N° 3952 - Rapport d'information de MM. Marc Goua et Hervé Mariton déposé en application de l'article 146 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur la situation du groupe Electricité de France et de la filière nucléaire




N° 3952

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 146 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

sur la situation du groupe Électricité de France et de la filière nucléaire

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Marc GOUA et Hervé MARITON

Députés

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SOMMAIRE 

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Pages

INTRODUCTION 5

I. PERMETTRE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE D’AFFRONTER LES DÉFIS D’UN SECTEUR ÉNERGÉTIQUE BOULEVERSÉ DANS SON ÉCONOMIE 6

A. ATTÉNUER LES CONSÉQUENCES DES BOULEVERSEMENTS DU MARCHÉ EN FAVORISANT UNE RÉMUNÉRATION ADÉQUATE DE LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ 6

1. Un énergéticien fragilisé par la baisse durable des cours de l’électricité et l’ouverture à la concurrence de ses marchés 6

2. Une adaptation souhaitable des mécanismes de tarification et du financement des investissements des producteurs d’électricité 13

a. Organiser une évolution des tarifs réglementés tenant compte de l’évolution du marché de l’électricité et d’une évolution raisonnable des coûts supportés par l’exploitant 14

b. Envisager de nouveaux dispositifs de tarification et de soutien conformes aux exigences d’investissement de long terme du secteur 19

B. CONFIRMER LA PLACE ÉMINENTE D’EDF DANS LA MISE EN ŒUVRE DU MIX ÉNERGÉTIQUE NATIONAL 23

1. Donner au parc nucléaire d’EDF sa juste place dans la production d’électricité 23

a. Définir une trajectoire précise pour la production d’énergie nucléaire 24

b. Tirer des conséquences raisonnables du plafonnement de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité 27

2. Mener à bien le « Grand carénage » et préparer le nouveau nucléaire 33

C. RENFORCER LA RELATION STRATÉGIQUE AVEC L’ÉTAT 38

1. Tirer les enseignements des difficultés de pilotage liées à des positionnements et des intérêts contradictoires 39

2. Créer les conditions d’un engagement financier durable et raisonné de l’État auprès d’EDF en tant qu’actionnaire principal 44

II. RENOUVELER LE MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT ET LA STRATÉGIE INDUSTRIELLE D’UN GROUPE DONT LES FONDAMENTAUX SONT SOLIDES 46

A. MENER À BIEN LA RESTRUCTURATION DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE ENGAGÉE AVEC LA CESSION D’AREVA NP ET LA CRÉATION DE NEW CO 47

1. Finaliser la cession d’AREVA NP afin de renforcer les synergies dans l’ingénierie et la construction de réacteurs au sein d’EDF 47

2. Parachever la restructuration et les efforts de redressement du premier fournisseur d’Électricité de France 50

B. CONFORTER EDF DANS SA VOCATION DE SERVICE PUBLIC COMPÉTITIF ET D’EXPORTATEUR À L’INTERNATIONAL 53

1. Poursuivre, dans une conjoncture difficile, un effort de compétitivité indispensable au maintien d’une bonne santé financière 53

a. Des résultats financiers en demi-teinte 54

b. Les enjeux d’une maîtrise indispensable des coûts face aux risques inhérents à une dette contenue mais importante 57

2. Mener à bien le programme des cessions et envisager une évolution du périmètre et des activités 61

3. Renouer avec une tradition d’excellence dans le domaine nucléaire sans écarter une diversification des sources d’énergie produites 63

a. Maintenir et renforcer un savoir-faire et des compétences essentielles à la compétitivité et à la sûreté de la filière nucléaire nationale 64

b. Assurer le rayonnement de la filière nucléaire française par la participation à des projets ambitieux et le renouvellement des produits 67

c. Poursuivre les efforts d’investissements du groupe vers les nouvelles énergies renouvelables et les services énergétiques 73

EXAMEN EN COMMISSION 75

ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 85

ANNEXE 2 : EXTRAIT DE LA RÉUNION DE LA COMMISSION « ENERGY AND CLIMAT CHANGE » DE LA CHAMBRE DES COMMUNES 87

INTRODUCTION

Tout au long de leurs travaux conjoints, vos Rapporteurs n’ont eu de cesse de mettre en lumière l’acuité des enjeux qui, pour la France, s’attachent à la préservation d’une filière nucléaire fidèle à sa tradition d’excellence et compétitive sur le marché international. La filière nucléaire en quelques chiffres, c’est en effet la troisième filière industrielle française, derrière l’aéronautique et l’automobile, avec près de 2 500 entreprises et 220 000 salariés ; c’est un chiffre d'affaires de 46 milliards d'euros, dont 14 milliards d’euros de valeur ajoutée (1) ; c’est enfin un secteur qui consacre 1,8 milliard d’euros à des activités de recherche et développement et, ainsi, se classe quatrième parmi les industries les plus innovantes du pays (2).

Mais la force d’un secteur économique réside au moins autant dans l’importance des ressources qu’il produit que dans la solidité de chacun des maillons de la chaîne qui le structure. De la réunion organisée sous la présidence du chef de l’État, le 3 juin 2015, l’opinion publique aura sans doute retenu les mesures destinées à établir les termes d’un nouveau futur pour AREVA. En réalité, les décisions prises forment une véritable feuille de route qui vise une refondation globale de la filière et qui, par conséquent, repose sur Électricité de France (EDF) et implique de préserver son potentiel de développement.

Au début de l’année 2016, la démission d’un directeur financier et les précautions dont s’entoure le groupe avant de s’engager dans le projet d’Hinkley Point C ont quelque peu alourdi le climat de relatif scepticisme dans lequel, aujourd’hui, Électricité de France évolue.

Pourtant, on ne saurait réduire EDF à l’image que peuvent renvoyer la notation encore récemment dégradée par les agences financières (3), la cotation de son titre en bourse, ou les aléas de la conduite de chantiers aussi complexes que celui de l’EPR ou du « Grand carénage ». En effet, le groupe conserve aujourd’hui des atouts indiscutables qui, objectivement, le placent parmi les trois premiers énergéticiens d’Europe et garantissent la pérennité de son exploitation. Cette place procède de plusieurs facteurs : un savoir-faire reconnu dans la fourniture d’électricité ; l’avantage comparatif que procure l’exploitation du second parc nucléaire au monde pour la fourniture d’une énergie à bon marché ; des personnels compétents et engagés ; enfin, le statut, consacré depuis juin 2015, de chef de file de « l’équipe de France du nucléaire ».

Toutefois, dans un secteur énergétique en plein renouvellement, le meilleur moyen de valoriser pleinement ces actifs reste encore de refuser le statu quo. Pour dissiper toute incertitude quant à la solidité financière du groupe et le caractère intact de son potentiel de développement, il importe de trouver des réponses pragmatiques et efficaces aux grands enjeux qui dessineront son avenir

Du point de vue de vos Rapporteurs, cette démarche comporte deux exigences capitales et complémentaires : d’une part, permettre à Électricité de France d’affronter les défis d’un secteur énergétique bouleversé dans son économie ; d’autre part, renouveler le modèle de développement et la stratégie industrielle d’un groupe dont les fondamentaux restent solides.

I. PERMETTRE À ÉLECTRICITÉ DE FRANCE D’AFFRONTER LES DÉFIS D’UN SECTEUR ÉNERGÉTIQUE BOULEVERSÉ DANS SON ÉCONOMIE

Le groupe Électricité de France (EDF) fait aujourd’hui face à de nombreux défis dont une grande partie est exogène de la conduite des activités de l’opérateur historique et conduisent à modifier l’environnement dans lequel il évolue : un marché de l’électricité en plein bouleversement avec des prix historiquement bas et une ouverture à la concurrence croissante sous l’influence européenne ; un volontarisme politique fort qui conduit à modifier grandement la composition du mix énergétique français vers un mix davantage diversifié et essentiellement non-carboné ; et enfin, un État stratège qui n’a pas toujours se montrer au rendez-vous ou tenir ses engagements d’État stratège ou régulateur.

A. ATTÉNUER LES CONSÉQUENCES DES BOULEVERSEMENTS DU MARCHÉ EN FAVORISANT UNE RÉMUNÉRATION ADÉQUATE DE LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ

La situation financière du groupe Électricité de France (EDF) résulte de plusieurs facteurs, en partie exogènes à l’entreprise, qui modifient substantiellement l’environnement économique et réglementaire dans lequel le groupe et ses principaux concurrents évoluent. EDF doit, en particulier, faire face à un contexte économique difficile marqué par une baisse des cours de l’électricité et une ouverture croissante de ses activités à la concurrence, rendant nécessaire et souhaitable la mise en place de mécanismes de tarification et du financement durables des investissements du secteur en faveur de la transition énergétique.

1. Un énergéticien fragilisé par la baisse durable des cours de l’électricité et l’ouverture à la concurrence de ses marchés

Le groupe EDF doit faire face, comme l’ensemble des énergéticiens européens, à une diminution mécanique de son chiffre d’affaires en raison d’une baisse des cours de l’électricité et d’une ouverture progressive de ses activités à la concurrence. Ces entreprises sont fragilisées par une diminution significative des cours de l’électricité en Europe qui réduit mécaniquement leur chiffre d’affaires et leur résultat financier. La baisse observée s’explique par plusieurs facteurs parmi lesquels :

– une baisse généralisée des prix des combustibles fossiles en raison de l’arrivée sur le marché européen du gaz de schiste américain, de la diminution de la demande mondiale d’énergie résultant d’une croissance moins forte dans certains pays en voie de développement et d’une conjoncture géopolitique favorable avec la levée des sanctions contre l’Iran et le gel des quotas de production au sein des pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Dans ce contexte, les prix du gaz ont affiché un net recul par rapport au trimestre précédent, tant sur le spot (diminution de 24 % sur les prix day-ahead) que sur le marché à terme (diminution de 19 % sur les prix Y+1) ; le baril de Brent a quant à lui diminué de 23 % et s’est situé en moyenne à 30,70 euros le baril sur la même période, pour atteindre début janvier 2016 des niveaux les plus bas depuis 2004 ; enfin, les prix spot du charbon s’établissent en moyenne à 45,30 euros la tonne, en baisse de près de 25 % par rapport aux prix spots du premier trimestre 2015 ; toutefois, les prix des combustibles fossiles semblent sensiblement remonter depuis quelques mois en raison d’un recul important des capacités de production hors-OPEP devenues non rentables au niveau des cours actuels de l’énergie (réduction des investissements aux États-Unis) et de nombreuses interruptions de production (situation sociale au Venezuela et au Nigeria, incendies dans la province de l’Alberta au Canada) ;

– une diminution des prix des droits d’émission de dioxyde de carbone (European Union Allowance) dont le prix moyen spot affiche une baisse de 33 % au premier trimestre 2016 par rapport au quatrième trimestre 2015, s’établissant à 5,60 euros par tonne de dioxyde de carbone et poursuivant progressivement une baisse pour atteindre fin juin 2016 le prix de 4,8 euros la tonne (la diminution du prix de la tonne de dioxyde de carbone conduit à diminuer le prix de l’électricité produite à partir de combustibles fossiles, renforçant la compétitivité des centrales thermiques à charbon (4)) ;

– une situation de surcapacités des moyens de production en raison de l’arrivée sur le marché d’importantes quantités d’énergie renouvelable subventionnée ainsi que d’une stabilité persistante de la demande d’énergie résultant d’une croissance peu soutenue, d’une baisse durable de la demande industrielle et de la montée en puissance des politiques d’économie d’énergie. Ainsi, depuis 2011, la consommation électrique hors secteur énergie et corrigée de l’aléa météorologique connaît une quasi stabilité, voire une légère diminution en 2014, tandis que le développement des énergies renouvelables se poursuit pour accompagner la transition énergétique avec un accroissement du parc renouvelable de près de 2 000 MW en 2015.

CONSOMMATION ÉLECTRIQUE EN TÉRAWATTHEURES CORRIGÉE DE L’ALÉA MÉTÉOROLOGIQUE ET HORS SOUTIRAGE DU SECTEUR ÉNERGIE

Sources : Bilan électrique 2015 de Réseau de transport d’électricité (RTE).

En conséquence, en France comme dans le reste de l’Europe, EDF évolue dans un marché de l’électricité fortement déprimé qui suit la baisse observée sur les marchés des combustibles fossiles et des quotas de dioxyde de carbone. Pour les contrats d’achat au comptant, les prix de l’électricité un jour en avance (day-ahead) et infra-journaliers s’établissaient respectivement à 28,8 euros par mégawattheures (MWh) et à 29,3 euros par MWh en moyenne au premier trimestre 2016, soit une baisse de respectivement 29 % et 28 % par rapport au quatrième trimestre 2015. Par rapport au premier trimestre 2015, les prix day-ahead sont en baisse de 36 % en lien avec la baisse des soutirages par rapport à 2015.

Pour les contrats d’achat à terme, le prix des produits calendaire (Y+1) s’établissait au premier trimestre 2016 à 26,9 euros par MWh alors qu’il était passé sous la barre des 42 euros par MWh au dernier trimestre 2014 – soit le niveau de l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH). Le prix du produit calendaire a chuté de 20 % au cours du premier trimestre 2016 avant de remonter légèrement à la fin du trimestre pour atteindre de nouveau la barre des 32 euros par MWh à la fin du mois de juin 2016. Bien qu’il soit encore trop tôt pour en tirer les premières conclusions, cette remontée semble devoir se poursuivre, ce qui pourrait être le premier signe d’un rééquilibrage du marché.

ÉVOLUTION DES PRIX DAY-AHEAD BASE ET CALENDAIRES À TERME EN FRANCE

Source : commission des Finances à partir des informations EPEX SPOT.

La baisse des prix de l’électricité n’est pas propre à la France et s’observe dans l’ensemble de l’Europe où le marché de l’énergie est de plus en plus interconnecté et soumis à des contraintes économiques et réglementaires similaires. Par rapport au quatrième trimestre 2015, les prix day-ahead de l’électricité diminuaient au premier trimestre 2016 de 37 % en Belgique, de 29 % en France, de 27 % en Allemagne, de 26 % en Italie et de 13 % au Royaume-Uni. Elle touche ainsi l’ensemble des énergéticiens européens sans distinction.

ÉVOLUTION DES PRIX DAY-AHEAD BASE SUR LES PRINCIPAUX MARCHÉS EUROPÉENS

Sources : commission des Finances à partir des informations EPEX SPOT.

La baisse des prix de gros de l’électricité a mécaniquement un impact direct sur le chiffre d’affaires des énergéticiens européens et sur leur résultat financier en conduisant les prix de l’électricité à des niveaux qui ne reflètent plus leurs coûts complets de production. Les résultats opérationnels des principaux énergéticiens allemands marquent très fortement le pas, voire s’effondrent totalement entre 2014 et 2015 : le résultat opérationnel d’E.ON passe de – 0,3 milliard d’euros à – 4,5 milliards d’euros tandis que celui de RWE passe de 3,6 milliards à 0,5 milliard d’euros avec un chiffre d’affaires en retrait de 4,4 %.

PRINCIPAUX AGRÉGATS FINANCIERS
DES GRANDS ÉNERGÉTICIENS EUROPÉENS

(en millions d’euros)

 

Chiffre d’affaires

Résultat opérationnel

 

2014

2015

Évolution

2014

2015

Évolution

Électricité de France (Fr.)

72,9

75,0

+ 2,9 %

8,0

4,3

- 46,4 %

Engie (Fr.)

74,7

69,9

- 6,4 %

6,1

-3,2

- 152,9 %

E.ON (All.)

111,6

116,2

+ 4,2 %

-0,3

-4,5

RWE (All.)

48,5

46,4

- 4,4 %

3,6

0,5

- 86,8 %

Enel (It.)

73,3

73,1

- 0,3 %

3,1 (1)

7,7

+ 148,9 %

Iberdrola (Esp.)

30,0

31,4

+ 4,6 %

3,9

3,8

- 2,8 %

Fortum (Fin.)

4,8

3,5

- 27,2 %

3,4

-0,2

- 104,4 %

(1) L’augmentation observée entre 2014 et 2015 tient en réalité aux très mauvais résultats d’Enel en 2014 dont le bénéfice net a reculé de 84 % à 517 millions d'euros en raison notamment de 6,4 milliards d'euros de dépréciations, notamment en Italie et sur des actifs en cours de cession en Slovaquie.

Source : commission des Finances.

Si le contexte économique est particulièrement défavorable à EDF, c’est également parce que la situation de l’entreprise a profondément changé depuis le vote de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant organisation du marché de l’électricité, dite loi Nome, qui a initié une ouverture effective du marché de l’énergie. EDF, opérateur historique du marché anciennement en situation de quasi-monopole, se trouve désormais en situation de concurrence sur le secteur de la production d’électricité en France. Le groupe est désormais fortement exposé au prix de marché, en raison de la fin progressive des tarifs réglementés et de l’apparition de nouveaux concurrents se fournissant directement sur le marché en gros de l’électricité.

La fin des tarifs réglementés de l’électricité pour l’ensemble des clients ayant un contrat dont la puissance est supérieure à 36 kilovoltampère (kVA) (tarifs jaunes et verts) est définitivement rentrée en vigueur le 31 décembre 2015. Afin d’éviter les coupures d’électricité et de gaz, la loi dispose que les consommateurs n’ayant pas souscrit une offre de marché avant la date de suppression des tarifs réglementés de vente basculent sur une offre par défaut dite offre transitoire. L’offre transitoire est réputée résiliée au bout de six mois, c’est-à-dire théoriquement au 30 juin 2016. Pendant cette période, les clients pouvaient changer d’offre et de fournisseur sans frais et sans préavis de résiliation. Si le client n’a toujours pas souscrit une offre de marché à cette date, la fourniture d’énergie n’est plus assurée. Fin mars 2016, près de 88 % des grands clients non résidentiels et 86 % des moyens clients non résidentiels ont souscrit une offre de marché, tandis que les clients restants ont basculé au 1er janvier 2016 dans une offre transitoire par défaut d’une durée de six mois chez leur fournisseur historique, ce qui concernait au 31 mars 2016 près de 63 000 sites sur un total de 468 000 sites. Au total, et tous secteurs confondus, 5 263 000 sites ont choisi une offre de marché au 31 mars 2016, ce qui représente environ 15 % des sites pour près de 60 % des volumes vendus.

Depuis l’ouverture à la concurrence du secteur, les clients peuvent disposer de deux types de contrats : soit les contrats aux tarifs réglementés (TRV), proposés uniquement par le fournisseur historique, soit les contrats en offre de marché, proposés par le fournisseur historique et par les fournisseurs alternatifs. Les offres de marchés peuvent être à prix fixe ou à prix variable, être indexées sur les tarifs réglementés de vente ou évoluer selon une formule propre au fournisseur. Le comparateur d’offres d’électricité et de gaz naturel Énergie-Info (5) permet d’effectuer des comparaisons des différentes offres proposées par les fournisseurs d’électricité. De nombreux fournisseurs alternatifs proposent désormais des offres de marché dont les prix sont inférieurs au TRV ou à l’offre de marché de l’opérateur historique.

COMPARAISON DES OFFRES À PRIX VARIABLE POUR UN CLIENT TYPE BASE

COMPARAISON DES OFFRES À PRIX FIXE POUR UN CLIENT TYPE BASE

En vert les offres dont l’électricité provient intégralement de sources d’énergies renouvelables. En orange l’offre de l’opérateur historique sur la base des tarifs réglementés de vente. Le niveau du TRV est présenté dans le second graphique à titre indicatif car susceptible d’évoluer au moins une fois par an.

Source : analyse effectuée sur la base des informations du site Énergie-Info au 30 juin 2016 pour un client situé à Paris, en option base et consommant 2 400 kWh, pour une année.

À l’inverse, les TRV de l’électricité de l’opérateur historique pour les clients au tarif bleu résidentiel poursuivent leur augmentation. Le prix hors taxes de l’électricité a augmenté au 1er août 2015 de 2,5 % pour les tarifs bleus résidentiels et non résidentiels. Pour autant, la part de marché des fournisseurs alternatifs reste particulièrement faible puisqu’elle ne touche que 12 % du nombre de sites dans le secteur résidentiel et 16 % dans le secteur non résidentiel. Une telle situation tend à creuser davantage l’écart entre les offres de marché et le TRV, rendant les offres alternatives plus compétitives.

HISTORIQUE DES ÉVOLUTIONS MOYENNES
DU TARIF RÉGLEMENTÉ DE VENTE D’ÉLECTRICITÉ

Date

Tarifs bleus résidentiels

Tarifs bleus non résidentiels

16 août 2008

+ 2,0 %

15 août 2009

+ 1,9 %

15 août 2010

+ 3,0 %

+ 4,0 %

1er juillet 2011

+ 1,7 %

23 juillet 2012

+ 2,0 %

1er juillet 2013

+ 5,0 %

1er novembre 2014 (1)

+ 2,5 %

– 0,7 %

1er août 2015

+ 2,5 %

+ 0,0 %

(1) Le Conseil d’État a annulé les deux arrêtés tarifaires de 2014 qui avaient minoré, compte tenu de la réglementation en vigueur, la hausse des TRV. La hausse des tarifs bleus résidentiels en 2014 devrait dès lors être proche de 5 %.

Sources : Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Par conséquent, la part du chiffre d’affaires d’EDF soumise au secteur non-régulé tend à croître progressivement tant sous l’effet du passage progressif des tarifs réglementés vers les offres de marché que du développement des offres alternatives à l’opérateur historique. En 2014, à peine 20 % du chiffre d’affaires du groupe étaient exposés à des prix de marché ; aujourd’hui, ce sont plus de 60 % du chiffre d’affaires qui sont soumis à la concurrence.

2. Une adaptation souhaitable des mécanismes de tarification et du financement des investissements des producteurs d’électricité

Dans le contexte économique actuel, il convient à l’État régulateur d’assurer un environnement juridique qui garantisse la rentabilité des investissements de long terme des exploitants pour permettre à ces derniers d’entretenir et de renouveler leurs capacités de production tout en respectant les engagements pris dans le cadre de la transition énergétique. L’État doit ainsi respecter ses engagements dans le temps concernant l’évolution des tarifs réglementés, en prenant définitivement acte des réformes mises en œuvre par la loi de transition énergétique, tout en envisageant de nouveaux dispositifs conformes aux exigences d’investissements de long terme du secteur.

a. Organiser une évolution des tarifs réglementés tenant compte de l’évolution du marché de l’électricité et d’une évolution raisonnable des coûts supportés par l’exploitant

L’évolution des tarifs réglementés au cours des dernières années, qu’il s’agisse des tarifs réglementés de vente (TRV), de l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) ou encore de l’ancienne Contribution au service public de l’électricité (CSPE), s’est souvent effectuée au détriment de l’opérateur historique. En effet, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) estime le déficit tarifaire des TRV à 1,85 milliard d’euros et celui de la CSPE à 5,88 milliards d’euros, tandis que l’ARENH semble aujourd’hui un outil dépassé de régulation du marché ouvert à la concurrence. Vos Rapporteurs estiment qu’il est impératif de ne pas pénaliser davantage EDF en respectant et en poursuivant les réformes engagées dans ce domaine.

L’article L. 337-6 du code de l’énergie, modifié par l’article 151 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), prévoit désormais que les tarifs réglementés de vente (TRV) de l’électricité sont déterminés en référence aux coûts supportés par un fournisseur qui s’approvisionne auprès de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) et au prix de marché. Cette méthode reflète les coûts supportés par un fournisseur alternatif pour approvisionner les clients de son portefeuille, lui assurant ainsi la possibilité de proposer des offres de marché plus compétitives que les tarifs réglementés de vente. Elle ne vise plus à couvrir les coûts comptables complets supportés par l’opérateur historique et reflète pour partie les prix de marché. Les tarifs réglementés sont désormais calculés comme l’addition du coût de l’énergie, reposant sur un approvisionnement pour 70 % environ au prix de l’ARENH et pour 30 % au prix du marché de gros, du coût d’acheminement de l’électricité, transport et distribution et du coût de commercialisation qui inclut une rémunération normale, destinée à couvrir les risques du fournisseur et fixée par la CRE à 3 %. La LTECV confie également à la CRE la compétence de fixer le montant de l’évolution des TRV d’électricité d’EDF, qui n’appartient en conséquence plus aux ministres chargés de l’énergie et de l’économie.

À partir de l’ensemble de ces éléments, dans un communiqué daté du 27 juin 2016, la CRE a annoncé une baisse de 0,5 % du tarif réglementé de vente d’électricité aux particuliers pour 2016 qui s’explique par la répercussion de la baisse des prix de marché observée depuis plusieurs mois. La CRE a par ailleurs décidé, pour le bon fonctionnement du marché, de continuer à rattraper le déficit de couverture des coûts d’EDF par les tarifs réglementés.

En effet, jusqu’au 1er novembre 2014, date du passage à une construction tarifaire par empilement, les tarifs réglementés de vente devaient couvrir les coûts complets d’EDF. Cette méthode reposait sur une prise en compte des coûts comptables d’EDF en incluant une rémunération des capitaux engagés dans l’activité de production d’électricité. Or les écarts observés par le passé entre les recettes générées par les tarifs réglementés de vente arrêtés par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie et les coûts de production d’EDF doivent, conformément aux principes dégagés par les décisions du Conseil d’État, faire l’objet d’un rattrapage. La CRE a estimé dans son rapport annuel de 2014 que les niveaux de sous-couverture des tarifs avaient occasionné un retard de respectivement 509 millions d’euros en 2012 et 627 millions d’euros 2013. De même, durant la période du 1er janvier au 31 octobre 2014, les tarifs ne permettaient toujours pas de couvrir les coûts d’EDF engendrant de nouveaux rattrapages tarifaires à réaliser sur les exercices tarifaires suivants pour un montant additionnel de 922 millions d’euros.

En conséquence, l’arrêté du 30 octobre 2014 des ministres chargés de l’écologie et de l’économie prévoyait une hausse tarifaire devant permettre, outre l’atteinte de l’empilement en niveau, de rattraper partiellement les écarts constatés sur les années passées. Dans son avis, la CRE a déterminé les évolutions qu’il faudrait appliquer aux TRV pour réaliser l’ensemble des rattrapages tarifaires, compte tenu du niveau de l’empilement en 2015 et des rattrapages prévisionnels déjà effectués (6). Elle a estimé que le rattrapage s’élevait à 3,5 % de hausse par an pendant deux ans pour le tarif bleu et a émis un avis favorable s’agissant des tarifs bleus des particuliers et des petites entreprises. En revanche, elle a estimé que le rattrapage s’élevait à 2,5 % pour le tarif jaune et 10,9 % pour le tarif vert pour un rattrapage réalisé sur la période du 1er août 2015 au 31 décembre 2015, date à laquelle ces tarifs ont été supprimés. En conséquence, la CRE avait estimé que les hausses envisagées par les ministres au 1er août 2015 étaient très insuffisantes pour réaliser l’intégralité des rattrapages des tarifs vert et jaune d’ici le 1er janvier 2016.

Pour autant, dans deux décisions datées du 15 juin 2016, le Conseil d’État a annulé l’arrêté du 28 juillet 2014 et celui du 30 octobre 2014 concernant la fixation des tarifs résidentiels et des tarifs verts (7). L’arrêté du 28 juillet 2014 abrogeait l’article 6 de l’arrêté ministériel du 26 juillet 2013 qui prévoyait, pour compenser une hausse insuffisante au regard de la réglementation applicable des tarifs, que ces derniers devaient encore augmenter à partir du 1er août 2014. Le nouvel arrêté tarifaire du 30 octobre 2014 fixait quant à lui les tarifs réglementés applicables à partir du 1er novembre 2014 et jusqu’au 31 juillet 2015, date d’entrée en vigueur de l’arrêté tarifaire suivant.

Dans le premier cas, le Conseil d’État a considéré que l’abrogation de l’article 6 étant survenue trois jours seulement avant l’échéance, l’arrêté méconnaissait le principe de sécurité juridique. Son annulation pour ce motif a rendu nécessaire la prise d’un nouvel arrêté fixant, à titre rétroactif, les tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables du 1er août 2014 au 31 octobre 2014, de manière à ce que ces tarifs respectent la réglementation alors applicable en prévoyant une hausse moyenne de l’ensemble des tarifs bleus à 5 %.

Dans le second cas, le Conseil d’État a estimé que les tarifs bleus résidentiels et les tarifs verts avaient été fixés à un niveau manifestement insuffisant pour assurer le rattrapage des écarts tarifaires passés. Il a donc annulé l’arrêté pour ce qui concerne ces tarifs, en estimant en revanche que les tarifs bleus non résidentiels et jaunes avaient été fixés à un niveau suffisant au regard des règles de rattrapage. Le Conseil d’État a en conséquence ordonné aux ministres de prendre, dans un délai de trois mois, un nouvel arrêté fixant une augmentation rétroactive des tarifs concernés pour la période comprise entre le 1er novembre 2014 et le 31 juillet 2015.

L’existence de rattrapages récurrents et insuffisants et de multiples contestations devant la juridiction administrative tant par l’exploitant historique que par ses concurrents, nuit grandement à la sécurité juridique et aux prévisions économiques de l’opérateur historique.

Vos Rapporteurs estiment qu’il est nécessaire de prendre définitivement acte du nouveau dispositif de fixation des tarifs qui incombe désormais à la CRE et à elle seule, et de mettre un terme définitif aux déficits tarifaires constatés par le passé. Il s’agit de solder au plus vite une situation qui est préjudiciable à l’ensemble des opérateurs du marché et dont les conséquences financières pour l’opérateur historique ne sont pas négligeables au vu des montants conséquents du déficit tarifaire, estimé en juillet 2015 à 1,85 milliard d’euros.

Une autre conséquence des bouleversements du marché de gros de l’électricité est le passage des tarifs de l’électricité sous la barre symbolique de celui de l’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH).

L’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH)

La loi du 7 décembre 2010 a instauré le dispositif ARENH qui donne le droit à tout fournisseur alternatif d’acheter de l’électricité d’origine nucléaire à EDF à prix régulé et déterminé sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

Le niveau du prix doit assurer une juste rémunération à EDF et être représentatif des conditions économiques de production d’électricité par les centrales nucléaires. L’électricité achetée dans ce cadre ne peut excéder un volume global maximal qui est déterminé en fonction du développement de la concurrence sur les marchés de la production d’électricité et de la fourniture de celle-ci à des consommateurs finals. Il ne peut dans tous les cas excéder le volume de 100 térawattheures par an.

L’ARENH est une option pour les fournisseurs alternatifs qui peuvent décider d’avoir recours à un prix régulé lorsque les prix de marché sont supérieurs au niveau de l’ARENH, soir 42 euros par MWh. Il convient toutefois de signaler que, pour la première fois depuis le démarrage du dispositif, aucun volume d’ARENH n’a été livré aux fournisseurs alternatifs sur le premier semestre 2016, dans la mesure où les prix en gros de l’électricité s’établissent désormais durablement sous la barre des 42 euros par MWh.

ÉVOLUTION DES PRIX EN GROS DE L’ÉLECTRICITÉ
ET DE LA QUANTITÉ D’ARENH CÉDÉE

Source : commission des Finances

Dans ce contexte, on peut s’interroger sur la pertinence du maintien d’un dispositif devenu inopérant. L’objectif de l’ARENH était de permettre une ouverture effective du marché de l’électricité afin de garantir aux fournisseurs alternatifs des conditions économiques équivalentes à celles résultant pour EDF de l’utilisation des centrales nucléaires historiques. Or si l’ARENH a joué le rôle d’un prix plafond, protégeant les consommateurs, il a privé EDF des bénéfices qu’il aurait pu retirer de prix de marché à la hausse, tandis qu’en l’absence de prix plancher, l’entreprise est contrainte de supporter les effets d’une baisse des prix. Un tel dispositif semble dès lors devenu sans objet en l’absence d’une remontée à moyen terme des prix de l’électricité. Vos Rapporteurs estiment qu’il est en conséquence nécessaire d’étudier les évolutions possibles à apporter au dispositif de l’ARENH ainsi que la question de son devenir après 2025.

Enfin, à moyen terme, se pose la question du financement du nouveau compte d’affectation spécial dédié au financement des charges de service public de l’énergie. Le mécanisme antérieur de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) a en effet été réformé par la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, qui a intégré au budget de l’État les charges de service public de l’énergie au sein d’un compte d’affectation spécial (CAS) Transition énergétique d’un montant de 5,5 milliards d’euros en année pleine. Ce dernier est alimenté par le produit de la taxe intérieure de consommation finale d’électricité (TICFE) diminué, pour l’année 2016, de 2 milliards d’euros, puis de 2,5 milliards d’euros pour l’année 2017, et par une fraction égale à 2,16 % du produit de la taxe intérieure sur la consommation sur le gaz naturel (TICGN). Il couvre les dépenses supportées par les opérateurs pour le développement des énergies renouvelables telles que le surcoût des contrats d’obligations d’achat des énergies renouvelables.

Lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, la Rapporteure générale avait souligné que « l’équilibre du CAS Transition énergétique n’est pas assuré pour 2017 compte tenu du dynamisme des dépenses de soutien aux énergies renouvelables et du remboursement de la dette de l’État à l’égard d’EDF » (8). Elle rappelait ainsi qu’au moins 6,2 milliards d’euros de dépenses devront être anticipées, dont au moins 1,2 milliard d’euros au titre du remboursement de la dette d’EDF, alors que les recettes seraient limitées à 5,5 milliards d’euros. Vos Rapporteurs estiment qu’il n’est pas envisageable de mettre en péril des investissements des producteurs d’électricité dans le domaine des énergies renouvelables par défaut d’anticipation des besoins financiers du CAS et qu’il est impératif que le financement du CAS soit stabilisé lors de la prochaine loi de finances pour 2017. Une telle situation est d’autant moins tenable que le différentiel entre les dépenses et les recettes est amené à s’accentuer avec la montée en puissance des énergies renouvelables prévue par la transition énergétique. Vos Rapporteurs proposent de prévoir l’affectation d’une partie des recettes supplémentaires liées à la hausse de la fiscalité sur les taxes intérieures de consommation au titre de l’augmentation de la contribution climat énergie vers le CAS Transition énergétique.

Vos Rapporteurs rappellent également qu’une partie du CAS est mobilisée pour rembourser la dette résultant du déficit de compensation des charges de service public de l’État (CSPE) vis-à-vis d’EDF qui représentait 5,14 milliards d’euros en 2014. Le déficit de CSPE s’était constitué par différence, sur la période entre 2002 et 2015, entre le montant des charges de service public supportées par EDF et le montant de CSPE qui lui était attribué. Alors que la mise en place du CAS doit conduire à l’extinction progressive de la dette de l’État vis-à-vis d’EDF, vos Rapporteurs signalent que le déficit de CSPE à l’égard d’EDF, complété des coûts de portage associés, s’élève au 31 décembre 2015 à 5,88 milliards d’euros, soit une augmentation sensible de 731 millions d’euros par rapport au 31 décembre 2014. Vos Rapporteurs estiment que cette situation est préjudiciable à l’opérateur historique dans une période où ce dernier est confronté à d’importants besoins de financements. Ils notent en revanche avec satisfaction que l’État, par courrier ministériel daté du 26 janvier 2016, a autorisé le groupe EDF à affecter cette créance aux actifs dédiés pour 2016 et a adapté en conséquence l’échéancier de remboursement pour que la créance soit remboursée à l’horizon 2020.

b. Envisager de nouveaux dispositifs de tarification et de soutien conformes aux exigences d’investissement de long terme du secteur

Sur un marché de l’électricité ouvert à la concurrence et où les tarifs régulés disparaissent progressivement, le prix de l’électricité tend à être désormais fixé au coût marginal de production du dernier moyen appelé. Le coût marginal de production reflète les charges d’exploitation et de maintenance des centrales : celui des énergies renouvelables étant proche de zéro, elles sont donc systématiquement appelées en premier sur le réseau. Leur introduction massive sur le réseau européen a contribué à faire diminuer fortement les prix moyens sur les marchés de gros et a entraîné des distorsions importantes dans la dynamique d’établissement des prix de l’électricité : des prix négatifs sont même apparus dans plusieurs pays d’Europe, conduisant certains opérateurs à payer pour vendre leur production. Ils ont atteint jusqu’à – 200 euros par MWh en France.

Les prix moyens constatés sur les marchés de gros européens ont tellement diminué que la rentabilité des investissements dans de nouveaux moyens de production est devenue très incertaine. Dans ce contexte économique, le principal défi pour le groupe EDF et pour l’ensemble des producteurs d’électricité porte sur le financement de leurs investissements de long terme et l’amélioration de la compétitivité de l’offre énergétique dans un marché déprimé. Il est en effet paradoxal que les seuls moyens de production pour lesquelles l’investissement reste attractif aujourd’hui soient les centrales à charbon, en contradiction totale avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cela impose donc de faire la démonstration de la viabilité de l’équation économique de l’électricité d’origine non-carbonée, dans un contexte où le coût des énergies ne doit pas s’arrêter au seul coût marginal de production mais devrait davantage prendre en compte les externalités (prix du carbone, coûts des mécanismes de capacité, coûts des réseaux et du stockage, coûts du démantèlement et de gestion des déchets, etc.).

Vos Rapporteurs estiment donc qu’il est nécessaire d’internaliser dans la détermination des prix de marché certaines externalités (prix du carbone ou marché de capacité) tout en prenant garde aux distorsions qu’entraînent certains mécanismes de soutien public.

Afin d’internaliser le coût pour la société des émissions de dioxyde de carbone, le système European Union Emission Trading Scheme (EU ETS) devait inciter les principaux émetteurs de gaz à effet de serre à réduire leurs émissions en les obligeant à les compenser par des quotas alloués ou achetés sur le marché. Or ce marché est confronté à de profonds dysfonctionnements : avec des cours qui oscillent depuis 2012 entre 4 et 9 euros par tonne de dioxyde de carbone (CO2), il ne permet pas d’influencer les décisions des énergéticiens en faveur des énergies bas-carbone.

ÉVOLUTION DU PRIX D’AUTORISATION EUROPÉENNE D’ÉMISSION
DE DIOXYDE DE CARBONE EN EUROS PAR TONNE

Source : European Energy Exchange (EEX).

Vos Rapporteurs estiment qu’il est dès lors essentiel de réformer le système actuel de fixation du prix au carbone pour que les coûts de production de l’électricité reflètent davantage cette externalité négative. Dans cette optique, à l’occasion de la quatrième conférence environnementale, le Président de la République a annoncé la mise en place d’un prix-plancher du carbone sur l’électricité au niveau national, avec l’objectif de donner plus de visibilité aux investisseurs tout en privilégiant, dans la production d’électricité, l’utilisation du gaz par rapport au charbon. Ce dispositif sera complémentaire de la contribution climat énergie (CCE) dont la loi a fixé l’évolution de 22 euros par tonne de dioxyde de carbone en 2016 à 56 euros en 2020 puis à 100 euros en 2030.

L’annonce du Président de la République vient renforcer l’action entreprise par le ministère en charge de l’environnement au niveau européen qui a engagé une discussion en vue de mettre en place un corridor de prix sur le marché du carbone européen. Un tel mécanisme, en encadrant l’évolution du prix du marché entre un minimum et un maximum, améliorerait la prévisibilité du prix du carbone, créant une incitation forte en faveur des investissements bas-carbone. Dans un communiqué en amont du Conseil européen des ministres chargé de l’environnement du 4 mars 2016, le ministère indiquait que dans le cas d’un échec de la mise en place d’un prix-plancher du marché européen, il serait envisagé de mettre en place, à titre transitoire, un mécanisme complémentaire de taxation des énergies fossiles consommées pour produire de l’électricité. Une telle mesure serait inspirée de la décision du Royaume-Uni qui a institué un prix-plancher du carbone pour le secteur électrique au moyen d’une taxe différentielle qui s’ajoute au prix des quotas européens de CO2 lorsque ce dernier est inférieur à la cible visée.

Dans un rapport publié en mars 2016, Réseau de transport d’électricité (RTE) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie(ADEME) estiment qu’avec « le parc de production actuel, les simulations réalisées montrent qu’il faudrait retenir un prix autour de 30 euros par tonne de CO2 au niveau européen pour diminuer de façon significative – de l’ordre de 100 millions de tonnes par an, soit 15 % – les émissions du secteur électrique européen » avant d’ajouter qu’un « signal prix plus élevé, de l’ordre de 100 euros par tonne, permettrait d’atteindre une réduction des émissions de l’ordre de 30 % » (9). L’étude conclut également que « la mise en place d’un prix élevé du CO2 donnerait un signal favorable à l’investissement dans les énergies renouvelables et pourrait faciliter le développement de la flexibilité et du stockage ».

La mise en place d’un prix-plancher du carbone permettrait ainsi d’assurer la rentabilité d’énergies peu ou non carbonées, telles que les énergies renouvelables ou l’énergie nucléaire, tout en décourageant l’utilisation de centrales thermiques au charbon. La mesure serait toutefois limitée pour la France puisque seules cinq centrales alimentées par du charbon sont en fonctionnement sur le territoire national, exploitées par EDF ou E.ON France. Elle permettrait néanmoins, en fonction du contexte économique, d’économiser près de 2 millions de tonnes de CO2 par an (10).

Vos Rapporteurs seront dès lors attentifs à la mise en œuvre d’un tel dispositif dans le cadre de la prochaine loi de finances. Ils estiment néanmoins préférable que la mesure soit mise en place au niveau européen afin d’éviter d’éventuelles « fuites carbones » au sein même de l’Union européenne : en effet, l’introduction d’un prix-plancher unilatéral en France pourrait avoir un impact sur l’équilibre du marché électrique en Europe du fait des interconnexions existantes et conduire à substituer à la production thermique française des importations d’électricité d’origine carbonée de l’étranger, principalement d’Allemagne.

Les prix de l’électricité doivent également tenir compte de ce que les énergéticiens nomment « le marché de la capacité ». En effet, la situation actuelle fait peser un risque non négligeable sur la rentabilité des moyens de pointe, ce qui pourrait générer des tensions importantes sur l’approvisionnement en période de forte demande et rend nécessaire l’établissement en France comme en Europe d’un marché de capacité. La loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, codifiée aux articles L. 335-1 et suivants du code de l’énergie, établit un dispositif d’obligation de capacité qui prévoit que « chaque fournisseur d’électricité contribue, en fonction des caractéristiques de consommation de ses clients, en puissance et en énergie, sur le territoire métropolitain continental, à la sécurité d’approvisionnement ». Le mécanisme de capacité doit stimuler les investissements dans les moyens de production et d’effacement de consommation pour sécuriser l’alimentation électrique à moyen terme. Un arrêté du 22 janvier 2015 est venu en préciser les règles pour une mise en œuvre effective prévue pour l’hiver 2016-2017.

Le mécanisme de capacité institué par la loi NOME

Les fournisseurs se verront attribuer une obligation qui dépend de la consommation effective de leurs clients lors des pointes de consommation et devront, en contrepartie, détenir un certain montant de garanties de capacité, soit du fait de moyens détenus en propre, soit en acquérant ces garanties de capacité auprès de ceux qui les détiennent. Le système permettra d’apporter, dans les cas où les moyens d’effacement ou de production sont insuffisants pour satisfaire la demande, une rémunération complémentaire pour mettre en service des capacités d’effacement ou de production supplémentaires le moment venu.

Cette rémunération soutiendra le développement de l’offre d’effacement et pourra, dans certains cas, éviter que des installations existantes soient mises sous cocon au détriment de la sécurité d’approvisionnement en électricité.

Enfin, au-delà de la pénalisation du carbone, il convient également de prendre garde aux distorsions de concurrence entre énergies bas-carbone qui peuvent être induites par les mécanismes de soutien public aux énergies renouvelables.

C’est pourquoi, du point de vue de vos Rapporteurs, les réformes engagées des dispositifs de soutien au déploiement des énergies renouvelables dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) constituent un progrès essentiel et répondent à une nécessité objective.

En effet, les articles 104 et 106 de la LTECV instaurent un dispositif de complément de rémunération, qui a vocation à se substituer partiellement au dispositif d’obligation d’achat pour certaines filières renouvelables. Le nouveau dispositif consiste en une prime, compensée par le CAS Transition énergétique, versée à un producteur d’électricité à partir d’énergies renouvelables en complément de la vente sur le marché de l’électricité qu’il a produite. Le dispositif ne sera pas obligatoire dans un premier temps pour les plus petites installations qui pourront rester sous tarif d’achat ni pour l’éolien terrestre. De même que pour l’obligation d’achat, le niveau de la prime sera déterminé pour chaque filière de façon à assurer une rentabilité normale des capitaux investis et devra être revu périodiquement afin de rester en adéquation avec la maturité de la filière et la baisse des coûts de production observée.

Un tel dispositif permettra de mieux prendre en compte les prix de marché dans la détermination du niveau de subventionnement et atténuer les distorsions qui en résultent sur le marché de l’électricité.

Le dispositif mis en place pour les énergies renouvelables s’apparente au dispositif de garantie de prix mis en place par les pouvoirs publics britanniques, dénommé « contract for difference » (CFD), qui sera notamment utilisé pour la construction de la future centrale nucléaire d’Hinkley Point C. Le CFD est un contrat de long terme passé entre un producteur d’électricité et l’État britannique qui permet au producteur de garantir le niveau de ses revenus en s’accordant à l’avance sur un prix de rachat pour une période donnée. Lorsque les prix de marché de l’électricité sont inférieurs au prix négocié, l’État britannique complète la différence ; à l’inverse, lorsque les prix de marché de l’électricité sont supérieurs au prix négocié, le producteur reverse à l’État britannique la différence. Ainsi, le CFD permet d’inciter les producteurs d’électricité à investir dans des énergies faiblement carbonées en leur fournissant de la visibilité et de la stabilité sur leurs flux de revenus futurs.

B. CONFIRMER LA PLACE ÉMINENTE D’EDF DANS LA MISE EN ŒUVRE DU MIX ÉNERGÉTIQUE NATIONAL

Pour toute entreprise soumise à une contrainte de rentabilité et opérant dans un secteur ouvert à la concurrence, pouvoir anticiper les évolutions de son environnement représente un enjeu fondamental. Mais en ce qui concerne EDF, cette exigence ne suppose pas seulement de surmonter les aléas de la conjoncture économique ou d’identifier des relais de croissance : elle suppose une adaptation au cadre établi par la puissance publique en vue de la régulation du secteur de l’énergie.

Dès lors, la redéfinition des termes d’un avenir possible pour EDF appelle, de la part de l’État, l’affirmation de choix politiques clairs s’agissant de la programmation de la politique énergétique et du sort des capacités de production d’électricité d’origine nucléaire.

1. Donner au parc nucléaire d’EDF sa juste place dans la production d’électricité

En autorisant la ratification de l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, le Parlement vient de réaffirmer solennellement le rôle de tout premier plan qu’entend jouer la France dans la lutte contre le réchauffement climatique. Parce qu’il conduit les États à formaliser leur action en faveur de la réduction des gaz à effet de serre et parce qu’il affirme l’objectif d’une neutralité des émissions dans la seconde moitié du XXIsiècle, ce nouvel instrument de droit international nous engage.

Il rend d’autant plus indispensable une action résolue des pouvoirs publics en faveur de toutes les sources d’énergies « décarbonées », ce qui invite nécessairement à reconnaître l’importance de l’énergie nucléaire pour permettre au pays de tenir ses engagements internationaux, mais aussi de garantir son indépendance et la compétitivité de son économie. Son statut d’opérateur prédominant du secteur public de l’électricité autant que l’importance de ses capacités de production désignent tout naturellement EDF comme un acteur incontournable de cette politique. Mais encore faut-il que le groupe dispose de perspectives solides en ce qui concerne deux éléments essentiels pour la mise en œuvre de la transition énergétique : la définition d’une trajectoire pour la production d’énergie nucléaire ; les conséquences du plafonnement de la part de cette énergie dans la production d’électricité – s’il devait être maintenu.

a. Définir une trajectoire précise pour la production d’énergie nucléaire

En réécrivant l’article L. 100-4 du code de l’énergie, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) (11) a fixé aux pouvoirs publics un objectif qui affecte l’avenir du groupe EDF : celui de « réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 ».

Nonobstant les débats qu’ont suscité – et que peuvent encore inspirer – l’échéance et le pourcentage retenus par le législateur, cet objectif nécessite assurément une démarche prospective et planificatrice. De fait, atteindre cet objectif ne va pas de soi, compte tenu de la part d’incertitude qui entoure les deux conditions nécessaires à sa réalisation : d’une part, le volume de la demande intérieure d’électricité, lequel semble aujourd’hui moins tributaire de la conjoncture économique que de l’évolution des comportements de consommation ; d’autre part, l’état de développement et le poids respectif des différentes capacités de production d’énergie électrique (centrales nucléaires, centrales thermiques au charbon ou au pétrole, énergies renouvelables).

Remaniant ou étoffant des dispositifs antérieurs (12), la LTECV a consacré un nouvel outil de planification : la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DE L’ÉNERGIE

Avec la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) se présente comme un des deux outils structurant du pilotage de la transition énergétique. En application des textes en vigueur, la programmation vise à établir les priorités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergies sur le territoire métropolitain continental afin d’atteindre les objectifs de la politique énergétique : elle doit traiter, dans un cadre intégré, à la fois de la maîtrise de la demande et de la diversification des sources, ainsi que de la sécurité d’approvisionnement, du développement et du stockage de l’énergie et des réseaux. Aux termes de l’article L. 141-2 du code de l’énergie, l’élaboration de la PPE intègre « des scénarios de besoins énergétiques associés aux activités consommatrices d’énergie, reposant sur différentes hypothèses d’évolution de la démographie, de la situation économique, de la balance commerciale et d’efficacité énergétique ».

L’article L. 141-3 précise qu’il incombe à la programmation de « définir les objectifs quantitatifs de la programmation et l’enveloppe maximale indicative des ressources publiques de l’État et de ses établissements publics mobilisés pour les atteindre ».

Son élaboration requiert l’avis de du comité d’experts pour la transition énergétique, du Conseil supérieur de l’énergie (CSE), et du Conseil national de la transition écologique (CNTE) et la PPE doit faire l’objet d’une présentation au Parlement.

L’article L. 141-4 du même code fixe également le principe d’une révision de la PPE à échéance d’au moins tous les cinq ans pour deux périodes de cinq ans et, le cas échéant, les années restant à courir de la période pendant laquelle intervient la révision. À l’initiative du Gouvernement, le document peut faire l’objet d’une révision simplifiée sous réserve que celle-ci n’en modifie pas l’économie générale.

Pour l’entrée en vigueur du dispositif, la LTECV a résolu de réduire la durée de la première programmation en échelonnant son exécution sur deux temps : une première période, entre 2016 et 2018, au cours de laquelle la PPE présente un caractère prescriptif ; une seconde période comprise entre 2019 et 2023, au cours de laquelle la PPE se bornerait à fixer des objectifs, avec des options hautes et basses destinées à tenir compte d’incertitudes.

Or, la mise en œuvre de cette planification conserve à ce jour un caractère assez virtuel – voire inopérant – dès lors que le processus d’élaboration de la première PPE tarde à aboutir en ce qui concerne l’énergie nucléaire.

De fait, les éléments de programmation rendus publics en avril 2016 par le ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer ne traitent essentiellement que des filières de production d’énergie renouvelable. D’après les informations recueillies dans la presse (13), la PPE complète devait être présentée dans le courant du mois de juillet 2016. Toutefois, suivant cette même source, la seule mention relative à l’énergie nucléaire se limiterait à prévoir de « décider des fermetures et des prolongations de l’exploitation de certains réacteurs au cours de la deuxième période de la PPE » – c’est-à-dire après 2019. Cette décision n’interviendrait qu’« en fonction de l’évolution de la consommation d’électricité et des exportations, du développement des énergies renouvelables, des décisions de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’impératif de sécurité de l’approvisionnement ».

Au-delà de considérations de principe touchant au respect de la loi, vos Rapporteurs ne peuvent que déplorer le retard pris ou subi dans l’établissement de la première PPE. Certes, il apparaît parfaitement concevable qu’en raison de la complexité des questions relatives à cette énergie, les consultations requises exigent certains délais. Toutefois, l’absence de visibilité sur des échéances finalement très proches nuit très directement aux opérateurs de la filière nucléaire française car elle leur interdit d’estimer la valeur de leurs actifs sur le moyen terme et, en conséquence, de procéder à des arbitrages en matière d’investissement ou de renouvellement de leur appareil de production.

Le besoin de prévisibilité revêt un caractère d’autant plus impérieux s’agissant de l’énergie nucléaire que des décisions devront être prises prochainement quant à l’éventuel maintien en service d’un nombre relativement important d’installations du parc français. Ainsi, 27 des 58 réacteurs propriété d’EDF devront faire face, d’ici au début de la prochaine décennie, à leur quatrième visite décennale. Or, le coût et la durée potentiels des travaux de maintenance ou de renouvellement des capacités de production exigent a minima une planification de moyen terme, eu égard aux objectifs d’équilibre financier des opérations ainsi que de continuité dans la production et la fourniture en électricité.

Dans ces conditions, vos Rapporteurs appellent le Gouvernement à publier dans les meilleurs délais une programmation pluriannuelle de l’énergie comprenant, comme initialement prévu dans la LTECV, des lignes directrices pour le secteur nucléaire pour la période 2016 à 2025. Les dispositions de la loi sur la transition énergétique ne présentent pas de caractère intangible : rien n’interdit au législateur, en fonction des choix opérés par les Français et des acquis de l’expérience, de réviser les objectifs qu’elle assigne. Toutefois, une politique de l’énergie ne vaut que par les moyens qui la soutiennent et la lisibilité des engagements pris.

Au-delà des circonstances propres à ce premier exercice, les délais observés dans l’établissement de la première programmation pluriannuelle incitent à une réflexion sur sa nature et sur sa portée. À supposer que l’on veuille lui conférer une dimension plus prescriptive, il conviendrait de conférer à la PPE le statut de projet de loi de programmation, au sens de l’article 34 de la Constitution.

Même si l’article L. 141-4 du code de l’énergie prévoit qu’elle doit faire l’objet d’une présentation au Parlement, elle demeure en l’état un texte réglementaire, à la discrétion du Gouvernement. Du point de vue de vos Rapporteurs, cette procédure permettrait de donner une réelle portée à cet exercice de planification aujourd’hui relativement technocratique : il permettrait aux citoyens, par l’intermédiaire de leurs représentants, de se saisir pleinement des enjeux de la politique énergétique à échéance régulière et scellerait dans la durée l’engagement des pouvoirs publics.

b. Tirer des conséquences raisonnables du plafonnement de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité

Encadrant la délivrance des autorisations d’exploiter des installations, l’article L. 311-5 du code de l’énergie limite à 63,2 gigawatts la capacité totale de production d’électricité d’origine nucléaire. Cette valeur correspond au niveau actuel de l’énergie susceptible d’être fournie par le parc nucléaire français.

Combiné à l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 %, le plafonnement ainsi instauré par la LTECV place EDF devant une fausse alternative : soit laisser le parc en l’état en ne procédant qu’à des travaux de maintenance des unités de production en service ; soit en assurer le renouvellement progressif grâce à l’ouverture de nouvelles capacités, ce qui implique nécessairement la fermeture de centrales dont la puissance excéderait le plafond global fixé par le législateur (14).

Ce dilemme revêt aujourd’hui un caractère d’autant plus aigu qu’il a été décidé de lier le renouvellement du parc nucléaire au développement d’un nouveau modèle de réacteurs, d’une capacité de production certes supérieure mais dont la mise en service se fait attendre : le « réacteur pressurisé européen » ou EPR. Compte tenu de sa puissance théorique, soit 1 650 mégawatts, la mise en service de toute unité de ce type impliquerait nécessairement la fermeture préalable d’une autre centrale nucléaire.

D’après le programme arrêté par d’EDF en 2005 (15), le premier exemplaire construit dans l’enceinte de la centrale de Flamanville (Manche) devait être opérationnel et raccordé au réseau en 2012. Compte tenu des multiples retards subis par le chantier, sa mise en service ne devrait intervenir qu’au quatrième trimestre 2018, suivant le dernier calendrier prévisionnel rendu public par le groupe (16).

Au-delà des incertitudes quant à la date d’achèvement du chantier de Flamanville, la mise en service probable d’autres EPR ou de nouvelles capacités de production sur le territoire national ne peut rester sans conséquences sur la gestion du parc des centrales d’EDF. Dès lors, il importe de mieux anticiper les conséquences potentielles de la réduction de la part du nucléaire dans l’énergie électrique produite, ainsi que l’application d’un plafonnement des capacités de production.

Il s’agit, en premier lieu, de garantir la continuité de l’approvisionnement en énergie électrique en évitant qu’une application mécanique du plafonnement établi par la loi ne conduise à des fermetures prématurées ou non justifiées, compte tenu de la production fournie ou de la rentabilité des sites.

Dans son Rapport public annuel de 2016 (17), la Cour des comptes a estimé que dans l’hypothèse où la consommation et l’exportation d’électricité demeureraient stables, la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans l’énergie électrique produite pourrait conduire à l’abandon de l’équivalent de la production de 17 à 20 réacteurs à échéance de 2025, soit de près d’un tiers des capacités de production. Devant vos rapporteurs, les représentants d’EDF ont indiqué ne pas avoir la même lecture des effets de la LTECV sur le dimensionnement du parc nucléaire, être en attente de la PPE qui en précisera les termes, et a rappelé que la stratégie industrielle du groupe ne s’inscrivait donc pas dans la perspective de fermeture décrite par la Cour. Si l’évaluation de la Cour des comptes devait se vérifier, l’objectif fixé par la loi impliquerait, à l’échelle d’un quinquennat, de procéder à la fermeture de 1,3 à 1,5 réacteur chaque année.

Or, la fermeture d’une centrale n’implique pas seulement de retirer une capacité de production du réseau ou de mettre hors-service un réacteur. Elle suppose que d’autres modes de production puissent immédiatement prendre le relais. En l’état de leur développement, les énergies renouvelables ne sauraient être tenues pour parfaitement substituables – au moins dans l’immédiat – aux capacités de production du parc nucléaire car le nombre d’installations en service ne peut en effet fournir un volume comparable d’électricité. En outre, dès lors que les technologies actuelles ne permettent pas encore d’assurer un stockage, leur production d’électricité apparaît trop dépendante de facteurs climatiques (durée et intensité de l’ensoleillement, force du vent, etc.). D’après les données rendues publiques par le Réseau de transport d’électricité (RTE), la part des énergies renouvelables dans la production totale d’électricité en 2015 s’élevait à 17,4 %, contre 76,3 % pour le nucléaire et 6,2 % pour l’électricité produite à partir d’énergies fossiles. D’après l’analyse développée devant vos Rapporteurs par les représentants de l’Autorité de sûreté nucléaire, la continuité de la fourniture d’énergie électrique suppose une marge de capacité de production équivalente à l’énergie fournie par dix réacteurs nucléaires (ou 10 % de la consommation en électricité).

Mise en service et fermeture de capacités de production d’électricité

d’origine nucléaire dans le cadre de la loi sur la transition énergétique

La procédure de mise en service repose sur un régime d’autorisation fondé sur deux corps de règles : à titre principal, les dispositions des articles L.311-5-5 et L.311-5-6 du code de l’énergie, telles que modifiées ou établies par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ; à titre subsidiaire, celles les règles posées par le code de l’environnement en ce qui concerne les installations nucléaires de base (articles L. 593-1 et suivants).

L’article L.311-5-5 conditionne la délivrance d’une autorisation d’exploiter par l’ASN au respect du plafond de production d’électricité d’origine nucléaire. Il prévoit que l’exploitant demande le retrait préalable des autorisations qui permettent l’exploitation de capacités dont le maintient aboutirait au dépassement du plafond de 63,2 gigawatts.

En application de l’article L.311-5-6, la demande d'autorisation d'exploiter doit être déposée au plus tard dix-huit mois avant la date de mise en service d’un réacteur, et en tout état de cause au plus tard dix-huit mois avant l'expiration du délai prescrit pour sa mise en service par l’autorisation d’exploitation.

Résultant de l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire, l’article L.593-8 du code de l’environnement subordonne la délivrance de l’autorisation de mise en service à l’avis de l'Autorité de sûreté nucléaire, ainsi qu’à l'accomplissement d'une enquête publique.

En applications des articles L.593-26 et L.593-27 du même code, la procédure de fermeture comporte deux étapes : en premier lieu, au moins deux ans avant la date d'arrêt prévue, ou dans les meilleurs délais si cet arrêt est effectué avec un préavis plus court, l’envoi d’une déclaration au ministre chargé de la sûreté nucléaire et à l'Autorité de sûreté nucléaire par laquelle il indique prévoir l'arrêt définitif du fonctionnement de son installation ou d'une partie de son installation (18) ; en second lieu, l’envoi à la même autorité, au plus tard deux ans avant la déclaration relative à l’arrêt définitif, d’un dossier précisant et justifiant les opérations de démantèlement et celles relatives à la surveillance et à l'entretien ultérieurs du site qu'il prévoit (19) .

Par ailleurs, on ne saurait envisager la fermeture des centrales nucléaires sans se préoccuper des conditions de leur démantèlement car il s’agit d’un processus long et coûteux. Les opérations de démantèlement et d’assainissement d’une installation nucléaire doivent en effet aboutir progressivement à l’élimination des substances radioactives issues des phénomènes d’activation et/ou de dépôts et d’éventuelles migrations de la contamination, à la fois dans les structures des locaux de l’installation et dans les sols du site. Par ailleurs, ainsi que le rappelle l’ASN, la politique de gestion des déchets très faiblement radioactifs ne prévoit pas de seuils de libération pour ces déchets mais leur gestion dans une filière spécifique afin d’assurer leur isolement et leur traçabilité. Les exploitants des installations nucléaires de base doivent respecter un certain nombre d’obligations édictées par loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (20). Ces textes fixent des principes relatifs aux conditions de réalisation des opérations, au régime de responsabilité ainsi qu’aux modalités de leur couverture financière par des provisions.

Suivant les informations publiées par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) (21), les opérations de démantèlement concernaient en 2015 une trentaine d’installations nucléaires, parmi lesquelles huit sont la propriété d’EDF (22). On notera que le démantèlement de la centrale nucléaire de Brennilis (Finistère) dure depuis 1985 et ne devrait s’achever qu’en 2020, pour un coût estimé en 2005 par la Cour des comptes à 482 millions d’euros.

On trouvera une autre illustration de la complexité des enjeux des opérations de démantèlement dans les récentes interrogations sur la stratégie que devrait suivre EDF en ce qui concerne six réacteurs de type « uranium naturel graphite-gaz » mis en service entre 1963 et 1972 (23). Alors qu’il envisageait de procéder à leur déconstruction dans un délai aussi court que possible après leur mise hors-service en découpant les structures sous l’eau, le groupe considère aujourd’hui que cette méthode présente des risques beaucoup trop important en l’état des techniques. EDF préconise désormais de réaliser le démantèlement « sous air », cette opération présentant selon lui deux avantages : éviter les problèmes d’étanchéité et de corrosion ; réduire les volumes de déchets liquides. Toutefois, la mise au point de cette nouvelle méthode exigerait un allongement des calendriers initialement prévus pour le démantèlement des centrales de première génération, une décennie semblant nécessaire pour revoir les technologies et tester des maquettes, selon les informations communiquées à l’ASN. On notera du reste que dans l’attente d’un avis favorable de l’Autorité sur cette nouvelle stratégie, EDF a déjà été amené à accroître de 300 millions d’euros ses provisions pour démantèlement dans les comptes de l’exercice 2015.

Du point de vue de vos Rapporteurs, les risques inhérents à une application trop mécanique du plafonnement de la part du nucléaire dans la fourniture d’électricité militent en faveur de l’établissement d’une planification ou cartographie – au moins indicative – des capacités de production disponibles pour cette énergie.

À cette fin, les pouvoirs publics pourraient parfaitement étoffer la programmation pluriannuelle de l’énergie en s’inspirant de la démarche qui avait présidé, en 2009, à la présentation au Parlement d’une programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité. Initiée au début de la précédente décennie avec les arrêtés du 7 mars 2003 et du 7 juillet 2006 (24), cette programmation a pour l’heure essentiellement porté sur le développement des différentes énergies renouvelables (25). Elle consiste en la fixation d’objectifs relatifs à la part des différentes sources d’énergie électriques (exprimées en pourcentage et en puissance), ainsi qu’aux moyens de production mis en service sur une période plus ou moins longue. Un instrument analogue pourrait être développé en ce qui concerne les installations nucléaires, les différents acteurs du secteur dont EDF pouvant utilement concourir à son élaboration.

En second lieu, une application raisonnable de la LTECV commande de mettre EDF en situation de valoriser utilement les ressources exploitées pour le compte de la collectivité. Du point de vue de vos Rapporteurs, cette exigence dépasse le seul besoin de perspectives pour mesurer la rentabilité future des investissements. Elle conduit nécessairement à répondre à l’enjeu que constitue – pour l’entreprise comme pour les finances publiques – la réparation du préjudice du fait des lois que pourrait causer la fermeture anticipée de centrales nucléaires.

Cette question se pose aujourd’hui pour la centrale de Fessenheim. Conformément à l’engagement pris par le Président de la République en 2012, les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls ont tour à tour demandé à EDF de procéder à sa fermeture (26). Suivant la communication du pouvoir exécutif, cette mesure constituait le corollaire logique de la mise en service prochaine de l’EPR de Flamanville. D’après des informations relayées par la presse (27), la direction du groupe se refuserait aujourd’hui à engager les procédures nécessaires car, de son point de vue, l’arrêt définitif des deux réacteurs alsaciens occasionnerait un préjudice dont la réparation ne serait pas assurée par les montants que l’État a proposé de lui verser. Déterminer une juste indemnisation constituerait un préalable.

De fait, l’écho des discussions en cours semble montrer un écart substantiel entre les prétentions du groupe public et les chiffres envisagés au sein du Gouvernement. Selon des indiscrétions issues d’articles de presse, EDF estimerait que la réparation du préjudice subi justifierait le versement d’une somme comprise dans une fourchette allant de 2 milliards à 3 milliards d’euros. Selon les propositions qu’aurait formulées au début du mois de mai 2016, en sa qualité d’autorité de tutelle, la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, l’indemnisation ne porterait que sur un montant de 80 millions à 100 millions d’euros.

Dans le rapport d’information qu’ils avaient consacré à ce sujet en 2014, vos Rapporteurs étaient parvenus pour leur part à une tout autre estimation en jugeant, sur la base d’un scénario médian, que la réparation due à EDF avoisinait les 4 milliards d’euros. L’ensemble de leurs calculs les conduisait à établir une fourchette comprise entre 2,4 milliards et 5,7 milliards d’euros (28).

Dans un contexte propice à certaines spéculations quant à la solidité du modèle économique d’EDF, on ne saurait s’en tenir à cette querelle de chiffres. Celle-ci favorise en effet une incertitude préjudiciable quant à la valeur des actifs du groupe et peut mettre en cause des partenariats industriels et financiers avec des opérateurs étrangers. Il en va tout particulièrement ainsi dans le cas de Fessenheim. Ainsi que le relèvent certaines sources proches du dossier citées par la presse (29), la direction d’EDF ne peut lancer la fermeture de la centrale sans un accord sur l’indemnisation, ce qui lui ferait courir le risque d’une action en justice d’un actionnaire minoritaire du groupe. En outre, l’allemand EnBW et les suisses Alpiq, Axpo et BKW, qui ont partagé avec EDF les risques industriels inhérents à la construction des réacteurs et assument actuellement des risques sur la performance liés à leur exploitation en contrepartie du bénéfice d’une partie de sa production (30), pourraient également intenter une procédure contentieuse.

Dès lors, à l’instar du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, vos Rapporteurs ne peuvent que plaider en faveur d’une indemnisation de la fermeture de centrales nucléaires dont le montant résulterait d’un « calcul financier objectivable », établi si besoin avec des experts indépendants désignés par les deux parties.

Si le préjudice du fait des lois ne souffre a priori plus de discussion, il reste à fixer les paramètres qui détermineront l’utilité économique de la poursuite ou de l’arrêt de l’exploitation d’un certain nombre de réacteurs. La valeur de la production annuelle et future d’une centrale constitue le premier élément de cette équation dont le résultat dépend fondamentalement de l’équilibre de l’offre et de la demande sur le marché. Il convient également de considérer le montant des travaux de maintenance ou de sûreté, ainsi que les coûts de fonctionnement de chaque unité de production car, de manière plus ou moins récurrente, ces charges affectent nécessairement l’appréciation du manque à gagner en cas d’exploitation prolongée des réacteurs. Cette ébauche d’une méthode d’évaluation standard, fondée sur des éléments comptables, ne saurait pour autant dispenser les pouvoirs publics et l’entreprise d’apprécier la situation propre à chaque site, en intégrant par exemple à ce calcul des considérations touchant à l’équilibre du réseau de distribution ou l’inégale capacité des régions à couvrir leurs besoins.

Pour l’ajustement de son modèle économique, EDF doit pouvoir anticiper les exigences inhérentes aux nouveaux modes de régulation du secteur dans lequel il opère mais le groupe a également besoin de perspectives s’agissant des investissements qui lui incombent en tant que service public de l’électricité. Du point de vue de vos Rapporteurs, dissiper cette incertitude pour EDF suppose de répondre à une question majeure pour son avenir : celle de l’engagement du « Grand carénage » et de la préparation du nouveau nucléaire.

2. Mener à bien le « Grand carénage » et préparer le nouveau nucléaire

Par le terme de « Grand carénage », il faut entendre essentiellement l’ensemble des travaux nécessaires au prolongement de l’exploitation des centrales nucléaires au-delà de la durée prévue à leur construction.

À son lancement, le programme nucléaire français prévoyait que les réacteurs du parc pourraient demeurer en service, dans des conditions optimales de sûreté et de production, pendant près de 30 années. L’évolution des techniques ainsi que les expériences étrangères tendent à démontrer aujourd’hui que l’exploitation des centrales peut dépasser cette échéance, sous réserve du renouvellement de certains équipements et structures essentiels à la bonne marche des réacteurs et à leur confinement.

On notera ainsi qu’aux États-Unis, alors que les licences d’exploitation initiales avaient été accordées pour 40 ans, 81 % des centrales du parc ont à ce jour obtenu un renouvellement pour 20 années supplémentaires. La moyenne d’âge des centrales s’établit à 34 ans. À partir de 2017, la Nuclear Regulatory Commission devrait commencer à examiner des demandes pour porter la durée totale de la licence à 80 ans. En France, en 2010, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a autorisé le prolongement, pour dix années supplémentaires, de l’exploitation de plusieurs réacteurs de 900 mégawatts en service depuis plus de 30 ans (Fessenheim 1, Bugey 2, Tricastin 1). À la suite de l’accident de Fukushima, l’ASN a demandé à EDF de faire évoluer la sûreté des anciens réacteurs pour la rapprocher de celle des EPR. Moyennant ces travaux et à la lumière de leur état actuel, le groupe envisage de prolonger l’exploitation de ses centrales jusqu’à 50 voire 60 ans.

Le parc nucléaire français se compose aujourd’hui de 58 réacteurs nucléaires en fonctionnement répartis sur le site de 19 centrales. Il compte par ailleurs 12 réacteurs arrêtés dont 9 en cours de démantèlement. Les plus anciens réacteurs en fonctionnement s’approchent de leur quarantième année de production : Fessenheim 1 et 2 ont été raccordés au réseau électrique en 1977, Bugey 2 et 3 en 1978. Ainsi que le montre le tableau reproduit ci-dessous, la construction de l’essentiel du parc nucléaire français date de la décennie 1980. La durée d’exploitation atteint trente ans en 2016 pour 36 de ses réacteurs. Une soixantaine de réacteurs mise en service dans les années 1980 atteindront donc les quarante années d’exploitation à l’horizon 2020.

Aussi apparaît-il d’autant plus impératif de prendre, dans les meilleurs délais, les décisions relatives à l’allongement éventuel de la durée d’exploitation des centrales nucléaires. De fait, réaliser le « Grand carénage » comporte bien des implications et des défis, tant pour la collectivité que pour l’électricien.

HISTORIQUE DES MISES EN SERVICE ET

DES VISITES DÉCÉNNALES DU PARC NUCLÉAIRE FRANÇAIS EN 2015

Tranches

Année mise en service

Année dernière visite décennale

Prochaine visite décennale

Tranches

Année mise en service

Année dernière visite décennale

Prochaine visite décennale

Fessenheim 1

1978

2009

4e visite

Gravelines 6

1985

2007

3e visite

Fessenheim 2

1978

2011

4e visite

Cruas 3

1984

2014

4e visite

Bugey 2

1979

2010

4e visite

Cruas 4

1985

2006

3e visite

Bugey 3

1979

2013

4e visite

Chinon B3

1987

2009

3e visite

Bugey 4

1979

2011

4e visite

Chinon B4

1988

2010

3e visite

Bugey 5

1980

2011

4e visite

Paluel 1

1985

2006

3e visite

Dampierre 1

1980

2011

4e visite

Paluel 2

1985

2005

3e visite

Gravelines 1

1980

2011

4e visite

Paluel 3

1986

2007

3e visite

Gravelines 2

1980

2013

4e visite

Paluel 4

1986

2008

3e visite

Tricastin 1

1980

2009

4e visite

Saint-Alban 1

1986

2007

3e visite

Tricastin 2

1980

2011

4e visite

Flamanville 1

1986

2008

3e visite

Dampierre 2

1981

2012

4e visite

Saint-Alban 2

1987

2008

3e visite

Dampierre 3

1981

2013

4e visite

Flamanville 2

1987

2008

3e visite

Dampierre 4

1981

2014

4e visite

Cattenom 1

1987

2006

3e visite

Tricastin 3

1981

2012

4e visite

Cattenom 2

1988

2008

3e visite

Tricastin 4

1981

2014

4e visite

Nogent 1

1988

2009

3e visite

Gravelines 3

1981

2012

4e visite

Belleville 1

1988

2010

3e visite

Gravelines 4

1981

2014

4e visite

Belleville 2

1989

2009

3e visite

Blayais 1

1981

2012

4e visite

Nogent 2

1989

2010

3e visite

Blayais 2

1983

2013

4e visite

Penly 1

1990

2011

3e visite

Blayais 3

1983

2015

4e visite

Cattenom 3

1991

2011

3e visite

Balayais 4

1983

2015

4e visite

Golfech 1

1991

2012

3e visite

St-Laurent 1

1983

2015

4e visite

Cattenom 4

1992

2013

3e visite

St-Laurent 2

1983

2013

4e visite

Penly 2

1992

2014

3e visite

Chinon B1

1984

2013

4e visite

Golfech 2

1994

2014

2e visite

Cruas 1

1984

2015

4e visite

Chooz B1

2000

2010

2e visite

Chinon B2

1984

2006

3e visite

Chooz B2

2000

2009

2e visite

Cruas 2

1984

2007

3e visite

Civaux 1

2002

2011

2e visite

Gravelines 5

1985

2006

3e visite

Civeaux 2

2002

2012

2e visite

Source : EDF, Document de référence pour 2015, p.20.

La prolongation du fonctionnement des réacteurs suppose en premier lieu le respect des procédures destinées à garantir la sûreté nucléaire.

Certes, le droit français ne fixe pas de durée de vie maximale pour ces installations. Toutefois, les centrales n’en demeurent pas moins soumises à une autorisation d’exploitation, délivrée par l’ASN et qu’EDF doit faire valider tous les 10 ans après une visite approfondie des sites (« les visites décennales ») (31). À cette fin, l’électricien doit rapporter la preuve d’un vieillissement des composants de réacteur prévisible et maîtrisé. L’ASN porte ainsi une attention particulière aux cuves des réacteurs, à l’étanchéité de la paroi en béton du bâtiment ainsi qu’à celle du circuit primaire caloporteur et modérateur. D’après l’état des lieux dressés en mai 2016 devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (32), l’Autorité se trouve actuellement engagée dans un processus très lourd d’instructions techniques qui porte sur l’ensemble des tranches, notamment les plus anciennes de 900 mégawatts (33).

En mars-avril 2016, l’Autorité a rendu publique une première lettre d’orientation sur le sujet. Il résulte des dispositions de la loi relative à la transition énergétique que le passage au-delà de quarante ans d’un réacteur doit désormais faire l’objet d’une enquête publique. Puisque l’examen générique en cours servira de base aux décisions futures, l’ASN a résolu d’associer le public à ce processus, même si la législation ne lui impose pas. Elle devrait être en mesure de se prononcer sur la prolongation au-delà de quarante ans des réacteurs d’EDF à la fin de l’année 2018 ou au début de l’année 2019. Une décision générique ne dispensera pas pour autant EDF d’obtenir de l’ASN l’autorisation de poursuivre l’exploitation de ses réacteurs au vu de l’état de chacun d’entre eux.

Au plan financier, l’engagement du « Grand carénage » ne se révèle pas dépourvu de lourds enjeux pour l’équilibre des comptes du groupe.

D’après les estimations encore confirmées par EDF en mai 2016 devant la presse, l’investissement devrait être de l’ordre de près de 51 milliards d’euros sur la période 2014-2025 (34) pour porter au-delà de 40 ans la durée d’exploitation de ses centrales. D’après le chiffrage établi par la Cour des comptes, le coût de l’opération avoisinerait davantage les 100 milliards d’euros.

Cette discordance apparente s’explique en réalité par les périodes et le périmètre des dépenses retenus. La Cour des comptes établit en effet son estimation sur la période 2014-2030 ; son chiffrage ajoute aux seules dépenses d’investissement (soit 74,73 milliards d’euros en valeur 2013) les charges d’exploitation (25,16 milliards d’euros en valeur mai 2013). On notera par ailleurs que d’après le décompte réalisé devant vos Rapporteurs par les représentants de l’ASN, sur les 50 milliards d’euros de l’estimation d’EDF, 10 milliards d’euros n’entrent pas stricto sensu dans les dépenses du « Grand carénage » mais relèvent du financement de travaux d’amélioration de la sûreté des installations nucléaires prescrits après Fukushima.

Il n’en demeure pas moins pour EDF la perspective, à court et moyen termes, d’une augmentation potentiellement assez substantielle des dépenses d’investissement. D’après les chiffres récemment publiés (35), leur montant annuel passerait en effet de 3 milliards d’euros jusqu’à présent, à 4,2 milliards d’euros entre 2014 et 2025.

Incidemment, la réalisation du « Grand carénage » peut représenter un facteur d’amélioration – au moins d’un point de vue comptable – des résultats nets annuels du groupe. En effet, la prolongation de la durée d’exploitation des centrales nucléaires de 40 ans à 50 ans pourrait fonder EDF à prendre deux mesures susceptibles de réduire ses charges sur le plan comptable : échelonner en conséquence leur amortissement ; réduire les provisions passées dans les comptes à raison de l’échéance de leur démantèlement. D’après les chiffres cités, la reprise sur provisions pourrait atteindre 2 milliards d’euros. L’ensemble de ces mesures comptables affecterait aussi favorablement l’imposition du groupe, ainsi que les dividendes versés.

Aux plans économique et opérationnel, le « Grand carénage » soulève la question des ressources humaines disponibles et de l’entretien des savoir-faire professionnels au sein d’EDF.

Ainsi que le montre le dernier Rapport public annuel de la Cour des comptes (36), la réalisation des opérations de maintenance exige des compétences rares dans des métiers tels que la chaudronnerie, la robinetterie, la réparation et l’expertise. D’après l’analyse de la Cour, dans la mesure où son activité ne lui permet pas d’entretenir ce type de compétences en interne, le groupe se voit dans l’obligation de recourir à des entreprises spécialisées prestataires : 80 % des opérations de maintenance feraient ainsi l’objet d’une externalisation. Sur une période récente, les 11 000 salariés du groupe chargés de la maintenance quotidienne des unités en fonctionnement ont reçu le renfort d’un effectif de 22 000 à 23 000 salariés prestataires. D’après une estimation datant de juillet 2013 et établie par le comité stratégique de la filière nucléaire (37), l’ensemble des projets industriels d’EDF et leurs répercussions sur la filière nucléaire nécessiterait, d’ici à 2020, le recrutement de 110 000 personnes dans des emplois directs et indirects ; 70 000 d’entre eux porteraient sur des postes requérant des qualifications allant de bac au niveau bac +3.

Or, il existe aujourd’hui de fortes tensions dans le recrutement de profils techniques : d’après les chiffres rapportés par la Cour des comptes, près de deux tiers des entreprises de la filière nucléaire éprouveraient des difficultés à trouver du personnel qualifié dans plusieurs segments industriels, par exemple dans les domaines de la tuyauterie-soudage ou de la robinetterie, mais également dans celui des bureaux d’études. Du reste, alors que la formation exige certains délais (de 3 à 5 ans), il ressort de l’état des lieux dressés par la Cour qu’EDF ne disposerait pas nécessairement de ressources tout à fait suffisantes dans le domaine de son encadrement.

Compte tenu de tous ces prérequis, une parfaite maîtrise technique des opérations inhérentes à la réalisation du « Grand carénage » ne va pas de soi. EDF doit aujourd’hui remédier à la perte relative de certaines compétences internes. Pour une bonne partie, ce déficit peut apparaître comme l’un des résultats de la politique de forte externalisation des opérations de maintenance, ainsi que du départ à la retraite d’une proportion importante d’agents expérimentés dans le nucléaire, non systématiquement remplacés, dans les années 2000. Mais il trouve également son origine dans l’absence de chantiers d’ampleur dans le parc des centrales nucléaires, à partir de la décennie 1990.

Dès lors, les pouvoirs publics ne sauraient différer davantage les décisions qui doivent permettre à EDF de prendre toutes les dispositions utiles au renouvellement des capacités de production nucléaires susceptibles de concourir à une partie essentielle du mix énergétique.

Du point de vue de vos Rapporteurs, le « Grand carénage » relève d’une nécessité d’autant plus impérieuse que le coût de production de l’électricité d’origine nucléaire dépend davantage du volume d’électricité produite que du montant des investissements de maintenance. Suivant l’estimation de la Cour des comptes, à parc constant, une baisse de 50 % de la production moyenne entraînerait ainsi un doublement du coût de production (125 euros par MWh). Il importe donc qu’EDF puisse mettre en œuvre un projet industriel de maintenance de nature à éviter toute baisse de production du parc nucléaire actuellement en service, voire d’en améliorer le niveau tout en maîtrisant les coûts.

Par son ampleur technique et financière, le « Grand carénage » représente à l’évidence une vaste entreprise non dénuée d’incertitudes et d’aléas mais il revêt une importance capitale pour l’indépendance nationale et la compétitivité de l’économie française. C’est précisément le poids de ces enjeux qui, plus que jamais, met en lumière le caractère décisif de la qualité des rapports que doivent entretenir EDF et l’État actionnaire.

C. RENFORCER LA RELATION STRATÉGIQUE AVEC L’ÉTAT

Le 22 mars 2016, le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique annonçait deux mesures visant, selon ses propres termes, à assurer la soutenabilité de la trajectoire financière et à garantir le succès de la stratégie industrielle d’EDF (38) : d’une part, la participation de l’État à une augmentation du capital ; d’autre part, la perception des dividendes dus pour l’exercice 2015 sous forme de titres et non pas par le versement de son montant en numéraire, ce qui équivaut à une augmentation du capital de l’entreprise de 1,8 milliard d’euros.

Cette décision salutaire ne saurait dispenser de l’examen des conditions dans lesquelles l’État s’acquitte de ses responsabilités d’actionnaire prédominant, cette analyse n’excluant pas par ailleurs une réflexion sur l’évolution de l’actionnariat de l’entreprise à l’avenir. Deux conclusions s’en dégagent : d’une part, la nécessité de tirer les enseignements des difficultés de pilotage liées à des positionnements et des intérêts contradictoires ; d’autre part, celle de créer les conditions d’un engagement financier durable et raisonné de l’État auprès d’EDF en tant qu’actionnaire principal.

2. Tirer les enseignements des difficultés de pilotage liées à des positionnements et des intérêts contradictoires 

En conclusion des travaux consacrés en 2015 au groupe AREVA(39), vos Rapporteurs avaient déjà mis en exergue les ambivalences inhérentes au statut d’actionnaire pour la puissance publique, ainsi que les exigences contradictoires devant lesquelles l’État pouvait se trouver, entre recherche de la meilleure rémunération possible de ses participations et souci de la préservation des fonds propres des entreprises. Ils s’étaient interrogés sur le caractère adéquat de la supervision des entreprises publiques, certains observateurs défendant auprès d’eux l’idée que l’État exerçait aujourd’hui un contrôle qui portait davantage sur la gestion comptable que sur la stratégie industrielle. En outre, il avait été relevé que le statut de société anonyme cotée en bourse pouvait comporter des obligations de nature à cantonner le rôle de l’État au sein de la gouvernance d’entreprise et à rendre parfois plus difficile, dans un secteur aussi particulier que celui de l’énergie, la poursuite d’objectifs d’intérêt public.

Toute chose égale par ailleurs, ce questionnement applicable aux entreprises publiques vaut aussi pour une large part en ce qui concerne EDF.

Aujourd’hui, l’État détient 84,95 % du capital (40). L’article L. 111-67 du code de l’énergie (41) confère au groupe le statut de société anonyme ; il fixe à 70 % des actions la participation minimale de l’État à son capital, les 30 % restant pouvant être ouverts à des investisseurs tiers. Le groupe dispose d’un conseil d’administration de 17 membres, dont 11 administrateurs désignés par l’assemblée générale des actionnaires et six représentants des salariés. Le décret du 17 novembre 2004 (42) prévoit que le président du conseil d’administration de la société est nommé par décret, parmi les administrateurs, sur proposition du conseil. La durée de ses fonctions ne peut excéder celle de son mandat d’administrateur.

Certes, conformément à la charte adoptée en 2004 qui régit les rapports de gouvernance avec les entreprises à participations publiques, il revient à la direction d’EDF d’assurer la conduite du groupe ; l’État ne saurait se substituer à des dirigeants dans le quotidien de sa gestion. Pour autant sa responsabilité reste entière quant aux choix stratégiques.

Or, de l’aveu même de l’actuel ministre de l’économie (43), « le vrai raté de l’État actionnaire, c’est le domaine de l’énergie, avec une approche de court terme ». Pour ce qui concerne EDF, plusieurs reproches pourraient être adressés à la puissance publique, dans l’exercice de ses responsabilités d’actionnaire mais également dans celle de sa fonction régulatrice.

Le premier porte sur l’efficacité de la supervision de la filière nucléaire française et l’absence, jusqu’à encore très récemment, de rôle défini pour le groupe, notamment à l’export. Il s’agit d’une des conclusions des travaux de vos Rapporteurs relatifs à AREVA : du fait de jeux d’influences échappant aux services de tutelles ou de rapports difficiles avec les directions des entreprises, l’État a laissé entre les différents acteurs – dont l’électricien public – se développer des relations sinon conflictuelles, du moins non coopératives et, par conséquent, préjudiciables à l’intérêt collectif. Il en aura résulté non seulement la perte de marchés potentiels à l’exportation (à l’exemple de l’appel d’offres pour la fourniture de centrales à Abu Dhabi non remporté en 2010), mais également des rapports commerciaux contre-productifs (44).

La seconde critique procède du constat de l’absence d’un réel arbitrage entre les exigences d’une politique énergétique de long terme stratégique, la couverture des besoins financiers de l’État actionnaire et la recherche d’une préservation du pouvoir d’achat. En dehors de la question du dividende servi à l’actionnaire majoritaire, la période récente offre en effet plusieurs exemples de ce qui pourrait caractériser une certaine schizophrénie.

Ce constat vaut tout particulièrement à propos de la fixation des tarifs réglementés de vente d’électricité d’EDF. Depuis 2011 et de manière récurrente, ainsi que le rappelle le présent rapport pour la période la plus récente, le groupe et les gouvernements successifs s’opposent sur l’ampleur de la revalorisation applicable.

Ce constat ne peut qu’inciter à réfléchir aux moyens d’améliorer les instruments de la supervision d’EDF.

En premier lieu, il convient sans doute d’évaluer la pertinence des moyens de la tutelle de l’État et de sa représentation au sein du conseil d’administration du groupe.

EDF relève aujourd’hui du champ de compétence de trois ministres, à savoir les ministres chargés de l’écologie et de l’énergie, de l’économie, ainsi que des finances et comptes publics. Conformément aux dispositions de l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014, combinées à celles du décret précité n° 2004-1224 du 17 novembre 2004, la représentation de la puissance publique au sein du conseil d’administration d’EDF repose sur :

– un représentant de l’État nommé es qualité, disposant des mêmes droits et des mêmes pouvoirs que les autres membres du conseil : il s’agit aujourd’hui du commissaire aux participations de l’État ;

– des administrateurs désignés par l’Assemblée générale des actionnaires sur proposition de l’État.

L’ordonnance du 20 août 2014 donne également la possibilité à l’État de nommer un commissaire de Gouvernement qui assiste au conseil d’administration avec voix consultative. Le cas échéant, il expose la politique du Gouvernement dans le secteur d’activité de l’entreprise. Il s’agit aujourd’hui de la directrice de l’énergie à la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) rattachée au ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer. Prend également part au conseil d’administration avec voix délibérative le chef de la mission de contrôle général économique et financier de l’État auprès d’EDF.

Il appartient à l’Agence des participations de l’État (APE) d’exercer la mission de l’État en sa qualité d’actionnaire de la société et, à ce titre, de proposer et de mettre en œuvre les décisions et orientations de l’État, en collaboration avec les ministères concernés (45).

À l’instar de toutes les entreprises dont l’État détient la majorité du capital, EDF entre dans le champ des procédures de contrôles diligentés ou exercés par :

– la mission de contrôle économique et financier (46) ;

– la Cour des comptes, dont la compétence porte tant sur la gestion du groupe que, le cas échéant, sur ceux de ses filiales majoritaires directes (47);

– les commissions compétentes du Parlement.

En outre, le décret-loi du 30 octobre 1935 autorise le ministre chargé de l’économie de soumettre EDF aux vérifications de l’Inspection générale des finances (IGF).

Dès lors, la supervision d’EDF appelle moins l’établissement de nouvelles procédures de contrôle qu’un renforcement des instances chargées d’assurer la coordination et la mise en œuvre de la politique de l’État à l’égard du groupe.

De ce point de vue, le décret précité du 9 septembre 2004 confie à l’APE un rôle de premier plan. En application de son article 2, il lui incombe en effet de « propose[r] au ministre chargé de l’économie la position de l’État actionnaire en ce qui concerne la stratégie des entreprises et organismes publics entant dans son champ de compétence, dans le respect des attributions des autres administrations intéressées ». Le texte prévoit encore que « l’agence s’assure, le cas échéant avec le commissaire du Gouvernement, de la cohérence des positions des représentants de l’État participant aux organes délibérants de ces entreprises et organismes ».

À défaut de pouvoir dépasser par des procédures spécifiques la divergence possible d’appréciations ou d’intérêts entre les différents ministères, il importe qu’en sa qualité de représentants de l’État, le commissaire aux participations dispose de tous les éléments d’expertise utile afin de porter pleinement la parole de la puissance publique dans toutes ses dimensions. Cet objectif exige sans doute – pour autant qu’il est possible par rapport aux pratiques actuelles et à la disponibilité des acteurs en pratique – une systématisation des échanges entre l’APE et le ministère chargé de l’énergie, avec par exemple la tenue de réunions interministérielles préalables à tout conseil d’administration.

Mais sa réalisation suppose surtout un renforcement des ressources durables des ressources de l’Agence. Suivant le constat établi par vos Rapporteurs en conclusion de leurs travaux sur AREVA, il s’agit pour l’État de disposer des effectifs suffisants pour faire face à la charge de travail que représente le suivi de l’ensemble des participations publiques et, surtout, de profils et d’une stabilité dans les postes nécessaires à une connaissance approfondie des problèmes sur le long terme.

Les ressources humaines de l’Agence des participations de l’État (APE)

D’après le Rapport relatif à l’État actionnaire établi en vue de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, on notera que l’APE dispose d’une équipe resserrée de 53 personnes, essentiellement fonctionnaires, pour gérer un portefeuille de 77 entreprises représentant un montant de capitaux propres de près de 110 milliards d’euros et de plus de 145 milliards d’euros de chiffres d’affaires cumulés.

Elle se compose de 29 cadres dirigeants et chargés de participations, en majorité issus de corps d’ingénieurs (59 %) et d’administrateurs civils (31 %). Les chargés de participations, dont 15 % ont une expérience de l’entreprise, exercent en moyenne une activité professionnelle depuis environ six ans. Le taux de turn over s’établit globalement à 20 %. Il est de 37 % pour les profils les plus juniors, ce qui reste élevé, mais marque une amélioration par rapport à l’année précédente (50 %), grâce à une politique de mobilité interne renforcée (48).

Au-delà des rapports de l’APE avec les autres services ministériels parties prenantes à la gouvernance et à la tutelle d’EDF, la question fondamentale est celle de la capacité même de l’État à définir une politique.

À cet égard, vos Rapporteurs ne peuvent que souligner une fois encore l’intérêt d’une instance de pilotage à même d’assurer une supervision attentive de la filière nucléaire française et de ses opérateurs. À défaut de créer une nouvelle structure telle qu’un secrétariat général qui, dans le domaine de l’énergie, exercerait des missions analogues à celle du Secrétariat général de la Défense nationale, il convient de s’appuyer pleinement sur les instances existantes susceptibles d’assurer une coordination des autorités ministérielles et des opérateurs économiques. Ce rôle d’arbitrage et d’orientation pourrait être tenu par le Conseil de politique nucléaire, sous réserve toutefois qu’il soit réuni de manière plus fréquente et dans une démarche plus prospective que celle de la gestion de crises. Dans cette optique, une meilleure exploitation de travaux tels que ceux pouvant être produits par le comité stratégique de la filière nucléaire pourrait être utile.

Il importe enfin que le Parlement puisse prendre ses responsabilités en disposant d’un vrai droit de regard sur l’avenir de la filière nucléaire en général et sur EDF en particulier. Comme vos Rapporteurs l’avaient proposé à l’issue de leurs travaux consacrés à AREVA, plusieurs pistes méritent d’être explorées.

La première consiste à enrichir les documents mis à la disposition des Assemblées, notamment dans le cadre de l’examen des projets de loi de finances ou des textes relatifs à la politique énergétique. Cette proposition visait notamment les deux sources d’information que constituent les projets annuels (PAP) et les rapports de performances (RAP) du programme n° 731 Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État mais surtout, le jaune budgétaire Rapport relatif à l’État actionnaire. Si la loi sur la transition écologique et la croissance verte prévoit désormais la présentation de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), étoffer ces documents n’en demeure pas moins utile à l’information du Parlement.

La seconde piste envisagée par vos Rapporteurs réside dans la création d’un mécanisme d’alerte qui permettrait au Parlement d’être informé préalablement de la situation dégradée d’une entreprise stratégique. Dans un souci de réactivité et d’anticipation – qui ne méjuge pas de l’apport du travail de contrôle accompli par les commissions parlementaires compétentes – ils proposent ainsi que les présidents et les rapporteurs chargés du suivi des crédits afférents des commissions concernées reçoivent communication de tous documents concluant, de manière circonstanciée, à la dégradation probable de la situation de la santé économique et/ou financière des entreprises publiques stratégiques.

Le besoin d’un suivi plus étroit de la gestion du groupe pourrait également justifier que des représentants des commissions compétentes du Parlement siègent de plein droit au sein du conseil d’administration d’EDF. Le cadre juridique actuel autorise cette présence mais ne lui confère qu’un caractère facultatif : l’article 13 du décret précité n° 2004-1224 du 17 novembre 2004 prévoit en effet que le conseil d’administration « peut comprendre au plus deux parlementaires ou détenteurs d’un mandat électoral local, choisis en raison de leur connaissance des aspects régionaux, départementaux et locaux des questions énergétiques ». Sans remettre en cause l’unité de la parole de l’État, une participation institutionnalisée du Parlement au sein du conseil d’administration d’EDF comporterait l’avantage d’ouvrir le champ des débats au sein de la gouvernance alors que suivant le témoignage de certains de ses acteurs, le fonctionnement de cette instance peut conduire à minimiser certains risques dans la réalisation des stratégies suivis.

3. Créer les conditions d’un engagement financier durable et raisonné de l’État auprès d’EDF en tant qu’actionnaire principal

Le 22 avril 2016, le conseil d’administration d’EDF a confirmé la décision attendue d’une augmentation du capital du groupe d’un montant de 4 milliards d’euros, l’État prenant sa part à ce renforcement des fonds propres à hauteur de 3 milliards d’euros. Suivant les précisions ultérieures apportées par le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique (49), cette recapitalisation s’effectuerait sur les marchés, sans besoin de notification à la Commission européenne.

Avec le renoncement à un versement en numéraire des dividendes dus au titre de l’exercice 2015, l’État consent là un effort financier significatif puisque les sommes ainsi investies, soit 4,8 milliards d’euros, représentent près de 7,69 % de la valeur du portefeuille de l’ensemble des participations de l’État au 31 mai 2016 (50). Pour en comprendre la portée, il convient également de rapprocher ce chiffre de celui des excédents du compte d’affectation spéciale des participations de l’État (CAS PFE) censés permettre leur financement, à savoir 2,5 milliards d’euros à la fin de l’exercice 2015. On notera que devant la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale (51), le ministre de l’économie n’a pas exclu qu’à l’avenir, l’État demande à nouveau le versement des dividendes sous forme de titres dans la mesure où cela pouvait soutenir la mise en œuvre du plan stratégique d’EDF. Si l’on estime à près de 3,8 milliards d’euros les sommes ainsi susceptibles de demeurer dans les fonds propres de l’entreprise pour les exercices 2015 à 2017, cette mesure porterait à 6,8 milliards d’euros le montant apporté par l’État au soutien d’EDF, soit plus de 10 % de son portefeuille.

Pour autant, l’importance de cet engagement financier ne doit pas conduire à éluder des interrogations substantielles quant aux modalités et au niveau de rémunération de la participation publique au sein du groupe. Deux conclusions se dégagent en effet de l’historique de la politique de dividendes suivie par EDF que le tableau ci-dessous retrace pour la période 2010-2015.

LA POLITIQUE DE DISTRIBUTION DE DIVIDENDES D’EDF ENTRE 2010 ET 2015

(en millions d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Résultat net courant

3 961

3 520

4 216

4 117

4 852

4 822

Résultat net part du groupe

1 020

3 010

3 316

3 517

3 701

1 187

Dividendes

2 122

2 125

2 309

2 327

2 327

1 420

Dividende par action

1,15

1,15

1,25

1,25

1,25

1,10

Résultat net par action

0,55

0,60

1,93

1,58

0,89

0,14

Cash-flow Groupe après dividendes

309

1 477

2 714

2 199

4 007

2 064

Dividendes versés à l’État

1 828

1 796

1 795

1 801

1 965

-

Dividendes distribués par rapport au résultat net courant

53,57 %

60,37 %

54,77 %

56,52 %

47,96 %

29,45 %

Dividendes versés à l’État par rapport au résultat net courant

46,15 %

51,02 %

42,58 %

43,75 %

40,50 %

-

Sources : EDF, Documents de référence 2011 à 2015 ; « Rapport relatif à l’État actionnaire », annexes aux projets de loi de finances 2012 à 2016.

Celui-ci montre, en premier lieu, une certaine discordance entre l’évolution du montant servi aux actionnaires d’EDF et les performances de l’exploitation du groupe : les dividendes distribués connaissent une augmentation par paliers entre 2011 et 2014 et dépassent le niveau enregistré en 2010 alors que sur la même période, le résultat net courant enregistre des variations relativement sensibles à la hausse comme à la baisse. Le taux de distribution des dividendes en témoigne qui culmine à 60,37 % au titre de l’exercice 2011 quand le résultat net courant accuse un premier fléchissement sur la période. À l’inverse, ce taux décroît de manière continue et très substantielle entre 2013 et 2015, ce dernier exercice étant marqué par une réduction du montant des dividendes de l’ordre de 38,98 %.

Certes, il convient de prendre en considération l’impact sur ces chiffres des différentes formes de rémunération offertes aux actionnaires : ceux-ci ont pu en effet parfaitement réaliser des arbitrages, suivant les circonstances d’exercices et les options ouvertes par le groupe, entre le versement de leurs dividendes en numéraire ou pour l’acquisition de titres. Toutefois, ces chiffres n’en tendent pas moins à donner l’indice d’une politique de dividendes, sans rapport nécessaire avec les aléas susceptibles de peser sur EDF. À cet égard, on pourrait observer que dans la situation d’un groupe très majoritairement détenu par l’État, le versement de dividendes élevés ne peut raisonnablement trouver sa justification dans le besoin d’assurer l’attractivité du titre sur le marché boursier.

En second lieu, il apparaît que sur la période récente, l’État a bénéficié du maintien à un niveau relativement élevé de la rémunération des participations, compris entre 1,8 milliard et 2 milliards d’euros. Ses dividendes ont représenté jusqu’à 51,02 % du résultat net courant d’EDF en 2011 et se sont maintenus, jusqu’en 2015, au-dessus de 40 %. En pourcentage et en valeur absolue, ces chiffres traduisent évidemment l’importance des parts détenues au capital de l’électricien par la puissance publique. Mais il résulte aussi de la politique de distribution de dividendes définie par un conseil d’administration au sein duquel l’État jouit nécessairement d’une influence déterminante. Si une rémunération optimale de ses participations constitue un objectif d’intérêt public, beaucoup d’observateurs ont pu s’interroger, dans le cas d’EDF, sur le primat donné à des considérations de plus court terme, telles que la recherche de ressources supplémentaires afin de remédier au déséquilibre budgétaire.

Quoi qu’il en soit, ainsi que l’a reconnu lui-même le ministre de l’économie devant les commissions parlementaires compétentes (52), il incombe à l’État, en tant qu’actionnaire de long terme, de prendre sa part des efforts requis par la situation d’EDF en réduisant le montant de dividendes qu’il peut exiger du groupe.

Pour autant, la recapitalisation à laquelle s’engage l’État ne saurait être tenue pour le seul remède car elle ne peut que consolider les fonds propres et non améliorer le résultat opérationnel.EDF traverse aujourd’hui des difficultés qui présentent un caractère à la fois conjoncturel et structurel. Au-delà d’un travail sur l’environnement dans lequel le groupe évolue, EDF doit aussi prendre ses propres responsabilités en renouvelant son modèle de développement et de sa stratégie industrielle.

II. RENOUVELER LE MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT ET LA STRATÉGIE INDUSTRIELLE D’UN GROUPE DONT LES FONDAMENTAUX SONT SOLIDES

L’industrie nucléaire française a été en mesure de construire près de 58 réacteurs nucléaires – soit près de huit réacteurs mis en service chaque année dans les années 1980, d’acquérir une expérience d’exploitation de près de 2 000 années sans accident majeur de sûreté tout en se positionnant sur l’ensemble du cycle de l’atome, de la mine au recyclage en passant par l’enrichissement.

La filière nucléaire semble aujourd’hui dans une situation de crise sans précédent dont les symptômes majeurs sont connus : la défaillance industrielle et financière d’AREVA, les dérives financières et temporelles des grands projets du nouveau nucléaire avec Olkiluoto 3 (OL3) et Flamanville 3 (FL3), ainsi que les insuffisantes capacités de financement futures du groupe EDF pour faire face aux investissements nécessaires. Pour autant, la situation actuelle ne doit pas masquer que les fondamentaux d’EDF sont encore solides et ne remettent pas en cause la pérennité et les atouts d’un groupe qui joue et peut continuer de jouer un rôle de leader sur le marché de l’énergie en France et à l’international. Il est nécessaire pour cela de mener à bien la restructuration de la filière nucléaire engagée par le Président de la République en juin 2015, tout en faisant subir à EDF un saut de compétitivité, face à une concurrence nationale et internationale de plus en plus intense, afin de renouer la filière avec une tradition d’excellence dans le domaine du nucléaire et des énergies renouvelables.

A. MENER À BIEN LA RESTRUCTURATION DE LA FILIÈRE NUCLÉAIRE ENGAGÉE AVEC LA CESSION D’AREVA NP ET LA CRÉATION DE NEW CO

La feuille de route présentée le 3 juin 2015 par le Président de la République inscrit le redressement du groupe dans une refondation globale de la filière nucléaire française. Elle met l’accent sur deux impératifs : d’une part, l’élaboration d’un nouveau partenariat et une redéfinition des rôles entre AREVA et EDF dans la conception, la fabrication et la vente des réacteurs ; d’autre part, l’indispensable poursuite du rétablissement de la compétitivité du groupe.

2. Finaliser la cession d’AREVA NP afin de renforcer les synergies dans l’ingénierie et la construction de réacteurs au sein d’EDF

La feuille de route prévoyait qu’EDF avait vocation à devenir actionnaire majoritaire de la filiale AREVA NP, qui rassemble les activités industrielles de construction de réacteurs, d’assemblage de combustible et de services à la base installée. AREVA resterait minoritaire dans la nouvelle structure et devrait recentrer ses activités vers le cycle du combustible. L’État s’engageait pour sa part à recapitaliser le groupe à la hauteur nécessaire pour consolider, en tant qu’investisseur avisé, ses fonds propres. La solution ainsi entérinée par le Gouvernement marquait le refus d’un démantèlement pur et simple du groupe AREVA et la volonté de redonner un sens industriel à la fois au groupe mais aussi à la filière nucléaire dans son ensemble. Elle met néanmoins fin au modèle intégré qui avait prévalu lors de la création d’AREVA et qui avait été au cœur de la stratégie de l’entreprise.

EDF et AREVA ont ainsi signé le 30 juillet 2015 un protocole d’accord non engageant formalisant l’état d’avancement des discussions relatives à la refondation de leurs relations. Ce protocole comporte trois volets :

– l’acquisition par EDF de la société AREVA NP avec un contrôle majoritaire par EDF (au moins 51 %), une participation d’AREVA à hauteur d’un maximum de 25 % dans le cadre d’un partenariat stratégique, et la participation éventuelle d’autres partenaires minoritaires. Un tel rapprochement doit permettre de sécuriser la réalisation du « Grand carénage » pour le parc existant et d’améliorer l’efficacité des prestations d’ingénierie, de gestion de projets et de certaines fabrications grâce à un partage de l’expérience ;

– la création d’une société dédiée, détenue à hauteur de 80 % par EDF et de 20 % par AREVA NP, destinée à optimiser les activités de conception et de gestion de projets des nouveaux réacteurs. La société doit améliorer la préparation et la gestion des projets et les offres de la filière française à l’export grâce à une meilleure coordination stratégique pour l’élaboration des offres et à l’harmonisation et l’élargissement de la gamme de réacteurs, tout en assurant la poursuite des partenariats avec les grands industriels au Japon et en Chine ;

– la conclusion d’un accord de partenariat stratégique et industriel global, couvrant la promotion d’offres intégrées en cas de vente de nouveaux réacteurs à l’export, la coopération dans le domaine du démantèlement et dans celui de l’entreposage des combustibles usés et la coopération dans les études sur les réacteurs de quatrième génération.

Lors de sa réunion du 27 janvier 2016, le conseil d’administration d’EDF a pris connaissance de la finalisation des discussions menées avec AREVA pour l’acquisition par EDF du contrôle des activités d’AREVA NP. Le Conseil a marqué son accord sur la valorisation définitive des activités destinées à être acquises par EDF, qui ressort à 2,5 milliards d’euros pour 100 % du capital d’AREVA NP, ce montant étant susceptible de faire l’objet, en fonction de l’atteinte de certains objectifs de performance mesurés postérieurement à la date de réalisation, d’un éventuel complément de prix d’un montant pouvant atteindre au maximum 350 millions d’euros. Une offre engageante sera formulée par EDF une fois que le dispositif d’immunisation totale d’EDF contre les coûts et les risques du projet OL3 aura été finalisé par AREVA et qu’une décision de l’ASN aura été prise sur la conformité des calottes de l’EPR de Flamanville 3.

Le 15 juin 2016, le groupe AREVA a également présenté une feuille de route pour la période 2016 à 2020 qui prévoit la poursuite de la restructuration du groupe avec la création d’une nouvelle entité recentrée sur le cycle du combustible nucléaire, dénommée provisoirement NEW CO. Au cours des prochains mois, un ensemble NEW CO sera constitué, filiale à 100 % d’AREVA SA, auquel seraient apportées les sociétés AREVA Mines, AREVA Nuclear Cycle, AREVA Projets, AREVA Business Support ainsi que leurs filiales respectives. Dans le cadre de cet apport partiel d’actifs, une partie de la dette d’AREVA SA serait transférée à NEW CO. A l’inverse, les filiales AREVA TA, AREVA Énergies renouvelables et AREVA NP resteraient détenues par AREVA SA jusqu’à la date de leur cession respective ou de leur abandon.

Au cours de l’année 2017, les activités d’AREVA NP seraient cédées à EDF tandis que le contrat de la construction de l’EPR d’Olkiluoto 3 (OL3) resterait dans le périmètre consolidé d’AREVA SA qui assurerait directement l’achèvement des obligations contractuelles. Le choix d’un tel schéma permettrait d’immuniser le groupe EDF des risques potentiels de surcoûts et d’arbitrage du projet OL3. Lors de la cession des activités d’AREVA NP à EDF, entre 15 % et 25 % du capital de l’entité cédée seraient transférés par AREVA SA à NEW CO. Pour sa part, le groupe EDF s’est engagé à procéder au rachat d’entre 51 à 75 % de la filiale AREVA NP, valorisée à près de 2,5 milliards d’euros. Le reste du capital pourrait être ouvert à des actionnaires extérieurs parmi lesquels Mitsubishi Heavy Industrie (MHI) ou la Compagnie nucléaire nationale chinoise (CNNC) : EDF a annoncé avoir signé à cette fin un protocole d’accord avec MHI prévoyant la possibilité d’une prise de participation minoritaire dans AREVA NP (53).

Pour autant, l’état des relations et des négociations entre le producteur d’électricité finlandais Teollisuuden Voima Oyj (TVO) et le groupe AREVA complexifie la réalisation d’un tel schéma. En effet, lors d’une première audition en présence de vos Rapporteurs, le groupe AREVA constatait des « progrès significatifs » dans la recherche d’un règlement du contentieux avec le producteur d’électricité finlandais TVO. Les deux groupes sont aujourd’hui engagés dans une procédure d’arbitrage coûteuse dans laquelle AREVA réclame une indemnisation de 3,52 milliards d’euros alors que TVO demande pour sa part 2,6 milliards d’euros. Lors de la présentation des résultats annuels 2015 du groupe, un communiqué de presse indiquait que « des discussions ont été engagées avec TVO avec pour objectifs de poser les bases communes d’une coopération pour finaliser le projet et pour régler le contentieux », laissant supposer que TVO accepterait le transfert préalable du contrat OL3 d’ AREVA NP vers AREVA-SA, ainsi que la fin des contentieux actuels moyennant le versement de 400 millions d’euros. Cependant, le 26 mai dernier, une annonce de TVO indiquait « qu’un règlement ne serait pas possible ».

L’échec des négociations entre AREVA et TVO a pour conséquence de rendre plus délicate la cession d’AREVA NP à EDF, puisque les clauses contractuelles d’OL3 imposent que tout transfert à une entité tierce du projet nécessite l’accord de l’exploitant finlandais. En l’absence d’accord, il est donc nécessaire de maintenir le contrat OL3 au sein des actifs d’AREVA NP et de transférer l’ensemble des actifs cédés à EDF au sein d’une filiale ad hoc. Cette solution ne nécessite pas théoriquement l’accord de l’exploitant mais s’avère plus complexe à réaliser : elle impose le transfert de tous les actifs et contrats commerciaux en cours et de nouvelles autorisations d’exploitation pour toutes les installations concernées. Le transfert d’AREVA NP pourrait ainsi être retardé de 18 à 24 mois, repoussant d’autant la réalisation de la cession vers EDF, ainsi que l’apport de liquidités pour le groupe.

Vos Rapporteurs estiment qu’une telle situation est particulièrement préoccupante compte tenu des besoins de financement à très court terme de l’entreprise, qui rendent la recapitalisation annoncée d’autant plus nécessaire. Ils soulignent également qu’une telle situation est plus risquée juridiquement bien qu’aucune alternative ne semble davantage satisfaisante.

Vos Rapporteurs rappellent par ailleurs que le projet OL3 a fait l’objet d’une dépréciation supplémentaire pour perte à terminaison de près de 905 millions d’euros en 2015, alors qu’une dépréciation de 720 millions d’euros avait déjà été réalisée en 2014 : ainsi, le montant total des provisions inscrites pour pertes à terminaison s’élèverait à 5,3 milliards d’euros et le coût du réacteur atteint quant à lui près de 10 milliards d’euros. Cette dépréciation supplémentaire se compose de surcoûts opérationnels (anticipation d’un renforcement des équipes pour les phases de démarrage et d’essais), d’une augmentation des coûts et aléas sur les phases d’essai et d’une provision en vue de l’issue probable des discussions engagées avec TVO. Bien que l’avancement actuel du chantier semble respecter les principaux jalons critiques, et devrait être achevé en 2018, vos Rapporteurs s’interrogent tout de même sur les conséquences de la rupture des négociations sur la mise en œuvre prochaine des phases d’essais opérationnelles. Le groupe AREVA s’est toutefois montré confiant quant à la finalisation dans les temps du chantier.

Il conviendrait, en conséquence, d’achever rapidement le transfert et le rapprochement des équipes d’ingénierie dans la construction de réacteur d’AREVA NP et d’EDF afin de mener à leur terme les grands projets nucléaires en cours. À cette fin, les derniers éléments d’incertitude doivent être levés au plus vite : notamment la situation de l’EPR d’OL3 en lien avec la rupture des négociations avec TVO ainsi que le démarrage de FL3 en lien avec l’acceptation partielle ou intégrale par l’ASN des calottes en cas de respect des exigences de sûreté nucléaire.

3. Parachever la restructuration et les efforts de redressement du premier fournisseur d’Électricité de France

Les résultats 2015 du groupe AREVA témoignent des efforts de ce dernier pour redresser sa situation financière et économique, bien qu’il soit encore lesté par un lourd passif. En effet, le résultat net part du groupe est toujours négatif de 2,04 milliards d’euros, dont la moitié résulte de provisions sur les grands projets et sur les coûts de restructuration ainsi que de pertes de valeurs liées aux conditions de marché :

– 194 millions d’euros de perte de valeur au titre de certains actifs relatifs à la mine d’Imouraren au Niger, dont le démarrage interviendra lorsque les conditions du marché de l’uranium le permettront ;

– 905 millions d’euros de pertes à terminaison au titre de l’EPR d’Olkiluoto 3 ;

– 250 millions d’euros de complément de provision au titre du projet CIGEO à la suite de la prise en compte de l’arrêté du 15 janvier 2016 du ministère en charge de l’énergie ;

– 444 millions d’euros de coûts de restructuration notamment au titre des mesures d’accompagnement engagées.

Le carnet de commandes, bien qu’encore très solide à 29 milliards d’euros soit 7 années de chiffre d’affaires, est en recul de l’ordre de 10 % par rapport à la fin de l’année 2014. Enfin, le flux de trésorerie net reste négatif à 590 millions d’euros, témoignant des efforts importants que le groupe doit continuer à conduire en vue d’atteindre un cash-flow net positif.

Le groupe continue également de faire face à des besoins de financement significatifs notamment en raison d’un endettement de près de 6,3 milliards d’euros pour un excédent brut d’exploitation (EBE) de seulement 685 millions d’euros, et devra assurer à court terme le respect d’un échéancier de remboursement serré : sur la période allant de 2015 à 2017, le groupe a ainsi indiqué que ses besoins de financement étaient de l’ordre de 7 milliards d’euros.

Afin d’assurer la continuité d’exploitation de l’entreprise pour 2016 dans l’attente de l’augmentation de capital annoncée, l’État a été contraint de négocier avec six établissements de crédit l’octroi d’un crédit-relais de près de 1,1 milliard d’euros. Il doit permettre notamment d’assurer le remboursement d’une souche d’emprunt obligataire en septembre 2016, pour un montant de 964 millions d’euros, en cas de consommation de trésorerie plus importante qu’anticipée. Au-delà de 2016, le groupe devra faire face à des échéances de dette significatives dont le remboursement :

– d’une souche obligataire expirant en octobre 2016 pour un montant nominal résiduel de 800 millions d’euros environ ;

– du crédit-relais de 1,1 milliard d’euros en janvier 2017 dans l’hypothèse de son utilisation en 2016 ;

– des lignes de crédit bilatérales pour 795 millions d’euros en 2017 ;

– de la ligne de crédit syndiquée de 1,25 milliard d’euros en janvier 2018.

La continuité d’exploitation sera dès lors assurée par la réalisation des mesures prévues dans le plan de financement du groupe, qui comprend un plan de cessions incluant la cession d’une partie d’AREVA NP ainsi que de Canberra et d’AREVA TA, une augmentation de capital de près de 5 milliards d’euros à laquelle l’État doit souscrire, et la réalisation d’un plan d’économie de près de 1 milliard d’euros.

Pour améliorer ses perspectives financières et faire face à ses obligations financières, le groupe a d’abord engagé un plan de cessions significatif : cession des activités d’ingénierie des réacteurs des centrales nucléaires avec AREVA NP hors projet OL3 ; cession des activités de propulsion et réacteurs de recherche avec AREVA TA ; cession des activités de mesures nucléaires avec Canberra (54) ; cession ou abandon progressif des activités dans les énergies renouvelables. La poursuite des opérations de cession doit permettre à l’entreprise de dégager des capacités de financement pour un montant total estimé à 2,9 milliards d’euros.

Le renforcement de la situation financière se fera ensuite au début de l’année 2017 par un renforcement des fonds propres via une augmentation de capital de près de 5 milliards d’euros à laquelle l’État annoncé qu’il participerait en tant qu’actionnaire du groupe, dans le respect de la réglementation européenne en matière d’aide d’État. L’augmentation de capital serait répartie entre d’une part, une augmentation de capital d’AREVA SA, souscrite notamment par l’État et qui prendrait la forme d’une aide au sauvetage au sens du droit européen avec mesures compensatoires, et d’autre part, une augmentation de capital au niveau de NEW CO, souscrite par l’État en tant qu’investisseur avisé ainsi que par des investisseurs stratégiques extérieurs. Les deux augmentations de capital peuvent théoriquement être réalisées de manière indépendante. L’allocation de l’enveloppe de 5 milliards d’euros entre les deux entités reste à définir précisément, bien qu’il soit a priori envisagé de recapitaliser AREVA SA à hauteur de 2 milliards d’euros et NEW CO à hauteur de 3 milliards d’euros. De même, le niveau de la participation effective de l’État, pour le moment estimé à 4 milliards d’euros, pourrait être amené à évoluer en fonction des participations d’actionnaires extérieures.

Vos Rapporteurs estiment qu’il est essentiel d’assurer la réalisation effective des augmentations de capital le plus tôt possible avec le support de l’État et des investisseurs tiers, l’objectif étant que ces opérations soient réalisées au premier trimestre 2017, avec l’accord préalable de la Commission européenne.

Enfin, le redressement de la situation financière du groupe passe à long terme par la poursuite de la mise en œuvre, sur la période allant de 2015 à 2017, d’un plan d’économies de près de 1 milliard d’euros dont 450 millions d’euros sont déjà engagés fin 2015. Parmi les économies réalisées, 320 millions d’euros correspondent à des économies sur les coûts récurrents de l’entreprise : elles ont été réalisées pour moitié sur les achats et pour moitié par la réduction de la masse salariale. À l’horizon 2017, l’ensemble des actions d’économie d’ores et déjà identifiées représente 987 millions d’euros, soit un montant très proche de l’objectif fixé. Ce dernier est également accompagné d’un plan social devant conduire à la suppression de près de 6 000 emplois dans le monde entre 2015 et 2017. En France, un plan de départ volontaire a été négocié avec les organisations syndicales prévoyant la suppression de 2 500 emplois entre 2016 et 2017 dans six sociétés.

Si les mesures envisagées pour rétablir la situation financière du groupe semblent à la hauteur des besoins financiers de ce dernier, le glissement prévisible du calendrier de la cession d’AREVA NP, induit par la rupture des négociations entre TVO et AREVA conduit à renforcer les incertitudes financières du groupe concernant la continuité d’exploitation. Vos Rapporteurs estiment que, en l’absence d’une décision rapide sur le sujet, il sera nécessaire pour faire face aux premières échéances de janvier 2017, soit d’entamer des négociations pour allonger la durée du prêt-relais de quelques mois, soit de faire appel aux pouvoirs publics afin qu’ils consentent éventuellement au groupe une nouvelle aide au sauvetage pour une durée inférieure à six mois, dans le respect du droit de l’Union européenne. Un tel scénario ne pourrait toutefois être réalisé qu’en cas d’extrême urgence. Vos Rapporteurs invitent en conséquence l’Agence des participations de l’État (APE) et le gouvernement à agir le plus rapidement possible pour finaliser, en lien avec la Commission européenne, les recapitalisations envisagées d’AREVA SA et de NEW CO, sans attendre la cession d’AREVA NP à EDF.

B. CONFORTER EDF DANS SA VOCATION DE SERVICE PUBLIC COMPÉTITIF ET D’EXPORTATEUR À L’INTERNATIONAL

Au fond, il s’agit de renouveler certains des termes du compromis historique qui, en 1946, avait présidé à la création du groupe et qui, depuis lors, lie le pays à EDF et à ses salariés. Les enjeux de cette démarche sont multiples : la mise en place d’un modèle de développement et d’une stratégie industrielle rénovés invite en effet à réfléchir aux évolutions possibles du périmètre et de la nature des activités, à considérer les prestations et les produits fournis sur le territoire national et à l’étranger.

Plusieurs des administrateurs salariés entendus par vos Rapporteurs ont mis en exergue que le rôle d’EDF ne se résume pas nécessairement à celui de producteur d’énergie nucléaire. Certes, celle-ci joue un rôle fondamental dans son équilibre économique et dans sa place dans la compétition entre énergéticiens, mais le groupe doit aussi remplir l’ensemble des obligations du service public de l’électricité et, par ailleurs, répondre à la diversité des besoins en énergie, sur le marché domestique comme sur le marché international.

Ce double positionnement assigne au groupe trois obligations : d’une part, poursuivre, dans une conjoncture difficile, un effort de compétitivité indispensable au maintien d’une bonne santé financière ; d’autre part, mener à bien le programme des cessions et envisager une évolution du périmètre et des activités ; enfin, renouer avec une tradition d’excellence dans le domaine nucléaire sans écarter une diversification des sources d’énergie produites.

2. Poursuivre, dans une conjoncture difficile, un effort de compétitivité indispensable au maintien d’une bonne santé financière

En cohérence avec le plan d’EDF « Stratégie CAP 2030 » adoptée en 2015, et face à la perspective d’une faiblesse durable des prix de l’électricité, EDF a présenté lors de son conseil d’administration du 22 avril 2016 un plan d’action visant à inscrire sa gestion et son développement dans une nouvelle trajectoire financière.

Les trois objectifs de la « Stratégie CAP 2030 »

– l’optimisation et la sélectivité des investissements en cohérence avec la « Stratégie CAP 2030 » : EDF prévoit une réduction des investissements du périmètre existant de près de 2 milliards d’euros entre 2015 et 2018, avec un objectif de 10,5 milliards d’euros à l’issue de cette période hors périmètre existant, le groupe envisage d’investir près de 2 milliards d’euros par an en moyenne d’ici à 2018 dans les activités régulées (notamment en vue de l’achèvement de la mise en service des compteurs Linky, de la construction de moyens de production d’électricité à base d’énergies renouvelables, de la réalisation du projet de construction d’Hinkley Point C) ; le montant total des investissements devrait ainsi être compris entre 12,5 milliards et 13,5 milliards d’euros par an au cours des trois prochaines années ;

– la réduction des charges opérationnelles : EDF se fixe un objectif de réduction des coûts, par rapport à 2015, de 700 millions d’euros en 2018 et d’au moins 1 milliard d’euros en 2019 ;

– la conduite d’un plan de cessions d’actifs pour financer les nouveaux développements du groupe : EDF projette de céder des actifs pour un montant de 10 milliards d’euros entre 2015 et 2020.

On soulignera qu’en outre, la mise en œuvre de la « Stratégie CAP 2030 » vise, hors déploiement du compteur Linky et nouveaux développements nets des cessions, un cash-flow après dividendes à nouveau positif en 2018.

À cette aune, les résultats de l’année 2015 peuvent offrir des motifs de satisfaction dans la mesure où, pour l’essentiel, les objectifs fixés sont atteints. Ils doivent être cependant remis en perspective. Si le groupe possède des actifs solides, le bilan de sa situation financière et de son activité met en lumière des contre-performances qui ne donnent que plus de plus de relief à la nécessité, pour le groupe, d’une adaptation aux nouvelles contraintes de son environnement.

a. Des résultats financiers en demi-teinte

L’exercice se solde par une réduction des coûts d’environ 300 millions d’euros par rapport à 2014, les dépenses d’exploitation baissant de 1,4 %. Il s’agit là d’un fait inédit depuis cinq ans, les coûts d’EDF progressant sur un rythme annuel moyen de 3,5 % avant 2014 (dont 2,8 % pour la masse salariale).

Le chiffre d’affaires connaît une hausse de 2,2 %, atteignant un peu plus de 75 milliards d’euros en 2015 (contre seulement 65,17 milliards d’euros en 2010). La hausse du chiffre d’affaire résulte à 53 % de l’activité de l’entreprise en France. L’EBITDA (55) croît de 1,9 % (impact à 65 % lié à l’activité en France) et même de 6,4 % si l’on exclut le rattrapage tarifaire 2012. D’un point de vue opérationnel, les performances se révèlent supérieures aux attentes s’agissant de la fourniture d’électricité d’origine nucléaire : la production atteint en France 416,8 térawattheures (TWh), alors que la prévision initiale ne portait que sur 410 TWh à 415 TWh.

ÉVOLUTION DES PRINCIPAUX AGRÉGATS DES COMPTES D’EDF ENTRE 2010 ET 2015

(en millions d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Chiffre d’affaires

65 165

65 307

72 729

75 594

72 874

75 006

Excédent brut d’exploitation

16 623

14 824

16 084

16 765

17 279

17 601

Pertes de valeur / reprises

– 1 743

– 640

– 752

– 1 012

– 1 189

– 3 500

Résultat d’exploitation

6 240

8 286

8 245

8 411

7 984

4 280

Coût de l’endettement financier brut

– 2 754

– 2 271

– 2 443

– 2 403

– 2 243

– 1 994

Résultats financiers

– 4 426

– 3 780

– 3 362

– 3 089

– 2 551

– 2 588

Résultat avant impôt des sociétés

1 814

4 506

4 883

5 322

5 433

1 692

Résultat net part du groupe

1 020

3 010

3 316

3 517

3 701

1 187

Résultat net courant

3 961

3 520

4 216

4 117

4 852

4 822

             

Investissements opérationnels bruts

 12 241

– 11 134

– 13 396

– 13 327

– 13 721

– 14 789

             

Cash-flow groupe après dividendes

-

-

-

– 2 199

– 4 007

– 2 064

             

Émissions de titres subordonnés à durée indéterminée (TSDI)

-

-

-

6 125

3 970

-

Emprunts et dettes financières

47 777

50 034

59 932

53 313

55 652

64 183

Endettement financier net

34 389

33 285

41 575

35 462

34 208

37 395

Ratio endettement financier net / EBE

2,1

2,2

2,6

2,1

2,0

2,1

Source : EDF, Documents de référence de 2011 à 2015.

En revanche, à périmètre constant par rapport à 2014, les résultats se révèlent plus contrastés, avec un chiffre d’affaires en baisse globale de 1,8 % et un EBITDA en léger retrait de 0,6 %. En s’établissant à environ 1,19 milliard d’euros en 2015 (contre 3,70 milliards d’euros en 2014), le résultat net part du groupe chute de 67,9 % et s’inscrit à un niveau à peine supérieur à celui constaté en 2010 (soit 1,02 milliard d’euros). Le résultat net courant (4,82 milliards d’euros) diminue lui de 0,6 % mais s’inscrit nettement en hausse par rapport à sa valeur en 2010 (3,96 milliards d’euros). On notera, en outre, qu’EDF accuse une contre-performance du point de vue du résultat d’exploitation pour l’exercice 2015 : celui-ci ne s’élève qu’à 4,28 milliards d’euros alors qu’il culminait à 8,41 milliards en 2013 se montait à 6,24 milliards d’euros.

Si l’on examine les résultats d’EDF suivant leur répartition géographique, il convient de souligner que les activités du groupe en France contribuent de manière assez substantielle à ce tableau en demi-teinte. Alors que son chiffre d’affaire apparaît relativement stable, avec un montant de près de 40,57 milliards d’euros en 2015 (– 0,67 % par rapport à 2014), l’électricien enregistre dans l’Hexagone une baisse de 5,58 % de son excédent brut d’exploitation et une chute d’un peu plus de 25,93 % de son résultat d’exploitation.

Par contraste, EDF voit ses résultats augmenter de manière assez spectaculaire au Royaume-Uni et demeurer stables en Italie (56).

Cette apparente précarité des résultats obtenus résulte pour une large part, ainsi qu’expliqué précédemment, de l’évolution des prix de marché de l’électricité et des principales sources d’énergie. La hausse modérée de la consommation d’électricité en France, les bons résultats obtenus des filiales, ainsi que l’application de contrats à terme et de contrats de couverture paraissent aujourd’hui insuffisants pour en atténuer l’impact sur les coûts de production.

Or, EDF voit par ailleurs la part des recettes tirées de tarifs régulés reculer assez sensiblement du fait de l’émergence d’offres concurrentes et à la fin des tarifs jaune et vert. D’après les statistiques développées à plusieurs reprises devant vos Rapporteurs, plus de 60 % du chiffre d’affaire du groupe se trouve désormais exposé à l’évolution des prix de marché (contre à peine 20 % en 2014) et la part restante subit la concurrence potentielle des fournisseurs alternatifs. À la fin de l’exercice 2016, l’électricien public pouvait ainsi déplorer la perte de 30 % de part de marché sur les clients jusqu’ici en tarif réglementé, chiffre non stabilisé puisque sur les 450 000 sites concernés par la nouvelle réglementation, il en restait encore 238 000 au tarif réglementé fin novembre 2015.

Dans les résultats 2015, il convient également de prendre en considération le poids des provisions passées dans les comptes en application des obligations relatives au démantèlement des centrales, ainsi qu’à la participation au financement de la gestion des déchets nucléaires.

D’après les chiffres rendus publics pour l’exercice 2015, la somme des provisions relatives à la gestion du combustible usé et à la gestion à long terme des déchets radioactifs s’élevait, aux conditions économiques de fin d’année, à 45,36 milliards d’euros contre 42,62 milliards d’euros en 2014. Cet alourdissement trouve notamment son origine dans la réévaluation du coût du projet CIGEO (57), l’arrêté du 15 janvier 2016 pris par la ministre en charge de l’énergie fixant à 25 milliards d’euros (aux conditions économiques 2011) le montant nécessaire à sa réalisation (contre 20,8 milliards d’euros suivant les estimations antérieures). En conséquence, EDF a inscrit, au titre de sa participation, une provision supplémentaire de 800 millions d’euros. La déconstruction des centrales nucléaires en exploitation ou arrêtées, ainsi que les travaux sur les derniers cœurs de centrales font quant à eux l’objet d’un provisionnement total d’un montant de 30,19 milliards d’euros dans les comptes de l’exercice 2015, contre 26,66 milliards d’euros en 2014. Cet accroissement s’explique pour l’essentiel par la mise à jour des normes applicables au démantèlement des installations.

Si EDF a depuis lors répété vouloir maintenir ses objectifs, les résultats rendus publics le 11 mai 2016 pour le premier trimestre donnent l’image d’une entreprise confrontée à des difficultés persistantes. Le chiffre d’affaires accuse ainsi un recul de 6,7 % pour la période, pâtissant de la baisse des prix de l’électricité. EDF a ainsi enregistré, à la fin du mois de mars 2016, 21,44 milliards d’euros de ventes, en baisse de 6,0 % à périmètre et taux de change constants. Par ailleurs, le groupe a été conduit à ajuster à la baisse sa prévision de production d’électricité d’origine nucléaire en France à la suite de l’accident survenu à Paluel en Seine-Maritime (58). L’électricien viserait désormais une production comprise entre 408 et 412 térawattheure (TWh) en 2016 – contre 410 à 415 TWh précédemment.

Cela étant, EDF se donne toujours pour ambition d’atteindre en 2016 : un EBITDA compris entre 16,3 et 16,8 milliards d’euros ; un ratio d’endettement financier net sur EBITDA de 2,0 à 2,5 fois ; un taux de distribution du résultat net courant compris entre 55 % et 65 % ; un flux de trésorerie positif après dividendes en 2018. Devant vos Rapporteurs, EDF a indiqué que le groupe avait demandé à ses unités opérationnelles de réduire leurs dépenses, afin de tenir compte du décalage entre le prix prévisionnel qui fondait son plan d’affaires et le cours actuel sur les marchés.

b. Les enjeux d’une maîtrise indispensable des coûts face aux risques inhérents à une dette contenue mais importante

À la fin de l’exercice 2015, les emprunts et dettes financières atteignaient 64,18 milliards d’euros, en augmentation de 15,32 % par rapport à 2014. Ce montant ne s’élevait qu’à 47,78 milliards d’euros en 2010.

L’endettement financier net s’élevait en 2015 à près de 37,40 milliards d’euros, soit une hausse de 9,32 % par rapport à l’exercice précédent. Toutefois, l’examen de la période 2010-2015 montre une relative maîtrise de son évolution : en dehors d’un point haut à environ 41,58 milliards d’euros en 2013, l’endettement financier net a connu des phases régulières de baisse, reculant de 34,39 milliards à 33,29 milliards d’euros entre 2010 et 2011, et de 41,58 milliards d’euros en 2013 à 34,21 milliards d’euros en 2014. Sur l’ensemble de la période considérée, la hausse s’établit à 8,74 %.

L’endettement financier net varie bien entendu en fonction des résultats opérationnels et financiers, de l’importance de la trésorerie disponible (soit aux alentours de 20 milliards d’euros actuellement), ainsi que des ressources procurées par l’acquisition ou la cession d’actifs qui contribuent au réajustement périodique du périmètre des activités. Elle traduit également l’impact des modalités de financement et la politique suivie par le groupe en ce domaine. À cet égard, on notera qu’en 2013 et 2014, la direction d’EDF a résolu de recourir – certes dans un contexte de marché favorable – à l’émission d’obligations hybrides (obligations convertibles ou obligations remboursables en actions notamment), pour un montant cumulé de près de 10 milliards d’euros et avec un horizon de conversion à échéance de 2020.

L’ensemble de ces facteurs et de ces choix affecte nécessairement la capacité du groupe à mener à bien ses investissements et à garantir la soutenabilité de sa trajectoire financière. Entre 2010 et 2015, on observe une réduction de l’ordre 27,6 % du coût de l’endettement financier brut : son montant passe de 2,75 milliards à 1,99 milliard d’euros dans un mouvement de baisse quasi continue, ainsi que l’illustre le tableau ci-dessus. Le ratio endettement financier net/EBITDA s’établit à 2,1 (contre 2,0 en 2014), soit à un niveau conforme à l’objectif fixé par le groupe. En dehors de l’ajustement de la politique d’investissements et du périmètre des activités, l’un des axes de travail possible pour garantir la crédibilité d’EDF sur les marchés peut être sans doute la conduite d’une politique de modération salariale à plus ou moins long terme.

De ce point de vue, l’exercice 2015 marque une première inflexion car pour la première fois depuis cinq ans, les effectifs d’EDF tendent à se stabiliser, voire diminuent, suivant les branches d’activités et les filiales.Ainsi que le montre le tableau ci-après, il en va ainsi des activités du groupe en France : entre 2014 et 2015, les effectifs ne progressent que de 0,98 % alors que sur la période 2010-2015, l’augmentation atteint 10,98 %. Ils s’élèvent aujourd’hui à 133 406 personnes pour les activités du groupe en France.

EFFECTIFS DU GROUPE EDF EN FRANCE DEPUIS 2010

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Évolution 2015/2014

Évolution 2015/2010

EDF - Domaine non régulé

62 201

67 184

69 122

71 088

72 181

71 580

–  0,83 %

+ 15,08 %

Production et ingénierie

35 173

36 569

38 417

40 268

41 545

41 789

– 0,58 %

+ 18,81 %

Commerce

11 627

11 633

11 685

11 731

11 543

10 860

– 5,91 %

– 6,60 %

Fonctions centrales

11 590

11 624

11 559

11 475

11 473

11 450

– 0,20 %

– 1,21 %

Systèmes énergétiques insulaires

3 224

3 183

3 177

3 086

3 005

2 985

– 0,67 %

– 7,41 %

CDI et CDD non statutaires

587

4 175

4 284

4 528

4 615

4 496

– 2,58 %

+ 665,9 %

ERDF - Domaine régulé

34 370

36 770

38 211

38 666

38 859

39 030

+ 0,44 %

+ 13,56 %

Autres filiales France

23 710

23 312

21 995

19 738

21 067

22 796

+ 8,21 %

– 3,85 %

TOTAL

120 281

127 266

129 328

129 492

132 107

133 406

+ 0,98 %

+ 10,91%

Source : Documents de référence 2012, 2014 et 2015.

Quoique plus contrasté – avec l’évolution notable du Royaume-Uni et de l’Italie – le bilan des filiales du groupe à l’étranger fait état d’une baisse globale de 1,34 % des personnels employés entre 2014 et 2015 et de 13,56 % entre 2010 et 2015. Les effectifs d’EDF s’élèvent à 25 706 personnes.

EFFECTIFS DES FILIALES DU GROUPE EDF À L’ÉTRANGER DEPUIS 2010

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Évolution 2015/2014

Évolution 2015/2010

EDF - Energy (UK)

15 441

15 536

15 153

15 162

14 716

13 920

–  5,41 %

– 9,85 %

EDF Trading (UK)

888

904

1 025

1 028

1 011

988

– 2,27 %

+ 11,26 %

Edison (Italie)

1 929

1 843

3 248

3 240

3 101

3 066

– 1,13 %

+ 58,94 %

Autres filiales étrangères

11 481

10 619

10 986

9 545

7 226

7 732

+ 7,00 %

– 32,65 %

Europe de l’Est

6 421

5 606

6 015

4 699

4 257

3 938

– 7,49 %

– 38,67 %

Europe de l’Ouest et Méditerranée-Afrique

3 553

3 518

3 450

3 350

2 804

3 467

+ 23,64 %

– 2,42 %

Asie-Pacifique

76

75

75

74

76

224

+ 194,7 %

+ 194,7 %

Amériques

1 431

1 420

1 446

1 422

89

103

+ 15,73 %

– 92,80 %

TOTAL

29 739

28 902

30 412

28 975

26 054

25 706

– 1,34 %

– 13,56 %

Source : EDF, Documents de référence 2012, 2014 et 2015.

Cette évolution apparaît conforme aux objectifs que s’assigne l’électricien, dans le cadre de la trajectoire financière fixée par la « Stratégie CAP 2030 » : diminuer les effectifs de manière parfaitement compatible avec la sûreté nucléaire. En effet, EDF a mené entre 2010 et 2015 une politique d’embauches supérieures aux besoins en emplois, afin d’anticiper l’évolution de la pyramide des âges et de préparer la relève des métiers. En conséquence, la suppression prévue de 4 500 emplois ne se traduira pas par des licenciements mais se fera par le non-renouvellement de postes. Ainsi peut se comprendre le taux de remplacement des départs à la retraite de 100 % qu’affiche le document de référence pour 2015.

La stabilisation ou la décroissance des effectifs n’en rend pas moins indispensable la maîtrise durable de l’évolution de la masse salariale.

Certes, d’après l’analyse développée devant vos Rapporteurs par les représentants d’EDF, la hausse observée en 2015 participe davantage de l’augmentation du nombre des emplois que d’une hausse des salaires à proprement parler. Néanmoins, le rythme de progression des charges de personnel conserve un caractère dynamique entre 2014 et 2015, avec une hausse des charges de personnel de 6,31 %, en retrait par rapport à la hausse enregistrée sur la période 2010-2015 (9,69 %).

Pour partie, ces chiffres résultent d’une politique salariale qui semble s’être adaptée de manière assez récente aux contraintes nouvelles de son environnement de marché. Mais ils peuvent également mettre en lumière une donnée plus structurelle qui, selon l’analyse des représentants de la Cour des comptes, peut aboutir à une masse salariale relativement ou trop élevée : il s’agit des implications, tant financières qu’opérationnelles, de la mise en œuvre d’accords salariaux et sociaux qui, au-delà du cadre posé par le statut des industries électriques et gazières (59), apparaissent très favorables pour un groupe en difficulté. Les provisions pour charges de personnel représentent dans leur ensemble, pour le groupe EDF, un engagement de l’ordre de 22,54 milliards d’euros à la fin de l’exercice 2015, en retrait par rapport au montant inscrit en 2014 (24,12 milliards d’euros).

ÉVOLUTION DES CHARGES DE PERSONNEL
DU GROUPE EDF DEPUIS 2010

 

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Évolution 2015-2014

Évolution 2015/2010

Rémunérations

7 513

7 119

7 423

7 493

7 426

7 878

+ 6,09 %

+ 4,86 %

Charges de Sécurité sociale

1 459

1 346

1 641

1 769

1 668

1 867

+ 11,93 %

+ 27,96 %

Intéressement et participation

205

211

211

245

257

274

+ 6,61 %

+ 33,66 %

Autres contributions liées au personnel

357

375

372

388

373

388

+ 4,02 %

+ 8,68 %

Autres charges liées aux avantages à court terme

215

206

229

99

242

236

– 2,48 %

+ 9,77 %

Avantages à court terme

9 749

9 257

9 876

9 994

9 966

10 643

+ 6,79 %

+ 9,17 %

Charges liées aux régimes à cotisation définies

733

730

795

802

852

949

+ 11,38 %

+ 29,47 %

Charges liées aux régimes à prestations définies

855

697

755

948

723

952

+ 31,67 %

+ 11,35 %

Avantages postérieurs à l’emploi

1 588

1 427

1 550

1 750

1 575

1 901

+ 20,70 %

+ 19,71 %

Autres avantages à long terme

89

1 116

282

123

237

11

– 95,36 %

– 87,64 %

Indemnités de fin de contrat

4

2

2

12

7

4

– 42,86 %

0 %

Autres charges de personnel

85

118

284

135

244

15

– 93,85 %

– 82,35 %

TOTAL

11 422

10 802

11 710

11 879

11 785

12 529

+ 6 ,31 %

+ 9,69 %

Source : Documents de référence 2011 à 2015.

Le renouvellement des compétences indispensables à la maîtrise des savoir-faire, notamment au regard de l’impératif que constitue la protection de la sûreté nucléaire, peut justifier une politique salariale attractive. Cet enjeu n’exclut pas pour autant des adaptations nécessaires pour faire face à une concurrence renouvelée. Dans cette optique, on peut se féliciter que le dialogue social au sein d’EDF permette d’aborder des questions aussi complexes et essentielles pour son avenir que celles touchant par exemple à l’organisation du travail (60).

3. Mener à bien le programme des cessions et envisager une évolution du périmètre et des activités

Dans le cadre de la « Stratégie CAP 2030 », EDF a inscrit parmi ses objectifs la réalisation d’un programme de cessions d’un montant de dix milliards d’euros entre 2015 et 2020.

En droit, le groupe se compose de deux principales entités : EDF à proprement parler et EDF international. Celles-ci disposent de filiales par l’intermédiaire desquelles elles contrôlent ou jouent une influence plus ou moins prépondérante dans des entreprises aux statuts divers. EDF possède ainsi, par le biais de ses sept filiales, des participations majoritaires ou non, directes ou indirectes, dans près de dix-huit sociétés ; par l’entremise des dix-huit filiales EDF à l’étranger, EDF international contrôle seize groupes ou entreprises (61).

L’étendue du périmètre de l’électricien trouve d’abord son origine dans le concept de modèle intégré sur le fondement duquel EDF a été bâti en 1946. Il constitue également l’héritage d’une stratégie de développement tous azimuts, engagée au cours de la décennie 1990 et poursuivie jusqu’au début des années 2000. Il s’agissait alors de s’assurer de relais de croissance permettant à EDF de s’affranchir des contraintes et des limites que pouvaient déjà présenter la production et la vente d’électricité à la seule échelle de l’hexagone.

Dans un marché déprimé et face à des investissements s’avérant insuffisamment rentables, reconsidérer les engagements d’EDF qui ne vont pas de soi alors que le groupe entend renforcer son cœur de métier, paraît adapté.

Il en va ainsi de certains actifs de production d’électricité d’origine thermique situés hors de France et de participations minoritaires. Ainsi que l’ont relevé les représentants de la Cour des comptes, des ajustements demeurent possibles : EDF possède encore des actifs périphériques en Europe centrale ; elle peut exercer une option de vente sur des actifs américains pendant une durée de six ans. Du reste, la question de la vente des actifs belges demeure posée depuis deux ans, cette opération étant contrariée par l’opposition des collectivités territoriales actionnaires de ce pays.

En raison de son objet et de ses activités, EDF Trading appelle sans doute une réflexion spécifique par rapport à la définition du cœur de métier d’EDF. Filiale de droit britannique établie à Londres, cette société se présente comme l’opérateur d’EDF sur les marchés de gros de l’énergie. Pour le compte du groupe, et parfois en son nom propre, elle intervient sur le marché de gros de l’électricité, du gaz naturel, du gaz naturel liquéfié et du gaz de pétrole liquéfié. Elle y fournit des services d’optimisation et de gestion des risques, gère des portefeuilles d’actifs et de contrats à terme, assume une fonction de négoce d’actifs physiques de gestion de stocks d’énergie. EDF Trading est particulièrement présente et active sur les marchés nord-américains de l’électricité et du gaz. Le résultat de cette activité permet le reversement à la société-mère de 750 millions d’euros par an. Les fonds propres atteignent la somme d’1 milliard d’euros.

Compte tenu du volume de ses affaires, la question posée est moins celle de l’existence d’EDF Trading que de l’exposition d’EDF aux risques des marchés de négoce par son intermédiaire. On peut parfaitement concevoir que la filiale présente l’avantage d’offrir à EDF une connaissance du fonctionnement des marchés de l’énergie qui conditionne son résultat. Sa mission consiste d’ailleurs à donner au groupe l’accès à de nouveaux marchés et régions. Dès lors, il s’agit de veiller à ce qu’EDF dispose d’outils de gestion des risques et d’un contrôle interne suffisamment étoffés pour prévenir toute exposition malencontreuse.

La cession d’une partie du capital de Réseau de transport d’électricité (RTE) pose des questions tout aussi substantielles mais paraît fondée dans son principe et dans ses objectifs.

Créée en 2000 afin d’organiser un accès non discriminatoire au réseau d’électricité (62) par EDF, RTE constitue depuis 2005 une filiale dont le groupe détient l’intégralité du capital. Elle assure aujourd’hui, en toute indépendance du fait de son statut, la gestion et l’entretien du réseau d’électricité pour l’ensemble des opérateurs. Suivant la « Stratégie CAP 2030 », l’opération consisterait pour EDF à se séparer de la moitié des participations. Suivant la précision apportée par le ministre de l’économie au Sénat (63), cette ouverture du capital à des actionnaires minoritaires serait conduite en collaboration avec les directions d’EDF et de RTE et sur la base d’un projet industriel (64).

D’un point de vue juridique, cette opération exige de régler certains préalables. RTE a ainsi rappelé qu’en vertu du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 relatif au caractère national des monopoles naturels, le capital de l’entreprise ne peut être détenu que par des personnes publiques. L’article 7 de la loi du 9 août 2004 (65) consacre ce principe en disposant que le capital du gestionnaire du réseau public de transport d’électricité « est détenu en totalité par Électricité de France, l’État ou d’autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public ».

D’un point de vue financier, il convient de rappeler la contribution de RTE aux résultats financiers d’EDF. D’après les éléments communiqués à vos Rapporteurs, le gestionnaire du réseau aurait versé, entre 2013 et 2015, 635 millions d’euros à l’électricien. Dès lors, RTE représente bien un actif valorisable pour le groupe.

Aussi, la cession envisagée apparaît comme une suite logique de l’évolution des rapports entre les deux entités, ainsi que des changements apportés par les pouvoirs publics au modèle intégré. Au regard de la réglementation européenne et des règles de séparation, RTE n’est pas consolidé par EDF ; il n’a aucun lien avec lui pour ses ressources humaines ou sa chaîne de commandement. EDF n’assure aucun rôle particulier dans la gouvernance de RTE malgré la détention du capital. Dès lors, l’ouverture du capital à des actionnaires publics minoritaires peut se justifier sous réserve qu’elle s’accompagne de l’établissement d’un véritable projet industriel pour RTE.

Au-delà de considérations exclusivement financières, il appartient à EDF de faire évoluer le périmètre de ses activités de sorte de mieux valoriser ses actifs et de répondre aux besoins de ses clients. Cette exigence porte en elle une nécessité : redéfinir les missions et la stratégie du groupe sur le territoire national et sur le marché international.

4. Renouer avec une tradition d’excellence dans le domaine nucléaire sans écarter une diversification des sources d’énergie produites

Les difficultés observées dans la réalisation des grands projets de construction du nouveau nucléaire, ainsi que les anomalies repérées sur l’ensemble du parc nucléaire à la suite des contrôles de qualité réalisés dans les usines de fabrication de composant d’AREVA, posent la question de la perte des compétences et du savoir-faire de la France dans le secteur de la construction de réacteurs. Pendant près d’une quinzaine d’années entre la réalisation de Civaux 2 et le début de la construction de l’EPR de Flamanville 3, la filière nucléaire a connu une période de vide qui a pesé sur le savoir-faire des donneurs d’ordres, à savoir EDF, et celui de ses partenaires industriels, tel qu’AREVA, en particulier dans le pilotage de grands projets et leur exécution industrielle qui explique en partie les dérives financières et de délais que ces projets connaissent, au-delà du caractère de tête de série de l’EPR.

Les enjeux pour la filière sont conséquents, tant du point de vue national où il est désormais nécessaire de maintenir et renforcer un savoir-faire essentiel à la réalisation de la prolongation et du renouvellement du parc à venir, que du point de vue international où le rayonnement de la filière nucléaire est en jeu. Il convient ainsi de s’attacher à renouveler le modèle industriel et la stratégie internationale, Électricité de France, afin d’en préserver la tradition d’excellence.

a. Maintenir et renforcer un savoir-faire et des compétences essentielles à la compétitivité et à la sûreté de la filière nucléaire nationale

L’importance des dérapages dans la gestion des coûts et des délais pour la réalisation des grands projets du nouveau nucléaire, ainsi que les révélations de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur la découverte de nombreuses anomalies dans les processus de fabrication en France de composants lourds des centrales nucléaires, conduisent vos Rapporteurs à insister sur la nécessité de rétablir et de renforcer au plus vite les compétences de la filière nucléaire nationale.

Pour la réalisation du projet EPR de Flamanville 3 (FL3), EDF s’est positionné en tant qu’exploitant-architecte-ensemblier, sans pour autant parvenir, à plusieurs reprises, à respecter ses engagements en termes de maîtrise des coûts et des délais. L’état d’avancement du chantier, dont le coût total est désormais estimé à près de 10,5 milliards d’euros pour une mise en service au quatrième trimestre 2018, semble désormais en ligne avec le calendrier d’EDF. Des étapes importantes ont été franchies sur le chantier avec la finalisation des montages mécaniques du circuit primaire au premier trimestre 2016. En conséquence, pour tenir compte de l’évolution du calendrier des travaux, EDF a effectué une demande de modification de la date limite de mise en service fixée dans le décret d’autorisation de création et initialement fixée à 2017. EDF a également déposé une demande d’autorisation de mise en service de FL3 en mars 2015 auprès de l’ASN, qui en a accusé réception et a engagé l’instruction technique du dossier, tout en identifiant des compléments à apporter.

L’avenir du réacteur est toutefois suspendu à la réalisation d’un programme d’essais concernant l’aptitude au service du couvercle et du fond de la cuve de l’EPR. L’ASN estime que doivent être étudiés « dès à présent des scénarios techniques alternatifs, tels que le remplacement du fond de cuve et la fabrication d’un nouveau couvercle » en rappelant que « on ne peut pas exclure que l’instruction conduise à ne pas accepter le couvercle et le fond de cuve » (66). EDF et AREVA ont confirmé étudier l’ensemble des scénarios, conformément aux demandes de l’ASN, mais affirment ne pas avoir d’inquiétudes quant à la conformité des calottes par rapport aux exigences de sûreté de l’ASN. Dans l’attente, la réalisation du programme d’essais se poursuit et une décision devrait être rendue au cours du premier semestre 2017.

Vos Rapporteurs rappellent que la conformité de la cuve de FL3 constitue une condition suspensive pour le rachat par EDF d’AREVA NP et conditionne potentiellement le démarrage des réacteurs de Taishan.

EDF est également actionnaire de Taishan Nuclear Power Joint Venture Company Limited (TNPJVC), société qui a pour objet de construire et exploiter deux réacteurs nucléaires de technologie EPR à Taishan, dans la province chinoise du Guangdong. En 2015, la première tranche est passée en phase d’essais et la seconde tranche en phase de montage de masse. China General Nuclear Power Corporation (CGN) a confirmé en juin dernier que la construction des réacteurs avançait conformément aux prévisions pour une mise en route de l’unité 1 prévue en 2017.

Vos Rapporteurs rappellent toutefois qu’une éventuelle non-conformité ou conformité partielle des cuves de Flamanville pourrait avoir des conséquences sur les chantiers de l’EPR chinois. Ils rappellent également qu’un report de la décision de l’ASN sur la conformité des cuves pourrait induire un report dommageable du démarrage de Taishan, si l’autorité de surveillance chinoise fait le choix d’attendre les résultats des essais en cours sur FL3.

Néanmoins, les écarts de ségrégation en carbone découvert sur la cuve et le couvercle de l’EPR de Flamanville ont conduit à mettre à jour d’importants défauts de contrôle qualité. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a ainsi estimé, dans le cadre de la construction de l’EPR de Flamanville, que « l’exigence de qualification technique n’était pas respectée et qu’AREVA n’a pas fait le choix de la meilleure technique disponible pour la réalisation des calottes de la cuve » (67). Une revue de la qualité de la fabrication des composants de l’usine de Creusot Forge a été engagée en avril 2015 par AREVA à la demande de l’ASN. Celle-ci a jugé en janvier 2016 que « les actions d’audits menées par AREVA jusqu’à présent ne sont pas suffisantes (…) [pour] obtenir une vision d’ensemble de la pertinence de l’organisation et des pratiques de Creusot Forge, de la qualité des pièces produites (…) et de la culture de sûreté ». L’ASN a dès lors demandé à AREVA de compléter la revue de la qualité en remontant au moins jusqu’en 2004, date des premières fabrications destinées à l’EPR, alors que le premier audit s’arrêtait à 2010.

En avril 2016, AREVA a informé l’ASN des premiers résultats de cette analyse complémentaire qui mettent en évidence des irrégularités dans le contrôle de fabrication d’environ 420 pièces produites depuis 1965, dont une partie serait en service sur le parc électronucléaire français ou sur des installations situées à l’étranger. Ces irrégularités consistent en des incohérences, des modifications ou des omissions dans les dossiers de fabrication portant sur des paramètres de fabrication ou des résultats d’essais. L’ASN a dès lors décidé de mener une instruction technique sur la base des éléments transmis et de s’assurer avant chaque redémarrage de réacteur que les irrégularités détectées ne remettent pas en cause la sûreté. Le 15 juin 2016, EDF a indiqué à l’ASN avoir terminé la caractérisation de 79 des 80 irrégularités identifiées à ce stade comme affectant ses réacteurs en exploitation. EDF conclut que ces irrégularités n’ont pas de conséquence sur la sûreté des réacteurs concernés. L’irrégularité encore en cours de caractérisation concerne un générateur de vapeur du réacteur 2 de la centrale nucléaire de Fessenheim. Afin de réaliser des investigations complémentaires, EDF a procédé à la mise à l’arrêt du réacteur et a transmis des premiers éléments d’analyse à l’ASN le 15 juin 2016. Le 16 juin 2016, l’ASN indiquait que « les investigations se poursuivent et sont susceptibles de mettre en évidence de nouvelles irrégularités » et que le processus de revue sera conduit à son terme « afin d’apprécier l’ensemble des anomalies qui ont pu affecter les fabrications passées et en tirer les conséquences éventuelles sur la sûreté des installations » (68). Enfin, le 23 juin dernier, l’ASN a indiqué que « les analyses menées par EDF depuis 2015 concluent que certains fonds primaires de générateurs de vapeur pourraient présenter une zone de concentration importante en carbone pouvant conduire à des propriétés mécaniques plus faibles qu’attendues » et a demandé à l’exploitant « de justifier la résistance mécanique de ces fonds primaires qui ont été fabriqués par Creusot Forge ». Dans ce contexte, vos Rapporteurs s’interrogent sur les risques juridiques et financiers que ces anomalies peuvent induire pour AREVA NP.

En raison du nombre important d’anomalies détectées sur le parc français, vos Rapporteurs seront attentifs à ce qu’un retour d’expérience des anomalies sur la cuve de l’EPR de Flamanville et sur l’ensemble du parc nucléaire soit réalisé par l’ASN dans les meilleurs délais, et à ce que l’ensemble des conséquences sur la sûreté des installations soient identifiées. Ils estiment qu’il est nécessaire d’en tirer toutes les conséquences dans le pilotage des grands chantiers de la filière et pour la réalisation du « Grand carénage ».

Dans cette perspective, EDF a présenté le 3 septembre 2015 une nouvelle organisation pour le projet de l’EPR de Flamanville afin d’améliorer la maîtrise industrielle du chantier jusqu’à sa mise en service. Cette nouvelle organisation prévoit :

– la refonte complète de l’organisation du projet et des modes de travail autour d’une direction de projet resserrée et directement rattachée au directeur exécutif en charge des grands projets à EDF ;

– la mise en place d’instances associant EDF et ses partenaires pour piloter, coordonner et suivre le projet de manière rapprochée ;

– le renforcement des responsabilités sur le terrain et une présence de l’encadrement accrue dans la phase d’achèvement de la construction et de préparation des essais ;

– la mise en place de nouveaux cadres contractuels avec les principaux fournisseurs et sous-traitants ;

– le renforcement des échanges avec l’ASN en particulier dans le cadre de la nouvelle réglementation sur les équipements sous pression nucléaire.

L’année 2015 marque également la création d’une « Direction ingénierie et projets nouveau nucléaire » qui a pour vocation d’améliorer la performance des projets du nouveau nucléaire (principalement Flamanville 3 et Hinkley Point C), de préparer les réacteurs de demain (principalement l’EPR-NM) et d’organiser le rapprochement avec les équipes d’AREVA NP en vue d’une meilleure efficacité.

b. Assurer le rayonnement de la filière nucléaire française par la participation à des projets ambitieux et le renouvellement des produits

Si le renforcement du savoir-faire et des compétences est essentiel pour l’avenir du groupe EDF, c’est aussi parce que des opportunités commerciales se présentent. La réalisation de grands projets à l’international est structurante pour la mise en service de la troisième génération de réacteurs et est pour la filière française une nécessité compte tenu de l’intensité concurrentielle sur le marché international et du renouvellement à venir du parc nucléaire français.

Le marché de la construction neuve de réacteurs nucléaires de puissance est en croissance, malgré le coup d’arrêt temporaire dû à l’accident de Fukushima. Si la World Nuclear Association comptabilisait entre 1996 et 2005 seulement 32 nouvelles constructions de réacteurs dans le monde, elle en dénombrait 81 entre 2006 et 2015, soit 2,5 fois plus que sur la précédente décennie. Elle estime également qu’il existe actuellement dans le monde 173 projets de construction approuvés, en partie ou totalement financés, dont la mise en opération du réacteur est programmée d’ici 2026 (69). Sur la fourniture de ces réacteurs, la France, avec les EPR ou les ATMEA, détiendrait un peu plus de 10 % de part de marché, derrière la Russie et les acteurs américano-japonais qui représentent environ un tiers du marché chacun (70). Les concurrents internationaux du groupe proposent des offres souvent plus attractives sur le critère du transfert de technologie ou du financement. Le critère du transfert de technologie était essentiel pour les acteurs chinois dans l’évaluation des offres internationales compte tenu de leur ambition de développer leurs compétences de maîtrise d’œuvre tout en concevant leur propre modèle de réacteur Hualong CPR 1 000. Les conditions de financement sont une autre clé de la compétitivité et du choix de modèle d’affaires à l’export : les offres russe, chinoise ou même coréenne comportent des conditions financières plus compétitives que celles proposées par les industriels français.

Vos Rapporteurs estiment donc essentiel de restaurer la crédibilité de la filière nucléaire française en démontrant sa capacité à tenir ses engagements et à réaliser de grands projets d’ingénierie dans le nucléaire.

La réalisation d’Hinkley Point C (HPC)

La réalisation du projet d’Hinkley Point C (HPC) est sans doute la dernière occasion pour EDF de restaurer la notoriété de l’industrie française nucléaire à l’international et gagner de nouvelles parts de marché sur un marché fortement concurrentiel. Le 21 octobre 2015, EDF Energy (71) et China General Nuclear Power Corporation (CGN) ont signé un accord stratégique d’investissement à caractère non engageant pour la construction et l’exploitation de la centrale nucléaire envisagée à HPC dans le Somerset, définissant les prochaines étapes pour une décision finale d’investissement. Les deux groupes ont également annoncé leur volonté de collaborer pour développer à moyen terme de nouvelles offres nucléaires sur les sites de Sizewell C et de Bradwell B, ainsi que de collaborer pour adapter et certifier au Royaume-Uni la technologie nucléaire chinoise CPR 1 000. Les deux réacteurs de 1,6 GW d’HPC couvriront près de 7 % des besoins en électricité du Royaume-Uni. Le processus de consultation du comité central d’entreprise (CCE) du groupe ayant échoué (ce dernier ayant indiqué ne pas être en mesure de rendre valablement un avis en raison d’un manque d’information de la direction), la décision finale d’investissement sur HPC devrait être prise prochainement après approbation préalable par le conseil d’administration d’EDF. Une décision finale d’investissement devrait en conséquence théoriquement intervenir au cours du mois de septembre 2016.

Dans l’attente de la décision, la phase de développement du projet HPC est bien avancée : la planification des travaux de construction et la conception du réacteur EPR ont été validées, et une licence d’exploitation du site nucléaire a été accordée. Des contrats avec plusieurs fournisseurs clés ont été finalisés et des travaux de pré-aménagement ont également été réalisés. Le groupe EDF a annoncé en mars 2015 que l’ensemble des travaux préparatoires aurait déjà coûté à EDF près de 2,4 milliards de livres et lui coûterait près de 55 millions de livres supplémentaires par mois.

Les aspects contractuels et industriels du projet ont été examinés notamment par des experts indépendants. En effet, l’expérience des retards de mise en service et des dépassements de coûts sur les grands chantiers d’EPR en cours, ainsi que le renforcement de la contrainte financière pesant sur l’entreprise, invite à la prudence face à un investissement d’une telle ampleur. Une revue de projet des risques conduite fin 2015 et a été consultée par vos Rapporteurs : elle établit de manière extrêmement précise les risques autour du projet ainsi qu’une série de recommandations pour y faire face.

Tout d’abord, l’équilibre économique du contrat est réputé garanti par les termes du contrat pour différence (Contract for Difference – CFD) qui constitue un élément sécurisant pour EDF, lequel a déjà été négocié en 2013 puis approuvé par la Commission européenne en 2014. Néanmoins, l’Autriche et Greenpeace Energy associé à d’autres sociétés autrichiennes ou allemandes ont déposé en juillet 2015 un recours, non suspensif, contre la décision de la Commission européenne. Le gouvernement britannique ainsi que EDF Energy ont affirmé être confiants quant à l’issue du recours (72).

Le contrat pour différence négocié avec le gouvernement britannique prévoit deux situations à compter de la mise en service de la centrale : si le prix de marché auquel le producteur vend l’électricité sur le marché est inférieur au prix défini dans le contrat, le producteur recevra un paiement complémentaire ; à l’inverse, si le prix de marché est supérieur au prix défini, le producteur reversera la différence. Le prix défini contractuellement pour HPC est fixé à 92,5 livres 2012 par MWh pendant 35 ans (73), le tout étant indexé sur l’inflation. Le contrat précise toutefois que si des économies sont réalisées lors de la construction du projet HPC, elles seront partagées avec les consommateurs sous la forme d’une baisse du prix défini. Le prix garanti reflète les coûts de construction de la centrale, les coûts de fonctionnement ainsi qu’un juste retour sur investissement tenant compte des risques entrepris par le groupe et les autres investisseurs partenaires. L’importance de l’écart actuel entre le prix garanti et le prix observé sur le marché de l’électricité doit être relativisée : une véritable comparaison doit être effectuée avec le prix de l’électricité entre 2025 et 2060 par rapport à ce que seront, durant cette période, les prix d’une production alternative à faibles émissions de gaz à effet de serre. En ce qui concerne une éventuelle garantie de volume appelé, vos Rapporteurs ont constaté qu’une série de dispositions permettent de sécuriser l’opération et de garantir un volume minimal sur la période. L’accord permet ainsi à EDF Energy de bénéficier de prix de vente stables et prévisibles qui couvrent l’ensemble des coûts complets du projet ainsi qu’un taux de retour sur investissement adapté aux risques entrepris. Il protège également EDF contre d’éventuels changements législatifs et réglementaires.

Le coût total de construction jusqu’à la mise en service d’HPC est estimé à une valeur nominale de 18 milliards de livres, coût qui inclut déjà une marge pour imprévus. L’éventuelle marge de 15 %, soit 2,7 milliards de livres, ne correspond pas à un surcoût au projet actuel : il s’agit d’un accord de principe entre les actionnaires au projet afin de s’assurer que le financement sera toujours disponible en cas de scénarios extrêmes (74). La mise en service du réacteur, prévue initialement en 2025, dépendra de la date de la décision finale d’investissement : le planning opérationnel prévoit la mise en service du premier réacteur 115 mois après la décision finale d’investissement. La participation d’EDF dans HPC s’élèvera à 66,5 % et celle de CGN à 33,5 % : EDF devrait donc mobiliser environ 12 milliards de livres, financés sur fonds propres et consolidés par intégration globale dans son bilan. Le groupe a toutefois l’intention d’inviter à terme de nouveaux investisseurs dans le projet sans toutefois en perdre le contrôle. Le schéma de financement du projet a toutefois substantiellement évolué depuis le lancement de ce dernier, en raison de la sortie d’AREVA qui aurait pu financer 10 % du projet, le rachat d’AREVA NP par EDF, ainsi que les modifications récentes de la situation économique de l’entreprise. L’abandon de la déconsolidation financière du projet a également entraîné de facto l’annulation de la garantie de l’État anglais. Il reste toutefois la possibilité pour EDF de bénéficier de la garantie du gouvernement britannique sur les projets d’infrastructures, également validée par la Commission européenne, pour un montant de 2 milliards de livres. Le coût de réalisation du projet ne représente toutefois que 15 % des investissements annuels du groupe, avec une mobilisation des capitaux plus forte à partir de 2019. En dépit de contraintes financières pour l’exploitant, vos Rapporteurs estiment que compte tenu de la recapitalisation envisagée par l’État, des engagements de versement des dividendes sous forme d’actions pendant deux années supplémentaires, de l’importance du plan de cession envisagée incluant notamment RTE, et des efforts de compétitivité entrepris par l’entreprise, le risque financier peut aujourd’hui être porté par EDF de manière raisonnable. Vos Rapporteurs rappellent enfin qu’EDF ne s’interdit pas de faire appel à des partenaires extérieurs pour parfaire le financement après la mise en service de Flamanville 3.

Le projet HPC est également un projet rentable pour le groupe avec un taux de rentabilité prévisionnel (TRI) proche de 9 % sur l’ensemble de la durée du projet (75). La sensibilité de la rentabilité du projet en fonction des éventuels dépassements de coûts ou de délai a fait l’objet d’une analyse sérieuse qui ne remet pas en cause sa viabilité économique. La sensibilité du TRI est ainsi d’environ 20 points de base pour six mois de retard. Une telle situation aurait cependant un impact sur la structure financière et sur la crédibilité de l’entreprise à plus long terme.

Sans minimiser l’importance de l’investissement financier ni les risques industriels liés au projet, vos Rapporteurs ont également constaté que la courbe d’expérience des chantiers en cours sera bénéfique pour la réalisation d’HPC. Compte tenu du calendrier actuel de démarrage des réacteurs de Taishan, le chantier d’HPC pourra profiter de la courbe d’expérience de Taishan même en l’absence d’un report de la décision finale d’investissement d’HPC. Ils notent également qu’au fur et à mesure de l’avancement des EPR en cours, les équipes d’EDF et d’AREVA travailleront ensemble à travers la création d’une co-entreprise dédiée pour tirer les leçons des erreurs commises et profiter à l’avenir de solutions adaptées. L’intégration des équipes, y compris des principaux fournisseurs, a également été renforcée par la mise en place de centres de pilotage de l’ingénierie et de la construction. Vos Rapporteurs notent enfin que la fabrication du couvercle et du fond de la cuve devrait être confiée à Japan Steel Works (JSW).

Enfin, vos Rapporteurs ont rencontré les principaux représentants de salariés du conseil d’administration du groupe qui ont fait part de leur demande de reporter de deux ou trois années le projet d’HPC pour d’une part, prendre en compte le retour d’expérience des réacteurs en construction tels que Taishan ou Flamanville, et d’autre part, substituer au projet actuel celui de l’EPR nouveau-modèle en cours d’élaboration par EDF et AREVA. Si le report de plusieurs années peut sembler la solution la plus confortable sur le plan technique et financier, elle induit le risque d’une perte du contrat au profit des principaux concurrents d’EDF sans pour autant garantir un meilleur retour d’expérience des chantiers en cours : le Royaume-Uni peut difficilement attendre plusieurs années sans remettre en cause l’orientation actuelle de sa politique énergétique, en raison de l’arrivée à maturité du parc thermique à l’horizon 2025 (30 % de la production d’électricité) et du parc nucléaire à l’horizon 2030 (16 % de la production d’électricité), ainsi que de ses engagements en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) à la suite de la COP 21. Le développement drastique de l’éolien en mer ou des interconnexions sous-marines à haute tension ne seront pas suffisants pour permettre au Royaume-Uni de faire face à ses engagements. À titre d’illustration, sur les huit réacteurs en fonctionnement au Royaume-Uni et exploités par EDF, sept réacteurs auront atteint leur date prévue de fermeture en 2030, ce qui équivaut à près de 16 % de la production d’électricité du pays. Le gouvernement britannique a ainsi clairement exprimé le souhait que la décision finale d’investissement soit prise le plus rapidement possible, sans pour autant fixer une date limite de prise de décision à EDF (76).

PARC NUCLÉAIRE INSTALLÉ PAR EDF ENERGY AU ROYAUME-UNI

 

Début de production

Durée d’exploitation déclarée

Date prévue de fermeture

Capacité (1)

Hinkley Point B

1976

47 ans

2023

955 MWe

Hunterston B

1976

47 ans

2023

965 MWe

Dungeness B

1983

45 ans

2028

1 050 MWe

Heysham 1

1983

41 ans

2024

1 155 MWe

Hartlepool

1983

41 ans

2024

1 180 MWe

Torness

1988

42 ans

2030

1 185 MWe

Heysham 2

1988

42 ans

2030

1 230 MWe

Sizewell B

1995

40 ans

2035

1 198 MWe

(1) Les capacités sont nettes de toute puissance consommée pour le propre usage des centrales, y compris l’électricité importée du réseau. Les capacités sont soumises à un examen à la fin de chaque année. Les capacités indiquées reflètent les prévisions de production d’énergie de référence des unités à partir du 1er janvier 2015.

Source : Électricité de France, Document de référence, Rapport financier annuel 2015.

De même, la technologie de l’EPR-NM ne sera pas mature avant 2028 au minimum voire 2030, et vos Rapporteurs estiment qu’il n’est donc pas concevable d’attendre ce nouveau modèle pour la réalisation d’HPC. Une telle décision reviendrait à mettre un terme définitif au projet d’HPC et à la crédibilité de l’entreprise à l’international. Des simplifications dans l’ergonomie du projet actuel pourront toutefois intervenir en cours de réalisation, permettant des économies de matériaux et une simplification de l’ergonomie globale, dans le respect de la réglementation anglaise, sans affecter ni la sûreté ni l’économie globale du projet. Par ailleurs, une « task force », regroupant les équipes d’ingénierie d’AREVA et d’EDF, a été mis en place pour faciliter et coordonner le retour d’expérience des trois projets d’EPR actuellement en construction.

Aussi, pour l’ensemble de ces raisons, vos Rapporteurs sont confiants quant à la réalisation de cet investissement majeur qui conditionne l’avenir du « Groupe EDF-AREVA NP » et, sans doute, de la filière nucléaire française. Vos Rapporteurs s’interrogent toutefois sur les conséquences de la sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni. Ils notent toutefois qu’EDF considère que « ce vote ne modifie pas les éléments fondamentaux du projet ni la volonté des acteurs de s’y engager », opinion qui semble partagée par la ministre de l’énergie britannique (77).

Le développement de nouveaux produits

La compétitivité de la filière nucléaire de demain réside également dans les efforts de recherche et de développement afin de développer de nouveaux produits répondant à la demande internationale, tel qu’un réacteur de nouvelle génération de type EPR plus compétitif en réduisant les coûts et les délais de réalisation.

En 2015, EDF et AREVA ont lancé en commun le projet EPR nouveau modèle (EPR-NM) qui vise à réaliser un nouveau réacteur nucléaire de troisième génération. Il répondra aux exigences de sûreté des réacteurs de troisième génération tout en étant plus compétitif par rapport aux projets actuels. Il a vocation à contribuer au renouvellement du parc nucléaire actuellement en exploitation en France et à enrichir l’offre de la filière nucléaire française à l’export à l’horizon 2030.

La filière française ne doit pas pour autant négliger d’innover dans des réacteurs de puissance intermédiaires ou encore des produits de rupture comme les Small Modular Reactors (SMR). Le rapport publié par l’Institut Montaigne en juin 2016 fait état de la nécessité de développer une offre de réacteur de moyenne puissance notamment dans les pays où le réseau électricité ne permet pas d’accueillir des réacteurs de trop grande puissance (78). C’est le cas du réacteur ATMEA de 1 100 MW, développé par le consortium Engie, AREVA NP, MHI et Itochu. Ainsi, l’annonce d’une collaboration entre EDF et MHI dans le projet de construction de quatre réacteurs ATMEA de moyenne puissance au sein d’une nouvelle centrale en Turquie, qui sera exploitée par le groupe Engie, est positive. Le projet est évalué à 15 milliards d’euros pour une mise en service progressive en 2023. L’assistance à la maîtrise d’ouvrage d’EDF, qui n’était jusqu’ici pas partie prenante au projet, portera principalement sur la préparation des opérations et la sûreté. À l’inverse, le Small Modular Reactor (SMR) serait davantage un modèle de rupture : il s’agit d’un réacteur de très petite puissance avec un coût et un délai de construction significativement réduits, et une sûreté accrue compte tenu de la plus faible puissance du réacteur. Selon l’institut, près de 45 modèles de SMR seraient en cours de développement dans le monde et un véritable foisonnement de projets serait en train de voir le jour aux États-Unis. La filière nucléaire française ne doit pas passer à côté d’un secteur susceptible d’être particulièrement porteur dans les prochaines années.

c. Poursuivre les efforts d’investissements du groupe vers les nouvelles énergies renouvelables et les services énergétiques

Le groupe EDF doit également poursuivre ses efforts pour accompagner la transition énergétique en développant des infrastructures générant de l’électricité d’origine renouvelable, hors hydraulique. Au sein du groupe EDF, l’engagement en matière d’énergies renouvelables est porté principalement par la filiale EDF Énergies Nouvelles (EDF-EN) qui réalise des investissements en faveur des nouvelles énergies renouvelables à travers une stratégie de développement très active à l’international. En 2015, un pôle Énergies Renouvelables a été créé pour piloter et valoriser les activités du groupe EDF dans l’éolien, le solaire ou encore les énergies marines du groupe, y compris ceux portés par les filiales étrangères. Une telle organisation doit également permettre à EDF d’atteindre son objectif de doubler son parc de production d’énergie renouvelable d’ici 2030, en le faisant passer de 28 GW à 50 GW.

La société EDF-EN est particulièrement centrée sur l’éolien et le solaire photovoltaïque, qui représentent environ 97 % de ses capacités installées, notamment dans ses principales zones d’implantation que sont l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest et du Sud. Depuis 2012, EDF-EN a pris position dans de nouveaux pays à fort potentiel pour le développement des énergies renouvelables, tels que l’Afrique du Sud, la Pologne et le Maroc dans l’éolien, et Israël et l’Inde dans le solaire photovoltaïque. Ce développement s’est poursuivi en 2015 avec de nouvelles implantations au Chili et au Brésil. En 2015, la société réalisait un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros (75 milliards pour le groupe) pour un résultat net part du groupe de 211 millions d’euros (1 187 millions pour le groupe) et un EBITDA de 824 millions d’euros (17 601 millions pour le groupe). Sans minimiser les efforts entrepris par le groupe pour participer à l’effort national de transition énergétique, EDF-EN ne représente finalement qu’une faible part des activités du groupe, bien qu’en forte croissance au cours des dernières années.

Une telle situation s’explique en partie par le type d’activité mené par la filiale. EDF-EN mène principalement des activités de développement de projet, en exerçant une activité de développement-vente d’actifs structurés (DVAS) qui consiste principalement à construire des projets destinés à être cédés, en tout ou partie, à plus ou moins court terme, à des tiers intéressés par ces actifs d’infrastructure. Ceci explique que la capacité installée dont dispose EDF en matière de production d’énergies renouvelables n’est pas représentative des investissements réalisés par l’entreprise dans ce secteur. Au 31 décembre 2015, EDF-EN disposait dans le monde d’une capacité installée brute de 9,1 GW, d’une capacité installée nette de 6,1 GW et de 1,4 GW bruts en cours de construction. L’éolien terrestre représente sur ce total près de 87 % de la capacité installée nette d’EDF-EN contre seulement 10 % pour le solaire.

CAPACITÉS INSTALLÉES PAR EDF ÉNERGIES RENOUVELABLES PAR FILIÈRE

(en mégawatts)

 

Au 31/12/2015

Au 31/12/2014

 

Capacité brute

Capacité nette

Capacité brute

Capacité nette

Éolien

7 912,3

5 348,8

6 553,8

4 388

Solaire

917,7

572,4

727,1

515,8

Hydraulique

77,2

74,4

77,2

74,4

Biogaz

51

51

78

73,2

Biomasse

85,2

64,9

80,8

60,5

Autres

20

20

0

0

TOTAL

9 063,4

6 131,5

7 516,9

5 111,9

La capacité brute est la capacité totale des parcs dans lesquels EDF EN est actionnaire ; la capacité nette est la capacité correspondant à la part du capital détenue par EDF EN.

Source : Électricité de France, Document de référence, Rapport financier annuel 2015.

En juin 2016, le groupe EDF – via sa filiale EDF-EN – a décidé de prendre le virage de l’autoconsommation afin de permettre à chacun de consommer et de produire son électricité d’origine renouvelable. Ainsi, EDF-EN a lancé une offre résidentielle innovante en autoconsommation, dénommée « Mon Soleil & Moi » qui permet au client de consommer l’énergie générée par ses propres panneaux solaires et d’avoir la possibilité d’en stocker une partie pour la consommer au moment où il en a besoin. Le développement de cette offre doit contribuer au développement des énergies décarbonées autour d’une production décentralisée et individualisée.

Enfin, EDF intervient également de manière croissante dans les services énergétiques, disposant d’une gamme complète de services à travers sa filiale Dalkia pour réduire les consommations d’énergie et améliorer la performance environnementale et économique des installations. Ainsi Dalkia aurait permis par son activité d’éviter l’émission de 2,5 millions de tonnes de CO2 et aurait réalisé 3,9 TWh d’économies d’énergies en 2015 (79).

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine, lors de sa réunion du 13 juillet 2016, le rapport de la mission d’information sur la situation du groupe Électricité de France et de la filière nucléaire.

M. le président Gilles Carrez. Nous en venons à la présentation du rapport d’information sur la situation d’Électricité de France (EDF) par Marc Goua et Hervé Mariton, qui évoqueront les problèmes que l’entreprise publique rencontre actuellement ainsi que ses perspectives d’avenir. Leur rapport arrive à point nommé, compte tenu notamment des interrogations que suscitent des projets tels que celui d’Hinkley Point au Royaume-Uni. Nous écouterons donc avec un grand intérêt leur diagnostic et leurs propositions.

M. Hervé Mariton, rapporteur. Marc Goua et moi-même avons été incités à faire le point sur la situation d’EDF et de la filière nucléaire, d’une part, par la mise en lumière ces derniers mois d’un certain nombre de données concernant l’entreprise publique et, d’autre part, par l’évolution du contexte énergétique en France et dans le monde. Nos travaux prennent bien entendu en compte le cadre législatif existant – à savoir la loi relative à la transition énergétique –, qui est susceptible d’évoluer éventuellement à l’avenir.

Chacun a en tête la démission du directeur financier d’EDF en mars dernier, la dégradation de la note de l’entreprise publique par trois agences financières ainsi que la baisse de ses résultats : son résultat d’exploitation, qui s’établissait aux alentours de 8 milliards d’euros sur la période 2011-2014, a été de 4 milliards d’euros en 2015 et le résultat net part du groupe est tombé de près de 4 milliards à 1 milliard d’euros.

Au-delà de l’ouverture à la concurrence – qui affecte aujourd’hui 60 % du chiffre d’affaires du groupe contre 20 % en 2014 –, EDF est confronté à la faiblesse durable du cours de l’électricité qui, depuis le début de l’année, a chuté de 29 % en France. Cette situation est due à la conjonction de plusieurs facteurs : la baisse généralisée du prix des combustibles fossiles, notamment le charbon et le pétrole ; la diminution du prix des droits d’émission de dioxyde de carbone ; enfin, la surcapacité des moyens de production en électricité, compte tenu de l’arrivée sur le marché d’importantes quantités d’énergie renouvelable fortement subventionnée. Dès lors, se pose la question de savoir comment répondre aux besoins de prévisibilité et d’investissements d’EDF à moyen et long terme.

En France, plusieurs textes législatifs, qui régissent l’ouverture à la concurrence de la production et de la fourniture d’électricité, donnent un certain nombre de moyens à l’État : la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (NOME) et la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Encore faut-il que ces moyens d’action soient utilisés de manière appropriée. Or, tel n’a pas été le cas ces dernières années, sous des majorités différentes, s’agissant de la fixation des tarifs réglementés de vente de l’électricité puisque les recommandations de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ne sont pas suivies par le Gouvernement, qui est régulièrement sanctionné par la juridiction administrative. Il faut aujourd’hui apurer un passif d’autant plus préjudiciable à EDF qu’il atteint, pour les seuls tarifs réglementés, un montant significatif de 1,85 milliard d’euros, auquel s’ajoute celui dû au titre de la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Lors de la dernière loi de finances, l’évolution du compte d’affectation spéciale Transition énergétique a permis d’apporter un début de réponse, mais cela doit être confirmé à l’avenir.

Il conviendrait également d’adapter le tarif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH). En effet, ce tarif avait un sens à une époque où le tarif d’accès au marché était supérieur au coût de production de l’électricité nucléaire, mais tel n’est plus le cas aujourd’hui. De fait, le dispositif n’a pas été défini pour faire face à l’évolution des marchés telle qu’elle s’est produite.

Enfin, il faut envisager la création de nouveaux dispositifs de tarification et de soutien qui correspondent mieux aux besoins d’investissement dans les énergies décarbonées, parmi lesquelles l’énergie nucléaire. Cela implique une réforme du système de fixation du prix du carbone – par l’instauration d’un prix plancher ou d’une taxe différentielle – et, en s’inspirant éventuellement des termes de l’accord conclu entre EDF et le gouvernement britannique, l’institution de mécanismes de soutien sur le modèle du dispositif conçu pour soutenir le développement des capacités de production faisant appel aux énergies non-carbonnées au Royaume-Uni.

La trajectoire d’EDF est évidemment affectée par la loi relative à la transition énergétique – sur laquelle Marc Goua et moi-même ne portons pas la même appréciation –, loi dont la mise en œuvre est complexe et nécessitera, dans les années qui viennent, un certain nombre de précisions de la part du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. À ce jour, les documents relatifs à la programmation pluriannuelle de l’énergie ne portent que sur les énergies renouvelables. Ainsi, à moins de pratiquer par soustraction – mais la méthode n’est ni satisfaisante ni transparente –, la stratégie nucléaire n’est pas lisible. Or, compte tenu du mix électrique tel qu’il existe dans notre pays, la programmation pluriannuelle définie par le Gouvernement doit comprendre explicitement des lignes directrices pour le secteur nucléaire.

Pour EDF, les investissements relatifs au « Grand carénage » représenteraient 51 milliards d’euros, dont 10 milliards au titre des travaux prescrits par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à la suite de l’accident de Fukushima. Ce cadrage doit être explicité et assumé par l’État. Celui-ci, quelle que soit l’évolution du capital, joue un rôle si déterminant dans la gouvernance d’EDF qu’il ne peut pas ne pas prendre explicitement position au sujet du « Grand carénage » et de l’anticipation de la construction d’une trentaine de nouveaux réacteurs d’ici à 2050. Cela exige des décisions publiques qui n’apparaissent pas dans les programmations prévues par la loi.

Par ailleurs, se pose, à propos de la fermeture de Fessenheim, la question de la réparation du préjudice du fait des lois. Nous avons évalué ce préjudice aux environs de 4 milliards d’euros, mais ce montant peut varier en raison des incertitudes sur l’évolution du prix de l’électricité à moyen et long terme. Notre évaluation est en tout cas très éloignée des 80 à 100 millions d’euros évoqués par la ministre de l’écologie, qui n’a pas répondu au courrier que nous lui avons adressé pour lui demander ses éléments de calcul. Quoi qu’il en soit, nous jugeons indispensable que cette évaluation se fasse selon un « calcul financier objectivable », comme l’a d’ailleurs indiqué le ministre de l’économie.

Actuellement, l’État détient près de 85 % des parts du capital d’EDF. Or, nos travaux confirment l’absence d’un réel arbitrage de sa part entre une politique énergétique de long terme, qui nécessite des investissements lourds, et la protection du pouvoir d’achat des consommateurs. De même, on peut considérer que l’État actionnaire a trop sollicité les dividendes de l’entreprise, qui ne peut pas être sa vache à lait. Toutefois, au printemps dernier, le Gouvernement a annoncé, d’une part, une augmentation de capital de 4 milliards d’euros dont 3 milliards d’euros seront souscrits par l’État et, d’autre part, la perception de dividendes dus pour l’exercice 2015 sous forme de titres, ce qui équivaut à une augmentation de capital de 1,8 milliard d’euros et la reconduction de cette décision pour 2016 et 2017. Ces deux décisions sont tout à fait pertinentes.

S’agissant de la gouvernance, nous jugeons nécessaire de renforcer le rôle de l’Agence des participations de l’État (APE) et de mieux impliquer le Parlement. À ce propos, nous déplorons que les dispositions législatives qui permettraient que celui-ci fût représenté au conseil d’administration d’EDF ne présentent qu’un caractère facultatif dans leur application. Par ailleurs, il serait judicieux qu’un mécanisme d’alerte permette une meilleure information du Parlement en cas de dégradation significative de la situation d’une entreprise stratégique.

M. Marc Goua, rapporteur. Le groupe EDF et la filière nucléaire dans son ensemble se trouvent aujourd’hui dans une situation difficile dont les symptômes sont connus : défaillance industrielle et financière d’AREVA – aux difficultés de laquelle j’ai pourtant consacré un rapport dès 2011 –, qui est l’un des principaux fournisseurs d’EDF ; dérives financières et temporelles des grands projets du nouveau nucléaire incarné par le réacteur pressurisé européen – European Pressurized Reactor (EPR) –, effondrement du marché de gros de l’électricité dont les prix ne permettent plus de financer les besoins d’investissements à long terme – le plan d’affaires de l’année 2016 ayant dû être révisé à la baisse ; enfin, un mur d’investissement dont le « Grand carénage » qui représente un investissement de 51 milliards d’euros.

Toutefois, les fondamentaux d’EDF demeurent solides et la pérennité et les atouts du groupe ne sont pas remis en cause : celui-ci joue et peut continuer de jouer un rôle de leader sur le marché de l’énergie en France et à l’international.

Mais cela nécessite, tout d’abord, de mener à bien la restructuration de la filière nucléaire engagée par le Président de la République en juin 2015. La feuille de route prévoit la cession d’AREVA NP au groupe EDF afin de renforcer les synergies dans l’ingénierie et la construction de nouveaux réacteurs. La valorisation des activités destinées à être acquises par EDF a été établie à 2,5 milliards d’euros, avec un complément de prix éventuel de 350 millions. Toutefois, EDF ne formulera une offre engageante que si deux conditions sont réunies. La première condition est la mise en place d’un dispositif d’immunisation financière des conséquences du projet finlandais d’Olkiluoto et son cantonnement au sein d’AREVA SA. Or, l’échec récent des négociations avec l’exploitant finlandais TVO rend plus difficile la réalisation de l’opération, qui imposerait le transfert de tous les actifs et contrats commerciaux en cours dans une nouvelle société ad hoc et conduirait à demander de nouvelles autorisations d’exploitation pour les installations concernées. La réalisation du projet serait ainsi substantiellement retardée, ce qui est préoccupant compte tenu des besoins de financement à très court terme de l’entreprise.

La seconde condition est la décision de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) quant à la conformité des cuves de l’EPR de Flamanville, qui doit intervenir au premier semestre 2017. EDF et AREVA nous ont confirmé qu’ils étudiaient l’ensemble des scénarios tout en affirmant ne pas avoir d’inquiétudes quant à la conformité des calottes aux exigences de sûreté. Nous rappelons néanmoins qu’une éventuelle non-conformité de la cuve de Flamanville pourrait être fatale à la filière et avoir des conséquences sur le chantier des EPR chinois à Taishan.

Il est ensuite nécessaire que, face à une concurrence nationale et internationale de plus en plus intense, EDF effectue un saut de compétitivité. Les résultats de l’année 2015 peuvent donner des motifs de satisfaction, dans la mesure où la majorité des objectifs fixés ont été atteints. Ils doivent cependant être remis en perspective, car des efforts d’investissement importants devront être consentis à l’avenir et le niveau d’endettement actuel du groupe est élevé. À la fin de l’exercice 2015, les emprunts et dettes financières atteignaient en effet 64 milliards d’euros, en augmentation de 15 % par rapport à 2014. En cohérence avec la stratégie d’EDF « CAP 2030 », adoptée en 2015, et face à la perspective d’une faiblesse durable des prix de l’électricité – dont EDF n’envisage pas une hausse significative avant trois ans –, le groupe a présenté, lors de son conseil d’administration du 22 avril 2016, un plan d’action visant à inscrire sa gestion et son développement dans une nouvelle trajectoire financière.

Ce plan d’action poursuit trois objectifs : l’optimisation et la sélectivité des investissements, qu’EDF prévoit de réduire de 2 milliards d’euros entre 2015 et 2018 ; la réduction des charges opérationnelles, l’entreprise envisageant de réduire les coûts de 700 millions d’euros en 2018 et d’au moins 1 milliard en 2019 ; enfin, l’élaboration d’un plan de cession d’actifs pour un montant de 10 milliards d’euros entre 2015 et 2020, afin de financer les nouveaux développements du groupe.

Dans ce cadre, la cession envisagée de Réseau de transport d’électricité (RTE) apparaît comme une suite logique de l’évolution des rapports entre les deux entités. Elle doit cependant donner lieu préalablement à l’établissement d’un véritable projet industriel pour le gestionnaire du réseau.

Enfin, il est impératif pour EDF de renouer avec l’excellence dans le domaine du nucléaire et des énergies renouvelables. Un tel objectif passe notamment par la réalisation du projet d’Hinkley Point au Royaume-Uni. En dépit des contraintes financières auxquelles est soumis l’exploitant, nous estimons que, compte tenu de la recapitalisation envisagée par l’État, des efforts de compétitivité et d’organisation consentis par l’entreprise, le risque financier peut aujourd’hui être supporté par EDF de manière raisonnable. Nous rappelons en effet que les aspects contractuels et industriels du projet ont été examinés par des experts indépendants, que l’équilibre du contrat est assuré par un contrat pour différence avec une garantie de prix et une garantie de volume, que le projet est jugé rentable avec un taux de rentabilité prévisionnel proche de 9 %, enfin que les retours d’expérience en cours serviront à la réalisation d’Hinkley Point : les équipes d’EDF et d’AREVA NP travailleront conjointement sur le projet. On peut regretter, à ce propos, que la bataille que se sont livrée les deux entreprises pendant des années ait conduit à la construction de deux têtes de série, en France et en Finlande, au lieu d’une seule. Le délai de construction d’Hinkley Point paraît un peu court mais il est raisonnable, et une éventuelle prolongation ne mettrait pas l’opération en péril.

En tout état de cause, le report du projet n’est pas envisageable. En effet l’EPR nouveau modèle évoqué dans la presse ne pourrait voir le jour qu’en 2028 voire 2030. Or, le précédent gouvernement britannique a clairement exprimé le souhait que la décision finale d’investissement soit prise le plus rapidement possible.

Nous estimons que le projet d’Hinkley Point est essentiel pour restaurer la crédibilité de la filière nucléaire française en démontrant sa capacité à tenir ses engagements et à réaliser de grands projets d’ingénierie dans le nucléaire. En outre, la France aura prochainement besoin de cette expérience pour renouveler son propre parc nucléaire.

M. Christophe Castaner. Ce rapport permet de sortir de l’hystérie provoquée par les déclarations du directeur financier selon lequel EDF était en situation de quasi-faillite, et autour du projet d’Hinkley Point, que nous avons connue au mois de mars.

Votre présentation montre bien que les problèmes d’EDF se trouvent ailleurs. D’une part, ils font suite aux décisions prises il y a dix ans dans un relatif consensus politique. D’autre part, la loi NOME impose le passage d’un marché dans lequel la part du chiffre d’affaires lié à des tarifs non régulés augmente de 20 % en 2014 à 60 % aujourd’hui. Enfin, le prix de l’électricité a baissé de 30 % depuis le début de l’année. Marc Goua évoquait cette évolution à l’instant : le modèle économique d’EDF était construit cette année encore sur un prix de 37 euros par mégawatt-heure (MWh), alors que le prix actuel est en moyenne de 26 euros par MWh. Ces éléments entraînent une fragilité globale du système.

La réponse se trouve dans la mise en place d’une programmation pluriannuelle de l’énergie conforme à la loi relative à la transition énergétique. Si je vous ai bien compris, messieurs les rapporteurs, on trouve des indices de mise en œuvre de cette programmation dans le domaine des énergies renouvelables. Vous auriez d’ailleurs pu vous intéresser aux conditions de rachat d’EDF Energies Nouvelles pour un coût assez élevé, alors que ses activités ne représentent aujourd’hui que 2 % du chiffre d’affaires d’EDF, mais vous aviez déjà suffisamment de travail.

Cependant, la programmation pluriannuelle n’a pas avancé s’agissant du nucléaire. Nous devons soutenir votre proposition de conditionner la recapitalisation d’EDF par l’État à l’établissement de cette programmation dans le domaine du nucléaire.

C’est d’autant plus vrai que nous avons le projet de prolonger le fonctionnement de nos centrales nucléaires au-delà des trente années prévues lors de leur construction à quarante, voire cinquante ans. Ce prolongement devra d’ailleurs être négocié financièrement avec EDF, qui nous oppose le coût d’amortissement entraîné par la fermeture de Fessenheim.
Il faut prendre en compte les écarts de valorisation à la hausse comme à la baisse.

Il faut donc soutenir l’exigence des rapporteurs que la recapitalisation d’EDF par l’État s’accompagne d’un engagement clair et fort sur la mise en œuvre d’une programmation énergétique et du nucléaire. Sur la part du nucléaire pour 2025, les engagements pris dans la loi de transition énergétique et par la ministre sont suffisamment clairs, il faut qu’EDF traduise ces engagements avec nous de façon concrète dans cette programmation pluriannuelle.

M. Éric Alauzet. Contrairement à ce que vient de dire Christophe Castaner, je n’ai pas entendu dans les propos des rapporteurs que cette réflexion s’inscrive dans le cadre de la loi de transition énergétique et de la programmation pluriannuelle de l’énergie. J’ai plutôt entendu que tous ces éléments pourraient être remis en cause, et que les énergies renouvelables étaient largement soutenues alors que la filière nucléaire ne l’était pas assez. J’y décèle un questionnement très profond, et sans doute des orientations différentes. Vous connaissez ma sensibilité à cette question ; j’ai l’impression qu’il s’agit d’une fuite en avant.

Si, pour des raisons quelconques, le projet d’Hinkley Point ne devait pas se réaliser, qu’adviendrait-il de la filière électronucléaire, d’EDF et d’AREVA ?

M. Alain Rodet. Je souhaiterais avoir un peu plus de précisions sur l’avenir de RTE par rapport à EDF. Nous sommes actuellement dans une phase de transition : pouvez-vous préciser le futur actionnariat de RTE ?

M. Charles de Courson. Messieurs les rapporteurs, vous indiquez que, si l’on applique la loi de transition énergétique, avec un taux de croissance de la consommation électrique de 1 % dans les années à venir, il faudrait fermer entre 17 et 19 des 58 réacteurs. Avec une croissance nulle – situation que nous avons connue au cours des cinq dernières années – il faudrait fermer presque la moitié des réacteurs.

Votre rapport évoque la programmation pluriannuelle de l’énergie. Cette programmation pluriannuelle, qui devrait être connue d’ici à la fin du mois, donnera-t-elle la liste des tranches qu’il faut fermer en fonction des différentes hypothèses ? Et quel en sera le coût pour EDF et pour l’État ?

Si une autorisation de prolongation est donnée par l’ASN – autorité indépendante – et que l’État impose néanmoins la fermeture d’un réacteur, que se passera-t-il juridiquement et financièrement ?

S’agissant de l’EPR, vous faites l’hypothèse qu’il s’agit d’un bon produit qui pourra parvenir à l’équilibre financier, avec un prix garanti à Hinkley Point de 92,5 livres par MWh. Toutefois, tout le monde nous dit que le prix de revient sera bien supérieur à 92,5 livres : qui supportera la différence de prix ?

Plus généralement, beaucoup de bons esprits nous disent que l’EPR est le nouveau Concorde. Et encore, le Concorde volait ! À l’exception de la Chine, où la corruption du régime est telle que l’autorité indépendante donnera l’accord de mise en marche, nombreux sont ceux qui pensent que cette autorisation ne sera jamais accordée en Finlande. Le chantier y a déjà neuf années de retard. Heureusement, il n’est pas encore chargé ; il est donc possible de le mettre sous cocon.

Mais le coût atteint déjà 10 milliards. Si l’acheteur, qui a versé 3 milliards d’avance, refuse la livraison parce que l’autorité de sécurité nucléaire finlandaise décide de ne pas donner d’autorisation, que se passera-t-il ? Et qui supporte la garantie ? EDF ne peut pas reprendre la partie conception et production des centrales nucléaires d’AREVA sans que l’État ne garantisse qu’il prendra en charge le surcoût, y compris dans l’hypothèse d’un refus de livraison. M. Macron s’est beaucoup trop engagé dans cette affaire en déclarant qu’en quinze jours ou trois semaines le problème serait réglé. De quand datent ces déclarations ?

Il faut tout de même dire un minimum de vérités aux représentants du peuple. Est-ce que le système informatique de régulation des EPR est au point ? La réponse, aujourd’hui, est négative. Le système informatique n’est pas au point. Il n’y a pas que les problèmes techniques de construction, mais aussi les problèmes de régulation du système. Et que l’on ne m’accuse pas d’être anti-français !

Tout le monde peut faire des erreurs, et Mme Lauvergeon les a accumulées. Ce n’est hélas pas elle qui paiera. L’hypothèse catastrophique de la non-livraison est tout à fait vraisemblable, et j’espère que dans cette hypothèse, l’EPR ne sera jamais chargé. Car s’il faut démanteler après chargement, les coûts seront encore plus élevés. S’il n’y a pas de chargement, il sera peut-être possible de le mettre sous cocon. Mais qui paiera la note ?

À Flamanville, on parle du problème de cuve. S’il faut casser la cuve, il y aura des surcoûts. Le chantier a quatre ans de retard, les plus optimistes pensent qu’il faut encore deux à trois ans de plus. Le retard sera donc de six à sept ans, pour un produit dont le prix de revient est estimé à 110 euros par MWh, mais il monte – il était au départ de 35 euros. Je ne suis pas écologiste, mais les énergies renouvelables du type éoliennes ont un coût de revient de 60 à 70 euros le MWh. Les mêmes problèmes se posent à Flamanville et à Olkiluoto : si aucun système de régulation n’est au point, comment fera-t-on ?

Les risques financiers sont énormes. Je ne vois pas comment EDF pourrait assumer de tels risques en cas de reprise d’AREVA NP. Il nous sera donc demandé d’apporter une garantie législative, sur laquelle nous devrons voter.

Enfin, s’agissant d’Hinkley Point, nous sommes encore complètement fous. Je suis étonné que le rapport n’aborde pas le pseudo-accord avec l’investisseur chinois. Messieurs les rapporteurs, avez-vous obtenu ce que même les membres du conseil d’administration n’ont pas pu obtenir : les termes de cet accord ? D’après mes sources, cet accord prévoit des clauses qui font porter la totalité du risque par EDF. Pouvez-vous confirmer ou infirmer ces craintes ?

Si l’EPR est un mauvais produit, même avec une garantie de prix à 92,5 livres par MWh, qui paiera la différence avec le prix de revient, estimé à 110 euros ? La filiale anglaise ? Mais si elle est en déficit, l’actionnaire de référence est EDF France. Le groupe EDF devra combler chaque année les déficits d’Hinkley Point ? Est-ce raisonnable ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je n’ai pas entendu parler de la question du provisionnement d’EDF. Le poids des provisions dans les équations économiques d’EDF ne cesse de changer depuis quatre ou cinq ans. Tous les six mois, nous entendons des informations nouvelles sur le provisionnement, pour le parc lui-même, pour les investissements futurs, les investissements en cours. Il est déconcertant qu’il n’y ait pas de méthode stabilisée sur la nature du provisionnement, sachant que je n’ai pas le sentiment qu’au ministère des finances, la doctrine soit très stable sur ce en quoi il devrait consister.

M. Hervé Mariton, rapporteur. Pour le provisionnement, les éléments les plus notables du changement récent sont liés au projet de centre industriel de stockage géologique (CIGEO).

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Le vote sur CIGEO a eu lieu hier, et il aura des impacts. Mais ma question porte plus sur la nature des provisions : à quoi correspondent-elles concrètement ?

M. Marc Goua, rapporteur. Les provisions d’EDF ont été augmentées de 800 millions d’euros pour CIGEO. Elles sont plutôt élevées, et les provisions pour démantèlement et autre sont constituées d’actifs cantonnés. Fin 2015, le taux de couverture des provisions nucléaires de long terme d’EDF s’établissait à 99,3 %. Les provisions sont aujourd’hui considérées comme suffisantes, et elles n’ont pas été réduites pour améliorer les comptes d’EDF.

M. Charles de Courson. Elles ne sont pas externalisées.

M. Marc Goua, rapporteur. Elles sont cantonnées.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je trouve qu’elles sont considérables.

M. Marc Goua, rapporteur. Les montants ont été calculés en appliquant une méthode, et ces provisions ont été cantonnées, ce que ne font pas certains concurrents d’EDF dans le nucléaire.

M. Charles de Courson. La loi des États-Unis impose d’externaliser les provisions. EDF a utilisé ses provisions pour financer ses investissements !

M. Marc Goua, rapporteur. Elles sont reconstituées, et elles n’ont pas baissé.

Mais je voudrais répondre à l’attaque en règle de notre collègue de Courson, car il ne faut pas dire n’importe quoi. À Taishan, la technologie de l’EPR est la même. Les essais à froid viennent d’être faits, les essais à chaud le seront bientôt, et EDF espère faire démarrer le premier réacteur au début de l’année 2018. On ne peut donc pas dire que l’EPR ne fonctionne pas.

À Hinkley Point, le point de non-retour sera atteint lorsque nous aurons la certitude que Taishan fonctionne. Le béton commencera à être coulé au deuxième semestre de l’année 2018, et Taishan fonctionnera avant.

La technologie devra être améliorée, car elle est extrêmement chère. Elle est aussi chère parce que – c’est bien français ! – nous avons voulu qu’il soit possible d’intervenir pour faire des travaux de maintenance tout en continuant à faire fonctionner la centrale. Les bétons sont donc doublés ou triplés. Ce ne sera pas le cas à Hinkley Point : quelques modifications vont permettre de réduire le coût.

M. Hervé Mariton, rapporteur. À Flamanville, il y a le problème de la cuve, qui est évidemment un problème sérieux. Si d’aventure il ne se réglait pas, cela poserait un problème massif au projet en tant que tel. Mais en dehors de ce sujet, sans préjuger des décisions finales de l’ASN, il n’y a pas de mise en cause globale ou ponctuellement grave de la part de l’ASN, qui suit ce chantier depuis le départ.

Les propos de Charles de Courson sur l’EPR sont donc excessifs, même si les difficultés ne sont pas contestées. Je ne sais pas si ses considérations particulières sur le fonctionnement de l’autorité chinoise de sûreté nucléaire sont valables…

À Flamanville, la seule vraie question est celle de la cuve ; l’ASN travaille de manière continue et n’a pas de distance particulière à l’égard du projet.

M. Charles de Courson. Il y a deux séries de problèmes : techniques et économiques.

M. Marc Goua, rapporteur. La partie technique a été validée par toutes les autorités, en Finlande, en France et au Royaume-Uni.

D’après nos informations, TVO est plutôt impatient de voir l’exploitation démarrer. Il y a possibilité d’accord. Je regrette les positions en France, qui sont un peu dures. Je sais de source finlandaise qu’il y a une possibilité d’accord. Pas à n’importe quel prix, mais à des conditions qui ne sont pas rédhibitoires. Il faut reprendre les négociations, et j’essaie d’ailleurs de joindre le ministre pour lui expliquer qu’il y a peut-être un médiateur possible dans cette affaire. On ne peut donc pas dire que ce dossier soit bloqué. Et il n’y a pas de problème de cuve en Finlande.

M. Charles de Courson. En Finlande, c’est AREVA qui s’est occupé de tout, sans aucune compétence en matière de travaux publics.

M. Hervé Mariton, rapporteur. Christophe Castaner et Éric Alauzet ont bien compris que la programmation pluriannuelle de l’énergie aura une faiblesse : elle est contraignante sur sa première période, pas sur la deuxième. Et la période contraignante est courte : seulement deux ans.

Je ne fais pas un secret de mes critiques à l’égard de la loi de transition énergétique. Indépendamment des positions différentes que nous pouvons avoir sur le nucléaire, cette loi est un outil flou. C’est dans ces termes qu’elle a été votée, et elle ne se prête pas à une mise en pratique évidente. Nous avons débattu des dizaines d’heures de la formulation par laquelle nous fixons un objectif à un horizon. Sans revenir sur ces débats, nous pouvons dire que la notion d’horizon est tout de même « fuyante » sur le plan législatif. Le fait même que la programmation pluriannuelle de l’énergie distingue des périodes contraignantes et des périodes non contraignantes n’aide pas à fixer une stratégie.

Nous avons besoin de choix nets de l’État, et la loi de transition énergétique n’impose pas ces choix nets, d’autant que certains l’ont votée dans l’idée qu’elle ne serait pas mise en œuvre de manière absolument contraignante et que d’autres, dont je suis, n’y sont pas favorables. Tout cela crée un contexte qui doit être confirmé demain, quel que soit le gouvernement. La loi de la République s’applique, mais pour fixer une programmation, nous avons besoin de choses plus claires que ce qui a été établi dans la loi de transition énergétique avec un certain sens de la diplomatie.

Il faudra sortir de l’ambiguïté, car nous ne pouvons nous satisfaire d’un texte dont l’application fait question, qui ne fixe pas de feuille de route claire à EDF, et qui n’oblige pas l’exécutif à dire clairement à EDF ce qui doit être fait. Je ne sais pas si la liste des réacteurs à fermer figurera dans la programmation pluriannuelle de l’énergie, mais je ne serais pas surpris qu’elle n’y soit pas. Ce flou n’est pas très heureux démocratiquement, et il a des impacts sur la stratégie d’EDF. Nous ne connaissons pas le niveau d’indemnisation pour la fermeture de Fessenheim, ni pour les réacteurs qui seront fermés par la suite. Nous ne connaissons pas le caractère contraignant de la stratégie et nous ne savons même pas le degré de précision avec lequel elle sera énoncée.

M. Marc Goua, rapporteur. Éric Alauzet a dit que si Hinkley Point ne se faisait pas, toute la crédibilité d’EDF et de la filière nucléaire française serait en cause. Je rappelle tout de même que le nucléaire représente 125 000 emplois. Le « Grand carénage » et d’autres opérations devraient entraîner la création de 110 000 emplois directs et indirects.

Soit l’on considère qu’il faut faire table rase de la filière nucléaire en France, alors que les chiffres fournis dans le rapport montrent que des projets assez importants sont en cours dans le monde entier, soit l’on essaie de passer le cap, avec un EPR qui a sans doute été un peu trop sophistiqué, mais que j’espère voir passer sur le plan de la sûreté et de la technique.

En dehors du conflit qui a opposé EDF et AREVA pendant quelque temps, nous sommes en train de payer le fait de ne pas avoir construit de centrales pendant vingt ans : l’expérience a été perdue. Le même phénomène a été constaté dans des secteurs moins stratégiques. Ainsi, lorsque l’on a envoyé massivement le personnel du secteur du bâtiment en préretraite, la qualité de la construction en a souffert, car il n’y a pas eu de transmission des savoirs. L’idée est donc de capitaliser sur l’expérience acquise à Flamanville, Olkiluoto et Taishan pour anticiper la construction du parc français de nouvelle génération.

Il y a un mois ou un mois et demi de cela, mes conclusions auraient peut-être été différentes. Un rapport a été demandé par EDF à M. Yannick d’Escatha pour savoir quelles mesures il fallait prendre. J’ai pu consulter ce rapport. Il dresse un constat sans complaisance des problèmes rencontrés par EDF, tant sur le plan de l’organisation que sur le plan technique, et préconise des solutions qui ont été mises en place par le groupe.

Ce rapport m’a rassuré sur un certain nombre de questions, mais il ne peut pas être rendu public, car EDF est en concurrence internationale, coté en bourse, et certaines informations ne peuvent pas être diffusées. Sur la garantie de volume, des accords sont imbriqués, et ils ne doivent pas être rendus publics. Sur le plan des techniques internes, certaines spécificités du nucléaire français ne doivent pas non plus être rendues publiques. Ce rapport m’a particulièrement impressionné, car il identifie clairement les maux et propose des solutions pour y remédier.

Reste un problème pour Hinkley Point : le délai paraît trop court. Mais les calculs ont été faits : si les travaux se prolongeaient, le taux de rentabilité interne diminuerait de 20 points de base pour six mois de retard, ce qui serait encore correct. Entre le temps de décaissement et le retour, il faudra toutefois régler un problème de trésorerie.

S’agissant de TVO, il faut arriver à passer un accord. À défaut, nous entrons dans une autre stratégie, qui demande dix-huit mois à deux ans. Or les deux entreprises, tant AREVA qu’EDF, ont besoin de régler le problème rapidement pour qu’il ne pèse pas sur leur trésorerie ou leur stratégie. La même remarque vaut pour les cuves : l’ASN doit rendre sa décision le plus rapidement possible.

M. Charles de Courson. Avez-vous eu accès aux conditions de l’accord avec les investisseurs chinois sur Hinkley Point ? Pourriez-vous les obtenir afin de savoir si c’est bien EDF qui assume la totalité des risques suite à cet accord secret ?

M. Marc Goua, rapporteur. Nous allons les demander.

M. Charles de Courson. Comment rentabiliser Hinkley Point si les prix de revient sont ceux qui nous ont été donnés pour Flamanville, de l’ordre de 110 euros par MWh, alors que la garantie de prix est de l’ordre de 92,5 livres par MWh ? Et qui assume le risque ?

M. Hervé Mariton, rapporteur. Il est clair que l’équilibre sur Hinkley Point n’est pas établi avec le prix maximum que vous évoquez, mais compte tenu des effets d’expérience de Flamanville et de Taishan, le scénario du pire n’est pas établi. Les précautions doivent être prises, je consulterai le rapport d’Escatha et nous irons chercher les éléments auxquels vous faites référence.

Mais analyser Hinkley Point sous l’angle du risque maximum me semble faire courir un danger à la filière nucléaire française. Nous considérons que l’argument d’EDF tendant à faire valoir un effet d’expérience suite aux chantiers de Flamanville et de Taishan tient la route. Pourquoi récuser les effets d’expérience de ces dossiers difficiles ? Le chantier finlandais, Flamanville et Taishan permettent de borner les risques sur Hinkley Point.

En application de l’article 146 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d’information sur la situation du groupe Électricité de France et de la filière nucléaire.

*

* *

ANNEXE 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(Par ordre chronologique)

Agence des participations de l’État (APE) : M. Alexis Zajdenweber, directeur de participations Énergie.

Cour des comptes : MM. Guy Piolé, président de la deuxième chambre à la Cour des comptes, Jean-Luc Vialla, conseiller maître et président de la troisième section « Industrie, Énergie, Commerce extérieur » et Xavier Lafon, rapporteur à la Cour des comptes et responsable du secteur « Énergie ».

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) : MM. Jacques Repussard, directeur général, Thierry Charles, directeur général adjoint en charge du pôle sûreté nucléaire, et Mme Audrey Lebeau-Live, chargée des relations parlementaires auprès du directeur général.

Électricité de France (EDF) * : MM. Xavier Girre, directeur financier et Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques.

AREVA : M. Philippe Knoche, directeur général et M. Guillaume Renaud, responsable des relations institutionnelles.

Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : MM. Pierre-Franck Chevet, président, Jean-Christophe Niel, Directeur général, et Alain Delmestre, directeur général adjoint.

Commission de Régulation de l’énergie (CRE) * : MM. Philippe de Ladoucette, président, Jean-Yves Ollier, directeur général, Christophe Leininger, directeur du développement des marchés, et Mme Olivia Fritzinger, chargée des relations institutionnelles et de la communication.

Ministère des finances : M. Bruno Rossi, chef de la mission de contrôle général économique et financier de l'État auprès d'EDF.

Commissaires aux comptes d’EDF : MM. Patrick Suissa (Deloitte) et Jacques-François Lethu (KPMG).

Conseil d’administration d’EDF : M. Gérard Magnin, membre du Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) de Bourgogne Franche-Comté et du conseil d’administration d’EDF.

Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) : M. Pierre-Marie Abadie, directeur général, et Mme Gaëlle Saquet, secrétaire générale.

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) : M. Laurent Michel, directeur général, Mme Virginie Schwarz, directrice de l’énergie et M. Jean-Michel Malerba, délégué interministériel à la fermeture de Fessenheim.

Réseau de transport d’électricité (RTE) * : M. François Brottes, président du directoire, et Mme Valérie Champagne, directrice générale adjointe finances et achats.

Table ronde des administrateurs désignés par les salariés au sein du conseil d’administration d’EDF : M. Jacky Chorin, parrainé par Force ouvrière, Mme Marie-Hélène Meyling, parrainée par la Confédération française démocratique du travail (CFDT), M. Christian Taxil, parrainé par la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), et M. Maxime Villota, parrainé par la Confédération générale du travail (CGT).

Cabinet de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique : MM. Julien Mendez, conseiller en charge des participations publiques, et Julien Marchal, conseiller en charge de l'énergie, des industries extractives et de l'environnement.

Électricité de France (EDF) * : M. Xavier GIRRE, directeur financier, Mme Stéphanie ROGER-SELWAN, directrice financier direction optimisation Trading et M. Bertrand LE THIEC, directeur des affaires publiques.

AREVA NP : M. Bernard FONTANA, directeur général délégué.

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

ANNEXE 2 :
EXTRAIT DE LA RÉUNION DE LA COMMISSION « ENERGY AND CLIMAT CHANGE » DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

Mardi 24 mai 2016 : Audition de Vincent de Rivaz, Chief Executive, EDF Energy, and Humphrey Cadoux- Hudson, Managing Director, Nuclear New Build, EDF Energy

Q136 Chair: Thank you, Mr de Rivaz and Mr Cadoux-Hudson, for coming back to give evidence to this Committee. First, will you please introduce yourselves and your roles for the record?

Vincent de Rivaz: I am Vincent de Rivaz, CEO of EDF Energy.

Chair: Thank you. Merci.

Humphrey Cadoux-Hudson: I am Humphrey Cadoux-Hudson, Managing Director of New Build Nuclear for EDF Energy.

Q137 Chair: Mr de Rivaz, I understand that you would like to begin with a brief opening statement of no longer than two minutes.

Vincent de Rivaz: Thank you, Chairman. Let me begin by acknowledging why you asked me to come back in front of your Committee. At the time of the last hearing in March there was an expectation that we would have taken the final investment decision on Hinkley Point C by now. That was my hope, too. Much has been said about the project in the media recently; let us look at the facts. Last time I was here, I said that EDF could not progress with HPC until the overall financial plan to secure the company’s futures investments was in place.

We are operating in a market where the dramatic fall in wholesale energy prices has created difficult conditions for all energy companies. I said that EDF was working with its main shareholder, the French state, to secure its financial trajectory. I explained what was being discussed, at that moment, between EDF and the French state. I described an overall plan, including asset disposals, greater operating efficiencies and a stronger balance sheet—a plan to address the overall situation of EDF, not specifically Hinkley Point C.

Since then, this overall plan has been presented to the EDF board by the chairman, with the agreement of the French state. This is, therefore, also great news for HPC. The combination of the money coming from EDF and from CGN, our Chinese partners, means that the money is there. That done, the chairman of the group decided to consult the French trade unions about HPC through the French company’s Works Council to seek their advisory opinion. Social dialogue is an important process, which is at the heart of our group. Let me be clear, the current position of some of the French trade unions is to postpone the project for two to three years. Our position is that there is no need for a delay, because the project is ready. No project has been better prepared than Hinkley Point C, as a result of the intensive work over the last decade. We must absolutely not delay it, because the UK needs the electricity from Hinkley Point C at the time it is due to come online.

Those are the terms of the discussions at the Works Council. There is common ground between us all about the huge importance of this project in all its dimensions for EDF and the need to get it right. I am therefore very confident that the consultation will build on that common ground and assess all the issues and concerns. At the end of the consultation, the Works Council will be invited to give its advisory opinion, after which the chairman will present HPC to the board, and the board will make its decision. Last time I was here, I could not give a precise date for that decision, and that remains the case, simply because I do not want to prejudge in any way the outcome of the consultation. Let me say, though, that the sooner we have a final investment decision, the better.

May I take this opportunity to repeat that, contrary to recent media reports, the cost of £18 billion has not changed? Equally, I want to reassure everyone that the support from our partner, CGN, is as strong as ever. The support of the French state—EDF’s major shareholder—is also very strong. I am aware that the French Minister for the Economy and Industry, Emmanuel Macron, has provided a letter of evidence to your inquiry in which he describes HPC as an “outstanding co-operative effort by France and the UK” and reiterates that the French authorities are giving full support to the project.

Lastly, I can tell you that the numerous teams working on the project are motivated and determined. The project is not on hold. As we speak, the project continues to prepare for the final investment decision, at which time we will confirm the date of commissioning.

In summary, EDF has secured its overall financing. We are consulting with the trade unions, and the teams are still working hard on the project. Hinkley Point C is a strategic project for France and for China. It is as essential for EDF as it is for the UK. We are ready to deliver it on time and on budget.

Q138 Chair: Thank you very much, Mr de Rivaz. When you were last in front of the Committee about two months ago, I am sure that all those reasons you have given were live, but you were very clear at that point that a final investment decision would be made in early May. My colleague James Heappey was first to figure out that 15 May would be halfway between early May and late May, and that we would have a decision by the middle of May, but that decision did not come forward. You mentioned that the unions want to postpone for two or three years. Given all the reasons you have mentioned that were live in early March, what has changed? What was the reason for the delay to the decision on Hinkley Point C and the final investment decision not being forthcoming in early May, given that those other matters were all live and pertinent?

Vincent de Rivaz: As I said, there was an expectation that we would have taken the final investment decision on Hinkley Point C by now. That was my hope. I said at the last Select Committee that EDF and the French state were working on securing an overall financial plan for covering the challenges of the company in a very changing market for the next few years, with huge investments—Hinkley Point C is part of them, but only one part of them.

The good news is that that plan has been secured. We spent a lot of time explaining what would be the main areas of discussion between the French state and EDF. Everything I said has been done, including the three dimensions of the plan—asset disposals, operating efficiencies and strengthening the company’s balance sheet. That is very good news, because it was clearly, as the Chairman put it earlier, a condition precedent for Hinkley Point C to go ahead. That condition has been met, and it is important to reiterate that the money is there from Chinese partners, CGN and EDF.

At the same time, the chairman of the group made a decision which had the consequence of delaying the final investment decision. The decision is to proceed with the consultation of the French Works Council. He made the decision based on the fact that, having secured the financial dimension that he wanted to secure before making a decision, he was in a position to say, “Now, that is done, let us look at the issues that you, the unions, have put before us. Let us discuss them in good faith. Let us look at your points and the company will answer”.

This process started immediately after 2 May. On 9 May, I spent five long hours with my colleagues in France. A very dense and rich discussion took place. We provided all the information that was required for the company Council to work on the case and form their opinion. That process is now going on in good faith. We are working on it to make it a success. That is the only point. A decision has been taken to consult the unions on a specific case, once the financing of the group has been secured.

Q139 Chair: If I may stop you there. You said in your opening statement that you cannot give a precise date for when the final investment decision would be made. What precise dates can you give us? Can you give us dates for the end of the consultation period or the time needed to analyse responses or the earliest possible date for the final investment decision being made? That would be some sort of progress if we could understand the earliest date. We would not hold you to it, because as we are beginning to learn, things do slip with this project, but what would be the earliest date that you could give us?

Vincent de Rivaz: I understand the impatience that you express. That is a good sign for me that you support the project. In a sense, I have the same teams that have the same impatience. At the same time, we have to remain calm and dispassionate. If I prejudge the outcome of this consultation process, I will harm the process. I will not prejudge because I do not want to harm the process. Therefore you can understand that it is a question of expecting that the final investment decision is taken the sooner the better. It is in the best interest not to prejudge the consultation to make sure that everything goes seamlessly.

Q140 Chair: The final investment decision could go either way. It could go yes or no.

Vincent de Rivaz: To be very precise, Mr Chairman, the consultation is about seeking an advisory opinion. At the end of the consultation, it is for the board of EDF to make its decision.

Q141 Chair: Okay, can we have some clarity? When did the consultation period start and when will it finish? Two simple questions.

Vincent de Rivaz: It started on 2 May.

Q142 Chair: The consultation period started on 2 May. When will it finish?

Vincent de Rivaz: There is a practice according to which the consultation from the start—

Q143 Chair: This is with the Central Works Council of EDF?

Vincent de Rivaz: It could take 60 days from the consultation. At the same time it is not yet set in stone that that will be the case, because it will depend on how the consultation unfolds and I do not want to prejudge it. I can say it started on the basis that the company did what the company has to do, which is to gather all the information needed. As expected, our partners the unions in the Works Council ask many questions and we are responding to them one by one.

Q144 Chair: I am trying to paint a picture for those who are watching and looking for answers. You are saying that it could be a minimum of 60 days. What is the maximum it could be?

Vincent de Rivaz: I am not going to give you a precise date, because if I did, I would prejudge the result of the consultation. I think I am making the right assumption that all the parties are entering this consultation process, this dialogue, in good faith. There is common ground, as I have said, which is that this project is a major project for the company and the unions are all in agreement with us that such a major project has to be examined in such a way that we get it right. There is a difference of opinion at the moment which we hope will be resolved through the consultation.

Q145 Dr Poulter: Thank you for coming to speak to us today. I want to pick up on this issue. What do you imagine, or what do you know already, are going to be major issues that the trade unions are going to raise as potential concerns about the project?

Vincent de Rivaz: I think we have a pretty good idea of their concerns and their views. Their first concern was the overall financial situation of the group. In simple words, can the EDF group afford it? I think the chairman of the group was in a position to address this concern through a very efficient dialogue with the French state, its main shareholder, and with a plan which secured for the group, in the next few years, its overall financial trajectory. This plan is in place, it has been approved by the French state, so this concern has been addressed.

The second concern is the perception that some of the unions have that we may benefit from delaying the decision in sanctioning the project and reducing some of the risks associated with any large construction project. We have a different view. We think that this project is ready, that never in the history of EDF has a project been as ready as Hinkley Point C is. So there is their opinion and there is our opinion. We think it is ready and there is no benefit at all—on the contrary—in spending more time to be ready. It is now time to go ahead; that is our view. As a consequence of that, the opinion of some them, because it is not a unique opinion, suggests, or it is their current position at the beginning of the consultation, that we should delay the decision significantly.

We think, first, that we are ready and should go ahead, and secondly, we absolutely should not delay it because we need to deliver this project for our client—the British Government, the British customers, the British energy market—when it is needed. We absolutely do not have the luxury of delaying it. We are ready, we cannot afford to delay it; that is our position. They challenge the fact that we are fully ready. They challenge the fact that we have to make the decision now. That is a healthy discussion. I am not saying that they do not have the right to have different views; they have, and it is our role to explain, to answer the questions and to participate in this dialogue in good faith.

Q146 Dr Poulter: I have two follow-up questions, because this is very helpful. Is one of the arguments you are deploying in your discussions with the unions, making the case, that if the project is delayed, it could become less financially viable for EDF to deliver it?

Vincent de Rivaz: I want you all to have in mind what has been done, year after year, to overcome all the challenges and difficulties and to deliver, step by step, the readiness. We strongly believe that, after nearly a decade of intensive work, we are absolutely ready. When you are ready and you have made such an investment, if you delay the decision, obviously it is detrimental for the project itself, in terms of its possibility and its optimum timing. In addition to that, we have a client—the UK Government. This country has put its confidence in us, and we are very proud of that. We think we deserve it, and we want to demonstrate that we deserve it by delivering the project. We cannot afford to keep the UK waiting; that is our clear view. This consultation is helpful because it will help us to come to the right conclusion.

Q147 Dr Poulter: This is my last question to you—I am going roll two questions into one. I don’t want to detract from this and get into a discussion about the potential perils of Britain’s leaving the European Union, but is that a factor weighing on the minds of the unions? If Britain were to decide to leave the European Union, would that influence some of the consultations with the unions? Is it an issue that would in any way concern you or affect your view as EDF about the future of this project?

Vincent de Rivaz: I observe that, within the Government, the people supporting Hinkley Point C are on the two sides of the European referendum debate. In DECC, it is no secret that the Secretary of State is a very strong supporter of the project as part of her energy policy and has done everything positively to make the project work. She is also a champion of the remain campaign, whereas the Minister for Energy, from whom you will hear in a moment, is not. I just observe that people on the two sides of the debate support nuclear policy. If I go to Somerset, I can meet people who are in favour of exit, but they all support nuclear policy. It means what? It means that nuclear policy and this nuclear project are needed whatever the result of the referendum. We need it for 60 years, and we will have it for 60 years.

Chair: Come on, answer the question.

Q148 Dr Poulter: From your perspective as EDF and the perspective of the French Government, not from what may or may not be the views of the British Government and whatever the situation may be—obviously, the Government have expressed the view that they want to deliver the project—and given the union consultation, how are the unions going to think about the potential of Britain’s leaving the European Union, in terms of the desirability of investing in this project?

Vincent de Rivaz: I think I have answered the question.

Dr Poulter: I don’t think so.

Q149 Chair: What is the unions’ view when it comes to Brexit?

Vincent de Rivaz: I have answered the question by saying that Hinkley Point C is needed for the country. The policy of decarbonisation, the policy of security of supply, the policy of affordability, the policy of having a strong industrial supply chain and the policy of partnership with France and China: all those elements are not dependent, in my view—you asked me for my view—on the result of the European referendum. That is my answer to the question. Hinkley Point C is needed in all circumstances for this country.

Dr Poulter: That is very helpful. Thank you. That was a very useful clarification. Finally, on the unions’ view, you must have an idea of what the unions in France think about whether it is desirable to enter into a country with—

Q150 Chair: Is there a clear view from the unions in France on Brexit?

Vincent de Rivaz: On Brexit in general?

Q151 Chair: On Brexit affecting this. Have they expressed any view?

Vincent de Rivaz: I can tell you that in the discussions I have had with them, in all the meetings we have had and in all the documents they have put forward, this is not the issue.

Chair: Thank you. We know that the consultation began on 2 May. We don’t know when it will end, we don’t know whether time will be needed to analyse the consultation and we don’t yet have an earliest date for the final investment decision. James Heappey, do you want to grab the baton and see how far you can run with it?

Q152 James Heappey: Good morning. It has been suggested that the Central Works Council are trying to achieve something different, rather than express mere opposition to Hinkley or delay it. They are trying to use this as leverage over an industrial dispute over potential job losses in France. Is that the case?

Vincent de Rivaz: I don’t think there are any grounds to suggest that investing in nuclear policy will have any negative consequences on jobs in France. On the contrary, we have a very strong case that it will create massive job opportunities in the UK and also very important job opportunities in France. There is no link at all between nuclear policy and loss of jobs in France; it is the opposite.

Q153 James Heappey: I believe that the French part of EDF is looking at some job losses. I understand that the unions are somewhat opposed to those job losses.

Vincent de Rivaz: In general, the unions are not in favour of job losses. I think that is true in every country.

Q154 James Heappey: You are confident that, as a result of the consultation that you have embarked on, you will be able to persuade the Central Works Council of the value of Hinkley, not only in its importance to the UK but as an opportunity for EDF to sort out its current financial issues, which may indeed ease pressure on EDF’s business in France to its advantage.

Vincent de Rivaz: Of course, we are confident that in entering genuinely in earnest in this consultation, we will make our case and will be understood. I don’t want to prejudge the result but I can tell you that the chairman, at a general meeting of the shareholders on 12 May, talked eloquently about this very good and important strategic project. It is very important for EDF, very important for EDF in the UK, very important for the French nuclear industry. All the arguments have been put forward. You will read in Mr Macron’s letter exactly the same very strong support, for exactly the same reasons. That is something that we are happy to discuss with the unions and I hope, and am confident, that this consultation will help in a sense to strengthen the support over time of more and more people behind this project, because it is very important for us that the support comes.

Q155 James Heappey: The letter from M. Macron is very clear. It says that what you are embarking on is an exemplary industrial relations exercise and that you are doing entirely the right thing. So the French Government are obviously in lockstep with you. Given that you put in so many hours of discussion on 9 May, you may already have a feel for how the union is responding to your consultation. Do you sense that the wind is on your backs?

Vincent de Rivaz: I will not prejudge. I am genuinely convinced that social dialogue is a plus. I am relishing the opportunity, because I like the opportunity to discuss and to listen and possibly to convince that we have done a good job and that this project is a good thing. It is going on at the moment; it is the beginning of the process. I don’t want to prejudge but I am very confident. If you ask me, I can answer clearly that I believe, yes, that at the end of this process there will be a positive decision.

Q156 James Heappey: I want to ask one more question about the French political landscape. There is a danger that, when you complete your consultation with the unions, you will go out of the frying pan into the fire by this decision being taken in September when the French presidential elections will start to click into gear.

Marine Le Pen has said that Hinkley is a money pit, and is clearly against. Ségolène Royal has said she is wondering whether it will go ahead as there are such colossal sums involved. Do you share our concern that it will be better for this decision to be taken before France goes on holiday in August, rather than it being taken alongside the somewhat febrile atmosphere of a French presidential primary season?

Vincent de Rivaz: I do not want to comment on French politics, nor will I comment on British politics. I have said the sooner the better for the decision. Regarding the French state position, the letter you have received from Emmanuel Macron, the Minister of Economy, Industry and Digital Affairs, is absolutely straightforward, clear and unambiguous about the fact that the French authorities are in full support of the nuclear policy project.

Chair: Okay. Thank you. We are half an hour in and we will have to make a plea for shorter responses.

Q157 Antoinette Sandbach: The Minister, Mr Macron, says in his letter that HPC is a project, the profitability outlook of which is positive for EDF, provided its construction costs are kept under control and its risks can be controlled. What risks are there in respect of further delays in relation to the safety investigations at Flamanville?

Humphrey Cadoux-Hudson: The main thing to say on that is that we have strong, independent, quality oversight for the UK project. We have put a lot of effort into—

Q158 Antoinette Sandbach: I am sorry, but I am going to interrupt you. Obviously there are concerns that have been expressed by the French unions as well in relation to the safety assessments at Flamanville. Do you expect that to have a further impact on delays in the decision-making process around the project?

Humphrey Cadoux-Hudson: For Hinkley Point, we are going through a process that is independent of what is happening at Flamanville, in terms of the quality assessment of all the components of the project. We are very clear that we need to manage independently the risks that we are taking.

Q159 Antoinette Sandbach: With respect, that does not answer my question, which is: if there is a negative outcome of that safety investigation at Flamanville, do you anticipate that this will have knock-on effects on the decision making in relation to Hinkley Point, particularly, for example, with the French unions and the consultation that is going on at the moment?

Vincent de Rivaz: First, at the general meeting of the shareholders the chairman of the group put it very clearly that he is very confident, and the people in charge of Flamanville in France are very confident, about the case that you are mentioning, which is the reactor pressure vessel. Indeed, the case is still going on with a series of tests, analyses, expertise, and all the results that we have at the moment confirm our views, that we have every reason to be confident.

Q160 Antoinette Sandbach: So what are the risks that Minister Macron is referring to? If he is talking about those risks; what are the risks that he is identifying in his letter that may have an impact on Hinkley Point?

Vincent de Rivaz: He is absolutely right to say, and it is something that we, as those responsible for the project, are absolutely conscious of, that some risks are associated with large construction projects—and this will be the largest construction project in Europe. There are risks of all sorts, linked to the construction of a large and complex project. The question is: have we identified the risks well and are we well equipped to manage them? There was a risk review at the end of 2015, precisely to make sure, and for the board to be confident, that the risk analysis had not been underestimated and that the company and the project is in a position to mitigate risk. I have to tell you that this has been done.

Q161 Antoinette Sandbach: In your opening statement you identified that one of the risks is delay—potentially—to the project, because Hinkley is ready now, it is ready to go. In your risk analysis, have you looked at, for example, the Austrian challenge to the state aid ruling— whether you think that will have an impact—or the potential of a new state aid challenge to your recapitalisation project, and the reports from the UN Economic and Social Council that the UK has not met its obligations? Do you identify those as risks that may delay the project further and, if so, how are you dealing with them?

Vincent de Rivaz: So those are not the risks of the construction, which we have dealt with, but moving on to your question, I want to be clear that all the risks of the construction are borne by us and not by the customers.

Q162 Chair: These are project risks that you are being pressed on.

Vincent de Rivaz: It is important to return to the point that the risks of the construction are our risks and not the customers’ risks. The question about the Austrian appeal is, for us—as it has been from the outset—the following: we are strongly convinced that the European Union case and the October 2014 decision to give the go-ahead to the contracts for difference is a very robust decision and will successfully pass the challenge of the Austrian Government. I think that is also the conviction of DECC—you can ask the Minister in a moment—so that risk is, for us, absolutely infinitesimal. That’s why the decision to go ahead will be taken when it will be taken, and will be proposed to the board, despite the fact that the Austrian case appeal has not yet been resolved.

Q163 Chair: With all that hanging over you, can you make a final investment decision?

Vincent de Rivaz: Yes.

Q164 Chair: You can make a final decision with those uncertainties?

Vincent de Rivaz: Yes, yes, yes. It has always been our plan and it has not changed. Without going into details, because the investigation of the Austrian appeal is very much work in progress, all the information we have demonstrates what we thought—which is that the European Union case is extremely robust. The DECC case is extremely robust.

Q165 Antoinette Sandbach: I appreciate that it is EDF’s position that it has full confidence in the position at Flamanville. If that outcome is negative, in terms of the report that is issued at the end of the year, will that not have a big impact on EDF finances and on the Flamanville project itself—which could potentially have knock-on effects for Hinkley?

Vincent de Rivaz: Frankly, I do not want to speculate on this type of scenario, which is not the scenario that is, in our view, likely to happen.

Chair: We have got about 10 minutes per Committee member after this because time is pressing for the next part of this session.

Q166 James Heappey: In which case, the first question will be very easy. Can you confirm that Hinkley Point will be operational in 2025?

Vincent de Rivaz: We understand fully the need for that to be the case.

Q167 James Heappey: You and I had a bit of a thing when we started—it was kind of like this last time round.

Vincent de Rivaz: At the moment, when everything is set for the FID, we will confirm the exact date of the commissioning of Hinkley Point C. What I said earlier is that the project is not on hold. Yes, there has been a decision to add to the process before FID— this consultation—and that has the effect of having postponed the FID a bit, but it has not postponed or delayed the project because we are still working on the project. We are still using this extra time before the FID to secure the project and to secure the timescale of the project, so we will be in a position at the moment of the FID to see what has been the consequence of this delay to the FID on the date of the commissioning. We are doing everything, James, to be ready when the UK needs it. We understand very well that the Government have in their plan to have this project—

Q168 James Heappey: I tried to obey the Chair’s instruction by asking a very short question; I would just be grateful if you gave me a really short answer. I think that what you have just said is that you are not committing to 2025 and that the delay in the FID may potentially mean that you need to revise the date. Is that right, or are you still confident that you could have it switched on in 2025?

Vincent de Rivaz: The delay in the FID is not a delay in the project because we are still working. We have never stopped working on this project.

Q169 James Heappey: You are, and because you are still working—there are 600 people employed on site and you are spending hundreds of millions of pounds still down there; that is very welcome down in Somerset—does that mean 2025 is still your date?

Vincent de Rivaz: It is certainly the date we would like to be able to confirm at the moment of the FID.

Q170 James Heappey: Okay. We will leave that there.

Mr Cadoux-Hudson, you said that it is a 115-month construction period. Notwithstanding the fact that work is going on concurrent to the consultation, which effectively means that three or four months of work will be done during that, if you add 115 months to September 2016, you come out at April 2026. If you give back the three or four months you are working concurrent to the consultation, that brings you forward to January or February 2026. So your own timelines would indicate that 2026 is more realistic than 2025. Is that the case?

Humphrey Cadoux-Hudson: As Vincent said, there are a lot of complex things to take into account on the schedule. We are going to assess at the time of FID exactly where we are, and we will announce a date. I can only repeat what Vincent has been saying.

Q171 Matthew Pennycook: I have several questions about the project cost. Brevity would be extremely appreciated, because I would like to get through those in the time available. You said at the start that the project cost remained £18 billion. Can you confirm whether that is the all-in project cost?

Humphrey Cadoux-Hudson: Yes.

Q172 Matthew Pennycook: Is that predicated on 100% equity financing? If so, could you explain the rationale for that? It would be interesting to find out what the cost of equity is, for example, against the rate at which you can borrow, because back in 2013, there was a level of debt involved in the project.

Humphrey Cadoux-Hudson: The £18 billion is the cost of the project—of building the power station. It does not include financing costs. The cost of equity was taken into account in the discussions we were having with DECC over the contract for difference, but the financing charges, if we continue to fund on an equity basis, obviously will not be part of the project cost. Clearly over the life of the project, we will reassess how it is funded. That may change over time but at the moment we are going ahead on day one on an equity finance basis. There is the £2 billion loan guarantee that we have arranged with IUK-IPA. If we are able to, that will be part of the financing as well, but the £18 billion is very simple: it is the cost of constructing the power station.

Q173 Matthew Pennycook: If debt is introduced at some point in the future—you just said you might reassess that—there would be an interest implication. Would that therefore feed into increased cost beyond the £18 billion?

Humphrey Cadoux-Hudson: It will not increase the £18 billion, because the £18 billion is the cost of building the power station. Financing costs are a separate matter. I have said that £18 billion does not include the cost of financing. Is that clear?

Matthew Pennycook: Yes, that is clear.

Vincent de Rivaz: The strike price of the CfD is not going to change.

Q174 Matthew Pennycook: Moving on to the contingency funds, there were reports recently about £2.7 billion being set aside as a contingency fund. That is 15% of the project cost, as I understand it. Is that normal for a project of this size? How does it compare with the other EPR projects that EDF is involved in?

Humphrey Cadoux-Hudson: The main thing to understand is that the £18 billion includes contingency. We set a budget. It is normal to set a budget that includes contingency. You don’t know everything, obviously, at the beginning of such a large project. The money that you refer to is actually serving a different purpose. We have a budget that the shareholders are going to approve. The project will go ahead, and we are all focused on delivering at that level or less. If we deliver at less, clearly we share it, under the CfD arrangements, with consumers.

The contingency you refer to is serving a different purpose. It is to do with the shareholder agreement—an agreement between EDF and CGN—and asking the question: as shareholders, what will we do to cover the circumstance that is unlikely but could possibly occur if there were further expenditure on the project, to ensure that the shareholders continue to put the funds in, in line with the shareholder agreement? It is not contingency in the normal sense of budget contingency. It is a further reserve to ensure that the shareholders comply with what we have put in the shareholder agreement.

Q175 Matthew Pennycook: So if it were to rise above 15%, you would bear all the risk, as it were.

Humphrey Cadoux-Hudson: The shareholders, in any case, bear all the risk.

Q176 Matthew Pennycook: I just have a final question about the UK Government’s construction guarantee. As things stand, is there any issue at all in calling that in with regards to Flamanville and the impact that might have?

Humphrey Cadoux-Hudson: The arrangement that we have entered into with IPA— the guarantee is £2 billion. We are able to draw that early on if we fulfil all the conditions associated with it. We have made provision to increase beyond the £2 billion if we can clear a whole load of further conditions around further drawings on the IPA loan arrangement. Time will see what we do. That further drawing includes among the conditions a condition on the successful operation of Flamanville. That is an issue that we will address in due course.

Q177 Matthew Pennycook: Anything beyond the £2 billion—

Humphrey Cadoux-Hudson: Yes, the main thing to say is that at FID—at the start— the shareholders are committed to put in the money necessary to fund the full project. The most important thing for us is that at FID, we know we are funded all the way through to the finishing line, from construction into successful operation. We can assure the UK that we, as shareholders, are taking the risk of construction. The way you do that is to secure the money.

Q178 Chair: Turning to EDF’s financial situation, over the next decade €55 billion is required for the 58 nuclear reactors in France. Over and above that, there are figures of £18 billion starting off with Hinkley. The next is £21 billion. The European Union says it will be

£24 billion, which is a third increase on the £18 billion originally touted. Now, cash flow and profitability have been under significant pressure in recent months. You announced packages in April that were designed to solve the problem. How confident are you that the packages announced in April will solve EDF’s financial strains and pressures?

Vincent de Rivaz: Absolutely, yes. It is a plan that EDF means to develop to secure its future. It is a very significant plan. As you know, there are three main elements to it. EDF will come back to an asset disposal programme of €10 billion by 2020 to reduce its debts. EDF will strengthen its efficiency programme. The goal, which was to reduce operating expenditure by €700 million by 2017, has been extended, and the objective has now increased to at least €1 billion by 2019.

Last but not least, the company will increase its capital base by €4 billion. That is very important. As Mr Macron put it in his letter, the French state—the major shareholder—has announced that it would participate in this €4 billion with €3 billion. That is in addition to the fact that the French Government have also committed to collect their dividends in shares for the years 2016 and 2017. They have already done it in 2015. Yes, we have an overall plan that will mean that EDF has the means to develop and secure its future.

Q179 Chair: Do you think that this will make the trade unions in France particularly nervous? They know that €55 billion is required for the 58 nuclear reactors in the next decade. You want to add another 50% to that in one nuclear reactor outside the French state. Do you think that that is causing much nervousness? Is it the cause of the nervousness?

Vincent de Rivaz: I think that it is absolutely correct to say that the overall financial situation of EDF has created nervousness. But the chairman has been working very hard in the context that we all know about, with plummeting prices under wholesale markets. He has been working very hard with the French state to secure the future of the company, and he achieved that. He announced at the end of April—

Q180 Chair: We are living with historically low interest rates at the moment, but if interest rates were to rise, what sort of shock would that bring to EDF and what would the consequences be? What would be the effect on EDF?

Vincent de Rivaz: EDF is an important player on the debt market. It is clear that any increase in the interest rate will impact on all the people who are borrowing money. EDF has secured a strong balance sheet in order to reduce the impact of any increase of the interest rate on the future of the company. It is an important issue. It is very important for nuclear policy because, as you say, it is outside of the French state. It is core to the strategy of EDF. It is very important. We have an overall plan in place.

Q181 Antoinette Sandbach: Moody’s has downgraded the rating for EDF. The forge that is due to create the components at Hinkley is the same one that is dealing with Flamanville. Sorry to go on about Flamanville. If there is a negative outcome from that inquiry, do you see a risk that your Moody’s rating will go down further? Or if there are further delays in your projects at Flamanville and Taishan, will it then become much more expensive for EDF to borrow money?

Vincent de Rivaz: First, I think that all that is absolutely consistent. Your questions are relevant to the big questions that EDF had to address, which is to secure its financial strategy in the context you have described. All the energy companies in Europe have been downgraded by the rating agencies. The rating agency recently announced a downgrade for EDF, which is exactly what we expected it to be after the plan that has been presented to the board, and therefore we are in line with the expectations regarding the level of the downgrade that has been decided by the rating agencies. We have also said—it is something we have anticipated—it is in our plans that if the final investment decision is taken and there would be an additional downgrade, it is exactly what we had planned. It is for us a satisfaction that what we have planned is realised.

Q182 Antoinette Sandbach: Can I just clarify that answer? You have built into your assessments around Hinkley and the final investment decision a further downgrade?

Vincent de Rivaz: It is what rating agencies do and we have anticipated it. We are taking that extremely seriously. It is the duty of the company and the chairman and the CEO to look at all that. That has been anticipated and at the moment confirms our anticipations.

Q183 Chair: I know that EDF’s balance sheet has already been affected by low wholesale prices. To what extent is the Hinkley project vulnerable if wholesale prices remain low for more than two years?

Humphrey Cadoux-Hudson: In the UK or in France?

Q184 Chair: Across the piece: the wholesale prices that EDF are currently receiving in France or anywhere.

Humphrey Cadoux-Hudson: That is what we have been saying. That has been part of the assessment of why the balance sheet of EDF needs to be reinforced. If it wasn’t for that, there would not be a need for it. It is a combination of the investment profile going forward and the fall in European prices.

Q185 Chair: Are you taking any steps to mitigate the risks of lower wholesale prices, if they are sustained low wholesale prices?

Vincent de Rivaz: I can answer on behalf of EDF as chief executive of the group. I am very close to the chairman. The plan that has been presented, I repeat, is a comprehensive plan with three elements. It is the result of long months of discussions with the French state, supported by the French state and presented for the board. It is a plan that is addressing the situation of EDF as it is today, based on the assumptions that we all have to take into account regarding the level of investments and the level of revenues, and the level of revenues is totally dependent on the wholesale prices. If the situation improves in the next three or four years, it will make it easier. If the situation does not improve or even worsens, in due time the company, as has always been the case, will react, will adapt and will do what is necessary. This plan is fit for purpose in the current context, given the elements we have in hand at the moment—investments on the one side and revenues on the other side. We have the right plan at the right time for the right programme for EDF.

Q186 Chair: You say fit for purpose, at the right time and so on, but France’s state audit body has said that EDF should ask itself “serious questions” before pushing ahead with plans to build the flagship Hinkley nuclear power station. Given the ongoing delays, do you think it is perhaps time to think again on pulling the plug on the Hinkley project? Given the machinations within EDF, which seem to be of delay and kicking the can down the road, and major fears from many quarters within EDF—a finance director has gone over this—and given also that this seems to represent spectacularly bad value for money for the bill payer in the UK, has there ever been a moment where you have paused, thought again and re- evaluated?

Vincent de Rivaz: We are not going to give up after one decade in which we have overcome so many hurdles. The contract for difference, which is fundamental to this investment decision, as I have said many times, including in this place, is a fair deal—fair for the investors and fair for the customers.

Q187 Chair: But given what France’s state audit body has said—do you not have any cognisance of what the audit body of the French Republic has said?

Vincent de Rivaz: The French Cour des Comptes has a role to assess the risks and the opportunities. The company—how can I say this without repeating myself? You have the letter of Mr Macron, who is in charge of—

Q188 Chair: Yes, but how seriously does EDF take the French state audit body’s views on Hinkley?

Vincent de Rivaz: The letter of Mr Macron—

Chair: Not the letter of Mr Macron, but the views of France’s state audit body, which said that EDF should ask itself “serious questions”. How seriously does EDF take that body?

Vincent de Rivaz: Very seriously. And precisely, it is exactly what EDF has—

Q189 Chair: Have you done what they asked you to do?

Vincent de Rivaz: Yes, Sir. It is exactly what EDF has done. When the chairman said at the beginning of this year, “I will not go ahead with Hinkley Point C before I have secured the overall financial trajectory,” it was exactly the same point. He is very conscious of the challenges that EDF is facing: investment on one side and revenues plummeting down on the other side. He did not say, “Well, I have a problem.” He found a solution, and the solution is in place. It addresses the concern of the audit body.

Q190 Matthew Pennycook: You laughed as if we were impertinent to ask any questions about the project or the risks involved, but can you see this from the point of view of customers who are perhaps watching this session—customers like myself, who are going to be paying for this well into their old age? We have repeatedly heard confidence, guarantees and promises, and we are here time and again. What would you say to those people who are outside watching?

Vincent de Rivaz: About?

Q191 Matthew Pennycook: About the confidence in this project being delivered, starting to generate in 2025—all the things that you say whenever we meet you and in the press about there being nothing to worry about here, despite senior politicians in France raising concerns and all the concerns raised by experts. What would you say to people who are sceptical about that?

Vincent de Rivaz: I understand the impatience, because people are worried—

Q192 Matthew Pennycook: It’s not impatience. It is a lack of faith that what you say is actually going to be delivered, despite the confidence you exhibit.

Vincent de Rivaz: I understand the impatience that people have to see this project going ahead and being delivered on time. I understand that. But what I am telling you is that we are confident that the project is ready to go. As I have said, no project is as well prepared as this one to be a success.

Secondly, a question was just raised about the financial position of EDF. EDF has been working on this to find a solution, which is confirmed by the French Minister. Thirdly, there is a consultation going on. I have every confidence that this consultation would be a good opportunity to address the concerns that have been raised. At the end of the consultation the board will make its decision. I am here to confirm that we are not pulling the plug. On the contrary, the project is not annulled and it will continue.

Q193 James Heappey: Mr de Rivaz, I am now going to ask you some questions which in no way prejudge the consultation. It is clear to the Committee that the expectation we should have is September, but you have said very clearly that you would prefer it to be as soon as possible. As a matter of fact, if the consultation began on 2 May then, whether or not 2 May itself is included, 60 days from that date will be either 1 or 2 July. That is a statement of fact, is it not? A period of 60 days from 2 May will be either 1 or 2 July, depending on whether 2 May is included.

Vincent de Rivaz: Yes. It is a fact that 60 days leads to that date. It is also a fact that I don’t want to prejudge the results.

Q194 James Heappey: I know. I am not going to ask you to. I said very clearly that you are not being asked to prejudge. The earliest that the process can finish, therefore, is 2 July. What is the shortest possible time, once the consultation is finished, in which you could complete your analysis of the consultation and be in a position to make the FID? Not to prejudge in any way, but what is the shortest possible time it could take thereafter?

Vincent de Rivaz: As the Minister put it in his letter, it will be very rapid.

Q195 James Heappey: Very rapid. So it is conceivable, without prejudging in any way, that a decision could be taken before the August holiday in France. It is conceivable.

Vincent de Rivaz: The sooner the better, and that is part of the sooner scenario. Chair: If we have 60 working days, that takes us to 22 July, so we would be looking at— James Heappey: I think 60 days, full stop.

Q196 Chair: So it would be 60 days, full stop. Very good. We expect a seven-day week. There have been reports of a final investment decision in September 2016, as you alerted us to in the letter from the Minister, Mr Macron. If this does not happen, can we request that EDF comes back to speak to the Committee in early October? It would be appreciated.

Vincent de Rivaz: Mr Chairman, the answer is yes. You told us last time we were here that we would be back, absolutely. I was asked on arrival on the street by a journalist, “Is it a waste of time?”. Democracy is never a waste of time.

Chair: Thank you. On that happy note, we will bring this session to a close.

1 () Société française d'énergie nucléaire (SFEN).

2 () Portail du ministère de l'économie.

3 () En mai 2016, Moody’s puis Standard and Poor’s (S&P) ont respectivement abaissé la note financière attribuée à EDF de A1 à A2 et de A+/A-1 à A/A-1 ; les deux agences ont toutes deux jugé que la notation de ses titres présentaient une « perspective négative ». En juin 2016, l’Agence Fitch a, pour sa part, abaissé la notation d'émetteur long terme de "A" à "A-" et court terme de "F1" à "F2".

4 () Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective estime que le prix de substitution implicite de la production d’électricité à partir de charbon par celle à partir de gaz est d’environ 40 euros par tonne de dioxyde de carbone.

5 () http://www.energie-info.fr /

6 () Le montant estimatif des rattrapages déjà réalisés par les TRV sur la période du 1er novembre 2014 au 31 juillet 2015 s’établit à 205 millions d’euros.

7 () CE, 15 juin 2016, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE), n° 383722 et n° 386078.

8 () Valérie Rabault, Rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2015, Tome I, Assemblée nationale, XIVe législature, n° 3217, 26 novembre 2015.

9 () Réseau de transport d’électricité (RTE) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), Signal prix du CO2 Analyse de son impact sur le système électrique européen, mars 2016.

10 () Raphaël TROTIGNON, Boris SOLIER et Christian de PERTHUIS, Un prix-plancher du carbone pour le secteur électrique : Quelles conséquences ?, Policy brief n° 2015-03, Chaire de l’économie du climat, Novembre 2015.

11 () Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

12 () Cf. articles L. 141-1 à L. 141-6 du code de l’énergie.

13 () Pierre Le Hir, « Le mirage français de la baisse du nucléaire », Le Monde.fr, article du 30 juin 2016.

14 () L’article L. 311-5-5 du code de l’énergie précise qu’afin d’apprécier la capacité totale autorisée, l’autorité administrative prend en compte les abrogations d’autorisation prononcées à la demande des exploitants.

15 () Le décret d’autorisation nécessaire à la construction de l’EPR de Flamanville a été publié en avril 2007, après que la loi d’orientation sur l’énergie du 13 juillet 2005 a fourni le cadre législatif adéquat et qu’un débat public a été organisé au plan national entre octobre 2005 et février 2006.

16 () Cette échéance correspond à la date à laquelle EDF envisage de réaliser le chargement du combustible et de procéder au démarrage du réacteur. Le calendrier prévoit la finalisation des montages mécaniques du circuit primaire au 1er trimestre 2016, l’achèvement des montages électromécaniques et le début des essais d’ensemble devant être réalisés au 1er trimestre 2017. Il ne tient pas compte des conséquences éventuelles d’une déclaration de non-conformité de la cuve posée à raison des défauts que pourraient présenter son fond et son couvercle.

17 () Cour des comptes, Rapport public annuel 2016, Les observations, Tome I, février 2016, p. 130.

18 () Suivant l’article L. 593-26 du code de l’environnement, l’exploitant doit indiquer dans sa déclaration la date à laquelle cet arrêt doit intervenir et précise, en les justifiant, les opérations qu'il envisage de mener, compte tenu de cet arrêt et dans l'attente de l'engagement du démantèlement, pour réduire les risques ou inconvénients pour les intérêts protégés mentionnés à l'article L. 593-1 du code de l’environnement.

19 () L’article L. 593-27 confère au ministre la faculté de prolonger ce délai de deux ans au plus, à la demande de l’exploitant, « dans le cas de certaines installations complexes, en dehors des réacteurs à eau sous pression de production d'électricité ».

20 () Loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, codifiée par le décret du 2 novembre 2007 et l’arrêté du 7 février 2012.

21 () Autorité de sûreté nucléaire, L’état de la sûreté nucléaire et la radio protection en France en 2015, mai 2015, pp. 464-468.

22 () Les installations concernées (réacteurs, laboratoires de recherche, centre de retraitement, etc.) se trouvent sur les sites du Bugey, de Chinon, de Chooz, de Creys-Malville (Superphénix) et de Saint-Laurent-des-Eaux.

23 () Cf. « Démantèlement des centrales nucléaires de première génération : le collège de l’ASN a auditionné EDF », note d’information du 2 juin 2016.

24 () Arrêté du 7 mars 2003 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité. Arrêté du 7 juillet 2006 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité.

25 () Voir encore en ce sens l’arrêté du 28 août 2015 modifiant l’arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité.

26 () Par ailleurs, le décret n° 2012-1384 du 11 décembre 2012 a institué un délégué interministériel à la fermeture de la centrale nucléaire et à la reconversion du site de Fessenheim. M. Jean-Michel Malerba en assume aujourd’hui la fonction, nommé par le décret du 16 janvier 2014.

27 () Denis Cosnard, « EDF refuse de lancer la fermeture de Fessenheim », Le Monde Économie et Entreprises, édition du 16 juin 2016, p. 16.

28 () Rapport d’information (n° 2233), déposé en application de la l’article 146 du Règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, sur le coût de la fermeture anticipée de réacteurs nucléaires : l’exemple de Fessenheim, et présenté par MM. Marc Goua et Hervé Mariton, députés, pp. 45-47. Le scénario médian reposait sur deux hypothèses : d’une part, un manque à gagner jusqu’en 2040 pour l’exploitant évalué à 4,7 milliards d’euros ; d’autre part, une perte de chance pour l’exploitant de poursuivre son activité estimée à 85 % dans le cas d’une prolongation de l’exploitation jusqu’à 60 ans.

29 () Denis Cosnard, « EDF refuse de lancer la fermeture de Fessenheim », Le Monde Économie et Entreprises, édition du 16 juin 2016, p. 16.

30 () Les rapports entre EDF et des sociétés étrangères ayant pris part à la construction de réacteurs résultent de « contrats de d’allocation de production ». Dans ce cadre, les partenaires de l’électricien disposent d’une partie de l’énergie produite, à raison de leur participation au financement de la construction et en contrepartie du règlement à due concurrence des coûts annuels d’exploitation, des taxes locales et spécifiques au nucléaire et des coûts relatifs à la déconstruction. Dans le cas de Fessenheim, les participations de EnBW et du groupement d’électriciens suisses s’établissent respectivement à 17,5 % et 15 %. Ils ne disposent pour autant d’aucun rôle opérationnel dans la gestion de la centrale.

31 () En dehors des visites périodiques, la mise à l’arrêt définitif d’un réacteur peut néanmoins intervenir à tout moment, soit par décision de l’exploitant, soit pour des motifs de sûreté par décision du Gouvernement.

32 () Cf. Présentation, ouverte à la presse, du rapport annuel de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France, à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, au cours de sa réunion du mercredi 25 mai 2016.

33 () En 2017, le plus récent des 34 réacteurs de 900 MW pourrait obtenir l’autorisation de poursuivre son exploitation au-delà de 30 ans pour 10 ans supplémentaires. Pour les plus anciens réacteurs de 900 MW, les autorisations de poursuite d’exploitation au-delà de 40 ans pourraient être délivrées entre 2019 et 2030. Les autorisations pour une exploitation au-delà de 30 ans des 20 réacteurs de 1 300 MW pourraient être délivrées entre 2015 et 2023, celles des quatre réacteurs de 1 400 MW à partir de 2028. (Cf. Cour des comptes, Rapport public annuel 2016, Les observations, tome I, février 2016, p. 122.).

34 () Soit une dépense estimée à 55 milliards d’euros (en valeur 2011) et 56,4 milliards d’euros en valeur 2013.

35 () EDF, « Grand carénage : chiffres clés », (https://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/espaces-dedies/espace-medias/notes/2016/note_information_grand-carenage_20160519_vf.pdf).

36 () Cour des comptes, Rapport public annuel 2016, Les observations, tome I, février 2016, pp. 125-127.

37 () Cette instance fait partie du Conseil national de l’Industrie, lui-même placé sous l’autorité du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

38 () Audition, ouverte à la presse, de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, sur la situation d’Électricité de France (EDF) par la commission des Affaires économiques au cours de la réunion du mardi 22 mars 2016.

39 () Rapport d’information (n° 2952), déposé en application de la l’article 146 du Règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, sur les perspectives de développement d’AREVA et l’avenir de la filière nucléaire, présenté par MM. Marc Goua et Hervé Mariton, député, pp.46-51.

40 () Au 31 décembre 2014, les actions de l’État représentaient 84,49 % du capital.

41 () Issu de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

42 () Décret n° 2004-1224 du 17 novembre 2004 portant statuts de la société anonyme Électricité de France.

43 () Audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, sur l’État actionnaire, par la commission des Finances du Sénat au cours de sa réunion du 25 mai 2016.

44 () Rapport d’information (n° 2952), déposé au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, sur les perspectives de développement d’AREVA et l’avenir de la filière nucléaire, présenté par MM. Marc Goua et Hervé Mariton, pp.60-62.

45 () Décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale Agence des participations de l’État.

46 () En application du décret n° 55-733 du 26 mai 1955 relatif au contrôle économique et financier de l’État et du décret n° 53-707 du 9 août 1953 relatif au contrôle de l’État sur les entreprises publiques nationales et certains organismes ayant un objet d’ordre économique ou social.

47 () Conformément aux articles L.111-4, L.133-1 et L.133-2 du Code des juridictions financières.

48 () Rapport relatif à l’État actionnaire, annexe au projet de loi de finances pour 2016, octobre 2015, page 21.

49 () Audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, sur l’État actionnaire, par la commission des Finances du Sénat au cours de sa réunion du 25 mai 2016.

50 () À cette date, le portefeuille des participations de l’État était évalué à environ 62,4 milliards d’euros.

51 () Audition, ouverte à la presse, de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, sur la situation d’Électricité de France (EDF) par la commission des Affaires économiques au cours de la réunion du mardi 22 mars 2016.

52 () Voir en ce sens l’audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, sur l’État actionnaire, par la commission des Finances du Sénat au cours de sa réunion du 25 mai 2016.

53 () Reuters France, « EDF signe un accord avec le japonais MHI dans le nucléaire », 28 juin 2016.

54 () La vente de Canberra au groupe Mirion devrait rapporter à AREVA entre 310 et 350 millions d’euros selon l’Agence France presse (AFP), « Areva : vente de la filiale Canberra », 28 juin 2016.

55 () Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization.

56 () EDF, Document de référence 2015, pp. 337-338.

57 () Le projet dénommé « Centre industriel de stockage géologique » (CIGEO) vise à la mise en œuvre de solutions de gestion à long terme des déchets radioactifs de haute et de moyennes activités à vie longue par leur enfouissement sous terre. Le village de Bure, à la limite des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, devrait accueillir ce site.

58 () À la fin du mois de mars 2016, EDF a eu à déplorer la chute d’un générateur de vapeur dans le bâtiment du réacteur n° 2 de cette centrale. Son redémarrage n’est pas prévu avant mars 2017.

59 () Décret n°46-1541 du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières.

60 () Deux accords ont été signés le 22 février 2016 par la CFE-CGC et la CFDT – organisations ayant recueilli 70 % des voix exprimées aux élections professionnelles. Le premier porte sur l’organisation du temps de travail et prévoit l’instauration du forfait-jour pour les cadres qui le choisiront. Conclu à l’unanimité des organisations syndicales, le second donne la possibilité de recourir au télétravail un jour – fixe ou variable – par semaine.

61 () EDF, Document de référence 2015, pp. 14-15.

62 () Loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.

63 () Audition de M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, sur l’État actionnaire, par la commission des finances du Sénat au cours de sa réunion du 25 mai 2016.

64 () Au cours de son audition par vos Rapporteurs, M. François Brottes, président du directoire de RTE, a indiqué que ce projet industriel pourrait être rendu public à la mi-juillet 2016.

65 () Loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

66 () Lettre adressée au président d’AREVA par le président de l’ASN et datée du 14 décembre 2015.

67 () Lettre adressée au président d’AREVA par le président de l’ASN et datée du 14 décembre 2015.

68 () Autorité de sûreté nucléaire (ASN), « Irrégularités détectées dans l’usine d’Areva de Creusot Forge : l’ASN fait un point d’étape », Note d’information, 16 juin 2016.

69 () World Nuclear Association, « The Nuclear Fuel Report, Global Scenarios for Demand and Supply Availability 2015-2035 », septembre 2015.

70 () Institut Montaigne, « Les acteurs français ont perdu en compétitivité sur un marché de la construction neuve de plus en plus concurrentiel » dans Nucléaire : l’heure des choix, juin 2016, pp. 148-151.

71 () L’activité du groupe EDF au Royaume-Uni est placée sous la responsabilité de la filiale EDF Energy en ce qui concerne la fourniture d’énergie et la production d’électricité. EDF Energy possède et exploite déjà huit centrales nucléaires d’une capacité totale de 8,9 GW au Royaume-Uni.

72 () House of Commons, Oral evidence on UK New Nuclear, Energy and Climate Change Committee, 24 mai 2016.

73 () Le contrat prévoit une durée de prix garanti de 35 ans en cas de mise en service de 2025 à 2029. Au-delà de 2029, ce dernier est raccourci d’une année pour chaque année de retard. Au-delà de 2033, le contrat peut être annulé par le gouvernement britannique.

74 () House of Commons, Oral evidence on UK New Nuclear, Energy and Climate Change Committee, 24 mai 2016.

75 () Audition de M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général du groupe Électricité de France (EDF), commission des affaires économiques, compte rendu n° 68, 5 avril 2016.

76 () House of Commons, Oral evidence on UK New Nuclear, Energy and Climate Change Committee, 24 mai 2016.

77 () Reuters France, « Le Brexit n’affecte pas le projet Hinkley Point, assure Londres. », 29 juin 2016.

78 () Institut Montaigne, « De nouvelles orientations en matière de R&D doivent être données visant à améliorer la compétitivité de la filière » dans Nucléaire : l’heure des choix, juin 2016, pp. 159-162.

79 () Électricité de France, Document de référence, Rapport financier annuel 2015, p. 70.


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