N° 3867 - Rapport d'information de Mmes Sophie Rohfritsch et Eva Sas déposé en application de l'article 145 du règlement par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire en conclusion des travaux d'une mission d'évaluation et de contrôle sur les programmes d'investissements d'avenir (PIA) finançant la transition énergétique




N° 3867

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 juin 2016

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES

en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) (1)
sur
les programmes d’investissements d’avenir (PIA)
finançant la transition écologique

ET PRÉSENTÉ PAR

Mmes Eva SAS et Sophie ROHFRITSCH

Députées

——

MM. Olivier CARRÉ et Alain CLAEYS

Présidents.

La mission d’évaluation et de contrôle est composée de : MM. Olivier Carré, Alain Claeys, présidents, M. Gilles Carrez, président de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, Mme Valérie Rabault, rapporteure générale, Mmes Eva Sas et Sophie Rohfritsch, MM. Christophe Castaner, Charles de Courson, Marc Francina, Jean-Pierre Gorges, Laurent Grandguillaume, Jérôme Lambert, Hervé Mariton, Nicolas Sansu, Pascal Terrasse, Philippe Vigier, Éric Woerth

SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA MISSION 6

INTRODUCTION 9

I. LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE : UN ENJEU DE PREMIER PLAN DU PROGRAMME D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR 11

A. LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE AU CœUR DE LA STRATÉGIE DU PIA 11

1. Le PIA vise à stimuler l’innovation dans l’économie verte 11

a. Le caractère indispensable des financements publics 13

b. Les principaux modes d’intervention 14

2. Le périmètre de la transition écologique dans le PIA 15

a. La redéfinition du périmètre fixé par le PIA 1 15

b. La classification issue du PIA 2 18

B. LE FINANCEMENT DES DIFFÉRENTS LEVIERS DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE 20

1. Piloter et valoriser la recherche 21

a. Les instituts pour la transition énergétique 21

b. La contribution de la « recherche amont » à la transition écologique 23

2. Financer la démonstration industrielle des innovations 26

a. Les objectifs des actions opérées par l’ADEME 26

b. Les modalités d’intervention 27

3. Accélérer le verdissement des processus industriels 29

a. Le financement du volet environnemental de la politique industrielle 29

b. Une mesure de « guichet » : les « prêts verts » 30

4. Appuyer les initiatives visant les villes et le logement durables 31

a. Les actions mises en œuvre par la Caisse des dépôts et consignations 32

b. L’action Ville durable et solidaire opérée par l’ANRU 34

c. La rénovation thermique des logements privés 35

C. LES EFFETS DU PIA SUR LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE 37

1. Des effets variables de substitution ou de débudgétisation 38

a. Une partie du PIA se substitue à des financements préexistants de l’ADEME 38

b. La diminution de dépenses effectuées en propre par l’ADEME 39

c. La débudgétisation du financement de transports collectifs en site propre 40

2. Des choix de financement par le PIA à clarifier 41

a. Le PIA doit-il financer la rénovation thermique des logements privés ? 41

b. Les infrastructures des nouveaux marchés de la transition écologique 45

3. L’articulation du PIA aux financements européens 46

a. Les risques d’éviction de financements européens 46

b. La complémentarité du Plan « Juncker » 49

4. Articuler une vision d’ensemble du PIA et des crédits budgétaires 50

II. LES RISQUES DE FRAGILISATION DES DYNAMIQUES ENCLENCHÉES 53

A. L’AMPLEUR DES REDÉPLOIEMENTS DE CRÉDITS ATTÉNUE L’AMBITION INITIALE 53

1. Des crédits redéployés en fonction du rythme d’avancement des actions 56

2. La diminution substantielle des dotations de l’ADEME 62

3. La contraction des moyens dans le domaine de l’urbanisme 64

4. La baisse contenue de l’enveloppe des Instituts pour la transition énergétique 66

5. Le financement croissant du programme Habiter mieux 67

B. UN DÉMARRAGE DIFFICILE MAIS DES ACQUIS À MI-PARCOURS 71

1. Des délais de mise en place inégalement justifiés 71

a. Les délais liés à l’encadrement européen des aides d’État 72

b. Les délais pour opérer des choix stratégiques de qualité 73

c. Des facteurs de lourdeurs ont appelé des corrections 77

2. Les efforts pour accélérer l’engagement des crédits 79

3. La portée encore incertaine de l’écoconditionnalité des aides 84

a. Des modalités de mise en œuvre à objectiver 86

b. Un champ d’application insuffisamment étendu 87

C. UNE MISE EN œUVRE AUJOURD’HUI BIEN ENGAGÉE 89

1. L’état d’avancement des actions relevant de l’ADEME 89

a. L’évolution des thématiques 90

b. La diversification des instruments 94

2. La montée en charge des actions opérées par Bpifrance 97

a. La gestion, déléguée par l’ADEME, du fonds écotechnologies 97

b. Le déploiement de l’action PIAVE 99

c. L’action Fonds national d’amorçage 101

d. Un bilan du déploiement de la première génération de prêts verts 101

3. La structuration des Instituts pour la transition énergétique 102

4. L’aboutissement des actions dans le domaine de l’urbanisme 107

a. La conduite sous contraintes de l’action Ville de demain 107

b. L’appel à projets Ville durable et solidaire de l’ANRU 111

III. DES AMÉLIORATIONS À POURSUIVRE, UNE AMBITION À CONFORTER 114

A. LES EXIGENCES EN MATIERE DE PILOTAGE ET D’ÉVALUATION 115

1. Une gouvernance spécifique à préserver 115

a. La visibilité pluriannuelle et l’implication interministérielle 116

b. Les frais de gestion des opérateurs 117

2. Les garanties apportées par la sélection et l’évaluation 120

a. Un niveau de sélection à apprécier par domaine d’intervention 120

b. Le suivi des projets en cours de mise en œuvre 122

c. L’évaluation des actions au regard de leurs objectifs 122

d. La préparation de l’évaluation ex post 124

3. Les perspectives de retour sur investissement 125

a. L’effet de levier des financements 125

b. Les retours financiers directs 127

B. DES OBSTACLES À LEVER POUR INVESTIR DANS LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE 130

1. Améliorer l’accès des PME aux financements du PIA 130

a. Un objectif à consacrer pour accroître l’efficacité des financements 130

b. Une contribution des pôles de compétitivité à objectiver et évaluer 132

2. Adapter les modalités d’aide en fonction des projets et des intervenants 134

a. L’attribution des subventions et des avances remboursables 134

b. Mieux ajuster le périmètre de l’aide 137

3. Assumer les risques de l’investissement pour la croissance verte 138

a. Renforcer la convergence de vues entre Bpifrance et l’ADEME 138

b. Accroître les incitations à l’investissement privé 141

4. La nécessaire visibilité des étapes de la transition écologique 142

C. LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE : UN ENJEU DU TROISIEME PIA 145

1. Un engagement financier à apprécier dans la continuité des PIA 145

2. Des choix de domaines et de modes d’intervention à opérer 146

PROPOSITIONS DE LA MISSION 149

EXAMEN EN COMMISSION 157

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES, DES DÉPLACEMENTS DE LA MISSION ET COMPTES RENDUS DES AUDITIONS 172

PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA MISSION

Le financements de la transition écologique ont été significativement diminués par des décisions de redéploiement de crédits

Les montants des dotations du PIA fixés par le Parlement pour la transition écologique représentent 16,7 % des crédits du PIA 1 (5,85 milliards d’euros), 17,25 % du PIA 2 (2,07 milliards d’euros) et 16,85 % de l’ensemble du PIA (7,92 milliards d’euros)

Le PIA peut ainsi cofinancer des actions de valorisation de la recherche pilotées par l’ANR, des appels à projets de l’ADEME pour cofinancer les investissements des entreprises démontrant la viabilité industrielle des innovations, l’appui de Bpifrance aux équipements industriels diminuant la consommation d’énergie, des investissements en matière d’urbanisme durable et enfin la rénovation thermique de logements privés.

Mais, depuis 2010, des redéploiements de crédits décidés par le Premier ministre ont diminué de 18,2 % les dotations issues du PIA 1 et de 11,5 % celles du PIA 2. La part de la transition écologique dans l’ensemble du PIA a été réduite de près de 3 points et ramenée à 13,9 %. 1,6 milliard d’euros ont été redéployés : 228 millions ont servi à augmenter l’aide à la rénovation thermique mais 1,37 milliard d’euros ont été transférés vers des domaines sans lien avec la transition écologique. Les diminutions les plus fortes touchent l’ADEME et le programme Ville de demain.

L’écoconditionnalité des aides du PIA 2 ne compense pas ce phénomène.

Elle devait répondre à l’objectif fixé par le Premier ministre en 2014 que 50 % du PIA 2 finance directement ou indirectement la transition écologique. La mise en œuvre de l’écoconditionnalité est difficile et l’objectif paraît hors d’atteinte. Ce critère de financement indirect ne doit pas justifier la diminution du financement direct de la transition écologique.

Les financements du PIA peuvent être mieux articulés aux crédits budgétaires.

Certains financements inclus dans le PIA lui préexistaient et ne traduisent donc pas une hausse de l’effort public (solde du « Fonds Démonstrateurs de recherche » de l’ADEME ; budget de R&D de l’ADEME diminué de 25 millions d’euros par an depuis la mise en place du PIA).

D’autres dépenses supportées par le PIA ne relèvent pas de sa doctrine : le financement de projets de transports en commun en site propre a ainsi absorbé le tiers de l’enveloppe du programme Ville de Demain.

Le PIA a utilement financé la rénovation thermique des logements privés. C’est une réussite : la cible de 150 000 logements de propriétaires aux revenus modestes sera atteinte. Le PIA a permis de mobiliser, sur la durée, les financements des collectivités. Mais le nouvel objectif de rénovation de 70 000 logements par an n’est pas soutenable sans augmenter les ressources propres de l’ANAH.

Certaines dépenses utiles pourraient être portées par le Fonds de financement de la transition énergétique. Le PIA a par exemple été utilisé pour financer le déploiement de bornes de recharge des véhicules électriques sur la voie publique (61 millions d’euros) qui devraient plutôt en relever. Pour d’autres domaines (véhicules hybrides), la MEC préconise le recours à d’autres fonds ou une action spécifique et bien identifiée du PIA 3.

La MEC invite à mieux tenir compte des financements européens. La disponibilité des financements du PIA présente un risque de moindre sollicitation par la France des financements européens. Le Plan Juncker paraît complémentaire du PIA mais c’est moins le cas du programme Horizon 2020.

La conduite des actions du PIA par les différents opérateurs est satisfaisante

L’engagement des enveloppes du PIA dans les domaines de la transition écologique a été plus lent qu’ailleurs. Certains délais initiaux étaient justifiés : procédure de notification d’aides d’État à la commission européenne et mise en place des consortiums des Instituts pour la transition énergétique ; feuilles de route sectorielles de l’ADEME permettant d’effectuer des choix de financement de qualité… Il y a eu des efforts pour simplifier le pilotage et les procédures (baisse des délais de l’ADEME, délégations territoriales de la Caisse des dépôts). Les opérateurs ont diversifié les thématiques des appels à projets et cherché à mieux atteindre les PME. Les interventions en fonds propres constituent une vraie innovation pour l’ADEME qui en réalise seule ou via le fonds Écotechnologies délégué à Bpifrance. Le suivi des projets par les opérateurs est effectif comme le montrent les décisions d’arrêt ou de poursuite des financements (« go – no go »)

Des mesures sont à approfondir

Le suivi des effets du PIA sur la transition écologique peut être amélioré en simplifiant et harmonisant les indicateurs afin de mieux établir les effets au regard des différents objectifs de la transition écologique, mais aussi en matière d’activité et d’emploi. Des objectifs d’accès des PME doivent être assignés aux opérateurs et évalués. Il faut s’appuyer sur les pôles de compétitivité et les réseaux d’entreprises mais, en retour, évaluer ces derniers au regard des résultats obtenus par les PME. Le PIA apporte un financement interministériel à des projets innovants : il pourrait être complété par un appui interministériel technique pour lever des blocages administratifs et réglementaires de mise en œuvre des projets complexes. Les frais de gestion des opérateurs peuvent être mieux cadrés. Le mécanisme de l’avance remboursable a été standardisé pour gagner du temps lors de l’élaboration des contrats : mais de la souplesse serait utile. En matière de prises de participation, Bpifrance pourrait mieux coopérer avec l’ADEME en s’appuyant sur son approche par filières de la transition écologique qui améliore l’appréciation des risques des choix d’investissement, particulièrement pour les PME.

Le PIA a enclenché des dynamiques qui peuvent être confortées par le PIA 3

Depuis 2010, à mi-parcours de programmes qui se terminent en 2024, 4,2 milliards d’euros ont été engagés pour financer la transition écologique : les 2,3 milliards d’euros disponibles devraient être entièrement engagés dans les trois prochaines années au vu de l’accélération de la mise en œuvre constatée depuis deux ans.

Cette dynamique peut être maintenue dans un contexte propice à donner aux investisseurs privés une meilleure visibilité des étapes de la transition écologique (COP 21, mise en œuvre de la programmation pluriannuelle de l’énergie). L’effet de levier des financements du PIA dans la transition écologique peut donc être accru.

L’orientation stratégique des PIA 1 et 2 en faveur de la transition écologique doit être maintenue par le PIA 3. La MEC relève que la simple compensation des redéploiements de crédits subis à ce jour représente 1,3 milliard d’euros.

Des apports supplémentaires peuvent être envisagés dans de nombreux domaines : rénovation thermique du bâti ; financement, en fonds propres, des premières exploitations commerciales d’innovations structurantes ; croissance des PME innovantes des éco-industries ; déploiement des infrastructures liées aux nouvelles sources d’énergie ; consolidation des instituts pour la transition énergétique ; nouveaux investissements dans le domaine urbain avec des objectifs de succès à l’international et une mise en cohérence avec la décentralisation d’une part plus importante du PIA 3. Une articulation avec le fonds de financement de la transition énergétique est nécessaire dans tous les cas.

INTRODUCTION

Une part significative du programme d’investissements d’avenir créés par les lois du 9 mars 2010 de finances rectificatives pour 2010 (PIA 1) et du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 (PIA 2) est constituée de financements qui visent à atteindre les objectifs de développement des énergies renouvelables, d’économies d’énergie ou de recyclage définis par les lois du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement et du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Le programme d’investissements d’avenir ayant été établi afin de pouvoir apporter, sur la durée, des financements lisibles et significatifs à des domaines prioritaires, la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances de l’Assemblée nationale a chargé Mmes Sophie Rohfritsch et Eva Sas d’un rapport sur « Les programmes d’investissements d’avenir finançant la transition écologique ».

Ces financements relèvent de programmes budgétaires et d’opérateurs distincts du PIA et ne font pas l’objet d’un suivi spécifique sous l’angle de la transition écologique. La MEC a cependant établi qu’ils représentent, pour les dotations votées en 2010, 5,85 milliards d’euros, soit 16,7 % du PIA 1, et pour les dotations votées en 2013, 2,07 milliards d’euros, soit 17,25 % du PIA 2 : 7,92 milliards d’euros pour le total du PIA, soit 16,85 %.

La MEC a vérifié si ces dépenses se sont ajoutées à des programmes financés sur des crédits budgétaires ordinaires, ou, au contraire, s’y sont substituées.

La MEC a également cherché à mesurer dans quelle mesure les interventions en matière de transition écologique sont conformes à l’approche du PIA : intervenir dans des domaines porteurs de croissance pour l’économie nationale en suscitant ou appuyant des initiatives privées.

Il apparaît que le financement de la transition écologique par le PIA traduit bien une stratégie de soutien à l’industrialisation en France de solutions techniques innovantes. Il promeut également la valorisation de la recherche et l’innovation dans les domaines urbains.

La gestion extra-budgétaire des crédits du PIA autorise le Premier ministre à opérer des redéploiements de crédits entre actions échappant dans les faits très largement au contrôle du Parlement. Or les actions finançant la transition écologique comptent pour un quart dans l’ensemble des redéploiements de crédits opérés depuis 2010 et ont subi plus que d’autres des arbitrages budgétaires défavorables.

À ce jour, la part de la transition écologique dans les crédits des PIA 1 et 2 a été réduite de 1,37 milliard d’euros, passant de 16,9 à 13,9 % de l’ensemble. La rapidité et l’ampleur des redéploiements ont donc modifié de façon significative l’orientation fixée initialement par le législateur.

La lenteur au démarrage de la majorité des actions finançant la transition écologique a facilité ces redéploiements. Elle s’explique par la nécessité de faire émerger des projets sur des sujets innovants, ce qui est pleinement conforme aux objectifs du PIA, alors que le rythme de dépenses est plus rapide dans les cas où le PIA se substitue aux crédits budgétaires pour financer des projets préexistants.

Malgré la fragilisation du schéma de financement pluriannuel initial, les ajustements opérés au fur et à mesure par les différents opérateurs ont contribué à améliorer de façon significative la mise en œuvre des programmes, qui est aujourd’hui bien engagée. Les opérateurs ont su adapter leurs interventions pour mieux appuyer les projets de financements les plus prometteurs.

Les exigences posées par le PIA en matière de pilotage et d’évaluation contribuent indéniablement à la qualité des choix d’investissement public même si les perspectives de retours financiers pour l’investisseur public sont lointaines. Le suivi des effets des actions financées sur les différents objectifs de la transition écologique, mais aussi en matière d’activité et d’emploi, doit être amélioré.

Le rythme d’engagement des enveloppes est croissant depuis deux ans, mais les décisions de redéploiement ont diminué les financements potentiels, sur la durée, pour chacune des actions du PIA finançant la transition écologique : le PIA 3 peut donc être mis à profit pour en compenser les effets.

Il apparaît également possible d’étendre le périmètre d’intervention du PIA en faveur de la transition écologique, afin de tirer parti d’un nouveau contexte favorable à une accélération de l’investissement.

En effet, le PIA a suscité des dynamiques de projets qu’il faut continuer d’encourager et qui peuvent encore être confortées en améliorant l’accès aux financements et en adaptant la prise de risque publique aux exigences de la transition écologique. Des objectifs plus ambitieux peuvent donc être assignés à certaines des actions financées actuellement par le PIA.

En outre, dans le contexte des engagements issus de la COP 21, des mesures telles que la programmation pluriannuelle de l’énergie vont donner aux investisseurs privés une meilleure visibilité des objectifs que s’assigne la Nation en matière de transition écologique. L’effet de levier des financements du PIA dans la transition écologique peut donc être accru.

La Mission d’évaluation et de contrôle invite donc à faire de la transition écologique un des enjeux du PIA 3.

I. LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE : UN ENJEU DE PREMIER PLAN DU PROGRAMME D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR

Le programme d’investissements d’avenir finance des actions qui diffèrent à la fois par l’intensité de leur lien à la transition écologique et par leur légitimité à bénéficier de financements spécifiques du PIA plutôt que de crédits budgétaires.

La Mission d’évaluation et de contrôle a donc cherché à mesurer la part de l’ensemble des financements du PIA destinés à la transition écologique et à cerner les stratégies d’intervention définies lors de la mise en place des actions financées.

Elle a également cherché à vérifier dans quelle mesure ces investissements se sont ajoutés à des programmes financés sur des crédits budgétaires ordinaires, ou, au contraire, s’y sont substitués.

Transition écologique, transition énergétique et développement durable

L’objectif de la transition écologique est de permettre le développement durable/soutenable c’est-à-dire un développement de nos sociétés que la planète puisse supporter sur le long terme. Le constat selon lequel nos modèles de croissance ne sont pas tenables au vu des ressources limitées de la planète conduit à une nécessaire transition écologique : une adaptation des modèles techniques, économiques et sociaux afin d’aboutir à un développement durable.

La transition énergétique est une composante de la transition écologique. Elle traduit le passage d’une société fondée sur la consommation massive d’énergies fossiles à une société sobre en énergie et faiblement carbonée. Ce nouveau modèle énergétique appelle à la fois des économies d’énergie et l’évolution du mix énergétique en accroissant la part des énergies renouvelables.

A. LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE AU CœUR DE LA STRATÉGIE DU PIA

À deux reprises, le législateur a consacré à la transition écologique des financements du PIA. Celle-ci occupe d’ailleurs une place de choix dans les orientations qui ont abouti à la définition du premier PIA.

1.  Le PIA vise à stimuler l’innovation dans l’économie verte

Le programme d’investissements d’avenir a pour objectif d’apporter, sur la durée, des financements lisibles et significatifs à des investissements privés ou publics porteurs de croissance pour l’économie nationale.

Ces financements consistent rarement en des « dépenses d’investissement » de l’État (titre 5) au sens de la loi organique relative aux lois de finances, puisqu’ils ne permettent pas, en règle générale, de constituer des immobilisations corporelles et incorporelles de l’État. Mais ces « dépenses d’intervention » (titre 6) se veulent des investissements au sens économique, finançant la constitution d’actifs matériels et immatériels dans les « domaines d’avenir ».

Les montants élevés de financement et les modalités originales de gouvernance du PIA, rappelés dans l’encadré ci-après visent à garantir l’affectation des crédits à des axes prioritaires clairement définis.

Issus des préconisations du rapport « Investir pour l’avenir : priorités stratégiques d’investissement et emprunt national » établi en novembre 2009, par une commission présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, deux programmes d’investissements d’avenir ont été engagés :

– le premier (PIA 1) doté de 35 milliards d’euros inscrits sur des programmes budgétaires créés par la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010. L’article 8 de cette loi définit la gouvernance du PIA jusqu’à l’échéance de 2020.

– le deuxième (PIA 2) doté de 12 milliards d’euros par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014. L’article 59 de cette loi prolonge la mise en œuvre des PIA jusqu’en 2024.

Ces crédits ont été répartis entre des actions thématiques identifiées au sein de programmes budgétaires créés spécialement au sein de missions du budget de l’État. Du point de vue de la comptabilité budgétaire, ces crédits sont réputés consommés dès le premier exercice puisqu’ils ont été versés en totalité à des opérateurs de l’État, que des conventions pluriannuelles chargent de gérer les programmes d’investissements : proposition de sélection des porteurs de projets, conventionnement avec les lauréats, suivi et évaluation des investissements…

Les crédits peuvent cependant être redéployés entre action pendant la durée du programme. Les décisions d’attribution et d’utilisation des fonds relèvent du Premier ministre auprès duquel le commissariat général à l’investissement (CGI) assure le pilotage et le suivi de la mise en œuvre des programmes par l’ensemble des opérateurs.

La commission Juppé-Rocard de 2009 a retenu la « protection de l’environnement » comme une des priorités d’un programme d’investissements « au seul service des générations futures » agissant sur les deux ressorts de la croissance économique : « l’économie de la connaissance et l’économie verte ».

Une dépense orientée vers l’innovation, source de croissance à terme pour l’économie française, doit donc financer les actifs nécessaires à la transition écologique, à laquelle peuvent être rattachés trois des sept axes du rapport sur les priorités stratégiques d’investissement :

– l’axe 4 « développer les énergies décarbonées et l’efficacité dans la gestion des ressources » comporte l’action 9 « développer les technologies énergétiques décarbonées et l’économie du recyclage » pour 1,5 milliard d’euros et l’action 10 « créer des instituts de recherche technologiques dans le secteur des énergies décarbonées » pour 1 milliard d’euros ;

– l’axe 5 « faire émerger la ville de demain » consacre 2,5 milliards d’euros à l’action 12 « favoriser le développement des villes durables » et 2 milliards d’euros à l’action 13 « accélérer la rénovation thermique des logements sociaux » ;

– enfin l’axe 6 « inventer la mobilité du futur » prévoit 1 milliard d’euros pour l’action 14 « préparer les véhicules du futur ».

a. Le caractère indispensable des financements publics

La transition écologique appelle des investissements importants afin de maîtriser les nouvelles technologies en particulier dans les domaines de la gestion, du transport et de la production d’énergie et de chaleur (énergies marines, solaire, biomasse, stockage d’énergie, géothermie, réseaux intelligents).

Les entreprises, les particuliers et les systèmes urbains doivent également investir pour pouvoir ensuite limiter leur consommation de ressources et d’énergie et réduire leur impact sur l’environnement (recyclage, sobriété de la production, écoconception et écoproduction, urbanisme et construction durables…)

Pour réduire le coût direct ou à terme de ces investissements, des outils réglementaires existent qui visent à orienter à la fois l’offre et la demande. Par exemple les dispositifs de soutien au rachat d’énergies renouvelables qui compensent une part des surcoûts des énergies renouvelables, les certificats d’économie d’énergie, des systèmes de taxation spécifiques des activités les plus carbonées ou des crédits d’impôts, notamment pour les particuliers.

Mais la transition écologique requiert également un apport financier direct de l’État indispensable pour que des entreprises exploitent avec succès des technologies innovantes permettant d’atteindre des objectifs de transition écologique.

Les domaines d’innovation les plus prometteurs de la transition écologique attirent en effet peu l’investissement privé en raison des niveaux de risque qui y sont associés. La preuve de concept industriel est très onéreuse en raison des niveaux de dépense de recherche et développements, ce qui la distingue nettement de l’économie du numérique par exemple. Et en cas d’erreurs de choix technologiques, les investissements réalisés pèsent durablement sur les comptes des entreprises.

En outre, la transition écologique invite à modifier les intrants des processus industriels qui constituent le plus souvent des éléments de première nécessité pour les entreprises, comme la source d’énergie ou les modalités de traitement des déchets. L’approvisionnement doit donc être régulier, au risque de désorganiser gravement les systèmes de production. Aussi toute forme d’approvisionnement alternatif lié aux innovations de l’économie verte expose à un risque en termes de régularité du flux ou des coûts d’approvisionnements, que ne posent pas encore les énergies carbonées.

La forte aversion au risque que suscitent les investissements de la transition écologique justifie donc l’intervention publique.

Celle-ci peut également rendre nos industries plus compétitives, en générant des économies de fonctionnement des systèmes de production et en diffusant des produits et des procédés répondant à une attente croissante des sociétés et des consommateurs.

a. Les principaux modes d’intervention

Afin que l’apport de financements publics incite réellement à l’accélération de l’investissement privé dans les domaines connaissant aujourd’hui des défauts de marché, le PIA comporte une palette de financements (décrite dans l’encadré ci-après) qui le distingue des interventions classiques sur crédits budgétaires.

Les différentes modalités de financement par le PIA :

– subvention : aide financière apportée à un projet ou à un organisme, avec ou sans contreparties ;

– avance remboursable : aide financière qui doit être remboursée en cas de succès du projet, avec paiement d’intérêts défini en fonction du type de projet ;

– dotations en fonds propres : apport en capital – ou en quasi fonds propres – à une société, en tant qu’« investisseur avisé », c’est-à-dire avec la même façon d’apprécier l’opportunité financière qu’un investisseur privé, donc avec un taux de rentabilité des fonds propres acceptable à ce titre ;

– prêt : remise de fonds à une entreprise ou un organisme moyennant le paiement d’un intérêt, avec l’engagement de remboursement de la somme prêtée ;

– dotation non consommable : capital dont seuls les intérêts qui le rémunèrent sont rendus disponibles année après année ;

– dotation à des fonds de garantie : assimilable à une subvention, permet d’assumer le risque de défaut de l’emprunteur.

L’aide consiste systématiquement en un co-financement complétant un investissement privé avec un objectif d’effet de levier de la dépense publique. L’apport de fonds publics ne se limite pas aux subventions : un retour financier peut être attendu, selon les domaines d’intervention, dans le but de sélectionner des projets susceptibles d’être effectivement mis sur le marché.

Les aides sont attribuées au terme de procédures d’appels à projets ou à manifestation d’intérêt qui visent à faire émerger mais aussi à orienter, dans un cadre objectif, les initiatives des différents acteurs de la transition écologique.

Les projets sont sélectionnés, par des jurys indépendants ou des comités d’experts, au regard de leur caractère innovant. Mais stimuler l’innovation ne consiste pas à financer seulement l’innovation « de rupture » : selon les domaines, ce critère peut être retenu pour des innovations de procédés qui appliquent des technologies plus matures pour répondre efficacement aux enjeux de la transition écologique. Les projets sont également sélectionnés selon la robustesse de leur plan de financement et les perspectives d’activité économique.

L’orientation stratégique en faveur du financement de l’innovation, s’appuie donc sur des modes d’intervention publique destinés à en garantir la qualité et en accroître les effets.

2. Le périmètre de la transition écologique dans le PIA

La Mission d’évaluation et de contrôle a cherché à identifier le périmètre des financements du PIA à prendre en compte au titre de la transition écologique. Les catégorisations budgétaires initiales peuvent en effet différer du champ des investissements d’avenir finançant effectivement celle-ci.

a. La redéfinition du périmètre fixé par le PIA 1

Dans le PIA 1, figure, parmi cinq « priorités nationales », celle du développement durable (5,1 milliards d’euros) aux côtés de l’enseignement supérieur (11), la recherche (7,9), les filières industrielles et PME (6,5) et le numérique (4,5).

Cette priorité du développement durable comporte cinq programmes budgétaires de la loi de finances rectificative pour 2010 rattachés à des missions budgétaires différentes, relevant de plusieurs ministères et opérateurs, comme détaillé dans le tableau suivant.

LES ACTIONS RATTACHÉES À LA PRIORITÉ DU DÉVELOPPEMENT DURABLE DANS LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2010

Missions et programmes budgétaires

Actions du PIA

Montants

(en millions d’euros)

Opérateur

Écologie, développement et aménagement durables

313 Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte

Démonstrateurs des énergies renouvelables et chimie verte

1 350

ADEME

Tri et valorisation des déchets, dépollution, éco-conception de produits

250

ADEME

320 Transports durables

Ville de demain

1 000

CDC

Recherche et enseignement supérieur

325 Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées

Instituts pour la transition énergétique (ITE)

1 000

ANR

329 Nucléaire de demain

Réacteur de 4e génération ASTRID 

652

CEA

Réacteur Jules Horowitz

248

CEA

Recherche en matière de traitement et de stockage des déchets

100

ANDRA

Ville et logement

331 Rénovation thermique des logements privés

Fonds d’aide à la rénovation thermique

500

ANAH

TOTAL

5 100

 

Source : loi de finances rectificative pour 2010.

Le programme 313 Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte couvre deux actions distinctes opérées par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) qui financent l’innovation industrielle dans les domaines des énergies renouvelables et de l’économie circulaire pour un total de 1,6 milliard d’euros. Le programme 325 Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées opéré par l’Agence nationale pour la recherche (ANR) finance des institutions de valorisation de la recherche, les Instituts pour la transition énergétique (ITE) à hauteur de 1 milliard d’euros, dont 750 millions de dotations non consommables.

Ces deux programmes mettent en œuvre l’axe 4 « développer les énergies décarbonées et l’efficacité dans la gestion des ressources » proposé par la commission Juppé-Rocard, pour des montants de crédits comparables à ceux envisagés : 2,6 milliards d’euros inscrits en loi de finances pour 2,5 milliards proposés par la commission.

Le programme 320 Transports durables composé d’une action Ville de demain opérée par la Caisse des dépôts et consignations et le programme 331 Rénovation thermique des logements privés comportant une action confiée à l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH) sont dotés d’un total de 1,5 milliard d’euros de crédits. Cet ensemble est conforme à l’axe 5 « faire émerger la ville de demain » des préconisations de la commission du grand emprunt, mais pour des montants de financements en très fort retrait : seulement un tiers du montant de 4,5 milliards d’euros préconisé par la commission.

● La singularité des financements consacrés à l’énergie nucléaire

Par ailleurs, la priorité du développement durable du PIA 1 inclue un programme 329 Nucléaire de demain pour 1 milliard d’euros de crédits consacrés à l’énergie nucléaire. La Mission d’évaluation et de contrôle a fait le choix de ne pas les retenir dans son champ d’investigation.

Outre l’absence de consensus sur la contribution à la transition écologique d’une énergie certes décarbonée mais non majoritairement renouvelable car faisant appel à une ressource minière, ce choix découle du constat de l’engagement rapide de l’ensemble des montants votés en 2010 qui ont financé directement des projets préalablement identifiés, sans recours à une procédure d’appel à projets ou à manifestation d’intérêt ni à une sélection par des jurys.

L’ENGAGEMENT DES CRÉDITS DU PIA FINANÇANT L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE

Action

Opérateur

Montants votés

Montants engagés

Part engagée

Montants contractualisés

Part contractualisée

Montants décaissés

Part décaissée

Réacteur Jules Horowitz

CEA

248

248

100 %

248

100 %

137

55,2 %

Réacteur de 4e génération

CEA

627

627

100 %

384

61,2 %

340

54,2 %

Traitement et stockage des déchets

ANDRA

75

38

50,7 %

20

26,7 %

11

14,7 %

Sûreté nucléaire

ANR

50

50

100 %

50

100 %

11

22 %

Total

1 000

963

96,3 %

702

70,2 %

499

49,9 %

Source : CGI, situation au 4e trimestre 2015.

Ainsi que le détaille le tableau ci-avant, plus de 96 % des crédits attribués à l’énergie nucléaire dans le cadre du PIA sont aujourd’hui engagés.

Cette situation singulière traduit le fait que, dans un secteur entièrement occupé par un acteur en position de monopole – le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – les financements du PIA se situent dans la continuité d’une stratégie ininterrompue d’investissements importants de l’État. Si les enjeux en matière d’innovation ne font pas de doute, les financements du PIA n’apportent pas de valeur ajoutée dans la façon, pour l’investissement public, de tenir compte des nouveaux enjeux de la transition écologique.

Au demeurant dans le rapport établi récemment par France stratégie (1), le comité d’examen à mi-parcours du PIA présidé par Philippe Maystadt fait figurer les actions Maîtrise des technologies nucléaires, Réacteur de 4e génération (ASTRID) et Réacteur Jules Horowitz parmi celles dont l’emploi relève manifestement de la substitution budgétaire et ne devrait pas figurer dans le PIA.

● Le périmètre des financements du PIA 1 retenu par la mission

Minorés du milliard d’euros de crédits finançant l’énergie nucléaire, les crédits du PIA 1 finançant la transition écologique doivent être complétés par certaines dotations rattachées à d’autres priorités par la loi de finances rectificative pour 2010 qui sont récapitulés dans le tableau suivant.

PÉRIMÈTRE DU PIA 1 RETENU PAR LA MISSION

Missions et programmes budgétaires

Actions du PIA

Montants

(en millions d’euros)

Opérateur

Écologie, développement et aménagement durables

313 Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte

Démonstrateurs énergies renouvelables et chimie verte

1 350

ADEME

Tri et valorisation des déchets, dépollution, éco-conception de produits

250

ADEME

321 Véhicules du futur

Recherche dans le domaine des transports

1 000

ADEME

320 Transports durables

Ville de demain

1 000

CDC

Économie

323 Développement de l’économie numérique

Réseaux électriques intelligents

250

ADEME

322 Croissance des petites et moyennes entreprises

États généraux de l’industrie – prêts verts

500

OSEO/ Bpifrance

Recherche et enseignement supérieur

325 Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées

Instituts pour la transition énergétique (ITE)

1 000

ANR

Ville et logement

331 Rénovation thermique des logements privés

Fonds d’aide à la rénovation thermique

500

ANAH

TOTAL

5 850

 

Source : loi de finances rectificative pour 2010.

Le programme 321 Véhicule du futur, présenté au titre de la priorité nationale « Filières industrielles et PME » met ainsi en œuvre l’axe 6 « inventer la mobilité du futur » des préconisations de la mission Juppé-Rocard et pour un même montant d’un milliard d’euros. La mise en œuvre de l’action est confiée à l’ADEME.

Au titre de cette même priorité nationale, le programme 322 Croissance des PME, de la mission Économie, finance des « prêts verts », opérés initialement par OSEO devenu Bpifrance, pour un montant initial de 0,5 milliard d’euros. Ils permettent de soutenir l’acquisition par les entreprises d’équipements renforçant la sobriété des processus industriels.

Enfin, le programme 323 Développement de l’économie numérique relevant de la mission Économie, consacre 250 millions d’euros à une action Réseaux électriques intelligent, opérée par l’ADEME entièrement destinée au soutien de l’innovation pour optimiser la distribution et la consommation électriques et y intégrer les énergies renouvelables. Elle relève donc au premier chef de la transition écologique.

Sur ce nouveau périmètre, les crédits du PIA 1 atteignent 5,85 milliards d’euros, dont 5,1 milliards de dotations consommables et 750 millions euros de dotations non consommables réservés aux Instituts pour la transition énergétique.

Tous types de dotations confondus, le financement de la transition écologique représente ainsi 16,7 % des 35 milliards d’euros de dotations du PIA 1 défini par la loi de finances rectificative pour 2010. Cette part est portée à 25,75 % des 20 milliards d’euros de dotations consommables.

b. La classification issue du PIA 2

Dans le cadre du PIA 2, tous les programmes finançant la transition écologique créés par la loi de finances pour 2014 ont été rattachés à la mission Écologie, développement et aménagements durables.

Le programme 403 Innovation pour la transition écologique et énergétique comprend deux actions, mises en œuvre par l’ADEME, inscrites dans la continuité du premier PIA : 800 millions d’euros supplémentaires en matière de démonstration de la transition écologique et énergétique et 300 millions d’euros pour les Transports de demain.

Dans la continuité des prêts verts financés par le PIA, une action Usine sobre : prêts verts, est dotée de 410 millions d’euros, confiés à Bpifrance, dont le financement est éclaté entre le compte de concours financier pour prêts aux PME et un programme 404 Projets industriels pour la transition énergétique. Sur ce même programme, 400 millions d’euros sont consacrés à une action Projets industriels d’avenir pour la transition énergétique, mise en œuvre par Bpifrance, qui constitue le volet environnemental du financement par le PIA des nouvelles priorités de la politique industrielle.

Enfin, le programme 414 Ville et territoires durables complète à hauteur de 150 millions d’euros les financements du PIA 1 en matière d’urbanisme durable : 75 millions d’euros sont confiés à nouveau à la Caisse des dépôts et consignation pour financer des Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique ; l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) se voit attribuer 85 millions d’euros au titre du premier axe, dédié à l’excellence environnementale, pour l’action Ville durable et solidaire visant des quartiers prioritaires de la politique de la Ville. Les 250 millions d’euros qui financent le second axe de cette action concernent la diversification fonctionnelle et économique, donc en dehors du champ de la Mission d’évaluation et de contrôle.

PÉRIMÈTRES DU PIA 2 DÉFINIS EN LOI DE FINANCES POUR 2014
ET RETENUS PAR LA MISSION

Mission et programmes budgétaires

Actions du PIA

Montants

(en millions d’euros)

Opérateurs

Écologie, développement et aménagement durables

Compte de concours financiers prêts et avances à des particuliers ou des organismes privés.

403 Innovation pour la transition écologique et énergétique

Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique

800

ADEME

Transports de demain

300

ADEME

414 Ville et territoires durables

Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique

75

CDC

Ville durable et solidaire, excellence environnementale et renouvellement urbain. Axe 1.

85

ANRU

404 Projets industriels pour la transition énergétique

Projets industriels d’avenir pour la transition énergétique

400

Bpifrance

Usine sobre : prêts verts (bonification des prêts)

70

Bpifrance

866 Prêts aux PME

Usine sobre : prêts verts (prêts)

340

Bpifrance

TOTAL

2 070

 

Source : loi de finances pour 2014.

Le total atteint 2,07 milliards d’euros, constitués exclusivement de dotations consommables. La loi de finances pour 2014 consacre donc 17,25 % des 12 milliards de crédits du PIA 2 au financement d’actions relevant principalement de la transition écologique. Cette part est portée à 23,8 % des 8,7 milliards d’euros des dotations consommables. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, le Gouvernement a en outre avancé que plus de la moitié du PIA 2 serait consacrée au financement direct ou indirect de la transition écologique, sous l’effet du principe d’écoconditionnalité des aides dans la majorité des domaines d’intervention, ce que la Mission d’évaluation et de contrôle a cherché à vérifier (cf. infra, II. 2. c).

Le montant des crédits destinés à la transition écologique par les deux lois de finances atteint au total 7,92 milliards d’euros, soit 16,85 % de l’ensemble. Cette part est de 25 % sur le périmètre des dotations directement consommables.

B. LE FINANCEMENT DES DIFFÉRENTS LEVIERS DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

La transition écologique et énergétique appelle la conception et la mise à disposition de solutions décarbonées auxquelles font aujourd’hui obstacle des verrous technologiques ou des enjeux d’organisation.

Le PIA finance donc des actions qui interviennent dans les différents domaines de la transition écologique mais également à différents stades du continuum entre la recherche et sa mise en œuvre effective, décrit dans le schéma suivant.

L’ÉCHELLE DES NIVEAUX DE MATURITÉ TECHNOLOGIQUE (TRL)

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TRL : Technology readiness level

Les modes d’intervention et de financement diffèrent selon le niveau de maturité de la solution visée, et selon les perspectives de sa diffusion commerciale ultérieure.

Il peut s’agir de financements à un stade de recherche et développement pour laquelle les enjeux sont d’abord technologiques et de structuration de la collaboration entre la recherche et l’industrie.

Mais le PIA peut aussi appuyer les étapes de décollage : il cofinance les premiers démonstrateurs, des investissements permettant de démontrer la viabilité économique d’une technologie jusqu’aux premières applications commerciales.

Le PIA peut aider de façon plus générale les filières matures des éco-industries à innover pour demeurer compétitives ou mieux répondre aux objectifs de transition écologique. L’ensemble des secteurs industriels peut également être aidé à investir dans des systèmes de production plus sobres.

Enfin, les objectifs de transition écologique appellent, dans les secteurs de l’urbanisme et du logement, à la fois à démontrer la viabilité des nouvelles techniques et à diffuser les meilleures méthodes par des innovations de procédés.

1. Piloter et valoriser la recherche

Un continuum efficace entre la recherche développement et l’industrialisation est indispensable pour que se matérialisent les techniques et méthodes qui permettent d’atteindre les objectifs de développement durable. Or les résultats des recherches, lorsqu’ils visent à répondre aux besoins des secteurs industriels et commerciaux, se traduisent par des dépôts de brevets générateurs de revenus des licences d’exploitation.

L’enjeu de valorisation de la recherche guide ainsi de nombreuses interventions de l’Agence nationale pour la recherche (ANR) dans le cadre du PIA : il s’agit de pallier le défaut de collaboration des différents acteurs, industriels et universitaires, par exemple avec les Instituts de recherche technologique (IRT). Financés par le programme Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées, les Instituts pour la transition énergétique (ITE) déclinent cette ambition dans le domaine de la transition écologique, mais de façon encore plus nettement orientée vers la valorisation.

a. Les instituts pour la transition énergétique

Les appels à projets de 2010 et 2011 ont défini un ITE comme « doté d’une personnalité juridique propre, issu d’un partenariat stratégique public-privé équilibré, qui a pour objet d’élaborer et de mettre en œuvre des programmes de recherche à moyen-long terme selon la feuille de route définie conjointement entre les partenaires publics et privés. L’originalité de l’Institut réside notamment dans l’élaboration d’une stratégie de R&D commune entre acteurs publics et privés les engageant mutuellement sur une durée longue, identifiant les marchés clés, ainsi que les verrous et technologies à fort potentiel de différenciation. »

L’action vise donc à financer la création et le fonctionnement d’un nombre restreint d’instituts, constitués à partir de consortium d’établissements publics de recherche et d’entreprises privées. Les ITE doivent piloter et valoriser de la recherche-développement dans des domaines préalablement identifiés de la transition écologique.

Ils doivent apporter une réponse au besoin de capitaliser sur la qualité de la recherche conduite par les institutions publiques françaises tout en lui permettant de mieux coller aux réalités industrielles dans des secteurs clés : chimie biosourcée, maîtrise ou stockage de l’énergie, réseaux intelligents, géothermie, énergies marines renouvelables, énergie solaire, efficacité énergétique des bâtiments ou des transports…

Ces instituts doivent faire converger les intérêts publics et ceux des acteurs industriels vers la création d’actifs permettant la mise au point de nouveaux produits et services afin d’améliorer la compétitivité des uns et de satisfaire l’objectif public de rendre largement disponibles des solutions alternatives à l’économie carbonée.

Le pilotage de la recherche selon des objectifs partagés entre les partenaires publics et privés doit permettre de dépasser les situations de blocage liées à la « juxtaposition de solutions propriétaires et rivales, chacune focalisée sur un maillon particulier de la filière » et « aux problèmes de coordination exacerbés par les différences d’objectifs entre les organismes de recherche et les entreprises, aux modes d’organisation et règles d’appropriation de la connaissance et de diffusion des résultats différents à de nombreux égards. » (2)

Un ITE doit donc faire travailler ensemble, dans une logique collaborative et pendant au moins dix années, des partenaires qui sont très différents en termes de métiers, de tailles et d’origines institutionnelles (grandes entreprises, PME et organismes de recherche). Il se fonde sur la conviction selon laquelle « sans l’intervention des pouvoirs publics, ces acteurs de la recherche publique et du monde industriel ne se seraient pas engagés sur une durée aussi longue et de façon aussi fortement liée dans une coentreprise et sur un programme de recherche d’un tel niveau d’ambition. » (3)

Le choix de constituer un consortium ad hoc vise à faire partager aux sociétaires un même objet social. Il est attendu des ITE qu’ils se créent sous forme de société par actions simplifiée (SAS) à la différence des IRT constitués en fondations de coopération scientifique (FCS). La SAS, société commerciale, doit garantir l’implication des industriels alors que celle-ci est moindre, à la longue, dans les fondations. L’ITE a donc vocation à développer rapidement des activités concurrentielles pour bénéficier de recettes commerciales en complément des contributions des actionnaires et du soutien du PIA.

Un ITE suppose une masse critique suffisante de moyens et de compétences situées, de préférence, sur un même lieu. Il doit couvrir l’ensemble du processus d’innovation, jusqu’à la démonstration et le prototypage industriel. Le portefeuille de projets défini par les partenaires doit permettre de partager et de renouveler une feuille de route de recherche obtenant des résultats valorisés par l’ITE.

Les financements par l’État au titre du PIA ne doivent donc pas dépasser 50 % des dépenses cumulées sur les dix premières années du projet ; des financements complémentaires pourront être apportés par d’autres partenaires publics (collectivités locales, Union européenne), tout en maintenant un niveau de cofinancements privés significatif.

Le financement par le PIA des ITE s’élève fin 2015 à 889 millions d’euros, dont 655 de dotations non consommables et 234 de dotations consommables.

b. La contribution de la « recherche amont » à la transition écologique

Les projets de recherche, situés très en amont du développement et de la commercialisation sont indispensables pour contribuer, à terme, à la transition écologique. Au sein des crédits du PIA consacrés à la recherche académique, la Mission d’évaluation et de contrôle a donc cherché à identifier ceux qui auraient la transition écologique et l’efficacité énergétique comme thématiques de premier niveau (cœur de cible) ou de deuxième niveau (cible partagée).

À la demande de la Mission d’évaluation et de contrôle, l’ANR a communiqué une liste 29 projets de recherche relevant d’une part des « Pôles d’excellence », auxquels sont rattachées les actions Laboratoires d’excellence (Labex) et Équipements d’excellence (Equipex) et d’autre part les « Projets thématiques d’excellence » dans le domaine de la santé et des biotechnologies. Ils sont détaillés dans le tableau et l’encadré figurant dans les pages suivantes. Les thèmes principaux de recherche de ces organismes se rattachent très directement aux enjeux de la transition écologique, allant de la géothermie aux sciences de l’environnement et à la chimie des polluants.

Ces projets bénéficient de 401 millions d’euros de dotations non consommables et de 69 de dotations consommables. Les versements effectifs atteindront au total 192 millions d’euros, dont 76 de versements cumulés fin 2015. Il s’agit cependant d’une première estimation à partir de l’objet principal des laboratoires, et non de l’ensemble des travaux effectivement produits par les différentes structures, plus nombreuses, financées par l’ANR au titre du PIA.

Ces projets de recherche, situés très en amont du stade de la démonstration d’une technologie, ne sont pas soumis à obligation de résultats et se distinguent en cela des étapes du développement. Leurs résultats pourront être identifiés à plus longue échéance, les laboratoires concernés disposent, en effet, tous de partenaires industriels et des évaluations in fine de leur impact pourraient être préconisées. Certains des résultats pourraient par exemple intégrer les domaines de valorisation couverts par des ITE.

Les Rapporteures invitent donc à mieux caractériser la part de la recherche « amont » contribuant à la transition écologique et à formaliser le suivi des résultats vers la recherche « aval » et les dispositifs de valorisation, tels les ITE.

Proposition :

Accroître les effets de la valorisation de la recherche en matière de transition écologique, en veillant au continuum de la recherche amont vers l’innovation, notamment par l’adaptation des feuilles de route des Instituts pour la transition énergétique (ITE) aux travaux de recherche financés, par ailleurs, par l’ANR.

CONTRIBUTION DE LA RECHERCHE AMONT À LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

(en millions d’euros)

Acronyme du projet

Début du projet

Dotations consommables

Dotations non consommables (DNC)

Intérêts
des DNC

Fin du projet

Montant total conventionné

Versements cumulés au 31/12/2015

Laboratoires d’excellence, vague 1

SOLSTICE

avril 2011

0,5

14,2

4,5

décembre 2019

5

2,5

IMoBS3

avril 2011

0,7

19,9

6,3

décembre 2019

7

3,4

STORE-EX

avril 2011

0,9

27

8,5

décembre 2019

9,5

4,7

EMC3

avril 2011

1,3

37

11,7

décembre 2019

13

6,4

INTERACTIFS

mars 2012

1,2

8,7

2,5

décembre 2019

3,7

1,6

CAPRYSSES

mars 2012

1,1

8,3

2,4

décembre 2019

3,5

1,5

 

Total

5,7

115,4

35,9

 

41,7

20,2

Laboratoires d’excellence, vague 2

CEMAM

avril 2011

0,75

21,4

6,7

décembre 2019

7,5

3,7

GANEX

mars 2012

3,2

22

6,3

décembre 2019

9,5

3,7

DAMAS

mars 2012

2,5

17,4

5

décembre 2019

7,5

5,1

MMCD

mars 2012

2

14

4

décembre 2019

6

4

VOLTAIRE

avril 2011

1,1

31,3

9,9

décembre 2019

11

3,2

AE&CC

avril 2011

0,57

16,2

5,1

décembre 2019

5,7

4,3

G-EAU-THERMIE PROFONDE

mars 2012

0

10,4

1,6

décembre 2019

3

2,8

AMADEus

avril 2011

1,3

37

6,5

décembre 2019

13

1,4

LaSIPS

mars 2012

0,9

25,6

4,5

décembre 2019

9

7,2

CHARMMMAT

mars 2012

0

31,3

4,6

décembre 2019

9

5,1

 

Total

12,3

226,8

54,4

 

81,2

4,3

Équipements d’excellence, vague 1

SOCRATE

février 2011

3,5

2,9

1

décembre 2019

4,5

3,6

DURASOL

septembre 2012

5,3

2,3

0,7

décembre 2019

6

4,8

GAP

septembre 2012

3,2

1,8

0,55

décembre 2019

3,75

2,8

 

Total

12

7

2,25

 

14,25

11,2

Équipements d’excellence, vague 2

PLANEX

juillet 2012

5,4

0

0

décembre 2019

5,4

4,6

EXTRA

juillet 2012

3,2

3,3

1

décembre 2019

4,2

3

ELORPrintec

février 2011

7

5,8

1,9

décembre 2019

8,9

7,2

ROCK

février 2011

2,3

2,9

1

décembre 2019

3,3

2,5

REALCAT

juin 2012

6,9

5,8

1,8

décembre 2019

8,7

6,9

GENEPI

septembre 2012

3,3

1,8

0,55

décembre 2019

3,8

3

Sense-City

février 2011

8

2,9

1

décembre 2019

8,9

7,6

 

Total

36,1

22,6

7,3

 

43,4

34,9

Appel à projets Biotechnologie et bioresssources

BIORARE

novembre 2011

1

7

1,2

octobre 2016

2,2

1,9

PROBIO3

juillet 2012

1

22,8

7

décembre 2019

8

2,6

Appel à projets Bio-informatique

RESET

octobre 2012

1,5

0

0

septembre 2016

1,5

1,3

TOTAL GÉNÉRAL

69,7

401,7

108,1

 

192,3

76,4


Source : Agence nationale de la recherche.

Thèmes de recherche des principaux laboratoires et équipements financés

SOLSTICE : énergie solaire (Universités de Perpignan, Montpellier 2 et École des Mines d’Albi Carmaux).

IMoBS3 : mobilité innovante (Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand).

STORE-EX : stockage électrochimique de l’énergie.

EMC3 : énergie et combustion (Universités de Caen Normandie, du Havre et de Rouen).

INTERACTIFS : interfaces fluides/solides (Université de Poitiers, l’ISAE-ENSMA).

CAPRYSSES : cinétique, chimie et aérothermodynamique des propulsions (Université d’Orléans).

CEMAM : matériaux architecturés multifonctionnels (Institut polytechnique de Grenoble, CNRS, Université de Grenoble Alpes, Université de Savoie).

GANEX : nitrures d’éléments (réseau de laboratoires français)

DAMAS : matériaux métalliques et leur allégement.

MMCD : modélisation et de l’expérimentation pour la construction durable (Universités Paris-Est, Créteil Val de Marne et École des Ponts Paristech).

VOLTAIRE : géofluides et volatils (Université d’Orléans).

AE&CC : « cultures constructives » en architecture (Université de Grenoble).

G-EAU-THERMIE PROFONDE : géothermie profonde (Université de Strasbourg).

AMADEus : métamatériaux, biomatériaux (Université de Bordeaux).

LaSIPS : sciences de l’ingénierie et des systèmes (Université Paris-Saclay).

CHARMMMAT : sciences des matériaux et de la catalyse homogène bio-inspirée (Universités Paris Sud, Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Évry et École Polytechnique).

SOCRATE : recherche et développement sur le solaire concentré (Université de Perpignan).

DURASOL : étude du vieillissement accéléré des composants et systèmes solaires photovoltaïques et thermiques (Université Blaise Pascal Clermont-Ferrand).

GAP : moteurs aéronautiques et spatiaux (Université de Poitiers, ISAE-ENSMA).

PLANEX : phénomènes géologiques en profondeur et processus industriels utilisant des fluides/gaz/liquides en conditions extrêmes (Université d’Orléans)

EXTRA : photonique (Université de Montpellier 2).

ELORPrintec : électronique organique (Université de Bordeaux).

ROCK : batteries et des biocarburants (Université de Nantes).

REALCAT : bioraffineries industrielles et catalyseur hybrides (Université Paris-Saclay).

GENEPI : biocarburants de seconde génération (Université de Grenoble).

Sense-City : micro et nano-capteurs dédiés à la métrologie urbaine (Université Paris-Est).

BIORARE : bioélectrosynthèse pour le raffinage des déchets résiduels.

PROBIO3 : production microbienne de lipides spécifiques

RESET : machinerie d’expression génique bactérienne

2. Financer la démonstration industrielle des innovations

Avec 3,95 milliards de dotations pour quatre programmes budgétaires du PIA 1 complétés par deux programmes du PIA 2, la moitié des financements examinés par la Mission d’évaluation et de contrôle sont mis en œuvre par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), établissement public industriel et commercial de l’État disposant d’une expertise thématique approfondie des différents domaines de la transition écologique.

a. Les objectifs des actions opérées par l’ADEME

Ces financements répondent à différents enjeux.

Un volet central concerne la problématique du passage de la recherche et développement à la commercialisation qui nécessite des démonstrateurs industriels, difficiles à financer sans un appui public. Un démonstrateur met en œuvre une technologie à une échelle proche du développement industriel : il s’agit de concrétiser et de valider en « grandeur nature » des innovations technologiques récentes et de maîtriser l’intégration de techniques complexes. Ceci permet de démontrer l’intérêt de la technologie aux clients ou aux futurs utilisateurs.

Mais la détermination de la bonne échelle d’un démonstrateur n’est pas évidente, et pose la question du périmètre du financement public, qui peut aller du financement d’un démonstrateur à l’échelle un ou un demi au financement de plusieurs unités de taille commerciale, comme les « fermes pilotes » dans le domaine des énergies renouvelables marines.

Pour des filières industrielles plus mûres, il s’agit plutôt de co-financer des « briques technologiques » : des éléments de la chaîne de valeur qui appellent des progrès ou un développement industriel qui n’existe pas en France.

Convention du 15 décembre 2014 entre l’État et l’ADEME relative au programme d’investissements d’avenir (action : « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique »)

Les démonstrateurs dans le domaine de la transition énergétique doivent permettre de démontrer, en conditions réelles d’utilisation, les technologies permettant d’économiser de l’énergie ou des ressources naturelles et de réduire les émissions de CO2 à pouvoir énergétique équivalent et leur usage.

L’objectif est de permettre que ces technologies puissent aboutir sur des produits commercialisables offrant des prix de l’énergie approchant celle des solutions carbonées (…) Le calendrier d’atteinte de cet objectif permet de créer, au sein de l’action, un ensemble de technologies de maturités différentes.

L’enjeu est aussi de faire émerger des modèles d’affaires permettant de valoriser économiquement entre différents acteurs des matières premières secondaires, des technologies de dépollution ou de traitement (eau, déchets, effluents, substitution de produits dangereux…), la prise en compte des enjeux de santé dans le domaine environnemental et enfin des technologies préventives de préservation de la biodiversité. »

Par ailleurs, l’appréciation du caractère innovant d’un projet n’est pas univoque.

L’innovation doit aboutir à un produit ou un procédé qui sera commercialisé : elle doit donc être acceptable par les marchés. Et si le caractère innovant est manifeste dans des domaines comme les infrastructures de production d’énergie, où la transition écologique appelle des innovations de rupture, il est moins évident dans des domaines comme le bâtiment ou le recyclage pourtant essentiels pour répondre aux objectifs de transition écologique.

Auditionné par la Mission d’évaluation et de contrôle, M. Alain Grandjean, membre du comité stratégique de la Fondation Nicolas-Hulot a par exemple rappelé sa proposition, lorsqu’il était membre de la commission Juppé-Rocard, d’appuyer le développement des scieries « accueillie avec la plus grande perplexité, au motif que ce secteur était d’une trop grande simplicité technologique ».

Dans de nombreux domaines, c’est moins la densité du contenu technologique qui importe que la contribution, de façon plus large, à une politique industrielle, qui appuie les initiatives du secteur privé pour faire face à la compétition internationale et répondre à des objectifs de transition écologique.

Le financement du PIA vise, au final, à accompagner les projets qui permettent de démontrer aux marchés visés que les solutions développées sont viables et qu’elles pourront être financées par le secteur bancaire aux stades ultérieurs de développement.

b. Les modalités d’intervention

L’ADEME intervient principalement en sélectionnant des projets sur appels à projets et par des financements sous la forme :

– de subventions ou d’avances remboursables, pour les technologies ou secteurs d’activité dont la maturité ou l’organisation sont insuffisantes ou pour lesquels des verrous technologiques doivent être levés ;

– d’interventions en capital, pour permettre le déploiement industriel des technologies ayant déjà fait l’objet de subventions importantes de soutiens à la recherche.

Les actions de l’ADEME couvrent 20 thématiques de la transition écologique financées par les différents programmes des PIA 1 et 2 :

– dix thématiques relèvent du programme « Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte » issu du PIA 1 afin de promouvoir le développement de nouvelles solutions de production d’énergies renouvelables (énergies solaires, énergie éolienne, énergies marines et géothermie), développer les bioressources et traiter les principaux enjeux énergétiques : bâtiments, stockage de l’énergie, vecteur hydrogène, procédés industriels et captage, stockage et valorisation du CO2.

– un programme est dédié aux Réseaux électriques intelligents couramment dénommés « smart grids ». Ils visent à résoudre les difficultés que soulève l’intégration des énergies renouvelables dont la production est intermittente (éolien, solaire…) dans des réseaux électriques qui nécessitent une disponibilité constante. Ils permettent également de développer des produits et services intelligents permettant la maîtrise des consommations d’électricité.

– les deux thématiques financées par le programme Économie circulaire concernent d’une part, les déchets, des modalités de collecte jusqu’au recyclage ou la valorisation, incluant les enjeux de « l’écologie industrielle », et d’autre part, la dépollution des sites, des sols et des sédiments.

Ces trois domaines ont bénéficié, dans le PIA 2 de financements supplémentaires issus du programme Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique, qui couvre l’ensemble des actions.

– sept thématiques sont couvertes par le programme Véhicule du futur du PIA 1, doublé d’un second programme identique dans le PIA 2. Ils visent à accélérer l’innovation et l’industrialisation de technologies qui réduisent l’impact des déplacements terrestres et maritimes sur l’environnement et le climat.

Ce domaine recouvre les véhicules électriques et leurs infrastructures de recharge, la motorisation hybride et thermique, l’allégement des véhicules, la mobilité et la logistique, les transports ferroviaires et les navires du futur. Les actions financées par le programme Véhicule du futur visent également à renforcer la compétitivité de l’industrie des transports. La priorité est donnée aux projets qui débouchent sur l’industrialisation de produits ou services à fort potentiel de développement économique.

Le PIA vise ainsi à soutenir l’émergence d’une offre par l’industrialisation en France de solutions techniques innovantes tout en contribuant à atteindre les objectifs de la transition écologique en termes de développement d’énergies renouvelables, d’économies d’énergie ou de recyclage.

Comme le relève le bilan évaluatif du programme Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique établi par le Commissariat général à l’investissement « si dans le premier programme des investissements d’avenir, ces deux objectifs étaient mis en équivalence, dans le second programme des investissements d’avenir, l’enjeu de soutien à l’industrialisation des solutions innovantes a été mis en premier ».

3. Accélérer le verdissement des processus industriels

Des dotations importantes des deux PIA financent la transition écologique par le biais d’actions destinées à soutenir plus largement différents secteurs industriels.

a. Le financement du volet environnemental de la politique industrielle

730 millions d’euros sont destinés à l’action Projets industriels d’avenir (PIAVE) géré par Bpifrance, dont 305 sous forme de subventions et avances remboursables, et 425 en fonds propres destinés à des prises de participation.

L’action vise à financer des projets industriels qui s’articulent avec les programmes définis dans le cadre de la politique industrielle : initialement les « 34 plans de la nouvelle France industrielle » dont onze relèvent de la transition écologique, devenus les « 9 solutions industrielles françaises » dont les quatre premières concernent la transition écologique. Ces projets peuvent également s’inscrire dans les objectifs de l’un des comités stratégiques de filière. En tout état de cause ils doivent être porteurs de fortes perspectives d’activité et d’emploi.

Son financement provient de l’ajout à un programme 405 Projets industriels, doté par le PIA 2 de 330 millions d’euros, du programme 404 Projets industriels pour la transition écologique et énergétique, relevant de la mission Écologie et doté de 400 millions d’euros.

La gestion du programme 404 du PIA 2 devait initialement être confiée à l’ADEME pour cibler les projets industriels les plus structurants pour des filières impliquées dans la transition énergétique et écologique : mobilité, production et gestion de l’énergie, chimie, matériaux, bâtiment durable…

La convention du 27 novembre 2014 a fusionné les crédits issus des deux programmes 405 et 404 dans une seule action PIAVE, confiée à Bpifrance. Cependant, seuls peuvent être comptabilisés dans le cadre du programme 404 les financements de projets présentant les effets positifs les plus importants du point de vue écologique ou énergétique.

Dans son ensemble, l’action PIAVE a bénéficié de redéploiements de crédits conséquents puisque l’enveloppe totale dépasse, fin 2015, le milliard d’euros. 700 millions d’euros sont rassemblés, à cette date, dans un Fonds SPI, sociétés de projets industriels, géré également par Bpifrance, destinés à des prises de participation importantes pour financer la première industrialisation de procédés innovants, à mi-chemin entre le capital-risque et le capital-développement qui n’entrent pas forcément dans la transition énergétique.

En réponse aux questions de la Mission d’évaluation et de contrôle, le CGI a indiqué que les montants de financements consacrés directement aux activités des industries de l’économie verte ne devraient pas dépasser, sur la durée de l’action PIAVE, les 400 millions de l’enveloppe initiale du programme 404.

Enfin, les jeunes entreprises des écotechnologies peuvent être destinataires de financement provenant de fonds d’investissements. Ces fonds privés sont animés par des équipes de gestion professionnelles investissant en phases d’amorçage et de démarrage. Le PIA 1 comporte, sur le programme 332 Croissance des PME, une action Fonds national d’amorçage, opérée aujourd’hui par la Bpifrance sur le fondement d’une convention du 14 juillet 2010 entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations.

Cette action a permis de constituer, sous la forme d’un fonds commun de placement à risques (FCPR), un « fonds de fonds » : il n’investit pas directement dans les entreprises mais sélectionne et finance des fonds d’investissements qui interviennent dans le capital des petites et moyennes entreprises innovantes.

L’action était dotée initialement de 400 millions d’euros, montant porté à 600 millions d’euros en 2012, par redéploiement depuis le programme 323 Développement de l’économie numérique. Il a été indiqué à la Mission que les écotechnologies bénéficient de 15 % des financements issus du Fonds national d’amorçage. La part finançant des investissements dans la transition écologique pourrait donc atteindre 90 millions d’euros.

b. Une mesure de « guichet » : les « prêts verts »

Le dispositif des « prêts verts », issu des conclusions des états-généraux de l’Industrie de 2010, a fait l’objet de deux actions distinctes et successives des PIA 1 et 2.

FINANCEMENTS DES PIA 1 ET 2 AU TITRE DES « PRÊTS VERTS »

(en millions d’euros)

 

Dotations en loi de finances

Enveloppe après redéploiements

Montants décaissés

Nombre de prêts accordés

Montants de cofinancements

Prêts verts PIA 1

500

380

380

912

550

Prêts verts PIA 2

410

401

99

217

86

Total

910

781

489

1 129

636

Source : CGI, données au 1er trimestre 2016.

L’enveloppe des prêts verts du PIA 1 s’est finalement élevée à 380 millions d’euros, 120 ayant été redéployés en 2012 vers la recapitalisation d’OSEO. Ces montants ont été entièrement consommés. L’enveloppe de 410 millions d’euros de la seconde génération de prêts verts a été ramenée à 401 millions d’euros par décision du Premier ministre préalablement à la signature de la convention du 10 décembre 2014 qui en confie la gestion à Bpifrance.

Il s’agit de prêts bonifiés accordés à des entreprises afin de financer une amélioration de la compétitivité dans un sens favorable à l’environnement : réduction des consommations (intrants et énergie), réduction des émissions (gaz à effet de serre, pollution, déchets), optimisation des ressources et des processus de production, valorisation des déchets, service de diagnostic de la performance énergétique et écologique de l’entreprise…

Les investissements corporels doivent représenter 60 % des montants empruntés, mais le financement couvre aussi la part immatérielle, tels les diagnostics. Le prêt s’adresse à toutes les entreprises et non pas seulement à celles des secteurs de la transition écologique. Les programmes d’exploitation de fermes éoliennes on-shore ou les installations photovoltaïques sont exclus du périmètre des bénéficiaires.

Il s’agit de prêt d’une durée de sept ans, avec un différé de remboursement qui peut atteindre deux ans. Une enveloppe de bonification permet de diminuer les taux, abaissés de 200 points de base. Leur montant est compris entre 100 000 et 3 millions d’euros. Les projections montrent que le nombre d’entreprises bénéficiaires pourrait dépasser 1 700 sur la durée des deux PIA, 125 millions d’euros de subventions, 50 d’avances remboursables et 225 de prises de participation.

Le dispositif se distingue donc fortement des actions du PIA attribuant, après appels à projets, des financements à des innovations risquées pour lesquelles le défaut de marché ne fait pas de doute.

La « plus-value » fournie par le PIA consiste dans l’absence de garantie sur l’entreprise lors du financement.

Ceci permet de prendre en compte les coûts importants qui proviennent de l’aspect immatériel, comme la valorisation de la propriété intellectuelle, la formation des équipes ou des coûts supplémentaires de recrutements. Or ces coûts ne sont pas retenus par les prêts bancaires assortis de garanties sur les immobilisations. Et ces coûts peuvent croître à mesure que progresse l’intérêt de l’opération dans la perspective de la transition écologique : parce l’opération de remplacement est complexe et nécessite du « sur mesure » ou qu’elle permet d’accroître la sobriété du processus de production de façon supérieure à la moyenne.

Les prêts verts visent donc à financer les opérations de verdissement de l’appareil de production auxquelles les offres bancaires classiques apporteraient des réponses dont l’impact serait bien moindre.

4. Appuyer les initiatives visant les villes et le logement durables

La dimension urbaine de la transition écologique occupait une part significative dans les propositions de la commission Juppé - Rocard : 2,5 milliards d’euros destinés aux investissements permettant de « favoriser le développement des villes durables ». Cet effort devait être ciblé sur une dizaine de « programmes urbains intégrés ».

a. Les actions mises en œuvre par la Caisse des dépôts et consignations

Un projet urbain peut être qualifié d’intégré s’il envisage simultanément les enjeux d’urbanisme, de bâti, de mobilité, de gestion des ressources, mais également la cohésion des villes et leur résilience en cas de crise : l’apport du PIA vise donc à financer le changement d’échelle des projets. Une dimension collaborative est alors nécessaire, mêlant acteurs publics, privés et universitaires.

L’intervention du PIA peut conduire à financer non seulement des technologies nouvelles mais aussi des manières de concevoir et de réaliser des projets urbains, qui s’appuient le plus souvent sur des technologies aisément disponibles mais appelant de nouveaux procédés. En cofinançant des projets conduits en premier lieu par des collectivités territoriales, le PIA vise donc à transformer des pratiques de conduite de projets urbains, de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre.

Afin d’accélérer le volet urbain de la transition écologique, le PIA peut légitimement être mobilisé pour cofinancer des initiatives exemplaires, démontrant la faisabilité de projets innovants et permettant d’envisager leur réplication par d’autres collectivités. Des gains peuvent en résulter pour les filières d’éco-construction ou les nouveaux services urbains innovants. Ce domaine peut fait naître de vraies perspectives à l’export, où le marché de l’urbanisation durable est en forte croissance, en particulier dans les pays émergents. Le PIA peut donc mettre en lumière l’excellence des acteurs français des projets urbains.

La loi de finances rectificative pour 2010 a dédié un milliard d’euros de crédits à l’action Ville de demain, dont 600 millions de subventions et 400 millions de fonds propres destinés à des prises de participation. Ils visent à cofinancer des projets urbains portés par des acteurs publics et privés de métropoles ou de grandes agglomérations relevant de la démarche ÉcoCités.

Les montants de crédits consacrés à l’action sont donc 2,5 fois moins élevés qu’envisagés par la commission Juppé-Rocard, alors même que le périmètre en a été étendu : 19 ÉcoCités ont en effet été sélectionnées, 13 en 2009 préalablement au PIA, puis 6 en 2012, indiquées dans l’encadré ci-après.

13 agglomérations Écocités ont été retenues dans le cadre d’un appel à projets du « Plan ville durable » lancé par le Ministère de l’Écologie en 2008 : Bordeaux, Clermont-Ferrand, Grenoble, Marseille, Metz, Montpellier, Nantes-St-Nazaire, Nice, Pays Haut Val d’Alzette, Plaine Commune, Rennes, Strasbourg-Kehl, Territoire de la Côte Ouest (la Réunion).

6 bénéficiaires supplémentaires ont été désignés en réunion interministérielle le 8 juillet 2011, parmi des collectivités de plus de 450 000 habitants et des sites franciliens liés au Grand Paris : Champs sur Marne-Noisy le Grand : EcoCité la cité Descartes élargie/ Choisy le Roi et Vitry sur Seine : Ecocités des Grandes Ardoines/ Lille : EcoCité Lille métropole/ Lyon : EcoCité du Grand Lyon/ Rouen : La CREA EcoCité 2030/ Toulouse : EcoCité du Grand Toulouse.

En outre, la convention du 28 septembre 2010 entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations a défini un déroulement de l’action en deux volets, permettant d’élargir encore le champ d’intervention : au premier volet, réservé aux ÉcoCités désignées par l’État, devait s’ajouter un second volet dans lequel la sélection des projets serait ouverte à des grandes agglomérations présentant, dans un horizon maximal de vingt à vingt-cinq ans des perspectives fortes d’évolution démographique ou « de renouvellement de la ville sur elle-même, mesurées par un taux élevé de logements reconstruits ou lourdement réhabilités ». Ce second volet a été mis en œuvre à compter de 2015 et ouvert finalement à l’ensemble des grandes agglomérations ainsi qu’aux futures métropoles par anticipation de l’échéance de 2016. Les bénéficiaires annoncés début 2016 relèvent de 31 territoires, dont 13 franciliens.

Le comité d’examen à mi-parcours du PIA établi par France stratégie a considéré que l’élargissement du périmètre d’intervention expose les projets financés par l’action Ville de demain au risque de dispersion des moyens.

Depuis 2010, 288 projets ont été sélectionnés, et 11 abandonnés. Le champ d’action est étendu puisqu’il permet de financer la plupart des composantes de la ville, telles le bâti, les réseaux, l’énergie, la mobilité, la conception urbaine et l’environnement, mais sous la réserve que les interventions s’inscrivent dans des logiques intégrées. L’action peut également financer des objets en eux-mêmes exceptionnels par leur degré d’innovation ou de performance, tels des immeubles à énergie positive, en acceptant une prise de risque importante.

Les collectivités territoriales et leurs opérateurs locaux bénéficient logiquement de l’essentiel des crédits, près de 87 % des crédits engagés fin 2015, comme le montre le tableau suivant.

RÉPARTITION DES ENGAGEMENTS DE L’ACTION VILLE DE DEMAIN

Catégories de bénéficiaires

Montants

Part dans l’ensemble

Intervenants privés (bailleurs, promoteurs)

58,2

11,8 %

Autres privés (bureaux d’études, ingénierie)

6,7

1,4 %

Intervenants publics (EPA, SEM)

96,3

19,6 %

Collectivités territoriales

330,7

67,2 %

TOTAL

492

100 %

Source : Caisse des dépôts, montants en millions d’euros.

Le PIA 2 comportait en outre une action Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique, également confiée à la Caisse des dépôts, dont un premier volet de 35 millions d’euros de subventions était destiné à des collectivités territoriales de taille moyenne, plus petites que la majorité des agglomérations destinataires des financements de l’action Ville demain mais de taille néanmoins suffisante pour porter des projets d’aménagement accueillant des innovations structurantes.

Ces collectivités lauréates d’un appel à projets interministériel destiné aux « Territoires à énergie positive pour la croissance verte » (TEPCV) bénéficieront en définitive de financements distincts du PIA. Les crédits de ce premier volet ont donc été redéployés vers d’autres actions du PIA (cf. infra).

De cette action il demeure un second volet, une enveloppe de 40 millions d’euros, dédiée à des prêts aux petites et moyennes entreprises intervenant, dans les secteurs des techniques et services urbains durables, dans le ressort de ces mêmes Territoires à énergie positive pour la croissance verte.

b. L’action Ville durable et solidaire opérée par l’ANRU

Le premier axe « Viser la très haute performance et l’innovation environnementale pour le renouvellement urbain » de l’action Ville durable et solidaire opérée par l’ANRU décline cette même démarche environnementale mais dans le financement de projet pour une vingtaine de quartiers d’intérêt national du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Il s’agit des quartiers de la politique de la Ville qui cumulent le plus de facteurs de difficulté.

Une enveloppe de 71 millions d’euros de subventions a été définie par la convention du 14 janvier 2015 entre l’État et l’ANRU relative au programme d’investissements d’avenir. Les subventions, distinctes de celles classiquement accordées par l’agence, doivent viser un petit nombre de projets de renouvellement urbain.

Ces projets doivent démontrer la faisabilité, dans les quartiers de la politique de la ville, de procédés innovants aboutissant à l’excellence écologique et énergétique. Ils doivent ainsi contribuer à fixer de nouveaux standards puis diffuser les bonnes pratiques. Dans la logique du PIA, une approche intégrée mobilisant tous les leviers d’innovations de la ville durable est exigée.

Ces subventions sont accordées soit pour majorer les aides classiques de l’ANRU et couvrir ainsi le surcoût lié à l’innovation soit pour des dépenses non prises en charge dans le cadre des autres programmes de l’agence, tels des démarches de formalisation, de mise en œuvre et de mise en réseau.

En outre, la mise en œuvre d’actions innovantes en matière de transition écologique doit conforter deux lignes directrices adaptées aux enjeux des quartiers prioritaires de la politique de la Ville : d’une part, augmenter le reste à vivre des habitants, en diminuant des dépenses contraintes en particulier de chauffage ou liées aux mobilités, d’autre part renforcer l’attractivité des quartiers en renouvellement urbain.

Trois thèmes prioritaires ont été ciblés :

– la performance des bâtiments : techniques innovantes pour la restructuration lourde des bâtiments existants (enjeux patrimoniaux ou de désamiantage), la modularité (adaptation, déconstruction), bâtiments neufs démonstrateurs à haute qualité environnementale (efficacité énergétique, qualité de l’air intérieur…) ;

– l’approche énergétique et environnementale à l’échelle du quartier pour optimiser les consommations et économiser l’énergie : développement des énergies renouvelables et réseaux de chaleur, déploiement de réseaux intelligents, optimisation des cycles de traitement des eaux et déchets, qualité de l’air extérieur, intégration, dans la mesure du possible, au sein des quartiers, des équipements requis pour son bon fonctionnement tels les centres de données ;

– la mobilité : développement d’une offre de mobilité alternative à la voiture à combustible fossile, développement de l’inter-modalité, développement d’une information voyageur adaptée aux habitants des quartiers, accompagnement des usages.

Le comité d’examen à mi-parcours du PIA établi par France stratégie s’est interrogé sur la valeur ajoutée du financement par le PIA d’une action dont les montants peuvent en effet « paraître dérisoires face aux 5 milliards d’euros qui sont sur la période 2014-2024 engagés par ailleurs dans le cadre de la politique de la ville, en faveur de 200 quartiers déclarés d’intérêt national ». Le comité a également pointé des redondances avec certains programmes européens comme JESSICA, l’alliance européenne d’appui aux investissements durables en zone urbaine.

Auditionné par la Mission d’évaluation et de contrôle, M. Nicolas Grivel, directeur général de l’ANRU, a fait valoir les « vraies vertus » du financement par le PIA qui permet de financer des projets de transformation innovants qui exerceront des effets sur les interventions de l’agence de façon plus large. Les crédits du PIA sont donc destinés à exercer un effet de levier contribuant à transformer l’ensemble des programmes du NPRU.

c. La rénovation thermique des logements privés

La commission Juppé – Rocard envisageait en 2009 un investissement de 2 milliards d’euros pour engager, en cinq ans, la rénovation thermique de l’habitat social opéré par la Caisse des dépôts. Le PIA 1 a effectué un choix différent consistant à contribuer au financement et à la structuration du programme Habiter mieux géré par l’ANAH qui cible les propriétaires de logements privés.

Ce choix se fonde sur le constat établi par la dernière enquête nationale logement établie par l’INSEE en 2006, de 3,8 millions de ménages consacrant plus de 10 % de leurs ressources aux dépenses d’énergie. L’ANAH a indiqué à la Mission d’évaluation et de contrôle que, parmi ces ménages, 84 % sont aujourd’hui logés dans le parc privé et 63 % sont propriétaires de leur logement. 54 % résident en milieu rural ou dans des agglomérations de moins de 20 000 habitants.

Ces propriétaires ne tirent pas profit des dispositions fiscales et financières censées les inciter à investir dans la rénovation thermique de leurs logements, telles le crédit d’impôt développement durable et l’éco-prêt à taux zéro. Le programme Habiter mieux cible donc la rénovation thermique de logements énergivores dont les propriétaires ont des revenus modestes et très modestes avec une cible économie d’énergie moyenne de 25 %.

Au lancement du programme en 2011, le Gouvernement a fixé un objectif de rénovation thermique de 300 000 logements en sept ans, jusqu’à 2017.

L’article 3 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a accentué cette orientation. Il prévoit que « la France se fixe comme objectif de rénover énergétiquement 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes, visant ainsi une baisse de 15 % de la précarité énergétique d’ici 2020. »

Les crédits du fonds sont engagés sur deux types d’aide :

– une aide de solidarité écologique qui cofinance les travaux d’économie d’énergie afin d’augmenter la capacité d’investissement des ménages propriétaires les plus modestes ;

– une aide à l’ingénierie sociale, financière et technique, destinée à des bureaux d’étude ou des acteurs associatifs, recrutés sur appel d’offre des collectivités, pour définir les travaux de qualité et l’accompagnement social et technique des publics ciblés.

La mise en œuvre des aides sur un territoire donné repose sur un contrat local d’engagement (CLE) contre la précarité énergétique. Négocié par le préfet, il rassemble, autour de l’État et du Département, tous les partenaires locaux impliqués dans le repérage et l’aide aux propriétaires en situation de précarité énergétique au premier rang desquels les collectivités territoriales mais aussi les organismes sociaux, les fournisseurs d’énergie, les agences départementales d’information sur le logement et les filières professionnelles de l’artisanat.

C. LES EFFETS DU PIA SUR LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

La Mission d’évaluation et de contrôle propose de retenir le périmètre figurant dans le tableau ci-après qui indique, pour chacune des actions du PIA finançant la transition écologique, les montants attribués par le CGI aux enveloppes concernées, au deuxième trimestre 2016.

ESTIMATION DE LA PART DU PIA FINANÇANT LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

(en millions d’euros)

Actions du PIA finançant la transition écologique

Opérateur

Enveloppes au deuxième trimestre 2016

Démonstrateurs des énergies renouvelables et décarbonées

ADEME

867

Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique

ADEME

650

Économie circulaire

ADEME

144

Fonds écotechnologie

ADEME/ BPI

150

Véhicule du futur PIA 1

ADEME

810

Véhicule du futur PIA 2

ADEME

200

Systèmes électriques intelligents PIA 1

ADEME

149

Instituts pour la transition énergétique (ITE)

ANR

889

Total ADEME + ITE

3 859

Prêts verts PIA 1

BPI

380

Prêts verts PIA 2

BPI

401

PIAVE (estimation)

BPI

400

Fonds national d’amorçage (estimation)

CDC

90

Total financements industriels hors ADEME

1 271

Ville durable et solidaire – Axe 1

ANRU

71

Ville de demain

CDC

668

Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique

CDC

40

Total urbanisme

779

Rénovation thermique des logements

ANAH

687

Rénovation thermique des logements -prime exceptionnelle

ASP

41

Total rénovation thermique logements privés

728

Projets de recherche amont (estimation)

ANR

471

TOTAL retenu par la Mission

7 108

Ensemble des crédits du PIA

46 966

Part de la transition écologique

15,1 %

Sur ce périmètre, les crédits du PIA finançant effectivement la transition écologique s’élèvent à 7,1 milliards d’euros soit 15,1 % de l’ensemble.

54,3 % financent la démonstration industrielle des innovations au travers de l’ADEME et de la valorisation de la recherche par les ITE. Près de 18 % des crédits relèvent de dispositifs destinés à l’industrie dans lesquels l’ADEME n’intervient pas directement, mais cette part est susceptible de croître en fonction de la part des crédits du programme PIAVE qui financeront effectivement la transition écologique, le montant retenu ne constituant, à ce stade, qu’un plancher. Enfin, l’urbanisme représente 11 % de l’ensemble et 10,2 % des crédits financent la rénovation thermique des logements privés.

1. Des effets variables de substitution ou de débudgétisation

La contribution du PIA à la transition écologique est atténuée lorsqu’une part de ses crédits est dépourvue de l’« effet additionnel par rapport aux financements budgétaires habituels » préconisé par la commission Juppé-Rocard.

Il peut s’agir d’un effet de substitution : des crédits du PIA financent l’innovation dans le domaine de la transition écologique mais évincent des crédits budgétaires préexistants, qui avaient le même objet et qui ont été annulés lors du lancement du PIA. Ces crédits contribuent bien à la transition écologique, mais l’effet aurait sans doute été le même en l’absence de PIA qui a seulement remplacé des crédits budgétaires classiques.

Il peut également s’agir d’un effet de débudgétisation : le PIA est utilisé pour financer des actions entrant bien dans le champ de la transition écologique mais sans caractère innovant et ne nécessitant pas le pilotage spécifique du PIA. Dans ce cas, le recours aux crédits du PIA peut être abusif si la débudgétisation diminue, dans l’enveloppe consacrée à la transition écologique, la part des financements allant à l’innovation.

a. Une partie du PIA se substitue à des financements préexistants de l’ADEME

L’action Démonstrateurs des énergies renouvelables et décarbonées opérée par l’ADEME a été caractérisée par la Cour des comptes comme un exemple de substitution « évidente » (4) du PIA à des crédits budgétaires préexistants.

Cette action a en effet pris la suite d’un fonds « Démonstrateurs de Recherche » créé en 2008, en application des décisions du Grenelle de l’environnement. Les documents budgétaires joints aux projets de loi de finances pour 2009 et 2010 indiquent que ce fonds devait être doté de 375 millions d’euros sur la période 2009-2012 et couvrir les domaines suivants : le captage et le stockage de CO2, l’énergie solaire, les biocarburants de deuxième génération, le stockage et la gestion de l’énergie, les véhicules hybrides et électriques, les énergies marines et les bâtiments à énergie positive.

Ce champ d’intervention très large, correspond, dans le premier PIA à des appels à projets issus tant de l’action Démonstrateurs des énergies renouvelables que de l’action Véhicules du futur, voire de l’action Ville de demain relevant de la Caisse des dépôts, pour un total de crédits du PIA dépassant 2,5 milliards d’euros. La différence d’échelle est donc manifeste.

En outre, l’ADEME ne s’était vu attribuer pour le fonds « Démonstrateurs de Recherche » que 95 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 63 millions de crédits de paiement par la loi de finances initiale pour 2009, puis 41 millions d’euros de crédits de paiements supplémentaires par la loi de finances initiale pour 2010, montants qu’elle a dû compléter par des redéploiements de crédits d’intervention de ses propres programmes à hauteur de 15 millions d’euros par an. Au total, l’ADEME a engagé 179 millions d’euros sur le fonds « Démonstrateurs de Recherche ».

Le premier PIA s’est donc substitué au solde potentiel de ce fonds, mais il paraît difficile d’affirmer que l’ADEME aurait disposé des crédits en tout état de cause, tant au regard du principe d’annualité budgétaire que du fait que, antérieurement à la mise en œuvre du PIA, les dotations budgétaires ne suffisaient pas à couvrir tous les besoins du fonds. L’effet de substitution paraît au final limité et le PIA a apporté des montants de financements bien plus élevés, et dans un cadre pluriannuel plus sécurisé.

La Cour des comptes considère en outre que le premier PIA a été utilisé pour « poursuivre ou intensifier le financement d’actions qui ne sont pas originales par rapport à des actions du même type précédemment financées (par l’ADEME) par des crédits budgétaires ». Il paraît cependant logique que certains des thèmes issus du Grenelle de l’environnement se retrouvent dans les priorités retenues par le PIA deux ans plus tard.

En outre, il existe une différence importante entre les deux dispositifs : le fonds « Démonstrateurs de recherche » n’intervenait que par des subventions alors que le PIA prévoit un retour financier pour l’État dans la grande majorité des projets de l’ADEME, ce qui incité cette dernière à mieux identifier des marchés sur lesquels asseoir les avances remboursables.

b. La diminution de dépenses effectuées en propre par l’ADEME

La Mission d’évaluation et de contrôle relève cependant que la mise en œuvre du PIA est concomitante à une diminution importante des financements consacrés par l’ADEME à des projets de recherche et développement, hors PIA. Les montants annuels sont passés de près de 70 à 32,5 millions d’euros entre 2010 et 2016, comme le montre le tableau ci-après.

ÉVOLUTION DES FINANCEMENTS DE PROJETS DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT DE L’ADEME HORS INVESTISSEMENTS D’AVENIR

(en millions d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Crédits budgétaires

55,4

42,7

34,1

31,2

35,8

30,9

30

Contribution de l’ANR

11,6

11

         

Ressources externes

2,9

2,9

2,7

2,4

2,6

2,9

2,5

Total, hors investissements d’avenir

69,9

56,6

36,8

33,6

38,4

33,8

32,5

Cumul

126,5

163,3

196,9

235,3

269,1

301,6

Source : réponse de l’ADEME aux questions de la Mission d’évaluation et de contrôle.

Cet écart provient de la diminution de la dotation budgétaire, passée de 55,4 à 30 millions d’euros entre 2010 et 2016, ainsi qu’à l’absence de cofinancement de l’ANR depuis 2012.

Le total des financements réalisés par l’ADEME hors PIA pour des actions de recherche et développement dans le domaine de la transition écologique s’élève ainsi 301,6 millions d’euros de 2010 à 2016. Sur sept exercices budgétaires, l’écart entre la tendance baissière de ce budget et un scénario de maintien du niveau de dépenses constaté en 2010 représente 187 millions d’euros de financements. 68 % de cet écart potentiel est dû à la diminution constante des crédits budgétaires, pour 127 millions d’euros.

On peut donc en conclure que les financements du PIA dans le domaine de la transition écologique se sont substitués à des dépenses de R&D réalisées en propre par l’ADEME et initialement financées sur le budget de l’État pour des montants proches de cet ordre de grandeur.

c. La débudgétisation du financement de transports collectifs en site propre

Un appel à projets « Transports urbains » a été initié en mai 2010 par le ministère en charge des transports, en dehors du PIA, pour l’équipement en transports collectifs en site propre (TCSP). 590 millions d’euros issus de crédits budgétaires ont été attribués à 78 projets de transports. Ces subventions ont été versées par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) principalement pour des métros, tramways et bus à haut niveau de service (BHNS). Les projets ont été subventionnés en moyenne pour 17 % de la dépense éligible qui s’élevait à 7,5 milliards d’euros d’investissements.

Or 12 projets issus de cet appel à projets ont par ailleurs été financés, non par l’AFITF, mais par la Caisse des dépôts, sur des crédits de l’action du PIA Ville de demain, pour 198,6 millions d’euros. Cette action comporte en effet un axe « mobilité » autorisant le soutien de projets de TCSP, sous réserve qu’ils satisfassent des critères d’innovation et d’articulation avec une ÉcoCité.

Les 12 projets retenus bénéficient d’un taux de subvention rapporté à la dépense éligible de 22 %, supérieur de 5 points à celui des projets financés par le budget général. Y figurent les deux opérations les plus coûteuses : la ligne B du métro de Rennes (1,2 milliard d’euros) et de la ligne 2 du tramway de Nice (650 millions d’euros). Les autres projets sont des extensions ou des augmentations de capacité de lignes de tramway ou de bus à haut niveau de service.

La Cour des comptes a relevé que cet appel à projet « ne contenait pas de contrainte particulière d’innovation ni d’exemplarité ». À la demande de la Mission d’évaluation et de contrôle, le CGI a communiqué des exemples de ces « innovations en matière de planification des transports ou d’utilisation de technologies de pointe » qui ont permis de valider le financement de ces lignes de transports par le PIA. Ils sont récapitulés dans l’encadré ci-après.

– la seconde ligne de métro de Rennes est en conduite automatique ;

– la seconde ligne de tramway de Nice est réalisée en souterrain en centre-ville afin d’en améliorer la vitesse commerciale ;

– les terminus de tramway partiels à Bordeaux permettent d’accroître l’offre au fur et à mesure que l’on se rapproche du centre-ville ;

– les lignes Chronobus à Nantes, intermédiaires entre une ligne de BHNS en site propre intégral et une ligne classique, permettent de rendre attractif les bus en en limitant les coûts ;

– le tram-train du Médoc répond à la demande de transport collectif en périurbain ;

– la Métropole de Bordeaux construira 50 000 logements le long de ses lignes de TCSP.

Il apparaît bien que ce volet de l’action Ville de demain relève d’une logique budgétaire et ne correspond pas à la stratégie du PIA. La part de cet appel à projet est pourtant prépondérante dans la première tranche de l’action Ville de demain : 198,6 millions d’euros engagés sur un total de 332, près de 60 % des crédits attribués. Si la première tranche de l’action fait globalement état d’un taux d’engagement de 73 %, ce taux est ramené à 29 % en ne tenant pas compte des crédits consacrés aux transports en commun en site propre.

2. Des choix de financement par le PIA à clarifier

Le PIA intervient également dans des domaines de la transition écologique qui paraissent pourtant appeler principalement des financements budgétaire. Le grief de débudgétisation ne peut cependant pas être avancé de façon catégorique.

a. Le PIA doit-il financer la rénovation thermique des logements privés ?

L’action Rénovation thermique des logements privés se distingue à plusieurs égards des autres actions du PIA. Destinée à des dizaines de milliers de bénéficiaires, elle ne vise pas à détecter et financer l’excellence ou l’innovation. Il s’agit d’un simple transfert financier vers un Fonds d’aide à la rénovation thermique (FART) qui cofinance à hauteur de 20 % un dispositif financé par ailleurs par son opérateur, l’ANAH : le programme Habiter mieux.

Les financements du PIA complètent différents apports prévus par la maquette financière de l’action reproduite ci-après :

MAQUETTE FINANCIÈRE PRÉVISIONNELLE DE L’ACTION

Sources de financement

PIA

ANAH

Collectivités territoriales

État (crédit d’impôt)

Fournisseurs d’énergie

Particuliers

TOTAL

Montant prévisionnel

(en millions d’euros)

483

990

203

166

160

374

2 376

% de l’investissement total

20 %

42 %

8 %

7 %

7 %

16 %

100 %

Source : avenant n° 3 du 3 juillet 2015 à la convention du 14 juillet 2010 entre l’État et l’ANAH.

La logique de transferts budgétaires est donc apparente : accroître la part de l’action financée par l’ANAH sur des ressources budgétaires permettrait de diminuer le recours aux crédits du PIA et de consacrer ces montants à des actions visant plus directement l’innovation.

Mais l’adoption du premier PIA identifie clairement la lutte contre la précarité énergétique des logements privés comme une priorité. Elle complète l’approche proposée par la commission Juppé-Rocard de consacrer 2 milliards d’euros pour « accélérer la rénovation thermique des logements sociaux » (action 13 parmi les propositions du rapport de 2009).

Moins que la débudgétisation d’un poste de dépense préexistant, l’inscription dans le PIA traduit un choix stratégique et vise à structurer une nouvelle politique publique,

Les Rapporteures partagent la conviction qu’un niveau élevé d’intervention publique est nécessaire pour susciter, chez les propriétaires occupants en situation de précarité énergétique, les décisions de travaux nécessaires. Les bénéfices sont importants tant aux plans économique et social pour les bénéficiaires que pour la transition écologique dans son ensemble.

Il est indéniable que l’affichage d’un soutien pluriannuel du PIA a permis au programme Habiter mieux de gagner en visibilité, et a facilité la mobilisation, sur la durée, des collectivités territoriales. Le PIA a donc conforté la dimension partenariale essentielle de cette politique publique.

Début novembre 2015, 128 467 projets ont été sélectionnés. L’enveloppe dédiée au FART atteignait à cette date 537 millions d’euros, engagée à hauteur de 472 millions d’euros dont 272 millions d’euros décaissés.

Au plan qualitatif, l’apport du PIA a permis au programme Habiter mieux de financer un accompagnement des ménages de qualité. Il a permis d’accroître l’ambition des travaux d’économie d’énergie, attestée par l’augmentation de leur coût moyen. La structuration locale apporte des garanties de meilleure efficience des travaux et elle renforce la professionnalisation des filières d’artisans. La filière bois est dynamisée par la demande provenant d’un marché pérenne de rénovations thermiques.

Une évaluation du programme figure dans l’encadré ci-après.

Les résultats d’une première évaluation du programme Habiter mieux

Financée par le CGI et établie par l’ANAH, une évaluation de l’action a été conduite en 2014, pour approfondir les indicateurs de suivi et évaluer sa mise en œuvre et son impact.

Des sondages téléphoniques, menés par la Credoc, auprès d’un échantillon de 1 206 bénéficiaires ont recueilli des données qualitatives pour mieux connaître le parcours de travaux des bénéficiaires. Des monographies ont été établies par le cabinet Fors décrivant la mise en œuvre, les partenariats et l’impact du programme dans le Val-d’Oise, les Vosges, le Finistère, la Vienne, l’Hérault, le Puy-de-Dôme, le Pas-de-Calais, et l’Isère.

Il en ressort qu’un ménage sur deux soutenu par le programme vit sous le seuil de pauvreté. Ces ménages habitent des logements énergivores et une majorité déclare avoir souffert du froid avant les travaux. Ils vivent majoritairement en milieu rural et sont plutôt âgés. Près de la moitié des dossiers représentent un gain énergétique de plus de 35 %, la moyenne sur l’échantillon étant de 38 %. Le principal bénéfice ressenti à la suite des travaux serait le gain financier pour 55 % des propriétaires et un meilleur chauffage en hiver pour 32 %. 83 % des ménages n’auraient pas réalisé les travaux sans le complément de financement et 40 % déclarent avoir contracté un prêt.

Les Rapporteures considèrent donc que le PIA a constitué un apport décisif au programme et qu’il a permis de faire la démonstration que les objectifs ambitieux du programme Habiter mieux pouvaient être atteints. Si toutefois il était décidé de financer à l’avenir ce programme uniquement sur des crédits budgétaires, il serait indispensable que soient fournies toutes les garanties de pérennité des financements, a minima à son niveau actuel, et dans un cadre pluriannuel.

Le PIA pourrait également financer d’avantage l’innovation dans le domaine de la rénovation thermique des logements, en lien avec le champ plus large de la rénovation énergétique des bâtiments. Le bâti représente en effet 46 % de la consommation nationale d’énergie et 23 % des émissions de gaz à effet de serre.

Une part des crédits de l’action Ville de demain est au demeurant affectée à la rénovation énergétique des logements : sur la seconde tranche de l’action, 50,6 millions d’euros financent la rénovation de 7 100 logements, dans 11 Écocités.

En outre, l’ADEME finance dans le cadre du PIA les démonstrateurs d’industrialisation de solutions énergétiquement efficaces, notamment pour la rénovation des bâtiments, par un appel à projet sur les méthodes industrielles pour la rénovation et la construction de bâtiments sur la massification de la rénovation dont les rendus de projets sont échelonnés jusque fin 2016.

Au premier trimestre 2016, onze projets se sont vu attribuer un montant total de 30,1 millions d’euros.

Exemples de projets financés par le PIA en matière de démonstration industrielle de la rénovation énergétique des logements

Projet Repos : Développement d’une solution d’isolation thermique par l’extérieur selon la technologie de « bardage en terre cuite rapporté », pour les pavillons individuels et les petits ensembles résidentiels. Projet débuté en octobre 2015, pour un montant total de 2,4 millions d’euros dont 1 million de subventions et d’avances remboursables du PIA.

Projet IBIS : Développement à l’échelle industrielle d’une filière pérenne de mortiers composites isolants bio-sourcés, en garantissant leurs performances énergétiques et acoustiques. Le projet vise en particulier la rénovation thermique des maisons individuelles construites avant 1950. Projet débuté en juin 2013, pour un montant total de 4,4 millions d’euros dont 2 millions de subventions et d’avances remboursables du PIA.

Projet Isolation Thermique par l’Extérieur + BOIS : Simplification des opérations de rénovation thermique par l’extérieur par prise de cote laser et modélisation 3D afin de fiabiliser le recours aux enveloppes utilisant le bois. Projet débuté en janvier 2016 pour un montant total de 3,2 millions d’euros dont 1,6 million d’avances remboursables du PIA.

Un des axes des différents projets financés porte sur des solutions clé-en-main pour la rénovation par le biais d’une pré-industrialisation, levier de la massification de la rénovation. Il s’agit d’obtenir une baisse des coûts par la rationalisation des travaux et l’augmentation en volume (pré-kits, éléments prédécoupés, éléments pré-montés, etc.). Cet objectif figure également dans la feuille de route de la filière établie par les professionnels sous l’égide du Ministère de l’Économie dans le cadre de la stratégie Nouvelle France Industrielle, Rénovation Énergétique des Bâtiments.

Or la directrice générale de l’ANAH a présenté aux Rapporteures des propositions d’orientations nouvelles du programme Habiter mieux visant à accroître son effet de levier et qui seraient susceptibles de justifier de renouveler son financement partiel par le PIA.

L’ANAH pourrait engager de nouveaux efforts d’ingénierie de projets permettant de viabiliser de nouvelles méthodes de standardisation des interventions. De même des stratégies d’intervention conjointes sur plusieurs logements peuvent procurer des économies d’échelle en développant par exemple des modes de chauffage en commun ou le recours à des énergies renouvelables dans les quartiers pavillonnaires.

L’aide aux propriétaires modestes pourrait être significativement étendue dans les copropriétés, secteur où la rénovation énergétique de l’habitat est aujourd’hui balbutiante. Des modèles de tiers financement ou des mécanismes bancaires sont certes envisagés, mais les disparités de revenus entre copropriétaires hypothèquent les prises de décisions en assemblées générales. Une aide ciblée sur les ménages aux revenus modestes peut faciliter les prises de décision avec un effet de levier significatif.

En outre, contrairement au crédit d’impôt ou à l’éco-prêt à taux zéro, les aides de l’ANAH ne sont pas aujourd’hui conditionnées à la mention « reconnu garant de l’environnement » (RGE). Si le pilotage local fournit des garanties quant aux techniques utilisées, des progrès sont donc possibles. L’ANAH engage une réflexion en ce sens avec les organisations professionnelles du bâtiment.

Aussi, les Rapporteures invitent à identifier, dans le PIA 3 un programme dédié à l’accélération de l’innovation dans le domaine de la rénovation thermique des logements. Il pourrait inclure une action de cofinancement des nouvelles orientations du programme Habiter mieux ainsi que la démonstration industrielle de l’amélioration énergétique du bâti.

Proposition : Identifier dans le PIA 3 un programme dédié à l’innovation en matière de rénovation énergétique du bâti comportant :

– une action de financement spécifique des nouvelles orientations du programme Habiter mieux (effet de levier dans les copropriétés, interventions sur des regroupements d’habitation dans le cadre d’opérations dédiées à la transition énergétique, tels les modes de chauffage en commun ou recours à des énergies renouvelables dans les quartiers pavillonnaires) ;

– une action de financement de la démonstration industrielle en matière d’amélioration énergétique du bâti.

b. Les infrastructures des nouveaux marchés de la transition écologique

La question de la substitution budgétaire peut également être posée pour le financement du déploiement d’infrastructures de recharge sur la voirie par l’action Véhicule du futur dans le cadre d’un « dispositif d’aide au déploiement d’infrastructures de recharge pour les véhicules hybrides et électriques ». Les bénéficiaires sont des collectivités présentant un plan d’équipement. L’aide est versée exclusivement sous forme de subventions.

Depuis janvier 2013, le total des engagements a atteint 60,9 millions d’euros finançant 77 projets, contre une enveloppe de 50 millions d’euros envisagée initialement. 20 533 points de charge sont financés. À ce jour, 716 bornes sont utilisables par les usagers, représentant 1 333 points de charge, dont 84 % permettant une charge accélérée ou rapide.

Il ne s’agit donc pas d’un financement de l’innovation en tant que telle mais du déploiement d’infrastructures, en phase pré-commerciale, dans le but de rendre possible la diffusion de technologies de transport innovantes.

Un appel à projets de l’action Véhicule du futur concernant l’aide aux investissements pour des ferries propres paraît relever également de cette approche qualifiée par le CGI de « déploiement de solutions » ou de « développement de marchés sensibles ». Il finance l’installation sur les ferries de dispositifs de traitement de fumées aux performances supérieures aux normes en vigueur, pour 16 millions d’euros engagés fin 2015.

Si le maillage du territoire par des équipements sur la voie publique s’inscrit dans une logique classique d’infrastructures appelant des crédits budgétaires, il reste que le financement public de déploiements pré-commerciaux est indispensable à la transition écologique, par exemple en matière de carburants alternatifs. Les représentants de la société Air liquide ont ainsi proposé d’étendre ce déploiement à l’alimentation de véhicules en bio méthane ou en hydrogène.

Les Rapporteures appellent donc à une clarification des modalités du financement public du déploiement d’infrastructures amorçant les nouveaux marchés de la transition écologique. Elles considèrent qu’il devrait s’agir soit d’un financement spécifique, hors PIA, le cas échéant complété de crédits européens, soit d’une action du PIA identifiée en tant que telle, pour des montants de crédits approuvés par le Parlement, dans le cadre d’une stratégie formulée au préalable et permettant d’en évaluer les résultats.

Proposition : Clarifier les modalités de financement public du déploiement d’infrastructures amorçant les nouveaux marchés de la transition écologique sous la forme d’un financement soit sur crédits budgétaires soit par une action bien identifiée du PIA, permettant au Parlement d’en approuver au préalable la stratégie et le financement et d’en évaluer les résultats.

3. L’articulation du PIA aux financements européens

Le respect du critère d’additionnalité du PIA peut également être examiné au regard de financements européens destinés à la transition écologique. Une mauvaise articulation du PIA et des programmes de l’Union européenne peut représenter un risque de sous-utilisation par la France des financements auxquels elle peut prétendre et qui ont le même objet. Ce risque d’éviction de financements supplémentaires varie selon les thématiques mais doit être pleinement pris en compte dans la mise en œuvre du PIA.

a. Les risques d’éviction de financements européens

Le Programme-cadre pour la recherche et l’innovation – Horizon 2020 (H2020) est doté de 79 milliards d’euros pour la période 2014-2020, sous forme de subventions attribuées au terme d’appels à propositions. Sur les 14,1 milliards d’euros alloués à ce stade, 1 880 projets issus de France ont bénéficié de 1,5 milliard d’euros, soit 10,6 % de l’ensemble des financements.

Le tableau ci-après indique, pour quatre thématiques liées à la transition écologique, les montants de subventions obtenues par des projets français et leur part dans l’ensemble des financements alloués à ces thématiques.

FINANCEMENTS DU PROGRAMME H 2020 ATTRIBUÉS À DES PROJETS FRANÇAIS DANS LE DOMAINE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Thématiques du programme Horizon 2020

Subventions obtenues

(en millions d’euros)

Part de la France dans l’ensemble des financements H 2020 correspondants

Nombre de projets

FOOD, Sécurité alimentaire, agriculture et sylviculture durables, recherche marine, maritime et dans le domaine des voies navigables et bioéconomie

57,5

9,2 %

86

ENERGY, Énergies sûres, propres et efficaces

112,5

8,4 %

124

TPT, Transports intelligents, verts et intégrés

106,1

13,2 %

103

ENV, Action pour le climat, environnement, utilisation efficace des ressources et matières premières

50,7

7,7 %

77

TOTAL

326,8

9,54 %

390

Source : Calcul à partir de données issues de la base E-Corda, fournie par la Commission européenne au 26 février 2016. http://www.horizon2020.gouv.fr/cid91235/donnees-statistiques-horizon-2020.html

Sur ces quatre domaines couverts par ailleurs par le PIA, 326,8 millions d’euros de financements publics proviennent du programme H 2020, soit 21 % des financements alloués par ce programme à la France. Mais, sur le seul champ de la transition écologique, la part des financements obtenus par la France (9,54 %) est en retrait de plus de 1 point par rapport à la part de la France dans H 2020 toutes thématiques confondues.

La coordination de la réponse de la France au programme H 2020 relève d’un comité de programme piloté par le ministère de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche mais qui comporte des représentants du ministère chargé de l’écologie dans les formations compétentes sur les thématiques de la transition écologique. Chaque État membre doit établir un réseau des points de contact nationaux (PCN), chargés d’informer sur les financements proposés par H 2020 mais aussi d’orienter vers d’autres sources de financement susceptibles de mieux répondre aux besoins des porteurs de projets. La coordination des points de contact nationaux revient par exemple à l’ADEME sur les thématiques de l’énergie et de l’action pour le climat.

Il convient donc de s’assurer que le rôle d’opérateur du PIA n’affaiblit pas la détermination à orienter et accompagner les porteurs de projets vers des financements européens. Concernant l’ADEME, la convention du 15 décembre 2014 qui régit l’action Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique prévoit par exemple une obligation de « plus-value » du programme visant à ce qu’il « complète et amplifie l’action coordonnée de l’État en faveur du développement des technologies et filières industrielles concourant à la transition énergétique et écologique » notamment au regard des « actions européennes dans le cadre du programme H2020 ».

Mais aucune modalité de suivi de la mise en œuvre de cet objectif n’est définie, en particulier au stade du choix des thématiques des appels à projets ou des critères de sélection des projets. Or il serait utile de formaliser un suivi tendant à éviter des « doublons » entre tout ou partie d’un appel à projet issu du PIA et des appels à proposition financés par l’Union européenne.

Proposition : Préciser le positionnement de chaque appel à projets du PIA au regard des appels à propositions financés par l’Union européenne et couvrant des thématiques proches afin d’améliorer leur complémentarité et d’éviter que les financements du PIA ne se substituent à des financements européens.

La même convention fixe par ailleurs un objectif de « recherche de financements pour inscrire les démonstrateurs financés dans le cadre d’un marché européen et de partenariats structurants ». Mais cette mention est assortie d’une restriction selon laquelle « les mécanismes de co-intervention doivent être analysés en regard des avantages apportés aux projets d’une part, mais aux surcoûts liés à la complexité du système ainsi généré, d’autre part ».

En réponse aux questions adressées par la Mission d’évaluation et de contrôle, le CGI a indiqué que de manière générale, « les actions du PIA saturent les conditions maximales d’intervention publiques permises par la Commission européenne et ne laissent donc pas la place à des financements complémentaires européens ».

Les avantages procurés par un appui financier rapide à des projets innovants paraissent en effet justifier de préférer maximiser l’aide nationale plutôt que la limiter pour laisser la place à un cofinancement européen aléatoire ou assorti de délais trop importants. Mais ce choix n’est sans doute pas justifié pour l’ensemble du champ couvert par les PIA, en particulier pour les financements les plus importants.

Par exemple, dans le cadre du paquet climat-énergie adopté en 2009 sous présidence française de l’Union européenne, le fonds NER300 (New Entrant Reserve 300) doté de 2,1 milliards d’euros issus de vente de 300 millions de quotas d’émissions de CO2, a financé 39 projets dont quatre français, retenus entre 2009 et 2014, sur des thématiques proches de celles des démonstrateurs financés par le PIA : un projet de production d’agrocarburants de deuxième génération à partir de biomasse lignocellulosique par voie thermochimique (UPM Stracel BTL) ; une ferme de production d’électricité à partir d’éoliennes flottantes (Vertimed), un projet franco-allemand de géothermie profonde (Geostras) et un projet d’utilisation de l’énergie thermique des mers (NEMO). La question du co-financement européen de projets majeurs financés par le PIA peut donc être posée.

Il convient également de relever que la recherche de financements européens figure expressément parmi les objectifs assignés aux ITE donc suivis et évalués par l’ANR.

En effet, au-delà de la phase de création du consortium pour initier un portefeuille de projets, l’obtention ultérieure de financements européens par les projets issus de l’ITE est tout à fait possible. Il s’agit même d’une des conséquences du bon fonctionnement du consortium qui traduit la qualité de son positionnement comme acteur de la recherche et de la valorisation à l’échelle européenne. La convention du 30 juillet 2010 liant l’ANR à l’État fait ainsi figurer parmi les principaux critères retenus pour l’évaluation des projets d’ITE « la capacité à s’intégrer dans le système européen de recherche et d’innovation ». Les rapports de suivi annuel de chacun des ITE, communiqués par l’ANR à la Mission d’évaluation et de contrôle, évaluent ainsi la conformité de la trajectoire contractuelle au regard du nombre de liens d’intégration au sein du système européen de recherche et d’innovation. Parmi les indicateurs de suivi figurent les montants de financements communautaires recueillis, ce dont les Rapporteures se félicitent.

Les Rapporteures proposent donc de mieux formaliser la phase d’identification de co-financements européens potentiels, aux stades de l’engagement et de la contractualisation des crédits PIA, selon des modalités adaptées aux montants et aux secteurs concernés. L’effet de levier attendu des crédits du PIA doit en effet s’étendre pleinement aux financements européens.

Proposition : Formaliser une phase d’identification des co-financements européens potentiels aux stades de l’engagement et de la contractualisation des crédits du PIA.

b. La complémentarité du Plan « Juncker »

La mise en œuvre des actions financées par le PIA coïncide désormais également avec le Plan pour l’investissement en Europe de la Commission européenne (dit « Plan Juncker ») initié fin 2014 et couvrant les années 2015, 2016 et 2017. Le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) a été doté de 21 milliards d’euros, garantis à hauteur de 16 milliards d’euros par l’Union européenne, dont 2,2 issus du programme Horizon 2020, et de 5 milliards d’euros par la Banque européenne d’investissement (BEI).

Contrairement aux financements en matière de recherche et d’innovation, constitués de subventions, ces financements incluent des prêts et des prises de participation. Le FEIS recherche un effet de levier important dans les co-financements privés ainsi qu’un rendement financier à terme. Le fonds peut financer des projets directement ou, de manière indirecte, en participant à des fonds ou à des plateformes d’investissement. Les projets sélectionnés doivent contribuer aux priorités de l’UE particulièrement en matière d’infrastructures et de transition énergétique.

La mission confiée au Commissariat général à l’investissement de coordonner la réponse de la France à cette nouvelle offre de financement public européen constitue une garantie contre les risques de « doublons » avec le PIA. Une complémentarité se dessine en effet entre le PIA et les financements du Plan Juncker.

Comme l’a indiqué M. Thierry Francq lors de son audition par la Mission d’évaluation et de contrôle, « alors que le programme d’investissements d’avenir contribue au développement de technologies nouvelles, le Plan Juncker doit contribuer à diffuser des technologies plus matures » ce qu’illustre le financement par le PIA de projets de rupture tels que des hydroliennes, alors que le plan Juncker finance l’installation à grande échelle de parcs d’éoliennes ou des fermes photovoltaïques. Les projets éligibles aux financements du plan Juncker doivent en effet satisfaire un critère de « réplicabilité » pour la mise en œuvre standardisée de projets reproductibles.

Fin 2015, 17 projets français ont été sélectionnés, pour près de 1,5 milliard d’euros, sur un total de 126 projets au niveau européen. Les projets français entrant dans le champ de la transition écologique relèvent pour l’essentiel du domaine de la performance énergétique et des énergies renouvelables, comme le montrent les exemples figurant dans l’encadré suivant.

– programme de 400 millions d’euros de prêts de la BEI pour des structures régionales qui « tiers-financent » les travaux d’efficience énergétique dans des copropriétés privées ;

– accord de garantie de la BEI à la banque publique de la Sarre sur un encours de 150 millions de prêts à des sociétés de projet de moyens de production d’énergie renouvelable de part et d’autre de la frontière franco-allemande ;

– intervention à hauteur de 50 millions d’euros dans le fonds d’investissement Capenergie 3, qui prend des participations dans des sociétés de projet développant des moyens de production d’énergie renouvelable ;

– participation au lancement d’une société d’investissement dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais dédiée à l’économie à faible intensité en carbone, pour 20 millions d’euros ;

– participation pour 18 millions d’euros à la deuxième levée de fonds réalisée par l’opérateur Ginkgo, spécialisé dans l’achat, la dépollution et la revente de friches industrielles en milieu urbain.

4. Articuler une vision d’ensemble du PIA et des crédits budgétaires

L’appréciation des effets du PIA doit désormais également tenir compte de la perspective de constitution d’un fonds de financement de la transition énergétique qui doit être doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans.

Un des volets de ce fonds est constitué par « l’enveloppe spéciale transition énergétique » (ESTE), créée par le II de l’article 20 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. L’ESTE est gérée par la Caisse des dépôts et consignations mais les engagements et les dépenses sont décidés par le ministre chargé de l’écologie. La loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a ouvert 250 millions d’euros de crédits (5) sur le programme 174 Énergie, climat et après-mines de la mission Écologie, développement et mobilités durables. L’ESTE sera dotée au total de 750 millions d’euros d’ici 2017.

À ce jour, l’ESTE a financé une première enveloppe de près de 87 millions d’euros, destinée à subventionner des actions portées par des collectivités labellisées « territoires transition énergétique à énergie positive pour la croissance verte » (TEPCV) sélectionnées en 2015 à la suite d’un appel à projet ministériel.

Or ce financement budgétaire a vidé de tout objet le premier volet de l’action Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique, gérée par la Caisse des dépôts et issue du deuxième PIA, comme évoqué précédemment. Cette situation pose la question du choix opéré dans la loi de finances pour 2014 d’inscrire cette action dans le deuxième PIA.

De même, alors que se pose la question du périmètre du financement par le PIA du programme Habiter mieux opéré par l’ANAH, « l’enveloppe spéciale transition énergétique » a été utilisée en 2015 pour apporter une contribution exceptionnelle de 20 millions d’euros à son financement.

La contribution du prochain PIA au financement de la transition écologique devra donc être mise en cohérence avec les apports potentiels du fonds de financement de la transition énergétique dont l’orientation doit être clarifiée.

Proposition : Clarifier les conditions d’utilisation du fonds de financement de la transition écologique et tenir compte de ses orientations lors de l’adoption du PIA 3.

Par ailleurs, la Mission d’évaluation et de contrôle constate le manque de vision d’ensemble des financements du PIA destinés à la transition écologique ainsi que de leurs liens avec des financements disponibles par ailleurs dont les finalités sont proches ou complémentaires. Malgré l’importance donnée à la transition écologique, lors du lancement de chaque PIA, dans les éléments de communication du Gouvernement, le suivi de la mise en œuvre des actions du PIA n’est pas effectué spécifiquement sous cet angle.

À tout le moins, les documents budgétaires remis au Parlement pourraient présenter l’articulation entre les financements du PIA et les crédits budgétaires des différents programmes de la mission Écologie, développement et aménagement durables. Or ce n’est pas le cas. Cette articulation pourrait par exemple permettre d’accompagner le déploiement d’infrastructures après la phase de démonstration financée de par le PIA.

Relevant d’opérateurs différents, les crédits du PIA finançant la transition écologique font au demeurant l’objet d’un suivi éclaté de la part du CGI qui les répartit en quatre secteurs : énergie – économie circulaire / industrie – transport/ économie numérique (pour les réseaux intelligents) / urbanisme. Ceci rend plus difficile le suivi de l’ensemble de ces crédits alors même que les conventions liant le CGI aux différents opérateurs invitent chacun d’eux à tenir compte de l’avancée des autres actions financées par le PIA.

Le comité d’examen à mi-parcours du PIA établi par France stratégie propose ainsi que des opérateurs orientent certaines de leurs actions propres de financement vers le soutien des actions structurantes de long terme financées par le PIA et suggère que ce pourrait être en particulier le cas de l’ANR. Lors de son audition par la Mission d’évaluation et de contrôle, le directeur général de l’ANR a pourtant regretté de ne pas avoir de visibilité sur l’avancement du PIA en matière de transition écologique alors qu’un travail en commun permettrait de fluidifier le continuum entre la recherche et l’innovation.

Au demeurant, la commission Juppé – Rocard proposait de centraliser les financements du PIA destinés à la transition écologique au sein d’une « Agence des énergies renouvelables », dotée de moyens légers, qui aurait ensuite réparti ces crédits entre les autres opérateurs, tels l’ADEME ou Oseo, devenu Bpifrance.

À défaut de l’instauration d’une telle structure intermédiaire entre le CGI et les opérateurs, les Rapporteures invitent le CGI à conforter au plan interne l’approche transversale du pilotage des actions du PIA finançant la transition écologique. Ce suivi pourrait être utilement étendu aux autres investissements relevant de la compétence du CGI.

Proposition : Afin de disposer d’une vision d’ensemble du financement de la transition écologique par les PIA et les autres budgets publics :

– justifier dans les documents annexés aux projets de lois de finances, au regard de l’état d’avancement des actions du PIA finançant la transition écologique, l’évolution des crédits budgétaires des programmes ayant un objet proche ;

– définir au sein du CGI, une compétence de suivi transversal tant des actions du PIA que des investissements de l’État relevant du CGI qui financent la transition écologique.

II. LES RISQUES DE FRAGILISATION DES DYNAMIQUES ENCLENCHÉES

Dans les conclusions du rapport public thématique consacré au PIA comme lors de l’audition d’une de ses Rapporteures par la Mission d’évaluation et de contrôle, la Cour des comptes a souligné avec force le caractère dérogatoire du traitement des crédits des PIA : ces crédits sont débloqués en une seule fois et leurs éventuels redéploiements, décidés par le Premier ministre, échappent en majeure partie au contrôle du Parlement.

La gestion extra-budgétaire des crédits du PIA autorise leur réallocation rapide entre actions, au risque de modifier de façon significative la portée de l’investissement initialement autorisé par le Parlement. Or les actions du PIA finançant la transition écologique comptent pour un quart dans l’ensemble des redéploiements de crédits opérés depuis 2010 sur décision du Premier ministre et disproportionnellement dans ceux qui modifient la thématique financée.

Ces redéploiements ont été facilités par la lenteur au démarrage de la majorité des actions finançant la transition écologique. Mais les difficultés de mise en œuvre initiales doivent être mises en regard des modifications d’approches nécessitées par le PIA et du nouvel ordre de grandeur des financements qu’il vise à apporter sur la durée.

Malgré la fragilisation du schéma de financement pluriannuel initial, les ajustements opérés par les différents opérateurs ont contribué à améliorer de façon significative la mise en œuvre des programmes, qui paraît aujourd’hui bien engagée.

A. L’AMPLEUR DES REDÉPLOIEMENTS DE CRÉDITS ATTÉNUE L’AMBITION INITIALE

Les tableaux figurant dans les pages suivantes comparent les dotations votées en lois de finances aux enveloppes inscrites au deuxième trimestre 2016, pour chaque action incluse dans le périmètre de la mission, classées par sous-catégories de suivi du CGI ou par PIA.

ÉVOLUTION DES MONTANTS DE CRÉDITS DES PIA 1 ET 2 AFFECTÉS AUX ACTIONS FINANÇANT LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

 

Crédits votés en lois de finances

Enveloppes au deuxième trimestre 2016

Écart

%

Instituts pour la transition énergétique

ANR

1 000

889

– 111

– 11,1 %

Démonstrateurs énergies renouvelables et décarbonées PIA 1

ADEME

1 262

867

– 395

– 31,3 %

Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique PIA 2

ADEME

800

650

– 150

– 18,8 %

Économie circulaire PIA 1

ADEME

234

144

– 90

– 38,5 %

Fonds écotechnologie (crédits déduits des enveloppes PIA 1 correspondantes)

ADEME/ BPI

150

150

0

0 %

Sous-total – énergie – économie circulaire

3 446

2 700

– 746

– 21,6 %

 

 

       

Véhicule du futur PIA 1

ADEME

970

810

– 160

– 16,5 %

Véhicule du futur PIA 2

ADEME

300

200

– 100

– 33,3 %

Prêts verts PIA 1

BPI

500

380

– 120

– 24 %

Prêts verts PIA 2

BPI

410

401

– 9

– 2,2 %

Projets industriels d’avenir pour la transition énergétique (PIAVE – SPI )

BPI

400

400

0

0

Sous-total Industrie -transport

2 580

2 191

– 389

– 15,1 %

 

 

       

Systèmes électriques intelligents PIA 1

ADEME

234

149

– 85

– 36,3 %

Sous-total économie numérique

234

149

– 85

– 36,3 %

           

Ville durable et solidaire – volet 1

ANRU

85

71

– 14

– 16,5 %

Ville de demain

CDC

1 000

668

– 332

– 33,2 %

Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique

CDC

75

40

– 35

– 46,7 %

Rénovation thermique des logements

ANAH

500

687

+ 228

+ 45,6 %

Prime exceptionnelle

ASP

0

41

Sous-total urbanisme et rénovation thermique

1 660

1 507

– 153

– 9,2 %

TOTAL

7 920

6 547

– 1 373

– 17,3 %

Source : CGI et calculs de la Mission d’évaluation et de contrôle.

L’INCIDENCE DES REDÉPLOIEMENTS SUR LA PART DES CRÉDITS DES PIA 1 ET 2 FINANÇANT LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

 

Crédits votés en lois de finances

Enveloppes au deuxième trimestre 2016

Écart

%

Instituts pour la transition énergétique

1 000

889

– 111

– 11,1 %

ADEME - Démonstrateurs 1

1 262

867

– 395

– 31,3 %

ADEME - Économie circulaire

234

144

– 90

– 38,5 %

Fonds écotechnologies

150

150

0

0,0 %

ADEME - Véhicules du futur 1

970

810

– 160

– 16,5 %

ADEME - Réseaux intelligents

234

149

– 85

– 36,3 %

Bpifrance - Prêts verts 1

500

380

– 120

– 24,0 %

CDC - Ville de demain

1 000

668

– 332

– 33,2 %

ANAH -Rénovation thermique des logements

500

728

228

45,6 %

PIA 1 Transition écologique

5 850

4 785

– 1 065

– 18,2 %

Montant total du PIA 1

35 000

 

Part de la transition écologique – PIA 1

16,71 %

13,67 %

 
 

ADEME - Démonstrateurs 2

800

650

– 150

– 18,8 %

ADEME - Véhicules du futur 2

300

200

– 100

– 33,3 %

Bpifrance - Prêts verts 2

410

401

– 9

– 2,2 %

Bpifrance - PIAVE

400

400

0

0,0 %

CDC - Projets territoriaux

75

40

– 35

– 46,7 %

ANRU- Ville durable et solidaire - axe 1.

85

71

– 14

– 16,5 %

PIA 2 Transition écologique

2 070

1 762

– 238

– 11,5%

Montant total du PIA 2

12 000

 

Part de la transition écologique – PIA 2

17,25 %

14,68 %

 
 

PIA 1 + PIA 2 Transition écologique

7 920

6 547

– 1 303

– 16,5 %

Total PIA 1 et 2

47 000

 

Part de la transition écologique PIA 1 et 2

16,85 %

13,92 %

 

Source : CGI et calculs de la Mission d’évaluation et de contrôle.

1. Des crédits redéployés en fonction du rythme d’avancement des actions

Le III de l’article 8 de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 dispose que « les redéploiements modifiant la répartition initiale des fonds entre les différentes actions du programme d’investissements sont approuvés par le Premier ministre, après information des commissions chargées des finances et des autres commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ».

Les conventions liant l’État à chaque opérateur des actions du PIA définissent les cas de redéploiements de crédits dont le principal concerne la situation dans laquelle l’opérateur « n’utilise pas la totalité des crédits qui lui sont confiés ». Dans ce cas, le commissaire général à l’investissement peut « proposer de redéployer les crédits vers une autre action au sein du même opérateur ou vers un autre opérateur ».

Les redéploiements ne constituent pas, par eux-mêmes, une difficulté. Au contraire, l’efficacité appelle l’affectation des crédits là où ils sont le plus utiles compte tenu des besoins de financement effectifs de chaque action du PIA. La lenteur de l’engagement des crédits est en outre préjudiciable à l’objectif d’accélérateur de compétitivité porté par le PIA. C’est tout l’objet de la gestion interministérielle du PIA assurée par le CGI, sous l’autorité directe du Premier ministre qui dispose d’une vision globale de crédits disponibles et des engagements réalisés lorsqu’il prend les décisions de ré-allocation des moyens.

Les principaux jalons de la mise en œuvre d’une action du PIA

– montants engagés : montants attribués à un projet ;

– montants contractualisés : montants conventionnés entre l’opérateur et les bénéficiaires ;

– montants décaissés : versement des fonds aux bénéficiaires.

Le principal indicateur de mise en œuvre d’une action est celui de l’engagement. Les variations ultérieures dépendent des conditions financières définies entre le bénéficiaire et l’opérateur. Les décaissements suivent la mise en œuvre effective du projet financé.

Dans le cas d’un constat de lenteur relative dans l’engagement des financements d’une action du PIA, les redéploiements de crédits n’ont cependant rien d’automatique. Les conventions liant les opérateurs à l’État indiquent en effet que « s’il s’avère, au regard des résultats d’un appel à projets que la totalité des crédits ne peut être utilisée, les crédits non attribués sont reportés sur un ou plusieurs appels à projets organisés ultérieurement ».

Un décalage dans le rythme d’utilisation des crédits permet par exemple de prolonger la durée de mise en œuvre du programme jusqu’au terme légal, fixé à 2020 par le législateur en 2010 et prolongé à 2024 par la loi de finances pour 2014. A contrario, une consommation rapide de l’enveloppe de crédits prive l’opérateur des moyens financiers de prolonger le programme. Une relative stabilité des montants accordés à l’opérateur favorise donc le déploiement dans le temps des actions pour lesquelles une maturation est nécessaire.

Inversement, la facilité à opérer des redéploiements accentue les risques d’éviction des financements destinés aux actions les plus innovantes du PIA au profit d’actions dont le rythme de consommation des crédits est plus régulier : elle accroît donc le risque d’utilisation des crédits du PIA à des fins de débudgétisation. Un trop grand nombre de redéploiements accroît, en outre, le risque d’émiettement des moyens du PIA et fragilise la vision stratégique censée le structurer.

La Mission d’évaluation et de contrôle considère donc que les crédits finançant la transition écologique sont plus que d’autres exposés à un risque important à cet égard car ils doivent financer des projets innovants et à forte composante partenariale et qui peuvent donc être lents à mûrir ou à mettre en œuvre.

À cet égard, la programmation des crédits définie par les conventions établies initialement par le CGI, qui prévoyaient généralement l’engagement, chaque année, d’un cinquième de la dotation initiale, était inadaptée.

Le tableau suivant présente, par exemple, l’échéancier d’engagement des crédits défini en 2010 pour les différentes actions de démonstration opérées par l’ADEME.

RYTHME PRÉVISIONNEL D’ENGAGEMENT DES TRANCHES DE CRÉDITS DES ACTIONS DE DÉMONSTRATION OPÉRÉES PAR L’ADEME

(en millions d’euros)

   

Prévisions d’engagement par années

 

Crédits du PIA 1

2010

2011

2012

2013

2014

Démonstrateurs des énergies renouvelables et chimie verte

1 350

190

290

290

290

290

Part à engager dans l’année

14 %

21,5 %

21,5 %

21,5 %

21,5 %

Économie circulaire

250

30

40

60

60

60

Part à engager dans l’année

12 %

16 %

24 %

24 %

24 %

Réseaux intelligents

250

50

50

50

50

50

Part à engager dans l’année

20 %

20 %

20 %

20 %

20 %

TOTAL

1 850

270

280

400

400

400

Part à engager dans l’année

14,6 %

15,1 %

21,6 %

21,6 %

21,6 %

Source : conventions entre l’ADEME et l’État du 3 août 2010 relative à l’action : « Démonstrateurs énergies renouvelables et chimie verte » ; du 3 août 2010 relative à l’action : « Économie circulaire » et du 6 octobre 2010 relative à l’action : « Réseaux électriques intelligents ».

Selon le rythme défini en 2010, 1 850 milliards d’euros devaient être engagés avant fin 2014. Or, à cette date, l’ADEME n’avait engagé que 916 millions d’euros sur ce périmètre, soit moitié moins qu’envisagé.

À titre de comparaison, à cette date, la quasi-totalité des 21,9 milliards d’euros consacrés par le PIA 1 à des programmes relevant de la mission Recherche et enseignement supérieur ont été non seulement engagés mais également contractualisés avec les bénéficiaires.

En outre, la progression du stock des montants engagés ne renseigne que partiellement sur le niveau d’activité de l’opérateur. Par exemple, pour l’action Véhicules du futur, les montants de 620 millions d’euros engagés en décembre 2015 masquent le fait que 847,5 millions d’euros de financement ont été décidés depuis le début du PIA : plus de 200 millions d’euros ont été par la suite désengagés en raison d’abandon total ou partiel de financement.

Le diagramme ci-après présente, pour l’ensemble des crédits du PIA, tous domaines d’intervention confondus, l’évolution des flux et du stock des engagements de crédits, depuis 2010. On constate l’engagement rapide des dotations liées aux institutions de recherche (incluant le financement des ITE), en raison de la part prédominante des dotations non consommables dans les flux de crédits engagés les deux premières années. Puis, les années 2012 et 2013 connaissent une très faible progression des montants de crédits engagés qui atteste un « effet retard » généralisé en dehors du champ opéré par l’ANR.

VARIATION ET CUMUL DES MONTANTS ENGAGÉS DEPUIS 2010
POUR L’ENSEMBLE DU PIA

2010 (-------2011-----) (-------2012------) (---------2013---------) (-------- 2014------) (------2015------)

Source : CGI.

Une diminution du montant cumulé des engagements a même pu être constatée, fin 2013, sous l’effet de montants d’annulations de projets plus importants que les montants de nouveaux engagements de crédits. Mais à partir de 2014, le rythme des engagements de crédits est de nouveau significatif.

C’est dans cette période de « vulnérabilité » pour les actions dont les crédits étaient engagés avec lenteur, que des choix ont commencé à être opérés, par le Premier ministre, au détriment des actions finançant la transition écologique. Les crédits des actions du PIA finançant la transition écologique votés en lois de finances étaient constitués à 91 % de dotations consommables : leur disponibilité immédiate, par opposition aux échéanciers d’intérêts issus des dotations non consommables, a donc accru le risque de les faire contribuer à des redéploiements de crédits.

Ces actions sont ainsi surreprésentées, en 2012, parmi les différents financements mobilisés, sur décision du Premier ministre, pour abonder l’action du PIA 1 Recapitalisation d’OSEO dans le but de financer la création d’une « Banque de l’industrie » ciblant les PME et les entreprises de taille intermédiaire (devenue in fine Bpifrance), comme le montre le tableau ci-après.

MONTANTS ET PARTS DE REDÉPLOIEMENTS DE CRÉDITS DU PIA AYANT FINANCÉ LA RECAPITALISATION D’OSEO EN 2012 POUR FINANCER BPI FRANCE

Action

Opérateur

Montants

Contribution en %

Plates formes mutualisées d’innovation des pôles de compétitivité

CDC

150

15 %

Fonds pour la société numérique

CDC

450

45 %

Contribution des actions hors transition écologique

600

60 %

Ville de demain

CDC

150

15 %

Prêts verts

OSEO

50

5 %

Démonstrateurs d’énergies décarbonées

ADEME

75

8 %

Économie circulaire

ADEME

40

4 %

Réseaux intelligents

ADEME

35

4 %

Véhicules du futur

ADEME

50

5 %

Contribution des actions finançant la transition écologique

400

40 %

TOTAL

1 000

100 %

Source : documents budgétaires joints au projet de loi de finances pour 2013.

On voit que les actions destinées au financement de la transition écologique ont contribué à cette opération à hauteur de 40 %. Il s’agit en outre des seuls crédits « détournés » de leur finalité initiale, la recapitalisation d’OSEO visant à atteindre des objectifs proches de ceux des autres actions mises à contribution.

Le tableau figurant page suivante présente l’état d’avancement, au premier trimestre 2016, de l’engagement, de la contractualisation et du décaissement des financements alloués à chacune des actions dédiées à la transition écologique. À chaque fois, deux taux distincts sont présentés : le premier est établi par rapport aux crédits budgétaires votés en lois de finances ; le second par rapport aux enveloppes dont disposent effectivement les opérateurs, nettes des redéploiements de crédits, qui ont touché 13 des 15 actions concernées.

Début 2016, toutes actions confondues, 4,2 milliards d’euros sont engagés ce qui représente 53,6 % de la dotation de 7,9 milliards votée en lois de finances et 64,7 % des enveloppes après redéploiements.

Les redéploiements améliorent logiquement les indicateurs de progression de mise en œuvre. L’action Démonstrateurs des énergies renouvelables et chimie verte du PIA 1 est engagée à près de 82 % au regard des enveloppes dont l’ADEME dispose aujourd’hui : mais ce taux n’est que de 56 % par rapport à la dotation votée en 2010. Seule l’action Rénovation thermique des logements privés a pu mobiliser des montants supérieurs à ceux votés en lois de finances, avec un taux d’engagement de 102 %. Les redéploiements de crédits lui ont donné de nouvelles marges de manœuvres en portant le taux d’engagement des enveloppes actuelles à 70 %.

ENGAGEMENT, CONTRACTUALISATION ET DÉCAISSEMENTS DES CRÉDITS INITIAUX ET DES ENVELOPPES APRÈS REDÉPLOIEMENT

Situation au 1er trimestre 2016

(en millions d’euros)

 

Montants initiaux de crédits

Montants actuels des enveloppes

Montants engagés

En % des crédits initiaux

En % des enveloppes actuelles

Montants contractualisés

En % des crédits initiaux

En % des enveloppes actuelles

Montants décaissés

En % crédits initiaux

En % des enveloppes actuelles

Instituts pour la transition énergétique

ANR

1 000

889

877

87,7 %

98,7 %

697

69,7 %

78,4 %

96

9,6 %

10,8 %

Démonstrateurs PIA 1

ADEME

1 262

867

710

56,3 %

81,9 %

467,7

37,1 %

53,9%

205,2

16,3%

23,7 %

Démonstrateurs PIA 2

ADEME

800

650

64,4

8,1 %

9,9 %

1,8

0,2 %

0,3 %

0

0 %

0 %

Économie circulaire

ADEME

234

144

100,9

43,1 %

70,1 %

85,5

36,5 %

59,4%

31,5

13,5%

21,9 %

Fonds écotechnologie

ADEME/ BPI

150

150

60

40 %

40 %

54

36 %

36 %

52,4

34,9 %

34,9 %

Total - énergie - économie circulaire

3 446

2 700

1 812,3

52,6 %

67,1 %

1 306

37,9 %

48,4%

385,1

11,2%

14,3 %

 

Véhicule du futur PIA 1

ADEME

970

810

602,8

62,1 %

74,4 %

474

48,9 %

58,5%

219,3

22,6%

27,1 %

Véhicule du futur PIA 2

ADEME

300

200

40,8

13,6 %

20,4 %

29,3

9,8 %

14,7 %

7,5

2,5 %

3,8 %

Prêts verts PIA 1

BPI

500

380

380

76 %

100 %

380

76 %

100 %

380

76 %

100 %

Prêts verts PIA 2

BPI

410

401

70

17,1 %

17,5 %

70

17,1 %

17,5 %

70

17,1 %

17,5 %

PIAVE PIA 2

BPI

400

400

163,6

40,9 %

40,9 %

135

33,8 %

33,8 %

28,5

7,1 %

7,1 %

Total Industrie -transport

2 580

2 191

1 257,2

48,9 %

48,7 %

1 088,3

42,2 %

49,7 %

705,3

27,3%

32,2%

 

Réseaux intelligents PIA 1

ADEME

234

149

93,5

40 %

62,8 %

91,6

39,1 %

61,5 %

38,2

16,3 %

25,6 %

Total économie numérique

234

149

93,5

40 %

62,8 %

91,6

39,1 %

61,5 %

38,2

16,3 %

25,6%

 

Ville durable 1er volet

ANRU

80

71

3

3,8 %

4,2 %

0

0 %

0 %

0

0 %

0 %

Ville de demain

CDC

1 000

668

561

56,1 %

84 %

298

29,8 %

44,6 %

92

9,2 %

13,8 %

Projets territoriaux intégrés

CDC

75

40

0

0 %

0 %

0

0 %

0 %

0

0 %

0 %

Rénovation thermique des logements

ANAH - ASP

500

728

512

102,4 %

70,3 %

508

101,6 %

69,8 %

308

61,6 %

42,3 %

Total urbanisme

1 655

1 507

1 076

65 %

71,4 %

806

48,7 %

53,5%

400

24,2%

26,5 %

 

TOTAL

7 915

6 547

4 239

53,6 %

64,7 %

3 291,9

41,6 %

50,3 %

1 528,6

19,3 %

23,3 %

Sources : CGI et calculs de la Mission d’évaluation et de contrôle.

● L’exercice du « droit de regard » du Parlement sur les redéploiements de crédits doit être facilité

Les décisions de redéploiement de crédits prises par le Premier ministre sont sujettes à des procédures distinctes selon l’intensité des modifications apportées à l’autorisation parlementaire initiale, comme détaillé dans l’encadré suivant.

Quand des crédits sont redéployés entre des actions qui relèvent du même opérateur et de la même finalité, ils paraissent respecter l’autorisation parlementaire et le redéploiement n’appelle pas de validation par un vote du Parlement.

Quand des crédits sont redéployés entre des actions qui relèvent d’opérateurs distincts mais pour une finalité similaire, le CGI considère que les redéploiements respectent également l’autorisation parlementaire initiale. Le redéploiement ne nécessite pas de validation par un vote du Parlement mais le transfert des crédits entre les deux opérateurs nécessite un transit par le budget général de l’État en utilisant la procédure du rétablissement de crédit.

Lorsque les redéploiements impliquent une modification substantielle de l’autorisation parlementaire, tenant soit à la finalité des actions soit à la nature des crédits, une autorisation en loi de finances rectificative est nécessaire : mais il s’agit généralement d’une ratification a posteriori qui peut intervenir plusieurs mois après le redéploiement effectif.

Dans tous les cas, le redéploiement est opéré après information des commissions chargées des finances et des autres commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Or les Rapporteures relèvent que les décisions communiquées aux commissions du Parlement indiquent uniquement le montant transféré, le programme budgétaire d’origine et le programme de destination. Elles ne précisent ni les actions sur lesquelles portent les redéploiements, ni l’effet de stock compte tenu des redéploiements précédents, ni les modifications consécutives de l’échéancier d’engagement des crédits, ni enfin la portée de la modification de l’autorisation parlementaire initiale. En outre, la décision n’est pas motivée.

Les Rapporteures considèrent donc que l’information du Parlement sur la portée et les motifs des décisions de redéploiement doit être améliorée. Elles proposent donc de compléter le dispositif de la décision primo-ministérielle afin d’en mieux manifester la portée. Elles proposent également que la décision soit complétée d’un exposé de ses motifs, permettant au Parlement d’exercer, le cas échéant, un contrôle des effets du redéploiement au regard des motifs avancés.

Proposition : Améliorer l’information du Parlement en précisant la portée et les motifs des décisions de redéploiement de crédits communiquées aux commissions parlementaires.

2. La diminution substantielle des dotations de l’ADEME

Depuis 2012, les dotations des actions opérées par l’ADEME ont été réduites de près d’un milliard d’euros, soit près de 25 %, comme le montre le tableau suivant :

ÉVOLUTION DES MONTANTS DES CRÉDITS ATTRIBUÉS AUX ACTIONS DE L’ADEME

(en millions d’euros)

   

Enveloppes initiales

Enveloppes au 2e trimestre 2016

Écart

%

Démonstrateurs énergies renouvelables et décarbonées (PIA 1)

ADEME

1262

867

– 395

– 31,3%

Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique (PIA 2)

ADEME

800

650

– 150

– 18,8%

Économie circulaire (PIA 1)

ADEME

234

144

– 90

– 38,5%

Fonds écotechnologie (crédits délégués par l’ADEME et déduits d’enveloppes PIA 1)

ADEME/ BPI

150

150

0

0 %

Véhicule du futur PIA 1

ADEME

970

810

– 160

– 16,5%

Véhicule du futur PIA 2

ADEME

300

200

– 100

– 33,3%

Systèmes électriques intelligents (PIA 1)

ADEME

234

149

– 85

– 36,3%

TOTAL

3 950

2 970

– 980

 24,8%

Source : CGI et calculs de la Mission.

Ce niveau de réaffectation des crédits se situe près de 12 points au-dessus de celui constaté pour l’ensemble des dotations du PIA, dont la Cour des comptes estime que 13 % des crédits ont connu des changements d’affectations (7).

Les 980 millions d’euros de crédits réaffectés au détriment de l’ADEME représentent 16 % des 6,2 milliards d’euros de crédits du PIA réaffectés depuis 2012. Surtout, comme le montre le tableau ci-après, ces redéploiements ont bénéficiés à des actions relevant d’opérateurs distincts de l’ADEME, alors que près d’un tiers de l’ensemble des redéploiements du PIA concernent des réaffectations internes à un même opérateur (par exemple, une hausse de 866 millions d’euros de l’action Laboratoires d’excellence de l’ANR gagée par la diminution de plusieurs dotations du même opérateur).

ACTIONS DESTINATAIRES DES CRÉDITS REDÉPLOYÉS DEPUIS LES ACTIONS ADEME

(en millions d’euros)

 

Montants

Part dans l’ensemble

Recapitalisation d’Oseo

260

26,5 %

Nouvelles priorités économiques de 2013

200

20,4 %

ANAH - Fonds d’aide à la rénovation thermique

200

20,4 %

Excellence technologique des industries de défense

170

17,3 %

Modernisation agricole (France Agrimer)

100

10,2 %

Excellence éducative (CDC)

50

5,1 %

TOTAL

980

100 %

Source : Calculs de la Mission à partir des documents budgétaires joints aux projets de loi de finances depuis 2012.

Ces redéploiements sont continus depuis 2012 comme le montre le tableau suivant :

         

Redéploiements

     
 

PIA 1

PIA 2

Total

dont fonds écotech. (2012)

2012

2013

2014

2015

2016

Solde

Écart

%

Véhicules du futur

1 000

300

1 300

30

– 50

0

– 100

– 110

 

1 040

– 260

– 20 %

Démonstrateurs (dont économie circulaire et systèmes électriques)

1 850

800

2 650

120

– 150

– 200

–170

– 50

– 150

1 930

– 720

– 27,2 %

Total

2 850

1 100

3 950

150

– 200

– 200

– 270

– 160

– 150

2 970

– 980

– 24 %

Source : Calculs de la Mission à partir des décisions de redéploiement de crédits communiquées à la commission des finances depuis 2012

Année après année, les redéploiements suivants ont été opérés :

– 2012 : 200 millions d’euros alimentent une action préexistante  Recapitalisation d’OSEO , qui a finalement contribué à abonder le capital de Bpifrance : 75 millions d’euros proviennent de l’action Énergies décarbonées, 40 de l’action Économie circulaire, 35 de l’action Réseaux intelligents et 50 de l’action Véhicules du futur.

– 2013 : 200 millions d’euros sont prélevés pour contribuer au financement de nouvelles priorités annoncées par le Premier ministre le 21 Janvier 2013 (Prêt numérique, industrialisation des pôles de compétitivité, fonds multithématique, programme de soutien à l’innovation de rupture, hôpital numérique...) : 150 millions d’euros proviennent de l’action Démonstrateurs énergies renouvelables et 50 de l’action Réseaux électriques intelligents. La décision de redéploiement est ratifiée par la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

– 2014 : la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 abonde le programme 402 Excellence technologique des industries de défense du PIA 2 à hauteur de 250 millions d’euros dont 170 de crédits de subventions en provenance des actions Tri et valorisation des déchets et Démonstrateurs énergie renouvelable.

La loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014 prélève 100 millions d’euros de subventions à l’action Véhicules du futur au bénéfice d’une nouvelle action, Projets agricoles et agroalimentaires d’avenir, opérée par FranceAgriMer, dotée de 120 millions d’euros, qui vise à financer des projets d’investissements agricoles et agroalimentaires.

– 2015 : Trois décisions du Premier ministre du 5 novembre 2015 redéploient : 50 millions d’euros de l’action Démonstration de la transition écologique et énergétique vers l’action Rénovation thermique des logements privés mise en œuvre par l’ANAH ; 60 millions d’euros de l’action Véhicules et transports du futur vers l’action Prêts à l’industrialisation, afin d’abonder le fonds de garantie de la Banque publique d’investissement et 50 millions d’euros de l’action Véhicules et transports du futur vers l’action Innovation numérique pour l’excellence éducative mise en œuvre par la Caisse des dépôts. Ces décisions sont ratifiées par la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

– 2016 : Une décision dont le projet est communiqué au Parlement le 3 mai 2016 redéploie 150 millions d’euros de l’action Démonstration de la transition écologique et énergétique vers l’action Rénovation thermique des logements privés.

Chaque diminution nouvelle a pour effet de contraindre l’enveloppe subsistante : alors que l’ADEME, disposait, au dernier trimestre 2015, de 1 420 millions d’euros réservés pour 24 appels à projets en cours, le redéploiement de 150 millions d’euros décidé à la fin du premier trimestre 2016 a pour effet de réduire cette enveloppe de 17,6 %.

L’ADEME a confirmé à la Mission d’évaluation et de contrôle que ces mouvements ne la contraignent pas, à ce stade, à des arbitrages entre appels à projets. La réduction globale de l’enveloppe aura cependant pour effet de réduire la durée du programme : elle limitera la possibilité de lancement de nouveaux appels à projets.

Les Rapporteures s’interrogent donc sur la cohérence du choix qui a consisté d’une part, dans la loi de finances pour 2014, à accorder à l’ADEME de nouvelles dotations au moyen du PIA 2 et, d’autre part, à diminuer les montants de ces dotations ou de celles du PIA 1 par la voie des redéploiements. Cela a eu pour effet d’allonger d’un côté la durée du programme, mais de l’abréger de l’autre.

L’apport financier du PIA 2 de 1,1 milliard d’euros (800 millions d’euros pour l’action Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique et 300 pour l’action Transports de demain) se trouve en effet effacé à près de 89 % par des décisions de redéploiement prises dans les deux années précédentes et les deux suivantes.

3. La contraction des moyens dans le domaine de l’urbanisme

Les crédits des actions du PIA finançant la transition écologique dans le domaine de l’urbanisme ont diminué dans une proportion plus importante encore que pour l’ADEME, comme le montre le tableau suivant.

ÉVOLUTION DES MONTANTS DES ENVELOPPES DANS LE DOMAINE DE L’URBANISME

(en millions d’euros)

 

Enveloppes initiales

Enveloppes au deuxième trimestre 2016

Écart

%

Ville de demain (PIA 1)

CDC

1 000

668

– 332

– 33,2 %

Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique (PIA 2)

CDC

75

40

– 35

– 46,7 %

Ville durable et solidaire - axe 1 (PIA 2)

ANRU

85

71

– 14

– 16,5 %

TOTAL

1 160

779

– 381

– 32,8 %

Source : CGI et calculs de la Mission.

La principale action du PIA dans ce domaine, l’action Ville de demain opérée par la Caisse des dépôts, était dotée en 2010 d’un milliard d’euros : 400 millions d’euros en fonds propres et 600 millions d’euros en subventions. Le montant total de la dotation a été ramené à 668 millions d’euros, dont 165 de fonds propres et 503 de subventions, soit une baisse globale de la dotation initiale d’un tiers.

Lors de l’établissement de la convention du 28 septembre 2010 définissant les modalités de gestion des crédits de l’action Ville de demain, la Caisse des dépôts avait obtenu que soit fixé, en cas de redéploiements de crédits, un délai de prévenance. L’article 6.2 de la convention précise ainsi qu’ « en toutes hypothèses, tout redéploiement devra être notifié à l’opérateur au moins six mois à l’avance ». Cette mention ne figure pas dans les conventions régissant les actions de l’ADEME ou de l’ANR par exemple.

Dans ses réponses écrites aux questions adressées par la Mission d’évaluation et de contrôle, la Caisses des dépôts a pourtant indiqué que les redéploiements de crédits sont intervenus sans qu’elle ait été consultée ni prévenue dans les délais conventionnels.

La part de l’enveloppe constituée de fonds propres destinés à des prises de participation est la plus affectée, passant de 400 à 165 millions d’euros, soit une baisse de 235 millions d’euros (– 59 %). La diminution des fonds propres rend compte de plus de 70 % de la baisse des crédits de l’action. Le choix de diminuer la part des fonds propres paraît avoir été dicté par le constat d’un surdimensionnement de cette enveloppe au regard du petit nombre de projets urbains dans lesquels la Caisse aurait pu investir directement en satisfaisant à la fois les exigences de caractère innovant et de rentabilité du PIA.

Face à ce constat, il aurait été envisageable de modifier la répartition des crédits entre enveloppes de l’action en augmentant la part de subventions et diminuant les fonds propres. Cela aurait eu pour effet de prolonger la durée potentielle des actions financées par des subventions. Mais les décisions de redéploiement ont eu pour effet de réduire globalement les montants attribués au programme, y compris dans l’enveloppe constituée de subventions.

Près de la moitié des crédits, constitués de fonds propres, ont ainsi abondé en 2012 l’action préexistante du PIA 1 Recapitalisation d’OSEO, pour financer la création de Bpifrance. Des redéploiements de subventions ont été opérés dans le cadre du pacte pour la compétitivité de mars 2013. Enfin les lois de finances rectificatives pour 2014 qui ont opéré des transferts du PIA 2 en faveur du programme 402 Excellence technologique des industries de défense rendent compte de plus d’un quart de la diminution des crédits de l’action, pour un total de 82 millions d’euros.

De même, comme évoqué précédemment, la diminution de moitié des crédits de l’action Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique du PIA 2 tient au financement d’un appel à projet ayant la même finalité sur des crédits budgétaires. 35 millions d’euros de subventions ont ainsi pu être redéployés, en 2015, principalement vers l’action Rénovation thermique des logements privés. À nouveau, le choix n’a pas été fait d’utiliser ces crédits pour abonder les dotations de l’action Ville de demain, dont l’enveloppe subsistante de 503 millions d’euros de subventions était pourtant, fin 2015, engagée en quasi-totalité.

Enfin, le premier volet de l’action Ville durable et solidaire, excellence environnementale du renouvellement urbain opérée par l’ANRU, a vu son enveloppe réduite de 16,5 % dès le stade de contractualisation. Le montant de 85 millions d’euros de subventions, approuvé par le Parlement lors de l’adoption du PIA2 a été réduit de 14 millions d’euros par décision du Premier ministre avant même l’établissement de la convention de gestion des crédits. La convention du 12 décembre 2014 prévoit donc l’utilisation de 71 millions d’euros de crédits.

Ce redéploiement de crédits a été opéré au bénéfice de l’action, à finalités militaires, Maîtrise des technologies nucléaires gérée par le CEA et ratifié par la loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014. Il ressort de l’audition du directeur général de l’ANRU par la Mission d’évaluation et de contrôle que cette décision de redéploiement a bien exercé un effet de contrainte sur la capacité d’intervention de l’opérateur. L’appel à manifestations d’intérêt Ville et territoires durables a en effet appliqué un taux de sélection important, sélectionnant 20 lauréats pour 63 candidatures de collectivités intervenant au titre de certains des quartiers les plus fragiles de la politique de la ville. Il ne paraît donc pas douteux que les montants redéployés auraient permis de sélectionner quelques projets supplémentaires ou d’améliorer le niveau de financement des projets retenus.

4. La baisse contenue de l’enveloppe des Instituts pour la transition énergétique

Les ponctions opérées sur les crédits dédiés aux ITE sont intervenues en 2014, donc toutes après l’établissement en 2012 et 2013 de la liste des projets financés. La Mission d’évaluation et de contrôle a donc pu s’assurer qu’elles ont été sans incidence ni sur les montants d’enveloppes attribués à chacun des projets, ni sur le nombre de projets retenus.

Les mouvements de crédits sont récapitulés dans le tableau suivant.

REDÉPLOIEMENTS AFFECTANT LES CRÉDITS DE L’ACTION ITE, OPÉRÉE PAR L’ANR

 

 

Décisions de redéploiement

(en millions d’euros)

 

Dotations du PIA 1 (2010)

Mars 2014

Juillet 2014

Solde

Écarts

%

Fonds consommables

250

– 13

– 3

234

– 16

– 6 %

Fonds non consommables

750

– 65

– 30

655

– 95

– 13 %

Total

1 000

– 78

– 33

889

– 111

– 11 %

Source : CGI.

13 millions d’euros de dotations consommables ont été redéployés par décision du 31 mars 2014 vers l’action EQUIPEX au bénéfice du plan d’évolution de la flotte océanographique française : ces crédits financeront la rénovation du navire Marion Dufresne, destiné à des opérations de carottage paléoclimatique.

Deux décisions des 12 mars et 16 juillet 2014 ont transféré 95 millions d’euros de dotations non consommables et 3 millions d’euros de dotations consommables vers l’action Instituts Carnot. Il s’agit d’accroître les ressources d’institutions de recherche publique qui bénéficient de ce label en contrepartie d’engagements forts de développement de recherches partenariales au bénéfice de l’innovation des entreprises.

De nouvelles diminutions sont cependant susceptibles d’intervenir : ainsi, l’arrêt de l’ITE IDEEL libère un solde de crédits d’environ 70 millions d’euros au titre de la dotation non consommable et 37 millions d’euros issus de la dotation consommable initiale de 19,5 millions d’euros et des intérêts de la dotation non consommable. Ces sommes seront affectées à d’autres projets opérés par l’ANR a priori sans lien avec la transition écologique mais les bénéficiaires pressentis n’ont pas été indiqués à la Mission d’évaluation et de contrôle.

L’enveloppe ITE votée dans le cadre du premier PIA sera donc globalement diminuée de 200 millions d’euros, dont 165 pour la dotation non consommable et 35 pour le montant initial de dotation consommable. Ces montants correspondent potentiellement aux niveaux de financement d’un ou de deux instituts supplémentaires.

5. Le financement croissant du programme Habiter mieux

Le programme Rénovation thermique des logements privés est le seul relatif à la transition écologique à avoir vu ses dotations globalement accrues du fait des redéploiements de crédits.

La dotation votée en loi de finances rectificative pour 2010 s’élevait à 500 millions d’euros : au deuxième trimestre 2016, elle atteint 728 millions d’euros, en hausse de 45,6 %.

Mais cette hausse masque une série de mouvements de crédits moins univoques. Composé initialement de la seule action « Fonds d’aide à la rénovation thermique des logements privés »(FART) cofinançant les actions de l’ANAH, le programme a fait l’objet d’une modification interne à l’été 2013, en réaction au démarrage apparemment difficile du programme Habiter mieux.

En effet, entre 2010 et 2012, seuls 44,2 millions d’euros de crédits de l’action FART ont été engagés, montants en très fort décalage par rapport à l’échéancier défini par la convention de financement du 14 juillet 2010 qui prévoyait l’engagement de 225 millions d’euros de crédits entre 2010 et 2013. Avec moins de 10 000 logements rénovés par an en moyenne, le programme Habiter mieux n’atteignait alors que le quart de ses objectifs.

Ce constat a conduit le Premier ministre à décider, à l’été 2013, le redéploiement de 135 millions d’euros de crédits du FART, vers une nouvelle action Rénovation thermique des logements privés - prime exceptionnelle créée au sein du programme initial. Cette action a alimenté un fonds de soutien de la rénovation énergétique de l’habitat (FSREH) dont la gestion a été confiée à l’Agence de services et de paiement (ASP) afin de verser une prime forfaitaire de 1 350 euros encourageant les travaux de rénovation énergétique, non cumulable avec des aides de l’ANAH et destinée à des propriétaires occupants aux revenus légèrement supérieurs à ceux des publics ciblés par l’ANAH.

Le montant des crédits du FART a ainsi été ramené à 365 millions d’euros. Le montant total du programme Rénovation thermique des logements privés est demeuré inchangé à 500 millions d’euros. Puis des redéploiements importants sont intervenus en faveur du FART, détaillés par le tableau suivant.

LES MOUVEMENTS DE CRÉDITS AU SEIN ET À DESTINATION DU PROGRAMME « RÉNOVATION THERMIQUE DES LOGEMENTS PRIVÉS » ENTRE 2010 ET 2016

(en millions d’euros)

 

Programme Rénovation thermique des logements privés

loi de finances 

rectificative pour 2010

Action Fonds d’aide à la rénovation thermique des logements

convention du 14 juillet 2010 État - ANAH

Action Rénovation thermique des logements privés - prime exceptionnelle

convention du 19 août 2013

État - ASP

500

500

 

Avenant n° 1 du 26 juin 2013 État-ANAH

Convention du 19 août 2013 État - ASP

 

– 135

+135

Total programme

500

365

135

Avenant n° 1 du 19 décembre 2015 État –ASP

Avenant n° 2 du 14 janvier 2015 État – ANAH

 

+ 94

– 94

Total programme

500

459

41

Avenant n° 3 du 3 juillet 2015 État-ANAH

 

+ 28

 

Total programme

528

487

41

Décision du Premier ministre du 10 novembre 2015 

 

+ 50

 

Total programme

578

537

41

Décision du Premier ministre du 3 mai 2016 

 

+ 150

 

Total programme

728

687

41

Sources : conventions liant l’ANAH et l’ASP à l’État et décisions du Premier ministre communiquées au Parlement.

Concomitamment à la mise en place de la prime exceptionnelle, le programme Habiter mieux a en effet connu une très forte montée en puissance : la revalorisation des subventions et, le cas échéant, leur abondement par les collectivités territoriales ont réduit le reste à charge pour les ménages et rendu le dispositif plus attractif ; le déploiement progressif du programme au niveau local et la qualité des partenariats établis avec les collectivités territoriales ont permis d’améliorer l’information et l’accompagnement des publics ciblés, donc leur appropriation du dispositif et les taux de recours. Le nombre de logements rénovés s’est accéléré, passant de 30 000 en 2013 à 45 000 en 2014 puis 50 000 en 2015.

En sens inverse, le recours à la prime exceptionnelle a été limité car le public visé a pu bénéficier de la transformation du crédit d’impôt développement durable en crédit d’impôt transition énergétique, qui a constitué une aide financière plus attractive. La prime exceptionnelle n’a été au final engagée qu’à hauteur de 41 millions d’euros de crédits du PIA.

En conséquence, en 2015, le FART s’est vu réattribuer l’ensemble des fonds du FSREH non consommés en 2014, portant sa dotation à 459 millions d’euros.

Depuis lors, trois décisions du Premier ministre ont attribué au FART, en une année, 228 millions d’euros des crédits provenant d’actions du PIA finançant la transition écologique :

– au titre des mesures annoncées le 8 avril 2015 par le Premier ministre en faveur de l’investissement et l’activité, 28 millions d’euros ont abondé le FART issus des crédits de l’action Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique gérée par la Caisse des dépôts ;

– deux décisions de novembre 2015 et mai 2016 ont redéployés vers le FART 50 et 150 millions d’euros respectivement issus des crédits de l’action Démonstrateur de la transition écologique et énergétique gérée par l’ADEME.

● Le PIA a pallié le manque de ressources propres de l’ANAH

Les apports financiers d’une telle ampleur paraissent justifiés par l’accélération des réalisations du programme Habiter mieux : l’objectif de nombre de logements à rénover passe ainsi, en 2016, de 50 000 à 70 000.

Or l’évolution des ressources propres de l’ANAH entre 2015 et 2016 ne lui permet pas de financer cette nouvelle hausse d’activité sans apport supplémentaire, comme le montre le tableau ci-dessous.

RESSOURCES PROPRES DE L’ANAH EN 2014, 2015 ET 2016

(en millions d’euros)

 

Réalisation 2014

Réalisation 2015

Exercice 2016

Produit de la taxe sur les logements vacants

21

55,5

19,1

Contribution des fournisseurs d’énergie au programme Habiter Mieux

47,8

50

59,4

Produits issus de la mise aux enchères des quotas carbone

215,3

300,6

332,6

Contribution de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

 

20

20

Contribution Action logement

 

50

50

Contribution de l’enveloppement spéciale transition énergétique

 

20

 

Autres produits

6,4

5,7

6

Total des ressources propres

290,6

501,8

487,1

Source : documents annexés aux projets de loi de finances.

Entre 2014 et 2015, le dynamisme des produits issus de la mise aux enchères des quotas carbone, complété par un apport du fonds de financement de la transition énergétique ont accru les ressources propres de l’agence de plus de 200 millions d’euros, donc à la hauteur des nouveaux besoins du programme Habiter mieux. Mais la dynamique des ressources propres de l’agence sera atténuée en 2016, avec une prévision de recettes en retrait de 14,7 millions d’euros.

C’est bien l’apport de crédits du PIA qui permettra de financer le nouveau surcroît d’activité du programme Habiter mieux. En 2016, en effet, une nouvelle hausse du produit de la vente aux enchères des quotas carbone ne compense pas la non reconduction des 20 millions d’euros de l’Enveloppe spéciale transition énergétique, ni surtout la diminution de 36 millions d’euros du plafond du produit de la taxe sur les logements vacants affecté à l’ANAH.

Les ressources propres de l’ANAH

La principale ressource propre de l’agence est issue de la vente aux enchères des quotas carbone : l’article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 lui en affecte le produit dans la limite d’un plafond, encore hors d’atteinte, de 550 millions d’euros par an. Cette ressource paraît dynamique en tendance : en 2013 et 2014, les cessions n’avaient permis de collecter que 219 et 215,3 millions d’euros respectivement ; initiée en décembre 2013, une politique européenne de gel des quotas de CO2 a eu pour effet de diminuer temporairement l’offre disponible sur le marché donc d’absorber les surplus existants et de faire progressivement remonter les cours. Le prix de la tonne de CO2 est ainsi passé de 4,39 euros en 2013 à une moyenne de 7,32 euros fin 2015. Les produits attendus pour l’ANAH en 2015 et 2016 seront en hausse d’environ 100 millions d’euros par an.

La contribution des fournisseurs d’énergie au programme Habiter Mieux négociée pour la période 2014-2017 doit procurer une recette annuelle de l’ordre de 55 millions d’euros calculée sur la base de 1 100 euros par logement avec une prévision de financement de 50 000 logements par an. Toutefois, cette contribution pourrait évoluer à la hausse du fait de la création, au 1er janvier 2016, des certificats d’économie d’énergie précarité délivrés par l’Agence.

La taxe sur les logements vacants : L’agence perçoit une part du produit de la taxe sur les logements vacants, sous un plafond porté de 21 à 61 millions d’euros par la loi de finances pour 2015, ce qui correspond, après déduction des frais de gestion de 9 %, à une recette de 55,5 millions d’euros en 2015. Pour les années 2016 et 2017, la recette serait ramenée à 19,1 millions d’euros.

En outre, ainsi que la directrice générale de l’ANAH l’a indiqué lors de son audition par la Mission d’évaluation et de contrôle, les modalités de financement du programme Habiter mieux à compter de 2017 ne sont pas définies. Des redéploiements de crédits du PIA vers le FART sont donc toujours susceptibles d’intervenir. La dynamique enclenchée aujourd’hui par le programme Habiter mieux, exerce un indéniable effet d’attraction des financements initialement prévus pour des programmes dont la contractualisation est plus lente mais qui s’inscrivent plus nettement dans la logique du PIA.

Les Rapporteures considèrent que la situation n’est pas aujourd’hui stabilisée. Plutôt que de nouveaux redéploiements difficilement lisibles, la définition d’une nouvelle enveloppe de crédits dans le prochain PIA serait une avancée. Une autre solution, préférable, consiste à accroître les ressources propres de l’ANAH à hauteur des nouveaux objectifs de rénovation thermique des logements privés qui lui seront fixés.

Cette option paraît plus vertueuse en termes de lisibilité et de sincérité budgétaires que la démarche qui consisterait à inscrire dans le prochain PIA une nouvelle enveloppe destinée à alimenter le FART mais susceptible de connaître des mouvements de crédits de grande ampleur.

Proposition : Accroître à compter de 2017 les ressources propres de l’ANAH à hauteur des financements nécessités par les nouveaux objectifs assignés au programme Habiter mieux.

B. UN DÉMARRAGE DIFFICILE MAIS DES ACQUIS À MI-PARCOURS

Plusieurs facteurs rendent compte de la difficulté initiale à mettre en œuvre les actions du PIA finançant la transition écologique.

La part des actions destinées à déclencher des décisions d’investissement privé étant prédominante, cette lenteur tient en partie au contexte économique, qui, en revanche, n’a pas joué dans la mise en œuvre des crédits massifs destinés aux établissements publics de recherche. La situation économique des années 2010 à 2012 était ainsi nettement moins favorable qu’aujourd’hui dans plusieurs secteurs. Pour le programme Véhicules du futur, la crise du transport automobile a limité les capacités d’investissement privé et induit un taux d’abandon de projets de 25 %. Ce facteur a également limité la capacité pour la Caisse des dépôts d’intervenir en fonds propres aux côtés d’investisseurs privés dans des projets immobiliers innovants.

La mise en œuvre des actions a pâti initialement d’un manque de structuration des filières industrielles de la transition écologique et de vision collective autour de stratégies stables et partagées. L’intervention des opérateurs du PIA visant précisément à y remédier, la lenteur initiale ne saurait présager de l’évolution ultérieure comme l’atteste l’accélération de la montée en charge du programme Habiter mieux à mesure que progresse les partenariats locaux que l’ANAH avait pour mission de susciter.

1. Des délais de mise en place inégalement justifiés

Certains délais initiaux paraissent en outre incompressibles : ils ont garanti la pertinence des choix de financement et leur sécurité juridique.

D’autres tenaient à la lourdeur des procédures aux différentes étapes de la mise en œuvre de l’action. D’importantes mesures de simplification ont été prises, qui contribuent désormais à accélérer l’engagement des crédits.

a. Les délais liés à l’encadrement européen des aides d’État

Dans certains cas, la mise en conformité avec les règles européennes en matière d’aides d’État a occasionné des délais importants.

Selon la nature du projet (recherche fondamentale, recherche développement ou recherche industrielle), et la catégorie de bénéficiaires, des plafonds de financement et de taux d’aide différents sont applicables, définis par les lignes directrices de l’environnement, dites LDE ou l’encadrement communautaire à la recherche, au développement et à l’innovation, dit RDI.

Les interventions en fonds propres ne relèvent pas de la catégorie des aides d’État. Elles peuvent cependant être requalifiées comme telles si elles ne respectent pas le principe de l’investisseur avisé en économie de marché, dont les investissements sont guidés par l’attente raisonnable d’un rendement.

La réglementation européenne applicable aux aides d’État dans le domaine de la transition écologique

– l’encadrement communautaire des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation (RDI) 2014/C 198/01 du 27 juin 2014 ;

– les lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020, 2014/C 200/01, du 28 juin 2014 ;

– le règlement général d’exemption par catégorie (RGEC) n° 651/2014 du 17 juin 2014, complété par la décision d’exemption 2012/21/UE sur les services d’intérêt économique général.

En matière de recherche et développement et dans les domaines de l’environnement et de l’énergie, les seuils de notifications ont été récemment élevés, ce qui élargit le champ d’application de l’intervention publique nationale.

Si les montants d’aide envisagés n’entrent pas dans ce cadre général, une notification préalable à la Commission européenne est nécessaire. Le financement ne peut être contractualisé tant que la Commission n’a pas donné son accord.

La principale contrainte semble donc reposer dans les délais qui entourent l’examen des projets en phase de notification à la Commission. Ils paraissent difficilement compatibles avec une gestion efficace de projets d’innovation dans les domaines rapidement évolutifs.

En 2015, l’ADEME a cependant engagé la notification de deux projets de fermes hydroliennes, pour un montant total d’aides de 103 millions d’euros. Ces montants engagés ne pourront donc être contractualisés qu’une fois rendue la décision de la Commission attendue en 2016.

La question des délais a particulièrement joué pour la mise en place des Instituts pour la transition énergétique. Si une part des financements a relevé du règlement général d’exemption, les aides apportées à trois Instituts ont dû être notifiées au préalable à la commission européenne. Le périmètre des aides concernées dépasse 167 millions d’euros, soit 40 % du montant total de 410 millions d’euros d’aides conventionnées par l’ANR avec onze instituts.

Les procédures de notifications des aides d’État appliquées à trois ITE

Concernant l’ITE PIVERT, la France a notifié, le 23 mai 2012, l’intention d’accorder 39,8 millions d’euros de subventions au projet de recherche « Genesys ». L’accord de la Commission européenne a été obtenu le 15 mai 2013.

Pour l’ITE Supergrid, la notification effectuée le 2 août 2013 porte sur un montant de 86,6 millions d’euros, plus élevé que les 72,5 millions d’euros issus du PIA, afin de tenir compte non seulement des aides à la recherche industrielle versées par l’ANR mais d’autres contributions publiques. L’accord a été notifié le 16 septembre 2014.

La notification de l’aide d’État à l’ITE IFMAS a été effectuée le 24 juillet 2013, pour une subvention totale de 43,6 millions d’euros, dont 30,7 provenant du PIA. L’accord a été signifié le 27 mars 2014.

L’instruction conduite par la Commission européenne porte sur la contribution du projet aidé à un objectif d’intérêt commun bien défini. La décision se prononce sur la nécessité de l’intervention de l’État et sur le caractère approprié, incitatif et proportionné de l’aide au regard des solutions alternatives et de la situation des marchés concernés.

Au délai formel, inférieur à un an, détaillé dans l’encadré ci-dessus, s’ajoutent des phases de pré-notification de longueur variable en fonction de la complexité du projet. Les délais ont permis des échanges nourris avec la Commission européenne et ont été mis à profit pour affiner le projet. L’ANR en a retiré des lignes directrices applicables aux autres aides pour lesquelles une autorisation préalable de la Commission européenne n’a pas été sollicitée.

La durée de conventionnement de l’ANR avec chaque ITE devait prendre fin au plus tard le 27 juillet 2020. Les délais de mise en place des ITE, censés bénéficier de financements du PIA pendant 9 ans, en trois tranches triennales, ont nécessité de repousser ce terme au 31 décembre 2024.

Enfin, il convient de relever que dans le domaine automobile, des difficultés à faire émerger des dynamiques importantes ont tenu à l’interdiction pour PSA et ses filiales de recevoir des aides d’État jusqu’au 31 décembre 2015. Mais cet obstacle à la participation d’un acteur majeur du secteur aux appels à projets de l’action Véhicules du futur est désormais levé.

b. Les délais pour opérer des choix stratégiques de qualité

Une partie du retard dans l’engagement des crédits a tenu à la nécessité d’adapter finement la stratégie des opérateurs à la réalité des perspectives et des besoins sectoriels.

Pendant la première année du PIA, l’ADEME a établi une prospective de moyen et long termes en faisant établir 25 « feuilles de route stratégiques » sectorielles par des groupes d’experts en association avec des instituts de recherche et les entreprises des secteurs concernés.

Ce travail a permis d’affiner l’analyse stratégique en identifiant les verrous au déploiement d’une technologie et donc les thématiques à privilégier dans les futurs appels à projets. Il a également évalué l’opportunité pour l’État d’intervenir dans un domaine au vu de la situation des entreprises françaises concernées. Il s’agit par exemple d’éviter de chercher à financer des innovations dans des domaines où la production ne se ferait pas sur le territoire national. L’importance du cadrage a donc justifié de reporter le lancement de certains appels à projets afin de pouvoir les lancer ensuite avec plus de succès.

LES FEUILLES DE ROUTE STRATÉGIQUES DE L’ADEME

Les feuilles de route stratégiques de l’ADEME sont classées selon les trois thématiques suivantes, auxquelles s’ajoute une feuille de route sur les défis et perspectives pour des villes durables performantes : climat, énergie, environnement :

– transports et mobilité 

- Les approches intégrées des chaînes logistiques et des systèmes de mobilité des personnes

- Le couple véhicules particuliers-carburants à l’horizon 2050

- Les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables

- Les navires du futur

- Les systèmes ferroviaires

- Les systèmes de mobilité pour les biens et les personnes

- Les véhicules routiers à faibles émissions de gaz à effet de serre (GES)

– énergies décarbonées et bioressources, forêts,

- Les bâtiments et îlots à énergie positive et bilan carbone minimum

- Les biocarburants avancés

- Le captage, le transport, le stockage géologique et la valorisation du CO2

- La chimie du végétal

- L’électricité photovoltaïque

- Les énergies renouvelables marines

- La géothermie

- Le grand éolien

- L’hydrogène énergie et les piles à combustible

- Les réseaux et systèmes électriques intelligents intégrant les énergies renouvelables

- Le solaire thermique

- Le solaire thermodynamique

- Les systèmes électriques intelligents

- Les systèmes de stockage d’énergie

– économie circulaire et sols pollués.

- Collecte, tri, recyclage et valorisation des déchets

- La gestion intégrée des sols, des eaux souterraines et des sédiments pollués

- Les produits, procédés et services écoconçus

Le ciblage à partir de feuilles de route sectorielles distingue fortement l’ADEME des opérateurs qui mettent en œuvre des appels à projet qualifiés de « génériques » ouverts en permanence sur toutes les thématiques. Située en aval du processus d’innovation, l’ADEME est soumise à des contraintes propres moins présentes pour l’ANR qui se situe plus en amont et pour Bpifrance qui ne conduit pas d’exercices d’expertise par secteurs.

Des représentants d’entreprises et des experts auditionnés par la Mission d’évaluation et de contrôle ont souligné l’intérêt de cette phase préalable. Les feuilles de route ont eu un « effet de jalonnement » qui a permis de faire émerger des projets avec des objectifs clairs. Alors que dans des secteurs tels l’économie numérique l’effet de bourgeonnement d’idées prédomine, la transition énergétique appelle l’établissement commun de diagnostics et une visibilité claire d’étapes partagées.

Le CGI a cependant indiqué, en réponses aux questions de la Mission d’évaluation et de contrôle, que les feuilles de route ont été de qualité inégale. Certaines ont seulement récapitulé des éléments d’appréciations globales des marchés concernés et des enjeux technologiques associés. Mais d’autres ont bel et bien résulté de réelles analyses des segments de marché, du positionnement et des difficultés des acteurs français et des choix à opérer, à l’exemple de la feuille de route « R&D de la filière Chimie du végétal ».

Il existe en outre un enjeu de coordination entre ces feuilles de route et celles des Instituts pour la transition énergétique. On peut constater une cohérence des orientations en matière d’énergies marines facilitée par un exercice européen en la matière, le SET plan. En revanche, le bilan évaluatif des appels à projets de l’ADEME dans le domaine des réseaux intelligents pointe leur absence de lien avec les orientations de l’ITE Supergrid, qui travaille sur les futurs réseaux de transport d’électricité.

L’actualisation de certains diagnostics a été proposée, par exemple pour la filière photovoltaïque qui a connu des très fortes évolutions au cours des cinq dernières années.

Les Rapporteures invitent donc l’ADEME et l’ANR à capitaliser sur les acquis du cadrage stratégique initial.

Proposition : Capitaliser sur l’acquis de la réalisation des feuilles de routes stratégiques de l’ADEME en les actualisant dans les secteurs qui le réclament et en veillant à les coordonner avec les orientations des Instituts pour la transition énergétique.

L’ADEME a ainsi pu opérer des choix. Elle a parfois cherché à couvrir par des démonstrateurs une palette large de technologies afin d’avoir un panorama complet des solutions sur une thématique donnée, par exemple dans le domaine des réseaux intelligents. Elle a aussi pu chercher à préserver un équilibre entre projets selon leurs degrés de risque, par exemple dans le domaine des énergies marines.

Enfin, elle a accentué son effort sur les secteurs dans lesquels des implantations industrielles en France auront le plus de chances d’être compétitives et de bénéficier de marchés mondiaux. Il apparaît que l’ADEME s’est ainsi efforcée avec pragmatisme de repérer les places qui sont à prendre sur le marché mondial pour que la France développe des technologies susceptibles de les occuper.

Il en résulte une orientation marquée des financements dans les domaines les plus porteurs :

– les énergies marines renouvelables, compte tenu du potentiel français de construction maritime et d’un contexte concurrentiel favorable ;

– la chimie verte qui vise la substitution de produits bio-sourcés aux composants issus du pétrole pour fabriquer des produits chimiques. Ce secteur paraît à moyen terme bien plus prometteur que celui des biocarburants. Il s’appuie en outre sur les atouts considérables de la France en matière d’agro-industrie ;

– les réseaux électriques intelligents, dans lequel la France dispose d’acquis techniques et de nombreuses grandes entreprises ou PME exportatrices ;

– le photovoltaïque solaire, non pas pour la conception de nouvelles cellules photovoltaïques car elles ne seraient pas fabriquées en France, mais dans les phases amont, destinées aux équipementiers, et aval pour les systèmes électriques et de suivi solaires.

Ce repérage des secteurs les plus porteurs peut être résumé par le schéma reproduit ci-après, établi par le Commissariat général au développement durable, qui présente les filières exportatrices de l’économie verte en fonction des atouts de la France et du potentiel de développement du marché mondial.

FILIÈRES DE L’ÉCONOMIE VERTE DISPOSANT D’UN POTENTIEL IMPORTANT À L’EXPORT

Source : Les filières industrielles de l’économie verte, ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, CGDD, Mars 2013, p. 29.

c. Des facteurs de lourdeurs ont appelé des corrections

La phase de définition des feuilles de route a accompagné une modification profonde par l’ADEME de ses modalités habituelles de sollicitation des projets des entreprises, apparues rapidement en décalage avec les nouvelles exigences du PIA.

Les deux premières années de mise en œuvre, l’ADEME intervenait principalement au moyen d’appels à manifestation d’intérêt (AMI) : ils autorisent le dépôt de projets incomplets et prévoient un accompagnement des industriels pour finaliser le projet avant sa sélection. Ces projets peu matures ont fortement sollicité les ressources de l’opérateur pour les accompagner, les compléter puis les instruire.

Les AMI ont été progressivement remplacés par des appels à projets (AAP) ciblant des projets matures qui ne nécessitent pas d’accompagnement. L’agence organise en revanche des échanges avec les porteurs de projet en amont du dépôt de leur candidature, ce qui permet de gagner du temps pendant la phase d’instruction.

La mise en œuvre du PIA a également été un facteur de lourdeur initiale en raison du partage complexe des responsabilités de conduite de chaque action opéré par les conventions conclues entre l’État et les opérateurs. La présence d’intervenants distincts aux différents stades de mise en œuvre des actions présente en effet des risques en termes de délais de prises de décision.

Concernant l’ADEME, les parties prenantes sont un comité de pilotage (COPIL) interministériel, un groupe de travail technique (GT) (dont les membres sont issus des ministères représentés au COPIL, de l’opérateur et du CGI), un comité d’investissement compétent sur les interventions en « investisseur avisé » et enfin l’opérateur et le CGI.

À titre d’exemple, le COPIL de l’action Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique est composé de représentants des ministères en charge de l’énergie, de l’écologie et du développement durable, de la recherche et de l’innovation, de l’industrie et du numérique, du Commissariat général au développement durable, du commissaire général à la stratégie et à la prospective et du Président de la Commission de régulation de l’énergie. Le comité peut décider de s’adjoindre d’autres membres en fonction des besoins. Le CGI et l’ADEME assistent de droit aux réunions et l’ADEME en assure le secrétariat.

Pour l’action Ville de demain opérée par la Caisse des dépôts, la convention prévoit, au niveau local, un comité local de pilotage et un comité opérationnel de financements.

Les rôles des différentes instances sont récapitulés dans le schéma figurant sur la page suivante, qui permet de constater que les responsabilités sont partagées entre plusieurs intervenants aux différentes étapes d’élaboration des appels à projets et d’instruction des dossiers.

Il ressort de constats concordants présentés à la Mission d’évaluation et de contrôle qu’il en est résulté des circuits de prises de décisions redondants et des délais de préparation des appels à projets, d’instruction des candidatures et de décision d’engagement des crédits particulièrement longs. L’empilement d’étapes de validation ont accru les délais ce qui a contribué au déficit initial d’image du PIA, jugé « trop lourd, trop lent ».

En outre, l’ADEME avait établi une commission nationale des aides, composée de personnalités qualifiées, chargée de valider l’instruction des dossiers et la notation établies par l’ADEME, puis de donner un avis consultatif préalablement à la décision de sélection des projets. Cette instance devait compléter le rôle du comité de pilotage composé de représentants des pouvoirs publics en apportant les éclairages d’experts indépendants, notamment universitaires. Son intervention ajoutait cependant des étapes supplémentaires. Il est en outre apparu difficile, en pratique, d’y faire participer de bons connaisseurs de marchés très évolutifs sans les placer de fait dans des positions de conflits d’intérêts.

SCHÉMA DE RÉPARTITION DES RÔLES DANS LA SÉLECTION DES PROJETS DE L’ACTION « DÉMONSTRATEURS DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET ÉNERGÉTIQUE »

ÉTAPE

CGI

ADEME

MINISTÈRES

(Groupe de travail)

Comité de pilotage

(Comité d’investissement pour les prises de participation)

Élaboration du cahier des charges des appels à projets

Valide

En charge

Associé

Propose le texte à la validation du CGI

Lancement et gestion de chaque appel à projets

Valide

En charge

Associé

Informé

Instruction des dossiers

 

En charge

Associé

Associé

Sélection des projets

Émet un avis transmis au Premier ministre pour décision

Associé

Associé

Propose la sélection au CGI

Contractualisation avec les lauréats

Valide

En charge

Informé

Informé

Notification éventuelle des aides à la Commission européenne

Informé

Prépare les éléments

En charge

Informé

Suivi des projets

Associé

En charge

Associé

Informé

Modifications substantielles des contrats

Valide

En charge

Associé

Émet un avis

Évaluation

Supervise

Associé

Associé

Pilote

Source : convention du 15 décembre 2014 entre l’État et l’ADEME.

2. Les efforts pour accélérer l’engagement des crédits

La suppression de la Commission nationale des aides pour les projets de l’ADEME est une des nombreuses mesures de simplification mises en œuvre depuis deux ans.

L’effet de ces mesures est particulièrement apparent en ce qui concerne l’ADEME qui a bénéficié d’une refonte de son conventionnement avec l’État à l’occasion de la mise en œuvre du deuxième PIA. Une convention du 15 décembre 2014 a en effet repris les droits et obligations des trois conventions distinctes conclues en 2010 pour les actions Démonstrateurs énergies renouvelables et chimie verte et Économie circulaire (deux conventions du 3 août 2010) ainsi que Réseaux électriques intelligents (convention du 6 octobre 2010). Elle met en œuvre les préconisations d’un audit de performance mené, en 2014, par le secrétariat général à la modernisation de l’État (SGMAP).

Un objectif de délai est fixé, de 3 à 6 mois pour l’essentiel des dossiers, entre la présentation du dossier complet et l’établissement du contrat final avec les partenaires.

Les nombreuses mesures de simplification produisent des effets aux différentes étapes : le lancement des appels à projet, l’instruction des dossiers, la décision d’engagement puis la contractualisation avec les bénéficiaires des financements.

Objectifs de délais fixés par la convention du 15 décembre 2014 entre l’État et l’ADEME relative à l’action « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique » :

Le COPIL peut définir les délais d’instruction maximum des projets, selon une typologie établie en liaison avec l’ADEME, étant entendu que, pour le cas général, l’objectif moyen de délai entre le dépôt d’un dossier complet et sa présentation en COPIL est de trois mois.

Postérieurement à la décision du Premier ministre, et dans un délai inférieur à six mois, le président du conseil d’administration de l’ADEME engage les dépenses. À cette fin, l’ADEME rédige et signe les contrats de financement avec les bénéficiaires finaux.

L’observation des délais de contractualisation, pour les interventions à caractère d’aide d’État, fait l’objet d’un suivi attentif. L’observation d’une dérive de plus de un mois en moyenne par rapport aux objectifs fixés (…) fait l’objet d’un plan correctif proposé par l’ADEME et validé par le CGI.

Sur les différentes actions du PIA dont elle a la charge, l’ADEME est désormais en mesure d’engager simultanément une vingtaine d’appels à projets.

Le tableau ci-après présente les différents appels à projets en vigueur en cours au premier semestre 2016, chez les différents opérateurs inclus dans le périmètre de la Mission d’évaluation et de contrôle.

APPELS À PROJETS OU À MANIFESTATIONS D’INTÉRÊTS DU PREMIER SEMESTRE 2016 DANS LES DOMAINES DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE, TOUS OPÉRATEURS CONFONDUS

Intitulés des AAP et AMI des opérateurs et classifications thématiques du CGI

Date de lancement

Date de clôture

RELEVER LE DÉFI DE L’ÉNERGIE

Qualité de l’eau et gestion de la rareté

14/05/2015

23/05/2016

Méthodes industrielles pour la rénovation et la construction de bâtiments -

30/07/2014

30/12/2016

Industrie et agriculture éco-efficientes

04/11/2014

30/11/2016

Initiatives PME Stockage et conversion de l’énergie

25/09/2015

15/02/2016

Initiative PME - Biodiversité

09/07/2015

22/02/2016

Fermes pilotes éoliennes flottantes

05/08/2015

04/04/2016

Stockage et Conversion d’énergie

03/08/2015

18/04/2017

Énergies renouvelables en mer et fermes pilotes hydroliennes fluviales

03/08/2015

20/03/2017

Économie circulaire, recyclage et valorisation des déchets - édition 2015

02/09/2015

21/11/2016

Initiatives PME Énergies renouvelables

25/09/2015

21/03/2016

Énergies renouvelables

03/12/2015

27/02/2017

Initiative PME recyclage et valorisation des déchets - Édition 2016

24/03/2016

12/09/2016

IMPE Écoconception, réduction des déchets et du gaspillage alimentaire

24/03/2016

12/09/2016

Systèmes électriques intelligents - édition mars 2016

31/03/2016

17/10/2016

Initiative Greentech pré-amorçage

08/04/2016

31/05/2016

ACCOMPAGNER LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Systèmes électriques intelligents

31/03/2014

21/03/2016

Initiatives PME Systèmes électriques intelligents

25/09/2015

15/02/2016

Eranet Smart Grid Plus - spécificités françaises

26/04/2016

15/06/2016

DÉVELOPPER L’INDUSTRIE ET LES TRANSPORTS

Fonds Sociétés de projets industriels (SPI)

14/01/2015

Jusqu’à épuisement des fonds

Véhicule routier et mobilité du futur - Éditions 2015

01/03/2015

01/10/2016

Navires du futur - Édition 2015

30/04/2015

01/10/2016

Le véhicule dans son environnement

11/07/2015

01/10/2016

Transports ferroviaires - édition 2015

11/07/2015

31/05/2016

Route du futur

11/07/2015

01/10/2016

PIAVE Industrie du Futur

07/10/2015

30/06/2016

PIAVE Générique

18/01/2016

20/01/2017

Initiative PME Véhicule et transports – Édition avril 2016

07/04/2016

15/06/2016

FINANCEMENT DES ENTREPRISES

Prêts verts PIA 2

12/12/2014

Jusqu’à épuisement des fonds

URBANISME

Ville de demain Tranche 2

06/04/2015

31/12/2016

Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique – Prêts aux PME

20/05/2015

31/12/2016

Sources : http://www.gouvernement.fr/appels-a-projets-et-manifestations-cgi.

Ces différents appels à projets comportent des durées d’ouverture longues, avec dépôt libre « au fil de l’eau » ce qui évite les dépôts prématurés de projets inaboutis. Les formulaires de demande d’aides ont par ailleurs été simplifiés.

Pour assurer l’adéquation de l’objet de l’appel à projets aux capacités de réponses des entreprises, outre les bénéfices de l’établissement des feuilles de route stratégiques, l’ADEME et les ministères ont amélioré l’implication des filières d’entreprises. Par exemple, pour mettre en œuvre l’action Transports du futur, l’ADEME organise des réunions mensuelles avec la plateforme automobile (PFA), participe systématiquement au Conseil d’orientation de la recherche et de l’innovation pour la construction et les activités navales (CORICAN) et a développé ses relations avec Fer de France et la Fédération des Industries Ferroviaires (FIF).

La phase d’instruction du projet a été significativement accélérée compte tenu de la suppression de la phase formelle de pré-sélection et de la Commission nationale des aides. Elle comporte désormais l’audition systématique des porteurs de projets par le groupe de travail interministériel, dès le dépôt du dossier.

La répartition des rôles entre les deux instances intervenant dans l’instruction des dossiers est donc claire : le groupe de travail interministériel examine les dossiers et échange avec les équipes d’instruction de l’ADEME, puis participe à une réunion d’expertise tenue par l’ADEME avec les bénéficiaires. Le groupe de travail propose alors au comité de pilotage une décision de financement ou de non-financement : elle est endossée par le COPIL et proposée au Premier ministre qui prend la décision finale après instruction par le CGI.

La Cour des comptes a cependant émis des doutes sur l’utilité de recourir dans tous les cas à un examen par un COPIL de niveau interministériel. On relève d’ailleurs que pour l’action Véhicule du futur, une délégation de décision du COPIL a été donnée au groupe de travail pour tout projet dont le montant cumulé des aides est inférieur à 3 millions d’euros.

Afin de réduire le délai lié à la prise de décision du Premier ministre, un seuil de délégation de la décision au CGI avait été établi dès les débuts du PIA. Il a été abaissé à 15 millions d’euros par bénéficiaire et par projet pour les dotations consommables, et maintenu à 20 millions d’euros pour les dotations non consommables. Enfin le Commissaire général à l’investissement a fixé à ses propres services un délai maximal de deux semaines lorsque cette décision lui est déléguée.

Ces différentes mesures de simplifications ont contribué à accroître le nombre de projets examinés par les opérateurs, comme le montre le tableau suivant concernant l’ADEME.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE PROJETS EXAMINÉS PAR L’ADEME

 

Nombre de projets instruits

Nombre de décisions d’engagement

Nombre de projets contractualisés

2013

31

51

46

2014

52

50

45

2015

173

120

103

Source : ADEME.

L’accroissement par des facteurs de 2 ou 3 des nombres de projets instruits, engagés ou contractualisés tient pour partie à l’augmentation du nombre d’appels à projets en cours, pour partie à la plus forte mobilisation des petites et moyennes entreprises dans ces appels à projets et pour partie à la diminution des délais de traitement des dossiers.

Le tableau suivant illustre la diminution des délais pour les phases d’instruction du dossier par l’opérateur et de décision d’attribution de l’aide par le Premier ministre.

LA RÉDUCTION DES DÉLAIS D’ENGAGEMENT DES ACTIONS OPÉRÉES PAR L’ADEME

Actions

Délais (en semaines)

Instruction

Décision

Total

2011

2015

2011

2015

2011

2015

Démonstrateurs

39,4

13,1

17,3

3,6

56,8

16,8

Économie circulaire

50,3

12,6

20,6

3,9

65,9

16,7

Véhicule du futur

36,3

8,4

6,3

2,9

42,5

11,2

Systèmes électriques intelligents

40,4

13,4

21,1

2,4

61,5

15,6

Source : CGI.

Délai d’instruction : délai entre le dépôt du projet et la décision du COPIL ;

Délais de décision : délai entre la décision du COPIL et la décision du Premier ministre ou déléguée au CGI ;

Les années 2011 et 2015 correspondent aux années de dépôt du dossier.

Entre 2011 et 2015, la durée totale d’instruction d’un dossier a été diminuée par 4 pour les actions Véhicules du futur et Systèmes électriques intelligents, et par plus de 3 pour les actions Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique et Économie circulaire.

La mise en œuvre des mesures de simplification a permis de respecter globalement l’objectif d’un délai de 3 à 6 mois pour l’essentiel des dossiers, entre la présentation du dossier complet et l’établissement du contrat final avec les partenaires, alors qu’en 2011 ce délai s’élevait en moyenne à 9 mois.

Dans ces délais moyens il convient de distinguer le processus standard prévoyant un délai global maximum de 12 mois (six mois d’instruction, un mois pour la décision et cinq mois pour la contractualisation) et des cibles de délais différenciés en fonction de la taille des bénéficiaires, des types de projets. Le traitement est ainsi mieux adapté aux enjeux.

La phase de contractualisation a été accélérée par la définition de conditions juridiques communes à tous les contrats selon les catégories de bénéficiaires.

En particulier, les règles de remboursement des avances remboursables ont été simplifiées et standardisées. La fixation du seuil commercial d’intéressement de l’État ne peut plus faire l’objet d’une négociation en règle générale. Les clauses prédéfinies doivent être acceptées par les porteurs au moment du dépôt du dossier ce qui réduit considérablement la durée ultérieure de négociation.

Le CGI a par exemple indiqué avoir, dans le domaine automobile, fait revoir les clauses contractuelles par les avocats des entreprises participant à la plateforme de la filière automobile. Ce travail d’échanges a permis de stabiliser les termes génériques des contrats désormais connus des entreprises dès la phase de candidature.

En outre, les conventions sont désormais signées par projet et non plus par partenaire. Enfin, les décisions de financement sont assorties d’une clause de caducité qui fixe un délai au-delà duquel les conventions ne peuvent plus être signées. Elle est fortement incitative à la maîtrise du temps de contractualisation.

Sur trois années, la durée moyenne de la phase d’établissement d’un contrat, après la décision d’engagement, est ainsi passée de 9 à 2 mois.

Les délais des trois étapes préalables au financement du projet ont donc tous été diminués de façon significative, comme le montre, concernant les actions opérées par l’ADEME, le schéma suivant.

DÉLAIS MOYENS DE TRAITEMENT DES DOSSIERS – 
INVESTISSEMENTS D’AVENIR (EN MOIS)

Source : ADEME.

3. La portée encore incertaine de l’écoconditionnalité des aides

Introduite dans le PIA 2, l’écoconditionnalité des aides constitue à la fois un critère de sélection des projets et un indicateur de la contribution à la transition écologique d’actions qui ne sont pas initialement placées dans son champ. Il introduit sur un périmètre d’intervention plus large que celui défini par la Mission d’évaluation et de contrôle, des contraintes et des objectifs de transition écologique.

En effet, pour les actions relevant déjà directement de la transition écologique, l’écoconditionnalité existe par définition comme un critère de « sélection primaire » : seuls des projets ayant pour objet des techniques ou procédés permettant d’atteindre des objectifs de transition écologique sont examinés. Par exemple, pour le programme Ville de demain du PIA 1, seuls sont retenus les projets visant tout ou partie des objectifs du programme : une réduction des consommations d’énergie dans le bâti et dans les transports ou des consommations d’eau, de matières premières, d’émissions des déchets et de polluants atmosphériques, des émissions des gaz à effet de serre ; une production et une gestion optimale des énergies renouvelables ; une meilleure prise en compte des risques urbains, notamment d’inondation ; des mobilités alternatives, peu polluantes et peu consommatrices d’énergie ; une utilisation plus raisonnée du foncier. L’enjeu dans ce cas est celui de la qualité du suivi des projets, par l’opérateur Caisse des dépôts, pour vérifier l’effectivité des améliorations annoncées, évaluer leur impact socio-économique en particulier sur la qualité de vie et l’attractivité des agglomérations.

Mais le PIA 2 distingue également une écoconditionnalité comme critère de « sélection secondaire » qui constituerait un critère de choix de second niveau ou permettrait de moduler le montant de l’aide en fonction de la prise en compte par un projet des enjeux de la transition écologique.

Cette distinction figure au premier chef dans la convention constitutive de l’action PIAVE, opérée par la Bpifrance, dont des extraits figurent dans l’encadré ci-après. Ceci est justifié par le fait, déjà relevé par les Rapporteures, que l’action PIAVE est financée pour partie par les crédits d’un programme du PIA 2 destinés directement à la transition écologique et pour partie par des crédits qui n’ont pas cet objet.

Convention du 27 novembre 2014 entre l’État et BPI-Groupe relative au programme d’investissements d’avenir Action : Projets industriels d’avenir (PIAVE)

Le programme PIAVE sélectionne des projets démontrant une réelle prise en compte de la transition énergétique et du développement durable. Les effets positifs attendus et démontrés du projet, du point de vue écologique et énergétique, sont utilisés pour sélectionner les meilleurs projets parmi ceux présentés, ou pour ajuster le niveau d’intervention publique accordé au projet.

L’écoconditionnalité est un critère de sélection primaire des projets comptabilisés dans le cadre du programme 404 Projets industriels pour la transition écologique et énergétique. Cela signifie que seuls les projets présentant les effets positifs les plus importants du point de vue écologique ou énergétique sont retenus dans ce cadre. La modulation de l’intervention publique dépend en particulier de l’ampleur de ces effets.

Pour les projets comptabilisés dans le cadre du programme 405, l’écoconditionnalité est un critère de sélection secondaire, c’est-à-dire que les effets du projet du point de vue écologique et énergétique sont pris en compte pour décider de sa sélection au titre de cette action, sans que l’appréciation de ces effets ne soit strictement déterminante pour la sélection du projet, et pour décider de la modulation éventuelle de l’intervention publique.

Par ailleurs, le 9 juillet 2013, le Premier ministre a assigné au PIA 2 un objectif quantifié : plus de la moitié du PIA 2 doit être consacrée à des investissements directs ou indirects en faveur de la transition écologique.

Comme le financement direct de la transition écologique par le PIA 2 provient de crédits budgétaires inscrits sur la mission Écologie qui représentent 16,85 % de l’ensemble, le critère d’écoconditionnalité s’est ainsi vu assigner l’objectif de produire les effets indirects attendus sur des actions correspondant à au moins 33,15 % des crédits du PIA 2, soit 4 milliards d’euros. L’examen de la portée effective de l’écoconditionnalité des aides doit donc permettre de vérifier si cet objectif peut être atteint.

a. Des modalités de mise en œuvre à objectiver

Neuf critères ont été définis, figurant dans l’encadré ci-après.

Les neuf critères d’écoconditionnalité applicables :

– Production d’énergies renouvelables,

– efficacité énergétique

– climat via la réduction des gaz à effet de serre,

– pollution de l’air,

– qualité de l’eau,

– consommation de ressources,

– réduction des déchets,

– impact sur la biodiversité,

– impact sociétal (critère relevant plus largement d’une démarche de développement durable que de protection de l’environnement)

Le CGI a examiné ces critères avec chaque opérateur d’actions du PIA 2, afin de les faire figurer, le cas échéant, dans les conventions applicables aux actions concernées. Le travail a été conduit avec l’appui du Commissariat général au développement durable (CGDD) du Ministère de l’écologie.

Lorsque ces critères ont été introduits dans les conventions, les opérateurs ont dû les décliner dans les appels à projets en veillant à leur lisibilité pour les porteurs de projets. Il faut en effet que les informations permettant d’objectiver ces critères figurent à un niveau de détail à la fois suffisant et adapté aux différents domaines et aux montants des projets et des aides. L’effectivité dépend aussi de la capacité à analyser les informations fournies par les porteurs de projet lors du processus de sélection et dans la phase de contractualisation.

Les Rapporteures soulignent que certains des critères paraissent s’imposer naturellement du seul point de vue économique. L’action Usine du futur a par exemple pour objet de moderniser l’outil de production industriel afin de gagner en compétitivité : la diminution de la consommation d’énergie est donc souvent recherchée comme élément de compétitivité par les entreprises recherchant ces financements. Mais il faut également s’assurer que les avantages obtenus sur un des critères ne sont pas annulés par ailleurs : avant de financer une nouvelle chaîne de production consommant moins d’énergie, l’écoconditionnalité nécessiterait de vérifier l’impact environnemental de la fabrication et de l’entretien de ces mêmes équipements. Cet exercice paraît difficile à normer et sa mise en œuvre est inégale en fonction des actions du PIA.

La matrice présentée ci-après qui reprend ces critères, est utilisée pour l’instruction de projets présentés au comité de pilotage de l’action PIAVE, coprésidé par un membre du CGDD auditionné par la Mission d’évaluation et de contrôle.

GRILLE D’ÉCOCONDITIONNALITÉ APPLIQUÉE PAR BPIFRANCE

Source : CGI.

Il a été indiqué à la Mission d’évaluation et de contrôle que, dans le cadre de l’action PIAVE, l’examen des impacts du projet serait systématique lors des auditions des porteurs de projets, ce qui complète utilement les éléments figurant dans les réponses aux appels à projets. Des compléments d’analyse visant les effets environnementaux peuvent être demandés. Une note négative sur un seul des critères indique que la mise en œuvre du projet entraîne, ex-post, une dégradation de la situation : dans ce cas le projet n’est pas retenu.

Les Rapporteures s’en félicitent mais soulignent que la bonne appropriation de l’écoconditionnalité comme critère de sélection secondaire dans la mise en œuvre de cette action est facilité par l’expertise fournie par son utilisation simultanée comme critère de sélection primaire des projets financés sur des crédits destinés à financer directement la transition écologique.

b. Un champ d’application insuffisamment étendu

En outre, la Mission d’évaluation et de contrôle constate que la mise en œuvre de l’écoconditionnalité des aides souffre d’une approche excessivement compartimentée entre opérateurs qui n’a pas permis sa prise en compte sur un périmètre suffisamment large des actions du PIA 2.

Un exemple est fourni par la typologie, figurant dans le tableau ci-dessous, appliquée par la Caisse des dépôts. Elle distingue, parmi les actions du PIA 2 qu’elle opère, celles qui sont dédiées entièrement à la transition écologique et celles qui pourraient y contribuer de façon indirecte, et celles qui n’en relèvent pas. Sur sept actions du PIA 2 gérées par la Caisse des dépôts, une seule relève du domaine direct de la transition écologique. Les six autres, dans des domaines aussi divers que l’innovation numérique, la formation ou les nanotechnologies, ne se sont vu attribuer aucun effet indirect : l’écoconditionnalité comme critère de sélection de sélection secondaire n’est pas appliquée.

TYPOLOGIE APPLIQUÉE PAR LA CAISSE DES DÉPÔTS AUX ACTIONS DU PIA 2 POUR METTRE APPLIQUER L’ÉCO-CONDITIONNALITÉ DES AIDES

(en millions d’euros)

 

Montants de l’enveloppe de l’action

L’action relève entièrement de la transition écologique

L’action en relève en partie

L’action y contribue

L’action n’en relève pas

Culture innovation

180

     

X

Projets territoriaux intégrés pour la transition écologique

40

X

     

French Tech (Quartiers numériques)

215

     

X

Modernisation action publique

126

     

X

Nanotechnologies

274

     

X

Partenariats territoriaux pour la formation professionnelle et l’emploi

126

     

X

Innovation numérique pour l’excellence éducative

168

     

X

TOTAL

1 129

40

   

1 089

Part des actions PIA 2

100 %

3,5 %

   

96,5 %

Source : Caisse des dépôts et calculs de la Mission d’évaluation et de contrôle.

Auditionnée par la Mission d’évaluation et de contrôle, la directrice générale adjointe de la Caisse des dépôts et consignations a indiqué l’étendue de la difficulté : « Il aurait fallu procéder à un découpage des actions pour appliquer sur une partie d’entre elles le critère l’écoconditionnalité et nous n’avons pas réussi à le faire ». Pourtant des objectifs d’économie d’énergie pourraient être fixés aux actions portant sur le développement du numérique, par exemple, qui est un des premiers secteurs consommateurs d’énergie ou de métaux rares.

En conséquence une enveloppe de 1 089 millions d’euros, soit 9 % des crédits du PIA 2, n’entre pas en ligne de compte pour atteindre l’objectif fixé par le Premier ministre d’un financement au moins indirect de la transition écologique par la moitié des 12 milliards d’euros du PIA 2. Cet objectif paraît donc hors d’atteinte, les crédits en matière de défense (2 milliards d’euros) ou de recherche (4 milliards d’euros) ayant par ailleurs été dispensés dès l’origine de cet objectif.

Les Rapporteures appellent donc les opérateurs à poursuivre leurs efforts pour rendre l’écoconditionnalité des aides effective et accroître ainsi le financement indirect de la transition écologique. Mais ceci ne saurait justifier la diminution de la part du PIA finançant directement la transition écologique : ni dans la mise en œuvre de l’action PIAVE, dont la part des crédits destinés au financement direct de la transition écologique doit être sanctuarisée ; ni pour apprécier la part des financements du PIA 3 destinés à la transition écologique.

Proposition : Veiller à la mise en œuvre effective de l’écoconditionnalité des aides et s’assurer que ce financement indirect de la transition écologique n’entraîne une diminution des financements directs.

C. UNE MISE EN œUVRE AUJOURD’HUI BIEN ENGAGÉE

Les délais de mise en œuvre initiale contrastent avec le rythme actuel de mise en œuvre des actions du PIA : de façon variable selon les thématiques, les opérateurs se sont efforcés d’adapter leurs modes d’intervention tout en respectant la doctrine d’emploi des financements du PIA.

1. L’état d’avancement des actions relevant de l’ADEME

Le tableau ci-après présente la progression des montants engagés, contractualisés et décaissés par l’ADEME pour l’ensemble des actions du PIA qui lui ont été confiées.

ÉVOLUTION DES ENGAGEMENTS AU TITRE DES ACTIONS DU PIA GÉRÉES PAR L’ADEME

(en millions d’euros)

 

2011

2012

2013

2014

2015

31/03/2016

Engagés

142,1

958,6

1 179

1 340,4

1 585,6

1 715,4

Évolution 

+ 816,5

+ 220,4

+ 161,4

+ 245,2

+ 129,8

Contractualisés

79,2

329,5

593,5

868,6

1 189,5

1 229,2

 Évolution 

+ 250,3

+ 264

+ 275,1

+ 320,9

+ 39,7

Décaissés

13,4

127,3

223,9

346

554,1

577

Évolution 

+ 113,9

+ 96,6

+ 122,1

+ 208,1

+ 22,9

Source : ADEME.

Des montants importants d’engagement apparaissent entre 2011 et 2012 : ils étaient concentrés sur des opérations importantes, mûries préalablement au PIA lors de la mise en œuvre du Fonds « Démonstrateur de recherche ». Mais plusieurs ne sont pas arrivées au terme de la phase de contractualisation n’ont donc pas été financées, comme le montre l’écart avec les montants contractualisés entre 2011 et 2013, inférieur de près de 500 millions d’euros.

Puis on constate une diminution nette de la progression de l’engagement, sous l’effet des délais initiaux pour atteindre le « cœur de cible » justifiant le financement par le PIA et défini dans les feuilles de route stratégiques. Mais les montants engagés connaissent une nette reprise depuis 2014, confortés par la progression constate des montants contractualisés. Cette dynamique est accentuée depuis 2015 : les engagements du premier trimestre 2016, près de 130 millions d’euros, représentent 75 % des montants engagés durant toute l’année 2014.

Pour l’ensemble des actions tous programmes confondus, l’ADEME a engagé, fin 2015, 299 projets pour un montant de 1,58 milliard d’euros.

Cette dynamique contrastée a été prise en compte dans les nouveaux échéanciers prévisionnels fixés par les conventions établies avec l’État à l’occasion du PIA 2.

Concernant les actions de démonstration, hors domaine des transports, l’échéancier, présenté dans le tableau ci-après, fixé, suite au PIA, par la convention du 15 décembre 2014 relative à la nouvelle action Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique, prévoit l’engagement total des crédits en 2018 et l’engagement de 1 435 millions d’euros avant la fin de l’année 2015.

RYTHME PRÉVISIONNEL D’ENGAGEMENT DES TRANCHES DE CRÉDITS DE L’ACTION « DÉMONSTRATEURS DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET ÉNERGÉTIQUE »

(en millions d’euros)

Année d’engagement

2010 à 2014

2015

2016

2017

2018

total

Subventions et avances remboursables

631

482

344

238

 

1695

Fonds propres

285

37,5

37,5

37,5

37,5

435

Total

916

519,5

382

275,5

37,5

2130

Source : Convention du 15 décembre 2014 entre l’État et l’ADEME relative à l’action Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique.

Or, à cette date 960 millions d’euros étaient engagés, en décalage de 485 millions d’euros avec le jalon prévisionnel. Les redéploiements de crédits opérés en faveur du FART fin 2015 et début 2016 ayant diminué de 200 millions d’euros l’enveloppe totale de cet échéancier, l’ADEME doit donc encore engager environ 900 millions d’euros de crédits, hors domaine des transports, pour les trois années 2016, 2017 et 2018.

Le terme du PIA ayant été porté à 2024 et l’échéancier initial prévoyant une forte diminution des engagements à compter de 2017, la trajectoire est encore soutenable.

Concernant l’action Véhicules du futur, 51 % du budget initial prévu et 61 % des enveloppes après redéploiement ont été engagés en 4 ans. Malgré le retard initial, le CGI a confirmé à la Mission d’évaluation et de contrôle que les prévisions de dépôts de projets permettent d’envisager un engagement complet de l’enveloppe au terme du programme.

a. L’évolution des thématiques

Fin 2015, l’ADEME avait organisé 68 appels à manifestation d’intérêts ou à projets depuis le début du PIA.

Le tableau ci-après présente, fin décembre 2015, la part des engagements financiers, par principaux domaines d’intervention, dans les deux catégories d’actions du PIA opérées par l’ADEME. La répartition fait apparaître des lignes de force mais aucun domaine n’est complètement oublié ce qui contribue à mieux répartir les risques liés aux taux d’échec des projets. Mais la diversité des approches, loin de relever de saupoudrage, autorise investissements ciblés et importants, dans les domaines qui le justifient.

RÉPARTITION THÉMATIQUE DES ENGAGEMENTS DE L’ADEME AU 31/12/2015

Action « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique »

Part dans l’ensemble des financements engagés de l’action

 

Action « Véhicules et transport du futur »

Part dans l’ensemble des financements engagés de l’action

Énergie marine

24 %

Route

44 %

Solaire

17 %

Fer

27 %

Éolien

13 %

Mer

12 %

Économie circulaire

11 %

Infrastructure

11 %

Réseaux électriques intelligents

11 %

Ferries

3 %

Industrie et agriculture éco-efficientes

5 %

Mobilité

3 %

Bâtiment

5 %

Total

100 %

Biocarburant

4 %

Source : ADEME.

Géothermie

4 %

Hydrogène

3 %

Stockage

3 %

Eau et biodiversité

< 1 %

TOTAL

100 %

Les énergies marines renouvelables (ENR) constituent un pari majeur du PIA, justifié par les 11 millions de km² d’espaces maritimes en zones économiques exclusives de la France à l’échelle mondiale. Les financements couvrent un spectre de technologies de maturités différentes : éoliennes en mer, implantées sur les fonds marins à proximité des côtes pour lesquelles le PIA finance des projets de démonstration de dispositifs flottants, éloignés des côtes ; hydroliennes qui utilisent l’énergie des courants marins ; technologies houlomotrices, qui utilisent l’énergie des vagues ; projets fondés sur l’énergie issue des différences de température entre la surface et les profondeurs…

Le bilan évaluatif réalisé par le CGI souligne la sous-représentation du secteur du bâtiment au regard des enjeux en termes de consommation et de production énergétiques : 5 % des sommes engagées pour 40 % de la consommation finale d’énergie en France. Les appels à projets sur les bâtiments démonstrateurs de la capacité à consommer moins ont cependant été étendus aux procédés d’industrialisation des solutions de rénovation thermique efficaces.

L’action Véhicule du futur, initialement centrée sur l’automobile, a été étendue aux bus hybrides et aux engins de chantier. Les montants engagés les plus importants concernant désormais le domaine ferroviaire. Le caractère innovant justifiant le financement par le PIA reposait en partie sur le soutien de projets collaboratifs, impliquant la participation conjointe, sans liens de subordination, d’entreprises de tailles différentes, voire d’instituts de recherche. L’enveloppe étant peu mobilisée pour des projets collaboratifs, l’éligibilité a été étendue aux projets d’entreprises seules. On constate cependant aujourd’hui une recrudescence de projets collaboratifs parmi les équipementiers.

Comme le montre le tableau figurant dans les deux pages suivantes, au premier trimestre 2016, l’ADEME a, depuis le début du PIA, engagé des financements pour 363 projets. Ils se rattachent à une quarantaine de catégories distinctes d’appels à projets.

MONTANTS PAR ACTIONS ET APPELS À PROJETS DE L’ADEME, ENGAGÉS, CONSTRACTUALISÉS ET DÉCAISSÉS (CUMUL AU 1ER TRIMESTRE 2016)

(en millions d’euros)

 

Crédits engagés

Crédits contractualisés

Crédits décaissés

Nombre de projets

Actions et appels à projets

Avance remboursable

Prise de participation

Subvention

TOTAL

Avance remboursable

Prise de participation

Subvention

TOTAL

Avance remboursable

Prise de participation

Subvention

TOTAL

TOTAL ADEME

667

491

514

1 672

540

226

440

1 205

207

165

182

554

363

 

Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique

7

53

4

64

0

0

2

2

0

0

0

0

15

Économie circulaire, recyclage et valorisation des déchets -

0

53

0

53

0

0

0

0

0

0

0

0

1

Énergies renouvelables en mer, fermes pilotes hydroliennes fluviales

7

0

2

9

0

0

0

0

0

0

0

0

1

Initiative PME - Biodiversité

0

0

2

2

0

0

2

2

0

0

0

0

13

Démonstrateurs énergies renouvelables et décarbonées

330

189

191

710

248

71

149

468

92

45

69

205

86

Bâtiments et îlots à énergie positive

14

0

13

27

14

0

12

26

4

0

5

8

8

Biocarburant

0

0

6

6

0

0

6

6

0

0

6

6

1

Captage, stockage et valorisation du CO2

1

0

7

8

1

0

7

8

0

0

1

1

1

Chimie du végétal

18

0

8

26

18

0

8

26

7

0

3

10

3

Démonstrateurs hors AMI

0

114

20

134

0

52

20

72

0

33

11

44

2

Énergie marine

41

35

20

96

41

0

20

61

19

0

11

29

12

Énergies renouvelables

4

0

1

5

2

0

1

3

0

0

0

0

2

Fermes pilotes hydroliennes

69

0

34

103

0

0

0

0

0

0

0

0

2

Géothermie

25

0

11

37

25

0

11

37

5

0

2

7

2

Grand éolien

10

0

5

15

10

0

5

15

3

0

1

5

5

Industrie et agriculture éco-efficientes

15

0

5

20

13

0

4

17

2

0

0

2

9

Méthodes industrielles rénovation et construction de bâtiments

13

10

7

30

7

5

3

15

0

1

0

2

11

Pile à combustible et vecteur H2

5

18

2

24

5

9

2

15

1

5

0

6

3

Solaire Photovoltaïque

78

12

31

121

78

6

31

115

41

6

19

67

9

Solaire thermique

13

0

8

21

13

0

8

21

8

0

6

14

7

Stockage de l’énergie

8

0

3

11

8

0

3

11

1

0

1

2

3

Stockage et conversion de l’énergie

15

0

8

24

13

0

6

19

1

0

0

1

5

Système de production éco-efficient dans l’agriculture et l’industrie

1

0

0

1

1

0

0

1

0

0

0

0

1

Fonds Écotechnologies

0

60

0

60

0

55

0

55

0

52

0

52

11

Systèmes électriques intelligents

49

0

44

94

49

0

43

92

18

0

20

38

19

Économie circulaire

54

22

25

101

52

10

24

86

15

10

7

32

30

Bien et services éco-conçus

1

0

1

2

1

0

1

2

0

0

0

1

2

Collecte, tri, recyclage et valorisation des déchets

18

22

7

46

16

10

6

31

7

10

3

20

9

Recyclage et valorisation des déchets

32

0

14

47

32

0

14

47

7

0

3

10

16

Solutions innovantes de dépollution

3

0

2

6

3

0

2

5

1

0

1

1

3

Véhicule du futur

210

168

225

603

182

90

202

474

81

58

80

219

135

Aide aux investissements pour les ferries propres

11

0

5

16

11

0

5

16

3

0

2

5

4

Construction automobile allégement et structure

9

0

7

16

9

0

7

16

5

0

3

8

4

Construction automobile AMI véhicule issu du fonds démonstrateur de recherche

2

0

28

30

2

0

28

30

2

0

22

24

5

Construction automobile chaîne de traction thermique et auxiliaire

44

0

32

76

42

0

29

71

22

0

17

39

5

Construction automobile chaîne logistiques et mobilité occasionnelle des personnes

2

0

2

4

2

0

2

4

1

0

1

2

1

Construction automobile hors AMI

6

40

3

48

6

40

3

48

5

40

2

47

3

Infrastructures de charge-phase expérimentation

8

0

12

20

8

0

12

20

4

0

6

9

8

Mobilité quotidienne des personnes et des marchandises

6

0

9

15

6

0

9

15

4

0

6

10

4

Construction automobile véhicules lourds

2

0

1

3

2

0

1

3

1

0

0

1

1

Construction automobile véhicules routiers du futur : technologies, systèmes et mobilité

49

0

26

75

22

0

16

38

5

0

4

9

7

Construction ferroviaire

21

128

16

165

21

50

16

88

5

18

5

27

6

Déploiement d’infrastructures de recharge pour les véhicules hybrides et électriques

0

0

61

61

0

0

52

52

0

0

4

4

77

Navires du futur

50

0

23

73

50

0

23

73

23

0

10

33

10

Véhicule du futur PIA 2

16

0

25

41

9

0

20

29

1

0

6

7

67

Aides aux investissements pour les ferries propres - Édition 2016

4

0

2

6

0

0

0

0

0

0

0

0

1

Initiative PME

0

0

8

8

0

0

8

8

0

0

5

5

40

Initiatives PME Véhicules et transports Édition septembre 2015

0

0

4

4

0

0

4

4

0

0

0

0

21

Navires du futur - Édition 2015

1

0

0

2

0

0

0

0

0

0

0

0

1

Véhicule routier et mobilité du futur - Édition 2015

11

0

10

21

9

0

8

17

1

0

1

2

4

b. La diversification des instruments

Pour les différentes thématiques énumérées dans les tableaux figurant dans les deux pages précédents, l’ADEME n’affecte pas, en règle générale, d’enveloppe de financement spécifique préalablement au lancement de l’appel à projets. Il ne s’agit pas d’attribuer un montant spécifique à un domaine ou à un moment donnés mais de financer des projets de qualité sur l’ensemble des thématiques du PIA. L’appel à projets « Fermes pilotes éoliennes flottantes » s’est, par exception, vu doter d’une enveloppe de 150 millions d’euros afin de garantir l’effet structurant de cet investissement.

Les conventions liant l’ADEME à l’État prévoient en outre la possibilité d’intervenir « hors appels à projets » pour certains projets spécifiques, par exemple pour la mise en place de plateformes technologiques : les engagements hors AMI atteignent, au premier trimestre 2016, 114 millions d’euros pour les démonstrateurs et 48 millions d’euros en matière de construction automobile, soit près de 10 % de l’ensemble des montants engagés.

L’ADEME a cherché à financer prioritairement des projets structurants difficilement accessibles aux seules PME, à l’exemple des hydroliennes. Les projets financés sont ainsi de maturité moyenne ou élevée, pour des montants relativement importants : leur coût médian est de 4,5 millions d’euros et leur coût moyen, de 14 millions d’euros ; 20 % des projets représentent 70 % des montants engagés.

Puis l’ADEME a cherché à atténuer cette orientation en direction des plus grandes entreprises. Elle a donc abaissé les seuils minima de dépenses qui constituent un critère de recevabilité des projets. Comme l’ont indiqué à la Mission d’évaluation et de contrôle des représentants du Ministère de l’écologie, l’émergence de nouvelles thématiques a permis d’affiner la « granulométrie » des appels à projets, à l’exemple de financements visant à améliorer le rendement dans les scieries par l’utilisation de logiciels.

En outre, l’ADEME a cherché à étendre son champ d’action à destination des PME, au travers des appels à projets « Initiative IPME » attribuant des subventions à hauteur de 200 000 euros par projets, soit 50 % du montant des dépenses. Expérimentée initialement dans le domaine des transports, cette démarche a permis de sélectionner en deux sessions une soixantaine de lauréats. Élargies à d’autres secteurs, trois sessions ont été ouvertes en 2015, cinq le sont début 2016.

Enfin, l’ADEME a cherché à promouvoir ces appels à projets via les différents relais des entreprises innovantes, tels les pôles de compétitivité et les fédérations professionnelles afin de démarcher les entreprises et les porteurs de projets.

L’appui aux porteurs de projets de l’appel à projets Greentech par un incubateur au sein du ministère de l’Écologie.

Un appel à projets Green Tech lancé en avril 2016 vise l’interaction entre la transition écologique et la transition numérique. Afin d’appuyer les porteurs de projets, constitués essentiellement de jeunes pousses, un incubateur « Green Tech » a été créé au sein du ministère de l’Écologie. Cet incubateur est ouvert aux start-up dont les projets innovants concourent à la transition écologique (économies d’énergie, énergies renouvelables, stockage de l’énergie et hydrogène, économie circulaire, chimie biosourcée, réseaux électriques intelligents, bâtiments, mobilité). Ces projets ont pu être identifiés lors de manifestations organisées par le ministère : hackathons, concours d’innovateurs...L’incubateur bénéficiera des ressources techniques et scientifiques du ministère et de ses opérateurs, dont le réseau scientifique et technique du ministère (écoles d’ingénieurs, ADEME, IGN, Météo-France, Muséum national d’histoire naturelle, future Agence française de la biodiversité…). L’appui prend la forme d’un accompagnement financier, d’un hébergement, d’un appui entre pairs, et d’une aide à l’utilisation des données.

Au plan stratégique, on relève que l’accent est mis, lorsque la filière s’y prête, vers le développement d’une offre spécifique à l’export. C’est par exemple un des axes de l’appel à projets Systèmes électriques intelligents dont le volet 5 vise les « Solutions adaptées aux marchés à l’export ». La documentation jointe à l’appel à projet souligne en effet que « dans les pays émergents, les réseaux existants ou à développer ont majoritairement besoin de technologies ou d’offres capables de garantir un meilleur niveau de sécurité et de fiabilité d’approvisionnement électrique ». Aussi, dans un objectif d’exportation, l’appel à projet invite à la réalisation de « nouveaux développements visant notamment des technologies matures et adaptées aux besoins spécifiques des marchés visés à l’export ». Le ciblage sur des technologies plus matures, adaptées à l’exportation, ne paraît pas réduire la portée de l’exigence d’innovation fixée par le PIA : elle contribue au contraire à conforter une filière des éco-industries, ce qui en conforte par ailleurs les acteurs intervenant dans les domaines les moins matures.

● Des interventions importantes sous forme de participations

Les crédits du PIA gérés par l’ADEME comportent des dotations en fonds propres : l’ADEME a donc été amenée à utiliser un nouveau mode d’intervention, inhabituel pour elle, et a réalisé au nom et pour le compte de l’État, huit prises de participations. Il s’est agi soit d’entrée dans le capital d’une entreprise existante, soit de la création de sociétés de projets cofinancées avec des partenaires privés.

ÉVOLUTION DES MONTANTS DE PRISES DE PARTICIPATIONS RÉALISÉS PAR L’ADEME

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

31/03/2016

Engagés

294,3

313,5

248,4

437,9

490,9

Évolution

+ 19,2

– 65,1

+ 189,5

+ 53

Contractualisés

97,6

109,7

147,6

225,6

225,6

 Évolution

+ 12,1

+ 37,9

+ 78

0

Décaissés

74,4

84,3

114,4

165,2

165,2

Évolution

+ 9,9

+ 30,1

+ 50,8

0

Source : ADEME. Le fonds écotechnologies est inclus. Les données pour 2011 n’indiquent aucun montant.

Sur l’action Démonstrateur pour la transition écologique et énergétique, 263 millions d’euros ont été engagés par des prises de participation dans trois entreprises (Exosun, Areva H2Gen et Enersens) et pour trois sociétés de projets (Coriolis Eolien ; Coriolis Hydrolien et Ecotitanium). L’autorisation du Premier ministre est attendue pour deux autres participations dans les sociétés de projets Merkur et Antares. Sur les crédits du programme, 52 millions d’euros de crédits restent disponibles pour des prises de participation.

Les prises de participation représentent 168 millions d’euros d’engagement de l’action Véhicule et transport du futur pour deux sociétés de projets : Technoboost et Speedinnov. 87 millions d’euros restent disponibles pour des prises de participation.

La première intervention en fonds propres de l’ADEME a été l’entrée au capital de la société Exosun, une PME fabricant des systèmes de suiveurs solaires, dont le siège est à Bordeaux

L’ADEME s’est associée aux actionnaires historiques de la société Enersens pour assurer le développement industriel de la production d’aérogels de silice, en finançant plusieurs lignes de production. Elle a également financé le développement commercial des aérogels de silice et des isolants thermiques.

Criolis est devenu un acteur majeur du domaine de l’éolien off-shore, de même qu’Ecotitanium dans le domaine du recyclage de titane.

Merkur est une société de projet créée avec Alstom dans le domaine de l’éolien offshore afin de répondre à un appel d’offre « Merkur Offshore », en Allemagne, et exploiter ces éoliennes pour la première fois dans des conditions commerciales.

L’ADEME a créé la société de projets Technoboost avec PSA pour développer « Hybrid Air », une technologie de rupture en matière de chaîne de traction, sans batterie, combinant l’essence et l’air comprimé.

Speedinnov est une société de projet créée avec Alstom pour développer la future génération de trains à grande vitesse d’une capacité allant jusqu’à 750 places, permettant d’optimiser le coût complet à la rame, de réduire de 35 % la consommation énergétique et de réduire les coûts de maintenance.

2. La montée en charge des actions opérées par Bpifrance

Bpifrance opère désormais tout le volet du PIA finançant la transition écologique par des actions de soutien généraliste à l’industrie. S’y est ajoutée la gestion d’un fonds dédié à la transition écologique, par délégation de l’ADEME.

a. La gestion, déléguée par l’ADEME, du fonds écotechnologies

Bpifrance gère, par délégation de l’ADEME, un fonds de 150 millions d’euros de dotations de fonds propres destiné à des prises de participations dans des PME.

Ce fonds Écotechnologies a été mis en place afin de prolonger la dynamique de prises de participation engagée par l’ADEME mais dans un cadre plus souple et plus adapté à la perspective de réaliser un grand nombre de prises de participation dans des PME.

La constitution du Fonds Écotechnologies

Une convention du 9 mai 2012 entre l’État, l’ADEME et la Caisse des dépôts a constitué le fonds Écotechnologies (initialement dénommé « fonds PME ») La convention délègue à CDC entreprises, devenue Bpifrance, à hauteur de 150 millions d’euros, la gestion de fonds attribués à l’ADEME par le PIA 1 pour financer des projets par voie de participation de l’État en fonds propres ou quasi-fonds propres.

La convention indique que ce transfert a pour but « d’optimiser la gestion des investissements d’avenir confiés à l’ADEME » et que l’ADEME demeure l’opérateur du programme. La convention définit en outre les modalités de sa participation à la sélection des prises de participation de l’État dans le cadre du fonds géré par BPI France.

Les montants versés à la Caisse des dépôts ont été prélevés pour 88 millions d’euros sur la dotation de l’action Démonstrateurs, pour 16 sur l’action Économie circulaire, pour 16 sur l’action Réseaux intelligents, et pour 30 sur l’action Véhicule du futur.

Cette délégation de gestion entre opérateurs est donc distincte des situations de redéploiement de crédits entre actions.

Les dossiers sont présentés au comité de pilotage de l’action dont proviennent les fonds délégués par l’ADEME. Les porteurs de dossier doivent remplir un document spécifique permettant l’analyse par les experts de l’ADEME. L’agence est en outre présente au « comité avisé » du fonds, le comité consultatif émettant un avis préalable à la décision d’investissement par la société de gestion, aux côtés du CGI, de la Caisse des dépôts, de Bpifrance et d’un représentant de la direction du Trésor. Mais la décision d’investissement relève in fine de Bpifrance.

Le Fonds Écotechnologies intervient par co-investissement avec des fonds de capital-risque privés. Ces participations sont destinées à des entreprises qui ne sont plus en phase d’amorçage, dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros et qui ne sont pas contrôlées à plus de 40 % par une grande entreprise.

Chaque projet bénéficie d’un investissement de 2 à 5 millions d’euros. Le fonds est présent dans les organes sociaux des sociétés cibles. La durée moyenne de l’investissement est de 4 à 6 ans.

POSITIONNEMENT DU FONDS ÉCOTECHNOLOGIES EN FONCTION DES MONTANTS ET DE LA MATURITÉ DES PROJETS

Source : ADEME – Bpifrance.

L’objectif du fonds est de réaliser 3 à 4 prises de participation par an dans de nouvelles entreprises, pour un montant annuel global de l’ordre de 15 à 25 millions d’euros. En 4 années, l’équipe de gestion a reçu 400 projets, dont 91 sont rentrés en instruction approfondie. Fin 2015, 60 millions d’euros sont engagés, 55 millions d’euros sont contractualisés et 52 décaissés. Ils financent les prises de participation dans 11 sociétés, présentées dans le tableau figurant ci-après.

Selon le bilan évaluatif du fonds réalisé par le CGI et communiqué à la Mission d’évaluation et de contrôle, le fonds est « avant tout un dispositif à caractère financier : les opérations se rattachent difficilement à une stratégie industrielle affirmée. L’intervention du fonds est au final plus un ensemble d’opérations d’investissement de bonne qualité qu’un outil permettant une réelle contribution à la structuration des filières industrielles ». La contribution à la transition écologique apparaît donc au cas par cas, en fonction des objets financés que par rapport à une stratégie d’ensemble qui n’était pas assignée à cet outil.

L’effet de levier cumulé à fin 2015 est proche de 3, avec plus de 155 millions d’euros d’investissements privés pour 52 provenant du fonds. La contribution du fonds à l’activité économique peut être mesurée par la croissance du chiffre d’affaires des sociétés financées : + 376 % entre la date d’entrée en portefeuille et fin 2015. Deux investissements ont donné lieu à une introduction en bourse (MacPhy et Fermentalg).

INVESTISSEMENTS EFFECTUÉS PAR LE FONDS ECOTECHNOLOGIES

Nom de l’entreprise

Action du PIA correspondante

Opération financée

Aledia

Réseaux électriques intelligents

Nouvelle génération de LEDs « 3D », fabriquées sur des substrats en silicium de large diamètre, nettement moins coûteuses que les traditionnelles versions « 2D », et permettant l’intégration d’éléments électroniques.

Actility

Réseaux électriques intelligents

Application de gestion de la demande et de la consommation d’énergie

Coldway

Tri et valorisation des déchets, dépollution, éco-conception de produits

Procédé thermochimique permettant de générer de façon autonome du froid comme de la chaleur,

Drivy

Véhicule du futur

Plate-forme d’auto-partage entre particuliers

EZ Wheel

Véhicule du futur

Roue électrique autonome, permettant de motoriser tout engin roulant manuel

Fermentalg

Énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte

Technologie de rupture de culture de micro algues permettant la production industrielle de molécules d’intérêt dans les domaines de la nutrition, de l’alimentation animale, de la cosmétique, de la santé, de la chimie de spécialité et des biocarburants

Ijenko

Réseaux électriques intelligents

Plateforme de services de gestion de l’énergie résidentielle et de l’habitat intelligent

McPhy energy

Énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte

Solution de stockage d’hydrogène sous forme solide dans des hydrures métalliques

Nenuphar

Énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte

Concept innovant d’éoliennes flottantes à axe vertical

Techniwood

Tri et valorisation des déchets,

dépollution, éco-conception de produits

Système de panneau de construction breveté préfabriqué en usine. Constitué d’un treillis de lames de bois croisées et décalées et d’un remplissage isolant

Vulog

Véhicule du Futur

Services d’auto-partage innovants pour les besoins de mobilité des personnes ou des entreprises

Source : Fiches de présentation figurant dans le bilan évaluatif de l’action réalisé par le CGI.

b. Le déploiement de l’action PIAVE

L’action PIAVE connaît des dynamiques d’engagement des crédits différenciées selon les natures de financement.

Alors que le rythme prévisionnel d’engagement défini par la convention du 27 novembre 2014 prévoit l’engagement de 170 millions d’euros subventions et avances remboursables, 55 sont engagés au titre de 3 appels à projets relevant de deux catégories distinctes :

– 40,4 millions d’euros sont engagés pour onze projets issus d’un appel à projet « générique », qui vise, sans orientations spécifiques, tous les industriels visant des investissements trouvant à s’inscrire dans les orientations définies par les 9 solutions de la France industrielle ;

– deux appels à projets ciblés rendent compte du solde : 3,8 millions d’euros pour un projet relevant des « Nouveaux usages et nouveaux procédés du textile » et 10,7 millions d’euros pour cinq projets liés aux « Produits innovants pour une alimentation sûre, saine et durable ».

La contribution à la transition écologique de ces financements est donc tributaire de la qualité de l’application du critère d’écoconditionnalité des aides par le comité de pilotage de l’action PIAVE.

L’engagement des dotations destinées à des participations « avisées » est beaucoup plus dynamique. À la même date, les prises de participation au titre du Fonds SPI (Sociétés de projets industriels) atteignent 163 millions d’euros, pour 5 projets. La différence d’échelle avec les interventions en aides d’État est donc manifeste. Le Fonds SPI bénéficie en outre de redéploiements de crédits continus depuis sa création, en dernier lieu, de 18 novembre 2015, pour 275 millions d’euros depuis l’action Développement des réseaux à très haut débit.

Le fonds est établi pour une durée de 12 ans, prolongeable jusqu’à 16. La période d’investissement avant dessaisissement est de 5 ans, prolongeable jusqu’à 7. Sur cette durée, le fonds doit financer le cap de la première industrialisation.

Il permet en effet de réaliser des prises de participation minoritaires, pour des montants de 10 à 85 millions d’euros, dans une société de projet aux côtés d’un ou plusieurs partenaires afin de financer la phase d’industrialisation d’une technologie, à mi-chemin entre le capital-risque et le capital-développement.

Le défaut de marché, qui justifie l’investissement public, provient du cumul par les projets concernés de caractéristiques atypiques qui accroissent les risques : une forte intensité capitalistique, un mélange de risques inhabituels ou des risques importants et diversifiés dans leur nature, à l’exemple de l’innovation dans le domaine des énergies renouvelables ; un temps de retour sur investissement long.

La contribution directe du Fonds SPI à la transition écologique se déduit des projets financés. Le premier investissement réalisé, pour 25 millions d’euros, est une prise de participation de 45 % au capital de la société SUNCNIM, dédiée aux activités solaires. Cette société doit construire des centrales de production d’électricité thermo-solaire à partir d’une technologie nouvelle dans le domaine de l’énergie solaire thermodynamique (8). L’usine de fabrication d’équipements thermodynamiques est implantée à La Seyne-sur-Mer et l’essentiel de l’activité est destiné à l’exportation. Cet investissement vise donc à accélérer l’industrialisation d’une technologie potentiellement leader sur un marché mondial encore émergent. Le fonds SPI a également investi dans une unité de production de pâte à papier à partir de matières premières recyclées.

c. L’action Fonds national d’amorçage

Fin mai 2016, l’enveloppe de 600 millions d’euros de l’action Fonds national d’amorçage est engagée pour 456 millions d’euros de prises de participations, contractualisées à 85 % et finançant 23 interventions.

Parmi les exemples d’intervention dans le champ de la transition écologique, figure, en 2015, une souscription à hauteur de 15 millions d’euros dans le fonds commun de placement à risque Demeter 3 Amorçage. Ce fonds investit dans de très jeunes entreprises développant des technologies innovantes dans les secteurs des éco-industries (traitement de l’eau, de l’air, des déchets, chimie verte…) et des éco-énergies (intégration des énergies renouvelables, bâtiments basse consommation, efficacité énergétique…). Le fonds investira dans des sociétés principalement françaises, mais aussi allemandes et espagnoles disposant de barrières technologiques fortes, mettant en œuvre des collaborations avec des centres de recherche publics ou privés et à un stade de pré-commercialisation.

De même, 24,95 millions d’euros ont été souscrits dans le fonds Emertec 5 qui a pour objet d’investir dans les premiers tours de financement d’entreprises à fort potentiel exerçant particulièrement dans les secteurs de l’énergie, de la chimie verte, des matériaux de performance induisant des économies de matière et d’énergie, des biocarburants, du traitement de l’eau, de l’efficacité énergétique et de certaines filières de recyclage.

Cet état d’avancement conforte donc l’estimation selon laquelle l’action Fonds national d’amorçage pourra contribuer au financement de la transition écologique à hauteur de 90 millions d’euros sur la durée du PIA.

d. Un bilan du déploiement de la première génération de prêts verts

Il ressort d’un premier bilan réalisé par Bpifrance, qu’entre octobre 2010 et décembre 2013, 449 prêts verts ont été accordés à 430 entreprises le plus souvent des entreprises de taille intermédiaire (ETI), solides financièrement, industrielles pour les deux tiers d’entre elles.

L’évaluation indique que « la lourdeur des investissements consentis par les entreprises grâce aux prêts verts a des conséquences sur leur structure de bilan, puisque leur taux d’endettement passe en moyenne de 71 % à 94 %. Cette fragilisation structurelle illustre le risque pris pour renouveler massivement leur outil de production tout en faisant écho à leur souci environnemental : par exemple, pour la moitié des PME, le projet représente 131 % de l’appareil productif immobilisé, qui dès lors doit être complètement repensé. »

La réduction de la consommation d’énergie est le premier objectif des bénéficiaires, bien avant la valorisation des déchets ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais, dans son rapport public thématique sur le PIA, la Cour des comptes a relevé que les modalités de suivi prévues par les conventions de prêts et les informations disponibles sur les projets financés, n’ont pas permis de mesurer les conséquences environnementales du dispositif.

Les bénéfices attendus diffèrent selon la taille des entreprises : les PME ciblent davantage l’augmentation de la part des déchets valorisés (13 % contre 7 % pour les ETI), tandis que les ETI ciblent davantage la réduction des gaz à effet de serre (11 % contre 5 % pour les PME).

Plus de la moitié des bénéficiaires des prêts verts étaient déjà des clients de Bpifrance, dont 30 % pour un soutien à l’innovation. Le prêt vert viendrait surtout en renfort de projets d’innovation et à l’appui d’une démarche de réduction des coûts. Pour un euro de prêt, trois à quatre euros de financement bancaire sont mobilisés : l’effet de levier de cette action est donc établi.

3. La structuration des Instituts pour la transition énergétique

La mise en place par l’ANR des Instituts pour la transition énergétique a nécessité des délais tenant à la définition conjointe, par l’ensemble des membres de ces consortiums publics-privés, de feuilles de route de recherche partagée.

Si le choix de mise en place de consortiums ad hoc a pu être critiqué, la création d’une structure spécifique avec un intérêt social propre constitue une garantie fondamentale d’implication des partenaires.

Comme tous les bénéficiaires de financements d’actions du PIA relevant de l’ANR, les ITE ont été sélectionnés après examen des candidatures par un jury international. Le premier appel à projets lancé en 2010, complété par un second en 2011 a conduit à l’examen de 19 candidatures.

Au total, 13 projets ont été retenus, dont 7 directement par les jurys internationaux. Les 6 autres avaient seulement été considérés comme « susceptibles d’être retenus » par les jurys, mais le Premier ministre a fait entier usage de la faculté de décider de les financer.

Des assouplissements ont été apportés au modèle initial : six des neuf instituts de plein exercice sont constitués dans la forme juridique de sociétés par actions simplifiées. On compte également deux fondations et une association.

Les neufs ITE aujourd’hui en activité sont décrits dans le tableau suivant.

LES 9 INSTITUTS POUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE EN FONCTIONNEMENT EN 2016

Domaine d’intervention

Institut

Forme juridique

Localisation du siège

Chimie verte

PIVERT - Picardie Innovations Végétales, Enseignements et Recherches Technologiques

SAS

Compiègne

IFMAS - Institut Français des matériaux agro-sourcés

SAS

Villeneuve d’Ascq

Véhicule du futur

VEDECOM - Institut du Véhicule Décarboné et Communicant et de sa Mobilité

Fondation

Versailles-Satory

Réseaux intelligents

SUPERGRID

SAS

Villeurbanne

PS2E Paris Saclay Efficacité Énergétique

Fondation

Jouy-en-Josas

Énergie solaire

IPVF Institut Photovoltaïque d’Ile-de-France

SAS

Saclay

INES 2 Institut National Énergie Solaire 2

SAS

Chambéry

Construction durable

INEF 4 : Institut National d’Excellence Facteur 4

Association

Anglet

Aménagement urbain

Efficacity

SAS

Marne-la-Vallée

Sur les 13 projets retenus, quatre ont été soit arrêtés, soit fortement reconfigurés :

– le projet Greenstars qui devait intervenir dans le domaine des biocarburants à base de micro-algues n’a pas été contractualisé alors qu’une enveloppe de 23,8 millions d’euros lui avait été attribuée. Les industriels du secteur de l’énergie se sont en effet retirés en raison de perspectives de valorisation trop lointaines. La dotation a été réaffectée aux autres projets.

– le projet d’Institut national pour le développement des écotechnologies et des énergies décarbonées (IDEEL), initialement dénommé INDEED, est le seul projet contractualisé à avoir été arrêté. Il devait intervenir dans les domaines de la transformation des rejets industriels en produits ou nouvelles sources d’énergie. Les industriels actionnaires n’ont pas réussi à surmonter leurs divergences de stratégies et d’intérêts et la structure a vu son portefeuille de projets s’amenuiser rapidement, le budget prévisionnel annuel passant de 130 à 27 millions d’euros. 3,2 millions d’euros de crédits du PIA ont été décaissés la première année, aucun financement n’a été apporté après la première année. Il a été mis fin au contrat en décembre 2015, soit trois ans après la contractualisation. Au total, les crédits auront financé une dizaine de projets de recherche. Cet exemple illustre en tout état de cause la qualité du suivi par l’ANR qui a su prendre une décision précoce d’arrêt de financement.

– le projet France énergies marines visait à structurer une fédération de sites d’essais mais a vu le portefeuille de projets initial rapidement asséché par l’attractivité des appels à projets démonstrateurs de l’ADEME qui a engagé près de 200 millions d’euros de crédits des PIA dans le domaine des énergies marines. Organisé en groupement d’intérêt public, FEM va tout de même voir ses activités financées par le programme : des appels à projets spécifiques, gérés par l’ANR viseront à tester la capacité de la filière à proposer une recherche collaborative productrice de droits de propriété intellectuelle qui pourraient, à terme, faire naître un ITE de plein exercice.

– il en est de même pour le projet GEODENERGIES constitué aujourd’hui en groupement d’intérêt scientifique (GIS). L’ANR finance dans le cadre de la dotation initialement octroyée au projet, des appels à projet organisés conjointement par le Bureau de recherches géologique et minières. Cette contractualisation doit définir les conditions dans lesquelles les actifs créés chez les membres du GIS seront reversés à une nouvelle structure créée d’ici trois ans afin de constituer à terme un acteur doté d’actifs propres, qui pourrait donc constituer un ITE supplémentaire.

Les modalités dérogatoires de financement de ces deux projets sont définies par l’avenant n° 2 du 20 juillet 2015 à la convention du 27 juillet 2010 entre l’État et l’ANR relative à ce programme du PIA.

Il convient de relever que les deux Instituts arrêtés figuraient parmi les 7 projets retenus d’emblée par les jurys. C’est également le cas pour France énergie marine. Parmi les 9 instituts aujourd’hui « de plein exercice », 4 ont donc été distingués initialement par les jurys internationaux et 5 ont bénéficié de la décision primo-ministérielle.

Le tableau ci-après présente la répartition des financements entre les 9 instituts de plein exercice et les deux projets bénéficiant de financements spécifiques.

ENGAGEMENTS ET DÉCAISSEMENTS DES CRÉDITS DU PIA FINANÇANT LES ITE.

(en millions d’euros)

 

Montants engagés

Décaissements

 

ITE

DC

DNC

intérêts sur DNC

Dotation gérée par la CDC

Total conven-tionné

2013

2014

2015

Cumul au 31/12/2015

Nombre de projets

IDEEL

19,5

70

20,7

 

40,2

3,2

0

0

3,2

10

PIVERT

22,9

140

41

 

63,9

11,06

12,50

4,59

28,15

67

EFFICACITY

15

0

0

 

15

2,8

0,13

2,94

5,87

6

INEF4

7

0

0

 

7

1,44

0

0,92

2,36

23

IPVF

8,5

35

10,1

 

18,6

0

1,11

1,63

2,74

11

PS2E

19

0

0

 

19

2,48

3,28

2,4

8,16

17

IFMAS

10,5

70

20,2

 

30,7

0

8,25

2,97

11,22

22

INES2

39

0

0

 

39

6

0

9,26

15,26

9

VeDeCoM

28,5

90

25,9

 

54,4

0

4,16

5,73

9,89

20

SUPERGRID

5,9

82

23,6

43

72,5

0

0

5,9

5,9

5

 

FEM

2,1

118

32,7

 

34,8

0

0

2,51

2,51

11

GEODENERGIES

0

55

15,8

 

15,8

0

0

0

0

-

 

TOTAL

177,9

660

190

43

410,9

26,98

29,43

38,85

95,26

201

Source : Agence nationale pour la recherche.

Le total des engagements au titre des ITE atteint 410,9 millions d’euros, constitués de 178 millions d’euros de dotations consommables et de 190 millions d’euros d’intérêts, sur 10 ans issus des 660 millions d’euros de dotations non consommables, auxquels s’ajoutent 43 millions d’euros de dotations consommables transférés à la Caisse des dépôts afin de compléter l’actionnariat de l’ITE Supergrid.

Les éléments d’évaluation communiqués par le CGI indiquent que, le retard initial mis à part, la conduite des programmes de recherche-développement des instituts s’effectue sans difficultés particulières dans la mise en œuvre des programmes et la coordination des différents acteurs.

Mais les travaux de recherche ne sont pas menés en règle générale dans un lieu unique : ils sont éclatés chez les différents partenaires. Ceci risque d’affaiblir la capacité d’identification à un projet commun de long terme.

Au-delà de la question de la localisation, le projet de « campus de R&D public – privé » est hypothéqué par le fait que les travaux de recherche sont certes pilotés par l’ITE mais rarement effectués en interne, par des salariés de la société. Les ITE ne disposent pas d’équipes de chercheurs salariés mis à disposition par les membres du consortium, tant publics que privés. La Mission d’évaluation et de contrôle a pu en faire le constat lors de son déplacement à Compiègne au siège de l’ITE PIVERT, décrit dans l’encadré page suivante. Ceci tient aux obstacles actuels à la mobilité professionnelle en cours de carrière dans la recherche publique,  le passage dans le secteur privé y étant mal valorisé.

Même en l’absence de constitution de véritables « campus public-privé » des programmes de recherche importants sont donc bel et bien pilotés par les ITE auprès de leurs membres ce qui permet de constituer un patrimoine de propriété intellectuelle : certains ITE sont ainsi amenés à négocier des licences exclusives à un stade plus précoce qu’envisagé initialement. On relève par exemple que l’ITE Efficacity, dans le domaine de la ville durable, parvient à valoriser ses recherches dans des marchés d’assistance à maîtrise d’ouvrage. L’ITE INEF4 a un taux de réussite de 100 % sur les programmes européens H2020 sur lesquels il assume un rôle de coordination.

Certains industriels membres des consortiums ont dû ajuster leurs attentes pour admettre que l’ITE n’est pas un instrument de sous-traitance de la R&D privée mais une société dotée d’objectifs et d’intérêts propres. Il a donc fallu s’accorder sur les règles applicables en matière de partage des droits de propriété intellectuelle.

L’ITE PIVERT (Picardie Innovations Végétales, Enseignements et Recherches Technologiques)

La Mission d’évaluation et de contrôle s’est rendue auprès de l’ITE PIVERT, établi à Compiègne, spécialisé dans la transformation de la biomasse oléagineuse en produits chimiques renouvelables.

L’ITE PIVERT finance et pilote la recherche conduite par les partenaires académiques : organismes de recherche et centres techniques professionnels. L’ITE coordonne les thèmes de recherche sur la base de feuilles de routes partagées par les partenaires industriels et renouvelées régulièrement. L’Institut cherche à faire le lien entre l’échelle de laboratoire et l’échelle industrielle en démontrant à la fois le fonctionnement technique et la pertinence économique des composants chimiques biosourcés.

La SAS PIVERT reçoit un mandat de gestion des droits de propriété intellectuelle issus de ces recherches et a pour mission de les valoriser par le biais de licences d’exploitation. Les partenaires industriels de l’ITE disposent d’un droit de priorité de l’achat de ces droits, au prix de marché, pour une durée de six mois.

Le schéma suivant, qui figure dans la décision de la Commission européenne d’approbation de l’aide l’État versée par l’ANR, décrit le fonctionnement de l’institut et montre le cloisonnement opéré entre les partenaires académiques, pilotés par PIVERT, et les partenaires industriels membres du Club des Industriels PIVERT.

Les dotations publiques financent ainsi seulement l’activité de la SAS et non pas celle des entreprises membres. Elles permettent à la SAS d’acquérir un patrimoine de droits de propriété intellectuelle mais également un capital matériel : une infrastructure de recherche, le centre Biogis, halle technologique de 6 000 m2 de développement et de démonstration, en cours d’installation et d’équipement.

L’ANR versera 63,9 millions d’euros en 10 ans. Sur cette période, le budget prévisionnel de PIVERT sera de 246 millions d’euros pour financer un programme de recherche précompétitive baptisé Genesys à hauteur de 120 millions d’euros ; le centre Biogis pour 50 millions d’euros et des projets de démonstration conduits par les industriels partenaires membres CIP, pour 70 millions d’euros.

PIVERT s’est fixé pour objectif de financer les travaux de 150 chercheurs par an sur 10 ans. 5 000 créations d’emplois industriels directs ou indirects sont attendues à terme. Enfin, en coopération avec le pôle de compétitivité Industries & Agro-Ressources (IAR) PIVERT contribue à des actions de formations de la filière « agro-ressources ».

4. L’aboutissement des actions dans le domaine de l’urbanisme

Dans le domaine de l’urbanisme, la plus grande partie des enveloppes dont disposent aujourd’hui les opérateurs sont engagées ou appelées à l’être avant la mise en œuvre de troisième PIA annoncé.

a. La conduite sous contraintes de l’action Ville de demain

Concernant l’action Ville de demain, l’engagement progressif des crédits de subvention entre 2012 et 2014 a tenu au besoin de maturation des projets éligibles : c’est une garantie du caractère innovant et intégré de la démarche urbaine proposée.

Cependant, comme l’a indiqué à la Mission d’évaluation et de contrôle M. Paul Delduc, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature du Ministère de l’écologie « le PIA est arrivé à un moment opportun pour aider les agglomérations d’une taille significative à prendre des initiatives et des risques en changeant certaines pratiques, que ce soit dans le bâti, la mobilité, l’espace public, l’eau, la biodiversité… ». Une accélération de l’engagement des crédits est constatée depuis 2014 qui résulte de cette dynamique.

Cette accélération s’est accentuée en 2015. Alors qu’au 30 juin 2015 les montants engagés et contractualisés atteignaient respectivement 340 et 266 millions d’euros, l’examen des projets déposés pour le 25 septembre 2015 a conduit à l’engagement de plus de 150 millions d’euros de subventions supplémentaires concernant 31 territoires, ce qui a accru de près de 45 % le taux d’engagement des crédits.

Elle a également tenu aux réformes engagées par l’opérateur. Après une évaluation réalisée en 2015, la Caisse des dépôts a renforcé les compétences des comités opérationnels de financement régionaux pour émettre un avis sur l’ensemble des demandes, s’assurer de la mise en œuvre au niveau territorial des décisions du comité de pilotage national et avoir une capacité d’engagement en deçà d’un certain seuil. Ces comités peuvent ainsi mobiliser eux-mêmes jusqu’à 1 million d’euros pour les subventions d’investissement et 100 000 euros pour les subventions d’ingénierie.

Ainsi que le montre le tableau ci-après, le budget de 503 millions d’euros de subventions a permis de cofinancer les 19 Écocités issues de la première phase de l’action, à hauteur de 109,5 millions d’euros et les projets des collectivités éligibles à la seconde phase à hauteur de 141 millions d’euros. S’y ajoutent six millions d’euros de subventions d’ingénierie. L’ensemble couvre près de 380 projets.

ÉTAT D’AVANCEMENT DE L’ACTION VILLE DE DEMAIN AU 1ER TRIMESTRE 2016
(
hors fonds délégués à bpifrance, hors frais de gestion)

(en millions d’euros)

 

Engagement

Contractualisation

Décaissements

Nombre de projets

Prises de participation

Subventions

TOTAL

Prises de participation

Subventions

TOTAL

Prises de participation

Subventions

TOTAL

Écocité tranche 1

11,2

109,5

120,7

0

74

74

 

21,6

21,6

136

Ingénierie tranche 1

0

5

5

0

4,4

4,4

0

0,3

0,3

18

Ingénierie ville de demain tranche 2

0

1

1

0

0

0

0

0

0

2

Transports en commun en site propre

0

198

198

0

198,2

198,2

0

73

73

12

Ville de demain rénovation énergétique

0

8,2

8,2

0

6,1

6,1

0

0

0

15

Ville de demain tranche 2

2,9

145

147,9

2,9

 

2,9

2,9

0

2,9

235

TOTAL

Ville de demain

14,1

466,9

481

2,9

282,7

285,6

2,9

95

97,9

418

Sources : CGI et Caisse des Dépôts.

L’enveloppe de subventions est engagée à près de 93 %.

Une part du solde sera utilisée pour financer l’accompagnement, en 2016, les lauréats d’un appel à projets interministériel « Démonstrateurs industriels pour la ville durable ». L’avenant n° 2 du 22 décembre 2015 à la convention du 28 septembre 2010 relative à l’action Ville de demain prévoit en effet que la Caisse des dépôts financera en subventions d’ingénierie les 16 lauréats de cet appel à projet réalisé en dehors du PIA qui vise à promouvoir des sites pilotes d’innovation urbaine.

RÉPARTITION FIN 2015 DES ENGAGEMENTS DU PROGRAMME VILLE DE DEMAIN

Source : Caisse des dépôts et consignations. Montants en millions d’euros.

Selon le bilan évaluatif de l’action communiqué par le CGI, les subventions d’ingénierie, composante originale de l’action, ont prouvé leur utilité : elles ont évité des coûts élevés, par exemple lorsque des tests non concluants sur des revêtements sols ont évité un déploiement inefficace de l’investissement. Elles ont renforcé les synergies en permettant un apprentissage des modes de fonctionnement des différents partenaires avant la phase opérationnelle. Par exemple, des projets de système de surveillance et de gestion du risque hydrologique à Toulouse et de réseau d’exhaure à Grenoble ont bénéficié de l’accompagnement en ingénierie du PIA afin de surmonter des difficultés de mise en œuvre et d’appréhender des schémas alternatifs.

La principale difficulté tient à la sous-utilisation de l’enveloppe de crédits de fonds propres : aucune prise de participation n’a été contractualisée entre 2010 et 2014 sur les 400 millions d’euros de crédits initiaux, réduits à 165 millions d’euros après redéploiements, alors même que le contexte de croissance du marché des services urbains innovants paraissait favorable. La Caisse des dépôts attribue cet échec à trois aspects de la doctrine initiale d’emploi de ces fonds.

Le périmètre du projet financé devait être circonscrit à l’Éco-cité : cohérente en matière d’investissement immobilier, cette limitation ne permettait en revanche pas de rentabiliser les projets des sociétés de services ou visant l’innovation de procédé (par exemple pour les outils numériques de gestion de la ville), alors qu’il s’agit d’un des domaines les plus prometteurs.

Les prises de participation dans des sociétés existantes étaient exclues dans le but de sécuriser une logique de projets. Mais ce facteur a fortement limité les possibilités d’absorption des surcoûts de l’innovation, par exemple avec une entreprise en croissance.

Il reste que les exigences consubstantielles au programme en termes de performance énergétique limitent la rentabilité des projets.

La doctrine d’intervention a donc évolué. Des interventions directes dans le capital d’entreprise sont désormais autorisées et sans limitation géographique. La Caisse des dépôts va également assouplir ses critères d’appréciation des dossiers : il lui semble désormais qu’exiger, sur un même projet, un très haut degré d’innovation et une performance environnementale très supérieure à la pratique courante, occasionne des surcoûts impossibles à absorber. Deux prises de participation ont été décidées en 2015 : 5,7 millions d’euros ont été engagés dans le projet de Tour Elithis à Strasbourg et 2,94 dans l’Ilot Allar à Marseille. Dans ces deux cas, le dynamisme des marchés immobiliers locaux a rendu les surcoûts acceptables par les co-investisseurs.

Enfin 50 millions d’euros de l’enveloppe de fonds propres ont été délégués en gestion à Bpifrance afin de constituer un fonds d’amorçage, créé fin 2015. Il doit prendre des participations dans de jeunes sociétés qui développent des technologies et des services dans le domaine de la ville intelligente tels les systèmes de mobilité, de gestion énergétique ou d’éclairages intelligents. Ce fonds de capital amorçage pourra investir dans des sociétés en création. Les investissements interviendront lors des premières ouvertures de capital et pourront atteindre 2 millions d’euros.

Des exemples d’effets innovants des financements du PIA

L’action Ville de demain a financé des partenariats innovants : à Lyon, le projet de Modélisation Urbaine Gerland ou à Nice le projet de Monitoring Urbain Environnemental associent des grands groupes et des start-up dans un partenariat de recherche, avec, dès 2015, des développements opérationnels

L’action contribue à structurer des acteurs, en particulier dans la filière bois, par exemple à Bordeaux où des projets d’immeubles bois démonstrateurs articulent une ingénierie amont à la chaîne d’approvisionnement, ou sur des projets énergétiques tels que la Centrale Trigénération de Port Marianne de Montpellier, dotée de circuits courts d’approvisionnement.

L’action permet des simplifications juridiques : Lyon a établi une convention type de R&D pour associer des acteurs privés à des innovations urbaines. Les villes de Strasbourg et de Lyon ont procédé à des appels d’offres par « macro-lots » afin de donner plus de place à l’innovation de la part des acteurs privés retenus.

L’enveloppe résiduelle de 40 millions d’euros de prêts de l’action « Projets territoriaux intégrés pour la croissance verte »

L’engagement de l’enveloppe de 40 millions d’euros destinés à des prêts aux PME intervenant dans les domaines de la Ville dans le ressort des Territoires à énergie positive pour la croissance verte est difficile.

Un premier cahier des charges des prêts a été publié en mai 2015 puis modifié en décembre 2015. Les prêts répondent désormais aux caractéristiques suivantes : durée de remboursement pouvant aller jusqu’à quatorze ans ; possibilité d’un différé d’amortissement de 2 ans pour tout prêt d’une durée supérieure à 7 ans ; possibilité d’exemption de garantie ou de sûreté ; montant minimum de 300 000 euros et n’excédant pas 50 % du besoin total de financement sous forme de prêts. Le programme a en outre été ouvert aux PME répondant à la définition de l’Insee et non plus seulement à celle répondant aux critères de l’Union européenne.

Néanmoins, ces prêts sembleraient peu attractifs pour les PME. Au 1er trimestre 2016 aucun engagement de crédit n’est enregistré sur cette action.

b. L’appel à projets Ville durable et solidaire de l’ANRU

L’enveloppe opérée par l’ANRU et consacrée à l’innovation environnementale dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville a été fixée à 71 millions d’euros.

Fin 2015, les engagements atteignent 3 millions d’euros en retrait par rapport au rythme d’engagement défini par la convention financière.

RYTHME D’ENGAGEMENT INDICATIF POUR L’AXE 1

ANNÉES D’ENGAGEMENT

2015

2016

2017

2018-2020

Interventions sous forme de subventions

15

14

14

28

Mais les crédits devraient être engagés en totalité d’ici le début de l’année 2017. L’ANRU a en effet lancé un appel à manifestation d’intérêt en avril 2015 à destination des collectivités où figure un des 200 quartiers d’intérêt national du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

63 candidatures ont été examinées, recouvrant 73 quartiers prioritaires. Selon la typologique appliquée par le NPRU, 51 candidatures concernaient des quartiers relevant des Grands ensembles, 4 de quartiers anciens, 4 de quartiers mixtes et 4 d’Outre-mer.

Selon les informations communiquées à la Mission d’évaluation et de contrôle par l’ANRU, les candidatures abordent les thématiques de l’énergie (performance énergétique du bâti, stratégie énergétique à l’échelle du quartier, récupération de l’énergie fatale, autonomie énergétique, îlots démonstrateurs), de la gestion de l’eau et des déchets, de la mobilité durable, de l’agriculture urbaine, de la gestion des copropriétés dégradées, des procédés constructifs innovants permettant de réduire le coût global de la construction, mais aussi le développement économique pour structurer des filières locales, la diversification fonctionnelle, le vieillissement, les questions de genre et l’accompagnement du changement des usages.

Les lauréats sont accompagnés jusqu’à l’automne 2016 pour approfondir et fiabiliser les orientations envisagées dans leurs candidatures. Cet appui prend la forme d’une aide financière (120 000 euros par site) pour réaliser les études et missions d’ingénierie nécessaires à la définition des projets, ainsi que d’une assistance opérationnelle, technique et juridique.

La liste des 20 projets lauréats couvrant 25 quartiers prioritaires figure dans la carte et le tableau ci-après.

Au regard des interrogations suscitées par le financement par le PIA d’une action qui paraissait pouvoir relever plutôt des financements massifs du NPRU, les résultats de l’appel à manifestation d’intérêt confirment l’intérêt de la démarche. Les candidatures ont été nombreuses et, malgré une enveloppe financière en retrait de 14 millions d’euros par rapport aux 85 prévus par la lois de finances pour 2014, le comité de sélection a fait le choix d’établir le nombre de lauréats dans la fourchette haute de 20 projets, contre 15 envisagés au stade du lancement de l’appel à manifestation d’intérêt. Enfin le caractère innovant des projets semble attesté par le fait que des crédits d’ingénierie sont mobilisés afin d’instruire leur faisabilité dans de bonnes conditions.

Les Rapporteures forment donc le vœu que la mise en œuvre des vingt projets retenus exercera les effets d’exemplarité et dynamique attendus et qu’elle confortera de façon plus large la contribution des crédits de la politique de la Ville à la transition écologique.

LAURÉATS DE L’APPEL À MANIFESTATIONS D’INTÉRÊT
« VILLES ET TERRITOIRES DURABLES »

Territoire

Quartier(s) concerné(s)

Nombre de quartiers prioritaires

Typologie

13

Marseille

Frais Vallon

1

Grands ensembles

13

Port-de-Bouc

Aigues-Douces (La Lèque)

1

Grands ensembles

38

Echirolles

Essarts-Surieux (Villeneuve)

1

Grands ensembles

42

Saint-Etienne

Tarentaize-Beaubrun (Couriot)

1

Centre ancien

51

Vitry-le-François

Le Hamois

1

Grands ensembles

59

Lille

Secteur Sud ( Concorde)

1

Grands ensembles

59

Roubaix

-Quartier intercommunal Roubaix-Tourcoing-Blanc Seau-Croix Bas Saint Pierre

- Nouveau Roubaix

1

Grands ensembles / Centre ancien

64

Pau

Saragosse

1

Grands ensembles

66

Perpignan

Centre ancien (quartier Saint-Jacques)

1

Centre ancien

69

Villeurbanne

- Les Buers - Saint-Jean

2

Grands ensembles

78

Mantes-la-Jolie

Val Fourré

1

Grands ensembles

80

Amiens

- Amiens Nord - Etouvie

2

Grands ensembles

92

Nanterre

Le Parc (Sud)

1

Grands ensembles

93

Clichy-sous-Bois

Bas-Clichy

1

Grands ensembles

93

Stains

Centre-ville élargi - Clos Saint-Lazare - La Prêtresse

2

Grands ensembles

94

Vitry-sur-Seine

Centre-ville (Mario Capra Robespierre)

1

Grands ensembles

95

Villiers-le-Bel

Le Puits la Marlière - Derrière les Murs de Monseigneur

1

Grands ensembles / Centre ancien

973

Cayenne

Le Village Chinois

1

Outre-mer

974

Saint-Denis de la Réunion

Bas Maréchal Leclerc- Vauban - Butor

3

Outre-mer

974

Saint-Pierre de la Réunion

Bois d’Olives

1

Outre-mer

Source : ANRU.

III. DES AMÉLIORATIONS À POURSUIVRE, UNE AMBITION À CONFORTER

Les actions du PIA finançant la transition écologique connaissent un état d’avancement contrasté mais les opérateurs qui les gèrent ont tous, à mi-parcours du programme, adapté leurs interventions pour mieux répondre aux besoins de financement. Les exigences posées par le PIA en matière de pilotage et d’évaluation contribuent indéniablement à la qualité des choix d’investissement public, même s’il est encore difficile d’en mesurer l’effet de levier et que les perspectives de retours financiers pour l’investisseur public sont lointaines.

La perspective d’un PIA 3 pose la question des ajustements éventuels à apporter alors que le rythme d’engagement des enveloppes de financement, bien que croissant depuis deux ans, est en retrait par rapport à la programmation envisagée par le PIA 1.

Les décisions de redéploiement prises jusqu’à présent par le Premier ministre ont constitué autant d’arbitrages budgétaires défavorables au financement de la transition écologique par le PIA puisqu’ils ont diminué les possibilités de financement potentiel, sur la durée, pour chacune des actions concernées.

Le PIA 3 peut être mis à profit pour en compenser les effets en consolidant les actions entreprises mais également pour proposer un nouveau périmètre d’intervention afin de tirer parti d’un nouveau contexte.

D’une part le PIA a suscité des dynamiques de projets qu’il serait contre-productif de ne pas continuer d’encourager et qui peuvent même être confortées en améliorant l’accès aux financements et en adaptant la prise de risque publique aux exigences de la transition écologique.

D’autre part, la capacité d’intervention des opérateurs du PIA en tant qu’investisseurs « avisés » trouve sa limite dans l’absence de co-investisseurs privés capable de prendre des risques au même niveau que l’État : la mise en œuvre de mesures incitant les entreprises et les particuliers à s’engager dans la transition écologique peut donc accélérer la dynamique des actions du PIA concernées.

A. LES EXIGENCES EN MATIERE DE PILOTAGE ET D’ÉVALUATION

Le choix du législateur en 2010 et en 2014 de consacrer une part significative du PIA au financement de la transition écologique revêt une dimension qualitative, fondée sur la gouvernance et les exigences propres au PIA : visibilité sur la durée des choix opérés et des financements apportés, exigences de sélection et de suivi, évaluation des résultats obtenus.

L’article 8 de la loi de finances rectificative pour 2010, figurant dans l’encadré suivant, définit ce cadre qui contribue indéniablement à la qualité des choix d’investissement public.

Article 8 de la loi de finances rectificative pour 2010

II.– A.– Pour chaque action du programme d’investissements, les conditions de gestion et d’utilisation des fonds, font l’objet préalablement à tout versement d’une convention entre l’État et chacun des organismes gestionnaires. Cette convention, qui ne peut être conclue pour une durée supérieure à quinze ans, est publiée au Journal officiel et précise notamment :

1° Les objectifs à atteindre par l’organisme gestionnaire et les indicateurs mesurant les résultats obtenus ;

2° Les modalités d’instruction des dossiers conformément à un cahier des charges approuvé par arrêté du Premier ministre ainsi que les dispositions prises pour assurer la transparence du processus de sélection ;

3° Les modalités d’utilisation des fonds par l’organisme gestionnaire ainsi que les conditions selon lesquelles l’État contrôle cette utilisation et décide en dernier ressort de l’attribution des fonds ;

4° Les modalités du suivi et de l’évaluation de la rentabilité des projets d’investissement financés ainsi que les conditions dans lesquelles est organisé, le cas échéant, l’intéressement financier de l’État au succès des projets ;

1. Une gouvernance spécifique à préserver

Dans son Rapport public thématique sur le PIA, la Cour des comptes a posé la question de la pertinence de ce pilotage spécifique qui combine d’une part une gestion extra-budgétaire des crédits, votés en une seule fois et réalloués, le cas échéant par décisions du Premier ministre et, d’autre part, une mise en œuvre par des opérateurs de l’État distincts des Ministères. Elle a considéré que des objectifs de lisibilité des engagements et d’efficacité des dépenses, sur la durée, pourraient être aussi bien atteints en cas de mise en œuvre par les différents Ministères, appuyés le cas échéant par les opérateurs, sur le fondement de crédits votés chaque année sur une mission budgétaire interministérielle relevant du Premier ministre.

S’il ne revient pas à la Mission d’évaluation et de contrôle de trancher cette question de façon définitive, puisqu’elle se pose au PIA sur l’ensemble de son périmètre, les observations effectuées dans le domaine de la transition écologique invitent plutôt à conforter le modèle original actuel.

a. La visibilité pluriannuelle et l’implication interministérielle

Les actions du PIA finançant la transition écologique ne relèvent pas exclusivement de programmes initialement inscrits dans le budget de l’État sur la mission Écologie, développement et mobilités durables. La qualité du suivi interministériel est donc essentielle.

Or, comme Mme Monique Pappalardo, magistrate à la Cour des comptes, l’a indiqué à la Mission d’évaluation et de contrôle, le suivi du CGI est de grande qualité et garantit la continuité des approches dans le temps.

L’adoption des enveloppes pluriannuelles de chaque PIA, en 2010 et en 2014 a été l’objet d’une attention très forte et a adressé des signaux d’engagement de l’État, sur la durée. Il n’est pas certains que les évolutions apportées au fil des lois financières aux programmes d’une mission interministérielle fournissent une référence aussi claire. Il pourrait en résulter une dilution des perspectives.

Mais ce constat doit être assorti d’une réserve majeure : les redéploiements opérés sur décisions du Premier ministre atténuent la lisibilité de la stratégie et de la programmation des dépenses. Mais comme préconisé par les Rapporteures, des garanties peuvent être apportées en instituant l’obligation pour le Premier ministre, lors de l’information préalable du Parlement, de motiver les arbitrages budgétaires opérés et de préciser leurs effets.

En outre, une gouvernance du PIA dans la durée, au-delà des échéances politiques, est garantie par le comité de surveillance établi par le IV de l’article 8 de la loi de finances rectificative pour 2010. Sa présidence transpartisane actuelle, par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, présente une garantie de cohérence au regard de l’orientation définie par le rapport fondateur de 2009 sur les priorités d’investissement.

À l’appui de ses préconisations, la Cour des comptes a évoqué le risque d’un désengagement des ministères. Or ce risque n’est pas avéré dans le domaine de la transition écologique en raison du fort investissement du ministère de l’écologie dans le PIA. La Cour des comptes elle-même a indiqué que ce ministère s’est organisé pour coordonner, en son sein, les travaux du PIA par un suivi spécifique de l’ensemble des programmes et une coordination des directions ministérielles concernées avec les opérateurs. Ce pilotage a été renforcé en 2015 au sein de la direction recherche du commissariat général au développement durable.

Au total, l’articulation actuelle entre les directions ministérielles, les opérateurs et le CGI paraît devoir être préservée.

L’intérêt du pilotage interministériel peut également se manifester du point de vue de la mise en œuvre effective des projets financés par le PIA.

Le bilan évaluatif de l’action Ville de demain réalisé par le CGI indique que le cadre réglementaire peut rendre difficile la conduite de projets urbains intégrés. C’est par exemple pour le projet ReUse, conduit sur l’Écocité du Territoire de la Côte Ouest de l’île de la Réunion : il s’agit d’un système innovant de réutilisation d’eaux grises afin de préserver la ressource en eau. Des tests à l’échelle d’un projet pilote ont été concluants, mais la mise en œuvre a nécessité des dérogations administratives qui n’ont pu être obtenues en un an.

Les Rapporteures invitent donc à veiller à faciliter les dérogations appropriées aux cadres réglementaires pour faciliter la mise en œuvre d’expérimentations adaptées afin que l’intervention de l’État édicteur de normes soit en cohérence par l’intervention de l’État financeur par le PIA. Le financement des projets résultant d’un examen interministériel de ses enjeux, il convient d’accorder un appui spécifique pour lever les freins de mise en œuvre qui tiendraient à des lourdeurs administratives ou à des obstacles réglementaires inutiles.

Lors de la mise en place de l’appel à manifestation d’intérêt interministériel du 7 octobre 2015 pour des démonstrateurs de la ville durable, une mission interministérielle d’accompagnement a par exemple été mise en place pour faciliter les démarches d’obtention d’autorisations des lauréats dont les projets impactent différentes séries de réglementations (urbanisme, maîtrise d’ouvrage publique, transport, logement, systèmes d’informations, comptabilité publiques...). Les Rapporteures s’en félicitent et invitent à s’inspirer de cette démarche, lorsqu’elle est pertinente, dans la mise en place des appels à projet du PIA.

Proposition : Mettre à profit la dimension interministérielle de la gestion du PIA pour fournir, chaque fois que nécessaire, un appui spécifique afin de lever les obstacles réglementaires et administratifs à la mise en œuvre de projets complexes, particulièrement dans le domaine urbain

b. Les frais de gestion des opérateurs

Puisque le PIA fait intervenir, pour mettre en œuvre des dépenses importantes de l’État, des opérateurs distincts des ministères, il convient de conserver la plus grande vigilance sur les frais que ces opérateurs imputent sur les crédits du PIA au titre des actions qui leur sont confiées.

Ceci ne saurait concerner l’ANAH puisque le PIA intervient pour cofinancer les missions de l’agence : l’agence n’impute donc pas de frais de gestion. Les autres opérateurs, auxquels le PIA a confié une mission nouvelle, bénéficient d’un plafond annuel de frais de gestion, imputés sur les fonds du PIA.

Or les conditions de prise en charge ayant pu faire l’objet de négociations entre les opérateurs et l’État, elles varient entre opérateurs et même au sein des opérateurs suivant les actions.

Une première distinction peut être opérée au regard des modalités de prise en charge des dépenses de personnel.

Pour l’ADEME et l’ANR, les conventions prévoient la prise en charge des seules dépenses hors personnel occasionnées par la mise en œuvre des PIA. Mais l’ADEME et l’ANR ont bénéficié en 2013 d’un relèvement de leur plafond d’emploi pour gérer le PIA : 45 équivalents temps plein pour l’ADEME et 30 pour l’ANR. Ces autorisations de créations de postes ont été gagées sur le plafond de leurs ministères de tutelle et donc sans coût supplémentaire pour le budget de l’État.

La Caisse des dépôts, bénéficie d’un objectif de plafond de frais de gestion qui s’applique à la masse salariale des personnels dédiés par l’établissement à la gestion du PIA, ainsi qu’aux coûts des environnements de travail. Les autres frais de gestion (organisation des expertises, communications, prestations externes) font l’objet d’un budget prévisionnel annuel suivi d’un budget réalisé dont les montants sont imputés sur les investissements d’avenir. Bpifrance et l’ANRU, pour l’action Ville durable et solidaire, bénéficient également de la prise en charge de l’intégralité des coûts du PIA, y compris les frais de personnel.

Les plafonds de frais de gestion sont généralement fixés sous forme de pourcentage des fonds dédiés à l’action, mais l’existence de coûts fixes plus facilement amortissables pour une action de grande ampleur est prise en compte. Le niveau des frais peut varier également en fonction des modalités de sélection des projets, de la quantité et de la complexité des dossiers à traiter, comme du type de financement mis en place.

La Cour des comptes a relevé que « certains opérateurs semblent n’avoir pas vraiment négocié sur ce point lors de la signature des conventions », alors que « pour d’autres, les conditions de prise en charge des frais de gestion ont été l’objet de discussions soutenues lors de l’élaboration des conventions ». Il en résulte des différences importantes entre les taux appliqués, comme le montre le tableau ci-après.

EXEMPLES DE FRAIS DE GESTION APPLIQUÉS PAR DES OPÉRATEURS DU PIA

(en millions d’euros)

Opérateur / Actions

Montant total initial

Plafond de frais de gestion

Frais de gestion validés en 2013

Frais de gestion prévisionnels 2014

Frais validés en 2014

Frais de gestion prévisionnels 2015

ADEME

3 130

0,5 %

1,35

1,27

0,79

 

CDC

Ville de demain

668

2 %

2,57

2,43

2,11

2

Projets territoriaux intégrés

47

2,5 %

       

Bpifrance

PIAVE

400

2,5 %

 

0,023

0,023

1,6

Source : jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances pour 2016.

Les coûts appliqués par la Caisse des dépôts sont les plus élevés : la Cour des comptes a relevé que la Caisse, qui n’opère que 25 % des crédits du PIA 1, représente 60 % des frais de gestion appliqués sur ce périmètre. La Caisse des dépôts a en effet pu s’appuyer sur son statut, protecteur dans sa relation à l’État, pour obtenir une facturation des frais de gestion aux coûts complets. Une mission annuelle du collège des commissaires aux comptes de la Caisse établit le volume et la valorisation des moyens mobilisés et l’adresse à l’État. Sur l’enveloppe de 668 millions d’euros de l’action Ville de demain, 12,2 seront imputés dur toute la durée de la convention, ce qui devrait être supérieur à la totalité des frais imputés par l’ADEME pourtant des enveloppes pourtant significativement plus élevées.

Pour tous les opérateurs, le plafond de frais de gestion est calculé pour l’ensemble de la période de mise en œuvre du programme et à partir du montant de l’enveloppe initiale : ce montant plafond permet de définir l’échéancier initial. Les redéploiements de crédits qui abaissent le montant de l’enveloppe initiale ont donc pour effet mécanique d’accroître le poids des frais de gestion déjà versés par rapport à l’enveloppe subsistante. Les Rapporteures estiment que ce point doit faire l’objet d’une attention particulière dans le suivi des montants imputés annuellement.

On relève enfin que la multiplication des interventions d’opérateurs distincts pour une même action a pour effet d’augmenter les frais de gestion. La Caisse des dépôts perçoit par exemple des frais de gestion pour exercer les fonctions de censeur dans les instances dirigeantes de six ITE et pour opérer, sur délégation de l’ANR, un investissement de 43 millions d’euros au capital de l’ITE Supergrid. La convention du 20 juillet 2015 fixe un plafond de frais de gestion pour ces deux missions de 1 % du montant de la participation au capital de Supergrid, soit 430 460 euros.

Les frais de gestion du fonds Écotechnologies sont particulièrement élevés. Le bilan évaluatif établi par le CGI et communiqué à la Mission d’évaluation et de contrôle mentionne une somme de 30 millions d’euros sur la durée du fonds.

Enfin le recours à des fonds de fonds ajoute aux coûts de gestion appliqués par les opérateurs des frais de gestion de « second niveau ». La Cour des comptes a qualifié de difficiles leur suivi et leur chiffrage exhaustif : d’une part ils rémunèrent des fonds de fonds, selon des taux qui ne sont pas chiffrés dans des conventions renvoyant aux règlements des fonds de fonds eux-mêmes ; d’autre part ils rémunèrent les sociétés qui gèrent effectivement les fonds.

Proposition : Limiter le niveau des niveaux de frais de gestion des actions du PIA en :

– Révisant les montants prévus par les conventions initiales pour tenir pleinement compte de la diminution des enveloppes lorsque des redéploiements sont opérés ;

– Limitant les délégations entre opérateurs ;

– Fixant dans les conventions applicables aux fonds de fonds des plafonds aux frais de gestion qu’ils appliquent

2. Les garanties apportées par la sélection et l’évaluation

Le PIA comporte des exigences de sélection des projets ainsi que d’évaluation des actions et de leur impact qui apportent des garanties de bon usage des financements publics.

Au stade du choix du projet, la définition des critères de sélection doit adapter les objectifs d’excellence et d’innovation à la diversité des domaines relevant de la transition écologique. Le PIA doit ensuite permettre un suivi régulier et une évaluation périodique des projets, pouvant donner lieu à des décisions de poursuite ou d’arrêt des financements. Il faut également évaluer la conduite des actions par les opérateurs. Enfin des évaluations ex post doivent mesurer l’impact des programmes sur la transition écologique.

a. Un niveau de sélection à apprécier par domaine d’intervention

L’utilisation de procédures d’appels à projets ou à manifestations d’intérêt constitue une première garantie d’excellence des interventions financées. Les projets sont examinés, en fonction des actions, par des jurys d’experts indépendants auxquels des experts étrangers sont associés, ou par des comités d’experts interministériels.

Il n’a pas été fait état devant la Mission d’évaluation et de contrôle de situation dans lesquelles le CGI serait allé à l’encontre de décisions de jurys indépendants en finançant un projet non sélectionné. Mais la décision de financement d’un projet revient toujours, in fine, au Premier ministre ou par délégation, au CGI. L’enveloppe de financement est également définie de façon interministérielle. Elle permet donc de financer en tout ou partie des projets qui figuraient par exemple sur des listes complémentaires établies par les jurys.

Les critères généraux de sélection des projets

– contenu innovant (nouveaux produits ou services, comparaison à un état de l’art international, pertinence de la taille du projet au regard d’une mise sur le marché) ;

– impact sur l’écosystème d’innovation et de compétitivité (enjeux économiques du secteur, réplicabilité, intégration dans des réseaux pertinents, complémentarité avec d’autres projets)

– impact commercial et financier (pertinence des objectifs commerciaux, plan d’affaire…)

– impact économique et social (d’activité pendant et à l’issue du projet, d’emploi, enjeux sociaux et sociétaux)

– qualité de l’organisation du projet (pertinence du partenariat, gouvernance, adéquation du programme de travail et du budget avec les objectifs du projet, solidité du plan de financement du projet et robustesse financière des partenaires, localisation)

– impact de l’intervention publique (Caractère incitatif de l’intervention, effet d’entraînement de l’intervention publique)

L’encadré ci-avant détaille les critères généraux au regard desquels s’effectue en premier lieu la sélection des projets financés par le PIA. Ils sont applicables à l’ensemble des actions et définis par le CGI.

Puis la sélection s’effectue au regard des critères propres au domaine d’intervention. Pour les appels à projets de l’action Économie circulaire, l’ADEME a par exemple délibérément atténué certains des critères de sélection en tenant compte du fait que le signal prix provenant du marché n’intègre pas la totalité des effets externes de ces activités.

Le niveau de sélectivité des projets peut être un indicateur de l’efficacité des financements du PIA par rapport à des dispositifs moins discriminants. Le tableau suivant présente, pour chaque action relevant de l’ADEME, le nombre de projets reçus, retenus par les instances de sélection puis financés.

CANDIDATURES EXAMINÉES ET PROJETS RETENUS AU TITRE DES ACTIONS DE L’ADEME

Programme

Reçus

Sélectionnés

Taux de sélection

Retenus par le Premier ministre non abandonnés

Mise en œuvre des projets sélectionnés

Énergies renouvelables et décarbonées

408

105

25,7 %

93

88,6 %

Économie circulaire

204

49

24 %

46

93,9 %

Réseaux électriques intelligents

108

40

37 %

37

92,5 %

Total Démonstrateurs

720

194

26,9 %

176

90,7 %

Véhicules et transports du futur

451

216

47,9 %

206

95,4 %

TOTAL ADEME

1 171

410

35 %

382

93,1 %

Source : ADEME. Le périmètre inclut le fonds écotechnologies. Données au 1er trimestre 2016.

On constate que la sélectivité des appels à projets est importante. Les comités de sélection ont retenu un peu plus du quart des dossiers soumis pour l’ensemble des actions relevant des démonstrateurs pour la transition écologique et énergétique. Le taux d’acceptation est près de deux fois plus élevé pour les appels à projets dans le domaine des transports.

Un « taux de perte » global de 6,8 % peut en outre être constaté, qui mesure la part des projets retenus initialement qui soit n’ont pas fait l’objet d’une décision primo-ministérielle d’engagement des crédits, soit ont été abandonnés après la contractualisation. Ce taux est plus important pour les projets visant les énergies renouvelables et décarbonées, plus faible dans le domaine des transports mais il y concerne des montants plus élevés. Dans le domaine de l’urbanisme, le taux de sélectivité global de l’action Ville de demain atteint 33 %.

Il ne faut cependant pas rechercher une sélectivité excessive. Le PIA vise à assumer une prise de risque publique : un degré de sélection élevé peut donc traduire une frilosité à cet égard. Le degré de sélection dépend également de l’étendue du « vivier » de candidats potentiels et de l’attractivité des appels à projets. Les appels à projet dans le domaine du grand éolien n’ont pas engendré un nombre important de projets mais le comité d’examen à mi-parcours établi par France stratégie considère que cette action serait considérée à tort comme peu sélective. Enfin la proportion des projets retenus peut être accrue lorsque l’opérateur organise une pré-présentation des projets auprès des acteurs concernés, ce qui établit un premier filtre entre les candidatures, comme c’est le cas pour de nombreux appels à projets de l’action Véhicules et transports du futur.

b.  Le suivi des projets en cours de mise en œuvre

Le PIA présente également des garanties d’évaluation des actions en cours de mise en œuvre, dont les conditions de financement des Instituts pour la transition énergétique fournissent un bon exemple.

Les dotations engagées par tranches de trois ans, sont soumises à une évaluation préalable de la performance des ITE. L’évaluation triennale conditionne la poursuite ou l’abandon du financement. Il s’agit donc d’un jalon d’arrêt ou de poursuite de financement, un « go – no go ». En cas de poursuite, les modalités de versement et le montant des tranches financières sont décidés par le CGI en fonction des conclusions de l’évaluation.

Mais un « go – no go » peut intervenir à un stade plus précoce : la décision d’arrêt du financement de l’ITE IDEEL, notifiée en janvier 2016, se fonde sur des constats établis en juillet 2014, lors d’une réunion de suivi annuel du projet, au terme de laquelle un plan d’action correctif avait été demandé à l’ITE.

La première évaluation à trois ans est engagée cette année, pour l’ITE PIVERT, elle sera conduite en 2017 pour la majorité des ITE et en 2018 pour l’ITE Supergrid.

Le comité de pilotage de l’action a fixé en avril 2015 un principe de double évaluation à trois ans : par un consultant externe, et par les services de l’État, impliquant l’ANR mais également l’ADEME et l’analyse financière de la Caisse des dépôts.

L’évaluation par le consultant externe doit permettre d’établir un plan stratégique à cinq ans voté par le conseil d’administration de l’ITE et de déterminer le nouvel engagement financier triennal des membres des ITE.

L’évaluation de l’État portera sur le degré d’affectio societatis, qui est une garantie de partage d’une stratégie commune par les différents membres de la SAS, mais également sur la qualité de la gouvernance et l’insertion de l’Institut dans son écosystème dans la perspective d’un fonctionnement autonome au terme du troisième jalon, soit neuf ans. Il s’agira donc d’examiner la nouvelle feuille route de chaque Institut précisant la contribution des industriels et le plan de valorisation des droits de propriété intellectuelle générés par l’Institut.

c. L’évaluation des actions au regard de leurs objectifs

Les conventions liant les opérateurs du PIA à l’État ont toutes prévu des obligations d’évaluation régulière de la mise en œuvre globale de l’action.

Par exemple, une évaluation des processus et du fonctionnement de la première tranche de l’action Ville de demain a été commandée par la Caisse des dépôts aux cabinets indépendants PMP et Carbone 4 en vue du lancement de l’appel à projets initiant la seconde tranche. Cette évaluation a fait le constat de l’insuffisance des indicateurs de suivi du déroulement de cette tranche.

La Caisse des dépôts a donc lancé début 2015 un marché de prestations intellectuelle afin d’améliorer les indicateurs de suivi de l’action, d’en homogénéiser les définitions et de les simplifier. Le dispositif en cours de finalisation visera à faciliter l’appropriation des nouveaux critères de suivi par les lauréats du second appel à projets et permettra l’évaluation des projets et de l’action en 2019.

Le CGI est le garant de la qualité des évaluations conduites par chaque opérateur : les directeurs de programme du CGI ont par exemple, en 2015, établis des bilans synthétiques des actions du PIA, dont certains ont été communiqués à la Mission d’évaluation et de contrôle.

Mais au-delà des approches sectorisées par action, le CGI doit pouvoir conduire une évaluation plus globale, par exemple, thématique, sur le financement de la transition écologique.

Or le comité d’examen à mi-parcours du PIA a relevé que le GCI n’« a pas une force de travail suffisante actuellement pour coordonner des actions d’évaluation ». Il recommande le recrutement d’un expert chargé de développer la doctrine du CGI et d’arrêter, en concertation avec les opérateurs, le cadre général d’évaluation et d’analyse d’impact. Le comité d’examen fait également état d’un besoin « d’identifier les priorités et de généraliser les bonnes pratiques, manifestement attendu par plusieurs opérateurs ».

France stratégie indique ainsi que le suivi actuel se fonde sur des indicateurs trop nombreux et disparates, qui peuvent différer entre les projets d’une même action, entre les actions ou entre les groupes d’actions. La spécialisation des indicateurs, compréhensible du point de vue de l’opérateur, rend difficiles tant une vision transversale du PIA que les comparaisons au sein d’un programme.

Les Rapporteures appellent donc à un travail de simplification des indicateurs pour mieux les définir, en réduire le nombre et homogénéiser leurs modes de calcul.

Le CGI dispose aujourd’hui d’un système d’information centralisant les données financières de suivi des montants engagés, contractualisés et décaissés par les opérateurs. Une nouvelle version de ce système d’information pourrait, à moyen terme, intégrer des indicateurs de suivi et d’évaluation. Les Rapporteures s’en félicitent et préconisent que certains de ces indicateurs mesurent la portée et l’évolution de la contribution des financements du PIA à la transition écologique.

Proposition : Afin d’améliorer le suivi et l’évaluation de la contribution du PIA à la transition écologique, simplifier les indicateurs de suivi et les homogénéiser en fonction des domaines d’intervention du PIA.

d. La préparation de l’évaluation ex post

Un Plan d’évaluation du régime d’aides d’État PIA ADEME approuvé par la DG COMP de la Commission européenne en août 2015 prévoit le lancement de deux démarches complémentaires : une analyse économétrique des effets du régime d’aide et une évaluation ex post des résultats.

La première comparera deux échantillons de référence, l’un de bénéficiaires du PIA, l’autre de non-bénéficiaires (9). La seconde analysera, bénéficiaire par bénéficiaire, les résultats en termes de chiffre d’affaires, d’évolution des effectifs et tous éléments permettant d’évaluer l’impact du PIA sur l’entreprise dans le cadre du développement de son projet.

À plus longue échéance, le CGI mettra en œuvre une évaluation ex post des effets d’ensemble du PIA. Elle devra déterminer pour chaque secteur, si les projets financés ont effectivement permis de faire émerger de nouveaux acteurs ou ont eu une incidence sur la structuration des filières.

La Mission d’évaluation et de contrôle relève par ailleurs que les modalités l’évaluation ex post de l’intervention du Fonds écotechnologies seront délicates. À terme, le fonds se dessaisira de ses prises de participation. Ces désinvestissements feront perdre le lien avec les entreprises : l’État ne pourra pas forcément accéder aux données permettant d’évaluer les effets, sur la transition écologique, du financement en « capital développement » de ces entreprises. Seules les entreprises qui seraient alors cotées, comme c’est aujourd’hui le cas pour deux des onze entreprises du fonds, seront soumises à des obligations de communication financière permettant de récupérer les informations nécessaires.

Les Rapporteures proposent que soient d’ores et déjà définies, de façon conventionnelle, les conditions d’accès de l’État aux informations permettant d’évaluer les effets des financements apportés par le Fonds écotechnologies.

Proposition : Définir d’ores et déjà par voie de convention, avec les entreprises financées par le fonds écotechnologies, les modalités d’accès ultérieur de l’État aux informations permettant de conduire l’évaluation ex post des effets de ce financement.

3. Les perspectives de retour sur investissement

La sélection de chaque projet financé par le PIA s’effectue notamment au regard d’un critère d’effet de levier, qui vise à mesurer le rôle du financement public pour mobiliser des cofinancements et les faire contribuer aux objectifs de transition écologique.

Cette mesure du rendement « collectif » permet aussi d’attendre des retours financiers indirects pour l’État, liés aux effets économiques de co-investissements qui, sans l’intervention publique, ne seraient pas intervenus.

À cette perspective de rendement indirect, s’ajoute la possibilité d’un rendement financier direct pour l’État. Elle est cependant lointaine et ne doit pas être une considération de premier rang dans les choix d’investissement pour la transition écologique.

a. L’effet de levier des financements

Le niveau de cofinancement du PIA est mesuré à partir des apports déclarés par les partenaires lors de la contractualisation du projet. L’effet de levier du financement public peut être mesuré par un ratio qui rapproche le montant de cofinancements obtenus grâce à l’apport d’un euro de financements du PIA.

La portée de l’indicateur est cependant atténuée par les situations d’effet d’aubaine, lorsque l’investissement public a complété un financement privé qui aurait été décidé en tout état de cause à brève échéance.

L’appréciation du véritable effet de levier dépend donc de la qualité de l’orientation stratégique des investissements, de l’évaluation préalable du caractère incitatif de l’aide, compte tenu du projet à financer. Or les PIA offrent des garanties importantes à ce titre, ce qui donne plus de force à la mesure de l’effet de levier dès le stade de la contractualisation.

La classification des sources de cofinancement retenue par le CGI

Privé-bénéficiaires : entreprise, établissement, organisations privés bénéficiaires des financements PIA.

Privé-autres : autres entreprises, établissements, organisations privées co- finançant une action sans être bénéficiaire de l’enveloppe PIA.

Opérateur : co-financement par l’opérateur lui-même.

Autre État : co-financement par le budget général de l’État.

Public-autres : co-financement par d’autres organismes publics ou l’Union européenne, hors enveloppe PIA.

Pour la fin de l’année 2015, le CGI fait état, toutes actions du PIA confondues, de 30,9 milliards d’euros d’encours contractualisés complétés par 33,5 milliards d’euros de cofinancements. L’effet de levier correspond donc globalement au ratio de 1,08.

On constate que cet effet de levier est nettement plus élevé dans le champ de la transition écologique. À la même date, les montants de financements du PIA contractualisés par l’ADEME atteignaient 1,18 milliard d’euros et les co-financements dépassaient 2,7 milliards d’euros. Le ratio de co-financements privés s’établissait alors à 2,32, comme le montre de tableau ci-après qui décline ce ratio selon les actions opérées par l’ADEME.

L’EFFET DE LEVIER DES FINANCEMENTS CONTRACTUALISÉS DE L’ADEME

(en millions d’euros)

Action

Montants contractualisés

Montants de cofinancements

Ratio

Démonstrateurs

453

914

2,02

Économie circulaire

88

215

2,44

Réseaux intelligents

91

214

2,35

Véhicules du futur

489

1239

2,53

Fonds écotechnologies

63

162

2,57

Total

1184

2744

2,32

Sources : CGI, ADEME, au 31 décembre 2015.

Les ratios constatés pour l’ADEME sont comparables et souvent supérieurs à ceux des actions opérées par Bpifrance en dehors du domaine de la transition écologique : 0,83 pour les prêts robotiques (201 millions d’euros contractualisés pour 166 de cofinancements), 1,86 pour l’aide à la réindustrialisation (264 millions d’euros contractualisés pour 492 de cofinancements) ou 1,65 en matière d’usages, services et contenus numériques innovants (718 millions d’euros contractualisés pour 1,2 milliard d’euros de cofinancements).

Pour l’ensemble des actions du PIA, à la fin du premier semestre 2015, 66 % des co-financements sont issus du secteur privé pour 18,9 milliards d’euros. Les actions opérées par l’ADEME représentent ainsi 10 % de l’ensemble des cofinancements privés.

Le tableau suivant présente, pour chaque action opérée par l’ADEME, la répartition des cofinancements selon les catégories de co-financeurs.

RÉPARTITION DES SOURCES DE COFINANCEMENT POUR LES PROJETS DE L’ADEME

 Action du PIA

Montants de cofinancements

Sources de cofinancement

Bénéficiaire privé

Autres privé

Total privé

%

Bénéficiaire public

Autres publics

Total public

%

Démonstrateurs

955

807

 

807

84,5 %

126

23

149

15,6

Économie circulaire

220

215

 

215

97,7 %

5

 

5

2,3 

Réseaux intelligents

233

211

 

211

90,6 %

7

14

21

9

Véhicules du futur

1334

1 231

7

1 238

92,8 %

35

61

96

7,2 

Fonds écotech

162

 

162

162

100 %

     

TOTAL

2 904

2 461

169

2633

90,7 %

173

98

271

9,3 

Sources : ADEME, données au 31 mars 2016.

Concernant le fonds écotechnologies, la croissance du chiffre d’affaires des sociétés financées permet de mesurer la contribution du fonds à l’activité économique : fin 2015, elle est de 376 % depuis l’entrée en portefeuille.

Le programme Ville de demain se singularise par un effet de levier particulièrement élevé de 10,8 : 298 millions d’euros contractualisés fin 2015 couvrent 3,2 milliards d’euros de co-financements, publics en très grande majorité. Il s’agit du ratio de cofinancement le plus élevé des PIA finançant la transition écologique. Plus de la moitié proviennent de co-financement des collectivités territoriales, dont 1,4 milliard d’euros financés par des prêts bancaires. L’autre moitié des cofinancements provient de partenaires privés mais le CGI y inclut 1,4 milliard d’euros de prêts bancaires aux collectivités territoriales, qui paraissent pourtant relever, in fine, d’une dépense publique.

Ce ratio est inférieur mais demeure très élevé dans les cas de prise de participation : 6,5 par exemple pour l’investissement de la Caisse des dépôts dans l’îlot Allar à Marseille et 3 pour la tour Elithis à Strasbourg.

b. Les retours financiers directs

La perspective de retours financiers directs pour l’État dépend très directement de la nature du financement accordé. Elle varie considérablement en fonction des domaines de la transition écologique financés par le PIA.

Dans les domaines de la Ville durable, aucun rendement financier ne doit être attendu de la part, prépondérante, des subventions (97 % de l’ensemble), et concernant les prises de participation, aucun rendement spécifique ne peut être quantifié à ce stade, compte tenu de leurs montants limités.

En cas de recours effectif aux prêts destinés à des PME prévus par l’action Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique, des intérêts sont attendus à compter de 2016, pour un total de 1,92 million d’euros en cinq ans.

Dans le domaine de la valorisation de la recherche, les dotations consommables et les intérêts des dotations non consommables sont versés sous forme de subventions d’investissement ou de fonctionnement à chaque ITE : l’État n’acquiert pas de droit direct à rémunération sur les revenus éventuels provenant des droits de propriété intellectuelle acquis par l’Institut. Mais, au terme de la convention de gestion du PIA liant l’État à l’ANR, les montants des dotations non consommables affectés aujourd’hui aux Instituts seront reversés par l’opérateur au budget de l’État.

Pour l’ADEME, l’objectif de retours financiers fait l’objet d’un suivi régulier, les conventions la liant à l’État prévoyant par exemple que les interventions avec retours financiers au moins partiels représentent 90 % de l’ensemble des interventions ou que le montant des retours financiers atteignent, à la fin du programme, au moins la moitié des montants des interventions prévoyant un retour financier.

Les retours doivent provenir principalement du remboursement des avances remboursables, mais également du fruit des prises de participations, la logique d’investisseur avisé impliquant une rémunération de l’apport de fonds propres ainsi que le produit de la cession ultérieure du capital.

Le tableau suivant indique, pour l’ensemble des actions relevant de l’ADEME, les retours prévisionnels estimés pour les projets contractualisés jusqu’au 30 juin  2015.

RETOURS PRÉVISIONNELS DES PROJETS CONTRACTUALISÉS PAR L’ADEME AU 30 MARS 2016

 

2016

2017

2018

2019

2020

Années

suivantes

TOTAL

Démonstrateurs

1,22

7,68

22,6

27,16

35,15

206,2

300,01

Économie circulaire

0,32

1,14

4,56

7,65

10,26

34,67

58,6

Réseaux intelligents

0,31

4,69

9,84

18,63

15,77

17,97

67,21

Fonds écotechnologie

 

4

7,5

8,5

4,5

 

24,5

Véhicules du futur

0,65

5,28

13,67

28,01

35,02

142,54

225,17

Total

2,5

22,79

58,17

89,95

100,7

401,38

675,49

Source : ADEME.

Pour l’établissement de ces prévisions, l’ADEME a assuré avoir une certaine visibilité, à l’horizon de 2020, de l’activité des entreprises bénéficiaires de financements en termes de chiffre d’affaires ou d’emplois, car la qualité des perspectives de marché et des plans d’affaires a été un des éléments discriminants dans la phase de sélection des projets, occasionnant, lorsque nécessaire, des échanges poussés avec les candidats.

Le total prévisionnel de 675,5 millions d’euros de retours pour l’État jusqu’au terme des contrats doit être mis en regard des montants contractualisés à la même date et pour le même périmètre : 1 204 millions d’euros. L’écart provient de la part des interventions par subventions (439 millions d’euros, donc sans retours financiers attendus) et de l’évaluation du risque d’absence de remboursement, en cas d’échec du projet. L’ADEME se fixe ainsi un objectif de 50 % de remboursements des avances remboursables.

Compte tenu de la montée en charge progressive, les montants de pertes constatés sur avances remboursables sont pour l’instant modestes. 0,8 million d’euros au 31 décembre 2014 par exemple. Mais les montants provisionnés sont significatifs et croissant avec le rythme d’engagement des projets. Selon les hypothèses de sinistralité retenues par l’ADEME, 60,45 millions d’euros de provisions ont été rattachées à l’exercice 2014 par exemple.

Concernant l’action Véhicules du futur, il ressort des éléments communiqués par le CGI à la Mission d’évaluation et de contrôle qu’à ce jour, cinq projets dont les bénéficiaires ont été aidés partiellement en avances remboursables sont allés à leur terme et sont clos. Or les porteurs de trois projets, (dont les entreprises Renault, Valéo et PSA) ont indiqué ne pas avoir de remboursement à déclarer car ils ne comptent pas exploiter ou commercialiser les solutions pourtant développées dans le cadre de ces projets. Ceci souligne les limites des modalités de remboursement des aides préalablement définies.

La standardisation des procédures visant à accélérer la phase de contractualisation ne doit donc pas conduire à négliger l’étape de définition du périmètre de l’unité d’œuvre sur laquelle sera assis le remboursement des avances remboursables.

La situation est très différente pour ce qui concerne les Prêts verts, gérés par Bpifrance. Le financement par le PIA d’un fonds de garantie des prêts la dispense de constituer des provisions.

L’engagement des fonds permet d’établir des prévisions de retours prévisionnels fiables. Le tableau ci-dessous décrits ces retours prévisionnels applicables aux 337,11 millions d’euros de prêts consentis au 30 juin 2015.

RETOURS PRÉVISIONNELS DES PRÊTS VERTS ENGAGÉS AU 30 JUIN 2015

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total

Remboursement des prêts

           

108

192

300

Paiement des intérêts

2,87

5,82

5,82

5,82

5,82

5,82

5,82

2,97

40,76

 

2,87

5,82

5,82

5,82

5,82

5,82

113,82

194,97

340,76

Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2016.

Le retour budgétaire au titre du capital des prêts représentera ainsi 300 millions d’euros en 2018 et 2019 pour la première enveloppe des prêts verts.

Le retour sur investissement pour l’État se traduira par deux remboursements distincts :

– le remboursement par l’EPIC Bpifrance des crédits prêtés à partir du compte de dépôt de fonds au Trésor avec intérêts à échéance de 7 ans soit à partir de 2018 ;

– le remboursement, par l’EPIC Bpifrance, du solde éventuellement disponible sur les fonds de garantie et le fonds de compensation des prêts verts après extinction des risques en cours sur l’ensemble des prêts.

B. DES OBSTACLES À LEVER POUR INVESTIR DANS LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Malgré les progrès accomplis depuis deux ans, l’engagement des actions du PIA finançant la transition écologique demeure en retrait par rapport à la programmation initiale.

Mais le PIA a suscité des dynamiques de projets qui peuvent encore être confortées en améliorant l’accès aux financements des PME. Il faut également adapter, sur la durée, les stratégies d’investissement public aux spécificités de la transition écologique : l’investissement public dans ce domaine consiste justement à accepter une part de risque supplémentaire pour permettre la réalisation d’un projet d’avenir.

Il reste que la capacité d’intervention des opérateurs du PIA trouve sa limite dans l’absence de co-investisseurs privés acceptant de prendre des risques au même niveau que l’État.

Les effets du PIA en matière d’offre de financement seront donc confortés par la mise en œuvre de mesures incitant les entreprises et les particuliers à investir dans la transition écologique.

1. Améliorer l’accès des PME aux financements du PIA

Pour les actions du PIA relevant de l’ADEME, c’est-à-dire les plus directement tournées vers les entreprises des filières de la transition écologique, la dynamique nouvelle constatée depuis deux ans peut être approfondie. Ceci nécessite d’accentuer les efforts en direction de l’important tissu des petites et moyennes entreprises des éco-industries.

a. Un objectif à consacrer pour accroître l’efficacité des financements

Fin 2015, les PME sont bénéficiaires de 24 % des financements engagés sur des appels à projets de l’ADEME (380 millions d’euros) contre plus de 62 % pour les grandes entreprises (985 millions d’euros) et 14 % pour les laboratoires (230 millions d’euros). Mais les PME sont principalement bénéficiaires en tant que membres d’un consortium porté, à titre principal, par une grande entreprise.

Or, le comité d’examen à mi-parcours de France stratégie atteste du caractère incitatif de l’aide du PIA pour les PME alors qu’elle n’est pas aussi avérée, selon les secteurs, pour les grandes entreprises.

Dans le domaine des transports, fin 2015, les financements sont alloués, selon le CGI, à 80 % aux grandes entreprises et pour seulement 5 % aux PME et TPE. France stratégie estime que les aides ont permis d’accélérer et d’accroître l’envergure des projets financés plus qu’elle ne les ont réellement faits émerger.

Les taux de PME sont importants dans les programmes énergie, réseaux électriques intelligents et particulièrement de recyclage (37 %). Dans ce cas, comme l’indique le comité d’examen à mi-parcours de France stratégie, « l’effet d’incitation au changement auprès des PME est clairement établi, l’existence de l’action ayant conduit à l’émergence de projets présentant un caractère innovant étayé ».

Cet avantage s’accompagne d’une difficulté : les capacités financières des PME font peser des risques spécifiques sur les projets, qui s’ajoutent aux risques technologiques et aux risques de marchés, inhérents à l’innovation. Ce risque est accru en cas d’associations de plusieurs PME, puisque la défaillance d’une seule fragilise la conduite du projet. Le taux de chute des PME est ainsi estimé par le CGI, pour les actions de l’ADEME, à 150 millions d’euros de désengagements prévisionnels.

Mais ce risque atteste de la justesse du positionnement du PIA : les financements sont apportés là où le défaut de marché est attesté, puisque les financements bancaires seraient plus réticents à financer les projets innovants portés par des PME.

La Mission d’évaluation et de contrôle considère donc que les fonds publics sont globalement mieux utilisés lorsqu’ils sont ciblés sur les secteurs où l’aide est véritablement incitative à l’investissement, même au prix d’un taux d’échec supérieur, plutôt que lorsqu’ils provoquent un effet d’aubaine en complétant des financements qui seraient intervenus de toutes façons.

Cet objectif stratégique pourrait être mieux défini afin d’orienter pleinement les choix des opérateurs. Si le soutien aux PME est bien mentionné dans les conventions liant les opérateurs du PIA à l’État, il n’est pas objectivé par des indicateurs de performance qui permettraient d’en mesurer les résultats. Il conviendrait donc d’apprécier la performance des opérateurs au regard d’objectifs d’attribution des financements aux PME.

Les opérateurs étant incités à engager rapidement des crédits, un biais peut exister en faveur d’appels à projets visant les plus grandes entreprises, pour des montants d’aides élevés. Une telle approche est contreproductive si elle conduit à négliger les opportunités offertes, pour les filières industrielles de la transition écologique, par le tissu des PME.

Les Rapporteures proposent donc d’apprécier la rapidité d’engagement des actions au regard à la fois des montants mis en œuvre mais également du nombre de projets.

Propositions° : Faire figurer dans les conventions liant le CGI aux opérateurs, parmi les indicateurs de performance, des objectifs d’attribution des financements aux PME ;

Combiner le critère des montants engagés avec le critère du nombre d’opérations, afin d’accorder plus de poids aux projets finançant les PME.

b. Une contribution des pôles de compétitivité à objectiver et évaluer

Les Rapporteures soulignent que l’ADEME a effectué des efforts importants en ce sens par les appels à projets « Initiative IPME », qui visent spécifiquement des projets aux montants de dépenses restreints accessibles aux PME.

Leur mise en œuvre a permis d’associer à l’opérateur et aux Ministères les pôles de compétitivité et les organisations professionnelles représentant les entreprises : ils ont relu les termes des appels à projets et participé aux jurys de sélection.

Dans certains cas, l’appel à projets autorisait une labellisation facultative du candidat par un pôle, préalablement au dépôt de dossier. La labellisation constitue un acte de reconnaissance de l’intérêt du projet par rapport aux axes stratégiques du pôle de compétitivité, à l’écosystème des entreprises et aux cibles de marchés.

L’ADEME considère que les critères d’éligibilité de l’appel à projet sont satisfaits si la labellisation est opérée par un pôle de compétitivité en lien avec la thématique de l’appel à projet : les projets labellisés sont alors automatiquement retenus pour la phase d’audition, ce qui accélère les procédures.

Le tableau ci-dessous compare, parmi les projets ayant concouru aux appels à projets « Initative IPME », les résultats de ceux qui ont fait l’objet d’une labellisation préalable par un pôle de compétitivité et de ceux qui n’en ont pas fait l’objet.

L’INCIDENCE SUR LA SÉLECTION DE PROJETS INITIATIVE IPME DE LA LABELLISATION PRÉALABLE PAR UN PÔLE DE COMPÉTITIVITÉ

Projets initiative PME

Acceptés

Refusés

Total

Taux de sélection

Projets non labellisés

18

36

54

33,3 %

Projets labellisés

43

29

72

59,7 %

Total

61

65

126

48,4 %

Sources : réponses du CGI aux questions de la Mission d’évaluation et de contrôle.

On constate que le taux de réussite des projets labellisés est près de deux fois supérieur.

Comme l’a indiqué M. Jean-Claude Andréini, vice-président du comité stratégique de filière « éco-industries » (COSEI) et Président du PEXE, Association des éco-entreprises de France, cette démarche proactive permet d’ « aller chercher dans le potentiel des milliers d’éco-entreprises existantes ».

Les Rapporteures appellent donc les opérateurs du PIA à accentuer leurs efforts dans ce sens. Mais il convient de s’assurer que l’ensemble des réseaux d’entreprises, financés par ailleurs par l’État ou les collectivités territoriales, se saisissent bien du PIA pour accompagner leurs membres dans les appels à projets.

Les Rapporteures proposent donc que dans les procédures d’évaluation des réseaux d’entreprises, particulièrement des pôles de compétitivité, il soit tenu compte de leurs contributions à l’accès aux financements du PIA par les PME et ETI intervenant dans leurs domaines.

Proposition° : Évaluer l’activité des pôles de compétitivité pour s’assurer de leur valeur ajoutée en termes de soutien aux PME et ETI dans les appels à projet du PIA.

La participation des PME à des consortiums les associant à des grandes entreprises, d’autres PME ainsi que des institutions de recherche pourrait également être facilitée.

Comme suggéré par différents représentants d’entreprises intervenant dans les domaines financés par le PIA, lors de leur audition par la Mission d’évaluation et de contrôle, les Rapporteures proposent que soit établi, en France, un accord de consortium type accepté par les pouvoirs publics. Il pourrait s’inspirer d’une initiative prise par la Commission européenne dans le cadre du programme Horizon 202010.

Proposition° : Faciliter la participation des PME aux consortiums, notamment en leur proposant un modèle type, à l’exemple du modèle établi par la Commission européenne.

Enfin, des améliorations sont possibles en recherchant le chaînage vertueux entre appels à projets : une PME bénéficiaire d’aides dans le cadre d’un appel à projet IPME peut par exemple concourir à un appel à projets ultérieur, portant sur d’autres aspects du processus d’innovation ou sur des montants plus élevés, le cas échéant dans un consortium.

L’ADEME a commencé à constater ce phénomène dans le domaine des systèmes électriques intelligents dont les appels à projets se prêtent à la prise en compte des premiers apprentissages issus des démonstrateurs en cours.

Surtout, les appels à projet « Initiative IPME » ont permis à l’ADEME d’entrer en contact avec de nombreuses petites entreprises non détectées jusqu’alors. L’approche par filières sur des appels à projets thématiques place donc l’opérateur en bonne position pour accompagner en fonds propres des PME innovantes dans les différentes phases allant de l’amorçage au développement.

Proposition° : S’appuyer sur l’expertise de l’ADEME, pour, dans le cadre d’une stratégie de filières, garantir un continuum de financements accompagnant le développement des PME.

2. Adapter les modalités d’aide en fonction des projets et des intervenants

La Mission d’évaluation et de contrôle a souhaité s’assurer de l’adéquation des différents types de financements du PIA aux projets et aux entreprises intervenant dans les domaines de la transition écologique.

a. L’attribution des subventions et des avances remboursables

Si dans les domaines de la valorisation de la recherche et de l’urbanisme, les aides sont constituées presqu’exclusivement de subventions, les interventions de l’ADEME dans le cadre du PIA consistent généralement en un mélange de subventions et d’avances remboursables.

Depuis le début du PIA, la part des avances remboursables est plus importante que celle des subventions : pour l’ensemble des actions relevant de l’ADEME, 667,4 millions d’euros d’avances remboursables sont engagés au premier trimestre 2016, contre 513,9 de subventions. Les avances remboursables représentent donc 56,4 % des financements assimilables à des aides d’États.

Il s’agit d’un changement important pour l’Agence qui n’attribuait auparavant que des aides sous formes de subventions mais cette évolution est justifiée par le fait qu’elle finance désormais des projets plus proches de la mise sur le marché.

Les taux d’aide sont calculés à partir du maximum autorisé, pour les dépenses de R&D, par les règles de l’encadrement communautaire des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation (RDI) ou selon les lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie, pour les dépenses de développement expérimental.

De même, l’avance remboursable étant assujettie à des seuils, en dessous de ceux-ci, l’aide n’est versée que sous la forme de subventions : ceci permet par exemple de distinguer, parmi les membres d’un consortium, les grandes entreprises qui reçoivent des avances remboursables et des PME destinataires des subventions. En outre, comme déjà mentionné, les appels projets Initiatives PME sont constitués exclusivement de subventions.

Enfin, les taux d’aide sont majorés lorsque le projet repose sur une « collaboration effective », excluant la sous-traitance, entre des entreprises parmi lesquelles figure au moins une PME et où aucune entreprise ne supporte seule plus de 70 % des coûts admissibles du projet. Ce même critère est satisfait en cas de collaboration avec des organismes de recherche supportant au moins 10 % des coûts du projet et conservant le droit de publier les résultats de leurs propres recherches.

La composition des aides par nature de financement, ainsi que les taux d’aides appliqués sont indiqués dans le tableau suivant :

TAUX D’AIDES GÉNÉRALEMENT APPLICABLES AUX APPELS À PROJETS DE L’ADEME

 

Dépenses de Recherche et Développement Industriel

Dépenses relevant des lignes directrices environnementales

Projet avec coopération effective

Projet sans coopération effective

Grandes entreprises

Coûts éligibles et retenus supérieurs à 1 million d’euros

Avances remboursables

50 %

35 %

45 %

Aides partiellement remboursables (20 % de subvention, 80 % d’avance remboursable)

40 %

25 %

35 %

Coûts éligibles et retenus inférieurs à 1 million d’euros

Subventions

25 %

15 %

20 %

Moyennes entreprises

Coûts éligibles et retenus supérieurs à 1 million d’euros

Avances remboursables

60 %

45 %

55 %

Aides partiellement remboursables (20 % de subvention, 80 % d’avance remboursable)

50 %

35 %

45 %

Coûts éligibles et retenus inférieurs à 1 million d’euros

Subventions

35 %

25 %

30 %

Petites entreprises

Coûts éligibles et retenus supérieurs à 1 million d’euros

Avances remboursables

70 %

55 %

65 %

Aides partiellement remboursables (20 % de subvention, 80 % d’avance remboursable)

60 %

45 %

55 %

Coûts éligibles et retenus inférieurs à 1 million d’euros

Subventions

45 %

35 %

40 %

Source : ADEME.

Malgré ces éléments de souplesse, la part majoritaire des avances remboursables oriente les financements relevant des aides d’État vers des projets qui appellent une rentabilité à court ou moyen terme.

Or, comme l’a relevé le comité d’examen à mi-parcours du PIA établi par France stratégie, « les avances remboursables ne sont sans doute pas le meilleur outil pour financer les projets d’innovation de long terme, ce qui est souvent le cas des solutions innovantes développées dans le secteur des énergies renouvelables ». De même, ce financement ne paraît pas répondre au niveau de rentabilité intrinsèque à certains secteurs, comme l’économie circulaire.

Les représentants de grandes entreprises membres de l’Association française des entreprises privées (AFEP), auditionnés par la Mission d’évaluation et de contrôle, ont présenté l’intérêt d’un accroissement de la part des subventions, pour financer le « ressourcement scientifique » et qui autorise alors les entreprises à abonder à due concurrence leurs propres budgets de R&D. Mais les avances remboursables comportent un taux d’intéressement de l’État en cas de succès du projet : elles s’inscrivent donc dans une logique de partage des risques du projet qui ne posent pas de difficulté en cas de perspectives de commercialisation.

Une difficulté paraît provenir des règles de remboursement des avances remboursables. Comme le montre le tableau ci-dessous, ces règles sont relativement uniformes alors même que, comme le souligne le comité d’examen de France stratégie « la temporalité de l’innovation et du retour sur investissement varie fortement d’un secteur ou d’une entreprise à l’autre ».

LA DÉFINITION PAR L’ADEME DE MODALITÉS DE REMBOURSEMENT STANDARDISÉES DES AVANCES REMBOURSABLES

Remboursement

Action Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique

Action Véhicules et transport du futur

– 50% de l’avance remboursée sur seuil bas (par exemple en fin de projet)

– 50 % de l’avance remboursée sur succès commercial (avec un taux plus important)

– 100 % de l’avance remboursée à partir du 1er euro / 1ere unité d’œuvre

– 30 % supplémentaires en cas de succès commercial

Source : ADEME.

L’uniformisation des règles de remboursement des avances figure en effet parmi les mesures prises pour réduire les délais de mise en œuvre des actions du PIA : elle a contribué à diminuer par trois le délai séparant l’attribution de l’aide et la signature du contrat.

Si l’on constate une part croissante de contrats standards, il demeure des éléments de négociation possibles en fonction des spécificités de chaque projet. Les Rapporteures ont déjà souligné que la définition du périmètre de l’unité d’œuvre, assiette du remboursement, est essentielle pour protéger les intérêts patrimoniaux de l’État en cas de succès du projet. Mais, inversement, la définition du seuil déclenchant le remboursement des avances pourrait tenir compte de facteurs tels les créations d’emplois, ou de nouvelles opérations d’investissements définies à l’avance. Selon l’expression de M. Louis Schweitzer, commissaire général à l’investissement, il s’agit de trouver le bon équilibre entre le « sur-mesure » qui prend plus de temps et le « prêt- à-porter » plus rapide mais moins adapté aux situations individuelles.

Les Rapporteures appellent donc à une flexibilité dans la définition contractuelle des mécanismes de l’avance remboursable, lorsqu’elle est opportune, selon les secteurs et les catégories d’entreprises. Les gains importants en matière de délais auxquels les opérateurs sont parvenus en amont de la phase de contractualisation paraissent autoriser désormais une souplesse qui conduira à passer plus de temps, lors de la phase de contractualisation, à négocier les clauses de remboursement de l’avance.

Proposition°: Introduire de la souplesse dans les modalités de remboursement des avances remboursables et s’assurer que les financements par subvention soient bien mobilisés dans les limites autorisées par la règlementation européenne.

b. Mieux ajuster le périmètre de l’aide

Des difficultés peuvent également tenir à la doctrine d’intervention.

Dans le domaine de l’urbanisme, l’approche a consisté à cofinancer le seul « surcoût de l’innovation ». La Caisse des dépôts a été conduite à décomposer un projet pour y identifier les postes de dépenses qui tiennent spécifiquement à l’innovation ou qui sont renchéris de ce fait.

Cette approche paraît avoir limité le soutien apporté à l’innovation d’usage ou d’organisation qui réside moins dans chaque composante d’un projet que dans la manière de les agencer et concerne des projets à la fois plus importants et plus structurants au plan urbain.

En outre, ce critère de sélection a des effets de hausse des coûts des projets retenus : il invite en effet à la surperformance, afin de majorer la part cofinancée par le PIA.

D’autres critères de cofinancement pourraient donc être préconisés sur la base d’une appréciation globale de l’intérêt d’un projet et du montant de co-financement du PIA réellement incitatif.

Proposition : Définir un critère de financement des projets en matière d’urbanisme plus adapté que celui du surcoût de l’innovation.

Concernant les Instituts pour la transition écologique, la programmation actuelle des aides se fonde sur l’ambition de faire parvenir chaque Institut, en 9 ans, à l’autofinancement à partir des revenus tirés des licences d’exploitation des brevets produits par les recherches qu’il finance et pilote.

Or cet objectif paraît manifestement trop ambitieux, comme il ressort des observations effectuées lors du déplacement au siège de l’ITE PIVERT qui connaît pourtant une mise en œuvre exemplaire et intervient dans le domaine particulièrement prometteur de la chimie biosourcée.

Il convient donc de permettre aux ITE de compléter leurs activités afin de développer des ressources au-delà du seul produit de l’exploitation des droits de propriété intellectuelle. Le financement d’équipements adaptés permettrait par exemple de développer des sources de revenus complémentaires, des prestations de services de démonstrations ou des recherches effectuées en partenariat avec des acteurs industriels, dans un cadre commercial, sur des domaines situés en aval des objets de recherche constituant leurs feuilles de route.

Proposition : Consolider le financement des ITE en élargissant leurs activités afin de développer des ressources au-delà du seul produit de l’exploitation des droits de propriété intellectuelle.

3. Assumer les risques de l’investissement pour la croissance verte

Le PIA finance la transition écologique au moyen d’outils différents dans des domaines d’intervention et pour des destinataires des financements très divers : entreprises de toutes tailles, de la start up au grand groupe, des éco-industries à l’immobilier, consortiums comprenant des institutions publiques de recherche, collectivités territoriales….

Les niveaux de risques associés à cet ensemble d’engagements financiers sont donc variables. À ce titre, le PIA diffère considérablement des « grands projets industriels » du passé, qui concentraient les risques pour des montants de financements beaucoup plus élevés.

Cet équilibre global peut autoriser la puissance publique à accroître les interventions en fonds propres, qui assument une part de risque significative sur le long terme, mieux adaptées aux enjeux de la transition écologique, aux coûts élevés des investissements et à leurs profils de rendement.

Sur l’enveloppe globale de financements du PIA finançant la transition écologique aujourd’hui disponible après redéploiements de crédits, 3,7 milliards d’euros sont engagés, hors subventions pour la rénovation thermique des logements privés. Les prises de participation atteignent 600 millions d’euros, soit 16 % de l’ensemble, dont 490 millions d’euros pour l’ADEME et le fonds écotechnologies, contractualisés à hauteur de 280 millions d’euros.

La part des prises de participations par rapport aux subventions et avances remboursables pourrait encore croître avec l’évolution des engagements de l’ADEME mais surtout de Bpifrance qui dispose de plusieurs outils d’interventions en ce sens : Fonds écotechnologies, Fonds SPI, Fonds national d’amorçage mais également fonds d’amorçage délégué par la Caisse des dépôts et consignations pour des investissements dans le domaine urbain….

a. Renforcer la convergence de vues entre Bpifrance et l’ADEME

Les participations des opérateurs du PIA dans le capital de sociétés doivent satisfaire la logique de l’investisseur « avisé ». Les conditions doivent être acceptables pour un investisseur privé, placé dans une situation comparable et agissant dans les conditions normales d’une économie de marché. La participation doit également être minoritaire. À défaut, l’opération présente un risque de requalification en aide d’État.

Le caractère « avisé » des participations impose de ne pas prendre de risque inconsidéré : le financement est apporté à l’appui d’une stratégie qui recherche un retour sur investissements à terme, avec la meilleure appréciation du risque possible. Si l’investisseur dispose d’une bonne connaissance d’un secteur et de ses évolutions de long terme, il peut accepter de réaliser des investissements qui seraient jugés trop risqués par un investisseur moins bien armé.

Comme M. François Moisan, directeur exécutif de la stratégie, de la recherche et de l’international et directeur scientifique de l’ADEME l’a indiqué à la Mission d’évaluation et de contrôle, il existe de fortes marges d’appréciation du risque avisé : « le caractère avisé de l’investissement des uns n’est peut-être pas tout à fait le même que celui des autres ».

Les représentants de l’ADEME ont ainsi pu faire valoir que leur effort pour identifier des filières industrielles dans les domaines de la transition écologique leur permet de mieux mesurer le niveau de risque de projets, par exemple provenant de PME innovantes : « Nous savons que certaines technologies ont leur chance d’être développées. Le risque à prendre n’est donc pas forcément du même ordre mais reste avisé ».

Un exemple a contrario serait fourni par le Risk Sharing Finance Facility, établi par la Commission européenne afin de partager le risque sur de grandes infrastructures mais qui a surtout financé des infrastructures non risquées : ce précédent serait révélateur de la difficulté pour les équipes de gestion généralistes de gérer des outils destinés à apprécier des risques qui sortent de leur champ d’intervention habituel.

En outre, les objectifs de transition énergétique, qui découlent de la COP21 nécessitent d’accepter de financer préférentiellement les filières innovantes de la transition écologique alors qu’une sélection de projets indifférenciée entre technologies innovantes du numérique, des biotechnologies ou des écotechnologies, aura tendance à défavoriser ces dernières, qui sont aujourd’hui relativement plus risquées.

Une difficulté semble donc provenir du fait que l’ADEME est amenée à identifier des filières alors que Bpifrance s’interdit de les définir et finance indifféremment les projets les plus prometteurs.

Or la mise en place du Fonds écotechnologies, délégué par l’ADEME à Bpifrance a précisément eu pour but de marier les différentes approches en permettant une instruction conjointe des dossiers afin de mieux repérer les opportunités d’investissement. Mais le comité d’examen à mi-parcours du PIA établi par France Stratégie a fait état « des difficultés de gouvernance » qui ont accompagné la mise en place du Fonds écotechnologies « en raison notamment des cultures très différentes de l’ADEME et de Bpifrance ».

M. François Moisan a pu ainsi regretter, lors de son audition par la Mission d’évaluation et de contrôle que Bpifrance qui aurait « une thèse d’investissement très prudentielle » dans le cadre du Fonds écotechnologies.

Inversement, dans sa réponse aux observations de la Cour des comptes sur la mise en œuvre du PIA, reproduites dans l’encadré ci-après, le directeur général de Bpifrance considère que la montée en compétence de l’ADEME dans le champ financier atténue le rôle de Bpifrance comme « guichet unique » des entreprises, au risque de rendre moins lisibles les modalités d’intervention publique.

La réponse du directeur général de Bpifrance aux observations de la Cour des comptes

« Sans nier l’utilité que les équipes d’opérateurs « thématiques » soient suffisamment outillées en matière financière pour pouvoir gérer l’ensemble des outils du PIA, il me semble que cela peut induire :

– une moindre lisibilité du dispositif voulu et mis en place par les pouvoirs publics en matière de financement des entreprises et reposant sur une logique de guichet unique auquel peuvent s’adresser les entrepreneurs ;

– voire une destruction de valeur s’il s’agissait de permettre à des opérateurs thématiques de développer des compétences comparables à celles que détient Bpifrance.

À cet égard, une solution faisant de Bpifrance à la fois le point d’entrée unique des entrepreneurs et l’instructeur des projets en faisant en tant que de besoin appel à l’expertise sectorielle ou technologique des opérateurs thématiques tels que l’ADEME me semble plus performante »

Cour des comptes, Le programme d’investissement d’avenir, op.cit. p. 178.

Ces perceptions contraires conduisent à penser que la mise en place d’une gouvernance croisée du Fonds écotechnologies n’a pas suffisamment contribué à mettre en synergie les compétences pourtant complémentaires de l’ADEME et de Bpifrance.

Les Rapporteures se félicitent de l’acquisition par l’ADEME de nouvelles compétences financières, qui se sont traduites dans des prises de participation importantes. Il paraît dans l’intérêt de l’intervention publique en matière de transition écologique que le principal opérateur de l’État dans le domaine de la transition écologique ait « appris ce qu’étaient la finance et le capital » comme M. Jean-Claude Andréini, vice-président du comité stratégique de filière « éco-industries » (COSEI), l’a souligné lors de son audition par la Mission d’évaluation et de contrôle.

Mais parallèlement, le rôle joué par Bpifrance dans le financement par le PIA de la transition écologique est croissant. Le fonds SPI de l’action PIAVE paraît par exemple adapté pour le financement des premières exploitations commerciales, au moyen d’interventions en fonds propres, opérations que l’ADEME engage par ailleurs avec succès en matière de fermes pilotes éoliennes.

Les Rapporteures considèrent donc que l’analyse des risques des financements en fonds propres doit être pleinement adaptée aux spécificités des secteurs de la transition écologique. La qualité de la collaboration de BpiFrance avec l’ADEME paraît à cet égard essentielle.

Proposition : Adapter le niveau de risque accepté par les investisseurs publics particulièrement Bpifrance en améliorant la coopération avec l’ADEME.

b. Accroître les incitations à l’investissement privé

En matière de prises de participations, l’investissement en fonds publics ne doit pas dépasser 50 % du capital ce qui nécessite de mobiliser des partenaires privés. Les difficultés en la matière, dont ont témoigné les représentants de Bpifrance devant la Mission d’évaluation et de contrôle, invitent à promouvoir les mesures qui favoriseraient l’émergence de fonds privés spécialisés dans le domaine des écotechnologies.

Il semble en aller de même dans le domaine de l’investissement urbain, où, s’agissant de projets exigeants, le critère d’investisseur avisé (taux de rentabilité acceptable par un acteur privé) est difficile à cumuler avec ceux d’innovation, d’exemplarité et de reproductibilité, ce qui est une des causes du faible nombre de projets. Ceci conduit la Caisse des dépôts à concentrer les projets les plus innovants dans les zones urbaines où le marché immobilier est le plus porteur donc capable d’absorber les surcoûts des projets innovants.

Certaines mesures, d’ordre général, pourraient donc contribuer à lever des réticences des investisseurs privés à accepter le niveau de risque propre à la transition écologique. Il a par exemple été proposé d’orienter une part des fonds communs de placement d’entreprise (définis à l’article L. 214-164 du code monétaire et financier) ou de l’épargne salariale (régie par l’article L. 3332-17 du code du travail) vers des « fonds verts » comportant des parts minimales de titres émis par des entreprises ou des fonds d’investissements opérants dans le domaine de la transition écologique.

Si ces propositions n’ont, à ce jour, pas abouti, au regard de la difficulté à mesurer les effets de report dans d’autres domaines, les Rapporteures relèvent que l’article D. 128-2 du code de l’environnement établi par un récent décret n°2015-1615 du 10 décembre 2015 établit un label « transition énergétique et écologique pour le climat » pour les fonds d’investissement au regard de leur contribution directe ou indirecte au financement de la transition écologique. Les critères permettant d’obtenir ce label peuvent différer selon les catégories de fonds d’investissement et leur éventuelle prépondérance thématique.

Les Rapporteures invitent donc à diffuser rapidement ce label et à l’utiliser pour valoriser particulièrement les investissements dans l’innovation. Les Rapporteures souhaitent également faire état de la proposition d’instaurer une obligation pour des acteurs financiers tels les mutuelles et les assurances de placer une partie minime de leurs investissements dans des projets risqués : une telle mesure augmenterait assurément le nombre de partenaires pour l’investissement public dans le domaine de la transition écologique.

Proposition : Instituer une obligation pour des acteurs financiers tels les mutuelles et les assurances de placer une partie minime de leurs investissements dans des projets risqués de la transition écologique.

4. La nécessaire visibilité des étapes de la transition écologique

La capacité à engager les financements du PIA dépend largement de la disponibilité des co-financements privés, qui peuvent être averses aux risques propres à l’innovation dans le domaine de la transition écologique.

Mais le niveau de risques des investissements innovants dans la transition écologique peut être diminué, pour les investisseurs privés, par des mesures tendant à accroître et à solvabiliser la demande en direction des énergies renouvelables. Ces mesures augmentent en effet le rendement potentiel de l’investissement innovant. L’économie globale d’un projet, même risqué et couteux, est ainsi modifiée sous l’effet des outils de marché tels le prix du carbone ou de l’électricité.

Les dispositifs, tels le PIA, d’aide financière directe à l’offre innovante doivent donc être combinés de façon cohérente avec des mesures en matière de demande.

Plusieurs intervenants ont indiqué à la Mission d’évaluation et de contrôle que les premières vagues d’appels à projets initiées par l’ADEME ont pâti du manque de lisibilité du contexte général de la transition écologique. Pour de nombreux investisseurs, le lien ne paraissait pas suffisamment établir entre la politique de soutien à l’émergence de l’offre basé sur l’innovation et les politiques de soutien à la demande, sauf dans le cas des éoliennes off-shore où le lancement des appels d’offres a été en phase avec le soutien de la demande (sous la forme de tarifs de rachat ou d’appels d’offres européens).

Un lien insuffisant avec des formes de cadrage de la demande nationale peut inciter les porteurs de projets à s’orienter plus précocement leur déploiement vers le marché mondial, mais l’absence d’un marché national solide constitue néanmoins un handicap.

De même, les perspectives de chacune des filières de la transition écologique sont impactées par l’état d’avancement des autres : les secteurs très prometteurs des réseaux électriques intelligents et du stockage dans les batteries électriques connaîtront des progressions très différentes en France, dans la prochaine décennie, selon le rythme de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale.

Il a ainsi été rappelé à plusieurs reprises lors des auditions conduites par la Mission d’évaluation et de contrôle l’importance, pour le déploiement commercial des filières, d’une trajectoire définissant appels d’offres, tarifs d’achat et compléments de rémunération. Tous les instruments de développement des filières de la transition écologique doivent donc être cohérents.

Or le contexte est aujourd’hui différent, sous l’effet tant des engagements pris par la France lors de la COP 21 que des objectifs fixés par la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dont les principaux objectifs sont indiqués dans l’encadré ci-après.

Les principaux objectifs de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, par grands domaines d’activités

1. L’énergie

– réduire de 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre en 2030 et les diviser par quatre en 2050, par rapport à 1990 ;

– plafonner à 63,2 GW la puissance nucléaire installée en France soit son niveau actuel ;

– réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 ;

2. Les énergies renouvelables

– multiplier par plus de deux la part des énergies renouvelables dans le modèle énergétique français d’ici à 15 ans ;

– porter à 32 %, en 2030, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale.

3. Le bâtiment

– rénover énergétiquement 500 000 logements par an, à compter de 2017, dont au moins la moitié occupée par des ménages aux revenus modestes ;

– créer 75 000 emplois dans le secteur sur tout le territoire.

4. Le recyclage

– découpler progressivement croissance économique et consommation de matières premières – réduire de 10 % des déchets ménagers et assimilés produits d’ici 2020 ;

– valoriser 55 % des déchets non dangereux en 2020 et 60 % en 2025 ;

– valoriser 70 % des déchets du bâtiment et des travaux publics à l’horizon 2020 ;

– réduire de 50 % à l’horizon 2025 les quantités de déchets mis en décharge.

En particulier, la définition d’une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), inscrite à l’article L. 141-2 du code de l’énergie par l’article 176 de cette loi, doit contribuer à fixer un cadre sécurisant pour l’ensemble des intervenants du domaine.

La mise en œuvre de la PPE doit intervenir par voie réglementaire mais pourrait prendre du retard : les Rapporteures appellent donc à ne plus tarder à la mettre en œuvre.

Proposition : Accroître la visibilité des étapes de la transition écologique en ne tardant pas à mettre en œuvre la programmation pluriannuelle de l’énergie prévue par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Article L.141-2 du code de l’énergie (article 176 de la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte)

La programmation pluriannuelle de l’énergie se fonde sur des scénarios de besoins énergétiques associés aux activités consommatrices d’énergie, reposant sur différentes hypothèses d’évolution de la démographie, de la situation économique, de la balance commerciale et d’efficacité énergétique. Elle contient des volets relatifs :

1° A la sécurité d’approvisionnement. (…)

2° A l’amélioration de l’efficacité énergétique et à la baisse de la consommation d’énergie primaire, en particulier fossile. Ce volet peut identifier des usages pour lesquels la substitution d’une énergie à une autre est une priorité et indique des priorités de baisse de la consommation d’énergie fossile par type d’énergie en fonction du facteur d’émission de gaz à effet de serre de chacune ;

3° Au développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération

4° Au développement équilibré des réseaux, du stockage et de la transformation des énergies et du pilotage de la demande d’énergie pour favoriser notamment la production locale d’énergie, le développement des réseaux intelligents et l’autoproduction. Ce volet identifie notamment les interactions entre les réseaux d’électricité, de gaz et de chaleur aux différentes échelles pour en optimiser le fonctionnement et les coûts

5° A la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs et de la compétitivité des prix de l’énergie, en particulier pour les entreprises exposées à la concurrence internationale. Ce volet présente les politiques permettant de réduire le coût de l’énergie ;

6° A l’évaluation des besoins de compétences professionnelles dans le domaine de l’énergie et à l’adaptation des formations à ces besoins.

Les volets mentionnés aux 2° à 6° précisent les enjeux de développement et de diversification des filières industrielles sur le territoire, de mobilisation des ressources énergétiques nationales et de création d’emplois.

C. LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE : UN ENJEU DU TROISIEME PIA

Les décisions de redéploiement de crédits des PIA 1 et 2 prises jusqu’à présent par le Premier ministre ont constitué autant d’arbitrages budgétaires défavorables au financement de la transition écologique par le PIA : elles ont diminué les durées potentielles de financements de chacune des actions concernées.

Or le choix stratégique du PIA vise justement à maintenir, dans la durée, des financements lisibles et élevés pour pallier l’aversion aux risques propres aux investissements appelés par la transition écologique.

Le PIA 3 peut donc être mis à profit pour compenser les effets des redéploiements passés mais également pour financer les nouvelles opportunités issues des dynamiques suscitées par les PIA 1 et 2.

1. Un engagement financier à apprécier dans la continuité des PIA

Depuis 2010, à mi-parcours des PIA 1 et 2 qui se terminent en 2024, les dotations finançant la transition écologique ont été engagées à hauteur de 4,2 milliards d’euros.

Les 2,3 milliards d’euros disponibles devraient être entièrement engagés dans les trois prochaines années au vu de l’accélération de la mise en œuvre constatée depuis deux ans. Pour l’ADEME par exemple, les engagements du premier trimestre 2016 représentent 80 % des montants des engagements de l’ensemble de l’année 2014.

Cette dynamique doit être maintenue. Les financements publics doivent être cohérents avec les objectifs de transition écologique souscrits par la France dans le cadre de la COP 21 ou définis par la loi du 17 août 2015 relative à la transition écologique et pour la croissance verte. Ces engagements appellent des investissements importants pour viabiliser les innovations techniques mais aussi pour en déployer les effets.

Or les décisions de redéploiement de crédits ont diminué de 1,3 milliard d’euros les dotations des PIA 1 et 2 consacrées à la transition écologique. Certaines actions ne disposent aujourd’hui plus de financements, sans avoir pour autant rempli la totalité de leurs objectifs, à l’exemple de l’action Ville de demain : ayant subi la diminution d’un tiers de ses enveloppes, elle a pu financer de nombreux projets, mais de façon moins structurante qu’envisagé par les conclusions de la commission Juppé-Rocard de 2009.

La contribution du PIA 3 à la transition écologique doit donc être appréciée dans la continuité des PIA.

Il conviendra également de s’assurer que l’écoconditionnalité des aides, une démarche utile mais présentant des difficultés de mise en œuvre, n’entraîne pas la diminution du financement direct de la transition écologique, au motif qu’elle pourrait en constituer un financement indirect. Les Rapporteures invitent donc à ne pas retenir l’écoconditionnalité comme critère d’appréciation de la part des dotations du PIA 3 destinée à transition écologique

Les Rapporteures rappellent enfin qu’un fonds de financement de la transition énergétique doit être doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans dont 750 millions d’euros d’ici 2017 au titre de l’enveloppe spéciale transition énergétique créée par l’article 20 de la loi du 17 août 2015. Il conviendra donc de veiller à l’articulation des financements du PIA 3 et du fonds de financement de la transition énergétique.

Les Rapporteures proposent donc de consacrer à la transition écologique une part du PIA 3 suffisante à la fois :

– pour compenser – pour les actions financées par les PIA 1 et 2 – les effets des redéploiements de crédits qui ont diminué la durée potentielle de conduite des programmes en cours ;

– pour financer les nouvelles opportunités suscitées par le PIA dans les domaines de la transition écologique.

2. Des choix de domaines et de modes d’intervention à opérer

Le PIA 3 doit permettre de faire preuve de cohérence dans la durée : ceci s’applique en premier lieu aux actions mises en œuvre par l’ADEME qui doivent pouvoir être poursuivies durablement au-delà du terme correspondant à l’épuisement des montants actuels des enveloppes du PIA, soit 2019.

En outre, il faut tenir compte du fait que les financements du PIA ont été indispensables à la réussite du programme Habiter mieux qui fait face désormais à une très forte montée en charge. La rénovation thermique de 150 000 logements a été financée entre 2011 et 2015, avec une contribution du PIA de 470 millions d’euros ; 70 000 logements seront financés en 2016, avec un apport du PIA, par redéploiements, de 140 millions d’euros. Des besoins identiques sont attendus en 2017, sans que le financement soit défini à ce jour, afin d’atteindre la cible de 290 000 logements entre 2011 et 2017. Selon les documents communiqués par l’ANAH à la Mission d’évaluation et de contrôle, fixer un objectif de 100 000 logements rénovés par an nécessiterait une contribution de 200 millions d’euros par an de la part du PIA, à moins d’accroître de manière significative les ressources propres de l’ANAH.

Par ailleurs, des interventions spécifiques pour la rénovation thermique de 20 000 logements situés dans des copropriétés fragiles pourraient nécessiter l’apport de 35 millions d’euros du PIA, chaque année. Des gains énergétiques pourraient également être réalisés à l’échelle d’un quartier, dans les zones pavillonnaires et les grands ensembles de copropriétés en périphérie urbaine, au moyen d’opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) cofinancées par l’ANAH pour des montants estimés à 50 millions d’euros par an pour une dizaine d’opérations. Une contribution spécifique du PIA paraîtrait opportune pour cette nouvelle forme d’intervention innovante réalisée en coopération avec les collectivités territoriales.

La continuité doit également être de mise concernant la valorisation de la recherche par les Instituts pour la transition énergétique, qui constituent une des formes d’intervention les plus novatrices du PIA. Or l’objectif qui leur a été assigné d’un autofinancement au terme de neuf années, par les revenus des droits de propriété intellectuelle tirés des recherches qu’ils pilotent, paraît trop ambitieux. Les Rapporteures appellent donc à reporter l’échéance de l’autofinancement des ITE et invitent à consolider leur financement dans le PIA 3 : des crédits supplémentaires, destinés à acquérir des équipements, pourraient leur permettre d’élargir leurs activités afin de diversifier leurs ressources par exemple par des prestations de services de démonstration de la viabilité industrielle des innovations.

Dans le domaine de l’urbanisme durable, l’attribution d’une nouvelle enveloppe, pour des montants proches de ceux attribués à ce jour, paraît justifiée. Le PIA pourrait ainsi se voir assigner l’objectif de contribuer à inverser la tendance actuelle de faible réussite des villes françaises aux appels à projets internationaux d’innovation urbaine. Le PIA pourrait également viser à mieux mutualiser entre collectivités les compétences requises par les projets urbains durables en tenant compte de la décentralisation d’une part plus importante des crédits du PIA 3.

Une action dans le domaine de la Ville durable pourrait donc apporter des aides importantes à un petit nombre de projets plus structurants assortis d’obligations d’exemplarité au niveau international. Des financements complémentaires en appui de projets conduits en réseau permettraient de soutenir l’innovation dans les villes moyennes, en tenant compte du rôle des Régions et des crédits décentralisés du PIA 3.

Enfin, le périmètre d’intervention du PIA pourrait être étendu.

Le PIA a permis, de façon limitée, d’intervenir très en aval du financement de l’innovation, jusqu’au stade de la première exploitation commerciale, par exemple, en matière d’éoliennes off-shore. Mais cette orientation n’est pas assumée, ni cadrée. Les Rapporteures considèrent que le PIA 3 doit permettre de fixer la doctrine de financement des premières exploitations commerciales, particulièrement au moyen de fonds propres par l’ADEME et par le Fonds SPI de Bpifrance. Il s’agit de garantir que, même au stade de l’amorçage d’un marché, le financement public sera utilisé pour faire émerger une offre industrielle compétitive, et non pas pour financer directement une demande

De même, il apparaît de plus en plus nécessaire de financer le déploiement des nouvelles infrastructures de la transition écologique, alors que les conditions d’utilisation du PIA en ce sens ne sont pas définies.

Pourtant des objectifs ambitieux sont fixés par l’article 41 de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte qui vise à « permettre l’accès du plus grand nombre aux points de charge de tous types de véhicules électriques et hybrides rechargeables » en déployant « d’ici à 2030, au moins sept millions de points de charge installés sur les places de stationnement des ensembles d’habitations, d’autres types de bâtiments, ou sur des places de stationnement accessibles au public ou des emplacements réservés aux professionnels ».

Les Rapporteures considèrent qu’il faut sécuriser les modalités de financement public du déploiement d’infrastructures amorçant les nouveaux marchés de la transition écologique, soit par une action identifiée du PIA 3, soit par des crédits budgétaires ou le fonds de financement de la transition énergétique.

Les Rapporteures relèvent par exemple qu’un rapport conjoint du Conseil général du développement durable et du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, remis aux Ministres en septembre 2015 (11), identifie le « vecteur hydrogène-énergie », issu de la production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, comme le plus prometteur de la transition écologique en matière de mobilité. Ceci appelle des financements nouveaux relevant de l’ADEME et pose, à terme, la question de l’approvisionnement en hydrogène du consommateur final par déploiement de stations de distribution. Quatre recommandations figurant dans ce rapport, présentées dans l’encadré ci-après, invitent directement à mobiliser des financements du PIA 3.

Recommandations figurant dans le rapport sur la filière hydrogène-énergie (septembre 2015)

Recommandation n° 2 : Lancer un appel à projets de l’ADEME financé par le PIA pour expérimenter à l’échelle régionale la contribution du vecteur hydrogène énergie au lissage par stockage des surplus de production.

Recommandation n° 4 : Subventionner le moment venu dans le cadre de la mobilité électrique, la mise en place de stations de recharge d’H2 accessibles au public.

Recommandation n° 7 : Lancer un appel à projets de l’ADEME, financé par le PIA, pour développer, à l’échelle d’une grande agglomération, une économie de l’hydrogène satisfaisant différentes utilisations (mobilité, stockage, logistique et niches industrielles, cogénération…).

Recommandation n° 10 : Soutenir via le PIA3 d’une part les technologies de rupture (stockage par hydrures, électrolyse haute température…), et d’autre part, la réduction des coûts, l’optimisation des processus industriels, la fiabilisation et la sécurisation des briques technologiques françaises les plus mûres.

Les Rapporteures invitent donc à faire de la transition écologique un enjeu du troisième PIA.

GARANTIR LA VALEUR AJOUTÉE DU PIA

Proposition n°1

Bien qu’annoncée comme une priorité à l’occasion de chaque présentation du programme d’investissement d’avenir, la transition écologique n’a pas fait l’objet d’un suivi en tant que tel.

Afin de disposer d’une vision consolidée et lisible du financement de la transition écologique par le PIA et les autres financements publics :

– définir au sein du CGI, une compétence de suivi transversal du financement de la transition écologique par le PIA

– justifier au regard du PIA, dans les documents annexés aux projets de lois de finances, l’évolution des crédits budgétaires finançant la transition écologique

Proposition n°2

La gestion extrabudgétaire du PIA permet au Premier ministre de redéployer rapidement des crédits : ceci a exposé les actions innovantes les plus longues à engager, à des diminutions de crédits au profit d’autres actions, et particulièrement au profit d’actions qui devraient plutôt relever des crédits budgétaires comme en matière de défense.

Afin de réduire les risques de débudgétisation, accroître le niveau d’information du Parlement sur les décisions de redéploiements des crédits prise par le Premier ministre, lors de leur communication aux commissions, en indiquant leurs motifs et leurs incidences sur la part des financements du PIA consacrée à la transition écologique et sur les appels à projets en cours.

Proposition n°3

La disponibilité des crédits du PIA présente le risque que les porteurs de projet ne fassent pas appel aux financements européens visant le même objet.

Garantir la complémentarité du PIA et des financements européens en :

– analysant l’opportunité de chaque appel à projets du PIA au regard des appels à propositions de l’Union européenne sur des thématiques proches ;

– formalisant une phase d’identification des co-financements européens au stade de l’engagement des crédits de chaque action du PIA.

Proposition n°4

Les opérateurs du PIA, pour mettre en œuvre des dépenses de l’État, prélèvent des frais de gestion.

Veiller au niveau des frais de gestion versés aux opérateurs du PIA, particulièrement dans les cas de diminution des enveloppes lorsque des redéploiements sont opérés, de délégation entre opérateurs et d’intervention en fonds de fonds.

CONFORTER LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DANS LE PIA 3

Proposition n°5

En diminuant les montants des enveloppes, les redéploiements de crédits ont restreint les durées potentielles de conduite des actions des PIA 1 et 2 : certaines n’ont plus de financements sans avoir pourtant rempli la totalité de leurs objectifs ; d’autres devraient engager la totalité des enveloppes subsistantes avant le terme envisagé pour PIA 3. Par ailleurs, la dynamique créée par le PIA fait naître de nouvelles perspectives de financements. La contribution du PIA 3 à la transition écologique doit donc être appréciée dans la continuité des PIA.

Consacrer à la transition écologique une part du PIA 3 suffisante à la fois :

– pour compenser – pour les actions financées par les PIA 1 et 2 – les effets des redéploiements de crédits qui ont diminué la durée potentielle de conduite des programmes en cours ;

– pour financer de nouvelles opportunités dans les domaines de la transition écologique.

Proposition n°6

L’écoconditionnalité des aides a été présentée en 2013, comme devant permettre le financement direct ou indirect de la transition écologique par 50 % des crédits du PIA 2. Or la mise en œuvre de ce critère n’est ni suffisamment large ni suffisamment effective pour permettre d’atteindre un tel objectif.

Veiller à la mise en œuvre effective de l’écoconditionnalité des aides, dans les domaines où elle est pertinente, en objectivant ses critères et en harmonisant leur appréciation par les opérateurs concernés.

S’assurer que ce financement indirect de la transition écologique n’entraîne pas une diminution des financements directs et ne pas le retenir comme critère d’appréciation de la part des dotations du PIA 3 destinée à transition écologique.

Proposition n°7

Un fonds de financement de la transition énergétique doit être doté de 1,5 milliard d’euros sur trois ans dont 750 millions d’euros d’ici 2017 au titre de l’enveloppe spéciale transition énergétique créée par l’article 20 de la loi du 17 août 2015.

Veiller à l’articulation des financements du PIA 3 et du fonds de financement de la transition énergétique.

Proposition n°8

Le PIA a permis, dans certains cas limités, d’intervenir très en aval du financement de l’innovation, jusqu’au stade de la première exploitation commerciale (comme pour les éoliennes off-shore). Mais cette orientation n’est pas assumée, ni cadrée.

Clarifier la doctrine de financement des premières exploitations commerciales, particulièrement au moyen de fonds propres par l’ADEME et le Fonds SPI de Bpifrance, afin de garantir que, même au stade de l’amorçage d’un marché, le financement public vise à l’émergence d’une offre industrielle compétitive, et non pas seulement au soutien direct d’une demande.

Proposition n°9

La mise en œuvre des actions du PIA en matière de transition écologique a souffert d’un manque de visibilité des étapes de la transition écologique, pour les investisseurs privés : l’apport de financements publics nouveaux du côté de l’offre doit être mis en cohérence avec des orientations du côté de la demande.

Mettre en œuvre sans délai la programmation pluriannuelle de l’énergie prévue par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Proposition n°10

Il apparaît de plus en plus nécessaire de financer le déploiement des nouvelles infrastructures de la transition écologique mais les conditions d’utilisation du PIA en ce sens ne sont pas définies.

Sécuriser les modalités de financement public du déploiement d’infrastructures amorçant les nouveaux marchés de la transition écologique (par exemple les bornes biogaz ou pour véhicules électriques hybrides-hydrogène), soit par une action identifiée du PIA, soit par des crédits budgétaires ou le fonds de financement de la transition énergétique.

Proposition n°11

Les financements du PIA ont été indispensables à la réussite du programme Habiter mieux mais ne sauraient suffire à sa très forte montée en charge.

– Accroître dès 2017, les ressources propres de l’ANAH à hauteur des besoins requis par l’objectif de rénovation thermique de 70 000 logements par an.

– Identifier dans le PIA 3 un programme dédié à l’innovation en matière de rénovation énergétique du bâti comportant une action finançant des formes innovantes d’intervention du programme Habiter mieux (copropriétés, interventions groupées dans les quartiers pavillonnaires) et une action finançant la démonstration industrielle en matière d’amélioration énergétique du bâti.

Proposition n°12

L’objectif d’autofinancement des Instituts pour la transition énergétique, au terme de neuf années, par les revenus des droits de propriété intellectuelle tirés des recherches qu’ils pilotent paraît trop ambitieux.

Reporter l’échéance de l’autofinancement des ITE par les produits de l’exploitation des droits de propriété intellectuelle.

Consolider leur financement en leur permettant d’élargir leurs activités pour bénéficier de ressources complémentaires (prestations de services de démonstration par exemple) ce qui peut justifier l’apport par le PIA de financements supplémentaires pour acquérir des équipements.

Proposition n°13

Les enveloppes de l’action Ville de demain du PIA 1 sont aujourd’hui entièrement engagées après avoir été réduites d’un tiers par redéploiement. Des apports supplémentaires du PIA 3 sont nécessaires pour aller au terme des appels à projets déjà engagés mais doivent également permettre de renouer avec l’ambition, énoncée par la commission de 2009, de promouvoir des projets structurants.

Financer par le PIA 3 une nouvelle action dans le domaine de l’urbanisme durable comportant :

– des aides importantes à un petit nombre de projets plus structurants assorties d’obligations d’exemplarité au niveau international, afin d’appuyer le savoir-faire français et de peser sur les standards retenus ;

– des projets conduits en réseau afin de soutenir l’innovation dans les villes moyennes, en s’appuyant sur le rôle des Régions et en tenant compte de la décentralisation d’une part plus importante des crédits du PIA 3.

RENFORCER LE PILOTAGE STRATÉGIQUE ET L’ÉVALUATION

Proposition n°14

Le pilotage spécifique du PIA vise à garantir la qualité de l’évaluation au regard d’objectifs de la transition écologique, mais aussi d’activité et d’emploi. Des évaluations partielles par actions ont été conduites ou sont envisagées mais les indicateurs sont trop nombreux et non harmonisés : ils ne permettant pas au CGI de fournir une évaluation d’ensemble.

Améliorer l’évaluation de la contribution du PIA à la transition écologique, mais aussi à la croissance et à l’emploi, en simplifiant et homogénéisant les indicateurs de suivi.

Deux propositions complémentaires d’ordre technique :

Rendre plus effective l’évaluation des effets environnementaux des « prêts verts » accordés par Bpifrance en adaptant les informations de suivi demandées aux entreprises dans les conventions de prêts.

Assurer l’évaluation dans la durée des effets des financements en fonds propres du PIA en garantissant l’accès aux informations nécessaires après que l’État se sera dessaisi de ses participations du capital des entreprises.

Proposition n°15

Le PIA a érigé en priorité, dans le domaine de la transition écologique, la collaboration entre la recherche et les entreprises afin de faire émerger les nouvelles solutions techniques décarbonées, particulièrement par la création des Instituts pour la transition énergétique. Mais des financements importants dans les stades « amont » de la recherche concernent également la transition écologique.

Accroître les effets de la valorisation de la recherche en matière de transition écologique, en veillant au continuum de la recherche amont vers l’innovation, notamment en adaptant les feuilles de route des Instituts pour la transition énergétique aux travaux de recherche financés, par ailleurs, par l’ANR.

Proposition n°16

Les feuilles de route stratégiques, auxquelles l’ADEME a consacré beaucoup de temps et d’efforts en 2010 et 2011 ont permis d’identifier les forces et faiblesses sectorielles ainsi que les opportunités de marché des différents secteurs de la transition écologique.

Capitaliser sur l’acquis des feuilles de routes stratégiques établies par l’ADEME en les actualisant dans les secteurs qui le réclament, et les coordonner avec les feuilles de route des Instituts pour la transition énergétique.

AMÉLIORER L’ACCÈS AUX FINANCEMENTS DU PIA POUR LES PME DES ÉCO-INDUSTRIE

Proposition n°17

La part des financements du PIA revenant à des PME et ETI des éco-industries est aujourd’hui insuffisante alors que l’effet d’incitation à l’innovation doit pouvoir aussi leur bénéficier.

Faire figurer dans les conventions liant le CGI aux opérateurs, parmi les indicateurs de performance, des objectifs d’attribution des financements aux PME des différentes filières de l’économie verte.

Pour apprécier le niveau d’avancement des actions, combiner le critère des montants engagés avec le critère du nombre d’opérations, afin d’accorder plus de poids aux projets finançant les PME.

S’appuyer sur l’expertise de l’ADEME, dans le cadre d’une stratégie de filières, pour garantir un continuum de financements et accompagner le développement des PME, y compris en fonds propres.

Évaluer l’activité des pôles de compétitivité au regard de leur valeur ajoutée en termes de soutien aux PME et ETI dans les appels à projet du PIA.

ADAPTER LES FINANCEMENTS AUX RISQUES PROPRES À LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Proposition n°18

Les efforts de l’ADEME pour accélérer la mise en œuvre des procédures d’appels à projets ont conduit à standardiser les mécanismes de l’avance remboursable ainsi que les niveaux d’aides par subventions en fonction des montants de projets. Mais des marges de négociations doivent être préservées afin d’adapter chaque financement aux spécificités des projets et des entreprises.

– Introduire de la souplesse dans le remboursement des avances  qui pourrait par exemple être différé ou rééchelonné dans des situations définies à l’avance (nouveaux investissements, recrutements importants…)

– S’assurer que les montants de subventions sont accordés dans toute la limite autorisée par la règlementation européenne.

Proposition n°19

Si les financements du PIA sous forme de fonds propres doivent être des investissements « avisés » assumant un risque comparable à celui des investisseurs privés, une bonne connaissance des perspectives des filières innovantes de la transition écologique doit permettre à l’investisseur public d’assumer une part de risque plus élevée, adaptée aux spécificités des secteurs de la transition écologique.

Mettre à profit la capacité de l’investisseur public à accepter une part de risque supplémentaire, justifiée par une appréciation fine des perspectives des innovations de la transition écologique : à cette fin, faire converger les approches de Bpifrance et de l’ADEME.

Proposition n°20

Dans le domaine de l’urbanisme, le PIA finance seulement le « surcoût de l’innovation » du projet. Cela oblige à décomposer un projet pour y identifier les postes de dépenses qui tiennent spécifiquement à l’innovation ou qui sont renchéris de ce fait. Cette approche favorise les projets surperformants qui peuvent cependant être moins viables sur la durée et limite le soutien de projets plus structurants où l’innovation réside moins dans chaque composante que dans l’approche globale.

Définir en matière d’urbanisme des critères de financement moins restrictifs que celui de « surcoût de l’innovation » afin d’appuyer le développement d’équipements plus structurants.

Proposition n°21

Les projets innovants ont souvent une dimension transversale et impactent différentes séries de réglementations, (par exemple en matière de Ville durable urbanisme, maîtrise d’ouvrage et comptabilité publiques, transport, logement, systèmes d’informations). La conciliation de ces règlementations peut poser des difficultés pour la mise en œuvre effective de projets pourtant financés sur une base interministérielle.

Mettre à profit la dimension interministérielle de la gestion du PIA pour fournir un appui technique interministériel afin de lever les obstacles non-financiers (réglementaires et administratifs) et faciliter la mise en œuvre de projets complexes, particulièrement dans le domaine urbain.

Proposition n°22

Alors que les apports du PIA ne doivent pas dépasser 50 % du financement, l’aversion au risque de nombreux financeurs institutionnels peut rendre difficile de compléter le financement d’entreprises innovantes dans le domaine de la transition écologique.

Afin d’augmenter significativement les sources de co-financement privé des secteurs innovants de la transition écologique, instituer une obligation pour des acteurs financiers tels les mutuelles et les assurances de placer une partie minime de leurs investissements dans des projets innovants de la transition écologique.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 22 juin 2016, la commission a examiné le rapport d’information de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur les programmes d’investissements d’avenir (PIA) finançant la transition écologique (Mmes Eva Sas et Sophie Rohfritsch, rapporteures).

M. le président Gilles Carrez. Nous examinons ce matin un rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur les programmes d’investissements d’avenir (PIA) finançant la transition écologique. Je rappelle que la MEC s’est saisie cette année de deux autres sujets : la formation continue et la gestion des carrières dans la haute fonction publique, sur le rapport de Jean Launay et Michel Zumkeller, que nous avons examiné lors de notre réunion du 8 juin ; la transparence et la gestion de la dette publique, sur le rapport de Jean-Claude Buisine, Jean-Pierre Gorges et Nicolas Sansu, que notre commission devrait examiner le 6 juillet prochain.

M. Jean-Marie Sermier, vice-président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je tiens à exprimer notre satisfaction à l’égard de cette réunion conjointe qui permet d’entendre les deux rapporteures de la Mission d’évaluation et de contrôle sur les programmes d’investissements d’avenir finançant la transition écologique.

Notre commission a auditionné, à plusieurs reprises, le commissaire général à l’investissement et suit, depuis le début, les programmes d’investissement d’avenir finançant la transition énergétique et écologique, notamment l’évolution des engagements financiers par opérateur et par action. C’est pourquoi nous avions nommé Mme Sophie Rohfritsch co-rapporteure et sommes particulièrement intéressés par le rapport qui va être présenté.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Contrairement à leur dénomination, les financements du PIA ne sont pas des « investissements » au sens budgétaire puisqu’il ne s’agit pas majoritairement d’immobilisations de l’État. Ce sont des dépenses d’intervention (subventions ou avances remboursables), des prêts, parfois des prises de participation.

Le PIA doit permettre d’effectuer ces dépenses à l’appui de priorités bien identifiées sur la durée, de façon lisible et significative. Le PIA décline ainsi les orientations fixées par la commission Juppé-Rocard de 2009, qui a retenu la protection de l’environnement comme une priorité afin d’agir sur les deux ressorts de la croissance économique, je cite : « l’économie de la connaissance et l’économie verte ».

Il me paraît utile de rappeler ses préconisations : « l’emprunt national doit être porteur de sens, d’espoir pour les générations futures, en facilitant la mutation du modèle actuel de l’économie vers un développement moins dépendant de la dépense publique, moins dépendant des énergies fossiles, davantage tourné vers la connaissance, adapté aux évolutions démographiques, articulé avec des positions industrielles d’excellence ». Il doit donc financer des « projets innovants et "transformants", c’est-à-dire des projets de nature à incarner ou à faciliter l’émergence des secteurs de l’économie de demain, compatibles avec les ambitions écologiques que l’on souhaite développer ».

La transition écologique nécessite en effet des solutions décarbonées auxquelles font aujourd’hui obstacle des verrous technologiques dans le domaine industriel ou des enjeux d’organisation, par exemple dans nos villes. L’innovation est donc essentielle mais elle est dans ce domaine plus coûteuse et plus risquée qu’ailleurs : les financeurs privés sont donc réticents à en assumer seuls les risques, malgré les mécanismes tarifaires ou fiscaux qui promeuvent la transition écologique. Ce défaut de marché nécessite un apport financier direct de l’État pour faire naître une offre compétitive et jouer un rôle de levier de la croissance verte.

Nous avons donc cherché à identifier cette orientation dans les dotations du PIA votées en 2010 et 2013.

Au total, devaient être destinés à la transition écologique 16,7 % des crédits du PIA 1, soit 5,85 milliards d’euros, dont 5,1 de dotations consommables, éclatés sur sept programmes relevant de quatre missions budgétaires distinctes pour des actions confiées à cinq opérateurs différents et 17,25 % des crédits du PIA 2, soit 2,07 milliards d’euros, exclusivement sous forme de dotations consommables, pour des actions toutes rattachées, cette fois, à la mission Écologie, et qui prolongent des actions créées par le PIA 1. Au total, 16,85 % des PIA devraient être consacrés à la transition écologique, pour près de 8 milliards d’euros.

Ces dotations financent des actions innovantes qui interviennent sur différents leviers.

Tout d’abord celui de la valorisation de la recherche, avec le financement par l’Agence nationale de la recherche (ANR) d’une dizaine d’instituts pour la transition énergétique, les ITE. Il s’agit de consortiums de droit privé réunissant industriels et établissements publics de recherche, partageant une même feuille de route, dans différents secteurs-clés de la transition écologique : la recherche conduite par les institutions publiques doit ainsi répondre aux enjeux industriels. L’ITE pilote la recherche de ses membres académiques puis en valorise les résultats auprès des membres industriels et du marché. La réussite de ces instituts doit se traduire par la mise au point de brevets trouvant des débouchés dans l’industrie afin de générer des revenus qui seront de nouvelles ressources pour l’institut.

Ensuite, avec 3,9 milliards de dotations initiales, la moitié des financements du PIA revient à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) pour financer des démonstrateurs, à un stade plus aval de l’innovation. Il s’agit de démontrer « grandeur nature » que des techniques nouvelles sont viables aux plans industriel et commercial. Ce ne sont pas toujours des innovations de rupture, mais aussi des améliorations dans la mise en œuvre de technologies plus matures ayant des effets significatifs sur le développement durable. L’objectif est toujours de cofinancer des projets qui démontreront aux marchés visés que les nouvelles solutions sont viables et pourront à terme être financées sans subvention publique.

Ce volet est complété par des financements relevant de Bpifrance avec une action dite « PIAVE », qui met en œuvre les orientations de la politique industrielle et dont un volet concerne la transition écologique. S’y ajoutent les « prêts verts », à savoir des prêts bonifiés aux entreprises pour acquérir des équipements améliorant la compétitivité dans un sens favorable à l’environnement.

Une enveloppe de 1 milliard d’euros du PIA 1 a été attribuée aux projets urbains relevant de la démarche Éco Cités. Ces projets portés principalement par des collectivités territoriales sont innovants dans la mesure où leur démarche, dite « intégrée », traite simultanément différentes dimensions de la transition écologique dans l’urbanisme. Mais je souhaite le dire d’emblée, sur les 288 projets financés au titre de la démarche Éco Cités, il me semble que tous n’ont pas satisfait cette exigence, ce qui a pu dévoyer l’intention initiale. Ce volet a été complété, dans le PIA 2, par une action de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) pour vingt quartiers d’intérêt national de la politique de la ville.

Enfin, le PIA contribue depuis son lancement au financement du programme « Habiter mieux » géré par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). Ce programme apporte une aide financière et un accompagnement technique à des propriétaires aux revenus modestes pour la rénovation thermique de leurs logements. Le PIA cofinance donc également dans ce cas un investissement privé qui répond à un objectif de transition écologique. Il s’agit également de lutter contre la précarité énergétique, ce qui confère à ce volet une dimension sociale essentielle qui permet d’améliorer, sur la durée, le pouvoir d’achat des bénéficiaires.

Nous avons cherché à vérifier si ces différentes actions ont eu « l’effet additionnel par rapport aux financements budgétaires habituels » comme préconisé par la commission Juppé-Rocard. Nous avons dû constater que certaines dépenses ne se sont pas ajoutées à des crédits budgétaires existants mais s’y sont substituées : le PIA a pris le relais d’une partie de fonds préexistants de l’ADEME et sa montée en chargé a entraîné une diminution de dépenses effectuées auparavant par l’agence sur ses propres ressources. Surtout, 200 millions d’euros de l’action Ville de demain ont servi à compléter le financement d’un appel à projet ministériel en finançant douze projets de transports en commun en site propre, des tramways et des bus, sans caractère innovant.

Inversement, un volet de l’action « Projets territoriaux intégrés pour la transition énergétique » de la Caisse des dépôts et consignations, créé par le PIA 2, qui réservait 35 millions d’euros à des collectivités territoriales de taille moyenne, a finalement été vidé de tout objet car le ministère a financé directement ce projet, hors PIA, en utilisant l’« enveloppe spéciale transition énergétique » (ESTE) créée par l’article 20 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Ce fonds a été doté de 250 millions d’euros par la loi de finances rectificative pour 2015, montant qui devrait être porté à 750 millions d’ici 2017. Ce fonds a également été mobilisé en 2015 pour financer l’ANAH, parallèlement aux financements du PIA.

Nous constatons donc qu’il manque une vision d’ensemble des financements de la transition écologique provenant à la fois du PIA et du budget général. Or elle est essentielle pour préserver la doctrine d’emploi de financements du PIA, qui doivent être réservés à des actions qui ont un effet « transformant » et innovant.

Nous proposons donc que le Gouvernement justifie dans les documents annexés aux projets de lois de finances, au regard de l’état d’avancement du PIA, l’évolution des crédits budgétaires finançant la transition écologique. En particulier, l’articulation du futur PIA 3 et du fonds de financement de la transition énergétique doit être clarifiée. Nous proposons aussi que soit défini au sein du Commissariat général à l’investissement (CGI) un suivi transversal de ces financements.

Ceci est d’autant plus nécessaire que la disponibilité des financements du PIA peut détourner les porteurs de projet de faire appel autant que possible à des financements européens qui visent le même objet, comme les financements européens du programme Horizon 2020. Nous proposons donc de mieux formaliser l’identification des cofinancements européens.

Il convient également de rester vigilant sur les frais que prélèvent les opérateurs du PIA, pour mettre en œuvre ces dépenses de l’État, particulièrement dans les cas de délégations entre opérateurs et d’interventions en fonds de fonds qui accroissent la part des frais.

Nous émettons ces réserves car nous sommes persuadées que le pilotage actuel, interministériel, du PIA, qui permet de sortir des « approches en silo », constitue un réel atout dans le domaine de la transition écologique.

La qualité des choix d’investissements tient à la méthode : les aides sont attribuées au terme d’appels à projets qui visent à faire émerger mais aussi à orienter les initiatives des différents acteurs de la transition écologique ; de même les aides consistent en un cofinancement qui complète un investissement privé avec un objectif d’effet de levier de la dépense publique et parfois de retours financiers avec un intéressement de l’État.

Nous avons constaté que le suivi de l’avancement des projets par les opérateurs est effectif. Il se traduit par la définition d’étapes de poursuite ou d’arrêt de projet dites « go no go ». L’ANR a par exemple su prendre précocement une telle décision concernant l’ITE IDEEL, qui était paralysé par les divergences entre ses membres.

De même, les ajustements opérés au fur et à mesure par les opérateurs ont amélioré de façon significative la mise en œuvre des programmes. L’ADEME a par exemple simplifié ses procédures d’appels à projets et diversifié ses domaines d’intervention.

Si nous avons auditionné des directeurs d’administration et des responsables des opérateurs qui se sont pleinement saisis des enjeux du PIA, nous devons cependant regretter que ni la ministre de l’écologie ni le ministre de l’économie – compétent au titre de la politique industrielle – n’aient pu répondre à l’invitation de la MEC.

C’est d’autant plus regrettable que nous pensons que le suivi des effets du PIA peut être amélioré non seulement au regard des différents objectifs de la transition écologique, mais aussi en matière d’activité et d’emploi. Les évaluations ne sont que partielles, et les indicateurs trop nombreux et non harmonisés, ne permettent pas au CGI de fournir une évaluation d’ensemble.

Il est également possible d’améliorer les effets du PIA. En premier lieu, l’accès des PME aux financements peut être accru. Leur part est aujourd’hui insuffisante : 24 % des financements de l’ADEME, pour des PME associées à des projets portés par des grandes entreprises à titre principal. C’est regrettable car l’effet d’incitation à l’innovation est beaucoup plus fort pour les PME. Nous proposons donc que le CGI fixe aux opérateurs des objectifs précis d’accès des PME aux financements du PIA, et que l’état d’avancement des actions soit évalué non seulement en fonction des montants engagés mais également du nombre de projets financés.

L’ADEME a d’ailleurs fait des efforts, en réservant aux PME des éco-industries les appels à projets spécifiques dits « Initiative IPME ». Dans ce cadre, les pôles de compétitivité peuvent d’ores et déjà accompagner les PME vers les fonds du PIA. Mais tous ne remplissent pas aujourd’hui suffisamment cette mission. Nous proposons donc que l’activité des pôles de compétitivité soit évaluée au regard de leur valeur ajoutée en termes de soutien aux PME et ETI dans les appels à projet du PIA.

Nous pensons également que les financements du PIA peuvent être mieux adaptés en fonction des situations des entreprises. Les modalités de remboursement des avances, en cas de succès du projet, pourraient être définies avec plus de souplesse, alors qu’elles ont été standardisées dans le but, louable, de gagner du temps entre la sélection du projet et la signature du contrat.

En matière d’intervention en fonds propres, nous pensons qu’il faut améliorer le dialogue entre Bpifrance et l’ADEME, qui interviennent toutes deux de façon distincte, mais également conjointement dans le fonds écotechnologies, dotée de 150 millions d’euros délégués par l’ADEME à Bpifrance. La gouvernance de ce fonds a été jugée difficile par la Cour des comptes comme par France Stratégie. Il semble que s’opposent une approche plus « prudentielle » de Bpifrance et celle de l’ADEME qui, à partir d’une stratégie de filières, accepte de prendre un peu plus de risques pour garantir un continuum de financements et accompagner le développement des PME.

Si les financements du PIA en fonds propres doivent être des investissements « avisés » assumant un risque comparable à celui des investisseurs privés, il reste qu’une bonne connaissance des perspectives des filières innovantes doit permettre d’adapter la prise de risque publique aux exigences de la transition écologique. Ceci appelle une convergence des approches de Bpifrance et de l’ADEME.

Mme Eva Sas, rapporteure. Je souhaiterais d’abord remercier la corapporteure, Sophie Rohfritsch, pour ces premiers constats, et je voudrais commencer moi-même par souligner tout d’abord que le bilan de la mise en œuvre du PIA est globalement satisfaisant. Son utilité et l’efficacité des différents opérateurs ne font pas de doute. Parmi les exemples de réussite issus du PIA, nous pouvons citer l’introduction en bourse de la société Fermentalg, qui est une société de biotechnologie industrielle spécialisée dans la production d’huiles et de protéines à partir de micro-algues. Cette société a bénéficié de l’investissement du fonds écotechnologie, géré par Bpifrance.

Toutefois, la mission doit aussi relever un écart important avec les objectifs initiaux du législateur et particulièrement avec les annonces faites par le Gouvernement lors du PIA 2. Il s’agit en premier lieu des redéploiements de crédits effectués au détriment des actions finançant la transition écologique.

La gestion extrabudgétaire des crédits du PIA permet au Premier ministre d’opérer rapidement des redéploiements de crédits entre actions selon des modalités qui échappent dans les faits très largement au contrôle du Parlement.

Ainsi, les actions du PIA finançant la transition écologique comptent pour un quart dans l’ensemble des redéploiements de crédits opérés depuis 2010 et surtout, il s’agit principalement de redéploiements à la baisse et de transferts de crédits vers des thématiques autres que la transition écologique.

Un montant de 1,6 milliard d’euros a été redéployé depuis le lancement des PIA en 2010, dans le domaine de la transition écologique : 228 millions ont certes servi à augmenter l’aide à la rénovation thermique des logements privés, et sont donc restés dans le domaine de la transition écologique, mais 1,37 milliard d’euros ont été transférés vers des domaines sans lien avec la transition écologique, notamment au profit de la défense. Les diminutions les plus fortes touchent l’ADEME et le programme Ville de demain.

Au total, les montants consacrés à la transition écologique sont passés de 7,92 à 6,55 milliards d’euros, soit une baisse de 17,3 %. À ce jour, la part de la transition écologique dans l’ensemble des crédits des PIA 1 et 2 est donc passée de 16,9 à 13,9 %, ce qui représente une baisse de 3 points.

Les actions du PIA dédiées à la transition écologique ont donc subi plus que d’autres des arbitrages budgétaires défavorables. Elles sont par exemple surreprésentées, en 2012, parmi les différents financements mobilisés pour abonder l’action du PIA 1 « Recapitalisation d’OSEO » dans le but de financer la création de la « Banque de l’industrie », Bpifrance. Les actions destinées au financement de la transition écologique ont contribué à cette opération à hauteur de 40 %. Il s’agit de crédits « détournés » de leur finalité initiale.

De même, la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 a abondé le programme « Excellence technologique des industries de défense » du PIA 2 de 170 millions d’euros de crédits de subventions provenant d’actions de l’ADEME. En outre, l’action Ville de demain a été mise à contribution, au profit de la défense à nouveau, en 2014, pour 82 millions d’euros de crédits de subventions.

Les crédits du PIA finançant la transition écologique étaient constitués à 91 % de dotations consommables : leur disponibilité immédiate a accru le risque de les mettre à contribution. Néanmoins, ces redéploiements ont parfois été facilités aussi par une relative sous-consommation initiale des crédits, en particulier entre 2012 et 2014.

La mission a examiné les motifs de ces retards : une partie a tenu à des lourdeurs auxquelles les opérateurs ont remédié depuis, mais une part s’explique par le temps nécessaire pour faire émerger des projets sur des sujets innovants dans un secteur émergent. D’autres secteurs industriels, plus matures, avaient logiquement plus de projets à proposer au financement dès le lancement du PIA.

Sur ce secteur plus nouveau, l’ADEME a dû établir, avec les professionnels, des feuilles de route stratégiques sectorielles afin de cibler les appels à projets vers les domaines présentant à la fois de véritables atouts pour la France et des perspectives de développement commercial, notamment à l’export. Il s’agissait ainsi d’éviter de chercher à financer des innovations dans des domaines où la production ne se ferait pas sur le territoire national, ou dans des segments où il n’existerait pas d’opportunités de marché en raison d’une demande trop faible, ou d’une concurrence déjà installée.

En revanche, le rythme de dépenses est systématiquement plus rapide lorsque le PIA se substitue à des crédits budgétaires pour financer des projets préexistants. Redéploiement de crédits et débudgétisation vont donc souvent de pair.

En tout état de cause, certains redéploiements ont été décidés avant même le lancement des programmes, par exemple pour les interventions de l’ANRU ou pour des enveloppes du programme « Véhicules du futur » issus du PIA 2. Ils ne sont donc pas dus à la montée en charge trop lente des programmes, mais à des priorités données à des actions nécessitant rapidement des fonds, souvent en remplacement de crédits budgétaires.

En conséquence, afin de limiter les redéploiements excessifs et facilitant la débudgétisation, nous proposons d’accroître le niveau d’information du Parlement sur les décisions du Premier ministre, lors de leur communication aux commissions, en faisant en sorte que soient indiqués les motifs des redéploiements de crédits et, surtout, leurs incidences sur la part des financements du PIA consacrés à la transition écologique et sur les appels à projets en cours.

Outre l’impact des redéploiements, la MEC doit également constater un écart entre les objectifs affichés et les résultats en ce qui concerne le principe d’éco-conditionnalité des aides défini en 2013.

Ce principe soumet à des objectifs de transition écologique des projets qui n’entrent pas directement dans ce domaine. Tout ou partie des neuf critères d’éco-conditionnalité retenus par le CGI constituent des éléments de « sélection secondaire », donc des critères de choix de second niveau ou de modulation du montant de l’aide. L’éco-conditionnalité paraît donc utile, mais la démarche n’est pas encore aboutie ni harmonisée. L’approche excessivement compartimentée entre opérateurs n’a pas permis de l’appliquer sur un périmètre suffisamment large.

La Caisse des dépôts et consignations, par exemple, n’a pas pu l’appliquer pour l’essentiel des actions du PIA 2 – ce qui a écarté plus d’un milliard d’euros de financements, y compris dans le domaine du numérique pourtant fort consommateur d’énergie ou de métaux rares.

Or, le Premier ministre avait, en 2013, présenté ce critère comme devant permettre le financement direct ou indirect de la transition écologique par 50 % des crédits du PIA 2. Cet objectif était manifestement hors d’atteinte.

Nous proposons donc que les opérateurs poursuivent leurs efforts pour mettre en œuvre l’éco-conditionnalité de manière adaptée à chaque secteur, mais nous considérons que ce financement indirect de la transition écologique, ne doit pas servir à en minorer le financement direct. Ainsi, il ne saurait être retenu comme critère d’appréciation de la part des dotations du PIA 3 destinées à transition écologique.

En ce qui concerne la perspective du PIA 3, la sous-consommation constatée dans les premiers temps n’est plus d’actualité. L’expertise dans le repérage et le traitement des dossiers, ainsi que la maturation d’un secteur jusque-là émergent, ont permis d’atteindre un rythme de croisière.

Si l’engagement des enveloppes s’accélère depuis deux ans, il reste que les décisions de redéploiement prises jusqu’à présent ont diminué les financements potentiels, sur la durée, pour chacune des actions du PIA finançant la transition écologique : nous considérons donc que le PIA 3 peut être mis à profit pour en compenser les effets, qui s’élèvent, je le rappelle, à 1,3 milliard d’euros.

Le PIA 3 doit également être mobilisé pour financer les nouvelles opportunités que présentent, d’une part, les dynamiques suscitées par le PIA et, d’autre part, le nouveau contexte en matière de transition écologique.

Ainsi, et sous réserve, comme l’a souligné Sophie Rohfritsch, d’une meilleure lisibilité et d’une meilleure complémentarité avec les autres financements, qu’ils soient nationaux ou européens, on peut évaluer les financements nécessaires à la poursuite des actions consacrées à la transition écologique à 2 milliards d’euros dans le PIA 3. Cette suggestion est raisonnable, voire minimale, pour que la transition écologique puisse continuer à figurer parmi les priorités de la stratégie industrielle et commerciale de la France.

En tant que législateur, nous posons des exigences de transition de nos systèmes productifs en fixant des buts de développement durable. C’est aussi ce que fait nous faisons en ratifiant les conclusions de la COP 21. Or ces engagements appellent des investissements importants pour viabiliser les innovations techniques, mais aussi pour en déployer les effets en complément du financement de l’innovation. Il nous faut donc faire preuve de cohérence au plan budgétaire, mais aussi et surtout de plus de volontarisme et de constance dans les choix stratégiques.

Il apparaît par exemple de plus en plus nécessaire de financer le déploiement des nouvelles infrastructures de la transition écologique, mais les conditions d’utilisation du PIA en ce sens ne sont ni définies, ni clarifiées. Dans le PIA 1, 60 millions d’euros de subventions de l’ADEME destinées aux « Véhicules du futur » ont financé, de façon assez dérogatoire, des infrastructures de recharge sur la voirie pour les véhicules électriques. La question sera à nouveau posée, pour les bornes interopérables pour les véhicules électriques hybrides-hydrogène. Nous devons donc clarifier les conditions de financement public du déploiement des infrastructures qui amorcent les nouveaux marchés de la transition écologique, soit par une action identifiée du PIA, soit plutôt par des crédits budgétaires ou par le fonds de financement de la transition énergétique, en complément du PIA.

De même, le PIA a permis, de façon limitée, d’intervenir très en aval du financement de l’innovation, jusqu’au stade de la première exploitation commerciale, par exemple, en matière d’éoliennes offshore. Mais cette orientation n’est pas assumée, ni cadrée. Le PIA 3 doit donc permettre de fixer la doctrine de financement des premières exploitations commerciales, particulièrement au moyen de fonds propres par l’ADEME et le fonds SPI de Bpifrance.

Il faut également faire preuve de cohérence sur la durée : le programme de rénovation thermique « Habiter mieux » de l’ANAH financé par le PIA, est une réussite. Il est donc absolument indispensable d’assurer la pérennité du financement de cette action. Les ressources propres de l’ANAH pourraient ainsi être accrues à hauteur de l’objectif de rénovation thermique de 70 000 ou 100 000 logements par an. Nous considérons par ailleurs qu’il est possible d’identifier dans le PIA 3 un programme dédié à l’innovation en matière de rénovation énergétique, qui pourrait contribuer aux nouvelles formes d’intervention du programme « Habiter mieux », par exemple les interventions groupées dans les quartiers pavillonnaires.

De même, concernant les instituts pour la transition énergétique (ITE), des éléments concordants conduisent à penser qu’il est trop ambitieux d’exiger leur autofinancement en neuf années à partir des seuls revenus des droits de propriété intellectuelle tirés des recherches qu’ils pilotent. Des financements supplémentaires devront permettre de reporter cette échéance et de diversifier leurs ressources en élargissant leurs activités, par exemple par des prestations de services de démonstration.

Dans le domaine de l’urbanisme durable, où les financements actuels sont presque entièrement consommés, une nouvelle enveloppe paraît justifiée. Elle pourrait comporter des aides importantes pour un petit nombre de projets plus structurants assortis d’obligations d’exemplarité au niveau international. Il faudrait y ajouter l’appui à des projets conduits en réseau afin de soutenir l’innovation dans les villes moyennes, en tenant compte du rôle des régions et de la décentralisation d’une part plus importante des crédits du PIA 3.

À ce titre, il convient de veiller à la plus-value que peut représenter le programme « Ville durable » de l’ANRU, dont l’enveloppe reste à engager suite à la clôture de l’appel à projet en 2015, et qui pourrait, en fonction de ses résultats, faire l’objet d’un nouveau financement dans le cadre du PIA 3.

Pour conclure, des mesures d’ordre plus général peuvent accroître la mobilisation de financements privés dans la transition écologique et donc améliorer l’effet de levier des financements publics. La programmation pluriannuelle de l’énergie prévue par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte facilitera par exemple le déploiement commercial des filières, grâce à une trajectoire définissant appels d’offres, tarifs d’achat et compléments de rémunération. Il faut donc la mettre en œuvre dans sa globalité et sans tarder.

De même, il conviendrait d’instituer une obligation pour des acteurs financiers tels les mutuelles et les assurances de placer une partie minime de leurs investissements dans des projets innovants de la transition écologique. Il s’agit d’une proposition ancienne et souvent formulée, mais le besoin n’en est aujourd’hui que plus vif.

M. le président Gilles Carrez. Je remercie les rapporteures de cette présentation extrêmement précise et complète. Je me bornerai à observer, en tant que président de la commission des finances et pour rassurer notamment Eva Sas, que nous sommes décidés à être très vigilants sur la relation entre redéploiements et débudgétisation.

En effet, dans la mesure où sont appliqués en début d’année des gels de crédits très importants, à hauteur de 8 %, pour faire face aux éventuels dépassements ou décisions nouvelles de dépenses, il est procédé ensuite à des annulations importantes sur des crédits dits « pilotables », qui se trouvent être des crédits d’investissement. Cela explique la tentation de substituer en partie aux crédits ainsi annulés, par redéploiement, des crédits du PIA. Cette méthode entraîne une dérive progressive du PIA vers le financement d’actions classiques, figurant dans le budget de l’État.

Dans le domaine écologique, comme Eva Sas l’a souligné, cette situation est d’autant plus sensible qu’une partie des actions au sein du PIA s’inscrivent dans le cadre de l’éco-conditionnalité. Nous ne sommes pas dupes de ce « coup de peinture verte » et devons rester très vigilants sur ce sujet. En effet, il y aura probablement un décret d’avance vers le mois d’octobre ou novembre prochain, et devrons être très vigilants aussi lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative de fin d’année, qui prévoira probablement des redéploiements de crédits en provenance du PIA pour des montants encore plus importants que les années précédentes.

Mme Martine Lignières-Cassou. Je vous remercie pour votre rapport, qui permet de donner plus de visibilité aux PIA 1 et 2 et aux sommes engagées. Ceux-ci s’élèvent 47 milliards d’euros, tandis que le PIA 3 est attendu pour un montant 10 milliards d’euros. Au sein des PIA, les crédits pour la transition écologique étaient annoncés comme prioritaires ; or ils ne représenteraient que 17 % des crédits. Un rapport sénatorial évoque cependant des sommes plus importantes. Qu’en est-il exactement ?

De multiples acteurs concourent à la mise en œuvre de la transition écologique, tels que la BPI, la Caisse des dépôts, l’ANRU, l’ANAH, ou encore l’ADEME. Cette multiplicité d’opérateurs, et la répartition des compétences opérée entre ces derniers, vous paraissent-elles pertinentes ? Par exemple, la Caisse des dépôts finance les territoires à énergies positives hors PIA, alors que l’ANAH dispose, dans le cadre des PIA, de crédits destinés au programme de rénovation de l’innovation thermique des logements. Cela rejoint la question de la gouvernance et du portage transversal des crédits des PIA.

L’ADEME est le principal opérateur de la transition écologique, pour un total de crédits qui s’élèverait à environ 3 milliards d’euros. Son budget a néanmoins été amputé de près de 800 millions d’euros, qui ont été redéployés. Quel a été l’impact de ces redéploiements ? Ont-ils handicapé le lancement de ses programmes ? Par ailleurs, les procédures de cet organisme étaient réputées être les plus longues, et les plus lourdes. Les délais d’instruction ont-ils été raccourcis ? Cela se traduit-il au niveau du rythme de décaissement des crédits ?

Sur la question de l’efficacité du dispositif, êtes-vous entrées en contact avec le comité d’experts chargé de l’évaluation à mi-parcours du PIA pour en mesurer l’efficacité, tant vis-à-vis des organismes de recherche, que vis-à-vis des entreprises ?

Enfin, le mécanisme de décentralisation peut-il permettre le développement de projets innovants et favoriser les PME ?

M. Jacques Kossowski. Je félicite les deux rapporteures pour cet excellent travail. Il avait été prévu de financer par le PIA, à hauteur de 1 milliard d’euros, neuf « instituts d’excellences sur les énergies décarbonées » (IEED), qui ont été labellisées à la fin de l’année 2011 et au début de l’année 2012. Ces organismes, renommés depuis « instituts de la transition énergétique » (ITE), avaient pour but de redonner de la compétitivité économique et de permettre à la France d’acquérir des savoirs de pointe favorisant le développement d’une économie sans carbone. Toutefois, sur les treize dossiers présentés, trois ont perdu leur labellisation, tandis qu’un autre devrait être arrêté prochainement. Les neuf autres sont en cours d’évaluation. Il semble donc que ces programmes n’aient pas atteint leurs objectifs. Selon un rapport d’étape du comité d’experts sur l’évaluation des PIA publié en mars dernier, il apparaît que ces institutions se sont lancées sur des marchés inexistants ou trop peu développés. De plus, ils sont souvent de trop petite taille pour être performants. Dans un souci de simplification, le comité recommande de transformer les ITE survivants en « instituts de recherche technologique » (IRT), plus performants. Ces transformations successives donnent le sentiment de mauvais choix stratégiques en termes structurels. J’aurais souhaité avoir votre analyse sur cette question.

Quant à l’ADEME, elle permet de financer de nombreuses opérations. On peut facilement contrôler la gestion de ces opérateurs au niveau des collectivités locales, mais peut-on le faire également pour les entreprises ?

Enfin, vous dites que les partenaires privés ne tirent pas véritablement partie des incitations fiscales permettant la rénovation thermique de leurs logements. Ces derniers ont-ils accès à une bonne publicité, et savent-ils à qui s’adresser ?

M. Bertrand Pancher. À tout seigneur, tout honneur : les PIA correspondent au grand emprunt de Nicolas Sarkozy en 2008, aux 35 milliards d’euros du gouvernement Fillon, et aux 12 milliards du gouvernement Ayrault. Nous soutenons cette politique de grand emprunt et d’investissements d’avenir, mais nous déplorons des redéploiements toujours plus vastes, une consommation de crédits de moins en moins importante, ainsi que des problèmes de gouvernance.

C’est ainsi que le 18 mai dernier, le secrétaire d’État au budget, M. Christian Eckert, a présenté un projet de décret d’avance qui prévoyait d’annuler 150 millions d’euros de l’action « Démonstrateurs de la transition énergétique et écologique » du PIA, au profit du fonds d’aide à la rénovation thermique géré par l’ANAH, qui doit financer l’engagement pris par le Gouvernement de porter à 70 000 le nombre de logements rénovés en 2016.

Le rapport remis par le comité d’experts chargé de l’examen à mi-parcours du PIA, en mars dernier, souligne quant à lui la difficulté à consommer les crédits alloués à la transition écologique, alors qu’il s’agit pourtant d’un objectif prioritaire. Un travail de réflexion plus spécifique doit donc être conduit pour les actions en lien avec la transition énergétique. Une enveloppe totale de 1,7 milliard d’euros avait été prévue dans le cadre des PIA 1 et 2 pour l’action « Démonstrateurs » de l’ADEME, portant sur les énergies renouvelables et décarbonées. Toutefois, au troisième trimestre 2015, seuls 650 millions d’euros avaient été engagés, en raison du nombre insuffisant de projets soumis. Comment améliorer cette situation ?

Ce rapport met également en exergue des difficultés en termes de gouvernance : quel est votre ressenti à ce sujet ?

M. Philippe Plisson. Dans son rapport, le comité d’experts indépendants a constaté que certaines actions ne finançaient pas les dépenses exceptionnelles d’investissement, mais uniquement des dépenses supprimées au sein du budget de l’État. Ce constat a été corroboré par la Cour des comptes. Qu’en est-il plus spécifiquement des PIA finançant la transition écologique ?

Par ailleurs, les efforts effectués pour accélérer et simplifier les procédures de sélection des projets dans le domaine de la transition écologique ont-ils été suffisants ? Ne faudrait-il pas adapter les procédures à la taille et aux caractéristiques des projets à financer ?

Enfin, combien de projets ont été financés, et ont abouti de manière significative, dans le cadre des PIA finançant la transition écologique ?

M. Patrick Hetzel. Je voudrais féliciter et remercier les rapporteures pour leur présentation. Lors du travail que nous avions mené avec Alain Claeys sur les PIA consacrés à l’enseignement supérieur et à la recherche, nous avions abouti au même constat à propos de l’importance des redéploiements de crédits. Madame Sas, vous soulignez que ces redéploiements s’élèvent à 25 % des crédits. Votre proposition n° 2 recommande notamment d’être très vigilant à cet égard, pour éviter que les financements extrabudgétaires ne donnent lieu à des redéploiements de crédits par annulation sur les programmes récurrents. Pourriez-vous nous dire quelles sont les autres mesures envisageables pour que le Parlement puisse agir avant même la prise de ces décisions ?

M. Charles de Courson. Je me pose toujours la question de l’utilité et de l’efficacité de la dépense publique. En tant que rapporteures, vous nous avez expliqué que celle-ci est justifiée notamment par la rénovation thermique des logements, qui est un succès. Il a d’ailleurs fallu augmenter la dotation de 45 %, de 500 millions à 728 millions ; il s’agit d’ailleurs là de la seule dotation qui ait été augmentée, toutes les autres ayant été réduites. Les instituts pour la transition énergétique constituent une autre justification de la dépense, mais parmi ces instituts, on compte trois échecs, et pour les neuf autres, la situation est mitigée. Concernant les autres grands volets de la dépense, comment évaluez-vous la situation ? Peut-on en apprécier l’efficacité ?

M. Jean-Louis Bricout. La mise en place du fonds Écotechnologies doté de 150 millions d’euros va dans le sens d’une meilleure prise en charge des besoins écologiques futurs. Cette logique doit être pleinement encouragée et soutenue. Des difficultés de gouvernance ont toutefois accompagné sa mise en place en raison d’une différence de culture entre l’ADEME et la BPI. Qu’en retenez-vous et que pouvez-vous nous dire sur ce point ? Pour ma part, il me semble que tous les enseignements doivent être tirés afin que puisse être défini un pilotage efficace, alliant expertise technique et expertise financière, des différentes actions contenues dans le PIA en lien avec la transition énergétique.

M. Guillaume Chevrollier. Les énergies renouvelables occupent une place prépondérante dans les principaux programmes d’investissement d’avenir – environ 80 % des crédits consacrés à l’énergie. Il reste qu’aujourd’hui, les énergies renouvelables ont des difficultés à être rentables. Il y a des problèmes techniques liés à l’intermittence de ces énergies : on ne sait pas encore stocker l’électricité en grande quantité, mais il y a surtout des problèmes de coût : ces énergies sont chères et non compétitives. Elles sont donc grandement dépendantes de la dépense publique, ce qui va à l’encontre des orientations de l’emprunt national. Comment envisagez-vous ce point ?

Ma seconde observation concerne l’amélioration de l’accès au financement des PME. Vous avez souligné que 24 % du financement de l’ADEME va en direction des PME, ce qui est insuffisant. Comment développer ce financement, notamment en direction des filières économie verte, agricole et agroalimentaire où existent de vrais enjeux de développement économique et de développement durable ?

M. Yannick Favennec. Des prêts sont mis en place jusqu’à fin 2016 pour soutenir les investissements de transition énergétique. Il s’agit de financer des projets exemplaires en termes d’innovation et de performance énergétique, portés, bien sûr, par des PME. Les projets des entreprises doivent s’inscrire dans la stratégie énergétique et écologique des collectivités lauréates de l’appel à projets intitulé « territoires et énergies positives pour la croissance verte ». J’aimerais savoir si ce dispositif sera prolongé au-delà de l’année 2016. Il a été très apprécié par les PME concernées, comme j’ai pu le constater dans ma circonscription en Mayenne.

M. Éric Alauzet. Ma première question concerne la part consacrée à la transition énergétique, qui est passée de 13,9 % à 16,9 % des PIA. Peut-on distinguer entre le PIA 1 et le PIA 2, sachant que les programmes sont encore en cours ? Je me souviens des annonces du Premier ministre selon lesquelles 50 % du PIA 2 seraient consacrés à la transition énergétique. Le PIA 3 va venir s’ajouter. Tout cela se mélange. PIA après PIA, on peut estimer qu’il faut être plus exigeant sur la part consacrée à la transition énergétique. Pourriez-vous préciser quelles sont les parts respectives du PIA 1 et du PIA 2 consacrées à la transition énergétique ?

Ma seconde question concerne les 1,37 milliard d’euros de redéploiements. Quelle est la part de ce montant liée à une sous-consommation de crédits. Je me souviens, par exemple, que le projet Lucos, de plus de 100 millions d’euros, n’a pas pu se réaliser.

M. Julien Aubert. Je retiens de votre analyse – mais j’aimerais vérifier que je comprends bien votre message – qu’il y un problème de visibilité sur une politique centrale de ce quinquennat, portée par une loi présentée comme très importante. Les montants présentés ici, qui sont certes relativement importants, ne sont pas forcément à la hauteur des chiffrages qui ont pu circuler sur les besoins en matière de transition écologique. Je constate une forme de saupoudrage, avec des priorités parfois entremêlées.

Il est clair qu’il y a une contradiction entre d’un côté, une publicité importante sur la transition écologique, présentée comme un grand virage, et de l’autre, la réalité – ce que vous appelez des redéploiements de crédits – que j’appelle pour ma part, plus simplement, des réductions des crédits destinés à cette grande priorité. Cela doit évidemment interpeller la majorité, mais aussi, plus généralement, tous les parlementaires. En effet, le Parlement vote des orientations et s’aperçoit ensuite que dans la mise en œuvre, par des mécanismes de bonneteau, la balle n’est pas exactement sous la tasse qui était attendue. Voilà ce que je retiens de votre rapport et que je voudrais vérifier, même si je le dis de manière un peu crue.

M. Yves Jégo. Le rapport est un problème, non pas par sa qualité – et je tiens d’ailleurs à saluer la qualité du travail de nos rapporteures – mais parce qu’il souligne l’immense complexité des circuits que l’on met en place. Qu’il faille un travail parlementaire aussi long et approfondi pour essayer de comprendre le système est un vrai problème en soi, d’autant plus que les circuits mis en place –vous l’avez souligné avec diplomatie – ne sont pas toujours lisibles par nous-mêmes. La complexité de ces dispositifs, l’absence d’harmonie entre les uns et les autres, l’incapacité de croiser les actions entre les différents opérateurs posent des problèmes sur le terrain. Ces problèmes semblent expliquer en partie la faiblesse d’un certain nombre de résultats que vous avez présentés.

Je voudrais insister sur deux points. D’abord, peut-on avoir une clarification sur les rémunérations des opérateurs prélevées sur ces programmes ? Il s’agit d’opérateurs publics qui fonctionnent grâce à de l’argent public. On peut imaginer qu’il faille regarder de près la façon dont ils prélèvent leur rémunération sur les programmes pour leurs propres besoins.

Ensuite, Monsieur le Président, j’ai entendu la déception de nos rapporteures de ne pas avoir pu rencontrer les ministres en charge de ces sujets. La commission des finances pourrait peut-être leur demander de venir nous expliquer leur vision des choses. C’est bien le moins, compte tenu des montants constatés !

M. Jean-Marie Sermier, vice-président de la commission du développement durable. Effectivement, comme le disait tout à l’heure Sophie Rohfritsch, il y a un manque de vision d’ensemble pour préserver la doctrine. Il importe maintenant à nos deux commissions de suivre avec attention cette évolution.

J’ai également une question précise. Dans la filière véhicules du futur, vers laquelle 950 millions d’euros ont été fléchés, connaissez-vous le montant fléché vers les véhicules à hydrogène ?

Mme Eva Sas, rapporteure. Mme Lignières-Cassou, vous avez remarqué que les sénateurs ont identifié une enveloppe plus importante pour la transition écologique. C’est sans doute parce que le nucléaire est parfois inclus dans le développement durable. Ce choix est évidemment contestable. En tout cas, il ne s’agit pas d’une énergie renouvelable. Par ailleurs, le périmètre des crédits alloués à la transition écologique est assez mal identifié et nous avons dû mener sur ce point un travail important. On affiche la transition écologique comme un objectif prioritaire, mais on ne dispose pas des outils nécessaires pour suivre l’évolution de sa réalisation. Voilà pourquoi notre première préconisation vise à permettre une meilleure identification du domaine de la transition énergétique et la mise en place d’un suivi.

Vous nous avez interrogées sur la multiplicité des opérateurs. Le nombre d’opérateurs gérant le PIA fait effectivement débat aujourd’hui. Il serait sans doute plus opportun, pour la lisibilité et l’efficacité de la gouvernance, d’avoir un nombre plus réduit d’opérateurs. Je voudrais toutefois souligner que cela ne doit pas conduire à la réduction ou à la suppression de certains programmes. Je pense à des programmes de l’ANRU ou de l’ANAH qui sont très efficaces. Une réduction du nombre d’opérateurs – par exemple, si l’ADEME devenait l’opérateur central – ne doit pas leur porter atteinte.

Vous m’avez interrogée au sujet de l’impact des redéploiements. Ils ont deux types de conséquences. D’une part, certains appels à projets n’ont pas du tout été lancés ; d’autre part, les enveloppes PIA 1 et PIA 2 arriveront à leur terme en 2019 pour les principaux programmes, au lieu de 2024, en raison de la diminution de leurs montants. D’où la nécessité d’avoir un PIA 3 qui pourra financer ces mêmes actions.

S’agissant de l’intérêt de la pluriannualité et du caractère interministériel des programmes, nous avons un avis très favorable. La pluriannualité est indispensable
– contrairement à ce que Charles de Courson prône parfois –, mais elle ne doit pas permettre d’échapper au contrôle du Parlement, ce qui est aujourd’hui le cas, malheureusement.

Monsieur Kossowski, vous avez évoqué la question des ITE en indiquant que trois d’entre eux ont perdu leur label. Je pense que ce constat est plutôt positif, en ce qu’il traduit la capacité qu’a l’État à arrêter des programmes qui ne fonctionnent pas. La sélection des ITE est réelle. Vous avez suggéré de transformer les ITE et IRT. Les entreprises sont moins impliquées dans les IRT que dans les ITE, parce que ces instituts n’ont pas le statut de société par actions simplifiée (SAS). Nous avons auditionné des entreprises comme Safran et Air Liquide, qui sont tout à fait favorables aux ITE. Il est vrai que nous avons observé des difficultés dans leur mise en place. La difficulté à travailler collectivement, qui est peut être spécifiquement française, a pu empêcher un déploiement rapide des ITE, notamment à cause de la question du partage des droits de propriété intellectuelle issus de leurs travaux. Il faut travailler spécifiquement sur ce point pour faciliter leur mise en œuvre.

Monsieur Pancher, vous constatez la difficulté à consommer les crédits alloués. Cela a été vrai, mais cela l’est de moins en moins. Il y a une grande efficacité de l’ADEME, d’une part à traiter les projets et, d’autre part à identifier les projets qui peuvent être pertinents. Elle a adapté ses appels à projet aux PME. Pour le coup, cela a un effet de moindre consommation des crédits, car les PME consomment évidemment moins de crédits que les grandes entreprises. Globalement, un rythme de croisière a été atteint, même s’il existe deux bémols, dans le domaine de l’économie circulaire et dans le domaine de la biodiversité, où il y a encore des difficultés à identifier des projets et à développer ces secteurs.

Monsieur Plisson, vous posez une question sur le nombre de projets aboutis. Il est possible de vous donner des chiffres, mais je ne suis pas certaine que cela serait très pertinent. J’ai cité l’exemple de l’introduction en bourse de Fermentalg. Les projets sont très différents entre eux. On ne peut pas comparer un ITE et la réussite d’une PME financée par BPIfrance. En tout état de cause, les grandes entreprises et les PME que nous avons auditionnées ont toutes souligné la pertinence des PIA et l’importance qu’il y a à poursuivre ces programmes, dans un objectif de développement commercial. Il existe des opportunités de marché. La France est déjà en retard dans certains domaines de la transition écologique. Dans beaucoup de secteurs, comme les énergies renouvelables, il n’y a plus d’opportunités de marché, car d’autres pays les ont déjà saisies. À l’inverse, dans certains domaines, les réussites constatées encouragent à la poursuite de ces programmes.

Monsieur Chevrollier, je vais vous répondre sur la question du coût des énergies renouvelables. Je suis en désaccord avec ce que vous avez dit. Je voudrais rappeler qu’aujourd’hui, le coût du kilowattheure issu de l’éolien terrestre est inférieur au coût du kilowattheure de l’EPR. Il n’est plus vrai que les énergies renouvelables sont coûteuses. Il faut donc les développer et c’est un des objectifs des PIA.

Monsieur Alauzet, pour le PIA 1 et le PIA 2, un tableau figurant dans le rapport montre que, dans le cadre du PIA 2, 2,07 milliards d’euros étaient prévus pour la transition écologique. Cette enveloppe a déjà été réduite de 238 millions d’euros qui ont été redéployés, soit 11,5 % des crédits initiaux. On observe malheureusement les mêmes phénomènes que pour le PIA 1. La même part initiale de crédits, à peu près, y était consacrée à la transition énergétique et, dans les deux cas, les redéploiements risquent de se poursuivre. Il n’y a donc pas de différences fondamentales entre PIA 1 et PIA 2 et la transition écologique est toujours mise à contribution pour financer d’autres actions considérées comme plus urgentes, comme le financement des opérations de défense.

Je réponds maintenant à M. Aubert en lui indiquant qu’il a tout à fait raison de pointer la contradiction entre les annonces faisant de la transition écologique une priorité et la réalité. On aurait pu imaginer qu’une montée en charge lente aurait justifié des redéploiements de crédits internes à la transition écologique. Or ce n’est pas le cas. Donc il ne faut pas se leurrer : les redéploiements financent bien des besoins de crédits budgétaires sur des opérations qui n’ont pas été budgétées en loi de finances initiale.

Enfin, M. Jégo soulignait la complexité des programmes en matière de transition écologique. Je crois que la complexité est inhérente à ce type d’actions et qu’elle est nécessaire. Les PIA sont destinés à financer des opérations et des actions à caractère transformant. La chaîne va du financement de la recherche par l’ANR en amont, notamment à travers des ITE, au financement des start-up par la BPI en aval. Les circuits de financement sont donc divers et les opérateurs multiples. Il est vrai que le système est complexe. Je pense qu’il répond tout de même aux besoins qui vont de la recherche en amont jusqu’à l’exploitation commerciale. Cette complexité est difficile à gérer, mais elle est nécessaire pour financer l’innovation en matière de transition énergétique.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. En réponse à une question de Martine Lignières-Cassou, je souhaitais confirmer qu’il existe en effet une pluralité d’opérateurs dans ces domaines. La commission Juppé-Rocard avait toutefois préconisé, dans le domaine spécifique de l’énergie, la création d’une nouvelle agence à la structure très légère et souple, qui permettrait d’identifier les bonnes idées et les nouveaux marchés.

Concernant les redéploiements, ils ne posent pas de difficultés à ce stade pour l’ADEME mais, à terme, elle ne pourra plus lancer de nouveaux appels à projets : des financements devront donc être restitués dans le PIA 3.

Je répondrai par ailleurs à Patrick Hetzel que, si l’instruction des projets est globalement satisfaisante, il faut certainement améliorer leur évaluation, qui est encore balbutiante à ce jour ; cette amélioration permettrait de sélectionner les programmes qui méritent d’être développés.

Monsieur Chevrollier, pour les PME il faut effectivement veiller à un continuum dans le service public de l’innovation. La coordination en amont doit être renforcée par une agrégation plus efficace des données disponibles.

Monsieur Sermier, il n’y a pas de financement direct de véhicules hydrogènes mais trois projets sont financés dans le domaine de l’énergie hydrogène pour un total de 24 millions d’euros. Notre pays doit être identifié à l’international dans plusieurs domaines-clés que sont notamment l’énergie marine, la chimie, les réseaux intelligents et le photovoltaïque. Dans ces domaines, un financement de long terme est fondamental.

M. Alain Fauré. Existe-t-il un rapprochement entre les crédits affectés à une politique donnée par le biais du crédit d’impôt recherche (CIR) et par le biais des PIA ?

Mme Eva Sas, rapporteure. Il n’existe pas de coordination dans ces deux domaines et il s’agit d’ailleurs de l’une de nos préconisations.

M. Dominique Lefebvre, président. En conclusion, je note que les critiques récurrentes de la Cour des comptes sur la gestion de ces crédits nous appellent à une grande vigilance dans le cadre de la procédure budgétaire. Certaines sous-consommations posent question et le Parlement doit savoir quelles en sont les raisons.

En application de l’article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d’information.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES,
DES DÉPLACEMENTS DE LA MISSION
ET COMPTES RENDUS DES AUDITIONS

Audition du 2 février 2016

Auditions du 3 février 2016

–  MM. Thierry Francq, commissaire général adjoint, Ivan Faucheux, directeur du programme Énergie, économie circulaire, et Jean-Luc Moullet, directeur du programme Compétitivité, filières industrielles et transports, au Commissariat général à l’investissement (CGI) 183

–  M. François Moisan, directeur exécutif de la Stratégie, de la recherche et de l'International, directeur scientifique et Mme Fantine Lefevre, directrice des Investissements d'avenir, à l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). 194

Auditions du 18 février 2016

–  M. Guillaume Mortelier, directeur de la stratégie et du développement de Bpifrance*, et M. Laurent Arthaud, directeur du pôle Investissement Biotech et Écotech 209

–  M. Arnaud Torres, directeur des Investissements d'avenir et Compétitivité à l’Agence nationale de la recherche (ANR) 217

Audition du 8 mars 2016

–  M. Jean-Claude Andréini, président de l’Association des éco-entreprises de France (PEXE), Mme Florence Jasmin, déléguée générale, M. Guillaume Ayné, délégué aux relations institutionnelles, M. Guy Herrouin, responsable stratégie du pôle de compétitivité Mer-Méditerranée et M. Thomas Toutain-Meusnier, délégué général de Durapole 223

Audition du 15 mars 2016

–  Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale adjointe du groupe Caisse des Dépôts, M. Philippe Pradier, chef du service développement durable, Mme Christel Sanguinède, secrétaire générale de la mission PIA 233

Auditions du 24 mars 2016

–  M. Nicolas Grivel, directeur général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) 243

–  Mme Blanche Guillemot, directrice générale de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH) 251

–  M. Paul Delduc, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), M. François Bertrand, sous-directeur de l’aménagement durable à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, M. Didier Labat, chef de projet trame verte et bleue à la direction de l’eau et de la biodiversité, M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat (DGEC), M. Laurent Tapadinhas, adjoint à la Commissaire générale au développement durable (CGDD), et M. Alain Griot, chargé des fonctions de coordination dans le domaine des investissements d’avenir en matière d’innovation et de recherche au sein du CGDD 259

Auditions du 30 mars 2016

–  M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) 268

–  M. Bernard Maître, président d’Emertec gestion, M. Alain Grandjean, économiste, membre du comité stratégique de la Fondation Nicolas-Hulot, et M. Matthieu Glachant, Professeur d’économie à l’école des Mines Paris Tech 273

–  Association française des entreprises privées (AFEP) : M. François-Nicolas Boquet, directeur Environnement et Énergie de l’AFEP*, Mme Aliette Quint, directrice des affaires publiques d’Air Liquide* et M. Rémy Nicolle, directeur des partenariats, M. Michel Dechelotte, directeur des Affaires Institutionnelles du groupe Safran* et M. Christian Picollet, directeur des Programmes et Stratégie R&T. 280

*

* *

Déplacement à Compiègne le 12 avril 2016,
au siège de l’Institut pour la transition énergétique PIVERT

– Visite de la halle technologique BIOGIS et entretiens avec M. Loïc Bordais, responsable de l’action ITE à l’Agence nationale pour la recherche et M. Gilles Ravot, directeur général de PIVERT SAS, accompagné de Mme Christèle Lorenzo, responsable de la Valorisation et des affaires Juridiques et M. Jérôme Le Nôtre, responsable de l’animation scientifique.

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

Audition du 2 février 2016

Mme Michèle Pappalardo, conseiller maître à la Cour des comptes.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Nous ouvrons aujourd’hui les travaux de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur les programmes d’investissements d’avenir (PIA) finançant la transition écologique. J’ai le plaisir de co-rapporter, avec Mme Eva Sas, cette mission qui associe les commissions du développement durable et des finances afin de faire le point sur l’utilisation des crédits du PIA dans le domaine de la protection de l’environnement. En effet, l’investissement dans l’économie verte figure parmi les priorités du rapport de novembre 2009, qui a donné naissance au premier PIA. Ce dispositif innovant traduit l’ambition largement partagée de permettre aux entreprises et aux établissements de recherche d’atteindre l’excellence dans les technologies qui réduisent notre impact sur l’environnement et qui promeuvent les énergies renouvelables. La MEC cherchera à mesurer l’état d’avancement des investissements concernés.

Madame Pappalardo, nous avons souhaité vous entendre car vous avez participé à la rédaction du rapport public thématique « Le programme d’investissements d’avenir. Une démarche exceptionnelle, des dérives à corriger » que la Cour des comptes a consacré au PIA en décembre 2015. Votre contribution sera d’autant plus précieuse que vous avez aussi exercé les fonctions de directrice générale de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et de commissaire générale au développement durable.

Mme Eva Sas, rapporteure. Nous avons décidé de lancer cette mission car la commission des finances a observé à plusieurs reprises que des redéploiements avaient été opérés à partir de certains programmes d’investissement, notamment les programmes Innovation pour la transition écologique et énergétique et Ville et territoires durables. À peine mis en place, ces programmes ont été amputés, par la loi de finances rectificative (PLFR) d’août 2014, respectivement de 170 et de 50 millions d’euros. Dans le deuxième PLFR, le programme Innovation pour la transition écologique et énergétique a de nouveau été ponctionné à hauteur de 100 millions d’euros. À nos questions sur la raison de ces redéploiements, l’ADEME et le commissariat général à l’investissement (CGI) ont répondu qu’ils faisaient suite à la sous-consommation des crédits. Notre mission souhaite comprendre dans quelle mesure le PIA est adapté aux besoins du secteur de la transition écologique. Comment s’explique cette sous-consommation des crédits ? S’agit-il d’un problème de temporalité ou vient-elle des modalités du PIA ? La répartition des financements entre avances remboursables et subventions convient-elle aux projets de ce secteur ? Les résultats sont-ils conformes à l’ambition de départ du PIA 2 : un engagement fort en faveur de l’écologie ? Les objectifs affichés lors du lancement du PIA ont-ils été atteints ?

Mme Michèle Pappalardo, conseiller maître à la Cour des comptes. La Cour des comptes a effectué un travail global sur le fonctionnement et la gouvernance du PIA – dispositif désormais vieux de cinq ans –, sans analyser spécifiquement telle ou telle dépense. Néanmoins, dans le cadre de ses contrôles, la Cour examine désormais régulièrement des opérations financées sur les crédits du PIA, qui irriguent aujourd’hui une grande partie des investissements de l’État. Nous disposons donc d’éléments susceptibles de vous aider.

Il n’est pas évident de définir les investissements qui financent la transition écologique. Globalement, il s’agit de crédits dédiés à l’énergie et aux écotechnologies, ces dernières se retrouvant dans différents secteurs. Le découpage habituel du PIA en grand programmes n’étant pas suffisamment fin, il faut regarder, programme par programme, quels investissements font partie du champ de votre investigation. Les assemblages réalisés ne rendent pas la tâche aisée : ainsi, au sein des regroupements de prêts, certains – comme les prêts verts – visent clairement la transition écologique sans être classés dans la partie relative à l’énergie ou aux écotechnologies. De plus, le PIA 2 affirme la nécessité d’introduire des critères transversaux d’éco-conditionnalité, beaucoup de programmes étant censés participer, d’une manière ou d’une autre, à la transition écologique, à travers des critères d’éco-conditionnalité pour le PIA2 notamment ; l’évaluation de la mise en œuvre de ce critère fait donc partie intégrante du sujet.

En résumé, nous n’avons pas analysé les effets du PIA sur les filières de l’économie verte ; c’est programme par programme qu’il faut en apprécier l’évolution.

S’agissant de la stratégie du PIA en matière de transition écologique, le nouveau « modèle de développement durable » était présenté comme une des priorités du programme à la fois dans le rapport de MM. Juppé et Rocard et dans le PIA1. Le PIA 1 contient déjà des mesures importantes en matière d’énergie, d’éco et de bio-technologies. La stratégie du PIA 2, qui s’éloigne progressivement du rapport initial, paraît moins évidente : on y voit apparaître des thématiques telles que la défense, qui ne faisaient pas partie des objectifs de départ. Mais la transition écologique est bien présentée comme un enjeu important, notamment à travers les trente-quatre programmes du ministère de l’économie qui sont censés être financés à travers le PIA2. C’est également dans le cadre du PIA 2 qu’on voit apparaître le critère de l’éco-conditionnalité.

La question du redéploiement des crédits n’est pas facile à appréhender. En fonction de leur importance et de l’ampleur des changements qu’ils induisent, les redéploiements sont réalisés selon des procédures différentes, ce qui rend complexe la compréhension de l’ensemble. L’annexe de notre rapport répertorie toutes les informations disponibles pour tenter de dresser un tableau global des redéploiements – un travail qui nous a demandé beaucoup de temps. L’environnement fait clairement partie des thématiques les plus affectées par les redéploiements négatifs, même s’il faut regarder les choses de très près car on peut, par exemple, diminuer des crédits de l’ADEME pour les transférer à la Banque publique d’investissement (BPI), mais toujours pour financer des projets écologiques. Comme le montre le tableau p. 123 du rapport, le programme Démonstrateurs énergies renouvelables du PIA 1, le plus touché, a perdu 32 % de ses montants ; le programme Tri et valorisation des déchets en a perdu 42 %. Le tableau p. 125 montre que l’ADEME, qui porte une partie non négligeable des programmes liés à la transition écologique, est l’opérateur le plus affecté par les redéploiements négatifs.

Ces redéploiements s’expliquent par plusieurs raisons. D’abord, certains domaines – tels que les écotechnologies ou les économies d’énergie – sont relativement « neufs » ; il n’existait pas forcément dans les tiroirs de quoi répondre aux appels à projets du PIA 1. Ce n’est pas une critique, au contraire : dans d’autres domaines, les appels à projets ont été rapidement satisfaits car il y avait des projets qui dormaient dans les tiroirs… et ce ne sont pas forcément les meilleurs ! En matière de déchets notamment, la recherche n’est pas très développée ; un appel à projets dans ce domaine suscitera donc des recherches et des travaux universitaires, mais ne donnera pas immédiatement un programme à financer. Ce délai représente une vraie difficulté du secteur. De plus, le PIA finance des projets d’une certaine taille ; or une partie des sujets liés à la transition écologique – par exemple l’efficacité énergétique – n’ont pas fait l’objet de recherches à grande échelle. Les appels à projets n’y sont donc pas forcément adaptés. Ces éléments ont été pris en compte et les appels à projets du PIA 2 ont été reformatés par rapport à ceux du PIA 1. Mais pendant un certain temps, les taux de consommation des crédits sont restés faibles.

Une autre difficulté renvoie à la méthode utilisée par l’ADEME qui avait tenu, avant de lancer les appels à projets, à rédiger des feuilles de route afin de définir plus précisément, avec les différents acteurs – chercheurs et entreprises – les thématiques à aborder. Or l’élaboration de feuilles de route exige un temps de concertation ; ce délai a conduit à décaler les appels à projets qui ensuite ont été lancés avec succès. Au début, ce décalage a été relativement fort, donnant lieu à des discussions entre le CGI et l’ADEME. En effet, à la différence de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ou de la BPI, qui peuvent lancer des AAP ouverts, sans thématiques précisent, l’ADEME met en œuvre des politiques publiques déterminées, avec des objectifs précis. Cette volonté d’identifier des sujets ciblés correspond à la position de l’ADEME, en aval du processus, alors que l’ANR se situe plus en amont et la BPI reste éloignée de l’expertise pointue du secteur. La manière de gérer les appels à projets et les programmes diffère donc selon le type d’opérateur impliqué.

Le type d’aides – subventions, avances remboursables, prêts ou prises de participation – est un autre sujet abordé dans le rapport. La Cour des comptes, tout comme l’ADEME, reconnaît qu’il est positif de se préoccuper de la dimension financière et économique des programmes, de ne pas s’en tenir aux progrès technologiques, mais de se demander si, et de quelle façon, la nouvelle technologie a une chance d’aboutir sur le marché. Mais dans certains domaines, les entreprises ont pu être découragées par des appels à projets qui exigent une organisation complexe, avec des systèmes de retour sur investissement très lourds. Elles préfèrent alors soit trouver un autre système de financement, soit renoncer à innover. Il en va ainsi pour le bâtiment, où peu de programmes sont financés par le PIA. Avec le temps, certains éléments des contractualisations en matière de retour financier ont été simplifiés ; il faut donc regarder les choses dans la durée.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Dans le tableau p. 123, on observe également des redéploiements de crédits à la hausse, qui concernent souvent des organismes porteurs. Il en va par exemple ainsi de l’action États généraux de l’industrie – compétitivité filières industrielles. S’agit-il de redéploiements vers des frais de fonctionnement, au détriment des vrais projets ?

Mme Michèle Pappalardo. Les initiatives d’excellence (IDEX) ou les laboratoires d’excellence (LABEX) renvoient en effet à des structures de recherche ; mais pour le reste, il s’agit bien de programmes d’investissement. Par exemple, les crédits du PIA ne financent pas les états généraux de l’industrie, mais des projets qui en sont issus, de plateformes industrielles pour les pôles de compétitivité ou pour l’organisation des filières, qui permettront ensuite aux entreprises et aux laboratoires de conduire des programmes de recherche. Il ne s’agit donc pas de frais de fonctionnement. Certes, ces derniers devront être financés d’une manière ou d’une autre, une fois que les investissements seront faits ; mais ces financements ne sont pas prévus dans les crédits du PIA. Les redéploiements positifs et négatifs se compensent globalement, mais il faut regarder les choses dans le détail. Ainsi l’augmentation importante des crédits destinés aux LABEX s’explique par un changement dans la répartition des crédits entre les IDEX et les LABEX ; l’augmentation des financements des LABEX a donc pour pendant une diminution de ceux des IDEX, alors qu’il s’agit de dépenses de même nature.

La substitution de crédits du PIA à des crédits budgétaires concerne notamment le fonds démonstrateur de l’ADEME et le programme Véhicule du futur. L’appel à projets concernant de dernier programme ayant déjà été lancé avant le PIA, il aurait de toute façon été financé, même en l’absence du PIA ; c’est pourquoi nous le classons parmi les substitutions ou les cas de non-respect du principe d’additionnalité. De même, le fonds démonstrateur préexistait au PIA et fonctionnait grâce à un financement budgétaire classique avant d’être financé par le PIA. La substitution est ici très apparente. Quant à l’appel à projets Transports en commun, il relève davantage de la débudgétisation : il ne s’agit pas d’un problème d’additionnalité au sens où les crédits du PIA seraient venus remplacer d’autres crédits, mais de dépenses qui, selon nous, n’étaient pas censées être financées par le PIA car le projet ne correspondait pas à sa stratégie initiale. En effet, il était clairement expliqué dans le rapport de 2009 que le PIA ne devait pas financer des infrastructures. Là aussi, les appels à projets avaient été lancés bien avant le PIA et les villes et les projets avaient déjà été sélectionnés, que le PIA est alors venu financer. Certes, on peut changer la règle et décider que le PIA peut financer les infrastructures ; mais ce n’est pas actuellement le cas.

Mme Eva Sas, rapporteure. S’agit-il du troisième appel à projets ? Quand a-t-il eu lieu ?

Mme Michèle Pappalardo. On venait de lancer le PIA, mais ce n’était peut-être pas le premier appel à projets sur ce thème.

Mme Eva Sas, rapporteure. Il y a eu trois appels à projets Transports en commun ; le troisième vient d’être lancé. La substitution par le PIA est-elle intervenue au cours du processus de financement de cette opération ou bien dès le départ ?

Mme Michèle Pappalardo. À ma connaissance, par la suite, les transports en commun n’ont plus été financés par le PIA ; seul cet appel à projet -, qui avait été lancé mais non financé, a bénéficié de ces crédits. Désormais, le programme Ville de demain ne finance plus ce genre de projets.

Mme Eva Sas, rapporteure. Pour siéger au comité de surveillance du PIA, j’observe que le programme finance le plan Très haut débit, qui renvoie également à des infrastructures.

Mme Michèle Pappalardo. En effet, certains programmes s’éloignent de plus en plus des objectifs du rapport stratégique d’origine, soit sur le type d’action financé, soit sur les thèmes sectoriels. C’est pourquoi nous suggérons, dans notre rapport, de redéfinir la stratégie.

Mme Eva Sas, rapporteure. Vous dites que le secteur étant nouveau, on manque encore d’outils adaptés et met plus de temps à susciter des projets ; mais le PIA 1 a été lancé en 2010. Ces cinq ans n’ont-ils pas permis d’adapter les outils et, du côté de la recherche et des industriels, de commencer à faire éclore ces secteurs tels que la valorisation des déchets ?

Mme Michèle Pappalardo. C’est ce qui se passe, progressivement. Les outils de recherche et les entreprises s’adaptent à l’outil de financement PIA et s’organisent pour en bénéficier. Mais on n’invente pas des pôles de recherche en claquant des doigts ; trouver des chercheurs et les former pour aboutir à des projets prend du temps. L’ADEME et l’ANR pourront vous décrire plus précisément la manière dont évoluent les thématiques et les réponses aux appels à projets. Je vous ai également donné d’autres explications potentielles de la sous-consommation des crédits en matière de transition écologique, renvoyant notamment à la taille des projets et aux objectifs du PIA, ce qui pose la question de l’adaptation de ce programme, tel qu’il existe aujourd’hui, à ce type de domaines.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Une question iconoclaste : ces éléments n’incitent-ils pas à mettre en place des programmes blancs dans ce domaine, qui mobiliseraient peut-être mieux la recherche et développement privés ? En effet, l’on cherche non seulement le retour sur investissement de l’argent public, mais aussi un effet de levier où un euro d’argent public générerait cinq euros d’argent privé investi. Concevoir de tels appels à projets permettrait à davantage d’entreprises d’y répondre, facilitant l’organisation de ce secteur et l’évolution des mentalités.

Mme Michèle Pappalardo. Il faudrait poser la question aux entreprises et aux chercheurs. Mais les programmes blancs se situent normalement plus en amont, alors que dans les domaines en question on se situe dans la phase de démonstration, voire de mise sur le marché. Je ne suis donc pas convaincue que le montant des crédits non consommés s’explique pas l’inadaptation de l’outil sur ce point mais il existe peut-être des programmes particuliers que l’on n’arrive pas à consommer à cause de la forme de l’outil, malgré les efforts entrepris depuis cinq ans pour le simplifier et l’adapter aux besoins.

Mme Eva Sas, rapporteure. Pour résumer, nous voulons comprendre s’il y a eu des redéploiements de crédits parce qu’il y avait, ailleurs, des besoins non financés considérés comme plus urgents – par exemple dans le domaine de la défense ou des nanotechnologies – ou parce que, comme vous semblez le dire, le secteur souffre d’un problème de rentabilité économique et de maturité de la recherche qui expliquerait le faible nombre de projets à financer.

Mme Michèle Pappalardo. Les deux sont en cause. L’objectif du CGI est de faire engager les crédits du PIA le plus vite possible ; donc lorsqu’il a, d’un côté, des crédits non consommés et de l’autre, des demandes urgentes, il propose des redéploiements. En même temps, la consommation des crédits en matière de transition écologique est longtemps restée lente car les appels à projets ont été longs à venir et les réponses n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes. Mais il faut regarder comment les choses évoluent dans la durée car il y a un phénomène d’apprentissage des secteurs en question : va-t-on vers une diminution ou une augmentation du nombre des réponses ?

Mme Eva Sas, rapporteure. En effet, les projets semblent aujourd’hui plus nombreux qu’au début. Peut-on dégager une « plus-value » du Pia par rapport à d’autres modes de financement ?

Mme Michèle Pappalardo. Tout à fait. Il s’agit de secteurs relativement nouveaux qui n’ont pas l’habitude de bénéficier de ce type de financements – destinés à des consortiums, aux programmes et aux projets lourds. Ce phénomène d’apprentissage, même si de prime abord il ralentit le processus, constitue un effet positif du PIA.

Je précise que les Instituts pour la transition énergétique n’ont pas été examinés dans notre rapport.

S’agissant de la plus-value du PIA en matière de transition écologique, le programme a permis, deux fois de suite, d’afficher les priorités dans ce domaine tout en fournissant des moyens supplémentaires pour financer les opérations. La généralisation de l’évaluation avec des critères d’impact sur l’environnement peut aussi avoir un impact important sur l’ensemble des programmes mais les difficultés dont nous venons de parler subsistent.

Pour ce qui est de la répartition des rôles entre les intervenants, les divergences de méthode ont d’abord suscité des problèmes dans les relations entre l’ADEME et le CGI, mais les deux organismes ont trouvé un modus vivendi qui a l’air de bien fonctionner, réduisant considérablement les délais. Les choses ont également l’air de bien se passer avec le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie – un des rares ministères à s’être organisé pour coordonner, en son sein, les travaux du PIA, nommant pour cela un correspondant chargé de suivre l’ensemble des programmes et de communiquer avec les directions et les opérateurs concernés. L’année dernière, ce pilotage a été renforcé au sein de la direction recherche du commissariat général au développement durable (CGDD). Tous les ministères n’ont pas mis en place une telle organisation.

Il y a également un débat entre l’ADEME et la BPI sur le financement des actions et des programmes. L’ADEME est un organisme spécialisé dans le domaine de la transition écologique, alors que la BPI est davantage un expert en financement. Le débat, qui porte sur l’intérêt de chacun de ces deux types d’expertise, est difficile à trancher dans l’absolu ; c’est programme par programme qu’on arrive à déterminer de quelle compétence on a le plus besoin. Quand la BPI réalise des investissements dans des domaines de spécialité de l’ADEME, elle associe généralement cette dernière à la démarche mais le sujet reste sensible.

Mme Eva Sas, rapporteure. Pouvez-vous revenir sur le principe d’éco-conditionnalité ? La mise en place de ce critère a fait l’objet de peu de suivi.

Mme Michèle Pappalardo. En effet, il n’est pas complètement au point. À l’été 2015, le critère d’éco-conditionnalité, censé être appliqué à tous les programmes, était défini de manière encore assez floue ; le CGDD doit y travailler. Au début, le CGDD abordait le sujet de manière bilatérale avec chacun des ministères et opérateurs. Nous recommandions au contraire de traiter la question de manière plus transversale, non dans l’idée de mesurer l’impact du PIA sur l’environnement – cela nécessiterait de définir, en amont, les indicateurs et les systèmes de mesure cohérents, ce qui n’a pas été fait –, mais pour développer une culture de travail partagée sur l’éco-conditionnalité entre les différents ministères et opérateurs. Il faut notamment expliquer comment les programmes intègrent ou non les indicateurs d’éco-conditionnalité – une question relativement simple pour les opérations qui relèvent spécifiquement de la transition écologique, bien plus compliquée pour les autres. En fonction de son impact sur l’environnement, un projet peut, par exemple, être subventionné ou aidé plus qu’un autre. Ces réflexions étaient en cours quand nous avons fait notre rapport. L’introduction de ce critère, encore en gestation, représente un point innovant du PIA 2.

Mme Eva Sas, rapporteure. Vous critiquez donc le fait que l’application de ce critère soit à géométrie variable selon les projets.

Mme Michèle Pappalardo. Ce n’est pas une critique, c’est un constat. Les projets sont en effet très différents.

Mme Eva Sas, rapporteure. Mais vous affirmez quand même la nécessité d’un référentiel commun…

Mme Michèle Pappalardo. Oui, ce serait préférable.

Mme Eva Sas, rapporteure. Ce critère est-il malgré tout appliqué ?

Mme Michèle Pappalardo. Lors que nous faisions notre rapport, le travail sur ce sujet était en cours. C’est pourquoi nous avons tenu à l’aborder sous une forme positive et non uniquement critique. La volonté d’évaluer l’éco-conditionnalité, de l’inscrire dans les projets et d’obliger tous les intervenants à se poser des questions et à travailler ensemble constitue une innovation. Tout en restant prudents quant aux résultats, car nous n’en sommes qu’au début du processus, nous avons essayé de donner quelques lignes d’orientation pour le travail à mener dans ce domaine. Il est rare de trouver ce genre de dispositifs clairement affichés ; mais c’est aussi révélateur d’un problème de « culture ». Ainsi, certains opérateurs ne comprenaient pas de quoi ils allaient pouvoir parler, ou mettaient en avant le fait que ce critère allait encore tout compliquer. Cela n’est pas faux, il faut trouver la bonne mesure et aller vers les référentiels les plus partagés possible, situés en amont des processus. Mais avant tout, il faut élaborer le dispositif, qui n’est pas encore complètement au point.

M. Charles de Courson. Une question innocente : d’après les travaux de la Cour des comptes, que se serait-il passé si au lieu de créer cette usine à gaz qui s’appelle le PIA, on avait simplement augmenté les crédits des ministères concernés – par exemple celui de l’écologie ? Ne serait-on pas allé beaucoup plus vite ?

Mme Michèle Pappalardo. Dans le cadre du PIA, il ne s’agit pas uniquement d’augmenter les crédits ; la stratégie est essentielle. Le rapport initial de 2009 avait bien défini les priorités, à travers une réflexion non partisane qui a permis de définir des axes prioritaires d’investissement pour l’État, qu’on s’est ensuite organisé pour financer. La question est donc de savoir comment affecter des crédits à des axes prioritaires prédéfinis et comment vérifier que les crédits sont bien utilisés comme prévu, dans la durée. La Cour considère qu’on pourrait très bien le faire avec un programme budgétaire réellement interministériel placé auprès du Premier ministre, doté d’une vision globale de l’affectation et de la consommation des crédits. En effet, la particularité du PIA réside dans cette gestion interministérielle qui a permis, par exemple, de redéployer facilement des crédits de l’environnement vers la défense ou le transport – une opération qui aurait été plus difficile avec les procédures habituelles.

Mme Eva Sas, rapporteure. Mais comment garantir alors le caractère pluriannuel de ces investissements ? Un budget est par définition annuel, alors que le PIA permet de gérer la montée en charge des programmes dans le temps.

Mme Michèle Pappalardo. Il s’agit d’un problème de volonté politique. Rien n’empêche un Gouvernement de consacrer un montant défini à un programme sur les cinq années à venir, par exemple.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteur. Pour aller dans le sens de M. de Courson, pourquoi ne pas utiliser les instruments existants, tels que les contrats de projets ? On pourrait les flécher systématiquement en abondant des lignes particulières correspondant à des investissements privilégiés, diagnostiqués comme les plus urgents. On irait tout aussi vite ; les collectivités et les partenaires seraient déjà autour de la table, et l’outil autoriserait une gestion pluriannuelle.

M. Charles de Courson. Le PIA ne montre-t-il pas l’incapacité des gouvernements successifs à réformer les ministères ? Les autorisations d’engagement sont précisément pluriannuelles, les crédits de paiements peuvent être reportés et les mouvements entre ministères sont prévus dans la loi organique. Mais comme toujours en France, au lieu de se poser des questions de fond sur la restructuration des administrations – comment les faire travailler ensemble, comment créer un système d’évaluation plus performant –, on crée un dispositif supplémentaire en créant un CGI auprès du prince…

Mme Eva Sas, rapporteure. Je ne suis pas d’accord. La gouvernance du PIA dans la durée, au-delà des mandats politiques est garantie par le comité de surveillance, présidé de façon transpartisane par Michel Rocard et Alain Juppé. Ce caractère pluriannuel et transpartisan est beaucoup plus simple à manier dans le cadre du PIA qu’au sein du budget de l’État. Ce n’est pas que les administrations ne fonctionnent pas ; c’est qu’elles sont centrées sur le fonctionnement annuel et non sur l’investissement pluriannuel. D’où l’intérêt de cette structure spécifique qui garantit la continuité des programmes dans le temps.

M. Charles de Courson. Nous disposons de tous les outils nécessaires pour arriver au même résultat sans passer par ces usines à gaz qui suscitent nombre de polémiques. Pensez à ces incroyables subventions dites non consomptibles, une espèce de monstre intellectuel où l’État garde les sommes dont il ne permet d’utiliser que les intérêts ! Ces constructions n’existent que parce qu’on n’arrive pas à faire fonctionner les ministères.

Mme Eva Sas, rapporteure. Je ne partage pas cette vision.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Avez-vous une idée des pertes en ligne ?

Mme Michèle Pappalardo. Elles sont faibles. Les frais de fonctionnement du PIA ne sont pas élevés car on a utilisé des structures existantes, notamment les opérateurs de l’État ; quant au CGI, c’est une petite structure. Il y a eu des pertes de temps au début, à cause des délais imposés par les discussions entre l’État et les opérateurs pour bien caler les conventions qui ont permis le fonctionnement ultérieur du programme. Mais nous avons repéré plusieurs cas d’investissements où l’on ne passe par l’opérateur que parce que la procédure est prévue dans le PIA – une perte de temps et une complexité regrettable.

Pour le reste, il est vrai que le dispositif ne conforte pas les ministères dans leur volonté de changement et que – et c’est écrit dans le rapport de la Cour – on les a contournés parce qu’on considère qu’ils ont tendance à financer du fonctionnement plutôt que l’investissement et à répondre à des besoins de court plutôt que de moyen ou de long terme. Mais la Cour préférerait que l’on revoie le mode de fonctionnement des ministères plutôt que de trouver des systèmes qui les contournent.

Le vrai point fort du PIA est d’offrir une vision et une gestion interministérielles. Mais cela aussi, on pourrait le réaliser sans passer par un dispositif aussi compliqué. Il s’agit d’un problème d’organisation et de volonté politique – tous partis confondus. Rien n’empêche – c’est même prévu dans les textes – de faire en sorte que le CGI ait une vision globale des investissements de l’État, de manière à ce que le Gouvernement sache où et pourquoi il investit. Aujourd’hui, ce n’est le cas que pour le PIA, et c’est une aberration. On devrait toujours savoir combien l’État affecte globalement aux investissements et en particulier aux hôpitaux, aux routes, aux trains, etc., pour que les gouvernements puissent mieux définir leurs priorités et les faire respecter ; or on n’arrive pas à avoir cette information. Comme on ne parvient pas à centraliser l’information et la décision au niveau interministériel, on le fait à travers le PIA, la part des crédits de ce programme devenant de plus en plus importante par rapport au reste des investissements de l’État. Dans la conclusion de notre rapport, nous proposons donc, plutôt que de continuer à utiliser des procédures « exceptionnelles », de créer un programme interministériel d’investissements à moyen et long terme. Ce type d’investissements de l’État a existé bien avant le PIA ; on peut y revenir à condition de bien s’organiser, de définir une stratégie et d’en rendre compte régulièrement au Parlement. L’existence du comité de surveillance pourrait tout à fait perdurer pour suivre le déroulement de ce programme. En tout état de cause, pour mener à bien un programme défini d’investissements de moyen-long terme, il n’est pas obligatoire de passer par le fonctionnement « extraordinaire » du PIA. Cela n’empêche pas le rapport de la Cour de souligner les éléments positifs de certaines de ses procédures, qui mériteraient tout à fait être généralisées.

Mme Eva Sas, rapporteure. Si l’on revient sur ce dispositif, ne court-on pas le risque de revenir à un fonctionnement ministériel, non partagé et annuel ? Réformer les ministères peut rester un vœu pieux ; en cas d’échec, on perdrait le bénéfice du PIA sans rien obtenir en retour. Faut-il donc se résoudre à revenir au Commissariat général au plan ?

Mme Michèle Pappalardo. Mais le fonctionnement du PIA est-il si différent ? Ce programme permet justement de « planifier », de manière publique et transparente, la façon dont l’État va dépenser une partie de ses crédits, ce qui permet aux autres acteurs de s’organiser pour répondre à ces priorités. On peut appeler ce système comme on veut, mais il s’agit d’une stratégie conçue après une large concertation et mise en œuvre dans le cadre d’un système de suivi et d’évaluation publique ; cela ressemble beaucoup à ce que permettait de faire le commissariat au plan, pour les crédits de l’État uniquement. Au demeurant, la Cour a du mal à accepter l’idée que l’on abandonne toute volonté de réforme au prétexte que celle-ci serait impossible ; s’y résoudre, c’est renoncer à avancer.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteur. Pour aller au bout de la logique, ne faut-il pas associer le privé à la fois à la décision et aux sommes mises en compte ?

Mme Michèle Pappalardo. Le rapport d’origine était le fruit d’une commission composée de personnalités issues tant du public que du privé, qui avaient entendu des entreprises, des collectivités et des représentants de l’État. Leurs conclusions ont fait consensus tant au sein des partis politiques que dans la société. On en revient donc toujours à la nécessité de définir une stratégie nationale.

Mme Eva Sas, rapporteure. Madame, nous vous remercions pour ces précisions.

Audition du 3 février 2016

MM. Thierry Francq, commissaire général adjoint, Ivan Faucheux, directeur du programme Énergie, économie circulaire, et Jean-Luc Moullet, directeur du programme Compétitivité, filières industrielles et transports, au Commissariat général à l’investissement (CGI).

Mme Eva Sas, rapporteure. La présente mission d’évaluation a été décidée par la commission des finances en raison des redéploiements assez importants effectués à partir des programmes d’investissements d’avenir (PIA) finançant la transition écologique, au profit notamment de la défense ou des nanotechnologies. Elle a donc pour objet d’identifier les raisons de l’apparente sous-consommation des crédits, et de déterminer comment ce programme pourrait être optimisé afin de répondre aux besoins du secteur.

Nous aimerions que vous nous dressiez un panorama général de la manière dont vous suivez les investissements d’avenir en matière de transition écologique, et que vous nous expliquiez quelle est, derrière les chiffres, la mécanique à l’œuvre dans l’organisation et le suivi des appels à projet.

M. Thierry Francq, commissaire général adjoint au Commissariat général à l’investissement (CGI). Le suivi des investissements d’avenir dans le domaine de la transition énergétique, de la transition écologique ou du développement durable s’organise en cercles concentriques. Au centre, se trouvent les programmes totalement dédiés à la transition énergétique et à la transition écologique. Leur suivi se fait dans le cadre normal des investissements d’avenir. Une deuxième catégorie de programmes ne concerne qu’en partie la transition énergétique. C’est typiquement le cas du programme Véhicule du futur, qui comprend aussi bien des projets visant à réduire le poids des véhicules pour consommer moins de carburant et diminuer les émissions polluantes qu’à développer des véhicules autonomes. Les programmes d’urbanisme, tels que Ville de demain ou Ville durable et solidaire, appartiennent au troisième type de programmes en ce qu’ils servent le développement durable. Les économies d’énergie en sont un élément prévalent, mais l’organisation de la mobilité ou le développement de l’agriculture urbaine y figurent également en bonne place. Je ne sais pas si l’agriculture urbaine contribue à la transition énergétique, mais elle est, en tout cas, considérée comme faisant partie du concept global de développement durable.

D’autres éléments ne sont pas suivis sous le prisme du développement durable. Ainsi, au sein des crédits massifs consacrés à la recherche académique, nous n’avons pas déterminé ce qui relevait du développement durable. Je ne sais pas, du reste, si l’exercice est possible. Lorsque la recherche se situe très en amont, on ne sait pas toujours quelles en seront les applications concrètes mais on se doute qu’une partie de cette recherche va servir au développement durable. Au-delà même du programme d’investissements d’avenir, identifier ces éventuels débouchés pourrait s’avérer intéressant, ne serait-ce que pour le ministère de la recherche.

Certains projets dans le domaine numérique ou des nanotechnologies ont, a priori, un objet sans rapport. Mais prenons l’exemple de l’institut de recherche technologique Nanoelec qui cherche à développer les liaisons photoniques par l’intégration de puces en trois dimensions. Son premier objectif est d’appliquer la loi de Moore en vertu de laquelle les puces sont de plus en plus petites et de plus en plus puissantes. Passer de la puce électronique à la puce photonique permettrait, à puissance égale, de réduire très fortement la consommation des calculateurs. Sachant qu’aujourd’hui la consommation d’énergie liée à ces calculateurs et aux centres de stockage informatiques est devenue un enjeu économique, si cette recherche aboutit, elle aura un effet très positif sur la consommation d’énergie et les émissions polluantes. On peut donc trouver des effets induits sur la consommation d’énergie dans beaucoup d’actions qui ne sont pas centrées sur la transition énergétique.

Enfin, dans le cadre du PIA 2, il a été décidé d’appliquer une éco-conditionnalité à des actions qui n’avaient pas pour objet la transition écologique en tant que telle. Si les programmes de la recherche et l’enseignement supérieur et ceux concernant la défense ne s’y prêtent pas, des critères ont été mis en place dans le domaine des actions industrielles, avec l’aide du Conseil général du développement durable (CGDD) qui participe à la gouvernance de ces actions. Les dossiers n’en sont encore qu’au stade de l’instruction, et nous ne pourrons juger de l’impact réel de ces critères d’éco-conditionnalité que lorsque nous aurons obtenus des résultats concrets.

En réalité, dans beaucoup de dossiers, ces critères d’éco-conditionnalité s’imposent naturellement du seul point de vue économique. Ainsi, le programme Usine du futur a pour objet de moderniser l’outil de production industriel afin de gagner en compétitivité, or la consommation moindre d’énergie est un élément de compétitivité. L’éco-conditionnalité n’est donc pas forcément une contrainte pour ces projets. L’esprit est plutôt de mesurer les effets induits sur la consommation d’énergie des aides de l’État dans des domaines qui n’ont pas pour objet premier la transition écologique.

Ces critères d’éco-conditionnalité vont nous fournir une matière concrète que nous pourrons mesurer, mais il est vrai que nous n’avons pas essayé de faire un suivi de tous les projets ou de toutes les actions ou parties d’actions qui peuvent y contribuer. Notre dispositif est déjà souvent critiqué pour sa complexité, nous ne voulons pas en rajouter. Mais dans le cadre des évaluations in fine de l’impact des investissements d’avenir, ces études pourraient être utiles : par exemple, caractériser la part de la recherche amont qui contribue au développement durable pourrait être une étude à lancer dans le cadre du PIA.

Mme Eva Sas, rapporteure. La Cour des comptes fait clairement apparaître un redéploiement des crédits supérieur à 30 % sur certains programmes dédiés à la transition écologique – je pense notamment aux démonstrateurs Énergies renouvelables, aux programmes Tri et valorisation des déchets ou Ville de demain. Elle explique que cela peut être dû à un manque de projets ou à une montée en charge assez lente de ces programmes, sans doute attribuable au fait que sont concernés des secteurs peu habitués à répondre à des appels à projet, au niveau élevé des investissements nécessaires et au fait que la recherche développement y soit peu développée.

Quelle est votre appréciation sur ces programmes précis ? Pourquoi les crédits sont-ils sous-consommés ?

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. De manière plus générale, comment se fait-il qu’il y ait eu des substitutions, notamment au bénéfice de programmes qui, en principe, ne sont absolument pas éligibles aux PIA, tels que des éléments d’infrastructures de transports en commun assez lourdes ? N’est-ce pas là une forme de dérive qui ne devrait pas être possible, quand bien même la transition énergétique et le développement durable sont difficiles à qualifier et les différents acteurs montrent peu d’aptitudes à travailler en commun et à fournir des projets visibles et évaluables ?

M. Thierry Francq. Le PIA est centré sur le développement d’une offre innovante. Dans le secteur énergétique, par exemple, il s’agirait de dispositifs économes en dioxyde de carbone et offrant un prix du kilowattheure raisonnable. Ce que nous finançons, le cœur de cible du PIA dans ce domaine, est donc de la recherche et développement (R&D). Il résulte de l’action du PIA un doublement des crédits d’aide à la recherche et au développement dans ce domaine.

Il faut ensuite que l’industrie suive, car nous ne finançons jamais 100 %. Par exemple, dans les instituts de la transition énergétique, le principe est un euro privé pour un euro public.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Avec un effet de levier.

M. Thierry Francq. Nous parlons de projets en phase de recherche. Dans cette phase, je pense que nous aurions encore moins de projets si nous cherchions à améliorer l’effet de levier. Évidemment, plus le projet se rapproche de l’application concrète, plus l’effet de levier est important.

Il faut croiser les critères d’intérêt écologique avec la capacité de l’industrie française. Ce sont souvent des investissements assez lourds, dans des secteurs qui n’ont pas une très grande appétence pour le risque et la recherche et développement. Le PIA doit donc pousser les industriels pour qu’ils augmentent leurs efforts, et il est vrai que cela ne se fait que progressivement.

Mme Eva Sas, rapporteure. De quels secteurs industriels parlez-vous ?

M. Thierry Francq. Pour certains éléments de la chaîne, on sait que ce n’est pas la peine de financer de la R&D parce que la production n’aura pas lieu chez nous. Nous préparons une action en commençant par élaborer une feuille de route technologique, puis en réfléchissant à une stratégie d’opportunité par rapport aux capacités des filières françaises. Ainsi, dans le domaine du photovoltaïque, nous avons conclu qu’il ne fallait pas investir dans la production de cellules photovoltaïques, car celle-ci ne se ferait pas en France. En revanche, nous investissons dans l’amont et l’aval de la production, par exemple dans des traqueurs solaires qui permettent d’orienter les plaques photovoltaïques. Notre analyse est qu’il est intéressant d’investir dans la R&D, car elle peut se traduire, au bout du compte, par une production. On ne couvre donc pas forcément tout le terrain possible des technologies liées à la transition énergétique.

M. Ivan Faucheux, directeur de programme Énergie, économie circulaire au Commissariat général à l’investissement. Je risquerai de vous lasser si j’énumérais la totalité des secteurs industriels concernés. Parmi les principaux secteurs d’activité sur lesquels le PIA a massivement investi, on trouve celui des énergies marines renouvelables. Il s’agit d’un secteur en émergence où des places industrielles sont encore à prendre et pour lequel il existe un potentiel français de construction maritime. Et bien que nos conditions de vent soient moins favorables que celles de nos voisins du Nord, il existe un marché domestique de lancement, bien qu’il s’agisse avant tout d’une filière à l’export.

Le photovoltaïque solaire est le deuxième secteur dans lequel des investissements importants ont été réalisés, principalement sur l’amont, où exercent les équipementiers, et sur l’aval où se situent les activités qui concourent à la réalisation : systèmes électriques, systèmes de suivi solaire, et autres.

Un troisième secteur est celui de la chimie verte, dont la problématique est très spécifique. Dans un objectif de massification de la décarbonation de l’énergie et de l’économie, le produit final pour lequel la chimie verte est intéressante est évidemment celui des biocarburants. Mais aucun des objets que nous finançons n’est capable d’atteindre un équilibre économique avec des biocarburants ; cela reste un objectif à une quinzaine ou une vingtaine d’années. En attendant, on parle de chimie verte, car les premiers marchés d’application sont ceux de la chimie de spécialité, voire de la chimie des synthons – les molécules standards de la chimie – que nous essayons de biosourcer de façon à les rendre aussi indépendants que possible des variations de prix des matières pétrolières. À cet égard, il est intéressant de voir que les industriels sont plus intéressés par des produits de couverture de la volatilité du prix des matières premières – qu’elles soient d’origine pétrolière ou parapétrolière – que par des paris sur un prix du baril à 60, 80 ou 105 dollars. Les industriels parient sur la volatilité forte du prix des matières minières plus que sur un cours pivot.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Comment pouvez-vous financer la recherche sur des produits biosourcés compte tenu des évolutions du prix des matières premières ?

L’objectif de la transition énergétique, s’agissant des véhicules, pourrait déjà être de travailler, avec les constructeurs et la plateforme, à un appel à projets visant à produire un véhicule conforme aux exigences de la norme Euro 6 en conditions normales d’utilisation. À voir les difficultés qu’il y a à réunir les constructeurs autour d’une table et à les faire travailler sur les vrais sujets, dont font partie les carburants sans énergie fossile, je crains que la tendance à se reposer sur des pôles ou d’autres acteurs ne finisse par diluer le processus et le ralentir. C’est l’impression que je retire des occasions que j’ai eues de travailler avec les pôles et de l’audition de M. Schweitzer qui, dans le cadre de la mission d’information sur la filière automobile, avait été assez critique sur la capacité à agréger l’ensemble. Les choses ne fonctionnent pas très bien, il faut parfois le dire clairement.

M. Thierry Francq. M. Faucheux faisait référence aux incitations des industriels. C’est, en fait, un élément positif : si les industriels se fondaient sur le prix actuel du baril, ce ne serait pas très porteur pour la transition énergétique. Retenons plutôt que la variabilité et l’incertitude sur l’évolution des prix sont une incitation à investir dans des produits biosourcés.

M. Jean-Luc Moullet, directeur du programme Compétitivité, filières industrielles et transports. Dans le secteur automobile, la consommation des enveloppes, en particulier de celle du programme Véhicule du futur, est effectivement relativement faible. Une explication optimiste pourrait être que la somme allouée en premier lieu était excessive au regard des besoins de la profession. Une autre est que nous avons affaire à une profession qui apprend progressivement à travailler ensemble, et qui le fait, du reste, de mieux en mieux, notamment au sein de la plateforme pour la filière automobile. Elle reste néanmoins confrontée à un certain nombre de difficultés, ce qui explique le peu de projets soutenus et la faible consommation des crédits.

Dans un premier temps, nous avons défini une stratégie consistant à centrer les appels à projets sur des thématiques précises : la chaîne de traction électrique, l’allégement des véhicules ou des expérimentations de mobilité. Puis nous nous sommes rendu compte que cette segmentation trop fine gênait l’approche industrielle ; les industriels pensaient que les appels étaient trop étroits et ne correspondaient pas vraiment à leurs projets. Nous avons alors pris la direction opposée, en faisant un appel à projets très général et en simplifiant le discours : nous serions contents d’étudier tout projet dans le secteur automobile. C’est ainsi que des projets extrêmement intéressants ont émergé, venant des constructeurs et des équipementiers. Une action spécifique a également été engagée pour permettre aux PME d’élaborer une offre audible par les équipementiers de premier et deuxième rangs.

En ce qui concerne les constructeurs, rappelons que le groupe PSA a été interdit d’aides publiques de 2013 à la fin de l’année 2015. L’un des deux grands constructeurs français n’a donc pas pu participer à nos appels à projets, ce qui a évidemment eu un impact. D’autant qu’avant l’interdiction, PSA s’était montré assez dynamique en présentant des projets ambitieux.

Sans doute peut-on nous reprocher cette première tendance à nous focaliser sur l’automobile au sein du projet Véhicule du futur. Aujourd’hui, nous avons élargi le spectre aux projets qui s’intéressent à l’automobile en tant qu’objet connecté à son environnement ainsi qu’à ceux qui portent sur la route du futur. Il s’agit, non pas de financer des infrastructures, mais des projets de R&D qui concernent l’infrastructure routière – nouveaux types d’enrobés, insertion de capteurs, route solaire –, de manière à placer l’objet automobile dans son environnement et à travailler sur l’ensemble du système qui l’entoure.

Ces appels à projets viennent d’être ouverts, je ne puis donc vous dire si nous recevrons beaucoup de réponses. Ils semblent répondre à un certain appétit de la part des industriels actifs dans le domaine de la route du futur. Dans le domaine du véhicule et son environnement, nous obtenons une bonne réponse de la part de start-up venant du monde du numérique, qui développent des capteurs et des solutions numériques à greffer sur le véhicule ou sur son environnement immédiat.

Mme Eva Sas, rapporteure. La recherche sur le transport collectif n’est pas concernée ?

M. Jean-Luc Moullet. Si. Par véhicule, nous entendons véhicule routier, ferroviaire ou naval, et la catégorie des véhicules routiers comprend les véhicules de transport et les bus. Il y a des projets intéressants sur les bus hybrides, sur des engins de chantier ou d’autres types de véhicules routiers.

En matière ferroviaire, nous avons un très gros projet en cours avec Alstom Transport dans le domaine de la recherche sur les trains à grande vitesse du futur. Mais ce projet très important cache la quasi-absence d’autres projets pertinents. La filière transport a été assez peu encline à nous présenter des projets puisque nous n’en avons financé que cinq. C’est un problème inhérent à cette filière, qui éprouve des difficultés à travailler de manière collaborative, comme ont appris à le faire les acteurs de la filière automobile ou de la filière navale.

Mme Eva Sas, rapporteure. Comment l’expliquer ?

M. Thierry Francq. Cela semble être un sujet mondial. Dans le domaine ferroviaire, nous avons créé un institut de recherche technologique qui est tout de suite devenu l’acteur majeur de la R&D en Europe. C’est bien que le domaine est désertique. Pour l’anecdote, le ballast a été conçu au temps où les trains étaient tirés par des chevaux. Depuis lors, personne ne s’y est intéressé. La taille des cailloux est normée pour convenir idéalement aux chevaux, et nous faisons toujours le même ballast. Nous espérons que l’institut de recherche technologique en question prendra de l’ampleur et remédiera à la faiblesse de la recherche et développement dans ce secteur. Je crois savoir que la SNCF est également soucieuse d’augmenter l’effort de recherche.

Comme vous le voyez, notre stratégie est évolutive : nous essayons de nous adapter à ce qui marche bien et de suivre les évolutions du monde. Dans un certain nombre de domaines très structurés, avec de grands ensembliers, des équipementiers de premier rang, des sous-traitants, nous avons essayé d’aider des start-up et des PME à renouveler l’offre et apporter des innovations dans des systèmes qui peuvent paraître un peu sclérosés. Nous avons été heureusement surpris de constater de leur part une appétence pour l’innovation, y compris dans des secteurs difficiles à aborder pour une PME. C’est là une action qui nous paraît utile et que nous avons envie de poursuivre.

S’agissant des dérives pointées par la Cour des comptes, elles tiennent à deux aspects. Tout d’abord, le développement durable comporte des enjeux en matière d’innovation, mais aussi de déploiement des solutions existantes. L’objet du PIA est de traiter les premiers, pas les seconds. Or il y a une forte demande en ce sens, d’une part, parce que les crédits ne sont pas tous utilisés et d’autre part, parce qu’il n’est pas toujours aisé de distinguer le moment où une infrastructure innovante, que le PIA peut financer parce que le risque est encore élevé, cesse d’être une innovation. Ainsi, le PIA peut financer la première ferme hydrolienne, car c’est une chose de faire fonctionner les hydroliennes dans un bassin, c’en est une autre de vérifier que le projet fonctionne comme prévu sur l’ensemble de la durée de vie de la machine. À l’inverse, vous avez cité le cas des transports en commun en site propre qui avaient été prévus dans le PIA 1. S’il y avait peut-être un peu d’innovation au début, les choses sont maintenant bien connues dans ce domaine. Dans ce cas, en effet, on peut parler de substitution budgétaire. De même, le PIA a servi à financer des bornes de recharge électriques, certes pour des montants peu importants.

Mme Eva Sas, rapporteure. Les bornes électriques peuvent être financées par le PIA 2 ?

M. Thierry Francq. C’était dans le PIA 1, mais, à vrai dire, nous ne faisons pas toujours la distinction entre PIA 1 et PIA 2. Il y a des enveloppes dans la continuité que nous avons fusionnées.

Il y a du sens à ce que le PIA finance des développements pour améliorer la vitesse de rechargement des bornes, mais dans le cas que j’évoque nous subventionnons les collectivités locales pour mettre en place ces bornes, sachant que nous avons des obligations en termes de déploiement imposées par l’Union européenne.

Donc, en effet, une part des crédits ne va pas vers le cœur de cible du PIA, même s’ils contribuent.

Mme Eva Sas, rapporteure. Ce n’est pas à l’initiative du CGI ?

M. Thierry Francq. Non. Sans doute n’y avait-il pas, à un certain moment, assez d’outils pour financer ce type de déploiement, mais je ne suis pas sûr que tous méritent d’être subventionnés. Il y a une question d’optimisation du financement de ce type d’infrastructure.

Le CGI a aussi la charge de coordonner le plan Juncker en France, et nous essayons d’utiliser ce plan pour favoriser des outils de financement. Par exemple, une loi a permis le tiers financement pour la rénovation énergétique des copropriétés privées. Nous avons utilisé le plan Juncker pour financer ces travaux qui s’avèrent rentables, surtout lorsqu’on a accès à des crédits peu onéreux et à très long terme.

Mme Eva Sas, rapporteur. Vous proposez donc d’utiliser le tiers financement ?

M. Thierry Francq. C’est un exemple, mais le plan Juncker a aussi apporté du capital à plusieurs fonds d’investissement spécialisés dans les méthaniseurs ou les fermes photovoltaïques. De plus en plus, les projets peuvent être financés sans recours aux subventions, ce qui est une victoire pour le développement durable, la preuve que ces investissements commencent à être économiquement viables. Ajoutons que la production d’énergie est déjà subventionnée par les tarifs, ce n’est donc peut-être pas la peine de multiplier les subventions.

M. Ivan Faucheux. Le développement durable est un secteur dans lequel des biens d’équipements sont amortis sur des durées de vingt à soixante ans. Ceci est une raison qui explique la difficulté d’y engager des crédits Les besoins de financement sont, en effet, à très long terme. Plus de la moitié des premiers projets financés en France par le plan Juncker touchent à des infrastructures de production ou de gestion d’électricité, d’énergie ou de développement durable. La caractéristique de ces financements n’est pas tant qu’ils offrent des taux d’intérêt faibles que celle de constituer des outils de très long terme. Intuitivement, on pourrait penser qu’il existait un stock de projets attendant des financements patients et aux conditions du marché en termes de rémunération des capitaux. Quand la brèche s’est ouverte, les projets de développement durable s’y sont engouffrés. Les autres projets dont les temps de retour étaient beaucoup plus courts, par exemple dans des secteurs tels que l’informatique où les cycles et les durées d’amortissement sont plutôt de l’ordre de trois à dix ans, ont trouvé que les crédits bancaires à maturité de sept ans étaient largement suffisants pour se financer.

Il y a clairement une atypicité du développement durable en termes de financement. Ce sont des objets qui s’amortissent sur de très longues durées avec des intensités capitalistiques très lourdes et des conséquences sur les finances des entreprises qui peuvent s’avérer également très lourdes si les choix ont été mal évalués ou malheureux. Pour donner un seul exemple, tous ceux qui ont investi dans des unités de production de gaz en Europe, tels Engie ou Eon, ont subi des pertes de 21 ou 22 milliards d’euros, en chiffres consolidés.

M. Éric Alauzet. Le rapport de François Villeroy de Galhau sur le financement de l’investissement des entreprises analysait les limites à l’investissement dans les énergies renouvelables ou la transition énergétique. Une de ces limites était la très forte intensité capitalistique à laquelle vous venez de faire référence, qui impose de trouver des outils financiers permettant de dépasser les premières années au cours desquelles il n’y a pas de retour sur investissement.

Une autre limite était l’instabilité réglementaire. Vous parliez du tarif de rachat de l’électricité ; il y a eu une valse-hésitation permanente de l’État sur ce sujet, ce qui n’est pas rassurant pour des investisseurs qui doivent s’engager sur vingt ans. Quelle est votre appréciation sur cette analyse ?

M. Thierry Francq. Elle me semble juste. On voit bien que, dans ce secteur, il n’y a pas de certitude absolue. Il existe une trentaine ou une cinquantaine de technologies sur le marché pour produire de l’énergie de manière plus propre qu’aujourd’hui, et, s’agissant de temps longs, la prise de risque n’a rien à voir avec ce qui existe dans le domaine du numérique où il n’y a pas beaucoup d’investissement au départ : si vous échouez, vous pourrez vous refaire deux ans plus tard. Dans le domaine en question, il en va différemment.

Pour aider l’investissement, le sujet n’est donc pas tant de subventionner que de partager le risque. Nous le faisons pour les premiers de série, en investissant des fonds propres dans la première affaire. Pour la suite, je crois que le plan Juncker est un très bon dispositif, puisqu’il vise précisément à réduire le risque pour les autres investisseurs, soit en injectant des fonds propres, soit en proposant des crédits subordonnés pour des sociétés de projet qui investissent dans des sites de production. C’est la bonne approche pour traiter de ce sujet.

Mme Eva Sas, rapporteure. Si je vais au bout de votre raisonnement, pour être opérationnel, le PIA doit être complété par des outils de financement permettant de partager le risque. Un industriel va engager de la recherche dans ce domaine s’il pense qu’il aura l’occasion de développer une infrastructure en partageant le risque avec des outils de financement appropriés ?

M. Thierry Francq. Les choses ne sont pas aussi tranchées. Il y a deux manières de traiter un investissement à risque. Soit l’on considère que le risque est insupportable, et un mécanisme de partage du risque avec la Banque européenne d’investissement (BEI) ou l’État français peut convaincre de franchir le pas. Soit l’on a plus d’exigence de rentabilité ab initio du projet, ce qui incite à subventionner plus fortement les tarifs ou à obtenir des subventions des collectivités locales pour ce genre de dispositif.

Il me semble que la puissance publique a intérêt à privilégier le mécanisme du partage de risque, qui permet de mutualiser – ça peut ne pas coûter très cher au bout du compte – plutôt que de verser des subventions.

Mme Eva Sas, rapporteure. Ce que vous dites vaut pour les infrastructures, pas pour la recherche. Cela n’explique pas pourquoi les projets de recherche ne sont pas développés.

M. Thierry Francq. C’est une chaîne : une entreprise va faire de la recherche si elle considère qu’à la fin, elle pourra couvrir les océans de fermes hydroliennes. Sinon, elle ne se lancera pas.

M. Éric Alauzet. Le rapport de M. Villeroy de Galhau proposait aussi de créer une classe d’actifs dédiés aux infrastructures vertes et d’adapter des facteurs prudentiels à ce type d’investissements.

Il constatait également que nous ne savions malheureusement pas intégrer les externalités sur ce type d’investissement. Les deux façons d’intégrer ces externalités sont de subventionner ou de renchérir les autres projets, et c’est toute l’idée de la taxe carbone : les projets qui en sont exemptés voient s’améliorer leur rentabilité relative.

M. Thierry Francq. Sur la question de la régulation bancaire, le CGI n’est pas compétent et je ne peux pas vous répondre.

Les mécanismes de partage du risque offrent une solution. Nous ne les développons pas seulement dans le domaine du développement durable, mais aussi dans des secteurs comme la santé dans lesquels, pour passer de la recherche à la première industrialisation, les montants à investir peuvent être considérables. Et au stade de la première industrialisation, il y a encore énormément de risques : si vous ne trouvez pas le bon prix de revient pour le nouveau produit, l’investissement sera perdu.

Au sein du PIA, nous utilisons les avances remboursables, qui sont un mélange de subvention et de partage de risque, et nous cherchons de plus en plus à utiliser les fonds propres en créant des joint-ventures avec des industriels, afin de ne pas partager que le risque, mais aussi le rendement. C’est équilibré et cela permet de réaliser un investissement avisé. Certains projets ne vont pas prospérer, d’autres marcheront bien, mais, en moyenne, ils ne pèseront pas sur les finances publiques au sens maastrichtien du terme.

M. Ivan Faucheux. Vous demandiez si les industriels accepteraient de se lancer dans le développement des infrastructures sans un outil de partage de risque. C’est un débat récurrent au sein de la Commission européenne, qui avait lancé la Risk Sharing Finance Facility, censée partager le risque sur de grandes infrastructures. Elle a relancé un nouvel exercice sur le partage de risque pour le financement d’infrastructures d’énergie. Lorsque l’on en dresse le bilan, cet outil a surtout financé des infrastructures non risquées ; il n’était donc pas forcément adapté. Fondamentalement, cela interroge sur la capacité des équipes de gestion qui vont gérer ces outils à apprécier des risques qui sortent clairement du champ classique du financement bancaire.

Du point de vue de la gouvernance plutôt que de la finance, il est absolument nécessaire que ces outils soient mis en œuvre en poussant le risque un peu plus loin, tout en restant évidemment dans les limites du raisonnable.

M. Thierry Francq. La Banque européenne d’investissement, qui gère le plan Juncker, présente une particularité intéressante à cet égard, puisque les dossiers sont d’abord étudiés par des ingénieurs avant d’être soumis à des financiers. C’est un point positif.

Mme Eva Sas, rapporteure. La Cour des comptes nous a dit que si peu de projets étaient soumis, c’était peut-être dû à la maille retenue, le PIA étant plutôt destiné aux projets de grande taille. La complexité de la contractualisation pourrait également effrayer certains industriels.

M. Thierry Francq. Nous essayons d’utiliser les PME et les start-up pour aiguillonner le système dans certains secteurs. Dans le domaine des démonstrateurs de l’énergie, nous espérons augmenter la consommation de crédits : les industriels sont en train de s’approprier peu à peu le PIA et ces outils, et nous sommes en train de passer à la phase démonstrateurs à grande échelle, ce qui coûte cher. La consommation de crédits devrait donc s’accélérer un peu.

En ce qui concerne la maille des projets, il est vrai que nous cherchons des projets structurants. Les hydroliennes sont nécessairement de gros projets. Mais nous nous sommes adaptés de plusieurs façons. Dans le domaine de l’économie circulaire, par exemple, nous utilisons, comme dans d’autres secteurs, les avances remboursables. Au début, la consommation était très faible ; nous en avons conclu que, s’agissant d’un secteur à faible rentabilité intrinsèque, il fallait réduire nos exigences de remboursement. Et nous en voyons les effets. Nous nous sommes également adaptés à la taille des projets. En matière de biodiversité, qui en est à ses balbutiements en termes économiques, si l’on avait décidé de fixer un minimum de 2 millions d’euros aux projets, rien ne se serait fait. Nous nous sommes donc résolus à financer des projets à hauteur de 400 000 euros.

En règle générale et dans la mesure du possible, nous souhaitons que nos projets aient des effets de structuration. Il est clair que ce n’est pas possible à obtenir en visant trop petit mais nous savons quand même adapter la maille en fonction des secteurs et des objets.

Enfin, la Cour des comptes a dit une chose et son contraire, ce qui n’est pas si surprenant dans une matière où tout est question d’équilibre. Elle nous disait que le dispositif devait être plus simple ; pour passer moins de temps, lors de la phase de contractualisation, à discuter des clauses de remboursement de l’avance remboursable, et pour faire plus simple, nous l’avons standardisé. Mais la Cour des comptes nous dit aussi de ne pas trop standardiser pour garder de la souplesse. Les deux conseils sont justes, et nous espérons avoir trouvé le bon équilibre.

M. Jean-Luc Moullet. Pour illustrer ce propos, dans le secteur automobile, nous avons fait revoir les clauses contractuelles par les avocats des entreprises participant à la plateforme de la filière automobile. Au terme d’un travail d’échanges, les termes génériques des contrats ont été stabilisés ; les entreprises les connaissent avant d’entrer dans le processus. Les demandes de l’industrie sur ces termes contractuels ont donc été prises en compte.

Je voulais également souligner la complémentarité du PIA avec d’autres dispositifs. De manière générale, les domaines d’application des autres dispositifs, tels que fonds unique interministériel (FUI) ou les différentes aides régionales, amènent des concours de montants plus faibles que le PIA. Nous avons donc le souci de positionner le PIA en complémentarité avec l’existant.

M. Thierry Francq. Ce travail de standardisation des aspects juridiques et du mécanisme financier des avances remboursables n’est pas étranger au fait que nous avons divisé par trois ou quatre, selon les actions, les délais des projets soutenus par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

Mme Eva Sas, rapporteure. Quel est le processus de décision qui a conduit aux redéploiements effectués au profit de la défense ? La nécessité de dégager des financements rapides au profit de cette dernière a-t-elle pris le pas sur la temporalité plus longue du développement durable ?

La sous-consommation de crédits n’est pas seule en cause, puisque les redéploiements ont eu lieu alors même que des programmes étaient à peine engagés ; certains ne l’étant même pas du tout. Il y a donc clairement eu un choix entre plusieurs priorités budgétaires.

M. Thierry Francq. Vu du CGI, les choses sont très simples : c’est une décision du Gouvernement. Et il est tout à fait clair qu’il y avait une urgence budgétaire puisque ces crédits ont été très vite consommés. Nous n’avons d’ailleurs pas caché à la Cour des comptes que nous considérions que cela faisait partie des actions qui relevaient plutôt de la substitution budgétaire.

Nous avons, par ailleurs, du mal à faire comprendre aux nombreuses personnes qui viennent nous voir avec des idées que ce n’est pas parce qu’un projet est très intéressant qu’il doit être financé par le PIA, que le PIA ne fait pas tout.

Mme Eva Sas, rapporteure. La Cour des comptes préconise la création d’une instance d’évaluation. Quel est votre avis sur cette question ?

M. Thierry Francq. Les conventions entre le Gouvernement et les opérateurs, qui sont le support premier des programmes du PIA, prévoient les crédits nécessaires pour évaluer in fine, par une évaluation indépendante effectuée par des experts externes. Le dispositif est donc déjà écrit dans les principes.

Le CGI a suggéré de faire un bilan à mi-parcours, ce qui n’était pas prévu. La quasi-totalité des projets n’étant pas terminés, il ne s’agira pas d’une vraie évaluation, mais il nous semblait difficile d’attendre dix ans avant de pouvoir dire quoi que ce soit. Cela nous a semblé d’autant plus nécessaire que l’on évoque la perspective d’un PIA 3. Nous avons donc demandé à France Stratégie d’organiser ce bilan de façon indépendante, et ils ont désigné un comité d’experts.

La Cour des comptes indique qu’il faudrait que ce bilan se fasse dans une enceinte interministérielle. À mon sens, on ne peut pas demander une évaluation indépendante aux ministères alors qu’ils participent au processus. Nous n’avons donc pas bien compris cette suggestion. Cela ne signifie pas que les ministères ne contribuent pas, comme nous, à organiser cette évaluation. Ainsi, le Commissariat général au développement durable a été très actif pour définir les critères et les éléments de mesure de l’éco-conditionnalité. Et, dans le cadre de la préparation des évaluations finales, nous avons déjà travaillé sur les méthodologies d’évaluation dans un certain nombre de domaines. Tout cela se discute en comité de pilotage, avec les ministères concernés, afin de définir la méthodologie que devront observer les experts indépendants le moment venu.

Les ministères participent donc à l’organisation de l’évaluation, mais l’évaluation elle-même, si l’on souhaite qu’elle soit indépendante, ne doit pas être faite par des fonctionnaires.

Mme Eva Sas, rapporteure. Je vous remercie beaucoup de vos réponses.

Audition du 3 février 2016

M. François Moisan, directeur exécutif de la Stratégie, de la recherche et de l’International, directeur scientifique et Mme Fantine Lefevre, directrice des Investissements d'avenir, à l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).

Mme Eva Sas, rapporteure. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), principal opérateur du programme d’investissements d’avenir (PIA) pour la transition écologique, gère à ce titre 3,3 milliards d’euros. 2,13 milliards au titre du programme Démonstrateurs de la transition énergétique et écologique, et 1,15 milliard pour le programme Véhicule et transport du futur. Comment l’Agence s’est-elle organisée pour intervenir à une telle échelle, inédite pour elle ? Quelle stratégie a-t-elle adoptée ? Cette dernière a-t-elle connu des inflexions depuis 2010 ? Quels succès et échecs a-t-elle rencontrés dans la gestion, pour le compte du Commissariat général à l’investissement (CGI), des programmes d’investissements d’avenir ?

Nous avons lancé une mission d’évaluation et de contrôle pour comprendre non seulement les raisons de la sous-consommation chronique des crédits, mais aussi les modalités de gestion des PIA et la manière d’adapter ces programmes pour qu’ils correspondent au mieux aux besoins du secteur.

M. François Moisan, directeur exécutif de la stratégie, de la recherche et de l’international à l’ADEME. En 2010, l’ADEME a été désignée comme opérateur du PIA 1 pour quatre actions : l’économie circulaire, les énergies décarbonées, les réseaux électriques intelligents (aujourd’hui rassemblées dans le programme Démonstrateurs de la transition énergétique et écologique) et les Véhicules du futur. Ayant déjà une activité de recherche et développement (R&D), l’Agence disposait pour partie des compétences et de l’organisation nécessaires à l’expertise économique des projets concernés. En revanche, la mise en place de dispositifs impliquant des retours financiers vers l’État était une nouveauté, même si nous avions eu par le passé quelques expériences d’avances remboursables. Nous avons donc été conduits à créer en interne une direction spécifique aux investissements d’avenir, à la tête de laquelle Fantine Lefèvre se trouve actuellement, et à recruter des compétences financières pour gérer les négociations avec les entreprises.

La direction des investissements d’avenir comprend une petite trentaine de personnes qui pilotent le dispositif, assurent le dialogue avec le CGI, préparent les comités de pilotage et les groupes techniques, et sont chargés de la contractualisation avec les entreprises. Les autres directions opérationnelles de l’ADEME ont des compétences techniques : la direction exécutive des programmes comprend les services techniques dotés de compétences sectorielles – transport et mobilité, bâtiment ou valorisation des déchets. Ces experts étaient déjà présents à l’Agence et ont vu leur nombre accru avec la montée en charge du PIA. La nouveauté pour l’ADEME a donc consisté à acquérir des compétences en matière de plans d’affaires.

Le PIA a t-il eu un effet d’éviction sur les actions passées de l’ADEME ? En 2008, l’Agence a proposé d’intervenir sur des démonstrateurs par le biais d’un fonds pour réaliser des expérimentations industrielles à échelle significative. Ce Fonds démonstrateur de recherche, dont le budget initial s’est élevé à 350 millions d’euros, était principalement destiné à des industriels, en lien avec des laboratoires publics. Nous avons lancé des appels à manifestation d’intérêt dans différentes filières – captage et stockage du CO2, biocarburants de deuxième génération, véhicules et autres.

En 2010, après la mission Juppé-Rocard, l’Agence est devenue opérateur du programme d’investissements d’avenir. Comme nous n’avions dépensé que 179 millions d’euros du Fonds démonstrateur, le Gouvernement a décidé que les crédits du PIA viendraient en remplacement du solde de ce fonds. D’ailleurs, les conventions qui ont été signées dans le cadre du PIA 1 se situaient dans la ligne des expérimentations de ce fonds. Il y avait toutefois une différence importante entre les deux dispositifs : le fonds démonstrateur n’intervenait que par des subventions sans retour vers l’État, ce qui lui permettait de financer des projets de long terme dont les marchés n’étaient pas forcément visibles à court ou moyen terme ; le PIA, s’appuyant sur un dispositif de retour vers l’État dans pratiquement tous les projets, s’est trouvé orienté vers des projets de plus court terme puisqu’il fallait pouvoir identifier des marchés sur lesquels asseoir les avances remboursables. Cela étant, nous avons pu financer de nombreux projets grâce au PIA.

Actuellement, le montant des PIA 1 et 2 gérés par l’agence s’élève à 3,1 milliards d’euros. En effet, à la fin de l’année 2015, le CGI a notifié à l’ADEME un redéploiement des crédits du PIA 2 de 160 millions d’euros, sans l’informer de leur destination. En fait, différents redéploiements ont eu lieu depuis 2010.

Nous avons deux programmes en cours : Démonstrateurs pour la transition énergétique et écologique (DTEE) et Véhicule et transport du futur, qui sont financées par deux catégories de crédits : des subventions et avances remboursables, qui sont des aides d’État au sens européen du terme, et des interventions en capital. Depuis le début du PIA, la part des avances remboursables est plus importante que celle des subventions. Quant aux interventions en capital, elles sont de deux types : l’un est destiné aux PME et géré par un fonds Écotechnologie (Ecotech) placé à la banque publique d’investissement, BPIfrance, l’autre passe par des sociétés de projet gérées directement par l’ADEME.

Dans le cadre du programme DTEE, nous avons lancé des appels à projets sur des thématiques telles que l’efficacité énergétique dans le bâtiment et l’industrie, les filières d’énergies renouvelables, les vecteurs énergétiques, les réseaux électriques intelligents, ainsi que sur l’eau et la biodiversité, deux thématiques nouvelles dans le PIA 2 pour lesquelles l’ADEME n’avait pas de compétence technique. Le programme Véhicule et transport du futur couvre tous les modes de transport, à l’exception de l’aéronautique, aussi bien les véhicules routiers, hybrides et électriques, que les transports ferroviaires et navires du futur. Il comprend également des appels à projets qui ne sont pas principalement technologiques : dans le domaine de la mobilité et de la logistique, par exemple, ce sont plutôt des modes d’organisation innovants qui sont expérimentés.

Nous finançons des projets de maturité moyenne ou élevée, pour des montants relativement importants : leur coût médian est de 4,5 millions d’euros et leur coût moyen, de 14 millions d’euros ; 80 % des projets représentent 30 % des montants engagés. Ces projets concernent des démonstrateurs de recherche, des expérimentations dans la recherche industrielle et le développement expérimental, et des expérimentations préindustrielles, en termes d’offre, de marché et d’organisation.

Mme Eva Sas, rapporteure. Il nous a été, indiqué lors des auditions précédentes, que la maille des projets était peut-être trop importante pour que certains porteurs de projet puissent se porter candidats. Vos chiffres confirment le fait que vous financez des projets de grande taille ; ce choix vous paraît-il adapté au secteur ? Cela n’explique-t-il pas en partie le faible nombre de projets déposés ?

M. François Moisan. Les seuils qui figurent dans les appels à projets que nous publions, et qui sont décidés par le comité de pilotage et le CGI, sont en général compris entre 1 et 3 millions d’euros, la logique étant qu’il existe d’autres guichets susceptibles d’accompagner des projets de plus faible montant. La plupart des appels à projets prévoient la possibilité de déroger à ces seuils.

Quant au fait que certains projets n’aient pas été déposés, il peut aussi s’expliquer par les mécanismes d’aide, notamment l’avance remboursable, et la capacité des entreprises à répondre à nos critères de sélection, en particulier le caractère innovant du projet, qui constitue pour nous l’incitativité de l’aide que nous devons toujours être capables de justifier auprès de la Commission européenne.

Mme Fantine Lefèvre, directrice des investissements d’avenir à l’ADEME. La taille des projets suppose, il est vrai, des capacités financières adaptées, reflétant les niveaux d’investissement demandés dans les réponses aux appels à projets. Pour les entreprises qui n’ont pas osé se lancer, soit par crainte injustifiée, soit parce que le niveau des projets était trop élevé, nous avons ouvert en 2015 d’autres appels à projets dédiés aux PME, intitulés initiatives PME, prévoyant des seuils beaucoup plus bas. Nous accordons des subventions pures, à hauteur de 200 000 euros, pour des projets supérieurs à 200 000 ou 400 000 euros selon les secteurs. Il est certain que ces projets-là sont peu consommateurs de crédits au regard de notre enveloppe globale. Mais nous considérons cet outil spécifique comme une première marche permettant à des entreprises de développer des projets innovants pour ensuite s’orienter vers des appels à projets classiques pour des projets plus structurants et plus ambitieux, mettant en jeu des seuils d’investissement plus importants et d’autres partenaires. Nous avons ainsi essayé d’enrichir notre offre pour toucher davantage les PME.

M. François Moisan. Se posait, en fait, le double problème du nombre global de projets et de la part des PME dans les réponses aux appels à projets. Il est vrai qu’avec un seuil allant de 1 à 3 millions d’euros, le porteur du consortium est plutôt une grande entreprise associant d’autres entreprises, parmi lesquelles de nombreuses PME. C’est pourquoi, il y a un an, le CGI et le comité de pilotage nous ont demandé d’expérimenter ces initiatives PME, d’abord dans le domaine des véhicules et cela a très bien marché.

Mme Fantine Lefèvre. Sur deux sessions, nous avons eu une soixantaine de lauréats dans le seul domaine des transports.

M. François Moisan. C’est bien, en effet, que ces appels à projets de petits montants répondaient à un besoin. Il n’en reste pas moins que même soixante projets à 200 000 euros n’ont qu’un faible impact sur les crédits consommés. Néanmoins, les procédures ont été très intéressantes pour nous et nos prises de décision ont été plus rapides qu’habituellement.

Mme Fantine Lefèvre. Trois sessions d’initiative PME ont eu lieu l’année dernière : deux pour les transports, une pour la biodiversité. En 2016, cinq sessions sont ouvertes, qui se clôtureront entre le 15 février et la fin du mois de mars. Nous verrons si, sur les autres thématiques couvertes, l’intérêt des PME se confirme.

M. François Moisan. Depuis 2010, 299 projets ont été soutenus. Chaque projet réunissant plusieurs partenaires, cela représente 953 conventions et un fort effet d’entraînement. L’effet multiplicateur, soit le ratio entre les aides du PIA et le coût des projets, est d’environ 2,8. À ce jour, ont été engagés 1,132 milliard d’euros sous forme d’aides d’État et 378 millions d’euros sous forme de capital dans le cadre d’interventions gérées par l’ADEME.

Mme Fantine Lefèvre. D’après les informations dont je dispose, l’effet de levier serait plus important sur ces programmes gérés par l’ADEME que sur les autres programmes du PIA.

M. François Moisan. Les entreprises sont les principales destinataires du dispositif : elles reçoivent 85 % des montants attribués ; près de la moitié sont des PME. Les montants d’aide sont significatifs : ils s’élèvent, pour les projets bénéficiant d’avances remboursables, à 2,5 millions d’euros en moyenne par partenaire, dont 26 % de subventions.

Je précise que tous les appels à projets relèvent du soutien à l’innovation et ont pour bénéficiaires des entreprises. Si des laboratoires publics peuvent être associés au projet, le consortium ainsi créé doit être dirigé par une entreprise. Seul fait exception à cette règle l’appel à projets pour le soutien aux infrastructures de recharge des véhicules électriques, qui est destiné à mailler le territoire de bornes de recharge sur la voie publique. Les bénéficiaires sont des collectivités et des groupements de collectivités présentant un plan d’équipement : leur sont uniquement versées des subventions, non des avances remboursables. Un budget d’environ 50 millions d’euros avait été identifié pour soutenir ces équipements qui ne sont pas innovants ; à ce stade, nous avons dépensé à peu près 60 millions d’euros.

Pour en revenir à la répartition des montants engagés par type d’acteur, les grandes entreprises ont eu moins de subventions que d’avances remboursables. Elles ont également bénéficié d’interventions en capital par l’intermédiaire de sociétés de projet. Pour les PME et les ETI, la part des subventions est légèrement plus importante.

Nous recourons à deux modes de financement. L’un, sous forme d’aide d’État, implique l’intéressement systématique de l’État au succès du projet par le biais d’aides partiellement remboursables. Les subventions vont, elles, en priorité aux organismes de recherche. Le financement se fait dans le cadre d’appels à projets et ces aides sont soumises à l’encadrement des aides d’État par l’Union européenne. L’autre mode de financement passe par des interventions en capital systématiquement minoritaires. La règle est celle d’un co-financement privé selon une logique d’investisseur avisé, avec une perspective de rentabilité pour l’État – sans quoi l’intervention serait requalifiée d’aide d’État.

Nous procédons à deux types d’intervention en fonds propres. Au profit des PME, nous intervenons par l’intermédiaire du fonds Écotechnologie, créé en 2011 par CDC entreprises et désormais géré par BPIfrance. En dehors des appels à projets, les PME qui manquent de fonds propres pour se développer peuvent s’adresser à l’ADEME pour qu’elle procède à l’expertise technique de leur plan de développement. Lorsque l’expertise est positive, nous proposons au comité de pilotage d’orienter le projet vers le fonds Écotechnologie. S’il en est d’accord, c’est alors la BPI qui prend la suite du dossier et qui procède à l’opération de prise de participation. Le montant des investissements ou tickets du fonds s’élève de 1 à 10 millions d’euros, classiquement plutôt de 2 à 5 millions, pour des durées moyennes de quatre à six ans. Depuis 2010, le fonds Écotechnologie a pris neuf participations. Il a été doté de 150 millions d’euros et ses dépenses sont actuellement de l’ordre de 30 millions d’euros.

Mme Eva Sas, rapporteure. Lorsque vous orientez les entreprises vers la BPI, le projet fait-il l’objet d’une seconde expertise ?

M. François Moisan. Pas une expertise technique mais une expertise financière, pour ce qui est des prises de participation du fonds Écotechnologie dans les PME et les sociétés non cotées.

En revanche, l’ADEME procède à la fois à une expertise technique et à une expertise financière lorsqu’elle intervient en fonds propres sous forme de société de projet auprès de grands groupes, notamment en créant des Special Purpose Vehicle (SPV) – c’est-à-dire des joint ventures. Nous prenons une participation en capital dans ces joint ventures, à hauteur de 30 à 50 %, et intervenons pour le compte de l’État ; le fonds Écotechnologie, lui, intervient directement dans le capital de la PME. À titre d’exemple, Alstom, après avoir développé les nacelles des éoliennes offshore Haliade 150 de 6 mégawatts, a eu besoin de capitaux pour passer à la phase industrielle. Nous avons donc créé avec Alstom une filiale, la SPV Alstom Offshore France, pour construire à Saint-Nazaire une usine d’assemblage de ces nacelles, dans laquelle l’ADEME a pris une participation. Nous avons également pris une participation pour la construction d’une usine de recyclage de titane et, plus récemment, avec Alstom transport, pour le TGV du futur.

J’en viens au cadre conventionnel. Les conventions passées entre l’État et l’ADEME ont été signées en décembre 2014 pour les deux programmes. Elles indiquent la dotation budgétaire dont dispose l’Agence ; les modes et instances de décision et de gouvernance ; le rôle des ministères, du CGI, des comités de pilotage et du comité d’investissement en ce qui concerne les prises de participations ; les moyens et retours sur investissement de l’opérateur.

Entre parenthèses, en 2010, lorsque nous avons mis en place les appels à manifestation d’intérêt, nous accompagnions les industriels dans le montage de projets qui n’étaient pas encore mûrs. Nous procédions à une instruction technique approfondie de ces projets et une commission nationale des aides, composée de personnalités qualifiées, rendait un avis en amont du comité de pilotage. Les procédures n’étaient pas encore rodées, de sorte que les délais de prise de décision et de contractualisation étaient longs. Cet état de fait ayant été pointé du doigt, le Secrétariat général à la modernisation de l’action publique (SGMAP) nous a accompagnés pendant toute l’année 2014 de façon à identifier toutes les marges de progrès, ce qui supposait aussi qu’évolue la gouvernance de l’ensemble du dispositif. Nous avons ensuite intégré dans les conventions qui ont été signées à la fin de l’année 2014 les évolutions qui avaient été décidées au deuxième semestre de cette année-là. Nous sommes notamment passés des appels à manifestation d’intérêt aux appels à projets. Par conséquent, nous ne recevons plus désormais de projets incomplets. Nous essayons de rencontrer les porteurs de projet en amont du dépôt de leur candidature de façon à ne pas leur faire perdre de temps pendant la phase d’instruction.

Nous avons beaucoup simplifié nos procédures grâce au travail accompli avec le SGMAP. Ces éléments figurent maintenant dans les conventions du PIA 2, dans lesquelles ont également été intégrés des critères d’éco-conditionnalité. A priori, le PIA 2 s’est appuyé dès son lancement sur cette logique d’éco-conditionnalité et l’ADEME était par définition concernée, puisqu’elle agit dans le champ de la transition écologique et énergétique. Cela étant, le ministère de l’écologie et le Commissariat général au développement durable (CGDD) ont souhaité que nous ayons une procédure d’analyse de l’impact des projets.

Autre évolution du PIA 2 par rapport au PIA 1 : le montant des frais de gestion éligibles à remboursement – qui, aux termes de la convention passée entre l’ADEME et l’État, peuvent être liés à l’expertise de l’ADEME, à d’éventuels contentieux ou aux études – est désormais plafonné à 0,25 % par an jusqu’en 2017 et à 0,15 % par an au-delà. Différence notable également, en 2010, les seuls frais éligibles étaient ceux que je viens de citer. À partir du PIA 2, le CGI a intégré, dans le remboursement à l’ADEME de ses frais de gestion, vingt-cinq équivalents temps plein (ETPT). Auparavant, les personnels qui étaient dédiés aux investissements d’avenir à l’ADEME étaient rémunérés sur la subvention budgétaire de l’établissement. Nous avions certes bénéficié d’un relèvement du plafond d’emplois en 2010-2011, mais ensuite, l’ADEME a restitué ces emplois. Quant à nos frais de gestion, ils correspondent aux frais d’expertise externe à l’ADEME.

Mme Fantine Lefèvre. Nos frais de gestion couvrent à la fois les salaires des vingt-cinq ETPT et les frais externes ponctuels facturés par des consultants.

M. François Moisan. Par rapport aux questions écrites que vous nous avez adressées, il importe que je lève une ambiguïté : dans les conventions qui ont été signées, il a toujours été stipulé la nécessité d’une expertise externe, complémentaire à celle de l’ADEME. Si bien que, pour chaque projet, nous faisons appel à un ou deux experts externes – même si l’ADEME a une expertise technique importante. L’avis des experts externes est communiqué au comité de pilotage.

Mme Eva Sas, rapporteure. Cela est-il exigé par le CGI ?

M. François Moisan. Par le CGI, les ministères et parfois par nous-mêmes. Il est des domaines, tels que les déchets, où nous avons une expertise qui n’existe pas forcément ailleurs. Dans d’autres domaines très pointus, notre expertise peut être complétée par une expertise externe. Et puis, il y a des domaines dans lesquels nous ne sommes pas du tout compétents, tels l’eau et la biodiversité. Nous avons alors également recours à cette expertise externe.

J’en viens aux évolutions de la dotation de l’agence depuis le PIA 1. Lors du premier PIA, la dotation était de 1 milliard d’euros pour le programme Véhicule et transport du futur et de 1,850 milliard pour les DTEE. Ce second programme se compose de trois actions : l’une en faveur des réseaux électriques intelligents, une autre en faveur de l’économie circulaire et une dernière sur les énergies décarbonées et la chimie verte. Des redéploiements de crédits ont été opérés en faveur du fonds Ecotech, à hauteur de 150 millions d’euros, et aussi en faveur d’autres opérateurs ou d’autres actions du PIA, en dehors de notre périmètre. Pour 2015, le redéploiement a été de 110 millions d’euros sur le programme Véhicule et transport du futur et de 50 millions d’euros sur le programme DTEE. Au total, sur les PIA 1 et 2, la dotation s’élevait, au 31 décembre 2015, à 1,01 milliard pour le programme Véhicule et transport du futur et à 1,96 milliard pour le programme DTEE.

Mme Eva Sas, rapporteure. Comment ces redéploiements vous sont-ils présentés ?

M. François Moisan. Ils procèdent de décisions du Premier ministre. Il est vrai qu’en attendant la montée en puissance du dispositif, notre dotation a pu paraître d’un montant très important. Je suis mal placé pour interpréter l’évolution des priorités de l’État au cours des cinq dernières années, mais je suppose que ces redéploiements visaient à un rééquilibrage de ces priorités.

Mme Eva Sas, rapporteure. Au Gouvernement, il nous a souvent été répondu que les redéploiements s’expliquaient par une sous-consommation des crédits, dont le montant ne semblait pas, de fait, répondre à un besoin.

M. François Moisan. L’état de nos dotations actuelles est de 1,9 milliard sur le programme DTEE et de 1 milliard sur le programme Véhicule et transport du futur, soit 2,9 milliards d’euros au total. Nous avons engagé 299 projets pour un montant de 1,5 milliard d’euros. Des projets déposés à l’ADEME sont en cours d’instruction, qui représentent 176 millions d’euros : ayant déjà été présélectionnés par l’Agence, le comité de pilotage et le CGI, ils ont de fortes chances d’aboutir. Enfin, 22 appels à projets sont actuellement ouverts, pour un montant de 452 millions d’euros sur le programme DTEE et de 968 millions sur le programme Véhicule et transport du futur. J’ignore à partir de quel moment on peut considérer qu’il y a sous-consommation des crédits.

Mme Fantine Lefèvre. Le PIA était un nouvel outil, tant pour l’État que pour ses bénéficiaires. Nos process ayant pu ralentir nos engagements budgétaires au cours des premières années du PIA 1, nous avons fourni un effort important pour les simplifier. Aujourd’hui, en 2016, nous avons 22 appels à projets ouverts, dont certains le sont jusqu’au début de l’année 2017, soit trois à quatre fois plus qu’au tout début du PIA. Il ne faut donc pas prendre la photographie de nos engagements budgétaires à l’heure actuelle mais tenir compte des perspectives de ces appels à projets très capitalistiques, du type fermes pilotes hydroliennes. Nous espérons que ces appels susciteront des dépôts de dossier par les entreprises françaises et que les lignes budgétaires correspondantes seront consommées. Pour nous, les perspectives pour 2016-2017 sont très encourageantes au regard du nombre et des thématiques des appels à projets ouverts.

Mme Eva Sas, rapporteure. Vous avez donc l’impression que le 1,4 milliard d’euros restant sera nécessaire pour les deux dernières années du PIA.

M. François Moisan. Nous sommes dans l’incertitude. Nous avons lancé de nombreux appels à projets, mais nous ne sommes maîtres ni du nombre de candidatures ni du rythme de dépôt des dossiers.

Vous parliez de sous-consommation des crédits. Il est vrai qu’il était prévu au départ, dans les conventions et les documents budgétaires, que nous dépensions chaque année à peu près un cinquième de la dotation initiale. Le temps nécessaire à la montée en régime des appels à projets a donc fait apparaître une sous-consommation des crédits au cours des premières années du PIA.

Mme Fantine Lefèvre. À l’issue d’un travail interministériel, nous avons proposé de nouvelles thématiques, telles que les routes du futur, pour lesquelles l’élaboration des projets demande du temps. Nous en verrons les résultats en 2016.

Parallèlement, nous avons engagé un très gros effort de promotion de ces appels à projets via l’ensemble de l’écosystème de l’innovation : nous nous appuyons sur les pôles de compétitivité et sur les fédérations professionnelles pour présenter nos appels à projets aux entreprises. Nous sommes à leur contact pour faire de la pédagogie sur les thèmes couverts par ces appels à projets et les modalités d’intervention proposées.

M. François Moisan. L’intervention en fonds propres, nouvelle pour nous, nous paraît un instrument très important dans le contexte actuel – dans le cadre du PIA 2 voire du PIA 3. Cela apporte des liquidités aux entreprises, qui en ont besoin. Un grand groupe disposant de la trésorerie nécessaire pour financer une recherche ne sera guère intéressé par l’avance remboursable – qui n’est pas un prêt puisqu’il n’y pas de remboursement en cas d’échec – mais qui est soumise à intérêts sur le capital à restituer par l’entreprise en cas de succès. On peut penser que certaines entreprises ont boudé le dispositif mais en réalité, elles ont été pragmatiques.

Mme Eva Sas, rapporteure. Les avances remboursables ont présenté pour elles des contraintes de dossier sans intérêt financier ?

M. François Moisan. Tout à fait. Nous avons notamment des relations très étroites avec Bouygues, mais cette entreprise n’a guère d’intérêt à solliciter une avance remboursable.

Mme Eva Sas, rapporteure. Mais c’est vous qui faites le choix d’accorder des subventions ou des avances remboursables ?

M. François Moisan. Non. Parmi les crédits qui nous sont alloués, une part est dédiée aux subventions, l’autre aux avances remboursables. Ensuite, le CGI, les ministères et le comité de pilotage souhaitent que nous accordions des avances remboursables dans le cadre de chaque projet, à l’exception des initiatives PME.

Mme Eva Sas, rapporteure. La proportion d’avances remboursables est fixée par le CGI au départ ?

M. François Moisan. Il y a entre 20 et 30 % maximum de subventions dans chaque projet. L’avance remboursable étant un dispositif plus complexe que la subvention, même si nous en avons simplifié les modalités de façon à limiter le temps de négociation avec l’entreprise, nous l’avons assujettie à des seuils. Par exemple, pour des projets de 1 million d’euros, avec un taux d’aide de 40 %, l’aide sera de 400 000 euros. Dans ce cas, elle prendra la forme non pas d’avances remboursables, mais de subventions. Souvent, dans les consortiums qui répondent aux appels à projets, il y a une ou deux grandes entreprises qui bénéficient d’avances remboursables et des PME, ainsi parfois qu’un ou deux laboratoires publics, qui reçoivent des subventions.

Mme Eva Sas, rapporteure. Pourquoi les avances remboursables vous paraissent-elles moins adaptées dans le secteur de la transition écologique que dans d’autres secteurs ?

M. François Moisan. Il y a, dans le champ de la transition écologique et énergétique, une très grande variété de filières industrielles et de types d’entreprises. Les avances remboursables fonctionnent bien dans certaines filières, moins bien dans d’autres, comme le bâtiment, pour des raisons liées au code des marchés publics. Si le maître d’ouvrage est public, ce n’est pas la collectivité que nous finançons mais le maître d’œuvre. Or il est difficile d’articuler un projet innovant avec l’appel d’offre d’une collectivité, car tant qu’une entreprise n’a pas obtenu le marché public qu’elle vise, on ne peut identifier de projet. Et si elle l’a obtenu, c’est sur la base d’un appel d’offre ne comportant pas d’innovation. Je cite ce cas pour illustrer les difficultés spécifiques à certains secteurs. Maintenant, je ne pense pas que les avances remboursables soient particulièrement inadaptées au domaine de la transition écologique et énergétique, car celui-ci recouvre des secteurs industriels très différenciés. Il me semble qu’il y a des avances remboursables dans l’aéronautique, mais ce secteur est assez différent du nôtre.

Vous nous avez demandé par écrit de vous fournir, pour chaque action, les montants engagés et le décaissé en instruction. Nous vous donnerons tous ces chiffres. Certaines filières du programme DTTE ont bénéficié de financements très importants, par exemple les énergies marines. Nous avons voulu aller du démonstrateur jusqu’à la dernière phase avant le marché, aussi avons-nous financé deux gros projets de ferme hydrolienne à hauteur de 50 millions d’euros chacun. L’accompagnement de l’investissement jusqu’à ce stade est une spécificité française, même si d’autres pays se sont impliqués dans des projets de ce type. Dans le PIA, c’est certainement une des filières qui a émergé avec des acteurs français, Alstom et DCNS en l’occurrence. Par contraste, le secteur du bâtiment n’a mobilisé que 5 % des crédits. Ensuite, il conviendrait de faire un bilan des engagements du programme par filière.

Mme Eva Sas, rapporteure. Il est intéressant de constater que très peu de crédits ont été engagés dans le bâtiment, en dépit des enjeux de rénovation thermique et d’économies d’énergie.

M. François Moisan. C’est parce que nous visons uniquement des projets innovants.

Mme Eva Sas, rapporteure. Il y a énormément d’innovations à apporter en matière d’efficacité énergétique.

M. François Moisan. Si nous avons rencontré des difficultés au début, il y a désormais dans le secteur du bâtiment des appels à projets qui fonctionnent bien, mais pour des montants peu élevés parce que nous ne finançons pas le bâtiment lui-même. Les chantiers de rénovation ayant encore un caractère artisanal, notre objectif actuel est de parvenir à une industrialisation des méthodes de construction et de rénovation, ce qui n’est guère coûteux, et non pas de réaliser des bâtiments à énergie positive puisqu’ils existent déjà. Nous finançons aussi quelques projets de matériaux de construction innovants. Nous avons vu récemment des projets très intéressants, mais les choses ont mis plus de temps à démarrer.

S’agissant du programme Véhicule et transport du futur, la route prend une part importante des engagements de crédits, mais c’est également le cas du ferroviaire, avec le TGV du futur.

Mme Fantine Lefèvre. Les appels à projets sont élaborés en interministériel, sur la base de feuilles de route et de notes d’opportunité rédigées par l’ADEME ou en partenariat avec l’ensemble des ministères concernés. Parfois, des propositions émanent des ministères en fonction des politiques publiques portées. Nous vérifions, avant de créer un outil spécifique, si les outils existants suffisent, auquel cas nous faisons des efforts de pédagogie pour expliquer où ils se trouvent. Dernièrement, nous avons élaboré une cartographie de la thématique du froid pour répondre aux attentes du ministère de l’écologie en la matière. L’une des forces de l’ADEME en tant qu’opérateur est de pouvoir s’appuyer sur sa propre expertise et sur sa vision des marchés. Il est donc plus facile pour nous de déterminer vers quelles thématiques il est nécessaire de s’orienter.

Mme Eva Sas, rapporteure. Pour déterminer les besoins des entreprises, vous appuyez-vous sur votre expérience des précédents appels à projets ?

Mme Fantine Lefèvre. Nous avons en interne une expertise qui nous permet de déterminer sur quelles technologies et sur quels marchés la France doit absolument se positionner au regard des perspectives de développement, et où est l’intérêt des acteurs français.

M. François Moisan. Avant les PIA et la mise en place du fonds démonstrateur, l’ADEME intervenait en soutien à la recherche et développement (R&D), en aval de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et, en continu, sur des projets de recherche en fonction de leur maturité, à des niveaux de qualification entre la recherche fondamentale et le marché. Le niveau 1 correspond à de la recherche très fondamentale et le niveau 9, au marché. Le PIA intervient aux niveaux 7 à 9 tandis que l’ANR intervient aux niveaux 1 à 3. Notre budget, de l’ordre de 30 millions d’euros par an, nous permet de financer des recherches partenariales ou l’acquisition de connaissances, par exemple sur les problèmes de pollution, avec des entreprises et des laboratoires publics dans le cadre de projets situés plus en amont de ceux du PIA. C’est cette activité de recherche qui nous confère une connaissance des technologies et des entreprises.

Au moment du lancement du PIA et du fonds démonstrateur, nous avons rassemblé sur chaque thématique des experts externes. Par exemple, sur les réseaux électriques intelligents, qui étaient encore peu connus en 2008, nous avons sollicité les opérateurs de réseaux et les industriels – STMicroelectonics, Schneider électrique, Alstom –pour travailler ensemble sur leur vision du déploiement des réseaux électriques intelligents à l’horizon de 2050. Cette démarche nous permet d’identifier les verrous au déploiement d’une technologie et donc les aspects sur lesquels focaliser nos appels à projets. La note d’opportunité, elle, évalue s’il est opportun pour l’État d’intervenir, compte tenu de la situation des entreprises françaises de la filière : certaines ont pris un retard irrattrapable, d’autres apparaissent comme des champions qu’il serait opportun d’aider dans la compétition internationale.

Mme Eva Sas, rapporteure. Le CGI nous a, à ce propos, expliqué qu’il n’était pas opportun d’investir dans la production photovoltaïque dans la mesure où il n’y a pas de fabrication française.

M. François Moisan. Nous avons lancé des appels à projets dans la filière photovoltaïque, mais nous avons fini par intervenir, non pas dans la fabrication de cellules et de modules mais, en aval, dans leur intégration à différents dispositifs, et en amont, dans la fabrication du silicium. Un industriel qui ne ferait que de la fabrication de cellules et modules aurait, en effet, beaucoup de mal à trouver une place sur le marché, en France comme en Europe. En revanche, dans la filière du grand éolien, l’intervention se justifie. D’une part, parce que le pourtour maritime de la France est l’un des plus grands au monde et, d’autre part, parce que les industriels se sont positionnés sur ces technologies. C’est donc toujours en prenant en compte à la fois les enjeux de politique publique et les perspectives de marché en France ainsi que la dynamique de la compétition mondiale qu’on peut apprécier le bien-fondé d’une intervention de l’État. Ainsi, dans le domaine du captage et du stockage du CO2, les applications ne se feront pas tellement en France.

Mme Eva Sas, rapporteure. Existe-t-il des opportunités pour l’industrie française dans le domaine de l’efficacité énergétique, notamment en matière d’électroménager ?

M. François Moisan. Très peu d’industriels français font de la recherche en électroménager actuellement. Nous avons eu des projets en matière d’éclairage.

Mme Eva Sas, rapporteure. Qu’en est-il du chauffage ?

M. François Moisan. Dans la filière du chauffage, nous avons eu des projets de réseaux de chaleur innovants, mais peu de projets de dispositifs de stockage.

Mme Fantine Lefèvre. Dans les réseaux électriques intelligents, certaines combinaisons intègrent le chauffage.

M. François Moisan. De notre point de vue, la France se situe au premier plan mondial, avec le Japon, dans la filière des smart grids ou réseaux électriques intelligents. Nous avons expérimenté de nombreux démonstrateurs. J’entends souvent dire que la France est en retard dans le déploiement des compteurs intelligents. C’est peut-être vrai par rapport à d’autres pays qui les ont développés massivement, mais avec les expérimentations d’effacement de la demande et d’adaptation de la production d’énergie renouvelable à la demande que nous avons conduites dans différents démonstrateurs, la France dispose d’acquis techniques, et tant les grands groupes que les PME sont très bien placés au niveau international. C’est l’un des secteurs où l’action que nous avons pu conduire est une vraie réussite.

Mme Fantine Lefèvre. Pour améliorer nos process, nous avons simplifié et homogénéisé le contenu des dossiers à remplir, leurs modalités de dépôt et d’instruction et les modalités de contractualisation avec les bénéficiaires. Notre rythme est désormais bien cadencé et nous nous fixons un délai de trois mois entre la date de dépôt d’un dossier et la contractualisation. Deux instances interviennent dans l’instruction des dossiers. Un groupe de travail composé d’experts des ministères commence par examiner les dossiers, nous pose des questions. Après quoi, ces experts participent à une réunion d’expertise que nous tenons avec les bénéficiaires. Le groupe de travail propose alors au comité de pilotage une décision de financement ou de non-financement. Puis le comité de pilotage se détermine, et c’est le Premier ministre qui prend la décision. Notre travail de simplification a eu pour résultat une très forte diminution de nos délais d’instruction, de prise de décision et de contractualisation. Et nous cherchons constamment à optimiser nos process.

M. François Moisan. Nous tenons systématiquement le délai de trois mois entre la date de dépôt des dossiers et la décision de financement des projets. Reste encore la contractualisation, mais nos délais d’instruction ont, là aussi, été considérablement réduits.

Mme Fantine Lefèvre. Pour nous décider, nous nous appuyons essentiellement sur des critères d’innovation, de marché, de capacité financière des entreprises et de commercialisation des solutions proposées : nous ne finançons pas de projets innovants n’ayant pas de débouchés commerciaux, puisque la perspective est d’obtenir des retours financiers pour l’État.

Mme Eva Sas, rapporteure. Si seule la moitié de l’enveloppe de crédits a été consommée au bout de cinq ans, n’est-ce pas aussi parce que dans ce domaine, la rentabilité est plus difficile à trouver qu’ailleurs ?

M. François Moisan. Il y a a priori des incertitudes de marché. Les résultats peu élevés du Fonds Ecotech l’illustrent bien : mis en place pour faire émerger des PME et les accompagner dans leur développement, ce fonds n’a fait que neuf prises de participations en cinq ans. Cela dit, il doit de surcroît appliquer les règles prudentielles de la BPI.

L’ADEME est intervenue dans Alstom Offshore France pour la fabrication d’éoliennes offshore parce que, en tant qu’opérateur de la transition énergétique et écologique, elle a une vision du déploiement potentiel des filières que n’ont pas les banques. Nous constatons, par exemple, une évolution des coûts du photovoltaïque telle que cette technologie va être installée partout de façon importante, alors qu’il y a trois ou quatre ans, investir dans ce secteur paraissait encore très risqué. Cela explique que, contrairement au numérique, notre domaine nécessite des interventions de plus longue haleine.

Dans la filière de l’éolien offshore, les éoliennes de 6 mégawatts que nous avons développées avec Alstom ont vocation à répondre à des appels d’offre de la Commission de régulation de l’énergie ou dans d’autres pays. Notre accompagnement consiste en une intervention en capital dans la société, qui a répondu à un appel d’offre lié au projet Merkur Offshore, en Allemagne, et qui va exploiter ces éoliennes pour la première fois dans des conditions commerciales. À ce stade, le risque n’est plus vraiment technologique, mais les banquiers restent très réticents à accompagner un tel projet innovant alors qu’il existe d’autres technologies plus mûres. C’est pourquoi il nous paraît justifié que l’État accompagne les industriels au-delà de la recherche et développement. Nous y réfléchissons actuellement dans la perspective du PIA 3 car, selon nous, il ne s’agit pas seulement d’apporter un soutien à une entreprise à un moment donné, il faut pouvoir l’accompagner dans le temps.

Mme Eva Sas, rapporteure. S’agissant des outils de financement, le CGI a évoqué la notion de partage du risque pour les marchés sur lesquels le risque est plus important et la rentabilité incertaine. Quelle est votre réflexion sur ce sujet ?

M. François Moisan. Il ne coule pas de source pour l’État d’intervenir en aval de la R&D. Dans le cadre du projet Merkur Offshore, en prenant une participation, ce n’est pas un risque technologique que nous couvrons mais un risque lié à une première exploitation commerciale, vis-à-vis duquel les investisseurs classiques se montrent réticents. Il me semble légitime et intéressant que nous puissions aller jusque-là si l’on veut que ces technologies se déploient, y compris au niveau international. Cela ne veut pas dire qu’il faille le faire systématiquement dans toutes les filières et partout. Il convient de déterminer à quels endroits il serait justifié que l’État intervienne de façon continue. Après, il est vrai qu’il existe des tarifs d’achat de l’énergie renouvelable. Normalement, si ces technologies n’étaient pas innovantes, elles devraient être finançables par l’emprunt et les fonds propres des entreprises, mais ce n’est pas toujours le cas.

Mme Fantine Lefèvre. En quelques mots, les critères d’éco-conditionnalité sont définis sur la base d’une méthode élaborée par le Commissariat général au développement durable et connue de l’ensemble des ministères avec lesquels nous travaillons. Ces critères ne posent guère de difficultés d’application à ce stade.

S’agissant de l’évaluation des interventions de l’État dans le cadre du PIA, deux démarches complémentaires vont être lancées : une analyse économétrique des effets du régime d’aide et une évaluation ex post des résultats. La première, réalisée à la demande de la Commission européenne, comparera deux échantillons de référence, l’un de bénéficiaires du PIA, l’autre de non-bénéficiaires. La seconde analysera, bénéficiaire par bénéficiaire, les résultats en termes de chiffre d’affaires, d’évolution des effectifs et autres éléments permettant d’évaluer l’impact du PIA sur l’entreprise dans le cadre du développement de son projet. Les projets durant plusieurs années, peu d’entre eux sont terminés ; les retours financiers et le remboursement des avances remboursables commencent cette année, et nous en avons peu. Nous avons un objectif de 50 % de remboursements des avances remboursables mais il est bien trop tôt, à ce stade, pour avoir des statistiques, car les projets sont encore en cours.

M. François Moisan. Nous avons des doutes quant à la pertinence d’une approche économétrique dans des secteurs comme l’automobile, qui compte deux constructeurs et trois équipementiers, ou le secteur naval. Mais cette analyse économétrique nous ayant été demandée par la Commission européenne lorsque nous avons renouvelé notre système d’aides, nous nous exécuterons. Parallèlement, nous allons tester cette année une méthode d’évaluation ex post.

Un point est très important pour nous dans le dispositif des avances remboursables. Comme nous avons été conduits à mettre les industriels en compétition sur leurs perspectives de marché et leur plan d’affaires, nous avons une certaine visibilité, à l’horizon de 2020, de l’activité en termes de chiffre d’affaires et des emplois attendus. C’est pour nous une source d’informations, même si on peut la critiquer.

Mme Eva Sas, rapporteure. Il vous faut pouvoir vérifier si leurs hypothèses se réalisent.

M. François Moisan. Nous essayons de voir si elles sont réalistes dans le cadre de la négociation financière. De fait, à cette occasion, nous avons une appréciation des perspectives des entreprises, que nous n’avons pas lorsque nous accordons des subventions à la recherche.

Mme Eva Sas, rapporteure. Si vous deviez adapter des outils du PIA aux besoins spécifiques de ce secteur, quelles orientations pourriez-vous dégager ?

M. François Moisan. D’abord, il faut de la persévérance et de la continuité. Dans le cadre des 22 appels à projets, beaucoup de dossiers sont encore à venir. Il faut laisser des temps de respiration aux industriels. Il y a deux ans, certains n’avaient plus d’ingénieurs à mettre sur les projets ; ils sont revenus nous voir plus tard.

Ensuite, il faut veiller au continuum du processus. Nous avons d’abord lancé le fonds Ecotech, qui était censé couvrir une certaine phase de développement des PME mais qui, se référant à une thèse d’investissement très prudentielle, ne répondait pas forcément aux ambitions de la transition écologique et énergétique. Il y a eu aussi des SPV qui peuvent accompagner des entreprises au plus proche du marché. Or il nous semble qu’il y a des trous dans la raquette entre l’amorçage et les différentes étapes de développement des projets. Avec les initiatives PME, nous avons constaté l’intérêt de nombreuses petites entreprises, que nous n’avions pas vues au départ et qui pourraient être très prometteuses pourvu qu’on accepte de prendre le risque de les accompagner en fonds propres. Pour avoir travaillé sur les scénarios de la transition énergétique avant le vote de la loi du 17 août 2015, nous avons identifié des filières et des technologies qui devraient se développer en France et au profit desquelles il est légitime que l’État prenne des risques.

Mme Eva Sas, rapporteure. À quelles filières pensez-vous en particulier ?

M. François Moisan. Outre l’éolien, il y a les réseaux électriques intelligents dont on a notamment testé les plans d’affaires. La difficulté actuelle pour les opérateurs du secteur est de déterminer comment sera répartie la valeur ajoutée créée grâce à l’effacement de la demande des consommateurs.

Les démonstrateurs que nous finançons actuellement ont montré que chez les ménages équipés de chauffage et chauffe-eau électriques, l’effacement obtenu pourrait être de l’ordre d’un kilowatt de puissance sur les six à neuf kilowatts de leur abonnement, soit au moins 10 % de la puissance appelée. Avec la pénétration croissante des énergies renouvelables dans le mix énergétique, l’adéquation entre l’offre et la demande d’énergie pourra être obtenue, soit par le stockage de ces énergies dans des stations de pompage – mais cette solution est encore chère –, soit par l’effacement, qui permet de flexibiliser la demande et qui est moins coûteux. Ce procédé est déjà utilisé pour les chauffe-eau électriques, qui se rechargent la nuit, au déclenchement d’un signal tarifaire, mais, compte tenu du nombre important de ménages qui se chauffent à l’électricité, on peut aller beaucoup plus loin dans l’effacement. Il peut aider à accroître la part des énergies renouvelables variables dans le mix énergétique sans que l’on ait besoin de recourir à des stockages coûteux avant que cette part n’atteigne des taux de pénétration de l’ordre de 40 %.

Les réseaux électriques intelligents forment une filière qui répond à des besoins en France et dans laquelle nous pouvons aller encore plus loin puisqu’elle compte de nombreuses entreprises. En son sein va notamment se développer un nouveau métier, celui d’agrégateur, sur lequel se positionnent des industriels comme Veolia, dont l’objet est d’agréger les millions de ménages et entreprises tertiaires dont la demande va être effacée. La valorisation de cet effacement sur un marché est l’un des thèmes de recherche sur les réseaux électriques intelligents.

Dans presque toutes les filières, il reste des choses à faire. La phase commerciale, en aval du développement, nous semble un élément important, car les appels d’offre et les mécanismes d’achat ne sont pas dimensionnés en fonction du volume des dépenses d’investissement de capital (CAPEX) ni de la nécessité d’endettement des porteurs de projet. En outre, les banques n’accompagnent pas les projets trop innovants.

Mme Eva Sas, rapporteure. Quel outil financier serait, selon vous, adapté pour remplir le rôle du chaînon manquant avant qu’un projet ne devienne rentable ?

M. François Moisan. Certains dispositifs, tels les fonds d’amorçage, existent déjà, qui permettent d’accompagner des start-up, à l’instar des initiatives PME. Nous discutons avec le CGI pour déterminer quels seraient ceux dont la thèse d’investissement serait la plus adaptée aux acteurs du système.

Mme Eva Sas, rapporteure. Il conviendrait donc d’adapter les outils existants.

M. François Moisan. En tout cas, ceux dont la thèse d’investissement est très prudentielle et inadaptée aux acteurs du secteur.

Mme Fantine Lefèvre. Il nous semble notamment qu’il n’y a pas, à ce jour, assez d’acteurs suffisamment diversifiés dans le domaine du capital-risque. Un monopole dans cette activité ne laisse place qu’à une seule thèse d’investissement, ce qui risque d’évincer les projets les plus risqués. Il ne s’agit pas de prendre des risques démesurés dans la prise de participation à certaines entreprises, mais de mieux qualifier le risque au regard des spécificités de chacune des filières, ce qui demande une connaissance fine des marchés et une expertise technique. Notre réflexion sur le capital-risque, c’est qu’il doit être diversifié pour mieux couvrir l’ensemble des besoins.

Mme Eva Sas, rapporteure. Que pensez-vous de l’action de la BPI dans ce secteur ?

M. François Moisan. Dans le cadre du fonds Écotechnologie, la BPI a une thèse d’investissement très prudentielle. Et je pense qu’elle considère avoir rempli sa mission puisque certaines des sociétés dans lesquelles elle a investi sont maintenant cotées en bourse. La logique de ce fonds consiste effectivement à réussir l’investissement financier et à avoir un retour sur investissement. Telle est aussi la logique de l’investisseur avisé.

Toutefois, un investisseur avisé, s’il est dans les mêmes conditions qu’un investisseur privé – sinon ses investissements seraient requalifiés comme aides d’État –, peut prendre plus ou moins de risques. Encore une fois, de notre point de vue, la BPI applique une règle très prudentielle. Nous considérons plutôt que ses interventions relèvent de la politique industrielle, l’objectif étant que la BPI prenne des risques pour que des entreprises françaises soient présentes dans un secteur donné, non pas au détriment des retours financiers mais en apportant des nuances à sa thèse d’investissement. Si l’on n’a pas d’ambition de politique publique, que l’on soutienne du numérique, des biotechnologies ou des écotechnologies, on peut considérer que ce seront les opérations innovantes les plus sûres qui émergeront en France. Mais à l’ADEME, nous estimons qu’il faut viser les objectifs de la transition énergétique, qui découlent de la COP21 et qui, de toute façon, à terme, s’imposeront à nous. Nous savons que certaines technologies ont leur chance d’être développées. Le risque à prendre n’est donc pas forcément du même ordre mais reste avisé. Cela dit, le caractère avisé des uns n’est peut-être pas tout à fait le même que celui des autres.

Mme Fantine Lefèvre. Pour résumer, il importe d’assurer un continuum entre modes de financement, en mettant l’accent sur les fonds propres, le capital-risque et le soutien au premier de série. Mais tous les projets ne répondent pas à un seul outil, et il faut aussi proposer des subventions et des avances remboursables. Le continuum doit être assuré sur l’ensemble des filières que nous avons déjà pu aider. Certaines entreprises qui, dans un premier temps, auront eu besoin de fonds d’amorçage, nécessiteront, en grandissant, un soutien de financement au fur et à mesure de la maturation de leurs projets. Voilà ce que nous recherchons : assurer à la fois la diversité des modes de financement et ce continuum au service des entreprises qui rentrent dans la transition écologique et énergétique.

Mme Eva Sas, rapporteure. Je vous remercie beaucoup pour vos interventions.

Audition du 18 février 2016

M. Guillaume Mortelier, directeur de la stratégie et du développement de Bpifrance, et M. Laurent Arthaud, directeur du pôle Investissement Biotech et Écotech.

Mme Eva Sas, rapporteure. Nous recevons aujourd’hui M. Guillaume Mortelier, directeur de la stratégie et du développement de Bpifrance, accompagné de M. Laurent Arthaud, directeur du pôle Investissement Biotech et Écotech.

Cette audition doit nous permettre d’examiner les différents types de financements que Bpifrance mobilise, au titre des PIA, pour accompagner les entreprises de la transition écologique. Nous souhaitons savoir dans quelle mesure ces financements sont adaptés aux besoins des différents secteurs de la transition écologique, en fonction des catégories d’entreprises et des profils de risques des projets.

M. Guillaume Mortelier, directeur de la stratégie et du développement de Bpifrance. Je commencerai par rappeler que Bpifrance est une banque dont les deux actionnaires sont, à parité, l’État et la Caisse des dépôts et consignations. Son activité est centrée sur l’accompagnement des PME et des ETI, selon trois axes stratégiques majeurs : la croissance, la compétitivité et la construction d’un écosystème favorable à l’entrepreneuriat. Ses principaux métiers sont les suivants : le financement direct des entreprises ; la garantie des banques qui financent les entreprises ; le soutien à l’innovation, à travers des aides à l’innovation, des avances remboursables, des prêts et des investissements en capital-risque ; l’investissement dans les PME, les ETI et les grands groupes stratégiques ainsi que dans des fonds qui investissent eux-mêmes dans des entreprises. Enfin, Bpifrance travaille avec les régions, puisqu’elle possède un peu plus de quarante implantations régionales.

Parmi les orientations inscrites dans notre plan stratégique pour la période 2015-2018 figure l’accompagnement de deux transitions majeures pour l’économie française : la transition numérique et la transition énergétique. Nous souhaitons nous positionner comme la banque de la transition énergétique des PME et des ETI en France. À ce titre, nous nous sommes engagés à déployer 4 milliards d’euros dans le soutien aux entreprises, à la fois sur nos fonds propres et sur les dispositifs que nous sommes amenés à gérer pour le compte du programme d’investissements d’avenir.

Notre action en faveur de la transition énergétique se décline selon quatre grands axes. Premier axe : le soutien aux producteurs d’énergies renouvelables. Nous sommes déjà fortement présents, à hauteur de 700 à 800 millions d’euros par an, dans le financement des sites éoliens ou photovoltaïques et nous souhaitons renforcer notre accompagnement des développeurs, c’est-à-dire les sociétés qui créent de nouveaux projets puis gèrent opérationnellement la production d’énergies renouvelables.

Deuxième axe : la promotion des industriels innovants actifs dans le domaine de la transition énergétique. C’est dans ce cadre qu’interviennent le fonds Écotechnologies et le fonds Sociétés de projet industriel (SPI) – dont une grande partie de l’activité est orientée vers la transition énergétique –, fonds que nous gérons pour le compte du programme d’investissements d’avenir. Par ailleurs, nous allons investir dans des fonds qui investissent eux-mêmes dans les écotechnologies.

Troisième axe : l’accompagnement des entreprises de tous secteurs dans le cadre de leur propre transition énergétique. Il s’agit d’aider une entreprise industrielle classique à réduire sa consommation d’énergie ou à améliorer ses travaux de recyclage, par exemple. Une grande partie de l’action que nous menons dans ce cadre est centrée sur le dispositif « Prêts verts », que nous gérons également pour le compte du PIA.

Enfin, Bpifrance se veut très proche des entrepreneurs : en plus des financements que nous leur apportons, nous voulons les aider à répondre aux grands enjeux auxquels leur entreprise est confrontée, notamment ceux de la transition énergétique. Nos chargés d’affaires sont donc formés en ce sens, et nous travaillons avec des conseils. Ainsi, nous incitons, notamment en notre qualité de membre du conseil d’administration, le management de l’entreprise dans laquelle nous avons investi à prendre davantage en compte les enjeux liés à la transition énergétique dans ses décisions, car il y va également de la compétitivité des entreprises à terme.

Je vous propose que nous revenions maintenant en détail sur les différents dispositifs, en commençant par le fonds Écotechnologies, que M. Arthaud va vous présenter.

M. Laurent Arthaud, directeur du pôle Investissement Biotech et Écotech de Bpifrance. Le fonds Écotechnologies, créé en juin 2012, est un fonds de 150 millions d’euros issus du PIA destiné à investir, en cinq ans – soit la période d’investissement d’un fonds –, dans une quinzaine d’entreprises. Son objectif est en effet d’éviter le saupoudrage et de réaliser, dans un nombre réduit d’entreprises, des investissements en capital suffisamment importants pour qu’elles puissent se développer. En tant que fonds de capital-risque, nous investissons dans des entreprises qui développent des technologies nouvelles, qui n’ont pas de chiffre d’affaires au moment nous prenons des participations dans leur capital et dont nous finançons, en définitive, la recherche et développement – en espérant, bien entendu, que ces technologies trouveront rapidement un débouché commercial.

La spécificité du métier d’investisseur est d’entrer au capital d’une société puis de l’accompagner dans la durée, notamment en participant au tour de table suivant. Nous pouvons ainsi investir 5 millions dans une entreprise en 2012, puis investir à nouveau dans le cadre d’un nouveau tour de table en 2015 et prévoir un investissement supplémentaire de 2 ou 3 millions selon le développement de la société. Nous accompagnons donc le chef d’entreprise dans son développement technologique puis commercial.

À ce jour, nous avons réalisé, depuis la création du fonds, il y a trois ans et demi, onze opérations – ce qui correspond au rythme prévu –, opérations dont je vais citer quelques exemples. Nous avons ainsi investi dans la société Nénuphar, laquelle développe une technologie d’éoliennes flottantes à axe vertical qui présentent l’avantage d’être invisibles depuis la côte et de ne pas nécessiter la pose d’un tube de béton au fond de l’eau.

Nous investissons également, depuis trois ans, dans la société McPhy, qui a développé une technologie de stockage d’hydrogène sous forme solide – il s’agit d’hydrures métalliques – dans une galette de la taille d’une pizza qui équivaut à 400 m3 d’hydrogène à l’état gazeux. Le système de captage utilisé est d’un usage plus facile que la compression traditionnelle et permet, par exemple, de stocker l’électricité produite le jour par des panneaux solaires pour pouvoir l’utiliser la nuit. Dans cette société, nous avons investi 5 millions lors du premier tour de table, puis 2,5 millions en 2014, au moment de son introduction en bourse, laquelle a donné à la société une visibilité qui lui a permis de trouver quelques marchés à l’étranger, notamment en Allemagne.

Dernier exemple : la société Aledia, qui développe des LED de nouvelle génération fabriquées sur des supports non plus en saphir mais en silicium. Cette technologie permet d’améliorer la qualité des ampoules et, surtout, d’en diminuer le coût de fabrication. Elle n’est pas encore mûre, mais nous allons accompagner la société dans la durée. Nous avons participé à hauteur de 7 millions à un tour de table de 28 millions. Il s’agit donc de montants importants, mais l’objectif de ce fonds de 150 millions est d’investir environ 10 millions dans une quinzaine d’opérations.

Je précise, avant que nous n’abordions les fonds de fonds, que Bruxelles nous demande d’agir en investisseur avisé, ce qui signifie que le fonds Écotechnologies ne peut investir aux tours de table des sociétés qu’en accompagnement de fonds privés. Il s’agit, du reste, d’une des limites du dispositif, car peu d’acteurs privés investissent dans le secteur des écotech, ou cleantech.

Mme Eva Sas, rapporteure. Lors des auditions précédentes, certains de nos interlocuteurs ont estimé que votre politique d’investissement était excessivement prudente et vous conduisait peut-être à ne pas investir dans des projets plus risqués. Nous souhaiterions donc savoir quelles sont les règles prudentielles que vous appliquez.

M. Laurent Arthaud. Nous travaillons avec l’ADEME puisque celle-ci participe au comité d’investissement qui se réunit régulièrement pour étudier les dossiers. Or, il n’y a pas de projets proposés par l’ADEME dans lesquels nous n’ayons pas investi. Comme je vous l’ai indiqué, le principal obstacle que nous rencontrons tient à la difficulté de trouver des partenaires privés. En effet, selon la règle fixée par Bruxelles, l’investissement du fonds Écotechnologies, comme de tout fonds public, ne peut excéder la moitié du tour de table, de sorte que, lorsque nous mettons 5 millions d’euros, nous devons trouver des co-investisseurs privés qui participent à la même hauteur. Or, il nous est arrivé de mettre plus d’un an à trouver des partenaires pour investir dans des sociétés dont la technologie nous semblait pourtant prometteuse.

Une des missions de Bpifrance est d’investir dans des fonds – au nombre de 300 actuellement – qui investissent eux-mêmes dans des sociétés. Ces fonds, nationaux ou régionaux, qui peuvent être thématiques – numérique, écotechnologies, biotechnologies, capital-développement… –, sont en fait les alliés, en tout cas les partenaires, du fonds Écotechnologies. Il peut s’agir également de personnes physiques mais dans, le secteur des écotech, elles sont plus rares que dans celui de l’internet, par exemple. Néanmoins, nous manquons de fonds spécialisés dans le domaine des écotechnologies : ils sont actuellement au nombre de trois ou quatre sur la place. Une de nos préoccupations est donc de trouver des équipes de gestion susceptibles de gérer de nouveaux fonds et des souscripteurs qui acceptent d’investir dans des fonds privés.

M. Guillaume Mortelier. Pour faciliter l’arrivée d’investisseurs privés, nous menons, sur notre propre bilan et non pour le compte du PIA, une action structurante sur le capital-investissement, notamment le capital-risque, en investissant depuis plusieurs années dans des équipes de gestion pertinentes qui interviennent en particulier dans le secteur des écotechnologies. Cinq d’entre elles sont actuellement en période d’investissement, avec des gestionnaires tels que Sofinnova, Demeter ou Emertec. Ce faisant, nous nous efforçons de susciter la création de nouveaux fonds ou d’inciter des fonds étrangers ou des équipes de gestion étrangères à investir dans des projets en France.

Mme Eva Sas, rapporteure. Vos partenaires doivent-ils forcément être des fonds français ? Par ailleurs, pourquoi l’appétence pour le risque dans le secteur des écotechnologies est-elle moindre en France que dans d’autres pays ?

M. Laurent Arthaud. De manière générale, et pas seulement en France, l’appétence est moindre pour le capital-risque que pour le capital-développement. Les grands acteurs institutionnels, banques et assurances, investissent de préférence dans des sociétés qui ont un chiffre d’affaires, surtout depuis l’éclatement, en 2000, de la bulle internet. En outre, le secteur des écotechnologies n’est pas le maillon le plus fort : on crée beaucoup plus de sociétés internet ou biotech.

Pour répondre à votre première question, nous investissons également avec des fonds étrangers ainsi qu’avec des fonds corporate, montés par de grands industriels qui cherchent de nouvelles technologies. Dans la société Aledia, par exemple, qui développe des LED de nouvelle génération, nous avons investi avec Valeo et Ikea, qui représente 80 % des ventes d’ampoules dans le monde.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Bpifrance a été créée pour participer aux deuxièmes tours de table, pour lesquels les capitaux étaient peu nombreux en France – l’amorçage et l’amont de l’amorçage étant déjà couverts par des fonds publics. Or, j’ai le sentiment que vous intervenez dans l’ensemble du champ de l’innovation, dès la prise de risque. Par ailleurs, le problème des écotechnologies est un problème de profitabilité et de rentabilité. Comment vous positionnez-vous sur l’aval et parvenez-vous à analyser le marché et à vendre le produit aux investisseurs ?

M. Laurent Arthaud. C’est une très bonne remarque. Le fonds Écotechnologies n’intervient pas au premier tour de table, mais à partir du deuxième tour de table. Dans les sociétés au capital desquelles le fonds a pris des participations, l’amorçage avait été réalisé par d’autres investisseurs. Nos interventions sont donc conformes à la thèse d’investissement générale de Bpifrance. Pour ce qui est de la suite des opérations, soit la société se développe, réalise un début de chiffre d’affaires et devient peu à peu rentable, de sorte que des opérations de capital deviennent inutiles ; soit d’autres tours de table sont organisés avec des fonds plus importants ; soit la société est cotée en bourse, ce qui permet de lever des sommes beaucoup plus importantes – c’est le cas pour deux des onze sociétés dans lesquelles nous avons investi.

M. Guillaume Mortelier. J’ajoute que notre action en fonds de fonds vise à créer des fonds dont les capacités d’investissement sont suffisantes pour accompagner les entreprises jusqu’à la cotation en bourse, car il existe une carence de marché dans ce domaine. Depuis deux ou trois ans, nous avons donc renforcé le segment dit du « growth », qui se situe entre le capital-risque et le capital-développement, pour créer des fonds de 200 à 300 millions d’euros dont l’emprise est souvent française et européenne et qui présentent l’intérêt, d’une part, de pouvoir prendre des tickets de 20 à 30 millions d’euros pour accompagner jusqu’à la phase de commercialisation massive des entreprises ayant de gros besoins capitalistiques et, d’autre part, d’être visibles, en raison de leur taille significative, des investisseurs étrangers qui ne s’intéressent à un pays européen que s’ils peuvent investir de 15 à 20 millions d’euros en fonds de fonds.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Les équipes de Bpifrance ont-elles intégré l’expertise fine du terrain qu’avait développée Oséo ?

M. Guillaume Mortelier. Dans le cadre de notre soutien à l’innovation, nous poursuivons l’activité d’Oséo et de l’Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) en matière de subventions, d’avances remboursables et de prêts. Cette activité s’appuie sur notre département de l’expertise, lequel emploie des référents « écotechnologies » qui peuvent travailler en amont des projets, notamment dans le cadre du dispositif des Projets industriels d’avenir (PIAVE), et qui, outre leurs compétences de financeurs, disposent d’une très grande expertise sectorielle.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. En France, nous cumulons ce type d’expertises : dans chaque région, on trouve à la fois des pôles qui détectent et instruisent les dossiers, la DIRRECTE, Bpifrance, qui a conservé les équipes d’Oséo, le Commissariat général à l’investissement… Pourtant, on ne peut pas dire que, dans le domaine qui nous occupe, la tendance soit à la croissance du nombre d’entreprises. Beaucoup d’argent public est investi dans la détection sur le terrain et il n’en sort pas grand-chose. Comment l’expliquez-vous ?

M. Guillaume Mortelier. Ce n’est pas propre au secteur des écotechnologies ou à la phase de création d’entreprises. De manière générale, le retour de l’investissement dans l’industrie française est un véritable problème : la restauration des marges qui est intervenue l’an dernier ne se traduit pas par une croissance de l’investissement. Bpifrance tente d’y remédier en dialoguant avec les entrepreneurs qu’elle accompagne pour les inciter à élaborer de nouveaux projets, qu’il s’agisse de start-up ou, pour les entreprises installées, d’investissements. Le problème tient moins, en effet, à un manque de liquidités qu’à un manque de projets.

M. Laurent Arthaud. Les projets sont cependant beaucoup plus nombreux dans le secteur des biotechnologies que dans celui des écotechnologies, où l’on constate que, dans le cadre des appels à projets de l’ADEME, beaucoup de dossiers sont défendus par de grandes entreprises. Cela s’explique peut-être par l’immaturité de ce marché – plus jeune que celui des biotechnologies – et par le fait que l’activité des laboratoires publics et privés est plus fertile dans le domaine des biotech, notamment parce que le médicament représente un marché très important. De plus, la baisse actuelle du prix du pétrole risque de ne pas favoriser le développement des écotechnologies.

Mme Eva Sas, rapporteure. Selon vous, ce déficit s’explique donc soit par une carence de la recherche, en amont, soit par un déficit de visibilité sur la rentabilité à venir des projets. Est-ce bien cela ?

M. Laurent Arthaud. Heureusement, les écotechnologies ne se résument pas à la dimension énergétique de la transition écologique. Ainsi, beaucoup de projets sont liés à internet ; je pense notamment aux nouveaux usages ou à l’éco-partage. Mais il est vrai que la recherche fondamentale y est moins importante que dans le secteur des biotechnologies et que la rentabilité des projets est un problème. Dans le domaine des panneaux photovoltaïques, par exemple, peu de gens s’en sont sortis financièrement en France.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Je me demande si le service public de l’accompagnement à l’innovation ne coûte pas trop cher de manière générale, et s’il ne devrait pas être payant, dans une certaine mesure. Par ailleurs, la plupart des émissions sont le fait du bâtiment. Or, ce secteur peine à s’organiser alors qu’il représente un gisement d’emplois et de chiffre d’affaires conséquent. Avez-vous des thématiques privilégiées, telles que le bâtiment ou la voiture ?

M. Laurent Arthaud. Les marchés sont nombreux. On peut citer celui de la chimie verte, dans lequel nous ne sommes pas mauvais…

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. On en parle depuis vingt ans !

M. Laurent Arthaud. C’est vrai que les entreprises ne sont pas nombreuses dans ce secteur, mais on peut citer Fermentalg, Metabolic Explorer, Global Bioenergie – une nouvelle société apparaît tous les deux ou trois ans.

Par ailleurs, le secteur des réseaux de distribution d’électricité intelligents, qui vise à optimiser la consommation d’énergie en utilisant internet ou l’informatique, se développe plutôt bien. On peut également mentionner le marché des mobilités – véhicules, bornes de recharge, roues autoportantes… –, celui du bâtiment – qui, en effet, n’est pas le plus facile, car les projets nécessitent beaucoup de capital pour monter des usines de production – et celui du traitement des déchets.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Pourtant, dans ces deux derniers domaines, beaucoup de donneurs d’ordres sont publics, que ce soient les bailleurs sociaux ou les collectivités. Quoi qu’il en soit, cela fait bientôt dix ans que tout cela doit s’organiser et avec peu de résultats. Or, votre mission consiste également à organiser les filières à travers vos investissements.

M. Guillaume Mortelier. Pour revenir sur la multiplication des acteurs, nous ne croyons pas non plus que ce soit une solution, d’une part, parce qu’elle nuit à la lisibilité des dispositifs publics et, d’autre part, parce qu’il arrive, de ce fait, que certaines sociétés présentent un même projet à deux ou trois appels d’offres ou à manifestations d’intérêt.

Mme Eva Sas, rapporteure. Je souhaiterais que, pour terminer, vous évoquiez le dispositif des Prêts verts et le fonds Sociétés de projets industriels.

M. Guillaume Mortelier. Le fonds Sociétés de projets industriels fait partie du deuxième bloc stratégique d’accompagnement des entreprises spécialisées dans la transition énergétique. Ce fonds totalement nouveau, qui n’a pas d’équivalent sur le marché, investit aux côtés d’industriels ou de partenaires privés dans la création d’usines, au moment où, après avoir développé une technologie pendant plusieurs années, les entreprises entrent dans la phase de commercialisation. Le montant de ce fonds a été porté de 425 millions à 700 millions, dont 225 millions sont fléchés vers les problématiques de transition écologique. Lancé fin 2015, il a d’ores et déjà validé deux investissements dans des entreprises du secteur de la transition énergétique : SUNCNIM, qui est située dans le Var et qui produit des équipements d’énergie thermosolaire, et Ecosys, qui a repris une ancienne papeterie en Isère pour y développer une activité de recyclage de papier. La demande pour ce fonds est très forte ; nous sommes même étonnés par l’ampleur des besoins qui s’expriment.

Le dispositif Prêts verts relève quant à lui du troisième axe stratégique. Une première génération de prêts verts, basée sur une convention de 2010, a été déployée en trois ans pour un montant total de 300 millions d’euros ; l’enveloppe de la deuxième génération s’élève à 344 millions d’euros. Il s’agit de prêts sans garantie qui accompagnent les financements bancaires. Lorsqu’un industriel veut lancer une nouvelle ligne de production moins consommatrice d’énergie ou optimiser les lignes existantes, il n’a pas de difficultés à obtenir un financement bancaire pour acheter des machines, le banquier sécurisant son prêt sur la valeur secondaire de ces dernières. En revanche, les banques ne financent pas systématiquement l’aspect immatériel de cette nouvelle ligne de production, à savoir la formation des équipes, l’embauche de nouvelles personnes, voire la création de stocks intermédiaires ou la valorisation de la propriété industrielle. C’est cet aspect immatériel que financent des prêts sans garantie, dont fait partie le prêt vert. C’est une gamme de prêts que nous développons fortement, car ils permettent d’accélérer la mise en œuvre de projets, en l’espèce des projets d’amélioration de l’efficacité énergétique ou de réduction de l’empreinte écologique de l’entreprise. Une première étude d’impact a d’ailleurs permis de confirmer que pour un euro de prêt, trois à quatre euros de financement bancaire sont mobilisés. Ils produisent donc un véritable effet de levier.

Dans le cadre de ce dispositif, nous sommes refinancés par le programme d’investissements d’avenir et nous disposons d’un fonds de garantie qui couvre ces prêts, puisqu’ils ne sont pas sécurisés sur les actifs de l’entreprise. En outre, le PIA nous a confié une enveloppe de bonification qui permet de diminuer leurs taux, en les abaissant de 500 ou 600 points de base à 300 ou 400 points de base, ce qui est fortement incitatif pour les entreprises.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Quels sont vos frais de gestion ?

M. Guillaume Mortelier. Dans le cadre de ce dispositif, nous nous rémunérons, comme dans notre activité de prêt classique, sur les intérêts générés par les prêts que nous octroyons aux entreprises.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Et de manière générale ?

M. Guillaume Mortelier. Pour notre activité d’investissement, ils dépendent des équipes dont nous avons besoin.

M. Laurent Arthaud. Pour le fonds Écotech, ils s’élèvent annuellement à 1,5 % du fonds.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Quel est le coût pour l’entreprise ?

M. Guillaume Mortelier. Si nous lui octroyons un prêt, nous nous rémunérons sur les intérêts ; si nous intervenons en tant qu’investisseur, nous nous rémunérons, à l’instar des investisseurs privés, sur la plus-value réalisée lors du débouclage de l’investissement.

Mme Eva Sas, rapporteure. Pourriez-vous nous soumettre, pour conclure, les recommandations que vous feriez pour améliorer l’efficacité des programmes de transition écologique dans le cadre du PIA 3 ? Par ailleurs, je souhaiterais savoir si vos relations avec l’ADEME vous semblent satisfaisantes et si vous estimez que la gouvernance globale est la plus efficace possible.

Sur le fond, les outils actuels correspondent-ils aux besoins des entreprises et au développement du secteur de la transition écologique ? Nous avons créé cette mission d’évaluation car nous avons constaté que les crédits budgétaires consacrés à la transition énergétique étaient très souvent redéployés vers d’autres programmes, au motif que ces crédits étaient sous-consommés – même si cette raison n’est pas la seule. Nous souhaitons donc améliorer le dispositif pour que la transition énergétique devienne une réalité dans notre pays.

M. Guillaume Mortelier. Tout d’abord, la lisibilité de l’action publique est un véritable enjeu, ainsi que nous l’avons indiqué. Le fait qu’un dispositif tel que les projets industriels d’avenir (PIAVE), qui accordent des avances remboursables, soit géré en partie par l’ADEME et par Bpifrance ne facilite pas sa lisibilité pour les entrepreneurs. Il me semble donc qu’une réflexion devrait être menée sur la dispersion des opérateurs dans le cadre de la préparation du PIA 3. Néanmoins, nos relations avec l’ADEME, dont nous sollicitons l’expertise au cas par cas, sont plutôt bonnes ; c’est pour l’entrepreneur que les choses sont complexes.

Mme Eva Sas, rapporteure. J’ai en effet compris, lors de l’audition des représentants de l’ADEME, que vos deux expertises – l’une financière, l’autre technique – étaient complémentaires.

M. Guillaume Mortelier. Sur les sujets relevant des écotechnologies, nous disposons déjà d’une expertise interne, qui nous permet de comprendre le plan d’affaires de l’entreprise et d’analyser le secteur, mais cette expertise n’est pas aussi complète que celle de l’ADEME, notamment en ce qui concerne les normes. Nos deux actions sont donc complémentaires. Mais, pour être clair, si l’ADEME traite des dossiers financiers, cela nuit à la lisibilité du dispositif.

En ce qui concerne le PIA 3, nous estimons que les dispositifs actuels répondent à des besoins. Nous souhaiterions du reste, pour cette raison, que le dispositif Prêts verts et le fonds SPI soient renforcés.

M. Laurent Arthaud. En ce qui concerne la gouvernance, les choses se passent très bien, en toute transparence, avec l’ADEME, qui participe au comité consultatif du fonds Écotech. S’agissant du développement des PME et des nouvelles technologies, nous avons probablement besoin de succès visibles, comme il en existe dans d’autres secteurs. Je pense à Tesla, par exemple, qui est parvenue à monter une entreprise de construction automobile électrique sur la base d’un plan de développement qui n’était pas évident. Il faut être innovant et prendre quelques risques. Nous sommes évidemment favorables à une poursuite de l’opération dans le cadre du PIA 3. Peut-être faut-il réfléchir à la manière dont on pourrait développer des fonds en aval, car les investissements nécessaires sont importants, le véritable enjeu étant d’attirer des investisseurs privés dans ce secteur.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Faut-il autant ou plus d’argent public ?

M. Guillaume Mortelier. Il faut distinguer ce qui est maastrichtien et ce qui ne l’est pas. En ce qui concerne l’investissement, on a le sentiment que, dans certains secteurs tels que celui des écotechnologies, il y a globalement, sur le marché du capital-investissement, beaucoup d’argent public : on a plutôt besoin d’argent privé. Toutefois, il est important d’au moins maintenir les dispositifs publics existants en matière de subventions, d’avances remboursables et d’aide à l’innovation.

Mme Eva Sas, rapporteure. Quel rôle pouvons-nous jouer, en tant que législateur, pour susciter cet investissement privé ?

M. Laurent Arthaud. Quelques recettes sont connues. On pourrait ainsi obliger un certain nombre d’acteurs financiers, notamment les mutuelles et les assurances, à placer une partie minime de leurs investissements dans des projets risqués. Je rappelle que le NASDAQ a été créé parce que les fonds de pension ont été obligés de placer 2 % de leurs investissements dans du capital-risque. Le débat existe depuis longtemps en France. En tout cas, si les mutuelles et les assurances étaient, sinon obligées, du moins fortement incitées à investir dans le capital-risque et l’innovation, cela faciliterait les choses.

Mme Eva Sas, rapporteure. Messieurs, merci pour vos réponses.

Mme Eva Sas, rapporteure. Nous poursuivons nos travaux en recevant M. Arnaud Torres, directeur des investissements d’avenir et compétitivité à l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Parmi les programmes d’investissements d’avenir (PIA) gérés par l’ANR, les instituts pour la transition énergétique (ITE) entrent au premier chef dans le champ des travaux de la mission. Mais, dans les différents laboratoires, équipements ou initiatives d’excellence, d’autres actions du PIA peuvent également financer la recherche liée à la transition écologique. Il en va de même pour l’action Santé et biotechnologie, qui vise notamment à valoriser des ressources biologiques renouvelables.

Nous souhaiterions mieux cerner la contribution de ces programmes à la transition écologique et la façon dont l’ANR poursuit cet objectif.

M. Arnaud Torres, directeur des investissements d’avenir et compétitivité à l’Agence nationale de la recherche. L’ANR est un établissement public administratif (EPA) qui a pour but de financer de la recherche sur projet et une recherche compétitive. Parmi ses missions, on trouve la gestion des PIA – PIA 1, PIA 2 et peut-être, demain, PIA 3 – sur le volet de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Notre activité à ce dernier titre se décline en une vingtaine d’actions pouvant être subdivisées en trois grands volets : un volet Centres d’excellence composé des initiatives d’excellence (IDEX), et des IDEX/I-Site pour le PIA 2, des laboratoires d’excellence (LABEX), des équipements d’excellence (EQUIPEX) et des initiatives d’excellence en formations innovations (IDEFI) ; un deuxième volet santé et biotechnologie concernant les instituts hospitalo-universitaires, les programmes liés aux démonstrateurs et aux structures en bio-santé, ainsi que des programmes un peu plus petits appelés Bio Étoile ; et un troisième volet valorisations, regroupant tout ce qui concerne la valorisation économique de la recherche, c’est-à-dire les instituts de recherche technologique (IRT), les ITE ex-instituts thématiques d’excellence en matière d’énergies décarbonées (IEED) – les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) et les instituts Carnot.

Ces vingt actions ont donné lieu, entre 2011 et 2013, à une quarantaine d’appels à projet, et nous avons aujourd’hui quelque 480 projets en portefeuille. Ce sont des projets plus importants que les projets classiques de l’ANR, tant dans la durée, car il s’agit de financements de dix ans en général alors que nos financements classiques sont de trois ou quatre ans, que dans les montants, de l’ordre de dizaines de millions d’euros de subventions par projet.

Les PIA sont inscrits dans notre décret de fonctionnement depuis le décret modificatif de 2013. Le budget total de cette action représente environ 26 milliards d’euros jusqu’en 2026. Jusqu’à cette date, l’agence est censée décaisser et verser aux laboratoires 8,3 milliards d’euros, si les projets se passent comme prévu, en sus des dotations non consommables pour lesquelles il pourrait y avoir une dévolution vers les laboratoires, en particulier au niveau des IDEX, qui pourrait dépasser les 10 milliards d’euros.

Comme pour tous les opérateurs du PIA, une convention nous lie à l’État sur chacune de ces actions. Cette convention définit les rôles de chacun : le comité de pilotage interministériel, le Commissariat général à l’investissement (CGI) et l’opérateur. Le rôle de l’ANR n’est pas de définir les cahiers des charges, ce qui est du ressort de l’État, mais de lancer les appels à projets et de réunir les jurys, qui sont de manière générale des jurys internationaux.

Mme Eva Sas, rapporteure.  Quel est le service de l’État qui définit les cahiers des charges ?

M. Arnaud Torres. Cette phase en amont est interministérielle, avec le CGI à la baguette. Nous ne participons pas à ces réunions. Le cahier des charges est inscrit dans la convention État-ANR, qui explique ce que doit être l’appel à projets. La convention est signée par le Premier ministre, les différents ministères impliqués et le président de l’agence.

Une fois que nous recevons les cahiers des charges, nous lançons les appels à projets et nous réalisons les évaluations à l’aide de nos jurys. Nous revenons ensuite vers le comité de pilotage, interministériel, présidé par un ministère – pour les ITE il s’agit du ministère de l’écologie, pour les LABEX du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche –, comité de pilotage auquel nous participons sans voix délibérative. Le CGI y participe également. Le comité de pilotage émet des recommandations, transmises au Premier ministre, qui prend la décision de financement.

Mme Eva Sas, rapporteure. En évaluant les différents programmes, vous participez indirectement à la définition des appels à projets futurs. Les avis des jurys sont-ils suivis ou bien avez-vous constaté un écart entre leurs choix et la sélection finale ?

M. Arnaud Torres. La réponse à votre première question est oui. Il existe une rétroaction. En règle générale, l’État, contrairement à l’ANR, ne participe pas aux travaux des jurys, et cela me semble sain, pour que le jury se sente à l’aise. Quand nous revenons vers le comité de pilotage, nous sommes accompagnés du président du jury, qui présente la façon dont s’est déroulée l’évaluation, ainsi que la qualité des projets présentés, et qui fait par la même occasion un retour sur le cahier des charges lui-même, en indiquant par exemple que tel point n’a pas été bien compris ou bien traité, ou en décrivant la réponse des communautés aux différents items. C’est un bilan de l’appel à projets, et il est pris en considération.

Sur les quarante appels à projets, les avis des jurys ont toujours été suivis, même si, pourles IDEX, ils ont été assez difficiles à recevoir, pour certains, ce dont la presse s’est fait l’écho. Jusqu’à présent, l’État, et j’en sais gré au CGI, a toujours considéré qu’il était très important de respecter les jurys et l’évaluation par les pairs. Tout ce que les jurys ont demandé à financer l’a été, quand bien même des coups de rabot ont parfois été demandés. Cela dit, il a pu aussi arriver que l’État aille chercher un peu plus loin dans la liste. Quand le jury présentait une liste dont les trois premiers projets étaient considérés comme excellents et les suivants comme moyens, l’État a pu décider de retenir également des projets jugés moyens, quitte à mieux les suivre ou à les reformater légèrement, et ce pour des raisons stratégiques.

Les règles du jeu ont toujours été bien expliquées aux jurys. Certaines réunions de comités de pilotage, avec des présidents de jury, ont été un peu houleuses : des ministères ont pu s’étonner que certains projets soient jugés très bons ou à l’inverse que d’autres n’aient pas été retenus, mais cela donne lieu à des explications et, in fine, il est tenu compte de l’avis du jury.

Une fois prise la décision du Premier ministre, qui explique comment le projet doit être financé et sur quelle durée, notre travail consiste à contractualiser, à décaisser et à assurer le suivi du projet. Il s’agit, dans un premier temps, d’un suivi courant, à savoir d’un reporting annuel, scientifique et financier, des 480 projets, sur la base d’indicateurs. Nous sommes attachés à l’organisation d’au moins un rendez-vous par an sur chaque projet. Cela nous permet de faire un rapport au CGI et aux ministères.

En plus du suivi courant, nous avons régulièrement des points d’étape, ce qui est une particularité du PIA. Pour des projets de trois ou quatre ans, de tels jalons ne sont pas nécessaires, mais ils le deviennent pour des projets à dix ans, en particulier sur les aspects de valorisation où l’on quitte le domaine de la recherche fondamentale classique pour l’innovation et des produits plus proches du marché. Pour les IDEX, nous parlons, pour ces jalons, de fin de période probatoire. Le fonctionnement de ces points d’étape est un peu à la carte, en fonction notamment des demandes des ministères et du CGI. Nous faisons en règle générale revenir des membres du jury et, en ce qui concerne les aspects de valorisation, nous travaillons avec les autres opérateurs, les cellules de suivi des ministères, ainsi que des cabinets de consultants. Nous avons réalisé l’été dernier le point d’étape pour les 171 LABEX, après trois ans de fonctionnement, en faisant venir quatre-vingts membres de jury.

Sur les actions de recherche en amont, il s’agit de détecter les projets en difficulté, et nous demandons éventuellement aux équipes de mettre en place des plans d’ajustement. Dans la recherche, il n’y a pas d’obligation de résultat ; si l’on est sûr de trouver, cela ne s’appelle plus de la recherche mais du développement. Nous comprenons, à l’ANR, du fait de nos profils – j’ai moi-même été chercheur –, cette problématique. Sur un IDEX ou des projets de valorisation, en revanche, il y a aussi une obligation de résultats, car il ne s’agit pas que de recherche : avec la création d’un socle de connaissances qui doit générer de la propriété intellectuelle et de la valorisation, on quitte le domaine exclusif la recherche et il faut des résultats.

Mme Eva Sas, rapporteure. Vous l’évaluez par les brevets déposés ? Quels sont les indicateurs que vous avez retenus ? Et quels sont les secteurs qui ont donné lieu à de belles réussites ou, inversement, à des déceptions ?

M. Arnaud Torres. Je laisse de côté les IDEX, qui ne présentent pas seulement un aspect de valorisation mais aussi des aspects de structuration des communautés et de compétitivité des grandes universités – le classement de ces universités au plan mondial est un indicateur de réussite – et dont, en outre, les fins de période probatoire n’interviendront qu’en avril. Nous avons davantage de retour d’expérience sur les SATT, dont neuf ont déjà passé le jalon, ainsi que sur les ITE et IRT. Sur ces outils, le retour sur investissement est la création d’actifs. Un brevet, en tant que tel, c’est du résultat mais pas encore de la performance : une fois qu’un brevet a été déposé, il faut qu’il soit exploité. Le revenu des licences générées à la suite d’un dépôt de brevet et la capacité d’autofinancement sont un des sujets au niveau des SATT et des ITE.

Un autre enjeu consiste à obtenir des cofinancements issus des programmes européens, comme le programme-cadre de recherche « Horizon 2020 ».

Les projets sont contractualisés sur un portefeuille de projets. Notre travail consiste à regarder cette feuille de route et à voir où l’équipe en est, avant de procéder, au bout de trois ans, à une évaluation scientifique des travaux conduits.

Ces projets conduisent à la création de structures, en l’occurrence, pour les ITE, de sociétés anonymes. Nous regardons si ces sociétés fonctionnent bien, si elles sont correctement gérées, si elles vivent bien dans leur écosystème. Ces créations de structures représentent des changements importants dans le paysage de la recherche publique française. Il faut accompagner ces changements qui ne vont pas sans réticences.

Nous n’avons pas commencé les évaluations à trois ans pour les ITE. La première aura lieu au printemps, pour l’ITE PIVERT (Picardie innovations végétales, enseignements et recherches technologiques), le premier contractualisé. Cette évaluation impliquera l’État et toutes ses cellules de suivi, l’ANR, l’ADEME et, pour l’analyse financière, la Caisse des dépôts, ainsi que des consultants.

Mme Eva Sas, rapporteure. Pouvez-vous nous parler un peu plus de ce projet PIVERT ? Quand l’évaluation pourra-t-elle être terminée ?

De manière générale, les choses se sont-elles passées comme prévu au plan financier ? Les représentants de la BPI nous ont indiqué – et c’est quelque chose qui revient régulièrement depuis le début de nos auditions – que l’on manquait de projets à financer. La recherche est-elle suffisante en France pour susciter des projets ? Nous essayons de comprendre où se situent les verrous qui font que la transition écologique n’est pas encore au stade que l’on aurait imaginé dans notre pays. Si les crédits du PIA sont sous-consommés, c’est peut-être dû à une absence de projets. Quels sont donc les freins à l’émergence de projets d’innovation dans la transition écologique ?

M. Arnaud Torres. L’ANR aurait dû décaisser 110 millions d’euros pour les ITE fin 2015 ; nous en avons décaissé 95 millions. Ce sont des portefeuilles de projets qui sont tombés, c’est-à-dire des projets qui ne se sont pas faits, d’autres qui ont pris du retard et sur lesquels l’ANR décide de rééchelonner le transfert de fonds. Cela existe.

Il peut aussi arriver que des projets ne soient finalement pas contractualisés. L’ITE France Énergies Marines (FEM) ne l’a pas été aussi rapidement qu’il aurait dû l’être, car son portefeuille de projets a été asséché par les appels à démonstrateurs de l’ADEME et il n’y avait plus le socle suffisant, à ce stade, pour que nous le financions.

Cela ne signifie pas que les communautés scientifiques, publiques ou privées, n’existent pas et la France est très bien positionnée sur ces thématiques, mais il faut les mettre en musique. Dans le cas de FEM, le chef d’orchestre n’avait plus assez de musiciens devant lui à ce moment-là ; nous avons été obligés de surseoir à la création de cet ITE et nous avons recréé des appels à projets sur les énergies marines renouvelables. C’est un exemple des difficultés rencontrées pour faire émerger des projets.

Une autre raison, c’est que l’idée d’un ITE est de créer un campus d’innovation technologique public-privé. Le PIA finançant 50 % de ces projets, cela suppose que le monde économique finance l’autre moitié. Il faut donc que cela fasse partie de la stratégie de ce dernier et qu’il en ait les moyens, c’est-à-dire que les entreprises soient suffisamment saines pour se lancer dans l’aventure. C’est potentiellement un frein.

La dernière chose, c’est que les différents acteurs privés autour de la table peuvent ne pas se mettre d’accord. L’ITE IDEEL (Institut national pour le développement des écotechnologies et des énergies décarbonées de Lyon) va malheureusement s’arrêter, sous sa forme actuelle, car les industriels ne sont pas parvenus à un accord pour réaliser des recherches en commun. Ces industriels ne veulent pas partager ce type de recherche avec d’autres, qu’ils peuvent considérer comme des concurrents. Nous étions partis d’un ITE, en coûts complets, à 130 millions d’euros, qui s’est retrouvé un an et demi plus tard à 27 millions. Ce n’est pas que les projets n’existent pas, ni que la recherche publique ne pourrait apporter de compétences, mais les industriels ont des difficultés à travailler ensemble sur de tels sujets.

Mme Eva Sas, rapporteure. S’agit-il de problèmes particuliers à la France ?

M. Arnaud Torres. Non. Un IRT travaille, par exemple, sur des matériaux composites pour lesquels il existe un besoin dans la construction navale et l’aéronautique. DCNS et Airbus sont ravis de travailler ensemble sur de la recherche amont, car ils ne sont pas concurrents mais si vous demandez à deux grands groupes de chimie de travailler sur un nouveau matériau, cela ne fonctionne pas. Que ces groupes soient français ou américains, la problématique est la même ; ce n’est pas une spécificité française.

Nous avons essuyé des échecs. Alors que nous étions partis sur treize ITE, neuf sont réellement constitués aujourd’hui, et deux sous des formes probatoires.

Nous versons des aides d’État à des sociétés anonymes et la Commission européenne s’est positionnée sur ces sujets. Certains projets n’ont pas non plus réussi à se monter parce que l’État estimait qu’il existait un risque vis-à-vis de la réglementation européenne en matière d’aides d’État.

Je ne crois pas à un assèchement de la recherche de haut niveau française sur ces sujets. Nous avons en portefeuille une trentaine de projets de centres d’excellence qui ont été jugés très bons par notre jury international, en juin dernier. Cette création de connaissance sera française et j’espère qu’elle ira vers l’aval, typiquement vers les ITE, et ensuite vers le produit. Je pense que la France est en mesure d’assurer ce continuum de la recherche vers l’innovation.

Les ITE sont des structures très jeunes, créées tardivement : en 2013 pour les deux premiers, 2014 pour le groupe, et même 2015 pour le dernier en date, Supergrid. Il est encore un peu tôt pour parler de retour financier.

En ce qui concerne PIVERT, le retour d’évaluation aura lieu avant l’été. L’examen de la nouvelle feuille route sur les cinq prochaines années, avec la contribution des industriels et le plan de valorisation de ce qui sera créé par cet ITE, sera un des sujets principaux de cette évaluation.

Ces projets ont été écrits en 2010 ou 2011. Le contexte mondial implique peut-être de revoir leur modèle économique, par exemple vers des plateformes de recherche, avec un retour financier : si un industriel vient utiliser un instrument, il faudra qu’il paye cette utilisation.

Mme Eva Sas, rapporteure. Quelles sont vos relations avec les différents partenaires du PIA, notamment la Caisse des dépôts et l’ADEME ?

M. Arnaud Torres. Pour les ITE, l’État et ses opérateurs fonctionnent bien, et même de mieux en mieux. Le comité de pilotage est placé sous l’égide du ministère de l’écologie. Le CGI joue son rôle d’animation vis-à-vis des communautés. L’ADEME fait partie des cellules de suivi et participe à toutes les réunions de suivi annuelles réalisées in situ dans les ITE. Il y a deux réunions annuelles pour les ITE : l’une sur l’institut lui-même et l’autre sur le portefeuille de projets. L’expertise de l’ADEME est incontestable et, sur certains points, bien supérieure à la nôtre.

La CDC est entrée dans le dispositif plus tardivement, il y a environ un an, et participe en tant que censeur d’État à la gestion de ces différents instituts ; elle est présente à chacun des conseils d’administration. La situation de l’ANR est un peu compliquée car il lui est demandé de suivre ces structures alors que nous ne sommes pas administrateurs. Nous ne participons pas aux conseils d’administration de ces sociétés et nous n’avons pas en théorie de lien direct avec leurs administrateurs. Le rôle des censeurs de la CDC est donc une aide importante. Ils participent en outre aux comités de pilotage. Lorsque nous procéderons aux évaluations, la CDC apportera également son expertise financière.

Nous n’avons pas en tant qu’opérateur une vision globale du continuum et en particulier de ce qui se passe en aval, et c’est dommage. Je n’ai pas de visibilité, par exemple, sur l’avancement du PIA en matière de transition énergétique. Je pense que le CGI a cette visibilité, car le directeur de programme suit l’ensemble de ces sujets, et les ministères aussi, sans doute, mais il serait intéressant de conduire un travail commun plus approfondi, orchestré par l’État, au niveau des différents opérateurs, pour faciliter les passerelles et fluidifier le continuum entre la recherche et l’innovation.

Mme Eva Sas, rapporteure. Nous avons cru comprendre que Géodénergies et France Énergies Marines avaient perdu leur label. Pour quelle raison ?

Il semble par ailleurs qu’un reliquat ait été redistribué vers quatre projets : l’Institut national facteur 4, Paris-Saclay Efficacité Énergétique, Efficacity et INES 2. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce redéploiement ?

M. Arnaud Torres. S’agissant de FEM, nous sommes dans le cas que j’ai décrit où, par rapport au choix du jury, l’ITE avait perdu de son volume au moment de procéder à la contractualisation et où il aurait été trop petit pour pouvoir créer un véritable socle de compétences et devenir au bout de dix ans un institut autonome et pérenne. L’État a donc décidé, non de retirer le label, mais de prévoir une période transitoire pour faire émerger cette création de connaissances. C’est d’ailleurs plus de travail d’accompagnement pour nous. Nous avons une convention-cadre avec FEM et nous sommes en train d’en signer une autre avec Géodénergies. Nous allons lancer des appels à projets en collaboration avec eux. Si le socle de connaissances peut se créer et si les industriels sont prêts à suivre, rien n’interdira plus une contractualisation.

Nous savons arrêter quand cela ne marche pas, comme nous l’avons fait pour IDEEL, et c’est quelque chose d’important, mais nous savons aussi accompagner, en prévoyant au besoin des périodes transitoires, même si c’est plus de travail pour l’agence. L’arrêt d’IDEEL représente aussi une charge de travail plus importante pour l’ANR, car il y a des contrats, des thésards, des post-doctorants, et l’État, avec son opérateur, n’entend pas laisser les chercheurs au bord de la route.

Un ITE du type de FEM nécessite des infrastructures importantes et nous finançons également des centres d’essai, en plus des appels à projets. L’État ne souhaite pas complètement abandonner ce projet, en raison des enjeux liés à la géothermie et aux énergies marines renouvelables, et nous faisons donc de la vente par appartement, plutôt que de vendre l’immeuble complet. Nous contractualisons projet par projet, nous contractualisons les centres d’essai, nous apportons notre soutien et nous espérons qu’à terme l’ensemble des ingrédients seront au rendez-vous pour lancer l’ITE.

En ce qui concerne votre seconde question, la réponse tient à ce que j’ai expliqué sur le fait que les avis des jurys ont toujours été respectés mais qu’il était arrivé que l’État aille chercher des projets un peu plus loin dans la liste. Dans le cadre des comités de pilotage en question, en 2011-2012, l’État a souhaité contractualiser quatre projets qui n’avaient pas été jugés excellents par le jury. Ces projets se déroulent d’ailleurs plutôt bien aujourd’hui.

Mme Eva Sas, rapporteure. Avez-vous des recommandations pour le PIA 3 ?

M. Arnaud Torres. L’objectif de départ d’un autofinancement à dix ans ne sera pas atteint. Il faudra donc que l’État soit capable d’accompagner encore les projets qui seront près de la cible, mais aussi, pour ceux qui auront trop divergé de la cible, de redéployer ou d’arrêter. Il ne me paraît pas nécessaire, sur la transition énergétique, de relancer un appel à projets pour un outil du type ITE, et je ne crois d’ailleurs pas que ce soit le souhait de l’État. Nous avons pris un peu de retard, mais ce qui a été engagé me semble prometteur et il faut continuer d’accompagner les projets. Il faudra aussi bien assurer le continuum de la recherche amont vers l’innovation et de faire le travail nécessaire au niveau des feuilles de route de ces instituts pour que le succès soit au rendez-vous.

Mme Eva Sas, rapporteure. Merci. N’hésitez pas à nous faire parvenir des éléments complémentaires.

Audition du 8 mars 2016

M. Jean-Claude Andréini, président de l’Association des éco-entreprises de France (PEXE), Mme Florence Jasmin, déléguée générale, M. Guillaume Ayné, délégué aux relations institutionnelles, M. Guy Herrouin, responsable stratégie du pôle de compétitivité Mer-Méditerranée et M. Thomas Toutain-Meusnier, délégué général de Durapole.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Nous poursuivons les travaux de la mission en recevant une délégation des représentants et membres de l’Association des éco-entreprises de France, le PEXE (Partenariat pour l’excellence de la filière des éco-entreprises) : M. Jean-Claude Andréini, président et par ailleurs vice-président du comité stratégique de filière « éco-industries » (COSEI), Mme Florence Jasmin, déléguée générale, M. Guillaume Ayné, délégué aux relations institutionnelles, M. Guy Herrouin, responsable stratégie du pôle de compétitivité Mer-Méditerranée et M. Thomas Toutain-Meusnier, délégué général de Durapole, cluster de PME franciliennes éco-innovantes.

Cette audition doit nous permettre de mieux connaître le point de vue des PME et des ETI, les entreprises de taille intermédiaire, des éco-industries, représentées ici par des structures qui aident leurs membres à conduire des projets collaboratifs et à accéder aux financements.

Nous souhaiterions, madame, messieurs, savoir si les financements et les programmes du PIA vous paraissent adaptés aux besoins des différents secteurs de la transition écologique, et quelles sont les améliorations que vous préconiseriez.

Mme Eva Sas, rapporteure. Notre objectif est d’analyser l’impact des programmes d’investissement d’avenir sur l’activité des entreprises, particulièrement les PME et les ETI, et l’innovation. Nous nous interrogeons notamment sur la sous-consommation qui affecte parfois ces crédits et qui semble indiquer un manque de projets. Nous souhaitons ainsi dégager des pistes d’amélioration en vue du PIA 3, de façon que les programmes soient au plus près des besoins des entreprises.

M. Jean-Claude Andréini, président du PEXE. Nous avons prévu de vous présenter, du bottom-up, c’est-à-dire du vécu, par un panel de nos réseaux : clusters, pôles de compétitivité et fédérations professionnelles. Le PEXE réunit trente-cinq réseaux qui ont chacun des approches et des visions un peu différentes. Les représentants de nos réseaux ici présents vont vous apporter des témoignages concrets.

M. Guy Herrouin, responsable stratégie du pôle de compétitivité Mer-Méditerranée. Il existe deux pôles de compétitivité Mer : l’un pour l’Atlantique, en Bretagne, l’autre pour la Méditerranée. Nous sommes deux pôles jumeaux qui nous concertons pour l’instruction des projets.

S’agissant des PIA, nous sommes concernés par trois sujets : la biodiversité, avec le PIA Initiative PME-Biodiversité, le transport du futur, dont le navire du futur, et l’institut pour la transition énergétique (ITE) France Énergies Marines (FEM).

Les opérateurs en sont l’ADEME, BPI France et l’ANR. L’ADEME, qui agit particulièrement sur les PIA transport du futur et biodiversité, s’est amélioré au cours du temps ; sa gestion est précise et très professionnelle. Nous avons en revanche peu de relations dans ce domaine avec Bpifrance, qui ne s’appuie pas vraiment sur les pôles de compétitivité. Nous sommes enfin partenaires de l’ITE France Énergies Marines – nous accompagnons les appels à projet, nous stimulons les réponses… – mais nous n’avons pas de relations directes avec l’ANR, qui finance les appels à projet. L’ITE est actuellement en phase de transition ; il n’est pas encore abouti, son financement repose sur les régions et les adhérents.

Les crédits sont à notre avis correctement engagés. L’appel à projets pour la biodiversité est récent : la clôture de la première phase a eu lieu en octobre, celle de la deuxième phase en février. J’ai participé à l’élaboration de ce programme, dont la mise en place a été un peu difficile car il a fallu d’abord montrer que la biodiversité pouvait correspondre à un marché. L’engagement des crédits est lui-même très récent.

Mme Eva Sas, rapporteure. Pouvez-vous donner des exemples de ce en quoi la biodiversité est un marché ?

M. Guy Herrouin. L’observation de la biodiversité engendre des besoins de sondeurs, de caméras – c’est-à-dire de capteurs – permettant de juger si elle se dégrade ou s’améliore. De même, la restauration de la biodiversité est possible grâce à des techniques relevant du génie écologique côtier, une filière émergente dans laquelle la France a de très bons acteurs et qui exporte. Il peut s’agir de la restauration de la biodiversité dans un port, par exemple. Tout ceci engendre des marchés, mais il a fallu le prouver et c’est en cours de confirmation.

M. Jean-Claude Andréini. Pour toutes les infrastructures, des travaux compensatoires sont réalisés afin de restaurer l’impact négatif sur l’environnement : crapauducs, reconstitution de zones humides dégradées… De même, le long des rivières, il faut reconstituer les rives. Ces travaux sont nombreux et demandent beaucoup de compétences.

M. Guy Herrouin. Un tel PIA est aujourd’hui bien dimensionné pour les PME. Ce sont des projets courts, d’un an ou un an et demi, avec un budget pouvant atteindre 400 000 euros, ce qui convient bien à des PME, en réalité surtout des TPE. L’aide de l’ADEME correspond à 50 % des dépenses éligibles, soit au maximum 200 000 euros : les entreprises doivent investir à hauteur de l’autre moitié. Ce sont des projets portés par une seule PME, les autres étant sous-traitants. Il ne s’agit donc pas de projets collaboratifs et la responsabilité en est, en réalité, portée par une seule entreprise. Le montant de fonds propres a été abaissé entre le premier et le second appel d’offres car l’ADEME a été à l’écoute de nos réflexions. Vingt projets ont été présentés au premier appel, une cinquantaine au second. Sur le transport du futur également, un apprentissage a eu lieu entre le premier et le second appel d’offres.

M. Thomas Toutain-Meusnier, délégué général de Durapole. Durapole est une association loi 1901 créée en novembre 2009 à l’initiative de cinq chefs d’entreprise, de la Ville de Paris et de la structure Scientipôle Initiative qui accompagne l’émergence de projets innovants, dans l’idée de fédérer les entreprises innovantes dans le domaine des écotechnologies en Île-de-France. Elle a deux missions principales : la promotion des innovations auprès des prescripteurs et l’accès au marché de ces innovations pour les PME.

Durapole fédère aujourd’hui une cinquantaine d’entreprises domiciliées en Île-de-France, avec un profil moyen de quinze à trente salariés, pour à peu près 1 million de chiffre d’affaires. Ces entreprises sont toutes reconnues pour leur activité d’innovation, que ce soit par le biais du statut de jeune entreprise innovante, la déclaration de crédit Impôt recherche (CIR) ou des distinctions dans différents concours, tels que celui du ministère de l’enseignement et de la recherche ou encore, dernièrement, une sélection de start-up en faveur de solutions pour le changement climatique, au cours de laquelle 200 PME ont été référencées, dont dix font partie du réseau de Durapole. Nos entreprises sont actives dans diverses filières, que je regrouperai dans les quatre grandes filières eau, air, énergie, déchets. Certaines entreprises, notamment dans les énergies renouvelables et la métrologie environnementale, sont présentes sur les cinq continents.

L’objectif de Durapole est de promouvoir ces acteurs, de leur donner des opportunités de démontrer la pertinence de leur activité, et de les amener à travailler ensemble car ces entreprises développent souvent des briques technologiques ou des solutions qui s’inscrivent dans un procès plus global.

En ce qui concerne le PIA, mon témoignage portera sur le dernier PIA sur l’eau et retracera les retours plus individuels de nos membres.

Nous avons essayé de monter un consortium sur l’appel à projets dans le cadre du PIA sur l’eau. Nous avons reçu un écho très favorable de la part de l’ADEME, depuis la note d’intention jusqu’aux questions complémentaires. L’agence nous semble être un opérateur tout à fait adapté pour le soutien à ce type d’appels.

Quatre entreprises de notre réseau souhaitaient répondre, pour un travail sur le traitement in situ des eaux usées en vue d’une réutilisation en activité maraîchère et urbaine. Le premier frein identifié a été le ticket d’entrée à 500 000 euros. Il a donc été créé un groupe de travail, piloté par le pôle, afin de trouver des acteurs complémentaires. Le consortium incluait alors la Ville de Paris ainsi qu’un promoteur immobilier. Cependant, nous n’avons pu aller au bout de la réponse pour des questions de délai, la construction de ce consortium ayant pris du temps.

Si les PME ont vu dans ce programme une opportunité de promouvoir leur innovation, elles n’avaient pas la possibilité d’y entrer individuellement et se retrouvaient dès lors en position de sous-traitants pour des acteurs qui avaient, eux, le ticket d’entrée.

Par ailleurs, la formule de l’avance remboursable est également un frein pour les PME, surtout quand elle est à hauteur de 80 % du montant total de l’aide comme c’était le cas dans ce PIA.

Les PME ont donc besoin de plafonds plus bas pour devenir de vrais partenaires des projets. Elles ont aussi besoin d’un accompagnement à la structuration des projets, car elles n’ont pas forcément en interne les ressources nécessaires à ce type de montages qui sont chronophages. Il faut, enfin, continuer d’améliorer les relations avec les donneurs d’ordres.

En ce qui concerne les retours directs des PME, je rejoins ce qu’a dit M. Herrouin : les initiatives PME sont bien mieux dimensionnées, en termes aussi bien de montants que de délais, pour les PME, et nous avons d’ailleurs une PME qui a pu répondre sur le PIA biodiversité. Néanmoins, la question du travail collaboratif reste posée car la responsabilité est portée par une seule entreprise, ce qui peut être un frein à l’engagement de petites structures qui doivent supporter le risque des partenaires.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Votre cluster n’a permis à aucun projet d’émarger à un programme du PIA ?

M. Thomas Toutain-Meusnier. Des adhérents ont répondu de façon individuelle à des initiatives PME mais, au niveau du PIA classique, sur des apports de consortium, aucune PME du cluster n’a réussi à entrer dans des projets.

Mme Eva Sas, rapporteure. C’est à cause des freins que vous avez évoqués : les avances remboursables et la difficulté de s’organiser collectivement ?

M. Thomas Toutain-Meusnier. La notion d’avance remboursable est clairement un frein pour les PME, mais le principal obstacle est le montant du ticket d’entrée.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Comment Durapole est-il financé ?

M. Thomas Toutain-Meusnier. Nos financements proviennent de la délégation régionale de l’ADEME, de la Ville de Paris, de la cotisation de nos membres et des services mutualisés que nous mettons en place.

Mme Eva Sas, rapporteure. Sans l’existence de Durapole, les entreprises n’auraient pas essayé de soumissionner ?

M. Thomas Toutain-Meusnier. L’objectif de Durapole est de faciliter la mise en place de projets collaboratifs et nous pouvons en effet considérer que, sans cette aide, il aurait été plus compliqué encore pour ces entreprises de constituer ne serait-ce que les premières étapes du dossier.

M. Guy Herrouin. L’important, pour les PME, c’est de savoir s’il s’agira d’une subvention ou d’une avance remboursable. Dans le PIA biodiversité, ce sont des subventions, à hauteur de 50 %, car il a été considéré que les marchés étaient incertains et que le risque était grand. Je pense que c’est la bonne formule. Dans le PIA transport, c’est un mélange d’avances remboursables et de subventions, en fonction notamment de la taille des entreprises, et nous avons constaté que, dans la mesure où les marchés sont plus identifiables, l’avance remboursable n’était pas un obstacle. Plusieurs entreprises du pôle ont d’ailleurs candidaté et ont été retenues.

Dans le PIA biodiversité, j’ai déjà mentionné le nombre de soixante-dix réponses aux deux appels d’offres, dont une douzaine d’adhérents du pôle. Sur ces derniers, quatre sur quatre ont été retenus au premier appel, et nous attendons les résultats du second.

Le travail des pôles de compétitivité est important dans ce domaine. Il faut montrer aux PME en quoi consistent ces aides, leur expliquer que les investissements d’avenir sont un emprunt d’État qui devra être remboursé et qu’il faut donc que l’activité engendre du profit. Elles le comprennent, mais c’est différent des projets du Fonds unique interministériel (FUI) où la part de recherche et développement est importante. Nous aidons les entreprises à accéder à des marchés, à partir de démonstrateurs, et nous avons constaté que l’accompagnement du pôle était fondamental. L’instruction de chacun de ces projets a demandé du temps au pôle. Les pôles de compétitivité sont financés par l’État, les collectivités, les adhérents, mais ce travail d’accompagnement n’est pas identifié en tant que tel, et nous le regrettons.

M. Jean-Claude Andréini. Les pôles de compétitivité sont, sur ce sujet, plutôt bien lotis, si on les compare à Durapole, une initiative d’entreprises.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Durapole n’est pas un pôle.

M. Jean-Claude Andréini. Certes, mais il a la même activité de développement dans le domaine de l’innovation. Il y a dans le PEXE de nombreux clusters conduisant des activités de pôle sans avoir cette dénomination ni recevoir les subventions que reçoivent ceux-ci. Durapole réunit des entreprises performantes mais n’a pas autant de moyens que les pôles pour les faire accéder aux filières.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Les clusters sont souvent des préfigurateurs de pôles. La labellisation des pôles a été la première étape en 2005 pour amener les laboratoires et les entreprises à se parler, et promouvoir les transferts de technologie. Il va falloir réfléchir à un nouveau modèle économique, avec des prestations payantes, l’abandon du tout gratuit, des avances remboursables plutôt que des subventions. Le cluster a sa légitimité dans une phase très en amont mais, une fois que le réseau est devenu pertinent, il faut réfléchir à une transformation en pôle. Ce n’est pas un conseil que je vous donne mais une réflexion macroéconomique. Le cluster n’est peut-être pas le bon moment du réseau pour émarger au PIA.

M. Charles de Courson. Pourquoi ne vous êtes-vous pas intégrés dans un pôle de compétitivité ?

M. Jean-Claude Andréini. La genèse de la filière des éco-entreprises remonte à une vingtaine d’années. Les premiers chefs d’entreprise, dont j’étais, ont créé des clubs parce qu’il n’existait aucun réseau. Je suis par exemple à l’initiative du club ADEME International visant à faire travailler ensemble des entreprises de l’environnement intéressées par l’export. Il n’existait pas à l’époque de pôles de compétitivité.

Le second type d’initiatives, ce sont des initiatives politiques : Mme Blandin dans le Nord, Mme Royal dans sa région, ont considéré que l’écologie était un relais de croissance potentiel. Mme Blandin a créé, avec un petit club d’entreprises, la structure CD2E (Création Développement Éco-Entreprises) rassemblant aujourd’hui 650 entreprises qui ne demandent rien à personne et progressent par le partage de bonnes pratiques et l’ancrage territorial, sans nécessairement faire ce que font les pôles, à savoir un travail sur l’innovation. Le développement de l’innovation ne se résume pas à cette dernière : c’est aussi le financement, l’export, la réglementation…

Dans leurs territoires, les chambres de commerce ont elles aussi décidé que l’environnement pouvait être un relais de croissance, et elles ont créé des clusters : Bretagne Éco-Entreprises, Lorraine Éco-Entreprises, Alsace Éco-Entreprises… L’État, en dernier, a créé des pôles de compétitivité dotés de moyens de fonctionnement.

Le PEXE a voulu rassembler différentes initiatives, qui se sont chacune donné des missions particulières, qui l’innovation, qui l’export, qui la promotion d’un métier spécifique… Les pôles ne sont pas les seuls acteurs. Dans notre système, nous faisons du bottom-up. Nous sommes par exemple à l’origine de la création d’un syndicat sur l’air, de même que du syndicat des entreprises de la biodiversité. Nous sommes partis de la démarche individuelle des entreprises. Les pôles de compétitivité sont une démarche de l’État, d’ailleurs aujourd’hui assez branlante car leurs moyens ont été réduits.

M. Charles de Courson. Puisque vous étiez plus anciens que les pôles, pourquoi, quand ceux-ci ont été créés, n’êtes-vous pas allés voir les représentants de l’État pour demander à être érigés en pôle ? C’est ce que nous avons fait en Champagne-Ardenne.

M. Jean-Claude Andréini. L’État ne nous a pas posé la question. Il a créé le Conseil national de l’industrie, avec quatorze filières. Je suis président d’une des filières. Un jour, trente-quatre plans industriels ont été présentés, puis neuf solutions… L’État a une continuité compliquée, chaque nouveau gouvernement entraîne des changements. C’est pourquoi je conseille aux réseaux de ne rien attendre de l’État. Le PEXE travaille avec les moyens que nous trouvons nous-mêmes. L’État ne nous aide pas.

Nos clusters sont souvent de petites entreprises qui se structurent. Ma proposition pour faire évoluer les PIA consiste donc en ceci. Quand les appels à projets sont lancés, y répondent ceux qui ont l’habitude : les grands groupes, les ETI et les grosses PME. Aujourd’hui, ce stock de quelques centaines d’entreprises ayant été épuisé, il faut aller chercher dans le potentiel des milliers d’autres éco-entreprises existantes, et cela devra passer par les réseaux. Plutôt que de créer un guichet, il faudra être proactif. Les bons financiers vont chercher la pépite avec leur loupe. Ce travail de recherche passe par les réseaux. À défaut, on aura toujours les mêmes bénéficiaires.

La deuxième série de freins, ce sont le niveau d’accès et le système de financement. Si les grands groupes ont de la trésorerie, les PME ne trouvent pas d’argent et manquent de trésorerie. Pour atteindre le plus grand nombre, il faut donc diminuer la granulométrie. Il convient donc de ne pas juger les opérateurs seulement sur les volumes engagés, car ils ont alors tendance à décaisser gros et vite, donc à faire de grosses opérations, mais aussi sur le nombre : non plus cent, mais mille entreprises, et ce afin d’industrialiser l’innovation. C’est une autre façon de voir les choses.

M. Guillaume Ayné, délégué aux relations institutionnelles du PEXE. Nous avons composé la présente délégation avec les acteurs qui sont aux côtés des éco-entreprises : pôles de compétitivité, clusters, organisations professionnelles qui ont des perceptions différentes. Le Gimélec s’excuse de ne pouvoir être représenté.

L’objectif du PIA, comme d’une politique d’innovation en général, est de créer de l’emploi et de l’activité économique dans notre pays, donc que des PME deviennent des ETI et que ces ETI deviennent demain des champions mondiaux.

Le premier constat commun, c’est la justesse du positionnement du PIA. La difficulté, en France, c’est que, si la recherche et développement y est de très grande qualité, il existe entre celle-ci et la commercialisation une véritable vallée de la mort. Le PIA répond en partie à cette problématique.

Le pôle Mer a eu la chance d’être consulté sur l’élaboration des programmes le concernant, mais d’autres, comme Trimatec ou encore le pôle Eau, n’ont été consultés ni sur le périmètre thématique, ni sur le procès. L’initiative PME biodiversité est l’exemple de ce qui marche : une vraie concertation a eu lieu avec l’Union professionnelle du génie écologique (UPGE) et les pôles de compétitivité concernés. En revanche, alors que le COSEI regroupe quasiment tous les acteurs, ni lui, ni le Gimélec n’ont été consultés sur les grands démonstrateurs GreenLys ou Smart Electric Lyon, ni sur l’I-PME SmartGrids. Ce sont pourtant des acteurs qui connaissent leurs entreprises et les accompagneront, et qui connaissent par ailleurs les marchés.

M. Jean-Claude Andréini. Alors qu’il travaille sur le sujet de l’efficacité énergétique depuis longtemps, avec un groupe de travail dédié, le COSEI n’est pas consulté quand un appel à projets est réalisé.

M. Guillaume Ayné. Le sentiment des uns et des autres est que la consultation des acteurs en amont est à géométrie variable, en fonction des gens aux responsabilités, notamment au sein du Commissariat général à l’investissement. La question d’une normalisation du procès est donc posée.

Une autre question est celle de la reconnaissance des acteurs collectifs. Peuvent-ils être partie aux consortiums ? Pourraient-ils être éligibles aux financements ? La problématique se pose de façon différente selon qu’il s’agit d’une organisation professionnelle, d’un cluster ou d’un pôle, mais elle est nous remontée par tous.

En ce qui concerne les procédures, l’ADEME a entendu les problématiques des PME. C’est ainsi que les programmes sont passés de 80 % d’avances remboursables et 20 % de subventions, à 50-50 sur les initiatives PME. De même, les contributions de 500 000 euros ont été abaissées à 200 000 euros. Cela a pour effet cependant de cantonner les PME, ou les consortiums, à de petits projets, alors que l’enjeu est de faire croître ces PME pour qu’elles deviennent des ETI.

Parmi les allocataires du PIA, les grands groupes sont surreprésentés, même par rapport à la densité du tissu économique. Les ETI s’en sortent bien, c’est-à-dire quelques grosses PME qui ont en interne les moyens de faire face à la lourdeur de la procédure et au temps requis. Tout le reste du champ du tissu productif – soit 12 000 éco-entreprises, moins les quelque soixante ETI et une cinquantaine de grands groupes – et donc l’écrasante majorité de l’emploi, reste en dehors.

Le PIA a suscité un intérêt extrêmement grand. Dans le domaine du traitement des sites et sols pollués, par exemple, où la Belgique et l’Allemagne captent quasiment tous les marchés, des PIA très ambitieux ont été présentés, ce qui a suscité l’espoir de se repositionner et de rattraper le retard. Cet enthousiasme est aujourd’hui frustré et il est plus difficile de rétablir la confiance dans ces conditions. D’où l’importance de la concertation avec tous les acteurs, et pas seulement avec les pôles.

Mme Eva Sas, rapporteure. Il me semble en effet que rendre l’intégration en pôle obligatoire serait une régression.

Vous dites que le marché des sites et sols pollués est capté par la Belgique et l’Allemagne ?

M. Jean-Claude Andréini. Je parlais du traitement des terres excavées qui sont exportées en Belgique pour y être traitées car c’est moins cher qu’en France. C’est un problème.

M. Charles de Courson. Le constat est le même pour la plupart des grandes aides publiques : elles vont aux grands groupes. Ces derniers ont des structures, certains ont des effectifs dédiés à ces procédures, et en outre les personnes qui instruisent ces dossiers passeront souvent, un ou deux ans plus tard, de l’autre côté.

M. Jean-Claude Andréini. Dans la culture de notre pays, il existe une perméabilité entre la haute administration et les grands groupes. Il y a vingt ans, dans le secteur de l’environnement, il existait deux grands groupes, Veolia et Suez. J’avais créé une PME et je me battais. J’ai cherché à savoir combien nous étions dans le même cas. Le périmètre de l’environnement, ce sont les entreprises qui préviennent ou réparent les atteintes à l’environnement : nous sommes 12 000. En dehors de l’appareil d’État et des grands groupes, qui fonctionnent très bien, notamment pour l’export, il existe une autre France, sur les territoires.

De nombreuses initiatives avaient été lancées. J’ai déjà cité Mme Blandin ; à l’époque, on s’en moquait, on disait qu’on ne ferait pas des métiers avec l’environnement. Nous, nous avons inventé l’économie latérale réelle : nous avons structuré ces acteurs qui étaient sous les radars et qui sont aujourd’hui réunis dans trente-cinq clusters. Nous fonctionnons selon le principe de subsidiarité : nous ne nous substituons à aucun d’entre eux, et nous avons réussi à nous développer sans prendre à aucun moment la mission qu’ils s’étaient donné à eux-mêmes. C’est d’ailleurs nous que vous avez invités aujourd’hui ; c’est une forme de reconnaissance. Nous représentons 6 000 des 12 000 éco-entreprises et nous représentons la filière.

L’État n’a pas encore fait son miel de notre expérience, mais on y est presque. Je suis devenu président du COSEI. Le COSEI et le PEXE se rapprochent. Nous avons produit un Guide du financement des éco-entreprises, parce que, entre le COSEI, les pôles de compétitivité, le plan Montebourg, le plan Macron…, les entreprises n’y comprennent rien. Nous avons un rôle fondamental de structuration de la filière et nous nous débrouillons par nous-mêmes, avec deux salariés, moi-même étant bénévole. Les Allemands auraient mis 10 millions d’euros dans une structure comme le PEXE. Pour développer les filières, il n’y a aucun financement des réseaux, nous nous adressons directement aux entreprises.

M. Guillaume Ayné. J’ai mené une étude sur les clusters au niveau européen. Les Allemands, les Autrichiens, les Danois ont des clusters extrêmement puissants, portés par les chambres de commerce, les Länder et l’État. La différence avec notre pays est manifeste. Le plus gros acteur collectif en France est un pôle de compétitivité de vingt-quatre salariés ; en Allemagne, la moyenne est de cinquante salariés. Le cluster est le parent pauvre de notre politique de développement économique.

Mme Florence Jasmin, déléguée générale du PEXE. Mon témoignage concernera les sites et sols pollués. Un appel à manifestation d’intérêt (AMI), clos en novembre 2011, portait sur les solutions innovantes de dépollution et de valorisation des sites et des sédiments, pour un montant global de 6 millions d’euros. Il était assez difficile pour les PME d’y répondre. Seuls trois projets ont émergé et le budget global de l’AMI n’a pas été utilisé. Ce sont pourtant des sujets très intéressants dans une politique d’aménagement durable. L’entreprise EODD qui coordonnait l’un des trois projets, le projet Bioxival, regrette qu’il n’y ait pas d’autre AMI prévu sur les sites et sols pollués. Nous avons d’ailleurs réalisé l’an dernier, à la demande de l’ADEME, une étude sur l’innovation dans ce domaine : il n’y quasiment plus de recherche.

Mme Eva Sas, rapporteure. Il faudrait analyser pourquoi si peu de projets ont été présentés dans le premier AMI. Il est compréhensible que les pouvoirs publics ne relancent pas un AMI si le résultat doit être le même.

Mme Florence Jasmin. Les entreprises n’étaient pas suffisamment mobilisées, il y a eu des problèmes de communication et les montants étaient problématiques.

Le groupe de travail sur la biodiversité du COSEI a engagé, il y a plus d’un an et demi, une étude pour identifier les acteurs du génie écologique au niveau national. Quand le PIA biodiversité a été lancé, nous connaissions les entreprises et cela a été beaucoup plus facile de les informer. Le PEXE a conduit un important travail de relais. Nous avons organisé une réunion, labellisée COP21, sur le littoral en juin dernier, où nous avons invité le ministère de l’écologie. Avant même le lancement du PIA, nous avons pu mettre en relation les pôles, les clusters, les laboratoires de recherche, les PME, et cela a très bien fonctionné car cela a permis aux entreprises d’anticiper. C’est le seul cas où nous avons vraiment travaillé main dans la main avec l’ADEME et le ministère.

M. Charles de Courson. Pourquoi le seul ?

Mme Florence Jasmin. Parce que nous connaissions bien les interlocuteurs du ministère et de l’ADEME qui travaillaient sur ces sujets.

M. Guy Herrouin. Un autre exemple qui marche bien, et pour les mêmes raisons, c’est le navire du futur. Les appels du PIA se sont très bien passés car les entreprises étaient représentées soit directement, soit par le biais du Conseil d’orientation de la recherche et de l’innovation pour la construction et les activités navales (CORICAN), une association professionnelle, ou du pôle de compétitivité. Ces deux exemples montrent que cela marche bien quand les professionnels sont associés dès le départ.

M. Jean-Claude Andréini. Il faut préparer l’écosystème entre les entreprises et les financeurs. La filière du génie écologique n’existait pas il y a deux ou trois ans ; nous l’avons montée de toutes pièces et elle est devenue dynamique. Elle a été efficace sur le PIA car il y a eu symbiose entre les professionnels et les concepteurs du projet.

Vous nous avez envoyé une question sur les besoins auxquels le PIA doit répondre pour les filières éco-industrielles. Le PIA doit répondre à la demande des entreprises, cela doit venir de la base. Il faut donc faire remonter les demandes. Sur les sols pollués, un AMI raté, il faut voir avec les professionnels ce qui s’est passé et comment on pourrait procéder.

Comme je l’ai dit, une fois épuisé le premier stock de sociétés disponibles, pour atteindre le stock suivant, la méthode doit être différente. Il faudrait voir comment un réseau comme Durapole pourrait placer dix de ses PME et TPE dans les PIA. Au lieu de juger les opérateurs par les montants engagés et la vitesse de l’engagement, je propose de les juger par le nombre d’opérations, de façon à industrialiser le processus et à passer à la granularité inférieure. Cela obligera à simplifier encore et à se servir de l’intermédiation, des réseaux, donc à aller dans les territoires. Pour cela, l’ADEME est bien placée car elle est régionalisée.

Je souhaite une continuité entre PIA 1, PIA 2, PIA 3. Il ne faut pas inventer un nouvel opérateur à chaque fois, ce qui nécessiterait un nouvel apprentissage des uns et des autres. L’ADEME, au début, n’était pas bonne, mais elle arrive aujourd’hui à prendre une décision en trois mois, à contractualiser en deux mois et à payer la redevance de démarrage de 15 % en quinze jours : c’est un gain de temps de plus de cinq mois. Cela fait toujours six mois mais ce n’est déjà pas mal.

Ce sont des professionnels du secteur. L’ADEME a un comportement différent de celui de la BPI. Elle travaille sur la filière alors que la BPI s’interdit de définir des filières. L’ADEME a plutôt une vision de long terme alors que la BPI se comporte comme un banquier et demande un retour sur quatre ou cinq ans comme n’importe quel financeur. Les deux sont parfois en compétition, notamment sur des opérations de montée en capital mais ce n’est pas très grave du point de vue des entreprises. L’ADEME a appris ce qu’étaient la finance et le capital. Dans le financement de l’innovation, il y a aussi le financement du capital, et elle a créé des sociétés de projet. C’est une excellente chose ; l’ADEME prend le risque avec les entreprises. C’est à développer.

En ce qui concerne l’ANR, je ne vous cache pas que je n’ai pas du tout apprécié les ITE. Sur les sols pollués, dans le traitement nouvelle version par les ITE, l’approche est uniquement académique : les entreprises sont absentes. J’ai été président, à l’ANR, du programme ECOTECH ; je faisais en sorte que les entreprises émargent beaucoup à l’ANR et soient proactives. Dans la nouvelle version, le contact avec le monde industriel a disparu, au point que j’ai même vu une feuille de route émanant d’un ITE sans le mot « entreprise ».

Le COSEI, une structure déjà ancienne, vient des états généraux de l’industrie, d’où est née l’idée qu’il fallait travailler avec trois parties prenantes : les syndicats, les entreprises et les pouvoirs publics. Quatorze filières ont été créées, dont la filière des éco-entreprises, mais, au lieu de poursuivre dans cette voie, trente-quatre plans ont un jour été présentés. J’ai compris par la suite que ce qu’on appelait des plans industriels étaient en fait non pas des plans mais des projets. On m’avait confié le « plan » industriel Énergies renouvelables et j’ai donc fait un plan, c’est-à-dire j’ai interrogé les entreprises – certaines m’ont dit qu’elles voulaient de l’augmentation de capital, d’autres qu’elles voulaient aller à l’export, d’autres demandaient un changement réglementaire… – et j’ai produit quarante et une actions, dont la principale était l’export et la prise de parts de marché. M. Macron a alors annoncé que les trente-quatre plans étaient transformés en neuf solutions, et il m’a demandé de réintégrer mon plan dans le COSEI. Le plan industriel a donc trouvé sa vraie place, il est géré par le COSEI énergies renouvelables, qui est centré sur l’export.

Parmi les autres activités des trente-quatre plans de M. Montebourg, certaines se développent autour de la ville durable, comme la solution ville durable dans laquelle on trouve l’eau, les déchets, les bâtiments… Je me rends demain, au titre du COSEI, à une réunion de ce qu’on appelle la Nouvelle France Industrielle ; je cherche à comprendre qui fait quoi. Heureusement que nous nous parlons bien avec les industriels et que l’administration fait bien les liens, car il faut éviter les doublons. De nombreuses initiatives existent sur la ville durable ; le COSEI, par exemple, est à l’initiative de Vivapolis, ville durable, à l’export.

Mme Eva Sas, rapporteure. Merci pour la clarté de vos apports et la nature concrète des pistes que vous dégagez. Je pense que cela nous aidera beaucoup dans nos recommandations. Nous avons mieux compris les besoins des PME et des ETI, la nécessité de les associer en amont dans la construction des appels à projet, le besoin de rationalisation et de mise en cohérence des plans d’action. Si vous avez des documents supplémentaires, n’hésitez pas à nous les adresser.

Audition du 15 mars 2016

Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale adjointe du groupe Caisse des Dépôts, M. Philippe Pradier, chef du service développement durable, Mme Christel Sanguinède, secrétaire générale de la mission PIA.

Mme Eva Sas, rapporteure. Nous poursuivons les travaux de la mission en recevant des représentants de la Caisse des dépôts. Cette audition doit nous permettre de mieux cerner sa contribution à la transition écologique dans le domaine des projets urbains, principalement par l’action « Ville durable », et sous la forme de partenariats avec des collectivités territoriales.

Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale adjointe du groupe Caisse des dépôts. La Caisse des dépôts est en effet très impliquée dans la mise en œuvre des actions du PIA au titre de la transition énergétique et écologique ainsi qu’au titre du développement urbain. Cette activité de gestion du PIA s’inscrit dans une stratégie plus globale de la Caisse qui développe des actions propres en faveur de la transition écologique, soit par des investissements directs, soit par des prêts. Cet objectif est l’une des quatre grandes transitions que soutient la Caisse des dépôts avec la transition numérique, la transition territoriale et la transition démographique. Il représente donc un de nos axes majeurs d’intervention.

En 2010, l’État nous a confié la gestion de la convention relative à l’action Ville de demain du PIA. Nous intervenons dès lors comme opérateur de l’État. Pour instruire les projets et gérer les financements, nous avons mis en place une gouvernance spécifique, avec une équipe dédiée au sein de notre Direction de l’investissement et du développement local. Cette organisation assure la séparation entre les activités conduites pour notre propre compte et celles menées pour le compte de l’État.

La mission PIA pilote l’ensemble des actions mises en œuvre par la Caisse des dépôts en tant qu’opérateur mandaté par l’État pour gérer un certain nombre de programmes. Elle en a ainsi une vision horizontale et transversale et organise l’ensemble des relations avec le commissariat général à l’investissement (CGI).

Mme Eva Sas, rapporteure. Vous avez donc une équipe dédiée à l’instar d’autres opérateurs des PIA. Combien de personnes compte-t-elle ?

Mme Odile Renaud-Basso. La mission PIA, en tant que telle, réunit une dizaine de personnes qui s’occupent de l’ensemble du pilotage des actions : négociation et suivi des conventions, questions relatives aux facturations, préparation des budgets, coordination de la relation avec le CGI etc. Mais l’instruction des programmes dont la Caisse des dépôts a la charge mobilise quarante-cinq équivalents-temps plein au sein des différentes directions. Ils assurent la mise en œuvre opérationnelle des programmes en instruisant les projets, en assurant la relation avec les porteurs de projets et les élus au niveau territorial… Environ cinquante-cinq personnes gèrent ainsi des actions dont le budget total s’élève à 8 milliards d’euros. Les rôles de la Caisse peuvent varier selon la nature des actions concernées : il s’agit parfois seulement de gestion administrative et financière ; dans d’autres cas elle a une responsabilité d’instruction, d’identification de projets…

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Cette somme inclut-elle les fonds mobilisés pour le plan « Ville durable » de 2008 ?

Mme Odile Renaud-Basso. Ce plan ne s’est traduit que par une intervention de l’État lui-même.

Philippe Pradier, chef du service Développement durable de la Caisse des dépôts. Indépendamment de ces fonds, la Caisse des dépôts avait aussi engagé des fonds propres sur des projets urbains.

Mme Odile Renaud-Basso. Je précise que l’instruction des projets mobilise l’équipe de la Direction de l’investissement et du développement local, mais aussi nos directions régionales sur le terrain. Ces dernières examinent les projets, sont au contact avec les élus pour promouvoir l’action et les financements du PIA. Elles jouent un rôle important dans ces expertises.

Après une évaluation réalisée en 2015, nous avons récemment renforcé les compétences des comités opérationnels de financement régionaux pour émettre un avis sur l’ensemble des demandes, s’assurer de la mise en œuvre au niveau territorial des décisions du comité de pilotage national et avoir une capacité d’engagement – en deçà d’un certain seuil. Ces comités peuvent mobiliser eux-mêmes jusqu’à 1 million d’euros pour les subventions d’investissement et 100 000 euros pour les subventions d’ingénierie.

La gouvernance spécifique du PIA s’appuie aussi sur un comité de pilotage national Ville de demain, dans lequel la Caisse des dépôts dispose de deux représentants aux côtés des deux représentants du CGI et d’un représentant de l’ADEME. Ce comité national a un rôle central en matière de décision ; il émet collégialement un avis. Cependant, comme c’est la règle, le dernier mot sur l’adoption finale des projets financés par le PIA revient au CGI.

Le programme Ville de demain est doté – après plusieurs redéploiements – de 668 millions d’euros, qui se décomposent en une enveloppe de 503 millions d’euros de subventions et une autre de 165 millions de prises de participation. L’engagement de la première enveloppe est le plus avancé à ce jour : sur 554 millions d’euros déjà engagés au total, 471 millions d’euros sont mobilisés à titre de subvention et 61 millions d’euros de fonds propres ; le reste concerne des frais d’études et de gestion. Les bénéficiaires en sont essentiellement des collectivités territoriales (pour plus de 330 millions d’euros) ; on décompte quelques acteurs privés – des entreprises – (58 millions d’euros) et des acteurs publics de la ville, tels des établissements publics (96 millions d’euros).

Le fonds était initialement doté de 1 milliard d’euros – décomposé en 400 millions d’euros de fonds propres et 600 millions d’euros de subventions. Mais il a fait l’objet de plusieurs redéploiements successifs. En premier lieu, parce qu’au fur et à mesure des appels à projets, il est apparu que l’enveloppe des prises de participation était peu mobilisée. Une partie a donc servi à recapitaliser la BPI (banque publique d’investissement), à hauteur de 150 millions d’euros. Une partie de l’enveloppe de subventions a également été redéployée pour financer le Pacte pour la compétitivité et l’emploi et d’autres actions du PIA.

Il faut aussi observer que l’action Ville de demain a mis un certain temps à monter en puissance. La mobilisation des partenaires et l’identification des projets potentiels se sont faites assez lentement. Mais on constate aujourd’hui que la mobilisation des partenaires locaux a porté ses fruits et que les enveloppes sont déjà en bonne partie engagées. Le programme a connu deux grandes phases : la première, qui s’est étendue de 2010 à 2014, était centrée sur les 19 éco-cités sélectionnées en 2008. Ce qui signifie que les projets éligibles ne relevaient que de ces sites. En 2015, l’action a été élargie à toutes les métropoles, ainsi qu’aux entreprises qui innovent en faveur de la ville durable, avec l’ouverture d’une enveloppe de 320 millions d’euros. 31 territoires, dont 13 en Île-de-France, ont pu bénéficier de cette seconde tranche. Elle a vraisemblablement contribué à accélérer et élargir la diffusion du programme.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Pouvez-vous nous en donner quelques exemples ? Plusieurs années se sont écoulées depuis le lancement du programme, voire depuis 2008 où les villes ont commencé à investir cette thématique, sans que les résultats ne me semblent très spectaculaires sur le terrain.

Philippe Pradier. Le programme Ville de demain s’applique à une trentaine de sites qui recouvrent de très grands projets urbains, pouvant couvrir plusieurs centaines d’hectares. En prenant seulement une moyenne hypothétique de 100 hectares, multipliée par 30, ces projets atteindraient, selon des calculs rapides, un budget total de 45 à 50 milliards d’euros. Or, nous ne disposons que de 450 millions d’euros, après soustraction des fonds affectés aux transports en commun en sites propres. Notre contribution ne représente donc qu’environ 1 % des projets d’ensemble. Cela explique leur moindre visibilité. Pour autant, à l’instar de l’avis écrit par les évaluateurs en 2014, je suis persuadé que ce programme a un effet d’entraînement, d’impulsion et de démonstration pour des projets qui n’auraient pas vu le jour sans ce soutien.

Dans le domaine du bâti, l’objectif initial du programme était de financer des bâtiments qui, idéalement, seraient à énergie positive, utiliseraient des matériaux bio-sourcés etc. Nous n’avons pas toujours pu réunir l’ensemble des performances attendues. Néanmoins, chaque projet a su additionner plusieurs objectifs. À Strasbourg, par exemple, un bâtiment financé grâce au programme a été construit sur des pieux qui ont été, par ailleurs, utilisés pour produire de la chaleur par géothermie. Il y a cinq ans, seules une ou deux opérations similaires avaient été réalisées en France – comme la ZAC Étoile – et plus fréquemment en Allemagne. De même à Strasbourg, le fonds a pu aider d’intéressantes petites opérations d’auto-promotion, dont l’une d’entre elles est adossée à une coopérative HLM. Ces interventions ont plutôt porté sur l’organisation et la maîtrise d’ouvrage. Le fonds a aussi financé, ou va financer, des groupes scolaires à énergie positive à Montpellier et à Bordeaux.

Les actions financées dans le domaine de la mobilité sont également très nombreuses : s’agissant de l’information partagée en temps réel avec les voyageurs, de nouveaux systèmes de billettique. À Nantes, un système de paiement par carte a été mis en place. Il fonctionne un peu comme le Pass Navigo francilien, mais le paiement s’effectue a posteriori, en fonction des trajets réels avec un système de minima et de maxima pour ne pas pénaliser ceux qui ont besoin de se déplacer souvent, tout en faisant contribuer tout le monde, y compris ceux qui voyagent peu.

Dans le domaine de l’énergie, les projets fondés sur les énergies renouvelables (biomasse, solaire, géothermie…) se multiplient. Par exemple à Grenoble, le fonds a récemment engagé le financement d’un réseau à basse pression qui alimentera tout le quartier de la nouvelle ZAC Flaubert. L’innovation réside dans l’utilisation de capteurs solaires thermiques et dans le fait que la chaleur n’est pas simplement envoyée sur le bâtiment où elle est produite, mais est mutualisée. Un système de stockage de la chaleur par matériaux à changement de phase est également créé. Ce seront des premières en France, voire en Europe.

Environ 150 projets bénéficient ou vont bénéficier d’un soutien du fonds « Ville de demain ». Son spectre d’intervention est très large, notamment pour la seconde tranche. Il peut concerner presque toutes les composantes de la ville : le bâti, la mobilité, l’énergie, mais aussi tout ce qui a trait à la nature en ville. À Nantes, il a récemment soutenu l’organisation d’un réseau de fermes urbaines. Elles existaient déjà mais étaient progressivement gagnées par l’urbanisation. Elles seront remises en activité avec le développement du maraîchage, de la vente de proximité, des circuits courts de commercialisation, des ateliers pédagogiques pour les enfants… Ce fonds peut également financer des projets en faveur de la biodiversité. La digitalisation de la ville est aussi essentielle.

Mme Eva Sas, rapporteure. J’entends que vous choisissez des actions pilotes inédites en France voire en Europe. Vous retenez bien comme critère d’éligibilité le caractère innovant, démonstrateur et pilote des projets ? Il existe un débat, même au sein du comité de surveillance des investissements d’avenir, sur le fait que certains projets financent plutôt des infrastructures, alors que ce n’est pas la vocation des PIA.

Mme Odile Renaud-Basso. On voit bien que d’autres PIA sont moins attachés à cette condition d’innovation, au risque de se substituer à des dépenses budgétaires. Mais dans le cas du programme Ville de demain, si les projets retenus ne sont pas toujours des premières, ils sont toujours très novateurs, soit sur le plan technique, soit sur celui des usages, soit sur celui du modèle économique. Ils contiennent tous un élément nouveau par rapport aux instruments classiques d’intervention. C’est aussi une des raisons de leurs dimensions plus modestes : ils relèvent davantage des démonstrateurs, que d’une logique de développement massif sur un territoire d’un type d’action ou de gestion. Cela explique aussi leur caractère foisonnant : nos opérations sont de nature très diverses, même si elles interviennent dans des secteurs bien identifiés.

Un de nos enjeux majeurs est précisément d’arriver à faire connaître ces expériences et de voir comment on peut les dupliquer ailleurs ou les déployer à plus grande échelle quand elles ont un impact très positif sur l’environnement, la gestion urbaine ou autre.

Mme Eva Sas, rapporteure. Le financement de cette phase de généralisation après les premières démonstrations est-il prévu dans le cadre du PIA ?

Mme Odile Renaud-Basso. Cette phase n’est pas intégrée au programme. À ce jour, n’est envisagée pour la troisième phase du PIA que la prolongation du programme Ville de demain afin d’en faire bénéficier des collectivités ayant monté ou montant des actions qui n’ont pas pu s’inscrire dans les appels à projets des premiers PIA. On ne parle pas de généralisation. Il s’agit toujours d’approches innovantes.

Si le PIA n’a pas prévu de financement massif pour développer les expériences intéressantes, la Caisse des dépôts s’efforce de faire connaître les exemples positifs aux collectivités territoriales avec lesquelles elle travaille déjà en partenariat et étudie les projets d’investissement qui pourraient être portés dans un autre cadre. La difficulté vient du modèle économique. Les projets financés sont largement portés par des subventions. Or, la Caisse des dépôts ne peut soutenir des investissements massifs par des subventions. Il faut donc trouver un autre mode de financement, plus auto-portant, que ce soit par l’investissement des collectivités elles-mêmes, ou par la prise de participation en fonds propres...

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Je m’interroge sur votre intervention au regard de celles des collectivités locales, qui doivent intervenir, avec leurs propres outils ou en partenariat, de la manière la plus durable possible. Il me semble, qu’au départ, les interventions du PIA étaient focalisées sur des actions d’excellence, permettant de faire un bond en matière de qualité de vie des habitants ou de rupture technologique.

Compte tenu de la pénurie que nous connaissons aujourd’hui en matière de finances publiques, l’attitude des collectivités peut être ambiguë. Êtes-vous très vigilants sur la qualité des projets qui vous sont présentés ? Vous concentrez-vous sur des projets d’excellence ou faites-vous du saupoudrage ou du complément de financement ?

Mme Cristel Sanguinède. Nous avons effectivement conservé cette exigence, notamment pour les projets de la deuxième tranche. Nous avons engagé 150 millions d’euros pour une demande de financement voisine de 600 millions d’euros. Notre lecture a donc été réellement sélective. L’apport du PIA réside peut-être aujourd’hui aussi dans un mode de gouvernance locale ou dans le développement des partenariats public/privé. Nous conservons, pour la sélection des projets, une vigilance particulière sur les bonnes pratiques, notamment sur les innovations d’usage et avons animé dans cet esprit des journées de partages avec des intervenants locaux (porteurs de projets, directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement…).

M. Philippe Pradier. Nous sommes très attentifs aux ordres de grandeur des coûts des projets qui nous sont présentés et tenons compte, pour les sélectionner, de l’état des finances publiques ou des marchés, immobilier ou de services urbains. Mais, dans les faits, nous avons plus de problèmes de tri par rapport aux technologies innovantes que d’abandon pour des raisons de coûts.

Mme Odile Renaud-Basso. Le fait d’avoir, pour le PIA, des ressources et des mécanismes d’appels à projets incite au développement de projets. L’ampleur des financements mis en place a ainsi sûrement un effet incitatif. En tout cas, nous ne finançons pas ce que l’État financerait de toute façon.

M. Philippe Pradier. Même si les collectivités territoriales s’intéressent depuis plusieurs années à ces questions, le programme Ville de demain adossé à la démarche Eco-cité axée sur les stratégies urbaines, a permis de développer un travail en réseau des collectivités. La capitalisation sur l’expérimentation est diffusée, ce qui crée de l’information réciproque entre collectivités. Celles-ci nous encouragent d’ailleurs à animer ce réseau. Nous n’avons ainsi pas nécessairement les financements, mais pouvons contribuer au transfert d’expériences. Il y a là une source de savoir-faire qui répond aux demandes des collectivités territoriales.

Mme Cristel Sanguinède. Je voudrais ajouter un point sur les infrastructures. Le programme Ville de demain a été utilisé dès le départ pour financer un appel à projets antérieur sur les transports en commun en site propre.

Mme Eva Sas, rapporteure. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les programmes territoriaux intégrés pour la transition énergétique ?

Mme Odile Renaud-Basso. Ces programmes ont visé à compléter le panel développé dans le cadre du PIA. Ils comportaient au départ deux volets : des projets novateurs structurants portés par des EPCI et retenant une stratégie énergétique pour cinq ans, et la consolidation de filières locales industrielles et artisanales vectrices de la transition énergétique. Pour ce double niveau d’intervention, était prévu un montant total de 75 millions d’euros, soit 35 millions d’euros de subventions pour les territoires à énergie positive et 40 millions d’euros pour des prêts accordés à des entreprises développant des projets innovants cohérents avec la stratégie énergétique des territoires.

Avant même d’être mise en œuvre, cette stratégie a évolué : les subventions ont été redéployées sur d’autres programmes. Est resté l’aspect « financement des entreprises » qui a été ouvert à toutes les entreprises à énergie positive et, non seulement, aux trente territoires initialement prévus. Nous avons fait un premier appel à projets auprès des entreprises et obtenu 28 réponses ; 7 projets étaient éligibles au dispositif, mais aucun d’entre eux n’a abouti. Nous avons ensuite relancé un nouveau cahier des charges fin 2015, prévoyant une extension de la période maximale de financement de 10 à 14 ans, l’application des critères INSEE et non plus ceux, moins larges, de l’Union européenne pour la définition des PME et enfin quelques modifications en matière de garanties.

Mme Cristel Sanguinède. Cet appel à projets a un caractère permanent. Nous avons à ce jour enregistré plusieurs dépôts de projets offrant un meilleur degré d’éligibilité que ceux du premier cahier des charges.

Mme Eva Sas, rapporteure. Le programme total était donc de 75 millions d’euros. Quel montant était consacré aux territoires à énergie positive ?

Mme Cristel Sanguinède. 35 millions d’euros étaient destinés à une dizaine de territoires lauréats de l’appel à projets, donc avec un fort taux de sélectivité. Les prêts s’adressaient à des entreprises implantées dans un cercle plus large de 30 territoires. L’action de la Caisse avait du sens, du fait de son caractère territorial. Avec la suppression des subventions aux collectivités et l’ouverture des prêts aux entreprises sur l’ensemble du territoire, l’action est plus difficilement visible et elle a eu du mal à trouver un public, du fait notamment du faible niveau des taux d’intérêt sur le marché. Les 35 millions d’euros destinés aux collectivités ont été alloués à d’autres actions du PIA.

Mme Odile Renaud-Basso. Les actions de prêts-PIA connaissent souvent des difficultés, comme cela a été le cas, par exemple, pour les prêts au numérique, qui n’ont pas été mobilisés. Les entreprises peuvent être attirées, sinon par le niveau des taux d’intérêt du moins par la durée des prêts proposés.

Mme Eva Sas, rapporteure. Comment se sont financés les territoires à énergie positive ? Ce programme a-t-il été annulé, parce qu’existaient d’autres sources de financement ? Ou manquait-on de moyens pour d’autres programmes du PIA ?

Mme Cristel Sanguinède. Les 35 millions d’euros ont été versés à une action gérée par l’ANAH, donc dans la même sphère d’utilisation. Cette action a toujours été compliquée en termes de portage et la somme de 35 millions d’euros consacrée à dix territoires n’était d’ailleurs pas nécessairement adaptée.

Mme Eva Sas, rapporteure. Pouvez-vous nous donner des informations sur le fonds d’amorçage qui a été créé récemment ?

Mme Cristel Sanguinède. Dans le cadre de l’enveloppe des prises de participation du fonds Ville de demain, une réflexion a été menée avec BPI-France sur la mise en place d’un nouveau fonds pour financer un certain nombre de besoins non couverts. Ce fonds de financement a été créé fin 2015 et doté d’un montant de 50 millions d’euros. Plusieurs dossiers donneront très prochainement lieu à des engagements. Nous veillons à ce que l’action des PME et des start-up dans lesquelles investira ce fonds soit en conformité avec le programme Ville de demain.

Mme Eva Sas, rapporteure. Cette mission d’évaluation et de contrôle a été créée à la suite de l’observation de redéploiements importants des programmes d’investissements d’avenir transition écologique vers d’autres programmes. On a aussi constaté au fil des auditions, des difficultés liées à l’adoption de priorités budgétaires autres que la transition écologique et une lenteur dans l’engagement et la montée en charge des dispositifs. Dans l’optique de la préparation du PIA 3, quelle est votre appréciation sur les programmes que vous avez menés ? Sont-ils aujourd’hui adaptés aux besoins des acteurs, en l’occurrence des collectivités locales ? Que faudrait-il faire évoluer pour qu’ils aient un effet levier plus important et qu’un plus grand nombre de projets utiles soit financés ?

Mme Odile Renaud-Basso. La première difficulté d’utilisation des ressources sur ces programmes porte sur les 400 millions d’euros d’investissements en fonds propres. Il est difficile de trouver des projets qui justifient un investissement en capital et qui aient une rentabilité suffisante. Il faut investir soit dans des entreprises, soit dans sociétés de projets et le montage de ce type d’opération s’est avéré assez compliqué. L’essentiel des redéploiements a donc porté sur la partie investissements en fonds propres.

Mme Eva Sas, rapporteure. Dans ce cas, on aurait pu les redéployer sous forme de subventions.

Mme Odile Renaud-Basso. L’impact sur le déficit budgétaire n’est pas le même selon qu’il s’agit d’intervention en fonds propre ou pas. Ces arbitrages relèvent du Gouvernement. En règle générale, les redéploiements s’opèrent en gardant la même nature de crédits.

Les contraintes sur le PIA 3 seront les mêmes. Le PIA 3 s’élève à 10 milliards d’euros dont 4 milliards de fonds propres, 4 milliards de subventions et le reste en dotations décennales. La partie subvention, la plus facilement mobilisable pour des projets locaux innovants, sera assez contrainte.

Il a été assez difficile de faire en sorte que les appels à projets suscitent un flux de projets dans un contexte où les actions et les axes privilégiés étaient définis de manière assez floue. Mais aujourd’hui, on a beaucoup d’exemples d’actions réussies qui ont suscité un véritable intérêt et une réelle dynamique au niveau des collectivités territoriales. D’où le souhait de la Caisse de profiter de cette dynamique et de maintenir un PIA 3 sur ces mêmes thématiques, souhait largement partagé par le CGI.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Quels sont vos rapports avec les pôles de compétitivité qui pourraient être pourvoyeurs d’affaires dans les thématiques qui nous intéressent (ville, mobilité, habitat durable) ? Avez-vous été alimentés par certains de ces pôles ?

M. Philippe Pradier. Certains pôles ont effectivement participé auprès des collectivités territoriales ou d’acteurs privés à la définition de projets dans plusieurs écocités ou sur plusieurs sites, mais, en qualité de gestionnaire du programme, nous n’avons pas de relations directes avec les pôles pour, par exemple, les financer. Ils ont toutefois pu faire partie de groupes projets présentant des actions à financer.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Ces pôles auraient dû être les premiers apporteurs de projets. Ils sont aptes à structurer soit des professions, soit des thématiques.

M. Philippe Pradier. Ils ont pu intervenir sur la mobilité ou sur la surveillance climatique par exemple, mais dans le cadre d’actions menées par les collectivités territoriales, souvent des actions de recherche et développement. On peut aussi être amené à rencontrer les pôles de compétitivité au cours des revues annuelles de projets menées avec les différentes entités présentant les projets à financer.

Mme Eva Sas, rapporteure. Ma première question porte sur ce qu’il faudrait améliorer, prolonger ou modifier. Vous nous dites qu’après une phase de montée en charge, on a atteint un régime de croisière, en tout cas sur le programme Ville de demain, mais que vous avez toujours des difficultés à trouver des projets dans lesquels investir en fonds propres. Or, la proportion fonds propres/subventions ne devrait pas évoluer. Il y a là une contradiction : vous nous dites à la fois qu’il faut prolonger le dispositif et vous démontrez le caractère innovant des projets que vous accompagnez, mais dans le même temps vous indiquez que le problème de la sous-consommation des fonds propres va demeurer.

Ma deuxième question portera sur le volet écoconditionnalité du PIA. Vous gérez à la Caisse des dépôts une partie non négligeable de l’ensemble des investissements d’avenir et pas seulement ceux portant sur la transition écologique. Comment voyez-vous l’application de cette écoconditionnalité ? Des critères ont-ils été mis en place ? Sont-ils normés, utiles et suivis ?

Mme Christel Sanguinède. En matière d’écoconditionnalité, je peux vous donner des exemples d’actions que la Caisse gère pour le compte de l’État, notamment dans le cadre du programme Ville de demain. L’ecoconditionnalité est alors constitutive de l’action et ne peut faire l’objet d’un critère car elle en constitue l’ADN. Il en va de même des projets territoriaux intégrés et des actions relevant du Fonds éco technologie géré par BPI France, auquel a souscrit la Caisse, et qui porte une partie des investissements de l’ADEME.

Sur d’autres actions, l’écoconditionalité n’est pas un critère mais a été l’objet d’une vigilance particulière. Par exemple, l’économie sociale et solidaire a fait l’objet d’un appel à projets où l’économie circulaire était un des secteurs visés.

Par contre, dans le secteur de la formation professionnelle, l’écoconditionalité n’est pas mise en œuvre et ne fait pas partie des critères retenus. On a toutefois vu un certain nombre de projets liés à la formation sur les métiers de demain en faveur de l’écologie.

Pour les fonds de prise de participation indirecte, que ce soit le Fonds national d’amorçage ou le Fonds capital risque développement, un quart des fonds sont investis dans des actions ayant pour objet la transition énergétique, mais sans critère d’écoconditionnalité. Les actions y participent sans que cela soit un objectif défini au départ.

Dans le cadre du PIA 2, on a vu des projets territoriaux intégrés où l’écoconditionnalité était complètement incluse. Dans un second temps, d’autres actions sont apparues très éloignées de l’écoconditionnalité, comme par exemple dans le secteur des nanotechnologies ou des programmes en faveur de la modernisation de l’action publique et de la transition numérique de l’État.

Sur l’action Partenariat pour la formation, certains projets ont un lien avec la transition énergétique, mais ce n’était pas leur objectif premier.

La dernière action du PIA 2, French tech, porte sur le soutien aux écosystèmes numériques. Là non plus l’écoconditionnalité n’est pas la priorité. L’objectif premier est de faire éclore des écosystèmes avec des incubateurs et des start-up. Certains néanmoins travaillent en faveur de la transition énergétique.

Mme Odile Renaud-Basso. Pour ces actions, il n’y avait pas de sous-objectif relatif à l’écoconditionnalité.

Mme Christel Sanguinède. Sur le PIA 2, on peut distinguer deux paquets d’actions, le premier très orienté transition écologique et le second qui en est totalement éloigné.

Mme Eva Sas, rapporteure. L’objectif de l’écoconditionnalité ne porte pas sur les programmes de transition écologique dont elle est effectivement constitutive. Son intérêt est d’introduire pour les autres programmes, des contraintes et des objectifs de transition écologique. Des objectifs d’économie d’énergie peuvent ainsi être fixés aux actions portant sur le développement du numérique, par exemple, qui est un des premiers secteurs consommateurs d’énergie.

On constate à travers vos propos que cela reste un peu flou. Il n’y a pas de systématisation ni de pensée réfléchie sur la signification d’une grille d’écoconditionnalité pour l’innovation en France.

Mme Odile Renaud-Basso. Une typologie a été faite avec le CGI qui distinguait les actions dédiées « transition énergétique » et celles qui pouvaient contribuer à la transition énergétique sans être ainsi ciblées. Nous avons deux actions stricto sensu dédiées à la transition énergétique ; pour les autres on ne peut pas dire qu’elles y contribuent. Il n’a pas été appliqué aux actions nanotechnologie, action publique, Bio Tech, de critères additionnels portant sur la transition énergétique. Il aurait fallu procéder à un découpage des actions pour appliquer sur une partie d’entre elles le critère l’écoconditionnalité et nous n’avons pas réussi à le faire.

Mme Christel Sanguinède. Il faut rappeler que le cahier des charges doit convenir à l’ensemble des ministères qui sont partie prenante et au CGI. Il n’est pas évident de trouver un terrain d’accord et d’ajouter un critère assez novateur.

Mme Eva Sas, rapporteure. Cela fait longtemps que l’on sait que le secteur des nouvelles technologies est fortement consommateur d’énergie. L’écoconditionnalité est censée introduire des critères supplémentaires dans la sélection des projets. Nous cherchons à en mesurer la traduction concrète.

Mme Christel Sanguinède. Il faut distinguer entre les actions intrinsèquement dédiées à la transition énergétique, celles qui pouvaient y contribuer et celles qui en sont éloignées.

M. Philippe Pradier. Je voudrais revenir sur la question des fonds propres. On a tiré les enseignements de leur sous-consommation dans la première tranche du PIA Ville de demain et on peut, pour l’avenir, imaginer de desserrer l’équation du modèle économique.

Côté dépenses, pour un projet donné – et c’est ce qu’on a commencé à faire dans le cadre de la deuxième tranche du PIA – il faut être un peu moins exigeant en matière de critères car on s’est rendu compte que cumuler sur un même projet un très haut degré d’innovation et une performance largement supérieure à la réglementation et à la pratique courante, générait des surcoûts qu’aucun modèle économique ne pouvait absorber. Il faut desserrer ces contraintes tout en gardant bien sûr une longueur d’avance par rapport à la production courante qui se fait dans notre pays.

Côté recettes, on peut agir sur le marché auquel s’adressent ces projets en visant des sites particulièrement porteurs en termes de croissance économique et de marché immobilier. Les prises de participation réussies dans l’immobilier portent sur des villes comme Marseille et Strasbourg, dont les marchés leur permettent d’absorber des projets onéreux et complexes.

La troisième piste à explorer dans le cadre du programme Ville de demain consisterait à s’adresser plus directement aux entreprises et acteurs privés. Jusqu’à présent les fonds propres étaient dédiés uniquement à des structures de projets. S’il est très compliqué dans le système fermé d’un projet d’absorber les surcoûts d’innovation, cela peut être plus facile d’absorber ce surcoût à l’échelle d’une entreprise, qui peut étendre sa zone géographique d’influence et connaître une forte croissance. C’est ce que nous essayons de faire dans le cadre de l’action Ville de demain. Nous n’avons pas encore beaucoup de prospects mais nous avons deux ans d’engagement devant nous. Nous espérons pouvoir intervenir dans les entreprises, peut-être pas dans celles du type start-up ou PME comme le fait BPI France, mais plutôt du côté des opérateurs qui ont un lien marqué avec les territoires.

Mme Odile Renaud-Basso. Si on veut poursuivre l’action Ville de demain, il faudra lui dédier une partie des subventions. La ressource est rare et si on ne met que des fonds propres, on restreindra le champ des projets par rapport à ce qu’on peut faire aujourd’hui. Des arbitrages devront être faits.

Mme Eva Sas, rapporteure. Vos principaux interlocuteurs étant les collectivités territoriales, je ne suis pas étonnée que le financement par des fonds propres ne soit pas adapté.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Les collectivités territoriales réfléchissent de plus en plus à des partenariats public/privé. Ce sont les acteurs privés qui prennent le relais des très grands projets innovants.

M. Philippe Pradier. Les projets en prise de participation ont certes été présentés par des collectivités territoriales, mais pour chacun d’entre eux la négociation et le montage se sont déroulés avec un acteur privé. À Strasbourg par exemple, on est en train de finaliser un projet de tour de logements à énergie positive – la première en France – avec un acteur privé qui est un promoteur local. À Marseille, on étudie un projet de boucle à eau de mer qui consiste à fournir de la chaleur ou du froid selon les saisons en utilisant les différences de température entre la terre et la mer. On espère monter ce projet de l’ordre de 50 millions d’euros en prise de participation avec une filiale d’EDF.

Mme Eva Sas, rapporteure. Je vous remercie beaucoup pour vos interventions.

Audition du 24 mars 2016

M. Nicolas Grivel, directeur général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Mme Eva Sas, rapporteure. Je vous remercie d’avoir répondu à notre sollicitation. Une convention liant l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) à l’État a mis en place les modalités de financement de l’action Ville durable et solidaire, excellence environnementale du renouvellement urbain  du deuxième programme d’investissements d’avenir (PIA 2). Pourriez-vous commencer par en dire quelques mots ?

M. Nicolas Grivel, directeur général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Nous vous remercions de nous offrir l’occasion de vous donner un aperçu de nos contributions à la transition écologique en tant qu’opérateur pour le compte de l’État – l’ANRU faisant aussi beaucoup de choses par ailleurs, nous évoquerons ici qu’une petite partie de son action, mais une partie fondamentale.

L’ANRU était déjà impliquée dans la première génération du programme d’investissements d’avenir, notamment dans le cadre des internats d’excellence et de projets visant à développer la culture scientifique, technologique, industrielle. Dans le cadre du PIA 2, l’ANRU s’est vu confier la prolongation du programme qui concerne les internats, ainsi qu’un nouveau programme consacré à la jeunesse.

Les financements du PIA 2 liés à la transition écologique sont répartis en deux axes qui, faisant appel aux compétences propres de l’ANRU, doivent permettre d’approfondir nos interventions dans les quartiers et de promouvoir – de façon complémentaire avec le reste de notre action – la transition énergétique, et au-delà la ville durable et solidaire au sens le plus large du terme, en particulier par la diversification des fonctions présentes dans ces quartiers qui sont souvent très résidentiels.

Ces deux axes diffèrent tant dans leurs ambitions que dans leurs modalités.

Le premier, « Viser la très haute performance et l’innovation environnementale pour le renouvellement urbain », porte notamment sur l’environnement et la transition écologique. Il nous permet d’intervenir par des subventions, en complément d’actions qui entrent dans le cadre du Nouveau Plan national de rénovation urbaine (NPNRU). Les quartiers visés sont déjà, par ailleurs, sélectionnés par l’ANRU pour des interventions massives de renouvellement urbain. Il est doté de 71 millions d’euros.

Le second, « Diversification des fonctions dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville », est un programme de co-investissement : l’agence investira en fonds propres, aux côtés d’investisseurs privés, dans des opérations de développement économique notamment. Nous visons à créer de l’activité économique là où il y en a relativement peu, ou à encourager la perpétuation d’activités déjà existantes. Nous attendrons un rendement de ces interventions en fonds propres, et il nous faudra gérer ces actifs. Cet axe est doté de 250 millions d’euros.

Le premier axe est sans doute celui qui vous intéresse le plus. Il vise à accompagner nos interventions dans les 200 quartiers d’intérêt national qui bénéficient du NPNRU. La loi Lamy a redéfini la géographie d’intervention de la politique de la ville et a défini un indicateur unique : la concentration de la pauvreté en milieu urbain. Dans ce cadre, 1 500 quartiers prioritaires ont été désignés ; en leur sein, nous avons sélectionné 200 quartiers qui présentent les dysfonctionnements les plus forts – dégradation du bâti, enclavement, manque de tranquillité publique… Ce sont des quartiers qui n’ont pas, ou peu, bénéficié des investissements du premier programme de rénovation urbaine, lancé en 2004. Je précise que 250 quartiers d’intérêt régional ont également été identifiés.

Sur ces 200 quartiers d’intérêt national éligibles au PIA 2, nous en avons sélectionné vingt pour approfondir les thématiques de la transition énergétique, et plus largement de la ville durable et des usages renouvelés de l’espace urbain. C’est le premier objectif. Pourquoi ces quartiers seraient-ils les derniers à bénéficier de l’innovation ? Les investissements y seront massifs : nous avons là un terrain de jeu, si vous me permettez l’expression, pour agir et innover à l’échelle d’un quartier tout entier plutôt que d’un immeuble.

Nous accompagnerons donc fortement ces vingt quartiers ; les autres bénéficieront ensuite des résultats de ces expériences.

Notre deuxième objectif est de diminuer le reste à charge des habitants, par exemple en agissant sur l’efficacité thermique – ce qui est bon de façon globale pour la transition énergétique et écologique, mais permet aussi d’améliorer leur pouvoir d’achat.

Sur cette base, nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt : soixante-trois quartiers se sont portés candidats, et nous en avons retenu vingt. Nous ne souhaitons pas néanmoins, nous focaliser sur ces seuls vingt lauréats, mais plutôt qu’ils deviennent une sorte de tête de pont, afin qu’assez rapidement, l’ensemble des soixante-trois villes qui se sont déclarées intéressées par la dynamique d’innovation que nous essayons de créer, puissent en profiter – même si ceux qui n’ont pas été retenus ne recevront pas ces subventions-là.

Les porteurs de projet ont choisi des thématiques différentes : énergie, eau, déchets, mobilité… Nous nous donnons une année pour faire mûrir les projets. Nous sommes en train d’établir les conventions qui permettront de lancer des études d’ingénierie destinées à les affiner. Nous pourrons ensuite passer à la phase d’investissement proprement dite, au cours de laquelle nous porterons une attention particulière à l’articulation de ces actions spécifiques avec le programme de rénovation globale du quartier. Au-delà des 71 millions du PIA 2, nous consacrons en effet 5 milliards d’euros à ces quartiers, sans compter les investissements des bailleurs sociaux et des villes elles-mêmes… Cela représente au total une vingtaine de milliards d’euros. L’apport du PIA 2 est donc financièrement marginal, même si nous comptons beaucoup sur son effet d’entraînement.

Mme Eva Sas, rapporteure. Pourrez-vous nous transmettre la liste des soixante-trois quartiers qui ont été candidats ?

M. Nicolas Grivel. Naturellement.

Mme Eva Sas, rapporteure. Y aura-t-il un autre appel à manifestation d’intérêt, ou bien le premier couvre-t-il l’ensemble de la période ? Pourquoi n’avoir sélectionné que vingt projets ? Est-ce seulement pour des raisons financières ?

Les crédits consacrés à cet axe ont été ramenés de 85 à 71 millions d’euros : y a-t-il à cela d’autres raisons que des arbitrages budgétaires ?

Je précise que le second axe entre également dans le champ de notre mission.

M. Nicolas Grivel. Le Premier ministre a en effet pris la décision d’attribuer 71 millions d’euros à cet axe au lieu des 85 initialement prévus. Mais cette décision a été prise avant l’établissement de la convention de l’ANRU avec l’État : nous avons donc conçu notre propre travail sur la base d’un budget de 71 millions d’euros.

S’agissant des quartiers à sélectionner, nous souhaitions en limiter le nombre pour que les subventions puissent avoir un effet réel – ces subventions doivent avoir un effet de levier, et je redis qu’elles s’additionnent à tous les autres investissements. Nous nous étions donné l’objectif de choisir entre quinze et vingt quartiers ; nous sommes allés jusqu’à vingt parce que nous avons reçu beaucoup de bons projets, portant sur des thèmes assez divers.

Il n’y aura pas de deuxième vague : nous pensons utiliser pour les vingt projets retenus la totalité de l’enveloppe attribuée – toujours pour essayer d’avoir une action efficace et d’éviter le saupoudrage. Il y a certes matière à faire plus. Nous sommes aussi au tout début du nouveau programme de renouvellement urbain, dans une phase de conception des projets ; nous pourrons donc sans doute approfondir ces sujets dans le cadre du PIA 3, déjà en cours de préparation. Les quartiers où intervient l’ANRU sont ceux où les dysfonctionnements sont les plus importants et les populations les plus fragiles : il faut saisir toutes les occasions qui se présentent pour y améliorer le reste à vivre, mais aussi pour les rénover globalement en vue d’assurer la transition énergétique.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Comment articulez-vous les différentes actions menées par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), l’Agence nationale de la recherche (ANR), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)… sur des projets similaires ? Je n’imagine pas que vous puissiez travailler en vase clos.

Comment doit fonctionner à votre sens cet effet de levier ? Les quartiers que vous évoquez méritent une attention tout à fait particulière, et aussi une évaluation de ces actions, menées depuis finalement assez longtemps : pouvez-vous nous donner des exemples de résultats concrets ?

M. Nicolas Grivel. La question de la complémentarité des acteurs est évidemment centrale. Il y a une gouvernance spécifique du programme d’investissements d’avenir qui relève du Commissariat général à l’investissement. Nous avons pour notre part choisi une gouvernance proche de celle mise en place pour l’ANRU elle-même, créée, vous le savez, dans une logique de guichet unique et de partenariat national. Nous avons donc instauré un conseil qui se rapproche de notre propre comité d’engagement, qui examine et valide les projets de renouvellement urbain. La CDC est ainsi présente dans le comité d’engagement mais aussi dans le comité de pilotage du PIA. L’ADEME appartient également à ce comité de pilotage. Disposant d’une grande expérience dans les domaines concernés, elles ont été associées à la conception de notre programme mais aussi à la sélection des projets et participent au pilotage des opérations. Nos liens sont donc vraiment très étroits.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Comment avez-vous choisi les projets retenus ?

M. Nicolas Grivel. Nous avons examiné de très près les soixante-trois candidatures reçues à la suite de l’appel à manifestation d’intérêt. C’est un processus qui m’a paru vraiment intéressant, car il associait le regard des membres du comité de pilotage, mais aussi des services locaux de l’État – directions départementales des territoires (DDT), directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) – et d’experts et de bureaux d’études, mieux à même que nous de faire le départ entre ce qui paraît séduisant sur le papier et ce qui peut se révéler vraiment fécond.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Quel a été le rôle des collectivités territoriales ?

M. Nicolas Grivel. Ce sont les porteurs de projet.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Les avez-vous auditionnées ?

M. Nicolas Grivel. Nous avons en effet organisé une série d’auditions, destinées à préciser certains projets. Nous souhaitions choisir quinze à vingt projets, et ce processus de sélection très approfondi nous a décidés à aller jusqu’à vingt.

Je précise, pour répondre plus complètement à votre question sur les complémentarités entre les différents opérateurs, que les projets que nous avons sélectionnés ne sont pas soutenus par d’autres opérateurs dans le cadre d’autres PIA – opérateurs qui peuvent par ailleurs soutenir d’autres projets dans la même métropole ou la même intercommunalité. Nous chercherons naturellement à assurer la meilleure complémentarité possible des actions des uns et des autres. L’ANRU cherche toujours à attirer dans les quartiers dont elle s’occupe des projets innovants.

Au-delà, il peut y avoir plusieurs dispositifs de soutien à l’innovation, à la transition énergétique dans certains territoires urbains. Chaque opérateur cherche à tirer les leçons des actions entreprises – réussites, mais aussi impasses, inévitables s’agissant d’innovation. Nous essayons ensuite d’apprendre ensemble, de partager nos expériences, quel que soit le cadre institutionnel dans lequel elles se sont déroulées.

La thématique de la ville durable fait parallèlement l’objet de différents travaux, visant à améliorer nos réalisations sur le territoire français, mais aussi à promouvoir notre travail et nos capacités à l’étranger. L’ANRU s’est vu confier par le Premier ministre la préfiguration d’un Institut pour la ville durable. Cette phase s’achève, et nous allons pouvoir mettre en place un réseau d’acteurs sur la ville durable, ainsi qu’une association venant en soutien de ce réseau. Cet institut a vocation à rassembler l’ensemble des acteurs publics, mais aussi privés – entreprises de toutes tailles et experts. Nous attendons beaucoup de ce partenariat, tant, je l’ai dit, pour faire progresser nos compétences que pour gagner des marchés à l’export.

Ce lieu de travail permettra de nouveaux échanges et partages de bonnes pratiques sur tout ce qui concerne la ville durable. Vous avez raison : il faut promouvoir la transversalité et la coopération.

Mme Sophie Rohfritsch. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de ces actions ? Associez-vous les usagers à vos projets ?

M. Nicolas Grivel. Oui, nous essayons toujours d’associer les usagers de façon aussi étroite que possible. Le législateur a insisté sur ce point dans la loi du 21 février 2014, avec notamment la mise en place des conseils citoyens, qui sont associés à toutes les étapes de construction d’un projet ; les actions que nous évoquons aujourd’hui s’intègrent dans des projets plus larges de rénovation co-construits avec les habitants.

S’agissant des exemples concrets, nous n’en sommes qu’au tout début du deuxième programme. Lors du PIA 1, les expériences ont été très variées – certaines réussies, d’autres plus douloureuses. Un effort a été consenti pour mieux informer les habitants ; l’idée est maintenant d’aller plus loin dans la co-construction, donc de réunir les habitants très tôt, d’essayer d’analyser les usages du quartier, les attentes… Ce n’est pas à des élus que j’apprendrai à quel point ces tâches sont complexes. La gestion du temps est un point particulièrement délicat : il est très intéressant mais très difficile d’intéresser les habitants très en amont d’un projet. Le risque est grand de produire un certain découragement.

En rencontrant les conseils citoyens, nous voyons aujourd’hui – et je n’aurais peut-être pas fait la même analyse il y a quelques mois – des gens très investis, très mobilisés, qui attendent beaucoup de ces projets. Nous sommes, je crois, sur la bonne voie, ce que nous confirment des élus qui nous avouent qu’ils n’y croyaient pas, mais voient maintenant tout l’intérêt de cette démarche. Ne soyons pas angéliques : ce n’est ni facile, ni immédiat.

Mme Eva Sas, rapporteure. Si l’enveloppe initiale de 85 millions d’euros avait été respectée, combien de projets supplémentaires auriez-vous pu financer ? Une simple règle de trois donnerait quatre projets retenus de plus.

Pouvez-vous donner plus d’exemples concrets, comme le demandait Mme Rohfritsch ?

M. Nicolas Grivel. Sur le premier point, c’est en effet un calcul que l’on peut faire. Avec une enveloppe financière plus importante, nous aurions également pu faire le choix d’augmenter les sommes allouées par projet. Il faut toutefois garder à l’esprit, s’agissant d’innovation, la nécessité de pouvoir concentrer nos efforts sur un noyau dur et de ne pas nous disperser. En l’occurrence, il me semble que nous aurions pu gérer quelques projets supplémentaires.

Néanmoins, en passant de 85 à 71 millions d’euros, on reste dans le même ordre de grandeur : il ne s’agit pas d’une division par deux. De plus, ce programme est arrimé au NPNRU : il permet donc de faire plus avec des sommes relativement limitées. Pour aller plus loin et associer davantage de quartiers, il faudra en effet des fonds plus importants : nous comptons pour cela sur le PIA 3, qui en outre arrivera au bon moment – les projets auront mûri, et notre expérience sera plus importante.

En ce qui concerne l’évaluation du renouvellement urbain, les interventions lancées au titre du premier programme de rénovation urbaine, lancé en 2004, ont été massives : l’ANRU aura investi au total 12 milliards d’euros, et tous financeurs confondus c’est plus de 50 milliards qui auront été investis jusqu’en 2020. Beaucoup de choses sont donc encore en train de se faire.

Les actions menées ont été beaucoup débattues, notamment lorsque le Parlement a discuté du projet de loi Lamy. Le regard est très positif sur les changements intervenus dans les quartiers, sur les modifications tangibles du cadre de vie – démolitions, reconstructions de logements, diversification des formes d’habitat… Il suffit de se rendre dans des villes où un quartier a été travaillé et pas un autre pour constater l’ampleur du contraste. Dans certains quartiers, on a pu faire diminuer la proportion de logements sociaux en proposant des logements en accession à la propriété ou des logements en locatif libre. On a refait des écoles, des équipements culturels et sportifs… Les services rendus aux habitants ont donc été nettement améliorés. Il faut insister aussi sur la modification de la trame des quartiers : on a supprimé des circulations incompréhensibles, des circulations en escargot… pour ouvrir les quartiers et les relier au reste de la ville. Il y a, je crois, un consensus sur l’intérêt bien réel de ces interventions.

Il y a également un consensus sur leurs limites. Tout d’abord, le programme a démarré physiquement à la fin des années 2000 : il s’est donc entièrement déroulé dans une période de crise économique et sociale ; or on sait bien que les habitants de ces quartiers sont toujours les premières victimes des dégradations de la conjoncture et les derniers à bénéficier des reprises économiques. Leur situation économique et sociale est donc restée difficile.

De plus, les mêmes populations sont demeurées dans les mêmes quartiers, certes devenus plus jolis. Le brassage des populations à l’échelle plus large n’a pas eu lieu : dans le cadre du deuxième programme, nous essayons donc de réfléchir à une meilleure répartition des différentes formes d’habitat – logements sociaux, parc de logements locatifs privés, accession à la propriété… – à l’échelle d’une métropole ou d’une intercommunalité. Ce rééquilibrage des territoires, ainsi qu’une meilleure politique de peuplement, doivent permettre d’éviter particulièrement les phénomènes de forte concentration de la pauvreté dans quelques quartiers.

Il faut également porter une attention particulière au volet économique : c’était l’un des points faibles du premier programme, qui n’a pas réussi à faire naître des fonctions économiques dans ces quartiers, ni à rendre ces fonctions économiques de la ville plus accessibles aux habitants. Ces quartiers demeurent presque entièrement résidentiels, avec une dimension économique et commerciale très peu marquée. Je ne dis nullement que les acteurs ont oublié ce sujet, mais c’est une tâche très difficile. Ce sont des problèmes auxquels il faut réfléchir à une échelle plus vaste que celle du quartier, et c’est pourquoi le législateur a souhaité que les nouveaux programmes soient pensés à l’échelle intercommunale, pertinente pour réfléchir à une stratégie de l’habitat, de l’emploi, de la mobilité ; souvent, l’arrivée d’un métro ou d’un tramway est décisive pour changer l’image d’un territoire.

Quant aux projets, plusieurs thèmes sont présents, et pertinents pour une rénovation de tout un quartier : énergie, gestion de l’eau, gestion des déchets, mobilités et transitions douces, mais aussi valorisation de friches, parfois de friches polluées. La question de la santé est, de façon transversale, souvent abordée ; plusieurs projets tournent autour de l’alimentation.

Mme Eva Sas, rapporteure. Avez-vous des projets de jardins partagés ?

Quels financements vous paraîtraient nécessaires, ou souhaitables, pour le lancement d’un PIA 3 ?

Pouvez-vous dire quelques mots du second axe ? L’investissement en fonds propres n’est pas votre cœur de métier : comment vous appropriez-vous cette mission nouvelle ?

M. Nicolas Grivel. Les jardins partagés sont très présents dans les projets de rénovation urbaine. C’est souvent une demande forte des habitants, qui se les approprient très vite. Ils contribuent à améliorer la vie sociale, et ils sont le plus souvent très bien respectés : il y a très peu de dégradations. Vous trouverez des jardins partagés dans certains des projets que nous avons sélectionnés, mais intégrés dans un cadre plus global – au sein de projets portant par exemple sur la santé, l’alimentation, le renforcement du lien avec la nature…

Mme Eva Sas, rapporteure. Comment vos projets s’articulent-ils avec les ÉcoQuartiers ?

M. Nicolas Grivel. Il n’y a pas d’articulation institutionnelle systématique. Nous mettons souvent en avant la charte des ÉcoQuartiers, qui correspond bien à notre message. Inversement, une part importante des quartiers labellisés comme ÉcoQuartiers sont des quartiers qui ont été rénovés par l’ANRU. Sans que nous fassions une promotion particulière de cet exercice, les élus, déjà engagés dans une démarche de rénovation, font en effet souvent les efforts supplémentaires nécessaires pour obtenir ce statut – et nous les soutenons, bien sûr.

Mme Sophie Rohfritsch. Quel est vraiment pour vous l’intérêt de ces 71 millions d’euros ? Ceux-ci visent l’innovation forte, de rupture, ce qui paraît difficile à mettre en œuvre dans le cadre que vous décrivez.

M. Nicolas Grivel. Je comprends que vous vous demandiez si ces 71 millions d’euros ne vont pas être noyés dans d’autres financements. À mon sens, ces fonds doivent constituer un aiguillon.

Mme Sophie Rohfritsch. Quels sont leurs premiers effets ?

M. Nicolas Grivel. Nous n’en sommes encore qu’à la préfiguration.

Mme Sophie Rohfritsch. Certes, mais vous connaissez la méthode, les projets, les quartiers. Quel est celui qui attendait vraiment cette manne supplémentaire ?

M. Nicolas Grivel. Qu’aurions-nous fait sans PIA ? C’est une bonne question. Le premier programme de rénovation urbaine a permis certaines avancées écologiques – on peut penser au projet important des Mureaux. Dans le cadre du NPNRU, qui s’inscrit dans un contexte marqué par la COP21 et la loi relative à la transition énergétique, l’accent mis sur les problèmes écologiques sera évidemment plus fort encore.

Mais le PIA me semble avoir de vraies vertus : le risque pour nous est de travailler quartier par quartier, en tuyaux d’orgue, dans un mouvement certes d’écoute et de financement de projets qui nous viennent du terrain, mais auquel l’animation, la stimulation permises par des innovations venues d’ailleurs pourraient faire défaut. Le PIA permet d’investir et de financer des projets de transformation, vraiment innovants dont nous pourrons tirer les enseignements pour aller plus loin. Il doit nous permettre de construire une démarche d’innovation en allant chercher des acteurs auxquels nous n’aurions pas spontanément fait appel.

Il est intéressant pour l’ANRU d’être gestionnaire de PIA pour différentes raisons, mais en particulier parce que ces projets peuvent en retour nous amener à transformer l’ensemble de nos programmes. Nous développons des projets de smart grids, de gestion de l’eau… qui n’auraient sans doute pas existé sans la spécificité du PIA.

S’agissant du second axe, qui porte sur la diversification fonctionnelle, avec des financements en fonds propres, il nous conduit en effet à exercer un métier quelque peu nouveau, celui d’investisseur. Il s’agit en effet d’accompagner des investisseurs privés qui ne vont pas spontanément dans les quartiers, afin d’apporter de l’activité économique – hôtels d’entreprises, centres d’affaires de quartier, pépinières… – ou de l’activité commerciale, mais aussi d’opérer une diversification des formes d’habitat en construisant par exemple des résidences pour seniors ou pour étudiants.

Il nous faut donc identifier des investisseurs qui pourraient être intéressés si nous leur proposons un partage du risque financier. C’est un sujet très difficile, mais très prometteur : la rénovation urbaine transforme les quartiers de fond en comble, non seulement en changeant le cadre de vie, mais aussi les rendant plus accessibles ; ils deviennent donc plus attractifs, et leur image peut évoluer. Certains quartiers, déjà transformés par le premier programme de rénovation urbaine, peuvent déjà espérer recevoir de tels investissements.

Dans les 1 500 quartiers désignés comme prioritaires par la politique de la ville, nous cherchons donc des lieux qui pourraient accueillir ces nouvelles fonctions économiques, mais aussi des investisseurs qui pourraient être intéressés, et des projets qui pourraient nous réunir. Nous devons raisonner en investisseurs, dans une logique à la fois d’investisseur avisé et d’investisseur d’intérêt général, avec des objectifs de rentabilité qui ne sont pas forcément ceux d’autres acteurs.

Nous avons conclu sur ce sujet une convention avec la CDC, ce qui devrait renforcer la confiance des acteurs privés.

Nous en sommes au tout début, c’est-à-dire à la captation de la bonne volonté d’élus qui cherchent à développer des projets économiques d’un côté, et de l’autre côté d’investisseurs qui croient au potentiel de ces quartiers, qui comprennent qu’il y a un risque supplémentaire, mais aussi peut-être, à terme, une rentabilité plus forte. Il nous revient d’organiser la rencontre de ces deux univers, qui s’ignorent souvent : on ne pense pas spontanément aux quartiers de la politique de la ville, qui sont essentiellement résidentiels et parfois difficiles, comme à des lieux adaptés à l’investissement économique. Pourtant, la nouvelle attractivité née de la rénovation peut permettre d’attirer des investissements qui à leur tour accéléreront les changements.

Restera encore à insérer ces projets d’investissement dans un projet global de ville durable et solidaire, afin qu’ils soient non seulement un levier de diversification fonctionnelle mais aussi d’insertion dans une ville durable.

Mme Eva Sas, rapporteure. Je répète mes questions : quels fonds estimez-vous nécessaires pour un PIA 3 ? Quelle est votre expérience en matière de gestion de fonds propres ?

M. Nicolas Grivel. S’agissant du PIA 3, je mettrai l’accent sur le premier axe que j’ai développé : nous avons la matière pour aller plus loin – on pourrait ainsi calculer les montants nécessaires pour toucher les 200 quartiers d’intérêt national. Mais, dans un PIA 3, nous ne chercherions plus forcément uniquement la nouveauté, la rupture ; nous pourrions déployer les innovations qui résulteront du PIA 2, donc accompagner davantage de projets.

S’agissant du co-investissement, les sommes allouées aujourd’hui sont importantes ; de plus, nous sommes toujours investisseurs minoritaires : elles permettront donc des actions fortes. Pour le moment, nous devons d’abord réussir à mobiliser les montants prévus par le PIA 2 ; cela prendra du temps, mais nous croyons pouvoir réussir. Bien sûr, en fonction des calendriers et des échéances, le PIA 2 pourra s’articuler avec un PIA 3.

Il faut aussi souligner que nous devrons ensuite gérer des actifs pour dix ou quinze ans – ce sont des programmes à long terme.

Mme Eva Sas, rapporteure. Le temps qui nous était imparti est écoulé. Merci.

Audition du 24 mars 2016

Mme Blanche Guillemot, directrice générale de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH).

Mme Éva Sas, rapporteure. Nous recevons à présent Mme Blanche Guillemot, directrice générale de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH), accompagnée de M. Jacques Berger, directeur général adjoint. Je rappelle que l’ANAH est opérateur du PIA pour des montants importants de crédits destinés à financer l’action Rénovation thermique des logements privés.

Mme Blanche Guillemot, directrice générale de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat. En 2010, l’ANAH s’est vu confier le pilotage du programme Habiter mieux, dédié à la lutte contre la précarité énergétique. Ce programme est né du constat que l’ensemble du parc de logements était une source importante d’émissions de gaz à effet de serre et représentait une part conséquente de la facture énergétique nationale. En effet, les deux tiers de ces logements ayant été construits avant la première réglementation thermique, ils sont très énergivores. Or, ils sont souvent habités par des personnes aux revenus modestes, voire très modestes, pour qui il est difficile d’envisager des travaux de rénovation énergétique. Le programme Habiter mieux a donc pour objectif de lutter contre la précarité énergétique en s’attaquant, non pas à la question du paiement des factures ou du coût de l’énergie, mais à l’isolation de l’habitat.

Ce programme, qui a connu une croissance régulière, est fondé sur un partenariat avec les collectivités locales qui se traduit par des contrats locaux d’engagement. Il a ainsi pour caractéristique de s’inscrire dans des politiques territoriales, grâce à l’implication des collectivités et des partenaires économiques, notamment les artisans du bâtiment, et de mener des actions de repérage des personnes les plus fragiles, en situation de précarité.

Après des débuts plutôt lents, le programme a pris son essor à partir de 2013, suite à l’annonce, le 24 mars de la même année, par le Président de la République, du Plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH). Dans ce cadre, en effet, à la fois le montant des subventions accordées pour la réalisation des travaux et le nombre des personnes éligibles ont considérablement augmenté, entraînant une montée en charge très importante du programme. Celui-ci connaît, depuis, un véritable succès, puisqu’en 2014 et 2015, nous avons rénové 50 000 logements par an. Fin 2015, le nombre des logements rénovés depuis le début du programme s’élevait ainsi à 150 000. Pour 2016, les ministres du logement et de l’habitat durable, et de l’écologie, ont indiqué, dans une annonce conjointe, que notre objectif, qui était initialement fixé à 50 000 logements par an, était porté à 70 000.

Mme Éva Sas, rapporteure. Ces logements sont-ils comptabilisés dans les 500 000 logements dont la rénovation avait été annoncée ?

Mme Blanche Guillemot. Oui, ils en font partie. Mais, dans le cadre de la mobilisation en faveur de la rénovation énergétique de l’habitat, le programme Habiter mieux a pour spécificité d’être ciblé sur la précarité énergétique. Ainsi nos subventions sont attribuées, sous condition de ressources, à des personnes dont l’habitat est dégradé, en vue de réaliser un gain énergétique d’au moins 25 %. Cependant, les résultats sont très largement supérieurs à cette exigence minimale, puisque les gains énergétiques moyens réalisés grâce à ces travaux sont de l’ordre de 40 %. Selon l’évaluation assez précise que nous avons pu effectuer en interrogeant un grand nombre de bénéficiaires, la subvention permet de réaliser un bouquet de travaux qui portent sur le système de chauffage, le plus souvent, mais aussi sur l’isolation des combles et des planchers ainsi que sur l’isolation par l’extérieur des menuiseries.

Au-delà de cette subvention pour travaux, nous finançons également l’accompagnement des bénéficiaires. Pour intensifier l’effort de rénovation énergétique, il est en effet nécessaire de faciliter l’accès à l’information, de conseiller les personnes sur les travaux à réaliser et les aider à mieux évaluer les gains qui peuvent être obtenus par ces travaux. L’agence cofinance donc, avec les collectivités, de l’ingénierie de projet. Des opérateurs, qui sont soit des bureaux d’études soit des acteurs associatifs, recrutés sur appel d’offre des collectivités, accompagnent les ménages : ils se rendent à leur domicile pour établir le diagnostic énergétique, les conseillent sur les devis de travaux et montent le dossier de financement. Ils fournissent ainsi un service d’accompagnement complet.

Pour les propriétaires occupants, qui sont les bénéficiaires majoritaires de ce programme, le montant moyen des travaux est de l’ordre de 18 000 euros. Mais nous aidons également des propriétaires bailleurs, car l’agence intervient dans des domaines caractéristiques : l’habitat dégradé, la requalification de centres anciens et de copropriétés dégradés. Ainsi l’ensemble de nos aides ont permis, grâce à ce programme, d’ajouter des gains énergétiques aux travaux de rénovation de l’habitat ancien dégradé qui étaient menés par l’agence.

Mme Éva Sas, rapporteure. Les 50 000 logements que vous évoquez correspondent-ils au seul programme Habiter mieux ou à l’action de l’ensemble de l’ANAH ?

Mme Blanche Guillemot. Ils relèvent uniquement du programme Habiter mieux.

Mme Éva Sas, rapporteure. D’autres programmes de l’ANAH sont donc consacrés à la rénovation thermique, mais ils ne sont pas destinés aux ménages en situation de précarité énergétique. Est-ce bien cela ?

Mme Blanche Guillemot. Nous rénovons environ 70 000 logements par an, dont 50 000 au titre du programme Habiter mieux. En fait, il s’agit des logements pour lesquels le gain énergétique est au moins de 25 % et qui bénéficient d’une prime complémentaire au titre du Fonds d’aide à la rénovation thermique financé par le PIA.

Mme Éva Sas, rapporteure. Le programme Habiter mieux n’est donc pas entièrement financé par le PIA ? Par ailleurs, quel est le caractère innovant de ces actions de rénovation thermique. Si personne ne doute de leur nécessité, leur caractère innovant et le fait qu’à ce titre, elles soient financées par le PIA ont forcément fait débat. Quel est votre avis sur ce point ?

Mme Blanche Guillemot. Le PIA contribue au programme Habiter mieux, mais il ne le finance pas dans sa globalité, puisque ce programme est d’abord financé par le budget de l’ANAH. Le fonds d’aide à la rénovation thermique, qui est alimenté par le PIA, complète donc les subventions de l’agence – lesquelles s’élèvent à 50 % du montant des travaux – par une prime dont le montant, initialement assez faible, a varié au cours du temps et atteint aujourd’hui 10 % du montant des travaux.

En quoi cette prime complémentaire est-elle essentielle ? Nous avons réalisé des travaux d’évaluation assez poussés pour mesurer le reste à charge supportable par les bénéficiaires du programme. Il faut en effet savoir que le montant moyen des travaux, soit 18 000 euros, représente plus d’un an de revenus pour ces bénéficiaires. L’équation se compose donc de trois facteurs : la qualité des travaux, donc le gain énergétique obtenu ; le ciblage social, voire très social, du programme et le montant des subventions publiques que l’on souhaite y consacrer. Or, tous les acteurs partagent la conviction qu’en matière de lutte contre la précarité énergétique, sans un niveau élevé d’intervention publique, on ne suscite pas les décisions de travaux. Le réglage très fin du niveau pertinent d’intervention est difficile à modéliser, mais, lorsque les subventions étaient dimensionnées de manière trop faible, comme ce fut le cas lors du lancement du programme Habiter mieux, nous n’effectuions que 6 000 à 10 000 actions par an. Dès lors qu’elles ont augmenté et que la prime a pu jouer un effet levier, nous sommes passés à 50 000 par an, et nous pouvons augmenter encore ce chiffre, de sorte que nous sommes en mesure d’atteindre notre objectif, qui est de traiter la précarité énergétique.

Par ailleurs, je sais que le caractère innovant du programme a pu faire débat. Cependant, la décision prise en 2010 de le faire porter par le PIA fut un véritable choix. Cette décision politique avait beaucoup de sens et elle en a, me semble-t-il, davantage encore aujourd’hui. En effet, si ceux qui vivent dans des villes petites et moyennes, en secteur rural ou dans les copropriétés dégradées des quartiers pauvres situés à la périphérie des grandes métropoles, qui ont des difficultés à payer leurs charges et qui sont les premiers à supporter l’augmentation des coûts de l’énergie ne peuvent bénéficier de la transition énergétique, cela pose un problème d’égalité. Par ailleurs, ce programme constitue une forme de pilier, dans la mesure où il produit, notamment dans les copropriétés, un véritable effet levier. Pour massifier la rénovation énergétique de l’habitat dans les copropriétés – un secteur assez peu mobilisé aujourd’hui – chacun cherche des modèles économiques : le tiers financement ou la mobilisation de financements bancaires appropriés. Mais, dans ces copropriétés, les gens ont des revenus différents et des visions de leur patrimoine différentes. Dès lors, le fait d’accorder une aide plus importante aux ménages aux revenus modestes permet de faciliter les prises de décision et donc de produire un véritable effet levier sur la rénovation énergétique en copropriété. Nous le constatons chaque jour dans le cadre de nos partenariats avec la SEM Énergies POSIT’IF ou le service public de l’efficacité énergétique en Picardie. Les modèles des sociétés de tiers financement fonctionnent quand les ménages modestes sont subventionnés grâce à Habiter mieux, qui, au-delà de son efficacité sur le plan social et énergétique, produit donc un véritable effet levier public-privé.

Ce programme est également innovant en ce qu’il bénéficie de financements privés des énergéticiens, puisque nous sommes le principal pourvoyeur des certificats d’économie d’énergie précarité énergétique. Enfin, il est innovant dans le partenariat local, puisque nous avons mobilisé les collectivités territoriales, qui savent qu’elles sont soutenues par la solidarité nationale et qui apportent un cofinancement.

Grâce aux fonds du PIA, nous avons conclu des partenariats avec des collectivités locales qui s’engagent, les énergéticiens – EDF, Engie et Total – qui s’investissent dans des programmes de lutte contre la précarité énergétique et nous soutenons l’économie locale puisque la quasi-totalité des chantiers de rénovation des 150 000 logements déjà réalisés l’ont été par des entreprises locales du bâtiment. J’ajoute que la plupart des changements de système de chauffage se traduisent par le choix du bois, d’où un éventuel impact du programme sur certaines filières.

Mais, en matière d’innovation, nous pourrions aller encore plus loin, et c’est le sens de propositions que nous avons faites dans le cadre de la préparation du PIA 3. Le programme Habiter mieux fonctionne bien, son efficacité est prouvée et il est en quelque sorte « inarrêtable », puisque la loi de transition énergétique dispose que la moitié des 500 000 rénovations annuelles doit concerner des ménages modestes. Nous pourrions cependant aller plus loin en produisant un effet levier dans les copropriétés, où nous devons pouvoir contribuer à la massification.

Le modèle d’accompagnement qui a été développé pour les bénéficiaires des aides de l’agence s’intègre dans les plateformes et sert de socle à l’information et à l’accompagnement au service de n’importe quel particulier, qu’il soit éligible ou non aux aides de l’agence. Ce programme a donc permis un travail de mobilisation sur le terrain, qui est un acquis très important pour la suite.

Nous pensons, avec l’ADEME notamment, que nous pourrions réaliser des économies d’échelle en agissant au niveau des quartiers. Je pense, par exemple, à l’élaboration de stratégies de mode de chauffage en commun ou de recours à des énergies renouvelables en commun dans les quartiers pavillonnaires. Nous pourrions développer ainsi une ingénierie de projets qui apportent de réels gains au plan des économies d’énergie, tout en accompagnant des ménages dont les projets immédiats sont un peu éloignés de ce type de préoccupations, grâce à des technologies « réplicables » ou à des effets d’échelle.

La notion d’innovation revêt bien entendu un aspect technologique, mais elle est également présente dans la conclusion de partenariats locaux, le financement public-privé et le gain de pouvoir d’achat et de confort pour les ménages modestes, sans parler de la crédibilité de l’action publique. Nous avons la conviction que nous avons produit là quelque chose d’assez innovant sur le plan de l’accompagnement des personnes éloignées de ces projets.

Mme Éva Sas, rapporteure. Les crédits du PIA représentent-ils bien environ 20 % du financement du programme Habiter mieux ?

M. Jacques Berger, directeur général adjoint de l’ANAH. Absolument. L’effet multiplicateur est de cinq : pour un euro de PIA, il y a environ cinq euros de travaux.

Mme Blanche Guillemot. Le programme est également consolidé avec le budget de l’agence, grâce aux recettes provenant du produit des enchères des quotas carbone, donc fondées sur des objectifs environnementaux. D’autres partenaires nous soutiennent, notamment le secteur privé et nous bénéficions d’une fiscalité affectée par l’État.

Mme Éva Sas, rapporteure. On a constaté que des crédits avaient été retirés du Fonds national d’aide à la rénovation thermique (FART), puis rebasculés vers ce fonds. Qu’en est-il exactement ?

Mme Blanche Guillemot. La dotation initiale du FART au programme Habiter mieux, décidée en 2010, était de 500 millions d’euros. En 2013, lors du lancement du programme de rénovation énergétique de l’habitat par le Président de la République, il a été décidé d’augmenter les primes du programme pour renforcer leur caractère incitatif et de créer une prime de 1 350 euros, dont la gestion a été confiée à l’Agence de services et de paiement (ASP), pour les ménages dont les revenus appartiennent à la catégorie immédiatement supérieure à celle des ménages éligibles aux aides de l’ANAH. Or, on a constaté que ce dispositif ne fonctionnait pas très bien. Comme il a été décidé concomitamment de transformer le crédit d’impôt développement durable en crédit d’impôt transition énergétique (CITE), avec un taux de défiscalisation plus intéressant, on a considéré que ce CITE beaucoup plus étendu pouvait constituer l’aide financière généraliste à destination des classes moyennes sans que cette prime supplémentaire soit nécessaire. Puisque les crédits correspondants n’avaient pas été consommés et que, de notre côté, le programme était en train de décoller, ils ont été réaffectés à l’ANAH.

Ensuite, les crédits d’autres programmes du PIA ont été systématiquement redéployés en faveur du programme Habiter mieux, dès lors que, début 2015, nous avions consommé l’intégralité de l’enveloppe initiale de 500 millions d’euros. Notre programme fait en effet partie de ceux qui, compte tenu de leur succès, ont besoin de tels redéploiements. Certains d’entre eux sont, du reste, en train d’être décidés pour financer, d’une part, l’augmentation du nombre de logements à rénover en 2016, qui passe de 50 000 à 70 000, et, d’autre part, les objectifs du programme en 2017, puisque cette année-là ne sera pas couverte par le PIA 3.

Mme Éva Sas, rapporteure. Il vous faut donc trouver une solution chaque année.

Mme Blanche Guillemot. C’est bien cela. Il est crucial, pour la continuité et la stabilité du programme, que l’on puisse, au-delà de l’annualité budgétaire de l’agence, s’inscrire dans un programme tel que le PIA, qui affiche, de manière pluriannuelle, une volonté claire de poursuivre les objectifs. La visibilité est en effet un élément important pour la mobilisation des collectivités qui cofinancent le programme et pour les opérateurs qui accompagnent les bénéficiaires.

Mme Éva Sas, rapporteure. Nous partageons votre constat sur la nécessité de faire perdurer le programme. C’est sur la nature des financements affectés à ce programme que nous nous interrogeons : doit-il s’agir de crédits budgétaires classiques ou de crédits PIA ? Parmi les programmes d’investissements d’avenir, il en est dont le caractère innovant ne fait aucun doute – je pense aux démonstrateurs d’énergie renouvelable, qui constituent des prototypes – et d’autres, notamment les programmes de rénovation thermique, sur lesquels il est permis de s’interroger. Ce questionnement est d’autant plus justifié que vous nous dites que les crédits sont consommés au fur et à mesure, et viennent donc ponctionner d’autres programmes d’investissements d’avenir dont le caractère innovant est clairement établi.

Mme Blanche Guillemot. Il ne me paraît pas justifié de parler de ponctions pour désigner des redéploiements de crédits inutilisés. Les gestionnaires et les pilotes des programmes concernés faisant le constat que l’enveloppe a sans doute été surdimensionnée au départ, le Premier ministre rend un arbitrage entre les programmes avançant à un rythme soutenu, et ceux qui prennent plus de temps : il est logique de financer en priorité ceux qui progressent le plus vite.

Par ailleurs, d’autres programmes de la transition énergétique ont pour objet la rénovation énergétique, notamment en copropriété, sans que l’on s’interroge sur leur caractère innovant. Pourquoi devrait-on se demander si Habiter mieux est innovant, alors qu’on ne se pose pas la même question au sujet des programmes visant les copropriétés, sans conditions de ressources ?

Se demander si la rénovation énergétique de l’habitat peut être soutenue par le PIA revient à s’interroger sur l’intention du législateur dans ce domaine. En l’occurrence, la loi sur la transition énergétique ayant pour objectif la rénovation énergétique de 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes, il faut bien que l’outil utilisé pour atteindre cet objectif soit pérennisé, et qu’il converge avec d’autres programmes d’investissement du PIA ayant les mêmes finalités et parfois les mêmes modalités de mise en œuvre.

Mme Éva Sas, rapporteure. À quels programmes pensez-vous ?

Mme Blanche Guillemot. Par exemple, au programme Ville de demain, qui couvre un grand nombre de projets de rénovation énergétique en copropriété pour des montants très importants.

Mme Éva Sas, rapporteure. Je ne suis pas en train de dire qu’il faudrait abandonner le financement de programmes qui ne relèveraient pas du PIA. Faisant partie du comité de surveillance des investissements d’avenir, je me rappelle qu’il a été très clairement dit au départ qu’ils n’avaient pas vocation à financer des infrastructures ou des travaux d’équipement, mais seulement des innovations. Dès lors, il y a deux options : soit l’on estime nécessaire d’élargir l’objectif initial des programmes d’investissements d’avenir, soit il faut trouver d’autres modalités de financement d’actions faisant actuellement partie des PIA, mais dont le caractère innovant n’est pas évident – ce qui a pour effet de semer le doute sur le caractère innovant de l’ensemble des investissements d’avenir.

J’ajoute que le traitement des crédits des PIA présente un caractère spécifique : ces crédits sont débloqués en une seule fois et leurs éventuels redéploiements échappent en majeure partie au contrôle du Parlement, c’est-à-dire au contrôle démocratique. Cette particularité justifie elle aussi que l’on s’interroge sur l’évolution des PIA : la problématique de la débudgétisation, pour reprendre le terme employé par la Cour des comptes, doit être traitée.

Mme Blanche Guillemot. J’ai bien conscience des enjeux que vous rappelez, mais j’insiste sur le fait que le choix a été fait en 2010, dans la doctrine du PIA initial, de faire figurer la précarité énergétique au cœur des investissements d’avenir. Aujourd’hui, preuve est faite que le dispositif retenu fonctionne, grâce à l’important effet de levier produit sur les plans économique et énergétique, mais aussi sur la mobilisation partenariale locale autour de ménages en situation de précarité, dans des espaces urbains et ruraux bénéficiant par ailleurs d’investissements assez réduits.

Le PIA tel qu’il est actuellement mis en œuvre produit les effets que l’on en attendait en termes de massification de la rénovation énergétique, de construction d’une ville durable et de soutien au développement des villes moyennes éloignées des métropoles. L’effet levier joue également en matière de recours aux énergies renouvelables, notamment grâce au travail effectué en étroite collaboration avec l’ADEME – nous avons signé avec l’agence une convention de partenariat que je soumets demain au conseil d’administration de l’ANAH.

Nous avons entrepris de procéder à une évaluation assez fine de l’action de rénovation thermique, dont une deuxième partie va être livrée prochainement. Pour cela, nous avons interrogé des bénéficiaires à l’issue d’une ou deux saisons de chauffe, afin de mesurer précisément et concrètement l’impact des mesures de rénovation thermique sur leurs factures, mais aussi sur la qualité de vie dans le logement et sur l’économie locale. Nous avons déjà procédé à cette fin à une première évaluation auprès de 1 000 bénéficiaires, que nous sommes en train d’approfondir au moyen d’une deuxième évaluation – cela nous permettra de disposer de données supplémentaires à la fin du premier semestre 2016.

Le modèle économique de la rénovation énergétique est encore assez peu finalisé, et de nombreux acteurs cherchent des modèles auxquels se référer. Nous avons réussi à produire de la connaissance sur les moyens d’équilibrer les plans de financement dans ce domaine, notamment en copropriété – ce qui est le grand enjeu de demain, car Habiter mieux concerne essentiellement le logement individuel. L’ANAH met en œuvre un programme très important de redressement des copropriétés en difficulté dans les quartiers du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), où un quartier sur deux est majoritairement constitué de copropriétés.

Les enjeux en matière de rénovation énergétique sont considérables, et de ce point de vue les programmes que nous mettons en œuvre apportent des réponses intéressantes, par exemple en favorisant de nouvelles technologies – je pense notamment à celles permettant d’isoler par l’extérieur. Le développement des filières et l’expertise produite par nos programmes pourraient à mon sens être davantage mutualisés, notamment dans le cadre des lotissements et des grandes propriétés des années 1950. En résumé, le programme contribue à l’amélioration des connaissances relatives aux matériaux, aux techniques, aux méthodes, au public-cible et à l’impact économique.

Mme la rapporteure. Cela rejoint certaines des questions qui vous ont été adressées préalablement à cette réunion. Quelles sont vos relations avec les professionnels de la filière de la rénovation énergétique ? Quelles sont les perspectives de développement des techniques ou des matériaux innovants en matière d’isolation thermique ? Avez-vous suivi l’appel à projet Méthodes industrielles pour la rénovation et la construction de bâtiments sur la massification de la rénovation, lancé par l’ADEME dans le cadre de l’action Démonstrateurs pour la transition écologique et énergétique ?

Mme Blanche Guillemot. Les professionnels du bâtiment sont très souvent signataires de contrats locaux d’engagement, dans la mesure où ils participent de manière essentielle au développement du programme. La plupart du temps, une part importante de leur chiffre d’affaires est liée au développement du programme et à la réalisation des travaux par les bénéficiaires. Aujourd’hui, le bénéfice du crédit d’impôt et celui de l’éco-prêt à taux zéro sont éco-conditionnés, ce qui n’est pas le cas des aides de l’ANAH. Nous sommes en train de réfléchir avec la Fédération française du bâtiment (FFB) et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) aux moyens d’évoluer sur ce point, afin que nos aides soient éco-conditionnées – je pense notamment à la qualité reconnu garant de l’environnement (RGE).

Pour ce qui est des sources d’énergie, on assiste à une forte mobilisation des opérateurs et des bureaux d’études qui accompagnent le programme afin de promouvoir les énergies renouvelables – en particulier le bois –, et des analyses très fines sont effectuées sur les raisons pouvant conduire à opter pour telle ou telle source d’énergie dans le cadre d’un programme de rénovation.

Il importe, quand nous délivrons des conseils aux particuliers, de leur expliquer ce que signifient les seuils de gain de performance énergétique de 25 % et de 40 %, et à quoi correspond le niveau de rénovation Bâtiment basse consommation (BBC). Nous travaillons sur ces questions en étroite collaboration avec l’ADEME, avec laquelle nous avons conclu une convention de partenariat portant sur des programmes d’études réalisés en commun, ou sur la formation en commun de nos réseaux.

Pour ce qui est du projet Méthodes industrielles pour la rénovation et la construction de bâtiments sur la massification de la rénovation, nous sommes en train de travailler au développement d’actions communes avec l’ADEME au sujet des zones pavillonnaires, où il est intéressant de réfléchir à des travaux réplicables et à la mise en œuvre de sources d’énergie partagées par les habitants.

Nous travaillons à la mise au point de méthodes susceptibles d’être industrialisées pour traiter les copropriétés, en particulier celles des années 1950. À cet effet, nous avons édité avec Le Moniteur un guide de la rénovation et de la réhabilitation des copropriétés construites entre 1950 et 1984, répertoriant les matériaux utilisés, les pathologies les plus fréquemment rencontrées et les moyens d’y remédier, ainsi que les méthodes à mettre en œuvre pour obtenir des gains énergétiques importants.

Mme la rapporteure. Quelles sont vos recommandations pour la rénovation thermique des logements à l’approche du PIA 3, et quels financements estimez-vous nécessaires pour atteindre les objectifs fixés ?

Mme Blanche Guillemot. Nous souhaitons que dans le cadre du PIA 3, la question de la précarité énergétique apparaisse comme un investissement prioritaire et une source d’innovations.

Ensuite, tout dépend du dimensionnement des objectifs qui nous seront fixés. Il nous semble qu’au-delà des maisons individuelles, le champ de la copropriété n’est pas suffisamment investi actuellement. Nous partons du constat que les modèles impliquant des sociétés de tiers-financement ou l’accompagnement par des plateformes fonctionnent si nous parvenons à emporter la décision des copropriétaires – et que, pour cela, les ménages les plus modestes doivent bénéficier d’un soutien public important. Nous aidons déjà les copropriétés les plus en difficulté et nous souhaitons que, dans le cadre du PIA 3, une réflexion soit menée en vue de la mise au point d’une mesure équivalente à Habiter mieux en copropriété, en étroite concertation avec tous nos partenaires.

Par ailleurs, nous menons des programmes de prévention consistant en un accompagnement à la gestion, s’adressant aux copropriétés ne se trouvant pas endettées ou durablement dégradées, mais simplement un peu fragiles et ne disposant de l’épargne nécessaire pour financer des travaux de rénovation énergétiques. Nous accompagnons déjà beaucoup de copropriétés dans ce cadre, et nous estimons que les aider à franchir le pas qui les conduirait à effectuer des travaux nécessiterait sans doute des subventions moindres que celles que nous allouons à des copropriétés très dégradées et endettées, et permettrait sans doute la massification des actions.

Enfin, nous souhaitons que le programme Habiter mieux s’inscrive davantage dans des projets de territoire. Aujourd’hui, il se déploie dans le cadre d’opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) portées par les collectivités. On pourrait imaginer des OPAH dédiées à la transition énergétique, plus ambitieuses dans le sens où elles ne concerneraient pas seulement la rénovation des logements, mais aussi la nature des sources d’énergie et leur éventuelle mise en commun. Effectuer une analyse à l’échelle d’un quartier constituerait la première étape en vue du déploiement de méthodes de rénovation plus standardisées et permettrait que le choix se porte plus facilement sur les sources d’énergie renouvelable.

Agir de manière plus efficace à l’échelle du territoire implique que nous travaillions en lien étroit avec l’ADEME sur l’utilisation du Fonds chaleur et la mise en œuvre de méthodes industrielles innovantes. Nous disposons de plusieurs leviers, qu’il s’agisse de l’accompagnement de l’habitant au moyen de subventions ou de la participation à des projets de territoire, que nous devons nous efforcer de combiner le plus efficacement possible afin de passer à l’échelle de territoire de projet.

Le socle d’une telle action existe, dans la mesure où le partenariat est bien installé, mais nous pouvons aller beaucoup plus loin. Notre action pourrait s’étendre aux centres anciens – que l’ANAH a vocation à requalifier –, en faisant en sorte que la transition énergétique soit au cœur des sujets pris en compte, au même titre que le patrimoine ou l’accessibilité – et aux zones pavillonnaires, car si ces zones sont partiellement prises en compte par le programme Habiter mieux, il serait beaucoup plus intéressant d’engager une réflexion à l’échelle du quartier, afin de pouvoir tirer parti de la mutualisation d’énergie et de favoriser le recours aux énergies renouvelables.

Telles sont les directions dans lesquelles nous souhaitons voir évoluer le PIA 3, et nous avons formulé des propositions en ce sens auprès de nos ministères de tutelle. Nous vous transmettrons dès que possible les résultats de notre deuxième phase d’évaluation, qui est en cours.

Mme la rapporteure. Nous vous remercions.

——fpfp——

Auditions du 24 mars 2016

M. Paul Delduc, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), M. François Bertrand, sous-directeur de l’aménagement durable à la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, M. Didier Labat, chef de projet trame verte et bleue à la direction de l’eau et de la biodiversité, M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat (DGEC), M. Laurent Tapadinhas, adjoint à la Commissaire générale au développement durable (CGDD), et M. Alain Griot, chargé des fonctions de coordination dans le domaine des investissements d’avenir en matière d’innovation et de recherche au sein du CGDD.

Mme Éva Sas, rapporteure. Nous recevons à présent des représentants de directions du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Cette audition doit nous permettre de mieux cerner le rôle du ministère dans la conception et la conduite des programmes d’investissement d’avenir consacrés à la transition écologique, ainsi que les initiatives qu’il peut mettre en œuvre pour améliorer leur pertinence. Notre objectif est d’analyser l’utilisation de ces crédits ainsi que les raisons pour lesquelles des redéploiements ont parfois été opérés parmi les programmes.

M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat (DGEC). Je commencerai par dresser un panorama des actions financées par les programmes d’investissements d’avenir.

Les investissements d’avenir dans le domaine de la transition écologique sont portés par plusieurs outils ciblés sur différentes thématiques. Un premier bloc, dans le PIA 1, le « nucléaire de demain », a financé des recherches et la construction d’outils de recherche dans deux domaines : d’une part, les réacteurs de quatrième génération ASTRID et le réacteur de recherche Jules Horowitz ainsi que des actions sur la valorisation des déchets par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), et, d’autre part, la sûreté nucléaire, pilotée par l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Il y a ensuite, dans le PIA 1 et le PIA 2, un volet autour de la transition énergétique et écologique, au sens large, jusqu’à des actions dans les domaines de l’eau et de la biodiversité, avec plusieurs outils complémentaires. Le premier outil, ce sont les démonstrateurs, avec deux programmes, « démonstrateurs de la transition énergétique et écologique » et « véhicule routier et mobilité du futur ». Au moment de passer du prototype à la commercialisation, on a besoin de démonstrateurs industriels, qui sont souvent portés par un ensemble de deux ou trois entreprises – dont une entreprise pilote – et des laboratoires. L’opérateur en est l’ADEME, qui apporte un soutien en subventions et en avances remboursables pouvant déboucher sur des fonds propres. La BPI gère par ailleurs deux outils spécifiques d’apports de fonds propres : d’une part, le Fonds écotechnologies, doté des crédits apportés sur l’enveloppe ADEME et dédié notamment aux PME innovantes dans le domaine de la transition écologique, et, d’autre part, un outil plus générique, les programmes industriels d’avenir (PIAVE), pour les sujets non couverts par l’ADEME. Ce sont nos collègues du CGDD qui suivent ces PIAVE.

Un autre outil relatif à la transition énergétique est la structuration pérenne de la collaboration public-privé autour des instituts de la transition énergétique (ITE), au nombre de dix, plus deux, après un petit taux de chute, certains ITE n’ayant pu être constitués. Cet outil vise à créer des consortiums sous forme de sociétés communes entre des entreprises et des organismes publics de recherche. L’État leur accorde une dotation non consommable, à hauteur de 80 %, et une subvention. Ce sont des consortiums thématiques, sur les matériaux biosourcés, la chimie verte, le photovoltaïque, le véhicule électrique et communiquant… L’opérateur en est l’ANR.

Il y a ensuite un volet autour des territoires, de l’habitat durable et des villes, avec, d’une part, un programme intitulé « projets territoriaux intégrés », opéré par la CDC et suivi par la DGALN, autour de prêts bonifiés, et un programme Ville de demain, également opéré par la CDC. Par ailleurs, le PIA a également financé les actions de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) en vue de la rénovation thermique des logements des ménages en situation de précarité.

Pour les programmes « démonstrateurs de la transition énergétique et écologique » et « mobilité du futur », suivis par la DGEC, l’enveloppe globale est de 3 milliards d’euros, engagés à hauteur de 1,6 milliard, avec une prévision de 2,3 milliards fin 2016 et 2,6 milliards à la mi-2017. Pour les ITE, 800 millions sur 875 sont engagés.

La mise en œuvre s’opère selon une approche interministérielle se concluant par des décisions du Premier ministre sur la base des propositions qui lui sont présentées par le Commissaire général aux investissements (CGI). Pour chacune des actions que j’ai citées, un comité de pilotage réunit notre ministère et les ministères de l’économie, du logement, de l’enseignement supérieur et de la recherche, ainsi que l’opérateur, à savoir l’ANR pour les ITE et l’ADEME pour les démonstrateurs. D’autres ministères peuvent être associés, par exemple le ministère de l’agriculture sur les questions d’agriculture éco-efficiente. Ces comités de pilotage proposent les lancements d’appels à projets et les décisions de présélection et d’instruction. Ils s’appuient sur des groupes de travail.

Nous avons industrialisé le procès, accéléré le lancement des programmes et l’instruction des dossiers ; ainsi, vingt appels à projets courent chaque année sur les démonstrateurs aujourd’hui. Nous prévoyons deux ou trois dates de dépôt sur l’année, afin d’éviter que ceux qui ne sont pas tout à fait prêts présentent un mauvais projet. Les délais d’instruction sont passés à moins de trois mois et la décision du Premier ministre intervient en moins de deux mois, ce qui est peu compte tenu de la complexité de projets qui engagent parfois plusieurs millions d’euros et plusieurs entreprises.

S’agissant des démonstrateurs, nous avons, entre le PIA 1 et le PIA 2, élargi les filières, en introduisant la gestion et l’ingénierie de l’eau ou encore le génie écologique et la biodiversité. Nous avons par ailleurs décidé de cibler l’interaction entre transition numérique et transition énergétique, avec un appel à projets Green Tech, annoncé par Mme Royal et M. Macron, qui sera lancé début avril.

Nous nous sommes rendu compte qu’il existait un double besoin. S’il reste nécessaire de financer des projets de consortiums d’entreprises à plusieurs millions d’euros, nous avons aussi besoin d’amorçage auprès des PME – y compris pour préparer de gros projets – et c’est pourquoi plusieurs appels à projets « initiatives PME » ont été lancés sur le stockage de l’énergie, les réseaux intelligents, les énergies renouvelables, et bientôt sur l’économie circulaire et l’écoconception. Nous apportons jusqu’à 200 000 euros de subventions pour un projet d’amorçage. C’est la nouveauté majeure de l’année 2015.

S’agissant des ITE, nous nous sommes rendu compte que le concept de départ – des consortiums thématiques publics-privés dans la longue durée – était très ambitieux et conduisait à quelques difficultés, et nous avons donc introduit plus de souplesse. Ainsi, dans les énergies marines et le sous-sol, les deux ITE ne sont pas aujourd’hui constitués directement sous forme de consortiums ; nous les accompagnons avec un appel à projets qui leur permet de monter en puissance.

L’apport de financements publics vise à pallier les carences de l’investissement privé, qui peuvent être qualifiées de défaillances de marché. En la matière la situation est stable, voire se dégrade un peu parfois. Il se peut que la conjoncture déprimée dans le secteur énergétique rende les décisions d’investissement plus difficiles qu’il y a deux ou trois ans. Pour les fermes pilotes d’éoliennes, voire les fermes commerciales, le besoin de fonds propres est manifeste mais les entreprises hésitent à le couvrir. Cela conduit l’État à co-investir, par exemple dans les fermes commerciales d’éolien marin. Nous participons à la prise de risque, tout en ayant un objectif de retour sur investissement.

Le suivi se fait sur la base des objectifs définis – effet de levier, amélioration des délais d’instruction… – mais aussi projet par projet, en particulier pour les plus gros d’entre eux. Ainsi, la dizaine d’ITE financés font chacun l’objet d’un suivi par des chargés de mission de l’ANR et des ministères, avec une revue annuelle des objectifs et, depuis cette année, une revue triennale permettant de s’assurer que ces organismes franchissent correctement les jalons de pérennisation et de structuration des campus publics-privés. Nous pouvons vous envoyer nos batteries d’indicateurs par écrit.

M. Paul Delduc, directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN). Ce qu’a dit Laurent Michel s’applique aux programmes auxquels participe la DGALN, qui présentent toutefois quelques particularités.

La performance thermique des logements fait l’objet d’un traitement spécifique, et ce depuis l’origine. Le Gouvernement a considéré que parvenir à des performances élevées sur le plan thermique dans les logements des ménages modestes constituait une opération d’avenir car cela supposait des innovations, non pas tant technologiques qu’organisationnelles. L’ANAH a dû organiser ses programmes avec les collectivités, se territorialiser, trouver des méthodes pour convaincre les ménages d’investir. L’investissement moyen par ménage est de 18 000 euros, dont un peu plus des deux tiers sont pris en charge par des personnes publiques, que ce soit l’ANAH, le Fonds d’aide à la rénovation thermique (FART) – financé par le PIA – ou les collectivités locales ; cela laisse des sommes relativement importantes à la charge des ménages, ce qui appelait un travail presque sociologique de façon à lancer le mouvement. Ce travail a été possible grâce au FART. Le choix du Gouvernement a été de consacrer une partie des moyens du PIA à de l’innovation organisationnelle et sociale plus qu’à de l’innovation technologique, mais toujours en vue d’atteindre des niveaux de performance élevés, une exigence issue des principes du PIA. Dans les logements rénovés avec l’appui du fonds, les gains d’efficacité ont été de 40 % en moyenne, ce qui est très élevé.

Autre particularité, le programme Ville de demain s’adresse à un public très large qui comprend aussi bien des collectivités que des entreprises. Il permet de financer des projets à l’échelle d’agglomérations d’une taille significative, dans une vision stratégique transversale touchant tous les aspects de la ville durable. Il a visé en tout premier lieu les collectivités mais a également financé des prises de participation dans des entreprises, comme la tour Elithis à Strasbourg ou l’ilôt Allar sur le site d’Euroméditerranée à Marseille.

Le Gouvernement a décidé de réorienter une partie des financements de l’action Projets territoriaux intégrés : compte tenu des financements disponibles pour les Territoires à énergie positive pour la croissance verte, l’enveloppe des subventions aux collectivités a été réorientée vers le fonds d’aide à la rénovation thermique opéré par l’ANAH ; il reste cependant l’enveloppe de 40 millions d’euros de prêts destinées aux entreprises.

Dans le cadre des programmes que nous avons à connaître, le pilotage est assuré par le CGI et un opérateur qui est la CDC, selon une organisation à deux niveaux : niveau local pour la préinstruction des dossiers et national pour la présentation de propositions au Premier ministre. Les critères d’éco-conditionnalité ont été intégrés dès l’opportunité des projets, par exemple dans le cahier des charges.

L’appel à projets sur les démonstrateurs concernant l’eau n’a pas été un grand succès ; nous avons reçu peu de projets intéressants. En revanche, les deux appels sur la biodiversité ont rencontré un grand succès. Une douzaine de projets ont été suscités par le premier appel, plus de trente pour le second qui est en cours d’examen. Le cadrage permet de vérifier que ces projets n’ont aucun effet collatéral négatif sur l’environnement.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Vous fournissez à l’État stratège un cahier des charges à partir duquel est fondée une estimation financière des besoins. Le cahier des charges est communiqué au CGI et aux opérateurs, ensuite de quoi vous analysez les résultats de la procédure et les présentez au Premier ministre. Vous sentez-vous bien dans le dispositif ?

Je profite de votre présence pour évoquer, pardonnez-moi, le hamster d’Alsace. D’énormes progrès ont été accomplis sur le sujet mais nous sommes de nouveau dans une phase de très grande crispation, qui va probablement remettre en cause un grand projet d’infrastructure routière dans notre région. Je vous demanderai directement un rendez-vous car, les directions étant éclatées dans la grande région, nous n’avons plus vraiment d’interlocuteurs.

Mme Éva Sas, rapporteure. Vous incarnez en effet l’État stratège. De quelle manière fixez-vous les montants initiaux affectés aux programmes ainsi que la répartition entre les différents types de financement, avances remboursables, fonds propres, subventions ? Par ailleurs, comment expliquez-vous que certains redéploiements de crédits aient eu lieu avant même le lancement des programmes ?

M. Laurent Tapadinhas, adjoint à la Commissaire générale au développement durable (CGDD). Le CGDD essaie de suivre globalement l’ensemble du dispositif. Nous dénombrons dix-sept actions dont l’objet principal se rattache à l’objectif stratégique de transition énergétique pour la croissance verte ou à une autre politique publique portée par le ministère de l’écologie ou le ministère du logement.

Dans le PIA 2, nos ministères ont mobilisé en amont leurs différentes directions thématiques afin d’élaborer les propositions de programmes et d’actions portées dans le processus interministériel. Cela a donné lieu à des arbitrages sur les montants et les répartitions par programme ou par action et les rattachements au sein des missions, ainsi que sur la répartition des interventions entre subventions, avances remboursables et enveloppes non consommables.

Les règles d’éco-conditionnalité n’existaient pas dans le PIA 1. Les réflexions à ce sujet ont commencé en 2013. Le CGI a pré-fléché les actions du PIA 2 selon le degré de leur lien avec la transition énergétique et écologique, avec un objectif d’éco-conditionnalité d’au moins 50 % des financements du PIA. Une liste de critères d’éco-conditionnalité a été dressée. Cela s’est d’abord traduit dans l’élaboration des conventions, et le bilan que nous en tirons est globalement satisfaisant.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Qu’entendez-vous par un bilan satisfaisant ?

M. Laurent Tapadinhas. Ce n’est pas encore une évaluation des projets mais seulement de la rédaction des conventions. Nous estimons que cette rédaction a intégré les critères de manière relativement correcte. C’est une première étape.

La phase suivante est la rédaction des appels à projets. Les critères doivent également être présents à ce stade. Le CGDD n’est pas à la manœuvre dans tous les appels à projets mais ceux que nous avons examinés nous semblent avoir pris ces critères en compte. C’est le cas dans le PIAVE. L’instruction des projets étant encore en cours, il est un peu prématuré de l’évaluer à ce stade.

Le processus est largement gouverné par le CGI, chargé de piloter le PIA. Cette gouvernance nous intègre dans de nombreux comités, au sein desquels nous essayons de porter les points de vue de nos ministères.

M. Laurent Michel. J’ai été nommé DGEC début 2013 mais j’avais déjà un peu connu le PIA dans mes fonctions précédentes – sur les volets de sûreté nucléaire – et je constate des améliorations dans le déroulement mais aussi dans le partage des visions stratégiques. Je préside deux comités de pilotage, celui sur les ITE et celui sur les démonstrateurs. Ce dernier se tient une fois par mois ; le flux de dossiers est considérable.

Le démarrage a été un peu laborieux. Le CGI s’installait ; la doctrine du PIA dans le soutien à l’innovation était assez nouvelle, avec à la fois des avances remboursables et des fonds propres ; les ambitions étaient fortes, parfois trop, alors que certains des secteurs économiques concernés étaient ou sont encore en crise. Aujourd’hui, les outils sont calés ; nous lançons vingt appels à projets par an contre cinq auparavant. De même, les discussions interministérielles ont contribué à réduire nos désaccords sur les dossiers, et nous avons introduit la souplesse nécessaire. Nous avons adapté l’outil aux PME. La seconde phase des appels à projets sur l’économie circulaire suscite davantage de projets que la première, car nous avons modifié la configuration des appels, notamment quant à leur intensité capitalistique. Nous avons également établi des liens avec les pôles de compétitivité via les appels à projets initiatives PME. Dans certains cas, nous avons introduit, de manière quelque peu dérogatoire, une notion de déploiement, par exemple sur les infrastructures de recharge de véhicules électriques, afin d’amorcer la démarche.

Le travail interministériel a porté ses fruits en termes de fluidité mais aussi de partage stratégique, d’adaptation et de granulométrie. Nous avons ainsi des projets d’amélioration du rendement dans les scieries par l’utilisation de logiciels ; c’est une typologie très éloignée de projets impliquant des millions d’euros dans le développement d’éoliennes en mer. Nous arrivons à adapter les outils à des secteurs très différents. Nous voyons aussi arriver de nouvelles technologies de rénovation du bâtiment, dont nous avons besoin pour réduire les coûts.

Il y a eu chaque année des redéploiements, à l’intérieur des enveloppes comme entre enveloppes. Dans le secteur de l’énergie, les projets peuvent être très longs ; les porteurs de projets sur les éoliennes en mer ont besoin de trois ou quatre ans. Dès lors que des disponibilités étaient présentes ailleurs, quelques redéploiements ne sont pas choquants.

Après les actions menées sur le déploiement de bornes pour véhicules électriques, il faudrait, dans le PIA 3, faire la même chose pour les infrastructures de gaz pour poids lourds ou d’hydrogène. Si nous avons tendance à pousser au déploiement, le CGI nous rappelle à juste titre l’esprit d’origine d’un programme qui vise à pallier les défaillances du marché.

Mme Éva Sas, rapporteure. Certains redéploiements ont eu lieu alors que les programmes n’étaient pas encore lancés. Ce n’est donc pas toujours une question de montée en charge. Vous contribuez à définir les montants initiaux affectés aux différents programmes. Comment évaluez-vous les montants nécessaires et quelle est votre appréciation de ces redéploiements ?

Par ailleurs, pouvez-vous expliciter l’articulation entre les PIA, qui doivent financer des innovations, et des crédits budgétaires destinés à financer le déploiement de ces innovations ou le financement d’infrastructures en général ? La chaîne est-elle bien continue et, après la phase de démonstrateurs, le déploiement est-il bien accompagné ?

M. Laurent Michel. Le volet des démonstrateurs a subi des redéploiements à hauteur de 300 millions d’euros et celui des ITE à hauteur de 110 millions. Quand le Parlement a voté le PIA 2, l’ADEME ou l’ANR n’avaient pas engagé tous les crédits du PIA 1 ; les deux se sont chevauchés. Une ponction a eu lieu au moment du démarrage du PIA 2. En outre, au tout début du PIA, un redéploiement a eu lieu dans le domaine du nucléaire : une partie des crédits destinés au CEA et à l’ANDRA ont été refléchés sur l’appel à projets Sûreté nucléaire, à la suite de Fukushima. Nous pourrons vous communiquer des éléments plus précis.

Mme Éva Sas, rapporteure. Je prends un exemple qui montre qu’il ne s’agit pas de redéploiements de crédits non utilisés. Nous venons d’auditionner des représentants de l’ANRU. Alors que l’action Ville durable était au départ dimensionnée à 85 millions, avant même son lancement elle a été revue à la baisse à 71 millions. Ce n’est pas le seul exemple.

M. Alain Griot, chargé des fonctions de coordination dans le domaine des investissements d’avenir en matière d’innovation et de recherche au sein du CGDD. Au lancement du PIA 2, 100 millions d’euros destinés aux démonstrateurs ont été redéployés vers FranceAgriMer, parce que l’agriculture n’avait pas été prise en compte dans l’épure du programme.

M. Laurent Michel. C’était soutenable budgétairement pour le volet des démonstrateurs.

Mme Éva Sas, rapporteure. Ce qui est difficile à comprendre, c’est que des redéploiements aient lieu immédiatement après que les enveloppes ont été définies.

M. Laurent Michel. La discussion interministérielle animée par le CGI fait remonter des propositions cristallisées à un moment donné, et telle ou telle priorité sectorielle peut alors se rappeler à nous et nous conduire à opérer des redéploiements, parfois dès le début du programme. Les redéploiements représentent 10 % des montants de nos programmes, au détriment des enveloppes des démonstrateurs et des ITE. La définition des enveloppes comporte naturellement une certaine marge. Nous sommes en train d’élaborer des propositions pour le PIA 3 qui seront dans des ordres de grandeur similaires, voire un peu plus élevées dans certains domaines, afin d’accélérer les choses. Le PIA 3 sera nourri par les retours d’expérience sur les outils actuels.

En ce qui concerne l’articulation entre l’innovation et le déploiement, hors logement et rénovation, nous disposons des outils de l’ADEME que sont le fonds déchets et le fonds chaleur, qui permettent de soutenir l’investissement. Jouent aussi les tarifs de soutien à l’électricité ou au gaz d’origine renouvelable.

Un manque a été identifié concernant le déploiement de certaines infrastructures de transport ; c’est pourquoi, dans une certaine hétérodoxie par rapport au financement de prototypes, nous avons conduit une action sur les infrastructures de recharge de véhicules électriques, à hauteur de 63 millions d’euros. Cela étant fait, nous serons probablement moins insistants sur ces infrastructures dans le PIA 3, pour plutôt faire de même pour l’hydrogène ou le gaz naturel pour véhicules.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Avez-vous abandonné définitivement cette logique, qui ne correspond pas à l’idée de base du PIA ?

M. Laurent Michel. Nous pensons qu’il manque un chaînon pour financer les premiers déploiements afin de montrer que c’est faisable.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Ce n’est pas l’objet du PIA.

M. Laurent Michel. Sans soutien au déploiement de ces infrastructures pendant les premières années, la boucle ne se faisait pas, mais nous allons très probablement beaucoup moins insister sur les infrastructures de recharge des véhicules électriques, voire pas du tout, dans le PIA 3, considérant que la pompe est amorcée. En revanche, nous pensons qu’il manque toujours un échelon – démonstrateur ou premières infrastructures – sur le gaz naturel véhicules ou l’hydrogène, qui ne démarrent pas.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Des investisseurs privés sont prêts à le faire ; nous l’avons vu dans le cadre de notre mission sur l’automobile française. Il y a des possibilités du côté du privé.

M. Laurent Michel. Vous me permettrez de ne pas tout à fait partager ce point de vue. L’hydrogène est encore balbutiant. Nous avons très peu de stations et pas de démonstrateur.

M. Paul Delduc. Le PIA est arrivé à un moment opportun, quand les ministères de l’environnement et du logement avaient le sentiment qu’il fallait donner un coup d’accélérateur pour aider les agglomérations d’une taille significative à prendre des initiatives et des risques en changeant certaines pratiques, que ce soit dans le bâti, la mobilité, l’espace public, l’eau, la biodiversité… Le PIA l’a permis.

Le programme Ville de demain s’est potentialisé avec la démarche des ÉcoCités, au départ un club d’agglomérations désireuses d’avancer. Le PIA les a incité à aller plus loin, à risquer un peu plus. Un certain nombre d’ÉcoCités ayant acquis de l’expérience et pris le goût du risque, elles ont fait plus de propositions lors de la deuxième tranche. Ce partage du risque entre l’État et les collectivités est une stratégie voulue et n’appelle pas stricto sensu de déploiement : ce sont les collectivités qui assurent ce déploiement, ainsi que des entreprises. Nous nous y retrouvons complètement, nous avons le sentiment que le PIA a véritablement servi les intérêts de la collectivité nationale et a poussé les collectivités territoriales à s’orienter vers une autre façon de concevoir la ville et son fonctionnement.

Il n’y a pas eu beaucoup de redéploiements au sein de ce programme, mais les prises de participation n’ont pas très bien marché. Nous avons donc convenu avec le CGI de réorienter cette partie du programme vers ce qui s’apparenterait à un fonds d’amorçage pour start-ups et serait géré par BPI France, un opérateur sans doute plus apte à gérer cet instrument que ne l’était l’opérateur principal, la CDC. Ces prises de participation seront ainsi spécialisées sur les start-ups, qui en ont vraiment besoin et verront une vraie différence avec les financements qu’elles peuvent trouver sur le marché.

Les débuts ont été un peu laborieux car les visions des uns et des autres, CGI, CDC, ministères, étaient assez différentes mais, dans la deuxième tranche de Ville de demain, les décisions au sein du comité de pilotage sont prises de façon très efficace. Chacun joue son rôle et apporte son regard, ce qui permet de ne pas perdre le cap. Nous sommes en osmose.

Mme Éva Sas, rapporteure. Notre ressenti, à la suite des différentes auditions que nous avons conduites, est que la mise en œuvre de l’éco-conditionnalité est à géométrie variable et qu’elle n’est pas encore opérationnelle dans le PIA 2.

M. Laurent Tapadinhas. En tant que co-président du comité de pilotage sur le PIAVE, je peux témoigner de l’effectivité des critères d’éco-conditionnalité et de leur prise en compte. Les outils pratiques d’analyse de l’éco-conditionnalité ont été définis. Les projets sont examinés à l’aune de ces critères : efficacité énergétique, impact sur le climat, l’air, l’eau, les déchets, les ressources, la biodiversité… Dans le PIAVE, ces critères sont analysés par l’opérateur BPI France et des experts au même titre que les conditions économiques. L’expérience montre que cela ne rallonge pas les délais. Cela a été au départ plus ou moins bien ressenti par les porteurs de projet, mais c’est à présent entré dans les mœurs.

Peut-être que la prise en compte de ces critères est encore inégale et que tous les opérateurs ne les intègrent pas avec la même acuité ; nous avons sans doute encore un travail à conduire sur les modalités types, les grilles d’analyse, les supports de présentation et la simplification, afin que ces critères soient intégrés de la manière la plus transversale possible dans l’examen des projets. Lorsque nous auditionnons des porteurs de projet, il est fréquent que nous leur demandions des compléments d’analyse, et il nous arrive également de refuser des projets en raison du non-respect de ces règles d’éco-conditionnalité.

Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Est-ce que cela s’est construit en dialogue avec les porteurs de projet ?

M. Alain Griot. Cela s’est d’abord construit en dialogue avec les opérateurs, qu’il a fallu acculturer à cette notion qu’ils voyaient au départ comme une charge supplémentaire et non comme un outil d’analyse pertinent. Cela dépend aussi beaucoup des procédures. Dans les procédures avec audition, comme pour le PIAVE, un véritable échange a lieu sur les critères. Dans les procédures sans audition, la charge repose sur l’opérateur. Globalement, les porteurs de projet comprennent plutôt bien la finalité de l’exercice et y répondent de façon appropriée.

La notion vise à prendre en considération l’ensemble des impacts environnementaux. Un porteur de projet dans la fabrication de pales d’éolienne nous disait, par exemple, que son projet était éco-conditionnel car il allait contribuer à la diminution des émissions de CO; nous lui avons demandé de prendre aussi en compte les impacts de son procédé de fabrication.

Les mêmes critères ne peuvent d’ailleurs pas s’appliquer à tous les projets. Nous allons prendre cet après-midi, dans le cadre du PIAVE, une décision sur un projet de dispositifs médicaux, concernant des pansements fonctionnalisés. Nous avons convenu avec le porteur de projet que la prise en considération des critères d’éco-conditionnalité ne se situait pas au niveau de l’utilisation mais du processus de fabrication, voire dans une réflexion en termes d’économie circulaire sur la récupération de ces pansements porteurs de molécules actives. Au-delà du cadre générique, dans les conventions et les appels à projet, c’est une discussion au cas par cas.

Une phase d’acculturation des acteurs aux critères globaux du PIA était nécessaire, et les premiers appels à projet n’ont pas été un grand succès, mais aujourd’hui, sur le troisième appel que nous lançons dans le bâtiment, le succès est relativement fort, la réponse des acteurs est bonne, non seulement de la part des grands leaders mais aussi des PME.

Mme Éva Sas, rapporteure. Quelles contraintes rencontrez-vous dans les règles européennes en matière d’aides d’État ?

M. Laurent Michel. Nous respectons les règles européennes applicables aux activités de recherche, de développement et d’innovation, dites RDI, et les lignes directrices pour les aides à l’environnement. Nous bénéficions à cet égard de l’expertise de la direction générale des entreprises à Bercy. Certains cas particuliers – des montants importants – peuvent nécessiter des notifications individuelles. Il a fallu que nous nous appropriions ces outils, qui nous sont moins familiers qu’à nos collègues du ministère de l’industrie. Je n’ai pas d’exemple de notification ayant échoué, même si certaines ont dû être rediscutées.

M. Alain Griot. Quelques notifications sont encore en cours, notamment sur les ITE et sur de grands projets. Dans le domaine des transports, l’interdiction pour PSA et ses filiales de recevoir des aides d’État jusqu’au 31 décembre 2015 a conduit certains projets sur lesquels PSA travaillait à ne pouvoir être lancés. C’est la seule difficulté que nous avons rencontrée en termes d’aides d’État, avec aussi des questions de définition des petites et moyennes entreprises, pour quelques entreprises à la limite des seuils. Sur ces points, le CGI se tourne vers le ministère des finances, qui a cette compétence en raison du rattachement de la DGCCRF.

Mme Éva Sas, rapporteure. Merci. Dans les réponses écrites que vous pourrez nous apporter, vous voudrez bien évoquer l’articulation entre les différents opérateurs, et notamment entre l’ADEME et la BPI. Les exigences de rentabilité et d’investissement de la BPI sont-elles adaptées au secteur de la transition écologique ? L’articulation entre les deux fonctionne-t-elle bien ? Deux opérateurs sont-ils nécessaires dans ce domaine ? C’est un autre sujet important.

Audition du 30 mars 2016

MM. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables.

Mme Mme Sophie Rohfritsch, rapporteure. Je vous souhaite la bienvenue. Nous avons souhaité vous rencontrer pour mieux connaître le point de vue des entreprises d’un des secteurs les plus directement concernés par la transition énergétique.

M. Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables. Je voudrais préciser qu’avant de présider le Syndicat des énergies renouvelables (SER), j’étais directeur des énergies renouvelables à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ; à ce titre, j’ai contribué à la définition du PIA pour ce secteur.

Nous concevons le PIA comme un outil de politique industrielle venu combler un vide dans la continuité nécessaire entre la recherche-développement et l’industrialisation des procédés. Dans le domaine des énergies renouvelables, avant l’instauration du PIA, l’ANR et l’ADEME partageaient la stratégie et le financement public de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée mais, le financement des prototypes et des démonstrateurs n’étant pas assuré, un chaînon manquait : le passage du laboratoire au marché. Dans ce continuum vient ensuite le déploiement commercial des filières, qui doit en toute cohérence se traduire dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, avec une trajectoire définissant appels d’offres, tarifs d’achat et compléments de rémunération. J’observe qu’il manque au PIA un volet relatif à l’appui aux exportations, alors même qu’une politique industrielle ne vise pas seulement le marché domestique. Entendez dans cette remarque une suggestion d’évolution.

Comment sont élaborés les appels à projet lancés dans le cadre du PIA, par l’ADEME notamment ? L’Agence a établi une feuille de route pour chacune des filières considérées. Un peu plus d’une vingtaine ont été élaborées, en association avec les instituts de recherche, les entreprises du secteur et notre syndicat. L’ADEME a ainsi dressé une prospective de moyen et long terme, recensé les forces et les faiblesses de la recherche et des entreprises, et mis en évidence les verrous technologiques devant sauter. Cette approche a permis de bien cadrer les appels à projets qui diffèrent des anciens appels à manifestation d’intérêt. En effet, ces derniers n’étaient pas complétement définis et l’on pouvait les faire progresser avec le comité de pilotage de l’ADEME.

Les appels à projets peuvent financer trois types d’objet : des « briques technologiques », autrement dit les éléments de la chaîne de valeur qui appellent des progrès ou un développement industriel qui n’existe pas en France ; des fermes pilotes d’hydroliennes ou d’éoliennes flottantes ; des investissements industriels. Les attentes diffèrent selon les filières. Ainsi, les filières déjà mûres du photovoltaïque et de l’éolien terrestre attendaient le financement de briques technologiques, afin de fortifier l’industrie française. Les besoins des filières émergentes – celles des énergies marines renouvelables, des bio-carburants de seconde génération ou de la bio-méthanisation de matières premières nouvelles – sont différents : pour elles, il faut permettre la construction de démonstrateurs et de pilotes pour réaliser des expérimentations en grandeur nature.

Les financements prennent diverses formes : prises de participation quand il s’agit de projets industriels, participation au capital quand il s’agit d’une PME ou d’une société de projet industriel créée par un grand groupe comme ce fut le cas pour Alstom Offshore France à Saint-Nazaire, ou encore combinaison de subventions et d’avances remboursables.

L’opinion générale exprimée, après enquête, par les membres du SER est que, globalement, les appels à projets répondaient bien aux attentes des entreprises ; cela n’est pas surprenant, puisqu’ils ont été définis en commun. J’en citerai quelques-uns.

Airbus voulait développer des pales d’éoliennes discrètes ; le projet est en cours de réalisation, avec de bonnes perspectives commerciales en France et à l’étranger.

Les besoins de la filière des énergies marines renouvelables ont été très bien pris en considération et, dans le cadre des instituts pour la transition énergétique, un site d’essai géré par l’École centrale de Nantes a été installé au large du Croisic ; il permet à des porteurs de projets de tester leurs matériels.

La société Smart Énergies, qui fabrique des électrolyseurs permettant de produire de l’hydrogène à partir d’énergies renouvelables, a bénéficié d’un apport en fonds propres de l’ADEME. Ayant ainsi pu se doter d’un outil industriel, elle est maintenant présente en France, en Allemagne, aux États-Unis et au Moyen-Orient ; le nombre de ses salariés en France est passé de 10 à 25 en quelques années.

L’entreprise Exosun, qui conçoit des suiveurs solaires a bénéficié d’un investissement en fonds propres de l’agence, participation directe sans laquelle, aux dires de ses dirigeants eux-mêmes, la société n’existerait pas aujourd’hui.

Le projet collaboratif Gaya, piloté par Engie, tend à la création d’une filière de bio-méthane carburant à partir de biomasse solide ; il illustre la bonne collaboration qui s’est instaurée entre les entreprises et l’ADEME quand l’Agence a su faire preuve de flexibilité dans l’évolution du projet.

Permettez-moi de souligner la nécessité de la cohérence entre la recherche-développement et l’innovation d’une part, les instruments de marché d’autre part : après que l’on a développé un procédé de bio-méthane carburant, le produit, quand il est commercialisé, doit bénéficier des mêmes incitations fiscales à l’achat que ses concurrents.

La taille minimale fixée pour les appels à projets précédents rendait difficile la constitution d’un consortium par les PME. Aussi l’ADEME a-t-elle lancé « l’initiative PME Énergies renouvelables », un programme d’appels à projets qui leur est spécifiquement destinée. Le principe, très apprécié, sera mis en œuvre cette année.

Vous trouverez dans le dossier que j’ai transmis à vos services une liste non exhaustive des projets de nos adhérents qui ont été financés dans le cadre du PIA. S’y ajoutent de nombreux projets de réseaux intelligents. Les tout premiers ont vu le jour dans le cadre du Fonds démonstrateur de recherche, l’ancêtre du PIA. Une vingtaine de ces projets ayant été lancés il y a cinq ou six ans, les premiers résultats commencent à apparaître, notamment à La Réunion, en Guadeloupe et en Corse, avec le projet Millener. Conçu pour permettre une meilleure gestion énergétique dans les milieux insulaires, il peut faire l’objet de vastes développements à l’étranger.

Un mot sur le jury de sélection des projets. L’ADEME a installé un comité de pilotage composé uniquement de représentants des pouvoirs publics. Dans un premier temps, ses réunions étaient précédées par celles d’une commission nationale des aides, appelée à rendre des avis consultatifs, et où siégeaient des personnes issues du secteur privé ; cette commission n’existe plus. Nous considérons qu’il est excessivement difficile d’impliquer un représentant du secteur privé dans un jury de sélection car les conflits d’intérêt seront inévitables. J’avais, un temps, évoqué avec le président de l’agence l’idée de participer à cette commission, mais j’en suis très vite venu à la conclusion que ma position serait intenable : j’aurais eu à prendre parti soit pour l’un ou l’autre des adhérents du syndicat, soit pour une entreprise qui n’en est pas membre, et l’on m’aurait accusé de favoritisme dans tous les cas … D’une manière générale, il ne me semble pas de bonne pratique de faire siéger des représentants d’entreprises privées dans un jury de sélection, ne serait-ce que pour rendre un avis consultatif, car être à la fois compétent en ces matières et ne pas avoir d’intérêts dans les secteurs considérés sont deux caractéristiques difficilement conciliables.

Vous vous demandez, si l’accompagnement des entreprises par un opérateur tel que l’ADEME tout au long de la vie d’un programme serait pertinent. Je le pense, car l’opérateur peut aider au lancement rapide des projets lorsque d’autres pouvoirs publics, nationaux ou régionaux, interviennent. De plus, il serait intéressant de favoriser les projets collaboratifs, même s’il est compliqué d’y impliquer les PME et de parvenir à former des consortiums associant de grandes entreprises, des PME et la recherche publique. Pour faciliter les choses, il serait utile, comme l’a fait la Commission européenne, de mettre au point en France un accord de consortium type accepté par les pouvoirs publics et d’accès facile aux PME. Il serait bon aussi de faciliter les co-financements, et l’accompagnement par les juristes de l’opérateur jouerait là un rôle décisif, puisqu’il faut s’assurer que, ce faisant, on ne viole pas la réglementation communautaire – complexe – relative à l’encadrement des aides d’État.

J’en viens à la description du programme Windustry, mené directement par le SER et qui vise à renforcer la filière industrielle éolienne en France. Nous sommes partis du constat que s’il n’y a pas de grands fabricants d’éoliennes en France, le pays compte de nombreux fournisseurs des grands ensembliers allemands, danois et américains. Une première étude a permis de recenser 180 entreprises sous-traitantes, produisant une multitude de pièces différentes – une éolienne contient 9 000 pièces. Il nous est paru possible d’engager bien davantage les industriels français dans cette industrie.

Dans le cadre d’un appel à projet de structuration des filières industrielles stratégiques lancé, à l’époque, par OSEO, nous avons proposé d’identifier les nouvelles PME ou ETI ayant les compétences nécessaires pour se diversifier en devenant des entreprises sous-traitantes de la filière éolienne, et d’accompagner la transformation de leur outil de production à cette fin. Ce programme, dont nous avons évalué le budget à 1,8 million d’euros, est financé à hauteur de 50 % par Bpifrance ; les fonds transitent par notre syndicat, qui se limite à les redistribuer sans les encaisser. Au comité de pilotage du programme siègent treize industriels donneurs d’ordre de la filière éolienne en France, les représentants des deux ministères chargés de l’industrie et de l’énergie ainsi que des représentants d’organisations régionales ou locales telles les chambres de commerce et d’industrie. Nous avons ainsi pu identifier 70 nouvelles entreprises intéressées par l’industrie éolienne, et le programme se poursuit. Nous accompagnons déjà 60 entreprises, dont une quinzaine ont pris place sur le marché de l’éolien ; nous faisons également leur promotion au niveau européen.

Des programmes similaires peuvent être définis pour d’autres filières. Ainsi, la filière de la méthanisation, dominée par les grands fournisseurs allemands et danois, ne produit pas toujours des équipements adaptés aux intrants utilisés dans les méthaniseurs en France.

Je ne conclurai pas sans quelques recommandations pour l’avenir. Je le redis, un outil industriel doit aussi être pensé pour les marchés extérieurs, et l’on pourrait imaginer des démonstrateurs ou des pilotes à l’étranger. Je pense à une entreprise qui a mis au point des installations de dessalement d’eau de mer par énergie solaire ; de moyenne taille, ces équipements répondraient à bien des besoins dans les pays en développement. Un prototype a été construit à Chartres ; il serait bon qu’un autre pilote puisse fonctionner au Sénégal ou ailleurs.

Une autre recommandation concerne le développement d’électricité de sources renouvelables. L’éolien et le solaire photovoltaïque sont arrivés à un niveau de compétitivité tel que si l’on veut parvenir à 40 % d’électricité renouvelable en 2030, la priorité ne doit plus être donnée au rehaussement du niveau de compétitivité mais à l’intégration des énergies renouvelables dites variables dans le réseau de transport d’électricité. Il faut donc continuer de pousser la recherche sur les réseaux intelligents et le stockage de l’énergie. C’est l’orientation prise par l’Allemagne, et nous devons rester compétitifs ; c’est d’autant plus nécessaire que le potentiel d’exportation de ces technologies est considérable. En matière d’électricité de sources renouvelables, l’avenir de moyen terme, c’est le bâtiment à énergie positive que la réglementation rendra obligatoire à partir de 2020 et l’autoconsommation à l’échelle d’un bâtiment, d’un quartier, voire d’une zone plus étendue.

Enfin, certaines feuilles de route par filière doivent être revues pour permettre une meilleure politique industrielle. Cela vaut notamment pour la filière photovoltaïque, qui a connu une évolution spectaculaire au cours des cinq dernières années. Deux excellents laboratoires – le CEA-INES et l’IPVF – mènent des recherches très actives en ce domaine ; il serait dommage de ne pas transposer ce potentiel de recherche-développement dans une politique industrielle.

Mme Éva Sas, rapporteure. J’ai retenu de vos propos que le SER n’a pas pour objectif de faire émerger des champions français de l’éolien et de la bio-méthanisation ; mais comment expliquez-vous qu’il n’en existe pas ? Pourquoi, à votre avis, le déblocage des crédits destinés à la transition écologique est-il plus lent que dans d’autres secteurs ? Certains considèrent que pour rendre la transition écologique effective, les financements définis dans le PIA devraient viser, au-delà des projets pilotes et des démonstrateurs, la phase de développement et de diffusion des nouvelles technologies ; qu’en pensez-vous ?

M. Jean-Louis Bal. S’il n’y a pas de champions français de l’éolien ni de la méthanisation, c’est que nous avons démarré le développement de ces deux secteurs après les autres pays européens, si bien que la place était déjà prise. Cela ne signifie pas que la situation soit irrémédiable, mais pour rendre les choses possibles la politique de développement doit impérativement être stable. Pour l’éolien, le stop and go auquel on assiste n’encourage pas les investisseurs, qu’ils soient français ou étrangers. La société allemande Enercon a commencé à investir en Picardie dans la fabrication de mâts d’éoliennes en béton et elle est prête à aller plus loin. Mais quand, sur le marché français, la puissance éolienne raccordée au réseau électrique est de 1 200 mégawatts en 2010 et moitié moindre deux ans plus tard, comment ne pas s’interroger ? Les investisseurs ont besoin de continuité. Il en va de même pour la méthanisation ; on peut trouver tous les fournisseurs en France, mais quelqu’un doit assembler toutes les pièces, développer l’organisation après-vente et l’ingénierie, et cela suppose un marché lisible. Nous comptons donc sur la mise en œuvre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte – je pense en particulier à l’installation de la Banque publique de l’énergie (BPE), que nous attendons avec une grande impatience.

Quand on s’interroge sur la lenteur relative de l’octroi des crédits au secteur des énergies renouvelables, il faut garder en mémoire que le PIA a modifié l’ordre de grandeur des financements. Et, une nouvelle fois, on se heurte au fait que les politiques définies n’étant pas assez stables, les entreprises montrent une certaine frilosité à l’idée d’investir. Néanmoins, la progression constatée dans le nombre de projets financés par l’ADEME et l’ANR révèle une montée en charge remarquable et satisfaisante. Elle aurait été bien meilleure si la promulgation de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et la mise en œuvre du PIA avaient été simultanées. C’est pourquoi j’ai insisté dans mon propos liminaire sur le fait que tous les instruments de développement d’une filière doivent être cohérents.

Nous avons effectivement besoin de démonstrateurs dans les filières émergentes telles celles des énergies marines renouvelables ou des technologies de bio-carburant avancées – j’ai mentionné le projet Gaya, procédé de gazéification qui permettra aussi la méthanation. Mais pour les technologies déjà mûres, il faut aller plus loin. Le bio-méthane devrait être diffusé à une échelle bien plus large, mais je ne sais si cela entre dans le périmètre du PIA. D’autres instruments existent : des instruments de marché. On envisage ainsi des appels d’offres visant à injecter du bio-méthane dans le réseau de transport d’électricité, mais pour cela il faut que la BPE existe. Pour la cogénération électricité-chaleur à partir de biogaz, l’instrument tarifaire va évoluer vers un instrument marché assorti d’un complément de rémunération. Certains calages réglementaires sont encore nécessaires pour définir le type d’intrants que l’on pourra destiner aux méthaniseurs. Des perfectionnements seront donc nécessaires au cours des prochains mois, mais on pourrait effectivement passer à une très grande échelle ; pour le photovoltaïque, c’est maintenant évident, et pour l’éolien, cela l’était depuis un certain temps. C’est ce que doit déterminer la programmation pluriannuelle de l’énergie, avec les instruments de marché prévus à cette fin.

Enfin, je vous suggère d’entendre directement les entreprises qui ont bénéficié du PIA ; elles exprimeront leur point de vue plus précisément que je ne peux le faire en commentant les résultats d’une enquête.

Mme Éva Sas, rapporteure. Je vous remercie pour ces explications d’une parfaite clarté.

Audition du 30 mars 2016

M. Bernard Maître, président d’Emertec Gestion, M. Alain Grandjean, économiste, membre du comité stratégique de la Fondation Nicolas-Hulot, et M. Matthieu Glachant, Professeur d’économie à l’école des Mines Paris Tech.

Mme Eva Sas, rapporteure. Je vous remercie, messieurs, d’avoir répondu à notre sollicitation pour aborder avec vous la question de la mise en œuvre des programmes d’investissement d’avenir (PIA) et du financement de la transition écologique.

Notre mission est née du constat selon lequel les crédits des PIA finançant la transition écologique sont sous-consommés ou réorientés en direction d’autres missions budgétaires, en l’occurrence la défense et les nanotechnologies. Nous avons souhaité comprendre les raisons de ces réorientations et pourquoi les crédits des PIA consacrés à la transition écologique étaient moins consommés que les crédits d’autres PIA. C’est aussi l’occasion pour nous de chercher comment adapter au mieux ces PIA de telle sorte qu’ils soient plus opérationnels dans l’intérêt de la transition écologique et des besoins des entreprises, en vue de la préparation du PIA 3. Nous allons donc formuler des recommandations concernant l’évolution des PIA en les plaçant dans le contexte général de la transition écologique et de la chaîne de valeurs, c’est-à-dire en intégrant les outils de mise en œuvre opérationnelle des investissements ainsi réalisés.

M. Matthieu Glachant, Professeur d’économie à l’école des Mines Paris Tech. L’enseignant-chercheur que je suis porte sur ces questions un regard peut-être plus distancié que d’autres, même si j’ai également exercé des fonctions opérationnelles en participant à la commission nationale des aides de l’ADEME où j’ai eu une connaissance très locale des investissements d’avenir, que complètent des recherches et des publications sur l’économie de l’innovation verte et la politique industrielle.

La sous-consommation des PIA consacrés à la transition écologique s’explique pour partie par l’absence de rentabilité économique des technologies vertes tant que les politiques publiques ne créent pas la demande correspondante – j’entends par « politiques publiques » non pas les seules mesures de soutien direct à l’innovation, mais l’ensemble des politiques environnementales d’ordre normatif ou fiscal comme le marché du carbone, par exemple. En effet, la principale faiblesse qui limite l’innovation verte en France tient moins aux dispositifs de soutien à l’innovation qu’à la demande en technologies vertes. Aujourd’hui, la tonne de CO 2 vaut 6 euros sur le marché du carbone, soit un prix en baisse de 15 % depuis la COP21 – ce qui atteste du faible crédit qu’accordent les acteurs de ce marché aux engagements pris à Paris – tandis que le prix du baril de pétrole, qui a un effet direct sur les politiques environnementales, s’établit à 40 dollars. De telles conditions économiques se traduisent par la réduction massive des efforts des différentes parties prenantes en matière d’innovation et d’efficacité énergétique.

Se pose ensuite la question de savoir si les crédits sont concentrés au stade le plus pertinent de la chaîne d’investissement, depuis l’invention d’une technologie jusqu’à son déploiement concret. Il faut y répondre avec prudence : en 2014, la France a consacré 178 millions d’euros aux mesures de soutien public à la recherche et au développement dans le secteur photovoltaïque. Or, dans le même temps, elle a dépensé 2,7 milliards d’euros sous la forme de tarifs garantis pour déployer les installations photovoltaïques. Autrement dit, elle a consacré vingt fois moins de moyens à l’apprentissage par la recherche (learning by searching) qu’à l’apprentissage par la pratique (learning by doing) – puisque chacun sait que les installations photovoltaïques ne sont pas encore rentables et qu’elles ne sont déployées aujourd’hui que pour devenir rentables demain. Dès lors, il ne me semble pas qu’il faille réduire la voilure des PIA – c’est-à-dire l’apprentissage par la recherche ; au contraire, il me semble utile de maintenir les efforts consacrés à la recherche et au développement.

J’en viens à la gouvernance des PIA. À la différence du crédit impôt-recherche, qui est déployé de manière uniforme, le PIA repose sur le ciblage de produits particuliers. En l’occurrence, il me semble très utile que l’État fasse des choix, non seulement pour limiter les effets d’aubaine liés à des opérations de grande envergure, mais aussi pour ne pas laisser aux entreprises le contrôle d’un système totalement décentralisé. L’État doit en effet se doter d’une vision stratégique et d’une politique industrielle lui permettant de bâtir l’avantage comparatif de la France dans une économie verte entièrement mondialisée.

Cela étant, qui dit ciblage dit prise de décisions complexes. Un PIA n’est pas un processus administratif ordinaire ; or, je crains que l’on n’entende simplifier la procédure pour l’accélérer, au détriment de la qualité du mécanisme de sélection des projets. La plus-value qu’apporte ce dispositif tient précisément au fait que l’on prend le temps de la décision, sachant que cette décision est difficile, compte tenu du risque de capture par de grandes entreprises dont la puissance désavantage les PME, et du fait que certaines de ces entreprises sont multinationales – ce qui pose la question de la destination des fonds, qui ne vont pas nécessairement produire des retombées sur le territoire national. De ce point de vue, la commission nationale des aides, qui a été supprimée, contribuait utilement au processus.

Mme Eva Sas, rapporteure. Les précédentes auditions nous ont plutôt laissé penser que les délais de sélection avaient été utilement raccourcis. Avez-vous à l’esprit un exemple précis qui indique que cette accélération nuirait à la qualité de la sélection ?

M. Matthieu Glachant. Je ne propose qu’un raisonnement théorique : les décisions de sélection sont difficiles et, s’il est en effet souhaitable qu’elles soient prises rapidement, toute mesure de simplification doit conduire à s’interroger sur le maillon de la chaîne qui se trouve affecté. Il ne me semble pas à cet égard que la commission nationale des aides était un maillon inutile : composée d’experts plus indépendants que d’autres, elle constituait un lieu dans lequel le risque de capture par les groupes d’intérêts était moins élevé. Sans doute une analyse coûts-bénéfices a-t-elle finalement conclu à la pertinence de supprimer cette instance ; quoi qu’il en soit, la qualité de l’évaluation me semble requérir la plus grande prudence.

M. Alain Grandjean, économiste, membre du comité stratégique de la Fondation Nicolas-Hulot. Sur les 35 milliards d’euros que la commission Juppé-Rocard, dont j’ai eu l’honneur d’être membre, avait envisagé de déployer dans les investissements d’avenir, 9 milliards étaient consacrés au développement durable en ciblant notamment un axe lourd, la ville de demain – axe qui consistait en des programmes urbains intégrés, des programmes de développement des transports collectifs décarbonés et des projets de rénovation thermique du logement social.

Que cette nomenclature ait été conservée ou non, il me semble important de considérer la transition écologique et énergétique comme une donnée dont il faut nécessairement tenir compte, et non pas comme un simple secteur d’investissement. La notion de politique monétaire verte, par exemple, que M. Pascal Canfin et moi-même prônions dans notre rapport de l’an dernier, a fait sourciller bon nombre d’interlocuteurs pour qui la Banque centrale ne se résoudrait jamais à mettre en œuvre une politique industrielle sectorielle de cet ordre. Il ne s’agit pourtant pas d’une politique sectorielle : ce qui importe, c’est de déterminer quel est l’impact des investissements en termes de ressources et de pollution.

Mme Eva Sas, rapporteure. Le critère d’éco-conditionnalité ne répond-il pas à cette préoccupation, et quel bilan tirez-vous de sa mise en œuvre ?

M. Alain Grandjean. Je l’ignore ; il est très difficile d’obtenir des informations précises en la matière. De même, j’ignore si la part des crédits du PIA – de l’ordre d’un quart – autrefois réservée aux technologies vertes est toujours d’actualité.

Mme Eva Sas, rapporteure. Les crédits des PIA sont alloués à différentes missions, et ceux qui ont été consacrés à la transition écologique ont été sous-consommés, d’où leur redéploiement vers d’autres missions.

M. Alain Grandjean. Au fond, les PIA trouvent leur origine dans la suggestion qu’a faite Henri Guaino à Nicolas Sarkozy de lancer un grand emprunt de 100 milliards d’euros au lendemain de la crise financière. Cette idée d’inspiration keynésienne a donné lieu à d’importants plans de relance verte (green stimulus) dans d’autres pays, en Corée et plus encore aux États-Unis, par exemple. Elle était pertinente, même si les objectifs économiques sont demeurés trop modestes. Cela étant, le degré de maturité des technologies vertes était très différent à l’époque de ce qu’il est devenu aujourd’hui. Songez que dans le secteur de l’énergie solaire, le tarif d’achat initial était de l’ordre de 400 euros par mégawatt-heure contre environ 100 euros aujourd’hui. De même, dans le secteur de la rénovation et de l’efficacité énergétique, les acteurs du bâtiment et des travaux publics étaient très sceptiques et, en 2007, la question des normes dans l’immobilier neuf faisait débat, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, à l’ère des bâtiments à énergie positive. Autrement dit, faire de l’innovation le fil conducteur des PIA, comme le prônait Alain Juppé, n’allait pas de soi par rapport au projet initial.

Se pose en outre un problème d’ordre sémantique concernant la notion de technologie. Ma proposition, à l’époque, de développer les scieries, par exemple, a été accueillie avec la plus grande perplexité, au motif que ce secteur était d’une trop grande simplicité technologique.

Mme Eva Sas, rapporteure. La filière bois a pourtant été développée.

M. Alain Grandjean. Et pour cause : c’est un secteur d’innovation qui a du sens. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas tant le caractère technologique des projets qui importe que leur inscription dans le cadre plus large d’une politique industrielle destinée à faire face à la concurrence internationale, et leur complémentarité avec les initiatives du secteur privé. De ce point de vue, les nouveaux modèles d’agro-écologie et d’agro-foresterie sont particulièrement innovants, d’autant plus que les agriculteurs, très endettés, ont beaucoup de difficultés à traverser cette période de transition d’un modèle à l’autre.

Autre facteur important : le point de vue des chefs d’entreprise, que les aides n’intéressent pas si elles portent sur des projets qui se commercialisent mal. Certes, les mesures d’ordre normatif prises dans le cadre de la loi de transition énergétique devraient susciter leur intérêt – je pense notamment aux obligations de rénovation du parc tertiaire qui créeront des besoins. De façon générale, cependant, le sous-équipement prévaut.

Dernière question : la répartition des moyens alloués par la Banque européenne d’investissement (BEI) dans le cadre du plan Juncker. La BEI est-elle tant attachée à sa note AAA qu’elle doit coûte que coûte éviter tout placement à risque ? Manifestement, elle a choisi d’augmenter nettement l’enveloppe de ses derniers. Reste à savoir si elle investira ces fonds dans des projets en phase de perte initiale : en effet, la garantie publique peut seule susciter l’intérêt des acteurs bancaires, lesquels n’agissent jamais de manière désintéressée. Il me paraîtrait donc parfaitement légitime d’accompagner des projets qui n’en sont plus au stade de l’innovation pure mais au stade délicat où les taux de rendement et le niveau de risque dissuadent les banquiers de se mobiliser.

M. Bernard Maître, président d’Emertec Gestion. Depuis vingt-cinq ans, mes activités consistent à financer les ruptures technologiques dans différents domaines. Issu du secteur privé et passé par le secteur public, j’ai créé l’activité de capital-risque du groupe BNP, mais aussi celui de la Caisse des dépôts. J’ai exercé les fonctions de directeur de l’énergie à l’Agence des participations de l’État, j'ai remis en route le processus de création d’entreprises au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) mais j’ai aussi créé la première grande société privée de capital-risque dans le domaine de l’internet. Le fonds de financement des écotechnologies que je dirige aujourd’hui a deux grands actionnaires publics, le CEA et la Caisse des dépôts, et une moitié d’actionnaires privés. Il va de soi que les écotechnologies englobent les énergies renouvelables mais vont bien au-delà : nous traitons de questions concernant l’eau, l’air, l’économie circulaire, mais aussi la transition entre la pétrochimie et la chimie biosourcée – un phénomène considérable qui pèse déjà plusieurs dizaines de milliards d’euros. J’ai donc participé au développement de technologies très différentes, depuis les semi-conducteurs et les métiers du logiciel – qui, à bien des égards, demeure encore artisanal – jusqu’aux biotechnologies, aux télécommunications et à l’internet.

Le développement des écotechnologies se heurte d’emblée à une réalité économique : la transition énergétique ne correspond pas à une demande massive du marché que susciterait la perspective d’une forte rentabilité. L’économie ne se prête guère au développement de projets sans rentabilité à court terme. De plus, l’effondrement du prix du pétrole fait durablement passer à la trappe un certain nombre d’investissements, qu’il sera d’autant plus difficile de relancer dans un contexte volatil.

Dans ces secteurs, d’autre part, les politiques de financement de projets en phase initiale – non rentable – ont connu des variations qui ont profondément affecté le tissu industriel, jusqu’à ruiner toute une génération d’investissements – soit plusieurs centaines de milliards d’euros. Dans le secteur du photovoltaïque, par exemple, même s’il convient, en effet, de continuer à financer la recherche fondamentale, aucun investissement ne révolutionnera plus l’équilibre mondial de la production et, dans ces conditions, mieux vaut privilégier l’apprentissage par la pratique plutôt que par la recherche, car la guerre semble, hélas, déjà perdue.

De ce point de vue, les acteurs publics devraient selon moi décider en matière de transition écologique en s’appuyant sur nos points forts, plutôt que sur nos points faibles. Et en toute indépendance, ils devraient tenir compte des positions des acteurs économiques. Plusieurs secteurs ont ainsi été sous-estimés, en dépit des atouts majeurs dont dispose la France : je pense en particulier à l’agro-industrie, où il reste beaucoup à inventer. La bio-raffinerie, par exemple, est un secteur colossal qui peut être rentable sur-le-champ. Les frères Roquette ont commencé par réaliser des expériences sur la fécule de pomme de terre pour finalement constituer un groupe mondial présent dans cent pays, dont le chiffre d’affaires dépasse 2,5 milliards d’euros ; voilà un exemple qui devrait nous faire réfléchir. De même, il existe dans les secteurs des oléagineux, du sucre et des céréales des acteurs intelligents susceptibles d’investir d’importants moyens à long terme. En cas de difficulté, il est utile de privilégier nos points forts pour renforcer notre compétitivité internationale.

Comme vous, je constate la sous-consommation des crédits de la transition écologique. Certains programmes ont été très bien financés, en particulier le Fonds Écotechnologies géré par Bpifrance mais aussi le Fonds national d’amorçage, dont 15 % des fonds ont été investis dans le domaine de la transition écologique. Le Fonds Écotechnologies, quant à lui, permet de réaliser des investissements en appui au capital-risque pour approfondir des projets en croissance. Enfin, le Fonds SPI (Sociétés de projets industriels), très pertinent, consiste à financer des programmes industriels lourds.

Précisons aussi que contrairement à d’autres secteurs, les programmes de transition écologique se caractérisent par une très forte intensité capitalistique et reposent sur une preuve de concept industriel très onéreuse, ce qui explique la forte aversion au risque qu’ils suscitent et, de ce fait, la nécessité de créer des outils procédant d’une volonté politique, et non de celle des marchés. Cela étant, je constate en effet que le Fonds Écotechnologies est sous-investi, que le Fonds SPI ne fait que démarrer et que 15 % seulement des crédits du Fonds national d’amorçage sont alloués à la transition écologique.

Mme Eva Sas, rapporteure. Comment se déroule la sélection des projets ?

M. Bernard Maître. C’est en tant que directeur de l’énergie à l’Agence des participations de l’État – d’où ma connaissance privilégiée de l’état de la transition écologique dans de grandes entreprises telles qu’EDF, GDF, Areva et Alstom – que j’ai été invité à participer au jury de l’ANR chargé de labelliser les instituts d’excellence dans le domaine des énergies décarbonées qui sont devenus les ITE. Le processus de sélection m’a semblé particulièrement professionnel et approfondi, un juste équilibre étant trouvé entre représentants de l’industrie, du monde universitaire et des instances de régulation. Le travail accompli m’a paru de bonne qualité, même si l’histoire a prouvé que nous nous étions peut-être trompés sur un ou deux sujets, comme le projet GreenStars visant à développer les activités liées aux algues. En revanche, d’autres projets comme la ville nouvelle autour de Marne-la-Vallée ont connu un fort développement et continuent de susciter la création de start-ups.

Mme Eva Sas, rapporteure. Jusqu’à présent, il nous a semblé que l’ADEME – parfois mise en cause – s’efforce avec le plus grand pragmatisme de repérer les places qui sont à prendre sur le marché mondial pour que la France développe des technologies susceptibles de les occuper. Qu’en pensez-vous ?

S’agissant des agro-carburants, que pensez-vous des conflits d’usage qu’ils peuvent susciter avec les terres agricoles et de l’impact que leur développement peut produire sur le prix des denrées alimentaires ?

J’en viens à la prise de risques des investisseurs, en particulier la BPI. Son exigence de rentabilité vous paraît-elle trop élevée, ou bien joue-t-elle son rôle en participant à la prise de risque sans se comporter uniquement comme un financeur privé ?

Les PIA doivent s’intégrer dans un ensemble d’outils destinés à favoriser la transition écologique et à solvabiliser ce marché. Certains acteurs insistent beaucoup sur l’importance de la programmation pluriannuelle de l’énergie : s’agit-il selon vous d’un outil utile à la transition écologique ?

Enfin, quelles sont vos recommandations concernant l’évolution du PIA 3 ou la mise au point d’outils complémentaires ?

M. Matthieu Glachant. L’ADEME a fait preuve d’un remarquable professionnalisme en dotant rapidement ses ingénieurs de compétences qu’ils ne possédaient pas toujours pour intégrer des critères non technologiques comme la compétitivité ou l’évaluation économique, dans les processus de sélection des projets.

En revanche, il me semble qu’à la fin du précédent quinquennat, l’État a bâti une réflexion générale concernant les filières sur lesquelles il était opportun de parier, préférant par exemple l’éolien en mer à l’éolien terrestre. Cette vision stratégique me semble avoir disparu – même s’il va de soi qu’une telle vision doit être mise à jour chaque année, compte tenu du rythme auquel le monde change.

M. Alain Grandjean. La Caisse des dépôts est une vieille dame dont la fierté est de ne jamais perdre d’argent. Sans doute la BPI, à l’initiative de son directeur général, a-t-elle conquis son indépendance, mais l’héritage culturel demeure. Quoi qu’il en soit, je suis favorable à ce qu’elle prenne davantage de risques.

Quant à la BEI, elle a raison à deux égards.

Tout d’abord, le mécanisme du prix carbone ne suffit pas à générer des financements suffisants et ciblés ; en pratique, il faut parfois tordre le bras aux acteurs financiers pour qu’ils abandonnent leurs réflexes et orientent leurs investissements là où ils sont nécessaires. Il me semble utile de proposer des mécanismes les encourageant à investir dans les énergies décarbonées, même en l’absence de taxe carbone.

D’autre part, la transition écologique concerne des biens publics – parfois mondiaux – et donc l’intérêt général. En l’absence de rentabilité, ce n’est évidemment pas le marché qui crée l’appétit de transition énergétique. Il n’est donc pas illogique que des acteurs publics consentent une partie de l’investissement dans ce domaine, à perte, le cas échéant.

J’en viens à la programmation pluriannuelle de l’énergie. Les grandes orientations industrielles sont indispensables. À titre d’exemple, le développement des pompes à chaleur a échoué d’emblée parce que les entreprises concernées n’ont pas vendu une technologie – alors onéreuse et posant des problèmes de maintenance – mais une forme de crédit d’impôt. Or, il existe aujourd’hui des pompes à chaleur d’excellente qualité – hélas produites hors de France – qui sont fort utiles pour remplacer le parc de chaudières à fioul et à propane. Il me semble donc opportun de privilégier une politique de soutien à une filière lorsqu’elle est mûre.

Autrement dit, l’absence de programmation pluriannuelle de l’énergie est très gênante pour les acteurs économiques, qui se trouvent dans l’impossibilité de suivre un cap. Sans être trop rigide, un cadre de réflexion clair est très utile. Le secteur colossal du stockage dans les batteries électriques, par exemple, suivra dans les vingt prochaines années un chemin très différent selon que la production électrique française reposera encore pour l’essentiel sur le parc nucléaire ou que les énergies renouvelables auront été davantage développées. De ce point de vue, la libéralisation par à-coups à laquelle a procédé l’Union européenne, en mettant les acteurs économiques en concurrence au point de les tuer – et au risque de provoquer une panne de réseau – a fait la preuve de son inefficacité. La programmation pluriannuelle de l’énergie est donc précieuse.

Mme Eva Sas, rapporteure. Je rappelle que nous avons créé la contribution climat-énergie, conformément à une recommandation ancienne des ONG.

M. Alain Grandjean. Avec un baril de pétrole à 50 dollars, le prix de la tonne de CO 2 s’établit à 100 euros ; autrement dit, la contribution climat-énergie, dont le montant atteint 22 euros, ne suffit évidemment pas à compenser l’effondrement du cours du pétrole, et la taxe carbone est devenue négative. La ministre de l’environnement entend certes faire passer ce montant à 30 euros, mais il faudrait d’ores et déjà atteindre le montant prévu pour 2020, afin de parcourir une partie du chemin nécessaire.

Mme Eva Sas, rapporteure. J’en déduis que la contribution climat-énergie est un outil inopérant du fait de la volatilité des cours.

M. Alain Grandjean. Non, car la situation serait pire encore si elle n’existait pas.

M. Matthieu Glachant. En effet, cet outil limite la volatilité des prix ; en l’occurrence, c’est l’effondrement des prix qui est en cause. Je rappelle que sur le marché européen, le prix du carbone s’établit à un peu moins de 7 euros. De mon point de vue, ce n’est donc pas la contribution climat-énergie qui constitue le maillon faible du dispositif ; au contraire, elle a plutôt progressé ces dernières années. Le problème me semble davantage de nature européenne, car le marché du carbone, qui englobe les secteurs fortement consommateurs d’énergie et celui de l’énergie lui-même, structure puissamment le déploiement des technologies vertes.

M. Alain Grandjean. Les entreprises écotechnologiques sont par définition des entreprises à forte intensité de capital. Or, la transition écologique consiste à investir afin de réduire la consommation d’intrants non renouvelables. La vertu publique ne suffira pas à obtenir ce résultat ; seul l’investissement permettra une telle réduction. Dès lors, les deux principales gammes d’outils dont nous disposons sont celles qui, d’une part, permettent d’augmenter le coût des intrants – comme la taxe carbone et autres mesures de cet ordre, qui entravent la consommation et la pollution – et, d’autre part, celles qui permettent de baisser le coût du capital, notamment en atténuant le facteur de risque qui existe en phase initiale.

M. Bernard Maître. Sur ces sujets essentiels qui engagent l’avenir à très long terme, où les décisions mettent beaucoup de temps à porter leurs fruits, il est indispensable, en effet, que les politiques publiques soient éclairées.

Les agro-carburants ne me paraissent pas offrir une solution adaptée, non pas parce qu’ils entrent en concurrence avec des territoires consacrés à l’alimentation humaine – on peut en effet produire d’excellents carburants à base d’algues – mais parce qu’ils ne sont pas performants. Hormis quelques exceptions comme la bagasse de canne à sucre au Brésil, les agro-carburants sont très onéreux et ne se caractérisent que rarement par une capacité énergétique aisément et durablement exploitable. En tout état de cause, la chute du prix du baril a réglé le problème à court terme. À long terme, il me semble tout à fait déraisonnable de miser un seul centime sur les agro-carburants. D’autres solutions sont bien plus intéressantes : le développement de l’hydrogène, par exemple, permettrait de bâtir une économie de la mobilité tout à fait pertinente.

En matière d’innovation technologique, la BPI prend des risques réels et importants avec le plus grand professionnalisme. L’amorçage, par exemple, est un métier difficile par nature : il requiert une véritable vision du futur et la capacité de déceler la naissance de filières technologiques et industrielles. Or, la France souffre encore d’un handicap culturel en la matière, même si les grandes écoles font des efforts. L’action que mène la BPI dans ce domaine me semble aller dans le bon sens ; il en va de même de ses investissements visant à se substituer au marché lorsqu’il fait défaut – je pense au Fonds Écotechnologies – ou de ses investissements dans le capital-risque de grande envergure – le Fonds Large Venture – et du Fonds SPI, même s’il s’agit encore d’un domaine restreint.

Quant à la BEI, elle est fraîchement convertie : j’ai ainsi pu obtenir quelques fonds de l’une de ses filiales pour la seule et unique raison qu’ils étaient alloués par la Commission européenne, et non par la BEI elle-même, qui freine des quatre fers dès qu’il s’agit de placer de l’argent dans le risque technologique.

Mme Eva Sas, rapporteure. Je vous remercie.

Audition du 30 mars 2016

Association française des entreprises privées (AFEP) : M. François-Nicolas Boquet, directeur Environnement et Énergie de l’AFEP, Mme Aliette Quint, directrice des affaires publiques d’Air Liquide et M. Rémy Nicolle, directeur des partenariats, M. Michel Dechelotte, directeur des Affaires Institutionnelles du groupe Safran et M. Christian Picollet, directeur des Programmes et Stratégie R&T.

Mme Eva Sas, rapporteure. Madame, Messieurs, je vous remercie d’avoir répondu à notre sollicitation. Votre contribution aux travaux de la mission permettra de connaître le point de vue de grandes entreprises qui ont répondu à des appels à projets financés par les PIA. Je rappellerai que l’objectif de la mission est d’évaluer la mesure dans laquelle les PIA répondent aux besoins des entreprises qui contribuent à la transition écologique et de formuler des recommandations en vue de l’utilisation du PIA 3.

M. François-Nicolas Boquet, directeur Environnement et Énergie de l’AFEP. L’Association française des entreprises privées regroupe les 120 principaux grands groupes français privés de tous les secteurs d’activité. Pour l’AFEP, la promotion de solutions innovantes est essentielle au développement de notre économie sachant que l’innovation s’entend au sens technique, mais aussi organisationnel et social. Sur ces trois volets, nous avons besoin de bâtir des écosystèmes favorables à l’innovation avec l’ensemble des acteurs : grandes entreprises, PME, collectivités locales, acteurs académiques et sociaux, ONG environnementales. Ce sont les emplois de demain qui se jouent à travers la mise en place de ces processus et le travail sur les interfaces de compétences entre tous ces différents acteurs constitue un véritable enjeu. De ce point de vue, la stimulation des interactions entre acteurs qui a été créée par les PIA s’est avérée très positive.

Récemment, l’AFEP a travaillé sur l’appel à projets Démonstrateurs industriels pour la ville durable, distinct des PIA, et lancé conjointement par le ministère de l’environnement et le ministère du logement qui a pour objectif d’établir une forte composante d’innovation, à la fois technique et organisationnelle, pour des projets urbains. Dans le cadre de cette initiative, le fonctionnement, en mode projet, entre les trois acteurs – les entreprises regroupées en consortiums, les collectivités territoriales commanditaires de solutions nouvelles, les pouvoirs publics jouant un rôle de catalyseur avec une démarche interministérielle – a été une forte valeur ajoutée. Les PIA n’insistent, sans doute, pas assez dur le rôle d’intégrateur des pouvoirs publics, rôle pour lequel il y a encore des marges de progression.

Cette logique de chef de projet va aussi être mise en place dans le cadre de l’innovation sur l’économie circulaire avec les « engagements pour la croissance verte ». Parallèlement à l’engagement des entreprises, nous demandons l’appui des pouvoirs publics, toujours en mode projet, pour soutenir l’innovation, la mettre en œuvre, puis la déployer jusqu’à sa réalisation commerciale.

Sur les questions de développement durable et particulièrement de changement climatique, nous sommes dans un « momentum » autour des résultats de la COP 21. Sur certaines zones du monde qui n’ont pas encore de contrainte carbone, l’effort a été centré sur le développement d’offres de solutions technologiques et organisationnelles alternatives à une société carbonée. C’est en fonction de la découverte de ces solutions que se mettront en place les contraintes bas carbone. En revanche, au niveau communautaire s’est développée la croyance que la seule introduction d’une contrainte carbone pourrait faire naitre l’offre d’une économie bas carbone. On s’aperçoit aujourd’hui que tel n’est pas le cas. Les deux logiques doivent être développées de manière simultanée et un rééquilibrage aux niveaux français et européen doit être trouvé.

Le rôle de la puissance publique à travers une politique volontariste de stimulation de l’offre est fondamental pour l’émergence de solutions. Pour respecter les objectifs de l’Europe et de la France en matière de changement climatique, il faut éviter que nous nous retrouvions dans l’obligation d’avoir recours à des technologies non inventées en Europe, achetées auprès d’États qui n’ont pas de contrainte carbone mais qui ont su développer des solutions.

Mme Aliette Quint, directrice des affaires publiques et de la réglementation à Air Liquide. Je travaille particulièrement pour l’entité énergies propres, c’est-à-dire le secteur des carburants alternatifs, notamment de l’hydrogène-énergie, du biométhane, ou des solutions pour le transport réfrigéré.

Je commencerai par un point de présentation du groupe Air Liquide et de son engagement dans le PIA : une société de 16 milliards de chiffre d’affaires en 2015, présente dans 80 pays ; 60 % de nos applications contribuent à préserver l’environnement et la santé. Notre innovation est essentiellement tournée vers ces applications, ce qui représente en France de l’ordre de 15 à 20 % du chiffre d’affaires. 70 % de nos dépenses d’innovation se font en France grâce à la politique volontariste de l’État français dans ce domaine. L’année dernière le groupe a annoncé 100 millions d’investissements pour l’innovation en France.

En ce qui concerne notre participation aux PIA. Air Liquide est membre fondateur de deux instituts pour la transition énergétique (ITE) : le PS2E (Paris-Saclay Efficacité énergétique) pour lequel nous avons été coordinateurs du montage du projet et l’IPVF, l’institut photovoltaïque d’Ile de France.

Nous sommes aussi membre fondateur d’un Institut de recherche technologique (IRT) M2P et nous sommes associés à l’IRT System X.

Nous avons aussi bénéficié du PIA pour le projet Cryocap qui vise la capture de de CO2 sur notre usine de production d’hydrogène à Port-Jérôme. Nous avons réalisé la première brique technologique dans le monde de capture du CO 2, ce qui a permis l’augmentation de l’efficacité énergétique de l’usine elle-même.

Nous avons, enfin, participé à un certain nombre d’appels à projets de l’ADEME pour produire de l’hydrogène renouvelable ou à partir de biomasse mais qui se sont soldés par des échecs.

M. Rémy Nicolle, directeur des partenariats d’Air Liquide. J’ai participé au montage des instituts PS2E et IPVF, puis à leur démarrage et leur suivi dans le cadre de la participation d’Air Liquide à leur gouvernance. Ils répondent à notre volonté de participer à des projets nationaux ambitieux de recherche de nouvelles formes d’innovation basées sur des écosystèmes, avec des partenaires recherchés et retenus sur des critères d’excellence. Ces deux instituts ont pour ambition de devenir des instituts de renommée mondiale et d’être dans les trois meilleurs instituts de recherche au monde. Air Liquide s’est impliqué de manière forte en investissant directement des moyens humains et financiers qui ont été abondés par le PIA.

M. Michel Dechelotte, directeur des affaires institutionnelles du groupe Safran. Le groupe Safran est un groupe de haute technologie dans le secteur de l’aéronautique, de la défense et de la sécurité. Il résulte de la fusion il y a dix ans du groupe SNECMA et du groupe SAGEM. Son chiffre d’affaires s’est élevé à 17,5 milliards d’euros en 2015. Nous avons 70 000 salariés dont 41 000 en France et il n’y aucune raison de penser que cette proportion changera. 90 % de la recherche et de l’innovation se réalise en France. Les différents dispositifs de soutien de l’État, au premier rang desquels figure le crédit impôt recherche mais aussi les PIA, constituent des facteurs absolument décisifs pour que le « cœur du cœur » de la recherche et les emplois hautement qualifiés qui l’accompagnent restent en France. 85 % de notre chiffre d’affaires est, en revanche, réalisé à l’exportation.

S’agissant du PIA, nous avons été précurseurs avec le Conseil pour la recherche de l’aéronautique civile (CORAC) qui a fédéré les efforts de la filière aéronautique en France afin d’éviter les doublons et de mutualiser les programmes de recherche. Deux principaux donneurs d’ordre, Airbus et Safran, mais aussi l’ensemble de la filière et de la supply chain sont concernés par la recherche dans le secteur de l’aéronautique.

Cette combinaison du PIA avec la structure d’intégration de recherche ont abouti à l’établissement d’une feuille de route pour notre secteur particulièrement harmonieuse. Nous sommes très positifs sur l’utilisation des PIA pour capitaliser sur l’effort de concertation de la recherche au sein de notre filière. Les PIA correspondent précisément au sens des engagements très forts de réduction des émissions de gaz à effet de serre – CO2 ou oxyde d’azote – que nous avons pris au titre de la COP21. Le transport aérien s’est engagé à stabiliser la production de gaz à effet de serre d’ici 2020 et de diminuer de 50 % d’ici 2050 leur volume d’émission. Ces objectifs ne pourront être atteints qu’avec des recherches extrêmement innovantes allant de la configuration des avions en passant par la mise au point de nouveaux carburants, les biocarburants, même si la perspective est lointaine. Nous sommes donc très satisfaits du mécanisme des PIA qui s’intègre parfaitement à notre action concertée dans le cadre du CORAC.

M. Christian Picollet, directeur des Programmes et Stratégie R&T de Safran. Pour développer une technologie sur un avion, il faut entre 15 et 20 ans. Notre industrie est donc caractérisée par la longueur de ces cycles et sa performance suppose des efforts constants et continus sur un certain nombre de solutions. Le groupe Safran développe essentiellement sa recherche et sa technologie sur les bas niveaux de TRL (Technology Readiness Level) qui correspondent à la recherche en amont. Les TRL de 0 à 4 portent sur la recherche en amont (niveaux 0 à 2 : recherche académique ; niveaux 2 à 4 : recherche exploratoire), les niveaux 4 à 6 portent sur les produits, les niveaux 6 à 9 sur l’intégration des produits sur les avions. Un chiffre élevé de TRL correspond à une sortie rapide sur le marché.

Nous avons inauguré notre centre de recherche Corporate en janvier 2015. Il traduit l’effort du groupe Safran en matière de recherche technologique amont en concentrant sur le site de Paris Saclay une équipe de 300 chercheurs recrutés pour partie à l’extérieur et pour partie à l’intérieur du groupe. Ce centre concentre et sanctuarise les efforts de recherche sur les très bas niveaux de TRL.

Parallèlement à cet effort réalisé en 2015, nous sommes acteurs de la filière aéronautique dans le cadre du CORAC, présidé par le secrétaire d’État aux transports. Ce Conseil a comme mission l’élaboration des feuilles de route de la recherche dans le domaine de l’aéronautique civile. Ce sont ces feuilles de route qui nous permettront d’atteindre nos objectifs et qui font l’objet d’appel à projets dans le cadre du PIA.

Elles correspondent parfaitement à l’effort de l’Europe en matière de recherche dans le cadre du programme Horizon 2020. Elles permettent de s’assurer de l’absence de doublon entre les fonds d’origine européenne et ceux qui proviennent de la France.

Les technologies qui nous permettront d’atteindre les objectifs et les engagements pris pour la filière aéronautique dans le cadre de la COP21, mais surtout auprès des organismes internationaux, ne sont pas encore connues et nécessitent donc un effort de recherche important et continu. Le PIA constitue un signal fort donné par l’État pour que la filière aéronautique continue ses efforts et tienne ses objectifs.

Des risques importants existent pour le développement de ces technologies et des échecs sont prévisibles. Le fait qu’il existe avec le PIA un cadre permettant de regrouper de manière collaborative la recherche académique, les grands groupes et les PME offre cependant la possibilité d’un travail serein.

Parmi les projets que le CORAC a mis en place dans le cadre du PIA et auxquels le groupe Safran participe, on peut citer le programme GENOME ou « gestion optimisée de l’énergie ». Il faut rappeler, en effet, que les aéronefs modernes consomment beaucoup d’énergie, qu’il s’agisse d’énergie propulsive ou non ; cette énergie est indispensable pour la cabine, les passagers, aussi bien que pour l’alimentation des calculateurs de vols. Il y a là un véritable enjeu car cette énergie est fournie par les moteurs et donc par le kérosène. Il s’avère essentiel d’optimiser la gestion des sources d’énergie, sans mettre en péril les objectifs de sécurité et en réduisant les émissions. Ces actions ont été mises en place dans le cadre du PIA 1 dont l’exécution se poursuit aujourd’hui.

Toutes les sources d’énergie sont concernées, notamment l’hydrogène qui peut être employé dans les aéronefs ; du fait qu’il constitue un gaz explosif, son embarquement nécessite toutefois la mise en place d’un écosystème adapté. Pour la gestion de l’énergie, toutes les technologies embarquées sont également concernées, ce qui impose une analyse de la configuration des avions, qu’il s’agisse des ailes, des moteurs, des matériaux ou de l’électronique.

Deux autres programmes ont été financés par le PIA, l’un sur l’avion composite, l’autre sur la propulsion ; pour toutes ces actions, il existe une collaboration du groupe SAFRAN, au sommet de l’écosystème de la propulsion avec les PME et avec la recherche académique.

Le deuxième chantier porte sur la digitalisation des usines, le fait que l’on vise une certaine optimisation, pour améliorer les cadences, réduire la consommation des entrants et améliorer ainsi la compétitivité de la filière, sachant que l’aéronautique est un secteur exportateur.

Enfin, le groupe SAFRAN est membre de certains IRT, pour l’une de ses activités de base que sont les matériaux, les métalliques et les composites. Le groupe est membre fondateur de l’IRTM2P (Institut transfilière matériaux-métallurgie-procédés), dont le siège est à Metz et qui concerne les secteurs de l’automobile, de la sidérurgie et de l’aéronautique. Le groupe SAFRAN est également membre-fondateur de l’IRT Antoine de Saint Exupéry de Toulouse, qui a une antenne à Bordeaux et qui se consacre aux matériaux composite céramique. Le groupe est aussi membre associé de l’IRT de Paris-Saclay, vouée à l’ingénierie numérique des systèmes. Il est aussi utilisateur de l’IRT Jules Verne qui concentre ses travaux sur les composites froids. Il est membre, enfin, de l’ITE basé à Satory spécialisé dans les technologies de transport, l’aéronautique et l’automobile.

M. François-Nicolas Bocquet. Plusieurs grandes problématiques se posent, s’agissant de l’utilisation des PIA. Comment faire correspondre, tout d’abord, les objectifs du PIA, qui veut intégrer des perspectives de long terme, avec l’existence d’outils de court terme et qui ne sont pas forcément destinés à des prises de risques ? Il faut mentionner ensuite la rigidité des instituts ad hoc qui ont été conçus avant le lancement des projets, ce qui a ralenti la mise en œuvre de ces derniers. L’obligation de partage de la propriété intellectuelle prévue notamment pour les IRT ou les ITE, n’est-elle pas un frein à la mise en place d’accords généraux ? Enfin, la logique du PIA est plutôt de rapprocher l’innovation des industries manufacturières afin de porter des produits sur les marchés ; elle n’accorde peut-être pas suffisamment d’aides aux clients précoces pour la promotion de ces innovations.

Les règles du PIA ne sont-elles, par ailleurs, pas trop contraignantes par rapport à la concurrence avec des pays situés hors de l’Union européenne, où il existe une plus grande liberté pour accompagner les produits en amont ?

Mme Eva Sas, rapporteure. Quel est votre avis sur les différents outils proposés en matière de financement – subventions, avances remboursables – et sur la répartition entre modes de financement ? Avez-vous, par ailleurs, des recommandations à présenter pour le PIA 3, si celui-ci devait être mis en place ? Quelle est enfin, d’une manière générale, la valeur ajoutée du PIA ?

Mme Aliette Quint. Il est certain que le PIA a aidé aussi bien Air Liquide que Safran à investir en France et à y maintenir des projets. Le PIA a permis et, ce point doit continuer à être encouragé, de rapprocher les différents acteurs autour d’une feuille de route. Les grands groupes, Safran, Total, Air liquide ont pu, par exemple, travailler ensemble, mais ont eu aussi l’obligation de s’ouvrir à des PME, ce qui a été très positif. La valeur ajoutée du PIA, c’est ainsi l’innovation ouverte, en même temps qu’un levier de financement public.

M. Rémy Nicolle. Je voudrais insister sur l’importance de la souplesse des mécanismes, car nous avons beaucoup appris en constituant les instituts. Il faut garder cette vision initiale de souplesse et éviter des institutions figées. Cette recommandation vaut en particulier pour le PIA 3, cette préoccupation doit permettre d’attirer des compétences et de les démultiplier. J’insiste aussi sur l’intérêt de la confrontation des points de vue, qui a pu déboucher sur de nombreux projets ; une dynamique s’observe d’ailleurs aujourd’hui dans la communauté scientifique sur ce point.

En ce qui concerne les formes de financement, nous souhaitons que la part principale soit donnée à des subventions versées de façon durable, étant donné que l’on est en présence d’instituts complexes et que la recherche doit être soutenue, dans la durée, sous toutes ses formes.

M. Rémy Nicolle. Pour le PIA 3, il faudra chercher à renforcer les instituts qui existent, leur donner plus de moyens et parfois élargir leur spectre. Je pensais notamment à l’Institut Védécom où il est nécessaire d’introduire la mobilité hydrogène. Cela rejoint la feuille de route de l’institut, mais il faudra pouvoir également tirer parti des opportunités qui émergent au cours de la vie de l’institut pour lui donner plus de chances de succès et construire sur l’excellence.

Mme Aliette Quint. Pour terminer sur les problématiques de financement, nous avons une difficulté quant à l’objet des financements. Nous avons eu le sentiment - au-delà même des instituts, d’une façon très générale sur le PIA - que celui-ci était surtout adapté pour financer l’industrie manufacturière, c’est-à-dire l’industrialisation de produits fabriqués en série avec un retour sur investissement attendu à relativement court terme. Mais le PIA n’est pas adapté à un financement d’investissements de long terme dans des moyens de production type électricité, énergie, circulation des fluides, et notamment dans les carburants alternatifs. En tout cas, nous voyons, et c’est ce que nous dit régulièrement le CGI, qu’aujourd’hui le PIA n’est pas adapté au financement des déploiements d’infrastructures en phase pré-commerciale. Nous pouvons l’entendre, mais le problème est qu’il n’y a pas d’alternative nationale seulement des financements européens.

Mme Éva Sas, rapporteure. Parce qu’il ne devait justement pas y avoir dans les objets du PIA le développement des infrastructures. Donc ici il ne s’agit pas d’une question d’outils mais d’une question de destination et d’objectifs du PIA.

Mme Aliette Quint. Exactement. C’est une question d’objectifs.

Mme Éva Sas, rapporteure. Cela dit, étant donné que l’on finance les bornes de recharge électrique… c’est visiblement évolutif.

Mme Aliette Quint. Oui mais pas pour tout ; il semble y avoir deux poids deux mesures. C’est l’une de nos recommandations pour le PIA 3 : si nous voulons avoir une certaine transition énergétique dans la mobilité de demain, il va falloir porter des déploiements d’infrastructures – que ce soit pour le bio méthane ou l’hydrogène – et il va falloir accompagner ces déploiements d’une façon ou d’une autre. Il s’agit d’un message que l’on souhaitait faire passer.

Nous ne sommes pas opposés aux avances remboursables car dans certains cas cela est justifié, mais elles ont peu de sens pour des technologies qui sont extrêmement risquées comme c’est le cas pour l’hydrogène-énergie.

M. Christian Picollet. Le PIA a été un formidable outil pour échanger sur les problématiques d’écosystème autour de projets pour lesquels nous ne l’aurions pas fait, tous ensemble, avec un objectif calendaire. Cela a permis de faire émerger des projets avec des objectifs clairs. La notion de feuille de route est très importante car elle a un effet de jalonnement. On peut se dire que la feuille de route peut être contrebalancée par l’effet du bourgeonnement d’idées de type start-up qui est peut-être propre aux aspects numériques, mais pour la transition énergétique ces feuilles de route sont indispensables ; pour des technologies qui soient durables il est nécessaire d’avoir du temps. S’il y a recommandation à formuler, ce serait celle ne pas abandonner les feuilles de route et la structuration de filières qui soient globales pour avoir un dispositif durable dans le temps.

Dans ce cadre-là, eu égard aux risques que l’on prend, la subvention est un bon outil. Elle permet le ressourcement scientifique au niveau des différents instituts, parce que l’on peut alors admettre un taux d’échec que l’on ne pourrait pas financer par des avances remboursables. C’est important de le mentionner, si on se compare aux « catapultes » britanniques ou au Fraunhofer allemand, institut spécialisé dans la recherche en sciences appliquées : le Fraunhofer bénéficie d’une dotation étatique qui permet le ressourcement scientifique et qui lui garantit son succès.

Concernant l’éclosion des écosystèmes et les PME, il y a un autre point auquel il faudra veiller, c’est celui de l’articulation entre les appels à projets des PIA, les IRT ou ITE et les pôles de compétitivité, qui doivent bien s’emboîter pour favoriser des écosystèmes qui permettront de gagner en compétitivité. Ces écosystèmes qui sont très utiles pour les PME me semble-t-il et elles sont indispensables au succès de l’ensemble.

Mme Aliette Quint. Je reviens sur la question des financements de long terme. Pour la création des instituts il y a des jalons à trois ans, c’est-à-dire que la dotation est normalement étagée sur huit à dix ans. Or, lors des premières discussions du plan d’affaires de l’institut PS2E, il a été demandé un taux de rentabilité extrêmement rapide. Ce qui signifie que l’État est un investisseur avisé et l’idée n’est pas d’investir à fonds perdus de façon massive, mais il faut faire attention à rester dans le temps long. Par exemple, la rentabilité de l’hydrogène-énergie dans lequel nous investissons, n’est pas visible avant dix ans. Nous savons qu’elle arrivera car nous sommes dans un monde qui change et qu’il va falloir décarbonner la mobilité, mais cela va prendre dix ans avant que les stations ne soient rentables. Pour Safran c’est peut-être rapide, pour nous c’est un peu long. Notre message, dans le cadre du PIA, est plutôt de renforcer les instituts qui existent et les projets qui se mettent en place et ne pas y mettre fin parce qu’on n’en voit pas les résultats immédiatement.

Quant aux avances remboursables et les subventions, je ne voudrais pas que l’on soit caricatural. Pour le déploiement des infrastructures nécessaires à l’amorçage, il va falloir des subventions mais elles ne sont pas forcément la panacée. Si il y avait des mécanismes de garantie de l’État, cela pourrait permette d’attirer des investisseurs privés. Nous avons des mécanismes que nous avons essayé de mettre en place, notamment avec CDC Climat, qui permettent d’attirer le secteur bancaire privé dans le déploiement d’infrastructures de carburant alternatif que ce soit hydrogène, bio méthane, électricité ou bornes de recharge.

M. Michel Dechelotte. Je voudrais dire que nous sommes extrêmement laudatifs sur le PIA mais que celui-ci est un peu victime de son succès puisque nous avons cru comprendre que, selon certains rapports, il a pu être utilisé comme un substitut aux crédits budgétaires classiques qui sont peu abondant. Nous comptons sur la représentation nationale pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de détournement de procédure ou d’objet du PIA et qu’il garde ses objectifs d’origine. En particulier, concernant l’aéronautique, la question de l’utilisation du PIA pour financer des avances remboursables destinées à l’A350 d’Airbus ressemble à un mélange de genre que nous ne souhaitons pas voir se répéter. Ceci a pu malheureusement jeter une ombre sur un dispositif qui est par ailleurs extrêmement utile.

M. Christian Picollet. Le fait que les instituts doivent être autofinancés à terme par les revenus de la propriété intellectuelle a, au début, freiné l’intégration des acteurs académiques ou des industriels dans ces instituts. Force est de constater qu’il est peu probable que les IRT ou ITE soient autofinancés à terme par le revenu des licences. Cela a deux conséquences, il faut penser au ressourcement scientifique qui est la source même du dynamisme de la recherche et, deuxièmement, de la souplesse est apparue dans le montage des projets entre les premiers instituts qui étaient un peu rigides sur cette question et d’autres instituts qui ont été plus souples en créant des consortiums projet par projet sur la propriété intellectuelle. Cela a permis de générer des projets et de permettre leur montage. Il faut être réaliste, personne n’a envie de spolier l’autre de sa propriété intellectuelle, du moins ce n’est pas l’intention du Groupe Safran, mais par contre, il faut une certaine souplesse pour que les académiques comme les industriels et les PME se mobilisent et aient confiance dans la rétribution qu’ils pourront obtenir de ces projets. Un peu de souplesse dans les règles relatives à la propriété intellectuelle, serait une recommandation que l’on pourrait souhaiter au titre des PIA et des IRT et ITE, s’il y a une évolution de ces instituts.

M. Rémy Nicolle. Effectivement, plutôt que d’essayer de trouver des compromis infinis et parfois dogmatiques sur la propriété intellectuelle entre tous les intervenants, ma recommandation serait de prévoir un cadre souple et de le préciser dans les projets qui ainsi deviennent concrets. Chacun trouvera alors sa place assez naturellement, parce que nous avons des attentes qui sont différentes et complémentaires. Pour les ITE, cela est peut-être plus facile à définir au gré des projets mais ce n’est pas toujours le cas.

M. Christian Picollet. Cette recommandation de souplesse est importante car lors de négociation de contrats de propriété intellectuelle avec certains organismes de recherche cela a pu être très long et a freiné la mise en place de projets. La négociation peut prendre un ou deux ans alors que l’objectif est d’aller vite. Il faut donc un certain pragmatisme et permettre cette souplesse qui facilitera le montage des projets.

Mme Éva Sas, rapporteure. Il me reste à vous remercier pour ces éclairages.

1 () France Stratégie. Programmes d’investissement d’avenir, Rapport du comité d’examen à mi-parcours présidé par Philippe Maystadt, mars 2016. Page 42.

2 () Commission européenne, décision relative à l’« Aide de l’ANR au projet de R&D «SuperGrid » dans le cadre du programme d’investissements d’avenir », 16 septembre 2014 .paragraphes 137 et 139.

3 () Commission européenne, op. cit.. paragraphe 143.

4 () Cour des rapports, Les programmes d’investissement d’avenir, op. cit. p. 49.

5 () Issus d’une fraction du versement de la Caisse des dépôts sur son résultat net d’activité pour compte propre (article L. 518-16 du code monétaire et financier).

6 () En ajoutant à ce périmètre les montants des actions que la Mission d’évaluation et de contrôle a rattachées par ailleurs à la transition écologique (une part de la recherche amont de l’ANR et une part des fonds d’amorçage de Bpifrance), les montants de dotations initiales atteignent 8 481 millions d’euros, soit 18,1 % des crédits du PIA, contre 15,1 % après redéploiements.

7 () Cour des comptes, Le programme d’investissement d’avenir. op. cit. p. 121.

8 () Alors que la technologie solaire photovoltaïque produit de l’électricité en utilisant des matériaux semiconducteurs qui transforment l’énergie lumineuse en électricité, la technologie solaire thermodynamique concentre la chaleur du soleil pour la transformer en énergie mécanique puis électrique au travers d’un cycle thermodynamique.

9 () L’ADEME a émis des doutes sur la pertinence d’une approche économétrique dans des secteurs comme l’automobile, qui compte deux constructeurs et trois équipementiers, ou encore dans le secteur naval.

10 http://www.horizon2020.gouv.fr/cid82028/accord-consortium.html

11 () Conseil général du développement durable et Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, Filière hydrogène-énergie. Rapport établi par Jean-Louis Durville, Jean-Claude Gazeau, Jean-Michel Nataf, , Jean Cueugniet et Benoît Legait, septembre 2015.


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