans la réserve ; en contrepartie, le réserviste est considéré comme un militaire à part entière pendant ces périodes et perçoit, au prorata du nombre de jours passé sous les drapeaux, la même solde que ses collègues d’active.

Le réserviste est également protégé sur le plan social et continue à bénéficier de l’assurance maladie, de l’assurance maternité et de l’assurance vieillesse. En cas de dommage lié à ses activités dans la réserve, le réserviste, ou le cas échéant ses ayants droit, se voit octroyer une réparation calculée suivant les règles communes à l’ensemble de la communauté militaire.

La loi protège également le réserviste à l’égard de son employeur civil. À condition d’avoir déposé un préavis d’un mois, le réserviste peut s’absenter de son poste de travail cinq jours ouvrés par an pour ses activités dans la réserve, sans que son employeur puisse refuser. Au-delà de ces cinq jours, il doit être autorisé par ce dernier. Les réservistes servent au maximum trente jours par an dans la réserve même si, dans des circonstances exceptionnelles, il leur est possible de servir jusqu’à cent vingt jours. La loi prévoit qu’à son retour en entreprise, le réserviste retrouve le poste qu’il a quitté et ne peut faire l’objet de sanction dans son emploi civil en raison des absences dues à ses activités dans la réserve.

Certains réservistes peuvent, en outre, souscrire au moment de leur engagement, et avec l’accord de leur employeur, une clause de réactivité, prévue par l’article L. 4221-1 du code de la défense. Cette dernière permet aux réservistes de rejoindre leur affectation sous un délai de quinze jours, et non plus d’un mois, s’il est fait appel à eux, dans les conditions fixées par le troisième alinéa de l’article L. 4221-4 du même code. Cet article dispose en effet que « lorsque les circonstances l’exigent, le ministre de la Défense ou le ministre de l’Intérieur » peut, par arrêté faire appel aux réservistes ayant souscrit cette clause.

La loi n° 2011-892 du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l’utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure, issue d’une proposition de loi sénatoriale (33), a créé un dispositif de sécurité nationale qui permet au Gouvernement de convoquer plus rapidement, et pour une durée plus longue, l’ensemble des réservistes.

Ainsi, en cas « de survenance, sur tout ou partie du territoire national, d’une crise majeure dont l’ampleur met en péril la continuité de l’action de l’État, la sécurité de la population ou la capacité de survie de la Nation », le Premier ministre peut décider, par décret, de mettre en œuvre ce dispositif (34). Ce décret mentionne la durée d’emploi des réservistes appelés, qui peut être alors portée à trente jours consécutifs, renouvelable une fois en cas de persistance de la crise. Cette durée n’est pas imputable sur le nombre annuel de jours maximum pouvant être accomplis par le réserviste.

Par ailleurs, le décret d’application de la loi (35), qui n’a été publié que très récemment, raccourcit considérablement les délais de convocation des réservistes en cas de mise en œuvre du dispositif de sécurité nationale : il précise en effet que le délai de préavis minimum est d’un jour franc, à compter de la réception de la convocation. Une copie de la convocation est adressée à l’employeur du réserviste.

L’actualisation de la loi de programmation militaire 2014-2019 a ajouté un dispositif intermédiaire entre celui de la sécurité nationale, réservé aux crises les plus graves, et le temps ordinaire (36).

Il prévoit ainsi, qu’en cas de « crise menaçant la sécurité nationale », le ministre de la Défense, ou le ministre de l’Intérieur pour les réservistes de la gendarmerie nationale, peut convoquer sous un délai de quinze jours, et non plus d’un mois, les réservistes, et sous un délai de cinq jours, au lieu de quinze, ceux d’entre eux qui avaient souscrit une clause de réactivité.

Il porte également à dix jours, au lieu de cinq, la durée d’activité pouvant être accomplie sur le temps de travail sans accord préalable de l’employeur.

Délais de convocation et durée maximale d’emploi des réservistes sans accord préalable de leur employeur

 

Temps ordinaire

(art. L. 4221-4 du code de la défense)

Crise menaçant la sécurité nationale

(art. L. 4221-4-1 du code de la défense)

Réserve de sécurité nationale

(art. L. 2171-1 à L. 2171-7 du code de la défense)

Réserviste

Délai de convocation

30 jours

15 jours

1 jour franc au minimum

Durée maximale d’emploi sans accord préalable de l’employeur

5 jours

10 jours

30 jours, renouvelables une fois

Réserviste ayant souscrit une clause de réactivité

Délai de convocation

15 jours

5 jours

1 jour franc au minimum

Durée maximale d’emploi sans accord préalable de l’employeur

5 jours

10 jours

30 jours, renouvelables une fois

Source : code de la défense.

B. LE RENDEZ-VOUS MANQUÉ DE LA PROFESSIONNALISATION

1. Une montée en puissance jamais accomplie

Depuis près de vingt ans, malgré une volonté affirmée par les livres blancs et lois de programmations successifs d’accorder une place importante aux réserves, les objectifs, pourtant sans cesse revus à la baisse, n’ont jamais été atteints. Depuis 1997, la règle semble bien être « réglons d’abord les problèmes de l’active » ; ceux-ci s’accumulant, le temps de la réserve n’est jamais venu (37).

Alors que la loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002 avait fixé un objectif de 50 000 réservistes opérationnels à l’horizon 2002, hors gendarmerie, seuls 20 510 réservistes étaient sous contrat à la fin de l’année 2002.

La LPM 2003-2008 a donc reporté à 2008 la cible de 50 000 hommes. Dès janvier 2004, le ministre de la Défense approuva cependant un « Plan d’action pour la réserve militaire » qui substituait à cette cible une cible légèrement supérieure, 54 050 réservistes opérationnels, mais à atteindre en 2012, avec un objectif intermédiaire de 40 470 réservistes pour 2008. Sans atteindre cet objectif, une certaine montée en puissance s’est alors accomplie jusqu’à cette date, avec un pic à 33 753 réservistes opérationnels en 2008.

Le Livre blanc de 2008 et la LPM pour les années 2009 à 2014 ont entériné une nouvelle réduction du format, fixé à 40 500 réservistes hors gendarmerie pour 2015. Non seulement cet objectif n’a pas été atteint, mais les effectifs ont baissé pendant l’exécution de la LPM : ils n’étaient plus que 27 785 au 31 décembre 2014.

Cette incapacité à atteindre les objectifs fixés par le législateur est la parfaite illustration de l’adage cité plus haut : « Réglons d’abord les problèmes de l’active. » Jusqu’en 2012, le budget de la réserve était en effet amputé chaque année de quelques millions pour venir abonder les crédits de personnel manquant à la bonne exécution de la LPM.

Ainsi que le rappelait le contre-amiral Antoine de Roquefeuil, ancien secrétaire général du Conseil supérieur de la réserve militaire (CSRM) devant la commission de la Défense le 26 juin 2013 : « Pendant quatre ans, chaque année, lorsqu’on s’apercevait, au mois de juin, que les 15,7 milliards d’euros de titre 2 (38) ne seraient pas respectés, on prenait à la réserve quatre ou cinq millions d’euros fondamentaux pour elle. Il faut savoir qu’un million d’euros représente 10 000 jours de réserve ou, plus concrètement, dix jours pour 1 000 réservistes qui étaient censés en faire vingt. Pendant cette période, on a donc coupé le budget de la réserve. » (39)

« Une véritable divergence s’est alors installée entre une LPM ambitieuse et un état de la réserve qui ne cessait de s’éroder au fil des années, contribuant à déstabiliser celle-ci » concluait-il.

De fait, avec un budget annuel de l’ordre de 70 millions d’euros ces dernières années, le budget de la réserve des armées est sans commune mesure avec celui de son homologue canadienne, par exemple, qui pour un effectif comparable, 27 000 hommes, dispose d’un budget de 585 millions de dollars canadiens, soit 413 millions d’euros.

Cette contrainte budgétaire pèse non seulement sur les volumes de recrutement, qui ne sont jamais atteints, mais aussi sur les jours d’activité des réservistes. Les employeurs militaires considèrent que le temps optimal d’emploi d’un réserviste opérationnel serait de 25 jours par an, que ce soit en termes d’efficacité opérationnelle, de motivation et d’intégration dans l’unité.

Le Livre blanc de 2008 avait fixé un objectif à trente jours par an, ramené à vingt jours par le Livre blanc de 2013. Ce chiffre était de 24 jours par an en 2013 ce qui serait satisfaisant s’il ne masquait pas d’importantes disparités : 16,49 % des réservistes n’avaient accompli aucune journée cette année-là et seulement 35,67 % d’entre eux avaient effectué plus de vingt jours.

2. Une doctrine d’emploi qui manque de clarté

Pour expliquer cette incapacité à atteindre des objectifs pourtant sans cesse revus à la baisse, il faut probablement prendre en compte le malentendu qui a présidé à la création de cette nouvelle réserve opérationnelle : les responsables militaires n’ont en fait jamais exprimé de besoins opérationnels clairs pour la ressource de réservistes que le législateur entendait mettre à sa disposition.

Dès lors que la réserve n’était plus affectée prioritairement à la protection du territoire national, la volonté du législateur de maintenir une réserve importante pour préserver le lien armées-Nation entrait de fait en contradiction avec les besoins réels des armées.

Tournées vers leur objectif de professionnalisation qui s’accompagnait d’une réduction sans précédent de leur format, les armées n’ont ainsi plus exprimé de besoins militaires autres que ponctuels, au niveau des spécialistes et des états-majors.

a. Des compléments individuels plutôt que des unités constituées

Le visage actuel de la réserve militaire reflète ce constat : dans le « kaléidoscope » de ses missions, selon l’expression du général Patrick Destremeau, délégué interarmées aux réserves (40), on observe que 36 % concernent des missions de renfort d’unités et 14,4 % celui d’états-majors. Seules 6 % des missions confiées aux réservistes sont des opérations intérieures et 2,8 % des opérations extérieures.

Activité des volontaires sous ESR en 2013 (hors gendarmerie)

Renfort temporaire en unités

36,17 %

Renfort temporaire en état-major

14,42 %

Autres activités sur le territoire national

22,48 %

Formation

17,62 %

Opérations intérieures

6,04 %

Opérations extérieures

2,82 %

Autres activités hors territoire national

0,45 %

Total

100 %

Source : CSRM.

Les 15 500 réservistes opérationnels de l’armée de terre sont par exemple répartis entre unités et compléments individuels. Dans le premier cas, ils sont répartis au sein de 83 unités élémentaires de réserve, rattachés à des régiments et exclusivement tournés vers un emploi sur le territoire national. Ils s’entraînent et agissent dans le cadre des missions communes de l’armée de terre ou d’un métier particulier, tels que le transport, la maintenance, le génie ou la circulation. Les compléments individuels, qui représentent 45 % des réservistes, ont vocation à servir au sein des états-majors, des grandes unités ou de l’ensemble des organismes interarmées.

Dans la marine, les 4 700 réservistes sont des compléments individuels qui permettent notamment d’absorber les pics d’activité chaque été, lorsque le trafic maritime croît avec le développement saisonnier de la navigation de plaisance, en armant les sémaphores et les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage.

Les réservistes de l’armée de l’air, au nombre de 4 230, sont pour leur part principalement employés en tant que compléments individuels dans leur domaine de spécialité, comme le contrôle aérien ou la maintenance aéronautique. Par ailleurs, douze unités aériennes composées chacune de dix-sept réservistes opérationnels, implantées sur des bases plates-formes disposant d’aéronefs civils légers – les Sections aéronautiques de réserve de l’armée de l’air (SARAA) –, participent à l’entraînement des unités d’active à la posture permanente de sûreté aérienne. Vingt-sept sections de réserve d’appui sont également employées à la protection des bases aériennes et des sites rattachés

Au total, un tiers des réservistes sont affectés en unités, essentiellement celles de réserve de l’armée de terre, les deux autres tiers servant en tant que compléments individuels au sein des armées et services.

Ce mode de fonctionnement contraste avec le modèle canadien où la Première réserve, qui comprend 26 710 hommes, est organisée en unités exclusivement composées de réservistes. Commandés par des officiers de réserve, les réservistes s’entraînent au sein de leur unité et possèdent leur propre matériel. Cette organisation permet à la réserve canadienne d’être présente sur l’ensemble du territoire national habité et d’être ainsi visible aux yeux de la population.

b. Une mobilisation insuffisante en cas de crise sur le territoire national

Depuis le déclenchement de l’opération Sentinelle, consécutive aux attentats de janvier 2015, un peu moins de 300 réservistes sont mobilisés chaque jour parmi les 7 000 à 10 000 militaires qui participent à cette opération sur le territoire national.

Cela est naturellement insuffisant et tous les responsables entendus depuis janvier sur ce point en conviennent. Le ministre de la Défense a donc fixé un objectif de 1 000 réservistes employés quotidiennement et inscrit dans l’actualisation de la loi de programmation militaire, votée l’été dernier (41), des crédits budgétaires supplémentaires et un certain nombre de dispositions visant à rénover le système des réserves.

Comment expliquer cette incapacité des armées à mobiliser plus amplement ses réservistes, alors que le besoin opérationnel se fait plus que jamais ressentir ?

Le constat dressé par le rapport sénatorial de M. Michel Boutant et Mme Joëlle Garriaud-Maylam en 2010 demeure en grande partie d’actualité (42).

Dans les premières heures, les premiers jours d’une crise majeure, la réponse des pouvoirs publics repose d’abord sur les forces d’active. Les réserves jouent cependant un véritable rôle, et nous venons de le souligner, dans l’armement des états-majors interarmées de zone de défense et de sécurité. Ils peuvent, dans certains cas, être composés à 75 % de réservistes motivés et rapidement disponibles.

Passée la période de montée de puissance des forces actives, les réservistes devraient pouvoir jouer, dans un deuxième temps, un rôle important pour s’inscrire dans la durée et permettre la relève des effectifs, soit en participant directement aux opérations, soit en remplaçant des militaires d’active dans le fonctionnement des affaires courantes.

C’est sur ce deuxième point que les armées pêchent probablement le plus. Le mode d’emploi de la réserve, plus sous la forme de compléments individuels que d’unités constituées, ne permettant pas de déployer des réservistes rapidement en renfort des unités d’active.

L’armée de terre a pourtant mis en place, à l’été 2011, un dispositif intéressant, « Guépard Réserve », qui repose sur un contrat opérationnel permettant d’engager d’urgence des unités de réserve en cas de crise majeure sur le territoire national. Il comprend en théorie 500 à 600 réservistes volontaires, disponibles en 48 heures et pour huit jours, répartis territorialement au niveau de onze brigades de l’armée de terre. Le dispositif est toutefois encore trop embryonnaire pour apporter aujourd’hui un surcroît d’efficacité opérationnelle significatif aux unités d’active.

Contrairement à ce qu’ils ont souvent entendu, les rapporteurs ne partagent pas l’idée selon laquelle les dispositions législatives ne seraient pas adaptées à une mobilisation rapide des réservistes.

Les délais de convocation, de trente jours en temps ordinaire, et de quinze jours pour les réservistes ayant souscrit une clause de réactivité, pourront être réduits à quinze et cinq jours grâce aux dispositions de l’actualisation de la LPM qui entreront en vigueur en 2016 mais peuvent déjà être réduits à un jour franc en cas de recours à la réserve de sécurité nationale (cf. tableau supra.). Ce dernier dispositif, issu directement des travaux de la mission d’information sénatoriale, a attendu près de quatre ans la publication de son décret d’application, qui n’est intervenu qu’en mai dernier. Il n’a toutefois pas été mis en vigueur depuis.

Le principal obstacle n’est donc pas d’ordre législatif : les réservistes peuvent être convoqués dans des délais assez brefs, certes pas dès les premières heures de la crise – mais là n’est pas leur vocation – mais dans les jours qui viennent pour assurer la relève.

Un point important concerne la réserve de deuxième niveau (RO2), les disponibles, c’est-à-dire les militaires qui ont quitté le service actif depuis moins de cinq ans. Ils seraient au nombre de 89 000. Il s’agit de militaires pour la plupart jeunes, entraînés, qui disposent donc d’un véritable savoir-faire opérationnel mais à laquelle il n’est jamais fait appel.

La difficulté est que les armées n’ont jamais mis en place un dispositif de suivi des aptitudes militaires ou professionnelles de ces réservistes. Elles ne disposent donc d’aucun fichier de suivi mais surtout d’aucun plan d’emploi de ces disponibles en cas de rappel – sachant que beaucoup n’habitent plus à proximité de la formation qu’ils ont quittée.

Comme en convenait le commandant des forces terrestres, le général Arnaud Sainte-Claire Deville, devant la commission de la Défense le 17 novembre dernier : « Nous n’avons encore jamais testé le fonctionnement de ce dispositif. C’est ce que nous allons faire en mars prochain, en convoquant des réservistes des deux premières années de la RO2 – au-delà, des problèmes d’aptitude médicale risquent de se poser – au sein de deux brigades de l’armée de terre. Notre objectif est de faire en sorte que les 500 personnes que nous avons identifiées au sein de chacune des deux brigades répondent à la convocation qui va leur être adressée. » (43). Les ambitions sont, on le voit, mesurées.

Conscient de ces difficultés, le ministère de la Défense travaille à l’élaboration d’un nouveau plan pour les réserves. « L’objectif du projet Réserves 2020 est de porter le nombre de réservistes opérationnels de 30 000 à 40 000, d’accroître leur réactivité – en réduisant le délai entre le moment où ils sont convoqués et celui auquel ils arrivent – ainsi que notre organisation et leur emploi dans des missions attractives, sans oublier la territorialisation et la connaissance du territoire : remailler la France dans ses points sensibles, en particulier grâce à l’apport de ces personnels. » (44) expliquait ainsi le général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, aux députés le 25 novembre dernier.

3. La réserve citoyenne mal identifiée

Créée par la loi du 22 octobre 1999, « la réserve citoyenne a pour objet d’entretenir l’esprit de défense et de renforcer le lien entre la nation et ses forces armées » précise l’article L. 4241-1 du code de la défense.

Elle est composée de citoyens qui souhaitent contribuer à l’effort de défense de leur pays sans toutefois accomplir d’activités militaires. Contrairement aux réservistes opérationnels qui ont la qualité de militaire lorsqu’ils servent dans le cadre de leur ESR, les réservistes citoyens agissent en qualité de collaborateurs bénévoles du service public.

Un grade leur est attribué à titre honorifique. Ils ne portent pas l’uniforme, excepté les réservistes citoyens de la marine nationale et de la direction générale de l’armement. Les réservistes citoyens issus de l’armée d’active ou de la réserve opérationnelle sont admis avec le grade qu’ils détiennent.

Après plusieurs années de fonctionnement, la réserve citoyenne ne semble pas avoir vraiment trouvé sa place au sein des armées : 3 464 personnes y sont actuellement recensées.

Recrutées principalement en fonction de leur niveau de responsabilité professionnelle ou de leur position sociale, elles doivent théoriquement remplir principalement des missions de rayonnement au profit des armées qui les emploient, à l’image des colonels honoraires canadiens.

Les colonels honoraires canadiens

Les colonels honoraires sont des personnalités influentes à qui on confère un grade militaire honorifique. Il s’agit d’anciens officiers de la Force régulière, de citoyens canadiens qui se sont distingués ou encore de personnalités connues dans une vaste gamme de secteurs.

Comme leur nom l’indique, les colonels honoraires exercent des fonctions de consultation à titre honorifique. Leur rôle est indispensable à l’esprit de corps et ils sont les gardiens des traditions et de l’histoire des régiments. Ils peuvent servir de mentor au commandant et aux membres d’une unité, aider à établir des liens avec d’autres unités par le biais du réseau des colonels honoraires. De par leur présence et leur titre, ils gagnent des appuis à l’égard de leur unité en lui servant de représentant public. Ils n’exercent naturellement aucune autorité ou fonction de commandement.

Au cours des trente dernières années, des Canadiens issus de tous les milieux de la société ont été ajoutés à la liste des membres honoraires. Des musiciens, des personnalités de la télévision, des universitaires et des cadres d’entreprise et de l’industrie se sont joints à leurs confrères militaires retraités en tant que colonels honoraires. La visibilité qu’ils apportent aux Forces canadiennes et la fierté qu’ils inspirent aux membres de ces forces permettent de tisser d’importants liens entre les unités et les communautés où ces dernières sont établies.

Ils devraient donc avoir pour mission principale de contribuer à la promotion de la défense par un engagement dans l’enseignement de défense, la participation à des cérémonies nationales ou par des actions de promotion de leurs unités. C’était d’ailleurs la direction qu’avait indiquée le Livre blanc de 2008 qui dressait un constat similaire : « la réserve citoyenne pâtit d’un manque de visibilité et de clarté des objectifs qui lui sont assignés. »

Mais curieusement, le Livre blanc de 2013 lui a au contraire assigné de nouvelles missions, qui rendent la séparation avec la réserve opérationnelle plus ténue.

Les réservistes citoyens peuvent donc désormais être sollicités pour fournir une expertise professionnelle de haut niveau et participer à des actions de sensibilisation et d’information sur l’intelligence économique et les questions de défense. Ils peuvent aussi intégrer la réserve citoyenne de cyberdéfense, cercle de confiance issu de la société civile, rassemblant professionnels et étudiants en fin d’études s’intéressant de près à cette question.

Ils peuvent aussi aider à la reconversion des militaires en fonction des réseaux avec le tissu socio-économique qu’ils entretiennent. Un réseau de réservistes citoyens est d’ailleurs consacré à la reconversion et contribue à une meilleure interaction des mondes civil et militaire afin d’accompagner l’action du ministère de la Défense dans le domaine de la transition professionnelle.

Ils peuvent aussi rejoindre les réservistes locaux à la jeunesse et à la citoyenneté (RLJC) qui s’impliquent au profit des jeunes de quartier sensibles afin de les accompagner dans une démarche de citoyenneté.

Une directive ministérielle a heureusement introduit, en octobre 2013, un rôle de coordonnateur de la réserve citoyenne, en la personne du secrétaire général du CSRM. Mais chaque armée, chaque service employant ces réservistes en fonction de ses propres instructions, le besoin d’une directive de cadrage se fait de plus en plus criant.

TROISIÈME PARTIE : DES DISPOSITIFS POUR RENFORCER LA COHÉSION NATIONALE DE PLUS EN PLUS NOMBREUX

La fin de la conscription a incontestablement laissé un vide, en matière d’éducation à la défense, de sensibilisation au civisme et d’expérience collective que le parcours de citoyenneté n’a que partiellement comblé.

Aussi, des initiatives se sont-elles multipliées ces dernières années pour essayer de pallier la disparition de la fonction sociale et civique du service militaire. Elles s’adressent à des publics plus ciblés, et non plus à l’intégralité d’une classe d’âge mais contribuent toutes, incontestablement, à renforcer la cohésion nationale.

I. PALLIER LA DISPARITION DE LA FONCTION CIVIQUE ET SOCIALE DU SERVICE MILITAIRE

Une importante politique d’éducation citoyenne de la jeunesse émerge depuis quelques années. On peut observer que la plupart des impulsions ont été données dans un contexte particulier, celui des émeutes urbaines de 2005, qui avait mis en évidence une panne d’intégration républicaine d’une grande partie de la jeunesse française.

Si le service civique constitue le dispositif le plus abouti, le ministère de la Défense s’est également engagé résolument dans une politique ambitieuse à destination de la jeunesse.

A. LA RÉUSSITE DU SERVICE CIVIQUE

1. Un service obligatoire à composante civile : un choix écarté dès 1997

Dans la mesure où les formes civiles représentaient une part de plus en plus significative de l’accomplissement des obligations du service national
– 32 844 appelés sur 257 838 en 1995, soit 12,74 % – il aurait pu être tentant, au moment où les besoins des armées diminuaient, de substituer au service militaire obligatoire un service civil obligatoire.

Cette hypothèse a été étudiée par les parlementaires mais a été écartée car elle se heurtait à des contraintes insurmontables.

Elle se heurtait, en premier lieu, à des obstacles juridiques, sinon philosophiques, dirimants. Comme l’avait indiqué aux membres de la mission d’information de l’Assemblée nationale le conseiller d’État Jean Fourré, président de la Commission interministérielle sur les formes civiles du service national : « plus on s’éloigne de la notion de défense, plus on se rapproche de la notion de travail contraint » (45).

Les arguments du constitutionnaliste Guy Carcassonne n’étaient pas autres : « La Constitution n’autorise le législateur à disposer de la personne ou du bien des citoyens que dans un certain nombre de cas limitativement énumérés » (46). Ces cas sont au nombre de trois :

– les sujétions imposées par la défense nationale (article 34 de la Constitution) ;

– les obligations fiscales (articles 13 et 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et article 34 de la Constitution) ;

– la scolarité obligatoire (au titre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République).

« Les contraintes liées à l’accomplissement du service national, écrivait le sénateur Serge Vinçon, qu’il s’agisse de l’obligation d’interrompre une activité professionnelle, des études ou la recherche d’un emploi […] sont légitimées par l’objectif supérieur que constitue la contribution des appelés à la défense de leur pays. […] Celui qui manque aux obligations du service militaire déserte, alors que celui qui manquerait à ses obligations de service civil ne ferait que s’absenter. Cette différence lexicale illustre très nettement une différence de légitimité sensible entre les deux types de service. » (47)

Outre cette différence de légitimité incontestable entre les deux formes de service, les parlementaires avaient relevé le risque de concurrence entre les postes d’appelés et les emplois permanents. Dans la mesure où il n’aurait pas été envisageable d’imposer cette obligation aux seuls jeunes hommes, ce n’étaient pas moins de 500 000 à 600 000 postes – 800 000 aujourd’hui – qu’il aurait fallu pourvoir chaque année, au lieu des 32 000 pourvus jusque-là.

Les responsables syndicaux et associatifs avaient fait part de leurs réserves sur ce sujet, en soulignant, d’une part, que le remplacement de professionnels par des appelés considérés comme une main-d’œuvre bon marché et, d’autre part, la concurrence que ces postes créeraient avec les différents dispositifs d’insertion de la jeunesse, conduiraient, dans les deux cas, à augmenter le chômage et accroître la fracture sociale.

La mise en œuvre d’un service civil obligatoire rencontrait enfin des obstacles pratiques considérables. Elle aurait nécessité une montée en puissance spectaculaire des formes civiles, pour passer de 32 000 à 600 000 appelés par an. Le ministère de la Défense avait identifié trois formes nouvelles d’accomplissement du service national : service de sécurité-défense, service de solidarité-cohésion nationale et service de coopération-action humanitaire. Le premier devant être réservé aux volontaires c’est sur les deux autres formes qu’il aurait fallu porter les efforts. Les parlementaires avaient alors souligné les efforts qu’il aurait fallu accomplir en termes de pilotage, d’infrastructures, d’encadrement et naturellement de budget.

Si le législateur de 1997 écarta l’idée d’un service civique obligatoire, il n’entendait en revanche pas décourager le volontariat. On peut regretter sur ce point que la loi de 1997 fût moins ambitieuse que le laissaient espérer les travaux parlementaires. Alors qu’il avait été envisagé de proposer des missions nouvelles à la jeunesse sous les trois formes indiquées plus haut pour tendre vers 185 000 postes budgétaires par an, le texte final ne contient finalement que peu de dispositions sur le volontariat.

Il inscrit certes le principe du volontariat en tant que composante du nouveau service national universel, mais aucune politique publique ne vint ensuite mettre en œuvre cette idée.

2. Le long cheminement vers le volontariat de service civique

Après le rendez-vous manqué de 1997, il fallut attendre plus de dix ans pour que le volontariat de service civique devienne une réalité concrète.

La loi n° 2000-242 du 14 mars 2000 relative aux volontariats civils institués par l’article L. 111-2 du code du service national et à diverses mesures relatives à la réforme du service national a introduit, tout d’abord, de nouvelles formes de volontariat civil avec, pour objectif, de pérenniser les activités d’intérêt général accomplies par les appelés à l’occasion des formes civiles du service national.

Toutefois, aucun cap n’ayant été fixé, les formes de volontariats se sont multipliées : volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité, volontariat civil à l’aide technique, volontariat de prévention, de sécurité et de défense civile, volontariat international en administration, volontariat international en entreprise, et cela avec autant de statuts différents pour autant de dispositifs. Tous sont restés confidentiels, réservés à quelques connaisseurs déjà présents au cœur du système.

Dans son rapport de 2008, M. Luc Ferry souligna que « le dispositif de volontariat civil, très complexe, voire illisible, est resté confidentiel et méconnu », si bien que « ses effectifs n’ont jamais progressé, se limitant à moins de 2 000 volontaires par an » (48).

À la suite des émeutes urbaines de 2005, la réflexion sur ce thème a cependant été relancée. En 2006, le volontariat associatif était créé : il répondait à un souhait des jeunes de s’engager non pas auprès de l’État, mais dans une association menant des actions d’intérêt général, notamment auprès des plus démunis, ainsi que dans les domaines de la culture, du sport ou de l’éducation. À travers leur engagement associatif, les jeunes ont exprimé le souhait manifeste de s’engager pour la Nation.

Cependant, il s’agissait encore une fois d’ajouter un nouveau volontariat à d’autres, déjà empilés. Pour placer sous un même fronton tous ces volontariats, le législateur a donc, dans la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, créé le service civil volontaire, qui consiste en un agrément couvrant un ensemble de volontariats dispersés avec un engagement financier de l’État important.

Ce nouveau label aurait pu permettre de redonner une notoriété au volontariat s’il ne s’était pas accompagné de la mise en place de démarches administratives très complexes. Une procédure de double agrément pour le volontariat et pour le service civil a été prévue et la multiplicité des guichets a été maintenue. En outre, en dépit des souhaits régulièrement exprimés, notamment par les parlementaires, les moyens n’ont jamais été à la hauteur de l’ambition de ce service civil. Alors même que l’objectif était d’accueillir 50 000 jeunes en moyenne annuelle, environ 3 000 volontaires seulement sont ainsi entrés dans le dispositif entre 2006 et 2009.

Curieusement, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, reprit à son compte l’idée d’un service civique universel et obligatoire. Prenant acte du vide né de la suspension du service militaire, il entendait à la fois « ancrer les jeunes dans un socle de valeurs communes » et « assurer leur bonne intégration sociale » (49).

3. La loi du 10 mars 2010

a. Une composante du service national universel

C’est finalement une proposition de loi sénatoriale qui fût à l’origine de la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 qui a instauré le service civique comme une composante obligatoire du service national universel. Si les auteurs de la proposition de loi avaient écarté le caractère obligatoire, c’était avant tout pour des raisons de prudence : « avant d’envisager un service civique obligatoire, il faut nécessairement passer par une phase de montée en puissance du service civique volontaire. […]. Une transition, grâce au nouveau dispositif proposé avec ce texte, donnera l’occasion de mieux évaluer les besoins en termes d’organisation pratique. » (50)

Chargé de présenter le texte à la commission de la Défense, le Haut-commissaire à la jeunesse, M. Martin Hirsch, confirma ce choix : « Ce choix n’est pas d’abord justifié par des impératifs budgétaires : il paraît avant tout impossible d’obliger des jeunes à accomplir un service civique alors même qu’ils ont des difficultés à entrer dans la vie active. Le service civique pourrait alors être perçu comme un pis-aller fort peu attractif. La question pourra peut-être se reposer dans un autre contexte économique et social. On ne peut envisager d’y faire droit tant que le chômage des jeunes demeure au niveau que nous connaissons. » (51)

Ce nouveau service civique se substitue au service civil volontaire, rassemble les principaux volontariats sous un statut homogène, rationnalise le fonctionnement administratif et technique du volontariat. Surtout, il dote le dispositif d’un pilote unique, l’Agence du service civique, chargée de définir les orientations stratégiques, d’assurer la gestion des agréments et des engagements, de promouvoir et de valoriser le service civique ainsi que d’évaluer et de contrôler sa mise en œuvre.

b. Un volontariat au service de l’intérêt général

L’engagement de service civique s’adresse aux jeunes de seize à 25 ans, sous condition d’être Français ou résidant en France. Il est conclu pour une durée comprise entre six et douze mois.

Les missions confiées aux volontaires sont à caractère philanthropique, éducatif, environnemental, scientifique, humanitaire ou encore culturel.

Article L. 120-1 du code du service national (extraits)

« I. – Le service civique a pour objet de renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale et offre à toute personne volontaire l’opportunité de servir les valeurs de la République et de s’engager en faveur d’un projet collectif en effectuant une mission d’intérêt général auprès d’une personne morale agréée.

« II. – Les missions d’intérêt général susceptibles d’être accomplies dans le cadre d’un service civique revêtent un caractère philanthropique, éducatif, environnemental, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial ou culturel, ou concourent à des missions de défense et de sécurité civile ou de prévention, de promotion de la francophonie et de la langue française ou à la prise de conscience de la citoyenneté française et européenne. »

La mission est effectuée auprès de personnes morales agréées, organismes sans but lucratif ou personnes morales de droit public. Le volontaire doit intervenir en complément des salariés ou des bénévoles de l’organisme d’accueil, sans s’y substituer. L’objet du service civique est en effet d’apporter une valeur ajoutée d’intérêt général à ces organismes et non d’en assumer les missions courantes.

Le volontaire perçoit une indemnité mensuelle de la part de l’agence du service civique, fixée à 467,34 euros, éventuellement majorée sur critères sociaux. Les organismes d’accueil versent par ailleurs une prestation nécessaire à la subsistance, l’équipement, l’hébergement ou au transport. Elle peut être servie en nature, au travers notamment de l’allocation de titre-repas, ou en espèces. Le montant minimal mensuel de cette prestation est fixé à 106,31 euros.

c. Une montée en puissance réussie

Preuve d’une volonté politique constante depuis 2010, le service civique est monté progressivement en puissance depuis cette date : 6 000 volontaires ont été accueillis en 2010, 19 400 en 2012, 35 000 en 2014.

De son discours d’investiture – « Je relancerai la belle idée du service civique » – jusqu’à ses vœux du 31 décembre 2014 – « Pas un jeune ne doit se voir refuser l’accès au service civique », le chef de l’État n’a cessé de promouvoir le service civique. Le 9 mars 2015, il s’est par ailleurs engagé à débloquer les crédits nécessaires pour que 150 000 jeunes puissent être accueillis dès l’année 2016.

Comme le confiait le directeur de l’Agence du service civique, M. François Chérèque, aux députés de la commission de la Défense, le problème n’est pas tant de trouver des volontaires – il y a en moyenne 150 000 demandes chaque année – que d’organiser leur accueil :

« À ce jour, 84 % des jeunes font leur service civique dans le monde associatif, mon prédécesseur Martin Hirsch s’étant au départ appuyé sur les grands réseaux associatifs, sachant que nous ne disposions pas des moyens de le développer dans le secteur public. Mais si on veut accroître le service civique, il faudra aller au-delà et que les services publics, notamment la gendarmerie et l’armée, puissent s’y associer. […]

« Pour développer le service civique dans les structures publiques, nous travaillons sur de grands programmes. Nous sommes ainsi en train d’œuvrer avec le ministère de la Santé pour développer ce service dans les hôpitaux – sans bien sûr remplacer les professionnels – pour l’orientation et l’accompagnement des malades. Nous développons aussi des actions dans les collèges, notamment dans les foyers socioculturels, de même qu’au ministère de l’Intérieur, par exemple dans l’accueil et l’accompagnement des étrangers ou au sein de la gendarmerie ou de la police, pour des actions de prévention essentiellement – comme la lutte contre l’alcoolisme, les addictions ou certains comportements sur la route. » (52)

Contrairement à ce que l’on aurait pu craindre, le service civique n’attire pas prioritairement des étudiants qui ont tout réussi mais est plutôt représentatif de la société française : 25 % des jeunes en service civique ont un niveau inférieur au baccalauréat, 32 % sont à ce niveau et 43 % ont une formation supérieure. L’objectif de l’Agence du service civique est de faire passer la proportion des jeunes issus des quartiers de la politique de la ville à 25 % du total. Aller plus loin irait certainement à l’encontre de l’objectif affiché de mixité sociale.

Il ne faut en effet pas prendre le service civique pour ce qu’il n’est pas : un dispositif d’insertion professionnelle de la jeunesse. S’il leur est dispensé une formation citoyenne, les jeunes viennent d’abord y « assouvir cette soif inextinguible de se sentir utiles », selon les mots de Martin Hirsch (53).

B. LES ACTIONS EN FAVEUR DE LA JEUNESSE DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

Le ministère de la Défense développe, depuis quelques années déjà, un plan d’action en faveur de la jeunesse à travers un nombre important de dispositifs. S’ils poursuivent tous des objectifs légitimes, on peut regretter une certaine dispersion des moyens et une visibilité assez faible.

1. La commission Armées-Jeunesse

La commission Armées-Jeunesse (CAJ) est un organisme déjà bien implanté dans le monde de la défense puisqu’elle a été créée en 1955 dans le cadre plus général des commissions ministérielles de la jeunesse, qui avaient alors pour objectif de renforcer les liens entre les différentes institutions et la jeunesse.

La CAJ est un organisme consultatif, de réflexion et d’action, placé auprès du ministre de la Défense. Elle a pour objectif de coordonner les différentes activités au sein du ministère en matière de jeunesse, en menant des études, en pilotant des stages et en organisant des événements, des échanges et des visites pour construire et alimenter le lien entre la jeunesse et la communauté de la défense.

La commission est composée d’un réseau de quatre-vingt-onze membres : soixante-deux membres actifs que sont des associations de la jeunesse, des syndicats, seize ministères, délégations interministérielles et grandes administrations (ministère de l’Intérieur, direction générale de la gendarmerie nationale, le conseil national des missions locales) et treize organismes du ministère de la Défense.

La CAJ est présidée par un officier général de haut rang et est animée par un secrétariat général permanent, composé de cinq militaires et de cinq civils, secrétariat qui soutient également les activités du délégué ministériel à la jeunesse et de l’égalité des chances. (cf. ci-après)

Son fonctionnement repose sur un cycle annuel d’activités, comprenant notamment trois assemblées plénières qui réunissent l’ensemble de ses membres.

Chaque année, quatre groupes de réflexion permanents sont chargés de conduire des études pour le compte du ministre. En 2014-2015, les quatre sujets concernaient la communication de la défense envers les jeunes, la recherche d’une plus grande synergie entre les acteurs du lien armées-Nation, la jeunesse et le patrimoine militaire ainsi que la recherche de la dynamisation des journées « sports armées jeunesse ». Sur les vingt-cinq dernières années, on peut relever que la commission a abordé les thèmes des cadets de défense, du service civique ou encore du service militaire adapté.

Ces études sont souvent complétées par l’organisation de colloques ou de séminaires pour permettre la rencontre avec les publics concernés. En 2015, le ministre de la Défense a ainsi animé un séminaire intitulé « Engagement 1915, engagement 2015 ».

La CAJ est également responsable de l’organisation d’événements civilo-miltaires pour mettre en contact direct des militaires et des civils. Elle organise ainsi, des journées « armées-jeunesse » autour de la pratique du sport et remet tous les ans un « Prix armées-Jeunesse » qui récompense toute formation militaire qui a mené une action à destination des jeunes.

Elle offre enfin chaque année un catalogue de 500 stages labellisés « commission Armées-Jeunesse » qui s’adressent à des jeunes étudiants, à partir de bac +3. 300 « Contrats armées-jeunesse » sont effectués dans le cadre d’un contrat de trois mois rémunéré au SMIC. Les autres stages, sous convention, sont rémunérés sur la base des conventions habituelles.

2. Le délégué ministériel à la jeunesse et à l’égalité des chances

Afin de coordonner les différentes actions du ministère en direction de la jeunesse, le ministre de la Défense, M. Jean-Yves Le Drian a créé, en juillet 2012, la fonction de délégué ministériel à la jeunesse et l’égalité des chances (DMJEC).

Placé sous son autorité, le DMJEC doit lui proposer chaque année « une directive d’orientation de l’action « jeunesse » du ministère. ». Il a donc pour mission d’animer, de développer et de mieux faire connaître les actions du ministère, en particulier celles qui relèvent du plan « égalité des chances » (PEC) initié en 2007. S’il ne dispose pas de budget propre, il s’assure cependant de la pertinence de la répartition des ressources en effectifs et en budget des actions vers la jeunesse.

Le DMJEC partage un secrétariat commun avec la commission Armées-Jeunesse dont il est lui-même membre. Il dispose d’une équipe resserrée, organisée en trois pôles : le pôle « plan égalité des chances », le pôle jeunesse et réserves et le pôle études et partenariats.

Le plan « égalité des chances » comprend neuf actions, dirigées en priorité vers les jeunes de milieux défavorisés : le tutorat, les lycées de la défense, les classes de défense et de sécurité globale, les cadets de la défense, les périodes militaires, les centres EPIDE, les formations qualifiantes qui se déclinent en stages et périodes d’alternance et des partenariats avec des associations. Ces dispositifs sont notamment relayés sur le terrain par les réservistes citoyens qui composent le réseau des RLJC.

Les classes de défense et de sécurité globales

L’action « classes de défense et de sécurité globales », créée en 2005, trouve ses racines dans le socle commun de compétences de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005. Elle s’est intégrée au protocole défense-éducation nationale de 2007 et à la convention cadre sur le développement de partenariats favorisant l’égalité des chances signée en 2011.

Ciblant en priorité les collèges des zones d’éducation prioritaires (ZEP), ce dispositif propose un support d’accompagnement éducatif liant, par une convention locale, une classe d’élèves à une formation militaire locale. Ce partenariat comporte au moins une visite de la formation par la classe, la venue de militaires dans la classe ainsi qu’un échange entre ces derniers et les élèves pour partager les événements de la vie de l’unité et les inscrire dans l’acquisition des compétences du « socle commun ».

Sont ainsi étudiés les thèmes de la défense du territoire et des populations (action de l’État en mer, le risque sanitaire etc.), défense de l’environnement (les enjeux de l’eau et des énergies, les aires marines protégées, etc.), de l’économie (espionnage industriel, la lutte contre les trafics et les contrefaçons, etc.), et des valeurs et du patrimoine (droits de l’homme, les mémoires, le bouclier bleu, etc.). Les activités et les enseignements s’étendent sur une plage horaire de deux à trois heures par semaine à raison de trois à quatre cycles dans l’année pendant la période scolaire.

L’essentiel des échanges se faisant par voie électronique ou par des visites mutuelles ponctuelles, ce dispositif mobilise peu de moyens militaires, tant humains que financiers. De plus, il peut s’affranchir des contraintes de proximité géographique, contribuant ainsi à la transmission de l’esprit de défense et de celui de la résilience de la Nation en étant une réponse aux déserts militaires.

Le nombre de classes, en constante progression, a atteint une quarantaine à la rentrée 2012, 80 en 2013, 95 en 2014 et une centaine en juin 2015, que ce soit en métropole ou dans les départements et collectivités d’outre-mer jusqu’en Nouvelle-Calédonie. Certains établissements entiers ont également conclu des conventions avec des formations militaires.

3. Les cadets de la défense

a. Un programme civique pour les plus jeunes

Le plan « égalité des chances » du ministère de la Défense a mis en place, à partir de 2008, un programme de cadets à l’école d’application de l’infanterie de Montpellier, étendu rapidement à d’autres sites : cinq centres en 2009, huit en 2010 et onze en 2015 pour un total d’un peu plus de 300 cadets.

Largement inspiré du modèle canadien, mais avec des objectifs bien moins ambitieux, le programme vise à accueillir au sein de formations militaires de jeunes collégiens, hors temps scolaire, afin de les initier par des activités éducatives, culturelles et sportives aux valeurs civiques et aux valeurs collectives qu’incarnent les armées.

Les cadets : le modèle canadien

Le programme des cadets du Canada est le plus vaste programme de jeunesse parrainé par le gouvernement fédéral. Il s’adresse aux jeunes canadiens âgés de douze à dix-huit ans et leur permet de découvrir, entre autres, les activités s’apparentant aux services de la marine, de l’armée de terre et de la force aérienne. En 2013, 53 535 cadets ont bénéficié de ce programme dans 1 121 unités locales réparties sur l’ensemble du territoire canadien. L’objectif est de passer à 70 000 cadets d’ici juin 2016.

S’il existe depuis le XIXe siècle, le programme a connu une inflexion majeure à partir des années 1960 pour passer d’une préparation militaire pour futurs membres des forces canadiennes vers un programme plus ambitieux destiné à former « de bons citoyens et de bons leaders pour la société de demain ».

Le programme des cadets relève du ministère de la Défense nationale, avec le concours de la Ligue navale du Canada, de la Ligue des cadets de l’Armée du Canada et la Ligue des cadets de l’Air du Canada.

Il est piloté au niveau national par un commandement du corps des cadets, rattaché directement au vice-chef d’état-major de la défense, appuyé par une structure de 60 personnes au niveau central et 700 personnes au niveau régional. 7 000 réservistes du cadre des cadets, appuyés par des militaires d’active et des bénévoles, assurent l’encadrement des jeunes.

Pour l’année 2013-2014, le ministère de la Défense a dépensé près de 210 millions de dollars (153 millions d’euros), ce qui représente 3 900 dollars par cadet (2 800 euros).

Les ligues de cadets, organisations bénévoles à but non lucratif, jouent un rôle d’intermédiaire entre l’institution militaire et la société civile. Elles formulent des recommandations sur la formation, l’organisation et la dissolution de corps/escadrons de cadets. Elles aident à promouvoir le programme et à attirer des membres des ligues, des officiers et des cadets dans les corps/escadrons. Elles s’assurent que des locaux, du matériel d’instruction et un soutien appropriés sont disponibles pour l’instruction des cadets et financent elles-mêmes les activités complémentaires et facultatives. Elles organisent pour cela régulièrement des levées de fonds au niveau local, régional et national et y récoltent plusieurs dizaines de millions.

Le programme des cadets se déroule en deux temps : dans les collectivités de septembre à juin, au sein de corps ou escadrons d’une centaine de cadets, et l’été, dans vingt centres d’instructions dédiés, pour permettre à un groupe de cadets d’acquérir des connaissances et des compétences avancées dans le cadre d’activités spécialisées. À titre d’exemple, chaque année 500 cadets de l’Air ont l’occasion d’obtenir leur brevet de pilote d’avion ou de planeur.

Les programmes communs mettent l’accent sur le développement personnel des cadets à travers des enseignements théoriques de leadership, d’activités sportives (biathlon, tir de précision), des cours de musique et des activités bénévoles. Les activités spécialisées se rattachent directement aux trois composantes des Forces canadiennes :

- marine : initiation à l’environnement naval et maritime ;

- armée : découverte des techniques d’orientation et d’exploration ;

- aviation : initiation à l’aéronautique.

Les objectifs du programme consistent, à travers des cours théoriques et des activités spécifiques tout au long de l’année, à développer les qualités de leadership et de civisme, promouvoir la bonne forme physique et susciter un intérêt pour les activités des Forces canadiennes (histoire, valeurs et compétences) au sein de la jeunesse canadienne.

Ce programme permet de créer chez les jeunes un sentiment d’identité canadienne et leur faire prendre conscience de ce que signifie « être Canadien ». Cette caractéristique est particulièrement importante pour les jeunes immigrants et les enfants nés au Canada de parents immigrants. Il s’inscrit directement dans le cadre de la prévention de la délinquance chez les jeunes en aidant les populations à risque à se tenir loin des bandes et des activités criminelles.

Sur le plan individuel, les cadets renforcent leurs aptitudes sociales en côtoyant des individus issus de milieux sociaux, culturels ou linguistiques différents. La vie en communauté, les activités bénévoles, les activités liées aux traditions et cérémonies militaires inculquent aux cadets des valeurs morales et sociales d’appartenance, d’ouverture, d’adaptation et de solidarité.

Si le programme dure six ans, les cadets n’y restent en moyenne que deux années, ce qui entraîne une rotation d’environ 50 % des effectifs chaque année.

L’enrôlement des cadets au sein des Forces armées canadiennes n’est pas un objectif affiché du programme : en 2011, seules 7 % des personnes enrôlées dans les Forces canadiennes étaient d’anciens cadets, mais 40 % des officiers généraux étaient d’anciens cadets.

Les corps/escadrons de cadets aident les Forces canadiennes à maintenir une présence sur l’ensemble du territoire canadien. Par cette présence et les activités des cadets, les Forces canadiennes bénéficient d’une image positive au sein de la population. Cela permet « d’établir des liens avec les Canadiens », particulièrement dans les endroits reculés, où cette présence constitue le seul contact de la population avec l’action de l’État fédéral et la réalité militaire.

Le lancement du programme fait suite aux travaux de la commission Armées-Jeunesse, saisie de cette question par la ministre de la Défense de l’époque, Mme Michèle Alliot-Marie, en septembre 2005. Les travaux de la commission ont été restitués en juin 2006, dans un contexte marqué par les émeutes urbaines de l’automne 2005, avec la volonté de recréer un lien entre la Nation et sa jeunesse dont une partie « méconnaît partiellement ou totalement les institutions » et « n’arrive plus à se projeter ou à rêver, et succombe tout autant à un individualisme marqué qu’aux tentatives de récupération communautaire ». (54)

Il s’agissait donc de sensibiliser les jeunes aux questions de défense à partir d’une approche nouvelle, de leur offrir un cadre structurant pour l’acquisition de savoirs êtres indispensables à la vie collective et, d’une manière générale, de récréer le chaînon manquant entre l’armée et la jeunesse depuis la suspension du service militaire.

Outre le modèle canadien, le groupe de travail de la commission Armées-Jeunesse citait en exemple le programme français des jeunes sapeurs-pompiers (JSP). Ce programme concerne près de 30 000 jeunes, de dix à dix-huit ans, répartis en plus de 1 500 sections. L’objectif est de préparer les jeunes à devenir des citoyens actifs puis à rejoindre les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Il comprend quatre modules, en fonction de l’âge des volontaires, et prépare à différents diplômes, notamment le brevet national de JSP. La Fédération nationale des sous-officiers de réserve (FNASOR) avait également entrepris la mise en place d’un programme de cadets pour les treize-quatorze ans, encadré par ses adhérents.

b. Un programme resté au stade de l’expérimentation

Après huit années de fonctionnement, force est de constater que le programme des cadets de la défense n’a jamais vraiment décollé, faute de volonté clairement assumée.

Alors qu’il avait été envisagé de créer un programme pour les 11-18 ans, segmenté en trois niveaux de deux ans, d’initiation, d’apprentissage et de perfectionnement, le programme ne s’adresse finalement qu’aux 14-16 ans. Les armées étaient en effet réticentes à intervenir sur des publics plus jeunes, considérant qu’il existait un risque d’assimilation du programme à un embrigadement de la jeunesse et qu’elles ne disposaient pas de personnel spécifiquement formé à un jeune public (55).

On ne peut que regretter ce refus de s’impliquer plus en amont, alors que plusieurs responsables avaient précédemment reconnu cette nécessité. L’ancien chef d’état-major des armées, le général Jean-Philippe Douin, avait par exemple déclaré aux parlementaires, en 1996 : « Pour créer un lien entre le jeune Français et la Nation, il faut agir entre 12 et 15 ans. Tout se passe à ce moment. Quand on reçoit un soldat âgé de 18 à 20 ans, il est déjà trop tard pour lui donner ce lien. » (56)

Le programme vise donc essentiellement à compléter l’enseignement civique dispensé en classe de troisième par une sensibilisation à la citoyenneté et une découverte des armées et de la défense (57). L’objectif n’est pas de proposer un simple programme occupationnel mais de travailler sur le développement des savoir-faire et des savoir-être, tant sur le plan individuel que collectif, pour former des citoyens actifs.

Il comprend un enseignement théorique et des activités sportives au sein de la formation militaire, généralement deux mercredis après-midi par mois, des participations aux cérémonies patriotiques et un camp de cohésion de cinq jours durant l’été. Le programme du centre de cadets de la base aérienne 105 d’Évreux, sur laquelle les rapporteurs se sont rendus, est par exemple le suivant :

– une journée d’accueil sur la base ;

– neuf demi-journées sur la base aérienne, comprenant une séance pédagogique d’1 h 45 suivie d’une activité sportive d’1 h 45. Ces demi-journées peuvent également être consacrées à la rencontre avec un élu, la visite de la base ou une séance de tir à la carabine à plombs ;

– deux demi-journées de participation aux cérémonies du 11 novembre et du 8 mai ;

– une journée de course d’orientation et une journée de visite à Paris d’institutions et du musée des armées ;

– un camp d’été de cinq jours qui comprend des activités sportives, des visites de sites et une cérémonie de fin de cycle.

Chaque promotion comprend une trentaine de cadets, encadrés par des militaires d’active et des réservistes. À Évreux, l’équipe d’encadrement comprend sept réservistes, dont un bénévole, et trois anciens cadets, et deux professeurs d’histoire-géographie des collèges partenaires, qui élaborent le programme et dispensent l’enseignement civique. Les activités sportives sont dirigées par les professeurs de sport de la base aérienne.

Dans la mesure où il n’a pas été créé de statut juridique propre aux cadets, ces derniers sont adhérents de la Fédération des clubs sportifs et artistiques de la défense (FCSAD) afin de leur permettre de disposer d’une couverture juridique et de bénéficier d’encadrants qualifiés et d’installations agréées. Le dispositif est totalement gratuit pour les cadets et leurs familles, les frais étant à la charge de la structure d’accueil.

Concrètement, la création d’un centre de cadets est du ressort du commandant de la formation militaire. Il signe alors une convention tripartite avec les chefs d’établissement scolaires partenaires et l’autorité académique locale. Cette convention précise notamment le personnel enseignant « référent », le processus de sélection des cadets et le programme pédagogique. La spécificité du programme français est en effet de s’appuyer fortement sur l’éducation nationale. C’est en partenariat avec les collèges impliqués dans le programme que les cadets sont sélectionnés et que les enseignants dispensent, nous l’avons vu, les cours d’éducation civique.

Convention du programme de cadets de la base aérienne d’Évreux (extraits)

« Le programme des cadets ne doit pas correspondre à une pré-préparation militaire, même s’il intègre une spécificité « découverte des armées et de la défense ».

« Inséré dans un projet pédagogique global, le choix des activités doit donner du sens à ce programme avec des effets recherchés en matière d’autonomie et de responsabilisation, qualités qui s’appuient sur une dimension :

« - comportementale ; apprendre à se situer dans un environnement professionnel ;

« - civique : apprendre à se comporter en tant que jeune Français conscient de ses responsabilités de citoyen.

« Le programme consiste à :

« - découvrir un milieu professionnel ;

« - pratiquer des activités favorisant la transmission de valeurs par le groupe ;

« - vivre une expérience individuelle et collective ;

« - participer à l’éducation à la citoyenneté développée pendant la scolarité.

« Quatre dominantes d’activités peuvent être mises en exergue :

« - mémoire et patrimoine ;

« - activités physiques et sportives ;

« - civisme ;

« - découverte des métiers de la défense. »

Dans les centres ouverts à ce jour, le dispositif est incontestablement un succès. Les encadrants et les familles des cadets rencontrés par les rapporteurs ont tous souligné l’impact positif de la participation au programme, que ce soit en termes de comportement, de résultats scolaires ou encore de confiance en eux. Le nombre de candidats excède chaque année largement le nombre de places offertes : la proportion est d’une place pour trois volontaires à Évreux.

Le problème est que le faible nombre de places offertes conduit souvent l’encadrement à privilégier localement les candidats les plus motivés, ce qui peut aller l’encontre de l’objectif affiché de mixité sociale. Dans les faits, sur les 306 cadets accueillis en 2013-2014, 45 étaient issus d’établissements situés en zone d’éducation prioritaire et 41 d’établissements faisant l’objet d’une attention particulière du rectorat.

Mais le principal obstacle auquel se heurte aujourd’hui le programme des cadets est l’absence totale de pilotage national et de crédits budgétaires dédiés.

c. Une absence totale de pilotage au niveau national

Théoriquement, le pilotage est assuré par le délégué ministériel à la jeunesse et à l’égalité des chances du ministère de la Défense ; mais aucune directive claire n’a jamais été adressée aux centres de cadets sur le contenu des programmes pédagogiques et des activités, la formation des encadrants ou le fonctionnement concret du programme. On peut ainsi observer une grande variété de pratiques d’un centre à l’autre, que ce soit au niveau du public visé, collégien ou lycéen, du port de l’uniforme, militaire ou non, ou encore de participation à des activités paramilitaires. Il semblerait que d’une manière générale, il y ait une certaine réticence à assumer pleinement la « militarité » du programme, ce qui contribue, selon les rapporteurs, à brouiller l’image des cadets.

En outre, faute de crédits budgétaires dédiés au niveau national au programme, le fonctionnement des centres de cadets repose uniquement sur la bonne volonté des formations militaires qui y participent, l’engagement des réservistes et des enseignants partenaires. Si l’on veut reconstituer le coût de fonctionnement global d’un centre de cadets, il faut additionner les dépenses de rémunération des réservistes, les frais d’habillement, les frais de transport et d’alimentation mais aussi les frais annexes, plus difficilement quantifiables, que sont les séances de sport assurées par le service des sports de la formation militaire, les activités de tir, la mise à disposition de locaux, etc. Toutes ces dépenses sont prises intégralement en charge par la formation militaire qui accueille le centre de cadets. Les enseignants qui participent au programme sont pour leur part rémunérés en heures supplémentaires par l’éducation nationale.

Selon les informations communiquées à la mission d’information, le coût par cadet et par an serait compris entre 530 euros et 750 euros, en fonction des centres, le chiffre de 1 000 euros étant probablement plus proche de la réalité.

On comprend aisément pourquoi le programme des cadets ne semble avoir jamais vraiment dépassé le stade de l’expérimentation et demeure aujourd’hui totalement confidentiel, ce que les rapporteurs déplorent.

II. LE SAVOIR-FAIRE DES ARMÉES MIS À PROFIT POUR RÉUSSIR L’INTÉGRATION PROFESSIONNELLE DE LA JEUNESSE

Parce qu’elles disposent d’un savoir-faire incontestable en matière d’intégration de la jeunesse – elles recrutent chaque année 20 000 à 30 000 jeunes – les armées ont été mises à contribution pour favoriser l’insertion professionnelle de la jeunesse en difficulté.

Trois dispositifs aux objectifs similaires ont été mis en place à cette fin : le service militaire adapté en outre-mer, dès 1961, l’établissement public d’insertion de la défense, en 2007, et le service militaire volontaire, depuis le mois d’octobre 2015.

S’ils ne touchent aujourd’hui que des publics assez faibles, moins de 10 000 au total, au regard du nombre de jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans diplôme ou qualification, 60 000, ils proposent à une population ciblée une remise à niveau comportementale, une formation civique et un chemin vers l’emploi qui s’apparentent à bien des égards à l’ancienne fonction sociale du service militaire.

A. L’EXPÉRIENCE RÉUSSIE DU SERVICE MILITAIRE ADAPTÉ

1. Un dispositif original

Créé en 1961 pour répondre à l’urgence sociale dans les Antilles, puis étendu progressivement aux autres départements et collectivités d’outre-mer, le service militaire adapté (SMA) était initialement une forme particulière du service militaire, comprenant un important volet de formation professionnelle. Avec la fin de la conscription votée en 1997, le dispositif a été conservé mais s’accomplit désormais sous la forme du volontariat.

Composé de sept régiments (58), il propose à des jeunes volontaires, âgés de 18 à 25 ans, sans qualification ou diplômés en difficulté d’insertion, des parcours de formation citoyenne, professionnelle et de remise à niveau scolaire, pendant six à douze mois, sous un statut militaire. L’âge moyen des volontaires stagiaires était de 21 ans en 2014 et 66,1 % d’entre eux étaient non diplômés et 43,5 % en situation d’illettrisme de niveaux 1 ou 2.

L’originalité du dispositif est de proposer, selon les termes de son commandant, le général Philippe Loicano, un projet éducatif global « qui prend en compte l’unité de la personne : le corps, l’intellect, les forces morales » et qui propose « une approche socio-économique visant à assurer tout à la fois l’accomplissement personnel de chaque jeune volontaire et l’adaptation aux besoins du marché de l’emploi à travers un projet éducatif et une pédagogie qui favorisent l’acquisition de compétences sociales et de compétences professionnelles » (59).

Pendant la durée de leur engagement, les stagiaires vivent sous le régime de l’internat et reçoivent une solde spéciale, d’un peu plus de 340 euros par mois. Ils sont accueillis dans l’un des sept régiments du SMA et sont encadrés par les militaires du régiment.

Ils reçoivent d’abord une formation militaire initiale d’un mois dont l’objectif principal est de leur apprendre à vivre en collectivité, développer l’esprit de cohésion et redonner le goût de l’effort.

Ils suivent ensuite une formation professionnelle de cinq à onze mois en fonction de la spécialité choisie au moment de leur engagement : 35 filières sont proposées parmi neuf familles professionnelles. Si le bâtiment et les travaux publics demeurent aujourd’hui la spécialité la plus enseignée, le catalogue de formation s’est considérablement enrichi et propose désormais des formations dans l’agroalimentaire, l’aide à la personne ou encore la restauration. Chaque régiment de SMA adapte le contenu de ses formations aux spécificités et aux besoins du marché de l’emploi local.

Cette formation professionnelle est effectuée sur place, dans les régiments du SMA, qui disposent pour cela de plateaux techniques adaptés à l’apprentissage de la pratique. Elle est dispensée par du personnel qualifié spécialement recruté à cet effet, les engagés volontaires du SMA (EV SMA). Cette organisation offre une grande souplesse au dispositif pour adapter en permanence la formation aux exigences du marché de l’emploi : le régiment peut recruter un EV SMA lorsqu’il est décidé d’ouvrir une nouvelle filière ou, à l’inverse, ne pas renouveler son contrat lorsqu’une filière est abandonnée. La formation comprend également deux périodes d’application en entreprise.

Formations dispensées par le SMA

Agriculture, marine, pêche

7 %

Bâtiment, travaux publics

33 %

Mécanique, travail des métaux

7 %

Transport, logistique et tourisme

10 %

Gestion administrative des entreprises

4 %

Commerce

4 %

Hôtellerie, restauration, alimentation

11 %

Service aux particuliers et aux collectivités

14 %

Divers

10 %

Source : SMA.

Parallèlement à cette formation professionnelle, qui représente 70 % de leur emploi du temps, une remise à niveau dans les savoirs de base est dispensée aux stagiaires du SMA. Elle vise à évaluer et à remettre à niveau les jeunes non diplômés et en situation d’illettrisme pour les accompagner vers l’obtention du certificat de formation générale (CFG). Elle est assurée par des enseignants détachés de l’éducation nationale, des volontaires en service civique ainsi que des volontaires techniciens du SMA (VT SMA), souvent d’anciens stagiaires, à qui il est ainsi proposé une première expérience professionnelle.

Une formation permanente, civique et comportementale, est également assurée tout au long de l’engagement des stagiaires par les militaires du régiment.

Enfin, une formation à la prévention et aux gestes de premier secours ainsi qu’une préparation et une présentation à l’examen du permis de conduire sont proposées aux stagiaires.

2. Un pilotage efficace

Le succès du dispositif est incontestable : le taux d’insertion des 5 666 stagiaires accueillis en 2014 était de 77,4 % en fin de parcours. Cette insertion était répartie ainsi :

– 46,7 % en emploi durable, c’est-à-dire en contrat à durée indéterminée (CDI), en contrat à durée déterminée (CDD) de plus de six mois ou en contrat d’alternance ;

– 24,9 % en emploi de transition, entendu comme un CDD de moins de six mois ;

– 27,4 % en poursuite de formation.

70 % de cette insertion est réalisée dans le secteur marchand et seule une très faible minorité de stagiaires s’engage ensuite dans les armées. Enfin, 80 % des jeunes insérés le sont dans leur région d’origine.

Le dispositif est mis en œuvre par le commandement du SMA, dont le siège est à Paris. Les militaires qui servent dans les sept régiments ultramarins, pour la durée d’une affectation classique, sont issus des troupes de marine de l’armée de terre et sont sélectionnés pour leur expérience de l’encadrement. Ils sont environ 650 à y servir chaque année, assistés de 350 formateurs, soit un taux d’encadrement de 16,3 %.

Le SMA est placé sous la tutelle unique du ministère des Outre-mer, qui assure le pilotage et le financement du dispositif, les crédits de masse salariale du personnel militaire mis à sa disposition étant remboursés au ministère de la Défense. Hors masse salariale, le budget du SMA était de 78,7 millions d’euros en 2014, un peu plus de 210 millions en comptant la masse salariale, ce qui revient à un coût d’environ 28 000 euros par stagiaire et par an.

Ces crédits proviennent à 73 % du budget du ministère des Outre-mer et sont complétés par des fonds européens : fonds social européen (FSE) et fonds européen de développement régional (FEDER) pour 25 % en moyenne, cette part variant selon les régiments du SMA. Ils sont enfin complétés par la taxe d’apprentissage et les subventions que peuvent verser les régions qui accueillent les régiments.

Le succès du SMA repose sur les partenariats étroits qui ont été noués avec les acteurs locaux de la formation et de l’insertion professionnelle, que ce soient les conseils régionaux, les services de l’État et les entreprises. Chaque année, le conseil de perfectionnement réunit l’ensemble de ces partenaires, pour analyser la pertinence des offres de formation professionnelle proposées et envisager les possibilités d’adaptation au contexte local du marché de l’emploi.

Participent ainsi aux conseils de perfectionnement :

– les services de l’État des domaines du travail, de l’emploi, du social de l’éducation nationale et de la formation professionnelle ;

– les conseils régionaux ou généraux ainsi que le gouvernement et assemblées de province dans le cas de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie ;

– les associations de maires, les comités économiques régionaux, les chambres consulaires ;

– les syndicats professionnels (MEDEF, TPE) ou sectoriels (BTP, agriculture, transports, etc.) ;

– les associations de formation professionnelle pour adultes et les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).

Cette coordination locale, associée à un pilotage national, permet d’adapter en permanence l’ingénierie de formation et de proposer ainsi une solution efficace d’insertion professionnelle.

B. UNE FORMULE D’INSPIRATION MILITAIRE : L’EPIDE

1. Une transposition partielle du service militaire adapté

Lors de son discours de politique générale, le 3 juin 2005, le Premier ministre Dominique de Villepin avait présenté « un plan d’urgence pour l’emploi ». Il avait alors exprimé son souhait d’impliquer les armées dans la formation professionnelle de la jeunesse : « Nous avons un modèle qui fonctionne pour nos jeunes compatriotes d’Outre-mer, très durement frappés par le chômage : le service militaire adapté. J’ai demandé au ministre de la Défense de concevoir un dispositif analogue pour la métropole afin de procurer aux jeunes qui le souhaitent une formation validée par l’Éducation nationale et un encadrement. L’objectif est de former 20 000 jeunes en 2007. »

Ce chiffre de 20 000 volontaires fut confirmé en réunion interministérielle du 14 novembre 2005 ainsi que lors de l’intervention télévisée du président de la République le mois suivant, en même temps que l’annonce de la création du service civil volontaire, dans le contexte des émeutes urbaines qui frappaient alors la France.

C’est pour mettre en application ce programme « Défense deuxième chance » qu’a été créé l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDE) par l’ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005. Établissement public administratif, sa tutelle était initialement assurée par trois ministères : le ministère de la Ville, le ministère du Travail et le ministère de la Défense.

Les centres EPIDE sont des établissements civils mais disposent d’un encadrement « s’inspirant du modèle militaire » selon l’article L. 3414-1 du code de la défense. Dans les faits, il est composé d’enseignants, d’éducateurs sociaux et d’anciens militaires recrutés spécialement à cet effet.

Ils sont ouverts aux jeunes volontaires âgés de seize à 25 ans qui signent pour cela un « contrat de volontariat pour l’insertion » dont le régime est défini aux articles L. 130-1 à L.130-4 du code du service national. Ils ne sont pas sous statut militaire.

La directrice de l’EPIDE, Mme Nathalie Hanet, a précisé, lors de son audition par la commission de la Défense, le 18 février 2015, que les jeunes « signent un premier contrat de deux mois, puis de cinq mois, soit un parcours total de huit mois », éventuellement renouvelé plusieurs fois, dans la limite maximale de 24 mois. (60)

Les volontaires perçoivent une allocation mensuelle de 210 euros, à laquelle s’ajoutent 90 euros capitalisés par EPIDE et versés au volontaire à la fin de son parcours.

Proposé exclusivement sous le régime de l’internat, du dimanche soir au vendredi après-midi, sur une plage horaire s’étendant de 6 heures 30 à 22 heures 30, le programme de formation se structure autour de trois grands axes :

– une formation générale de remise à niveau des fondamentaux scolaires ;

– une éducation comportementale visant à accompagner le jeune vers l’autonomie grâce à une discipline d’inspiration militaire pour le respect du cadre, mais aussi sur le modèle des travailleurs sociaux pour l’accompagnement individuel ;

– l’élaboration et la validation d’un projet professionnel, en particulier dans les secteurs d’emploi en tension.

À la différence du service militaire adapté, l’EPIDE ne dispense donc pas de formation professionnelle. Les jeunes accomplissent plusieurs stages dans des entreprises partenaires mais aucune formation qualifiante ne leur est proposée. À l’EPIDE d’Alençon, une convention de partenariat a par exemple été signée avec le groupement d’intérêt public pour la formation continue et l’insertion professionnelle de Basse Normandie (GIP FCIP), afin de mettre en place des stages sur les plateaux techniques adossés aux agences des GRETA (61) de l’Académie de Caen. Au niveau national, des partenariats ont été conclus avec des grandes entreprises du BTP, la SNCF, le secteur de la restauration ou encore des organismes et des entreprises du secteur tertiaire.

Le but du programme est donc moins de dispenser une formation professionnelle que de donner aux jeunes des repères pour s’insérer socialement. « La singularité de l’EPIDE, expliquait ainsi sa directrice, qui fait également sa force, c’est de proposer un accompagnement global à ces jeunes, avec la mise en place de regards croisés de professionnels très différents. Il s’agit d’une réelle spécificité dans un paysage social caractérisé par des dispositifs qui, généralement, prennent les personnes en tranches, selon des critères ou des éléments relatifs à leur situation. » (62)

2. Des résultats encourageants

Après huit années de fonctionnement, l’EPIDE semble avoir aujourd’hui trouvé sa place dans les dispositifs d’insertion sociale des jeunes.

Le taux de sorties positives est significatif : il était de 51,2 % en 2014. Sur les 1 680 sorties positives, 39 % des volontaires ont été insérés en emploi durable, 37 % ont intégré une formation et 24 % se sont dirigés vers des contrats aidés ou des CDD de moins de six mois.

Après des critiques initiales de la Cour des comptes, le budget de l’EPIDE – 75 millions d’euros en 2014 – est désormais maîtrisé : le coût moyen d’un volontaire était de 23 800 par an en 2014, soit un coût comparable à celui du SMA.

Le caractère militaire de la formation est aujourd’hui presque inexistant, si ce n’est dans l’esprit : port d’un uniforme, cérémonies des couleurs, pratique du sport. Comme les rapporteurs ont pu le constater lors de leur visite à Alençon, les EPIDE fonctionnent plus comme des internats stricts que comme des formations militaires.

Le ministère de la Défense a contribué initialement à la mise à disposition de locaux et a fourni beaucoup de cadres, mais il n’a en revanche jamais financé le programme. Au printemps 2015, il s’est en outre retiré de la tutelle qu’il assurait conjointement avec les ministères de la Ville et de l’Emploi. Preuve de cette sortie du champ de la défense, l’EPIDE s’appelle désormais Établissement public d’insertion dans l’emploi.

Alors que l’objectif assigné à l’EPIDE était d’offrir, dans un délai relativement court, 20 000 places, l’établissement ne dispose aujourd’hui que de 2 085 places au sein de ses 18 centres, ce qui permet d’accueillir 3 500 jeunes par an. Si on est donc loin de l’ambition initiale c’est probablement en raison de l’inefficacité d’une triple tutelle ministérielle, source de complexités en termes de pilotage et de financements.

La sortie du champ de la défense étant désormais actée, on peut espérer que l’EPIDE dispose à présent d’un pilotage efficace. Le président de la République souhaite que le dispositif bénéfice de moyens à la hauteur de ses ambitions et a annoncé, le 16 février 2015, une augmentation des capacités d’accueil de 600 places, soit 1 000 jeunes supplémentaires, dès 2016. Deux nouveaux centres sont en projet dans le Sud de la France.

C. LES DÉFIS DU SERVICE MILITAIRE VOLONTAIRE

1. Une expérimentation pendant deux ans

Le 27 avril 2015, le président de la République a annoncé la création d’un troisième dispositif d’insertion professionnelle à destination de la jeunesse : le service militaire volontaire (SMV). L’actualisation de la loi de programmation militaire votée cet été (63) lui a donné un cadre juridique et prévu une expérimentation pendant deux ans à compter d’octobre 2015.

Un premier centre a ouvert ses portes, le 15 octobre 2015, à Montigny-Lès-Metz, avec 100 volontaires.

Le dispositif est très proche du service militaire adapté, dont il reprend la philosophie et le fonctionnement.

Le SMV sera ouvert aux jeunes Français de dix-sept à vingt-six ans résidant habituellement en métropole. Ils pourront souscrire, sur la base du volontariat, un contrat de six mois minimum, renouvelable pour deux à six mois, pour une durée maximale de douze mois. Ils serviront, pendant la durée de leur engagement, en qualité de volontaire stagiaire du SMV au premier grade de militaire du rang et toucheront une solde de 370 euros par mois.

Les volontaires se verront dispenser une formation militaire ainsi que « diverses formations visant à favoriser leur insertion sociale et professionnelle » (64).

Selon le même schéma que le SMA, les volontaires recevront dans un premier temps une formation militaire assez sommaire, visant principalement à leur faire acquérir les bases de la vie en collectivité. Tout au long de leur parcours, il leur sera ensuite dispensé une formation citoyenne et comportementale, une remise à niveau scolaire, une formation au secourisme ainsi qu’une formation au permis de conduire.

L’expérimentation sera mise à profit pour évaluer trois modèles de formation professionnelle :

– un modèle régional, à vocation pluridisciplinaire, en lien avec les acteurs locaux de l’insertion et de la formation, selon le même schéma que celui du SMA ;

– une filière unique nationale, en s’appuyant sur un plateau technique commun à certaines filières ;

– un partenariat renforcé avec une entreprise nationale. Des discussions sont ainsi en cours avec plusieurs entreprises intéressées par le dispositif, parmi lesquelles la SNCF.

Ainsi que l’expliquait aux membres de la commission de la Défense le général (2S) Bertrand Clément-Bollée : « Ces trois modèles ont vocation à être combinés pour trouver la formule la plus adaptée à chaque implantation. Leur réussite dépendra, avant tout, des relations nouées avec les acteurs de l’emploi comme Pôle Emploi, le MEDEF, la CGPME, l’AFPA, les missions locales, les collectivités territoriales, les services de l’État et de très nombreuses entreprises, qui ont souvent pris l’initiative de nous approcher. » (65)

Afin de ne pas engager d’investissements en infrastructures trop importants, l’expérimentation s’appuiera dans un premier temps sur des structures existantes, telles que les centres de formation professionnelle ou les écoles des armées. La construction de plateaux techniques de formation, selon le modèle du SMA, ne devrait intervenir qu’à l’issue de l’expérimentation, si le dispositif est généralisé.

Les volontaires seront encadrés par des militaires d’active, assistés par des volontaires recrutés spécialement à cet effet. On retrouve ici le même schéma que celui du SMA, où des volontaires techniciens du SMA assistent, pour un à trois ans, les militaires dans leur mission d’encadrement des volontaires stagiaires.

Les militaires devraient naturellement être recrutés prioritairement parmi ceux qui ont déjà servi dans les différents régiments du SMA mais aussi parmi ceux ayant servi dans les centres de formation initiale de militaire du rang (CFIM).

Les volontaires qui les assisteront se verront proposer des contrats d’un an, renouvelables, selon les conditions applicables au volontariat dans les armées. Ils seront prioritairement recrutés parmi les jeunes disposant déjà d’une qualification professionnelle à qui il sera proposé une première expérience professionnelle. Il est envisagé de les recruter au grade de militaire du rang, avec la solde afférente. Il n’est pas exclu que ces fonctions soient ensuite proposées à d’autres profils, tels que des volontaires-aspirants, des élèves-officiers ou des volontaires en service civique. Dans un premier temps, l’armée de terre envisage un renfort ponctuel de militaires du rang pour accompagner la montée en charge du dispositif.

La formation professionnelle étant dispensée par des intervenants extérieurs, dans les centres, écoles et entreprises partenaires, le SMV ne comprendra pas, dans sa phase d’expérimentation, l’équivalent des engagés volontaires du SMA, recrutés en fonction de leur spécialité pour délivrer leur formation aux stagiaires. Ce statut pourrait être créé plus tard, en cas de généralisation du SMV.

Le nombre de volontaires ne pourra excéder 300 pendant les quatre premiers mois de l’expérimentation, avant d’être porté à un maximum de 1 000 pour les mois suivants. Aux deux centres de Montigny-Lès-Metz et de Brétigny, avec chacun des capacités d’accueil d’une centaine de places, devrait s’ajouter un troisième centre, dans le Sud de la France. Au terme de l’expérimentation, une dizaine de centres supplémentaires pourraient ensuite ouvrir.

2. Assurer la pérennité du dispositif

Parce qu’il fallait une mise en œuvre très rapide, le ministère de la Défense assure seul le financement du dispositif pendant la durée de l’expérimentation – 40 millions d’euros par an pour 1 000 jeunes accueillis.

Si le SMV était pérennisé et étendu aux treize régions métropolitaines, comme il en a l’ambition, son coût total serait de 600 millions d’euros pour près de 16 000 volontaires et plus de 3 000 encadrants. Il n’est pas question que le ministère de la Défense assume alors seul la charge de ce dispositif.

Aussi, « le portage financier serait amené à refléter l’ancrage local et à reconnaître la participation majoritaire des acteurs du monde de l’emploi, de la formation professionnelle et de l’insertion, expliquait le général Bertrand Clément-Bollée. Le ministère de la Défense, quant à lui, « professionnel de la jeunesse » par nature, prêtant son concours à cette problématique nationale majeure de l’insertion sociale et professionnelle de ces jeunes par le biais d’un savoir-faire patent – la formation et la transmission du savoir être –, resterait maître de la tutelle administrative pour garantir au SMV sa militarité dans la durée. » (66)

L’actualisation de la LPM a prévu la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement, au plus tard le seizième mois après le début de l’expérimentation – soit le 1er janvier 2017 – visant à évaluer l’expérimentation et les suites à lui donner. Cette évaluation devrait notamment porter sur l’attractivité du dispositif, le taux d’attrition en cours de contrat et le taux d’insertion professionnelle.

CONCLUSION DES RAPPORTEURS : REDONNER DU SENS AU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL

Pensé il y a plus de vingt ans, le service national universel ne répond plus aux exigences du temps présent. Les briques qui le construisaient se sont progressivement détachées de l’ensemble qu’il constituait au point de lui faire perdre toute sa cohérence :

– l’enseignement de défense, qui devait se substituer au service militaire pour diffuser la culture de la défense à l’ensemble de la jeunesse, est dispensé de manière très inégale ;

– amputé de ses prolongements naturels que devaient être les périodes militaires et le volontariat, l’appel de préparation à la défense n’est plus d’aucune utilité militaire pour les armées ;

– faute d’ambition, les réserves ne réunissent qu’un nombre restreint de Français et n’apportent qu’une ressource limitée aux armées en cas de crise sur le territoire national.

Le ministère de la Défense a certes engagé depuis divers plans en direction de la jeunesse, mais ces actions manquent singulièrement de coordination et de visibilité.

Et c’est parce qu’elles sont invisibles que des voix s’élèvent, de plus en plus nombreuses, pour réclamer la restauration d’un service national obligatoire, sous une forme militaire et civile. À la lecture de ce rapport, on aura compris que les rapporteurs ne partageaient pas l’enthousiasme de certains de leurs collègues sur ce sujet.

Ils croient plutôt au volontariat qui seul donne de la valeur à l’engagement, parce que c’est un don de soi. La jeunesse française est prête à s’engager – le succès du service civique en témoigne – à condition qu’on lui confie des missions qui aient du sens.

C’est précisément ce que proposent les rapporteurs : redonner du sens au service national universel en le faisant reposer sur deux piliers principaux, les cadets et la réserve, complétés par un dispositif d’insertion professionnelle.

I. UN PROGRAMME DE CADETS PLUTÔT QU’UNE FORME NOUVELLE DE SERVICE MILITAIRE

Les rapporteurs sont convaincus qu’il est temps de donner un élan nouveau au programme de cadets de la défense initié timidement par le ministère de la Défense depuis 2008 afin de le généraliser, de l’étoffer et de le structurer.

1. Pourquoi s’adresser à un public si jeune ?

Depuis plusieurs mois, les propositions pour rétablir une forme nouvelle de service militaire, sous un format court de quelques mois, se sont multipliées pour pallier à la fois la disparition de la fonction sociale de la conscription et acculturer la jeunesse aux questions militaires.

Alors que l’hypothèse d’un service militaire court avait été écartée en 1997, les mêmes raisons conduisent à la juger peu pertinente aujourd’hui.

Tout d’abord, un service militaire court ne serait d’aucune utilité opérationnelle pour nos armées. Trois ou quatre mois sont insuffisants pour former un militaire capable de servir sur le territoire national ou en opérations extérieures. Il faudrait donc compléter cette formation par des périodes régulières dans les armées durant les années suivantes, au risque de voir les compétences se perdre si les conscrits étaient rappelés après une longue période d’inactivité.

Ensuite, l’encadrement de 800 000 jeunes chaque année semble hors de portée pour une armée professionnelle qui ne compte plus que 230 000 militaires et s’est séparée de la plupart de ses anciennes infrastructures d’accueil. Alors que nos armées sont particulièrement sollicitées sur de nombreux théâtres simultanés, est-il vraiment temps de mettre sur pied, à ses côtés, une armée d’instruction pour encadrer l’intégralité d’une classe d’âge ? Face à l’urgence opérationnelle, la réponse est bien entendu non.

Enfin, il serait illusoire de penser que quelques semaines d’instruction militaire suffiraient à développer chez des jeunes de 18-20 ans le sentiment d’appartenance nationale ou l’adhésion aux valeurs de la République. La jeunesse de 2015 n’est plus celle de 1914 et les phénomènes de marginalisation sociale, d’entrée dans la délinquance ou de radicalisation sont de plus en plus précoces. Intervenir à cet âge-là est donc certainement trop tardif pour prévenir certains comportements.

Les rapporteurs proposent de lancer plutôt un grand mouvement de cadets, sur la base du volontariat.

Ce programme s’adressait à un public large, les 12-18 ans, comme le proposait déjà la commission Armées-Jeunesse en 2006. C’est en effet dans cette tranche d’âge que les jeunes ont le plus besoin de repères structurants, pour leur développement personnel et leur intégration sociale, et c’est à cette tranche d’âge que les pouvoirs publics doivent consacrer en priorité leurs efforts.

Alors qu’ils sont encore scolarisés, les armées doivent pouvoir proposer aux jeunes, en complément de l’éducation nationale, des activités, une instruction et une expérience de vie inédites plutôt que d’essayer de les récupérer à un âge où certains sont déjà sortis du système. Les rapporteurs l’ont constaté à Évreux, les bénéfices du programme de cadets, en termes de comportement et de confiance en soi, se ressentent dans les résultats scolaires des jeunes.

Avec un programme progressif sur plusieurs années, les jeunes cadets auraient la possibilité de développer leurs compétences, de faire l’expérience d’un véritable brassage social, à travers notamment des camps d’été de quelques semaines, et d’être sensibilisés aux valeurs civiques parallèlement au parcours de citoyenneté obligatoire.

La mise en œuvre d’un tel programme nécessitera naturellement de la part des armées un investissement conséquent si l’on veut toucher un public assez large, mais sans commune mesure avec un service militaire court puisqu’il s’agira d’un programme à temps partiel et qui n’entend pas toucher l’intégralité d’une classe d’âge.

Proposition n° 1 : mettre en place un programme de cadets de la défense pour les 12-18 ans.

2. Quel contenu donner à ce programme de cadets ?

Pour attirer une tranche significative d’une classe d’âge – 100 000 jeunes par an serait un objectif raisonnable si l’on se réfère aux exemples canadiens ou britanniques – le programme devra naturellement proposer des activités attractives.

Le but du programme ne serait pas de former de futurs militaires, mais de former plutôt des citoyens actifs en développant chez eux le goût de l’effort, de l’aventure collective et le sens du patriotisme.

Il serait articulé, comme c’est le cas actuellement, autour de plusieurs demi-journées par mois et mais avec un camp d’été allongé de cinq jours à deux ou trois semaines selon l’âge des participants.

Les rapporteurs proposent de structurer le programme autour de trois cycles de deux ans, d’initiation pour les 12-14 ans, d’apprentissage pour les 14-16 ans, et de perfectionnement pour les 16-18 ans.

Les deux premiers cycles permettraient d’approfondir les enseignements dispensés dans le cadre scolaire tandis que le troisième cycle, à partir de seize ans, pourrait proposer une préparation militaire plus poussée. À cette fin, les préparations militaires actuellement dispensées par les armées feraient désormais partie intégrante du programme de cadets et n’existeraient plus indépendamment de ce programme. Elles permettraient aux jeunes cadets de développer leurs compétences avant un éventuel engagement au sein des forces armées, d’active ou de réserve.

Proposition n° 2 : intégrer les préparations militaires au programme de cadets à partir de seize ans.

Le programme comprendrait à la fois un enseignement civique, une présentation de l’organisation de la défense mais aussi un grand nombre d’activités sportives et culturelles. Il ne s’agit pas de se substituer à l’éducation nationale ou aux associations de jeunesse, mais de proposer, dans un cadre militaire, des activités complémentaires qui offrent des expériences inédites.

Comme le soulignait le commissaire en chef (R) Richard Roll, en prenant exemple sur le modèle canadien, l’armée de terre pourrait proposer des parcours aventure en milieu naturel, du parachutisme ou des exercices de tir tandis que l’armée de l’air permettrait de s’initier au vol à voile, au pilotage ou à la mécanique aéronautique et la marine de faire découvrir le monde maritime et initier à la voile et au matelotage (67).

Ces différentes activités permettraient aux jeunes de sortir de leur environnement habituel et d’être sensibilisés aux enjeux contemporains, aux questions environnementales et de découvrir des milieux professionnels nouveaux.

Le caractère militaire, avec ce qu’il implique en matière de discipline et de don de soi, ne devra naturellement pas être édulcoré mais au contraire clairement affiché. Le port de l’uniforme, symbole de l’égalité, l’attribution de grades, témoignage du mérite, et de signes distinctifs devront signifier l’appartenance du cadet à une armée bien identifiée.

Les cadets participeront enfin aux cérémonies patriotiques où leur présence témoignera du lien qui unit la jeunesse aux générations qui l’ont précédée. Cela permettra, par la même occasion, de donner un souffle nouveau à ces manifestations, en particulier dans les déserts militaires.

3. Comment mettre en œuvre un tel programme ?

Pour que ce programme touche une part significative de la jeunesse française, il doit avoir pour ambition d’atteindre au moins 100 000 volontaires par an, ce qui suppose une organisation et un pilotage conséquents.

Il faudra d’abord offrir un statut juridique aux cadets, assorti de droits et d’obligations, par le biais d’une loi ou d’un texte réglementaire.

Si l’on considère que le coût annuel d’un cadet serait de l’ordre de 1 000 euros, ce ne sont pas moins de 100 millions d’euros qu’il faudrait mobiliser pour généraliser un tel programme. Cet objectif semble hors de portée dans le contexte budgétaire actuel, au moment où nos armées sont particulièrement sollicitées.

C’est pourquoi les rapporteurs proposent de supprimer la journée défense et citoyenneté et d’affecter ses ressources, 111 millions d’euros en 2014, à ce nouveau programme (cf proposition n° 4 ci-après). Ils estiment en effet plus efficace d’affecter ces crédits à 100 000 jeunes pour plusieurs mois, sachant qu’il y aura une rotation importante des effectifs d’une année sur l’autre, qu’à 800 000 jeunes pour une seule journée. L’expérience en termes de brassage social et de cohésion nationale sera sans commune mesure pour les jeunes participants.

En proposant de supprimer la JDC, les rapporteurs n’entendent pas supprimer l’administration qui la met en œuvre, la direction du service national, mais au contraire s’appuyer, au moins pour partie, sur elle pour piloter ce programme.

La DSN dispose en effet de 1 300 personnes, de cinq centres régionaux, de 33 centres et 185 sites militaires répartis sur l’ensemble du territoire national, en lien avec les formations militaires locales. Elle dispose donc d’un savoir-faire incontestable en matière de jeunesse et de connaissance des armées sur laquelle il serait regrettable de ne pas s’appuyer.

En lien avec l’état-major des armées, la nouvelle direction, qui deviendrait l’administration de soutien des cadets, serait chargée de la définition des programmes et du suivi de leur mise en œuvre.

Proposition n° 3 : s’appuyer sur le personnel, le budget et le réseau de la direction du service national pour créer une administration de soutien du programme de cadets, chargée de son pilotage.

Chaque formation militaire bénéficierait ainsi de crédits dédiés pour ouvrir une section de cadets en son sein, sachant que les besoins en infrastructures sont assez mimines pendant l’année puisqu’il s’agit d’un programme à temps partiel. Les 185 sites militaires de la JDC constituent en outre un bon point d’ancrage, notamment en milieu urbain. Les camps d’été nécessiteront en revanche une logistique plus importante mais les armées pourront alors regrouper les participants sur quelques sites, notamment leurs différentes écoles.

Les cadets porteraient les insignes et l’uniforme de la formation à laquelle ils sont rattachés, ce qui permettrait de transmettre leur histoire et leurs traditions et de renforcer le sentiment d’appartenance collective. À terme, on pourrait envisager de créer des centres dans les déserts militaires, adossés à des régiments de réserve, comme cela se fait au Canada.

Les cadets seraient prioritairement encadrés par des réservistes spécialement recrutés et formés à cet effet, avec le soutien des forces d’active. Là encore, le vivier des animateurs de la JDC constituerait une bonne base de départ. On peut penser que des volontaires en service civique pourraient également apporter leur concours au fonctionnement du programme.

Enfin, on pourrait solliciter des associations sportives, comme la fédération française de voile ou la fédération française aéronautique, les organismes de jeunesse ou les chambres de commerce pour apporter leur soutien au programme et constituer des ligues, de l’air, de la marine et de l’armée de terre afin de développer le réseau des cadets et d’apporter des financements supplémentaires.

C’est donc une véritable dynamique que les rapporteurs entendent enclencher pour développer un grand mouvement de jeunesse, encadré par les armées, autour des valeurs civiques et de l’engagement. Il s’agit pour la société tout entière d’ouvrir de nouveaux horizons à sa jeunesse, de l’inscrire dans une démarche collective et lui proposer un « contre narratif » face « au discours de haine de nos adversaires qui veut diviser les Français » selon les mots employés par le chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers, devant la commission de la Défense, le 25 novembre dernier (68).

II. SUPPRIMER LA JDC ET RENFORCER LES OBLIGATIONS DU PARCOURS DE CITOYENNETÉ

Le format actuel de la journée défense et citoyenneté n’est pas satisfaisant. Une journée ne peut suffire à elle seule à développer l’esprit civique, sensibiliser aux questions de défense et servir de plate-forme d’orientation pour les jeunes décrocheurs.

Parce qu’on a placé en elle presque autant d’ambitions et d’espoirs que dans l’ancien service national, cette journée suscite incontestablement beaucoup de déceptions. Sa nouvelle dénomination, à la fois défense et citoyenneté, contribue certainement à entretenir cette confusion.

1. Supprimer la JDC plutôt que de la dédoubler

Certains regrettent que, malgré son recentrage récent sur les questions de défense, elle ne propose pas un enseignement militaire plus poussé et ne soit pas plus une porte d’entrée vers le recrutement tandis que d’autres la jugent au contraire « trop axée sur les questions de défense et la promotion des emplois correspondants »(69).

Aussi, la solution la plus satisfaisante aurait-elle pu être de la dédoubler, voire de la tripler, comme d’aucuns le proposent.

Cette hypothèse est évoquée depuis plus de dix ans mais n’a jamais été mise en œuvre.

Elle se heurterait tout d’abord à des obstacles budgétaires difficilement surmontables. Sachant que l’organisation d’une seule journée nécessite déjà plus de 100 millions d’euros, la création d’une deuxième journée, quand bien elle ne serait pas consécutive pour éviter les frais d’hébergement de 800 000 jeunes, nécessiterait plusieurs dizaines de millions d’euros.

Quel contenu donnerait-on ensuite à une journée « défense » et à une journée « citoyenneté » ?

S’agissant de la journée « défense », est-il vraiment raisonnable de penser que mettre une trentaine de jeunes dans une salle de réunion pendant quelques heures sous l’autorité de sous-officiers de l’armée française suffirait à développer chez ces jeunes l’esprit de défense et le sentiment d’appartenance nationale ? La réponse est malheureusement non et aucun des pays qui dispose d’une armée professionnelle n’a prévu pareille obligation.

Si l’on juge que la découverte du milieu militaire est indispensable à l’éducation de chaque citoyen français, une journée ne peut naturellement suffire à la satisfaction de cet objectif. C’est pourquoi le législateur de 1997 avait précisément prévu l’obligation pour l’éducation nationale de dispenser un enseignement de défense dans le cadre de la scolarité obligatoire. La mise en œuvre de cet enseignement doit pouvoir être améliorée, avec le concours des forces armées, et les rapporteurs font des propositions en ce sens (cf. propositions n° 5, 11, 12 et 14 ci-après).

Le législateur avait également prévu la possibilité de prolonger cette journée par des périodes militaires ou du volontariat dans les armées mais ces deux dispositifs, nous l’avons vu, ne remplissent plus ce rôle ou s’éteignent progressivement.

Mais s’il ne s’agit plus que de satisfaire les besoins en recrutement des armées, est-il vraiment indispensable de mobiliser pour cela 800 000 jeunes, 8 000 animateurs et plus de 100 millions d’euros ? Les ressources ainsi déployées seraient certainement plus utiles ailleurs, notamment dans les campagnes de recrutement.

Quant à la journée « citoyenneté », qui la mettrait en œuvre ? La direction du service national, qui dispose des fichiers nécessaires aux convocations, serait certainement mise à contribution. Il serait en revanche plus délicat de solliciter les infrastructures, le personnel et le budget des armées. Qui serait donc chargé de l’animation de cette journée ? S’il s’agit du personnel de l’éducation nationale, est-il vraiment indispensable de leur demander de dispenser en une journée des cours d’éducation civique qu’ils doivent déjà dispenser tout au long de l’année scolaire ?

Enfin, il est illusoire de penser qu’une, deux ou trois journées suffiraient à renforcer chez les jeunes le sentiment d’appartenance nationale en leur offrant une expérience collective. Seul un engagement sur la durée, comme l’offre aujourd’hui le service civique, l’engagement dans les armées et peut-être demain les cadets de la défense, est à même de développer chez eux ce sentiment. C’est donc sur ces dispositifs que les rapporteurs estiment que les pouvoirs publics devraient concentrer en priorité leurs efforts.

Proposition n° 4 : supprimer la journée défense et citoyenneté.

Aujourd’hui, la seule utilité réelle de la JDC est de détecter et d’orienter les jeunes décrocheurs qui ont quitté le système scolaire, les rapporteurs l’ont déjà souligné. Mais appartient-il aux armées de remplir cette fonction de plate-forme d’orientation ? Cette tâche revient plus naturellement aux missions locales et autres organismes d’insertion professionnelle.

2. Renforcer l’enseignement de défense obligatoire

La suppression d’une obligation pourrait être perçue comme un mauvais signal envoyé par la puissance publique à sa jeunesse, à une époque où les droits individuels l’emportent sur les devoirs du citoyen et où le lien social se fait de plus en plus fragile (70). Les rapporteurs en ont conscience.

Ils sont attachés aux rites républicains et c’est pourquoi ils se félicitent que la grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, annoncée le 9 février 2015 (71) par la ministre de l’Éducation nationale, prévoit une participation plus active des établissements scolaires aux commémorations patriotiques. Chaque jeune Français devrait, avant d’avoir quitté le système scolaire, avoir participé à au moins une commémoration locale ou au ravivage de la flamme de la Nation aux pieds de l’Arc de Triomphe. Ces manifestations sont certainement plus frappantes pour l’imagination de jeunes gens que la visualisation de films dans la salle de classe d’une caserne.

Ils estiment également que la mise en œuvre de l’enseignement de défense dans le cadre de la scolarité obligatoire doit pouvoir être appliquée de façon effective. Si les programmes sont riches et diversifiés, la formation des enseignants à ces questions, la visite d’unités militaires et la venue de militaires dans les établissements scolaires nécessitent une mise en œuvre plus énergique. La création d’une réserve honoraire spécialement dédiée à ces questions, qui s’intégrerait ainsi à la réserve citoyenne de l’éducation nationale récemment créée par la grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République, devrait y contribuer (cf. propositions n°11 et 12 ci-après).

Pour assurer l’effectivité de cet enseignement, les rapporteurs souhaitent également que l’enseignement de défense fasse l’objet d’une épreuve obligatoire, dans le cadre de l’enseignement moral et civique, à tous les examens de fin de parcours scolaire : baccalauréat général et professionnel, certificats d’aptitude professionnelle et brevet des métiers d’art – cet enseignement faisant déjà partie des épreuves du brevet des collèges.

Seule une pareille obligation sera en mesure d’assurer l’effectivité de cet enseignement.

Proposition n° 5 : prévoir une épreuve obligatoire d’enseignement de défense dans tous les examens de fin de parcours scolaire : brevet des collèges, baccalauréat, certificat d’aptitude professionnelle et brevet des métiers d’art.

Les rapporteurs proposent également, comme le proposait déjà le président Claude Bartolone dans son rapport précité sur l’engagement citoyen, que les cérémonies de citoyenneté, qui permettent aujourd’hui au maire de remettre sa carte d’électeur au jeune récemment inscrit sur les listes électorales, soient mises en œuvre de façon généralisée afin de solenniser ce moment. Cela permettrait de clore avec un éclat nouveau le parcours de citoyenneté.

Proposition n° 6 : généraliser la pratique des cérémonies de citoyenneté pour la remise des cartes électorales.

III. UNE RÉSERVE NOUVELLE POUR PARTICIPER À L’EFFORT DE LA DÉFENSE

1. Une réserve de garde nationale pour protéger le territoire

Lors de son discours au Congrès, le 16 novembre dernier, le président de la République a annoncé vouloir tirer un meilleur parti des réserves de défense pour former demain « une garde nationale encadrée et disponible ».

Les rapporteurs se réjouissent de l’impulsion qui est ainsi donnée aux réserves. Elle conforte les analyses qui ont été partagées par les responsables de la défense depuis quelques mois autour d’une réserve territoriale, affectée prioritairement à la défense du territoire national et capable d’offrir un maillage dense : « Qui connaît mieux son territoire, son canton, son village, son pays que le réserviste ? » s’interrogeait ainsi le chef d’état-major des armées le 27 octobre dernier (72).

Le ministère de la Défense travaille depuis quelques mois déjà, grâce à l’impulsion donnée par le ministre au printemps dernier lors de l’actualisation de la LPM, à un renouveau de la réserve opérationnelle, dont l’absence se fait cruellement sentir en ces temps de crise. L’objectif, qui doit se traduire par un effort financier supplémentaire de 75 millions d’euros sur la période 2015-2019, est d’atteindre 40 000 réservistes opérationnels à l’horizon 2019.

Le chef d’état-major de l’armée de terre, le général Jean-Pierre Bosser, a ainsi annoncé sa volonté de passer de 15 500 réservistes à 24 000 réservistes à l’horizon 2019 et la création de onze unités de réserve, rattachées à des régiments d’active, dans les départements représentant aujourd’hui des déserts militaires (73).

Il est encore trop tôt pour analyser le visage que devrait prendre cette « garde nationale » : le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) travaille à la doctrine d’emploi des forces sur le territoire national (74) tandis que le ministère de la Défense devrait présenter ses grandes orientations en matière de réserves au printemps prochain.

Les rapporteurs jugent délicat de s’orienter vers le modèle américain, où la garde nationale constitue une armée à part entière, composée en grande partie de réservistes, avec un budget, des équipements et des effectifs qui lui sont propres. Les questions de la formation, des infrastructures, de la doctrine mais aussi de l’autorité de tutelle – ministère de l’Intérieur ou de la Défense – seraient trop nombreuses pour que l’on puisse en disposer rapidement et efficacement.

Les rapporteurs estiment donc plus pertinent de conserver cette réserve au sein des forces armées et de s’appuyer sur les forces d’active pour y adosser des unités de réserve (75). Celles-ci pourraient s’entraîner de façon autonome, à condition qu’elles disposent d’infrastructures et de crédits suffisants, et seraient ensuite déployées de façon autonome ou en complément d’unités d’active. Ce brassage est très important aux yeux des armées, elles l’ont souvent rappelé, pour éviter d’aboutir à une armée à deux vitesses.

Dans tous les cas, il est primordial, avant toute chose, d’identifier clairement cette ressource de réservistes aptes à être déployés pour la protection du territoire national. Le terme de « garde nationale » pourrait justement offrir cette visibilité qui leur fait aujourd’hui tant défaut.

Proposition n° 7 : mettre en place une réserve de « garde nationale », affectée prioritairement à la protection du territoire national.

Affectée à une mission claire, disposant d’un réseau territorial plus étendu, cette nouvelle réserve sera certainement plus visible et plus attractive. Elle devra, en contrepartie, augmenter son niveau d’exigence afin que son déploiement offre une véritable valeur ajoutée aux capacités opérationnelles des armées.

Les rapporteurs proposent donc que les formations des réservistes puissent désormais être dispensées à temps complet, sur des cycles de six mois. Les dispositifs mis à place aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan (cf. supra), devraient ainsi être développés pour toucher un public plus large.

Considérant que la grande majorité des candidats à un engagement à servir dans la réserve sont des étudiants, cette formation de six mois devrait pouvoir être valorisée dans les parcours universitaires, par l’octroi de crédits universitaires supplémentaires. La présidente Patricia Adam avait fait adopter une disposition de cet ordre dans le rapport annexé à la loi de programmation militaire, qu’il convient de mettre en œuvre :

« La rénovation du dispositif de la réserve opérationnelle du ministère de la défense permettra de renforcer sa contribution aux missions des armées, notamment celle de protection du territoire national, à travers :

[…]

« – un effort prioritaire en direction de l’enseignement supérieur. Des partenariats devront être conclus avec les grandes écoles et les universités afin d’encourager les étudiants à souscrire un engagement à servir dans la réserve et de leur faire effectuer leur formation militaire à l’occasion d’un semestre ou d’une année de césure. Cet engagement sera valorisé dans les parcours de formation des étudiants et des accès privilégiés aux bourses et aux logements étudiants seront mis en place. Une attention particulière sera portée aux écoles dont les élèves ont le statut de fonctionnaire, où la question de sa généralisation sera étudiée. »

Les volontariats dans les armées, aujourd’hui totalement confidentiels, seraient en revanche supprimés et leurs ressources intégrées à cette nouvelle politique de formation à destination de la réserve.

Proposition n° 8 : supprimer les volontariats dans les armées et mettre en place des formations de réservistes de six mois à temps complet valorisés dans les parcours universitaires.

Les rapporteurs souhaitent également que le ministère de la Défense entame une réflexion sur le statut des réservistes, en s’inspirant par exemple du modèle canadien.

Le service dit de « classe A » est un contrat à temps partiel dont le but est l’entraînement et l’exécution de journées de réserve au sein d’une unité de réserve. Ce service totalise normalement une quarantaine de jours par an, soit quatre jours par mois.

Lorsque les réservistes sont employés au sein des forces canadiennes ils évoluent vers un service de classe B ou C.

Le service dit de « classe B » est un contrat à temps plein pour un service non-opérationnel. Ce service permet de faire entre 14 et 365 jours de réserve par an.

Enfin, le service dit de « classe C » est un contrat à temps plein pour une période déterminée de service opérationnel. Les réservistes remplissent exactement les mêmes missions que les membres des forces régulières. Ce dernier type de service correspond aux militaires français recrutés sous contrat.

Dans la mesure où, dans le modèle de réserve de « garde nationale », les réservistes ne seraient plus seulement des compléments individuels mais assureraient pleinement des opérations de protection du territoire, les armées pourraient utilement adopter ce type de classification. Cela permettrait de déployer les réservistes sur le territoire national pour des durées plus longues, de quelques semaines à quelques mois.

Proposition n° 8 : réfléchir à un nouveau statut pour les réservistes qui permette de passer facilement d’un temps partiel à un temps complet.

Enfin, les rapporteurs souhaitent que les réservistes soient plus étroitement associés à la chaîne de commandement. Nombre de leurs interlocuteurs ont en effet souligné une mauvaise connaissance, par les gestionnaires de la réserve, du monde civil, que ce soit en termes de diplômes ou de secteurs d’activités.

Des réservistes issus du monde civil devraient donc être associés à la gestion de la réserve, tout au long de la chaîne du commandement, jusqu’au chef d’état-major des armées, qui devrait disposer, outre d’un délégué interarmées aux réserves, d’un conseiller « réserves », placé directement auprès de lui.

Proposition n° 10 : associer les réservistes à la gestion de la réserve en plaçant notamment un conseiller « réserves », issu du monde civil, auprès du chef d’état-major des armées.

2. Une réserve honoraire pour le rayonnement

La réserve citoyenne ne donnant pas satisfaction, les rapporteurs proposent de la refonder entièrement en lui assignant une mission, et une seule, le rayonnement des armées.

Elle serait rebaptisée « réserve honoraire » pour mieux la distinguer de la réserve opérationnelle, d’une part, et de la nouvelle réserve citoyenne de l’éducation nationale, d’autre part.

Proposition n° 11 : transformer la réserve citoyenne en réserve honoraire et lui confier uniquement des missions de rayonnement.

Elle serait composée de civils et d’anciens militaires qui accompliraient, comme c’est le cas aujourd’hui, des missions bénévoles au profit des armées, mais au profit de deux actions : le rayonnement de leurs unités de rattachement et l’enseignement de défense.

Elle serait dotée d’un chef clairement identifié de haut niveau, officier général ou cadre supérieur du ministère de la Défense, qui reprendrait à la fois les attributions de l’actuel délégué ministériel à la jeunesse et à l’égalité des chances (DMJEC), et, en matière d’enseignement de défense, de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA). Il serait épaulé d’une petite équipe, à laquelle serait intégrée la commission Armées-Jeunesse qui, en tant qu’organe de réflexion, doit poursuivre sa mission.

Proposition n° 12 : donner un chef unique à la nouvelle réserve honoraire et lui confier la responsabilité de l’enseignement de défense, en remplacement du DMPA, et de la politique à destination de jeunesse, en remplacement du DMJEC.

Ce chef de la réserve honoraire doterait tout d’abord cette réserve d’une doctrine claire et en suivrait l’application.

Chaque formation militaire serait ainsi incitée à nommer des chefs de corps honoraires, sur le modèle canadien, et à lui confier toutes les activités de relations publiques : organisations d’événements, journées portes ouvertes, participation aux cérémonies patriotiques, parrainage de bâtiments de la marine par des « villes marraines », etc. Les « correspondants défense » (76) feraient désormais partie intégrante de cette nouvelle réserve.

La doctrine trancherait également la question de l’uniforme, les rapporteurs étant favorables à son port, si l’on veut donner de la visibilité à cette réserve. L’objectif ne sera pas de faire du nombre, mais d’attirer des personnes désireuses de mettre à profit leur enthousiasme, leur expérience et leurs relations au bénéfice des armées. On pourrait considérer raisonnable d’atteindre un effectif d’au moins 10 000 personnes.

Pour ce qui concerne l’enseignement de défense, ce chef de la réserve honoraire serait chargé de suivre notamment la mise en œuvre du protocole avec l’éducation nationale. Il s’appuierait pour cela sur son réseau réservistes honoraires, parfaitement intégrés aux unités auxquelles ils seraient rattachés, là où DMPA et DMJEC ne disposent aujourd’hui d’aucun relais locaux.

Il serait chargé d’organiser les visites de sites militaires, faire participer les classes aux cérémonies patriotiques et faire venir les militaires dans les établissements scolaires pour accompagner les enseignants. On pourrait imaginer des actions de sensibilisation particulières dans les jours qui précèdent le 11 novembre et l’animation des collectes de bleuets. L’activité des trinômes académiques serait naturellement intégrée à cette réserve honoraire.

La réserve honoraire serait enfin dotée de crédits budgétaires pour financer les voyages de classe ou les différents frais de transport liés à l’organisation des cérémonies patriotiques.

En résumé, c’est toute une politique que les rapporteurs veulent rebâtir, là où les initiatives sont aujourd’hui nombreuses mais la coordination inexistante.

IV. TROIS PROGRAMMES, UN SEUL PILOTE

Pour donner une visibilité et une efficacité à l’ensemble de ces dispositifs, les rapporteurs souhaitent qu’ils se dotent d’un pilotage renforcé.

Le programme des cadets sera piloté par un chef identifié, bénéficiant des crédits, des infrastructures et du personnel de l’actuelle direction du service national.

Les réservistes honoraires seront pilotés par un chef également bien identifié, doté d’un réseau, d’une doctrine d’emploi et d’un budget spécifiques.

Les rapporteurs proposent également que les dispositifs d’insertion professionnelle soient dotés d’une tutelle unique, en fusionnant, au terme de l’expérimentation actuelle, le service militaire volontaire et le service militaire adapté en un service militaire pour l’emploi.

Les missions étant identiques, il serait en effet dommage de ne pas partager à la fois les formations des encadrants, les retours d’expérience des stagiaires et les partenariats avec les entreprises nationales.

Les rapporteurs jugent également important que le service militaire pour l’emploi soit placé sous la tutelle unique du ministère de la Défense afin d’en conserver la cohérence et d’en garantir la « militarité ». Cela n’exclut naturellement pas que d’autres ministères, l’Outre-mer aujourd’hui, le Travail et l’Emploi peut-être demain, participent à son financement.

Une étroite coordination devra également être conduite avec l’EPIDE pour irriguer le territoire national de la façon la plus complète et partager certains plateaux techniques de formation. Les rapporteurs n’estiment en revanche pas indispensable de fusionner les deux dispositifs : s’ils s’adressent à des publics identiques et que leurs finalités sont communes, il est important que les jeunes puissent emprunter, selon leur tempérament, une forme civile ou une forme militaire de ce chemin vers l’intégration professionnelle et sociale.

Proposition n° 13 : fusionner, au terme de l’expérimentation, le SMA et le SMV en un service militaire pour l’emploi, sous la responsabilité du ministère de la Défense, et coordonner son action avec celle de l’EPIDE.

Les rapporteurs souhaitent en revanche que les trois programmes, de cadets, de réserve honoraire, et de service militaire pour l’emploi soient intégrés à un même programme budgétaire, associé à des indicateurs de performance.

Le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée », qui regroupe aujourd’hui les crédits de la journée défense et citoyenneté et de la politique de mémoire, est naturellement le plus indiqué. L’intégration de ces trois actions, aux côtés de la politique de mémoire, redonnerait tout son sens à cette politique en faveur du lien armées-Nation et en garantirait la cohérence.

Proposition n° 14 : inscrire les actions des cadets de la défense, de la réserve honoraire et du service militaire pour l’emploi au sein du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée ».

Ce programme serait sous la responsabilité d’un secrétaire d’État au Service national et au monde combattant, qui reprendrait les compétences actuelles du secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la Mémoire en les élargissant à cette politique en direction de la jeunesse.

Ce secrétariat d’État élargi deviendrait ainsi un symbole fort du lien à nouer entre les différentes générations de combattants et la jeunesse française.

La réserve opérationnelle, dont la mission ne serait plus d’entretenir ce lien mais de contribuer à la défense du territoire national, resterait en revanche du ressort du seul ministre de la Défense.

Proposition n° 15 : élargir les compétences du secrétariat d’État aux Anciens combattants pour en faire un secrétariat d’État au Service national et au monde combattant chargé de piloter l’ensemble de la politique de défense en direction de la jeunesse.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur le bilan et la perspective des dispositifs citoyen du ministère de la Défense au cours de sa réunion du mercredi 9 décembre 2015.

Mme Marianne Dubois, rapporteure. Nous sommes ici pour vous présenter les résultats de nos travaux sur le service national universel.

Qu’est-ce que le service national universel ?

Il s’agit simplement de la forme nouvelle que le législateur de 1997 a souhaité donner au service national.

Il comprend des obligations : l’enseignement de défense, le recensement, la journée défense et citoyenneté et l’appel sous les drapeaux – cette dernière composante étant suspendue depuis 2002. Il comprend aussi des choix sous la forme du volontariat : volontariat dans les armées, service civique ou encore engagement dans la réserve.

C’est à tous ces dispositifs que nous nous sommes donc intéressés pour essayer de dresser un bilan de leur mise en œuvre, près de vingt ans après la décision de suspendre la conscription.

Avant de vous expliquer le dispositif mis en place en 1997, nous voudrions dire quelques mots sur le service militaire qui suscite, particulièrement en ce moment, d’importantes vagues de nostalgie. Il est vrai que la conscription a incontestablement contribué à favoriser l’émergence de la conscience nationale au point qu’elle était devenue un élément indissociable de l’identité républicaine de la France. L’apport de la conscription à l’histoire de notre pays, tant pour le sort des armes que pour la constitution d’une communauté nationale, est encore très présent dans nos mémoires.

Il faut néanmoins se garder de toute forme de nostalgie. Si le service militaire obligatoire a été supprimé en 1997, c’est ce qu’il n’était plus adapté aux enjeux de la France de la fin du XXsiècle. Tout d’abord, le service militaire obligatoire ne répondait plus aux besoins opérationnels des armées. Conçue historiquement pour opposer des effectifs nombreux à la menace allemande – l’armée française comptait 3,5 millions d’hommes sous les drapeaux à la veille de la Première Guerre mondiale – la loi du nombre ne présentait plus d’intérêt stratégique majeur à la fin des années 1990 – et cela est encore valable aujourd’hui. Ensuite, la réduction continue de la durée du service – dix mois en 1996, conjuguée à la technicité croissante des équipements mis en œuvre par les armées, limitait la capacité opérationnelle des appelés. Dans les faits, il y avait donc une armée à deux vitesses, ce qui remettait en cause la capacité opérationnelle de l’ensemble de l’armée.

Mais moins que de l’utilité opérationnelle du service militaire, c’est de son rôle social et civique dont les partisans de son rétablissement sont le plus nostalgiques. Là aussi, il faut se garder de toute illusion. Le service national ne jouait plus que de façon tout à fait marginale son rôle d’intégration civique et sociale. Le taux d’exemption – en moyenne de 20 % - était très élevé, notamment chez les jeunes menacés d’exclusion sociale : il était de 53 % dans la population de faible niveau scolaire et de 50 % chez les illettrés profonds, justement pour ne pas obérer la capacité opérationnelle des armées. Dans le même temps, les formes civiles du service se sont multipliées pour concerner 39 000 appelés en 1996, soit 15 % de la ressource totale. Alors qu’il s’effectuait de plus en plus tardivement, vers 22 – 23 ans, le service militaire était plus vécu comme une rupture dans un parcours d’insertion professionnelle que comme un rite de passage vers l’âge adulte. Un jeune français de 1996, et cela est encore plus valable en 2015, disposait d’une expérience de vie, d’un accès à l’information, d’une maturité sans commune mesure avec celle d’un jeune Français de dix-huit ans de 1914.

C’est donc parce qu’il ne répondait plus ni aux besoins des armées, ni aux impératifs de cohésion nationale que le service militaire a été suspendu en 1996.

Mais s’il a suspendu l’appel sous les drapeaux, le législateur de 1997 n’a pas pour autant supprimé le service national mais lui a donné un contenu nouveau. Au terme d’une large concertation et de longs travaux parlementaires, le législateur n’a pas souhaité rompre l’indispensable lien qui doit unir la Nation à son armée mais le renouveler en empruntant des voies nouvelles. La loi du 28 octobre 1997 a ainsi réaffirmé que les citoyens concourraient à la défense de la Nation et que ce devoir s’exerçait notamment par l’accomplissement du « service national universel ».

M. Joaquim Pueyo, rapporteur. Le service national universel comprend donc en premier lieu des obligations, que l’on appelle « parcours de citoyenneté ». Ce parcours débute avec l’enseignement de défense dispensé dans le cadre scolaire, principalement en classes de troisième et de première aujourd’hui, au sein des programmes d’enseignement moral et civique.

Il est une réalité aujourd’hui et les nouveaux programmes ne sont pas moins ambitieux que les précédents sur ce point. Un sujet du brevet des collèges portait d’ailleurs sur le Livre blanc de la défense en 2014. On regrette néanmoins que la notion de défense ne figure plus dans le nouveau socle de communs de connaissances et de compétences défini par le décret du 31 mars 2015. La mise en œuvre du programme est en revanche plus difficile à évaluer. Les ministères de la Défense et de l’Éducation nationale ont signé plusieurs protocoles pour accompagner cet enseignement : réalisation de supports pédagogiques, formation des enseignants, visites d’unités militaires.

Mais faute d’un pilotage efficace et d’une dispersion des moyens, les résultats n’ont pas été à la hauteur des ambitions : moins de 30 000 élèves – sur cinq millions – visitent chaque année une unité militaire dans ce cadre et 15 000 enseignants – sur 855 000 – reçoivent chaque année une formation à ces questions. Cet enseignement repose essentiellement sur la bonne volonté des acteurs locaux – rectorats, autorités militaires et trinômes académiques – et les résultats sont très variables d’une académie à une autre. Le ministère de la Défense est conscient de ces limites et travaille à l’élaboration d’un nouveau protocole, plus ambitieux, disposant d’objectifs plus clairs et d’un pilotage renforcé.

Deuxième étape du parcours de citoyenneté, le recensement est obligatoire pour tous les jeunes Français, garçons et filles, à l’âge de seize ans. La finalité première de cette opération est militaire : elle permet d’établir un fichier indispensable à la convocation des jeunes à la journée défense et citoyenneté ainsi qu’au rétablissement éventuel de l’appel sous les drapeaux. Les listes de recensement préparent et facilitent également l’inscription des jeunes sur les listes électorales.

Troisième étape obligatoire du parcours de citoyenneté, la journée défense et citoyenneté, anciennement journée d’appel de préparation à la défense. Elle intervient après le recensement et avant la majorité et crée les conditions d’un contact direct entre l’ensemble de la jeunesse et l’armée. Le ministre de la Défense de l’époque, M. Alain Richard, avait expliqué ce choix, et il est important de se le remémorer : « Pourquoi appel ? Pour la raison simple qu’il y a une obligation et qu’il est essentiel que la loi le dise. Pourquoi préparation ? Parce que c’est l’une des étapes, après l’initiation par la voie scolaire, de la sensibilisation des jeunes, une étape qui leur donne la possibilité d’aller plus avant, notamment vers les préparations militaires ou les volontariats. Donc, il s’agit bien de préparer l’avenir. Pourquoi défense ? Parce ce que nous avons choisi de concentrer les thèmes de cette journée de convocation sur des objectifs de défense. »

Si elle ne durait qu’une journée, c’est parce qu’elle avait donc vocation à être prolongée par un engagement plus long au sein des armées, une semaine ou plus dans le cas des préparations militaires, un an ou plus dans le cas du volontariat. Une autre formule avait été discutée en 1997, celle d’un « rendez-vous citoyen » de cinq jours. Ni période militaire, ni version prolongée des anciens « trois jours », ce rendez-vous citoyen avait pour ambition d’offrir aux jeunes appelés un bilan médical, scolaire et professionnel, de leur présenter les institutions de la République, les enjeux de la défense, de permettre une meilleure compréhension des droits et devoirs du citoyen, de les initier au secourisme ou encore de leur présenter les différentes formes de volontariat. Trop complexe à mettre à œuvre et trop floue dans ses finalités, cette formule fut rejetée au profit d’une seule journée, mais centrée sur les questions militaires.

Que se passe-t-il lors de cette journée, pour les 800 000 jeunes qui répondent à leur convocation chaque année ? Il nous faut d’abord constater que son contenu n’est plus uniquement militaire : au fil des années, on y a ajouté des modules nouveaux sur la citoyenneté, le service civique, le don de sang ou d’organes et, plus récemment, la sécurité routière. Malgré un recentrage récent sur les questions de défense, annoncé par le Livre blanc de 2013, beaucoup d’informations sont délivrées aux jeunes lors de cette journée. Nous ne sommes donc pas certains que cela soit pleinement efficace. Nous y reviendrons. Et puis, surtout, est-il vraiment raisonnable de penser que mettre trente jeunes dans la salle de classe d’une caserne pendant une journée suffira à leur faire comprendre les enjeux de la défense et l’organisation des armées ? La réponse est clairement non.

Mme Marianne Dubois, rapporteure. Le législateur de 1997 était conscient de ces limites et c’est pourquoi il avait souhaité que cette journée puisse se prolonger à travers les préparations militaires, le volontariat dans les armées et l’engagement dans la réserve.

Il est important de citer à nouveau Alain Richard : « Dans le prolongement de l’appel de préparation à la défense, les jeunes Français auront la possibilité, s’ils le désirent, de participer à des cycles de préparation militaire. Cette démarche volontaire permettra aux jeunes de recevoir une formation militaire élémentaire et de découvrir l’activité quotidienne des armées. La mise en présence du personnel militaire d’active dans les unités et du personnel avec les jeunes participants contribuera à l’établissement de relations de confiance entre la jeunesse et l’armée, ainsi qu’au recrutement de réservistes et de volontaires. »

Quelle est la réalité de ces préparations militaires en 2015 ?

Pas grand-chose en fait : 16 000 jeunes, principalement de 17-18 ans, participent chaque année à ce que l’on appelle désormais des périodes militaires. 16 000 sur 800 000, ce n’est pas une proportion très élevée, vous en conviendrez. Mais surtout, ces 16 000 sont pour la plupart des futurs militaires, les services de recrutement des armées ayant fait de ces périodes des stages d’aguerrissement qui viennent enrichir un dossier de candidature. Dans certaines spécialités, elles sont mêmes obligatoires et certaines préparations sont réservées aux lycées militaires. On voit bien l’utilité pour les armées de disposer de quelques jours pour juger un candidat autrement que sur dossier, mais là n’était pas l’intention du législateur qui avait mis en place ces préparations.

Quant au volontariat, c’est bien simple, il n’existe quasiment plus en 2015 : 1 500 jeunes environ s’engagent chaque année dans les armées pour un an sans volonté d’en faire ensuite leur métier. Là aussi, surtout dans l’armée de terre, le volontariat est utilisé comme une période de test des candidats avant la signature d’un engagement plus long. Est-ce pour autant un mal ? En 1997, les pouvoirs publics souhaitaient disposer d’un volet assez important de volontaires pour pallier la disparition progressive des appelés du service national. Ils avaient donc fixé des objectifs de 30 000 volontaires pour les trois armées et la gendarmerie.

En 2015, alors que nos armées ont réussi l’étape de la professionnalisation, est-ce que cela a encore un sens ? Nous pensons que non. L’armée mixte, telle qu’elle a fonctionné pendant un siècle, n’est certainement plus adaptée aux exigences opérationnelles contemporaines.

La réserve militaire enfin vient clore le parcours de citoyenneté. C’est ce que l’on peut lire dans le code de la défense : « La réserve militaire s’inscrit dans un parcours citoyen qui débute avec l’enseignement de défense et qui se poursuit avec la participation au recensement, l’appel de préparation à la défense, la période militaire d’initiation ou de perfectionnement à la défense nationale et le volontariat. Ce parcours continu permet à tout Français et à toute Française d’exercer son droit à contribuer à la défense de la nation. »

Là aussi, les attentes n’ont pas été à la hauteur des ambitions. Alors que l’on projetait d’atteindre en 2002 50 000 réservistes opérationnels dans les armées, nous en sommes aujourd’hui à 27 000, après avoir atteint un pic en 2008 à 33 000. Que s’est-il passé pendant toutes ces années ? Pas grand-chose, en fait. Toutes tendues vers leur objectif de professionnalisation, les armées n’ont jamais vraiment exprimé de besoins opérationnels clairs pour la ressource de réservistes que le législateur entendait mettre à leur disposition. Alors que les pouvoirs publics souhaitaient disposer d’une réserve nombreuse pour entretenir le lien armées-Nation, les besoins des armées n’ont jamais été autres que ponctuels.

On dispose donc d’une réserve de 27 000 hommes, bénéficiant d’un budget annuel de 70 millions d’euros – là où nos homologues canadiens, avec le même nombre de réservistes, mettent chaque année 430 millions d’euros – qui joue le rôle de complément individuel, sans mission claire et sans doctrine d’emploi. Le résultat est qu’elle n’apporte qu’un renfort limité en cas de crise sur le territoire national, nous l’avons constaté cette année. Ce n’est pas une question juridique – les dispositions législatives n’ont jamais été appliquées – mais une question de gestion, d’entraînement et, surtout, de doctrine.

C’est tout le modèle qu’il faut revoir. Nous y reviendrons.

M. Joaquim Pueyo, rapporteur. Le vide né de la fin de la conscription n’a été que partiellement comblé par le parcours de citoyenneté dont nous venons de vous dresser l’état des lieux. Des initiatives se sont multipliées depuis, plus ou moins réussies, sous la forme du service civique – qui est une composante du service national universel – du plan « égalité des chances » du ministère de la Défense ou encore de l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDE) et du service militaire volontaire (SMV).

Quelques mots, d’abord, sur le service civique. Il représente aujourd’hui un succès incontestable : 35 000 jeunes y ont souscrit en 2014 – alors qu’il y avait 150 000 demandes – contre 3 000 en 2010. L’ambition du Président de la République de tendre vers 150 000 jeunes doit donc être saluée et accompagnée. Revenons rapidement sur son histoire. En 1997, le législateur avait écarté l’hypothèse d’un service civil obligatoire en remplacement du service militaire. Pourquoi ? À cause de la complexité et du coût d’un tel dispositif, d’abord. À cause du risque de substitution à des emplois existants, ensuite. Mais plus fondamentalement, à cause du risque de voir ce service qualifié de travail forcé : les contraintes liées à l’accomplissement du service militaire étaient justifiées par l’impératif supérieur de défense de la Nation – comme le prévoit l’article 34 de notre Constitution. Qu’est ce qui justifierait un service civique obligatoire ? Un jeune qui se soustrayait à ses obligations militaires était un déserteur : qu’en serait-il d’un jeune qui n’accomplirait pas son service civique ? C’est pour ces raisons que le législateur de 1997 avait écarté cette hypothèse et toutes sont encore valables aujourd’hui.

Le ministère de la Défense développe, pour sa part, un plan d’action en faveur de la jeunesse à travers un nombre important de dispositifs. S’ils poursuivent tous des objectifs légitimes, on peut regretter une certaine dispersion des moyens et une visibilité assez faible.

La commission Armées-Jeunesse est un organisme de réflexion et de concertation qui produit, depuis 1955, des études de grande qualité au profit du ministère de la Défense. Elle a notamment travaillé sur le service civique, le service militaire adapté, les cadets de la défense. Elle organise des colloques, des rencontres, propose des stages et remet un prix aux formations militaires qui développent des actions intéressantes au profit de la jeunesse.

Le ministère s’est également doté d’un plan « égalité des chances » en 2007, mis en œuvre depuis 2012 par un délégué ministériel à la jeunesse et à l’égalité des chances. Ce plan comprend un grand nombre d’actions : tutorat, classes de défense et de sécurité globales, stages, service civique au sein du ministère, cadets de la défense… mais faute de moyens budgétaires dédiés, il repose largement sur la bonne volonté des acteurs locaux – et l’on sait que nos armées ont bien d’autres priorités.

Enfin, nous n’en avons déjà beaucoup parlé au sein de cette commission, l’armée met leur savoir-faire au service de l’insertion professionnelle de la jeunesse à travers désormais trois dispositifs : le service militaire adapté (SMA), l’EPIDE et, désormais, le service militaire volontaire (SMV).

Le SMA fonctionne depuis 1961 en outre-mer avec d’excellents résultats : ses 5 600 stagiaires sortent à 77 % vers un emploi de longue durée ou une formation qualifiante. Le succès repose sur l’encadrement militaire, la qualité de la formation professionnelle dispensée, le partenariat avec les acteurs locaux et le pilotage unique.

L’EPIDE n’est qu’une transposition partielle du SMA en métropole, effectuée en 2005 après les émeutes urbaines. Il ne s’agit pas d’un encadrement militaire mais d’un encadrement mixte, composé d’enseignants, d’éducateurs sociaux et d’anciens militaires. Les jeunes ne sont pas sous statut militaire et ne reçoivent pas de formation professionnelle sur site. La philosophie du dispositif est cependant sensiblement la même avec des résultats presque équivalents : 51 % de sorties positives. L’EPIDE a souffert à ses débuts d’un pilotage défaillant, lié à une triple tutelle des ministères de la Ville, de l’Emploi et de la Défense. Cela a contrarié sa montée en puissance : seuls 3 500 volontaires sont accueillis chaque année dans ses dix-huit centres, là où l’ambition était d’en accueillir 20 000. Le président de la République a cependant décidé d’augmenter cette capacité d’accueil dès 2016, avec 1 000 places supplémentaires et deux nouveaux centres. Son nouveau positionnement, complément sorti du champ de la défense – le ministère s’est retiré de sa tutelle au printemps dernier – devrait peut-être l’aider à lui donner un nouveau souffle.

Le SMV, enfin, vient d’ouvrir ses portes en octobre dernier. Il s’agit, vous le savez, d’une expérimentation pendant deux ans d’un modèle très proche de celui du SMA. Il est encore trop tôt pour en dresser en premier bilan mais nous espérons qu’il rencontrera le même succès que son aîné et qu’il pourra être généralisé en 2017, quand la question de son financement à long terme sera réglée.

Au terme de nos travaux, nous partageons deux convictions.

Premièrement, il faut se garder de toute tentation de restaurer une sorte de service national, militaire ou civique, obligatoire. Les raisons qui ont conduit à écarter ces deux solutions en 1997 sont les mêmes aujourd’hui : inefficacité opérationnelle et absence de brassage social dans le cas du service militaire ; problèmes économiques et justification de la contrainte bien difficile dans le cas du service civique. On évoque beaucoup en ce moment un service militaire obligatoire de courte durée : ce serait assurément la pire des solutions et le législateur l’avait déjà écartée en 1997. Pourquoi ? Il est utopique de former en trois ou quatre mois des militaires opérationnels. On nous le répète assez souvent au sein de cette commission : il faut environ un an pour former un militaire « déployable ». Avons-nous la ressource en militaires pour former chaque année 800 000 jeunes au maniement des armes sachant que nos armées comptent seulement 230 000 hommes ? Non. Il faudrait donc pour cela créer une véritable armée d’instruction, aux côtés de l’armée actuelle. Est-ce vraiment la priorité du moment ? Nous n’en sommes pas persuadés. Enfin, quelle serait la capacité opérationnelle réelle de jeunes hommes et femmes rappelés deux, cinq, dix ans après leur formation initiale de trois mois ? Nulle, évidemment, s’ils n’accomplissent pas dans cet intervalle des entraînements réguliers.

Nous pensons donc, et c’est là notre deuxième conviction, qu’il est plus efficace de mettre en œuvre des dispositifs ciblés, avec des objectifs et des publics bien identifiés. Nous proposons donc d’axer les efforts du ministère de la Défense sur trois priorités :

– un programme de cadets de la défense pour les 12-18 ans : pour compléter leur éducation civique, les acculturer au monde de la défense et leur offrir une expérience de brassage social ;

– une réserve militaire entraînée et dotée d’une doctrine d’emploi claire pour renforcer les capacités opérationnelles des armées ;

– un dispositif d’insertion professionnelle et sociale sous encadrement militaire pour la partie de la jeunesse la plus en difficulté.

Mme Marianne Dubois, rapporteure. Nous souhaitons en premier lieu que le ministère de la Défense mette en œuvre un grand programme de cadets pour la jeunesse française et généralise ainsi la timide expérimentation qu’il a lancée en 2008.

De quoi s’agit-il ? D’offrir une expérience de vie inédite aux jeunes Français grâce au savoir-faire des armées en matière de jeunesse. Le programme, tel que nous l’avons vu au Canada, mais tel qu’il fonctionne aussi en France, à la base aérienne d’Évreux, par exemple, s’articule en deux temps : plusieurs demi-journées par mois dans une formation militaire pour y recevoir une instruction civique et pratiquer des activités sportives ; un camp d’été de deux semaines ou plus sous encadrement militaire.

Concrètement, les jeunes y apprennent le vivre-ensemble, les valeurs civiques, la discipline, le dépassement de soi, le goût de l’effort, bref tout ce qui constitue l’ADN de nos armées. Au Canada, le programme attire 55 000 jeunes chaque année – 110 000 au Royaume-Uni – et est structuré autour de trois ligues : ligue de l’armée de terre, pour faire des parcours aventure, être sensibilisés à la nature et à l’environnement ; ligue navale, pour découvrir le monde maritime et apprendre à naviguer ; ligue de l’air, pour découvrir l’aéronautique et ses métiers. Présents sur tout le territoire, les centres de cadets assurent une présence militaire continue, font participer les jeunes aux cérémonies patriotiques, et sont adossés à des régiments d’active, ou de réserve, dont ils reprennent les traditions.

Nous sommes persuadés qu’un tel programme a sa place en France : les jeunes sapeurs-pompiers sont à cet égard un exemple de réussite – 27 000 jeunes par an.

Il ne s’agira pas de former des futurs militaires – même si une préparation plus poussée à partir de seize ans pourra y contribuer – mais d’offrir une expérience de vie unique. La gratuité sera un élément d’attractivité important : au Canada, ce programme est particulièrement populaire auprès des familles qui n’ont pas les moyens de payer des activités sportives à leurs enfants. Il attire également beaucoup de jeunes issus de l’immigration récente qui y voient une manière de découvrir leur nouveau pays et d’en apprendre les valeurs. Ce n’est pas un programme très coûteux, car il est à temps partiel pendant l’année : seuls les camps d’été nécessitent des infrastructures et un personnel en plus grand nombre. Enfin, nous pensons plus efficace d’intervenir vers 13-14 ans, au moment où la personnalité se forge et où le jeune a besoin d’un cadre, qu’à 18-19 ans, quand il est déjà sorti du système.

Pour développer ce programme en France, il faut un pilote et des moyens : 100 millions d’euros environ si on fixe comme objectif de toucher 100 000 jeunes par an.

Aussi, nous proposons pour le mettre en œuvre de supprimer la journée défense et citoyenneté et de s’appuyer sur le réseau, les infrastructures et le budget de la direction du service national. Il faut se rendre à l’évidence : la journée défense et citoyenneté (JDC) n’est d’aucune utilité, ni pour nos jeunes, ni pour nos armées. Elle n’avait de sens que dans la mesure où elle préparait à un engagement plus long mais nous l’avons dit : préparations militaires et volontariats sont inexistants aujourd’hui. Et qui croit sérieusement qu’une journée peut suffire à inculquer chez nos jeunes les valeurs de la République, la volonté de servir leur pays ou les enjeux de la défense ? Quelle expérience de vie offre une journée dans la salle de réunion d’une caserne ? S’il s’agit de faire du recrutement pour les armées, est-il vraiment indispensable pour cela de mobiliser 800 000 jeunes, 8 000 animateurs et plus de 100 millions d’euros ? La réponse à toutes ces questions est évidemment non.

Certains proposent de la doubler, voire de la tripler, mais pourquoi faire ? Croit-on qu’en deux ou trois jours on va apprendre à nos jeunes de dix-sept ans tout ce que l’on ne leur pas appris jusqu’ici, notamment dans le cadre de leur scolarité obligatoire ? Évidemment non.

Nous pensons plus utile d’investir dans un programme de cadets, qui viendrait enrichir l’enseignement civique dispensé dans le cadre scolaire et offrir une expérience collective sans commune mesure avec celle de la JDC.

Il faut naturellement, en parallèle, muscler l’enseignement de défense, grâce à un meilleur suivi au sein du ministère de la Défense et une plus grande mobilisation des armées, notamment de ses réservistes : aucun jeune ne devrait quitter le système scolaire sans avoir visité au moins une unité militaire et participé au moins une fois à une cérémonie patriotique !

Nous croyons à l’importance des rites républicains – et la JDC n’en est pas un. Nous souhaitons que les cérémonies de citoyenneté, au cours desquelles sont remises les cartes électorales aux jeunes de dix-huit ans, soient systématisées.

M. Joaquim Pueyo, rapporteur. Deuxième point. Les réserves militaires. Le constat n’est pas satisfaisant, nous en avons déjà beaucoup parlé cette année. Le président de la République souhaite s’orienter vers une réserve de garde nationale et le ministère de la Défense y travaille. Nous aurons les résultats de ces travaux au printemps. Nous soutenons totalement cette initiative. La réserve n’a de sens que si elle est organisée territorialement, constituée en unités, et si elle a pour mission prioritaire de défendre le territoire national.

On peut se cacher derrière des dispositions législatives insuffisantes, regretter l’absence de culture de la réserve dans les entreprises : le fond du problème n’est pas là ! Sans doctrine d’emploi claire, sans ressources budgétaires et sans entraînement, nos réserves sont invisibles et inefficaces ! C’est tout le modèle qu’il faut revoir.

Nous souhaitons donc une réserve organisée sur une base territoriale, avec des régiments présents partout, y compris dans les déserts militaires, avec un objectif : protéger notre territoire ! Cela suppose un effort financier sans précédent mais aussi une réorganisation complète de la gestion et des formations. Nous proposons par exemple de supprimer les volontariats, de mettre en place des modules de formation des réservistes à temps complet, pendant six mois ou un an, qui soient valorisés dans les parcours universitaires. Le statut du réserviste doit également être repensé pour passer facilement d’un statut à temps partiel à un statut à temps complet pour quelques semaines ou quelques mois, comme cela se fait par exemple au Canada.

Nous proposons également de repenser totalement la réserve citoyenne pour lui assigner deux tâches, et seulement deux : le suivi de l’enseignement de défense et le rayonnement des régiments. Nous pourrons y revenir si vous le souhaitez.

Pour ce qui concerne le SMA, l’EPIDE et le SMV, nous proposons qu’à terme, le SMA et le SMV fusionnent dans un service militaire pour l’emploi, doté d’un pilote unique. Une coordination devra être assurée avec l’EPIDE pour partager les plateaux techniques de formation et irriguer l’intégralité du territoire national.

Dernier point, enfin, nous souhaitons que les cadets de la défense, la réserve citoyenne – que nous appellerons réserve honoraire – et le service militaire pour l’emploi soient dotés d’un programme budgétaire identifié – l’actuel programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » est tout trouvé – avec des indicateurs de performance dédiés.

Tout cela serait piloté par un secrétaire d’État au Service national et au Monde combattant, qui reprendrait les compétences de l’actuel secrétaire d’État aux Anciens combattants en y ajoutant une compétence à destination de la jeunesse. Cela offrira visibilité, cohérence et pilotage à cette politique.

Ce qui relève de l’opérationnel, notamment la réserve opérationnelle, resterait en revanche dans le champ de compétences du ministre de la Défense.

Voilà, chers collègues, le résultat de nos travaux. Nous souhaitons redonner du sens au service national universel en lui donnant un contenu nouveau, adapté aux exigences du temps présent. Nous faisons quinze propositions en ce sens, que vous découvrirez à la lecture du rapport.

M. Daniel Boisserie. Je tiens à souligner l’exhaustivité de ce rapport et la nouveauté de ses conclusions, qui pourraient sans exagérer être qualifiées de révolutionnaires : un bilan complet, des concepts nouveaux, des économies à la clé, voilà qui fait le tour de la question.

Je m’interroge sur la fiche de consigne éditée par le service d’information du gouvernement sur la conduite à tenir en cas d’attentat. Elle n’évoque aucun modèle de résistance, comme celle qu’ont manifesté de jeunes Américains lors de la tentative d’attentat dans le Thalys.

Quelle appréciation portez-vous sur les règles de port d’arme ? Et sur son danger ?

De même, s’agissant du rôle de la télévision dans les périodes de crise, quel équilibre faut-il trouver selon vous entre liberté d’informer et impératifs de sécurité, notamment lorsque des chaînes d’information en continu couvrent les interventions anti-terroristes ?

M. Malek Boutih. J’ai eu l’occasion d’assister à une session de la journée défense et citoyenneté, et je n’en ai pas tiré une très bonne impression. Les locaux étaient vétustes – plus encore que ceux de nos maisons des jeunes et de la culture, c’est dire ! –, le programme trop large. Le système fonctionne mal. La défense, c’est la défense, pas autre chose. L’on se disperse en cherchant à traiter aussi, pêle-mêle, de vivre-ensemble, d’écologie, etc. Ni les personnels ni l’institution ne sont pas à mettre en cause, bien entendu. Néanmoins, on a le sentiment que l’on prépare les jeunes à l’affaiblissement de leur propre pays.

Quant au film de sensibilisation aux enjeux stratégiques qui est présenté aux jeunes, il m’a semblé très daté : pas un mot sur la radicalisation, et le seul ennemi sérieux, c’est éventuellement la Corée du nord... Il aurait pu être présenté à ma génération. Il faut recentrer le propos et une remise à zéro s’impose. Un travail collectif sur les dangers d’aujourd’hui s’impose. Même si l’on peut parfois avoir l’impression qu’il est des notions dont tout le monde a entendu parler, une étude plus approfondie, avec des spécialistes, serait bien utile.

Il faut se méfier des recettes « gadget », comme l’idée de rétablir le service militaire d’antan ou d’instituer une garde nationale. J’en viens à me demander si ce n’est pas à la seule fin de donner du grain à moudre aux médias que foisonnent de telles propositions.

Pourquoi une génération entière ne pourrait-elle pas s’engager au service de la défense ? Les questions de coût sont-elles vraiment dirimantes, surtout depuis que le président de la République a clairement affirmé, le 16 novembre dernier, que le pacte de sécurité primait sur le pacte de responsabilité budgétaire ? À mes yeux, les pistes de votre rapport sont intéressantes, mais il y a en tout état de cause un nouveau modèle à inventer pour notre jeunesse afin d’éviter de se contenter à nouveau de simples solutions intermédiaires palliatives.

M. Joaquim Pueyo, rapporteur. Nos propositions renversent pas mal de choses. Nous avons posé un regard dépassionné sur notre système, tout en le comparant à ce qui se fait à l’étranger. Nous avons été interpellés, notamment, par ce qui se passe au Canada : au sein des cadets de la défense, le brassage social est impressionnant ; le programme de formation, validé par le Gouvernement, est très bien fait : il est exhaustif, abordant même les questions transgenre (ce qui est utile à un âge où certains jeunes s’interrogent sur leur identité) et l’environnement, sans oublier la défense du pays. Pour mettre en place dans notre pays un système de cadets de la défense inspiré du dispositif canadien, nous proposons de trouver les moyens financiers nécessaires dans la suppression de la journée de défense et de citoyenneté.

Il faut aussi observer avec objectivité ce qui fonctionne bien chez nous, comme le service militaire adapté dans les outre-mers : il faut le renforcer, en harmoniser le pilotage avec le service militaire volontaire et coordonner l’ensemble avec l’EPIDE.

Il y a aussi la question de la réserve. Si l’on veut une réserve vraiment opérationnelle et territorialisée, il faut suivre notre rapport, qui n’oublie pas les territoires où il n’existe plus de présence des armées. Quant à son armement, il s’impose seulement dans le cadre de ses missions.

Quant à nous qualifier de révolutionnaires, je ne saurais me prononcer définitivement : Je savais que je l’étais un peu, et rien ne dit que mon estimée collègue ne le soit pas elle aussi, sans le savoir !

M. Serge Grouard. Vous aurez noté, d’ailleurs, qu’elle se prénomme Marianne ! (Sourires)

Mme Marianne Dubois, rapporteure. Mon expérience de la journée défense et citoyenneté rejoint tout à fait celle de notre collègue Malek Boutih. Je suis allée deux fois assister à une session de JDC à Orléans ; j’y ai vu une présentation confuse de l’histoire et de notre défense nationale, qui ne permet pas d’adresser aux jeunes de messages clairs. Il faudrait certes former mieux les enseignants, mais en tout état de cause, penser former les jeunes Français en un jour seulement est une illusion. C’est pourquoi nous plaidons pour un programme de cadets, qui marquera les jeunes pour la vie.

M. Joaquim Pueyo, rapporteur. Nous avons passé une soirée avec des cadets de la défense au Canada, cérémonie comprise. Nous avons vu un jeune de douze ou treize ans qui souhaitait intégrer ce programme : il était d’origine togolaise, et quand nous lui avons demandé pourquoi il postulait, il nous a répondu que non seulement ses parents lui laissaient peu le choix, mais surtout qu’il concevait cet engagement comme indispensable pour quelqu’un qui entend devenir canadien. L’encadrement des cadets est largement dévolu aux réservistes, notamment à des femmes. Sans offense pour la Reine, j’y vois là un bel exemple de ce que j’appellerais l’esprit républicain !

Mme Marianne Dubois, rapporteure. Il faut préciser que sur le marché canadien du travail, avoir été cadet de la défense est bien vu des recruteurs.

M. Alain Moyne-Bressand. Cet excellent rapport présente un intéressant travail de fond. Je suis d’accord avec les rapporteurs : il ne servirait à rien de revenir sur la professionnalisation des armées.

Les contraintes budgétaires actuelles nous obligent à être efficaces. Dans cette optique, je crois qu’il faudrait que l’on puisse rendre obligatoire une période de service national d’un mois environ, qui assure un brassage social ainsi qu’une instruction aux valeurs fondamentales de la Nation : apprendre à aimer la France plutôt qu’à siffler la Marseillaise. Les militaires à la retraite, forts d’une certaine autorité, seraient tout désignés pour inculquer aux jeunes ces règles et cet esprit de discipline.

M. Serge Grouard. Je tiens moi aussi à souligner la qualité du travail présenté. Je m’associe aux propos de nos collègues Marianne Dubois et Malek Boutih sur l’image de délabrement des armées que donne la JDC. Cela nous renvoie au problème, plus large, du délabrement des infrastructures de la Défense. Pour contribuer à régler ce problème, avec mon collègue François de Mazières, nous avons déposé une proposition de loi visant à rendre les logements de militaires éligibles aux aides de l’Agence nationale de renouvellement urbain (ANRU).

Par ailleurs, je m’associe à votre idée de créer un dispositif de cadets de la Défense.

Mais s’agissant de vos propositions concernant la réserve, la territorialiser comme vous le proposez conduirait à confier à des réservistes des missions du type Sentinelle. Les soldats de cette force sont aujourd’hui, pour l’essentiel, des actifs bien formés ; mais comment un réserviste nettement moins bien formé réagirait-il, avec un armement lourd dans les mains, en cas d’incident dans la rue, en France ? La question appelle une réponse d’autant plus prudente et responsable qu’en cas d’usage de l’arme des poursuites pénales seraient inévitablement engagées. Pour le reste, je partage vos conclusions sur les réserves.

Quant au brassage social et à la formation professionnelle, je me demande s’il est vraiment raisonnable de demander aux militaires de tout faire : on y perdrait alors en efficacité.

Enfin, s’agissant de la promotion de l’amour de la Nation, j’en mesure toute l’importance, et voilà de nombreuses années que je soutiens qu’il y a beaucoup à faire en la matière. Aujourd’hui, on voit à ce sujet un bel œcuménisme politique ; n’oublions pas qu’il y a quelques années, dans la même situation, nous aurions tous été traités de « fachos ».

M. Gwendal Rouillard. D’abord, je formulerai une remarque qui s’inscrit dans la continuité des propos tenus à l’instant par notre collègue Serge Grouard : il nous faut trouver les voies et moyens permettant de cultiver l’amour de la France et de la patrie. Croyez bien que j’emploie ces mots à dessein, car il me semble que, dans notre pays, nous avons oublié leur sens, comme en témoigne la bataille qu’il faut mener pour porter haut le drapeau.

J’en viens à mes questions. Premièrement, si j’ai entendu votre constat, vos remarques et vos critiques sur la journée défense et citoyenneté, sa suppression ne fera pas disparaître la question des moyens permettant de façonner le lien entre la France et les jeunes générations. Comment créer ce lien ?

Deuxièmement, alors que vous avez indiqué que les collectivités territoriales devaient être davantage impliquées, comment – vous êtes vous-mêmes élus locaux – concevez-vous le rôle des collectivités ? Je rappelle qu’au sein de chaque conseil municipal, un élu exerce les fonctions de « correspondant défense ». Or, je suis frappé par la manière dont on ne recourt pas à ces correspondants, ce qui témoigne d’ailleurs de notre rapport à l’esprit de défense dans notre pays. Faut-il d’ailleurs voir là l’une des raisons à la faible mobilisation des élus pour occuper ce poste ? Je formulerai donc un vœu plutôt qu’une question : il faut davantage associer les élus locaux à la diffusion de l’esprit de défense, car ne nous trompons pas, lorsqu’il s’agit de promouvoir cet esprit et la France, il ne faut pas opposer l’État et les collectivités territoriales !

Mme Patricia Adam, présidente. À ce stade de nos échanges, j’aimerais apporter un témoignage, qui répondra en partie à l’intervention de M. Rouillard. Dans mon département, j’invite chaque année les correspondants défense à un débat, que j’organise avec le préfet maritime de l’Atlantique, basé à Brest. Je ne peux que tous vous inviter à faire de même car je vous assure que le nombre de participants à ces échanges est important. Les correspondants défense sont presque tous présents, alors même que cette rencontre, qui constitue un vrai débat citoyen, se tient un samedi après-midi.

M. Jacques Lamblin. À mon tour, je tiens à souligner combien la proposition relative aux cadets de la défense me semble extrêmement intéressante. Sans partager pleinement les propos de M. Boutih et de Mme la rapporteure, je reconnais que l’organisation de la journée défense et citoyenneté est assez médiocre. Toutefois, j’ai assisté à plusieurs reprises à des JDC, et je note que les jeunes témoignent de l’intérêt lorsqu’ils y participent.

Par ailleurs, je rappellerai que, dans les centres de secours des pompiers, des jeunes sapeurs-pompiers sont recrutés et que ce dispositif est remarquable. En effet, il s’agit d’une expérience profitable pour les jeunes, et cela permet de constituer un vivier permettant de maintenir le nombre de pompiers volontaires. Votre proposition me semble juste, mais j’attire votre attention sur deux risques collatéraux qu’il ne faut pas négliger. Premièrement, si la journée défense et citoyenneté présente beaucoup d’inconvénients, elle a au moins le mérite d’être obligatoire pour tout le monde. Il me semble donc important d’envisager une mesure compensatoire à la suppression que vous proposez, peut-être au niveau local, afin de s’assurer de la délivrance d’une instruction civique. Deuxièmement, il conviendra d’éviter que l’apprentissage suivi par les cadets de la défense ne soit pas en fait un formatage. Il faudra en effet s’assurer que ce dispositif sera respectueux de la neutralité républicaine – je ne fais pas allusion ici à la laïcité.

M. Jacques Moignard. Je souhaite tout d’abord féliciter les rapporteurs pour leur travail, et notamment pour avoir balayé en première partie la nostalgie du service national sous son ancienne forme. En effet, nombre de nos concitoyens, comme d’élus, apparaissent nostalgiques et sont favorables à son rétablissement. Permettez-moi une remarque : à mon sens, votre rapport n’aborde pas suffisamment le contexte. Je siège dans cette commission depuis 2012 et, reconnaissons-le, les questions de défense ont acquis une importance nouvelle à la suite de l’intervention Serval au Mali. Votre rapport pourrait être enrichi, me semble-t-il, en liant davantage le contexte et les propositions que vous formulez et auxquelles je souscris – je pense notamment aux cadets de la défense et à la réserve.

M. Jean-Pierre Maggi. Je souhaite revenir sur le rapprochement qui a été fait entre les cadets de la défense et les jeunes sapeurs-pompiers. Durant une quinzaine d’années, j’ai été président du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) des Bouches-du-Rhône, qui couvrait une zone de plus d’un million d’habitants. Toutes les casernes accueillaient des jeunes sapeurs-pompiers, recrutés dès l’âge de quatorze ans sur concours. Ces jeunes étaient suivis scolairement, afin de s’assurer qu’ils ne décrochaient pas. Ils participaient aux cérémonies commémoratives organisées devant les monuments aux morts dans les communes, et étaient présents, sur le terrain, en cas d’inondation par exemple. L’encadrement, quasi militaire, est le fait de pompiers, qui blessés ou en fin de carrière, ne sont plus dans les services actifs. Évidemment, tous ces jeunes sapeurs-pompiers ne devenaient pas sapeurs-pompiers volontaires ni ne passaient le concours de sapeur-pompier professionnel mais, pour la plupart d’entre eux, l’insertion dans la vie civile était plus robuste. Je précise d’ailleurs que dans le cadre de leur formation, les jeunes sapeurs-pompiers pouvaient être exclus du programme s’ils n’en satisfaisaient pas les conditions. Mais lorsque de tels cas se présentaient, ils manifestaient souvent le souhait d’être réintégrés.

S’agissant de l’armement des réservistes et même s’il est délicat de comparer les générations entre elles, je rappellerai qu’à mon époque, nous étions militaires, et donc armés, à dix-huit ans en vue de maintenir l’ordre, alors même que nous ne pouvions pas voter. Le risque accidentel existe partout, j’en ai moi-même vu survenir.

M. Joaquim Pueyo, rapporteur. S’agissant de la suppression de la journée défense et citoyenneté qui, nous l’avons vu, est obligatoire mais guère efficace, je tiens à souligner que notre rapport met l’accent sur le renforcement des obligations du parcours de citoyenneté. Dans ce cadre, nous proposons que l’effectivité de l’enseignement de défense dispensé tout au long de la scolarité soit mieux assurée, notamment par une épreuve aux examens de fin de scolarité, dans le cadre de l’enseignement moral et civique. Nous voudrions aussi que la visite d’une installation militaire et la participation à une cérémonie commémorative soient généralisées. Nous avons tenu à maintenir un dispositif obligatoire.

Concernant les réservistes, nous pensons qu’intégrer réservistes opérationnels et militaires d’active au sein de mêmes unités évitera les problèmes soulevés par certains d’entre vous.

Mme Marianne Dubois, rapporteure. En réponse à Alain Moyne-Bressand, on n’apprend pas à aimer la France en un mois. Cela ne fonctionne pas, c’est impossible. Notre idée est donc de suivre des jeunes sur une très longue période, dans le mouvement des cadets, afin de leur apprendre à aimer la France. Je partage les remarques de Jacques Lamblin relatives aux jeunes sapeurs-pompiers. D’ailleurs, permettez-moi de vous faire part d’une anecdote : la semaine dernière, j’ai rencontré un parent d’élève qui m’a confié que le seul matin de la semaine où son fils mettait son réveil, se levait seul et était prêt avant ses parents, c’était le jour où il devait rejoindre la caserne de pompiers, et ce car il est passionné. Enfin, pour répondre à Serge Grouard, je confirme que l’insertion professionnelle est une réussite, depuis cinquante ans dans les outre-mer dans le cadre du service militaire adapté, et nous l’espérons dans le cadre du service militaire volontaire.

*

* *

La commission autorise à l’unanimité le dépôt du rapport d’information sur le bilan et la mise en perspective des dispositifs citoyens du ministère de la Défense en vue de sa publication.

SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS

Proposition n° 1 : mettre en place un programme de cadets de la défense pour les 12-18 ans.

Proposition n° 2 : intégrer les préparations militaires au programme de cadets à partir de seize ans.

Proposition n° 3 : s’appuyer sur le personnel, le budget et le réseau de la direction du service national pour créer une administration de soutien du programme de cadets, chargée de son pilotage.

Proposition n° 4 : supprimer la journée défense et citoyenneté.

Proposition n° 5 : prévoir une épreuve obligatoire d’enseignement de défense dans tous les examens de fin de parcours scolaire : brevet des collèges, baccalauréat, certificat d’aptitude professionnelle et brevet des métiers d’art.

Proposition n° 6 : généraliser la pratique des cérémonies de citoyenneté pour la remise des cartes électorales.

Proposition n° 7 : mettre en place une réserve de « garde nationale », affectée prioritairement à la protection du territoire national.

Proposition n° 8 : supprimer les volontariats dans les armées et mettre en place des formations de réservistes de six mois à temps complet valorisés dans les parcours universitaires.

Proposition n° 9 : réfléchir à un nouveau statut pour les réservistes qui permette de passer facilement d’un temps partiel à un temps complet.

Proposition n° 10 : associer les réservistes à la gestion de la réserve en plaçant notamment un conseiller « réserves », issu du monde civil, auprès du chef d’état-major des armées.

Proposition n° 11 : transformer la réserve citoyenne en réserve honoraire et lui confier uniquement des missions de rayonnement.

Proposition n° 12 : donner un chef unique à la nouvelle réserve honoraire et lui confier la responsabilité de l’enseignement de défense, en remplacement du DMPA, et de la politique à destination de jeunesse, en remplacement du DMJEC.

Proposition n° 13 : fusionner, au terme de l’expérimentation, le SMA et le SMV en un service militaire pour l’emploi, sous la responsabilité du ministère de la Défense, et coordonner son action avec celle de l’EPIDE.

Proposition n° 14 : inscrire les actions des cadets de la défense, de la réserve honoraire et du service militaire pour l’emploi au sein du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée ».

Proposition n° 15 : élargir les compétences du secrétariat d’État aux Anciens combattants pour en faire un secrétariat d’État au Service national et au monde combattant chargé de piloter l’ensemble de la politique de défense en direction de la jeunesse.

ANNEXE

AUDITIONS ET DÉPLACEMENTS DES RAPPORTEURS

(Par ordre chronologique)

Ø M. le général Thierry Caspar-Fille-Lambie, président de la commission Armées-Jeunesse, et M. le capitaine de vaisseau Vincent Liot de Nortbécourt, secrétaire général ;

Ø M. Gérard Gachet, délégué ministériel à la jeunesse et à l’égalité des chances du ministère de la Défense ;

Ø M. Tristan Lecoq, inspecteur général de l’éducation nationale, professeur des universités ;

Ø M. le général (2S) Bertrand Clément-Bollé, chef de projet « service militaire volontaire », accompagné de M. le lieutenant-colonel Régis Anthonioz, et de M. le colonel Jean-Pierre Metz ;

Ø M. Éric Barrault, délégué pour l’éducation à la défense du ministère de l’Éducation nationale ;

Ø Table ronde avec des représentants d’associations de réservistes :

– Association des officiers de réserve de la marine nationale (ACORAM) : M. le capitaine de vaisseau (R) Bruno Grout de Beaufort, président, M. le capitaine de frégate (R) Frédéric Fontaine, vice-président, et M. le capitaine de frégate (R) Arnaud Guerrier de Dumast ;

– Association nationale des officiers de l’armée de l’air (ANORAA) : M. le commandant (R) Jean-Michel Borde, président de la région Ile-de-France ;

– Association nationale des réserves de l’armée de terre (ANRAT) : Monsieur le colonel (R) Michel Bachette-Peyrade, président ;

– Confédération interalliée des officiers de réserve (CIOR) : M. le commissaire en chef (R) Richard Roll, président international ;

– Fédération nationale des associations des sous-officiers de réserve (FNASOR) : M. le maître principal (R) Philippe Caugan, président fédéral ;

– Fédération des officiers de réserve républicains (FORR) : M. le lieutenant-colonel (R) Maurice Pitkiewicz, vice-président ;

– Fédération des Officiers Mariniers et Sous-Officiers de Réserve Républicains : M. l’adjudant-chef (H) Jean-Charles Schmidt, vice-président ;

– Réunion des officiers de réserve spécialistes d’état-major (ORSEM) : M. le colonel (R) Bernard Bon, président ;

– Union nationale des officiers de réserve et des organisations de réservistes (UNOR) : M. le colonel (R) Jacques Vitrolles, président, et M. le colonel (R) Philippe Montalbot, premier vice-président ;

Ø M. Philippe Navelot, directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la Défense, et Mme Hélène Pradas-Billaud, chef de bureau ;

Ø M. François Le Puloc’h, directeur du service national, et M. le lieutenant-colonel Pierre-Augustin Bourdette, chargé de mission lien Armée Nation à la DSN ;

Ø M. Jean-Claude Mallet, conseiller spécial du ministre de la Défense, M. le général Christian Thiebault, secrétaire général du Conseil supérieur de la réserve militaire, Mme Christine Mounau-Guy, conseillère politique et parlementaire du ministre de la Défense et Mme Myriam Brusset, conseillère technique lien armée-Nation.

2. Déplacements

Ø Le 12 février 2015, au centre EPIDE d’Alençon :

– entretiens avec le directeur du centre, M. Yves-Marie Argouarc’h et le comité directeur du centre ;

– déjeuner avec neuf agents de l’encadrement ;

– tables rondes avec des volontaires ;

– visite des classes et des installations ;

Ø Les 7 et 8 avril 2015, au régiment du service militaire adapté de La Réunion :

– mardi 7 avril : entretien avec M. le colonel Pierre Winckel, commandant du régiment, visite du quartier Ailleret du régiment à Saint-Denis, déjeuner au restaurant pédagogique, visite des ateliers pédagogiques de la 5compagnie de formation professionnelle, tables rondes avec des volontaires et les chefs de section d’encadrement, entretien avec M. Dominique Sorain, préfet de la Réunion ;

– mercredi 8 avril : entretiens avec les directeurs de la formation professionnelle, des affaires financières et des travaux et des infrastructures au quartier Suacot du régiment, à Saint-Pierre, visite des ateliers pédagogiques des 2e, 3e et 4e compagnies de formation professionnelle ainsi que de la compagnie d’instruction ; visite des ateliers pédagogiques de la 1ère compagnie de formation professionnelle à Bourg-Murat ;

Ø Le 9 septembre 2015, un dispositif Sentinelle, à Paris :

– présentation du dispositif par M. le général Pierre Grego, adjoint-engagement, M. le colonel Marc Boileau, chef de cabinet du gouverneur militaire de Paris, M. le colonel Benoît Clément, chef de la division opérations et M. le colonel Pierre Bocca, chef du centre opérations ;

– déplacement sur le site de la tour Eiffel, échanges avec les militaires participant à la protection du site.

Ø Du 21 au 25 septembre 2015, au Canada :

– mardi 22 septembre, à Toronto :

entretiens avec M. Gérard Buckley et M. le lieutenant-colonel (R) Roger Vandomme ;

- entretiens avec Mme le contre-amiral Jennifer Bennet, chef de la réserve et des cadets des forces armées canadiennes et M. le brigadier-général David Patterson, commandant-adjoint de la 4e division canadienne ;

visite du 32e groupe brigade du Canada ;

visite de la réserve navale HMCS York : entretien avec M. le capitaine (N) Robert Johnston, commandant ;

– mercredi 23 septembre, à Ottawa :

- entretiens avec les responsables des bureaux nationaux des ligues de cadets : M. Doug Thomas, président de la Ligue navale, M. Terry Whitty, président de la Ligue de l’armée, Mme Sarah Matresky, présidente de la Ligue de l’aviation ;

- visite du corps des cadets 2644 – le régiment de Hull : visite des ateliers pédagogiques, entretiens avec l’encadrement et les cadets ;

– jeudi 24 septembre, à Ottawa :

- réunion avec les responsables du programme des cadets du ministère de la Défense nationale : M. le colonel Gino Chrétien, chef d’état-major du groupe de soutien national aux cadets et rangers juniors canadiens, et M. le colonel Conrad Namieniowski, commandant adjoint ;

entretiens avec M. Nicolas Chapuis, ambassadeur de France, et M. le capitaine de vaisseau Christophe Balducchi, attaché de défense ;

Ø Le 4 novembre 2015, au centre des cadets de la défense de la base aérienne 105, à Évreux :

–  entretiens avec M. le colonel Vincent Breton, commandant de la base aérienne, M. le major (H) Bernard Poquet, référent et coordonnateur du programme de cadets de la base aérienne, et M. le capitaine (R) Nicolas Yvart, directeur du programme, ainsi que l’équipe d’encadrement ;

–  entretiens avec Mme Maryse Colledani-Galpin, principale du collège Pablo Neruda d’Évreux, Mme Elisabeth Delbeke, conseillère de prévention départemental, et Mme Annabelle Lepert, principale-adjointe du collège de Navarre d’Évreux ;

– tables rondes avec des cadets et des anciens cadets, accompagnés de leurs parents.

1 () Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national.

2 () Pour un débat sur le service national, contribution du groupe de réflexion réuni au secrétariat général de la défense nationale, janvier 1996.

3 () Discours à Bordeaux du 26 juin 1871.

4 () Deux missions d’information ont été ainsi diligentées par l’Assemblée nationale et le Sénat au cours de l’année 1996 : La France et son service, rapport d’information n° 2810 de Philippe Seguin et Olivier  Darrason, députés, 23 mai 1996, et L’avenir du service national, rapport d’information n° 349 de Serge Vinçon, sénateur, 9 mai 1996.

5 () Service civique : pour un parcours de citoyenneté, François Chérèque, Libération, 4 février 2015.

6 () Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national.

7 () Rapport n° 205 de M. Didier Boulaud au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi portant réforme du service national, 10 septembre 1997, p. 93.

8 () Journal officiel, compte-rendu des débats, Assemblée nationale n° 46, 1ère séance du 18 septembre 1997, p. 3233.

9 () Journal officiel, compte-rendu des débats, Assemblée nationale n° 46, 3e séance du 18 septembre 1997, p. 3319.

10 () Rapport n° 205 de la commission de la Défense précité, p. 40.

11 () Il s’agissait, à partir d’un extrait, de répondre à une série de questions sur le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.

12 () Rapport n° 205 de la commission de la Défense précité, p. 97.

13 () Journal officiel, compte-rendu des débats, Assemblée nationale n° 46, 2e séance du 18 septembre 1997, p. 3291.

14 () Le rapport d’information de Philippe Séguin et Olivier Darrason proposait entre cinq à six jours et six à huit semaines.

15 () Journal officiel, compte-rendu des débats, Assemblée nationale, n° 31, 1ère séance du 26 mars 1997, p. 2282.

16 () Article 2 de la loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique.

17 () Les jeunes Français résidant à l’étranger peuvent participer aux JDC organisées par le réseau diplomatique et consulaire.

18 () Compte-rendu n°38 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 11 février 2015.

19 () Les stagiaires de l’école de guerre, au nombre de 300, et les auditeurs du CHEM, moins d’une trentaine, suivent leurs cours, pendant une année scolaire à l’école militaire, à Paris, qui est également un site d’accueil de la JDC.

20 () Rapport d’information n° 1721 de M. Jean-Louis Dumont, député, au nom de la commission des Finances en conclusion des travaux d’une mission évaluation et de contrôle, sur la direction du service national et la journée d’appel de préparation à la défense, 7 juillet 2004, p.23.

21 () Les mots soulignés représentent les ajouts par rapport au texte de 1997.

22 () Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, p. 301.

23 () Loi n° 2010-241 du 10 mars 2010 relative au service civique.

24 () Rapport annexé à la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

25 () Journal officiel, compte-rendu des débats, Assemblée nationale n° 46, 1ère séance du 18 septembre 1997, p. 3233.

26 () Loi n° 2006-449 du 18 avril 2006 modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

27 () Rapport d’information n° 2810 de l’Assemblée nationale, La France et son service, tome II, p. 39.

28 () Idem, p. 228.

29 () Rapport d’information n° 349, L’avenir du service national, p. 80.

30 () Rapport d’information n° 2810 de l’Assemblée nationale, La France et son service, tome II, p. 533.

31 () Loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

32 () Loi n° 2006-449 du 18 avril 2006 modifiant la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.

33 () Proposition de loi n° 194 de M. Michel Boutant et Mme Joëlle Garriaud-Maylam tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure, déposée le 21 décembre 2010.

34 () Article L. 2171-1 du code de la défense.

35 () Décret n° 2015-508 du 7 mai 2015.

36 () Article 18 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

37 () Christophe Barthélemy, La réserve militaire, revue Défense de l’IHEDN, n°151-152, mai-août 2013.

38 () Dépenses de personnel.

39 () Compte-rendu n° 82 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 26 mai 2013.

40 () Compte–rendu n° 43 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 11 mars 2015.

41 () Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

42 () Pour une réserve de sécurité nationale, rapport d’information n° 174 au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, 14 décembre 2010.

43 () Compte-rendu n° 16 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 17 novembre 2015.

44 () Compte-rendu n° 21 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 25 novembre 2015.

45 () Rapport d’information n° 2810, La France et son service, tome II, p. 141.

46 () Idem, p. 312.

47 () Rapport d’information n° 349, L’avenir du service national, p. 87.

48 () Rapport de M. Luc Ferry et du Conseil d’analyse de la société, Pour un service civique, septembre 2008, p. 18.

49 () Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, p. 301.

50 () Proposition de loi n° 612 rectifiée de M. Yvon Collin et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 14 septembre 2009.

51 () Compte-rendu n° 19 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 20 janvier 2010.

52 () Compte-rendu n° 46 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 18 mars 2015.

53 () Le service civique contre le djihadisme, Martin Hirsch, Le Monde, 22 janvier 2015.

54 () Rapport du groupe de travail de la commission Armées-Jeunesse, Les cadets des armées, session 2005-2007, p. 5.

55 () Les armées voulaient initialement n’intervenir que sur les plus de seize ans.

56 () Rapport d’information n° 2810 de l’Assemblée nationale, La France et son service, tome II, p. 237.

57 () Si le cœur de cible est constitué d’élèves de troisième, on compte néanmoins douze lycées partenaires, certains centres semblant même privilégier cette tranche d’âge.

58 () Martinique, Guadeloupe, Guyane, Mayotte, Réunion, Polynésie et Nouvelle-Calédonie.

59 () Compte-rendu n° 39 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 17 février 2015.

60 () Compte-rendu n° 40 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 18 février 2015.

61 () Le réseau des GRETA, pour groupement d’établissements publics, est le premier organisme de formation d’adultes en France.

62 () Compte-rendu n° 40 précité.

63 () Articles 22 et 23 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

64 () Article 22 de la loi du 28 juillet 2015 précité.

65 () Compte-rendu n° 71 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 16 juin 2015.

66 () Compte-rendu n° 71 précité.

67 () Commissaire en chef (R) Richard Roll, Il faut mobiliser la jeunesse dans un mouvement de nature militaire à vocation citoyenne, professionnelle et sociale, Marine et Océans, n° 246, janvier-février-mars 2015.

68 () Compte-rendu n° 21 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 25 novembre 2015.

69 () Libérer l’engagement des Français et refonder le lien civique, rapport de M. Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, 15 avril 2015.

70 () Comme le soulignait le directeur du service national lors de son audition, il faut néanmoins nuancer le caractère obligatoire de la JDC : ne pas l’effectuer entraîne des difficultés pour se présenter aux examens publics mais pas de sanction.

71 () Ce plan comprend onze mesures parmi lesquelles « le renforcement de la transmission des valeurs de la République », « le rétablissement de l’autorité des maîtres et des rites républicains » et création d’un « parcours citoyen » du primaire à la terminale.

72 () Compte-rendu n° 11 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 27 octobre 2015.

73 () Compte-rendu n° 7 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 13 octobre 2015.

74 () Compte-rendu n ° 23 de la commission de la Défense nationale et des forces armées, 2 décembre 2015.

75 () Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 avait proposé une gestion interministérielle des réserves sous la forme d’ « une réservé de sécurité nationale », dispositif qui ne fût jamais mis en œuvre car trop complexe et inefficace.

76 () Créés en 2001, les correspondants défense sont des élus municipaux chargés d’entretenir le lien entre l’armée et la Nation.


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