N° 4157 - Rapport d'information de Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Julien Aubert et Mme Sabine Buis déposé en application de l'article 145 du règlement en conclusion des travaux de la mission d'information commune sur l'application de la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte




N° 4157

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 octobre 2016.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA MISSION D’INFORMATION COMMUNE (1)

sur l’application de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015
relative
à la transition énergétique pour la croissance verte,

ET PRÉSENTÉ PAR

M. Jean-Paul CHANTEGUET,

Président, rapporteur,

Mmes Marie-Noëlle BATTISTEL et Sabine BUIS, rapporteures,

et M. Julien AUBERT, rapporteur

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La mission d’information commune sur l’application de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte est composée de : M. Damien Abad, M. Bernard Accoyer, M. Julien Aubert, M. Guillaume Bachelay, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Christophe Bouillon, Mme Sabine Buis, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Jean-Jacques Cottel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, Mme Geneviève Gaillard, M. Marc Goua, M. Michel Heinrich, M. Jacques Krabal, M. Alain Leboeuf, M. Michel Lesage, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Bertrand Pancher, M. Martial Saddier, Mme Béatrice Santais, M. Michel Sordi.

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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 13

Production et consommation d’énergie en France et en Allemagne 14

Le nucléaire : une spécificité française 18

La réduction des gaz à effet de serre 20

Les perspectives du marché de l’électricité 28

Une mise en œuvre de grande ampleur 30

TITRE IER – DÉFINIR LES OBJECTIFS COMMUNS POUR RÉUSSIR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, RENFORCER L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE ET LA COMPÉTITIVITÉ ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE, PRÉSERVER LA SANTÉ HUMAINE ET L’ENVIRONNEMENT ET LUTTER CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE 41

Article 1er : Programmation de la transition énergétique 41

Article 2 : Intégration des objectifs de la politique énergétique dans les politiques publiques 48

L’énergie photovoltaïque 49

TITRE II – MIEUX RÉNOVER LES BÂTIMENTS POUR ÉCONOMISER L’ÉNERGIE, FAIRE BAISSER LES FACTURES ET CRÉER DES EMPLOIS 51

Article 3 : Objectif de rénovation énergétique de 500 000 logements par an 54

Article 4 : Stratégie nationale de rénovation en matière de bâtiments : demande de rapport au Gouvernement 54

Article 5 : Rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels 54

Article 6 : Obligation de rénovation au cas de mutation d’un bien immobilier 56

Article 7 : Dérogation aux règles d’urbanisme au bénéfice des travaux d’isolation 56

Article 8 : Obligation de performances énergétiques dans les documents d’urbanisme et exemplarité de la construction sous maîtrise d’ouvrage public 57

Article 9 : Composition et présidence du conseil d’administration du centre scientifique et technique du bâtiment 57

Article 10 : Mission du conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique 60

Article 11 : Carnet numérique du suivi et de l’entretien du logement 62

Article 12 : Critère de performance énergétique minimale 64

Article 13 : Respect des normes de performances énergétiques minimales pour la vente d’une HLM 64

Article 14 : Niveau de performance énergétique des bâtiments 65

Article 15 : Organisme certificateur de la performance énergétique d’un bâtiment neuf 67

Article 16 : Mise à jour du logiciel des caractéristiques thermiques des constructions nouvelles 68

Article 17 : Prolongation des obligations de rénovation par période décennale 68

Article 18 : Marchés privés de bâtiments en sous-traitance 69

Article 19 : Opportunité de regrouper certains financements destinés aux ménages modestes dans un fonds unique : demande de rapport au Gouvernement 69

Article 20 : Fonds de garantie pour la rénovation énergétique 70

Article 21 : Rapport sur l’opportunité d’aides fiscales à l’installation de filtres à particules sur les équipements de chauffage au bois destinés aux particuliers 72

Article 22 : Plateformes territoriales du service public de la performance énergétique 72

Article 23 : Mise en œuvre du service de tiers financement 72

Article 24 : Modalités de remboursement d’un prêt viager hypothécaire 73

Article 25 : Avances sur travaux consenties par un établissement de crédit, un établissement financier ou une société de tiers financement 73

Article 26 : Individualisation des compteurs de chauffages d’immeuble. 73

Article 27 : Régime de sanctions administratives en cas de non-respect des règles de comptage de la consommation de chaleur, d’électricité et de gaz 76

Article 28 : Compteurs « déportés » Linky et Gazpar 76

Article 29 : Accès des opérateurs des gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturels et d’électricité aux compteurs 87

Article 30 : Certificats d’économies d’énergie 88

Article 31 : Notion d’impropriété à la destination en matière de performance énergétique 89

Article 32 : Ménages en situation de précarité énergétique 89

Article 33 : Colonnes montantes : demande d’un rapport au Gouvernement 89

TITRE III – DÉVELOPPER LES TRANSPORTS PROPRES POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L’AIR ET PROTÉGER LA SANTÉ 93

Chapitre Ier – Priorité aux modes de transports les moins polluants 93

Article 34 : Compétences du syndicat de transports d’Île-de-France (STIF) pour organiser des services d’auto-partage et de location de vélos 97

Article 35 : Expérimentations d’espaces logistiques en matière de transport 97

Article 36 : Priorité aux transports en commun moins polluants et aux reports modaux 97

Chapitre II – Efficacité énergétique et énergies renouvelables dans les transports 97

Article 37 : Obligation d’acquisition de véhicules propres par l’État et les établissements publics ; habilitation à légiférer par ordonnance pour l’expérimentation de véhicules à délégation de conduite 97

Article 38 : Abonnements autoroutiers réduits pour les véhicules sobres et peu polluants 101

Article 39 : Réduction d’impôts pour les sociétés qui mettent une flotte de vélos à disposition de leur personnel 101

Article 40 : Stratégie nationale pour le développement des véhicules propres et des infrastructures d’alimentation correspondantes 103

Article 41 : Déploiement d’infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et hybrides et stationnement des vélos 106

Article 42 : Réduction du nombre de places de stationnement exigées par un plan local d’urbanisme au cas d’auto-partage 108

Article 43 : Objectif d’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports et développement des biocarburants 109

Chapitre III – Réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques et qualité de l’air dans les transports 110

Article 44 : Objectif de réduction des émissions des gaz à effet de serre par le secteur de la grande distribution 110

Article 45 : Obligation pour les aéroports d’établir des programmes de réduction des gaz à effet de serre et de gaz atmosphériques 111

Article 46 : Quotas d’émission de gaz à effet de serre pour les exploitants d’aéronefs 113

Article 47 : Possibilités pour le maire de fixer une vitesse maximale inférieure à 50 km/heure pour toute ou partie des voies de l’agglomération 113

Article 48 : Mesures environnementales de restriction de la circulation automobile 114

Article 49 : Possibilités pour le maire d’étendre l’interdiction d’accès des véhicules les plus polluants à l’ensemble des voies d’une commune située dans le périmètre d’un plan de protection de l’atmosphère 123

Article 50 : Indemnités kilométriques vélos 126

Article 51 : Plan de mobilité du personnel 129

Article 52 : Covoiturage, éclairage public et transports urbains par câble 129

Article 53 : Aires de covoiturage obligatoires sur les autoroutes 132

Article 54 : Prise en compte des besoins de déplacement domicile-travail dans le schéma régional de l’intermodalité 132

Article 55 : Plan de mobilité rurale 132

Article 56 : Voies réservées aux transports en commun, aux taxis et à l’autopartage : demande de rapport du Gouvernement 133

Article 57 : Émissions de particules fines dans le secteur du transport : demande de rapport au Gouvernement 133

Article 58 (article L.318-3 du code de la route) : Délit de défapage 133

Article 59 : Habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer la règlementation européenne concernant la teneur en soufre des combustibles marins 134

Article 60 : Obligation de pavillon pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en produits pétroliers raffinés 135

Article 61 : Servitude de marchepied : itinéraire inscrit au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. 139

Article 62 : Servitude de marchepied : cours d’eau ou lac domanial 139

Article 63 : Servitude de marchepied : fixation de la limite des emprises 140

Chapitre IV – Mesures de planification relatives à la qualité de l’air 140

Article 64 : Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques 140

Article 65 : Contrôle technique des véhicules particuliers ou utilitaires légers : émissions de polluants et de particules fines 141

Article 66 : Planification territoriale en matière de qualité de l’air 142

Article 67 : Obligation d’information de leurs clients par leurs prestataires de transport 142

Article 68 : Interdiction d’utilisation des produits phytosanitaires 143

TITRE IV – LUTTER CONTRE LES GASPILLAGES ET PROMOUVOIR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE : DE LA CONCEPTION DES PRODUITS À LEUR RECYCLAGE 147

Article 69 : Stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire 149

Article 70 : Transition vers une économie circulaire et objectifs de la politique de prévention et de valorisation des déchets 150

Article 71 : Intégration dans le cahier des charges des concessions hydrauliques de conditions relatives à la récupération et à la valorisation des bois flottants 153

Article 72 : Intégration d’objectifs en matière de consignes dans les cahiers des charges des éco-organismes 154

Article 73 : Interdiction à compter du 1er janvier 2020 de la mise à disposition des gobelets verres et assiettes jetables de cuisine en matière plastique 155

Article 74 : Objectif de découplage entre la croissance économique et la consommation de matières premières 156

Article 75 : Interdiction de distribution des sacs plastiques 157

Article 76 : Schéma de promotion des achats publics responsables 159

Article 77 : Enlèvement des épaves de véhicules. Récupération des véhicules. Gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Contrôle des transferts transfrontaliers de déchets. 160

Article 78 : Valorisation des déchets de construction et interdiction de dépôt et enfouissement sur les terres agricoles 163

Article 79 : Planification de la réduction de consommation de papier à usage bureautique et réemploi des déchets de chantiers routiers 163

Article 80 : Consignes de tri pour la collecte séparée des déchets d’emballages et de papiers graphiques, application nationale 163

Article 81 : Mise en œuvre de la responsabilité élargie des producteurs de bouteilles de gaz destinées au ménage 164

Article 82 : Obligation de caractérisation des déchets 165

Article 83 : Gouvernance des éco-organismes 165

Article 84 : Tarification incitative de deuxième niveau applicable aux collectivités territoriales 166

Article 85 : Recyclage des navires 167

Article 86 : Constat des infractions au code de l’environnement 167

Article 87 : Transport de déchets 168

Article 88 : Cahier des charges des éco-organismes 169

Article 89 : Extension de la responsabilité élargie du producteur aux navires de plaisance ou de sport 169

Article 90 : Information sur les caractéristiques environnementales des produits 170

Article 91 : Extension du périmètre de la responsabilité élargie du producteur papier à compter du 1er janvier 2017 171

Article 92 : Extension du périmètre de la responsabilité élargie du producteur textile 176

Article 93 : Reprise des déchets de construction 176

Article 94 : Gratuité de la reprise des déchets de construction 179

Article 95 : Autorisation des déchetteries 180

Article 96 : Tri à la source 180

Article 97 : Extension du contenu des plans départementaux ou interdépartementaux de prévention et de gestion de déchets non dangereux 182

Article 98 : Comptabilité analytique pour les services publics de prévention et de gestion des déchets 182

Article 99 : Définition du délit d’obsolescence programmée et sanctions 183

Article 100 : Réversibilité du stockage des déchets enfouis : demande de rapport au Gouvernement 183

Article 101 : Produits ne faisant pas l’objet d’un dispositif de responsabilité élargie d’un producteur : demande de rapport au Gouvernement 184

Article 102 : Démarches de lutte contre le gaspillage alimentaire dans les services de restauration collective 184

Article 103 : Suppression de l’inscription de la date limite d’utilisation optimale 184

TITRE V – FAVORISER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES POUR DIVERSIFIER NOS ÉNERGIES ET VALORISER LES RESSOURCES DE NOS TERRITOIRES 187

Chapitre Ier – Dispositions communes 188

Article 104 : Complément de rémunération 188

Article 105 : Délai de raccordement des installations de production à partir de sources renouvelables 198

Article 106 : Adaptation des procédures d’appels d’offres pour la production d’électricité renouvelable 199

Article 107 : Sanctions applicables aux régimes de soutien des énergies renouvelables 200

Article 108 : Production et vente d’électricité par les collectivités territoriales et leurs groupements 201

Article 109 : Participation des communes au capital de sociétés de production d’énergies renouvelables 201

Article 110 : Création de sociétés commerciales de production d’électricité ou de gaz par des régies. 203

Article 111 : Investissement participatif dans les projets de production d’énergies renouvelables 204

Article 112 : Méthanisation 205

Article 113 : Mise à jour de la liste des cours d’eau réservoirs 211

Article 114 : Admission de l’énergie photovoltaïque au bénéfice des réductions d’impôts 211

Article 115 : Prohibition du cumul de réduction d’impôts et d’un complément de rémunération 212

Chapitre II – Concessions hydroélectriques 212

L’énergie hydroélectrique 213

Article 116 : Méthode du barycentre 219

Article 117 : Répartition de la redevance hydraulique 221

Article 118 : Sociétés d’économies mixtes hydroélectrique 221

Chapitre III – Mesures techniques complémentaires 227

Article 119 : Installations de production d’électricité, hydroélectricité, biométhane, technologies innovantes : habilitation à légiférer par ordonnance 227

Article 120 : Obligation d’assurance pour l’exploitation de sites géothermiques 231

Article 121 : Plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné : demande de rapport au Gouvernement 231

Article 122 : Indemnisation des dommages miniers 233

TITRE VI – RENFORCER LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET L’INFORMATION DES CITOYENS 235

Article 123 : Rôle des commissions locales d’information 236

Article 124 : Limitation et surveillance des activités sous-traitées 243

Article 125 : Suivi médical des travailleurs exposés à des rayonnements ionisants 245

Article 126 : Autorisation en cas de modification substantielle d’une installation nucléaire de base 247

Article 127 : Démantèlement des installations nucléaires de base 248

Article 128 : Sûreté nucléaire : habilitation à légiférer par ordonnance 255

Article 129 : Transposition de la directive « Euratom » 273

Article 130 : Prescription relative à la responsabilité nucléaire civile 278

Article 131 : Disposition de conséquences 279

Article 132 : Consultation au sujet de l’obligation de constituer des provisions faites aux exploitants d’installations nucléaires de base 279

TITRE VII – SIMPLIFIER ET CLARIFIER LES PROCÉDURES POUR GAGNER EN EFFICACITÉ ET EN COMPÉTITIVITÉ 281

Chapitre Ier – Simplification des procédures 281

Article 133 : Participation du public 281

Article 134 : Extension de la compétence de RTE au domaine public maritime et à la ZEE 283

Article 135 : Hausse de lignes électriques dans des espaces remarquables 284

Article 136 : Prolongation de permis précaires pour un démonstrateur d’énergie renouvelable 284

Article 137 : Performance énergétique dans la commande publique 285

L’énergie éolienne 286

Article 138 : Implantation d’éoliennes 294

Article 139 : Renouvellement de la distance d’éloignement des éoliennes des zones d’habitation 295

Article 140 : Implantation d’éoliennes lorsqu’un plan local d’urbanisme est élaboré 295

Article 141 : Coexistence des éoliennes et des installations de défense 295

Article 142 : Information des conseillers municipaux des petites communes sur les délibérations relatives à une installation ICPE 296

Article 143 : Inopposabilité des règles d’urbanisme postérieures à l’autorisation d’une installation classée 296

Article 144 : Performance environnementale de la commande publique 297

Article 145 : Permis unique pour les éoliennes terrestres et les méthaniseurs 298

Article 146 : Simplification des procédures pour la géothermie basse température 299

Article 147 : Possibilité d’augmenter la puissance des installations hydroélectriques en plusieurs fois 299

Chapitre II – Régulation des réseaux et des marchés 299

Article 148 : Calcul du coût prévisionnel 299

Article 149 : Règles liées au marché de capacité : 300

Article 150 : Compétence de RTE 300

Article 151 : Fixation des tarifs réglementés de vente d’électricité 301

Article 152 : Indemnités en cas de résiliation d’un contrat au tarif réglementé de vente 302

Article 153 : Gouvernance des réseaux publics de distribution d’électricité 302

Article 154 : Calcul des tarifs de distribution de gaz naturel 304

Article 155 : Inventaire des besoins d’investissement sur les réseaux de distribution d’électricité 305

Article 156 : Définition des consommateurs électro-intensifs 305

Article 157 : Tarifs applicables aux consommateurs électro-intensifs 309

Article 158 : Interruptibilité 310

Article 159 : Tarification différenciée aux entreprises gazointensives 311

Article 160 : Tarification différenciée entre les consommateurs pour limiter les pointes 312

Article 161 : Tarification différenciée du gaz naturel 314

Article 162 : Risque de fuite de carbone : demande de rapport au Gouvernement 314

Article 163 315

Tarifs de cession applicables avant la date de suppression des tarifs réglementés 315

Article 164 : Adaptation des réseaux de transport en cas de modification de la nature du gaz acheminé 315

Article 165 : Péréquation des charges d’électricité 317

Article 166 : Prises de participation de RTE étendues à la zone de l’Association européenne de libre-échange 318

Chapitre III – Habilitations et dispositions diverses 318

Article 167 : Habilitation à légiférer par ordonnances 318

Article 168 : Effacement électrique diffus 323

Article 169 : Vérification des informations recueillies lors des contrôles effectués par la commission de régularisation de l’énergie 325

Article 170 : Droit des personnes publiques à conclure des contrats d’achat d’électricité de gaz révisables 325

Article 171 : Application du statut des industries électriques et gazières au personnel de la maison mère d’une entreprise locale de distribution 325

Article 172 : Transposition de directives sur le marché intérieur de l’électricité et du gaz : habilitation à prendre des ordonnances 325

TITRE VIII – DONNER AUX CITOYENS, AUX ENTREPRISES, AUX TERRITOIRES ET À L’ÉTAT LE POUVOIR D’AGIR ENSEMBLE 329

Chapitre Ier – Outils de la gouvernance nationale de la transition énergétique : programmation, recherche et formation 329

Article 173 : Budget carbone et stratégie bas-carbone 329

Article 174 : Financement de la transition énergétique : demande de rapport au Gouvernement 332

Article 175 : Stratégie nationale de mobilisation de la biomasse 332

Article 176 : Programmation pluriannuelle de l’énergie et programmation des capacités énergétiques 333

Article 177 : Comité d’experts pour la transition énergétique 336

Article 178 : Comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité 336

Article 179 : Accès aux données de production et de consommation d’énergie et registre national des installations de production et de stockage d’électricité 338

Article 180 : Intégration de la transition énergétique dans les politiques d’emploi et d’enseignement supérieur 341

Article 181 : Inclusion des techniques de mise en œuvre et de maintenance dans les formations d’enseignement technologique, professionnel et agricole 341

Article 182 : Formation continue relative au développement durable et à la transition énergétique 341

Article 183 : Recherche en matière d’énergie 342

Article 184 : Actions d’efficacité énergétique 343

Article 185 : Saisine du médiateur national 343

Article 186 : Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire 344

Chapitre II – Le pilotage de la production d’électricité 345

Article 187 : Autorisation et plan stratégique des exploitants produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité 345

L’énergie nucléaire 345

Chapitre III – La transition énergétique dans les territoires 347

Article 188 : Rôle de la région, plans climat air énergie 347

Article 189 : Installation d’éclairage public 349

Article 190 : Modalité de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre 349

Article 191 : Agences régionales de l’environnement 350

Article 192 : Agences locales de l’énergie et du climat 350

Article 193 : Prise en compte des réseaux d’énergie dans les orientations d’aménagement et de programmation des plans locaux d’urbanisme 351

Article 194 : Réseaux de distribution de chaleur et de froid 351

Article 195 : Compétences transitoires des établissements publics d’aménagement pour la distribution de chaleur et de froid 351

Article 196 : Recensement des réseaux de chaleur au sein du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie 351

Article 197 : Schéma régional biomasse 353

Article 198 : Commission consultative au sein des EPCI 354

Article 199 : Expérimentation sur le développement des services de flexibilité locaux 354

Article 200 : Déploiement expérimental de réseaux électriques intelligents : habilitation à légiférer par ordonnance 356

Article 201 : Chèque énergie 357

Article 202 : Délai maximal de 14 mois pour la facturation de la consommation d’électricité ou de gaz naturel 358

Chapitre IV – Dispositions spécifiques aux outre-mer et aux autres zones non interconnectées 358

Article 203 : Programmation pluriannuelle d’énergie en Corse et dans les outre-mer 361

Article 204 : Obligation pour les exploitants produisant plus d’un tiers de la production d’électricité naturelle d’élaborer un plan stratégique dans les zones non interconnectées 367

Article 205 : Dispositions spécifiques à la Guadeloupe 367

Article 206 : Inopposabilité de la stratégie bas carbone aux schémas d’aménagement régional approuvée ou en cours d’élaboration 368

Article 207 : Adaptation des cahiers des charges des éco organismes dans les départements et régions d’outre-mer 368

Article 208 : Recyclage des véhicules usagés outre-mer 368

Article 209 : Utilisation des matières premières recyclées issues des déchets 369

Article 210 : Plan régional d’actions concernant l’économie circulaire 369

Article 211 : Mise en cohérence des textes de programmation en Martinique 370

Article 212 : Adaptation de la loi à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna : demande de rapport au Gouvernement 370

Article 213 : Couverture des coûts échoués de projets de production d’électricité dans les outre-mer 371

La Contribution au Service Public de l’Électricité et le compte d’affectation spéciale « transition énergétique » 372

Article 214 : Extension de la péréquation tarifaire aux Îles Wallis et Futuna 379

Article 215 : Stratégie nationale de développement de la géothermie dans les départements d’outre-mer 380

CONCLUSION 381

OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES DE M. JULIEN AUBERT, RAPPORTEUR 385

SUGGESTIONS FORMULÉES PAR LA MISSION 387

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION 399

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR MME MARIE-NOËLLE BATTISTEL, RAPPORTEURE 405

COMPTES RENDUS DES TABLES RONDES 409

TABLE RONDE DU MERCREDI 23 MARS 2016 SUR L’ARTICLE 173 409

TABLE RONDE DU MARDI 10 MAI 2016 SUR LES DÉCHETS ET L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE 427

TABLE RONDE DU MERCREDI 11 MAI 2016 SUR LES COMPTEURS DÉPORTÉS « LINKY » ET « GAZPAR » 457

TABLE RONDE DU MERCREDI 22 JUIN 2016 REGROUPANT DES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES 503

TABLE RONDE DU MERCREDI 29 JUIN 2016 SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX BÂTIMENTS 517

EXAMEN EN COMMISSION 533

INTRODUCTION

Toute « transition » recouvre deux notions : la première est la traduction d’un état passager, la seconde est celle d’un objectif, d’un but à atteindre. La transition énergétique n’échappe pas à ces déterminants.

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui restera l’une des lois les plus importantes adoptées pendant la présente législature, répond en effet à cette double notion. Très volontariste, elle se fixe comme objectifs tant la réduction de la consommation énergétique que le recours à des sources décarbonées et diversifiées de mix énergétique. La loi programme des objectifs ambitieux, et concerne, au plan matériel, les secteurs les plus divers de l’activité sociale, des plus quotidiens : circulation des véhicules, sacs et objets de cuisine en plastique, tri des déchets, constructions de bâtiments neufs et rénovations, implantation d’éoliennes, covoiturage, circulation en vélo, remplacement des compteurs électriques et de gaz, consommation d’énergie, aux plus structurants en termes d’enjeux d’avenir : plafonnement en volume de la part d’énergie d’origine nucléaire, démantèlement de réacteurs, prix de l’électricité, rôle et financement d’EDF, d’AREVA ou d’ENGIE, précarité énergétique, filières industrielles, etc. rien d’étonnant, dès lors, à ce que ses dispositions puissent sembler hétérogènes.

La loi repose sur un postulat : la nécessité d’accroître la liberté de choix du consommateur, non seulement sur les sources d’énergie, en développant les énergies renouvelables, non seulement sur ses fournisseurs, mais également sur la connaissance et la maîtrise de sa consommation. Celle-ci implique la rénovation de l’habitat, une meilleure appréhension de la consommation - à laquelle contribuent les compteurs déportés d’électricité et de gaz, mais aussi, par exemple, l’individualisation des compteurs de chauffage dans les habitats collectifs, le développement de modes de transports alternatifs, dont le covoiturage ou la mise en place de flottes de vélos dans les entreprises, ou encore de l’autoconsommation.

Plus largement, la loi contribue à la mise en œuvre de principes qui excèdent les seules questions énergétiques : solidarité, citoyenneté, participation du public à la décision environnementale, aménagement du territoire, santé publique, etc. Le développement durable ne peut être aujourd’hui appréhendé qu’à travers une approche transversale. Les points d’entrée sont donc multiples, comme le sont les grilles d’analyse, en termes d’emploi industriel, d’efficacité des mesures, de droit de l’urbanisme ou de concessions de service public.

L’une des difficultés de l’évaluation de la présente loi est qu’elle vise souvent, plutôt qu’à prescrire ou à prohiber, à inciter à des comportements, et que donc, l’effet de mesures peut être contrarié par de nombreux facteurs : entrée en vigueur tardive, contentieux, campagnes d’ « information » véhiculant des idées parfois caricaturales, voire fausses : complexité des procédures, poids des réglementations, divergence entre les acteurs, situation économique du marché de l’énergie, corporatismes, etc. Si elle cherche bien à contribuer à cette modification des comportements, la « transition » n’en est pas moins par nature un état instable. Nombre de professionnels regrettent l’incertitude sur les normes, leur instabilité, leur excessive technicité. Une autre difficulté tient à la diversité même des dispositions et des secteurs concernés.

La « transition » impose donc avant tout de connaître la situation actuelle.

*

Production et consommation d’énergie en France et en Allemagne

La consommation d’énergie atteignait en France 256,6 de millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) en 2014, dont 30 % de pétrole et 42,6 % d’électricité non renouvelable. Cette même année la facture énergétique de la France s’est établie à 54,6 milliards d’€, et enregistre une baisse de 11 milliards d’€ sur un an. La spécificité de la France en matière de production d’énergie tient à la part essentielle prise par le nucléaire, lequel dans le monde ne représente que 4,8 % de la production globale d’énergie (642 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) – alors que le charbon en représente encore 29 % (3 878 Mtep) et le pétrole 31 %.

La production française d’énergie primaire a atteint 139 Mtep en 2014.

La production d’électricité en France est approximativement à 77 % d’origine nucléaire : en 2015, les 58 réacteurs du parc nucléaire français ont généré 416,8 TWh, soit 76,3 % de l’électricité totale produite sur le territoire, mais ce chiffre tend à diminuer, à 11 % environ d’origine hydroélectrique (54 TWh en 2015) alors que le photovoltaïque représente environ 4,9 % et l’éolien 3,5 % de la consommation.

PRODUCTION BRUTE D’ÉLECTRICITÉ EN FRANCE DE 2011 A 2014

(En TWh)

 

2011

2012

2013

2014 (p)

2014/2013
(en %)

Hydraulique, éolien et photovoltaïque

64

83

97

91

-6,2

Thermique nucléaire

442

425

424

436

3,0

Thermique classique

56

56

54

36

-33,9

Production nationale

563

564

575

563

-2,0

Importations

10

12

12

8

-32,6

Exportations

-66

-57

-60

-75

24,8

Solde des échanges

-56

-45

-48

-67

38,6

Pompages

-7

-7

-7

-8

12,2

Consommation des auxiliaires

-27

-28

-24

-23

-2,1

Consommation intérieure

473

484

495

464

-6,2

(p) provisoire

Source : service de l’observation et des statistiques (SOeS) INSEE, mise à jour novembre 2015

Les énergies renouvelables jouent toujours un rôle d’appoint ; au sein de celles-ci, la part de l’hydraulique demeure prépondérante.

CONSOMMATION PRIMAIRE D’ÉNERGIES RENOUVELABLES
POUR LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ

(En ktep)

 

2013

2014 p

Hydraulique renouvelable

6 155

5 367

Énergie marémotrice

36

41

Éolien

1 385

1 483

Solaire photovoltaïque

447

549

Géothermie électrique

78

71

Déchets renouvelables

690

631

Biomasse solide

486

515

dont bois-énergie

370

391

Biogaz

316

364

Total

9 591

9 021

Source : Commissariat général au développement durable Bilan des énergies renouvelables en France, SOeS d’après les sources par filières

Pour illustrer de façon parlante cette situation d’ensemble, peut être mesurée la part des principales sources en capacité installée ramenée à un « équivalent centrale nucléaire » : la production de chaque filière est rapportée, dans les tableaux ci-dessous à l’équivalent de la production d’un réacteur nucléaire :

CAPACITÉS INSTALLÉES AU 30 JUIN 2016 ET
ÉQUIVALENCE EN NOMBRE DE RÉACTEURS NUCLÉAIRES

 

Capacité installée en 2015

Équivalent réacteurs nucléaires

Nucléaire

63 giga watts

58 (1 réacteur ≈ 1,1 giga watts)

Éolien

10,8 giga watts

9 ¼

Photovoltaïque

6,5 giga watts

6

Effacement (2)

2 giga watts disponibles

≈ 2

CAPACITÉ MAXIMALE ESTIMÉE ET SON ÉQUIVALENCE EN NOMBRE
DE RÉACTEURS NUCLÉAIRES

 

Capacité maximale estimée en 2015

Équivalent réacteurs nucléaires

Exportation

16 giga watt

14 ½

Importation

12 giga watt

11

PRODUCTION EN 2015 ET ÉQUIVALENCE EN NOMBRE DE RÉACTEURS NUCLÉAIRES

 

Production en 2015

Équivalent réacteurs nucléaires

Nucléaire

417 Tw-heure

58 (1 réacteur ≈ 7,2 Tw-heure)

Éolien

21 Tw-heure

≈ 3

Photovoltaïque

7 Tw-heure

≈ 1

Exportation

91,3 Tw-heure

12 ½

Importation

29,6 Tw-heure

≈4

La situation française se caractérise par son originalité en Europe, puisque la part du nucléaire dans le « mix énergétique » est très largement prépondérante (3). La France est le principal exportateur d’électricité en Europe (91,3 TWh en 2015 avec un solde net de 61,7 TWh), ses exportations étant principalement dirigées vers l’Italie, la Belgique et la Grande-Bretagne. Elle est toutefois importatrice nette vis-à-vis de l’Allemagne (d’où elle a importé 14,2 TWh et exporté 4,8 TWh en 2015).

Ces données peuvent donc être confrontées, en premier lieu avec la situation des pays voisins, en particulier avec celle de l’Allemagne, dont la structure de production énergétique est totalement différente de la nôtre.

Outre Rhin, en 2015, les énergies renouvelables ont généré 195,9 TWh d’électricité, soit 32,6 % de la production électrique allemande – contre 27,7 % en octobre 2014, date à laquelle elles dépassent la part du lignite. Elles ont connu une forte croissance au cours des dernières années : la production d’énergie éolienne y a doublé au cours des 5 dernières années, en grande partie grâce à des tarifs de rachat garantis. Près de 44 % de la production électrique allemande reste toutefois générée par des centrales à charbon, et le nucléaire, dont l’Allemagne entend « sortir » à l’horizon 2022, fournit près de 15 % de la production électrique nationale. Il convient également de souligner que le caractère irrégulier des sources d’énergie renouvelables que sont l’éolien et l’ensoleillement implique que, pour éviter toute interruption de fourniture, les autres sources d’énergie viennent nécessairement en compensation. Pour autant, si la production d’électricité à partir de charbon a augmenté en Allemagne depuis 2012, c’est également en raison du prix de production peu élevé de cette source et du fait que l’Allemagne est depuis cette date, fortement exportatrice (4).

La part des énergies renouvelables dans le mix de production électrique allemande devrait être portée à 40 % à 45 % en 2025, puis à 55 % à 60 % en 2030 et plus de 80 % en 2050, même s’il faudra toujours compenser l’intermittence de certaines sources. L’évolution constatée au cours de la décennie précédente, si elle se poursuit, devrait permettre d’atteindre de tels objectifs de progression. La part relative des centrales à charbon devrait corrélativement diminuer.

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Il reste que l’écart des prix de l’électricité entre la France et l’Allemagne demeure favorable à celle-ci.

Source : UNIDEN

Cet écart de l’ordre de deux euros nuit à la compétitivité des entreprises françaises, notamment des entreprises représentant les électro intensifs.

Le nucléaire : une spécificité française

La question du nucléaire, si elle relève pleinement du champ de la mission, a en outre été abordée de très nombreuses autres manières, par l’Assemblée, par exemple avant le début de ses travaux (5) ou pendant ceux-ci (6), comme celles de l’évolution de l’offre automobile ou de la biodiversité. La présente mission s’inscrit donc dans une suite continue de débats et de contrôles parlementaires (7).

Dans la loi, les objectifs de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité (article premier), les dispositions de plafonnement en volume de la capacité totale autorisée à 63,2 Gw (article 187), de démantèlement rapide au-delà de cessation de fonctionnement d’une installation nucléaire de base (INB) pendant deux ans (article 127), mais aussi de limitation et de surveillance de la sous-traitance (article 123) apparaissent comme saillants et font émerger un droit du nucléaire, lequel est « dominé par des préoccupations de protection » comme l’indique Jean Marie Pontier (8), même s’il faut bien admettre la diversité des sujets qu’il touche.

Au-delà de considérations juridiques souvent complexes, il faut souligner que le nucléaire est en France la troisième industrie nationale : en termes d’emploi industriel, elle représente plus de 220 000 personnes. Le rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes, en citant ce chiffre, rappelle que le chiffre d’affaires total du secteur est de 46 milliards d’€ dont 5,6 milliards à l’exportation. Mais, s’agissant des coûts, ce rapport souligne également que la réalisation du programme de maintenance du parc nucléaire d’EDF pourrait atteindre 100 milliards d’€ (2013) entre 2014 et 2030, soit 1,7 milliard d’€ (2013) en moyenne par réacteur. Un quart sont des dépenses d’exploitation (25 milliards d’€ 2013) et les trois autres quarts, des dépenses d’investissement (75 milliards d’€ 2013).

DÉPENSES DE MAINTENANCE DES CENTRALES NUCLÉAIRES

Source : Cour des comptes * prévision 2014.

Le coût de production de l’électricité nucléaire a connu une hausse importante entre 2010 et 2013, passant de 49,6 €/MWh à 59,8 €/MWh, notamment en raison de la forte hausse des investissements de maintenance. Sur la base des derniers paramètres disponibles, le rapport évalue le coût de production à 62,6 € 2013/MWh pour une production annuelle moyenne de 410 TWh.

Les questions posées par la loi au secteur nucléaire sont donc cruciales ; outre l’objectif de réduire la part du nucléaire à 50 % de la production d’ici 2050, analysé avec l’article 1er ci-dessous, celle-ci fixe, par son article 187, le principe du plafonnement du parc nucléaire français à sa puissance actuelle : 63,2 GW, ce qui renvoie à la question de la fermeture de la plus ancienne centrale nucléaire en activité, celle de Fessenheim.

Ces éléments doivent par ailleurs également être confrontés à l’objectif général de réduction des gaz à effet de serre.

La réduction des gaz à effet de serre

Dans le cadre du « Paquet Énergie Climat », les États membres de l’Union européenne se sont engagés à réduire collectivement leurs émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020 et d’au moins 40 % d’ici à 2030 par rapport au niveau de 1990. Elle y associe deux autres objectifs en matière d’énergie pour 2030 : porter la part des énergies renouvelables à 27 % de la consommation d’énergie finale de l’Union et réduire de 27 % la consommation d’énergie par rapport aux scénarios à cet horizon.

Ces objectifs se conjuguent avec ceux de la COP 21 et de la présente loi : les émissions de CO2 liées à la combustion d’énergie constituent environ 80 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne, et 73 % dans le monde, alors que les émissions de méthane expliquent 22 % de ces émissions au niveau mondial.

La réduction des émissions de CO2 est donc cruciale.

Les émissions de CO2 : état des lieux

Les objectifs de la loi doivent donc être mis en regard, par exemple, avec la progression des émissions de CO2 à long terme :

Les émissions mondiales de CO2 en 2014 sont supérieures de 58 % à celles de 1990, année de référence du protocole de Kyoto. Elles atteignent 35,7 milliards de tonnes en 2014.

En 2014, la Chine, les États-Unis et l’Inde ont compté pour 51,2 % des émissions mondiales de CO2. Près de 29,6 % des émissions mondiales de CO2 comptabilisées proviennent de la Chine. Le deuxième émetteur mondial, à savoir les États-Unis, contribue approximativement moitié moins à ces émissions (15 % du total mondial). Les conclusions sont toutefois inversées lorsque l’on rapporte ces émissions à la population : un Américain émet approximativement 16,5 tonnes de CO2 en 2014, soit plus de 2 fois plus qu’un Chinois (7,6 tonnes de CO2/habitant) et 9 fois plus qu’un Indien. La Chine a d’autre part fortement ralenti la croissance de ses émissions en 2014 (+0,9 %).

C’est l’Inde, dont la consommation de charbon a fortement augmenté, qui a le plus contribué à la croissance des émissions mondiales en 2014 (avec une hausse de ses émissions de 7,8 % par rapport à 2013). Ce pays compte désormais pour 6,6 % des émissions mondiales quoique ses émissions par habitant restent très limitées (1,8 tonne de CO2/habitant).

Dans l’Union européenne, les émissions de CO2 ont été réduites de 5,4 % en 2014. Cette baisse a été plus marquée en France (- 8,3 %) et au Royaume-Uni (- 8,9 %). Elle est en partie imputable à l’hiver moins rigoureux qu’en 2013 mais aussi à la faible croissance économique et au renforcement des politiques environnementales des États membres. Les émissions de CO2 par habitant ont atteint 6,7 tonnes en 2014 au niveau européen et seulement 5 tonnes en France.

Mais ces bons résultats ne sont que partiellement maintenus en 2015.

En 2015, la part de chaque pays européen fait ressortir la mauvaise situation de l’Allemagne.

épartition des émissions européennes de CO2 liées à la combustion d'énergie en 2015 (©Connaissance des Énergies)

L’Afrique (3,3 % des émissions mondiales), qui compte plus de 1,1 milliard d’habitants, a émis moins de CO2 en 2014 que le Japon dont la population est presque 9 fois plus faible.

ys_zoom.png

Source : connaissance des énergies, lettre, 4 avril 2016

La situation de la France peut donc être considérée comme exemplaire au regard des émissions de CO2, notamment si on la compare à celle des pays voisins, et en particulier de l’Allemagne. Mais c’est bien l’objectif de réduction des émissions de CO2 qui apparaît comme l’essentiel.

*

Le déroulement de la présente mission, et l’actualité de ces sujets ont été marqués par plusieurs évènements, qui ne visent pas nécessairement directement la loi elle-même, mais en affecte les conditions d’application :

● la tenue de la conférence des parties sur le climat, dite COP 21 à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015, à l’issue duquel les 195 pays participants, ainsi que l’Union européenne se sont engagés à réduire leurs émissions en vue de limiter le réchauffement climatique en deçà de 2°C (d’ici à 2100 par rapport aux températures préindustrielles), et si possible à hauteur de 1,5°C. L’atteinte de cet objectif impose donc une réduction massive des émissions de gaz à effet de serre. Il faudrait, selon les estimations du GIEC, que les émissions mondiales baissent de 40 % à 70 % d’ici à 2050 (par rapport au niveau de 2010) alors qu’elles ont augmenté de 80 % entre 1970 et 2010, principalement en raison du doublement de la consommation d’énergie dans le monde pendant cette période. Un bilan doit être effectué en 2023. L’accord de Paris est ouvert à la signature depuis le 22 avril 2016 pendant une durée d’un an. Il a été signé le 22 avril à New York par 175 pays. Pour entrer en vigueur en 2020, cet accord devra avoir été ratifié, accepté ou approuvé par 55 Parties au minimum comptant pour au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre : 15 pays avaient ratifié d’emblée cet accord. Le débat sur l’autorisation de ratification a eu lieu à l’Assemblée nationale le 17 mai 2016 et au Sénat le 7 juin. La ratification par le Chef de l’État est intervenue le 15 juin 2016. Le Parlement européen a approuvé, le 4 octobre 2016, cet accord, ce qui permet de remplir la double condition requise pour son entrée en vigueur. La ratification par l’Union va permettre de franchir ce double seuil. À part la France, six autres États membres avaient déjà achevé à cette date leur procédure interne de ratification : l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, Malte, le Portugal et la Slovaquie.

● l’arrêt du réacteur n° 2 de la centrale de Fessenheim, le 13 juin 2016, suivi d’une décision de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le 18 juillet 2016, du fait d’une anomalie détectée sur le générateur de vapeur ; depuis lors l’activité de contrôle de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur les générateurs de vapeur a conduit, notamment à la suite d’une décision du 18 octobre 2016, à l’arrêt d’autres réacteurs.

Communiqué de presse d’EDF, 21 octobre 2016

« (…) EDF poursuit les contrôles destinés à conforter la démonstration que les générateurs de vapeur du parc nucléaire concernés par la problématique de ségrégation carbone sont aptes à remplir leur fonction en toute sûreté.

18 réacteurs sont concernés :

- 6 d’entre eux ont d’ores et déjà obtenu leur autorisation de redémarrer et fonctionnent normalement : Blayais 1, Chinon 1, Chinon 2, Dampierre 2, Dampierre 4, Saint-Laurent B1.

- 7 d’entre eux sont à l’arrêt et ont fait ou font l’objet de contrôles : Civaux 2, Dampierre 3, Gravelines 2, Tricastin 1, Tricastin 3, Saint-Laurent B2 et Bugey 4.

- Pour les 5 autres actuellement en fonctionnement (Tricastin 2 et 4, Fessenheim 1, Gravelines 4 et Civaux 1), l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a demandé à EDF, dans sa Décision n° 2016-DC-0572 du 18 octobre 2016, de réaliser des contrôles avant le 18 janvier 2017.

En conséquence, EDF a décidé, pour réaliser ces contrôles, les arrêts suivants :

- Tricastin 4 du 22 octobre 2016 au 19 décembre 2016

- Fessenheim 1 du 10 décembre 2016 au 3 janvier 2017

- Gravelines 4 du 17 décembre 2016 au 10 janvier 2017

- Civaux 1 du 23 décembre 2016 au 15 janvier 2017

- Tricastin 2 du 23 décembre 2016 au 15 janvier 2017

Par ailleurs, EDF a soumis le 7 octobre dernier un dossier technique à l’ASN justifiant le fonctionnement en toute sûreté de l’ensemble des générateurs de vapeur concernés par la problématique de ségrégation carbone.

Le Groupe a informé aujourd’hui les marchés de l’électricité des périodes choisies et communique régulièrement avec Réseau de Transport d’Électricité (RTE) qui est en charge d’assurer l’équilibre offre-demande d’électricité et la sécurité d’approvisionnement.

Compte tenu de ces circonstances, de leur répercussion sur le marché de gros de l’électricité et des effets spéculatifs qui en résultent, EDF sollicite concomitamment le Ministre de l’Économie et des Finances et la Ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer afin qu’ils prennent, pour éviter ces effets, toutes les mesures nécessaires, dans le cadre du mécanisme d’Accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), incluant, le cas échéant, la suspension temporaire du dispositif.

Les objectifs de production nucléaire du Groupe en France pour l’année 2016 sont confirmés à 380-390 TWh ainsi que la fourchette de production pour l’année 2017 qui devrait s’établir à 390-400 TWh, conformément au communiqué de presse publié par le Groupe le 21 septembre 2016. »

● l’annonce, le 24 août d’un accord entre l’État et EDF sur l’indemnisation de la fermeture de cette centrale, qui prévoit une indemnisation par étapes, avec une première étape de 100 millions d’euros et des étapes ultérieures en fonction de plusieurs paramètres, dont le prix de l’énergie. Cet accord a été présenté en comité central d’entreprise le 14 septembre, puis au conseil d’administration. Le Gouvernement devra ensuite prendre un décret entérinant la décision de fermeture. Certaines sources font état d’un montant global de 400 millions d’euros, mais ce chiffre n’a pas été confirmé par le ministère. Au demeurant, le chiffrage de cette opération est particulièrement délicat, comme le présent rapport le rappelle en analysant l’article 127 ;

● la chute d’un générateur de vapeur, le 31 mars 2016, dans la centrale de Paluel, où ce générateur était à l’arrêt depuis mai 2015 ;

● la publication par la Commission européenne le 4 avril 2016, d’un programme indicatif nucléaire dont il ressort que si les États membres sont libres de choisir la composition de leur bouquet énergétique, la stratégie de l’union de l’énergie et la stratégie européenne pour la sécurité énergétique précisent néanmoins que les États membres qui décident d’utiliser le nucléaire dans leur bouquet énergétique doivent appliquer les normes les plus strictes en matière de sûreté, de sécurité, de gestion des déchets et de non-prolifération, tout en diversifiant leurs approvisionnements en combustible nucléaire. Ce rapport comporte une analyse du coût du démantèlement des centrales (voir ci-dessous, article 127) ;

● les nombreux débats autour de la situation, notamment financière d’EDF et d’AREVA. S’agissant d’EDF, le 22 avril 2016, a été annoncée une augmentation de capital de 4 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros pris en charge par l’État, en même temps qu’un plan d’économies et qu’un plan de cession d’actifs, portant notamment sur la vente de la moitié du capital de RTE, qui est une société anonyme ; s’agissant d’AREVA, la perte publiée en février 2016, est de 2,03 milliards d’€ pour 2015, dont la moitié est due à un complément de provision sur l’EPR d’Olkiluoto 3 en Finlande. Les difficultés rencontrées sur ce projet ont conduit à constater au fil des ans 5,5 milliards d’euros de coûts supplémentaires, pesant sur le bilan d’ensemble de la société. Pour s’en tenir aux problématiques de transition énergétique, il faut constater, toutefois, que la situation d’AREVA est également liée au poids de certains investissements qui n’ont pas porté leurs fruits, notamment dans les énergies renouvelables, quand d’autres ont permis de moderniser significativement l’appareil de production dans un contexte de marché post – Fukushima pénalisant, notamment des cours de l’uranium, baissiers ces dernières années Cette situation financière dégradée explique l’opération d’augmentation du capital, la séparation entre AREVA et AREVA NP, et la cession d’activités de la société, notamment en ce qui concerne l’éolien offshore. Sur la base des effectifs actuels d’AREVA, soit environ 38 000 salariés en France, le plan de départs volontaires pourrait aboutir à stabiliser les effectifs de New AREVA aux alentours de 20 000 personnes, ceux d’AREVA NP aux alentours de 15 000 salariés. Au cours de son audition par votre Mission, le 19 septembre 2016, M. Knoche, directeur général d’AREVA, a souligné en outre que les salaires étaient bloqués depuis deux ans, confirmant ainsi le caractère responsable de l’ensemble des salariés et de leurs représentants, qui restent pleinement engagés dans le rétablissement de la société ;

● le débat autour de la construction de deux EPR à Hinkley Point, projet dont le coût est estimé à 18 milliards de £, (21 milliards d’euros) qui a été marqué par de nombreux évènements : la démission du directeur financier d’EDF, le 7 mars 2016, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne après le référendum du 24 juin 2016 sur le Brexit, l’affirmation par le Premier ministre britannique et le Président de la République, le 1er juillet, de leur volonté de poursuivre ce projet, une réunion du comité central d’entreprise, le 4 juillet qui a permis à la direction de l’entreprise de conclure que ce référendum : « ne modifie pas les éléments fondamentaux du projet, ni la volonté des acteurs » tandis que les représentants du personnel ont alors décidé de ne pas émettre d’avis. après le rejet d’un premier référé, le 5 août 2016, un second référé a été introduit auprès du TGI , sur la question de l’information du comité central d’entreprise (9). Finalement signé le 29 septembre 2016, ce contrat est porté à 66,5 % par EDF. Votre mission sera attentive aux retombées attendues, pour l’industrie nationale, de ce projet. La crainte que celui-ci ci pénalise l’investissement national, nécessaire à la transition énergétique n’est pas totalement écartée, à ce stade.

● le faible prix de marché de l’électricité, et le tassement de la consommation : le prix de gros est passé de 51 € à 31 € entre 2010 et 2015. À titre de comparaison, le prix de l’électricité est en France est le plus bas d’Europe, grâce au coût actuel de production du nucléaire qui représente, en 2014, 82,2 % de l’électricité commercialisée par EDF (10).

Cette baisse du prix de l’électricité est à mettre en corrélation avec la consommation globale d’énergie électrique, qui enregistre une baisse tendancielle.

Les perspectives du marché de l’électricité

France : baisse tendancielle du marché de l’électricité

En 2014, la consommation d’énergie primaire réelle passe sous la barre symbolique des 250 Mtep, un plancher qu’elle n’avait pas franchi depuis 1995, diminuant de 10 Mtep par rapport à 2013. Cette nette baisse (près de – 4 % en un an) s’explique bien sûr en grande partie par les températures.

Néanmoins, même en corrigeant l’effet de ces variations climatiques, la consommation d’énergie primaire poursuit sur une tendance de fond à la diminution qui semble avoir débuté en 2005, et n’a été perturbée que par la chute due à la crise économique et financière mondiale de 2008 et le rebond qui a suivi. En une dizaine d’années, la consommation d’énergie primaire corrigée des variations climatiques est ainsi passée de 275 Mtep, son maximum, à 257 Mtep, soit - 2 Mtep par an. Et ce malgré le redressement de la consommation finale non énergétique (+ 4 %, à 14 Mtep), qui retrouve ainsi le niveau post-crise de 2009. En effet, la consommation finale énergétique a baissé d’un Mtep par rapport à 2013, et atteint 150 Mtep, en données corrigées des variations climatiques. Il faut remonter à 1996 pour trouver un niveau aussi bas. L’essentiel de la baisse est imputable au secteur résidentiel : à moins de 46 Mtep, sa consommation finale diminue de 1,2 %. Elle s’effrite également dans l’industrie et le tertiaire (respectivement 29 et 22 Mtep), sensiblement au même rythme. A contrario, elle augmente très légèrement dans les transports, premier secteur consommateur, à 49 Mtep.

Source : Bilan énergétique 2014, juillet 2015

En 2015, on note une légère reprise, dans un contexte économique favorable. Ainsi, la consommation en France métropolitaine hors secteur énergie croît en 2015 de 0.5 % pour atteindre 476 TWh (11).

Malgré tout, comme les observateurs (12) et les acteurs de marché, vos Rapporteurs estiment qu’une augmentation durable de la consommation à court terme n’est pas à envisager, et dans le sens des objectifs de la transition énergétique, les modérations de consommation provenant de comportements vertueux des ménages devraient conduire au maintien des tendances actuelles.

CONSOMMATION ANNUELLE DE L’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE CORRIGÉE DE L’ALÉA MÉTÉOROLOGIQUE (2006-2015)

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La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) retient d’ailleurs deux scénarii, l’un comme l’autre orientés à la baisse : en fonction de taux de croissance de 1,6 % ou de 2 % pour la période 2015-2020 et de 1,9 % ou de 2,4 %, elle aboutit, à partir d’une consommation finale de 155,1 Mtep en 2012 à prévoir une baisse de 12,6 % en 2023 dans le scénario bas, et de 3,1 % dans le scénario haut. Dans la première hypothèse, la consommation finale serait en 2023 de 135,5 Mtep, dans l’hypothèse haute de 150,25 Mtep. Elle constate que la baisse de consommation est due pour l’essentiel aux économies d’énergie : entre 2000 et 2012, ce sont près de 25 Mtep qui ont ainsi pu être économisés grâce aux économies d’énergie tandis que la croissance de la population n’est responsable, pendant la même période, que d’une hausse de 8 Mtep.

La dynamique de baisse des prix, conjuguée à la stabilisation et à la baisse tendancielle de la consommation fragilise l’économie d’ensemble du secteur de l’énergie, et remet en cause certains investissements. Sur le réseau, l’équilibre entre l’offre et la demande doit être réalisé instantanément sous peine de délestages et de risques de coupure. Or, une baisse continue des prix a forcément des effets systémiques sur les producteurs : restructurations financières, renonciations à certains projets, tarissement de nouveaux investissements nécessaires à l’entretien des réseaux et des capacités de production. De ce fait, la question du renouvellement nécessaire des investissements et du maintien du modèle économique de petites structures de production se pose inévitablement

*

Une mise en œuvre de grande ampleur

En fonction de ces éléments, il est évident qu’un ensemble législatif, cohérent mais très diversifié dans les matières, les codes, les acteurs qu’il concerne, les modalités et les mesures d’application qu’il implique, dont certaines sont très différées dans le temps, ne peut qu’être soumis à un suivi attentif du législateur, y compris lorsqu’il a habilité le Gouvernement à intervenir par ordonnances. Tel est l’objet de la mission commune aux commissions du développement durable et des affaires économiques. La portée de la loi est en effet très largement conditionnée par sa bonne application.

La loi du 17 août 2015 traduit une coproduction législative associant le Gouvernement, qui a déposé le projet de loi (n° 2188), le 30 juillet 2014 et le Parlement, depuis la lecture initiale à l’Assemblée, le 14 octobre 2014, jusqu’à la lecture définitive le 22 juillet 2015, après environ 150 heures de débats en séance publique et le dépôt de plus de 5 000 amendements, dont près de 1 000 furent adoptés.

Au plan procédural se justifiait donc parfaitement la constitution d’une commission spéciale, et la désignation, à l’Assemblée nationale, de cinq rapporteurs. Le vote du texte aura été l’occasion d’une précision importante apportée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-718 du 13 août 2015, en matière de procédure législative, jugeant « qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de contrôler pour quels motifs ou dans quelles conditions une commission mixte paritaire ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun » et que : « ni les exigences constitutionnelles de l’article 45 de la Constitution ni celles de clarté et de sincérité des débats parlementaires n’ont été méconnues ». L’autonomie parlementaire est ainsi garantie dans le fonctionnement des CMP, ce dont on ne peut que se féliciter.

La mise en application de la loi, à son tour, constitue un chantier d’une ampleur considérable. On recense dans la loi 167 renvois à des mesures d’application, 56 habilitations à légiférer par ordonnances et 104 renvois au décret, sans compter les incidences sur de nombreux autres textes : agrément des éco organismes, concessions, arrêtés municipaux sur la circulation urbaine, etc.

L’importance purement « quantitative » de cette loi se mesure à l’aune de plusieurs facteurs. Il faut en premier lieu souligner l’effet « optique » produit par le nombre de rapports demandés par le Parlement au Gouvernement, dont on sait qu’ils correspondent à une volonté de contrôle accru sur des sujets souvent difficiles. La mission a ainsi, par exemple, été sensible, à l’article 33, à l’absence du rapport sur les colonnes montantes, qui ne constitue qu’un exemple parmi de nombreux autres.

26 rapports d’information sont demandés par la loi du 17 août 2015. Or, aucun de ces documents n’a été fourni dans les délais et la plupart manquent à l’appel au moment de la parution du présent rapport.

ÉCHÉANCIER DES RAPPORTS PRÉVUS PAR LA LOI

Articles

Objet

Publication prévue

Article 1

Rapport sur les objectifs de la politique énergétique française

Dans les six mois précédant l’échéance d’une période de la programmation pluriannuelle mentionnée à l’article L. 143-3 du code de l’énergie

Ce rapport a été publié
en avril 2016

Article 4

Rapport détaillant la stratégie nationale à l’échéance 2050 pour mobiliser les investissements en faveur de la maîtrise de l’énergie dans le parc national de bâtiments publics ou privés, à usage résidentiel ou tertiaire

Le Gouvernement remet au Parlement ce rapport tous les cinq ans

Article 9

Rapport annuel d’activité du centre scientifique et technique du bâtiment

Le centre scientifique et technique du bâtiment remet ce rapport annuel au Gouvernement et au Parlement

Article 14 VII

Rapport sur les moyens de substituer à l’ensemble des aides fiscales attachées à l’installation de certains produits de la construction une aide globale

Au plus tard six mois après la publication du décret mentionné à l’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation

Idem

Rapport sur la nécessité d’effectuer une évaluation de la performance énergétique des travaux réalisés

Au plus tard six mois après la publication du décret mentionné à l’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation

Article 14

VIII

Rapport d’évaluation concernant la mise en place d’un mécanisme financier visant à inciter, via un bonus, les propriétaires dont le bien atteint des objectifs de performance énergétique supérieurs à un référentiel d’économie d’énergie minimale à déterminer

Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi

Article 19

Rapport faisant état de l’ensemble des financements permettant l’attribution de subventions pour la rénovation énergétique des logements occupés par des ménages aux revenus modestes, et de l’opportunité de leur regroupement au sein d’un fonds spécial concourant à la lutte contre la précarité énergétique

Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi

Article 21

Rapport sur l’opportunité d’aides fiscales à l’installation de filtres à particules sur l’installation de chauffage au bois pour particuliers

Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi

Article 33

Rapport sur le statut des colonnes montantes dans les immeubles d’habitation

Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi

Article 48

Rapport présentant des propositions de modification de la réglementation encadrant les mesures d’urgence afin de permettre aux pouvoirs publics d’être plus réactifs pour réduire les sources de pollution et pour protéger la santé des populations exposées

Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement
avant le 31 décembre 2015

Article 56

Rapport évaluant l’opportunité de réserver, sur les autoroutes et les routes nationales comportant deux chaussées de trois voies séparées par un terre-plein central et traversant ou menant vers une métropole, une voie aux transports en commun, aux taxis, à l’auto-partage, aux véhicules à très faibles émissions et au covoiturage

Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi. Ce rapport est parvenu aux services dans le courant du mois de septembre

Article 57

Rapport établissant un bilan chiffré des émissions de particules fines et d’oxydes d’azote dans le secteur des transports, ventilé par source d’émission

Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi

Article 70

Rapport sur les avantages et inconvénients du développement d’installations de broyeurs d’évier de déchets ménagers organiques

Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement au plus tard le 1er janvier 2017

Article 70

Rapport sur la possibilité de convertir
une partie des aides ou des allocations publiques versées sous forme monétaire aux personnes physiques en valeur d’usage, en application de l’économie
de fonctionnalité

Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi

Article 70

Rapport sur les expérimentations autorisées par le 2° du I de l’article L. 541-1 du code l’environnement

Au plus tard le 1er janvier 2018

Article 70

Rapport sur l’opportunité de l’extension de la durée de garantie légale de conformité de deux à cinq ans pour certaines catégories ciblées de produits

Au plus tard le 1er janvier 2017

Article 75

Rapport sur l’impact économique et environnemental de la mise en œuvre des I et II de l’article 75 de la loi de transition énergétique pour la croissance verte

Au plus tard le 1er janvier 2018

Article 92

Rapport sur l’impact d’une extension éventuelle à la maroquinerie de la filière à responsabilité élargie des textiles

Le Gouvernement remet ce rapport dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi

Article 100

Rapport sur le principe de réversibilité du stockage, en vue d’assurer le réemploi, le recyclage ou la valorisation des déchets enfouis dans les installations de stockage de déchets

Le Gouvernement remet ce rapport dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi

Article 101

Rapport identifiant les produits qui, ne faisant pas l’objet d’un dispositif de responsabilité élargie du producteur, ont un potentiel de réemploi et de recyclage insuffisamment développé et sont susceptibles de concerner des activités de l’économie sociale et solidaire

Le Gouvernement remet ce rapport dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi

Article 125

Rapport sur les modalités d’intégration, dans les critères de risques au titre d’un environnement physique agressif mentionnés à l’article L. 4161-1 du code du travail, des rayonnements ionisants subis

Le Gouvernement remet ce rapport dans un délai de six mois à compter de la promulgation
de la loi

Article 162

Rapport évaluant l’intérêt d’adopter des mesures financières de compensation en faveur des secteurs ou des sous-secteurs considérés comme exposés à un risque significatif de fuite de carbone en raison des coûts liés aux émissions répercutés sur les prix de l’électricité

Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement avant
le 1er octobre 2015

Article 173

Rapport sur la mise en œuvre d’un scénario de tests de résistance réguliers représentatifs des risques associés au changement climatique.

Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement avant
le 31 décembre 2016.

Article 174

Rapport sur le financement de la transition énergétique

Le Gouvernement remet ce rapport au Parlement en annexe du projet de loi de finances de l’année

Article 201

Rapport d’évaluation sur le chèque énergie

Trois mois avant le terme de l’expérimentation du chèque énergie

Article 212

Rapport indiquant les mesures spécifiques d’accompagnement en faveur de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna

Avant le 31 décembre 2015

Ainsi, à la date de parution du présent rapport, trois des rapports prévus par la loi sont parus, l’un avec d’ailleurs des données en partie déjà dépassées au moment de sa parution. Dans une réponse sur ce point à votre Président, parvenue le 16 septembre, la direction générale de l’énergie et du climat envisage une publication rapide de six d’entre eux seulement, ce qui ne peut être considéré comme satisfaisant, auquel s’ajoute l’annexe budgétaire prévue à l’article 174. Dans le même ordre d’idée, la consultation sur des projets successifs de programmation pluriannuelle de l’énergie, plusieurs fois différée, a incontestablement ralenti le mouvement d’ensemble d’application de la loi.

La mission a tenu cinq tables rondes consacrées respectivement :

– à l’article 173, et à l’implication des acteurs financiers, dont le secteur des assurances et la Caisse des dépôts, dans la mise en œuvre de stratégies de réduction des émissions carbone ;

– au titre IV, relatif aux déchets et à l’économie circulaire ;

– aux compteurs d’électricité et de gaz déportés, sujet qui a suscité bien des polémiques publiques ;

– à la position des Organisations Non Gouvernementales ;

– et aux dispositions relatives aux bâtiments, notamment celles du Titre II.

Le compte rendu de ces tables rondes figure en annexe du présent rapport.

Le législateur est également intervenu, de façon récurrente, sur les sujets relevant de la transition énergétique, pendant la durée de cette mission. Depuis la promulgation de la loi, il est intervenu dans le champ de celle-ci en matière fiscale ou lors de l’examen du projet de loi sur la biodiversité, par exemple.

La mission a également été sensible à la codification poursuivie à l’occasion de l’application de la loi. Celle-ci s’accompagne en effet d’un effort de codification des textes relatifs à l’énergie, réalisé par le décret n° 2015-1823 du 30 décembre 2015 relatif à la codification de la partie réglementaire du code de l’énergie, dont, au demeurant, on peut se demander pourquoi il n’a pas été contresigné par le ministre de l’économie et par celui chargé de la consommation. Plus de quatre ans après la codification de la partie législative du code de l’énergie, la partie réglementaire de ce dernier est donc codifiée par ce décret, et il faut s’en féliciter.

Code de l’énergie

Cette nouvelle partie réglementaire du code de l’énergie reprend le même plan que la partie législative :

Livre Ier : organisation générale du secteur de l’énergie

Livre II : la maîtrise de la demande d’énergie et le développement des énergies renouvelables Livre III : les dispositions relatives à l’électricité

Livre IV : les dispositions relatives au gaz

Livre V : les dispositions relatives à l’utilisation de l’énergie hydraulique

Livre IV : les dispositions relatives au pétrole, aux biocarburants et bioliquides

Livre VII : les dispositions relatives aux réseaux de chaleur et de froid.

À juste titre, cette codification ne s’effectue pas à droit constant et prend en compte les dispositions pertinentes de la loi. Les évolutions apportées par rapport aux textes codifiés concernent principalement de nouvelles dispositions relatives à l’obligation d’économies d’énergie spécifiques à réaliser au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique (article 30), la mise en œuvre de l’article 133 sur la procédure de déclaration d’utilité publique des travaux d’électricité et de gaz qui ne nécessitent que l’établissement de servitudes ainsi que les conditions d’établissement desdites servitudes, et surtout les tarifs réglementés de vente de l’électricité (article 151). Cette nouvelle partie réglementaire du code de l’énergie intègre également des dispositions qui, respectivement :

– complètent l’article R. 555-39 du code de l’environnement relatif à l’étude de dangers d’une canalisation de transport (D. art. 4) ;

– modifient les décrets nos 2014-1272 et 2014-1273 concernant les règles applicables lors du silence gardé par l’administration. La règle « silence vaut acceptation » au bout de deux mois s’applique désormais :

• à l’approbation d’installation d’équipements pour turbinage des débits minimaux

• aux dérogations concernant une nouvelle infrastructure (gaz)

• à l’approbation des prestations de services de l’entreprise verticalement intégrée au profit du gestionnaire d’un réseau de transport en vue d’assurer l’ajustement ou l’équilibrage du système électrique ou gazier ainsi que sa sécurité et sa sûreté ;

• aux dérogations à titre exceptionnel et temporaire à la qualité des carburants ;

• à l’autorisation d’exploiter une installation de production électrique ;

• modifient le décret n° 59-771 du 26 juin 1959 relatif à la Compagnie nationale du Rhône (D. art. 9). Les réserves en énergie attribuées à certains bénéficiaires définis par la loi (groupements agricoles d’utilité générale, entreprises industrielles ou artisanales) font l’objet d’un versement par la CNR sous la forme d’un règlement financier. Désormais, le montant de ce versement est égal à la quantité totale d’énergie réservée due, multipliée, pour chaque type d’ayant droit, par un pourcentage du prix de référence du produit trimestriel d’électricité (fixé par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie dans la limite de 50 %). Auparavant, les usagers agricoles bénéficiaient de tarifs spécifiques déterminés en faisant subir aux tarifs de fourniture d’énergie des rabais en pourcentages différant selon les usages (rabais plus important pour l’irrigation et l’assainissement) et la localisation des bénéficiaires (rabais plus important lorsque l’énergie réservée était utilisée dans les départements riverains du Rhône).

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La Mission a également été particulièrement attentive aux délais de mise en application, souvent très retardés par rapport aux prévisions de publication, parfois d’une manière explicable, notamment pour des raisons tenant au respect de la réglementation européenne (article 75) mais parfois de manière plus contestable (article 26).

Elle a également analysé les conditions de consultation auxquelles a donné lieu la mise en place des textes d’application, selon une conception souvent large, par exemple sur la mise à disposition des sacs plastiques, parfois plus limitée. Il convient à cet égard de rappeler l’exigence légale et les modalités de mise en place de telles consultations.

La consultation du public aux décisions environnementales

1. Le principe. Les articles L. 120-1 et suivants du code de l’environnement, dont l’introduction est due à la loi dite « Grenelle II » du 12 juillet 2010, pour satisfaire notamment à l’article 7 de la Charte de l’environnement établissent le principe de la participation du public à l’ensemble des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, quels qu’en soient l’auteur (autorités de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, des établissements publics, etc.) et la nature (décisions réglementaires, d’espèce et individuelles), chaque fois que la question de la participation du public à l’élaboration de la décision concernée n’a pas été traitée par une législation particulière.

Il existe trois grandes exceptions :

- L’article L. 120-2 du code de l’environnement permet, dans certaines conditions, de ne pas soumettre à participation du public l’élaboration des décisions réglementaires, d’espèces et individuelles prises « en aval » d’une décision elle-même soumise à participation du public.

- L’article L. 120-2 permet également de ne pas soumettre à participation du public les décisions prises dans le cadre de lignes directrices, pourvu que celles-ci aient été soumises à participation du public dans des conditions conformes à l’article L. 120-1, que leurs énonciations permettent au public d’apprécier l’incidence sur l’environnement des décisions individuelles concernées et qu’il n’y ait pas été dérogé.

- Certaines décisions ne sont pas soumises à participation du public lorsqu’il n’est pas possible d’y procéder sans porter atteinte aux intérêts mentionnés au I de l’article L. 124-4 (protection de l’environnement auquel elle se rapporte, protection des renseignements).

2. La jurisprudence. Le caractère cumulatif des deux conditions : l’association du public n’est constitutionnellement requise que lorsque la décision concernée a une incidence directe et significative sur l’environnement (décisions n° 2013-308 QPC du 26 avril 2013, n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 et n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013). Ce principe est rappelé dans une décision récente du Conseil d’État (CE, 23 novembre 2015, Société Altus Energy et autres, n° 381249, B.), qui a indiqué que le législateur avait entendu donner à l’article L. 120-1 du code de l’environnement la même portée que celle de l’article 7 de la Charte de l’environnement. La procédure de participation du public prévue à l’article L. 120-1 du code de l’environnement, même dans sa rédaction issue de la loi du 27 décembre 2012, ne concerne donc que les décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement.

La jurisprudence souligne que c’est aux effets de la décision qu’il convient de s’attacher pour déterminer si elle doit faire l’objet d’une consultation publique. Elle retient désormais de plus en plus fréquemment le fait que ces dispositions offrent une « garantie permettant à toute personne qui entend participer à l’élaboration des décisions publiques » de le faire (tribunal administratif de Fort de France, n° 1300504 du 30 décembre 2014) (13).

a) Constituent des décisions ayant une incidence sur l’environnement :

• les décrets de nomenclature mentionnés à l’article L. 511-2 du code de l’environnement qui déterminent le régime applicable aux installations classées ainsi que les projets de prescriptions générales que doivent respecter, en vertu de l’article L. 512-7 du même code, les installations soumises à enregistrement (décision n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011) ;

• les règles et prescriptions techniques que doivent respecter, en vertu de l’article L. 512-5 du code l’environnement, les installations classées soumises à autorisation (décision n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012) ;

• les décisions prises en application du 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l’environnement délimitant les zones où il est nécessaire d’assurer la protection quantitative et qualitative des aires d’alimentation des captages d’eau potable d’une importance particulière pour l’approvisionnement, ainsi que des zones d’érosion et y établissant un programme d’actions à cette fin (décision n° 2012-270 QPC du 27 juillet 2012) ;

• les décisions de classement et de déclassement de monuments naturels ou de sites prises en application des articles L. 341-3 (dans sa rédaction antérieure à la loi du 12 juillet 2010 qui ne prévoyait pas de procédure d’enquête publique) et L. 341-13 du code de l’environnement (décision n° 2012-283 QPC du 23 novembre 2012) ;

• un projet de décret modifiant les dates d’ouverture et de fermeture de la pêche en eau douce (rapport public du Conseil d’État de 2011).

b) Ne constituent pas des décisions ayant une incidence sur l’environnement :

• les délimitations du domaine public naturel résultant de l’application des dispositions de l’article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques (décision n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013) ;

• le décret n° 2012-458 du 5 avril 2012 portant création du comité stratégique de la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire-Montoir (CE 5 juin 2013, n° 363258) ;

• les dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant pendant une durée de trois mois l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil (CE 16 novembre 2011, n° 344972) ;

• les projets de texte ne comportant que des règles de procédure : les dispositions fixant la composition et le fonctionnement du Conseil national de la protection de la nature ou les dispositions fixant les procédures administratives applicables au contrôle périodique auquel sont soumises certaines installations classées pour la protection de l’environnement relevant du régime de la déclaration sans que ces dispositions déterminent le régime applicable (rapport public du Conseil d’État de 2012) ;

• les textes prescrivant des sanctions (rapport public du Conseil d’État de 2012) ;

• le décret d’application de la section 2 du chapitre II du titre I du livre V du code de l’environnement relative aux installations classées pour la protection de l’environnement soumises à enregistrement qui ne comporte que des règles de procédure (rapport public du Conseil d’État de 2010) ;

• le décret (même si ce texte n’est plus d’actualité) pris pour l’application de l’article L. 123-1 du code de l’environnement qui précise les règles applicables à la définition des seuils et critères techniques permettant d’identifier les opérations devant être précédées d’une enquête publique (rapport du Conseil d’État de 2010) ;

• le décret, pris en application de l’article 9 de la loi n° 2008-757 du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale et à diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine de l’environnement relatif aux autorisations transitoires de mise sur le marché de certains produits biocide, qui présente le caractère d’un texte de procédure (rapport public du Conseil d’État de 2010) ;

• l’ordonnance qui se borne à mettre en place des procédures coercitives et des sanctions pour assurer l’effectivité des dispositions substantielles préexistantes résultant du règlement n° 1013/2006 du Parlement et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets (rapport public du Conseil d’État de 2010) ;

• un texte réglementaire se limitant à la désignation d’une autorité administrative et à la création d’obligations déclaratives ayant pour objet de préparer l’entrée de certaines installations dans le régime d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre (rapport public du Conseil d’État de 2011) ;

• l’institution, en application de l’article L. 121-9 du code de l’urbanisme, d’une opération d’intérêt national, qui consiste seulement dans la définition d’un périmètre à l’intérieur duquel les autorisations de construire sont de la compétence de l’État (rapport public du Conseil d’État de 2010).

c) Ne constituent pas des décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement :

• le décret en Conseil d’État prévu par le V de l’article L. 224-1 du code de l’environnement qui renvoient à un décret en Conseil d’État de fixer les conditions dans lesquelles les constructions nouvelles doivent comporter une quantité minimale de matériaux en bois (décision n° 2013-317 QPC du 24 mai 2013) ;

• le 6° du II de l’article L. 211-3 du code de l’environnement qui permet à l’autorité administrative de délimiter des périmètres au sein desquels un organisme unique se voit délivrer les autorisations de prélèvement d’eau pour l’irrigation (CE, 9 octobre 2013, n° 370051, Syndicat de gestion des eaux et de l’environnement du Gâtinais Est et Ouest de l’arrondissement du Montargeois) ;

• le décret qui généralise dans le secteur agricole et agroalimentaire le relèvement de 40 à 44 tonnes du poids maximal des marchandises pouvant être transportées sur des véhicules et qui impose un sixième essieu pour mener à bien ce transport (rapport du Conseil d’État de 2011) ;

• le décret n° 2012-633 du 3 mai 2012 relatif à l’obligation de constituer des garanties financières en vue de la mise en sécurité de certaines installations classées pour la protection de l’environnement (CE 12 juin 2013, n° 360702) ;

• le décret fixant les dispositifs, matériaux ou procédés visés à l’article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme dès lors qu’il ne concerne qu’un motif de refus d’autorisation et ne s’applique pas dans certains secteurs (zones de protection du patrimoine, ...) (rapport du Conseil d’État de 2012) ;

• la création d’une zone de préemption à l’initiative du Conservatoire de l’espace littoral et rivages lacustres (rapport public du Conseil d’État de 2011) ou la décision créant ou modifiant une zone de préemption en application de l’article L. 142-3 du code de l’urbanisme (CE 29 octobre 2013, Association Paysages d’Alsace, n° 370863).

Source : guide d’application des consultations publiques

C’est à l’aune de ces exigences qu’il faut apprécier le processus de consultation du public mis en place lors de l’application de la loi. C’est donc à une mise en œuvre d’une ampleur exceptionnelle qu’ont été confrontés les ministères, notamment la direction générale de l’environnement et du climat.

Votre Mission en tire une conclusion contrastée : l’administration a fait toute diligence dans certains cas, notamment pour résoudre une situation de blocage (article 60), ou encore a bien anticipé un processus d’entrée en vigueur planifiée (article 73) dans d’autres cas, les retards traduisent des blocages de fond non tranchés par la loi, tel est le cas emblématique du retard de parution de la PPE (article 176) ou encore celui de l’implantation des éoliennes terrestres (articles 138 et suivants), voire des combats d’arrière-garde (articles 26 ou 39). Dans d’autres cas, ces retards sont dus à des difficultés techniques (article 8), ou sont inexplicables (article 7). Enfin, nombre des dispositifs d’application apparaissent perfectibles (article 45). En toute hypothèse, le Parlement doit veiller à l’application de la loi qu’il vote. Tel est l’objet du présent rapport.

TITRE IER
DÉFINIR LES OBJECTIFS COMMUNS POUR RÉUSSIR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, RENFORCER L’INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE ET LA COMPÉTITIVITÉ ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE, PRÉSERVER LA SANTÉ HUMAINE ET L’ENVIRONNEMENT ET LUTTER CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

(Mme Marie Noëlle Battistel, Rapporteure).

Article 1er
Programmation de la transition énergétique

Cet article fixe les objectifs de la politique énergétique de la France, en particulier des objectifs chiffrés, figurant à l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Il n’est pas utile de souligner le caractère programmatique de ce dispositif, qui n’est pas assorti de sanctions juridiques précises, mais constitue des engagements de portée évidente, très longuement débattus lors du vote de la loi.

C’est comme tel que cet article a été jugé conforme à la Constitution.

Conseil Constitutionnel, décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015

11. Considérant que les députés requérants soutiennent que les dispositions de l’article 1er ne sont pas normatives ; qu’eu égard à la multiplicité des objectifs fixés par cet article, à leur redondance et aux contradictions qu’ils recèlent, ces dispositions méconnaîtraient le principe d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ; que, selon eux, le vingt-neuvième alinéa de cet article, en ce qu’il prévoit une réduction de la part de l’énergie nucléaire dans la production d’électricité sans indemnisation juste et préalable de la société AREVA, qui exerce une activité de retraitement des combustibles nucléaires, viole également le droit de propriété de cette société tel que garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et porte une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre de celle-ci ; que ce même alinéa serait également contraire au principe de prévention prévu à l’article 3 de la Charte de l’environnement et à l’exigence de promotion du développement durable résultant de l’article 6 de cette même Charte ;

12. Considérant qu’aux termes du vingtième alinéa de l’article 34 de la Constitution : « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État » ; que les dispositions de l’article 1er de la loi déférée, y compris son vingt-neuvième alinéa, qui fixent des objectifs à l’action de l’État dans le domaine énergétique appartiennent à cette catégorie ; qu’il s’ensuit que le grief tiré d’un défaut de portée normative ne peut être utilement soulevé à leur encontre ; que ne sauraient davantage être invoqués les griefs tirés de ce que ces dispositions portent atteinte au droit de propriété, à la liberté d’entreprendre, aux articles 3 et 6 de la Charte de l’environnement et à l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.

L’article L.110-4.-I du code de l’énergie, qui comporte les objectifs chiffrés de cette programmation prévoit en particulier :

– de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 ; cet objectif est cohérent avec l’accord de Paris ;

– de réduire la consommation énergétique de 20 % (base 2012) d’ici cette date (et de 50 % en 2050) ;

– de parvenir à l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer (DOM) à l’horizon 2030 ;

– de réduire de 30 % (base 2012) la consommation des énergies fossiles à cette même date ;

– de porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie à cette même date (23% en 2020) ; en 2030, les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production électrique et 10 % de la consommation de gaz, ce qui représente, pour le gaz 30 000 GWh ;

– de réduire la part du nucléaire à 50 % de la production à l’horizon 2025. Cet objectif correspond à l’engagement n° 41 du candidat François Hollande : « Je préserverai l’indépendance de la France tout en diversifiant nos sources d’énergie. J’engagerai la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025, en garantissant la sûreté maximale des installations et en poursuivant la modernisation de notre industrie nucléaire. Je favoriserai la montée en puissance des énergies renouvelables en soutenant la création et le développement de filières industrielles dans ce secteur. La France respectera ses engagements internationaux pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Dans ce contexte, je fermerai la centrale de Fessenheim et je poursuivrai l’achèvement du chantier de Flamanville (EPR) ». Selon le rapport annuel de la Cour des comptes (14) : « À hypothèses constantes de consommation et d’exportation d’électricité à cet horizon, l’objectif fixé par la loi aurait pour conséquence de réduire d’environ un tiers la production nucléaire, soit l’équivalent de la production de 17 à 20 réacteurs ».

Nul n’ignore le caractère volontariste de tels objectifs, ni les débats de fond qu’ils suscitent, d’autant que la situation des sources d’énergie renouvelables diffère beaucoup d’une source à l’autre.

Cette programmation présente deux aspects complémentaires au regard de la transition énergétique :

– elle concerne à la fois tous les secteurs de production et de consommation d’énergie, et donc toutes les sources énergétiques. Cet aspect global se retrouve par exemple dans le fait que pour la première fois le législateur s’attache à la qualité de l’air ;

– elle impose, pour être tenue, que les actions soient rapidement entreprises : tout retard aurait un effet cumulatif et ses conséquences seraient amplifiées par la suite. Or la mission constate, s’agissant par exemple de l’individualisation des frais de chauffage (articles 26 et 27) des retards qui paraissent ralentir la poursuite de ces objectifs.

Pour autant, les enjeux de l’article 1er, comme ceux d’une rénovation du parc immobilier aux fins de mise aux normes de basse consommation, sont fondamentaux pour le succès de la transition énergétique. Cet article, loin d’être dépourvu d’effets, constitue au contraire le cadre de référence qui guide chacun des dispositifs de la loi. En particulier, ils peuvent être mis en perspective avec ceux de l’article 70 de la loi, lequel fixe notamment comme objectifs pour l’économie circulaire :

– la réduction de 10 % de la production de déchets ménagers à l’horizon 2020 (base 2010) ;

– la valorisation, à la même date, de 55 % des déchets non dangereux non inertes ;

– le tri de l’ensemble des emballages plastique d’ici 2022.

A) Cet article ne renvoie donc pas en lui-même à des mesures d’application précises, mais au contraire à l’ensemble des dispositions de la loi qui le complètent ou, comme par exemple à l’article 14 s’agissant de la performance énergétique des rénovations de bâtiments, y font explicitement référence. On peut également citer d’autres textes législatifs d’application de cet article, dont les dispositions suivantes :

– la prise en compte des équipements de récupération de chaleur dans les réglementations techniques du bâtiment, qui aurait mérité codification (art. 19, IV de la loi de programmation du 3 août 2009) ;

– la fiscalisation, par la loi de finances rectificative pour 2015 de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) (15), et la création, par l’article 5 de ce même texte d’un compte d’affectation spéciale « transition énergétique » (16;

– la mise en place de nouveaux tarifs pour les essences et l’augmentation plus sensible de la fiscalité applicable au diesel, dont l’analyse figure au titre III, afin de réduire le différentiel fiscal « essence–diesel » ;

– la fixation de la valeur programmée pour 2020 et 2030 de la tonne carbone. L’article 265 du code des douanes établit le montant de la contribution climat énergie : 56 € en 2020, 100 € en 2030. Les dispositions d’application relèvent de la compétence du législateur, notamment des lois de finances ou de toute loi fiscale ordinaire. Si les lois successives s’en éloignaient, il conviendrait de rappeler cet objectif, qui a été modifié depuis lors. La loi de finances rectificative pour 2015 (article 16) a en effet complété ce dispositif, par adoption d’un amendement de votre Rapporteur, Jean-Paul Chanteguet, le 1er décembre 2015, et fixé l’objectif de la valeur de la tonne carbone de manière plus progressive que ne l’avait fait la loi initiale en prévoyant un montant de 30,50 € en 2017, de 39 € en 2018, de 47,50 € en 2019, sans remettre en cause la valeur de 56 € en 2020 et de 100 € en 2030.

Il s’agit d’un objectif dont l’ « effet utile », au sens juridique, peut être discuté, encore que le Conseil constitutionnel n’ait pas émis de réserve sur ce point (décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 2015), mais dont le caractère concret, attaché à une programmation planifiée, est indéniable. Il est en effet nécessaire qu’il y ait en la matière une traduction législative annuelle.

En outre le Président de la République, lors de l’ouverture de la Conférence environnementale, le 25 avril 2016, puis la ministre de l’environnement, le 17 mai, ont annoncé la fixation d’un prix plancher du carbone assis sur le CO2 émis par combustion de produit fossile.

Cet article connaît donc une mise en œuvre concrète, par exemple à travers la fiscalité applicable aux carburants : c’est ce qui justifie sa prise en compte en loi de finances.

B) Au-delà, cet article, comme l’article 2, peuvent être considérés comme les « lignes directrices » de la loi, qui en gouverne la cohérence d’ensemble. Les objectifs ne peuvent être atteints par une seule mesure ou un seul type de mesures mais font appel au contraire à une multiplicité d’actions.

Tel est le cas, au VII de la prise en compte des équipements de chaleur au titre d’équipements de production d’énergie renouvelable dans les réglementations thermiques du bâtiment, principe qui renvoie à l’article 14 de la loi.

Tel est également, par exemple, le cas au sujet des interconnexions en matière de transports d’énergie.

L’article 1 prévoit que la politique énergétique contribue à la mise en place d’une Union européenne de l’énergie et notamment au « développement des interconnexions physiques ». Les interconnexions sont indispensables à la sécurité d’approvisionnement.

Ainsi, une liaison souterraine à courant continu de 65 km reliant la France et l’Espagne a été inaugurée début 2015. Elle permet de doubler les capacités d’échanges électriques entre les deux pays. Une liaison est également en construction depuis 2013 entre la France et l’Italie pour une mise en service en 2019. Cinq autres liaisons à courant continu sont à l’étude avec l’Espagne, l’Irlande et la Grande-Bretagne. Des renforcements d’interconnexion avec la Belgique, l’Allemagne et la Suisse doivent également permettre d’augmenter les capacités d’échange avec ces pays.

La CRE souligne, dans un rapport du 15 juin 2016 (17), que la situation actuelle est satisfaisante.

Interconnexions en France : une situation satisfaisante

- La France est bien interconnectée avec ses voisins. En électricité, la capacité moyenne d’exportation est de 13,5 GW, à comparer à une consommation de pointe maximale de 102 GW. En gaz, la capacité de sortie a doublé et la capacité d’entrée a augmenté de 50 % en 10 ans ;

- l’utilisation des interconnexions a été significativement améliorée depuis 10 ans. Elle est désormais largement optimisée. En électricité, la France, au sein de la région Centre-ouest de l’Europe, a été pionnière dans la mise en œuvre du couplage des marchés et plus récemment, dans la mise en place d’une méthode de calcul de capacité, dite Flow based, qui permet d’allouer la capacité aux flux les plus utiles. En gaz, toutes les interconnexions sont utilisées selon des processus concurrentiels conformes aux codes de réseau européens, que la CRE applique intégralement et dont elle a anticipé la mise en œuvre.

Extrait du rapport de la Commission de régulation de l’énergie du 15 juin 2016 : « Les interconnexions électriques et gazières en France – un outil au service de la constitution d’un marché européen intégré »

Ce même document insiste sur le fait qu’à un tel stade, la situation implique d’analyser avec prudence les demandes de nouvelles interconnexions, comme le projet d’interconnexion gazière « Midcat » entre la France et l’Espagne. Si la participation de la France à l’Union européenne de l’énergie et notamment au développement des interconnexions doit rester un élément central de la politique énergétique française, votre Rapporteure souhaite attirer l’attention sur le fait qu’il faut demeurer vigilant face à la volonté de la Commission européenne de mettre les interconnexions en concurrence. Cette mise en concurrence ne doit pas mettre en danger la gestion du marché de l’électricité et du gaz en France.

La question est double et concerne à la fois le rôle du gestionnaire de réseau et du régulateur. La perte, par RTE, de son monopole sur le réseau de transport n’engendra-t-elle pas une grande difficulté à gérer l’équilibre entre l’offre et la demande et la sécurité d’approvisionnement en France ? Le régulateur devra-t-il couvrir la part de l’interconnexion gérée par un opérateur privé, potentiellement étranger, qui n’est pas amortissable par l’utilisation ? De la même manière les projets de nouvelles interconnexions doivent être évalués en fonction de leur intérêt économique pour le pays. Votre Rapporteure estime nécessaire qu’un débat ait lieu sur ce sujet, le contrôle parlementaire du droit dérivé, en application de l’article 88-4 de la Constitution, lui paraît le plus approprié pour mener un tel débat, d’autant que l’habilitation à légiférer par ordonnance, en application de l’article 172 de la présente loi, pourrait induire un tel débat.

La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique ont présenté, au Conseil des ministres du 10 février 2016, à la fois un bilan des mesures alors intervenues et une « feuille de route », sous forme d’une communication sur ce sujet. Un tel rappel traduit bien l’importance de la loi, et surtout la diversité des acteurs auxquels elle s’adresse, ce qui en constitue une difficulté supplémentaire d’application.

Communication du Conseil des ministres du 10 février 2016

« En 2014, les énergies renouvelables représentaient 14,3 % de la consommation d’énergie en France : le bois est le principal contributeur, suivi de l’hydroélectricité et des biocarburants. En 2015, la production des énergies renouvelables a augmenté de plus de 23 % (hors hydroélectricité), avec 1 000 MW de nouvelles capacités éoliennes et 900 MW de nouvelles capacités solaires. Selon la profession, 2 000 emplois ont été créés en 2014 dans la filière éolienne. Le dernier appel d’offres photovoltaïque va générer près d’un milliard d’euros d’investissements et mobiliser 5 000 personnes pour mettre en service les installations lauréates.

La mise en œuvre de l’Accord de Paris engage la France à accélérer la transition énergétique et à être exemplaire dans le développement des énergies renouvelables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et renforcer la sécurité d’approvisionnement de la France. C’est aussi une opportunité industrielle pour les territoires.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe un objectif ambitieux de porter la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation totale d’énergie en 2030. À cette date, les énergies renouvelables doivent représenter 40 % de la production d’électricité, 38 % de la consommation finale de chaleur, 15 % de la consommation finale de carburant et 10 % de la consommation de gaz. Ces objectifs sont encore plus ambitieux pour les outre-mer, dont l’objectif fixé par la loi de transition énergétique est d’atteindre 50 % d’énergie renouvelable à l’horizon 2020, et l’autonomie énergétique à l’horizon 2030.

Pour y parvenir, de nombreuses actions ont été engagées pour simplifier les procédures administratives, amplifier les appels d’offres, améliorer les conditions de financement, soutenir les filières industrielles françaises et l’émergence de technologies innovantes, accompagner les projets de territoire. Il s’agit en particulier :

- de la généralisation de l’expérimentation du permis unique pour l’éolien et la méthanisation, qui est opérationnelle depuis le 1er novembre 2015 ;

- de la simplification du cadre réglementaire des énergies renouvelables en mer par un décret du 10 janvier 2016 qui limite les délais de recours et sécurise les projets ;

- du lancement d’un appel à projets financé par le programme des investissements d’avenir pour développer des fermes pilotes d’éolien flottant ;

- du doublement du dernier appel d’offres photovoltaïque ;

- du lancement de l’appel d’offres photovoltaïque dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain (Corse et départements d’outre-mer) ;

- de la simplification des procédures applicables à la géothermie de faible profondeur ;

- de la revalorisation du tarif d’achat de l’électricité produite par les installations de méthanisation ;

- de l’augmentation du taux d’incorporation des biocarburants dans les transports, qui représente en 2014 près de 7,5 % de la consommation de carburant, avec une part croissante pour les biocarburants avancés ;

- du doublement du fonds chaleur pour financer les réseaux de chaleur et de froid et la production de chaleur et de froid renouvelable ;

- de la réforme de la contribution au service public de l’électricité (CSPE), adoptée dans la loi de finances rectificative pour 2015, qui fera contribuer la fiscalité sur la consommation d’énergie fossile au financement des énergies renouvelables ;

- de la réforme des mécanismes de soutien pour se conformer aux lignes directrices européennes et sécuriser le financement des projets.

Il est nécessaire d’amplifier encore les efforts, afin d’atteindre les objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Le développement des énergies renouvelables est une priorité dans le plan de grands travaux annoncé par le Président de la République lors de ses vœux aux Français.

Les actions menées en 2016 vont s’accélérer autour de 5 priorités, pour augmenter à nouveau de 25 % les bons résultats de 2015 et créer de nouveaux emplois.

Continuer de simplifier les procédures administratives en raccourcissant de plus de six mois le délai de lancement et d’instruction des appels d’offres, en supprimant le seuil de 12 mégawatts au-delà duquel les installations de production d’électricité renouvelable ne peuvent pas aujourd’hui bénéficier d’un soutien, en exonérant la quasi-totalité des installations de production d’électricité renouvelable d’autorisation d’exploiter au titre du code de l’énergie, en supprimant le certificat ouvrant droit à l’obligation d’achat et en rallongeant à 10 ans la validité des autorisations d’urbanisme.

Amplifier les appels d’offres et la mobilisation du fonds chaleur. La déclinaison des objectifs par filière et le calendrier des prochains appels d’offres seront proposés d’ici la fin du mois de février dans le cadre de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie pour donner de la visibilité aux industriels et programmer le développement des capacités. Pour le photovoltaïque, deux appels d’offres pluriannuels de 3 ans seront lancés au 1er trimestre 2016 pour les centrales au sol et les centrales sur toiture. Un autre appel d’offres sera lancé pour les installations en autoconsommation. Pour la biomasse, un appel d’offres vient d’être lancé aujourd’hui pour développer les projets de taille moyenne valorisant le bois-énergie et les déchets. Un bonus sera attribué aux projets qui recourent à des investissements participatifs des citoyens et des collectivités. Pour la petite hydroélectricité, et en particulier les moulins, un appel d’offres sera lancé début mars, dès que la Commission de régulation de l’énergie aura rendu son avis. Pour la chaleur renouvelable, les projets examinés en 2016 bénéficieront d’un taux bonifié pour tenir compte de la baisse du prix du pétrole. Un nouvel appel d’offres sera organisé pour faciliter l’accès à la ressource en bois (deuxième édition de l’appel d’offres "Dynamic bois" qui a permis de soutenir 24 projets avec 35 M € d’aides en 2015). Enfin, les concertations sur les zones propices seront finalisées afin de pouvoir lancer un appel d’offres pour de nouveaux parcs d’éoliennes offshore.

Mobiliser les territoires. Les territoires à énergie positive pour la croissance verte sélectionnés par la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, constituent des relais importants des actions engagées par le Gouvernement pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables.

Mettre en place une ingénierie financière pour accompagner l’accroissement des investissements. Pour soutenir les développeurs, les apports en fonds propres pourraient être mobilisés pour renforcer les sociétés de projets. Par ailleurs, un décret préparé par le ministre des finances et des comptes publics en application de la loi de transition énergétique pour la croissance verte vise à faciliter l’investissement participatif des énergies renouvelables. Enfin, pour améliorer la valorisation des énergies renouvelables sur le marché de l’électricité et réduire le coût unitaire du soutien public apporté, le Gouvernement proposera des mesures pour renforcer le prix du carbone en Europe.

Développer les filières industrielles françaises sur le territoire national et à l’export. Cet objectif est au cœur de l’action du Gouvernement dans le cadre de l’Industrie du Futur et de ses neuf solutions industrielles, ainsi que par la structuration d’un réseau de start-up innovantes de la GreenTech au sein de la FrenchTech. Sur les deux premiers volets du Programme d’Investissements d’Avenir, plus de 2 milliards d’euros ont été consacrés à cette thématique. Le fonds écotechnologies et le fonds SPI gérés par BPI France continueront de soutenir le tissu industriel français via des prises de participations. Le Gouvernement continuera également de soutenir les entreprises exportatrices, que ce soit par l’accompagnement proposé par Business France et par les travaux du Comité Stratégique de Filières Éco-Industries en lien avec le fédérateur "Énergies renouvelables" nommé par le ministre des affaires étrangères et du développement international. La COP 21 a par ailleurs été l’occasion pour les industriels français de prendre part à des coalitions internationales comme l’Alliance solaire internationale ou l’alliance globale pour la géothermie ».

Article 2
Intégration des objectifs de la politique énergétique dans les politiques publiques

Cet article décrit les politiques publiques et fait référence au « cadre réglementaire et fiscal adapté ». Il ne paraît pas comporter de dispositif suffisamment impératif pour donner lieu à des mesures spécifiques d’application, mais doit naturellement inspirer l’ensemble des actions et des textes mettant en œuvre la loi. Ces objectifs pourraient en effet fonder des contentieux sur la base d’une « erreur manifeste d’appréciation », argument facile à manier au contentieux, mais plus difficile à faire aboutir. Concrètement, il fait référence aux objectifs mentionnés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie, fixés à l’article premier, et rappelés, par exemple au sujet des travaux de rénovation, par l’article 14.

L’ensemble de ces objectifs a été formalisé par l’arrêté du 24 avril 2016, qui a par exemple fixé comme objectif de développement du photovoltaïque, en termes de puissance totale installée :

PHOTOVOLTAÏQUE :
OBJECTIFS DE PUISSANCE INSTALLÉE

31 décembre 2018

10 200 MW

31 décembre 2023

Option basse : 18 200 MW
Option haute : 20 200 MW

L’énergie photovoltaïque

Or, la situation du photovoltaïque en France demeure marquée par un développement trop faible, la puissance raccordée s’élève au 31 décembre 2015 à 6 100 MWh. Le parc solaire est en grande partie raccordé sur le réseau public de distribution (91 %) avec 5 217 MW sur le réseau ENEDIS, lequel exploite près de 95 % du réseau de distribution français, 299 MW sur les réseaux des entreprises locales de distribution et 110 MW sur le réseau Corse.

Le réseau de transport accueille 565 MW, soit 9 % de la puissance installée.

PARC PHOTOVOLTAÏQUE FRANÇAIS RACCORDÉ AUX RÉSEAUX

Parc photovoltaïque français raccordé aux réseaux - PNG - 29.9 ko

Source : RTE/SER/ERDF/ADEeF (panorama de l’électricité renouvelable - décembre 2015)

Il est donc indispensable que l’énergie photovoltaïque prenne toute sa part dans le développement des énergies renouvelables, pour être en conformité tant avec les objectifs de la loi qu’avec les chiffres programmés par l’arrêté du 24 avril 2016. Le lancement d’un appel d’offres pluriannuel pour les installations au sol de 1 000 MW par an sur six ans, et d’un appel d’offres pour les installations photovoltaïques sur bâtiment pour un volume de 450 MW/an sur 3 ans, annoncé le 28 juin 2016 par la Ministre à l’occasion des journées nationales de l’énergie solaire, compte tenu du cahier des charges soumis à l’avis de la CRE, est conforme à l’objectif prévu pour 2018.

Votre Mission n’identifie à cet égard aucun blocage : le photovoltaïque est parvenu à un degré de maturité technologique avancé. Désormais, il convient à cet égard de combattre l’idée selon laquelle l’ensemble des équipements seraient d’origine étrangère, notamment chinoise : si cela demeure vrai pour les cellules elles-mêmes, l’essentiel des produits vendus est de fabrication française. Il faut donc combattre l’idée, pourtant répandue, selon laquelle les équipements viendraient de l’étranger. Il convient de la combattre d’autant plus que l’ordonnance du 27 juillet 2016 (18) est de nature à développer l’autoconsommation d’énergie photovoltaïque. Au cours de la table ronde avec les Organisations Non Gouvernementales, il a été souligné par France Nature Environnement que des difficultés pratiques pouvaient naître pour les appels d’offres au sol, compte tenu du fait que ces appels d’offres sont conditionnés par un seuil de 500 kW minimum, ce seuil, qui ne résulte, semble-t-il, que de pratiques, paraît toutefois encore limiter le développement de projets.

TITRE II
MIEUX RÉNOVER LES BÂTIMENTS POUR ÉCONOMISER L’ÉNERGIE, FAIRE BAISSER LES FACTURES ET CRÉER DES EMPLOIS

(Mme Sabine Buis, Rapporteure)

Les dispositions du Titre II de la loi constituent le volet « bâtiments » du texte. Dans l’ensemble de la consommation d’énergie, qui oscille autour de 155 Mtep par an, c’est bien ce secteur qui apparaît comme le plus important : il concerne 45 % de la consommation finale et a eu tendance à augmenter au cours des dernières années. Dans cette part, la consommation due au secteur tertiaire représente environ 15 % de la consommation totale, dont la moitié relève du secteur public En France, le secteur du bâtiment est aussi le deuxième émetteur de gaz à effet de serre (17,7 % des émissions françaises en 2012) derrière les transports. Plus des deux tiers de la consommation finale d’électricité lui sont consacrés.

CONSOMMATION FINALE ÉNERGÉTIQUE

(Mtep)

 

2010

2012

2013

2014

Sidérurgie

5,0

4,8

4,9

5,1

Industrie (hors sidérurgie) (1)

28,3

27,7

26,9

23,7

Résidentiel et tertiaire (1)

67,6

69,1

69,0

67,7

dont résidentiel

45,2

46,7

46,9

45,8

Agriculture

4,5

4,5

4,6

4,6

Transports

49,1

49,1

48,7

48,8

Total final énergétique

154,6

155,1

154,1

150

(1) corrigée des variations climatiques

Source : calculs SOeS et chiffres clés de l’énergie février 2016

C’est également un secteur où l’approche volontariste de la loi a des effets immédiatement perceptibles. En la matière, il convient de rappeler que les objectifs nationaux sont plus ambitieux que ceux qui résultent des directives communautaires :

– directive 2010/31/UE du 19 mai 2010, qui fixe des exigences minimales en matière de performance énergétique, en distinguant les bâtiments neufs et les bâtiments existants et prévoit l’existence de certificats de performance énergétiques. Il en découle que tous les nouveaux bâtiments doivent être au niveau BEPOS – c’est-à-dire à énergie positive – en 2020 (et 2018 pour les bâtiments publics) ;

– directive 2012/27/UE du 14 novembre 2012, qui prévoit un objectif contraignant de réduction de 1,5 % par an de l’ensemble des ventes d’énergies, hors transports, et qui introduit un objectif de 3 % de rénovation annuelle des bâtiments de l’État. En France seuls sont concernés les bâtiments des administrations centrales, pas ceux des collectivités locales. De plus, les États devront développer une stratégie de réduction des consommations de l’ensemble du parc bâti existant à long terme, au-delà de 2020.

Ces objectifs sont relayés et amplifiés par les dispositions de la loi, auxquelles on peut reprocher de ne pas traiter en tant que tel le secteur tertiaire, pour lequel l’application des lois précédentes est toujours attendue, alors que le tertiaire représente 930 millions de mètres carrés, dont la moitié sont des bâtiments publics. Le projet de « décret tertiaire » souvent évoqué, retient une base de surface d’au moins 2 000 m² ce qui représente 20 % du parc. Pourtant, le gisement d’économies d’énergies est considérable, et on peut regretter que le tertiaire soit ainsi le « parent pauvre » de la transition énergétique en matière de bâtiments.

Il convient de rappeler que les travaux dans la résidence principale font l’objet d’une fiscalité adaptée.

Le crédit d’impôt pour la transition énergétique

Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), mis en place par l’article 3 de la loi de finances pour 2015 (article 200 quater du code général des impôts) permet de bénéficier d’un taux unique de réduction d’impôt de 30 %, sans condition de ressources et sans obligation de réaliser un bouquet de travaux. Le CITE porte sur les travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique réalisés dans l’habitation principale ou dans des locations non meublées. En effet il s’adresse aux « contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale du logement dont ils sont propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit et qu’ils affectent à leur habitation principale ou de logements achevés depuis plus de deux ans dont ils sont propriétaires et qu’ils s’engagent à louer nus à usage d’habitation principale, pendant une durée minimale de cinq ans, à des personnes autres que leur conjoint ou un membre de leur foyer fiscal ». L’avantage fiscal est de 30 % des dépenses engagées, plafonnées à 8 000 euros (16 000 pour un couple, plus 400 euros par personne à charge) sur une période de cinq ans. L’article 18 bis de l’annexe 4 du code général des impôts, modifié par l’arrêté du 30 décembre 2015, fixe la liste des équipements, matériaux et appareils éligibles au crédit d’impôt, les plafonds de dépenses applicables à chacun d’eux, ainsi que les caractéristiques techniques et les critères de performances minimales requis.

Comme l’a indiqué M. Édouard Sauvage, directeur général de GRDF, lors de son audition par la mission, le 14 septembre 2016 : « sans cet outil incitatif, les ménages hésitent à se lancer dans une acquisition ou un remplacement qui pourtant diminue leur facture énergétique de 30 % et participe à une diminution de 30 % des émissions de CO2 et en même proportion des importations d’énergie pour la France. Ce levier fiscal accompagne efficacement la transition énergétique ; il a fait ses preuves. Son maintien nous paraît essentiel ».

Le nombre de bénéficiaires en 2014 était de 730 000, pour un coût de 1,4 milliard d’euros en 2015, évalué à plus de 1,7 milliard d’euros pour 2016. L’article 10 du projet de loi de finances pour 2016 proroge le CITE jusqu’au 31 décembre 2017 et ouvre le cumul de ce crédit d’impôt avec l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), sans conditions de ressources, pour les offres d’avances émises à compter du 1er mars 2016.

Le d de cet article prévoit que le CITE est applicable : « Aux dépenses, payées entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2016, au titre de l’acquisition d’équipements de raccordement à un réseau de chaleur, alimenté majoritairement par des énergies renouvelables ou par une installation de cogénération, ainsi qu’aux dépenses afférentes à un immeuble situé dans un département d’outre-mer, payées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2016, au titre de l’acquisition d’équipements de raccordement à un réseau de froid, alimenté majoritairement par du froid d’origine renouvelable ou de récupération ». Il apparaît souhaitable à votre Rapporteure, pour lever toute ambiguïté sur ce point, que les frais de raccordement – coût de travaux et des équipements- soient également inclus dans le champ du dispositif. Au-delà, une réflexion pourrait être menée sur les bénéficiaires de ce crédit d’impôt.

Article 3
Objectif de rénovation énergétique de 500 000 logements par an

Aux termes de cet article : « La France se fixe comme objectif de rénover énergétiquement 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes, visant ainsi une baisse de 15 % de la précarité énergétique d’ici 2020 ».

L’objectif se suffit à lui-même, même s’il doit entraîner au plan matériel de très nombreuses applications : comme cela a été souligné lors de la table ronde du 29 juin 2016, consacrée au logement, il convient de souligner que 13 millions de logements datent d’avant 1975.

La seule mesure directe qu’appelle ce texte, comme celui de l’article 5, porte sur le suivi du dispositif : votre Rapporteure estime nécessaire la mise en place d’indicateurs budgétaires pertinents.

Il peut être suggéré d’intégrer cet objectif aux indicateurs budgétaires de performance logement.

Article 4
Stratégie nationale de rénovation en matière de bâtiments : demande de rapport au Gouvernement

Cet article prévoit le dépôt d’un rapport au Parlement sur les investissements d’économie d’énergie (hors industrie) réalisés dans le secteur du bâtiment.

Article 5
Rénovation énergétique des bâtiments privés résidentiels

« Avant 2025, tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an doivent avoir fait l’objet d’une rénovation énergétique ». En cohérence avec l’article 3 de la loi, cet article appelle donc la même remarque.

Objectifs et indicateurs budgétaires

Le projet annuel de performances de la mission « Égalité des territoires et logement », annexé au PLF, prévoit (loi n° 2015-1785 de finances pour 2016 du 29 décembre 2015) que : « la rénovation et l’amélioration du parc immobilier existant est encouragée dans le cadre du plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH), opérationnel depuis septembre 2013 dans le but d’atteindre le rythme de 500 000 logements rénovés par an à l’horizon 2017. De multiples leviers sont mobilisés dans ce cadre : un taux réduit de TVA, le crédit d’impôt pour la transition énergétique qui a été sensiblement renforcé pour les travaux réalisés après le 1er septembre 2014, l’éco-prêt à taux zéro, dont les modalités de distribution ont été fortement simplifiées depuis le 1er janvier 2015 et qui sera prorogé et étendu aux microcrédits, le programme de lutte contre la précarité énergétique « Habiter mieux » mis en œuvre par l’Anah et ciblé sur les ménages les plus modestes du parc privé, et les actions développés par les organismes HLM pour le parc public : TVA à taux réduit sur les travaux de rénovation, dégrèvement de TFPB. »

La mission « Égalité des territoires et logement » comprend deux objectifs concernant directement les articles 3 et 5 de la loi :

Objectif n° 3 : Améliorer et adapter la qualité du parc privé

Indicateur 3.1 : Taux de logement aidés par l’Anah en fonction des principales priorités.

Objectif n° 4 : Promouvoir le développement durable dans le logement et, plus généralement, dans la construction

Indicateur 5.1 : Part des dépenses énergétiques relatives au chauffage dans la consommation énergétique globale des logements.

S’agissant de l’objectif n° 4, l’indicateur 5.1 comporte aussi l’évolution des dépenses énergétiques globale des logements, mais il peut être suggéré de rajouter un indicateur 5.2 concernant les bénéficiaires du crédit d’impôt pour la transition énergétique, avant et après la loi, ramené au nombre de dossiers déposés avant et après celle-ci, la variation des effectifs annuels et l’effectif des ménages ayant bénéficié d’une « restitution » du crédit d’impôt :

– cela permettrait d’appréhender de manière concrète les logements ayant fait l’objet d’une rénovation énergétique. En effet, ce crédit d’impôt permet d’inciter les particuliers à effectuer des travaux d’amélioration énergétique de leurs logements tout en soutenant les technologies émergentes les plus efficaces en termes de développement durable ;

– cela permettrait également de mesurer l’évolution de la consommation en énergie primaire en ne la cantonnant pas uniquement comme le fait l’indicateur 5.1 aux dépenses énergétiques de chauffage. En effet, ce crédit d’impôt concerne les dépenses d’acquisition des équipements permettant de diminuer la consommation énergétique des logements. Ainsi, une lecture conjointe des deux indicateurs permettrait de suivre avec précision la trajectoire prévue à l’article 5 de la loi.

Article 6
Obligation de rénovation au cas de mutation d’un bien immobilier

Le dispositif selon lequel : « À partir de 2030, les bâtiments privés résidentiels doivent faire l’objet d’une rénovation énergétique à l’occasion d’une mutation, selon leur niveau de performance énergétique, sous réserve de la mise à disposition des outils financiers adéquats. - Un décret en Conseil d’État précise le calendrier progressif d’application de cette obligation en fonction de la performance énergétique, étalé jusqu’en 2050 » a été jugé contraire à la Constitution par la décision du 13 août 2015, jugeant l’application de cet article incertaine au regard de l’atteinte au droit de propriété qu’il emporterait.

Article 7
Dérogation aux règles d’urbanisme au bénéfice des travaux d’isolation

Issu du projet initial (article 3) cet article permet qu’il soit dérogé aux règles d’urbanisme pour effectuer l’isolation de bâtiments. Si la règle générale (article L. 111-6-2 du code de l’urbanisme) est que le propriétaire ne peut s’opposer à l’emploi de matériaux renouvelables ou permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre, ce principe n’est pas applicable dans des secteurs sauvegardés ou sensibles (immeubles classés, parcs nationaux, zones protégées délimitées par un conseil municipal, etc.).

L’article 3, instaure un mécanisme similaire pour permettre l’isolation du bâtiment en saillie des façades, ou par surélévation des toitures, ou la protection contre le rayonnement solaire en saillie des façades. Selon l’étude d’impact, pour les façades des bâtiments à usage d’habitation, il pourrait concerner entre 22 000 et 44 000 logements par an, et pour les toitures entre 25 000 et 50 000 logements par an. Une limitation visant, comme celle de l’article L. 11-6-2 les monuments historiques, secteurs sauvegardés etc. prévue par le projet, a disparu au profit d’une mention tenant au respect de la « bonne intégration architecturale du projet » à l’environnement existant.

Ce texte nécessitait un décret, paru tardivement le 15 juin 2016 (n° 2016-802), alors que l’avis favorable, à l’unanimité du conseil national d’évaluation des normes a été rendu dès le 3 mars 2016. Ce décret prévoit une possibilité de dépassement de façade, ou de surélévation d’un toit de 30 cm au-delà de ce que prévoit un plan local d’urbanisme alors que l’étude d’impact envisageait seulement 20 centimètres. Le décret ne porte que sur les constructions achevées depuis plus de deux ans.

Il convient de souligner que le mécanisme n’est pas d’application systématique, mais qu’il dépend d’une décision motivée de l’autorité chargée de délivrer le permis de construire ; autant dire que les situations risquent d’être contrastées sur le territoire, d’autant que le critère de la « bonne intégration » au reste du bâti, typique d’un droit souple, permettra aux maires, principaux intéressés, de disposer d’une large opportunité. Lorsque cette dérogation ne s’appliquera pas, des solutions techniques d’isolation existent, mais sont plus complexes à mettre en œuvre, et plus coûteuses.

Article 8
Obligation de performances énergétiques dans les documents d’urbanisme et exemplarité de la construction sous maîtrise d’ouvrage public

Cet article, également issu du projet initial (article 4) :

– étend le contenu du plan local d’urbanisme pour définir des zones dans lesquelles le respect de performances énergétiques est imposé aux bâtiments ;

– pose le principe selon lequel les bâtiments publics font preuve d’ « exemplarité énergétique et environnementale » et sont à énergie positive ;

– autorise un dépassement des règles relatives au gabarit résultant du plan local d’urbanisme ou du document d’urbanisme en tenant lieu dans la limite de 30 % et dans le respect des autres règles établies par le document, pour les constructions faisant preuve d’exemplarité énergétique ou environnementale ou qui sont à énergie positive.

Ainsi, la notion de bâtiment à énergie positive (BEPOs) dont la seule définition possible était faite en référence aux normes européennes, notamment à l’article 2 de la directive du 19 mai 2012 2010/31/UE (19), et dont votre Rapporteure avait au cours des débats, souligné le caractère vague (20) appelait-elle, en application du présent article, un décret de définition.

Selon le site Légifrance, ce décret aurait dû intervenir en février 2016.

Article 9
Composition et présidence du conseil d’administration du centre scientifique et technique du bâtiment

Ce dispositif complète l’article L. 142-1 du code de la construction, relatif au centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), qui est un acteur majeur de la certification et de la diffusion des connaissances en matière de bâtiments. Préalable à la mise sur le marché des produits, son rôle, pour être technique, est donc essentiel, puisqu’il est chargé notamment d’évaluer les produits et procédés innovants du bâtiment (« avis technique », appréciation technique d’expérimentation, « Pass innovation ») ou de développer les moteurs de calculs thermiques réglementaires.

Le centre est, selon ce dispositif, un établissement public de caractère industriel et commercial, doté de l’autonomie financière et placé sous l’autorité de l’administration compétente, notamment chargé pour le compte des ministères concernés « des recherches scientifiques et techniques directement liées à la préparation ou à la mise en œuvre des politiques publiques en matière de construction et d’habitat » et d’une mission d’appui aux « activités de définition, mise en œuvre et évaluation des politiques publiques ». En particulier, l’article 16 de la loi lui confère la responsabilité de la mise à jour du logiciel de caractéristiques thermiques des constructions nouvelles.

Le présent article, issu d’un amendement de notre collègue Jean-Yves Le Déaut, adopté à l’Assemblée au cours de la séance du 10 octobre 2014, prévoit les modalités de composition du conseil d’administration. Le Conseil constitutionnel a cependant censuré, d’office, une des nouveautés prévues par le texte adopté, en jugeant « qu’en imposant l’audition par les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat de la personne dont la nomination comme président du conseil d’administration du centre scientifique et technique du bâtiment est envisagée, les dispositions de l’article 9 ont méconnu les exigences qui résultent de la séparation des pouvoirs ».

Même si elle n’est pas sans précédent (21), cette décision fait obstacle à l’exercice d’un pouvoir de contrôle par les commissions parlementaires, dès lors qu’il n’est pas prévu par un texte. En opportunité, on peut regretter, alors que la Constitution et la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 ont développé les pouvoirs de contrôle, sanctionnés par un vote, des commissions parlementaires sur les nominations, que la loi ordinaire ne puisse établir un contrôle, plus limité, des personnes pressenties.

Ce regret est d’autant plus fondé, s’agissant de l’article 9, que le fonctionnement du CSBT n’est pas exempt de reproches, comme en témoigne la table ronde menée par la Mission le 22 juin 2016. Nommé par décret du 9 juillet 2014, M. Étienne Crépon est l’actuel président du centre. Il s’agit d’un décret simple, alors que l’article 9 prévoit une nomination en Conseil des ministres.

Le président du CSBT sera donc nommé pour cinq ans, par décret en Conseil des ministres, et l’article 9 prévoit un élargissement de la composition du conseil d’administration du centre. La nomination du Président en Conseil des ministres, que les commissions parlementaires compétentes ne contrôleront donc pas, fait entrer la personne désignée dans le champ des prévisions de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. (22)

S’agissant du conseil d’administration, le Gouvernement a soutenu, au cours de la séance du 10 octobre 2014, le dispositif : « l’élargissement de son conseil d’administration à des parlementaires et des représentants des collectivités territoriales est tout à fait bienvenu. Cela permettra d’impliquer davantage les territoires, dont l’engagement est la condition de la réussite de la transition énergétique (…) cette évolution favorisera l’accompagnement des entreprises innovantes dans le champ des produits et des procédés de construction, en partenariat avec les acteurs locaux ».

Figurent au rang des « règles constitutives d’une catégorie d’établissement public », qui ressortissent au domaine de la loi, les catégories de personnes composant son conseil d’administration, mais la fixation du nombre de chacune d’elles relève du pouvoir réglementaire (Conseil Constitutionnel, décision n° 59-1 l du 27 novembre 1959) (23). Respectant cette logique, l’article 9 a énuméré les catégories de membres du conseil d’administration, et, même si cela n’est pas explicite, renvoyé au décret le soin de fixer la composition concrète du conseil. Le décret n° 2016-551 du 4 mai 2016 fixe donc cette liste à 27 membres – ils étaient 18 auparavant – soit deux parlementaires, six représentants de l’État, quatre des collectivités locales, six personnalités qualifiées et neuf représentants des salariés.

Il prévoit également la désignation du Président parmi les membres, après consultation du conseil d’administration et l’institution d’un comité consultatif. Si elle n’était pas imposée par l’article 9, la nomination parmi les membres apparaît comme un gage de bon fonctionnement du centre. Le décret fixe en outre les fonctions du Président, dont le poste est ainsi fusionné avec celles de directeur général. Il ne prévoit pas de rémunération des membres du conseil d’administration.

Par ailleurs, l’article 9 prévoit la remise aux assemblées parlementaires d’un rapport d’activité du centre, lesquelles en saisissent l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Disponible sur le site du centre, le rapport 2015 (24) ne fait, quant à lui, nullement mention des dispositions de la loi, sauf par une référence allusive, et du renouvellement à venir du conseil d’administration. On doit donc considérer que ce dispositif, pourtant d’application immédiate, n’est pas actuellement en vigueur, en espérant que le CSTB s’y conformera dans le prochain rapport – et que celui-ci prendra acte des dispositions votées.

De même, il convient de s’interroger sur la pérennité du contrat d’objectif et de moyens qui lie le centre et l’État, pour la période 2014-2017 : est-il possible que ce texte demeure inchangé après le vote de la loi ? Votre Mission apporte une réponse négative à cette question.

En outre, le fonctionnement du CSBT appelle de fortes réserves, manifestées par les participants à la table ronde : il semble que l’amont des décisions soit mal assuré et que la mise à disposition des avis et des délibérations nécessite, au moins dans la phase de démarrage, de nombreuses améliorations, notamment sur la portée des décisions, la manière dont elles sont rendues publiques et sur les délais dans lesquels l’information est disponible.

À titre d’illustration, votre Rapporteure doit constater que l’avis rendu par cet organisme au sujet de l’article 26 de la loi paraît peu conforme à la volonté du législateur, et que sa motivation est perfectible.

Les critiques sont donc assez vives à l’encontre du fonctionnement actuel du centre et de l’absence d’actualisation des méthodes de travail de celui-ci après la loi.

Article 10
Mission du conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique

Le décret du 23 mars 2015 avait créé un Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, dont l’existence est codifiée à l’article R. 143-1 du code de la construction :

« Il est créé auprès du ministre chargé de la construction un Conseil supérieur de la construction, chargé de l’appuyer dans la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques dans la construction en réponse aux objectifs de développement durable, de maîtrise des coûts et d’appui à la compétitivité et à l’innovation.

Dans le cadre de cette mission, le Conseil supérieur de la construction donne un avis consultatif sur toutes les dispositions réglementaires concernant le secteur de la construction notamment les réglementations techniques dans la construction, les labels réglementaires dans le bâtiment et la réglementation des produits et matériaux de construction. ».

Comme l’exposait notre collègue Jean-Yves Le Déaut, auteur de l’amendement ayant conduit à l’adoption de cet article, lors de la première lecture à l’Assemblée en séance, sur avis favorable de la commission, également le 10 octobre 2014 : « Aujourd’hui toutes les évaluations techniques relèvent d’une commission dite du « titre V » dont la composition est secrète, sous prétexte d’éviter que ses membres subissent des pressions. Nous sommes cependant parvenus à connaître leur identité – vous en trouverez la liste dans notre rapport. Nous avons ainsi pu constater qu’elle ne comptait ni architecte, ni universitaire, ni chercheur, alors même que la réglementation de la construction est tributaire des évolutions technologiques ». C’est ce constat critique qui a conduit à la mise en place, au niveau législatif, d’un organisme scientifique dont la composition est plus ouverte.

Le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique est appelé, aux termes de cet article, à formuler un avis sur les actes législatifs et réglementaires intéressant le domaine de la construction, sans que ces avis soient bloquants. Contrairement à la position initialement prise par l’Assemblée, l’administration n’a pas à motiver ses décisions lorsqu’elle ne suit pas l’avis.

Le décret n° 2015-1554 du 27 novembre 2015 prévu par cet article devait fixer les conditions d’application de l’ensemble du texte. En abrogeant le décret n° 2015-328 du 23 mars 2015, il retient une compétence très large du Conseil, étendue par exemple à la maîtrise des coûts, ou aux orientations de la recherche.

Il prévoit les modalités de nomination des 24 membres, répartis en cinq collèges, pour trois ans, dont le mandat est renouvelable. Il s’agit d’un député et d’un sénateur désignés par leurs assemblées respectives, d’un élu d’établissements publics de coopération intercommunale désignés par l’Assemblée des communautés de France et d’un élu de conseil municipal désigné par l’Association des maires de France, de 16 membres, au titre du collège des professionnels de la construction et de l’efficacité énergétique, (architectes, bâtiments travaux publics, habitat, etc. dont la fédération française du bâtiment et l’association des industries de produits de construction, la FIEEC et la Fédération du négoce de bois et des matériaux de construction), de quatre représentants des associations, et de six personnalités qualifiées. À titre incident, on notera qu’il n’existe pas de coïncidence entre cette composition et les entreprises concernées par le champ de l’obligation de reprise des déchets de construction prévue par l’article 97 de la loi.

Il est prévu, en cas d’absence réitérée à trois reprises, une suppléance qui devient alors définitive. La suppléance n’est pas prévue pour le député et le sénateur, ni pour les personnalités qualifiées.

Le Conseil émet son règlement intérieur, doit se réunir au moins une fois par an, l’imputation budgétaire est le ministère de la construction, seuls des frais de déplacement sont mentionnés. Le secrétariat est assuré par la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature.

Votre Rapporteure formule les remarques suivantes :

– rien n’est dit sur la présidence du Conseil : la loi est silencieuse sur le fait que le président est ou non choisi parmi les membres, le décret prévoit en revanche une vice-présidence « parmi les membres ». Il serait souhaitable que la présidence, qui sera décidée par arrêté ministériel, revienne au député ou au sénateur membre.

– la commission compétente pour émettre, le cas échéant, une proposition pour la désignation du député « par l’Assemblée » (article 26 alinéa 2 RAN) serait, en application de l’article 36 du même RAN, la commission du développement durable.

– le décret n’organise pas la publicité des avis, ni surtout les délais dans lesquels celle-ci intervient. Or, toute parution tardive, ou a fortiori toute absence de publication des avis serait sans doute une cause de contestation des textes règlementaires : il faut rappeler sommairement que la légalité d’un acte administratif s’apprécie à la date à laquelle il est pris. Un acte qui n’a pas fait l’objet des consultations prévues à la date à laquelle il est signé - et non pas préparé : Conseil d’État, 19 novembre 1955, Andréani, 30 juillet 2003, Groupement des éleveurs mayennais de trotteurs, n° 237201- est donc irrégulier. L’annulation est ainsi encourue pour un acte pour lequel a été omise une consultation obligatoire s’analysant comme une garantie pour les intéressés (25) ;

– enfin, on remarquera que le décret est silencieux sur d’éventuelles règles de parité, qui n’auraient de sens que pour le collège des associations et celui des personnalités qualifiées, où les nominations se font en nombre impair.

Article 11
Carnet numérique du suivi et de l’entretien du logement

Cet article crée un carnet numérique du logement, ayant vocation à mentionner les éléments de performance énergétique du logement, obligatoire pour tout logement neuf, pour les permis de construire déposés à compter du 1er janvier 2017, et pour les logements soumis à une mutation à compter du 1er janvier 2025. Ce carnet intègre le diagnostic technique du logement, et toutes les données nécessaires à l’optimisation de la consommation énergétique des logements.

La loi en détaille le contenu, et le site des notaires de Paris - Île de France fournit les énumérations suivantes, appuyées sur les renvois législatifs :

Le contenu du carnet numérique du suivi et de l’entretien du logement

Le dossier de diagnostic technique comportant le constat de risque d’exposition au plomb, l’état mentionnant la présence ou l’absence de matériaux ou produits contenant de l’amiante, l’état relatif à la présence de termites, l’état de l’installation intérieure de gaz et d’électricité, l’état des risques naturels, miniers et technologique s’il est obligatoire, le diagnostic de performance énergétique, le document relatif aux installations d’assainissement non collectif et si nécessaire l’information sur la présence d’un risque de mérule.

Lorsque le logement est soumis au statut de la copropriété : les documents relatifs à l’organisation de l’immeuble (exemple : le règlement de copropriété), certaines informations financières (exemple : l’état global des impayés de charges), le carnet d’entretien de l’immeuble, une notice d’information relative au fonctionnement de la copropriété.

Dans le cas d’une location, le dossier de diagnostic technique comportant : le diagnostic de performance énergétique, le constat de risque d’exposition au plomb, une copie d’un état de l’amiante, un état de l’installation intérieure d’électricité et de gaz, enfin si nécessaire et à chaque changement de locataire l’état des risques naturels et technologiques.

Le décret était attendu en juillet 2011, puis reporté par Légifrance « en 2017 ». Pourtant, le gouvernement a missionné un inspecteur général des ponts des eaux et forêts, M. Alain Neuveu, lequel a remis son rapport en janvier 2016 (26). Même s’il s’en défend, ce rapport porte sur l’opportunité du dispositif, et, à supposer fondées les critiques, qui devraient aussi bien s’appliquer aux diagnostics existants actuellement en matière de logement, le gouvernement avait tout loisir pour les lever, depuis la remise de ce rapport. Ce document va même jusqu’à suggérer la mise en place d’un observatoire, qui effectuerait une exploitation payante des données, ou à soulever des questions liées au respect des libertés individuelles : ces questions se posent-elles pour le diagnostic plomb, auquel la chambre des notaires fait référence ?

Il paraît utile, d’une part, que ce décret paraisse sans retard, ou que le Gouvernement propose une modification de la loi sans délai, s’il l’estime utile, d’autre part, que soient regroupées en un article unique codifié les différentes obligations s’imposant au vendeur ou au bailleur. Votre mission regrette donc un retard anormal de parution de ce décret.

Article 12
Critère de performance énergétique minimale

Cet article prévoit d’instaurer des critères minimaux de performance énergétique en cas de location d’un logement.

La publication du décret était envisagée en juin 2016, et votre mission ne peut qu’attirer l’attention sur un tel retard. Au cours de la table ronde que votre mission a tenue le 28 juin 2016, des inquiétudes assez vives se sont manifestées, en particulier celles du réseau pour la transition énergétique (CLER). Ici encore, votre mission regrette que le décret ne soit pas d’ores et déjà paru.

Article 13
Respect des normes de performances énergétiques minimales pour la vente d’une HLM

Cet article conditionne la vente d’une HLM à ses occupants (code de la construction et de l’habitation, article L.443-7) au respect de performances énergétiques minimales fixées par décret. La version antérieure du code de la construction visait les seuls logements situés dans des immeubles collectifs, et cet article étend donc l’obligation à toutes les ventes.

Le décret n° 2015-1812 du 28 décembre 2015, dont le dispositif est applicable depuis le 1er janvier 2016 – sauf si des agréments d’aliénation sont antérieurs – fait référence aux dispositions, inchangées, de l’article R. 443-11-1 du code de la construction et de l’habitation : « Seuls les logements dont la consommation d’énergie est inférieure ou égale à 330 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an estimée selon les conditions du diagnostic de performance énergétique défini aux articles L. 134-1 à L. 134-5 du code de la construction et de l’habitation peuvent être aliénés dans les conditions prévues à l’article L. 443-7. »

Ce dispositif a été introduit par le décret n° 2014-1648 du 26 décembre 2014 relatif aux normes de performance énergétique minimale des logements collectifs faisant l’objet d’une vente par un organisme d’habitation à loyer modéré, lequel faisait référence à l’article L.443-7 du code de la construction, dans sa version alors applicable. En d’autres termes, le dispositif du décret du 28 décembre 2015 ne sert qu’à déterminer la date d’entrée en vigueur de l’extension du champ de cet article aux ventes de logements individuels – puisque le critère de consommation demeure inchangé – donc à fixer la date d’entrée en vigueur de la loi, alors que celle-ci incitait sans doute à une réflexion de fond sur les critères de performance énergétique en cas de vente d’un logement par un office d’HLM. On peut regretter cette occasion manquée. Il est donc permis de s’interroger sur la nécessité du nouveau décret, dès lors que le cadre réglementaire, en définitive, n’évolue pas.

Article 14
Niveau de performance énergétique des bâtiments

Au sein du volet du texte relatif aux bâtiments, l’article 14 est essentiel. Il porte sur divers aspects de définition de la performance énergétique.

Le I assigne à toute rénovation énergétique l’objectif d’atteindre un niveau compatible avec l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Il renvoie à un décret, qui devait être pris dans un délai d’un an après promulgation de la loi, le soin de déterminer la définition de la performance énergétique dans tous ses aspects : caractéristiques, catégories de bâtiments concernés, application aux pièces rendues habitables, etc. Cette réglementation des travaux dits « embarqués » a fait l’objet du décret n° 2016-711 du 30 mai 2016 relatif aux travaux d’isolation en cas de travaux de ravalement de façade, de réfection de toiture ou d’aménagement de locaux en vue de les rendre habitables, qui entre en vigueur au 1er janvier 2017. ce dispositif a été critiqué, en ce qu’il comporte de très nombreuses exceptions à la nécessité d’isoler les bâtiments, exceptions énumérées à l’article R. 131-28-9 du code de la construction et de l’habitation : risque de pathologie du bâti liée à tout type d’isolation, non-conformité à des servitudes ou aux dispositions législatives et réglementaires relatives au droit des sols, au droit de propriété ou à l’aspect des façades et à leur implantation, secteurs sauvegardés, abords des monuments historiques, ou encore « disproportion manifeste entre les avantages de l’isolation et ses inconvénients de nature technique, économique ou architecturale » explicitée par une dégradation qui altérerait significativement la qualité architecturale ou un temps de retour sur investissement du surcoût induit par l’ajout d’une isolation, déduction faite des aides financières publiques, supérieur à dix ans.

Les exceptions apparaissent ainsi trop nombreuses à nombre d’acteurs. Ce décret devrait donc, selon votre Rapporteure, être modifié, notamment pour tenir compte des observations formulées par nombre des interlocuteurs de votre mission. En outre, ce dispositif doit être en cohérence avec les données techniques dites « élément par élément » actuellement prévues par l’arrêté du 3 mai 2007 relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des bâtiments existants. À ce sujet, votre Rapporteure partage totalement l’approche des professionnels, notamment de l’Association française des industries des produits de construction, et du Syndicat des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques Uniclima, auditionnées par la mission, le 12 juillet 2016. Il convient :

– d’assurer une meilleure lisibilité des textes, et dans toute la mesure du possible, de ne pas empiler une réglementation nationale et européenne, lorsque celle-ci s’avère suffisante ;

– de procéder en la matière par étapes progressives lorsque les normes changent : il est nécessaire que les industriels puissent s’adapter, les temps de modification des équipements, puis de commercialisation des équipements sont nécessairement longs ;

– de rapprocher autant que possible la réglementation thermique (RT) des travaux embarqués et celle des bâtiments neufs, actuellement régis par la RT 2012, appliquée à tous les permis de construire depuis le 1er janvier 2013.

RT 2012 : réglementation thermique des bâtiments

Conformément à l’article 4 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009, dite Grenelle 1, la RT 2012 a pour objectif de limiter la consommation d’énergie primaire des bâtiments neufs à un maximum de 50 kWhEP par m² et par an en moyenne, tout en suscitant :

• une évolution technologique et industrielle significative pour toutes les filières du bâti et des équipements ;

• un très bon niveau de qualité énergétique du bâti, indépendamment du choix de système énergétique ;

• un équilibre technique et économique entre les énergies utilisées pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire.

La révision de l’arrêté « élément par élément » du 3 mai 2007 est en cours. Il est très souhaitable qu’elle intègre totalement la logique et les objectifs de la loi, notamment le développement du suivi de la consommation d’énergie individualisé, une gestion globale des usages énergétiques, mais également que le temps d’adaptation des industriels et des installateurs soit pris en compte.

Le II prévoit le maintien des aides publiques en cas d’obligation de travaux.

Le III porte sur les caractéristiques acoustiques des bâtiments, dans les zones à forte exposition au bruit, en cas de travaux de rénovation importants. Le décret n° 2016- 798 du 14 juin 2016, applicable aux travaux décidés après 1er juillet 2017, et même pas pour ceux dont le devis est accepté antérieurement, et renvoie à un arrêté la fixation concrète des seuils, distincts pour les parois et toitures. Le dispositif n’entrera donc en vigueur que deux ans après la loi, ce dont on ne peut se satisfaire. L’avis favorable du conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique souligne le faible impact financier de ce dispositif, comme si la lutte contre le bruit n’était pas un objectif souhaitable, et son caractère restreint à certaines zones géographiques. Votre mission y voit un motif supplémentaire de ne pas différer l’entrée en vigueur de cette disposition et demande que le décret soit revu dans un sens plus conforme à l’intention du législateur.

La parution retardée du décret a été l’objet de vives critiques, que votre Mission partage : font en particulier l’objet de critiques les prises en compte, dans les versions successives du projet, des critères vagues et non pas déterminés en fonction de seuils.

Le V anticipe de 2020 à 2018 la détermination par décret, pour les constructions nouvelles, du niveau d’émissions de gaz à effet de serre pris en considération dans la définition de leur performance énergétique et une méthode de calcul de ces émissions sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, adaptée à ces constructions nouvelles. La publication de ce décret est envisagée en 2018 seulement. Votre Rapporteure souhaite, dans ce cadre, la mise en œuvre d’une exigence portant sur le taux de recours aux énergies renouvelables et à la récupération d’énergie, conformément au VII de l’article premier de la présente loi.

Le VI de cet article prévoit que les pouvoirs publics encouragent l’utilisation de matériaux biosourcés lors de la construction ou de la rénovation. La faible impérativité de ce dispositif n’a pas échappé à nombre des interlocuteurs de la mission. Ainsi Coop de France souhaite que la loi soit modifiée pour inclure un objectif minimal d’utilisation de matériaux biosourcés.

Le VII prévoit le dépôt d’un rapport sur l’unification des aides, alors liées à un projet global de rénovation – comme le souligne au cours de la table ronde sur les bâtiments, M. Julien Allix, au nom de l’association des responsables de copropriété, ce rapport est particulièrement attendu – un rapport sur la nécessité d’une évaluation des travaux réalisés et le VIII prévoit un rapport sur un système de bonus–malus pour les propriétaires en fonction des réalisations de performance énergétique.

Article 15
Organisme certificateur de la performance énergétique d’un bâtiment neuf

Cet article remplace le label haute performance énergétique par un conventionnement des contrôleurs. En lui-même il ne nécessite pas de décret, mais un décret en Conseil d’État définit les conditions dans lesquelles, à l’issue de l’achèvement des travaux portant sur des bâtiments neufs ou sur des parties nouvelles de bâtiment existant soumis à permis de construire, le maître d’ouvrage fournit à l’autorité qui a délivré le permis de construire un document attestant que la réglementation thermique a été prise en compte par le maître d’œuvre ou, en son absence, par le maître d’ouvrage.

Cette attestation doit être établie, selon les catégories de bâtiments neufs ou de parties nouvelles de bâtiment existant soumis à permis de construire, par un contrôleur technique mentionné à l’article L. 111-23 du code de la construction et de l’habitation, une personne répondant aux conditions prévues par l’article L. 271-6, un organisme ayant certifié, au sens des articles L. 115-27 à L. 115-32 du code de la consommation, la performance énergétique du bâtiment neuf ou de la partie nouvelle du bâtiment et ayant signé une convention avec le ministre chargé de la construction ou un architecte au sens de l’article 2 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture.

Article 16
Mise à jour du logiciel des caractéristiques thermiques des constructions nouvelles

Un logiciel des caractéristiques techniques doit être établi par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), dont le conseil d’administration relève de l’article 9. La mise à jour du logiciel est le seul élément, matériel, qui conditionne l’entrée en vigueur du texte.

L’actuel logiciel est fondé sur l’application de la RT 2012. Ainsi qu’en atteste la lettre du 30 juin 2016 de M. Étienne Crépon, Président du CSTB, l’actuel logiciel existe en version gratuite exécutable, qui est la plus demandée et une version des codes sources, accessible moyennant 10 000 € pour les acteurs du secteur privé, ou gratuite pour des fins de recherche ou non lucratives et non commerciales.

Le logiciel, qui fait référence à la RT 2012, n’est pas modifié tant que celle-ci n’évolue pas (voir article 14, ci-dessus). Au demeurant le site Internet d’accès (27) ne mentionne même pas la présente loi au rang des textes de référence.

Votre Rapporteure ne peut, comme elle l’a fait au sujet de l’article 9 et comme elle le fera à l’article 26, que constater que le CSTB ignore jusqu’à l’existence de la présente loi, ou au mieux en « prend acte ». Dans la mesure où son Président s’appuie sur le fait que sa mission, non modifiée par l’article 9, est destinée selon l’article L. 142-1 du code de la construction et de l’habitation, aux seuls ministères, votre Rapporteur souhaite, ainsi qu’il a été fait à l’article 10 pour le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, que soit mentionnées dans cet article du code les demandes des « pouvoirs publics », ou plus précisément celles des commissions parlementaires concernées, de manière à ce qu’un établissement public industriel et commercial ne s’affranchisse pas de l’application de la loi, en cohérence, d’ailleurs, avec le fait que le rapport du CSBT est désormais destiné également au Parlement.

Article 17
Prolongation des obligations de rénovation par période décennale

Cet article complète l’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation dont l’objet est de mettre en œuvre la réalisation des travaux d’amélioration de la performance énergétique des « bâtiments à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce une activité de service public ». Il précise que « cette obligation de rénovation est prolongée par périodes de dix ans à partir de 2020 jusqu’en 2050 avec un niveau de performance à atteindre renforcé chaque décennie, de telle sorte que le parc global concerné vise à réduire ses consommations d’énergie finale d’au moins 60 % en 2050 par rapport à 2010, mesurées en valeur absolue de consommation pour l’ensemble du secteur ».

L’article nécessite un décret d’application, publication qui doit intervenir « au moins cinq ans avant son entrée en vigueur ».

Votre Mission doit, à nouveau rappeler que le tertiaire reste largement ignoré par la loi, or le premier objectif que la programmation pluriannuelle de l’énergie fixe en matière de bâtiments est de « massifier la rénovation énergétique des bâtiments résidentiels et tertiaires pour parvenir à une baisse de la consommation énergétique de 28 % à l’horizon 2030 par rapport à 2010 ». Un décret aurait dû être pris, depuis longtemps, sur la base de la version antérieure de l’article L. 111-10-3 du code de la construction et de l’habitation, issu du Grenelle de l’environnement. Le dispositif de l’article 17, dû à un amendement en commission de Mme Cécile Duflot, a été adopté pour prolonger le dispositif par périodes de dix ans, mais aussi pour relancer un processus règlementaire bloqué. En dépit des assurances formelles du Gouvernement (28) le décret n’est toujours pas paru, et nombre d’interlocuteurs de votre mission soulignent que le secteur tertiaire, où les gisements d’économie sont pourtant très importants, demeure hors du cadre de la transition énergétique.

Le tertiaire est ainsi le principal manque du Titre II ; il conviendrait qu’il ne le demeure pas.

Article 18
Marchés privés de bâtiments en sous-traitance

Cet article énumère les mentions obligatoires de marchés publics de bâtiments en cotraitance dont le montant n’excède pas 100 000 € hors taxes.

Le texte se suffit à lui-même.

Article 19
Opportunité de regrouper certains financements destinés aux ménages modestes dans un fonds unique : demande de rapport au Gouvernement

Cet article, comme de nombreux autres, prévoit la remise avant le 17 février 2016 d’un rapport au Parlement sur la rénovation énergétique de logements occupés par des ménages aux revenus modestes, et l’opportunité de créer un fonds en ce sens. Cette date n’est pas respectée.

Article 20
Fonds de garantie pour la rénovation énergétique

La PPE rappelle que l’objectif en matière de financement public est de mobiliser trois milliards d’euros au niveau de la Caisse des dépôts et consignations afin de financer le plan de rénovation des logements sociaux à hauteur de 1,5 milliard d’euros et la rénovation des bâtiments publics à hauteur de 1,5 milliard d’euros.

Toutefois, le dispositif peine à monter en puissance, comme en témoigne l’application du présent article. La Mission ne peut que regretter que l’application différée de cet article traduise la faiblesse de l’implication financière des pouvoirs publics dans la transition énergétique.

I) Le dispositif crée un fonds de garantie pour la rénovation énergétique. Ce fonds est destiné à financer les travaux d’amélioration des logements soit sous conditions de ressources, à titre individuel, soit dans les copropriétés, soit à titre de garantie de caution ou d’assurance. Le décret n° 2016-689 du 27 mai 2016, précise que ce fonds peut garantir les avances remboursables sans intérêt pour les bénéficiaires des aides relatives à la lutte contre la précarité énergétique mises en œuvre par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), conformément aux articles R. 319-35 à R. 319-43 du code de la construction et de l’habitation.

II) Le fonds « enveloppe spéciale transition énergétique » dont les ressources doivent être gérées par la Caisse des dépôts et des consignations (CDC), finance les opérations de rénovation. Le dispositif de Fonds de financement de la transition énergétique et écologique devrait ainsi, conformément à la PPE, effectivement représenter un effort de 1,5 milliard €, prévu sur 3 ans, alimenté par différentes sources :

– 350 millions € de fonds propres de la CDC, à des fins d’ingénierie (50 M€) et de prises de participation (300 M€),

– 300 millions € d’actions existantes du programme d’investissement d’avenir (PIA),

– 150 millions € de recettes liées aux certificats d’économie d’énergie (voir l’article 30) ;

– 750 millions € de crédits budgétaires, dont 250 millions d’€ ont été affectés par la loi de finances rectificative 2015, dont le financement n’est pas prévu en loi de finances initiale pour 2016.

Rattachés au programme 174 de la mission « Écologie », l’enveloppe spéciale « Transition énergétique » ne devait initialement pas être inscrite au budget de l’État, mais alimentée par une affectation directe d’une partie du prélèvement sur le résultat que la CDC verse à l’État, selon les modalités définies par une convention, à raison de 250 millions d’€ par an sur trois ans. Mais une telle contraction entre une recette et des dépenses de l’État est prohibée par l’article 6 de la LOLF, et le Gouvernement a retiré l’article du projet de loi, puis déposé deux amendements en séance, adoptés par l’Assemblée, le 30 novembre 2015.

Comme l’indiquait alors le Gouvernement : « nous avions prévu d’affecter directement une part des dividendes de la Caisse des dépôts et consignations au fonds pour la transition énergétique, mais comme cela soulevait des questions juridiques, nous avons préféré le faire via un mouvement budgétaire et des ouvertures de crédits. Les recettes et les dépenses seront ainsi simultanées. Comme il s’agit d’un fonds qui n’a pas de personnalité morale et qui est géré par la Caisse, il vaut mieux avoir un mouvement de la Caisse vers l’État et de l’État vers le fonds ».

Pour autant ce débat, qui aboutit à supprimer une opération qui aurait pu être qualifiée de contraction de recettes et de dépenses, a laissé en suspens la question du financement du fonds en 2016 : il était clair que la question des dotations budgétaires au titre de 2016 et 2017 n’était alors pas réglée. Elle ne semble pas l’être davantage aujourd’hui. Pour autant, l’expérience d’autres fonds incitatifs montre qu’il y a un temps de montée en puissance, et que la mise à disposition des crédits peut suivre le processus, à condition toutefois qu’aucun blocage n’apparaisse du fait de l’insuffisance des crédits disponibles.

Les premières actions ont été concentrées sur le financement de l’ANAH par une dotation exceptionnelle de 20 millions d’€, et le financement des 212 lauréats de l’appel à projets « Territoires à énergie positive pour la croissance verte » (conformément à l’annonce, le 9 février 2015, d’une annonce de 250 millions d’€ pour les trois ans à venir). Ces 212 premiers territoires lauréats regroupent souvent plusieurs collectivités. La quasi-totalité d’entre eux ont signé avec l’État des conventions engageantes sur leurs plans d’action, ce qui représente plus de 900 collectivités. En mars 2016, plus de 22 millions d’€ (104 millions d’€ engagés) avaient été versés à des lauréats. Les versements, interrompus le 18 décembre 2015, ont repris seulement à la mi-juin 2016.

Le décret sur les modalités d’intervention du fonds, annoncé pour février 2016 par Légifrance, est finalement paru le 11 août 2016 (n° 2016-1096). Il prévoit, dans le cadre d’un mécanisme classique de garantie des prêts par l’État, un taux de garantie de sinistralité des prêts à hauteur de 50 % de leur montant pour les copropriétés et de 75 % pour les particuliers. Toutefois, concernant ces derniers, une condition de ressource (article R. 321-12 du code de la construction et de l’habitation) qui est la même que pour l’octroi des subventions de l’ANAH, est prévue.

On peut donc craindre que le mécanisme demeure d’un effet limité, même s’il est de nature à faciliter l’octroi de prêts. Au-delà, votre Rapporteure constate que le comité de gestion n’est appelé qu’à se réunir qu’une fois par an et que son rapport n’est pas destiné au Parlement, ce qui ne paraît pas satisfaisant.

En l’état, cet article ne peut donc être considéré comme pleinement opératoire : il ne s’agit pas d’une dépense budgétaire, mais d’un fonds que le projet de loi de finances pour 2017 n’abonde pas.

Article 21
Rapport sur l’opportunité d’aides fiscales à l’installation de filtres à particules sur les équipements de chauffage au bois destinés aux particuliers

Cet article prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur les filtres à particules dans les chauffages au bois, avant le 17 août 2016.

Article 22
Plateformes territoriales du service public de la performance énergétique

Cet article prévoit la mise en place de plateformes de performance énergétique de l’habitat, sur l’ensemble du territoire et en privilégiant les EPCI à fiscalité propre. Ces structures doivent informer et orienter gratuitement le consommateur. Aucune condition juridique n’étant à remplir pour l’application de l’article, le texte est applicable.

La seule question à poser est désormais celle de la mise en place effective de ce service public et des moyens budgétaires et humains dont il doit disposer. À cet égard, le texte est très ouvert sur les gestionnaires possibles : État, collectivités territoriales, agences, conseils d’architecture, etc. Cette trop faible identification du responsable administratif risque de diluer les responsabilités sur le terrain.

Article 23
Mise en
œuvre du service de tiers financement

Issu du projet de loi initial (article 6), cet article précise les conditions de mise en œuvre du service de tiers financement, soit directement par des sociétés agréées, soit sur une base de convention établie avec des établissements de crédit.

Un dispositif permettant aux entreprises publiques locales de tiers financement de ne pas être soumises aux conditions usuelles d’agrément des établissements de crédit et des sociétés de financement, dû à votre Rapporteure a été adopté par la commission spéciale. De ce fait, ces entreprises, la plupart de cette activité est due aux régions, principalement en Île-de-France, Rhône-Alpes et Picardie, sont soumises au contrôle de l’autorité de contrôle prudentiel. Le renvoi au décret a pour objet de prévoir des conditions d’agrément dérogatoires par rapport à celles qui régissent les établissements de crédit.

Le Gouvernement s’était engagé à transmettre le projet de décret avant la première lecture (Doc. AN N° 2230, p. 233), ce dont votre Mission n’a pas constaté l’effectivité.

Le décret n° 2015-1524 du 25 novembre 2015 (art. R. 518-71-I et s.) pris pour l’application de cet article fixe à 2 millions d’euros le seuil de capital initial des sociétés de tiers financement, exige de ces sociétés en particulier un contrôle interne et une certification comptable annuelle et prévoit les conditions générales de délivrance et de retrait des autorisations par l’autorité de contrôle prudentiel.

Article 24
Modalités de remboursement d’un prêt viager hypothécaire

Le dispositif prévoit l’indemnité due en cas de défaillance de l’emprunteur d’un prêt viager hypothécaire : le décret n° 2015-1848 du 29 décembre 2015, pris pour l’application de cet article plafonne le montant de cette indemnité par mois d’intérêt en fonction de la durée résiduelle du prêt.

Il n’appelle pas d’observation particulière.

Article 25
Avances sur travaux consenties par un établissement de crédit, un établissement financier ou une société de tiers financement

Cet article introduit un mécanisme de « prêt avance mutation », garanti par une hypothèque, que peuvent pratiquer notamment les sociétés de tiers financement. Le texte se suffit à lui-même.

Article 26
Individualisation des compteurs de chauffages d’immeuble.

Le principe d’une individualisation des compteurs de chauffage remonte à l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie (article L 241-9 du code de l’énergie), complétée par un décret n° 2012-545 du 23 avril 2012. Puis, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, due à l’initiative de M. François Brottes, le Gouvernement avait tenté de fixer au 1er janvier 2015 l’entrée en vigueur du dispositif et de supprimer l’exception prévue par le texte, dispensant cette installation en cas de « coût excessif ». Dans sa décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013, prenant acte du fait que près de 90 % des logements situés dans des immeubles collectifs équipés de chauffage collectif, soit plus de 4 millions de logements, n’étaient alors pas équipés d’un tel dispositif de comptage, le Conseil constitutionnel a jugé le système de « bonus-malus » contraire au principe d’égalité, et de ce fait, cette avancée a été censurée avec le reste du dispositif lui-même.

Le présent article résulte d’un amendement de notre collègue Joël Giraud, adopté par la commission spéciale, un amendement de votre Rapporteur, M. Julien Aubert, allant dans le même sens. Il prévoit d’étendre l’obligation d’individualiser les installations de mesure du chauffage individuel dans les immeubles collectifs, pour permettre d’individualiser les frais correspondants : la dérogation à l’obligation de mettre en place un système de comptage individuel de chaleur et d’eau chaude dans les immeubles collectifs, prévue à l’article 241-9 du code de l’énergie ne peut résulter que d’un « coût excessif », indiquait le texte dans son état antérieur, désormais seulement dû à la « nécessité de modifier l’ensemble de l’installation de chauffage », précision apportée par le présent article. Le Sénat a tenté d’exonérer 800 000 logements sociaux du champ de cette obligation, sans que le dispositif adopté retienne cette restriction, mais une telle position traduit bien les réticences que ce dispositif suscite.

Il résulte, en outre, d’un amendement du Gouvernement que le syndic est tenu d’inscrire à l’ordre du jour d’une assemblée générale les travaux d’installation d’un tel mécanisme, obligation qui est entrée en vigueur à compter du 17 février, mais sans que cette obligation en elle-même soit assortie de sanctions. Toutefois, l’article 27 prévoit une sanction après mise en demeure non suivie d’effet.

Il convient d’ajouter que l’article 9 de la directive 2012/27/UE du 25 octobre 2012 rend obligatoire l’installation de tels compteurs (29).

Le décret en Conseil d’État visé à l’article L. 241-9 du code de l’énergie, qui, jusqu’à la loi, prévoyait la mise en œuvre de ce texte devait être modifié, ce qui a été l’objet du décret n° 2016-710 du 30 mai 2016. Ce décret fixe au 31 mars 2017 l’obligation nouvelle, avec cependant un renvoi à un arrêté, susceptible de différer cette obligation au 31 décembre 2017 ou au 31 décembre 2019, en fonction de seuils de consommation de l’immeuble. En outre, le décret (article R. 241-8 du code de l’énergie) fait exception, outre en cas de « coût excessif » légalement limité, des hôtels et des cas d’impossibilités techniques. Sa parution tardive au regard des dates des réunions de copropriété a sans doute posé un problème à certains syndics.

Votre mission peut donc, en premier lieu s’étonner du délai de parution de ce décret, la mise en œuvre concrète de l’obligation étant reportée à la parution d’un arrêté. Cette application retardée, et la rédaction du décret, sont notamment explicables par l’avis négatif du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique. « Prenant acte » du fait que le décret « met en œuvre une mesure légale » (!), mais omettant l’obligation européenne, cet avis du 26 janvier 2016 allait jusqu’à suggérer une application encore plus progressive distinguant quatre types d’immeubles, différant ainsi l’application de la loi au maximum jusqu’en 2024, et suggérant des cas de dérogation supplémentaires. Il paraît utile de relever que cet avis considère que le décret n’a aucun « impact sur l’exigence de simplification des normes », mais on peut se demander si cette exigence a bien été prise en compte… par l’avis lui-même. Cette question vaut surtout pour la volonté législative, pourtant réitérée. Est évoquée « l’impréparation du marché », argument qui contraste avec le fait que cet article ne crée aucun dispositif nouveau et que les entreprises de fourniture de compteurs sont actuellement à même de répondre aux attentes du marché.

Votre mission souhaite que cette mesure, de bon sens, introduite dans notre droit depuis plus de cinq ans, et seule de nature à permettre une maîtrise de consommation des frais de chauffage par les ménages dans les habitations collectives, ne soit pas différée davantage. L’individualisation des compteurs de chauffage est indispensable à la maîtrise de la consommation d’énergie. Elle permettra en outre une tarification individuelle, et de ne pas pénaliser les comportements vertueux.

Si la mission entend les craintes, exprimées au cours de la table ronde du 29 juin 2016, liées au fait que les prestataires qui commercialisent ces équipements ont parfois antérieurement déçu – par exemple pour le comptage d’eau – ou que par leur position dans l’immeuble, certains logements nécessitent plus de chauffage que d’autres, ces arguments ne justifient cependant pas le maintien de la situation actuelle.

Le retard français, qui s’explique par des réticences peu étayées, mais assurément fortes, est patent par rapport à des pays comparables, où le taux d’équipement dépasse les 90 % : Danemark, Belgique, voire avoisine les 100 % : Autriche, Allemagne. Aucune des raisons opposées à un déploiement trop longtemps retardé ne paraît donc pertinente, tandis que le coût lié à la mutualisation, et la déresponsabilisation des ménages, sont manifestes. Votre Rapporteure insiste donc pour une effectivité rapide du dispositif.

Si l’application de ce texte demeurait insatisfaisante, il conviendrait alors que l’intérêt général conduise à renforcer le caractère impératif de la loi.

Article 27
Régime de sanctions administratives en cas de non-respect des règles de comptage de la consommation de chaleur, d’électricité et de gaz

Le contrôle du respect des obligations de l’article précédent ou des obligations de mise en place de mécanismes de comptage interopérables de gaz naturel ou de réseaux de distribution de chaleur, le constat des infractions, les mises en demeure éventuelles, la notification des griefs et les sanctions pécuniaires en cas de manquements ne nécessitent pas de décret d’application.

Le projet initial (art. 7) prévoyait des ordonnances sur ce point, mais le dispositif a été porté au niveau législatif. Passé une mise en demeure restée sans suite pendant un délai d’un mois, ou si le propriétaire ou le syndicat des copropriétaires ne répond pas à une demande de document par l’administration, une peine d’amende, respectant une instruction contradictoire, d’un montant de 1 500 € par logement et par an, est prévue par cet article.

Des dispositions similaires sont prévues pour les réseaux de chaleur et de froid aux points de livraison, ou encore (II) en matière de diagnostic de performance énergétique. Il convient d’observer que les maires peuvent, dans ce dernier cas comme dans celui de l’individualisation des compteurs de chauffage en habitat collectif, habiliter eux-mêmes des agents publics à effectuer les contrôles.

Votre Mission a souhaité attirer l’attention de l’Association des maires de France sur cette possibilité, de manière à permettre une entrée en vigueur de ces mesures conforme à la loi.

Article 28
Compteurs « déportés » Linky et Gazpar

Longuement débattu par la commission spéciale, puis à l’Assemblée le 20 mai 2015, ce dispositif est issu de l’article 7 bis nouveau, dû à une initiative du Gouvernement pour généraliser le déploiement de compteurs « intelligents » Linky et Gazpar et la mise à disposition des ménages en situation de précarité énergétique de données en temps réel, dont l’offre doit être progressivement étendue par ENEDIS (30) et GRDF. Ces compteurs utilisent des moyens informatiques évolués afin d’optimiser la production et l’acheminement de l’électricité, notamment grâce à la télétransmission d’informations relatives à la consommation des personnes. Le IV de l’article, fruit d’un compromis va dans le sens d’une généralisation prévoyant : « La mise à disposition des données de consommation exprimées en euros, au moyen d’un dispositif déporté d’affichage en temps réel, est progressivement proposée à l’ensemble des consommateurs domestiques, après une évaluation technico-économique menée par la Commission de régulation de l’énergie ».

En conséquence, cet article, qui s’inscrit dans la continuation d’un processus depuis longtemps engagé, n’innove que partiellement (31) : la décision de déploiement des compteurs est bien antérieure, notamment formalisée par une communication de la CRE du 10 septembre 2007 et une délibération du 11 février 2010, et par divers textes législatifs et règlementaires. Il vise à sortir de la phase expérimentale et à permettre un déploiement généralisé des compteurs. Il prévoit :

– que les usagers disposant d’une tarification spéciale se voient offrir un comptage en temps réel ;

– et la généralisation du déploiement de compteurs déportés « Linky » avec accès des données au fournisseur sous réserve, sur ce point, de l’accord du consommateur, les données pouvant être communiquées au propriétaire ou gestionnaire de l’immeuble sous forme anonymisée et agrégée à l’échelle de l’immeuble. Cette communication est subordonnée à une demande du gestionnaire ou du propriétaire qui doit justifier la mise en œuvre d’actions de maîtrise de consommation d’énergie.

Cette télétransmission aura notamment pour conséquence de supprimer la relève physique des compteurs. Elle doit aussi permettre la coupure du compteur à distance, ou son changement de puissance.

Ce dispositif est, au plan juridique, sans équivoque. Au cours des débats à l’Assemblée :

– a été adopté un amendement de Mme Laurence Abeille sur le nécessaire accord sur la transmission des données par le consommateur ;

– a été rejeté un amendement du même auteur sur la nécessité d’un accord de l’habitant sur l’installation même du compteur pour motif lié à la santé publique, avec avis défavorable du Gouvernement.

L’intention du législateur est donc claire.

L’article 28, qui a donné lieu à cette table ronde le 11 mai 2016, est pourtant celui qui aura le plus attiré l’attention des consommateurs, et des acteurs aussi divers que les opérateurs de réseaux, les pouvoirs publics, l’Agence nationale des fréquences, l’Association des maires de France, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) ou même... la Ligue des droits de l’homme. Ce débat a été relayé par certaines communes, réfractaires à l’installation des compteurs.

Conseil municipal de Badefols sur Dordogne : délibération du 5 janvier 2016

Monsieur le Maire tient à alerter à propos de la pose des compteurs « Linky » souhaitée par ERDF et fait part (32) d’un certain nombre d’arguments quant aux risques sanitaires potentiels qui y sont liés. La principale raison est le souci de protection de la santé des habitants, à commercer (33) par celle des enfants.

En effet, s’ils sont installés, les compteurs communicants émettront des micro-ondes qui sont présentées comme anodines, ce qui est fortement contesté par diverses associations comme Robins des Toits, PRIARTEM, le CRIIREM. Pour exploiter les fonctions des compteurs communicants, ERDF injecte des radiofréquences dans le circuit électrique des habitations par la technologie CPL (Courant porteur en ligne). Les radiofréquences se retrouvent donc dans l’air environnant, mesurables jusqu’à 2,50 m de tous les câbles encastrés dans les murs, qu’ils soient apparents ou non et dans les appareils eux-mêmes. Or, les câbles des habitations n’ont pas été prévus pour cela : ils ne sont pas blindés. De fait, le CPL génère des rayonnements nocifs pour la santé des habitants et particulièrement celle des enfants car ils sont plus vulnérables face aux risques causés par ces technologies. Ces radiofréquences sont d’ailleurs officiellement reconnues « potentiellement cancérigènes » par le Centre International de recherche sur le cancer qui dépend de l’OMS. Même si la question de la santé publique est cruciale, d’autres risques existent :

– augmentation des factures, comme c’est le cas au Québec et en Espagne depuis l’installation des compteurs,

– pannes à répétition sur les matériels informatiques,

– piratage aisé des compteurs communicants, bien que prétendus « intelligents » et même si les installateurs assurent que tout est « parfaitement sécurisé », pouvant entraîner des problèmes d’espionnage et de cyber-terrorisme.

– installation massive de compteurs communicants indispensable pour le développement des énergies renouvelables, alors que l’Allemagne a abandonné,

– programmation de mise en place d’autres compteurs communicants (notamment pour le gaz et l’eau) qui aboutirait à avoir jusqu’à 4 compteurs pour chaque logement, démultipliant les risques,

– exclusion, par les compagnies d’assurances, de la prise en charge Responsabilité Civile des dommages liés aux ondes électromagnétiques,

– respect de la vie privée et des libertés individuelles bafoué puisque ces compteurs communicants, s’ils sont installés, permettront aux opérateurs de recueillir d’innombrables données sur notre vie privée, utilisables à des fins commerciales mais aussi de surveillance et de remise en cause des libertés publiques.

Il est à noter enfin que les compteurs actuels fonctionnent tout à fait correctement et que le non-remplacement par des compteurs « communicants » ne pose donc aucun problème. Il est par ailleurs possible depuis longtemps de signaler à votre fournisseur, par téléphone ou par le web, la consommation réelle affichée par votre compteur, de façon à éviter toute surfacturation due à une estimation imprécise. L’article L. 322-4 du code municipal que la commune, en tant que propriétaire et représentant les prérogatives publiques, refuse l’installation de ces compteurs.

Après en avoir délibéré, le Conseil Municipal à l’unanimité refuse l’installation des compteurs « Linky ».

Source : Extrait du registre des délibérations - Commune Badefols sur Dordogne du 5 janvier 2016.

L’opération doit aboutir au changement de 35 millions de compteurs d’ici 2021. Un déploiement parallèle est prévu pour le gaz (« Gazpar ») qui concerne 11 millions de compteurs dès 2017. ERDF agit en partenariat avec l’Association des maires de France. La carte prévisionnelle du déploiement des compteurs est disponible sur le site d’ENEDIS.

Les fonctionnalités des compteurs déportés doivent répondre aux objectifs :

• d’amélioration de l’information du consommateur ;

• d’amélioration des conditions de fonctionnement du marché ;

• de maîtrise des coûts des gestionnaires de réseaux ;

• de maîtrise de la demande d’énergie et de réduction des émissions carbonées.

La phase expérimentale, menée notamment à Lyon, a conduit ERDF à intégrer des fonctionnalités supplémentaires :

• l’ajout d’un emplacement sur le compteur pour accueillir un émetteur radio qui permettra de transmettre à un équipement dans le logement (afficheur déporté ou gestionnaire d’énergie par exemple) les données collectées par le compteur,

• l’ajout de sept contacts virtuels, en plus du contact principal, pour permettre l’asservissement et le pilotage de huit équipements du logement aux signaux tarifaires du compteur,

• l’affichage du numéro du point de livraison sur le compteur pour faciliter et sécuriser l’emménagement pour le fournisseur et pour le client,

• l’affichage, sur le compteur, de la puissance installée et de la puissance maximale en injection,

• l’affichage sur le compteur de messages du fournisseur (32 caractères maximum).

La table ronde menée par votre Mission a permis de sérier quatre types de questions :

– La nécessité de l’opération, ramenée à son coût ;

– Les atteintes au respect de la vie privée ;

– Les dangers pour la santé ;

– Les questions juridiques liées à l’opposition des communes.

1°) La nécessité de l’opération

Le coût était chiffré à environ 4,5 milliards d’euros (réponse à une question écrite de Mme Lignières-Cassou, 23 avril 2013, n° 18668) et il est actuellement plutôt annoncé à 5 milliards d’euros, sans doute un peu moins selon ENEDIS. Il convient d’observer que ce coût ne s’impute pas sur l’abonné mais qu’il est pris en charge par l’opérateur lui-même, donc supporté par la collectivité dans son ensemble. S’il peut apparaître important, ce coût est néanmoins le prix à payer pour la modernisation de la transmission des données de consommation. La CRE, le 16 juin 2016 a émis l’avis suivant au sujet des compteurs Gazpar : « la CRE considère que le consommateur doit avoir accès sans frais à l’ensemble de ses données de consommation. Elle considère également qu’un ou plusieurs tiers autorisés par le consommateur doivent pouvoir accéder sans frais aux données auxquelles le consommateur a lui-même accès. Ces tiers peuvent être le fournisseur titulaire du contrat de fourniture, un fournisseur concurrent, ou d’autres acteurs choisis par le consommateur (entreprise de services énergétiques par exemple).

La totalité des contributeurs à la première consultation publique s’est déclarée favorable à la mise en place de ces prestations, ainsi qu’à leur gratuité à l’exception de la prestation de passage à des données au pas horaire pour les consommateurs équipés de compteurs évolués Gazpar. »

Il convient d’observer que l’obtention des données est considérée comme indispensable pour les exploitants, et que la mise en place puis l’évolution du système vers des données de consommation au sein de l’habitat est seule de nature à permettre, comme pour le cas de l’individualisation des compteurs de chauffage (article 26) une réelle maîtrise de la consommation d’énergie par les ménages. On peut, à titre de comparaison rappeler la situation en Allemagne.

Le déploiement des compteurs intelligents en Allemagne

Selon le ministère de l’économie et de l’énergie allemand, un système de production d’énergie basé sur les énergies renouvelables a besoin de compteurs connectés communicants (réseaux intelligents) pour assurer le transport et la distribution du courant ainsi que l’équilibre nécessaire entre production et consommation. La communication est une exigence fondamentale pour ces réseaux. Ainsi, des liaisons de communication sûres, conformes à la protection des données, entre les différents acteurs (grandes installations de production, les auto-producteurs, etc.) doivent être installées. Par ce biais, les opérateurs des réseaux, les fournisseurs, les responsables marketing, les prestataires de services et les responsables des zones d’équilibrage disposent d’informations qui sont plus précises que les estimations basées sur les valeurs de l’année précédente. D’autres secteurs (par exemple : gaz, eau, chauffage) profiteraient également de la mise en place d’une telle infrastructure de communication qui rendrait possible une réduction de coût et un gain d’efficacité et de confort. Le système de mesure intelligent appliqué porte le nom Smart Meter Gateway. Par l’installation des systèmes de mesure intelligents, le ministère cherche également à rendre transparente la consommation afin d’influencer le comportement de consommation des utilisateurs dans le but d’économiser de l’énergie. De plus, le plan vise à intégrer les auto-producteurs de façon durable au système d’énergie par l’installation des systèmes de mesure pour rendre la commercialisation de l’énergie plus efficace.

Par conséquent, le ministère a pour but d’introduire plusieurs règlements jusqu’à l’été 2016 face à la mise en place des compteurs :

1) Un règlement de système de mesure indiquant les bases et les directives techniques qui assurent la protection des données.

2) Un règlement de communication de données qui définit « qui a accès à quelles données pour quelle raison. »

3) Un règlement sur le déploiement des compteurs.

Dans le plan présenté par le ministère, 2 aspects majeurs sont mentionnés afin de garantir l’efficacité de cette nouvelle technique :

i) Une communication efficace et sûre dans un réseau intelligent

Par les infrastructures d’énergie, on cherche à assurer une communication sûre et efficace. Pour cela, le ministère fédéral de la sécurité de la technique d’information développe plusieurs formes de protection pour le Smart Meter Gateway depuis 2011. Par une communication fréquente des valeurs réelles, on vise à optimiser les estimations de consommation et de production afin de mettre en place des nouvelles structures tarifaires.

ii) Modernisation durable de l’infrastructure de compteurs, mais « pas de déploiement général »

Le ministère vise un déploiement « raisonnable pour l’individu et utile pour l’économie globalement ». Ainsi, un déploiement général n’aura pas lieu pour ne pas facturer aux producteurs et aux consommateurs des frais inappropriés. Les consommateurs petits et moyens sont exemptés de l’obligation d’installation de systèmes de mesure. L’installation et le maintien des compteurs connectés coûteront jusqu’à 20 euros pour l’année. Ils ne consomment que peu d’énergie. Par l’ajout du BSI-Smart Meter Gateway, les compteurs peuvent être transformés en système de mesure intelligent. Le but est une modernisation durable et étendue de l’infrastructure de compteurs. L’installation et le maintien des systèmes de mesure intelligents coûteront moins de 100 euros par an.

Par les règlements, le ministère cherche à introduire une limite maximale de coûts et de prix pour toute l’Allemagne. Le plan de déploiement contient une fenêtre temporelle de plusieurs années. La mise en place est seulement prévue pour des groupes de consommateurs qui pourraient durablement profiter des systèmes de mesure.

Sur l’installation des compteurs connectés auprès des consommateurs :

- Jusqu’en 2032, tout point de comptage sera équipé d’un compteur connecté.

- La façon dont l’option de visualisation est utilisée dépend du consommateur.

Sur l’installation des systèmes de mesure auprès des consommateurs :

- La limite minimale de consommation qui oblige l’installation des systèmes de mesure est fixée à 6 000 kWh par an. Le montant est calculé sur la base des valeurs moyennes de consommation des dernières trois années. Il est possible que cette valeur (6 000 kWh) soit modifiée à l’avenir en cas de développement de prix positif.

- L’obligation d’installation pour les constructions neuves et en cas de rénovation, comme il est prévu par la loi relative aux énergies économiques, sera suspendue.

- Le plan du ministère prévoit une installation en étapes. Pour les consommateurs d’énergie dépassant 20 000 kWh par année, elle est fixée à 2017. En 2019, le groupe des consommateurs entre 10 000 et 20 000 kWh suit et finalement l’installation pour les consommateurs de 6 000 à 10 000 kWh aura lieu à partir de 2021.

- Les exploitants des stations de mesure sont censés effectuer le déploiement sous leur propre responsabilité dans le cadre temporaire mentionné.

Sur l’installation des systèmes de mesure auprès des systèmes de production :

- Pour les installations SER et de cogénération, l’installation est obligatoire à partir d’une capacité installée de 7 kW. Il n’y a pas d’exception pour les constructions neuves ou vieilles. Les exploitants des stations de mesure et les opérateurs des réseaux peuvent être exemptés de l’obligation dans le cas où l’installation suppose un effort disproportionné.

- L’intégralité des installations SER et de cogénération n’est pas obligée de s’équiper de technique de commande (par exemple : boîtier de commutation). Pour les installations avec une capacité installée qui est fixée entre 7 kW et sous le montant qui oblige l’installation de technique de commande, l’équipement avec un système de mesure est suffisant.

- L’installation des systèmes de mesure aura également lieu en étapes. À partir de 2017, les systèmes de mesure seront installés auprès des installations d’une capacité installée entre 7 et 100 kW. Le travail technique du Smart Meter Gateway et son application sont le plus avancés pour ce groupe de producteurs. À partir de 2019, le ministère vise la mise en place des systèmes de mesure pour les installations avec une capacité installée supérieure à 100 kW.

- Les installations avec une capacité installée entre 800 W et 7 kW ne devront pas être équipées d’un système de mesure puisque le rapport coût-efficacité ne serait pas rentable. Pour ces installations, la mise en place de compteurs connectés est suffisante.

Source : Service des Affaires européennes de l’Assemblée nationale.

2°) Les atteintes au respect de la vie privée

La courbe de charge permet de connaître avec précision les habitudes de consommation au cours de la journée, et de déduire certains éléments : heures de lever, de coucher, période d’absence, nombre de personnes présentes, conditions d’occupation d’une salle de bains, etc. La CNIL a été saisie à plusieurs reprises. Par sa recommandation du 15 novembre 2012, elle a souhaité que la courbe de charge ne puisse être recueillie qu’avec le consentement des personnes concernées, sauf lorsqu’il s’agit de gestion du réseau, travaux, etc., et que soit limitée la liste des personnes y ayant accès. En outre, elle recommande : « que les paramètres de réglage des compteurs soient, par défaut, les plus protecteurs possibles pour les usagers et que toute modification du pas de mesure ainsi paramétré soit justifiée par la finalité poursuivie.

À cette fin, elle propose que des mesures techniques mises en œuvre dans les compteurs rendent strictement impossible la collecte, par l’intermédiaire de l’infrastructure des gestionnaires de réseau, de la courbe de charge à un pas inférieur à 10 minutes ». En novembre 2015, la CNIL a réaffirmé sa position au sein du comité de pilotage.

Elle a alors annoncé que le déploiement des compteurs Linky serait conforme à ses souhaits dans la mesure où :

• Les compteurs seront paramétrés pour enregistrer « en local » – au domicile de l’abonné – la courbe de charge, au pas horaire, et « pour une durée maximale d’un an » ;

• Le consentement de l’abonné devra être recueilli « pour la remontée de la courbe de charge dans le système d’information d’ERDF ainsi que pour la transmission de la courbe de charge aux tiers » (fournisseurs d’énergie, sociétés commerciales proposant des travaux d’isolation ou de pose de fenêtres, ...) ;

• L’abonné sera « en position de s’opposer au déclenchement de ce stockage en local, par le biais d’une case à cocher, sans avoir à motiver sa décision » ;

• L’usager pourra, « à tout moment, désactiver ce stockage et purger ses données (notamment en cas de déménagement) ».

ENEDIS se pose ainsi en « tiers de confiance », et insiste sur le fait que le client restera « le seul propriétaire des données de comptage ». Elle a en outre établi en partenariat avec la FIEEC un « pack de conformité » à destination des entreprises fabricant les compteurs (34) – il semble qu’il y en ait six – et des fournisseurs, distinguant les données réutilisées dans l’habitat et les données utilisées par ces derniers, pour lesquelles : « le prestataire doit mettre en place des mesures permettant de garantir la sécurité et la confidentialité des données traitées par les appareils qu’il fournit à la personne, et doit prendre toutes précautions utiles pour en empêcher la prise de contrôle par une personne non autorisée, notamment en : chiffrant tous les échanges de données avec des algorithmes à l’état de l’art, protégeant les clés de chiffrement de toute divulgation accidentelle authentifiant les appareils destinataires des données, subordonnant l’accès aux fonctionnalités de contrôle de l’installation à une authentification fiable de l’utilisateur ».

Votre Mission conclut donc que les craintes manifestées quant à des atteintes à la vie privée, qui soulevaient des questions légitimes, sont levées : le consentement des consommateurs est clairement requis, conformément à la volonté du législateur, et les données transmises, au demeurant, ne paraissent pas en elles-mêmes de nature à susciter une telle attention.

3°) Les dangers pour la santé.

Le rapport du mois de mai 2016 publié par l’Agence nationale des fréquences (ANFr), et déjà évoqué par celle-ci lors de la table ronde, est explicite :

« L’exposition spécifique liée à l’usage du CPL apparaît très faible et les transmissions sont brèves : moins d’une minute chaque nuit pour la collecte des informations de consommation et des impulsions périodiques de surveillance du réseau, d’une durée de l’ordre d’un dixième de seconde ». Les niveaux de champs électriques sont à un niveau comparable à un compteur classique hors communications CPL, et s’ils augmentent légèrement lorsque Linky transmet ses informations, ils n’atteignent alors que 1,1 volt par mètre (v/m) à 20 cm, quand la valeur limite réglementaire est de 87 v/m. Quant aux niveaux de champs magnétiques mesurés en émission CPL, ils sont 700 fois plus faibles que la valeur limite, a constaté l’ANFr, qui ajoute que « ces faibles niveaux d’exposition diminuent très vite dès qu’on s’éloigne du compteur et deviennent difficilement mesurables. ».

Le 22 septembre 2016, l’ANFr publiait les résultats de contrôles effectués sur des compteurs posés, correspondant à un usage réel et quotidien. Selon les mesures relevées par l’ANFR, « le compteur Linky émet entre 0,25 et 0,8 volt par mètre (v/m) à 20 centimètres du compteur, le niveau décroissant rapidement à mesure que l’on s’en éloigne. De tels niveaux se situent entre 150 et 350 fois en dessous de la limite réglementaire de 87 v/m, spécifique à la bande de fréquence utilisée par le compteur ».

4°) Des débats juridiques multiples

En premier lieu, il convient d’observer que le déploiement est conforme aux dispositions européennes.

Faisant suite à la directive 2006/32/CE du 5 avril 2006, dont l’article 13 prévoit le déploiement de compteurs individuels « mesurant avec précision leur consommation effective et qui fournissent des indications sur le moment où l’énergie a été utilisée », l’annexe I de la directive n° 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE prévoit : « Les États membres veillent à la mise en place de systèmes intelligents de mesure qui favorisent la participation active des consommateurs au marché de la fourniture d’électricité. La mise en place de tels systèmes peut être subordonnée à une évaluation économique à long terme de l’ensemble des coûts et des bénéfices pour le marché et pour le consommateur, pris individuellement, ou à une étude déterminant quel modèle de compteurs intelligents est le plus rationnel économiquement et le moins coûteux et quel calendrier peut être envisagé pour leur distribution. Cette évaluation a lieu au plus tard le 3 septembre 2012.

Sous réserve de cette évaluation, les États membres, ou toute autorité compétente qu’ils désignent, fixent un calendrier, avec des objectifs sur une période de dix ans maximum, pour la mise en place de systèmes intelligents de mesure. Si la mise en place de compteurs intelligents donne lieu à une évaluation favorable, au moins 80 % des clients seront équipés de systèmes intelligents de mesure d’ici à 2020.

Les États membres, ou toute autorité compétente qu’ils désignent, veillent à l’interopérabilité des systèmes de mesure à mettre en place sur leur territoire et tiennent dûment compte du respect des normes appropriées et des meilleures pratiques, ainsi que de l’importance du développement du marché intérieur de l’électricité. ».

Il convient donc de rappeler que c’est sur la base de dispositions européennes que l’article 4 de la loi du 10 février 2000 (n° 2000-108) introduit le principe de la mise « en œuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l’année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée », dispositif complété par l’article 18 de la loi du 3 août 2009 (Grenelle I) et par un décret du 31 août 2010 (n° 2010-1022) dont il ressort, à titre expérimental, que chaque utilisateur a la libre disposition des données le concernant, au moins une fois par jour, et que tout nouveau compteur de puissance non supérieure à 36 KvA doit répondre à des exigences d’interopérabilité. Ce décret, jugé conforme à la loi et à la directive (CE 20 mars 2013, n° 346971) a été codifié par le décret du 30 décembre 2015. Il s’accompagne d’un arrêté du 4 janvier 2012 portant sur les fonctionnalités des dispositifs de comptage, jugé conforme à cette directive (CE 20 mars 2013, n° 354321) : le Conseil d’État précise que cet arrêté ne porte pas sur le droit de propriété des compteurs et que la convention d’Aarhus sur la participation du public au processus décisionnel n’est pas d’effet direct.

Ces objectifs ont été repris dans la recommandation du 9 mars 2012 (2012/148/UE) relative à l’introduction de systèmes intelligents de mesure, qui retient un principe de communication sécurisée des données.

La mise en œuvre de l’article 28 renvoie à quatre reprises au décret :

– article L. 337-3-1 du code de l’énergie : Consommateur domestique avec tarification spéciale : mise à disposition des données de comptage de consommation d’électricité accompagnée d’une offre de transmission de données de consommation ;

– article L. 341-4 du code de l’énergie : Mise à disposition des données de comptage de consommation sous forme anonymisée et agrégée à l’échelle de l’immeuble par les gestionnaires des réseaux publics de distribution d’électricité ;

– article L. 445-6 du code de l’énergie : Consommateur domestique avec tarification spéciale : mise à disposition des données de comptage de consommation et transmission de données de consommation de gaz ;

– article L. 453-7 du code de l’énergie : Mise à disposition des données de comptage de consommation sous forme anonymisée et agrégée à l’échelle de l’immeuble par les gestionnaires des réseaux publics de distribution de gaz naturel.

Deux arrêtés sont en outre prévus (pour la détermination des remboursements à l’opérateur des coûts liés aux ménages en situation de précarité).

Légifrance prévoyait une publication des quatre décrets « envisagés en décembre 2015 », mais le déploiement semble plus complexe qu’il n’y paraît compte tenu des réticences qui se sont manifestées. Le décret sur la mise à disposition des données de comptage, applicable au 1er octobre 2016, est intervenu le 12 avril 2016 (n° 2016-447). Ce texte rappelle les éléments suivants, valant au plan général comme pour les ménages bénéficiant d’une tarification spéciale (les articles D 341-16 et D. 435-12 du code de l’énergie paraissent redondants) : « les données sont mises à disposition du propriétaire ou du gestionnaire [de l’immeuble par les gestionnaires du réseau public] dans un délai maximum d’un mois suivant la réception de la demande.

« Elles sont transmises sous forme agrégée et anonymisée, à l’échelle de l’immeuble ou de l’ensemble d’immeubles et portent, au plus, sur les trois années précédant celle de la demande. Elles peuvent résulter en tout ou partie de données reconstituées.

Peuvent seuls être facturés les coûts résultant directement de l’agrégation des données de comptage et effectivement supportés de ce fait par le gestionnaire du réseau public de distribution. Ces coûts sont précisés dans les catalogues de prestation des gestionnaires des réseaux de distribution d’électricité ».

Article 29
Accès des opérateurs des gestionnaires de réseaux de distribution de gaz naturels et d’électricité aux compteurs

L’accès des opérateurs aux compteurs de gaz et d’électricité, prévu par l’article L. 111-6-7 du code de la construction et de l’habitation, créé par le présent article, est d’application immédiate. Le refus d’accès s’il ne paraît pas susceptible de sanctions générera un coût pour les opérateurs. La CRE dans une délibération du 3 mars 2016, évoque le problème en termes explicites : « En application de l’article L. 111-6-7 du code de la construction et de l’habitation et des obligations contractuelles des utilisateurs du réseau public de distribution, les propriétaires permettent aux GRD et aux opérateurs des sociétés agissant pour leur compte d’accéder aux ouvrages relatifs à la distribution d’électricité, dont font partie les compteurs.

Les GRD d’électricité pourraient cependant rencontrer en pratique des refus d’accès à ces compteurs de la part de certains consommateurs, ne permettant pas la pose de ces compteurs. Or le maintien d’une relève à pied pour ces consommateurs dégradera les gains attendus du projet, qui sont essentiellement des gains liés à la relève évitée. Le maintien d’une relève à pied pour quelques consommateurs isolés représente en effet un coût unitaire beaucoup plus élevé que celui de la relève à pied en masse pratiquée aujourd’hui ».

La CRE a donc indiqué dans sa consultation publique qu’elle considère justifié que les consommateurs qui n’ont pas laissé l’accès au compteur se voient facturer une prestation de relève à pied résiduelle, compensant les surcoûts occasionnés, mais que cette prestation ne peut être mise en place à ce stade, à défaut de connaître l’ampleur de ces surcoûts.

Tous les contributeurs se sont déclarés favorables au principe de cette prestation, à l’exception d’un seul, qui demande que les personnes se déclarant électro sensibles en soient exonérées.

La CRE demande aux GRD un suivi des surcoûts occasionnés par la relève des compteurs classiques résiduels dans les zones où les compteurs évolués ont été déployés. Ce suivi permettra dans un second temps la mise en place de cette prestation, facturée aux consommateurs qui ne seront pas équipés de compteurs évolués de leur fait, une fois leur zone de déploiement saturée, et après plusieurs relances de la part du GRD ».

Le dispositif s’appliquera donc en fonction de ce suivi, qui permettra de mesurer concrètement l’application de cet article.

Article 30
Certificats d’économies d’énergie

Cet article porte sur la précarité énergétique. Les personnes qui vendent de l’électricité, du gaz, du fioul domestique, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d’État, et sous une condition identique, celles qui commercialisent les carburants automobiles sont tenues, depuis la loi de programmation du 13 juillet 2005, d’effectuer, des actions en faveur des économies d’énergie, par période triennale. L’objectif de la période actuelle 2015-2017 est de 600 TWh sur trois ans, et représente ainsi 2,5 milliards d’euros. Les assujettis peuvent se libérer de cette obligation en acquérant des certificats d’économie d’énergie.

Le dispositif, issu de l’article 8 du projet initial, suivant les recommandations d’un rapport thématique de la Cour des comptes, ne modifie pas cette procédure, mais aménage cette obligation en prévoyant une acquisition de certificats spécifiquement à destination des ménages en situation de précarité énergétique, et plafonne le montant des sanctions pécuniaires, en prévoyant en outre des sanctions alternatives, dues en cas de manquement. Son IV, sur initiative de votre Rapporteure, crée une quatrième période de 2018 à 2020.

Les certificats d’économies d’énergie sont exclusivement matérialisés par leur inscription au registre national des certificats d’économies d’énergie, accessible au public (article L. 222-10 du code de l’énergie).

Le décret n° 2015-1823 du 30 décembre 2015 relatif à la codification de la partie réglementaire du code de l’énergie crée les articles R. 221-1 à R. 222-12 du code de l’énergie qui prévoient des modalités particulières d’identification des certificats d’économie d’énergie. Il résulte de l’article R. 221-30 que : « Le délégataire tient en permanence à la disposition du ministre chargé de l’énergie les informations relatives aux comptes ouverts, à leurs titulaires, au nombre de certificats d’économies d’énergie détenus et aux transactions effectuées, en distinguant les certificats d’économies d’énergie obtenus pour des opérations réalisées au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. ».

La PPE, dans son volet relatif à la maîtrise de l’énergie insiste sur la mise en œuvre de ce décret et assigne aux certificats « un objectif de 150 TWh cumac d’ici fin 2017 (35) soit environ 1 milliard d’euros consacré par les vendeurs d’énergie au soutien aux économies d’énergie chez les ménages aux revenus les plus faibles ».

L’arrêté du 8 février 2016, visé par cet article, fournit la définition des valeurs de référence pour la teneur énergétique des combustibles, applicables aux calculs d’économies d’énergie dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie, et rend ainsi le dispositif applicable en complétant l’ancien texte (arrêté du 29 décembre 2014).

Votre Rapporteure estime que le processus, pour être toujours complexe, est cependant opérationnel. Il répond à la volonté du législateur de cibler une partie du dispositif au profit des ménages en situation de précarité énergétique.

Article 31
Notion d’impropriété à la destination en matière de performance énergétique

La définition juridique des dommages résultant de l’impropriété à la destination des équipements ou produits en matière de performance énergétique est d’application directe (art. L 111-13-1 du code de la construction et de l’habitation).

Article 32
Ménages en situation de précarité énergétique

Cet article, dû à deux amendements identiques de votre Rapporteure, et de M. Joël Giraud, adoptés en commission (article 8 bis), reporte la date de la fin de la trêve énergétique hivernale du 15 au 31 mars, par cohérence avec celle de la trêve locative.

Il est d’application directe.

Article 33
Colonnes montantes : demande d’un rapport au Gouvernement

Cet article prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur le statut des colonnes montantes avant le 15 août 2016. Ce rapport, un temps annoncé, est toujours attendu. En dépit de l’insistance de vos Rapporteurs, il n’est toujours pas disponible, même sous une forme provisoire, alors que les consultations à son sujet ont plusieurs fois été mentionnées.

Pourtant, au cours de son audition par votre commission des affaires économiques (36), M. Philippe Monloubou, à l’époque président du directoire d’ERDF, avait eu avec la Présidente Frédérique Massat un échange laissant apparaître l’importance de ce document et l’existence d’un pré-rapport.

« M. Philippe Monloubou : J’attire, par ailleurs, votre attention sur l’article 33, qui prévoit l’élaboration par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur le statut des colonnes montantes dans les immeubles d’habitation. Sans préjuger des conclusions du pré-rapport dont je n’ai pu prendre connaissance, je veux rappeler que c’est un sujet à enjeu financier se chiffrant à plusieurs milliards d’euros, qu’il n’y a pas d’enjeu lié à la sécurité des personnes et des biens, et que la question de l’estimation exacte des besoins de renouvellement est centrale. En effet, pour la partie du parc déjà en concession, les colonnes montantes sont renouvelées et correctement maintenues en l’état. Mais si se posait la question de la reprise en concession des colonnes électriques particulières par ERDF, elle ne pourrait être réglée qu’à certaines conditions : soit après renouvellement ou remise en état par les propriétaires de leurs colonnes, dans le cadre d’une mise aux normes ; soit avec la garantie qu’ERDF bénéficiera des ressources suffisantes pour engager les travaux de renouvellement ou de remise en état.

Mme la Présidente Frédérique Massat : « Dois-je comprendre que vous nous demandez de l’argent pour mettre en application les dispositions prévues par la loi ? Nous entendons votre appel, mais nous verrons les conclusions du rapport dans sa version définitive. La mission d’information sur l’application de la loi fera le point sur la question. La commission des affaires économiques examinera son rapport. ».

Depuis cette date, les choses n’ont pas évolué, en dépit des nombreuses relances de vos Rapporteurs.

Avant même l’adoption définitive de la loi, la ministre en charge de l’énergie a confié à deux membres du Conseil général de l’environnement et du développement durable la rédaction de ce rapport. La lettre de mission de la ministre exclut la question centrale de la propriété des colonnes, en excluant les aspects juridiques « des instances judiciaires étant en cours ». Les deux rapporteurs ont procédé à de nombreuses investigations et auditions et ont remis, en février, un document préparatoire audit rapport en vue d’une remise définitive en juin ou juillet. Mais le Gouvernement n’a pas transmis de rapport, ni même ce document préparatoire. Ceci est lié à la complexité et aux incidences financières de la question.

En effet ENEDIS, chargée de la gestion du réseau de distribution d’électricité, persiste à refuser l’intégration à ses frais des colonnes qui appartiendraient toujours, selon cet opérateur, aux propriétaires et copropriétaires des immeubles concernés, lesquels sont dans l’incapacité de faire face à des coûts élevés (10 000 € à 20 000 € par colonne) alors même que se posent d’évidentes questions de sécurité dans les immeubles collectifs. Le médiateur de l’énergie a été saisi à 13 reprises en 2013, 59 en 2015, et ce chiffre sera sans doute dépassé cette année.

Les contentieux, qui se multiplient également, n’ont apporté aucune solution compte tenu des positions divergentes adoptées par les juridictions. Ainsi, le tribunal administratif d’Amiens a rendu, le 17 février 2015, une décision favorable à un Office public d’habitation et le tribunal de grande instance de Limoges a fait de même, le 27 août. Mais, par deux arrêts des 7 septembre et 5 octobre 2015, la Cour d’appel de Toulouse a tranché en faveur d’ENEDIS et il a en été de même d’un jugement du tribunal de grande instance de Nice du 14 décembre 2015. En 2016, la Cour d’appel de Versailles a donné raison à une copropriété par un arrêt du 29 mars 2016 mais, par un arrêt du 25 mai 2016, celle de Paris a tranché en faveur d’ENEDIS. Or, il semblerait que la décision de la Cour de cassation, attendue en 2016 sur le sujet, ne voie pas le jour.

À qui appartiennent les colonnes montantes ? Qui doit les entretenir ?

Cour d’appel de Versailles, 29 mars 2016

« Le décret du 8 novembre 1946 a instauré le principe de l’incorporation au réseau de tous les ouvrages à usage collectif de transmission d’électricité établis sur une propriété privée. Dans le même esprit, il a été précisé par le décret du 29 mars 1955 que même en cas d’existence de colonnes montantes à usage collectif appartenant aux propriétaires, le concessionnaire, soit la SA Y, est tenu à la demande des usagers d’appliquer le même régime que celui en vigueur pour les ouvrages incorporés au réseau. Ces textes ont ainsi établi une présomption d’appartenance des colonnes montantes au réseau

Toutefois, le règlement de copropriété du 5 novembre 1979 définit, en son article 2, les parties communes comme toutes celles qui ne sont pas affectées à l’usage exclusif d’un copropriétaire déterminé. Dans la liste non exhaustive, mentionnée sous ce texte, se trouvent de façon expresse les colonnes montantes d’électricité. Le syndicat des copropriétaires ne verse aucun document antérieur à cet acte. Il ne produit pas notamment l’acte d’acquisition aux enchères par la SCI XXXXX de l’immeuble, de sorte que la cour ne peut pas déterminer quelles étaient les modalités juridiques, financières et techniques de l’implantation de la colonne.

Il en découle que le règlement de copropriété a entendu faire échec à la présomption instaurée par les décrets de 1946 et 1955.

Il résulte de la lecture du procès-verbal de l’assemblée générale du 4 juin 2015 que les copropriétaires ont approuvé l’abandon des droits sur la colonne montante au profit de la SA Y, matérialisé le 15 juillet 2014 par l’envoi par le syndic d’une lettre en recommandé avec avis de réception à laquelle la société a répondu le 28 août 2014.

Contrairement à ce que soutient la SA Y, qui ne se fonde à ce sujet sur aucun moyen de droit, la faculté d’abandon, dans le silence du texte susvisé, n’impose pas l’établissement d’un contrat. Il s’agit ainsi d’une décision unilatérale. L’obligation d’entretien et de renouvellement qui incombe alors à ce concessionnaire trouve sa contrepartie dans l’abandon à son profit des droits antérieurement détenus par les copropriétaires. »

Cour d’appel de Paris, 25 mai 2016

« La société ERDF, concessionnaire du service public de la distribution d’électricité sur le territoire des communes du syndicat de communes de la banlieue de Paris, dont fait partie la commune de Villejuif, en vertu d’une convention du 5 juillet 1994, verse aux débats le cahier des charges afférent à ce contrat de concession, dont il résulte que la société ERDF a été chargée de l’exploitation et de l’entretien du réseau de distribution publique de l’énergie électrique ; il est cependant précisé à l’article 15 du cahier des charges que la partie des branchements, antérieurement dénommée « branchements intérieurs » et, notamment, les colonnes montantes déjà existantes, qui appartient au propriétaire de l’immeuble, continuera à être entretenue et renouvelée par ce dernier à moins qu’il ne fasse abandon de ses droits sur lesdites canalisations au concessionnaire, qui devra, dès lors, en assurer la maintenance et le renouvellement.

Il incombait dès lors au syndicat des copropriétaires de justifier d’un abandon de ses droits sur les branchements intérieurs objets du litige au profit du concessionnaire du service public de distribution d’énergie électrique, ce qu’il ne fait pas.

Le syndicat des copropriétaires n’établit donc pas que la propriété des colonnes montantes a été transférée à la société ERDF ».

Confrontés à des décisions de justice contradictoires, les copropriétaires et les concessionnaires sont donc dans des situations de forte incertitude, alors qu’au plan matériel, les questions posées sont d’une importance considérable.

Les éléments positifs de ce dossier semblent faibles. Toutefois, votre Rapporteure note que le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour l’électricité (SIPPEREC) et ENEDIS ont signé, le 14 avril 2016, un accord prorogeant pour les dix prochaines années la concession de distribution d’électricité sur le territoire des 82 communes du ressort de ce syndicat et il a été convenu, à cette occasion, que le SIPPEREC et ENEDIS prendraient conjointement en charge la rénovation, chaque année, de 500 colonnes montantes d’électricité sous maîtrise d’ouvrage du SIPPEREC.

Il y a probablement là l’amorce d’une solution dont l’extension ou la généralisation pourrait être examinée par le Parlement. La FNCCR, en particulier, doit élaborer un nouveau modèle de cahier des charges de concession avant 2017, en même temps que le rapport demandé au Gouvernement, et dont la remise s’impose donc sans plus tarder.

Il est regrettable que des hésitations, voire des blocages fassent obstacle à la parution d’un document qui en lui-même n’est nullement décisionnel mais constitue une indispensable base d’information.

TITRE III
DÉVELOPPER LES TRANSPORTS PROPRES POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L’AIR ET PROTÉGER LA SANTÉ

(Rapporteur : M. Jean-Paul Chanteguet).

La loi a pour ambition de lutter pour la qualité de l’air, notamment en limitant les pics de pollution et, pour ce faire, en favorisant les transports collectifs, les restrictions ou les interdictions de circulation, le renouvellement des parcs, elle incite, ou parfois oblige, à moderniser les transports et à développer des alternatives au transport automobile.

Dans ce domaine, le champ des moyens possibles et des acteurs est étendu. Si les articles 64 et 66 réaffirment le rôle essentiel et conjoint de l’État et des collectivités territoriales, d’autres dispositions font appel aux autorités organisatrices de transport, aux entreprises (articles 41 et 50) aux particuliers (covoiturage). Loin d’être disparates, les dispositions de ce titre concourent toutes au même objectif, cohérent : celui d’une mobilité propre.

En la matière le débat parlementaire joue un rôle essentiel.

Chapitre Ier
Priorité aux modes de transports les moins polluants

La consommation d’énergie dans les transports s’élève à 48,7 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), en 2013 : il s’agit en quasi-totalité d’une consommation de carburants issus du pétrole, même si les biocarburants atteignent désormais 5,5 % du mix énergétique.

La stratégie de développement de la mobilité propre (Article 40) rappelle que les transports représentent un des émetteurs les plus importants de polluants atmosphériques à l’échelle nationale : 59 % des émissions de NOx, 27 % des émissions de gaz à effet de serre et 17 % des émissions de particules leur sont imputables. Les parts modales de transports sont relativement stables : 83 % en véhicules particuliers, 10 % en transports ferroviaires, 5 % en autobus.

C’est donc essentiellement sur les alternatives à l’automobile comme mode de transport que la loi peut avoir un impact significatif : covoiturage, développement de la circulation à vélo, restrictions urbaines, carburants alternatifs sont autant de paramètres que la loi permet de promouvoir, même si le partage entre essence et diesel a fait par ailleurs l’objet d’aménagements législatifs de nature fiscale.

Pour apprécier sur ce point l’impact de la loi, il convient de se référer à l’article 265 du code des douanes et au tableau annexé qui fixe les tarifs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE).

S’agissant des essences, l’article 17 de la loi de finances rectificative pour 2015 a, en effet modulé la taxe applicable aux carburants classiques, en créant une catégorie nouvelle d’essence incluant de l’éthanol (indice d’identification : 11 ter) et en modulant les tarifs applicables au profit de celle–ci, conformément à l’annonce faite par le Premier ministre le 3 septembre 2015, dans le cadre du plan d’urgence agricole.

TARIFS DE LA TAXE INTÉRIEURE DE CONSOMMATION SUR LES PRODUITS ÉNERGÉTIQUES (TICPE) SUR LES ESSENCES

DÉSIGNATION DES PRODUITS

(numéros du tarif des douanes)

Indice

d’identification

Unité

de perception

TARIF (en euros)

2014

2015

2016

2017

supercarburant d’une teneur en plomb n’excédant pas 0,005 g/litre, autre que le supercarburant correspondant à l’indice d’identification 11 bis, contenant jusqu’à 5 % volume/volume d’éthanol, 22 % volume/volume d’éthers contenant 5 atomes de carbone, ou plus, par molécule et d’une teneur en oxygène maximale de 2,7 % en masse d’oxygène.

11

Hectolitre

60,69

62,41

64,12

65,07

supercarburant d’une teneur en plomb n’excédant pas 0,005 g/litre, contenant un additif spécifique améliorant les caractéristiques anti récession de soupape, à base de potassium, ou tout autre additif reconnu de qualité équivalente dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

11 bis

Hectolitre

63,96

65,68

67,39

68,34

supercarburant d’une teneur en plomb n’excédant pas 0,005 g/litre, autre que les supercarburants correspondant aux indices d’identification 11 et 11 bis, et contenant jusqu’à 10 % volume/volume d’éthanol, 22 % volume/volume d’éthers contenant 5 atomes de carbone, ou plus, par molécule et d’une teneur en oxygène maximale de 3,7 % en masse/masse d’oxygène.

11 ter

Hectolitre

60,69

62,41

62,12

63,07

Par ailleurs, modifié par les articles 33 de la loi de finances pour 2016 et 17 de la loi de finances rectificative de 2015, le tarif de la taxe appliqué au gazole a évolué de la manière suivante : 42,84 € en 2014, 46,82 € en 2015, 49,81 € en 2016 (application d’un centime de plus par la loi de finances rectificative, la LFI l’avait déjà porté à 48,81 €, soit deux centimes) et sera de 53,07 € en 2017. Ce tarif a ainsi sensiblement augmenté au fil du temps. Il a été de 38,90 € en 2002, 39,19 € du 1er janvier 2003 jusqu’en 2004, puis de 41,69 € jusqu’au 31 décembre 2005, puis de 42,84 € montant inchangé jusqu’en 2015.

Ce volet fiscal, distinct de la loi de transition énergétique, mais qui aurait pu y trouver sa place (37), contribue aux mêmes objectifs que ceux qui résultent des dispositions du présent Titre III. Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ouvert à consultation au mois de septembre, prévoit une baisse de la fiscalité de l’essence SP 95-E10 et une poursuite de la convergence, tandis que le gouvernement n’a pas prévu de modifier ce rythme de convergence, tel qu’il résulte des textes budgétaires de 2015. Le projet de loi de finances initial pour 2017 ne prévoit pas de modifier ce rythme, prévu depuis 2015, pour l’année 2017.

Y compris l’incidence de l’évolution de la taxation carbone, le tableau ci-dessous rappelle donc l’évolution de la taxation de l’énergie et la situation prévue pour 2017, à textes inchangés.

ÉVOLUTION DES TARIFS DES TAXES SUR L’ÉNERGIE DE 2012 À 2017

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

CSPE (taxe l’électricité, en euros par MWh)

10,5

13,5

16,5

19,5

22,5

22,5

TICGN (taxe le gaz, en euros par MWh)

0

0

1,41

2,93

4,45

5,88

TICPE sur le fioul domestique (en euros par hectolitre)

5,66

5,66

5,66

7,64

9,63

11,89

TICPE sur l’essence SP 95 « classique » (en euros par hectolitre)

60,69

60,69

60,69

62,41

64,12

65,07

TICPE sur l’essence SP 95 « E 10 » (en euros par hectolitre)

60,69

60,69

60,69

62,41

62,12

63,07

TICPE sur le gazole (en euros par hectolitre)

42,84

42,84

42,84

46,82

49,81

53,07

Ce volet fiscal est complété par diverses mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 2017, qui ne prévoit pas de modification du dispositif pour 2017. L’intention du gouvernement est toujours d’assurer la convergence sur cinq ans, hors effet de l’augmentation, jusqu’en 2020 de 8,5 centimes de la contribution carbone énergie, et, si l’évolution est ensuite poursuivie de manière linéaire, de 4,4 centimes par an de 2021 à 2030. L’article 15 du projet de loi de finances prévoit d’actualiser les modalités et les montants de l’attribution d’une partie de la TICPE au profit des régions.

Il convient de rappeler en outre que le syndicat des transports d’Île de France (STIF), avec l’article 11 du même projet, obtient la possibilité de majorer la TICPE à son profit, par un mécanisme d’affectation prévu par cet article, dans la limite globale de 100 millions d’euros. Cette ressource supplémentaire, si elle s’explique par la situation financière du STIF, devrait conduire celui-ci à une implication exemplaire dans la transition énergétique. Il est souhaitable que ce soit le cas.

Article 34
Compétences du syndicat de transports d’Île-de-France (STIF) pour organiser des services d’auto-partage et de location de vélos

Les missions du STIF, visées par cet article, notamment pour la labellisation ou l’organisation de transports en auto partage, location de bicyclettes, de plateformes dématérialisées de covoiturage, sont d’application immédiate.

Le STIF, seul responsable de l’application du présent article, a fait une réponse d’attente à la question qui lui a été posée, le 18 avril 2016, annonçant une « réflexion en cours ».

Article 35
Expérimentations d’espaces logistiques en matière de transport

L’expérimentation pour l’utilisation de transports non polluants, dispositif incitatif, est d’application directe.

Article 36
Priorité aux transports en commun moins polluants et aux reports modaux

La priorité donnée aux transports et véhicules les moins polluants est également elle aussi directement applicable.

Chapitre II
Efficacité énergétique et énergies renouvelables dans les transports

Article 37
Obligation d’acquisition de véhicules propres par l’État et les établissements publics ; habilitation à légiférer par ordonnance pour l’expérimentation de véhicules à délégation de conduite

Cet article impose l’acquisition de véhicules « à faibles émissions » – électriques ou produisant de faibles niveaux d’émission de gaz à effet de serre – aux institutions publiques pour l’État et les établissements publics, pour les parcs de plus de 20 véhicules, – véhicules légers, véhicules lourds ou autobus, dans la limite de 50 %, pour les collectivités territoriales, de 20 % pour les collectivités territoriales, seulement pour les véhicules légers.

Il convient, comme le fait la stratégie de développement de la mobilité propre de souligner l’effort réalisé par la RATP en la matière, à laquelle la proportion de 50 % est ainsi applicable dès 2020. Dans le cadre du plan « Bus 2025 », elle prévoit qu’à cette date elle disposera d’une part « vert » à 100 % : 80 % des 4 500 bus de la flotte seront électriques et 20 % fonctionneront au biogaz.

Plan « Bus 2025 » : les échéances

Cette transition énergétique se fait en 3 phases :

Aujourd’hui : renforcement de la place des bus hybrides dans le parc RATP. Tous les nouveaux appels d’offres concernent des bus hybrides, électriques et GNV (Gaz Naturel pour Véhicules).

2015-2017 : tests et expérimentations de toutes les technologies de bus électriques et systèmes de recharge existants ; préparation du programme d’adaptation des centres Bus.

2017-2025 : lancement d’appels d’offres pour un déploiement massif de bus électriques et biogaz

Source : RATP

La stratégie (scénario bas) retient au total un parc de 2000 bus électriques en 2020 et de 5 000 bus en 2030 et, à cette même date un parc de 249 000 véhicules et de 26 000 bus et autocars roulant au gaz naturel pour véhicules (GNV).

L’article 37 contribue largement à ces objectifs.

Le dispositif pour les véhicules légers est applicable depuis le 1er janvier 2016 (IV), et pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes et les autobus depuis le 1er janvier 2017 (V).

Le VI impose aux loueurs d’automobiles, dans la proportion minimale de 10 % d’un renouvellement, d’acquérir des véhicules propres.

Le VIII de cet article prévoit les conditions de délivrance des certificats de qualité de l’air.

L’identification des véhicules en fonction de leurs émissions de polluants atmosphériques est prévue par l’article L.318-1 du code de la route et permet, en fonction de la catégorie retenue et des règles prises par les maires de bénéficier de modalités de stationnement favorables, d’obtenir des conditions de circulation privilégiée et de circuler dans des zones à circulation restreinte (ZCR).

Le décret n° 2016- 858 du 29 juin 2016 prévoit pour les véhicules à quatre roues destinés au transport de personnes ou de marchandises ou les véhicules à moteur à deux ou trois roues et quadricycles à moteur, l’identification au moyen d’une vignette : « le certificat qualité de l’air atteste de la conformité des véhicules à différentes classes établies en tenant compte du niveau d’émission de polluants atmosphériques et de leur sobriété énergétique. Le classement des véhicules tient compte notamment de leur catégorie au sens de l’article R. 311-1, de leur motorisation, des normes techniques applicables à la date de réception des véhicules ou de leur date de première immatriculation ainsi que des éventuels dispositifs de traitement des émissions polluantes installés postérieurement à la première mise en circulation des véhicules ».

Il en résulte le classement suivant, lequel découle en outre de l’arrêté du 21 juin 2016, lui-même dépendant de la réglementation européenne applicable aux véhicules neufs, et il est permis de s’interroger sur ce cumul de textes.

g/km

Monoxyde de carbone (CO)

Hydrocarbures (HC)

Hydrocarbures
non méthaniques (NMHC)

Oxydes d’azote (NOx)

HC + NOx

Particules

Euro 1,
essence

2,72

0,97

Euro 1,
diesel

2,72

0,97

0,14

Euro 2,
essence

2,2

0,5

Euro 2,
diesel

1

0,7

0,08

Euro 3,
essence

2,2

0,2

0,15

 

Euro 3,
diesel

0,64

0,5

0,56

0,05

Euro 4,
essence

1

0,1

0,08

 

Euro 4,
diesel

0,5

0,25

0,3

0,025

Euro 5,
essence

1

0,1

0,068

0,06

 

0,005

Euro 5,
diesel

0,5

0,18

0,23

0,005

Euro 6,
essence

1

0,1

0,068

0,06

 

0,005

Euro 6,
diesel

0,5

0,08

0,17

0,005

Vignettes : certificats qualité de l’air

:\Users\DAnselmo\AppData\Local\Microsoft\Windows\Temporary Internet Files\Content.Outlook\4ZI79FF1\Tableau_classification (2).jpg

Le décret prévoit par ailleurs que l’organisme chargé de la délivrance des certificats peut percevoir à titre de rémunération une redevance versée par les demandeurs, destinée à couvrir les coûts de développement, de maintenance et d’exploitation du service, ainsi que les coûts d’élaboration, de fabrication, d’acheminement et de suivi des demandes de certificats. Un arrêté du ministre chargé de l’environnement fixe le montant de cette redevance.

En pratique, le coût est de 3,70 € par demande, majoré des frais d’envois (soit 4,18 € en France métropolitaine).

Article 38
Abonnements autoroutiers réduits pour les véhicules sobres et peu polluants

Ce dispositif, qui renvoie à un protocole signé le 9 octobre 2015, pose le principe de la différenciation des abonnements autoroutiers (sans remise en cause des concessions et notamment de leur volet tarifaire) : ce texte est applicable de lui-même et s’adresse aux sociétés concessionnaires, sous une forme incitative (article L. 122-4 du code de la voirie routière).

Votre Rapporteur constate qu’à sa connaissance, ce dispositif est pour le moment sans suite, et ne doit pas le rester. Il suggère que la loi soit précisée pour rendre plus effectif ce mécanisme, susceptible d’être incitatif à la limitation de circulation des véhicules les plus polluants.

Article 39
Réduction d’impôts pour les sociétés qui mettent une flotte de vélos à disposition de leur personnel

La réduction fiscale pour les flottes de vélos des entreprises, introduite par amendement dans ce texte, a été l’objet d’une tentative de suppression immédiate de la part du Gouvernement. Celle-ci, autant que ses conditions d’adoption, expliquent une application différée, et d’ailleurs perfectible.

En effet, le dispositif provient, en première lecture, de nombreux amendements (de nos collègues Denis Baupin, Alexis Bachelay, Jacques Krabal) adoptés le 10 octobre 2015 (article 9 bis A) après avis défavorable de Mme Ségolène Royal, laquelle n’a pas levé le gage « tabacs », ce qui devrait donc formellement conduire à augmenter les droits sur les tabacs en 2017, pour neutraliser le coût du dispositif, sauf à considérer que l’article 40 de la Constitution n’entraîne plus, en matière de recettes, d’exigence autre que formelle, donc inutile et en tout cas peu conforme aux décisions du Conseil constitutionnel, lequel a exigé par la décision du 2 juin 1976 (n° 76-64 DC) que la ressource qui vient gager une perte de recettes soit « réelle, qu’elle bénéficie aux mêmes collectivités ou organismes au profit desquels est perçue la ressource qui fait l’objet de la diminution et que la compensation soit immédiate ». Il serait donc souhaitable qu’un amendement du Gouvernement vienne lever le gage, dont le maintien traduit le caractère purement formel d’une procédure contraignante pour l’initiative parlementaire. À défaut, la pratique de l’article 40 de la Constitution en matière de ressources publiques mériterait d’être revue.

Le maintien du gage traduit l’opposition du Gouvernement. Celle-ci s’est poursuivie par la suite.

Depuis la promulgation de la loi, le Gouvernement a en effet réitéré son opposition : l’article 47 du projet de loi de finances pour 2016 avait prévu de supprimer ce dispositif, selon les motifs suivants : « La nécessité d’une aide fiscale supportée par l’ensemble de la collectivité pour les entreprises mettant à disposition de leurs salariés une flotte de vélos ne repose sur aucune étude préalable, justifiant une demande forte des entreprises et des salariés qui garantisse le succès de la mesure. Par ailleurs, sa mise en œuvre nécessiterait de régler la question des conditions d’usage extra-professionnel du vélo par le salarié, une fois retourné chez lui. Dans ces conditions, le développement des mesures fiscales en faveur des particuliers pour l’usage du vélo a été privilégié : ainsi, la loi relative à la transition énergétique a renforcé la prise en compte pour les particuliers des frais liés à l’utilisation du vélo pour les déplacements domicile-travail par l’instauration d’une indemnité kilométrique forfaitaire, à la suite d’une expérimentation préalable ».

Outre le caractère pour le moins peu respectueux des votes parlementaires, consistant à tenter de supprimer un dispositif avant même qu’il ne s’applique, les débats de suppression de cet article, auxquels plusieurs membres de la présente Mission ont pris une part active, montrent l’intérêt pratique de la mesure. La suppression a finalement été désavouée, en séance, par Christian Eckert, de façon « enthousiaste » !

Annoncé pour octobre 2015, le décret d’application n° 2016-179 du 22 février 2016 « relatif aux modalités d’application de la réduction d’impôt pour mise à disposition d’une flotte de vélos prévue à l’article 220 undecies A du code général des impôts » n’est finalement paru que le 24 février 2016. Il s’agit pourtant d’un décret simple, dont l’objet est bien délimité : les modalités d’application de l’avantage fiscal sont minimes, le décret comporte seulement les obligations déclaratives et précise le champ de la déduction. Le dispositif, adopté et confirmé est donc entré en vigueur depuis le 1er janvier 2016 (II du dispositif), compte tenu du décret du 22 février. Le retard de parution du décret sera, on l’espère, sans incidence concrète à terme, même si des entreprises ont sans doute eu une attitude attentiste jusqu’à cette parution.

Le décret incorpore les obligations déclaratives dans la déclaration annuelle de bénéfices (article 223 du code général des impôts). Au plan concret, il énumère, de façon large, les dépenses ouvrant droit à la déduction :

« a) Dotations aux amortissements fiscalement déductibles relatives à l’acquisition de vélos ;

« b) Dotations aux amortissements ou charges déductibles afférentes aux achats ou locations d’équipements nécessaires à la sécurité (notamment casques, protections, gilets réfléchissants, antivols) ;

« c) Frais d’assurance contre le vol et couvrant les déplacements en vélo des salariés entre leur domicile et leur lieu de travail ;

« d) Frais d’entretien des vélos ;

« e) Dotations aux amortissements fiscalement déductibles relatives à la construction ou à l’aménagement d’une aire de stationnement ou d’un local destiné aux vélos ;

« f) Frais afférents à la location d’une aire de stationnement ou d’un local destiné aux vélos.

Cette liste paraît complète. Le retard de parution du décret ne s’explique donc nullement par des causes techniques, mais bien par la tentative d’abroger le dispositif avant qu’il n’entre en vigueur. Il est souhaitable que la volonté du Parlement, lorsqu’elle est explicite et sans ambiguïté, ne subisse pas de telles tentatives de remise en cause.

Il serait également souhaitable qu’une rédaction trop précise ne vienne limiter l’application de cet article, dès lors que seuls les amortissements sont visés au a) : la plupart des petites entreprises pourraient en effet passer comptablement ces achats en charges, et ne doivent pas de ce fait être exclues du champ de la réduction. Sur ce plan, si l’administration fiscale se montrait excessivement vétilleuse, une modification du décret s’imposerait.

Article 40
Stratégie nationale pour le développement des véhicules propres et des infrastructures d’alimentation correspondantes

Cet article a pour origine un amendement (n° 703) de M. Philippe Plisson déposé lors des travaux en commission spéciale lors de la première lecture à l’Assemblée nationale (art. 9 bis). Il assigne à l’État le soin de définir une stratégie pour le développement de la mobilité propre. Cette stratégie s’articule en 5 axes :

1 – Un développement des véhicules à faibles émissions et le déploiement des infrastructures permettant leur alimentation en carburant.

2 – L’amélioration de l’efficacité énergétique du parc de véhicules.

3 – Les reports modaux de la voiture individuelle vers les transports en commun terrestres, le vélo et la marche à pied, ainsi que du transport routier vers le transport ferroviaire et fluvial.

4 – Le développement des modes de transports collaboratifs, notamment l’auto-partage ou le covoiturage.

5 – L’augmentation du taux de remplissage des véhicules de transport de marchandises.

La stratégie prévoit également :

– une évaluation de l’offre existante de mobilité propre, chiffrée et ventilée par type d’infrastructures ;

– une fixation, dans le même temps que la PPE, visée à l’article 176, (dont la « stratégie » constitue une annexe), des objectifs de développement des véhicules et de déploiement des infrastructures mentionnés au 1° du présent article, de l’intermodalité et des taux de remplissage des véhicules de transport de marchandises ;

– une définition des territoires et des réseaux routiers prioritaires pour le développement de la mobilité propre en particulier en termes d’infrastructures, en cohérence avec une stratégie ciblée de déploiement de certains types de véhicules à faibles émissions.

Il est prévu que le Gouvernement soumette, pour avis, cette stratégie au Conseil national de la transition écologique, puis la transmette au Parlement.

Au plan procédural, le dépôt du texte n’est pas assorti de délais. En conséquence, il convient sur ce point de renvoyer au droit commun du dépôt des rapports. Lors des débats à l’Assemblée Nationale et au Sénat, il n’est jamais question de savoir si, lors de la transmission, celle-ci fera l’objet de débats ou de discussions en commission ou en séance publique. De même, une possible « saisine » de la stratégie par l’Assemblée Nationale, lors de la semaine de contrôle n’est pas envisagée.

Cette imprécision est, très probablement, volontaire. Dans la décision n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 rendue à propos de la loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, le Conseil constitutionnel a déclaré d’office contraire à la Constitution le dernier alinéa de l’article 1er de la loi déférée qui prévoyait l’organisation d’un débat en séance publique à la suite du dépôt d’un rapport annuel sur les orientations de la politique d’immigration. Sauf à y être autorisé par la Constitution, il n’appartient pas en effet au législateur d’imposer par avance au Gouvernement, ni aux instances parlementaires compétentes, de contrainte relative à l’ordre du jour de chaque assemblée.

Plus récemment, par la décision n° 2010-608 DC du 24 juin 2010 à propos de la loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental (CESE), le Conseil constitutionnel a censuré l’article 10 de la loi organique qui prévoyait qu’à l’issue d’une période de quatre ans puis tous les dix ans, le Gouvernement remettrait au Parlement, après avis du CESE, un rapport relatif à l’actualisation de sa composition et que ce rapport serait débattu devant le Parlement.

Sous réserve de savoir quelles seront les suites données à cette transmission, l’article 40 de la loi est en vigueur, la stratégie doit cependant être fixée par voie réglementaire ; la publication était envisagée pour mai 2016 ; dans les premiers jours du mois de juin, le Gouvernement a mis en diffusion un document préparatoire à la stratégie, puis dans le courant du mois de juillet le document daté du 30 juin.

Ce document, comme la PPE elle-même, retient deux hypothèses d’évolution des besoins énergétiques, la première conforme aux recommandations de la Commission européenne, la seconde avec un taux de croissance plus optimiste, mais également d’autres données, démographiques, de prix des énergies fossiles – avec une baisse pour le charbon et une hausse pour le pétrole et le gaz, d’augmentation de la part des véhicules électriques et hybrides et d’évolution du parc automobile ou encore de la réduction de la réduction de la vitesse maximale sur autoroutes.

Si votre Rapporteur juge ce document – attendu – exhaustif, il se doit également d’en dénoncer certaines insuffisances. Ainsi il souligne (p. 39) en citant l’ « affaire Volkswagen » que les tests d’homologation des véhicules neufs se feront en condition réelle de conduite sur la voie publique sans signaler que les travaux du comité technique des véhicules à moteur (TCMV) ont admis des marges d’écart par rapport aux normes qui suscitent de profonds débats. Il souligne également la nécessité d’anticiper le rôle de l’hydrogène (p. 47) sans s’interroger sur la mise en place de structures de recharge en nombre suffisant pour assurer un maillage territorial pertinent, faisant seulement état en 2030 de 600 stations de recharge pour 800 000 kilomètres, mais avec quels moyens matériels cet objectif pourrait-il être atteint ? Sur ce point, les travaux de l’AFHYPAC méritent une attention accrue. Enfin, s’agissant du covoiturage (p. 83), il convient a minima, de s’interroger sur le degré d’implication des sociétés concessionnaires d’autoroute.

Sous de telles réserves, on peut considérer que la stratégie reprend les ambitions de la loi. Il convient toutefois de s’interroger sur sa portée impérative : en l’absence de précision sur ce point, en l’état, votre Mission la considère comme un document programmatique, donc éventuellement révisable. Il n’en fixe pas moins un cadre d’action, cohérent, une feuille de route pour l’ensemble des acteurs du secteur.

Article 41
Déploiement d’infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et hybrides et stationnement des vélos

Cet article est, lui aussi en partie, programmatique. La stratégie rappelle l’objectif prévu par cet article d’implantation d’au moins sept millions de points de charge sur la voie publique, les aires de stationnement ou chez les particuliers et indique qu’il doit permettre d’atteindre les chiffres de 2,5 millions de véhicules hybrides rechargeables en 2030 et de 1,9 million de véhicules électriques.

Le I de cet article prévoit l’objectif d’installation d’au moins sept millions de points de charge de tous types de véhicules électriques et hybrides. Son application concrète renvoie à la stratégie pour le développement de la mobilité propre visée à l’article 39 de la loi. Cet objectif est cohérent avec le point 1 de l’article 4 de la directive n° 2014/94 UE du 29 octobre 2014 : « Les États membres veillent, au moyen de leurs cadres d’action nationaux, à ce qu’un nombre approprié de points de recharge ouverts au public soient mis en place au plus tard le 31 décembre 2020, afin que les véhicules électriques puissent circuler au moins dans les agglomérations urbaines/suburbaines et d’autres zones densément peuplées et, le cas échéant, au sein de réseaux déterminés par les États membres. Le nombre de ces points de recharge est fixé compte tenu, entre autres, du nombre de véhicules électriques — indiqué dans leurs cadres d’action nationaux — qui, selon les estimations, seront immatriculés avant la fin 2020, ainsi que des meilleures pratiques et des recommandations formulées par la Commission ».

Le II porte sur le stationnement, sécurisé ou non, des vélos.

L’article 10 du projet de loi, dont est issu cet article, n’avait pas pour ambition de réaliser une modification de la législation, prévue par l’article 111-5-2 du code de la construction et de l’habitation, créé par l’article 57 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement dite « Grenelle II », mais seulement de réécrire le dispositif, lequel concerne dans sa version antérieure quatre types de lieux :

– les ensembles d’habitations équipés de places de stationnement individuelles couvertes ou d’accès sécurisé ;

– les bâtiments à usage tertiaire constituant principalement des lieux de travail et équipés de places de stationnement destinées aux salariés ;

– les bâtiments à usage industriel ;

– les bâtiments à usage commercial.

Dans les quatre cas, il est fait obligation d’un équipement en gaines pour permettre des recharges pour véhicules électriques ou hybrides, dans les deux premiers, en outre, la loi oblige à la création d’aires de stationnement de vélos.

Le projet de loi se contenait d’une modification rédactionnelle. Un amendement (n° 1279) de M. Denis Baupin, lors de l’examen du texte en commission, ajoute les bâtiments à usage industriel dans le champ d’une obligation de sécurisation des places de stationnement des vélos. En outre, un amendement (n° 2509) de M. Philippe Plisson lors de l’examen du texte en séance publique, portant sur les bâtiments accueillant un service public équipé de places de stationnement destinées aux agents ou aux usagers du service public ou constituant un ensemble commercial, au sens de l’article L. 752-3 du code de commerce, ou accueillant un établissement de spectacles cinématographiques équipé de places de stationnement destinées à la clientèle, instaure une simple obligation de créer une aire de stationnement.

Enfin, un autre amendement en commission de M. Philippe Plisson a modifié l’obligation d’aménagement pour les recharges de véhicules aux bâtiments faisant l’objet de travaux de leur parc de stationnement, c’est-à-dire :

– un ensemble d’habitations équipé de places de stationnement individuelles ;

– un bâtiment à usage industriel ou tertiaire équipé de places de stationnement destinées aux salariés ;

– un bâtiment accueillant un service public équipé de places de stationnement destinées aux agents ou aux usagers du service public ;

– un bâtiment constituant un ensemble commercial, au sens de l’article L. 752-3 du code de commerce, ou accueillant un établissement de spectacles cinématographiques équipé de places de stationnement destinées à la clientèle.

Enfin, il est mentionné, à la fin de l’article, que toutes les obligations de dotation de stationnement de vélos, que ce soit dans le cadre de constructions ou de travaux, sont applicables pour les permis de construire dont la demande a été déposée après le 1er janvier 2017.

L’article 41, qui, en distinguant désormais aires de stationnement et obligations d’équipement, aboutit ainsi à un résultat complexe mais précis, prévoit l’intervention de deux décrets en Conseil d’État afin de fixer les conditions et modalités d’applications de ses dispositions. Alors que leur publication était prévue en février 2016 selon l’échéancier de mise en application de la loi, les décrets n’ont pas été publiés dans ces délais.

Le décret n° 2016-968 du 13 juillet 2016 concerne les deux parties de cet article, complété par un arrêté du même jour : les bornes de recharge des véhicules et les stationnements de vélos. Complété, pour les éléments techniques par un arrêté de la même date, il prévoit pour les bâtiments neufs à usage principal d’habitation groupant au moins deux logements (article R. 111-14-2 du code de la construction) un équipement d’au moins 50 % des places de stationnement lorsque la capacité est inférieure ou égale à 40 places, et 75 % au-delà.

Avec ce même seuil de 40 places, pour les bâtiments à usage tertiaire et les services publics, ces taux sont respectivement de 10 % et 20 %, et pour les ensembles commerciaux et les cinémas, ils sont de 5 % et 10 %.

Sans lien avec ces obligations nouvelles, autre que le fait que cela porte également sur la question du stationnement et que ces dispositions relèvent toutes deux de l’article 41, le même décret prévoit les obligations en matière d’aménagements d’aires pour les vélos, en distinguant conformément à cet article, les cas la sécurisation – qui résultent d’une surveillance ou d’un système de fermeture sécurisée – et les simples emprises d’attache par le cadre et au moins une roue dans les autres cas.

Votre Rapporteur estime que ce dispositif est adapté à son objet – deux attaches valent mieux qu’une – même si on peut souhaiter que l’arrêté prévoie l’éclairage des locaux, ce qu’il ne fait pas.

À l’exception des dispositions relatives au stationnement des vélos pour les cinémas et centres commerciaux (R 114-8 du même code), les dispositifs sur les recharges comme sur le stationnement des vélos sont applicables aux permis de construire déposés à compter du 1er janvier 2017. Allant dans le sens de ce dispositif, on notera le développement de garages à vélo dits « Veligo » dans les gares parisiennes, dont on souhaite qu’ils respectent les dispositions du décret, même si le sous-équipement de la gare du Nord demeure pour l’instant manifeste.

Article 42
Réduction du nombre de places de stationnement exigées par un plan local d’urbanisme au cas d’auto-partage

Cet article doit faire l’objet d’un décret, mais il n’est pas mentionné comme tel sur Légifrance. Pourtant le décret est bien la résultante de la rédaction de cet article, qui prévoit sous forme d’un ajout (souligné) : « Lorsque le plan local d’urbanisme impose la réalisation d’aires de stationnement pour les véhicules motorisés, celles-ci peuvent être réalisées sur le terrain d’assiette ou dans son environnement immédiat. Cette obligation est réduite de 15 % au minimum en contrepartie de la mise à disposition de véhicules électriques munis d’un dispositif de recharge adapté ou de véhicules propres en auto-partage, dans des conditions définies par décret ».

Sans doute une nouvelle codification a-t-elle fait échapper ce décret à la liste.

Article 43
Objectif d’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports et développement des biocarburants

Le I de cet article assigne à l’État l’objectif que la part d’énergie renouvelable soit portée à 10 % en 2020 et 15 % en 2030 dans tous les modes de transports.

Le II prévoit que la programmation pluriannuelle de l’énergie fixe la part d’incorporation des biocarburants dans la consommation finale d’énergie du secteur des transports et renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer la liste des biocarburants conventionnels et des biocarburants avancés. Il reste que ce dispositif doit être cohérent avec la réglementation européenne en la matière, en particulier avec la directive n° 2009/28 du Parlement et du Conseil du 23 avril 2009 et la directive n° 2014/94 UE du 29 octobre 2014.

Cette part a été fixée à 15 % par la PPE, pour un taux d’incorporation réalisé de 6,83 % en 2012. Votre mission constate que l’avantage fiscal consenti au profit du SP–E 10 (38), qui en fait baisser le prix comparé à celui des autres carburants, est un levier fiscal efficace, qui contribue donc à favoriser cet objectif (39). La PPE prévoit d’ailleurs de faire porter un effort spécifique sur celui-ci.

Le III prévoit les modalités de contrôle par l’autorité administrative du respect des caractéristiques des carburants autorisés, sous peine de suspension de la commercialisation.

Il ressort de l’arrêté du 24 avril 2016 que, dans le cadre des objectifs de développement des énergies renouvelables, les objectifs pour le développement du biogaz injecté et pour le développement des carburants d’origine renouvelable, dont le bioGNV, sont les suivants :

1° Pour l’injection de biométhane dans le réseau de gaz, en termes de production globale : 1,7 TWh en 2018 ; 8 TWh en 2023 ;

2° Pour le bioGNV : Soutenir le développement du bioGNV pour atteindre 0,7 TWh consommé en 2018 et 2 TWh en 2023, dans la perspective que le bioGNV représente 20 % des consommations de GNV en 2023, sur des segments complémentaires de ceux des véhicules électriques et des véhicules hybrides rechargeables.

3° Pour l’incorporation des biocarburants avancés dans les carburants :

 


2018


2023


Filière essence


1,6 %


3,4 %


Filière gazole


1 %


2,3 %

Chapitre III
Réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques et qualité de l’air dans les transports

La consommation d’énergie dans le secteur des transports atteint 48,8 Mtep en 2014, soit 32,5 % de l’ensemble de la consommation d’énergie finale en France. Cette consommation est principalement satisfaite par des produits pétroliers destinés au transport routier (82,4 % de la consommation énergétique du secteur).

Après avoir progressé entre 2000 et 2008, la consommation totale d’énergie dans les transports diminue tendanciellement, à un rythme lent (- 1 % entre 2013 et 2014) par rapport aux autres secteurs.

Comme votre Rapporteur l’a indiqué supra, en rappelant les données de la PPE, le secteur des transports joue un rôle majeur en matière de pollution atmosphérique. Il est responsable de l’émission de 130,5 millions de tonnes équivalent CO2. Ces émissions ont augmenté jusqu’en 2004, où la courbe s’est inversée. Il convient de rappeler qu’elles proviennent dans l’immense majorité de la route (83 % du transport de voyageurs en 2014 a été effectué à bord de véhicules particuliers).

Article 44
Objectif de réduction des émissions des gaz à effet de serre par le secteur de la grande distribution

Cet article, précisément en ce qu’il renvoyait à un décret, a été jugé contraire à la Constitution : « les dispositions contestées imposent aux entreprises ou groupements d’entreprises appartenant au secteur de la grande distribution d’établir un programme d’actions afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques résultant du transport des marchandises qu’ils commercialisent sur le territoire national ; que le législateur a ainsi entendu prendre en compte la part importante des émissions nationales de gaz à effet de serre résultant du transport de marchandises par et pour le compte de la grande distribution ; que, toutefois, il n’a pas déterminé les entreprises du secteur de la grande distribution soumises à cette obligation ; qu’il s’est borné à renvoyer à un décret le soin de déterminer le « champ » de ces entreprises ; que le législateur n’a pas encadré le renvoi au décret et, en confiant au pouvoir réglementaire la compétence pour fixer le champ d’application de la loi, a reporté sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi ; qu’il a ainsi méconnu l’étendue de sa compétence ; que les dispositions de l’article 44 sont contraires à la Constitution ».

Article 45
Obligation pour les aéroports d’établir des programmes de réduction des gaz à effet de serre et de gaz atmosphériques

Les émissions de dioxyde de carbone provoquées par le transport aérien en 2013 représentent 689 millions de tonnes de CO2 en 2013.

Cet article, dû à l’adoption par votre commission spéciale en première lecture, d’un amendement de M. Gérard Sebaoun et du Rapporteur, Philippe Plisson, impose l’établissement, par les exploitants d’aéroports d’un « programme des actions afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques résultant des activités directes et au sol de la plateforme aéroportuaire, en matière de roulage des avions et de circulation des véhicules sur la plateforme notamment ». L’objectif est de réduire, par rapport à l’année 2010, de 10 % au moins en 2020 et de 20 % au moins en 2025, l’intensité en gaz à effet de serre et en polluants atmosphériques. L’année de référence retenue, 2010, posera un problème de consolidation. Mais elle prend en compte les efforts déjà réalisés par certaines plateformes.

Le décret n° 2016-565 du 10 mai 2016, dont l’intervention est prévue par le texte de l’article, en précise les conditions d’application. Il inclut les onze principaux aéroports métropolitains : Bâle-Mulhouse, Beauvais-Tillé, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte-d’Azur, Paris-Charles-de-Gaulle, Le Bourget, Orly et Toulouse-Blagnac. L’intensité des émissions est définie par l’article 2 du décret comme le rapport entre le volume des gaz à effet de serre ou polluants et le nombre d’unités de trafic sur la plate-forme concernée pour une année. L’unité trafic représente les passagers et le fret transitant par la plateforme.

Pour la quantification des gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques, seule est prise en compte la partie des opérations se déroulant au sol, à l’exclusion de toute autre phase de vol, ce qui peut paraître limitatif, puisque la mise en poussée est exclue, alors qu’elle correspond à une consommation forte de carburants et qu’elle est une activité directe de l’aéroport. L’article 4 du décret liste les opérations suivantes :

– Émission des moteurs de propulsion lors du roulage ;

– Émission des moteurs auxiliaires de puissance ;

– Émission des autres sources mobiles et fixes (pollution issue de la circulation des véhicules sur la plateforme à travers différents paramètres, la consommation de carburant et de fluides frigorigènes, la durée d’utilisation, la distance parcourue et le facteur d’émission).

Pour évaluer les émissions pour les années 2020 et 2025 (article 6), l’exploitant prend en compte les mêmes sources d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques. Chaque exploitant d’aérodrome transmet ensuite à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), qui en fait le bilan, au plus tard le 31 décembre 2016, pour les années 2010, 2020 et 2025 :

– les valeurs des paramètres et hypothèses utilisées pour élaborer les données chiffrées ;

– la quantification des émissions par gaz à effet de serre et par polluant atmosphérique, distinguées par catégories définies à l’article 2 du décret ;

– les actions de réductions des émissions associées à chacun des postes d’émissions identifiés dans le présent décret ainsi que leur programmation annuelle.

Le dispositif ne permet pas de définir avec une précision suffisante les facteurs d’émission, laissant une marge d’appréciation aux plateformes aéroportuaires elles-mêmes, qui jugeront ce qu’elles incluent dans leur rapport. Alors que l’écriture de ces plans d’actions représente un travail conséquent pour les aérodromes et, leur consolidation par l’ADEME risque de s’avérer délicate. Il convient également que chaque aéroport intègre les consommations d’énergie des bâtiments et des parkings. Les aéroports se sont rencontrés et ont avancé ensemble sur la manière d’agréger les résultats. DGAC, DGEC et ADEME, les ont par ailleurs rencontrés au cours du mois de septembre et une nouvelle rencontre est prévue en novembre pour évoquer les inventaires d’émissions en 2010 et les prévisions puisque, le texte de cet article devrait intégrer une vérification de mise en œuvre des actions à l’issue des échéances de 2020 et 2025.

En conclusion sur ce point, même si la mission constate la volonté de progresser de la part des acteurs administratifs comme des aéroports, on doit s’interroger sur le caractère souple du cadre règlementaire d’une part, puisque le décret en reste à un cadrage général et, d’autre part, comme vos Rapporteurs l’ont fait sur les articles 1er et 2, sur la portée impérative de l’objectif formulé par cet article : que se passerait-il si chaque aéroport ne prenait pas les mesures appropriées ? Même si l’application concrète de cet article ne permet pas de manifester actuellement des craintes à cet égard, la question mérite cependant d’être posée.

En l’état, trop figer la situation aurait sans doute entraîné des blocages. Pour autant, votre mission estime que celle-ci doit être évolutive pour aboutir à ce que les objectifs soient atteints.

Article 46
Quotas d’émission de gaz à effet de serre pour les exploitants d’aéronefs

Cet article, d’applicabilité directe, modifie à la marge les conditions fixées par l’article L. 229-12 du code de l’environnement, portant sur l’obtention de quotas à titre gratuit, en provenance d’une réserve spéciale, pour les exploitants d’aéronefs.

Le dispositif, qui provient de l’adoption d’un amendement d’initiative gouvernementale au Sénat (article 12 ter A) tient compte de l’évolution de la réglementation européenne. En effet, l’article 3 septies de la directive n° 2003/87/CE du 13/10/03 établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil a fait l’objet d’un rectificatif du 5 décembre 2014.

Ce texte prévoit que 3 % de la quantité totale des quotas à allouer sont versés dans une réserve spéciale constituée pour les exploitants d’aéronefs : qui (a) commencent à exercer une activité aérienne ou (b) dont les données relatives aux tonnes-kilomètres traduisent une augmentation annuelle supérieure à 18 % entre l’année de référence, et la deuxième année civile de cette période et dont les activités ne s’inscrivent pas, pour partie ou dans leur intégralité, dans le cadre de la poursuite d’une activité aérienne exercée auparavant par un autre exploitant. Le rectificatif a consisté à calculer l’activité supplémentaire comme une moyenne et non en valeur absolue. En conséquence cet article modifie le dispositif du code de l’environnement prévu pour l’attribution de quotas gratuits provenant de la réserve spéciale, dont sont bénéficiaires les exploitants dont l’activité a enregistré une « augmentation annuelle moyenne supérieure à 18 % entre l’année de surveillance et la deuxième année civile de cette période ».

Article 47
Possibilités pour le maire de fixer une vitesse maximale inférieure à 50 km/heure pour toute ou partie des voies de l’agglomération

La possibilité pour les maires de réduire la vitesse maximale est une mesure d’applicabilité directe. Nombre de collectivités territoriales limitent la vitesse dans certaines zones à 30 km/h, mais il convient de s’interroger sur le respect de ces normes, et l’efficacité des contrôles en la matière.

Votre Rapporteur souhaiterait qu’un bilan de l’application de ce dispositif soit dressé une fois par an par le ministère de l’intérieur, spontanément ou en réponse à une question écrite.

Article 48
Mesures environnementales de restriction de la circulation automobile

I) Zones à circulation restreinte. Le dispositif (article L. 2213-4-1.I du CGCT) prévoit que dans les zones dans lesquelles un plan de protection atmosphérique est adopté ou en cours d’adoption, le maire (ou s’il possède la compétence de police de la circulation le président de l’EPCI) peut établir « sur tout ou partie du territoire de la commune » des zones à circulation restreinte. Dans ce cas, en fonction de leur classement, qui doit être à terme matérialisé par l’apposition d’une vignette sur le pare-brise, certains véhicules seront interdits de circulation et de stationnement dans la zone délimitée.

Ce dispositif fait suite à une possibilité, ouverte par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010, dite « Grenelle II » de création à titre expérimental de zones d’action prioritaires pour l’air dont l’accès était interdit aux véhicules les plus polluants. Cette innovation n’a pas été suivie d’effet : dans les deux ans suivant la loi, aucune expérimentation n’avait eu lieu. Le texte est donc resté lettre morte.

Article 182 de la loi du 12 juillet 2010

« Art. L. 228-3.-I. ― Dans les communes ou groupements de communes de plus de 100 000 habitants où une mauvaise qualité de l’air est avérée, notamment par des dépassements de normes réglementaires ou des risques de dépassements de ces normes, une zone d’actions prioritaires pour l’air, dont l’accès est interdit aux véhicules contribuant le plus à la pollution atmosphérique, peut être instituée, à titre expérimental, afin de lutter contre cette pollution et notamment réduire les émissions de particules et d’oxydes d’azote.

« Les communes ou groupements de communes souhaitant participer à l’expérimentation adressent, dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, leur projet de zones d’actions prioritaires pour l’air au représentant de l’État dans le département qui le transmet, accompagné de ses observations, au ministre chargé des collectivités territoriales et au ministre chargé du développement durable.

« Dans les zones dans lesquelles sont constatés ou prévus des dépassements des valeurs limites de la qualité de l’air telles que définies à l’article L. 221-1, le représentant de l’État dans le département peut proposer aux communes ou groupements de communes de mettre en place une expérimentation de zone d’actions prioritaires pour l’air.

« Les expérimentations sont autorisées par décret pour une durée ne pouvant excéder trois ans. Elles peuvent être prorogées par décret pour une durée de dix-huit mois à la demande des communes ou groupements de communes à l’initiative du projet… »

Ce dispositif est donc abrogé par l’article 48 et remplacé par celui des ZCR. La relance législative d’un dispositif en panne a-t-elle des chances de succès plus importantes ?

Selon le présent article, la circulation est interdite à certains véhicules, sous peine d’amende, dans les zones établies après un large processus de consultation. L’arrêté local créant la ZCR doit notamment être justifié par une étude environnementale permettant de faire un état des lieux et d’évaluer la réduction attendue des émissions de polluants. Il est soumis pour avis aux autorités organisatrices de la mobilité dans les ZCR et dans leurs abords, aux conseils municipaux des communes limitrophes, aux gestionnaires de voirie, ainsi qu’aux chambres consulaires concernées. Cet avis est réputé favorable au-delà d’un délai de 2 mois.

L’arrêté précise alors la durée de fonctionnement de la ZCR, lequel est évalué tous les trois ans.

Le V de l’article du CGCT, créé par l’article 48, prévoit l’intervention d’un décret en Conseil d’État – que le site Légifrance a omis – pour établir la liste des véhicules auxquels ne s’applique pas la restriction. Un projet a été soumis, après avis favorable du Comité national d’évaluation des Normes (n° 15-11-05-0054), à une consultation publique, ouverte du 15 au 30 janvier 2016, laquelle n’a suscité que 20 commentaires. Légifrance fait toujours figurer comme date de parution décembre 2015, mais le décret n’est finalement paru qu’en date du 28 juin (n° 2016-847). Il en ressort que les restrictions de circulation peuvent être différenciées en fonction de la nature et de l’usage des véhicules, qu’elles sont justifiées au regard des réductions des émissions de polluants atmosphériques attendues par la création de la zone à circulation restreinte et de la population concernée. Les avis requis sont réputés acquis passés un délai de deux mois.

Dans le même temps de consultation, un autre décret – que le site Légifrance ne mentionne pas – est intervenu pour classer les véhicules en fonction de leur degré d’émissions polluantes. Les critères prévus retiennent, par type de véhicule et de façon différenciée pour l’essence et le diesel, quatre catégories de véhicules :

Classification des véhicules en application des articles L. 318-1 et R. 318-2 du code de la route

Classe

2 ROUES, TRICYCLES ET

QUADRICYCLES À MOTEUR

VOITURES

VÉHICULES UTILITAIRES LÉGERS

POIDS LOURDS, AUTOBUS ET AUTOCAR

Électrique

Véhicules électriques et hydrogène

1

Véhicules gaz

Véhicules hybrides rechargeables

Classe

2 ROUES, TRICYCLES ET QUADRICYCLES À MOTEUR

DATE DE PREMIÈRE IMMATRICULATION ou NORME EURO

VOITURES

VÉHICULES UTILITAIRES LÉGERS

POIDS LOURDS, AUTOBUS ET AUTOCAR

Diesel

Essence

Diesel

Essence

Diesel

Essence

1

EURO 4

À partir du 1er janvier 2017 pour les motocycles
À partir du 1er janvier 2018 pour les cyclomoteurs

-

EURO 5 et 6

À partir du
1er janvier 2011

-

EURO 5 et 6

À partir du
1er janvier 2012

-

EURO 6

À partir du
1er janvier 2014

2

EURO 3

Entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2016 inclus pour les motocycles

ou le 31 décembre 2017 inclus pour les cyclomoteurs

EURO 5 et 6

À partir du
1er janvier 2011

EURO 4

Entre le
1er janvier 2006 et
le 31 décembre 2010 inclus

EURO 5 et 6

À partir du
1er janvier 2012

EURO 4

Entre le

1er janvier 2007

et le

31 décembre 2011 inclus

EURO 6

À partir du

1er janvier 2014

EURO 5

Entre le
1er octobre 2009

et le 31 décembre 2013 inclus

3

-

EURO 4

Entre le
1er janvier

2006 et le

31 décembre 2010 inclus

EURO 2 et 3

Entre le 1er janvier 1997

et le 31 décembre 2005 inclus

EURO 4

Entre le 1er janvier 2007
et le 31 décembre 2011 inclus

EURO 2 et 3

Entre le
1er octobre 1998 et le 31 décembre 2006 inclus

EURO 5

Entre le
1er octobre 2009 et le 31 décembre 2013 inclus

EURO 3 et 4

Entre le
1er octobre 2001 et le 30 septembre 2009 inclus

Non

classés

EURO 2 et avant

Jusqu’au
31 décembre 2006 inclus

EURO 3 et avant

Jusqu’au

31 décembre 2005 inclus

EURO 1 et avant

Jusqu’au

31 décembre 1996 inclus

EURO 3 et avant

Jusqu’au

31 décembre 2006 inclus

EURO 1 et avant

Jusqu’au

30 septembre

1998 inclus

EURO 4 et avant

Jusqu’au

30 septembre 2009 inclus

EURO 1, 2 et avant

Jusqu’au 30 septembre

2001 inclus

Compte tenu de la mise en place des certificats qualité de l’air, prévue par l’article 37, la correspondance avec les certificats, matérialisés par les vignettes est donc la suivante :

Source : Arrêté du 21 juin 2016, JO du 23 juin 2016, texte 12.

Le texte du décret en Conseil d’État, conformément à une exigence expresse de l’article 48- I de la loi, fixe la liste des véhicules autorisés auxquels la restriction de circulation ne s’applique pas (transports médicaux, sécurité publique, handicapés, etc.) par référence au code de la route et prévoit, en cas de non-respect des restrictions, une contravention de troisième classe pour les véhicules légers (amende de 450 € maximum) et de quatrième classe (750 € maximum) pour les véhicules lourds. Ces peines s’appliquent également en cas de non-respect des règles de stationnement définies dans la zone, qui, probablement seront les plus opératoires et peuvent entraîner l’immobilisation du véhicule.

Véhicules d’intérêt général au sens de l’article R 311-1 du code de la route :

6.4. Véhicule d’intérêt général : véhicule d’intérêt général prioritaire ou bénéficiant de facilités de passage ;

6.5. Véhicule d’intérêt général prioritaire : véhicule des services de police, de gendarmerie, des douanes, de lutte contre l’incendie, d’intervention des unités mobiles hospitalières ou, à la demande du service d’aide médicale urgente, affecté exclusivement à l’intervention de ces unités et du ministère de la justice affecté au transport des détenus ou au rétablissement de l’ordre dans les établissements pénitentiaires ;

6.6. Véhicule d’intérêt général bénéficiant de facilités de passage : ambulance de transport sanitaire, véhicule d’intervention d’Électricité de France et de Gaz de France, du service de la surveillance de la Société nationale des chemins de fer français, de transports de fonds de la Banque de France, des associations médicales concourant à la permanence des soins, des médecins lorsqu’ils participent à la garde départementale, de transports de produits sanguins et d’organes humains, engin de service hivernal et, sur autoroutes ou routes à deux chaussées séparées, véhicule d’intervention des services gestionnaires de ces voies ;

20 métropoles ou villes sur 25 candidates ont été retenues comme susceptibles d’établir des zones de circulation restreinte :

Plusieurs difficultés demeurent cependant prévisibles : l’arrêté doit être en cohérence avec le PPA, or ce document peut, aux termes de la loi, ne pas être définitif. L’arrêté est soumis à consultation du public, et il est probable que dans les zones ou leurs abords, les commerçants des centres-villes ne manqueront pas d’émettre des réserves, relayées par les chambres consulaires, lesquelles sont dans la boucle des consultations. Enfin il convient de s’interroger sur les modalités du contrôle : seul un mécanisme permettant d’identifier les véhicules, par apposition d’une vignette, supposant un contrôle technique portant sur ce point, permettra un contrôle effectif des interdictions de stationnement.

Le Premier ministre a annoncé lors de la conférence environnementale du 27 novembre 2014, la mise en place de ce dispositif.

Mais il faut alors sans doute modifier le contenu des contrôles techniques.

Prenant acte de telles difficultés, le décret a ouvert des possibilités de dérogations individuelles. Si on peut s’interroger sur la pertinence de cette nécessaire souplesse au plan juridique – la lutte contre la pollution atmosphérique en milieu urbain peut-elle s’accompagner de telles dérogations ? – cette mesure est sans nul doute parfaitement justifiée en opportunité, notamment pour les riverains ou les professionnels (voyagistes, livreurs, etc.).

Plusieurs des facteurs qui ont manifestement conduit à l’échec des projets de ZAPA ont ici disparu, à commencer par le caractère désormais permanent du dispositif et par le fait qu’il s’accompagne d’un solide processus préparatoire et consultatif. Les ZAPA ont aussi souffert, sans doute, d’une application très défectueuse, comme en témoigne le rapport de B. Pancher et P. Tourtelier. (40)

« Le secrétariat général du Gouvernement estime qu’une publication du décret autorisant les projets ZAPA serait aujourd’hui prématurée et n’envisage celle-ci qu’au cours du premier trimestre 2013. Cette date tardive apparaît d’autant plus surprenante que la Commission européenne a saisi la Cour de Justice de l’Union européenne en novembre 2011 pour non-respect par la France des seuils européens en matière de pollution de l’air par les particules fines (diamètre inférieur à 10 µm) (49).

En revanche, le décret identifiant les véhicules auxquels l’accès aux ZAPA ne peut être interdit et précisant les modalités de demande d’autorisations de circulation dérogatoires, d’une part, et le décret définissant le régime des sanctions applicables en cas d’infraction à l’interdiction de circuler dans une ZAPA, d’autre part, ont été soumis au Conseil national de l’air le 30 juin 2011 et à la Commission consultative d’évaluation des normes le 3 novembre suivant ; leur publication interviendrait dans le courant du premier trimestre 2012.

Les entretiens réalisés par vos rapporteurs leur ont permis de se rendre compte que ce dispositif suscite un grand intérêt auprès d’associations œuvrant à l’amélioration du cadre et de la qualité de vie, particulièrement dans les zones où ceux-ci apparaissent dégradés. Des inquiétudes s’expriment également, auxquelles il appartiendra notamment aux mesures réglementaires attendues de donner une réponse équilibrée. Ces associations estiment ainsi nécessaire que les restrictions apportées à la circulation de certains véhicules aient pour contrepartie une véritable alternative en termes de transports en commun fiables et compétitifs, ce qui suppose une mobilisation appropriée de l’autorité organisatrice des transports compétente : elles soulignent qu’il est notamment indispensable de prendre en considération les déplacements contraints sur des horaires décalés ainsi que les horaires spécifiques de grandes unités génératrices de déplacements et se trouvant dans la zone de la ZAPA – comme les hôpitaux, par exemple. Elles souhaitent également, au terme des expérimentations, que les critères techniques retenus pondèrent consommation et efficacité énergique et permettent d’écarter les véhicules polluants de grosse cylindrée ; une différenciation entre véhicules à deux et à quatre roues serait enfin considérée comme justifiée. »

On peut espérer que, depuis lors, les mentalités ont progressé, encore que les réactions de certaines catégories d’usagers sur les réseaux sociaux sont assez marquées. On peut surtout guetter attentivement les réactions des collectivités territoriales.

Le II comporte des dispositions de conséquence et prévoit que les autorités organisatrices de transport ne seront plus tenues de rendre l’accès aux réseaux de transport gratuits en cas de pics de pollution, mais seulement de mettre en place « toute mesure tarifaire incitative » dont la gratuité. Le groupement des autorités responsables de transport (G.A.R.T.) se félicite de cette mesure tant pour son impact financier que parce que les automobilistes bénéficient jusqu’à présent d’un avantage en se reportant vers les transports collectifs aux dépens des usagers réguliers. Il est vrai que la logique pollueur–payeur n’est pas totalement respectée par le système antérieur. Pour autant, l’ensemble des mesures de ce titre devrait fortement contribuer à diminuer les pics de pollution.

Le deuxième mécanisme de fond prévu par l’article 48 de la loi est moins lourd et sans nul doute plus aisé à mettre en œuvre, ne serait-ce que parce qu’il est d’application immédiate.

III : Aides à l’achat de véhicules propres. Ce dispositif est incitatif au remplacement de véhicules anciens polluants peuvent être attribuées, dans des conditions définies par voie réglementaire, en fonction de critères sociaux ou géographiques. Cet objectif s’inscrit dans un environnement juridique, fiscal et budgétaire largement préexistant. Il conforte l’existence de primes à la conversion dite « super bonus », ciblée sur la mise au rebut de véhicules polluants.

Ce sont en effet les véhicules les plus anciens, qui répondent aux normes européennes d’émissions de polluants Euro 1 et 2, qui ont l’impact le plus néfaste sur la qualité de l’air, en particulier les véhicules à motorisation diesel sans filtre à particules. Comme l’indique l’étude d’impact annexée au projet de loi de transition énergétique, « les véhicules 1* et 2* (groupe 1*, voitures essence ou diesel mises en circulation avant le 1er janvier 1997 ou groupe 2*, voitures diesel mises en circulation entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2000) représentent 19 % du parc de véhicules particuliers et contribuent à 23 % des émissions de PM 10 et à 20 % des émissions de NOx du parc de véhicules particuliers. Les véhicules 5* (mis en circulation après janvier 2011) représentant 10 % du parc de véhicules particuliers et contribuent quant à eux à 6 % des émissions de PM10 et à 13 % des émissions de NOx du parc de véhicules particuliers. ».

Prenant la suite de mécanismes de primes à la casse (« juppette », « balladurette ») établis depuis 1992, l’article 63 de la loi de finances rectificatives pour 2007 a créé un fonds d’aide à l’acquisition des véhicules propres sous forme budgétaire d’un compte de concours financiers : « Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres », financé par la taxe aux véhicules polluants (art 1101 bis du CGI) créée par ce même dispositif. Ce changement induit le fait que le dispositif concret de primes à l’acquisition et/ou à la casse relève désormais du décret : la loi ne change rien à cette détermination. À la demande de la Cour des comptes, en 2012, le compte de concours financiers est devenu un compte d’affectation spéciale (article 56 loi de finances pour 2012) ce qui a mis fin aux primes à la casse.

Le dispositif repose désormais sur quatre principes :

– une aide financière pour l’acquisition d’un véhicule peu polluant dite « bonus » ;

– cette aide est majorée si l’acquisition s’accompagne de la destruction d’un véhicule de plus de quinze ans (« super bonus »)

– une taxe spécifique due sur le premier certificat d’immatriculation d’un véhicule dit « polluant » ou « malus », permet de financer le dispositif ;

– un « malus annuel » pour les véhicules les plus polluants.

Le compte d’affectation spéciale est réparti en deux programmes consacrés l’un au bonus, l’autre au super bonus.

En recettes, le compte est financé par la taxe additionnelle aux certificats d’immatriculation (art 1011 bis du code général des impôts) et en dépenses il paye le bonus (226 millions d’euros en 2012) et le super bonus (8 millions d’euros en 2012), lequel à, partir de 2014, implique un achat ou une location s’accompagnant du retrait de la circulation, à des fins de destruction, d’un véhicule utilisant le gazole comme carburant principal (décret n° 2014-1672 du 30 décembre 2014).

Une aide est ainsi accordée à l’achat ou à la location des véhicules électriques (6 300 euros dans la limite de 27 % du coût d’acquisition ou de location du véhicule). Ce système est inchangé depuis 2014. En 2015, les bonus pour les moteurs thermiques ont été supprimés.

Pour 2016, les dépenses du premier programme s’établissent à 236 millions d’euros et intègrent les modifications suivantes : le montant du bonus moyen est ramené à 750 € pour les véhicules hybrides et à 1 000 euros pour les hybrides rechargeables et il est maintenu à 6 300 euros pour les véhicules électroniques. La prévision s’appuie sur des perspectives de 36 000 véhicules hybrides, 11 000 rechargeables et 33 000 véhicules électriques.

S’agissant du second programme, les dépenses sont portées à 30 millions d’euros. Le montant de l’aide complémentaire est fixé, par le décret n° 2015-361 du 30 mars 2015, à :

1° 3 700 euros pour une voiture particulière satisfaisant aux conditions prévues aux 2°, 3° et 4° du I de l’article 1er et dont le taux d’émission de dioxyde de carbone est inférieur ou égal à 20 grammes par kilomètre ;

2° 2 500 euros pour une voiture particulière satisfaisant aux conditions prévues aux 2°, 3° et 4° du I de l’article 1er et dont le taux d’émission de dioxyde de carbone est compris entre 21 et 60 grammes par kilomètre ;

3° 500 euros pour une voiture particulière satisfaisant aux conditions prévues aux 2°, 3° et 4° du I de l’article 1er, dont le taux d’émission de dioxyde de carbone est compris entre 61 et 110 grammes par kilomètre, qui respecte la norme Euro 6 et qui est acquise ou louée par une personne physique dont la cotisation d’impôt sur le revenu de l’année précédant l’acquisition ou la location du véhicule est nulle ;

4° 500 euros pour une voiture particulière qui satisfait à la condition prévue au 3° du I de l’article 1er, qui est acquise ou louée par une personne physique dont la cotisation d’impôt sur le revenu de l’année précédant l’acquisition ou la location du véhicule est nulle, qui n’est pas cédée dans les six mois suivant son acquisition ni avant d’avoir parcouru au moins 6 000 kilomètres, dont le taux d’émission de dioxyde carbone est compris entre 61 et 110 grammes par kilomètre et qui respecte la norme Euro 6 ou dont le taux d’émission de dioxyde de carbone est inférieur ou égal à 60 grammes par kilomètre.

Les prévisions tablent sur 3 380 véhicules électriques éligibles à la prime au montant maximum, pouvant donc cumuler celle-ci avec le bonus, bénéficiant ainsi d’une aide à hauteur de 10 000 €.

Le projet de loi de finances pour 2017 pérennise ces dispositifs. Le système du bonus-malus (article 1011 bis du code général des impôts) est, modifié, notamment par abaissement du seuil d’application du malus. Votre mission partage cependant les observations de notre collègue Delphine Batho, quant à la nécessité de fixer l’évolution du bonus-malus dans un cadre pluriannuel (41)

IV. Un rapport est demandé au Gouvernement au sujet des pics de pollution.

Article 49
Possibilités pour le maire d’étendre l’interdiction d’accès des véhicules les plus polluants à l’ensemble des voies d’une commune située dans le périmètre d’un plan de protection de l’atmosphère

Cet article ouvre la possibilité pour les maires d’interdire par arrêté l’accès aux véhicules polluants et de fixer les dérogations par le même texte. Il s’applique aux zones où le plan de protection de l’atmosphère a été adopté.

Cet article, qui prévoit simplement une extension du dispositif existant par l’extension géographique d’une interdiction, ne renvoie pas à un décret en Conseil d’État ses conditions d’application pour fixer notamment la liste des véhicules dont la circulation ne peut être interdite. Toutefois, il est probable que le maire ne pourra déroger au code de la route, déjà cité, quant aux véhicules prioritaires, et le décret du 28 juin 2016, d’application de l’article 48-I de la loi sera sans nul doute une source d’inspiration pour l’application du présent article.

Le texte étend donc l’application de l’article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales :

Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l’environnement :

1° Interdire à certaines heures l’accès de certaines voies de l’agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d’usagers ou de véhicules ;

2° Réglementer l’arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d’entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains …

Il est prévu que l’extension sera possible à l’ensemble des voies de la commune, mais il demeure une interdiction temporaire dans la journée.

À Paris, les mesures suivantes ont été annoncées dès janvier 2015 par la maire, Mme Anne Hidalgo :

La mise en place des mesures de restriction de circulation sera progressive, les véhicules les plus anciens et les plus polluants seront les premiers concernés.

Dès le 1er juillet (42), la maire de Paris souhaite interdire la circulation des bus, cars et poids lourds de classe 1 étoile (antérieurs au 1er octobre 2001) dans la capitale de 8 à 20 heures, y compris le week-end.

À partir du 1er juillet 2016, cette interdiction s’appliquera à l’ensemble des véhicules de classe 1 étoile, et donc aussi aux camionnettes et véhicules particuliers antérieurs à 1997 – qui représentent encore 10 % du parc de voitures circulant à Paris – ainsi qu’aux deux-roues motorisés antérieurs au 31 mai 2000. Ces véhicules individuels et utilitaires légers pourront eux continuer à circuler le week-end.

Les véhicules de classe 2, 3 et 4 étoiles (cette dernière classe comprenant les véhicules antérieurs à 2010) seront ensuite progressivement interdits, entre 2017 et 2020.

http://www.lemonde.fr/pollution/article/2015/01/28/le-plan-antipollution-de-paris-en-5-questions_4565187_1652666.html#4Gx1JQ8pu6vfpVer.99

Ces mesures ont commencé à être mises en œuvre par l’arrêté n° 2016 P 0114 du 24 juin 2016 à effet du 1er juillet, de la maire de Paris et du préfet de police, par référence aux dates d’application des normes Euro, soit Euro 1 : premier janvier 1993, Euro 2 : premier juillet 1996, Euro 3 : premier janvier 2000, et aux catégories de véhicules définies à l’article R 311-1 du code de la route.

La norme Euro 3 s’applique aux catégories M2 (véhicule conçu et construit pour le transport de personnes, comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et ayant un poids maximal inférieur ou égal à 5 tonnes) ; M3 : (véhicule conçu et construit pour le transport de personnes, comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises et ayant un poids maximal supérieur à 5 tonnes) N2 (véhicule conçu et construit pour le transport de marchandises ayant un poids maximal supérieur à 3,5 tonnes et inférieur ou égal à 12 tonnes) et N3 : (véhicule conçu et construit pour le transport de marchandises ayant un poids maximal supérieur à 12 tonnes) ; ceux de ces véhicules antérieurs au 1er octobre 2001 sont donc interdits de circulation.

La norme Euro 2 s’applique aux catégories M1 (véhicule conçu et construit pour le transport de personnes et comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum) et N1, utilitaires légers (véhicule conçu et construit pour le transport de marchandises ayant un poids maximal inférieur ou égal à 3,5 tonnes), de ce fait ceux de ces véhicules mis en service avant le 1er janvier 1997 sont touchés par l’interdiction, sauf voitures de collection.

La norme Euro 1 s’applique aux deux ou trois roues et quadricycles à moteur, pour ces catégories mises en circulation à compter du 1er juin 1999, qui, si elles contribuent aux émissions d’hydrocarbures, ne sont en revanche que peu responsables des émissions de NOx ou de CO2.

ÉMISSIONS UNITAIRES POUR LE DIOXYDE DE CARBONE (CO2)

Source : Inventaire d’émissions Airparif – 2012

Votre Rapporteur, en dépit des oppositions marquées à l’encontre de ce dispositif, ne peut que souligner que l’interdiction n’est pas totale, puisqu’elle ne vaut que de 8 heures à 22 heures, et que nombre de véhicules d’intérêt général, de sécurité, voire, même si cela est anecdotique, de véhicules de collection, sont exclus du champ de la prohibition.

Il reste que l’effet dissuasif de cette mesure aura, en conséquence, un effet fortement incitatif au renouvellement du parc automobile en région parisienne.

Article 50
Indemnités kilométriques vélos

Lancée à titre expérimental par Frédéric Cuvillier, alors ministre des transports, le 2 juin 2014, l’indemnité kilométrique vélo acquiert avec cet article, et la loi de finances rectificative pour 2015, une base légale. Selon cet article, dû à l’adoption à l’Assemblée d’amendements émanant de nombreux députés, contre l’avis du Gouvernement, l’employeur prend en charge tout ou partie des frais engagés par les salariés se déplaçant à vélo – ou à vélo à assistance électrique – entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail, sous la forme d’une « indemnité kilométrique vélo ». L’article prévoit qu’un décret fixe les conditions de cumul de l’indemnité kilométrique avec le remboursement de l’abonnement de transport, lorsqu’il s’agit d’un trajet « de rabattement » vers une gare ou une station ou lorsque le salarié réside hors du périmètre de transport urbain. Cette prise en charge est mise en œuvre dans les mêmes conditions que la prise en charge des frais de carburant :

– par accord avec les représentants d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise, pour les entreprises entrant dans le champ de la négociation annuelle obligatoire

– par décision unilatérale de l’employeur après consultation du comité d’entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel s’il en existe.

L’avantage résultant de la prise en charge par l’employeur des frais est exonéré d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

L’article 15 de la loi de finances rectificative pour 2015, qui s’applique au 1er janvier 2016 :

– rend le dispositif facultatif pour les employeurs ;

– plafonne les exonérations d’impôt sur le revenu (pour les salariés) et de cotisations sociales (pour les employeurs) à 200 € par an et par salarié. Ce plafond de 200 € comprend également la participation de l’employeur aux frais de carburant ou d’alimentation de véhicule électrique ;

– limite les possibilités de cumul : l’indemnité kilométrique vélo peut se cumuler avec la prise obligatoire des frais d’abonnements aux transports collectifs uniquement lorsqu’il s’agit d’un trajet de rabattement vers une gare ou une station.

Il convient d’observer que cet article laisse, une fois encore, subsister le « gage » : la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la création d’une contribution additionnelle à la contribution assise sur les contrats d’assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur, et pour l’État par une majoration des droits sur les tabacs. Le Gouvernement devrait faire sauter ce gage, surtout lorsqu’il modifie le dispositif en loi de finances. Comme votre Rapporteur l’a déjà signalé à l’article 39, soit le gage est inopérant, mais alors pourquoi l’exiger, alors que cela répond à une obligation constitutionnelle, soit il doit être mis en œuvre, ce qui sera matériellement impossible.

Alors que l’ADEME a fait une première évaluation du dispositif légal en janvier 2016 (43), le décret n° 2016-144 du 11 février 2016 applique donc l’ensemble du dispositif légal, ainsi modifié. Le décret fixe l’indemnité kilométrique à 25 centimes d’euro par kilomètre. À titre de comparaison, 85 % des entreprises en Belgique, où un système facultatif d’indemnités de 22 centimes, non plafonné, est en vigueur, en font bénéficier leurs salariés.

Le décret précise les conditions de cumul de l’indemnité kilométrique vélo avec la prise en charge des abonnements de transport et de service public de location de vélos.

Le bénéfice de la prise en charge des frais engagés pour se déplacer à vélo (ou à vélo à assistance électrique) pour les trajets de rabattement vers des arrêts de transport public peut être cumulé avec la prise en charge des abonnements de transport collectif ou de service public de location de vélo prévue à l’article L. 3261-2 du Code du travail, à condition que ces abonnements ne permettent pas d’effectuer ces mêmes trajets.

Le décret précise que le trajet « de rabattement » correspond à la distance la plus courte entre la résidence habituelle du salarié ou le lieu de travail et la gare ou la station de transport collectif.

Le décret s’accompagne de la mise en place de l’observatoire de l’indemnité kilométrique vélo, lancé par l’ADEME et le club des villes et territoires cyclables. En l’état, il ne peut que susciter diverses interrogations de la part de votre Rapporteur :

– la distance considérée dans le calcul de la prise en charge est la distance la plus courte entre le domicile et la gare ou station de transport collectif. Le texte ne donne pas de précision lorsqu’un vélo est utilisé aux deux extrémités du trajet, ou entre deux stations de transport collectif en cours de trajet. Ces trajets remplissent-ils les conditions de cumul de l’indemnité kilométrique vélo avec la prise en charge des abonnements de transport ?

– le montant de 25 centimes d’euro par kilomètre est le montant qui avait été retenu lors de l’expérimentation menée par l’ADEME courant 2014. Le plafond d’exonérations de cotisations sociales pour les employeurs étant de 200 euros par an et par salarié, cela permet au salarié de faire 800 kilomètres par an, soit 4 kilomètres par jour s’il travaille 200 jours par an. Cela semble éloigné du trajet moyen de 7 km avancé par la Ministre Ségolène Royal pour mettre en avant le dispositif. Le montant de 25 centimes par kilomètre, qui était celui de la première expérimentation de 2014, et sur lequel les niveaux envisagés initialement étaient moindres, est-il suffisant ? Il convient sans doute, pour votre Rapporteur, d’évaluer d’abord le plafonnement, dont les effets risquent de s’avérer plus limitatifs que ceux de ce montant.

Une telle évaluation est prévue par le projet de PPE « deux ans après la mise en œuvre effective ». Votre Rapporteur estime nécessaire que ce délai soit ramené à un an.

– La saisonnalité n’est pas prise en compte, mais cette éventuelle prise en compte ne risquerait-elle pas de rendre plus complexe le système ?

– L’article 50 de la loi devant s’appliquer rétroactivement au 1er juillet 2015 et les nouvelles dispositions relatives à l’indemnité kilométrique entrant en vigueur au 1er janvier 2016, selon quelles modalités les salariés seront-ils indemnisés pour leurs dépenses entre le 1er juillet 2015 et le 1er janvier 2016 ?

– Enfin et surtout, en l’état actuel, le dispositif ne concerne pas les fonctionnaires, alors que sur ce point la Ministre a annoncé une possible extension aux vœux du GART, le 25 janvier 2016. Une première extension a été réalisée par le décret n° 2016-1184 du 31 août 2016 pour le ministère chargé du développement durable et du logement, des expérimentations y sont en cours, depuis le premier septembre : « les fonctionnaires, les personnels non titulaires de droit public, les ouvriers d’État et les militaires, affectés dans les services de l’État et rémunérés par les ministères en charge du développement durable et du logement, soit 43 000 agents, ainsi que par les établissements publics qui en relèvent » pourront demander « à titre expérimental » cette indemnité kilométrique lorsqu’ils viennent travailler à vélo.

Votre Rapporteure insiste donc pour que cette indemnité soit étendue à l’ensemble de la fonction publique, y compris aux collectivités locales, sans délai.

Ainsi l’application de cet article est-elle a minima, ce qu’il convient de regretter.

Article 51
Plan de mobilité du personnel

Le plan de mobilité des entreprises et des collectivités publiques, qui comprend en particulier un programme d’actions adapté à celles–ci, pour développer des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle, est applicable sans textes subséquents, mais le nouveau plan prévu par ce texte pour les entreprises de cent salariés ou plus, sur le même site, ne sera applicable qu’à compter du 1er janvier 2018.

Ce dispositif, adopté en première lecture à l’Assemblée sur initiative du Rapporteur, auquel le Sénat s’était opposé, est d’application directe.

Votre Rapporteur propose d’anticiper au 30 juin 2017 cette obligation, dont le non-respect est sanctionné par une privation des soutiens de l’ADEME, ce qui est peut-être insuffisant.

Article 52
Covoiturage, éclairage public et transports urbains par câble

Le I de cet article, purement incitatif pour les entreprises, vise à les encourager au développement du covoiturage. Il prévoit l’établissement d’un schéma de développement du covoiturage par les communes, leurs groupements, la métropole de Lyon et les syndicats mixtes de transport, le II définit le covoiturage, et autorise la rémunération des sites de covoiturage. et le III étend aux EPCI et aux syndicats mixtes les règles relatives à l’éclairage public.

Le IV porte sur les transports urbains par câble et renvoie à une ordonnance. L’ordonnance n° 0269 du 20 novembre 2015 a été prise conformément à l’habilitation, durant l’année suivant la promulgation de la loi. Un projet de loi de ratification devrait être déposé avant le 18 mai 2016. Le projet de loi de ratification a été déposé le 3 février 2016 au Sénat.

Le texte de l’ordonnance prévoit que les autorités citées aux articles L. 1231-1 et L. 1241-1 du code des transports, c’est-à-dire les communes, leurs groupements, la métropole de Lyon, les syndicats mixtes de transport, ainsi que le Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) ont la possibilité, avec l’accord du préfet, d’établir des servitudes d’utilité publique de libre survol. La distance entre les propriétés survolées et le point de survol le plus bas ne pourra pas être inférieure à 10 mètres.

Cette servitude d’utilité publique de libre survol engendrera également pour le bénéficiaire une servitude de passage, afin d’avoir accès aux propriétés privées survolées, pour y installer des dispositifs de faible ampleur nécessaires à la sécurité du système de transport. De même, si aucun autre moyen n’est possible, le bénéficiaire pourra accéder aux propriétés survolées afin de réaliser l’entretien et l’exploitation de l’installation et également établir des chemins nécessaires à des opérations d’évacuations ou d’entretiens. Les propriétaires des terrains se doivent de ne pas nuire au fonctionnement des installations.

Après avoir été informés des motifs des servitudes, ils disposent d’un délai de quatre mois pour présenter leurs observations. Par ailleurs ils peuvent percevoir une indemnité couvrant le préjudice. Si un accord amiable n’est pas trouvé, les conditions prévues au livre III du code l’expropriation pour cause d’utilité publique fixent le montant de l’indemnité. Enfin, si le propriétaire estime que son bien n’est plus utilisable, il peut demander, dans les dix ans suivant la notification de servitude, que son bien soit racheté en totalité ou en partie par le bénéficiaire de la servitude.

Les servitudes de survol d’utilité publique (mentionnée à l’article L. 1251-3 du code des transports) sont établies après une enquête parcellaire. L’enquête est organisée selon les dispositions des articles R. 131-1 à R. 131-10 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Au préalable les bénéficiaires doivent adresser au préfet du département un dossier contenant les motifs de l’implantation d’une installation nécessitant une servitude de survol, ainsi que des documents relatifs à la sécurité et des plans. L’enquête parcellaire est réalisée à l’aide de ce dossier. En parallèle à ces procédures est réalisée, avant la déclaration du projet ou la déclaration d’utilité publique, une enquête publique. Si les parcelles et les propriétaires concernés par la servitude de survol sont connus par le maître d’ouvrage avant la déclaration du projet ou la déclaration d’utilité publique, il est alors possible de réaliser simultanément l’enquête parcellaire et l’enquête publique. Ce sont les préfets qui établissent, par arrêté, la servitude. Celle-ci prend effet dès que l’arrêt est notifié aux propriétaires concernés. Lorsque le périmètre de la servitude de survol se situe sur le territoire de plusieurs départements, un arrêté conjoint est établi entre les préfets concernés.

Cette volonté du ministère et du législateur de développer le transport par câble en milieu urbain offre un champ de développement de cette activité notamment au groupe RATP, signataire en janvier 2015, d’un accord de coopération dans le domaine du transport par câble en milieu urbain avec une entreprise française, leader du marché. Cet accord, d’une durée de trois ans prévoit que les signataires partageront l’information sur les projets de transport par câble existants ou à venir dans le monde, étudieront l’opportunité de faire émerger de nouveaux projets en coopération et répondront en commun aux consultations qui les intéressent mutuellement dans le domaine du transport par câble.

Le transport par câble, en zone urbaine, s’inscrit donc dans les enjeux de la transition énergétique. C’est un mode de transport propre, silencieux et peu consommateur d’espace au sol. Le ministère aspire à ce qu’il ne soit plus réservé au seul secteur originel de la montagne. D’ailleurs la loi du 8 juillet 1941 qui établit une servitude de survol au profit des téléphériques est abrogée par l’ordonnance en tant qu’elle concerne le transport par câbles en milieu urbain. Cependant, les servitudes établies en milieu urbain dans le passé, à partir de cette loi de 1941, demeurent régies par les dispositions de cette même loi.

Votre Rapporteur ne peut que constater sur ce point une ambiguïté juridique, qu’il conviendrait de lever.

La situation résultant de ce texte porte en effet à confusion. Legifrance annonce que les 7 articles de la loi de 1941 sont abrogés par l’article 2 de l’ordonnance n° 2015-1495 du 18 novembre 2015 mais mentionne également qu’elle est abrogée en tant qu’elle concerne le transport par câbles en milieu urbain. Cependant il n’est pas fait de mention dans la loi de 1941 de zones ou milieux. Ainsi faut-il comprendre que cette loi de 1941 resterait en vigueur seulement pour les zones rurales et de montagne alors qu’elle n’y fait pas référence ? Doit-on se baser sur la distinction faite par l’INSEE qui fait référence au concept d’unité urbaine : « La notion d’unité urbaine repose sur la continuité du bâti et le nombre d’habitants. On appelle unité urbaine une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants. » ? Toujours selon l’INSEE : « Les unités urbaines sont redéfinies périodiquement. L’actuel zonage daté de 2010 a été établi en référence à la population connue au recensement de 2007 et sur la géographie du territoire au 1er janvier 2010. » Ce découpage peut-il être reconnu comme ayant une valeur légale ?

Il y a actuellement un projet de téléphérique urbain à Brest entre les deux rives du fleuve côtier de la Penfeld, qui sépare les quartiers de Siam et des Capucins. Le téléphérique est en construction et devrait être inauguré au second semestre 2016. Le ministère participe au projet à hauteur de 2,56 millions d’euros.

À Toulouse, le téléphérique urbain sud doit relier les trois sites suivants, l’Oncopole, le CHU Rangueil et l’université Paul Sabatier avec un tracé de 2,6 kilomètres. Après l’étape des discussions sur la faisabilité et la pertinence d’un tel projet, a débuté depuis la mi-janvier une consultation pour les marchés de conception, de réalisation et de maintenance du téléphérique afin de choisir, fin 2016, l’opérateur qui réalisera le téléphérique pour une mise en service au plus tard en 2020.

V) Ce dispositif concerne l’établissement de servitudes en tréfonds. Il a été élaboré dans l’optique de faciliter la réalisation du réseau de transport public du Grand Paris. La société du Grand Paris disposait déjà auparavant de la procédure d’expropriation d’extrême urgence (article 5 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris). La procédure de servitude d’utilité publique, qui s’y ajoute, a pour avantage de produire des effets bien plus rapides que la procédure d’expropriation d’extrême urgence. Il renvoie à un décret, paru dans des délais satisfaisants.

Le décret n° 2015-1572 du 2 décembre 2015 relatif à l’établissement d’une servitude d’utilité publique en tréfonds prévoit que la servitude (telle qu’elle est mentionnée à l’article 2113-1 du code des transports) est établie après une enquête parcellaire. L’enquête est organisée selon les dispositions des articles R. 131-1 à R. 131-14 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Ce sont les préfets qui établissent par arrêté la servitude. Lorsque les tréfonds se situent sur le territoire de plusieurs départements, un arrêté conjoint est établi entre les préfets concernés. Les propriétaires et les titulaires de droits réels concernés ont la possibilité de demander au bénéficiaire de la servitude une indemnité, dans un délai de six mois à compter de la réception de la notification. À l’arrêté du préfet est annexé un plan qui détermine l’emplacement et le volume des tréfonds.

Le VI prévoit des avantages en cas de covoiturage et le VII incite l’État à la fourniture de GNL et d’alimentation électrique dans les ports. Ces dispositions sont dépourvues d’effet contraignant, même si la directive 2014/94/UE du 22 octobre 2014 impose aux États membres qu’un nombre approprié de points de ravitaillement soit mis en place dans les ports. En conséquence est présenté, en annexe à la stratégie de développement de la mobilité propre un schéma national d’orientation pour le déploiement du GNL-carburant marin.

Article 53
Aires de covoiturage obligatoires sur les autoroutes

Introduit au Sénat sur une initiative de M. Jean Pierre Vial, et adopté par votre Commission spéciale, cet article incite les sociétés concessionnaires d’autoroutes à s’engager dans le développement du covoiturage, en mettant en place des aires adaptées et des actions de communication, est applicable sans autre texte.

Il semble qu’il n’a nullement été pris en compte par celles-ci.

Il convient donc de modifier cet article pour le rendre plus effectif, d’autant que l’annonce d’une hausse de 0,3 % des tarifs entre 2018 et 2020 a été présentée comme motivée notamment par la nécessité d’aménager les aires de covoiturage, cette explication apparaissant peu crédible à votre Rapporteur.

Article 54
Prise en compte des besoins de déplacement domicile-travail dans le schéma régional de l’intermodalité

Ce dispositif prévoit que le schéma régional de l’intermodalité tient compte des besoins de déplacement quotidien entre domicile et lieu de travail. Il ne nécessite aucun texte d’application.

Article 55
Plan de mobilité rurale

Le contenu du schéma régional de l’intermodalité et les plans de mobilité rurale sont d’application directe.

Article 56
Voies réservées aux transports en commun, aux taxis et à l’autopartage : demande de rapport du Gouvernement

Cet article prévoit la remise d’un rapport sur des « voies de bus » sur les autoroutes et voies assimilées en zone d’accès aux métropoles, dans un délai d’un an après la promulgation de la loi. En revanche, il ne porte pas, contrairement au texte adopté au Sénat, de mention de l’opportunité d’autoriser la circulation de transports en commun sur les bandes d’arrêt d’urgence.

Article 57
Émissions de particules fines dans le secteur du transport : demande de rapport au Gouvernement

Cet article prévoit la remise d’un rapport sur le bilan des émissions de particules fines dans le domaine des transports, dans un délai d’un an. Pas plus que le précédent, il n’a été suivi d’effet.

Article 58
(article L.318-3 du code de la route)
Délit de défapage

Cet article de droit pénal prévoit un mécanisme de sanctions pour altération d’un dispositif de maîtrise de la pollution sur un véhicule, dit délit de « défapage » (article 15 du projet de loi). Ce dispositif, qui vise aussi bien les logiciels que la propagande ou la publicité pour de telles altérations prévoit une peine principale (amende 7 500 €) et une peine complémentaire d’interdiction d’exercice professionnel. Il n’est pas douteux qu’il fera l’objet de demandes de question prioritaire de constitutionnalité, puisqu’il n’a pas été jugé conforme à la Constitution par la décision du 13 août 2015. On peut en effet rappeler que, par exemple, l’interdiction, comme peine complémentaire, de gérer un débit de boisson a fait l’objet d’une QPC, d’ailleurs rejetée (n° 2015-493 QPC du 16 octobre 2015). Il n’est pas douteux que cette nouvelle incrimination dès qu’elle s’appliquera fera l’objet de telles tentatives contentieuses.

Cet article de droit pénal, qui ne nécessite aucun texte subséquent, est directement applicable. Conformément aux principes qui régissent le droit pénal, il ne peut donc, puisqu’il crée une incrimination nouvelle, s’appliquer à des faits commis antérieurement à la loi. En revanche, il est pleinement applicable à tout retrait ou altération des filtres à particules ou d’éléments régulateurs de la consommation commis postérieurement à son entrée en vigueur.

Il convient d’insister sur le fait que ce délit vise les personnes physiques, nombreuses à proposer de tels dispositifs, notamment sur Internet, mais qu’il vise également les personnes morales, donc au premier chef des ateliers ou des vendeurs commerciaux de pièces détachées. On peut même s’interroger sur le point de savoir, sous les réserves indiquées ci-dessus, si le dispositif, même si tel n’est pas son objet premier, serait susceptible de s’appliquer à la mise en circulation de véhicules neufs qui auraient subi de telles altérations.

En particulier, votre Rapporteur rappelle que le 25 septembre 2015, le conseil de surveillance de Volkswagen diffusait le communiqué suivant : « Le Conseil de Surveillance de Volkswagen, lors de sa réunion d’aujourd’hui, a examiné attentivement la situation actuelle. Nous n’avons aucune excuse et cette manipulation a profondément choqué Volkswagen. La société ne veut laisser aucun doute subsister et veut aller au fond des choses, elle demandera des comptes aux responsables, et de ce fait elle prendra toutes les mesures nécessaires », ce qui s’est traduit en particulier par des rappels de véhicules frauduleusement modifiés.

Ainsi, à cette date, tout véhicule dont le logiciel aurait subi une altération volontaire de mécanisme anti-pollution est susceptible de tomber dans le champ d’application de cet article.

Article 59
Habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer la règlementation européenne concernant la teneur en soufre des combustibles marins

Ce dispositif prévoit la transposition par ordonnance de la directive 2012/33/UE du 21 novembre 2012 modifiant la directive 1999/32/CE en ce qui concerne la teneur en soufre des combustibles marins. Cette transposition, qui aurait dû intervenir avant le 18 juin 2014 est réalisée par l’ordonnance n° 2015-1736 du 24 décembre 2015 portant transposition de la directive. Elle fait référence à la convention Marpol et retient :

– en dehors des zones de contrôle, la teneur en soufre est inférieure ou égale à 3,50 % en masse jusqu’au 31 décembre 2019, puis inférieure ou égale à 0,50 % en masse à compter du 1er janvier 2020 ;

– et dans ces zones, la teneur en soufre est inférieure ou égale à 0,10 % en masse) ;

Elle prévoit également des valeurs distinctes pour les navires à passagers et les navires à quai. Ces valeurs sont compatibles avec celles de la Convention qui prévoit de ramener au plan général la teneur en soufre de 4,5 % à 0,5 % d’ici 2020 avec une règle plus stricte pour les écosystèmes fragiles. La peine encourue est d’un an d’emprisonnement et de 200 000 € d’amende, sauf notification par le capitaine d’une impossibilité technique.

Cet article comble donc un retard de transposition de la directive de 2012.

Article 60
Obligation de pavillon pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en produits pétroliers raffinés

Le dispositif modifié par cet article (article L. 631-1.I du code de l’énergie) faisait obligation, depuis la loi du 31 décembre 1992, aux raffineurs établis en métropole de disposer, en propriété ou par affrètement à long terme, d’une capacité minimale de transport maritime de pétrole brut sous pavillon français, c’est-à-dire en pratique immatriculés au registre international français, ce qui concrètement permet de recruter une proportion d’équipages français.

Cette capacité devait, avant la loi du 17 août 2015, être proportionnelle aux quantités de pétrole brut entrant dans la raffinerie concernée. L’article L. 631-2 du code de l’énergie limitait ainsi explicitement cette obligation de pavillon aux importateurs de pétrole brut, et non aux importateurs de produits raffinés hors métropole destinés à la consommation nationale. Cette version antérieure de la loi visait en effet « tout propriétaire d’une unité de distillation atmosphérique dans une usine exercée de raffinage de pétrole brut en France métropolitaine ».

La capacité minimale, exprimée en tonnes de port en lourd (TPL), devait être au moins égale à 5,5 % du tonnage de pétrole brut traité annuellement, la loi ayant fixé un seuil maximal de 8 %, le seuil effectif relevant du décret. Concrètement, il s’est alors agi du décret n° 93-279 du 4 mars 1993, lequel a retenu un taux de 5,5 %.

Le Conseil d’État a été saisi de ce texte, et par décision du 28 février 2001, il a rappelé :

1°) que ce système était contraire à la libre prestation de services au sein de l’Union européenne

2°) que des raisons de sécurité publique justifient cependant l’édiction de règles d’approvisionnement minimal, en faisant référence à la jurisprudence de la Cour de Justice

3°) à condition que les taux et modalités retenus n’excèdent pas ce qui est nécessaire à la protection de la sécurité publique.

Justifiée, au plan juridique, uniquement par ces « nécessités » et non par le maintien d’emploi de marins français – même si votre rapporteur partage évidemment cet objectif – l’article 60, dû à un amendement en séance, en première lecture à l’Assemblée, de M. Arnaud Leroy, tient compte de la diversification du marché des hydrocarbures, de la diminution de l’activité de raffinage en métropole et étend donc l’assiette de l’obligation de pavillon à l’ensemble des produits pétroliers importés mis à la consommation, qu’il s’agisse de produit brut ou raffiné, et non plus à la seule quantité de pétrole brut importé. L’article 60 étend donc l’obligation aux distributeurs, même s’ils ne sont pas eux-mêmes raffineurs, donc aux « indépendants », soit le secteur de la grande distribution.

Il vise à maintenir une capacité de transport sous pavillon français, indispensable en cas de conflit, ainsi que l’expertise qui y est associée. Pour autant, il intervient dans un contexte économique tendu. En quinze ans, le nombre de navires entrant dans le champ d’application de la loi est passé de seize à sept ; cette évolution, qui s’est traduite par la fermeture de BW Maritime France en 2012 et de Maersk Tankers France en 2014, aurait pu entraîner, à terme, la disparition totale de l’activité de transport sous pavillon français.

Le dispositif est donc à ramener à la volonté de maintien de transport d’hydrocarbures sous pavillon français, mais son appréciation doit également tenir compte de son fondement juridique qui est seulement un objet de sécurité publique, et, au plan économique, de l’activité globale de raffinage en France, dont le Conseil national de l’énergie constate la régression :

« Le déclin « inéluctable » du raffinage européen est par ailleurs quantifié : selon IFP Énergies nouvelles, il pourrait être « amené à reculer de 25 % à 35 % » d’ici à 2035, soit un recul supérieur de 10 points à celui de la consommation intérieure (baisse qui est entre autres due aux directives européennes relatives à la qualité des carburants et aux énergies renouvelables). Dès lors que les raffineries ne peuvent pas supporter un taux d’utilisation inférieur à 75/80 % (taux plancher atteint dans l’Union européenne depuis 2010), toute nouvelle baisse d’activité se traduira mécaniquement par des fermetures de sites. »

Source : CNE

En modifiant la réglementation, par une référence aux quantités mises à la consommation, l’article 60 procède donc à une extension de l’assiette de l’obligation de transport d’hydrocarbures sous pavillon français, et donc des assujettis à cette obligation. Il prévoit que ces assujettis peuvent signer avec les armateurs des contrats de couverture pour s’acquitter de leurs obligations, à défaut de disposer eux-mêmes de navires.

Le Conseil supérieur de la marine marchande a reporté, le 24 septembre 2015, l’examen du décret d’application de l’article, puis n’a pas rendu d’avis après une nouvelle saisine, le 7 décembre 2015, le visa portant la mention : « Vu la saisine du conseil supérieur de la marine marchande », sans qu’aucun document ne retrace ses travaux sur le site du conseil. Votre Rapporteur ne peut que souligner ce non-aboutissement de la procédure consultative prévue par le décret du 29 avril 2002 (n° 2002-647), l’avis étant, juridiquement, réputé donné, à compter du 7 janvier 2016, la première saisine étant caduque. Depuis le 26 février, le mandat triennal des 39 membres du Conseil, structure de dialogue entre les professionnels et l’administration, est d’ailleurs échu. Le décret n° 2016-176 du 23 février 2016 correspond donc également à la volonté de sortir d’une situation de blocage.

Ce texte :

– renvoie à un arrêté le soin de fixer la capacité de transport, dans la limite maximale, inchangée, de 8 %, et prévoit les conditions de calcul annuel, du 1er juillet au 30 juin, date cohérente avec celle de la transmission des données et avec l’exigibilité fiscale ;

– limite la proportion de pétrole lourd pris en compte pour l’obligation à 90 % de la capacité ;

– énumère les éléments qui ne sont pas pris en compte, dont les navires d’un tonnage inférieur à 5 000 tonnes, ce qui exclut des transports par cabotage de quantités mineures ;

– précise la possibilité pour les assujettis de signer un contrat de couverture par lequel un armateur s’engage à maintenir une capacité de transport sous pavillon français ;

– prévoit un rapport d’évaluation tous les deux ans, y compris de façon transitoire, destiné au Conseil supérieur de l’énergie et au Conseil supérieur de la marine marchande.

Intervenant sur un sujet sensible, mais permettant le maintien d’un transport d’hydrocarbures sous pavillon français en dépit de la situation du raffinage, l’article 60 et le décret du 23 février 2016 ramènent donc l’obligation à l’ensemble de la consommation. Pour autant, ils ne précisent pas davantage les conditions dans lesquelles cette obligation sera satisfaite (type de navires, nombre d’emplois …) lesquelles dépendent essentiellement du contrat de couverture, auquel l’administration est partie prenante. Le texte permettra de remplir l’obligation, par exemple en ayant recours seulement à un nombre très limité de navires d’une capacité supérieure à 20 000 tonnes. Les professionnels le considèrent donc comme insuffisamment protecteur.

Ce décret a continué à susciter des critiques, notamment à l’occasion du dépavillonnement du Samco Redwood, navire pétrolier de V. Ships France. Ce dépavillonnement récent fait suite au choix de l’Association pour le pavillon pétrolier français de retenir Socatra et Euronav pour conclure des contrats de couverture mutualisés et d’écarter les offres de V. Ships France et de Sea-Tankers. D’autres navires appartenant à ces compagnies pourraient faire l’objet de dépavillonnements. Cependant, Socatra a quant à lui fait passer un de ses navires, l’Astella, du pavillon Marshall au pavillon RIF.

L’intervention du décret n’a donc pas mis fin aux débats

Une tentative de remise en cause du texte par modification législative, a eu lieu, comme votre Mission l’a constaté sur d’autres sujets. Cette tentative coïncide dans le temps avec la parution du décret.

Un nouveau débat a en effet eu lieu, à l’initiative de notre collègue Arnaud Leroy, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue (n° 2964). En Commission du développement durable (amendement n° 37 CD, après l’article 12), puis en séance le 2 février 2016 (amendement n° 124, après l’article 12 ter), a été présenté un amendement permettant à chaque armateur de recourir aux contrats de couverture et précisant leur contenu, notamment sur le fait que la capacité doit comprendre une part de navires de moins de 20 000 tonnes, afin de mieux assurer une flotte diversifiée en tailles et types de navires. Le Gouvernement a alors rappelé que le système repose sur une nécessité de sécurité d’approvisionnement et qu’il n’est pas destiné à « satisfaire aux besoins de fonctionnement quotidien d’une économie en temps normal ».

Ainsi, seule une justification de sécurité des approvisionnements peut justifier la réglementation telle qu’elle résulte de l’article 60, alors que les professionnels cherchent une sécurité d’activité et d’emploi.

Ces amendements n’ont pas été adoptés à l’Assemblée nationale mais, lors de l’examen du texte en séance publique au Sénat, un amendement similaire présenté par Mme Des Esgaulx, MM. Pintat, César et D. Laurent (amendement n° 65 rectifié) a été adopté. Ce dispositif a été modifié par la commission mixte paritaire, et constitue l’article 59 de la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue. Il modifie l’article L. 631-1 du code de l’énergie pour prévoir que la capacité de transport maritime sous pavillon français dont les raffineurs doivent disposer « comprend une capacité de transport maritime de produits pétroliers et peut comprendre une capacité de transport maritime de pétrole brut, dans des proportions fixées par décret » et précise que « la capacité de transport de produits pétroliers comprend une part assurée par des navires de moins de 20 000 tonnes de port en lourd, dans des proportions fixées par décret ». Par ailleurs, il prévoit que les contrats de couverture d’obligation de capacité doivent être conformes à un contrat type approuvé par arrêté du ministre chargé de la marine marchande et que ces contrats doivent être eux-mêmes approuvés par le ministre.

L’article 59 de la loi pour l’économie bleue remet ainsi en cause le décret du 23 février 2016, et renvoie incontestablement au débat relatif à la libre prestation de services. Toutefois, le décret nécessaire à la mise en œuvre de cet article n’a pas encore été pris et c’est actuellement le décret du 23 février 2016 qui continue à s’appliquer.

Compte tenu de ces éléments, il serait souhaitable :

– que les travaux du Conseil supérieur de la marine marchande (CSMM) et que l’avis du Conseil supérieur de l’énergie soient rendus publics, et que l’absence d’avis du CSMM soit justifiée ;

– que le CSMM soit rapidement reconstitué ;

– que les rapports d’évaluation soient rendus publics et adressés par courtoisie, aux commissions parlementaires compétentes.

Article 61
Servitude de marchepied : itinéraire inscrit au plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée.

Compte tenu de la codification du droit de l’urbanisme par l’ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015, ce texte, qui ouvre aux plans départementaux des itinéraires de promenade et de randonnée la possibilité d’emprunter les emprises de marchepied, est d’application directe.

Article 62
Servitude de marchepied : cours d’eau ou lac domanial

Ce dispositif, qui prévoit que les servitudes de passages doivent être continues le long des cours d’eau ou lacs domaniaux, est également applicable de lui-même.

Des difficultés existent cependant s’agissant de la définition des cours d’eau. Une circulaire du ministère de l’Écologie et du Développement durable du 2 mars 2005, relative à la définition de la notion de cours d’eau, retient deux critères : la présence et la permanence d’un lit naturel à l’origine, ce qui exclut un canal ou un fossé creusé et la permanence d’un débit suffisant une majeure partie de l’année, critère apprécié au cas par cas en fonction de données climatiques et hydrologiques locales et à partir de « présomptions » (indication sur une carte IGN ou éléments cadastraux). Un arrêt du Conseil d’État EARL Cintrat du 21 octobre 2011, confirme ces critères (44).

Une notion distincte existe cependant par exemple à l’article D 615-46 du code rural, puisque cet article impose qu’une largeur de cinq mètres au minimum soit maintenue entre les cours d’eau et la partie cultivée des terres agricoles. L’arrêté du 24 avril 2015 relatif aux règles de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt (45) précise quels sont les cours d’eau le long desquels un agriculteur doit laisser une bande de 5 mètres en herbe, surface sur laquelle l’utilisation de traitements phytopharmaceutiques est interdite (46). Le critère tiré de la cartographie de l’Institut géographique national n’est pas systématique, les départements y sont classés en quatre catégories.

Il n’est donc pas surprenant qu’une instruction ministérielle du 3 juin 2015 (Devl 1506776 J) demande aux DREAL et aux directions départementales du territoire de procéder à une cartographie numérique des cours d’eau : on s’étonnera simplement du caractère tardif de cette instruction.

Votre Rapporteur souhaite que l’application de cet article, comme la prohibition d’utilisation des produits phytopharmaceutiques, étendue par l’article 68 de la présente loi, et celle du code de l’environnement, notamment des articles L. 214-9 (aménagements hydrauliques), L 214-17 et L 214-18 (zones de circulation et de fraye) ne souffrent pas de disparités résultant de définitions variables de la notion de cours d’eau.

Article 63
Servitude de marchepied : fixation de la limite des emprises

Cet article prévoit que les associations d’usagers, comme les communes, les EPCI, les départements ou les syndicats mixtes, peuvent demander à l’autorité administrative d’établir les limites des servitudes de marchepied. Un délai d’un an suivant la date de la demande est alors imposé pour que cette délimitation intervienne. Ces dispositions sont d’application directe.

Chapitre IV
Mesures de planification relatives à la qualité de l’air

Nombre des interlocuteurs de la Mission ont insisté sur le fait que la loi du 17 août 2015 est la première à comporter un dispositif opératoire spécifiquement consacré à la qualité de l’air, destiné à mettre effectivement en œuvre le « droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé » (article L. 220-1 du code de l’environnement).

Article 64
Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques

L’adoption d’un plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques est prescrite, depuis le 1er octobre 2002, par la directive 2001/81/CE du 23 octobre 2001 fixant des plafonds d’émission nationaux pour certains polluants atmosphériques, et a donné lieu à de nombreuses déclinaisons législatives : plan de protection de l’atmosphère, plan de déplacements urbains, etc. L’article 17 du projet de loi visait donc à actualiser le droit en créant un plan national intégrant des objectifs de réduction des émissions de polluants, plan devant faire l’objet d’une réévaluation quinquennale.

On peut s’interroger sur la pertinence du choix consistant à mettre en place un nouveau document sans regrouper en un seul les outils de planification de la qualité de l’air : l’article 64 prévoit ainsi de décliner les objectifs dans les schémas régionaux et dans les plans de protection de l’atmosphère. Sans rien ignorer de l’importance du sujet, votre Rapporteur souhaiterait qu’un travail d’harmonisation et de regroupement soit effectué. Ce souhait est d’autant plus formulé que selon Légifrance, le décret fixant les objectifs aurait dû paraître en juin 2016, ce qui fait que l’application de cet article n’est nullement satisfaisante.

Article 65
Contrôle technique des véhicules particuliers ou utilitaires légers : émissions de polluants et de particules fines

Issu de l’article 17 bis, dans une rédaction de la commission du Sénat, alors qu’initialement un amendement de M. Philippe Plisson avait prévu d’instaurer une obligation de diagnostic pour les transactions de véhicules d’occasion de quatre ans et plus, sur le modèle du bilan énergétique obligatoire exigé dans toute transaction immobilière, cet article porte sur le contenu des contrôles techniques de véhicules, d’une façon générale.

En cohérence avec l’article 48-I, il prévoit que : « ce contrôle porte sur les niveaux d’émissions de monoxyde de carbone, d’hydrocarbures imbrûlés, d’oxydes d’azote, de dioxyde de carbone et d’oxygène ainsi que de particules fines et permet de vérifier que le moteur est à l’optimum de ses capacités thermodynamiques. » et doit faire l’objet d’un décret d’application avant le 1er janvier 2017.

Ce mécanisme, sensible pour bien des automobilistes, n’a pas connu de retard d’application.

Le décret n° 2016-812 du 17 juin 2016 complète le contenu des contrôles techniques par la mesure des niveaux d’émission d’oxydes d’azote et de particules fines, tandis que le contrôle pour le diesel est plus précis : « mesure des niveaux d’émissions de monoxyde de carbone, d’hydrocarbures imbrûlés, d’oxydes d’azote, de dioxyde de carbone et d’oxygène. ». Au plus tard le 1er juillet 2017, ces méthodes seront harmonisées pour être pleinement mises en application au plus tard le 1er janvier 2019. Dans un premier temps, les contrôles se déroulent sans restitution dans les attestations.

L’article sera donc pleinement appliqué seulement en 2019, ce qui s’explique parfaitement par le temps nécessaire à l’adaptation des équipements, des centres de contrôle technique, mais aussi à la mise en place de normes centralisées.

Comme l’a mentionné la stratégie de développement de la mobilité propre, votre Rapporteur souligne que le comité interministériel pour la sécurité routière du 2 octobre 2015 a prévu la mise en place d’un contrôle technique lors de la vente des deux roues, qui entre en vigueur en octobre prochain. En rappelant, comme l’a fait le comité qu’un tel contrôle est en vigueur dans 17 pays de l’Union, il ne peut que souligner le bien-fondé d’une telle mesure, concernant environ 600 000 transactions par an (1/5e du parc), qui portera notamment sur les émissions polluantes.

Article 66
Planification territoriale en matière de qualité de l’air

Issu de l’article 18 du projet de loi, cet article adapte le droit applicable aux plans de protection de l’atmosphère (P.P.A.).

Les listes des agglomérations de plus de 100 000 et 250 000 habitants, seuils déterminants de l’application des articles L. 222-4 (obligation de mise en œuvre d’un plan de protection de l’atmosphère) et L. 221-2 (obligation de mise en place d’un dispositif de surveillance de la qualité de l’air et de ses effets sur la santé) du code de l’environnement et L. 1214-3 du code des transports (obligation de mise en place d’un plan de déplacements urbains) sont désormais fixées par arrêtés ministériels et mises à jour au moins tous les cinq ans. En conséquence, le décret n° 2016-848 du 28 juin 2016 adapte le code de l’environnement.

En outre, le décret n° 2016-753 du 7 juin 2016 relatif aux évaluations des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques à réaliser dans le cadre des plans de déplacements urbains prévoit les modalités d’élaboration des évaluations des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques prévues pour ces plans.

Le G.A.R.T. souligne que la principale nouveauté de l’article réside dans l’évaluation des émissions de polluants atmosphériques et l’extension du dispositif d’évaluation aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux, ce dont votre Mission souligne à son tour l’aspect positif.

Article 67
Obligation d’information de leurs clients par leurs prestataires de transport

« Toute personne qui commercialise ou organise une prestation de transport de personnes, de marchandises ou de déménagement doit fournir au bénéficiaire de la prestation une information relative à la quantité de gaz à effet de serre émise par le ou les modes de transport utilisés pour réaliser cette prestation » (article L. 1431-3 du code des transports).

Ce dispositif, antérieurement limité seulement au dioxyde de carbone, est applicable pour l’instant, sans texte, au territoire national et l’objet de l’article 67 est de l’étendre au-delà des frontières, en fonction d’une réglementation européenne ou internationale attendue.

On peut s’interroger sur la portée d’un tel mécanisme législatif, qui subordonne donc la loi nationale à l’existence éventuelle de normes relevant du droit européen ou international.

Article 68
Interdiction d’utilisation des produits phytosanitaires

Le dispositif d’interdiction des produits phytosanitaires est l’un de ceux dont l’application est la plus débattue. Il s’inscrit dans une longue série d’actions publiques pour réduire l’utilisation, nocive, de ces produits.

Dès juin 2006, un plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides a été mis en place et le « Grenelle de l’environnement » a confirmé les orientations de ce plan en prenant plusieurs engagements. Parmi ceux-ci, la réduction de moitié, à l’horizon de 10 ans, de l’emploi de pesticides de synthèse (plan « ECOPHYTO 2018 ») et le passage en agriculture biologique à 6 % de la surface agricole utile en 2010, en visant 20 % en 2020.

En 2008, plusieurs autres mesures ont été prises, notamment l’interdiction des trente produits jugés les plus toxiques, l’instauration d’une taxe sur les phytosanitaires, progressive en fonction de leur niveau de toxicité, taxe qui devrait augmenter au fil des années (actuellement régie par l’article L 853-8-2 du code rural) et l’octroi de crédits d’impôt en faveur de l’agriculture biologique. La publicité commerciale de ces produits est, en outre, interdite (L. 253-5 du code rural, loi du 13 octobre 2014).

C’est essentiellement la loi du 6 février 2014 qui posait, antérieurement au présent article, le cadre restrictif de l’utilisation de ces produits. Cette loi comporte deux volets :

– l’article L. 253-7 du code rural organise l’utilisation restrictive ou l’interdiction d’usage des produits phytosanitaires, définis par l’article L. 253-1 du même code, par référence à la réglementation européenne (Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009). Le II de cet article du code rural fait interdiction à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu’aux établissements publics « d’utiliser ou de faire utiliser les produits phytopharmaceutiques mentionnés au premier alinéa de l’article L. 253-1 du présent code, à l’exception de ceux mentionnés au IV du présent article, pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades accessibles ou ouverts au public et relevant de leur domaine public ou privé. Cette interdiction ne s’applique pas aux traitements et mesures nécessaires à la destruction et à la prévention de la propagation des organismes nuisibles mentionnés à l’article L. 251-3, en application de l’article L. 251-8. ». Cette règle devait s’appliquer à partir du 1er janvier 2020 ;

– un second volet prévoit l’interdiction, à compter du 1er janvier 2022, de la mise sur le marché, de la délivrance, de l’utilisation et de la détention de produits phytosanitaires pour un usage non professionnel, et concerne donc les particuliers.

L’article 68 de la loi :

– ajoute au champ des interdictions « les voiries » ; votre Rapporteur estime qu’il serait utile d’y rappeler la notion de cours d’eau, dès lors que celle-ci ferait l’objet d’une définition homogène, ce qui ne modifierait en rien le principe des interdictions existantes ;

– anticipe la date d’entrée en vigueur du premier volet, de 2020 au 1er janvier 2017 ;

– permet l’utilisation des produits phytopharmaceutiques « pour l’entretien des voiries dans les zones étroites ou difficiles d’accès, telles que les bretelles, échangeurs, terre-pleins centraux et ouvrages, dans la mesure où leur interdiction ne peut être envisagée pour des raisons de sécurité des personnels chargés de l’entretien et de l’exploitation ou des usagers de la route, ou entraîne des sujétions disproportionnées sur l’exploitation routière » ;

– restreint les possibilités, déjà dérogatoires, de pulvérisation aérienne (soumises à autorisation et temporaires) au seul cas de « danger sanitaire grave », cette interdiction prend effet au 31 décembre 2015 ;

– anticipe le second volet au 1er janvier 2017. À compter de cette date, les produits phytopharmaceutiques ne peuvent être cédés directement en libre-service à des utilisateurs non professionnels ; d’ici cette date, un programme de retrait de la vente en libre-service est mis en place.

Suite à une disposition adoptée en première lecture à l’Assemblée, visant seulement à anticiper les dates d’entrée en vigueur des dispositions, le débat le plus complet sur ce point a eu lieu le 13 février 2015, (article 18 bis), au Sénat, marquant les réticences du Rapporteur sénatorial sur l’extension à la voirie et sur la notion de « danger sanitaire grave ». La partie technique est actuellement régie par un arrêté du 12 septembre 2006, modifié sur un point technique par arrêté du 12 juin 2015, dont a priori, la modification ne s’impose pas, même s’il comporte un dispositif spécifique sur les points d’eau : il inclut déjà, de ce fait, la voirie.

La modification, actuellement envisagée de cet arrêté, pour étendre une interdiction aux zones cultivées non adjacentes ou en périphérie des lieux d’habitation, n’est donc pas directement due au présent article.

En effet, le texte est d’effet direct, sans nécessiter de dispositif d’application. Pour autant, l’article 68 n’éteint pas d’autres débats.

Ainsi, lors du débat du projet de loi de reconquête de la biodiversité, le 22 janvier 2016, le Sénat a rejeté (à l’article 51 quaterdecies) des amendements prévoyant d’interdire l’usage des néonicotinoïdes, que ce soit à échéance du 1er septembre 2016 ou du 1er janvier 2017, qui s’appuient sur un rapport de l’ANSES du 12 janvier 2016, (n° 2015-SA-0142) et contrairement à la position prise en première lecture par l’Assemblée. Un amendement a été adopté en en deuxième lecture, le 17 mars 2016, pour rétablir cette interdiction, à effet du 1er janvier 2017. Ce dispositif est devenu l’article 125 de la loi, à effet du 1er septembre 2018. Ce dispositif, auquel votre Rapporteur a pris toute sa part, résulte ainsi d’une volonté parlementaire longuement débattue : il convient, ici comme ailleurs de veiller à ce que toute tentative de retour en arrière soit écartée.

Le 14 février 2016, à Bordeaux, a eu lieu une manifestation contre l’utilisation de tels produits dans les vignes. Même si on peut estimer, d’ici quelques années que de nouveaux cépages, obtenus par hybridations, permettront de limiter ces usages, pour l’instant ceux-ci sont en expérimentation notamment à l’INRA de Colmar, le plus avancé sur le sujet.

L’interdiction, toujours débattue, de produits agressifs pour l’environnement constitue également une incitation à la recherche agronomique.

TITRE IV
LUTTER CONTRE LES GASPILLAGES ET PROMOUVOIR L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE : DE LA CONCEPTION DES PRODUITS À LEUR RECYCLAGE

(Rapporteure : Mme Buis)

Passagers clandestins d’un texte qui ne traitait pas du sujet – seules trois dispositions définissant l’économie circulaire et portant sur les éco-organismes étaient prévues par le projet de loi initial – les 33 articles du Titre IV sont très largement dus au débat parlementaire. La loi a ainsi été enrichie d’un volet relatif au tri, à la collecte et au traitement des déchets, dans le cadre du système de responsabilité élargie du producteur, appliqué à de nouveaux domaines : tissus d’ameublement, literie, navires de plaisance ou bouteilles de gaz, et la question de son extension à la maroquinerie est posée par l’article 92.

Ce Titre comporte également de nouveaux objectifs, volontaristes, de tri et de traitement des déchets et de réduction de leurs volumes. S’il procède par quelques prohibitions, dont celle, emblématique, des sacs et ustensiles de vaisselle plastiques, il s’inscrit plutôt dans une démarche de droit souple, incitant de manière non directive à des comportements vertueux. Peut-être, sur certains points, la loi gagnerait-elle à définir, prohiber ou à permettre des sanctions adaptées.

En termes d’application, il convient de souligner que 22 des articles du présent Titre ne nécessitent pas de texte règlementaire. Les autres dispositions renvoient à 17 reprises à des textes d’application, dont 11 décrets en Conseil d’État. L’application apparaît globalement, satisfaisante, ce qui n’exonère nullement votre Mission d’une analyse détaillée de chaque dispositif. Celle-ci ne peut se faire que par référence aux objectifs posés par l’article 70, et donc à la situation actuelle.

Le traitement des déchets fait apparaître que la France est dans une situation satisfaisante par rapport aux autres pays européens, même si un débat existe au niveau de l’Union sur les normes. Si celles-ci devaient retenir le moins disant, les efforts accomplis en France ne traduiraient pas la situation réelle du pays. Le taux de recyclage des déchets s’élève en France à 60 %. En 2011, le taux de recyclage des emballages est de 88 % pour les papiers-cartons, 74 % pour les métaux, 23 % pour les plastiques et 71 % pour le verre.

La France compte plus de 4 000 déchetteries qui traitent 30 millions de tonnes de déchets par an, et si un manque existe au niveau de la collecte, il porte essentiellement sur les points et bornes de collecte, parfois insuffisants.

Sur les 90 millions de tonnes que représentent les déchets non minéraux non dangereux, dont 26 millions de tonnes sont produits par l’industrie et 22,1 millions de tonnes par les ménages, un tiers est composé de déchets banals (métaux, papiers, verres, plastiques), à fort potentiel de valorisation. Les déchets non minéraux non dangereux, sont traités pour près de la moitié avec un taux de recyclage de 44 %, leur taux de valorisation global est de 60 %.

C’est essentiellement vers le plastique et le bois qu’il faut faire porter désormais les efforts. Dans cette perspective, le Titre IV présente un ensemble de mesures différenciées, mais permettant une action d’ensemble coordonnée et cohérente pour atteindre les objectifs fixés par l’article 70.

Pour être, donc, entrée tardivement dans le champ de la loi, l’économie circulaire n’en est pas moins d’ores et déjà largement identifiée. Au niveau des biens mis sur le marché, le décret n° 2014-1577 du 23 décembre 2014 relatif à la signalétique commune des produits recyclables qui relèvent d’une consigne de tri, entérine l’utilisation du logo TRIMAN qui s’applique aux produits recyclables. La mise en place de ce logo, sous l’égide de l’ADEME, permet d’identifier les produits recyclables, relevant d’une consigne de tri et qui sont soumis aux dispositifs de responsabilité élargie du producteur, hors équipements électriques et électroniques, piles et accumulateurs et déchets diffus spécifiques (soumis à des marquages spécifiques notamment dans le cadre d’obligations européennes).

La loi étend le système de responsabilité élargie du producteur à des champs nouveaux, qui permettront de maintenir la France dans une situation satisfaisante au niveau du tri sélectif et du retraitement des déchets. Comme le rappelle le cabinet Deloitte dans une étude disponible sur le site de l’ADEME : « Près de 400 dispositifs REP ont été recensés dans le monde par l’OCDE en 2013. Plus de 200 d’entre eux ont été mis en œuvre en Europe, en particulier sous l’impulsion de certaines directives européennes (emballages, DEEE, Piles et accumulateurs, VHU). La France, avec 17 filières REP mises en place sur des produits variés, est le pays où l’adoption de ces dispositifs couvre le plus large champ », champ que la loi a pour ambition d’étendre.

Faut-il aller au-delà ? Certains acteurs, comme par exemple France Nature Environnement plaident pour l’instauration d’une TVA réduite sur les activités de prévention, de collecte et de recyclage au profit des collectivités ayant mis en place une collecte sélective des bio-déchets. Quoi qu’il en soit, une telle fiscalité, sélective, doit éviter d’introduire une complexité supplémentaire dans le système.

Article 69
Stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire

Cet article prévoit la mise en place d’une stratégie quinquennale de transition vers l’économie circulaire : ce dispositif ne nécessite pas de textes d’application. Mais il comporte cependant deux petites ambiguïtés : si le texte dispose que le Gouvernement « soumet » cette stratégie au Parlement, rien n’est dit sur la manière dont le Parlement l’examine. Cette ambiguïté est explicable : la loi ne peut prévoir d’organiser un débat parlementaire. En outre, aucune date n’est prévue pour le dépôt de la première stratégie.

Cette stratégie est particulièrement attendue. Comme l’indique notre collègue François Michel Lambert, en sa qualité de président de l’institut de l’économie circulaire : « Nous en réclamons rapidement la parution, car cette stratégie doit permettre de baliser une transformation de la société pour sortir du gaspillage, et pas seulement de traiter des déchets, par une évolution règlementaire et fiscale définie et acceptée à l’avance. Dans cette stratégie devrait aussi être portée la montée en puissance des achats publics coordonnée à l’offre de produits issus de l’économie circulaire, c’est-à-dire recyclés, réutilisés, réemployés, issus de ressources naturelles renouvelables gérées durablement, ou donnant lieu à d’autres démarches comme la fonctionnalité. À cette date aucun document préalable n’a été présenté. »

Votre Mission suggère donc, comme le permet l’article 132 de notre Règlement, que la première stratégie fasse l’objet d’un débat par l’Assemblée, quinze jours au moins après cette « soumission », qu’elle espère prochaine.

Article 70
Transition vers une économie circulaire et objectifs de la politique de prévention et de valorisation des déchets

Cet article vise à donner une définition de l’économie circulaire et de la politique de gestion des déchets, dans le cadre de l’objectif de développement durable (I article L. 110-1 du code de l’environnement). Le texte ne prévoit pas moins de quatre rapports et d’une étude tri-annuelle pour déterminer les progrès de la valorisation énergétique.

Il n’en comporte pas moins, par ailleurs, des dispositions opératoires, y compris dans leur partie programmatique.

Il fixe en particulier comme objectifs :

– la réduction de 10 % de la production de déchets ménagers à l’horizon 2020 (base 2010) ;

– la valorisation, à la même date, de 55 % des déchets non dangereux non inertes et la réduction à la même date de 30 % du flux de ces déchets admis en stockage ;

– le tri de l’ensemble des emballages plastique d’ici 2022 ;

– la généralisation du tri à la source d’ici 2025 ;

– la valorisation sous forme de matière de 70 % des déchets du secteur du BTP en 2020.

Ce dernier objectif donne une idée du chemin restant à parcourir, si on se fonde sur le rapport que l’ADEME a fait paraître le 29 septembre dernier dans le cadre du projet DEMOCLES, démarche collaborative intégrant l’ensemble de la chaîne des acteurs du bâtiment concernés par la gestion des déchets de second œuvre lors de chantiers de démolition ou de réhabilitation.

Rapport de l’ADEME sur les déchets des bâtiments (47)

On estime la production annuelle des déchets du bâtiment à 38,2 millions de tonnes :

49 % de déchets inertes (qui ne se décomposent pas, ne brûlent pas et n’entretiennent aucune réaction avec l’environnement)

48,6 % des déchets non dangereux (définis par défaut)

2,4 % des déchets dangereux (bois traités, sources lumineuses, etc..).

Ces derniers, comme l’amiante ou le plomb sont exclus du champ de l’objectif de valorisation. L’ADEME estime que ce taux était de 50 % (chiffre 2008). L’objectif de 70 % n’est donc pas hors de portée. L’ADEME a identifié l’essentiel des blocages concernant les déchets de second œuvre, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas constitutifs de la structure du bâtiment qui représente un flux de 10,2 millions de tonnes par an et sont classés en 24 catégories et pour lesquelles 14 filières de valorisation ont été identifiées, intégrant les conditions de reprise sur les chantiers (en particulier le conditionnement requis). Recyclés pour l’instant à moins de 35 % en moyenne, ces déchets, selon, les conclusions du projet pourraient l’être jusqu’à 80 % à périmètre de coût constant. Le non-mélange des déchets dans les bennes, lors de la phase d’évacuation vers le centre de traitement du gestionnaire des déchets, en permettrait une valorisation optimale.

Le rapport élabore des recommandations concrètes à l’usage des maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre pour la gestion des déchets (prise en compte de la gestion des déchets dans les documents de consultation des entreprises, suivi de la gestion des déchets pendant la phase de réalisation des chantiers, ...), et sur les compétences requises pour la dépose sélective (formation à la dépose sélective pour les conducteurs de travaux, les chefs de chantier, les ouvriers de la démolition…). En particulier, il suggère une formation spécifique dans les écoles d’architectes.

Cet exemple témoigne bien de la nécessaire implication de tous les acteurs pour que les objectifs de la loi puissent être atteints. Au-delà, le présent article ne nécessite aucun texte d’application, si ce n’est une adaptation du « cadre règlementaire » applicable aux combustibles solides de récupération. Toutefois, on peut situer comme contribuant à la mise en œuvre de cet article l’essentiel des dispositions du décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 portant diverses dispositions d’adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets.

Prévention et gestion des déchets : le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016

Le décret prévoit que la collecte des ordures ménagères se fasse au moins une fois par semaine en porte à porte, ou suivant des modalités de collecte de performances équivalentes, dans les zones agglomérées de plus de 2 000 habitants permanents et non plus de 500 comme tel était le cas auparavant. Ces modalités de collecte ne s’appliquent pas dans les zones où ont été mises en place une collecte des ordures ménagères résiduelles par apport volontaire ou une collecte séparée des biodéchets.

Les modalités de collecte sont déterminées par le maire ou le président du groupement de collectivités territoriales compétent, par arrêté motivé, après avis de l’organe délibérant de la commune ou du groupement, puis portées à la connaissance des administrés par la mise à disposition d’un guide de collecte. Le décret précise les éléments devant figurer dans ce guide (porte à porte, collectes séparées, apport en déchetterie, mécanisme de financement, sanctions etc.).

Le préfet peut édicter des dispositions dérogeant temporairement ou de façon saisonnière aux modalités de collecte, par arrêté motivé, pris après avis de l’organe délibérant des communes ou des groupements de collectivités territoriales compétents pour la collecte des déchets des ménages et du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques.

Votre Rapporteure, tout en soulignant les brefs délais de parution du décret estime :

– que le délai de parution des guides doit être aussi approché que possible de la parution des arrêtés municipaux ;

– que l’exception liée aux biodéchets, en ce qu’elle se réfère aux quantités ainsi soumises à collecte séparée risque de s’avérer complexe.

Il reste que le texte lui-même est perfectible, comme en témoigne l’analyse suivante de la FEDEREC.

Un des moyens de soutenir l’activité des entreprises du recyclage comme d’augmenter les volumes de MPR mises sur le marché réside dans l’application réelle et concrète d’une mesure phare de la loi dite TECV : la réduction de 30 % les quantités de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage en 2020 par rapport à 2010, et de 50 % en 2025 (I. 7° de l’article L. 541-1 du code de l’environnement). À ce jour, les pouvoirs publics considèrent que cet objectif pourra être atteint par la seule incitation à travers la mise en place des Plans Régionaux de Prévention et de Gestion des Déchets (PRPGD) or les Conseils Régionaux n’ont aucun pouvoir de police susceptible de réguler les volumes envoyés en décharges. Certes, les préfets peuvent décider de ne plus accorder d’autorisation d’exploitation ou d’extension pour les sites existants, mais le surdimensionnement des sites de stockage actuellement en exploitation sur le territoire national est tel que ce pouvoir de police ne sera d’aucune utilité pour limiter les entrées en décharge. Seules les obligations faites aux exploitants d’un pourcentage toujours croissant de valorisation matière seraient de nature à infléchir la tendance. Malheureusement aujourd’hui, ces objectifs fixés par les éco-organismes sont encore trop souvent considérés comme des seuils qui, une fois atteints, conduisent directement le reste des déchets concernés en incinérateur ou en décharge. Si l’augmentation de la valorisation matière des déchets non dangereux non inertes à 55 % en 2020 et 65 % en 2025 est elle aussi prévue par la loi, il faut que ces deux mesures s’accompagnent d’une incitation plus ferme, qui pourrait passer par la mise en place de mesures adaptées annexées aux autorisations d’exploitation et présentant des plans de réduction des volumes annuels donnant lieu à sanction en cas de dépassement.

Source : Federec

Article 71
Intégration dans le cahier des charges des concessions hydrauliques de conditions relatives à la récupération et à la valorisation des bois flottants

Cet article inclut le retraitement des bois flottants dans le contenu des charges des concessions hydrauliques. Il n’y a que cet article de la loi qui implique une modification du contenu du cahier des charges des concessions hydroélectriques (défini à l’article L. 521-4 du code de l’énergie). Il ne nécessite aucun décret d’application. Toutefois, le décret n° 2016-530 du 27 avril 2016 relatif aux concessions d’énergie hydraulique et approuvant le modèle de cahier des charges applicable à ces concessions prévoit un nouveau modèle de cahiers des charges dans lequel il est établi que le concessionnaire récupère les bois flottants accumulés sur ses installations en vue d’une valorisation ultérieure lorsqu’elle est techniquement possible. Les bois flottants et dérivants extraits de la retenue sont ensuite traités suivant les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Le décret précise que ces modalités ne peuvent conduire à générer des risques excessifs pour les personnels du concessionnaire ou pour la sécurité de l’exploitation. La nouvelle disposition de récupération des « bois flottant » s’applique à toutes les concessions. Selon ce décret du 27 avril, « pendant toute la durée de la concession, le concessionnaire garantit la conformité des ouvrages au contrat de concession ainsi qu’aux dispositions législatives et réglementaires et aux normes en vigueur ».

Le nouveau modèle de cahiers des charges figure en annexe du décret du 27 avril 2016. Cette dernière précise en préambule que ce modèle de cahier des charges constitue une trame pouvant être adaptée ou complétée au cas par cas afin de prendre en compte les spécificités de chaque concession.

Le cahier des charges des concessions hydroélectriques se compose désormais de 11 chapitres : objet et règles générales de la concession ; consistance domaniale de la concession et règles financières ; obligations générales relatives à la sécurité et à la gestion de l’eau ; entretien, renouvellement et exploitation des ouvrages ; suivi de l’exécution du contrat et événements pouvant survenir en cours d’exécution du contrat ; gestion des personnels ; régime financier de la concession ; contrôles et sanctions ; fin de la concession ; stipulations finales.

Ce nouveau cahier des charges remplace l’ancien cahier des charges types des entreprises hydrauliques concédées, publié par le décret n° 99-872 du 11 octobre 1999 modifié, qui est abrogé depuis le 1er mai 2016, date d’entrée en vigueur du décret du 27 avril 2016.

Votre Rapporteure estime que ces dispositions sont à même d’optimiser l’utilisation de nos ressources naturelles, ce qui était l’objectif de l’amendement à l’origine de cet article. Elle s’interroge toutefois sur le point de savoir si ce cahier des charges, et la loi nouvelle ne doivent être respectés que lors de l’octroi d’une concession d’énergie hydraulique précédé d’une publicité et d’une mise en concurrence ou s’ils doivent conduire à modifier les concessions existantes.

En effet, l’article 71 est applicable, mais les concessions déjà conclues ne sont pas rétroactivement soumises au décret du 27 avril 2016, sous peine de porter atteinte par voie règlementaire, à l’économie des concessions en cours, auxquelles sont applicables les règles générales relatives aux situations contractuelles. Elle souhaite donc que cette ambiguïté soit levée, y compris au besoin par une précision législative, et elle penche personnellement pour une application de la loi nouvelle, dont l’application n’est pas subordonnée à la parution d’un texte réglementaire, et compte tenu de son objet, aux concessions en cours.

Article 72
Intégration d’objectifs en matière de consignes dans les cahiers des charges des éco-organismes

Le dispositif ajoute aux mentions des cahiers des charges des éco-organismes les dispositifs de consigne pour recyclage. Il figure toutefois au nombre des mesures d’application nécessaires selon Légifrance.

Article 73
Interdiction à compter du
1er janvier 2020 de la mise à disposition des gobelets verres et assiettes jetables de cuisine en matière plastique

Cet article, dû à l’adoption d’un amendement de notre collègue François Michel Lambert, a explicitement été jugé conforme à la Constitution. Il prévoit d’étendre « la mise à disposition » des gobelets, verres et assiettes jetables de table en matières plastiques non constitués de matières biosourcées, c’est-à-dire qu’il impose une part d’origine biologique de matière incorporée dans ces ustensiles.

Selon une enquête de l’INSEE (48) de 2008, ces éléments représentent 30 000 tonnes de plastique par an.

Le Sénat avait tenté de substituer à l’interdiction un système de tri à la source et de collecte séparée de ces déchets, mais un tel système aurait été concrètement, particulièrement difficile à mettre en place.

Il convient de souligner que seule la « mise à disposition » de ces ustensiles est visée par le texte. La distinction entre emballages et ustensiles est à cet égard pertinente. De ce fait, par exemple, les compagnies aériennes, qui servent des boissons dans des gobelets en plastique, et parfois de la nourriture ainsi conditionnée ne sont pas concernées : il s’agit de récipients d’emballage, qui ne sont pas concernés par cet article et qui, pour leur part, répondent à la définition donnée par l’article 3 de la directive européenne du 20 décembre 1994 (49), texte que d’ailleurs le présent article ne transpose pas, comme l’a relevé le Conseil constitutionnel.

Conseil Constitutionnel, décision n° 2015- 773 DC du 13 août 2015

25. Considérant que l’article 73 est relatif à l’interdiction de la mise à disposition d’ustensiles jetables de cuisine en matière plastique à compter du 1er janvier 2020 ; qu’il complète l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement par un paragraphe III, dont le premier alinéa prévoit, à compter du 1er janvier 2020, la fin de la mise à disposition des « gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique, sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées » ; que le second alinéa du nouveau paragraphe III de l’article L. 541-10-5 renvoie à un décret le soin de fixer les modalités d’application du premier alinéa ;

26. Considérant que les députés requérants soutiennent qu’en interdisant la mise à disposition d’ustensiles de cuisine qui répondent à la qualification d’« emballage » au sens de la directive européenne du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages, l’article 73 méconnaît l’article 88-1 de la Constitution ; qu’ils reprochent également à cet article de méconnaître l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ;

27. Considérant que les dispositions contestées n’ont pas pour objet de transposer une directive européenne ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 88-1 de la Constitution est inopérant ;

28. Considérant que les dispositions de l’article 73, qui ne sont pas inintelligibles et ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution ;

Le décret n° 2016-1170 du 30 août 2016 relatif aux modalités de mise en œuvre de la limitation des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique était prévu par cet article pour fixer la teneur biosourcée minimale des gobelets, verres et assiettes et conditions dans lesquelles cette teneur est progressivement augmentée. Il retient (article D. 543-296 du code de l’environnement) que la teneur biosourcée minimale des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique est de 50 % à partir du 1er janvier 2020 et de 60 % à partir du 1er janvier 2025.

Au niveau législatif et règlementaire, le dispositif est donc complet. On peut s’interroger sur le délai prévu pour la mise en œuvre de cette prohibition, mais il convient de souligner que la date de 2020 est destinée à permettre une adaptation des fabricants – lesquels estiment que 650 emplois sont en cause – mais aussi un apurement de la question de la compatibilité d’une telle interdiction avec le droit européen. Une notification (n° 2016/95/F) a été adressée à la Commission européenne, le 26 février 2016, et le dispositif est donc validé au regard du droit de l’Union. Le respect scrupuleux de la procédure explique les délais de parution du décret, au demeurant parfaitement compatibles avec le calendrier prévu pour l’application de cet article.

Votre Mission doit en outre souligner la qualité de l’information fournie sur ce point comme sur l’article suivant, par la direction générale de la prévention des risques.

Article 74
Objectif de découplage entre la croissance économique et la consommation de matières premières

L’article pose le principe du découplage progressif entre le taux de croissance du PIB et la consommation intérieure de matières premières. Il ne nécessite pas de texte d’application.

Le WWF (50) a fait à ce sujet l’observation suivante : « L’amélioration de l’efficacité énergétique et les économies d’énergie constituent un pilier essentiel de la transition énergétique. Les efforts mondiaux en ce domaine peuvent être mesurés grâce à l’intensité énergétique reliant la croissance économique et la consommation d’énergie. Selon Sustainable Energy for All, des progrès en matière d’intensité énergétique (Banque mondiale, 2013) ont mené à une chute de 1,7 % par an sur la période 2010-2012 (51). C’est un meilleur taux que celui de la décennie précédente, mais il n’est pas encore suffisant pour atteindre l’objectif Énergie durable pour tous de 2,6 % par an. Cette tendance récente a essentiellement été tirée par des pays à haut revenu (de 1,5 % par an sur 2000-2010 et 2,6 % sur 2010-2012). »

Cependant, il semble que, concernant la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire incluant un plan de programmation des ressources, seuls quelques travaux sur le plan de programmation des ressources ont été initiés entre les ministères, ce qui fait prendre du retard à la mise en œuvre de ce dispositif.

Article 75
Interdiction de distribution des sacs plastiques

Cet article, dû à l’initiative de votre Rapporteure, mais aussi d’une proposition de loi (n° 1682) de MM. Bruno Le Roux et Arnaud Leroy, prohibe l’usage des sacs de caisse, complétant ainsi l’article 73.

Il insère ces dispositions à l’article L 541-10-5 du code de l’environnement, lequel comportait déjà, depuis la loi du 12 juillet 2010, l’obligation de signalétique portant sur les consignes de tri, sur les emballages ménages et les produits recyclables – à l’exception du verre – et sur l’obligation de reprise des déchets en grande surface.

L’article 75, sans modifier ce dispositif :

– interdit la vente, la mise à disposition et l’usage de sacs fabriqués à partir de plastiques dits « oxo fragmentables » ;

– interdit les sacs de caisse en plastique à compter du 1er janvier 2016 ;

– prohibe, à compter du 1er janvier 2017, les autres sacs en matière plastique dans les points de vente, sauf ceux qui, composés de matières biosourcées, sont recyclables ;

– et prohibe les envois de presse et de publicité sous plastique et de l’usage des autres sacs, à la même date.

Cet article est l’un de ceux dont les incidences concrètes sont les plus facilement identifiables : 5 milliards de sacs plastiques sont mis en circulation chaque année.

Il renvoie, pour la mise en œuvre du dispositif concernant les sacs plastique, applicable à tous les commerces, à un décret en Conseil d’État.

Initialement annoncé pour octobre 2015, ce décret est finalement paru le 30 mars 2016, après une consultation du public, ouverte le 6 août 2015 et close le 11 septembre 2015, et une notification adressée à la Commission européenne le 25 septembre 2015, laquelle a permis la parution du décret.

Directive du 20 décembre 1994, article 4

« 1 bis. Les États membres prennent des mesures visant à réduire durablement la consommation de sacs en plastique légers sur leur territoire.

Ces mesures peuvent comprendre le recours à des objectifs nationaux de réduction, le maintien ou la mise en place d’instruments économiques, ainsi que des restrictions à la commercialisation par dérogation à l’article 18, à condition que ces restrictions aient un caractère proportionné et non discriminatoire.

Ces mesures peuvent varier en fonction des incidences sur l’environnement qu’ont les sacs en plastique légers lorsqu’ils sont valorisés ou éliminés, de leurs propriétés de compostage, de leur durabilité ou de la spécificité de leur utilisation prévue ».

Le décret n° 2016-379 du 30 mars 2016, applicable au 1er juillet 2016, fixe la teneur biosourcée minimale des sacs en matières plastiques à usage unique, définis sans égard au volume de leur contenance, comme tous les sacs inférieurs à 50 microns d’épaisseur :

« – 30 % à partir du 1er janvier 2017 ;

« – 40 % à partir du 1er janvier 2018 ;

« – 50 % à partir du 1er janvier 2020 ;

« – 60 % à partir du 1er janvier 2025.

Ces délais sont de nature à permettre une adaptation progressive des process industriels.

Le décret prévoit d’indiquer par marquage que ces sacs peuvent être utilisés en compostage, doivent faire l’objet d’un tri séparé et ne doivent pas être abandonnés dans la nature.

Ce décret n’appelle aucune remarque, si ce n’est sa date tardive de parution, explicable sans nul doute par sa scrupuleuse conformité avec les normes européennes – notamment sur la définition du polymère par référence au règlement n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil. Ce retard n’entraîne pas concrètement de retard d’application, même si l’article 1er du décret définit les sacs de caisse, dont la prohibition était théoriquement applicable, selon la loi, au 1er janvier 2016.

Pour faciliter l’application de cette nouvelle disposition, l’ADEME a mis en place un soutien financier à hauteur de 30 000 euros maximum pour les collectivités territoriales lauréates de l’appel à projet « territoire zéro déchet zéro gaspillage » qui anticipent l’application de ce dispositif. Cette aide servira à la sensibilisation et à l’information des commerces dans les territoires, mais également à l’achat de sacs réutilisables ou « biosourcés », biodégradables.

Le mécanisme d’ensemble – hors envois de presse et de publicité – devait faire l’objet d’un rapport au Parlement au plus tard le 1er janvier 2018, mais il est peu probable que, compte tenu de la date de parution du décret et de l’entrée en vigueur d’une partie du mécanisme au 1er janvier 2017, les effets puissent être mesurés dès cette date.

En toute hypothèse, votre Rapporteure constate que cet article, comme le précédent ne paraît pas assorti de sanctions en cas de manquement constaté. Elle souhaite donc que le texte soit modifié à cet effet.

Article 76
Schéma de promotion des achats publics responsables

Cet article, qui modifie l’article 13 de la loi relative à l’économie sociale, est dû à l’adoption d’un amendement de votre Rapporteure, pour prévoir que l’adjudicateur d’un marché public doit adopter un schéma de promotion des achats publics, non seulement socialement mais également écologiquement responsable et en assure la publication ; il précise que le schéma inclut des éléments à caractère écologique et « contribue également à la promotion d’une économie circulaire ».

Il ressort de l’article 2 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, qui a abrogé les dispositions actuelles du code des marchés, que : « la décision de l’acheteur prend notamment en compte les impératifs de sécurité de l’information et d’approvisionnement, la préservation des intérêts de la défense et de la sécurité de l’État, l’intérêt de développer la base industrielle et technologique de défense européenne, les objectifs de développement durable, l’obtention d’avantages mutuels et les exigences de réciprocité ».

Votre Rapporteure doit reconnaître que ce dispositif, d’ordre incitatif, adopté par la commission spéciale en septembre 2014, perd un peu de sa cohérence du fait de l’ordonnance du 23 juillet 2015, dans lequel il aurait dû être intégré.

En outre, l’article 13 de la loi n° 2014-856, qui prévoit l’existence de ce schéma de promotion des achats publics ne s’applique qu’aux marchés d’un montant supérieur à 100 millions d’euros hors taxe (décret n° 2015-90 du 28 janvier 2015), ce dispositif étant lui aussi postérieur au vote du dispositif.

Aussi serait-il souhaitable que le dispositif soit intégré au code des marchés, et que l’économie circulaire soit mentionnée au titre des critères de choix des décisions d’adjudication.

Article 77
Enlèvement des épaves de véhicules. Récupération des véhicules. Gestion des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE). Contrôle des transferts transfrontaliers de déchets.

Cet article porte à titre principal sur l’enlèvement des épaves de véhicules sur la voie publique, par le maire, et après injonction au propriétaire s’il est connu.

Le I fixe les conditions dans lesquelles le maire peut faire enlever une épave, soit vers une casse, même si ce véhicule est sur une propriété privée, soit vers une mise en fourrière si le véhicule est réparable et le II prévoit la remise des véhicules à la casse par les assureurs. Les pouvoirs du maire sont ainsi comparables à ceux qu’il détient en matière d’immeubles menaçant ruine (articles L. 511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation et 2213-24 du code général des collectivités territoriales), également justifiés par un pouvoir général de police dans l’intérêt de la salubrité publique et de l’environnement. Si à la connaissance de votre Rapporteure ces dispositions n’ont jamais fait l’objet d’une QPC, même lorsqu’il s’agit d’une propriété privée, il n’apparaît pas douteux que l’intérêt général justifie totalement de tels dispositifs.

Le III édicte l’obligation pour les opérateurs de déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) de passer un contrat avec un éco organisme pour assurer le traitement de ces déchets. Ce sont tous les opérateurs, publics ou privés, en charge de la collecte et/ou du traitement de ces déchets d’équipements électriques et électroniques, qui sont désormais débiteurs de cette obligation de contracter, et non plus seulement les opérateurs de traitement. Les déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers sont concernés ainsi, à compter du 1er janvier 2017, que les déchets d’équipements électriques et électroniques professionnels. Le V en fixe l’entrée en vigueur au 1er janvier 2017.

La section 2 du décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 portant diverses dispositions d’adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets applique cette obligation.

Un opérateur de traitement doit contracter directement, soit avec un éco-organisme, soit avec un système individuel. Ce faisant, ce décret interprète l’article L. 541-10-2 du code de l’environnement (52) tel qu’il résulte de l’article 70, comme permettant de réaliser une chaîne de contrats, jusqu’à un éco-organisme ou un système individuel. Ainsi, un opérateur de collecte, de transit ou de regroupement doit contracter, soit avec un éco-organisme, soit avec un système individuel, soit avec un opérateur de traitement qui a lui-même contracté avec un éco-organisme ou un système individuel.

Le décret prévoit l’intervention d’un arrêté interministériel pour définir les dispositions et clauses minimales devant figurer dans les contrats et il organise le contrôle de l’obligation de contracter : tout opérateur concerné par l’obligation de contracter doit mettre à disposition des inspecteurs de l’environnement les contrats et documents justificatifs, sous peine d’amende (750 € pour une personne physique, 3 750 € pour une personne morale).

Le IV organise la transmission de renseignements entre les agents des douanes et ceux de la direction générale de la prévention et des risques.

Le VII, qui organise la possibilité de vente de pièces détachées issues de l’économie circulaire, prévoit un décret pour définir ces pièces et en établir la liste de catégories de pièces détachées incluses dans le champ du dispositif. Le texte pertinent (article L. 121-117 du code de la consommation) est applicable à compter du 1er janvier 2016, sans qu’une date précise de décret soit mentionnée, alors que la parution du décret conditionne l’entrée en vigueur du dispositif.

Le décret n° 2016-703 du 30 mai 2016 fait obligation au professionnel de permettre au consommateur d’opter pour l’utilisation de pièces issues de l’économie circulaire, sauf :

« 1° Lorsque le véhicule fait l’objet de prestations d’entretien ou de réparation réalisées à titre gratuit, ou sous garanties contractuelles, ou dans le cadre d’actions de rappel conformément aux dispositions de l’article R. 321-14-1 du code de la route ;

« 2° Lorsque les pièces issues de l’économie circulaire ne sont pas disponibles dans un délai compatible avec le délai d’immobilisation du véhicule qui est mentionné sur le document contractuel signé entre le professionnel et son client relatif à la nature des prestations d’entretien ou de réparation à réaliser ;

« 3° Lorsque le professionnel mentionné à l’article R. 121-26 estime que les pièces de rechange automobiles issues de l’économie circulaire sont susceptibles de présenter un risque important pour l’environnement, la santé publique ou la sécurité routière.

Ce dispositif fera appel aux centres « véhicules hors d’usage » (VHU) prévus par l’article R 322-9 du code de la route et aux articles R 543-161et suivant du code de l’environnement, dont l’article R 543-164 prévoit que le cahier des charges mentionné à l’article R 543-162 impose aux centres VHU agréés, notamment :

1° De procéder au traitement des véhicules pris en charge dans un ordre déterminé, en commençant par la dépollution ;

2° D’extraire certains matériaux et composants ;

3° De contrôler l’état des composants démontés en vue de leur réutilisation et d’assurer, le cas échéant, leur traçabilité par l’apposition d’un marquage approprié, lorsqu’il est techniquement possible ».

Les centres VHU agréés ont donc l’obligation d’effectuer la dépollution du véhicule et le démontage de certaines pièces encore en état en vue de leur réutilisation dans les conditions prévues par le présent dispositif. Ils doivent atteindre un taux minimum de réutilisation et recyclage de 3,5 % de la masse moyenne des véhicules et un taux minimum de réutilisation et valorisation de 5 %, hors métaux. Ils transmettent ensuite le véhicule aux broyeurs.

Mais ceci n’exclut pas, dans ce domaine comme dans d’autres l’existence de circuits parallèles : nombre de véhicules sont démontés, et les ventes de pièces ont lieu par annonces ou commerce électronique. Il convient donc de donner un plein effet au mécanisme du VII de l’article. À cet égard, on peut juger que l’obligation faite au professionnel est définie en termes trop souples : « permettre d’opter » n’est pas nécessairement faire une offre, d’autant que les avantages tarifaires ne sont pas nécessairement présentés au consommateur et que le professionnel estime le risque de l’usage d’une pièce rechapée, or, en principe, ce risque n’existe pas puisque cette pièce a été récupérée par un centre VHU.

Aussi peut-on considérer que le décret du 30 mai 2016 ne valorise pas toutes les potentialités de la loi et que perdureront les phénomènes de vente sauvage de pièces détachées, lesquels présentent des risques beaucoup plus importants que ceux mentionnés dans le décret, puisqu’aucune procédure ne les valide.

Il convient donc de renforcer l’action des centres VHU. Un sous-amendement n° 1517 à l’article 43 du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (n3623) débattu le 9 juin 2016, tendant à ce que les dirigeants des centres VHU fassent l’objet d’une qualification minimum, a cependant été rejeté. Même si elle semblait loin de l’objet de l’article 77, cette proposition visait en fait à renforcer les exigences professionnelles d’une filière dont la transparence et la traçabilité de l’activité constituent un facteur essentiel de bonne application de la loi.

Article 78
Valorisation des déchets de construction et interdiction de dépôt et enfouissement sur les terres agricoles

L’obligation de prouver l’utilisation des déchets valorisés en BTP et l’interdiction d’enfouissement – sauf compost – ne nécessite pas de décret d’application.

Article 79
Planification de la réduction de consommation de papier à usage bureautique et réemploi des déchets de chantiers routiers

Devant être mise en vigueur d’ici 2020, avec certaines modalités d’application au 1er janvier 2017 pour les papiers, cet article fixe un objectif de réduction de 30 % de la consommation de papiers bureautiques d’ici 2020, de 25 % de consommation de papiers recyclés à compter du 1er janvier 2017, porté à 40 % d’ici 2020.

Il fixe également un objectif de réemploi de 70 % des déchets de chantiers routiers d’ici 2020, avec des modalités d’application à partir de 2017.

Ces dispositions ne nécessitent pas de décrets d’application mais doivent être intégrées aux appels d’offres. Il est souhaitable de savoir si une circulaire sera prise, notamment à destination des collectivités territoriales.

Article 80
Consignes de tri pour la collecte séparée des déchets d’emballages et de papiers graphiques, application nationale

Cet article prévoit la collecte séparée des déchets d’emballages et de papiers graphiques sous l’égide de l’ADEME. Il est d’application directe.

La situation actuelle se caractérise par le faible taux de retraitement des déchets plastique, qui ne font l’objet que d’un faible tri sélectif. On relève en effet que :

– 63 % (en progression) de la collecte s’effectue en collecte « bi-flux », qui sépare les déchets de papiers graphiques et les déchets d’emballages ménagers hors verre en mélange, d’une part, et les déchets en verre d’autre part ;

– 19 % (en baisse) de la collecte s’effectue en tri-flux : déchets de papiers graphiques ; déchets d’emballages ménagers hors verre et déchets d’emballages ménagers en verre ;

– 6 % (stable) en collecte tri-flux : déchets de papiers graphiques et d’emballages ménagers en carton ; déchets d’emballages ménagers en plastiques et en métaux ; verre ;

– et 6 % en mixte ;

L’ADEME a donc publié les recommandations suivantes à l’attention des collectivités territoriales.

Tri sélectif : recommandations de l’ADEME aux collectivités territoriales

Privilégier l’un des deux schémas suivants :

multimatériaux : 1 flux contenant l’ensemble des déchets de papiers graphiques et d’emballages ménagers, hors verre. Les déchets d’emballages en verre sont collectés à part ;

papiers-cartons / plastiques-métaux : 1 flux contenant les déchets de papiers graphiques et d’emballages ménagers en papier et en carton et 1 flux contenant les déchets d’emballages ménagers en plastiques et en métaux (acier et aluminium). Les déchets d’emballages en verre sont collectés à part. Selon les connaissances actuelles il n’existe pas un schéma ne présentant que des avantages.

Pour autant ces deux schémas ne sont pas équivalents. Ainsi les études et les réflexions de la collectivité sur l’optimisation de l’organisation de la collecte, doivent intégrer une analyse locale de la pertinence spécifique de chacun des deux schémas multimatériaux ou papiers-cartons / plastiques-métaux en fonction des spécificités du territoire.

Pour les collectivités ayant actuellement une consigne de tri incomplète (un ou des matériaux ne sont pas intégrés à la collecte séparée des recyclables) une évolution vers une consigne de tri portant sur l’intégralité des papiers et des emballages, en cohérence avec l’un des deux schémas recommandés est à prévoir.

Pour les collectivités ayant actuellement un schéma de collecte séparée autre que multimatériaux, ou emballages / papiers ou papiers-cartons / plastiques-métaux, une évolution du schéma est à prévoir, en s’appuyant sur le renouvellement naturel des parcs de contenants, voire des marchés de collecte, et au plus tard d’ici 2025.

Contrairement au schéma de collecte, le mode de collecte, porte-à-porte ou apport volontaire, n’a pas d’influence sur le fonctionnement des centres de tri et la reprise des flux triés sortants. Les réflexions concernant le mode de collecte peuvent si besoin être conduites à un niveau plus local tout en veillant à la cohérence avec l’approche sur les schémas de collecte.

La complémentarité des modes doit être recherchée pour les différents territoires d’une même collectivité.

Il est préférable de réaliser, autant que possible, tous les changements concernant la collecte de façon concomitante.

Article 81
Mise en
œuvre de la responsabilité élargie des producteurs de bouteilles de gaz destinées au ménage

Cet article pose le principe d’une responsabilité élargie du producteur pour les bouteilles de gaz.

Légifrance juge nécessaire une adaptation réglementaire, sans que le texte renvoie explicitement à un décret.

Le décret n° 2016-836 du 24 juin 2016 relatif aux modalités de consigne ou de système de reprise équivalent des bouteilles de gaz destinées à un usage individuel et à la gestion des déchets de bouteilles de gaz prévoit les conditions de reprise par les metteurs sur le marché. Il prévoit une obligation d’information et de reprise à titre gratuit par le metteur sur le marché des déchets de ses propres bouteilles de gaz, sur demande des exploitants des installations qui ont collecté ces déchets.

Toutefois, nombre des interlocuteurs de la Mission ont reconnu que la mise en place de ce dispositif ne produit jusqu’ici que très peu d’effets concrets.

Votre mission regrette la parution tardive de ce décret, qui pourtant ne paraît pas soulever de difficultés techniques. Il est souhaitable, en particulier, que des bouteilles vides n’alimentent plus des déchets de chantier.

Article 82
Obligation de caractérisation des déchets

Cet article prévoit une obligation faite aux professionnels de conditionnement des déchets dangereux.

Il ne nécessite aucun texte d’application.

Article 83
Gouvernance des éco-organismes

Cet article prévoyait que : « quand un éco-organisme est constitué sous forme de société, la majorité du capital social appartient à des producteurs, importateurs et distributeurs auxquels l’obligation susvisée est imposée par les dispositions de la présente section, représentatifs des adhérents à cet éco-organisme pour les produits concernés que ceux-ci mettent sur le marché français »

C’est l’un des rares articles déclaré non conforme à la Constitution par la décision du 13 août 2015 :

Conseil constitutionnel, décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015

35. Considérant qu’en adoptant l’article 83, le législateur a entendu, pour favoriser la diminution de la production de déchets, éviter que les éco-organismes ne soient contrôlés par des entreprises de traitement des déchets qui, contrairement aux entreprises soumises au principe de « responsabilité élargie du producteur », n’ont pas intérêt à voir diminuer le volume des déchets à la source ; qu’il a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ;

36. « si les dispositions contestées pouvaient imposer que la majorité du capital d’un éco-organisme constitué sous forme de société soit détenue par des producteurs, importateurs et distributeurs représentatifs des adhérents à cet éco-organisme pour les produits concernés, elles ne pouvaient imposer une telle obligation nouvelle aux sociétés et à leurs associés et actionnaires sans que soient prévues des garanties de nature à assurer la protection du droit de propriété et de la garantie des droits, qui ne sauraient relever du décret en Conseil d’État prévu par le paragraphe X de l’article L. 541-10 du code de l’environnement dans lequel les dispositions contestées s’insèrent ; …il en résulte une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la garantie des droits ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, l’article 83 est contraire à la Constitution »

Votre Mission ne peut que prendre acte de cette décision : certains actionnaires actuels auraient pu être lésés par cette nouvelle structure du capital, sans qu’une indemnisation préalable soit prévue par le texte. Pour autant, la gouvernance des éco organismes pose de multiples questions, dans un secteur mêlant des agréments de la puissance publique, des situations concurrentielles, des recettes captives, des obligations de service public, des liens complexes avec les collectivités territoriales, à la fois contractantes et bénéficiaires de ces organismes, etc.

Il serait très souhaitable que le Parlement procède à une évaluation spécifique de cette question.

Article 84
Tarification incitative de deuxième niveau applicable aux collectivités territoriales

Le principe de la tarification incitative vise à introduire, dans les modes de financement du service public de collecte des déchets (redevance d’enlèvement des ordures ménagères ou taxe d’enlèvement des ordures ménagères), une part variable en fonction de l’utilisation du service.

La loi prévoit que les collectivités territoriales progressent vers la généralisation d’une telle tarification incitative en matière de déchets, avec pour objectif, selon les acteurs concernés, une couverture de 15 millions d’habitants en 2020 et 25 millions en 2025.

Article 85
Recyclage des navires

Le règlement européen (UE) n° 1257/2013 du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 relatif au recyclage des navires et modifiant le règlement (CE) n° 1013/2006/CE prévoit les modalités de recyclage des navires. Le Gouvernement, a donc, par voie d’amendement, ajouté un dispositif (article 19 undecies) pour en permettre l’application.

L’article L. 5242-9-1 du code des transports, ainsi créé par le présent article, prévoit l’obligation de notifier au ministre chargé de la mer l’intention de recycler un navire. Le décret n° 2015-1573 du 2 décembre 2015 précise les modalités de cette notification.

Il dispose que tout propriétaire notifie par écrit au chef du centre de sécurité des navires compétent son intention de recycler le navire dans une installation ou des installations de recyclage données. La notification comporte au minimum l’inventaire des matières dangereuses à bord du navire, les informations pertinentes du plan de recyclage de navire ainsi que la ou les installations de recyclage des navires retenues parmi celles figurant sur la liste établie par la Commission européenne.

On doit relever une légère différence procédurale entre l’article L. 5242-9-1 du code des transports et le décret d’application. La loi prévoit que la notification de l’intention de recycler un navire se fait par écrit au ministre chargé de la mer, cependant l’article premier du décret précise que la notification se fait par écrit au « chef du centre des navires compétent ». Dans la mesure où la détermination de l’autorité chargée de recevoir cette notification relève de la compétence du règlement et non de la loi, votre mission suggère, pour éviter toute ambiguïté, que le Premier ministre procède sur ce point à une demande de déclassement en application de l’article 37 alinéa 2 de la Constitution.

Article 86
Constat des infractions au code de l’environnement

Cet article prévoit que le constat des infractions au code de l’environnement peut être le fait des officiers de police judiciaire, agents et agents de police adjoints. Ce texte est directement applicable.

Article 87
Transport de déchets

Le dispositif, qui fixe de nouveaux objectifs au transport des déchets, et inscrit dans la loi un principe de proximité est d’application immédiate. Il doit se traduire par la limitation de nouvelles installations de tri biomécanique. Le dispositif est parfaitement explicite et a été relevé comme tel par le juge administratif :

« Considérant que, par ces dispositions, le législateur a énoncé de manière claire et précise un objectif de développement du tri à la source des déchets organiques ; qu’il a précisé que cette pratique devrait être généralisée pour tous les producteurs de déchets avant 2025 ; que l’accomplissement de cet objectif doit permettre à chaque citoyen de disposer d’une solution lui permettant de ne plus jeter ses biodéchets dans les ordures ménagères résiduelles ; que le législateur a également entendu tirer les conséquences de cet objectif en précisant qu’il devait d’ores et déjà être mis un terme au développement des installations nouvelles de tri mécano-biologique des ordures ménagères résiduelles », le tribunal administratif de Pau (53), a donc annulé une autorisation d’exploiter une unité de traitement mécano-biologique d’ordures ménagères. Ce tribunal administratif rappelle que : « la généralisation du tri à la source des biodéchets, en orientant ces déchets vers des filières de valorisation matière de qualité, rend non pertinente la création de nouvelles installations de tri mécano-biologique d’ordures ménagères résiduelles n’ayant pas fait l’objet d’un tri à la source des biodéchets ».

Le tribunal administratif de Rennes, dans un jugement du 24 juin 2016 (n° 1302205), va cependant dans un sens inverse, en « considérant que les requérantes contestent le choix du processus industriel retenu, qui est celui du tri mécano-biologique (TMB), au motif qu’il méconnaîtrait les dispositions précitées du code de l’environnement et qu’il n’assurerait pas une qualité optimale de compost dès lors qu’il ne permet pas de garantir l’entrée exclusive de déchets biodégradables non souillés dans sa fabrication ; que, toutefois, les dispositions précitées du code de l’environnement, postérieures à l’arrêté attaqué, qui se limitent à regarder comme non-pertinente la création de nouvelles unités de trimécano-biologique et à ce titre, à les écarter de toute aide publique, n’interdit pas formellement le procédé, encore moins les installations existantes, et comme en l’espèce, en service ».

Ces deux décisions ne sont cependant pas contradictoires : la première statue sur la création de nouvelles installations, la seconde sur les installations existantes, même si elle rappelle que la loi ne comporte pas une prohibition formelle.

Ces décisions ont été largement commentées par bon nombre d’acteurs de la Mission. Il n’incombe pas à celle-ci d’interpréter la loi mais d’en apprécier l’application. En l’espèce, le contentieux se poursuivant, il n’incombe pas à celle-ci de prendre position, à ce stade.

Article 88
Cahier des charges des éco-organismes

Cet article dans la continuité du précédent vise le contenu des cahiers des charges des éco organismes, notamment pour mentionner le principe de proximité, au titre du contenu facultatif de ces cahiers des charges.

Il ne nécessite pas de texte d’application.

Article 89
Extension de la responsabilité élargie du producteur aux navires de plaisance ou de sport

Le dispositif de la loi mettant en place une REP pour les navires de plaisance (54) est applicable, selon le I, à compter du 1er janvier 2017, sous réserve d’un texte d’application, annoncé pour novembre 2016, dont la parution est conditionnée par un avis de l’ADEME.

Comme l’indique notre collègue François-Michel Lambert, consulté par la mission en sa qualité de président de l’Institut de l’économie circulaire : « Le problème de ce type de REP portant sur des produits finis, c’est que nous ne savons pas suffisamment démontrer la démarche vertueuse apportée par une véritable politique de traitement des produits en fin de vie. Ainsi aujourd’hui une perte économique importante et majeure est due à l’abandon des navires : pollution environnementale et des paysages, culture de l’abandon, consommation de fonciers ou risques de circulation, mais aussi perte de la valorisation en aval lors de la déconstruction, voire même pertes définitives du navire. Ainsi, la société D3EPaca située à Bouc Bel Air, financée par fonds publics, démontre la pertinence d’une politique volontariste d’évacuations des navires en fin de vie : réparation parfois, réutilisation composants, recyclage matières, mais aussi libération du foncier. La mobilisation des fonds publics de la Métropole Aix Marseille Provence a ses limites. L’absence de ressources complémentaires risque à terme de supprimer ces récupérations et d’amener au licenciement de plusieurs dizaines de personnes. Une REP permettrait de responsabiliser les détenteurs de navires. Elle devrait être activée au plus tôt. »

Ce dispositif a pourtant été remis en cause, contre l’avis du Gouvernement, par un amendement adopté le 23 mars 2016 dans le cadre de l’examen, au Sénat, de la proposition de loi relative à l’économie bleue, à l’initiative de M. Michel Vaspart (article 55 de la loi n° 2016- 816 du 20 juin 2016 pour l’économie bleue (55)) qui a repoussé l’entrée en vigueur du texte d’un an, au motif que l’étude d’impact rédigée par l’ADEME ne serait pas prête à temps.

Pourtant, le Gouvernement indiquait : « Le rapport intermédiaire sera déposé le 29 avril, et nous aurons le rapport final le 17 juin. C’est ce document qui servira de base à la rédaction du cahier des charges soumis à la concertation avec la filière au mois de septembre pour l’agrément de l’éco-organisme. », et aucun retard n’est imputable à l’ADEME. Le rapport a été remis dans ces délais et sa mise en ligne a eu lieu au mois de septembre (56). Ce rapport estime à 147 000 le stock de navires à déconstruire ou à rénover, soit 41 000 tonnes.

Le dispositif de la loi économie bleue apparaît donc comme dilatoire.

En outre le Sénat avait tenté de plafonner la contribution financière du secteur à 0,5 % du prix de vente pour chaque bateau neuf, ce dispositif a été rejeté par votre Assemblée et ne figure pas dans la loi du 20 juin 2016.

Votre mission souhaite donc le maintien du délai initial, ou la mise en œuvre rapide du dispositif, avant le 1er janvier 2018, date d’entrée en vigueur du dispositif, et de ce fait l’abrogation de l’article 55 de la loi pour l’économie bleue.

Selon le II), une quote-part de 5 % maximum du produit du droit annuel de francisation est affectée à la gestion de fin de vie des navires. Ce texte renvoie, logiquement, à la loi de finances, mais il le fait dans des conditions contestables : – « son montant et l’organisme affectataire sont fixés annuellement par la loi de finances » – puisque le domaine de la loi de finances relève de la seule compétence de la loi organique.

Article 90
Information sur les caractéristiques environnementales des produits

Ce dispositif prévoit une meilleure information des consommateurs : « les producteurs réalisant volontairement une communication ou une allégation environnementale concernant leurs produits sont tenus de mettre à disposition conjointement les principales caractéristiques environnementales de ces produits ».

Un projet de décret a été préparé par le Commissariat général au développement durable. Pour une bonne application de cette mesure, il y a nécessité de préciser les critères permettant de justifier de la qualité de l’information environnementale. Selon l’ADEME, l’enjeu est important en termes de préfiguration d’une généralisation de l’affichage environnemental. Ce décret aurait été en effet, le seul texte à portée normative sur la communication des industriels concernant les caractéristiques environnementales de leurs produits.

À la réflexion, le Gouvernement a jugé que dans la mesure où le renvoi au décret n’était pas explicitement prévu par cet article, il était inutile de poursuivre le processus.

Ainsi il est probable que cet article restera sans effet, puisqu’il ne concerne que des situations volontaires et qu’il définit une obligation sans critère ni sanctions. Votre mission considère donc qu’il convient de réécrire ce texte, en renvoyant explicitement au décret le soin de définir les caractéristiques environnementales des produits et en incitant les producteurs à les mettre à disposition des consommateurs.

Article 91
Extension du périmètre de la responsabilité élargie du producteur papier à compter du 1er janvier 2017

Ce dispositif porte sur l’éco contribution provenant des déchets liés à la presse, dans le cadre d’un mécanisme de responsabilité élargie du producteur. Le texte tend à résoudre la vieille question de l’assujettissement de la presse à une éco contribution. Une première version qui, dès 2002, portait sur les seuls imprimés distribués (catalogues, publicités distribuées dans les boites aux lettres, …) – y compris gratuits – avait été censurée pour rupture d’égalité (Conseil Constitutionnel n° 2002-464 DC du 27 décembre 2002). Les dispositions en vigueur jusqu’ici provenaient de l’article 84 de la loi de finances pour 2008 (n° 2007-1822), loi non déférée au Conseil Constitutionnel et dont le champ est partiel.

L’application de l’article 91, qui pose le principe de cet assujettissement, est d’autant plus délicate qu’il résulte d’une élaboration parlementaire progressive (article 21 bis A du texte de l’Assemblée, résultant d’un compromis à partir d’un amendement du Sénat) dont il est difficile de tirer des conclusions certaines.

Après avoir souhaité exonérer les publications de presse (57), la ministre a présenté le dispositif final de la façon suivante (58) : « Je crois qu’exempter l’ensemble de la presse de toute la responsabilité du recyclage serait un très mauvais signal. Cet amendement propose néanmoins de tenir compte des difficultés économiques actuelles de la presse écrite. La filière REP est donc maintenue, mais la presse pourra éventuellement s’acquitter de ses obligations sous forme d’actions de sensibilisation du public sur l’importance du tri et du recyclage des papiers. Un décret devra paraître dans les meilleurs délais pour distinguer les différentes catégories de publications de presse et pour préciser quelle proportion de contribution pourra être versée sous forme financière, et quelle proportion en nature. ».

Le dispositif retient la possibilité pour la presse (59) de contribuer en « tout en partie » en nature. Cela suppose l’existence de trois situations :

– un paiement intégral en nature, sous forme d’encarts publicitaires ;

– un paiement mixte, intégrant une part de numéraire et une part de contribution en nature ;

– un paiement intégral en numéraire.

C’est bien la loi, telle qu’elle a été validée par le Conseil constitutionnel, qui conduit à prévoir des cas où la contribution s’exécute seulement en nature.

Dans la décision n° 2015-718 DC du 13 août 2015, le Conseil constitutionnel, saisi de cet article, notamment sur le renvoi au décret du soin de fixer les conditions dans lesquelles la contribution est faite sous forme d’encarts publicitaires, en fonction des caractéristiques des publications – ce qui revient, en fait à déterminer les catégories de publications qui peuvent s’acquitter de l’obligation autrement qu’en payant – a jugé que l’éco-contribution n’est pas une « imposition de toute nature » au sens de l’article 34 de la Constitution mais une redevance pour service rendu. Elle échappe en conséquence à la détermination par la loi de son taux de son assiette et de ses modalités de recouvrement.

Le Conseil constitutionnel a jugé « qu’en adoptant les dispositions du a) du 2° du paragraphe I de l’article 91, le législateur a prévu que l’ensemble des publications de presse désormais soumises à la contribution pourront s’acquitter de tout ou partie de cette contribution sous forme de prestation en nature… il n’a donc pas institué de différence de traitement entre les catégories de publications de presse ». La question du respect du principe d’égalité est donc reportée au décret, lequel doit tenir compte à la fois des travaux préparatoires et du texte lui-même.

Une mission a été confiée, le 31 juillet 2015 par les ministres de l’écologie et de la culture à MM. Serge Bardy et Gérard Miquel, qui ont remis leurs conclusions le 17 février 2016, conclusions reprises dans le décret.

Ce texte devait donc assujettir, d’une manière générale, les publications de presse à une éco-contribution qui peut être versée « en tout ou partie » sous forme de prestations en nature, ces dernières prenant la forme d’une mise à disposition d’encarts publicitaires destinés à informer le consommateur sur la nécessité de favoriser le geste de tri et le recyclage. La question fondamentale, était de dégager des critères pertinents et de savoir si la presse peut être exonérée de contribution financière en fonction de la catégorie de publications en cause. Or, le critère de la presse d’opinion, souvent avancé, ne paraît pas ici pertinent au regard des objectifs de la loi.

Les caractéristiques de publication, visées par le décret, doivent donc être objectives : nature du papier et des encres, modalités de récupération, etc., et respecter l’objet de l’éco contribution : contribuer à la collecte et au recyclage des papiers à usage graphique. Les conditions d’intervention du décret sont donc délicates puisque des critères objectifs ne sont pas faciles à combiner : tonnages, qualité des papiers en cause, récupération des déchets spécifique (notamment pour les gratuits) (60) ou par reprise d’invendus, zones de l’activité, etc. Le débat a largement porté sur les conditions d’assujettissement de la presse au mécanisme. L’ADEME avait, sur la base de 54 € HT la tonne de papier, estimé un produit de 36 millions d’euros dont 13,7 millions d’euros au titre de la presse magazine et 14,7 millions d’euros au titre de la presse payante. Les conclusions de nos collègues aboutissaient à un rendement de l’ordre de 11 millions d’euros, puisqu’ils suggéraient une possibilité de s’exonérer du paiement au profit d’une contribution « en nature » notamment par insertion d’encarts publicitaires. Celle-ci devait, pour les auteurs du rapport, être subordonnée à quatre critères, chacun valant pour 25 % d’obtention d’une contribution en nature :

– des achats de papier de 100 % de papier recyclé ou certifié, et trois ans après l’entrée en vigueur du décret un minimum de 50 % de fibres recyclées – ce critère étant cohérent avec l’article 79 de la loi ;

– pas plus d’un élément perturbateur de recyclage – les blisters postaux sont considérés comme tels ;

– des achats de papier effectués dans un rayon de 150 kilomètres ;

– et enfin, l’affichage environnemental.

Ce travail, particulièrement précis puisqu’il abordait par exemple la question de l’exclusion des invendus, prévoyait un abattement forfaitaire de 12,4 % pour la presse payante (61), une contribution à 100 % des encarts publicitaires insérés dans les journaux et magazines, a dû sélectionner des critères concrets. C’est moins la mise en circulation du papier que son retraitement qui est en cause, et, à cet égard, c’est moins la qualification de presse d’opinion que la qualité recyclable du papier, la reprise des invendus, la qualité des encres ou la charge du service public de gestion des déchets qui importent.

Or, sur ce plan, force est de constater que le décret marque le pas par rapport à l’évolution souhaitable de l’éco-contribution, n’explore pas toutes les potentialités de la loi et que les critères retenus paraissent perfectibles.

Le décret du 30 décembre 2015, qui fait l’objet d’une analyse sous l’article 98, comporte un article 10 qui « reçoit » au profit de l’éco organisme – Ecofolio est en demande de renouvellement d’agrément – le produit de la future contribution, mais qui n’est pas le décret attendu pour fixer les critères de l’écocontribution. Ce texte est le décret n° 2016-917 du 5 juillet 2016, relatif à la contribution des publications de presse apportée aux organismes agréés de la filière à responsabilité élargie des producteurs de papier. Quatre critères permettent donc de s’exonérer du paiement, chacun à hauteur de 25 % de la contribution due sous forme financière au profit d’une contribution en nature.

Article D 543-212-2 du code de l’environnement :

1. Jusqu’au 31 décembre 2019, le papier sur lequel est imprimée la publication est composé exclusivement de fibres recyclées ou issues de forêts durablement gérées. À compter du 1er janvier 2020, le pourcentage d’incorporation de fibres recyclées dans le papier sur lequel est imprimée la publication est supérieur à 50 % et les autres fibres sont issues de forêts durablement gérées.

2. La publication ne contient pas plus d’un élément perturbateur du recyclage. Pour l’application de ce critère, jusqu’au 31 décembre 2019, les emballages destinés à l’acheminement d’une publication dans le cadre d’un abonnement ne sont pas comptabilisés dans les éléments perturbateurs du recyclage.

« 3. Le cumul des distances entre la papeterie fournissant le papier sur lequel est imprimée la publication, l’imprimerie dans laquelle elle est imprimée et le centre principal de diffusion de la publication est inférieur à 1 500 km.

« 4. Il est mentionné en caractères apparents dans la publication les informations relatives à ses caractéristiques environnementales.

Votre mission constate qu’il n’en résulte pas de critère pertinent au sein des publications générales de presse, pour que certaines d’entre elles, notamment la presse magazine – soit par principe, au moins partiellement, assujettie à une contribution financière. Les critères retenus, notamment le quatrième, comme l’entrée en vigueur très tardive de la prise en compte des « blisters » sont au final de nature à permettre une large exonération de la presse de tout paiement financier de la contribution, privant ainsi l’éco-organisme, et à travers lui les collectivités territoriales, d’une possible ressource. Dans le même temps, le décret n’ignore pas la situation financière difficile de la presse quotidienne.

Le résultat, né d’une longue négociation, auquel parvient le décret du 5 juillet 2016, n’est cependant pas en totale adéquation avec les objectifs de la loi. Ceci ne deviendra possible que si les conditions issues du premier critère sont progressivement revues dans un sens plus exigeant et si les « éléments perturbateurs », qui ne peuvent être éliminés dans un cycle normal de retraitement, sont définis avec une précision suffisante dans l’arrêté à venir.

Si la prise en compte des magazines, qui devraient davantage contribuer financièrement, compte tenu de leurs conditions d’impression et d’élimination, est souhaitable, la mission observe en revanche que les journaux gratuits sont dans une situation particulière au regard de l’élimination des déchets qu’ils produisent : le papier est produit à plus de 50 % à partir de fibres de récupération, ce qui satisfait au premier critère, et les problématiques environnementales sont largement prises en compte par les dispositifs de distribution (volumes d’exemplaires adaptés à chaque site, reprise des exemplaires non diffusés, ramassage/recyclage des journaux laissés dans les poubelles ou les trains et rames de métro, mentions incitant à recycler ou à transmettre l’exemplaire, etc.).

Ces exemples montrent bien que le dispositif n’est sans doute pas le mieux adapté à l’objectif souhaité, à tout le moins qu’il est perfectible, dans un sens consistant à mettre en place des critères objectifs, liés à la qualité du papier, à la reprise par le service public, à l’élimination des publications. Il est évident que celle-ci est moins facile pour la presse magazine.

Votre mission souhaite donc :

– que le premier critère lié au caractère recyclable des fibres du papier soit mieux pris en compte, de façon évolutive, et porté à 60 % dès 2017, et soit davantage pondéré que les autres ;

– que les barèmes prennent en compte les conditions effectives de reprise ;

– que l’existence de blisters soit prise en compte dès le 31 décembre 2018.

Elle s’interroge en outre sur la pertinence du rayon de 150 kilomètres, qui ne saurait limiter, sans risque juridique, les importations de papier.

Article 92
Extension du périmètre de la responsabilité élargie du producteur textile

Ce dispositif étend la responsabilité élargie du producteur déjà en vigueur pour les produits textiles d’habillement, de chaussures ou de linge de maison neufs destinés aux ménages, aux tissus d’ameublement – cette extension étant applicable à compter de 2020 – et aux produits de couchage à compter de 2018.

Il convient de rappeler que, sur les 600 000 tonnes de textiles usagés, la filière récupère 150 000 tonnes, dont deux tiers sont réemployés et le tiers restant transformé en chiffons, dalles de sols ou isolants (62) Le taux de collecte devrait doubler d’ici 2020. Avec cet article, la filière, mais aussi la recherche, sont appelées à un nouveau dynamisme.

Il ne nécessite aucun décret d’application.

Article 93
Reprise des déchets de construction

D’initiative gouvernementale, l’article 93 instaure l’obligation, pour les distributeurs de matériaux, produits et équipements de construction, de procéder à leur reprise. Votre Rapporteure, tout en souhaitant que ce secteur n’échappe pas à un système de responsabilité élargie des déchets de chantiers, s’était interrogée au moment du débat (63) sur le fait que l’obligation nouvelle incombe non aux producteurs mais aux distributeurs, et sur la capacité de ceux-ci à y répondre en termes de disponibilités foncières. La loi prévoit que l’obligation concerne la reprise des déchets « de même type de matériaux », qu’elle pèse sur les vendeurs de ces produits qui sont définis comme ceux qui les mettent « à disposition des professionnels » et qu’elle s’applique au 1er janvier 2017. Si l’article 93 prévoit ainsi la reprise des déchets du bâtiment, elle ne s’intéresse pas pour autant à leur valorisation : il ne s’agit donc pas de créer une nouvelle filière REP mais seulement d’organiser « en lien avec les pouvoirs publics et les collectivités territoriales » des aires de dépôt des déchets.

Le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 :

– précise les distributeurs, les déchets ainsi que les surfaces soumises à cette obligation ;

– énumère le contenu de l’obligation, qui concerne tous les distributeurs qui « exploitent une unité de distribution dont la surface est supérieure ou égale à 400 m2 et dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur ou égal à 1 million d’euros » ;

– prévoit que cette reprise doit être « réalisée sur l’unité de distribution ou dans un rayon maximal de dix kilomètres » (64). Dans le cas où la reprise s’effectue hors du dépôt, un affichage visible doit être installé sur le lieu de vente et sur le site Internet afin d’informer les professionnels détenteurs ou producteurs de déchets de l’adresse de la collecte.

Votre mission rappelle l’importance de la production et les mauvaises conditions actuelles d’élimination des déchets du BTP : lors de la table ronde du 10 mai 2016, Mme Agnès Banaszuk, représentante de France Nature Environnement, rappelle que le secteur produit 247 des 345 millions de tonnes des déchets annuels. Des déchets de chantiers sont souvent « oubliés » sur place, amenés non triés par des professionnels ou des particuliers en déchetterie, ou abandonnés dans des décharges sauvages. Il faut rappeler de surcroît que certains produits (peintures, laques, dissolvants…) sont toxiques.

L’existence d’un système de reprise apparaît d’autant plus nécessaire que la nature des déchets en cause, leur toxicité, leur caractère durable le justifient totalement. Le principe d’une obligation de reprise ne peut qu’être accueilli favorablement. Toutefois, le dispositif lui-même, et le décret du 10 mars 2016 pris pour son application, posent plusieurs questions.

Ce système, qui fait référence, pour le champ des professionnels concernés aux codes NACE, soit « tout exploitant de commerce de matériaux, produits et équipements de construction qui est classé sous les rubriques 4613, 4673, 4674 ou 4690 de l’annexe I du règlement (CE) n° 1893/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 établissant la nomenclature statistique des activités économiques NACE Rév. 2 et modifiant le règlement (CEE) n° 3037/90 du Conseil ainsi que certains règlements (CE) relatifs à des domaines statistiques spécifiques » est en effet vivement contesté.

Le champ de l’obligation est défini par référence au code NACE, et concerne quatre types d’activités commerciales :

4613 : Intermédiaires du commerce en bois et matériaux de construction ;

4673 : Commerce de gros de bois, de matériaux de construction et d’appareils sanitaires ;

4674 : Commerce de gros de quincaillerie et fournitures pour plomberie et chauffage ;

4690 : Commerce de gros non spécialisé.

En revanche, les grandes surfaces de bricolage (par exemple celles relevant de la rubrique NACE 4752 : « Commerce de détail de quincaillerie, peintures et verres en magasin spécialisé ») en sont exclues. Au regard du droit, on peut considérer que le critère retenu est pertinent, puisqu’il distingue le commerce de gros et la vente aux particuliers, même si des artisans peuvent s’approvisionner dans des magasins de bricolage. Au regard de l’objectif général de la loi, la distinction paraît moins pertinente, puisque ce circuit de distribution génère des déchets de même « type de matériaux » que ceux issus des activités commerciales prises en compte par le décret, alors que sont inclus dans le champ de l’obligation des activités ne présentant qu’un lien plus ténu avec l’objet du texte. Mais les grandes surfaces commerciales ne sont pas systématiquement assorties de ventes de matériaux bruts, et ne s’adressent pas majoritairement aux professionnels.

Les professionnels inclus dans le champ de l’obligation ne manquent pas de mettre en avant cette distinction. On peut, dans le même sens, souligner que les carrières sont exemptes de l’obligation, mais sur ce point, il faut rappeler que les carrières sont rarement incluses dans un circuit commercial direct, mais sont plutôt situées dans une activité de production. Il reste que la distinction, au regard des seules activités commerciales, en fonction des types d’activités, et les critères de surface de vente et de chiffre d’affaires peut être soumise à débat (65) encore que le Conseil constitutionnel, en censurant l’article 44 de la présente loi, a admis que le critère tiré du type d’entreprises de distribution concerné par la loi était pertinent, la censure de cet article ne portant que sur l’insuffisante détermination de celui-ci. Votre Rapporteure estime que ce critère est plus pertinent que d’autres que l’on pourrait imaginer, comme la taille ou la surface, qu’il s’agisse de la surface ouverte au public ou de l’implantation totale.

Les professionnels insistent sur le fait que ces activités représentent au total 13 000 points de vente dont environ 4 000 surfaces de vente sont effectivement concernées. Il convient de s’interroger sur les implications pratiques du décret : le rayon de 10 kilomètres, s’il est critiqué pour son caractère uniforme, n’en présente pas moins un avantage lié à la possibilité d’organiser de façon assez souple la reprise au demeurant sur ce point, la notion de « proximité », qui figure dans l’article 93 pourrait conduire à une approche plus rigoureuse de cette distance.

Les représentants des quatre types d’activités concernées mettent également en avant la brièveté du délai, de mars 2016 au 1er janvier 2017, qui leur est laissé pour se conformer à une obligation qu’ils traduisent comme le fait de devoir mettre en place de véritables déchetteries, sous peine d’amende (article 95), et ont donc introduit un contentieux, assorti d’une question prioritaire de constitutionnalité, la première portée sur la présente loi.

Soucieuse d’éviter tout blocage, quelles qu’en soient les origines, votre mission voudrait en premier lieu souligner que, ni l’intention, ni la lettre du texte ne conduisent automatiquement chaque entité concernée à l’obligation de mettre en place une structure de réception dédiée à la réception des déchets mais seulement à organiser la reprise, en liaison avec les collectivités territoriales.

En particulier, les assujettis peuvent s’adresser à des déchetteries publiques existantes pour que celles-ci intègrent une reprise des déchets provenant des professionnels.

En outre, le présent article comme le décret n’interdisent nullement la mutualisation de la reprise, mais alors se pose, au niveau de la valorisation des déchets, une éventuelle question d’entente, prohibée par l’article L. 420-1 du code de commerce. En effet, les entreprises qui organiseraient une déchetterie en commun peuvent être concurrentes et la mutualisation de la reprise des déchets pose la question de la mutualisation de leur vente. Il est cependant possible d’apporter une précision législative sur ce point, la création de structures dédiées, par exemple l’adhésion à une filiale commune spécifiquement chargée de la reprise et de la vente paraît de nature à assurer une bonne application de la loi.

En dépit des difficultés actuelles d’application, votre Rapporteure souhaite la meilleure mise en œuvre possible de ce dispositif. Si celui-ci doit être obtenu au moyen d’une plus forte incitation à la mutualisation, qui est bien l’intention du législateur, il convient de suggérer, sur ce point, une modification de cet article.

Article 94
Gratuité de la reprise des déchets de construction

Cet article prévoit la gratuité de la réception des déchets pour réalisation de travaux d’aménagement sur un terrain privé.

Ce principe est d’application immédiate.

Article 95
Autorisation des déchetteries

Cet article concerne l’autorisation administrative des déchetteries, pour le stockage des déchets dits « inertes ». Il nécessite un décret en Conseil d’État.

Article L. 541-25-1 du code de l’environnement

L’autorisation d’exploiter une installation d’incinération ou une installation de stockage de déchets fixe une limite de la capacité de traitement annuelle. Cette limite ne s’applique pas en cas de transfert de déchets en provenance d’une installation provisoirement arrêtée et située dans un département, une commune, un syndicat ou un établissement public de coopération intercommunale limitrophe.

Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, et notamment les modalités de calcul de la capacité de traitement annuelle susceptible d’être autorisée.

Il semble que ces précisons n’ont pas été apportées par le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016, qui porte sur les conditions de stockage des déchets. Le site Légifrance ne comporte aucun renvoi à un texte d’application de cet article du code

Par ailleurs, il abroge le dispositif selon lequel « la liste des installations de stockage des déchets pouvant accueillir de l’amiante ainsi que les informations relatives à la collecte des déchets amiantés auprès des particuliers sont rendues publiques par le ministre chargé de l’environnement. »

Article 96
Tri à la source

Cet article impose à tout professionnel producteur ou détenteur de déchets de mettre en place un système de tri à la source des déchets de papier, de métaux, de plastique et de verre, ou, à défaut de mettre en place une collecte séparée, sous réserve pour l’une ou l’autre option, que l’opération soit réalisable d’un point de vue technique, environnemental et économique.

Ce dispositif contribue donc au tri en cinq flux : papier, métal, plastique, verre et bois. Le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 en définit le périmètre d’application. Cette nouvelle réglementation s’applique aux producteurs et détenteurs de déchets de papier, de métal, de plastique, de verre et de bois :

– qui n’ont pas recours au service assuré par les collectivités territoriales en application de l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales ;

– qui ont recours au service assuré par les collectivités territoriales et qui produisent ou prennent possession de plus de 1 100 litres de déchets par semaine.

Le décret définit l’obligation incombant au producteur ou aux détenteurs de déchets papier, métal, plastique, verre et bois qui doivent trier à la source ces déchets par rapport aux autres déchets. Ces derniers peuvent être conservés ensemble en mélange. Si ces déchets ne sont pas traités sur place, leurs producteurs ou détenteurs organisent leur collecte séparément des autres déchets pour permettre leur tri ultérieur et leur valorisation.

Le décret prévoit trois possibilités pour les producteurs et détenteurs de déchets. Ils peuvent :

– procéder eux-mêmes à la valorisation de ces déchets ;

– céder ces déchets à l’exploitant d’une installation de valorisation ;

– céder ces déchets à un intermédiaire assurant une activité de collecte, de transport, de négoce ou de courtage de ces déchets.

Le décret précise qu’il est interdit de mélanger des déchets qui ont été triés par leurs producteurs ou détenteurs avec d’autres déchets n’ayant pas fait l’objet d’un même type de tri. L’exploitant d’une installation de valorisation ou assurant une activité de collecte, de transport ou de négoce, délivre chaque année, avant le 31 mars, aux producteurs ou aux détenteurs de ces déchets une attestation, portant sur les quantités exprimées en tonnes, la nature des déchets qui leur ont été confiés l’année précédente en vue de leur valorisation et de leurs destinations de valorisation finale.

Les mêmes obligations s’appliquent aux producteurs et détenteurs de déchets de papier de bureau (66), selon un échelonnement dans le temps :

– 1er juillet 2016 pour les implantations de plus de 100 personnes ;

– 1er janvier 2017 pour les implantations de plus de 50 personnes ;

– 1er janvier 2018 pour les implantations de plus de 20 personnes.

En l’état, les structures de moins de 20 salariés ne sont pas concernées par cette mesure.

Si cette mesure est déjà une réalité dans nombre de grandes entreprises, elle nécessite un effort de promotion important auprès des PME et TPE, mais également de leurs relais (chambres consulaires, gestionnaires de zone d’activité). Votre Rapporteure souligne que les locaux de l’Assemblée nationale sont concernés par cette obligation.

Pour l’ADEME, les impacts de cette mesure auront une incidence forte sur les besoins d’équipements structurants de traitement et impactent directement l’élaboration des plans régionaux de prévention et gestion des déchets. À ce titre, il serait utile de définir les modalités d’un suivi et l’intégration de mesures adaptées et à terme d’un contrôle.

Article 97
Extension du contenu des plans départementaux ou interdépartementaux de prévention et de gestion de déchets non dangereux

Le contenu du plan national de prévention des déchets, qui doit intégrer un volet sur les matériaux en bois, ne nécessite pas de décret d’application.

Article 98
Comptabilité analytique pour les services publics de prévention et de gestion des déchets

Cet article prévoit que le maire ou le président d’un EPCI fait un rapport annuel sur la gestion des déchets dans la zone d’exercice du service public concerné. Le décret doit fixer les indicateurs techniques et financiers, fondés sur la comptabilité analytique dont fait l’objet le service public de prévention et de gestion des déchets, devant figurer dans ce rapport. Le rapport doit être présenté dans les six mois suivant la clôture de l’exercice.

Sans être indispensable, la parution du décret n° 2015-1827 du 30 décembre 2015 portant diverses dispositions d’adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets permet la pleine application du décret, alors que le dispositif n’entre en vigueur qu’au 1er janvier 2017.

Ce décret, en application de l’article 98 de la présente loi, procède à diverses adaptations de la partie règlementaire du code, par exemple pour prévoir une consultation du rapport sur Internet. Son article 3, qui est l’essentiel du processus d’application, est particulièrement exhaustif et devrait permettre une information très complète des administrés, y compris sur les flux financiers et sur la valorisation des déchets dans une commune ou un EPCI.

Le décret du 30 décembre 2015 comporte également un chapitre 2 sur le recyclage des navires.

En outre, il excède la simple application de l’article 98 par un chapitre 3 de « mesures diverses ». Ainsi, l’article 7 est relatif à la composition du conseil national des déchets, qui passe de 38 à 46 membres, au profit de l’AMF, de l’ADCF, des professionnels et de deux parlementaires.

L’article 8 prévoit un rapport annuel de l’ADEME remis au conseil national et publié.

L’article 9 est relatif à la procédure de sortie du statut de déchets.

L’article 10 du décret est lié à l’application de l’article 91 de la loi. Il adapte le système de la responsabilité élargie du producteur qui met sur le marché des imprimés sur deux points :

– les papiers assujettis ne sont plus les enveloppes ou les papiers « conditionnés en rames et ramettes » mais les papiers à usage graphique ;

– il prévoit les catégories de dépenses de l’éco-organisme.

Ce second point s’inscrit dans le cadre du renouvellement de l’agrément dont est actuellement attributaire Ecofolio, éco-organisme dont les objectifs figurent sur son site : « Grâce à ses adhérents, aux collectivités locales et à tous les Français, Ecofolio a fait progresser le recyclage de 13 % en six ans. De nouveaux efforts collectifs doivent nous permettre d’atteindre 55 % de recyclage en 2016, puis 60 % en 2018, et davantage par la suite. L’action collective de tous les acteurs de la filière sera indispensable pour s’engager dans ce nouveau modèle de production, de consommation et de comportement. »

Article 99
Définition du délit d’obsolescence programmée et sanctions

Le texte est issu d’un amendement de M. Éric Alauzet (article 22 bis, doc. AN 2230, p. 411). Il étend les mécanismes existants de tromperie sur les marchandises, prévus par l’article L. 213-1 du code de la consommation, aux cas d’obsolescence programmée définie « par l’ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement ». Il est très probable que ce mécanisme, qui ne nécessite aucun texte d’application et définit le quantum de la peine (deux ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende ou, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits), donnera lieu, dès ses premières applications à une question prioritaire de constitutionnalité, mais la définition pénale paraît assez précise, et la peine proportionnée, pour y résister.

Article 100
Réversibilité du stockage des déchets enfouis : demande de rapport au Gouvernement

Cet article demande au Gouvernement le dépôt, avant le 17 août 2016, d’un rapport sur la réversibilité du stockage des déchets enfouis. Ce document devrait probablement être remis pour la fin de l’année 2016.

Article 101
Produits ne faisant pas l’objet d’un dispositif de responsabilité élargie d’un producteur : demande de rapport au Gouvernement

Comme le précédent, sur le stockage des déchets, le rapport sur le potentiel de réemploi de produits ne bénéficiant pas de la responsabilité élargie du producteur, était demandé avant le 17 août 2016, et sa parution devrait également intervenir d’ici la fin de l’année.

L’ADEME a donc livré au Gouvernement l’étude préalable à ce rapport. Cette étude, qui précise, par catégorie de produits, les flux estimés, le potentiel de recyclage et de réemploi, les types de traitement envisageables et le potentiel pour l’économie sociale et solidaire, est en cours d’analyse, de manière à ce que le rapport soit remis avant la fin de l’année.

Article 102
Démarches de lutte contre le gaspillage alimentaire dans les services de restauration collective

« L’État et ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales mettent en place, avant le 1er septembre 2016, une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire au sein des services de restauration collective dont ils assurent la gestion. ».

Le réseau des Centres permanents d’initiatives pour l’environnement a souhaité encourager la restauration collective à s’engager dans cette démarche et a édité un guide, soutenu par le ministère de l’agriculture, à destination des professionnels, qui leur offre des solutions accessibles pour mettre en place des nouveaux modes de gestion de leur restauration.

Ceci n’épuise pas d’autres initiatives, prises par exemple, avant la présente loi, par les conseils généraux de la Gironde ou des Côtes d’Armor ou par la direction régionale de l’alimentation de la région Auvergne.

Un guide de l’ADEME (juin 2016) (67) répond à cet article. En moyenne, 150 à 200 g de nourriture sont gaspillés par personne et par repas. L’ADEME estime qu’il est possible de réduire de 50 % ce chiffre en restauration collective.

Article 103
Suppression de l’inscription de la date limite d’utilisation optimale

En dépit de l’annulation – justifiée en procédure par le fait qu’il s’agit d’adjonctions en nouvelle lecture, mais difficile à admettre en opportunité –, d’une partie du mécanisme de lutte contre le gaspillage alimentaire, le dispositif restant de cet article, qui interdit l’inscription d’une date de péremption, est d’application directe.

Conseil constitutionnel, décision n° 2015- 718 DC du 13 août 2015

« Considérant que le paragraphe II de l’article 103 prévoit l’introduction d’informations relatives à la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le rapport sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises ; que son paragraphe III complète l’article L. 312-17-3 du code de l’éducation pour intégrer dans le parcours scolaire la lutte contre le gaspillage alimentaire ; que son paragraphe IV crée une sous-section dans le code de l’environnement comprenant les articles L. 541-15-3 à L. 541-15-5, consacrée à la prévention des déchets alimentaires ; que son paragraphe V modifie l’article 1386-6 du code civil relatif à l’assimilation à un producteur pour l’application des dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ; que son paragraphe VI prévoit l’entrée en vigueur de certaines dispositions créées par le paragraphe IV ; que son paragraphe VII institue une amende et une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion à l’encontre d’un distributeur du secteur alimentaire qui rend délibérément impropres à la consommation les invendus alimentaires encore consommables »

Considérant, en l’espèce, que les amendements dont sont issues les dispositions susmentionnées ont été introduits en nouvelle lecture ; que ces adjonctions n’étaient pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion ; qu’elles n’étaient pas non plus destinées à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle ; qu’il s’ensuit que les paragraphes II à VII de l’article 103 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ; qu’ils sont contraires à cette dernière.

TITRE V
FAVORISER LES ÉNERGIES RENOUVELABLES POUR DIVERSIFIER NOS ÉNERGIES ET VALORISER LES RESSOURCES DE NOS TERRITOIRES

(Mme Battistel, Rapporteure).

Le Titre V de la loi vise à promouvoir les énergies renouvelables. Il constitue donc le principal levier pour parvenir aux objectifs de l’article premier en matière de diversification des sources d’énergie, mais il comporte aussi des dispositions en matière de prix de l’électricité, de financement participatif, ou de concessions hydroélectriques.

Comme l’indique Pascal Canfin, présentant au nom de WWF un rapport mettant en évidence une quinzaine de grands signaux prouvant que la transition énergétique présente un caractère irréversible (68) : « Ce qui change la donne, c’est l’addition [des] signaux. Quand on voit que la consommation de charbon baisse en Chine, que les énergies renouvelables ont représenté 90 % de la nouvelle génération d’électricité en 2015, que les émissions de CO2 liées à l’énergie stagnent dans le monde ou que le prix des panneaux solaires photovoltaïques a chuté de 80 % sur les cinq dernières années, on voit clairement que nous sommes parvenus à un tournant. Et que cette transition vers un nouveau modèle énergétique mondial est devenue irréversible. ».

Le titre V (articles 104 à 122), complété par le volet de la PPE sur l’offre d’énergie, joue donc un rôle essentiel, notamment sur les questions d’achat d’énergie aux producteurs, de méthanisation et d’hydroélectricité. Il convient ici de rappeler que la part des énergies renouvelables doit être portée, en application de l’article premier de la loi (69), à 23 % de la consommation finale brute d’énergie dès 2020.

Il reste que, comme votre Rapporteure l’a toujours affirmé, l’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques ne saurait se faire au détriment de la France, alors que cette source d’énergie renouvelable ne présente pas de risques de rupture de production liés à l’intermittence, mais qu’en revanche les capacités de stockage et de développement de nouveaux sites en constituent des atouts considérables nécessaire à la réussite de l’équilibre du mix énergétique tel qu’il est programmé par la présente loi.

Chapitre Ier
Dispositions communes

Article 104
Complément de rémunération

Cet article porte sur les modalités d’obligation d’achat par EDF de l’électricité d’origine renouvelable produite par des exploitants indépendants, en instituant, par le biais d’un contrat administratif, un complément de rémunération, afin de faire entrer les énergies renouvelables sur le marché. Il s’analyse ainsi comme une prime, compensée par la CSPE, versée à un producteur d’énergie renouvelable (ENR) en complément de la vente sur le marché de l’électricité qu’il a produite. Cette prime doit permettre de donner à ce producteur un niveau de rémunération totale permettant de couvrir les coûts de son installation, tout en assurant une rentabilité normale des capitaux investis.

Il n’est toutefois pas mis fin, dans la loi, à l’obligation d’achat permettant à certaines installations de bénéficier de l’obligation d’achat de l’électricité ou du biométhane qu’elles produisent à des tarifs réglementés.

Il existe donc désormais deux principaux dispositifs, alternatifs, de soutien aux producteurs d’énergie renouvelable : l’obligation d’achat ou le complément de rémunération. Ces contrats peuvent être signés au terme d’une procédure du « guichet ouvert », les installations éligibles concluant directement un contrat avec EDF ou les entreprises locales de distribution (ELD), ou d’une procédure d’appel d’offres.

La question de savoir si le Gouvernement est autorisé à prendre une telle disposition par ordonnance a été soulevée lors des auditions conduites par votre Rapporteure. En effet, l’article 119 I, 1° habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions applicables aux installations de production d’électricité à partir de sources renouvelables « en clarifiant les dispositions relatives à l’obligation d’achat mentionnée à la section I du chapitre IV du titre Ier du livre III du code de l’énergie ». Formellement, le Gouvernement a donc mandat pour modifier la section relative à l’obligation d’achat et non celle relative à la garantie d’origine. Votre Rapporteure, après avoir hésité sur l’existence d’une connexité estime donc que l’habilitation n’autorise pas, compte tenu de la jurisprudence qui exige en la matière que le champ de l’habilitation soit précis (70), le Gouvernement à prendre de telles dispositions, qui sont trop éloignées de la question de l’obligation d’achat. Le Conseil d’État a également considéré, dans son avis sur le projet d’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, que le Gouvernement n’était pas habilité à prendre par ordonnance des mesures relatives aux garanties d’origine. Ces mesures figurent désormais dans le projet de loi de ratification de cette ordonnance, qui à l’automne 2016, a été examiné par le Conseil d’État.

L’enjeu le plus important de cet article, tranché par le projet de loi de ratification mentionné ci-dessus, concerne la notion de garantie d’origine. L’article 104 prévoit que les conditions du complément de rémunération pour les installations mentionnées à l’article L. 314-18 du code de l’énergie sont établies en tenant compte des recettes de l’installation, notamment la valorisation de l’électricité produite, « la valorisation par les producteurs des garanties d’origine » et la valorisation des garanties de capacités.

La garantie d’origine

La répartition des sources de production d’électricité des offres que les fournisseurs ont commercialisées au cours de l’année précédente et, en particulier, la part d’électricité « verte », d’origine renouvelable ou produite par cogénération, est indiquée sur la facture des consommateurs. S’il est facile de connaître l’origine de l’électricité lors de sa production, il est physiquement impossible de déterminer la provenance de l’électricité livrée à un client donné : la même électricité est livrée à tous les clients raccordés au réseau électrique français, quels que soient le fournisseur et le type d’offre.

Pour justifier auprès du consommateur que l’électricité qu’il consomme est « verte », un fournisseur doit donc garantir une équivalence entre la quantité d’électricité consommée par son client et une quantité d’électricité produite à l’aide d’énergie renouvelable. Cette équivalence est attestée par des certificats et des garanties d’origine (GO). Ces documents assurent la traçabilité de l’électricité verte. Selon l’article 2 du décret n° 2012-62 du 20 janvier 2012 : « une GO est un document électronique servant uniquement à prouver au client final qu’une part ou une quantité déterminée d’énergie a été produite à partir de sources renouvelables ou par cogénération ». Elle est émise par un producteur et certifiée par un organisme désigné par l’État. Les fournisseurs l’achètent puis la proposent à leurs clients dans le cadre d’offres d’énergie verte.

En 2009, le système des GO et des certificats verts a été profondément modifié par la directive européenne relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (article 15, directive n° 2009/28). Une GO peut désormais être vendue séparément de l’électricité à laquelle elle était initialement attachée. Dans ce cas, l’électricité dissociée de sa GO n’est plus considérée comme de l’électricité verte. Il ne peut plus exister qu’un seul système de certification de l’électricité verte, la GO qui a un format homogène d’1 MWh, qui peut être achetée et revendue sur tout le territoire européen mais ne peut être utilisée que dans les douze mois suivant la production de l’électricité qui lui est attachée. La fiabilité du système est assurée par les teneurs de registre mandatés par les États européens.

Afin de transposer ces nouvelles exigences, le décret n° 2012-62 du 20 janvier 2012 est venu modifier le décret n° 2006-1118 du 5 septembre 2006 fixant le régime des garanties d’origine. En France le registre est tenu par Powernext. Il est en charge de vérifier que les volumes de GO émis par les producteurs d’électricité de source renouvelable correspondent au nombre de MWh injectés dans le réseau électrique (1 Mwh = 1 GO). Il s’assure également qu’une consommation d’électricité verte correspond à l’utilisation de GO.

Or, l’électricité produite par les installations bénéficiant d’un contrat de complément de rémunération en application du présent article ne peut bénéficier de garanties d’origine.

Les producteurs de ces installations ne peuvent par conséquent ni demander, ni transférer, ni acquérir, ni utiliser des garanties d’origine pour leur production. Le choix a oscillé entre deux logiques : une version du projet de décret prévoyait de déduire du complément de rémunération la valeur de la garantie d’origine. La position de l’administration a semble-t-il évolué lors de discussions avec les financeurs, notamment avec les banques. En effet, permettre aux producteurs d’utiliser des garanties d’origine est source d’incertitude dans le cadre du financement des projets, car il n’existe pas de prix de référence de la garantie d’origine, Powernext n’étant qu’un registre et non pas un marché. Parfois qualifié de « Bourse de l’électricité », Powernext opère en fait non pas sous le statut de marché réglementé mais sous celui de prestataire de services d’investissement. L’organisme a été désigné pour une durée de cinq ans par l’arrêté du 19 décembre 2012 (71) comme l’organisme en charge de la délivrance, du transfert et de l’annulation des garanties d’origine de l’électricité produite à partir de sources d’ENR ou par cogénération. Les prêteurs ne sont donc pas totalement en mesure de mesurer le risque derrière une valorisation non-prévisible de la garantie.

Une solution, évoquée par certains acteurs de terrain, dont ENGIE, eût été de laisser aux producteurs le choix de valoriser ou non la garantie d’origine. Le producteur souhaitant bénéficier de la garantie l’aurait déclaré dans la demande de contrat de complément de rémunération en précisant un prix de référence. Le producteur préférant ne pas bénéficier de la garantie d’origine, l’aurait précisé, également, dans la demande de contrat. Son choix n’aurait alors pu être modifié qu’au travers d’une modification du contrat de complément de rémunération. Cette option n’a, au final, pas été ouverte.

Le décret n° 2016-682 du 27 mai 2016 prévoit d’ores et déjà que le producteur renonce à la valorisation des garanties d’origine pour bénéficier du complément de rémunération. L’article 2 du projet de loi (72) ratifiant l’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables interdit la valorisation des garanties d’origine, par le producteur ou l’acheteur obligé, de la production d’électricité renouvelable bénéficiant d’un dispositif de soutien sous forme d’obligation d’achat ou de complément de rémunération. Il modifie l’article L. 314-14 du code de l’énergie pour introduire la disposition suivante : « l’électricité produite à partir de sources renouvelables ou de cogénération et pour laquelle une garantie d’origine a été émise ne peut ouvrir droit au bénéfice de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération dans le cadre des contrats mentionnés aux articles L. 121-27, L. 311-12, L. 314-1, L. 314-18 ainsi que, le cas échéant, L. 314-26. », ce qui confirme le caractère exclusif de l’une ou l’autre formule.

Certains acteurs considèrent que cette exclusion n’est pas justifiée. L’article 15 de la directive 2009/28 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables établit certes que « les États membres peuvent prévoir qu’aucune aide n’est accordée à un producteur lorsqu’il reçoit une garantie d’origine pour la même production d’énergie à partir de sources renouvelables ». Toutefois, dans le cadre de l’obligation d’achat, c’est l’acheteur de l’électricité qui se subroge au producteur dans le droit d’émettre la garantie d’origine. Le producteur ne recevant pas de garantie, la question se pose de savoir pourquoi celles émises par l’acheteur seraient inutilisables. Votre Rapporteure estime que, sur cette question, le débat mérite d’être, à nouveau, ouvert.

La question de la garantie d’origine ayant ainsi été tranchée, à la faveur d’un débat qui a duré plusieurs mois et retardé la parution des décrets sur le complément de rémunération, alors que Légifrance ne compte pas moins de douze renvois au décret dans cet article, l’analyse des textes d’application permet de dégager les observations suivantes.

I et II) Puissance installée

Le décret n° 2016-23 du 18 janvier 2016 relatif à la définition de la puissance installée des installations de production d’électricité qui utilisent des énergies renouvelables, est pris pour l’application du II de l’article, texte issu d’un amendement de votre Rapporteure, en nouvelle lecture à l’Assemblée lors de la séance, du 21 mai 2015, modifiant un amendement du Sénat pour tenir compte de la partie de l’installation en autoconsommation dans la définition de la puissance active installée, en plus de la puissance injectée.

L’idée de retenir la notion de puissance active maximale injectée au point de livraison vient initialement d’un amendement de M. Joël Giraud, adopté en commission à l’Assemblée nationale en première lecture, mais supprimé en séance à l’Assemblée suite à un amendement du Gouvernement.

Le décret précise, en conséquence, les modalités de calcul de la puissance installée des installations de production d’électricité utilisant des sources d’énergies renouvelables, afin de déterminer si une autorisation administrative est nécessaire. Les installations dont la puissance installée est inférieure ou égale aux seuils fixés à l’article R. 311-1 du code de l’énergie sont en effet réputées autorisées, tandis que les autres requièrent une autorisation administrative.

Il prévoit que l’ensemble de la puissance installée doit être pris en compte pour déterminer si une autorisation administrative est nécessaire et ce, quel que soit le branchement : autoconsommation totale (« utilisées pour la consommation propre du producteur concerné »), vente (« injectées, directement ou indirectement, sur les réseaux publics d’électricité ») ou alimentation des auxiliaires (« utilisées pour le fonctionnement des auxiliaires de l’installation de production »), qui sont les organes techniques sans lesquels l’installation ne pourrait fonctionner. Le décret prévoit également que, dans sa demande d’autorisation d’exploiter adressée au ministre chargé de l’énergie, le pétitionnaire précise la valeur des trois différentes puissances.

Le décret modifie la notion de puissance installée par rapport à celle définie au II de l’article 104 de la loi (« la puissance installée se définit, pour les installations de production d’électricité qui utilisent des énergies renouvelables, comme le cumul de la puissance active maximale injectée au point de livraison et de la puissance autoconsommée »), en ce qu’il ajoute la prise en compte de l’énergie utilisée pour le fonctionnement des auxiliaires de l’installation de production concernée. L’introduction de la notion de puissance utilisée pour le fonctionnement des auxiliaires pourrait accroître le contentieux relatif aux contrôles prévus par la loi pour le passage du régime de tarif d’achat au complément de rémunération, mais cet ajout rend plus rigoureux le calcul de la puissance installée pour la production d’énergies renouvelables.

VI) Complément de rémunération

Le décret n° 2016-682 du 27 mai 2016 fixe les conditions d’octroi du complément de rémunération et de l’obligation d’achat. Il prévoit que les modèles de contrats d’achat et de complément de rémunération sont établis par EDF, le cas échéant avec les organisations représentatives des ELD, et approuvés par le ministre chargé de l’énergie. Il fixe les conditions dans lesquelles les installations peuvent bénéficier du complément de rémunération, ses modalités de calculs et de versement, sauf pour les installations de cogénération d’électricité et de chaleur à partir de gaz naturel éligibles, pour lesquelles le complément de rémunération est défini, pour une année calendaire, par arrêté.

CALCUL DU COMPLÉMENT DE RÉMUNÉRATION

Le complément de rémunération est ainsi composé d’une prime à l’énergie, constituée d’un tarif de référence exprimé en €/ MWh basé sur les coûts d’investissement et d’exploitation moyens d’une installation performante et représentative de la filière considérée, dont est soustrait le prix de marché de référence (moyenne arithmétique sur l’année civile des prix spots horaires positifs ou nuls constatés sur la bourse de l’électricité Epex pour la zone France). À cela s’ajoute une prime de gestion, couvrant les coûts de commercialisation des producteurs EnR, fixée par arrêté et par filière. Le complément de rémunération prend en compte les revenus de vente des garanties de capacité. Les tarifs de référence intègrent également un mécanisme de dégressivité automatique au cours du temps, qui ne doit pas faire obstacle à ce que le complément de rémunération couvre les coûts indispensables au maintien en fonctionnement de l’installation, notamment ses coûts d’exploitation.

Pendant les heures de prix négatifs, une installation bénéficiant d’un complément de rémunération n’est pas rémunérée. Toutefois, si le nombre d’heures de prix strictement négatifs constaté sur une année civile est supérieur à un nombre d’heures, consécutives ou non, défini pour chaque filière, l’installation qui n’a pas produit pendant ces heures peut recevoir une prime.

Le décret prévoit qu’afin de bénéficier d’un contrat de complément de rémunération, le producteur renonce au préalable au droit d’obtenir la délivrance des garanties d’origine pour l’électricité produite par l’installation pendant la durée du contrat.

Le complément de rémunération est versé mensuellement, sur la base des éléments publiés par la CRE, transmis par EDF. Les producteurs ayant conclu un contrat de complément de rémunération calculent et facturent à EDF la prime à l’énergie mensuelle et la prime de gestion.

Le décret prévoit que la CRE remet au ministre chargé de l’énergie avant le 30 juin 2018 un rapport relatif à la mise en œuvre du complément de rémunération, mis à jour tous les deux ans.

Le décret établit également les modalités d’achat en dernier recours. L’acheteur est désigné pour une durée maximum de cinq ans par le ministre chargé de l’énergie, après appel public à la concurrence publié au journal officiel de l’Union européenne. L’acheteur en dernier recours conclut un contrat d’achat de l’électricité lorsqu’il y a impossibilité pour le producteur de contractualiser avec un agrégateur tiers ou de vendre lui-même sur le marché ainsi qu’en cas de défaillance de l’agrégateur tiers. Le tarif d’achat de cette électricité ne pourra être supérieur à 80 % du niveau du tarif de référence.

Le décret renvoie à des arrêtés de filière la définition précise des installations pouvant bénéficier plusieurs fois d’un contrat de complément de rémunération, d’un contrat d’obligation d’achat ou d’un contrat de complément de rémunération suite à un contrat d’achat.(73)

Si le décret a globalement été bien accepté par les acteurs, certains points soulèvent des difficultés :

– l’interdiction de délivrance des garanties d’origine pour l’électricité produite par l’installation pendant la durée du contrat est à même de restreindre les possibilités de valorisation de l’électricité produite par les installations d’ENR

– selon la CRE, le coefficient de dégressivité qui permet de revoir à la baisse la rémunération tout au long de la durée du contrat introduit une complexité inutile.

Le décret n° 2016-691 du 28 mai 2016 précise, quant à lui, les filières qui pourront continuer à bénéficier de l’obligation d’achat et celles qui expérimenteront le complément de rémunération. Disposeront ainsi encore des tarifs d’achats, les installations hydroélectriques d’une puissance installée inférieure ou égale à 500 kilowatts, les installations photovoltaïques implantées sur bâtiment d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 100 kilowatts et les installations utilisant à titre principal le biogaz produit par méthanisation ou issu d’installations de stockage de déchets non dangereux, d’une puissance installée strictement inférieure à 500 kilowatts. Les installations d’une puissance installée inférieure ou égale à 12 mégawatts implantées dans des zones non interconnectées au réseau métropolitain continental pourront, elles, toujours prétendre à des tarifs d’achats.

Les catégories d’installations de production d’électricité éligibles au complément de rémunération sont les installations utilisant l’énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau et des eaux captées gravitairement d’une puissance installée inférieure ou égale à 1 mégawatt ; les installations utilisant à titre principal l’énergie dégagée par traitement thermique de déchets ménagers ou assimilés ; les installations utilisant à titre principal le biogaz produit par méthanisation de matières résultant du traitement des eaux usées urbaines ou industrielles d’une puissance installée comprise entre 500 kilowatts et 12 mégawatts ; les installations utilisant à titre principal le biogaz issu d’installations de stockage de déchets non dangereux d’une puissance installée comprise entre 500 kilowatts et 12 mégawatts ; les installations utilisant à titre principal l’énergie extraite de gîtes géothermiques ; les installations de cogénération d’électricité et de chaleur valorisée à partir de gaz naturel d’une puissance installée inférieure ou égale à 1 mégawatt ; les installations utilisant l’énergie mécanique du vent implantées à terre.

Le décret prévoit des dérogations selon la puissance installée ainsi que l’intervention d’un arrêté pour préciser les critères applicables aux installations de cogénération bénéficiant de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération.

Votre Rapporteure estime que la coexistence des deux mécanismes de soutien pour la filière éolienne terrestre, organisée par le décret, peut poser problème. À l’exception des éoliennes implantées en Corse et celles situées dans des zones particulièrement exposées au risque cyclonique, l’éolien terrestre peut en effet bénéficier tant de l’obligation d’achat que du complément de rémunération. La CRE considère que « cette mesure est [...] discriminatoire à l’encontre des autres filières éligibles au complément de rémunération », les exploitants de parcs éoliens pouvant choisir le dispositif qui permet la plus forte rémunération.

À l’inverse, certains acteurs tiennent à la coexistence de ces dispositifs et estiment que le décret manque de clarté à ce sujet. L’article 6 du décret précise en effet que les installations pour lesquelles « une demande complète de contrat a été déposée avant la date d’entrée en vigueur du présent décret », soit le 30 mai 2016, pourront encore bénéficier du tarif d’achat en vigueur, ce qui laisse penser que les demandes d’obligations d’achat faites après la publication ne sont plus possibles pour l’éolien. La DGEC a voulu rassurer les acteurs en insistant sur le fait que ce « qui change depuis la parution du décret est le fait que les producteurs éoliens qui feraient une demande de contrat à compter du 30 mai 2016 sont soumis aux dispositions du décret 2016-682 et donc à la nouvelle procédure de demande de contrat avec notamment la remise de l’attestation de conformité ». Certains acteurs craignent toutefois qu’en cas de litige, le décret laisse libre cours à l’interprétation des juges.

Le décret n° 2016-690 du 28 mai 2016 fixe les modalités de cession à des tiers des contrats d’obligation d’achat et précise particulièrement les modalités d’agrément des organismes auxquels ils peuvent être cédés, en prévoyant notamment qu’ils doivent disposer de capacités techniques et financières suffisantes. Un arrêté du ministre chargé de l’énergie doit préciser les conditions dans lesquelles un organisme démontre ses capacités techniques et financières. Votre Rapporteure insiste sur l’importance de définir des conditions exigeantes afin de rassurer les investisseurs.

Le décret n° 2016-687 du 27 mai 2016 relatif à l’autorisation d’exploiter les installations de production d’électricité est pris en application du présent article et de l’article 187. Il reprend des mesures annoncées par le Gouvernement en février 2016, elles-mêmes reprises du rapport du Conseil de la simplification pour les entreprises du 3 février 2016 proposant 90 nouvelles mesures de simplification pour les entreprises (74). Il relève les seuils au-delà desquels une demande d’autorisation d’exploiter est nécessaire pour les installations de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et de combustibles fossiles autres que le gaz naturel et instaure un seuil pour les demandes d’autorisation d’exploiter des installations utilisant les énergies marines renouvelables. Il dispense de demande d’autorisation d’exploiter certaines installations hydrauliques ainsi que les lauréats d’appels d’offres.

AUTORISATION D’EXPLOITER :
SEUILS PRÉVUS PAR LE DÉCRET DU 27 MAI 2016

Source d’énergie utilisée par l’installation

Ancien seuil

Nouveau seuil

Énergie radiative du soleil

12 MW

50 MW

Énergie mécanique du vent

30 MW

50 MW

Combustion/explosion de matières non fossiles d’origine animale/végétale

12 MW

50 MW

Combustion/explosion biogaz

12 MW

50 MW

Nappes aquifères/roches souterraines

12 MW

50 MW

Valorisation des déchets ménagers hors biogaz

12 MW

50 MW

Énergies houlomotrice, hydrothermique et hydrocinétique

(installations implantées sur le domaine public maritime)

X

50 MW

Combustibles fossiles hors gaz naturel et charbon

4,5 MW

10 MW

Gaz naturel

4,5 MW

20 MW

Énergie hydraulique

(installations mentionnées aux articles L. 511-2, L. 511-3 et L. 531-1 du code de l’énergie)

X

Dispensées

Source : http://www.green-law-avocat.fr/énergie/

Le décret supprime l’obligation de publication préalable, avant son traitement, d’une demande d’autorisation d’exploiter. Votre Rapporteure considère que cette disposition, en supprimant l’objet des recours contre les mesures de publication de demandes d’autorisation, parfois formés uniquement dans des buts dilatoires, permettra d’accélérer la mise en exploitation des projets.

Le décret crée une obligation de publicité pour les demandes d’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité dont la puissance dépasse 500 MW. Votre Rapporteure note ici une contradiction avec la notice du décret qui indique obligation de publicité pour les installations dont la puissance dépasse 800 MW.

Le décret simplifie le contenu du dossier de demande. Votre Rapporteure s’interroge sur la suppression de l’obligation pour le pétitionnaire de produire, dans son dossier de demande, la note relative à l’incidence du projet sur la sécurité et la sûreté des réseaux publics d’électricité. Il est nécessaire que le développement des énergies renouvelables ne se fasse pas au détriment de la sécurité des réseaux. Votre Rapporteure est toutefois favorable à l’obligation d’assortir le dossier des demandes déposées, à compter du 1er juillet 2016, d’une note relative à l’efficacité énergétique de l’installation comparée aux meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable.

Enfin, le décret codifie les possibilités de prolongation pour les installations ENR marines. Au-delà des dix ans, leur autorisation peut encore être prolongée pour une période de trois ans, renouvelable deux fois.

Les articles 105 à 107 sont également subordonnés à l’intervention de décrets.

Article 105
Délai de raccordement des installations de production à partir de sources renouvelables

Cet article vient combler un vide juridique. Alors que l’article 88 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 », avait fixé un délai de raccordement de deux mois s’agissant des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable d’une puissance installée inférieure ou égale à trois kilovoltampères, aucun délai n’était défini pour les autres installations. L’article 105 prévoit que ce délai est de 18 mois pour les installations d’une puissance supérieure à trois kilovoltampères. Cette disposition est d’application directe.

Il est cependant renvoyé à un décret pour déterminer quelles installations peuvent faire l’objet d’un délai de raccordement plus long au regard de contraintes techniques et administratives particulières. Le décret n° 2016-399 relatif au délai de raccordement des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable est paru le 1er avril 2016. Il prévoit que le délai de raccordement, qui ne comprend pas le délai nécessaire à la mise en service de ladite installation, court à compter de la date de réception par le gestionnaire de réseau de la convention de raccordement, sous réserve d’un certain nombre d’exceptions. Alors même que l’article 105 pouvait laisser penser que des différences seraient faites suivant les catégories d’installation, et potentiellement en fonction du type d’énergie renouvelable en cause, le décret n’opère à ce titre aucune distinction. Le délai de raccordement peut être suspendu lorsque la construction des ouvrages à réaliser par le producteur ne peut être effectuée dans le délai de dix-huit mois, lorsque le producteur décide de suspendre son projet, ou encore lorsque la réalisation des travaux de raccordement est soumise à des sujétions nouvelles résultant d’une décision administrative. Le décret précise les conditions de prorogation du délai de raccordement, en prévoyant notamment que la demande de prorogation est motivée et accompagnée d’un dossier exposant l’étendue des travaux et comprenant des pièces justificatives.

Si le décret est globalement bien accepté par les acteurs du terrain, le caractère imprécis de l’article D. 342-4-2 du code de l’énergie, créant une possibilité de suspension de ce délai de 18 mois « lorsque le producteur et le gestionnaire de réseau constatent que la construction des ouvrages à réaliser par le producteur ne peut être effectuée dans le délai de dix-huit mois ou que le producteur décide de suspendre son projet », fait craindre à certains acteurs que cela n’entrave l’accélération du raccordement des installations. Votre Rapporteure estime toutefois qu’il est indispensable de conserver cette souplesse, notamment dans les cas, assez fréquents, où les permis de construire nécessaires à la réalisation de l’installation font l’objet de recours contentieux.

L’article renvoie en outre à un décret en Conseil d’État le soin de fixer le barème du versement d’indemnités liées au non-respect des délais (de 2 ou 18 mois). Un projet de décret a été examiné par le Conseil supérieur de l’énergie (CSE) le 1er mars 2016. Il prévoit un montant plafonné à 10 % du montant du raccordement. La publication était envisagée en février 2016 !

Article 106
Adaptation des procédures d’appels d’offres pour la production d’électricité renouvelable

L’article définit certaines modalités des appels d’offres pour la production d’électricité renouvelable. Il prévoit ainsi, sans que des mesures d’application soient nécessaires :

– que l’appel d’offres lancé par l’autorité administrative choisisse les modalités selon lesquelles le candidat retenu bénéficie d’un soutien à l’électricité produite : soit un contrat d’achat, soit un contrat offrant un complément de rémunération ;

– que lorsque le contrat d’achat est choisi, la société EDF et, le cas échéant, les entreprises locales de distribution, soient tenues de conclure un contrat d’achat avec le candidat retenu (si elles ne sont pas retenues elles-mêmes) ;

– que, si le complément de rémunération est choisi, seule EDF soit tenue de conclure ce contrat avec le candidat retenu de l’appel d’offres ;

– que, si l’appel d’offres aboutit au choix d’EDF ou d’une entreprise locale de distribution, les éventuels surcoûts de production d’électricité soient compensés au titre de charges de service public.

L’article prévoit l’intervention d’un décret, non encore publié, définissant les modalités de mise en œuvre du contrôle des installations lauréates des appels d’offres ayant effectué une demande de contrat (périodicité, modalités de fonctionnement du système de contrôle, agrément et points de contrôle pour les organismes agréés destinés à contrôler les installations ENR).

Pour ce qui est des appels d’offres en Corse, à La Réunion, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe et à Mayotte, l’article renvoie à un décret définissant les modalités de l’association du Président de la collectivité à la définition des modalités d’appels d’offres pour la production d’électricité renouvelable. Le décret n° 2016-706 précisant les modalités d’intervention des collectivités précitées dans les procédures d’appels d’offres mentionnées à l’article L. 311-11-1 du code de l’énergie est paru le 30 mai 2016.

Le décret respecte strictement la loi puisqu’il prévoit que, lorsque le rythme de développement d’une filière de production d’électricité sur les territoires de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique ou de La Réunion est de nature à compromettre l’atteinte des objectifs inscrits dans les programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) relatives à ces collectivités, ces dernières peuvent demander au ministre chargé de l’énergie d’organiser un appel d’offres sur leur territoire pour cette filière.

Le décret aurait gagné à être plus précis. Rien n’est dit sur la date ou le pourcentage à partir desquels il est possible d’affirmer que le rythme de développement d’une filière est de nature à compromettre l’atteinte des objectifs. Il serait préférable que la demande des collectivités ne puisse être faite que durant les trois dernières années de la PPE, afin de laisser le temps aux projets d’émerger et de posséder une estimation relativement robuste du rythme de développement de la filière de production.

Article 107
Sanctions applicables aux régimes de soutien des énergies renouvelables

Cet article élargit et renforce les sanctions prévues en cas de fraudes au soutien public ou de non-respect du cahier des charges des appels d’offres. Il prévoit un décret, dont la publication, prévue pour février, n’est pas encore intervenue, pour fixer les modalités d’application des dispositions relatives aux sanctions, étendues par l’article à tous les types de contrats d’achat de l’électricité (le régime de l’obligation d’achat, le régime du complément de rémunération et le régime de l’appel d’offres). Ces contrats, conclus obligatoirement, peuvent donc désormais être suspendus ou résiliés par l’autorité administrative si l’installation de production d’électricité bénéficiaire du contrat ne respecte pas les exigences réglementaires, ainsi que, dans le cas de l’appel d’offres, les exigences du cahier des charges qui l’accompagne. Les modalités de suspension ou de résiliation seront fixées dans le décret.

L’article introduit une nouvelle sanction : si l’autorité administrative choisit de prononcer la résiliation du contrat d’achat, elle peut assortir cette sanction de l’obligation pour l’installation de production de rembourser les sommes perçues en application du contrat résilié dans la période où les irrégularités ont été constatées. Les modalités de remboursement des sommes perçues seront définies dans le décret.

Pour les contrats conclus sous le régime de l’obligation d’achat, du complément de rémunération ou de l’appel d’offres, l’article donne également à l’autorité administrative le pouvoir de suspendre le contrat pour une durée de six mois au plus, renouvelable, en cas de procès-verbal constatant une potentielle infraction à la législation relative au travail dissimulé ou une situation dangereuse et de résilier le contrat si une condamnation définitive résulte de ces infractions. Les modalités de suspension ou de résiliation, et de fixation des sanctions pécuniaires, seront fixées dans le décret.

Article 108
Production et vente d’électricité par les collectivités territoriales et leurs groupements

Cet article est relatif à la possibilité pour des entités publiques, comme des syndicats mixtes, d’être éligibles à l’obligation d’achat. En lui-même il ne nécessite pas de texte d’application.

Article 109
Participation des communes au capital de sociétés de production d’énergies renouvelables

Les articles 109 à 111 portent sur le financement participatif, lequel, au sens large, couvre les projets dans lesquels il y a participation financière des citoyens et/ou des collectivités.

Le financement participatif est actuellement assez peu courant pour les projets d’énergies renouvelables. Aujourd’hui on compte environ 150 projets participatifs recensés dans la production d’énergie renouvelable en France, mais une minorité d’entre eux est concrétisée. Toutefois, la plupart des projets sont en cours de constitution.

Le financement participatif peut prendre différentes formes :

– Il faut distinguer le financement citoyen de la dette qui donne lieu seulement à une participation financière du financement citoyen en fonds propres permettant aux citoyens de prendre des parts de capital et d’être acteurs de la gouvernance du projet. Le financement de la dette prend la forme de prise d’obligations, de bons de caisse (titres d’une créance d’une durée de cinq ans), de financement participatif « crowdfunding » en prêt ou de dépôts à terme pour financer un projet d’énergie renouvelable. Cette distinction doit être relativisée. Certains types d’apports peuvent alimenter les fonds propres sans octroyer de droits de vote (apports en don via le crowdfunding ou en apports en comptes courants d’associés par des actionnaires existants).

– Il faut aussi distinguer les participations directes, avec un financement procuré par les citoyens en tant que personnes physiques, des participations indirectes, avec un financement apporté par une structure intermédiaire (dont ils sont associés) ou une collectivité (qui les représente).

– Le financement direct en fonds propres peut être réalisé sous forme d’actions ou sous la forme d’apports en compte courant d’associé. Les statuts juridiques des sociétés de projets qui accueillent des citoyens dans leur capital sont différents mais le statut de sociétés par actions simplifiées (SAS) prévaut, avant celui de sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) puis, dans une moindre mesure, de celui de sociétés d’économie mixte (SEM)

La formule de la SAS est privilégiée en raison de sa facilité de création (notamment l’absence d’un capital de départ) et de sa souplesse statutaire (notamment l’organisation libre de la gouvernance).

Le financement indirect en fonds propres peut prendre différentes formes et consiste à réunir plusieurs citoyens dans un « véhicule unique » pour faciliter l’organisation de la gouvernance :

– les sociétés intermédiaires consistent à réunir les citoyens, voire les collectivités pour capitaliser ensuite la société de projet.

– Energie Partagée Investissement, société en commandite par action, que la mission d’information a auditionnée collecte les fonds citoyens via des offres au public de titres financiers (OPTF) sous contrôle de l’Autorité des marchés financiers pour financer des projets devant répondre à la Charte d’énergie partagée.

– les clubs d’investissements sont des entités fiscales possédant une forme juridique très souple, l’indivision volontaire et permettant de mettre en commun une épargne. Un club CIGALES (Club d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire) est une structure de capital-risque solidaire mobilisant l’épargne de ses membres au service de la création et du développement de petites entreprises locales et collectives.

– le crowdfunding pour l’apport en fonds propres, possible via des plateformes Internet, permet une participation en dons ou en titres financiers.

LES DIFFÉRENTES FORMES DE FINANCEMENT PARTICIPATIF

Source : ADEME, 2015

Le dispositif vise à autoriser les communes et leurs groupements, les départements et les régions à devenir actionnaires de sociétés dont l’objet est de produire des énergies renouvelables. Ces sociétés doivent être des SA ou des SAS, les SARL et les SCA ne sont pas concernées.

L’article ne précise pas si les sociétés commerciales dont l’objet est de développer des projets ENR sont concernées. Il ne donne pas non plus de précision quant au seuil de participation des collectivités dans les SA et les SAS.

Il ne nécessite aucun texte d’application.

Article 110
Création de sociétés commerciales de production d’électricité ou de gaz par des régies.

L’article prévoit que « les régies dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière peuvent créer une ou des sociétés commerciales ou entrer dans le capital d’une ou de sociétés commerciales existantes dont l’objet social consiste à produire de l’électricité ou du gaz. Les installations de production d’électricité ou de gaz de cette ou de ces sociétés commerciales peuvent être situées sur le territoire des régies mentionnées à la première phrase du présent alinéa ou en dehors de ce territoire. »

Cet article est en vigueur. Il doit permettre une meilleure implication des régies dans la production d’énergie.

La difficulté sera d’en dresser un bilan exhaustif.

Article 111
Investissement participatif dans les projets de production d’énergies renouvelables

Cet article autorise les sociétés commerciales, les sociétés d’économie mixte locales et les coopératives régies par la loi du 10 septembre 1947, constituées en sociétés de projet pour la production d’énergie renouvelable, à ouvrir une partie de leur capital aux habitants qui résident à proximité du lieu de réalisation du projet, ainsi qu’aux collectivités territoriales compétentes sur le territoire desquelles il se situe. Il est légèrement en décalage par rapport à l’article 109 puisqu’il laisse entendre que les collectivités pourraient participer au financement de la dette des projets d’ENR.

L’article décrit en effet les formes que peut prendre l’offre de participation :

– directe, du porteur de projet aux habitants ou aux personnes publiques concernés ;

– par le biais d’un fonds spécialisé de l’économie sociale et solidaire, qui prend la forme d’un fonds d’entrepreneuriat social européen

– par le biais d’une société dont l’objet est le développement des énergies renouvelables et qui est agréée « entreprise solidaire d’utilité sociale »

– par le biais de conseillers en investissements participatifs. Cette dernière forme d’offre de participation n’est en vigueur que depuis le 1er juillet 2016.

L’article prévoit qu’un décret fixe les caractéristiques à remplir pour que les offres de participation au capital ou au financement de projet de production ENR ne soient pas considérées comme une offre au public au sens du code monétaire et financier. Le décret n° 2016-1272 relatif aux investissements participatifs dans les projets de production d’énergie renouvelable, publié le 29 septembre 2016, renvoie aux règles de l’AMF et ne prévoit pas de dérogation supplémentaire par rapport aux trois régimes dérogatoires existants (par rapport au montant des investissements, à la nature des investisseurs et en cas de « crowdfunding »).

Or, obtenir un prospectus requiert une démarche compliquée pour les projets de production d’ENR souhaitant ouvrir leur capital à des citoyens. Les acteurs de terrain auraient souhaité des dérogations aux règles existantes de l’Autorité des marchés financiers.

La définition de l’OPTF est appelée à évoluer en raison de la révision prévue de la Directive Prospectus, s’inscrivant dans le projet européen de création d’une « Union des marchés des capitaux », et notamment dans le Plan d’action pour la mise en place d’une Union des marchés des capitaux, adopté le 30 septembre 2015.

Le décret ne fait plus référence qu’aux offres faites par les porteurs des projets directement ou aux offres proposées par l’intermédiaire d’un prestataire de services d’investissement et d’un conseiller en investissements participatifs au moyen d’un site internet. Certains acteurs du terrain se demandent pourquoi il n’est pas fait référence aux fonds d’entreprenariat social spécialisés dans la capitalisation de projets ENR ou aux sociétés ayant l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » pourtant explicitement mentionnés dans la loi.

Certains acteurs considèrent que le projet de décret aurait pu venir préciser certaines dispositions de la loi ne renvoyant pas explicitement au décret :

Le décret aurait également pu donner des précisions quant au seuil de participation des collectivités dans les SA et les SAS et préciser les conditions d’encadrement des participations publiques. En effet, sur le terrain, beaucoup d’acteurs et notamment de petites collectivités, sans service juridique important, craignent des risques de contentieux. Le décret aurait pu également préciser le statut de l’intermédiation.

La question que se posent certains acteurs est celle de savoir s’il faut ou non ouvrir les bonus participatifs aux projets en guichet ouvert (c’est-à-dire sans appel d’offres).

Les bonus participatifs dans le cadre d’appels d’offres commencent à être mis en place. Ainsi, dans l’appel d’offres « biomasse » présenté début février 2016, tout projet soumis par une collectivité, un groupement de collectivités, des sociétés par actions ou des coopératives dont plus de 40 % du capital est détenu par des citoyens et des collectivités bénéficie d’un bonus de 5 €/MWh de complément de rémunération.

Pour certains acteurs, permettre ces bonus participatifs au profit des projets en guichet ouvert permettrait d’encourager le financement participatif. À l’inverse, d’autres sont hostiles car cela reviendrait, selon eux, à sous-entendre que les projets citoyens sont plus chers et nécessitent une subvention publique pour être mis en œuvre. Certes, il peut être plus contraignant de développer un projet avec de nombreuses parties prenantes mais il ne faut pas non plus, selon eux, envoyer de signal négatif envers les projets citoyens.

Au-delà de la pertinence d’une telle ouverture, reste la question de sa compatibilité avec la position de la Commission européenne en matière d’aides d’État dans le domaine de l’environnement et de l’énergie.

Article 112
Méthanisation

Cet article autorise l’approvisionnement des installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes par des cultures alimentaires.

La méthanisation a connu, ces dernières années, un développement modéré. La méthanisation à la ferme et la méthanisation industrielle sont les plus développées, parmi les six types d’installation de méthanisation existant en France :

– la méthanisation « à la ferme » ou méthanisation agricole : le projet est porté par un agriculteur ou un groupement d’agriculteurs, et la méthanisation est réalisée par une entreprise agricole unique en maîtrise d’ouvrage, traitant majoritairement des effluents et substrats agricoles ; cette activité est principalement présente en Bretagne, Pays-de-la-Loire et Grand-Est ;

– la méthanisation « centralisée » ou « territoriale » : réalisée par des unités de grande taille, traitant en premier lieu des déchets du territoire et de façon secondaire des effluents agricoles en minorité et davantage de déchets du territoire ;

– la méthanisation en station d’épuration des eaux usées : traitant les boues résiduaires d’épuration des eaux usées urbaines ;

– la méthanisation industrielle, essentiellement dans les secteurs de l’agro-alimentaire, la chimie et la papeterie ;

– la méthanisation des ordures ménagères, ces projets étant conduits par les collectivités ou des entreprises ou syndicats spécialisés dans la gestion des déchets ; on compte seulement neuf sites en France ;

– la production spontanée de biogaz dans les installations de stockage de déchets (décharges).

Source : SINOE, base de données consolidée et sécurisée disposant d’un historique unique de 10 ans de données sur la gestion des déchets ménagers et assimilés

Alors qu’en 2008, le pays ne comptait que quelques installations, il y a aujourd’hui plus de 250 unités de méthanisation centralisées et de méthanisation à la ferme, constituant une puissance totale de près de 80 MW. 19 installations injectent du bio méthane sur le réseau de GRDF, et à l’horizon 2018, on pourrait en compter une centaine.

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Ce développement demeure toutefois faible, comparativement aux autres pays européens. En effet, si la France a été pionnière de la méthanisation en Europe dans les années quatre-vingt, sa politique de l’énergie, plus tournée sur le nucléaire, n’a pas accordé une réelle priorité au développement de la filière, tandis que d’autres pays européens se sont engagés plus nettement sur cette voie. Il en résulte que la France est loin derrière les pays dominants en Europe sur le secteur de la méthanisation (Allemagne, Italie, Pays-Bas, Danemark).

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La loi a opté pour de faibles aménagements juridiques, tout en escomptant un fort développement de la méthanisation, dans la lignée du plan Énergie Méthanisation Autonomie Azote (EMAA) lancé en mars 2015. Le plan EMAA, dont les objectifs sont indiqués dans le graphique ci-après, vise à développer un « modèle français de la méthanisation agricole » pour faire de la méthanisation agricole collective de taille intermédiaire un complément de revenus pour les exploitations agricoles, en valorisant l’azote et en favorisant le développement de plus d’énergies renouvelables ancrées dans les territoires, dans une perspective d’agriculture durable et de transition énergétique et écologique.

L’objectif est de développer en France, à l’horizon 2020, 1 000 méthaniseurs à la ferme, contre 90 à fin 2012.

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Des mécanismes de soutien existent déjà :

– les méthaniseurs de moins de 500 kW sont soutenus par un tarif d’achat de l’électricité garanti pendant 20 ans. L’arrêté tarifaire a été notifié à la Commission européenne dans le cadre des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie. Il comprend un seuil d’utilisation des cultures en tant qu’intrants fixé à titre conservatoire dans l’attente de la publication du décret ;

– les méthaniseurs de plus de 500 kW sont soutenus dans le cadre d’appels d’offres ouvrant droit à un complément de rémunération garanti pendant 20 ans.

Cet article doit donc également contribuer à multiplier par quatre, d’ici 2020, la puissance installée. Il renvoie au décret le soin de définir les seuils limites d’autorisation, dont la parution conditionnait l’entrée en vigueur de l’article 112. La question du périmètre global de ces seuils était donc essentielle, et ce décret était donc fortement attendu. Sa publication le 7 juillet 2016 (décret n° 2016-929) permet celle de l’arrêté tarifaire pour l’électricité produite à partir de biogaz par les nouvelles installations de méthanisation.

Le décret procède à la définition de plusieurs notions clés pour l’approvisionnement, fixe le seuil maximal d’approvisionnement des installations de méthanisation par des cultures alimentaires et établit les dérogations possibles.

D’après le décret, les installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes peuvent être approvisionnées par des cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale, dans une proportion maximale de 15 % du tonnage brut total des intrants par année civile. Cette proportion peut être dépassée une année N donnée par l’exploitant de l’unité si la proportion de ces cultures est inférieure à 15 % du tonnage total brut des intrants, en moyenne sur les « trois dernières années ». Votre Rapporteure aurait souhaité que soit clarifiée cette notion : s’agit-il de la moyenne sur les années N-3, N-2 et N-1 ou bien de la moyenne sur les années N-2, N-1 et N ?

Le décret prévoit une dérogation pour des cultures alimentaires ou énergétiques provenant de zones reconnues contaminées, notamment par des métaux lourds, définies par arrêté préfectoral. Votre Rapporteure accueille favorablement une telle disposition.

Le décret prévoit que les volumes d’intrants issus de prairies permanentes et de cultures intermédiaires à vocation énergétique n’entrent pas en compte dans la limite des 15 %. Le décret diffère donc grandement du projet d’arrêté tarifaire paru en fin d’année 2015 pour l’électricité produite à partir de biogaz par les nouvelles installations de méthanisation, qui prévoyait que le seuil maximal de 15 % s’applique également aux cultures à vocation énergétique.

Votre Rapporteure salue à ce sujet la procédure de concertation qui a permis au décret de répondre aux demandes de nombreux acteurs de terrain. Ainsi, par exemple, Coop de France avait souligné au cours des auditions conduites par la Mission que les cultures intermédiaires ne devaient pas, selon elle, être prises en compte dans les seuils, dans la mesure où elles n’entraient pas en concurrence alimentaire et, où cette condition d’approvisionnement ajouterait une contrainte que ne connaissent pas d’autres pays européens, aboutissant à l’arrêt de nombreux projets en cours. De telles positions avaient été préalablement mises en avant par le rapport de novembre 2012 : « Freins au développement de la méthanisation dans le secteur agricole » (75). Ce rapport estimait que « sur le fond, le frein principal au développement massif de la méthanisation agricole est certainement le refus des cultures énergétiques à titre principal. Il s’agit là d’une question de doctrine qu’il n’appartient pas à la mission de trancher. Il est toutefois nécessaire de le prendre en compte : la méthanisation à la ferme n’atteindra pas le développement qu’elle connaît par exemple en Allemagne pour cette raison. »

Le décret, qui affirme donc une volonté de développement des projets de méthanisation en France, apporte, sous réserve que la question du calcul soit tranchée, une réponse favorable aux attentes du secteur. Votre Rapporteure estime que ce décret va dans le bon sens mais s’interroge sur le fait de savoir s’il sera suffisant pour inverser la tendance décrite dans ce rapport. En particulier, votre Rapporteure souhaite que l’évolution des recettes du compte d’affectation spéciale « transition énergétique » permette de majorer, en fonction des besoins de la filière, les dépenses de soutien à l’injection de biométhane, qui ne sont prévues pour 2017 qu’à hauteur de 50 millions d’euros.

Article 113
Mise à jour de la liste des cours d’eau réservoirs

Cet article concerne la mise à jour des listes de cours d’eau considérés, dans chaque bassin, comme réservoirs biologiques ou comme zone de circulation des poissons migrateurs.

Il est applicable sans autre texte, mais votre Rapporteure souhaite que la notion de cours d’eau fasse l’objet d’une cartographie et d’une définition incontestables (76), faute de quoi cet article pourrait à son tour répercuter des incertitudes juridiques.

Au-delà, votre Rapporteure souhaite qu’une fois ce travail de définition et de cartographie établie, un véritable travail soit effectué sur la classification des cours d’eau et sur les critères de leur possibilité d’exploitation à des fins hydroélectriques et qu’une révision du classement des cours d’eau soit prévue de manière régulière par exemple dans le cadre de la révision des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ou de schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE).

Article 114
Admission de l’énergie photovoltaïque au bénéfice des réductions d’impôts

Cette disposition fiscale, qui est due à l’adoption d’un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat, M. Ladislas Poniatowski, gagé – ce qui devrait, juridiquement entraîner une hausse du prix du tabac ! – il supprime la restriction fiscale selon laquelle les investissements ouvrant droit à réduction d’impôt sur le revenu ou d’ISF ne pouvaient se faire au profit de sociétés dont l’activité consiste à produire de l’énergie solaire.

Jusqu’à l’intervention du présent article, l’article 199 terdecies-0 A du code général des impôts, qui définit les règles de défiscalisation au titre de l’impôt sur le revenu – 18 % des versements effectués au titre de souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital des PME non cotées – excluait du bénéfice de cette réduction d’impôt les investissements réalisés dans les sociétés exerçant « des activités procurant des revenus garantis en raison de l’existence d’un tarif réglementé de rachat de la production », cette incompatibilité entre tarifs d’achat et réduction d’impôt étant justifiée par un principe de non-cumul des aides publiques pour une même activité, et l’article 36 de la loi de finances pour 2011 ajoutait une exclusion spécifique pour les sociétés qui exercent « une activité de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil ».

La réduction d’impôt ne s’appliquait donc pas aux investissements dans la production d’électricité photovoltaïque, même lorsque celle-ci ne bénéficiait pas d’un tarif d’achat garanti, L’article 885-0 V bis appliquait les mêmes exclusions s’agissant de l’impôt de solidarité sur la fortune au titre des souscriptions au capital de PME et de titres participatifs de sociétés coopératives.

Le Sénat a souhaité revenir sur cette interdiction, dans le cas où les installations photovoltaïques ne bénéficient pas de l’obligation d’achat, et votre Rapporteure a jugé cette modification légitime.

Le dispositif est entré en vigueur le 1er janvier 2016. Il est, ici encore, urgent que le Gouvernement supprime le gage, ou l’applique.

Le dispositif fera l’objet d’un examen attentif lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2017. Le reproche est souvent fait d’une faiblesse voire d’une absence de structures industrielles françaises en matière de développement de l’énergie photovoltaïque. Or cette activité se développe au plan national, et l’incitation fiscale va donc dans le sens d’une transition énergétique, notamment à la demande des ménages.

Votre Rapporteure estime donc que cet article ne peut qu’avoir des effets positifs et sera attentive à son évaluation, en loi de finances.

Article 115
Prohibition du cumul de réduction d’impôts et d’un complément de rémunération

L’article, cette fois sans gage, issu, comme le précédent, d’un amendement de la commission des affaires économiques du Sénat, étend le dispositif permettant au redevable d’imputer sur l’impôt de solidarité sur la fortune 50 % des versements effectués au titre des souscriptions en numéraire et des souscriptions de titres participatifs aux sociétés bénéficiant d’un contrat offrant un complément de rémunération. L’article 24 de la loi de finances rectificative pour 2015 a modifié l’emplacement, de cette disposition dans le code général des impôts, mais n’en a pas changé le contenu, qui est directement applicable.

Chapitre II
Concessions hydroélectriques

L’hydroélectricité est en France une filière mature dont le développement est toutefois inférieur aux objectifs de la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité (PPI) de 2009.

C’est l’une des énergies renouvelables les moins coûteuses. Si les coûts de construction sont élevés, les coûts d’exploitation et de maintenance sont relativement faibles et la durée de vie des installations longue. C’est également une énergie extrêmement flexible. Les installations de lacs et d’éclusée (77) et de STEP contribuent à une bonne gestion de la pointe c’est-à-dire une gestion ne nécessitant pas la mise en route de centrales polluantes. La filière hydroélectrique représente également de nombreux emplois (environ 12 000 en France en 2012 selon l’ADEME). Si l’hydroélectricité pose certains défis environnementaux, la réglementation existante permet toutefois de préserver la qualité des milieux aquatiques et de garantir les autres usages de l’eau. Un ouvrage hydroélectrique doit ainsi maintenir un débit minimum dans le cours d’eau où il se trouve et être équipé de dispositifs garantissant la continuité écologique.

Ainsi, le service rendu s’étend-il à d’autres secteurs que la seule production d’énergie : irrigation, tourisme et loisir, etc. En contrepartie, Mme Anne Penalba, Présidente de France hydro électricité, souligne que 72 % du potentiel hydroélectrique se trouve condamné par les classements des cours d’eau (78) : « la filière est frustrée de n’être considérée que comme un obstacle à la continuité écologique et non pas comme un acteur économique du développement durable dans les territoires ». Mais ces arguments ne sont pas sans réponse : d’une part, un appel à projets a été lancé sur la petite hydraulique par le Ministère ; d’autre part la préservation de la continuité des cours d’eau est essentielle à l’environnement, ce que prend en compte l’article 133 de la présente loi.

L’énergie hydroélectrique

Même si ces arguments sont pertinents, il faut relever que la France est le deuxième pays européen producteur d’hydroélectricité, derrière la Norvège. L’hydroélectricité est ainsi la première source d’électricité renouvelable en France. Le parc hydraulique français compte ainsi plus de 2 500 installations, dont plus de 90 % sont des centrales au fil de l’eau.

http://www.france-hydro-electricite.fr/images/Illustrations%20electricite/Repartition%20parc%20hydro%2031.12.15.JPG

Source : RTE

Stabilisé autour des années 1990, après quarante années de croissance, le parc hydraulique reste un atout majeur du mix électrique français, dont la part avoisine ou dépasse chaque année 10 % du mix énergétique. Entre juin 2015 et juin 2016, les centrales hydroélectriques ont généré 60,6 % de la production électrique d’origine renouvelable en France.

Le parc hydraulique est composé de 25 421 MW (23 657 MW sur le réseau RTE, 1 457 MW sur le réseau ENEDIS et 67 MW sur les réseaux des entreprises locales de distribution). Au 30 juin 2016, la puissance totale raccordée du parc hydraulique en France métropolitaine a atteint 25 468 MW, ce qui constitue plus de la moitié des capacités renouvelables raccordées au réseau électrique à cette date. L’arrêté du 24 avril 2016 fixe à la production hydroélectrique les objectifs suivants, en termes de puissance totale installée et d’énergie produite annuellement :

 

PUISSANCE INSTALLÉE

ÉNERGIE RENOUVELABLE (HORS STEP)
produite en année moyenne

31 décembre 2018

25 300 MW

61 TWh

31 décembre 2023

Option basse : 25 800 MW
Option haute : 26 050 MW

Option basse : 63 TWh
Option haute : 64 TWh

Ces chiffres doivent être ramenés à la situation actuelle :

Source : RTE

La production effective varie d’une année sur l’autre en fonction des conditions hydrologiques. Le « productible annuel », c’est-à-dire la production annuelle dans des conditions hydrologiques moyennes est d’environ 67 TWh en France. En 2015, le niveau de la production hydraulique renouvelable a diminué de 14 % par rapport à 2014. Cette baisse s’explique par des précipitations moins importantes. En revanche, elle a fortement augmenté durant le 2e trimestre 2016 du fait de la hausse des précipitations et atteint 19,15 TWh sur cette période. Au mois de juin 2016, la production hydraulique renouvelable a couvert à elle seule près de 20,8 % de la consommation française d’électricité brute.

Source : RTE

Si la filière est mature, elle n’atteint cependant pas les objectifs fixés. La PPI de 2009 prévoyait 3 TWh de production en plus, et 3 000 MW de puissance installée supplémentaire à l’horizon 2020, par rapport à 2009. En 2015, la puissance supplémentaire installée n’est pas significative. Seul un projet d’envergure a été mis en service par rapport à 2009, le barrage de Rizzanese en Corse, d’une puissance de 55 MW. Le plus important projet en cours de réalisation est celui de Romanche–Gavet, en Isère, particulièrement vertueux :

Le Chantier de Romanche–Gavet

Le chantier de Gavet est actuellement le plus gros chantier hydroélectrique géré par EDF. il mobilise 400 personnes. L’investissement représente environ 250 millions d’euros.

Il doit conduire à remplacer six centrales hydroélectriques, fonctionnant au fil de l’eau, construites à partir de la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle qui sont actuellement exploitées : Livet, Les Vernes, Les Roberts, Rioupéroux, Les Clavaux et Pierre- Eybesse. La puissance totale installée de ces six ouvrages est de 82 MW pour une production annuelle moyenne de l’ordre de 405 millions de kWh.

D’une puissance de 560 millions de KWh, soit 155 millions de plus que les 6 centrales actuelles, le complexe hydroélectrique de Romanche-Gavet sera presque entièrement enterré, avec une conduite forcée souterraine de 9,3 km. Deux groupes de production d’une puissance unitaire de 47 MGW soit une puissance maximale de 92 MGW, vont pouvoir alimenter l’équivalent d’une ville de 200 000 habitants, ce qui représente , pour la vallée, une augmentation du potentiel de production de 30 %.

Compte tenu du chantier, la vallée de la Romanche devrait redevenir entièrement naturelle, et ouverte au développement d’activités touristiques nouvelles, une seule des implantations actuelles, classée, doit être maintenue, celle de Vernes. Les activités piscicoles ont également été prises en compte.

Source : données EDF

Quant à la production globale hydroéléctrique, elle a baissé de 1,3 TWh par rapport à 2009, en raison notamment du relèvement des débits réservés début 2014 et des actions d’amélioration de la continuité écologique. La non-atteinte des objectifs PPI peut également s’expliquer par la file d’attente de raccordement aux réseaux de transport et de distribution, qui représente une puissance de 508 MW au 31 décembre 2015.

Les nouveaux objectifs de développement des énergies renouvelables de la PPI doivent permettre d’augmenter la capacité de production hydroélectrique de 500 à 750 MW, et la production de 2 à 3 TWh d’ici 2023. Trois actions concrètes sont prévues dans le rapport gouvernemental accompagnant la PPI :

– le lancement d’un appel d’offres dédié au développement de la micro et de la petite hydroélectricité en 2016 ;

– la possibilité pour les nouvelles concessions hydroélectriques de bénéficier du complément de rémunération ;

– l’identification des conditions économiques permettant le développement des STEP, notamment en termes d’évolution de la fiscalité.

Deux de ces actions ont déjà été mises en application. Un appel d’offres a été lancé, le 26 avril, en clôture de la conférence environnementale 2016, pour le développement de petites installations hydroélectriques. Son objectif est de développer près de 60 MW de nouvelles capacités, ne relevant pas du régime de la concession, pour relancer la filière. Le décret permet de faire bénéficier les nouvelles concessions du complément de rémunération.

Ces dispositions ont été prises pour mettre fin à un long débat sur la mise en concurrence des concessions hydrauliques. En France, les barrages ayant une puissance installée supérieure à 4,5 mégawatts (MW) appartiennent historiquement à l’État, mais leur gestion fait l’objet d’une concession de longue durée. 400 concessions sont ainsi exploitées par la Compagnie nationale du Rhône (CNR), la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) et dans leur grande majorité, par EDF. Ces entreprises voyaient, jusqu’à une date récente, leurs contrats de concession renouvelés de gré à gré, sans mise en concurrence.

Deux évolutions juridiques majeures ont rendu nécessaire une modification de cette procédure de gré à gré.

Tout d’abord, la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques a supprimé le « droit de préférence » prévu par la loi du 16 octobre 1919 pour les concessionnaires sortants dès lors qu’ils souhaitaient bénéficier d’un nouveau contrat de concession. Un tel droit n’était pas compatible avec la libéralisation du marché intérieur européen de l’électricité.

Ensuite, la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, en transformant EDF en société anonyme, a fait rentrer les concessions hydroélectriques dans le droit commun des délégations de service public. En effet, la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin » ne prévoit une exception à l’obligation de mise en concurrence lors de l’attribution d’une délégation de service public que si ce service public est confié à un établissement public.

En 2010, le Gouvernement a décidé de lancer une procédure de mise en concurrence pour le renouvellement de dix concessions électriques représentant 20 % de la puissance hydroélectrique française, soit de 49 barrages d’une capacité totale de 5 300 MW – l’équivalent de quatre ou cinq réacteurs nucléaires. Ce processus devait aboutir à l’attribution des nouvelles concessions en 2015.

Toutefois, en octobre 2012, la ministre de l’écologie Delphine Batho s’est opposée à cette libéralisation, ce qui a permis de relancer le débat. Votre Rapporteure a été chargée, avec notre collègue Éric Straumann d’établir des scénarii alternatifs dans le cadre d’une mission d’information. Les conclusions de cette mission figurent dans le rapport d’information (n° 1404), du 7 octobre 2013 sur l’hydroélectricité. Les difficultés soulevées par une éventuelle ouverture totale à la concurrence sont les suivantes :

– le découpage inadéquat des vallées remises en concurrence rend moins attractif le système et rend l’exploitation des barrages particulièrement complexe ;

– toute concession perdue par l’opérateur historique se traduit par une hausse de son coût de production moyen et donc une hausse du tarif réglementé, car ce dernier est calculé sur la base des coûts de production d’EDF ;

– les autres pays européens appliquent des régimes différents qui leur permettent de contourner la nécessité d’une mise en concurrence (régime de l’autorisation sous la propriété d’un opérateur national très souvent public / régime mixte combinant autorisation et concession où les règles du jeu sont particulièrement complexes pour les nouveaux entrants/ régimes réduisant les possibilités offertes aux candidats non nationaux à la reprise des concessions) ; dans ce rapport, votre Rapporteure rappelait qu’aucun autre pays européen n’ouvre son parc hydroélectrique : les candidats à la reprise des concessions hydroélectriques invoquent largement le droit européen pour justifier de la nécessité d’une mise en concurrence du parc hydraulique national, mais les autres pays européens appliquent des régimes qui leur permettent de contourner la nécessité d’une mise en concurrence.

Trois cas différents peuvent être distingués. Premier cas, les ouvrages hydrauliques sont sous le régime de l’autorisation : sous la propriété d’un opérateur national – très souvent public –, ils ne sont pas soumis, par définition, aux règles applicables aux concessions. C’est le cas de la Suède.

Deuxième cas, l’exploitation de la force hydraulique est soumise à un régime mixte combinant autorisation et concession ; dans de tels pays (Allemagne, Espagne), les règles du jeu sont particulièrement complexes pour les nouveaux entrants.

Dernier cas, certaines règles réduisent les possibilités offertes aux candidats à la reprise des concessions non nationaux ; par exemple, en Norvège, tout candidat à l’attribution d’une concession doit être au minimum à 70 % public, ce qui oblige un exploitant étranger, s’il souhaite pénétrer ce marché à intégrer un consortium (de type SEM) avec une entreprise publique ou une collectivité locale norvégienne.

Le cas de non-réciprocité le plus flagrant est celui de la Suisse, pays dans lequel les directives sectorielles sur l’énergie ne sont même pas applicables.

Au cours des diverses auditions auxquelles votre Mission a procédé, ces éléments ont à nouveau été évoqués, sans être contredits : la concurrence en la matière est largement faussée, au détriment de la France.

En remettant en concurrence les concessions, l’État perd définitivement le contrôle sur la production d’électricité la plus compétitive du mix énergétique (le coût de production du MWh hydraulique étant de l’ordre de 20-30 €) et une des plus flexibles (en période de pointe).

Le rapport dressait par ailleurs des scénarii alternatifs à l’ouverture totale à la concurrence : le renouvellement des concessions de gré à gré (scénario écarté dans le rapport), la méthode du barycentre, prévue à l’article 116, la mise en place d’une unique concession (des dispositions législatives auraient désigné l’opérateur historique gestionnaire du service d’intérêt économique général de production hydroélectrique), l’exploitation des concessions par un établissement public (l’activité hydraulique d’EDF aurait été filialisée, puis rachetée par l’État et transformée en établissement public).

Indépendamment de l’application future des dispositions de la loi analysée ci-dessous, des appels d’offres réguliers et l’optimisation des concessions existantes seront donc nécessaires pour relancer le développement de l’hydroélectricité. L’arrêté du 24 avril 2016 modifiant les objectifs de développement de la production d’énergie renouvelables fixés en 2009 et fixant le « calendrier prévisionnel indicatif » des procédures d’appels d’offres à venir est déjà à même d’avoir un effet positif sur le développement de la filière hydraulique, et notamment de la petite hydroélectricité.

Article 116
Méthode du barycentre

Cet article inscrit dans le code de l’énergie les dispositions qui permettent de mettre en œuvre le regroupement de concessions d’une même vallée selon la méthode du barycentre, consistant à aménager le processus de remise en concurrence en favorisant la création de lots unifiés sur une même vallée. L’application de cette méthode conduit à harmoniser les dates d’échéance de chacune de ces concessions puis à les regrouper dans un seul contrat, sans modifier l’équilibre économique des contrats de concession initiaux.

Le regroupement des vallées s’effectue par décrets en Conseil d’État :

– un décret fixant les modalités de regroupement des concessions hydrauliques formant une chaîne d’aménagements hydrauliquement liés en cas de concessionnaire unique ;

– un décret fixant les modalités de regroupement des concessions hydrauliques formant une chaîne d’aménagements hydrauliquement liés en cas de concessionnaire distincts. Ce décret doit également fixer :

• La liste des contrats de concession à regrouper ;

• Le montant de l’indemnité due par les opérateurs dont les concessions ont été prolongées, au profit de ceux dont la durée des concessions a été réduite ;

• le taux de la redevance pour les contrats dont la durée est prolongée, si la date commune d’échéance déterminée conduit à modifier l’équilibre économique du contrat malgré le versement de l’indemnité.

– un décret définissant les critères utilisés pour le calcul de la date commune d’échéance des contrats et modalités liées au regroupement en cas de concessionnaire unique ;

– un décret définissant les critères utilisés pour le calcul de la date commune d’échéance des contrats et modalités liées au regroupement en cas de concessionnaires distincts.

En revanche, est d’application directe la possibilité de proroger une concession lorsque des travaux sont nécessaires pour optimiser les équipements et atteindre les objectifs de politique énergétique. Tandis que l’arrêté du 27 novembre 2015 relatif à la valorisation des recettes des concessions hydroélectriques mentionnées à l’article L. 523-2 du code de l’énergie) est paru, l’article 116 institue, à la charge du concessionnaire, une redevance proportionnelle aux recettes de la concession issues en particulier de la vente d’électricité. Elles sont établies par la valorisation de la production aux prix constatés. Quant aux autres recettes, l’article précise qu’elles doivent être déterminées selon des modalités définies par un arrêté pris par le ministre chargé de l’énergie. Cet arrêté distingue :

– d’une part, les recettes issues de la vente des garanties de capacité (valorisation du volume des capacités certifiées des installations de production au prix de marché de référence de la capacité selon des modalités de calcul précisées dans une délibération que la Commission de régulation de l’énergie a prise le 6 mai 2015)

– d’autre part, les autres recettes de la concession, notamment issues du mécanisme d’ajustement, qui devront être établies à partir des montants réellement perçus par le concessionnaire.

Si votre Rapporteure s’était montrée critique s’agissant de cette mise en concurrence, notamment à cause des risques liés à la complexité du processus administratif, au transfert des salariés et à l’incidence sur le prix de l’électricité, les dispositions retenues par le présent article sont de nature à lever, au moins partiellement, ces craintes quant aux modalités elles-mêmes retenues par cet article, qui met en œuvre le regroupement des vallées, auquel elle est favorable. Reste que la remise en concurrence des concessions, à terme, pose à nouveau des questions similaires.

Article 117
Répartition de la redevance hydraulique

L’article, qui modifie la répartition de la redevance hydraulique entre les communes et les communautés de communes ou d’agglomération en instituant un partage automatique des redevances, à hauteur d’un douzième pour les communes et d’un douzième pour leurs groupements, est d’application directe.

Article 118
Sociétés d’économies mixtes hydroélectrique

Cet article prévoit le renouvellement des concessions hydroélectriques, dans le cadre de sociétés d’économie mixtes (SEM), créant ainsi une catégorie de société d’économie mixte hydroélectriques (SEMH), constituées pour une durée limitée en vue de la conclusion et de l’exécution d’une concession hydroélectrique, dont l’objet est l’aménagement et l’exploitation, selon les modalités fixées au cahier des charges prévu à l’article L. 521-4 du code de l’énergie.

La SEMH revêt la forme d’une société anonyme. Pourront s’associer aux opérateurs privés, l’État et les collectivités territoriales riveraines des cours d’eau dont la force hydraulique est exploitée. À ce titre, les partenaires publics peuvent choisir leur degré d’implication dans la SEMH puisqu’ils peuvent détenir entre 34 % et 66 % du capital de la société et entre 34 % et 66 % des droits de vote des organes délibérants.

L’article précise également que les modalités d’association de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs groupements et des partenaires publics au sein de la SEMH font l’objet d’un accord préalable à la sélection de l’actionnaire privé qui comprend :

– les modalités de leur participation au capital et leur rôle dans la gouvernance de la société en cours de création ;

– une « indication » des montants d’investissements qu’ils consacreront aux projets des candidats.

De plus, l’article traite de la procédure de mise en concurrence dans le cas où l’État décide de créer une SEMH :

– les règles de droit commun pour la mise en concurrence des concessions hydrauliques s’appliquent. Par ailleurs, pour tenir compte du régime particulier des SEMH, les candidats sont informés des modalités de participation des acteurs publics à la SEMH et des principes de fonctionnement de celle-ci ;

– l’article établit un lien de corrélation avec les dispositions en vigueur concernant les procédures de passation des marchés publics. Il précise ainsi que tout opérateur économique peut se porter candidat à l’attribution d’une SEMH, à l’exception des opérateurs économiques placés sous l’effet d’une interdiction de soumissionner conformément à l’article 8 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005.

Enfin, l’article 118 prévoit la création d’un « comité de suivi de l’exécution de la concession et de la gestion des usages de l’eau » qui fait l’objet d’un nouveau chapitre dans le code de l’énergie constitué d’un article unique L. 524-1.

Ce comité, composé de représentants de l’État et de ses établissements publics, de concessionnaires, des collectivités et groupements concernés et des habitants riverains, sera consulté par le concessionnaire préalablement à « toute décision modifiant les conditions d’exploitation des ouvrages de la concession ayant un impact significatif sur les différents usages de l’eau ou les enjeux mentionnés aux articles L. 211-1 du code de l’environnement, notamment la création d’ouvrages nouveaux ou la réalisation d’opérations d’entretien importantes ». La création d’un tel comité est obligatoire pour les concessions regroupant des ouvrages dont la puissance cumulée est supérieure à 1 000 MW. En outre, il résulte de la nouvelle rédaction de l’article L.524-1-III du code de l’environnement, créé par l’article 118, que les commissions locales de l’eau existantes tiennent lieu de comité de suivi, ce que votre Rapporteure juge pertinent.

Les articles 116 et 118 appelaient un décret d’application, dont la parution est intervenue le 27 avril 2016 (n° 2016-530).

L’octroi d’une concession relève de la compétence du préfet du département où sont situés les barrages ou de la compétence du ministre de l’énergie lorsque la puissance des aménagements est supérieure ou égale à 100 mégawatts. Si les ouvrages sont situés sur plusieurs départements, la concession est accordée par arrêté conjoint des préfets des départements intéressés.

Le décret prévoit la procédure de sélection du candidat à la concession, conformément à l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 et au décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession.

L’autorité administrative fixe la durée de la concession, renseigne sur ses paramètres financiers et précise les modalités selon lesquelles les candidats peuvent accéder aux installations existantes dans le règlement de la consultation. Le préfet invite le concessionnaire pressenti à fournir, dans un délai qu’il fixe, le nombre de dossiers nécessaire à l’enquête publique et aux consultations pour l’instruction de sa demande de concession.

Le décret contient des dispositions relatives à la fin de la concession et à son renouvellement :

– au cours des cinq années précédant l’échéance normale de la concession, le concessionnaire est tenu d’exécuter, aux frais de l’État, les travaux que le préfet juge nécessaires à la préparation et à l’aménagement de la future exploitation.

– à l’échéance du contrat de concession, le total des sommes non encore amorties par le concessionnaire est porté au débit de l’État et au crédit du concessionnaire. Ces sommes lui sont versées dans les douze mois qui suivent le terme effectif du contrat ;

– pour assurer un bon renouvellement des concessions, le concessionnaire laisse les candidats accéder aux installations. S’il y a lieu, les projets d’accords entre le concessionnaire précédent et le futur concessionnaire, élaborés pendant la période de renouvellement de la concession, sont soumis à validation de l’autorité administrative.

Le décret précise les modalités de regroupement de concessions. Il définit ce que sont deux aménagements de force hydraulique hydrauliquement liés. Il faut qu’ils se trouvent dans l’un au moins des cas suivants :

1° L’influence hydraulique entre les deux aménagements est moyenne ou forte ;

2° Les deux aménagements sont alimentés par une même retenue amont, ou déversent dans une même retenue aval ou dans un même cours d’eau, et les conditions d’exploitation des deux aménagements sont régulièrement dépendantes l’une de l’autre en raison de la configuration physique, du respect des règles en matière de débit du cours d’eau ou de niveau de la retenue, ou plus généralement des exigences de respect des principes énoncés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement ;

3° Le premier aménagement est un barrage-réservoir alimentant directement le second aménagement situé en aval.

La nouvelle date commune d’échéance est calculée de telle sorte que la somme des flux de trésorerie disponibles futurs estimés des concessions, actualisés et calculés sur l’ensemble des concessions regroupées, ne soit pas modifiée par leur regroupement. Les flux de trésorerie disponibles sont définis comme l’excédent brut d’exploitation, déduction faite des investissements et de l’impôt sur les sociétés calculé sur le résultat d’exploitation.

Le décret précise également les modalités relatives aux sociétés d’économie mixte hydroélectriques. Lorsque l’autorité administrative envisage de procéder à l’octroi d’une concession à une société d’économie mixte hydroélectrique, le préfet notifie cette intention aux collectivités territoriales et aux groupements de collectivités territoriales riverains des cours d’eau, qui peuvent adresser à l’autorité administrative une demande motivée de participation en qualité d’actionnaires. Après avoir procédé à la sélection des personnes morales susceptibles de constituer l’actionnariat public de la future société d’économie mixte hydroélectrique, l’autorité administrative lance la procédure unique d’appel public à la concurrence pour sélectionner l’actionnaire opérateur.

Le décret modernise plus généralement le cadre réglementaire des concessions hydroélectriques. Il permet à l’État d’initier la création de nouvelles concessions sans attendre le dépôt d’un projet, et d’attribuer un complément de rémunération dans le cadre du contrat de concession. Il actualise les règles relatives à la sécurité des ouvrages hydrauliques et rénove le modèle de cahier des charges des concessions hydroélectriques pour s’adapter aux pratiques actuelles en matière de contrats de concession de service public. En outre, il précise les modalités de mise en place et de consultation des comités de suivi des concessions, créés par arrêté du préfet, qui ont vocation à faciliter l’information des collectivités territoriales et des riverains sur l’exécution de la concession, et leur participation à la gestion des usages de l’eau. Un arrêté en fixera la composition.

Il détermine la formule permettant le calcul de la redevance : R = n × EL × 1,428 x 10-6 euro où EL représente la valeur de l’indice de prix de production de l’industrie française pour le marché français et n le nombre de kilowattheures produits pendant l’année précédant celle de l’établissement de la redevance.

Si ce texte, important, a généralement été bien accueilli, votre Rapporteure formule cependant les observations suivantes :

Lorsqu’elles intéressent plusieurs départements, les décisions d’octroi des concessions sont prises conjointement par les préfets concernés, sur proposition d’un préfet coordonnateur. En cas de désaccord, comment s’effectue la prise de décision finale : est-ce le préfet coordinateur qui décide in fine ?

Le règlement de la consultation prévoit les conditions dans lesquelles le concessionnaire pressenti peut confirmer ou actualiser ses engagements, en particulier ceux relatifs à la redevance, avant le terme de l’instruction administrative de sa demande de concession, dans le respect de l’équilibre économique de son offre et sans avoir pour effet de changer les résultats de la procédure de mise en concurrence. Une telle modification du contrat sans remise en concurrence est-elle compatible avec les règles européennes de concurrence ?

De même, le projet de cahier des charges peut, le cas échéant, être mis à jour par l’autorité administrative pour prendre en compte les conclusions de l’instruction administrative, sans que cette mise à jour puisse avoir pour effet de changer les résultats de la procédure de mise en concurrence. Le concessionnaire pressenti est informé des modifications apportées au projet. Une telle modification du contrat sans remise en concurrence est-elle compatible avec les règles européennes de concurrence ?

Lorsque l’aménagement projeté intéresse un cours d’eau domanial ou utilise l’énergie des marées, les autorités chargées de la gestion du domaine public concerné ont deux mois pour remettre leur avis. Cet avis est-il simple ou est-il contraignant ?

Dans le cas où l’octroi de la concession peut donner lieu à la conclusion d’un contrat d’achat, ou d’un contrat offrant complément de rémunération, l’autorité administrative recueille l’avis de la Commission de régulation de l’énergie. Le décret ne précise pas le délai avec lequel la CRE peut prendre cet avis ni la portée de cet avis.

Dans le cas d’un renouvellement de concession, si les modifications des ouvrages et des conditions d’exploitation de la concession ne sont pas de nature à entraîner des dangers ou inconvénients significatifs au regard des principes énoncés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement, l’autorité administrative peut engager une instruction simplifiée. Toutefois, le texte ne désigne pas l’autorité compétente pour apprécier si les conditions prévues sont réunies.

Si le concessionnaire pressenti ne donne pas suite à sa demande de concession, l’autorité administrative notifie au candidat dont l’offre a été classée deuxième, soit qu’il devient le nouveau concessionnaire pressenti, soit que son offre est définitivement rejetée. De quel délai le concessionnaire pressenti dispose-t-il pour donner suite à sa demande ?

Le décret prévoit que l’autorité administrative procède à diverses expertises, aux frais du concessionnaire. Ces frais étant possiblement importants, il convient d’observer que le décret n’institue aucune somme plafond.

Au cours des cinq années précédant l’échéance normale de la concession, le concessionnaire est tenu d’exécuter, aux frais de l’État, les travaux que le préfet juge nécessaires à la préparation et à l’aménagement de la future exploitation. Le décret ne prévoit pas de sanction en cas de non-exécution de ces travaux.

Les communes sur le territoire desquelles les ouvrages des concessions à regrouper sont établis, le conseil départemental et le conseil régional sur lesquels s’étend le périmètre de la concession sont consultés avant regroupement des concessions. La portée de ces avis, qui sont émis dans un délai de deux mois, n’est pas précisée dans le texte.

Les dispositions du décret relatives à la redevance proportionnelle au nombre de kilowattheures produits sont, pour toutes les concessions en cours, applicables au calcul de la redevance à payer au titre de l’année en cours à la date d’entrée en vigueur du présent décret et des années ultérieures. Le fait de rendre applicable cette nouvelle formule en cours d’année année ne nuit-il pas à la sécurité juridique ?

Si, donc, les acteurs sont globalement satisfaits des dispositions de ce décret, certaines inquiétudes ont toutefois émergé. La première concerne le mécanisme de réduction de la durée de la concession (79) en cas de hausse des prix. La possibilité donnée à l’État d’interrompre la concession pourrait avoir pour effet de réduire les investissements du concessionnaire. En effet, exposé au risque de fin prématurée du contrat de concession en cas de remontée de ses revenus, le concessionnaire n’est pas incité à investir. La seconde inquiétude porte sur l’article R. 521-29 du code de l’énergie créé par le décret. Cet article permet la modification du règlement d’eau à l’initiative du préfet, ce qui peut engendrer des contraintes supplémentaires pesant sur la concession. La question se pose désormais de savoir si le dispositif adopté dans la loi sera validé par la Commission européenne, laquelle a mis en demeure (80) la France le 22 octobre 2015, estimant que la loi n’allait pas assez loin dans la libéralisation des concessions hydrauliques. Elle a exprimé ses réserves sur certaines dispositions :

– le nouveau calcul d’une échéance commune pour des concessions liées par une chaîne d’aménagement arrivant initialement à terme à des dates différentes ; il résulte des jurisprudences nationales et européennes que l’objet d’un contrat ne peut être modifié que de manière limitée par un avenant. Proroger les contrats qui arrivent à échéance le plus tôt jusqu’à la date d’échéance des contrats les plus tardifs constitue une modification substantielle du contrat non justifiée d’un point de vue économique, et donc une atteinte au droit de la concurrence ;

– la possibilité de proroger une concession lorsque des travaux sont nécessaires pour optimiser les équipements du barrage et atteindre les objectifs de transition énergétique (le droit européen ne l’autorise que sous certaines conditions) ;

– la création de SEMH, l’État pouvant alors déterminer à quelle hauteur il souhaite ouvrir le capital aux opérateurs alternatifs ou en place (majoritairement EDF). La direction générale de la concurrence de la Commission met en garde la France quant à la position dominante d’EDF. La Commission pourrait demander des garanties supplémentaires sur la réelle ouverture aux opérateurs alternatifs, la part du capital et la gouvernance, dans le cadre de la création de ces SEM.

Votre Rapporteure a rencontré des membres de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne en mars 2016. Cette direction persiste dans la vision d’une entreprise EDF en situation de forte position dominante, voire de monopole, ce qui n’est plus le cas puisque, depuis le 1er juillet 2007, l’ensemble du marché de fourniture d’électricité est ouvert à la concurrence. La fin des tarifs réglementés contribue également à l’ouverture de la concurrence en aval. À ce jour, il n’existe pas d’infraction constatée, et la Commission semble ouverte à la discussion avec l’entreprise, les concessionnaires et l’État pour envisager la mise en place de dispositifs adaptés.

Il paraît en tout cas essentiel, au regard des objectifs de la loi et de la réussite de la transition énergétique, mais aussi d’une production efficace d’énergie renouvelable, de l’impact des installations hydroélectriques sur le développement d’activités en zone de montagne et du nécessaire entretien des équipements, de défendre ce patrimoine et cette filière d’excellence française.

Chapitre III
Mesures techniques complémentaires

Article 119
Installations de production d’électricité, hydroélectricité, biométhane, technologies innovantes : habilitation à légiférer par ordonnance

Cet article habilite le Gouvernement à prendre diverses dispositions par ordonnance, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi.

En outre, il supprime le seuil de 8 000 kilovoltampères (kVA) dans le code général des collectivités territoriales pour permettre aux communes d’exploiter une installation hydroélectrique quelle que soit sa puissance, ce dispositif étant d’application directe.

En la matière, l’objectif de développement ne peut qu’être ambitieux : il ressort d’une analyse du groupe « France biométhane » qu’avec 82 gigawattheures (GWh) injectés en 2015 (mais 279 GWh de capacité annuelle installée), la France se situe à l’avant-dernier rang des 9 pays européens étudiés dans l’observatoire. L’Allemagne arrive largement en tête, avec 10 000 GWh injectés pour 190 unités, suivie par le Royaume-Uni avec 2 000 GWh et 51 unités.

Cinq ordonnances devaient être publiées, mais le Gouvernement a réduit ce nombre à quatre. Il a en effet jugé que les dispositions sur lesquelles porte le 7° de l’article 119, qui vise la redevance applicable aux concessions hydroélectriques avaient déjà été intégrées par amendement dans la loi, elle-même notamment au sein des articles 116 et 117 le texte du projet n’ayant pas été actualisé. De ce fait, cette disposition inutile est devenue caduque puisque le délai d’un an est expiré. Cette cinquième ordonnance ne sera donc pas prise.

Cet article habilite le Gouvernement à permettre, par ordonnance, à l’autorité administrative de recourir à une procédure d’appel d’offres lorsque les objectifs d’injection du biométhane dans le réseau de gaz s’écartent de la trajectoire prévue dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. L’ordonnance n° 2016-411 du 7 avril 2016 portant diverses mesures d’adaptation dans le secteur gazier permet une telle prise en compte. Cette ordonnance est également prise sur la base de l’article 167 de la loi qui habilite le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi afin de permettre à l’autorité administrative de recourir à une procédure d’appel d’offres lorsque les objectifs d’injection du biométhane dans le réseau de gaz s’écartent de la trajectoire prévue dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. Votre Rapporteure est favorable à la valorisation, par les appels d’offres, des investissements participatifs des particuliers ou des collectivités prévue par l’ordonnance. Elle aurait souhaité que figure dans l’ordonnance une disposition selon laquelle l’État vérifie que les conditions de concurrence sont bien réunies avant de lancer un appel d’offres et adapte en conséquence la capacité d’injection de biométhane recherchée dans chaque lot ou sur chaque territoire.

Le projet de loi de ratification correspondant a été présenté au Conseil des ministres du 28 septembre et déposé sur le Bureau du Sénat (81).

Cet article habilite le Gouvernement à réformer le régime des sanctions administratives et pénales applicables aux concessions hydrauliques, de prendre des mesures visant à protéger domaine hydroélectrique concédé et d’exclure en tout ou partie les installations utilisant l’énergie des courants marins du régime général des installations hydroélectriques

L’ordonnance n° 2016-518 du 28 avril 2016 précise le régime des sanctions pénales et administratives applicable aux concessions hydroélectriques pour assurer la bonne exécution des contrats de concession. Alors que le droit existant limite les sanctions possibles à des sanctions pénales forfaitaires nécessitant l’intervention du juge et ne couvrant pas certaines atteintes au domaine public hydroélectrique, l’ordonnance étend aux concessions hydroélectriques le régime des sanctions pénales et administratives des livres Ier et III du code de l’énergie. L’ordonnance précise cependant que le manquement ne peut pas donner lieu à sanction administrative s’il fait déjà l’objet des poursuites pénales. Cela représente une évolution importante par rapport aux sanctions prévues par le code de l’environnement qui n’interdisent pas formellement qu’un même fait soit traité en parallèle selon les deux régimes.

L’ordonnance prévoit une contravention de grande voirie pour lutter contre les atteintes à l’intégrité du domaine public hydroélectrique. Les acteurs de terrain sont satisfaits de ce nouvel outil juridique qui pourra notamment leur permettre d’agir contre les décharges sauvages aux abords des lacs de retenue. Le texte ouvre par ailleurs la faculté de constater ces contraventions aux agents du concessionnaire présents sur le terrain, sous le contrôle des services de l’État.

L’ordonnance sécurise la situation juridique des installations hydrauliques concédées avant le 16 juillet 1980 d’une puissance comprise entre 500 kW et 4,5 MW entre l’expiration de leur concession et l’institution d’une nouvelle concession ou la délivrance d’une autorisation. En effet, une personne privée ne peut utiliser l’énergie hydraulique qu’à condition de disposer d’une concession ou d’une autorisation. La distinction entre les deux régimes dépend d’une puissance dont le seuil, fixé initialement à 500 kW, a été porté à 4,5 MW par la loi du 16 octobre 1980 sans que celle-ci ne précise la procédure applicable aux concessions comprises entre ces deux bornes à l’échéance du titre. L’ordonnance étend le principe des « délais glissants », permettant à l’autorité compétente d’imposer au concessionnaire sortant le maintien de l’exploitation aux conditions du contrat jusqu’à l’aboutissement de la procédure d’autorisation ou, a minima, jusqu’à une date fixée par le préfet.

Enfin, l’ordonnance clarifie le régime applicable aux installations produisant de l’électricité à partir des énergies marines (EMR) en excluant du régime de la concession hydroélectrique les installations implantées sur le domaine public maritime, ou dans la zone économique exclusive (ZEE), hors usine marémotrice. Votre Rapporteure estime que cela permet de garantir aux opérateurs et à leurs partenaires des procédures simples et lisibles sans nuire au respect des intérêts environnementaux, à la protection du domaine public et aux droits des tiers.

Le projet de loi de ratification correspondant a été présenté au conseil des ministres du 22 août et déposé sur le Bureau du Sénat (82).

En application de cet article est également intervenue l’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Ce texte a prévu de faire sauter le seuil de production minimale de 12 MW jusqu’alors applicable aux installations pour qu’elles bénéficient de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération, supprime pour les installations hydroélectriques une possibilité de renouvellement de contrat largement obsolète (contrats d’achats dits « H 97 »), remplace les appels d’offres par des procédures de mise en concurrence, ce qui ouvre la voie à d’autres procédures de mise en concurrence, dont celle de dialogue concurrentiel et oblige certains producteurs raccordés à un réseau public de distribution à transmettre au gestionnaire leur programme de fonctionnement prévisionnel, et ce gestionnaire à son tour à la transmettre à RTE.

Votre Rapporteure constate que, sur tous ces points, le recours à l’ordonnance n’était pas indispensable. Il convient d’en souhaiter une ratification rapide. En revanche, on peut s’interroger sur l’article L. 311-10-2 nouveau du code de l’énergie, créé par l’article 10 de l’ordonnance, qui prévoit de mettre à la charge de l’adjudicataire les frais résultant pour l’État de la mise en concurrence, notamment lié aux études préalables (83). Ce dispositif est de nature à renchérir le coût d’obtention des concessions. Cette question ne manquera pas d’être évoquée lors de la ratification de cette ordonnance.

L’article 119 autorise également le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures visant à permettre le développement des installations d’autoconsommation.

L’autoconsommation reste peu développée en France, en particulier par rapport à certains pays à fort ensoleillement qui ont déjà atteint les conditions économiques rendant attractif le modèle de l’autoconsommation. Le lancement de l’appel d’offres expérimental du 2 août 2015 portant sur « la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables situées en France métropolitaine continentale, dont au moins 50 % de la production est autoconsommée et dont la puissance est comprise entre 100 et 500 kW » est une première étape vers un développement maîtrisé et sécurisé de l’autoconsommation. La publication le 27 juillet 2016 de l’ordonnance n° 2016-1019 relative à l’autoconsommation d’électricité en est une deuxième. L’autoconsommation fera également l’objet de l’avis budgétaire relatif au programme n° 174 « Énergie et après mines » de notre collègue Béatrice Santais, Rapporteure pour avis de la Commission des affaires économiques pour le projet de loi de finances pour 2017.

L’ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation définit l’autoconsommation, qui jusqu’alors ne l’était pas, comme « le fait pour un producteur, dit autoproducteur, de consommer lui-même tout ou partie de l’électricité produite par son installation ». L’autoconsommation collective est également définie. L’ordonnance prévoit un droit d’accès au réseau pour les autoproducteurs, au même titre que les producteurs bénéficiant d’un contrat d’achat. Les autoproducteurs pourront injecter leur surplus d’électricité sur le réseau à condition de respecter une limite de puissance installée maximale qui sera définie ultérieurement par décret. L’ordonnance prévoit également des tarifs distincts, que la CRE devra établir, pour les consommateurs participants à des opérations d’autoconsommation lorsque la puissance installée de l’installation de production qui les alimente est inférieure à 100 kW.

Cette ordonnance semble poser certaines difficultés. Votre Rapporteure s’interroge notamment sur l’incertitude juridique quant à l’application du régime des fournisseurs aux utilisateurs participant à une opération d’autoconsommation collective. L’ordonnance ne précise en effet pas que ce régime, qui paraît trop lourd pour une simple opération d’autoconsommation collective, n’est pas applicable à ce type d’opération.

Article 120
Obligation d’assurance pour l’exploitation de sites géothermiques

L’article prévoit que les indemnisations des dégâts miniers causés par une installation géothermique de minime importance ne sont plus supportées par l’État, mais par les entreprises de forage qui ont désormais l’obligation de souscrire à un contrat d’assurance. La loi prévoit l’intervention d’un décret en Conseil d’État pour fixer le montant minimal du plafond de garantie des contrats souscrits, leurs durées de garantie et les obligations que les professionnels sont tenus de respecter dans le cadre des travaux d’exploitation des gîtes géothermiques de minime importance.

Le décret d’application n° 2016-835 relatif à l’obligation d’assurance prévue à l’article L. 164-1-1 du code minier et portant diverses dispositions en matière de géothermie est paru le 24 juin 2016. Certaines de ses dispositions n’entreront en vigueur qu’au 1er janvier 2017.

Votre Rapporteure estime que le décret respecte la loi, en tout point et permettra de garantir un traitement et une indemnisation rapides des éventuels dommages causés par des activités de géothermie de minime importance. Le montant minimal du plafond de garantie des contrats souscrits s’élève à trois millions d’euros par sinistre et cinq millions d’euros par an pour les professionnels qui réalisent des forages. Pour les professionnels qui étudient la faisabilité d’un forage au regard du contexte géologique de la zone d’implantation ou qui conçoivent des ouvrages géothermiques, ces montants sont de 500 000 euros par sinistre et de 800 000 euros par an. Le délai des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à dix ans. En cas de survenance d’un sinistre, une surveillance est mise en place par le professionnel pour suivre l’évolution, dans le temps et dans l’espace, des déformations géologiques qui sont à l’origine des dommages couverts par la garantie.

Le décret punit d’une peine d’amende pouvant atteindre 1 500 euros le fait pour un professionnel d’entreprendre des travaux de forage sans être couvert par cette assurance obligatoire ou sans justifier de sa souscription.

Article 121
Plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné : demande de rapport au Gouvernement

Cet article porte sur la remise au Parlement, au plus tard le 18 août 2016 d’un plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné.

L’enjeu du stockage des énergies renouvelables par l’hydrogène est majeur au regard de la transition énergétique. L’énergie produite par énergies renouvelables est souvent intermittente donc difficilement prévisible. Pour développer ces énergies, il faut inventer des moyens de stockage qui permettent de garantir l’approvisionnement, par exemple pendant les périodes où le vent et le soleil sont moins présents. Aujourd’hui, les seules véritables solutions, à la fois efficaces et rentables, résident dans les barrages hydrauliques et les STEP (stations de transfert d’énergie par pompage).

L’hydrogène pourrait être une solution pour stocker les énergies renouvelables. Le processus d’électrolyse permet en effet de transformer en hydrogène le surplus d’électricité produit par les énergies renouvelables. La première usine de fabrication d’électrolyseurs en France a été inaugurée le 24 juin 2016 aux Ulis (91). Ces électrolyseurs serviront à produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau, grâce à la technologie des membranes à échange de protons. Différentes techniques existent ensuite pour transformer l’hydrogène, au moment souhaité, en électricité ou en gaz. La pile à combustible utilise l’hydrogène pour générer de l’électricité et de la chaleur, en n’émettant que de l’eau. La technologie « power to gas » vise, elle, à convertir de l’électricité en gaz combustible, c’est-à-dire en hydrogène ou en méthane, afin de l’injecter dans le réseau gazier qui offre des capacités de stockage dont ne dispose pas le système électrique. Cette technique se développe en France. Ainsi, un arrêté de la ministre de l’environnement, publié le 6 juillet 2016 (84), encadre l’expérimentation de GRDF sur le territoire de la communauté urbaine de Dunkerque visant à injecter un mélange composé de gaz naturel et d’une part variable d’hydrogène, pouvant aller jusqu’à 20 % en volume, dans le réseau de distribution de gaz.

Il existe encore de nombreux freins au développement du stockage par hydrogène. Les rendements sont faibles et les coûts élevés. Le rapport que le Gouvernement doit fournir au Parlement doit permettre d’établir un plan de développement pour cette technologie. Toutefois, l’enjeu prioritaire concernant l’hydrogène ne semble pas tant être le stockage des ENR mais la mobilité. Tel est l’avis de l’association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (Afhypac) que votre mission a auditionnée, et c’est la position du rapport publié le 4 mai dernier par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) du ministère de l’Environnement et le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) du ministère de l’Économie. L’hydrogène peut directement alimenter des moteurs thermiques spécifiques ou permettre de produire de l’électricité dans des piles à combustible adaptées aux véhicules électriques. Si la commande publique peut, certes, contribuer à soutenir le développement de la mobilité à hydrogène en France, votre Rapporteure insiste également sur la nécessaire prise en charge, par les acteurs privés, de l’extension du réseau de stations distribuant de l’hydrogène.

Article 122
Indemnisation des dommages miniers

Cet article porte le montant de l’indemnisation des dommages immobiliers liés à l’activité minière présente ou passée à 400 000 €, ce plafonnement ne valant que pour les dommages postérieurs au 31 décembre 2007. Il est directement applicable. On notera que la constitutionnalité de ce mécanisme est sujette à interrogation, tant dans la date que dans la portée : l’indemnisation prévue par l’article L. 155-6 du code « doit permettre au propriétaire de l’immeuble sinistré de recouvrer dans les meilleurs délais la propriété d’un immeuble de consistance et de confort équivalents. »

Le plafond antérieur était fixé à 300 000 € par effet du décret n° 2004-348 du 23 avril 2004.

Article R 421-76. du code des assurances

Après la remise par le ou les experts du descriptif des dommages et des autres conclusions de l’expertise, le fonds de garantie verse, dans un délai maximal de trois mois à compter de la date de cette remise ou, pour les immeubles mentionnés au II de l’article R. 421-75 situés dans le périmètre du sinistre minier, de la date de publication de l’arrêté prononçant l’état de sinistre minier, dans la limite d’un plafond de 300 000 €, le montant de l’indemnité allouée au demandeur au titre des dommages mentionnés au I de l’article L. 421-17.

Votre Rapporteure s’interroge sur les points suivants :

– au regard du domaine règlementaire, le dispositif relève-t-il réellement de la loi ?

– ce dispositif laisse subsister dans le code des assurances l’article L 421-17, qui fonde le décret ci-dessus. Cet article L 421-17 du code des assurances décrit le dispositif et la procédure d’indemnisation des dommages miniers par le fonds de garantie (FGAO), notamment la condition de versement de l’indemnisation, la relation entre la victime des dommages et le fonds de garantie et s’applique par ailleurs à tous les dommages ayant une origine minière postérieure au 1er septembre 1998. Par ailleurs, cet article précise les articles L 155-5 et L155-6 du code minier en missionnant le fonds pour indemniser les victimes de dommage pour le compte de l’État.

Article L. 155-6 du code minier

I.- Toute personne propriétaire d’un immeuble ayant subi des dommages, survenus à compter du 1er septembre 1998, résultant d’une activité minière présente ou passée alors qu’il était occupé à titre d’habitation principale est indemnisée de ces dommages par le fonds de garantie. Toutefois, lorsque l’immeuble a été acquis par mutation et qu’une clause exonérant l’exploitant minier de sa responsabilité a été valablement insérée dans le contrat de mutation, seuls les dommages visés à l’article L. 155-5 du code minier subis du fait d’un sinistre minier au sens dudit article, constaté par le représentant de l’État, sont indemnisés par le fonds.

Sans faire double emploi avec l’article L. 155-6 du code minier, le fait que l’article L. 421-7 relève d’un code différent n’est pas de bonne technique législative, laissant subsister deux dispositifs se recoupant partiellement pour la même indemnisation. Votre mission suggère de regrouper l’ensemble en un seul dispositif, au sein du code minier.

En outre, votre Rapporteure souligne que ce mécanisme d’indemnisation ne couvre que l’activité minière au sens strict du terme, mais que, par exemple, les canaux d’amenée d’eau, ruisseaux couverts, dès lors qu’ils ont été régulièrement abandonnés, zones de stockage ou d’évacuation des déchets ne sont pas inclus dans le champ des textes, ainsi que les galeries qui ont servi à faciliter, et dont l’entretien, particulièrement difficile, incombe aujourd’hui au propriétaire du sol alors que ces galeries ont été créées par l’exploitant.

Au-delà même de l’indemnisation, se pose donc la question de l’entretien : ces ruisseaux couverts non répertoriés dans les galeries d’exploitations sont aujourd’hui à la charge des propriétaires des parcelles situées à l’aplomb de ces ouvrages. Les services de l’État considèrent que compte tenu de l’abandon régulier et du changement de destination du terrain, la gestion de ces ouvrages miniers ne relève plus de la responsabilité de l’exploitant, ni de celle de l’État. Une fois l’exploitation abandonnée, ces galeries peuvent être inondées, ce qui conduit les propriétaires à devoir les entretenir pour éviter des dommages, alors même qu’elles ne présentent plus d’utilité.

Or, le principe général établi par l’article L. 155-3 du code minier est que l’arrêt de l’exploitation ne met pas fin à la responsabilité de l’exploitant ou de celle de l’État en cas de défaillance de ce dernier.

Votre Rapporteure souhaite donc que cette charge incombe à l’exploitant.

TITRE VI
RENFORCER LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET L’INFORMATION DES CITOYENS

(Rapporteur : M. Jean Paul Chanteguet)

Le titre VI est l’un des plus courts (dix articles) mais il n’en est pas moins l’un des plus denses de la loi.

Les dispositions portant sur l’information du public, l’autorisation et le fonctionnement des installations nucléaires de base (INB) relevant totalement de la compétence législative, seuls trois décrets étaient nécessaires. Les articles 128 et 129 comportent un large renvoi aux ordonnances, qui devaient être prises dans des délais de 10 mois ou de 6 mois selon le cas, que la mission doit donc analyser.

Ce titre comporte donc les dispositions de la loi qui adaptent les conditions de fonctionnement des centrales nucléaires. Force est de constater qu’elle ne les bouleverse pas.

En la matière votre Rapporteur regrette que la loi de transition énergétique n’ait pas permis de clarifier les choix futurs. Le principe du plafonnement global de la production d’électricité nucléaire, prévu dans un autre titre (article 187) celui du démantèlement des installations après deux ans de cessation de fonctionnement, prévu par le présent titre (article 127), aboutissent au final à reporter les choix au lieu d’en anticiper les conséquences. En la matière, le dilatoire, que traduit d’ailleurs la programmation pluriannuelle de l’énergie, ne peut être considéré comme satisfaisant. Il ne s’inscrit ni dans la volonté de transition et de programmation à moyen terme qui conduit la présente loi, ni dans la nécessaire sécurisation des exploitants, des acteurs économiques et des citoyens. L’application de la loi représente donc une occasion manquée.

Votre Rapporteur souhaite, à tout le moins, sortir des polémiques qui entourent tout chiffrage et tout choix. Si l’information des citoyens et du parlement est indispensable, celle-ci devrait être indiscutable. Il est regrettable que l’application de ce volet de la loi ne se fasse pas sur la base d’informations incontestées, notamment quant au coût des démantèlements.

Votre Rapporteur regrette en outre vivement, dans cet ensemble, la « disparition », annoncée par le biais d’une ordonnance passée sur ce point inaperçue, de la seule disposition de la loi modifiant le code du travail au profit des travailleurs exposés à des risques ionisants. Cette ordonnance introduit dans le code de la santé publique un volet consacré à la protection générale contre les rayonnements ionisants, qui harmonise les dispositions de ce code en fonction des régimes de déclaration et d’autorisation tels qu’ils résultent de l’article 126. Pour autant, ce dispositif nouveau est-il suffisamment adapté aux travailleurs des INB ?

Votre Rapporteur considère que ces sujets, y compris ceux de la sécurité des centrales, auraient mérité un débat parlementaire en soi. En toute hypothèse, le rapport prévu par l’article 125 II, qui relève de la compétence du ministère du travail, doit impérativement intervenir dans les meilleurs délais.

Article 123
Rôle des commissions locales d’information

Cet article est le seul de la loi relatif à l’information des citoyens quant à la sécurité des INB, qui repose sur les commissions locales d’information (CLI) dont les règles de fonctionnement sont définies par les articles L ; 125-17 à 33 du code de l’environnement : 35 CLI (du fait de la fusion des commissions de Cadarache et d’Iter), auquel on peut ajouter la structure existant pour le laboratoire de Bure sont regroupées en association : l’ANCCLI.

Leur composition inclut des élus, dont les maires des communes concernées, des membres des organisations syndicales représentatives, des associations de consommateurs et des forces économiques.

arte

Les CLI fonctionnement cependant de manière hétérogène, mais jouent toutes un rôle de surveillance et de contrôle, dans le cadre des plans particuliers d’intervention (PPI), qui serait déclenché en cas de crise. Si un accident nucléaire nécessitait le déclenchement du PPI, une organisation de crise spécifique, apportant son concours au préfet, se mettrait alors en place au niveau national. Elle serait également chargée de traiter les problèmes pouvant se poser au niveau national, compte tenu du fait qu’un accident nucléaire peut toucher des territoires étendus, comme en témoigne l’échelle « INES ».

Conséquences à l’extérieur du site

Conséquences à
l’intérieur du site

Défense en profondeur

 

Rejet majeur : effets considérables sur la santé et l’environnement

   

Rejet important susceptible d’exiger
l’application intégrale des contre-mesures prévues

   

Rejet limité susceptible d’exiger l’application partielle des contre-mesures prévues

Endommagement grave du cœur du réacteur / des barrières radiologiques

 

5

Rejet mineur : exposition du public de l’ordre des limites prescrites

Endommagement important du cœur du réacteur / des barrières radiologiques / exposition mortelle d’un travailleur

 

4

Très faible rejet : exposition du public représentant une fraction des limites prescrites

Contamination grave / effets aigus sur la santé d’un travailleur

Accident évité de peu / perte des barrières

3

 

Contamination importante / surexposition d’un travailleur

Incidents assortis de défaillances importantes des dispositions de sécurité

2

 

 

Anomalie sortant du régime de fonctionnement autorisé

1

  Aucune importance du point de vue de la sûreté

 

Source : IRNS

Les niveaux 4 à 7 correspondent à des accidents, dont on connaît une douzaine d’exemples, parmi lesquels Fukushima (2011), Tchernobyl (1986), Goiania (Brésil, 1987) ou Three Mile Island (1979). La France a été touchée à deux reprises, en 1969 et 1980, par des incidents de niveau 4 à Saint Laurent. C’est dire l’importance que revêt la politique d’information du public et de traitement des crises, notamment dans les zones qui présentent un risque sismique. Au niveau des communes situées à l’intérieur du cercle de danger défini par le plan particulier d’intervention (PPI), celles-ci aux termes de la loi du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile, ont l’obligation de mettre sur pied un Plan Communal de Sauvegarde (PCS) organisant la contribution de sa commune à la protection de la population dans le cadre du PPI. Les CLI peuvent être amenées à participer aux exercices, mais ceci n’est pas systématique.

L’article 123, dont le VI renvoie à une ordonnance sur la question de l’information et des servitudes d’intérêt public, ne modifie pas ce système en profondeur, mais lui apporte plusieurs précisions, d’application directe, et étend les pouvoirs des CLI, notamment par des droits de visite et des pouvoirs consultatifs.

Il prévoit (I) que les CLI pourront s’autosaisir et qu’elles devront désormais organiser une réunion publique ouverte à tous au moins une fois par an (modification de l’article L. 125-17 du code de l’environnement). En pratique, il s’agit plutôt de réunions ouvertes à la presse.

En outre, (II) si la CLI est localisée dans un département frontalier, certains de ses membres devront être issus d’États étrangers voisins (modification de l’article L. 125-20 du code de l’environnement). Cette exigence nouvelle concerne par exemple Fessenheim avec l’Allemagne, où elle est déjà satisfaite, mais aussi Gravelines, compte tenu de la proximité des Îles anglo-normandes. C’est à chaque CLI qu’il revient d’assurer cette représentation, selon des modalités et proportions d’étrangers qui peuvent varier d’une CLI à l’autre : la loi n’a pas été, sur ce point, plus précise, ce qui a conduit la mission à demander des compléments concrets à plusieurs des présidents de CLI. Dans une lettre du 26 mai 2016, en réponse, le président de la CLIS du centre nucléaire de Fessenheim indique les deux personnalités allemandes membres du collège des experts, et les quatre maires des communes voisines, membres à voix consultative, associés à ses travaux. Il souligne que cette composition anticipe, depuis 2008, les dispositions de cet article et que le financement des CLI pose toujours problème.

Le III prévoit par ailleurs que les personnes domiciliées dans le périmètre d’un plan particulier d’intervention (PPI) défini pour une INB devront par ailleurs recevoir des informations sur la nature des risques d’accident sans qu’elles aient besoin d’en faire la demande (nouvel article L. 125-16-1). La CLI est consultée à propos de ces actions d’informations, menées aux frais des exploitants (même article). De plus, le PPI sera soumis à une consultation de la CLI lorsqu’il est défini pour une INB (article L. 125-26 modifié du code de l’environnement).

La définition des PPI permet en particulier la mise en place de plans d’évacuation. En pratique, les PPI prennent souvent en compte un rayon de 10 kilomètres – est-ce suffisant ? – et concernent essentiellement la phase d’urgence : l’ASN recommande une extension du périmètre à 50 kilomètres, comme le formule, pour la centrale du Blayais, un vœu du conseil municipal de Bordeaux, le 24 novembre 2014 (85), et l’ANCLI souhaiterait même une extension à 80 kilomètres : en cas d’accident, un nuage radioactif ne s’arrête pas à 10 kilomètres ! En tout état de cause, ce rayon ne saurait être uniforme pour tout le territoire : 1,3 million de personnes vivent à proximité du Tricastin, et la ville de Blaye n’est pas incluse dans le PPI du… blayais.

Le rayon du périmètre du PPI est une donnée connue et inscrite dans le PPI mais fait l’objet de nombreuses critiques.

En 2009, l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) s’interroge sur le fondement du zonage des 10 km et sur la pertinence des PPI. Il est suggéré d’étendre le périmètre d’intervention sur la base de l’évolution des connaissances. Dans son avis, I’IRSN précise que « l’évolution des connaissances depuis les années quatre-vingt conduit aujourd’hui à considérer qu’en l’absence de protection, dans le cas d’un rejet de type S3, une dose à la thyroïde supérieure à 100 mSv pourrait être reçue jusqu’à une distance de l’ordre de 18 km de la centrale accidentée ; dans les mêmes conditions, une dose à la thyroïde supérieure à 50 mSv pourrait être reçue jusqu’à une distance de 25 à 30 km de la centrale accidentée. »

En 2011, l’accident de Fukushima a montré que des territoires situés à 15-20 km ont été épargnés par les rejets radioactifs, alors que des territoires situés à 60 km ont été contaminés.

Dans une position commune publiée en octobre 2014, les associations européennes d’autorités de sûreté et de radioprotection, WENRA (Western European Nuclear Regulators Association) et HERCA (Heads of the European Radiological protection Competent Authorities) considèrent qu’en Europe, une stratégie doit être définie de manière à pouvoir étendre l’évacuation jusqu’à 20 km et l’ingestion de comprimés d’iode et la mise à l’abri jusqu’à 100 km.

L’ANCCLI s’est à son tour positionnée officiellement en faveur d’une extension des périmètres PPI de tous les CNPE à un rayon de 80 km.

Source : observations sur le PPI du Blayais, CLI nucléaire du Blayais, 2015

Des visites de l’INB pourront enfin être organisées à la demande du président de la CLI (IV) : en cas d’accident de niveau égal ou supérieur à 1, l’exploitant devra organiser une visite de l’INB pour les membres de la CLI afin de leur présenter les mesures prises pour pallier les conséquences de cet accident (article L. 125-25-1). Tel fut le cas au sujet de l’incident signalé le 17 mars 2016 à la centrale du Tricastin.

Le VI de cet article (article 31 du projet) comportait une habilitation à légiférer par ordonnance permettant :

– d’étendre le champ des déclarations que l’exploitant d’une INB doit faire et des informations qu’il doit fournir à l’ensemble des domaines couverts par la législation pertinente (sécurité, santé et salubrité publiques, protection de la nature et de l’environnement) et non plus seulement à la sûreté nucléaire et à la radioprotection ;

– de créer un nouveau régime de servitudes d’utilité publique qui ne concernera pas les INB en activité mais « les terrains, constructions ou ouvrages qui peuvent occasionner une exposition des personnes aux effets nocifs des rayonnements ionisants justifiant un contrôle de radioprotection »

La durée d’habilitation a été réduite de douze à huit mois, par un amendement de M. Philippe Plisson, Rapporteur, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Cette exigence a été respectée, l’ordonnance n° 2016-128 a été publiée le 10 février 2016, soit cinq mois après la promulgation de la loi. Le dispositif prévoit que le projet de loi de ratification devait être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance. Il a été déposé le 27 avril 2016, sur le bureau du Sénat (86). Votre Rapporteur, compte tenu notamment de l’insertion dans cette ordonnance d’un volet important consacré à la sécurité sanitaire, entend demander un débat de ratification explicite sur son dispositif.

L’article L. 125-10 du code de l’environnement disposait que toute personne a le droit d’obtenir auprès de l’exploitant d’une INB (ou du responsable d’un transport de substances radioactives) les informations qu’il détient « sur les risques liés à l’exposition aux rayonnements ionisants pouvant résulter de cette activité et sur les mesures de sûreté et de radioprotection prises pour prévenir ou réduire ces risques ou expositions ».

La sûreté nucléaire

La sûreté nucléaire est définie par l’article L. 591-1 du code de l’environnement comme « l’ensemble des dispositions techniques et des mesures d’organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base ainsi qu’au transport des substances radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets ».

La radioprotection est définie par cet article comme « la protection contre les rayonnements ionisants, c’est-à-dire l’ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillance visant à empêcher ou à réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes, directement ou indirectement, y compris par les atteintes portées à l’environnement ».

Le I de l’article 19 de l’ordonnance étend le champ d’application de l’obligation de transmission des informations aux « risques ou inconvénients que l’installation ou le transport peuvent présenter pour les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 » et aux « mesures prises pour prévenir ou réduire ces risques ou inconvénients ». Les intérêts mentionnés par l’article L. 593-1 sont « la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement ».

L’article L. 125-15 du code de l’environnement dispose que tout exploitant d’une INB établit chaque année un rapport soumis au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l’INB, transmis à la CLI et rendu public.

L’article 19 de l’ordonnance étend le champ de ce rapport, qui porte désormais :

– sur les dispositions prises par l’exploitant pour tous les risques et inconvénients que l’installation peut présenter pour la sécurité, la santé et la salubrité publiques ainsi que pour la protection de la nature et de l’environnement ;

– sur l’ensemble des incidents et accidents qui affectent l’INB (et non plus seulement ceux qui ont trait à la sûreté nucléaire et à la radioprotection) et sur les mesures prises ;

– sur la nature et la quantité de déchets entreposés dans le périmètre de l’INB, qu’ils soient radioactifs ou non ;

– sur la nature et les résultats des mesures des rejets radioactifs et non radioactifs de l’installation dans l’environnement (disposition inchangée).

L’étude d’impact du projet de loi indique que les rapports annuels des exploitants nucléaires traitent déjà souvent des rejets non radioactifs. La modification apportée à l’article L. 125-15 semble donc davantage une mise en cohérence avec les pratiques existantes qu’une véritable nouveauté législative.

L’article L. 591-5 du code de l’environnement disposait qu’en « cas d’incident ou d’accident, nucléaire ou non, ayant ou risquant d’avoir des conséquences notables sur la sûreté de l’installation ou du transport ou de porter atteinte, par exposition significative aux rayonnements ionisants, aux personnes, aux biens ou à l’environnement, l’exploitant d’une installation nucléaire de base ou la personne responsable d’un transport de substances radioactives est tenu de le déclarer sans délai à l’Autorité de sûreté nucléaire et à l’autorité administrative ».

Le III de l’article 19 de l’ordonnance modifie sur deux points cet article :

– le délai dans lequel l’exploitant doit signaler l’incident ou l’accident est assoupli,

– le champ des incidents et des accidents concernés, qui concerne désormais l’ensemble des incidents ou accidents survenus du fait du fonctionnement de l’installation ou du transport et qui sont de nature à porter une atteinte significative à la sécurité, à la santé ou à la salubrité publiques ou à la protection de la nature et de l’environnement.

L’article L. 593-5 du code de l’environnement permet aujourd’hui à l’autorité administrative d’instituer « des servitudes d’utilité publique concernant l’utilisation du sol et l’exécution de travaux soumis à déclaration ou autorisation administrative » autour des INB. Il permet également d’instituer de telles servitudes sur le terrain de l’installation et autour de celui-ci lorsqu’il y a eu déclassement ou disparition de l’INB. Ces servitudes concernent alors l’utilisation du sol. La procédure d’institution de ces servitudes est la même que celle prévue par les articles L. 515-8 à L. 515-12 du code de l’environnement pour les installations classées pour la protection de l’environnement. Elle fait cependant l’objet de quelques adaptations aux INB par l’article L. 593-5 (consultation de l’Autorité de sûreté nucléaire…).

L’étude d’impact indiquait que le nouveau dispositif s’inspirerait de ce qui est prévu pour les installations classées pour la protection de l’environnement et qu’ « au vu du parc de sites et sols pollués par des substances radioactives ou suspectés de l’être (moins de 200, hors INB et ICPE qui relèvent déjà de dispositifs de servitudes d’utilité publique spécifiques), on peut estimer à quelques unités, voire quelques dizaines tout au plus, les cas d’utilisation du futur dispositif dans les dix ans à venir ».

L’article 38 de l’ordonnance insère un article L. 1333-26 dans le code de la santé publique, l’article 43 de l’ordonnance prévoyant une entrée en vigueur différée, « à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er juillet 2017 ». À ce jour, aucun décret n’a fixé de date plus rapprochée. Toutefois, passé cette date, cet article sera d’application directe.

Le I de l’article L. 1333-26 définit le type de biens concernés et les servitudes qui peuvent être imposées. Ces dernières recouvrent :

1° L’interdiction ou la limitation de certains usages ou leur subordination au respect de prescriptions techniques ;

2° L’interdiction ou la limitation du droit d’implanter des constructions ou des ouvrages, de démolir, de défricher, de réaliser des travaux, d’aménager les terrains ou d’y procéder à des fouilles ou encore la subordination de ces actions au respect de prescriptions techniques ;

3° La prescription de mesures de surveillance radiologique.

La définition des servitudes diffère donc légèrement par rapport à ce qui existe pour les installations classées ICPE : ces dernières permettent une limitation des effectifs employés dans les installations industrielles et commerciales implantées sur les sites concernés, ce qui n’est pas ici le cas. Par ailleurs, elles ne comprennent pas la création d’un dispositif de conservation de la mémoire de la présence de ces substances, qui était pourtant prévue par l’étude d’impact. Les décisions d’instauration des servitudes d’utilité publique sont prises par le représentant de l’État dans le département qui en a seul l’initiative alors que, dans le cadre de la procédure ICPE, l’initiative de la mesure peut revenir au préfet, mais aussi au demandeur de l’autorisation ou au maire de la commune d’implantation.

Le représentant de l’État dans le département doit recueillir l’avis des communes concernées et celui de l’Autorité de sûreté nucléaire – ce qui constitue une adaptation des règles ICPE qui ne prévoyaient que l’avis des conseils municipaux des communes concernées.

Contrairement à la procédure applicable aux ICPE qui prévoit la réalisation systématique d’une enquête publique, l’article L. 1333-26 indique que ce n’est que « lorsque l’importance des surfaces ou le nombre élevé des propriétaires concernés le justifient » qu’une telle enquête publique sera réalisée. Dans les autres cas, une procédure de consultation simplifiée sera mise en place. Enfin, l’indemnisation incombe non à « l’exploitant de l’installation » comme dans le cas des ICPE, mais au « responsable de la présence des substances radioactives » ; la demande d’indemnisation doit être adressée dans un délai de trois ans à dater de la notification de la décision instituant la servitude et, à défaut d’accord amiable, l’indemnité sera fixée par le juge de l’expropriation.

*

Votre Rapporteur insiste, en conclusion, sur le rôle des CLI, qu’il convient de mieux assurer en organisant des visites des sites, la transmission systématique des déclarations d’incidents mais aussi en assurant l’extension des périmètres d’intervention et une meilleure information du public (87).

Article 124
Limitation et surveillance des activités sous-traitées

Le dispositif de cet article porte sur la délicate question du recours à la sous-traitance, dans le sens de sa limitation. Elle correspond à une demande constante de parlementaires (88)

Cet article confère ainsi une base légale à la surveillance des activités importantes pour la protection des intérêts, relevant de l’arrêté du 7 février 2012, fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base ( INB).

Il comporte d’une part un dispositif permettant l’encadrement ou la limitation du recours à la sous-traitance (art. L 593-6-1 du code de l’environnement) subordonnée à l’édiction d’un décret en Conseil d’État, et, d’autre part, un principe applicable sans mesure d’application prévoyant que l’exploitant assure une surveillance particulière des activités sous-traitées, surveillance qu’il ne peut déléguer.

Il convient de souligner, comme l’a fait la Cour des comptes dans son rapport public 2016 (89) qu’EDF externalise 80 % des opérations de maintenance. Entre 22 000 et 23 000 personnes sont mobilisées par les entreprises prestataires pour ces opérations, dont certaines impliquent naturellement un risque d’exposition. Il y a parfois jusqu’à huit niveaux de sous-traitance. La sous-traitance intervient en particulier pour des opérations de logistique, comme le nettoyage et l’assainissement.

Pour autant, il n’y a pas de filière de sous-traitance à proprement parler.

Ces opérations, au plan normatif, sont régies :

– par la directive du 31 mars 2004 2004/17/CE, rendue applicable en droit interne par l’ordonnance du 6 juin 2015 ;

– par un cahier des charges sociales élaboré par le comité stratégique de la filière nucléaire, mais qui, à la connaissance de votre Rapporteur, ne concerne pas AREVA ;

– par la Charte de progrès et de développement durable d’EDF signée par 13 organisations professionnelles.

Comme l’ont fait remarquer certains interlocuteurs de votre mission, l’absence de convention collective des sous-traitants pose une difficulté réelle au bon fonctionnement du système.

Le décret n° 2016-846 du 28 juin 2016 (90)relatif à la modification, à l’arrêt définitif et au démantèlement des installations nucléaires de base ainsi qu’à la sous-traitance indique que l’exploitant n’a pas la possibilité de confier à u intervenant extérieur la responsabilité opérationnelle et le contrôle de l’exploitation d’une INB, en ce qui concerne le traitement des accidents, des incidents et des écarts ainsi que la préparation aux situations d’urgence.

Plus restrictif que la loi, ce décret prévoit : « lorsque l’exploitant confie à un intervenant extérieur la réalisation, dans le périmètre de son installation au cours du fonctionnement ou du démantèlement de celle-ci, de prestations de service ou de travaux importants pour la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement, ceux-ci peuvent être réalisés par des sous-traitants de second rang au plus ». Ainsi, dans les cas qu’il vise, les sous-traitants ne dépassent pas le rang deux par rapport à l’intervenant extérieur, c’est-à-dire le rang trois par rapport à l’exploitant nucléaire.

En outre, « l’exploitant ne peut confier à un intervenant extérieur la responsabilité opérationnelle et le contrôle de l’exploitation d’une installation nucléaire de base, y compris en ce qui concerne le traitement des accidents, des incidents et des écarts, ainsi que la préparation aux situations d’urgence et leur gestion ». Votre Rapporteur juge cette restriction adaptée, dans ses principes, à la volonté législative. Toutefois, la limitation de la sous-traitance au second rang, même assortie par le décret de dérogations possibles, notamment en cas d’évènements imprévisibles, ne tient pas compte du caractère de filiales de certaines entreprises, ce qu’on peut regretter. Sans doute serait-il possible d’introduire dans le décret, au titre des dérogations, un tel critère sans pour autant en prévoir une application systématique.

Article 125
Suivi médical des travailleurs exposés à des rayonnements ionisants

Cet article fait suite à une des préconisations du rapport de la commission d’enquête consacrée aux coûts de la filière nucléaire (91).

Commission d’enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire.

« Souligne la réduction, que font apparaître les statistiques, des doses individuelles reçues par les travailleurs du nucléaire depuis 10 ans et l’importance du contrôle permanent des doses existant dans les installations nucléaires. Soutient tout ce qui peut être fait pour poursuivre cette nécessaire amélioration de la protection face aux risques des personnels, notamment en favorisant une harmonisation de la protection des sous-traitants et des salariés EDF : diminution des doses globales et individuelles, diminution des doses journalières, mise en place de CHSCT de sites, suivi médical épidémiologique et individuel, rattachement de chaque travailleur sous-traitant à un médecin du travail référent unique sur site nucléaire, robotisation des tâches les plus dosantes, prise en compte de la pénibilité. »

I) Les règles de prévention des risques en cas d’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants sont établies par un décret en Conseil d’État, dont le contenu est enrichi, par cet article, aux modalités de suivi médical « spécifiques et adaptées » pour les travailleurs exposés aux rayonnements ionisants. Le décret du 2 juillet 2010 doit sans doute être adapté.

Article L. 4451-2 du code du travail, tel que modifié par l’article 125

Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application aux travailleurs des dispositions de l’article L. 4451-1, notamment :

1° Les valeurs limites que doit respecter l’exposition de ces travailleurs ;

2° Les références d’exposition et les niveaux qui leur sont applicables, compte tenu des situations particulières d’exposition ;

3° Les éventuelles restrictions ou interdictions concernant les activités, procédés, dispositifs ou substances dangereux pour les travailleurs ;

4° Les modalités de suivi médical spécifiques et adaptées pour les travailleurs exposés à des rayonnements ionisants, en particulier pour les travailleurs mentionnés à l’article L. 4511-1.

Cet article correspond à une avancée souhaitable. Pourtant, l’article 41 de l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 prévoit de remplacer l’ensemble de l’article L. 4451-2 du code du travail par les dispositions suivantes :

Article L. 4451-2 du code du travail résultant de l’article 41 de l’ordonnance du 10 février 2016 :

« Art. L. 4451-2.-Par exception à l’article 226-13 du code pénal, le médecin du travail peut communiquer à la personne désignée par l’employeur pour le conseiller en matière de radioprotection des travailleurs tous éléments ou informations couverts par le secret dès lors que leur transmission est limitée à ceux qui sont strictement nécessaires à l’exercice de ses missions. »

Ce dispositif peut être utile (92), mais il n’a nullement vocation à remplacer celui prévu par l’article 126. Si l’ordonnance s’applique, disparaît alors le « suivi médical spécifique et adapté » des travailleurs exposés à des rayonnements ionisants dans le code du travail, donc une avancée législative, ainsi gommée par l’ordonnance. Une fois encore, votre mission ne peut que regretter ce retour en arrière, d’autant qu’on mesure mal en quoi les articles 128 et 129 habiliteraient l’ordonnance à modifier « par coordination » une disposition de la loi.

II) L’article demande un rapport sur l’intégration des risques ionisants dans le secteur nucléaire dans les critères de risque au titre d’un environnement physique agressif (art. L. 4161-1 du code du travail).

Conscient du fait que les deux sujets sont liés, votre mission s’est adressée à la ministre du travail pour connaître les conditions d’application de cet article.

Votre Rapporteur s’opposera donc à la ratification de cet article de l’ordonnance, auquel ne se substitue pas le volet « santé publique » de celle-ci : l’ASN, quelle que soit l’importance de son rôle ne saurait être le médecin du travail.

Au-delà du texte lui-même ce sont les pratiques qu’il convient sans doute de modifier : le rôle de l’inspection du travail est, de facto, tenu par l’ASN dans bien des cas : la centrale de Paluel, qui emploie 1 200 salariés ne compte que 3 médecins du travail, et, dans bien des cas, l’exposition à de faibles doses n’apparaîtra pas dans un dossier médical. Il serait donc nécessaire d’assurer un suivi médical continu, par un dossier unique, pour chaque travailleur, alors que certains d’entre eux interviennent soit sur tout le territoire, soit successivement pour des prestataires différents au long de leur vie professionnelle, sans suivi médical continu.

Votre mission entend donc à nouveau insister sur la nécessaire parution du rapport prévu au II de cet article sur la prise ne charge de l’exposition aux critères de risques des rayonnements ionisants.

Article 126
Autorisation en cas de modification substantielle d’une installation nucléaire de base

Cet article modifie les conditions dans lesquelles doit être demandée une nouvelle autorisation d’une INB. Jusqu’alors, celle-ci était en particulier nécessaire en cas de modification notable de l’installation. Cet article distingue désormais entre deux procédures : celle de la « modification substantielle » et celle des « modifications notables », qui, selon leur nature, sont soumises soit à une procédure de déclaration, soit à une procédure d’autorisation.

Cet article est complété par la prise en compte de ces régimes dans l’ordonnance du 10 février 2016. En outre, les articles 26 et 27 du décret n° 2016-846 du 28 juin 2016, qui appliquent le présent article, classifient les opérations dans l’une ou l’autre de ces catégories, et l’article 31 du même texte énumère les cas de modification substantielle.

En outre, cet article prévoit que la procédure d’autorisation est applicable aux réexamens de sûreté, au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement d’un réacteur, puis un régime de surveillance accrue des équipements dans les cinq ans suivants.

Article 127
Démantèlement des installations nucléaires de base

Cet article, issu du projet de loi (article 32), porte sur le démantèlement des installations nucléaires de base. Il vise à ce que cette opération intervienne le plus tôt possible après l’arrêt définitif d’une exploitation.

Le droit antérieurement applicable était fondé sur un système déclaratif, déclenché au moins deux ans avant la date d’arrêt prévue. La déclaration de l’exploitant est suivie d’un dossier, au plus tard deux ans après la déclaration, puis une fois le démantèlement prescrit par décret, après avis de l’ASN, une décision de déclassement, intervenant en application de l’article L. 593-30 du code de l’environnement est prise, après enquête publique.

Le dispositif adopté opte pour l’une des deux recommandations de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) (93), entre un démantèlement différé et un démantèlement immédiat, choisissant cette seconde option. Il prévoit que si une installation cesse de fonctionner pendant une durée supérieure à deux ans, son arrêt est « réputé définitif », alors que les dispositions antérieures prévoyaient que le ministre devait interdire par arrêté, la poursuite de l’exploitation. En application de l’article L.593-24 du code de l’environnement, modifié par le I du présent article, un acte juridique n’est donc plus, comme antérieurement, nécessaire pour constater l’arrêt d’une INB. En revanche un arrêté ministériel motivé est nécessaire pour proroger, pour une durée maximale de trois ans, la durée de vie d’une centrale, cette prorogation est naturellement liée au respect des pouvoirs de l’ASN et placée sous le contrôle du juge administratif, appelé, s’il est saisi, à vérifier les motifs la justifiant.

Il résulte par ailleurs du II de l’article 127 que tout arrêt définitif doit être suivi d’un démantèlement dans un délai aussi court que possible. Il renforce notoirement les obligations des vendeurs du terrain sur lesquels les installations ont été exploitées.

Toutefois votre mission souligne que la décision de démantèlement elle-même n’est pas affectée par le présent article : en dépit de la prescription de démantèlement dans un délai « aussi court que possible » après l’arrêt définitif article L 593-25 du code de l’environnement), qui pourrait simplement conduire le juge administratif à annuler une décision implicite de rejet si ce délai n’était pas respecté, celui-ci n’est pas conduit par le présent article à devoir modifier sa jurisprudence : le décret est toujours l’acte juridique indispensable qui décide du démantèlement.

Conseil d’État : décision du 28 novembre 2014, n° 367013

« Considérant, en deuxième lieu, qu’aussi longtemps qu’aucun décret de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement n’est intervenu, après la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article L. 593-25 du code de l’environnement, une installation nucléaire de base est autorisée à fonctionner, dans des conditions de sûreté auxquelles il appartient à l’ASN de veiller en vertu de l’article L. 592-1 du même code ; qu’il incombe ainsi à l’Autorité d’évaluer la sûreté des installations nucléaires existantes, de s’assurer, à tout moment, du respect des prescriptions de sûreté par les exploitants et de prendre les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 du code de l’environnement ; que les déclarations du Président de la République invoquées par les associations requérantes et la décision de créer une délégation interministérielle à la fermeture de la centrale ne sauraient, en l’absence du décret prévu à l’article L. 593-25 du code de l’environnement, avoir d’incidence sur l’accomplissement par l’ASN des missions qui lui incombent en vue d’assurer la sûreté des installations nucléaires de base » (94)

Le II de cet article, qui fait référence à un décret, implique donc une modification de la procédure de démantèlement prévue aux articles 36 à 45 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007, relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives.

Ce texte, comme l’article 187 de la loi, renvoie donc à la question des décisions d’arrêt et de démantèlement des installations nucléaires, et aux incidences, notamment financières de celles-ci.

La Commission européenne a présenté le 4 avril 2016 le programme indicatif nucléaire (PINC). Premier rapport de ce type depuis l’accident de Fukushima en 2011, il est axé sur les investissements liés aux améliorations de la sûreté post-Fukushima et sur la sûreté d’exploitation des installations existantes. Ce programme met également en exergue les besoins de financement estimés liés au déclassement de centrales nucléaires et à la gestion des déchets radioactifs et du combustible usé.

L’article L 594-1 du code de l’environnement, non modifié par la loi du 17 août 2015 dispose : « Les exploitants d’installations nucléaires de base évaluent, de manière prudente, les charges de démantèlement de leurs installations ou, pour leurs installations de stockage de déchets radioactifs, leurs charges de fermeture, d’entretien et de surveillance ». Conformément à cette prescription, le décret du 23 février 2007 (modifié par un décret du 24 mars 2015) prévoit :

Décret du 23 février 2007

I. - Les exploitants évaluent les charges mentionnées à l’article L. 594-1 du code de l’environnement selon les cinq catégories suivantes ;

1° Les charges de démantèlement des installations nucléaires de base, hors gestion à long terme des colis de déchets radioactifs ;

2° Les charges de gestion de leurs combustibles usés, hors gestion à long terme des colis de déchets radioactifs ;

3° Les charges de reprise et de conditionnement de leurs déchets anciens, hors gestion à long terme des colis de déchets radioactifs ;

4° Les charges de gestion à long terme des colis de déchets radioactifs ;

5° Les charges de surveillance après fermeture des stockages.

Votre Rapporteur rappelle, pour mémoire, que la commission d’enquête consacrée au coût du nucléaire (95) n’avait pu que constater les « incertitudes persistantes sur l’évaluation des coûts de démantèlement des installations nucléaires ».

Il rappelle également que le Conseil constitutionnel, jugeant du présent article, a indiqué que « les dispositions contestées ne font pas obstacle à ce que les titulaires d’autorisations de création d’installations nucléaires de base déjà délivrées au jour de l’entrée en vigueur de la loi déférée, privés de la possibilité de demander une autorisation d’exploiter une installation pour laquelle ils disposent d’une telle autorisation de création ou contraints de demander l’abrogation d’une autorisation d’exploiter afin de respecter le plafonnement institué par l’article L. 311-5-5, puissent prétendre à une indemnisation du préjudice subi ». Ce qui vaut pour le maintien du plafonnement global prévu à l’article 187 (63,2 Gw) doit logiquement également valoir pour toute autre cause de cessation d’activités, donc s’applique dès lors que la puissance publique est en cause.

La Cour des comptes observe par ailleurs : « en application de l’article 40 du décret du 2 novembre 2007, à l’issue des opérations de démantèlement, le déclassement d’une installation nucléaire de base est prononcé notamment sur la base d’une présentation de l’état du site contenant une analyse de l’état du sol. Le retour d’expérience montre que ces opérations d’assainissement des sols peuvent avoir un impact important sur le coût des projets de démantèlement. En conséquence l’ASN a été amenée à recommander que les exploitants évaluent les charges en tenant compte de ces opérations, en privilégiant l’assainissement complet des sites. Ce point pourrait constituer un facteur d’augmentation des devis dans les années à venir ».

En premier lieu, il faut constater qu’une grande divergence de chiffrage existe. En 2014, le rapport de la commission d’enquête reproduisait les données suivantes :

CHARGES BRUTES DE DÉMANTÈLEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES

(Millions d’euros)

 

EDF

AREVA

CEA

Total

Installations en exploitation

19 558

5 046

1 245

25 849

Installations arrêtées

2 890

2 828

2 454

8 172

Total

22 448

7 874

4 034 (*)

34 356

(*) Ce chiffre inclut les charges transverses (40 millions d’euros) ainsi que les charges de démantèlement « hors loi » (142 millions d’euros).

Source : Cour des comptes, Le coût de production de l’électricité nucléaire. Actualisation 2014.

La même source (p. 77) rappelle cependant que les charges brutes étaient estimées, au 31 décembre 2010 à 20,9 milliards pour EDF, 7,1 milliards pour AREVA et 3,9 milliards pour le CEA. Ainsi, pour EDF, qui à elle seule supporte 65 % du coût du démantèlement, l’estimation a augmenté de 2,5 milliards d’euros.

L’analyse de la Cour des comptes distingue deux types d’opérations :

– Le démantèlement en cours par EDF de 12 installations nucléaires de base dont l’exploitation est d’ores et déjà arrêtée (Creys Maleville, Bugey 1, etc.) estimé fin 2011 à 5 milliards d’euros, mais revalorisé « du fait d’aléas techniques et juridiques » de 71,3 millions d’euros ; pour AREVA le coût est de 8,55 milliards d’euros environ pour 18 opérations ;

– Le démantèlement des installations en cours d’exploitation, pour lequel la Cour constate une différence de méthodes, et une variation de coût en fonction de l’éventuelle prolongation du parc au-delà de 40 ans, chiffré à 19,56 milliards d’euros pour EDF et à 4,3 milliards pour les démantèlements à venir pour AREVA.

ESTIMATION DU COÛT DU DÉMANTÈLEMENT DU PARC NUCLÉAIRE FRANÇAIS HISTORIQUE PAR EXTRAPOLATION DES MÉTHODES UTILISÉES DANS D’AUTRES PAYS

(en milliards d’euros)

Estimation EDF

Suède

Belgique

Japon

États-Unis

(3 méthodes)

Royaume-Uni

Allemagne

(4 méthodes)

18,1

20

24,4

38,9

27,3

33,4

34,2

46

25,8

34,6

44

62

Source : Cour des comptes, Les coûts de la filière électronucléaire, janvier 2012

La Cour elle-même ne parvient pas à chiffre de manière indiscutable le coût du démantèlement, même si ses travaux permettent d’actualiser les données.

En toute hypothèse, on ne dispose pas d’une évaluation indiscutable du coût de l’arrêt puis du démantèlement de Fessenheim, dont les deux réacteurs fournissent aujourd’hui 2,3 % de l’énergie électrique produite en France. Il convient de rappeler en préalable le caractère déterminant de l’avis de l’ASN dont le rapport public 2015 (96) considère que « les performances en matière de sûreté nucléaire et de protection de l’environnement … se distinguent de manière positive par rapport à l’appréciation générale que l’ASN porte sur EDF … les opérations de maintenance réalisées en 2015 ont été bien planifiées et bien gérées ». Si le jugement est plus nuancé en ce qui concerne la radioprotection des salariés, il n’y a donc pas, en 2015, de critique technique particulière.

C’est l’antériorité de la mise en service de la centrale, en 1977, en parallèle avec le retard de mise en service de Flamanville, qui explique que le sujet concentre actuellement les débats sur le nucléaire en France.

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L’article L. 593-19 du code de l’environnement, modifié par l’article 126, impose un réexamen de sûreté au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement d’un réacteur, puis cinq ans après la remise du rapport de réexamen, un suivi et un complément éventuel de prescriptions de l’ASN sur les équipements importants pour la sûreté. Le rôle de l’ASN est donc crucial à partir du moment où une centrale atteint quarante ans de fonctionnement.

Toutefois, ce processus pourrait, en l’espèce, être écarté si une décision anticipée de fermeture intervenait s’agissant de la centrale de Fessenheim, dont un réacteur est actuellement à l’arrêt depuis le 13 juin 2016.

L’attention publique s’est donc focalisée sur les questions du processus décisionnel, puis du coût de la cessation d’exploitation, et au-delà, du démantèlement éventuel de Fessenheim, qui est la plus ancienne des centrales en activité, le projet de PPE indique : « en application du plafonnement à 63,2 Gw de la capacité nucléaire, abroger par décret (97) en 2016 l’autorisation d’exploiter des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim ».

Il convient de rappeler que le décret de retrait d’autorisation de l’exploitation qui est annoncé doit lui-même être précédé, d’une part, d’une concertation interne à EDF, puisque l’avis du comité central d’entreprise doit obligatoirement être demandé (98), et, d’autre part, par le respect du processus décisionnel de l’entreprise dont le conseil d’administration doit se prononcer, ce qui est prévu au début du mois de décembre. C’est alors, juridiquement, que le président-directeur-général du groupe EDF sera habilité par le conseil d’administration à entériner la formule d’indemnisation, qui, pour l’instant n’est qu’un accord annoncé même s’il était, matériellement, nécessaire au déclenchement du processus.

Reste, au-delà de cet accord d’indemnisation d’EDF, annoncé, mais dont on peut regretter le caractère jusqu’ici assez opaque, que la question du coût du démantèlement reste clairement posée, pour Fessenheim, comme au plan plus général.

Les propos tenus par Luc Oursel devant la commission d’enquête de l’Assemblée (p. 114) estimaient une perte de chiffre d’affaires de 400 millions d’euros pour AREVA et rappelaient que 1 500 personnes y travaillent, dont 850 agents d’EDF, 300 employés de sous-traitants et un solde d’emplois induits portant au total l’opération à 1 700 emplois. Mais d’autres sources situent le nombre d’employés de sous-traitants à seulement 250 personnes.

Dans une approche globale, nos collègues Marc Goua et Hervé Mariton situaient le manque à gagner à 200 millions d’euros par an et, en situant l’arrêt à 2040, le préjudice indemnisable à 4 milliards d’euros.

M. Henri Prévot (99) aboutit, en 2013, à un résultat qui est le double de ces chiffres, fondé sur un calcul économique coût/recettes.

Ces chiffres font l’objet d’un vaste débat, l’ampleur des estimations étant très variables. La Cour des comptes, dans son rapport public 2016 (p. 131) situe le coût de fermeture à 3, 44 M€ (base 2013).

Plusieurs éléments entrent en compte :

– l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), dans un avis du 9 janvier 2014 constate que peu d’exploitants prennent en compte l’assainissement du sol, contrairement aux prévisions de l’article 40 du décret du 2 novembre 2007, lequel prévoit une « analyse de l’état des sols » lors de la demande de déclassement. L’ASN recommande également une répartition des charges de démantèlement et d’assainissement ventilée par installation.

Ici encore les certitudes sont bien faibles. Le rapport parlementaire cité plus haut situe, avec des données certaines, l’impact fiscal de l’activité de Fessenheim en 2013.

– EDF a versé, en 2013, 13,3 millions d’euros d’impositions locales au titre de la centrale nucléaire de Fessenheim. Les collectivités territoriales bénéficiaires étaient la commune de Fessenheim, la communauté de communes de l’Essor du Rhin (CCER), le département du Haut-Rhin, et la Région Alsace (« Grand Est »).

Les impositions locales versées en 2013 se répartissent en quatre taxes :

– 1,8 million au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ;

– 2,8 millions d’euros au titre de la cotisation foncière des entreprises (CFE) ;

– 3,3 millions d’euros au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) ;

– 5,4 millions d’euros au titre de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER nucléaire).

6,1 millions d’euros financent la communauté de communes.

Ces chiffres ont peu varié : au total ils atteignent environ 13 millions de pertes de recettes de fiscalité locale, compensées partiellement.

– D’autres données doivent être prises en considération : un contentieux d’actionnaires est réglé entre EDF et le land de Bade-Wurtemberg, en revanche le coût de la gestion des déchets et celui du risque de pollution de la nappe phréatique font l’objet d’appréciations très variables.

Au total, entre les données connues et les éléments aléatoires, il paraît impossible de déterminer aujourd’hui avec certitude, ou même avec une marge d’approximation raisonnable, les coûts de l’arrêt et ceux du démantèlement du site de Fessenheim. Or, EDF s’est engagée à étudier la fermeture des deux réacteurs (100). Encore faut-il que les questions de méthodologie d’appréciation de perte immédiate liée à la cessation d’exploitation, puis la prise en compte donc du préjudice indemnisable, lequel dépend de la durée prévisionnelle sur laquelle on pouvait escompter une exploitation, et enfin, du coût du démantèlement, soient résolues en amont. Or, précisément, la méthodologie est elle-même sujette à débats, et seul l’accord sur une formule d’indemnisation paraît pour l’instant établi, compte tenu du processus juridique en cours. C’est bien peu de certitudes.

Votre Mission suggère donc que les prévisions d’impact de la fermeture des INB et les fourchettes de chiffrages soient effectuées, et régulièrement remis à jour, par un organisme paritaire, de manière à ce que le travail d’expertise précède la décision et soit un appui à celle-ci et non un élément de polémique.

Article 128
Sûreté nucléaire : habilitation à légiférer par ordonnance

La durée accordée au Gouvernement pour prendre cette ordonnance, qui porte sur l’efficacité du contrôle, l’ASN, la transposition des directives que l’article énumère, les questions relevant de la défense nucléaire, les mesures de protection contre les actes de malveillance, et des dispositions de coordination, a été réduite de douze à huit mois, par un amendement du Rapporteur sur le titre VI, Philippe Plisson, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Cette exigence a été respectée, l’ordonnance ayant été publiée le 10 février 2016, soit cinq mois après la promulgation de la loi.

Le VI de l’article prévoit par ailleurs que le projet de loi de ratification devait être déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance. Le projet de loi de ratification a été déposé, le 27 avril 2016, sur le bureau du Sénat (101).

Cette ordonnance s’inscrit dans le cadre général des exigences de l’Union européenne en matière de sûreté nucléaire, exigences renforcées suite à l’accident de Fukushima, par la directive 2014/87/Euratom dont la transposition est prévue dans le cadre de l’habilitation donnée par le présent article.

Directive n° 2014/87 Euratom du 8 juillet 2014

« Une autorité de réglementation compétente, forte et effectivement indépendante dans sa prise de décision réglementaire est un impératif fondamental du cadre communautaire pour la sûreté nucléaire. Il est de la plus haute importance que l’autorité de réglementation compétente soit en mesure d’exercer ses prérogatives de manière impartiale et transparente et sans subir d’influence indue dans le cadre de sa prise de décision réglementaire, afin de garantir un niveau élevé de sûreté nucléaire. Il convient que les décisions réglementaires et les mesures de police dans le domaine de la sûreté nucléaire soient prises sur la base de considérations techniques objectives en matière de sûreté et sans influence externe indue de nature à compromettre la sûreté, comme par exemple des pressions indues associées à des changements en matière politique, économique et sociétale ».

L’ordonnance porte sur six types de sujets différents.

I) Les a) à d) du 1°et le 2°du I de l’article 128 permettent au Gouvernement de modifier les règles relatives à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). L’article 21 de l’ordonnance étend le champ des activités concernées par le contrôle de l’ASN aux « activités comportant un risque d’exposition des personnes aux rayonnements ionisants […] émanant soit d’une source artificielle, qu’il s’agisse de substances ou de dispositifs, soit d’une source naturelle lorsque les radionucléides naturels sont traités ou l’ont été en raison de leurs propriétés radioactives, fissiles ou fertiles » (102). Ce champ sera encore élargi lorsque la nouvelle rédaction de l’article L. 1333-1 du code de la santé publique prévue par l’ordonnance du 10 février 2016, qui comprend une définition plus large des « sources naturelles » des rayonnements ionisants (103), entrera en vigueur le 1er juillet 2017. Par ailleurs, il confie à l’ASN la mission de concourir à la transparence pour ce qui concerne la sûreté nucléaire, la radioprotection et les activités nucléaires mentionnées à l’article L. 1333-1 du code de la santé publique, et son article 21 prévoit que l’ASN participe à l’information du public.

Le I de l’article 22 de l’ordonnance modifie les articles L. 592-20, L. 592-21 et L. 592-22 du code de l’environnement pour les adapter à la nouvelle définition du champ de compétences de l’ASN. Ces articles définissent :

– les décisions réglementaires à caractère technique que peut prendre l’ASN ;

– les décisions individuelles que peut prendre l’ASN ;

– les domaines dans lesquels l’ASN est chargée d’assurer le contrôle du respect des règles générales et des prescriptions particulières édictées.

Si le renvoi aux « domaines de compétence mentionnés à l’article L. 592-19 » dans les articles L. 592-20 (relatif aux décisions réglementaires) et L. 592-22 (relatif au contrôle) est clair, le renvoi aux « décisions individuelles qui lui sont attribuées par les lois et règlements dans les domaines de sa compétence » fait par l’article L. 592-21 l’est moins. L’étude d’impact du projet de loi indiquait à ce sujet que : « Dans un but de simplification pour l’assujetti (diminution du nombre d’interlocuteurs), il est envisagé de compléter les compétences de l’ASN au sein des INB concernant certaines décisions individuelles relatives aux déchets (non radioactifs), aux produits et équipements à risques (par exemple équipements sous pression), aux produits chimiques (l’autorité compétente est normalement le préfet de département dans la plupart des cas) ». Le nouvel article L. 593-33 du code de l’environnement, (article 30 de l’ordonnance) prévoit donc :

– les compétences de l’ASN en matière de contrôle des appareils à pression implantés dans le périmètre INB sont étendues ;

– la compétence de l’ASN est étendue à des activités situées en dehors du périmètre des INB, qu’elles soient exercées par l’exploitant ou par ses fournisseurs, prestataires ou sous-traitants.

Les articles L. 595-1 et L. 595-2 définissaient les compétences de l’ASN pour ce qui concernait le transport de substances radioactives en indiquant que ces derniers étaient soumis au régime de contrôle et de sanctions prévu pour les INB par le chapitre VI du titre du code de l’environnement consacré à la sécurité nucléaire et aux INB. Ces articles précisaient par ailleurs que l’ASN était chargée d’accorder les autorisations et les agréments et de recevoir les déclarations relatives au transport de substances radioactives. L’article 33 de l’ordonnance rend plus claire l’articulation entre les différents corpus de règles qui s’appliquent au transport des substances radioactives en indiquant que ce transport est soumis aux « dispositions régissant le transport de marchandises dangereuses » sauf sur les deux mêmes points que précédemment :

– les décisions individuelles relèvent de l’ASN ;

– le contrôle du transport de substances radioactives est soumis au régime prévu pour les INB par le chapitre VI du titre du code de l’environnement.

Votre Rapporteur souligne que disparaît ainsi le pouvoir, antérieurement prévu par l’article L. 592-19 du code de l’environnement, d’édiction par l’ASN de « règles fondamentales de sûreté » et de « guides de l’ASN », que la jurisprudence jugeait dépourvues de caractère impératif, tout en indiquant « qu’il appartient toutefois au juge de prendre en compte ces règles ou guides parmi les éléments de fait et de droit appréciés dans son contrôle de l’évaluation qui a été faite du risque par l’ASN » (104). Cette suppression de dispositions non impératives doit être saluée : le droit du nucléaire, et singulièrement celui de la sûreté nucléaire, ne saurait s’accommoder d’un droit souple.

La principale extension des compétences de l’ASN à l’international résulte de la loi « Macron ». L’article 200 de la loi du 6 août 2015 a en effet inséré dans le code de l’environnement un article L. 592-28-1 prévoyant que l’ASN peut :

– fournir des prestations de conseil et mener des missions d’appui technique à la demande des autorités d’autres États ;

– examiner la conformité des options de sûreté des modèles d’installations nucléaires destinées à l’exportation aux obligations applicables en France au même type d’installation.

L’étude d’impact du projet de loi prévoyait que, pour conforter ses décisions, l’ASN puisse recourir à des tierces expertises aux frais de l’assujetti, à l’instar de ce qui existe déjà pour les ICPE. Dans ce but, le I de l’article 22 de l’ordonnance réécrit l’article. L. 592-23 du code de l’environnement qui dispose désormais que : « lorsque l’importance particulière des risques ou inconvénients le justifie, l’Autorité de sûreté nucléaire peut prescrire au responsable d’une activité qu’elle contrôle la réalisation, aux frais de celui-ci, d’analyses critiques d’un dossier, d’expertises, de contrôles ou d’études par des organismes extérieurs experts choisis en accord avec elle ou qu’elle agrée ».

La rédaction de l’article L. 592-23 du code de l’environnement pose des limites : l’ASN a un droit de regard sur le choix des tiers experts et le recours aux tiers experts est réservé aux cas où « l’importance particulière des risques ou inconvénients le justifie ». L’étude d’impact du projet de loi indiquait que ce recours devait être limité aux cas où l’autorité administrative est difficilement à même d’apprécier une situation (par l’exemple l’état d’un matériel) ou les justifications fournies par l’exploitant. Il est regrettable que la définition de ces cas ne soit pas plus précise.

Par ailleurs, lors de l’examen de l’article à l’Assemblée et au Sénat, les parlementaires avaient été particulièrement vigilants sur la question des tierces expertises et deux amendements avaient été adoptés à ce sujet :

– lors de l’examen du texte à l’Assemblée, un amendement de nos collègues Patrice Prat, Jean-Luc Laurent et Stéphane Travert avait précisé que les tierces expertises que l’ASN pourrait faire réaliser n’auraient pas vocation à se substituer aux expertises de l’IRSN mais à s’y ajouter ;

– lors de l’examen du texte au Sénat, des amendements de MM. Pierre Médevielle, Bruno Sido et Michel Berson avaient été adoptés pour rendre l’IRSN destinataire des rapports produits dans le cadre des tierces expertises demandées par l’ASN. Il est regrettable que la rédaction de l’article L. 592-23 n’ait pas pris en compte les souhaits des parlementaires.

L’ordonnance indique que le recours aux tierces expertises se fait aux frais de l’assujetti. Le rapport annuel de l’ASN mentionne un budget de 85 millions de l’IRSN consacré aux expertises.

L’article 23 de l’ordonnance insère des articles L. 592-41 à L. 592-44 dans le code de l’environnement pour instituer une commission des sanctions au sein de l’ASN, afin de respecter le principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement.

Votre mission rappelle à cet égard que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme comme celle du Conseil constitutionnel et du conseil d’État sont particulièrement exigeantes, qui, si elles admettent l’auto saisine, prohibent toute procédure aboutissant à un pré-jugement : le prononcé de la sanction doit respecter une stricte séparation entre l’instruction et la décision (105)

L’article 23, s’il prévoit une incompatibilité entre les fonctions de membre de la commission des sanctions, d’ailleurs étendue à tout mandat électif, de façon sans doute excessive (106), et celles de membre du collège et des services, met cependant ceux-ci à disposition de l’autorité et n’organise ni les voies de saisine ou de recours, ni une procédure contradictoire lors de la phase d’instruction de l’affaire.

Le IV de l’article 24 de l’ordonnance donne une nouvelle rédaction à l’article L. 593-11 du code de l’environnement relatif aux autorisations de mise en service des INB pour prévoir que la mise en service d’une INB peut n’être que partielle.

L’article 34 vise à doter l’ASN et ses inspecteurs de pouvoirs de contrôle et de sanction plus gradués. Il remplace le dispositif de contrôle et de sanctions administratives (défini par les articles L. 596-1 à L. 596-23 et spécifique au nucléaire) par un renvoi aux dispositions du code de l’environnement (articles L. 171-6 à L. 171-12). Toutefois, le montant maximal de l’amende administrative est porté de 15 000 euros à :

– 10 millions d’euros en cas de manquement aux dispositions applicables aux installations nucléaires de base ;

– un million d’euros en cas de manquement aux dispositions applicables aux équipements sous pression nucléaires ;

– 30 000 € dans les autres cas.

De plus, le montant maximal de l’astreinte journalière est porté de 1 500 à 15 000 euros. L’article L. 593-5 prévoit qu’en cas de défaillance de l’exploitant, l’autorité administrative pourra, non seulement se retourner contre le propriétaire du terrain d’assiette, mais également se retourner contre le propriétaire de l’INB, s’il est distinct de l’exploitant.

Enfin, certaines sanctions pénales sont renforcées. Par exemple, l’amende pour exploitation d’une INB en violation d’une mise en demeure est portée de 75 000 € à 100 000 €, et la peine prévue à l’encontre des personnes morales en cas d’exploitation non autorisée d’une INB est portée à 10 millions d’euros (article L. 596-12 du code de l’environnement)

Le II de l’article 25 de l’ordonnance inclut les centres de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs dans les installations nucléaires de base.

Le texte prévoit le renforcement des prérogatives de l’ASN pour les équipements sous pression nucléaires (cuves de réacteurs nucléaires, tuyauteries du circuit d’eau primaire du réacteur…). Ces derniers faisaient l’objet de dispositions éparpillées dans différents articles du code de l’environnement, rassemblées et réécrites de manière plus cohérente. Par ailleurs, l’article 33 complète le régime juridique des équipements sous pression nucléaire en prévoyant que l’ASN peut intervenir directement à certaines étapes de l’évaluation de la conformité de ces équipements.

*

II) L’article 128 habilite également le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures permettant de soumettre les responsables d’activités nucléaires à l’obligation de prendre des mesures de protection des sources de rayonnements ionisants contre les actes de malveillance. L’habilitation sur ce sujet a été prévue par l’adoption d’un amendement du Gouvernement lors de l’examen du texte en première lecture au Sénat dont l’exposé des motifs indiquait que cette mesure s’inscrivait dans le cadre défini par la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire signée à New York le 14 septembre 2005 et par le code de conduite relatif à la sûreté et à la sécurité des sources de rayonnement ionisant établi par l’Agence internationale de l’énergie atomique en 2003.

Les installations concernées sont celles qui utilisent des sources faiblement radioactives, qui ne sont pas classées comme ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement), INB (installations nucléaires de base) ou INID (installations nucléaires intéressant la défense) mais qui peuvent être soumises au régime d’autorisation ou de déclaration fixé par le code de la santé publique.

Ce régime ne portait, jusqu’alors que sur la radioprotection et ne permettait pas de prendre en compte explicitement la lutte contre les actes de malveillance.

L’article 38 de l’ordonnance du 10 février 2016 étend l’objet de cette législation à la lutte contre la malveillance :

– La nouvelle rédaction de l’article L. 1333-7 du code de la santé publique prévoit que le responsable d’une activité nucléaire doit mettre en œuvre des moyens et des mesures permettant d’assurer la protection de la santé publique, de la salubrité et de la sécurité publiques et de l’environnement contre les risques ou inconvénients résultant des rayonnements ionisants qui sont liés à l’exercice de cette activité mais aussi à des actes de malveillance. En outre, le texte définit les compétences des différents services de l’État et prévoit également que certaines activités nucléaires appartenant à la nomenclature ICPE ou relevant du code minier devront faire l’objet d’une autorisation par l’ASN au titre de la protection contre les actes de malveillance.

– La nouvelle rédaction de l’article L. 1333-11 autorise l’administration à réaliser des enquêtes sur les personnes autorisées à avoir accès aux sources radioactives mentionnées à l’article L. 1333-1. Il dispose en particulier que cette enquête « peut donner lieu à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des traitements automatisés de données à caractère personnel… La personne concernée est informée de l’enquête administrative dont elle fait l’objet » (107).

En application de l’article 43 de l’ordonnance ces dispositions entreront en vigueur « à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er juillet 2017 ». Aucune date plus proche n’a à ce jour été définie, ce qu’on peut juger regrettable, au moins sur ce dernier point.

Même si la possibilité d’assure la coordination avec le code du travail fait partie du champ de l’habilitation (7° du I du présent article), votre mission, qui n’est au demeurant pas convaincue qu’il s’agisse d’une simple coordination ne juge pas qu’il soit opportun qu’une ordonnance vienne modifier une disposition du texte de loi qui, par ailleurs, comporte ladite habilitation. Elle s’oppose donc, à l’article 41 de l’ordonnance, à la disparition du suivi médical spécifique des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants prévu par cet article. Sous réserve d’une explication du gouvernement sur ce point, elle ne souhaite pas la ratification de cet article.

*

III) Le e du 1° et le 4° du I permettent au Gouvernement de modifier les règles relatives aux installations nucléaires concernant la défense, respectivement pour renforcer l’efficacité du contrôle en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et instituer un dispositif de contrôle et de sanction gradués des dispositions du chapitre III du titre III du livre III de la première partie du code de la défense et des textes pris pour son application, pouvant comprendre des astreintes et des sanctions pécuniaires. Les articles 45 à 50 de l’ordonnance du 10 février 2016 modifient en conséquence le titre III du livre III de la première partie du code de la défense.

Les articles 45, 46 et 47 de l’ordonnance prévoient des mesures de protection contre les actes de malveillance des sources de rayonnements ionisants mises en œuvre par les activités nucléaires réalisées dans les établissements, installations ou ouvrages d’importance vitale, définis par l’article L. 1332-1 du code de la défense (c’est-à-dire les établissements, installations ou ouvrages « dont l’indisponibilité risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation »), placées sous le contrôle d’inspecteurs de la sécurité nucléaire, d’officiers de police judiciaire, d’agents des douanes etc.

L’article 38 de l’ordonnance a modifié les articles L. 1333-7, L. 1333-9 et L. 1333-11 du code de la santé publique pour mettre en place de telles mesures pour les installations utilisant des sources faiblement radioactives qui ne sont pas classées comme ICPE, INB ou INID. Ces mesures s’inscrivent dans un cadre international défini par la convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire précitée et par le code de conduite relatif à la sûreté et à la sécurité des sources de rayonnement ionisant établi par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en 2003.

Les mesures relevant du code de la santé publique n’entrent en vigueur qu’à compter du 1er juillet 2017 (ce que prévoit l’article 43 de l’ordonnance) alors que les mesures qui relèvent du code de la défense sont déjà en vigueur.

Jusqu’à la publication de l’ordonnance du 10 février 2016, les dispositions de contrôle et de sanctions reposaient sur un régime d’autorisation. Dans ce cadre, le ministre chargé de l’énergie définissait les spécifications nécessaires pour assurer la protection des matières nucléaires, ce qui permettait d’adapter les obligations des opérateurs à la politique de l’État, notamment en matière de lutte antiterroriste.

Les articles 45, 46 et 47 de l’ordonnance modifient les articles L. 1333-2, L. 1333-3 et L. 1333-4 du code de la défense pour instituer, à côté de ce régime d’autorisation, un régime de déclaration. Cette évolution vers un régime plus souple fait écho aux modifications effectuées dans le code de l’environnement par l’article 38 de l’ordonnance, de manière à mettre en place l’approche graduée du contrôle réglementaire prévue par l’article 24 de la directive « normes de base » du 5 décembre 2013 (108).

Les activités soumises à autorisation comme celles soumises à déclaration continueront à faire l’objet de spécifications relatives notamment à la durée des autorisations et des déclarations, aux quantités et à la forme des matières nucléaires ou encore aux mesures à prendre pour en connaître la localisation et en assurer la protection. Les modifications apportées par l’article 46 de l’ordonnance à l’article L. 1333-3 du code de la défense permettent d’éviter qu’il soit nécessaire de demander une nouvelle autorisation ou de déposer une nouvelle déclaration pour que ces spécifications puissent être modifiées.

L’article 48 insère un article L. 1333-4-1 pour définir plus précisément que ne le fait aujourd’hui dans le code de la défense les conditions d’exercice de la police administrative, ce qui permet de renforcer la sécurité juridique des contrôles.

La section 1 du chapitre Ier du titre VII du livre Ier du code de l’environnement définit les conditions de réalisation des contrôles administratifs et notamment les lieux auxquels les agents chargés du contrôle ont accès, les périodes pendant lesquelles ils y ont accès, les conditions dans lesquelles les visites sont réalisées, les conditions dans lesquelles ils peuvent se faire communiquer et prendre copie des documents ou encore les conditions dans lesquelles ils peuvent se faire assister d’un expert. Votre mission juge que ces conditions sont ici définies avec une précision suffisante, notamment les voies de recours, ce qui correspond à une exigence de la CEDH (109) devant être précisées par un décret en Conseil d’État (article 48), la compétence étant attribuée au juge administratif.

La section 2 de ce chapitre définit les mesures et les sanctions administratives qui peuvent être prises à l’encontre des contrevenants : mise en demeure, mesures conservatoires, astreintes, exécution d’office de travaux, amendes administratives… Ces dispositions sont adaptées aux spécificités du domaine nucléaire : le montant maximal des amendes, qui était fixé à 15 000 euros par l’article L. 171-8 du code de l’environnement, est porté à 10 millions d’euros par l’article L. 1333-4-1 du code de la défense et le montant maximal des astreintes, qui était fixé 1 500 euros par jour est porté à 15 000 euros par jour.

Comme l’article 34 pour le nucléaire civil, les articles 47 et 48 de l’ordonnance instituent un dispositif de sanctions plus gradué, qui remplace le dispositif, prévu par l’ancienne rédaction de l’article L 1333-4 du code de la défense, qui prévoyait uniquement la suspension ou le retrait de l’autorisation pour les exploitants qui ne respectaient pas les prescriptions d’un arrêté les mettant en demeure de prendre des mesures en cas de manquement aux spécifications de l’autorisation : dans la grande majorité des cas, l’opérateur est en effet apte à prendre les mesures appropriées pour faire cesser les infractions constatées.

L’article 49 de l’ordonnance modifie l’article L 1333-8 du code de la défense pour ajouter à la liste des agents chargés de contrôler les infractions pénales les inspecteurs de la sécurité des matières nucléaires, qui sont chargés du contrôle administratif, en application de l’article L. 1333-5. Par ailleurs, il définit les conditions d’exercice de leurs missions par renvoi aux dispositions du code de l’environnement (conditions de réalisation des visites, de recueil des déclarations, d’établissement des procès-verbaux, de copie de documents, de prélèvement d’échantillons, de saisie, de destruction des instruments et engins interdits ou prohibés…).

L’article L 1333-10 du code de l’environnement disposait que « la violation intentionnelle, par des personnes physiques ou morales intervenant à quelque titre que ce soit dans les établissements où sont détenues des matières nucléaires mentionnées à l’article L. 1333-1, des lois et règlements et des instructions de l’exploitant ou de ses délégués, lorsqu’elle est susceptible de mettre en cause la sûreté nucléaire des installations, la protection des matières nucléaires ou la sécurité des personnes et des biens » peut entraîner immédiatement la suspension ou la rupture des liens contractuels ou statutaires au titre desquels les personnes physiques intervenaient et la suspension ou la rupture des conventions au titre desquelles les personnes morales intervenaient.

L’article 50 modifie cet article, pour supprimer la notion d’intervention dans les établissements où sont détenues des matières nucléaires, car l’évolution des technologies et des pratiques fait que de plus en plus d’activités importantes pour la protection de ces matières peuvent être réalisées à l’extérieur des établissements (conception, programmation…). Cette protection ne peut donc être assurée que si certaines obligations (confidentialité…) sont respectées aussi à l’extérieur des établissements. Cet article instaure également un régime de sanctions plus gradué.

L’article L 1333-9 prévoyait qu’est puni de dix ans d’emprisonnement et de 7 500 000 euros d’amende le fait « d’abandonner ou de disperser des matières nucléaires mentionnées à l’article L. 1333-1. L’article 50 définit cette notion comme « le fait d’abandonner ou de confier » ces matières « à une personne morale ou physique qui n’est pas autorisée ou déclarée pour détenir ces matières, ou sans informer la personne morale ou physique de la nature de ces matières ». Manque toutefois, pour que la qualification pénale de ce délit soit complète, une précision sur le fait que cet abandon ou cette transmission doit être volontaire, de manière à éviter toute tentative contentieuse de contestation de ce dispositif.

L’article L 1333-12 prévoyait que le fait d’entraver l’exercice des contrôles administratifs ou de fournir aux agents chargés de ce contrôle des renseignements inexacts était puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. L’article 50 réduit ces peines, qui passent à un an d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende. Par contre, il augmente le montant de l’amende prévue pour non-respect des prescriptions d’un arrêté de mise en demeure, qui passe de 30 000 euros à 100 000 euros. Ces évolutions permettent de mettre en place une gradation analogue à celle prévue par les dispositions similaires du code de l’environnement (cf. articles L. 173-1 (110) et L. 173-4 du code de l’environnement (111).

Enfin, du fait de la création d’un régime de déclaration par les articles 45, 46 et 47 de l’ordonnance, l’article 50 insère dans l’article L. 1333-12 un alinéa qui prévoit que le fait de ne pas se conformer à une mesure de refus, de suspension ou d’opposition à déclaration prononcée par l’autorité administrative est puni de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

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IV) Le 6° du I permet au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures permettant transposer la directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 qui fixe les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants (112).

Cinq directives, prises sur la base du traité EURATOM et adoptées entre 1989 et 2003, définissaient les normes européennes en matière de radioprotection. Elles ont fait l’objet d’un regroupement dans la directive du 5 décembre 2013. L’article 38 de l’ordonnance du 10 février 2016 modifie plusieurs articles du chapitre III du titre III du livre III de la première partie de ce code.

L’article L. 1333-1 (définition des activités nucléaires qui sont contrôlées), inclut plus largement qu’auparavant les activités mettant en œuvre des sources de rayonnements ionisants d’origine naturelle.

La nouvelle rédaction de l’article L. 1333-2 fixe les principes de la radioprotection. Les modifications apportées ont davantage un impact sur la présentation de ces principes :

– Le principe de justification, selon lequel une activité nucléaire ne peut être entreprise ou exercée que si elle est justifiée par les avantages qu’elle procure sur le plan individuel ou collectif, notamment en matière sanitaire, sociale, économique ou scientifique, rapportés aux risques inhérents à l’exposition aux rayonnements ionisants auxquels elle est susceptible de soumettre les personnes ;

– Le principe d’optimisation, selon lequel le niveau de l’exposition des personnes aux rayonnements ionisants résultant d’une de ces activités, la probabilité de la survenue de cette exposition et le nombre de personnes exposées doivent être maintenus au niveau le plus faible qu’il est raisonnablement possible d’atteindre, compte tenu de l’état des connaissances techniques, des facteurs économiques et sociétaux et, le cas échéant, de l’objectif médical recherché ;

– Le principe de limitation, selon lequel l’exposition d’une personne aux rayonnements ionisants résultant d’une de ces activités ne peut porter la somme des doses reçues au-delà des limites fixées par voie réglementaire.

La nouvelle rédaction de l’article L 1333-3 donne une définition du principe de justification (113) pour les décisions destinées à prévenir ou réduire un risque radiologique consécutif à un accident, à protéger les personnes d’une contamination radioactive de l’environnement, de produits ou de marchandises ou à prévenir ou réduire un risque lié à une exposition à une source naturelle de rayonnements ionisants. Par ailleurs, elle introduit un nouvel outil : le niveau de référence (114), qui permet d’appliquer le principe d’optimisation, à ces décisions. Enfin, elle définit la notion de la situation d’urgence radiologique.

L’article 24 de directive prévoit qu’une approche graduée du contrôle réglementaire doit être mise en place. En conséquence, la nouvelle rédaction des articles L. 1333-8 et L. 1333-9 modifie les régimes de déclaration et d’autorisation qui encadrent les activités nucléaires pour y ajouter un régime intermédiaire, « d’enregistrement ». Ce régime concerne des activités qui présentent des risques ou des inconvénients graves pour les intérêts mentionnés à l’article L. 1333-7 qui peuvent, en principe, être prévenus par le respect de prescriptions générales.

La réduction de l’exposition de la population au radon est l’un des objectifs de la directive :

– L’article L. 1333-22 dispose que les propriétaires ou exploitants de certaines catégories d’immeubles bâtis situés dans les zones à potentiel radon où l’exposition au radon est susceptible de porter atteinte à la santé mettent en œuvre une surveillance de cette exposition et, qu’au-dessus de certains niveaux d’activité volumique en radon, ils sont tenus de mettre en œuvre les mesures nécessaires pour réduire l’exposition et préserver la santé des personnes ;

– L’article L. 1333-23 définit les tâches pour lesquelles les organismes intervenant dans la surveillance du radon sont habilités et précise que les conditions d’habilitation de ces organismes sont définies par voie réglementaire ;

– L’article L. 1333-24 définit la liste des agents qui sont habilités à contrôler l’application de l’article L. 1333-22.

La nouvelle rédaction de l’article L. 1333-25 oblige les fournisseurs, lors de la mise à disposition sur le marché de dispositifs contenant des sources radioactives ou de générateurs de rayonnements ionisants, à informer les acquéreurs sur les risques des rayonnements ionisants. Cette exigence est posée par l’article 78 de la directive.

La nouvelle rédaction des articles L. 1333-29, L. 1333-30 et L. 1333-31, qui modifie le système de contrôle et sanctions administratifs car la directive « normes de base » impose de disposer d’un système de contrôle et de police complet. Ces articles renvoient aux modalités et outils de contrôle « transverses » prévus par le code de l’environnement.

L’article 40 de l’ordonnance du 10 février 2016 modifie l’article L. 125-5 du code de l’environnement pour prévoir que les acquéreurs ou les locataires de biens immobiliers situés dans des zones à potentiel radon doivent être informés par le vendeur ou le bailleur de l’existence des risques. Alors que la version antérieure ne couvrait que les immeubles situés dans une zone couverte par un plan de prévention des risques, le nouveau dispositif est étendu aux « zones de sismicité ou dans des zones à potentiel radon définies par voie réglementaire », cette obligation pèse sur le bailleur ou le vendeur, et il est probable que son défaut entraînerait la nullité du bail ou celle de la vente.

Par ailleurs, il modifie l’article L. 221-1 qui concerne la surveillance de la qualité de l’air en supprimant la notion de valeurs-guides dans cet article qui disposait que « des normes de qualité de l’air ainsi que des valeurs-guides pour l’air intérieur définies par décret en Conseil d’État sont fixées […] en conformité avec celles définies par l’Union européenne et, le cas échéant, par l’Organisation mondiale de la santé ». Ces dispositions paraissent en effet obsolètes, compte tenu du Titre III de la présente loi.

En application de l’article 43 de l’ordonnance du 10 février 2016, ces dispositions entreront elles aussi en vigueur « à une date fixée par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er juillet 2017 ».

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V) Le 3° et le 6° du I de cet article permettent au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures permettant de transcrire en droit français les exigences posées par une série de directives et notamment :

– de compléter la transposition de la directive du 4 juillet 2012 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (115), dite « directive Seveso III » (3° du I de l’article 128) ;

– de transposer la directive du 8 juillet 2014 relative au cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires (116) qui modifie la directive du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires, dite « directive sûreté » (6° du I de l’article 128). Cette directive est entrée en vigueur le 22 juillet 2009. Elle a établi un cadre européen qui doit permettre d’assurer la sûreté nucléaire. Suite à l’accident de Fukushima, la Commission européenne a réalisé une campagne d’évaluation des risques et de la sûreté des centrales dans l’Union européenne puis a proposé d’améliorer la réglementation en vigueur, ce qui a conduit à l’adoption de la directive du 8 juillet 2014, entrée en vigueur le 14 août 2014.

La directive « Seveso III » vise notamment à renforcer les droits des citoyens, améliorer leur information, leur possibilité d’obtenir réparation et à imposer des exigences aux sociétés qui manipulent des substances dangereuses. Sa transposition a déjà fait l’objet d’une série de textes. Ainsi, le décret du 3 mars 2014 (117) a modifié la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) fixée par l’annexe à l’article R. 511-9 du code de l’environnement. Toutefois, il était également nécessaire de prendre des mesures législatives pour compléter cette transposition. Cela a par exemple été l’objet des articles 9 et 24 de la loi du 2 décembre 2015 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques (118).

La transposition des directives « Seveso III » et « Sûreté » résulte des articles 20, 26 et 28 de l’ordonnance du 10 février 2016. Ces dispositions n’ont pas fait l’objet de mesures d’entrée en vigueur différée.

Le projet de loi de ratification a été déposé le 27 avril 2016, sur le bureau du Sénat (119).

L’article 20 insère des articles L. 591-6 à L. 591-8 dans le code de l’environnement pour inscrire dans la loi une série de principes posés par l’article 8 sexies de la directive « sûreté » :

– La France organise :

– au moins une fois tous les dix ans une évaluation du cadre réglementaire et législatif en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection et soumet les éléments pertinents de cette évaluation à un examen international. Les résultats des évaluations par des pairs sont communiqués aux États membres de l’Union européenne et à la Commission européenne (cette disposition était déjà prévue par le règlement intérieur de l’ASN) ;

– au moins une fois tous les six ans une évaluation portant sur un thème spécifique lié à la sûreté nucléaire ou à la radioprotection au sein des INB et soumet cette évaluation à un examen international.

En cas d’accident aboutissant à des situations nécessitant des mesures d’intervention d’urgence hors site ou des mesures de protection de la population, la France organise un examen international par les pairs.

L’article 26 réécrit l’article L. 593-6 du code de l’environnement qui disposait seulement que « l’exploitant d’une installation nucléaire de base est responsable de la sûreté de son installation ». La nouvelle rédaction reprend en grande partie des exigences qui étaient inscrites dans un décret du 2 novembre 2007 (120) et un arrêté du 7 février 2012 (121) :

– obligation pour l’exploitant de mettre en œuvre une politique en matière de protection de la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement « affirmant explicitement […] la priorité accordée à la protection des intérêts susmentionnés, en premier lieu par la prévention des accidents et la limitation de leurs conséquences au titre de la sûreté nucléaire » ;

– obligation de réaliser un rapport de sûreté ;

– obligation de mettre en place un système de management intégré ;

– obligation de mettre en place un plan d’urgence interne.

Ces modifications nécessaires sont liées à la nécessité de transposer la directive « Seveso III », et on peut se demander si elles relèvent du domaine de la loi, et si les modifications des décrets s’imposaient.

Par ailleurs, la nouvelle rédaction de l’article L. 593-6 du code de l’environnement, liée à la transposition de la directive « sûreté » prévoit que l’exploitant d’une INB doit disposer des ressources techniques, financières et humaines adéquates pour pouvoir garantir la priorité à la protection de la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l’environnement, ce qui ne figurait pas explicitement dans la loi.

Enfin la nouvelle rédaction de l’article L. 593-6 traite le cas où l’exploitant d’une INB ne serait pas le propriétaire de l’installation. Jusqu’ici, le code de l’environnement ne traitait que du cas où l’exploitant d’une INB n’était pas propriétaire du terrain servant d’assiette à l’installation.

Le I et le II de l’article 28 modifient la dénomination des réexamens de sûreté définis par les articles L. 593-18 et L. 593-19 du code de l’environnement pour prendre en compte le fait que ces réexamens ne concernent pas seulement la sûreté nucléaire mais, comme le prévoyait déjà l’ancienne rédaction de l’article L. 593-18, « les intérêts mentionnés à l’article L. 593-1 », c’est-à-dire la sécurité, la santé et la salubrité publiques ainsi que la protection de la nature et de l’environnement.

Le troisième alinéa de l’article L. 593-18 disposait que les réexamens de sûreté d’une INB ont lieu ont lieu tous les dix ans mais que le décret d’autorisation de l’INB peut fixer une périodicité différente si les particularités de l’installation le justifient. La directive du 8 juillet 2014 prévoyant que les installations qu’elles concernent doivent faire l’objet d’un réexamen de sûreté tous les dix ans (122), le II de l’article 128 modifie l’article L. 593-19 pour prévoir qu’il ne peut être dérogé au délai minimal de dix ans pour les installations qui relèvent de la directive du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires. Par contre, la possibilité de déroger par décret au principe de périodicité décennale reste ouverte pour les INB non soumises à cette directive, qui représentent des enjeux moindres en termes de sûreté.

Enfin, III de l’article 28 prévoit que l’exploitant doit procéder régulièrement au recensement des substances et mélanges dangereux susceptibles d’être présents dans l’installation dans des quantités telles qu’ils peuvent être à l’origine d’accidents majeurs au sens de la directive « Seveso III ». Un tel recensement est nécessaire pour déterminer quelles INB sont soumises à cette directive et donc pour tenir à jour la liste des établissements classés Seveso.

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VI) Le 3° du I permet au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour compléter la transposition de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (123), dite « directive IED ».

Directive « IED »

La directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles refond sept actes législatifs antérieurs relatifs aux émissions industrielles. Elle définit des règles visant à prévenir et réduire la pollution de l’air, de l’eau et du sol et à éviter la production de déchets.

Les installations concernées par cette directive doivent faire l’objet d’une autorisation et être inspectées régulièrement.

Ces installations doivent prévenir et réduire la pollution grâce à l’application des meilleures techniques disponibles (124), à une utilisation efficace de l’énergie, à la prévention et à la gestion des déchets et à l’adoption de mesures destinées à prévenir les accidents et à limiter leurs conséquences.

Des valeurs limites d’émission doivent être fixées à un niveau permettant d’assurer que les émissions de polluants ne dépassent pas les niveaux d’émission associés à l’utilisation des meilleures techniques disponibles. Cependant, ces valeurs peuvent dépasser ces niveaux s’il est prouvé que cette situation entraînerait des coûts disproportionnés par rapport aux avantages pour l’environnement.

Certaines installations nucléaires de base (INB) sont concernées par cette directive, du fait d’activités non nucléaires qu’elles mettent en œuvre. L’article 29 de l’ordonnance prévoit que les INB comportant au moins une des activités énumérées à l’annexe I de la directive « IED » sont soumises aux règles suivantes :

– Avant mise en service, l’état du site d’implantation de l’installation doit être décrit dans un rapport de base établi par l’exploitant ;

– Les conditions de conception, de construction, d’exploitation et de démantèlement d’une INB prévues par son autorisation de création, son décret de démantèlement et par les prescriptions édictées par l’ASN pour la protection de la sécurité, de la santé et de la salubrité publiques et la protection de la nature et de l’environnement doivent, lorsqu’elles sont relatives aux activités relevant de l’annexe I de la directive IED, être fixées de telle sorte que ces activités soient exercées en appliquant les meilleures techniques disponibles ;

– L’exploitant doit procéder périodiquement ou sur décision de l’ASN au réexamen de ces conditions et proposer si nécessaire leur actualisation. Il adresse à l’ASN un rapport de réexamen après analyse duquel ces conditions sont actualisées par l’autorité compétente.

Enfin, l’article L. 593-32 prévoit que des valeurs limites d’émission moins strictes que les niveaux associés aux meilleures techniques disponibles peuvent être fixées si l’évaluation réalisée par l’exploitant montre que l’obtention de ces niveaux entraînerait une hausse des coûts disproportionnée au regard des avantages pour l’environnement, en raison de l’implantation géographique de l’installation concernée, de ses caractéristiques techniques ou des circonstances locales de l’environnement. Ces valeurs limites d’émission ne peuvent cependant pas excéder les valeurs limites fixées par la directive IED.

L’article 29 de l’ordonnance n’a pas fait l’objet de dispositions d’entrée en vigueur différées.

Article 129
Transposition de la directive « Euratom »

L’article 34 du projet initial, devenu l’article 129, habilitait le Gouvernement à transposer la directive du 19 juillet 2011 relative au combustible usé et aux déchets radioactifs (125), avant le 23 août 2013, et à adapter la législation existante, ce qui doit conduire à :

– compléter les définitions des déchets radioactifs ;

– préciser certains éléments du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs ;

– transposer en droit interne le principe fixé par la directive selon lequel les déchets radioactifs produits sur le territoire national sont stockés sur le territoire national, même lorsqu’ils ont été exportés vers l’étranger à des fins de traitement ;

– déterminer les exceptions au principe d’interdiction de stockage en France des déchets provenant de l’étranger ;

– renforcer les sanctions pénales et administratives applicables en cas de non-respect des règles relatives au combustible usé et aux déchets radioactifs ;

– ouvrir à l’administration, après avis de l’ASN, la possibilité de requalifier des matières radioactives en déchets radioactifs – et inversement.

Directive du 19 juillet 2011 relative au combustible usé et aux déchets radioactifs

La directive établissant un cadre communautaire pour la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs est le premier instrument juridique qui encadre spécifiquement la gestion des déchets radioactifs alors même que la Communauté européenne de l’énergie atomique a été créée en 1957. Jusqu’ici seules des règles avaient été fixées pour le transit inter-étatique des déchets par des directives du 3 février 1992 (126) et du 20 novembre 2006 (127).

Cette directive est complémentaire de la directive du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires (128), dite « directive sûreté ».

La directive définit les principes régissant les politiques nationales sur les déchets radioactifs et le combustible usé issus des activités nucléaires civiles et couvre tous les aspects de leur gestion depuis leur production jusqu’au stockage de long terme. Elle instaure une règle obligeant à stocker sur un territoire national les déchets qui y sont produits.

L’étude d’impact indique que la transposition de cette directive « ne conduira qu’à compléter et à adapter la législation existante » car la France a développé, avec les lois n° 91-1381du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs et n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, des programmes fiables de gestion des matières et des déchets radioactifs.

L’article L. 542-1-1 du code de l’environnement définit les déchets radioactifs comme des substances radioactives (129) pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée. Ces déchets proviennent essentiellement de l’industrie nucléaire, mais aussi de l’utilisation d’éléments radioactifs dans les hôpitaux, les universités et certaines industries non nucléaires ainsi que des activités liées à la défense. Ils sont classés en différentes catégories en fonction de leur activité et de la « période radioactive » des radionucléides qu’ils contiennent. Chaque catégorie de déchets est gérée dans le cadre d’une filière particulière qui comprend tri, traitement (incinération, calcination, fusion, compactage, cimentation, vitrification, …) puis conditionnement dans des conteneurs, entreposage pendant une durée limitée, puis stockage définitif.

Les catégories de déchets nucléaires

Les déchets « à vie très courte » sont des déchets dont le niveau de radioactivité disparaît quasi totalement dans une durée comprise entre quelques dizaines et quelques centaines de jours. Une part importante de ces déchets résulte d’applications médicales. Avant d’être éliminés, ils font l’objet d’un entreposage pendant un temps suffisant pour qu’il y ait une décroissance de la radioactivité.

Les déchets de « très faible activité » et de faible et moyenne activité à vie courte sont stockés dans un centre situé à Morvilliers, dans l’Aube, qui est exploité par l’ANDRA. Ils proviennent de l’industrie nucléaire, en particulier des opérations de démantèlement des installations et sont issus du découpage d’équipements et de gravats très faiblement contaminés.

Les déchets de « faible activité à vie longue » sont entreposés par les producteurs en attendant qu’une solution de stockage soit trouvée. Il s’agit surtout de déchets provenant du démantèlement de l’ancienne filière française « uranium naturel graphite gaz » de réacteurs nucléaires et de déchets contaminés par du radium qui ont notamment pour origine des procédés industriels, la récupération d’objets contenant du radium et l’assainissement de sites pollués.

Les déchets de « moyenne activité à vie longue » sont entreposés sur leur lieu de production. Ils résultent essentiellement du traitement des combustibles usés et de la maintenance des installations nucléaires.

Les déchets de « haute activité et à vie longue » sont entreposés par les producteurs sur le lieu de leur production passée (Marcoule) ou présente (La Hague). Il s’agit de matières non recyclables. Les résidus résultant du traitement des minerais d’uranium sont également considérés comme des déchets nucléaires. Ils sont stockés sur une vingtaine de sites miniers, sous la responsabilité d’AREVA.

Certains déchets nucléaires font l’objet d’un recyclage. Ainsi, à La Hague, AREVA procède au recyclage des combustibles usés arrivés en fin de vie, ce qui permet de récupérer de l’uranium et du plutonium.

Les lois précitées prévoient la mise en place d’un centre de stockage en couche géologique profonde pour les déchets de haute et moyenne activité à vie longue.

Ce centre de stockage doit être implanté à Bure, dans la Meuse, une fois les conditions de la réversibilité du stockage définies par voie législative. Tel a été l’objet de la loi n° 2016-1015 du 25 juillet 2016, qui a fait l’objet d’un examen par les deux assemblées dans des délais remarquablement brefs. Si le vote de cette loi a fait l’objet d’un assez large consensus, les travaux réalisés sur place par l’ANDRA suscitent des polémiques, notamment cristallisées autour de la cession par la commune de Mandres-en-Barrois d’un site dans lequel devraient être installées les cheminées d’aération destinées aux galeries souterraines.

L’article 8 de l’ordonnance du 10 février 2016 fixe les conditions d’interdiction de stockage des déchets radioactifs étrangers en France. Il complète l’article L. 542-2 du code de l’environnement qui prévoyait qu’« est interdit le stockage en France de déchets radioactifs en provenance de l’étranger ainsi que celui des déchets radioactifs issus du traitement de combustibles usés et de déchets radioactifs provenant de l’étranger » pour préciser que cette interdiction ne s’applique pas :

– aux sources scellées qui sont expédiées en France en application de l’article L. 1333-15 du code de la santé publique (130;

– aux déchets radioactifs issus de substances ou d’équipements radioactifs expédiés depuis la France à l’étranger à des fins de traitement ou de recherche, lorsque ces substances ou équipements ne provenaient pas, à l’origine, de l’étranger ;

– aux déchets radioactifs produits dans la principauté de Monaco (131).

Par ailleurs, l’article 11 prévoit (article L 542-2-2 du code de l’environnement), l’obligation de stocker sur le territoire national les déchets radioactifs produits sur le territoire national. Cette règle s’applique également aux déchets radioactifs issus de combustibles usés irradiés sur le territoire national et expédiés à l’étranger à des fins de recherche ou de traitement, mais elle ne s’applique pas :

– aux sources scellées qui sont expédiées à un fournisseur ou un fabricant étranger ;

– aux déchets radioactifs issus de substances radioactives étrangères ou d’équipements radioactifs étrangers expédiés vers la France à des fins de traitement, lorsque ces substances ou équipements provenaient à l’origine de l’étranger.

Le non-respect de ces dispositions est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Sous couvert des mêmes sanctions l’article 7 pose le principe de l’autorisation et du consentement requis pour les transferts entre États de combustible usé ou déchets radioactifs au titre de la directive du 20 novembre 2006.

L’article 9 du décret du 27 décembre 2013 (132) prévoyait que les propriétaires de matières radioactives devaient informer les ministres compétents des procédés de valorisation qu’ils envisageaient et qu’un arrêté du ministre chargé de l’énergie pouvait requalifier les matières radioactives en déchets radioactifs. L’article 14 de l’ordonnance reprend ce principe :

– les propriétaires de matières radioactives doivent informer les ministres des procédés de valorisation qu’ils envisagent ;

– l’autorité administrative peut, après avis de l’ASN, requalifier des matières radioactives en déchets radioactifs si les perspectives de valorisation de ces matières ne sont pas suffisamment établies ;

– l’autorité administrative peut annuler cette requalification dans les mêmes formes.

Enfin, l’article 6 de l’ordonnance complète l’article L. 542-1-2 du code de l’environnement actualise le contenu du plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs qui « dresse le bilan des modes de gestion existants des matières et des déchets radioactifs et des solutions techniques retenues, recense les besoins prévisibles d’installations d’entreposage ou de stockage et précise les capacités nécessaires pour ces installations et les durées d’entreposage ». Ce plan (133) doit désormais également :

– fixer les objectifs à atteindre, les principales échéances et les calendriers permettant de respecter ces échéances ;

– organiser la mise en œuvre des recherches et des études sur la gestion des matières et des déchets radioactifs, déterminer les personnes responsables de cette mise en œuvre et les indicateurs permettant de surveiller son avancement ;

– fournir une estimation des coûts de la gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (assortie d’un calendrier) et préciser les mécanismes de financement en vigueur ;

– présenter l’état des solutions techniques et des mesures à prévoir pour la période postérieure à la fermeture des installations de stockage ;

– présenter la liste des accords conclus avec les pays tiers en matière de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs.

Le dernier plan couvrait les années 2013 à 2015. Le projet de plan pour la période 2016 à 2018 a été soumis à la consultation du public à partir du 3 octobre 2016. Il fournit en annexe la liste des accords conclus en matière de gestion du combustible usé ou des déchets radioactifs avec le Japon, l’Australie, la Suède, la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne l’Italie et Monaco.

Par contre, en ce qui concerne coûts de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, s’il présente le cadre réglementaire, fournit une estimation des charges de long terme et indique le montant des provisions correspondantes et le taux de couverture de ces provisions par des actifs dédiés, ce plan ne permet pas de répondre pleinement aux objectifs fixés par l’article 6. C’est pourquoi le projet soumis à la consultation du public prévoit qu’ « afin de compléter les informations disponibles […] AREVA, EDF, le CEA et l’ANDRA transmettent avant le 31 décembre 2017 des éléments sur les coûts de gestion détaillés de tous les types de combustibles usés et des déchets radioactifs qu’ils détiennent ou dont ils ont la gestion, intégrant notamment les coûts de transport, d’entreposage, de retraitement éventuel et de stockage ».

Article 130
Prescription relative à la responsabilité nucléaire civile

Ce dispositif résulte d’un amendement de nos collègues Cécile Duflot et Denis Baupin, reprenant les conséquences du rapport de la commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire. Il porte sur l’indemnisation des victimes en cas de responsabilité de l’exploitant d’une installation nucléaire en prévoyant en particulier les conditions dans lesquelles l’exploitant est tenu de couvrir sa responsabilité et le montant maximum de responsabilité encourue pour un même accident.

Un seul décret est requis, pour définir les caractéristiques des installations à risques réduits en application de l’article L. 597-28 du code de l’environnement :

Article L. 597-28 du code de l’environnement

N.B. : le texte ancien est entre [] et le nouveau figure en souligné

Le montant maximum de la responsabilité de l’exploitant est fixé à [91 469 410,34 €] 700 000 000 € pour un même accident nucléaire.

Toutefois, le montant fixé à l’alinéa précédent est réduit à [22 867 352,59 €] 700 000 000 € pour un même accident nucléaire lorsque ne sont exploitées sur un site déterminé que des installations à risque réduit, dont les caractéristiques sont définies par [voie réglementaire] décret.

Conformément au IV de cet article, les articles L. 597-26 à L. 597-46 du code de l’environnement seront abrogés six mois après l’entrée en vigueur du protocole du 12 février 2004 portant modification de la convention de Paris, lequel, en application de la décision du Conseil de l’Union du 8 mars 2004, entre en vigueur lorsque l’ensemble des États membres l’aura ratifié. S’agissant de la France, la ratification est intervenue par la loi n° 2006-786 du 5 juillet 2006.

Article 131
Disposition de conséquences

En conséquence, l’article 131 abroge l’article 8 de l’ordonnance n° 2012-6 du 5 janvier 2012, qui prévoyait que les articles L. 597-26 à L. 597-46 du code de l’environnement soient abrogés trois mois après l’entrée en vigueur du protocole signé à Paris le 12 février 2004 portant modification de la convention de Paris.

Article 132
Consultation au sujet de l’obligation de constituer des provisions faites aux exploitants d’installations nucléaires de base

Cet article, issu d’un amendement du Gouvernement au Sénat ouvre la possibilité pour l’autorité administrative de consulter l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution sur le respect par les exploitants de leurs obligations et d’échanger des informations avec celle-ci. Les obligations en cause sont les suivantes :

Article L 594-2

Les exploitants d’installations nucléaires de base constituent les provisions correspondant aux charges définies à l’article L. 594-1 et affectent, à titre exclusif, à la couverture de ces provisions les actifs nécessaires.

Ils comptabilisent de façon distincte ces actifs qui doivent présenter un degré de sécurité et de liquidité suffisant pour répondre à leur objet. Leur valeur de réalisation doit être au moins égale au montant des provisions mentionnées au premier alinéa, à l’exclusion de celles liées au cycle d’exploitation.

Ce dispositif est d’application directe.

TITRE VII
SIMPLIFIER ET CLARIFIER LES PROCÉDURES POUR GAGNER EN EFFICACITÉ ET EN COMPÉTITIVITÉ

(Mme Battistel, Rapporteure)

Chapitre Ier
Simplification des procédures

Article 133
Participation du public

Cet article, issu de l’article 35 du projet de loi, comporte deux dispositions distinctes.

Le I vise à supprimer le débat public pour la construction de réseaux électriques et gaziers. Il confère en conséquence à la commission nationale du débat public uniquement la possibilité d’établir une concertation sous l’égide d’un garant pour les ouvrages linéaires énergétiques ; les modalités de la consultation du public sont organisées par cet article. Le Rapporteur de cette partie de la loi ; M. Denis Baupin, n’avait pas souhaité la suppression de ce débat public, mais celle-ci est, il est vrai, compensée par la nouvelle procédure du II.

D’une manière plus générale, il convient de s’interroger sur les conditions du débat public en matière d’environnement.

Les dispositions des ordonnances n° 2016-1060 du 3 août 2016 relative à la démocratisation du dialogue environnemental et n° 2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, prises en application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques auraient sans doute pu trouver un meilleur écho dans le présent texte. Il est vrai qu’en dépit de sa codification dans le code de l’environnement, la commission du débat public a un champ beaucoup plus large que les seules questions environnementales. Cette autorité administrative indépendante est en effet compétente, sur saisine du maître d’ouvrage, systématiquement pour les plans et programmes nationaux, pour tout projet d’équipements dont le marché excède un montant de 300 millions d’euros, et, en deçà de seuil, par dix parlementaires, ou encore sur saisine du gouvernement sur un projet de réforme d’une politique publique. L’ordonnance retient également un droit d’initiative citoyenne.

L’utilité du débat public est indéniable, même si les choix ainsi éclairés continuent parfois de susciter la polémique. Pourtant, ni l’article 133, ni les ordonnances de 2016 n’ont abouti à rendre obligatoire une consultation organisée par la commission nationale du débat public en matière nucléaire. Votre mission considère donc qu’une telle consultation doit avoir lieu, systématiquement à l’avenir, pour le démantèlement de toute installation nucléaire de base, ce qu’actuellement n’imposent ni les textes nationaux, ni les textes de conventions internationales (134) Aussi, elle suggère que le texte de l’article L 123-20 du code de l’environnement soit modifié en ce sens (135).

Le II modifie le code de l’énergie (art. 323-3) pour les projets d’ouvrages de transport d’électricité non soumis à enquête publique, pour lesquels il rétablit une consultation sur le dossier de déclaration d’utilité publique (DUP) (art. L 323-3 du code de l’énergie) afin de déterminer si l’expropriation n’est pas excessive au regard de l’intérêt public. Ce dernier dispositif déroge au décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011, sur les modalités de consultation, en particulier sur le fait que le texte prévoit l’annonce dans au moins un journal de presse locale, et non pas deux, et ne prévoit pas de consultation par voie électronique. Dans la mesure où cette dérogation est législative, elle se suffit à elle-même, encore que le texte ne prévoit pas, par exemple, à l’inverse du décret de 2011, à qui incombent les frais de la consultation.

Le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 2015-518 QPC du 2 février 2016, Association avenir haute Durance, a jugé que ces dispositions répondent à l’obligation d’information et de participation à l’élaboration des décisions publiques, qui résultent de l’article 7 de la Charte de l’environnement (136).

La déclaration d’utilité publique (DUP) ne concerne que le tracé général ; elle n’a pas par elle-même pour effet d’instituer des servitudes mais en ouvre la possibilité. Ces servitudes sont ensuite établies par un arrêté préfectoral distinct. Le décret n° 2015-1823 du 30 décembre 2015 relatif à la codification de la partie réglementaire du code de l’énergie précise la procédure de déclaration d’utilité publique des travaux d’électricité et de gaz qui ne nécessitent que l’établissement de servitudes ainsi que les conditions d’établissement desdites servitudes. Pour cela, il abroge le décret n° 70-492 du 11 juin 1970 et fait directement référence, en créant les articles R. 323-1 à article R. 323-18 du code de l’énergie, aux dispositions de l’article L. 323-3 du code de l’énergie, dans sa rédaction issue du présent article.

La procédure de mise à disposition du public

Art. R. 122-11.-I. du code de l’environnement

La mise à disposition du public prévue par l’article L. 122-1-1 est réalisée dans les conditions suivantes :

« 1° Huit jours au moins avant le début de la mise à disposition, l’autorité compétente pour prendre la décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution publie un avis qui fixe :

« a) La date à compter de laquelle le dossier comprenant les éléments mentionnés à l’article L. 122-1-1 est tenu à la disposition du public et la durée pendant laquelle il peut être consulté, cette durée ne pouvant être inférieure à quinze jours ;

« b) Les lieux, jours et heures où le public peut prendre connaissance du dossier et formuler ses observations sur un registre ouvert à cet effet ;

« 2° L’avis mentionné au 1° est publié par voie d’affiches sur les lieux du projet, dans les communes intéressées, dans au moins deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés et sur le site internet de l’autorité compétente pour prendre la décision d’autorisation, d’approbation ou d’exécution lorsqu’elle dispose d’un tel site. Pour les projets d’importance nationale, ledit avis est, en outre, publié dans au moins deux journaux à diffusion nationale quinze jours au moins avant la date à compter de laquelle l’étude d’impact est mise à la disposition du public

« 3° Le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage dresse le bilan de la mise à disposition du public et le tient à la disposition du public selon des procédés qu’il détermine. Lorsque le projet est soumis à autorisation ou approbation, ce bilan est adressé préalablement à l’autorité compétente ;

« 4° Le pétitionnaire ou le maître d’ouvrage assume les frais afférents à ces différentes mesures de publicité.

Le décret n° 2016-9 du 8 janvier 2016 donne compétence générale, en matière de contentieux de la DUP à la Cour administrative de Nantes en ce qui concerne les ouvrages de production et de transport d’énergie renouvelable en mer

Article 134
Extension de la compétence de RTE au domaine public maritime et à la ZEE

Le dispositif, qui étend la compétence de RTE au domaine public maritime et à la zone économique exclusive (ZEE), soit au sol et sous-sol de celle-ci et de la mer territoriale et aux rivages, ne renvoie pas au décret. Il est d’application directe, sauf à devoir modifier les textes régissant l’activité de RTE.

Si elle n’entraîne pas de questionnement en elle-même, cette disposition soulève quand même plusieurs problèmes, en particulier celui de la prise ne charge du démantèlement : alors que les câbles sous-marins peuvent être implantés sans incidences environnementales, leur arrachage, lorsque l’installation est démantelée, peut au contraire entraîner des répercussions. Il convient donc pour RTE d’adapter les conditions de démantèlement à la spécificité du milieu sous-marin. De même, la question de la redevance d’exploitation ne manquera pas d’être soulevée.

Article 135
Hausse de lignes électriques dans des espaces remarquables

Cet article, qui ne nécessite pas de texte d’application :

– précise que l’interdiction des constructions ou installations sur une bande littorale de cent mètres ne s’applique pas, dans les communes mentionnées à l’article L. 321-2 du code de l’environnement, à l’atterrage des canalisations et à leurs jonctions. Cette disposition figure désormais à l’article L. 121-17 du code de l’urbanisme (et non plus L. 146-4) en raison d’une nouvelle rédaction des dispositions législatives du Code de l’urbanisme par ordonnance autorisée par la loi ALUR.

– autorise l’atterrage, jusqu’alors réservé aux seules énergies renouvelables, des canalisations et leurs jonctions dans les espaces et milieux à préserver. Cette disposition figure désormais à l’article L.121-25 du code de l’urbanisme (et non plus L. 146-6).

Article 136
Prolongation de permis précaires pour un démonstrateur d’énergie renouvelable

Cet article prévoit une prolongation du délai dans lequel une construction précaire doit être enlevée, si une expérimentation dans le domaine des énergies renouvelables le justifie. Même si le texte modifié fait référence à un décret en Conseil d’État – dont on ne trouve d’ailleurs pas trace – le domaine de ce décret est différent de cette prolongation des délais, qui relève de l’arrêté accordant le permis de construire. Il est donc directement applicable.

Article L. 433-2 du code de l’urbanisme

L’arrêté accordant le permis de construire prescrit l’établissement aux frais du demandeur et par voie d’expertise contradictoire d’un état descriptif des lieux.

Il peut fixer un délai à l’expiration duquel le pétitionnaire doit enlever la construction autorisée. Un décret en Conseil d’État précise les secteurs protégés dans lesquels la fixation d’un délai est obligatoire. Une prolongation de ce délai est accordée si les nécessités d’une expérimentation dans le domaine des énergies renouvelables le justifient.

Article 137
Performance énergétique dans la commande publique

Cet article supprime trois renvois législatifs à des décrets qui se sont avérés inutiles.

En outre, il modifie l’article L. 321-5 du code du code de l’énergie. Les désaccords en matière de règlement des différends nés des dérogations aux classements d’ouvrages électriques sont réglés par une commission de conciliation dont la composition doit être fixée par voie règlementaire. Auparavant, il était fait référence à l’article 10 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 : « Les différends éventuels sont tranchés par une commission de trois membres présidée par un magistrat de la Cour des comptes, nommé sur proposition du premier président de la Cour des comptes. Un décret fixe les modalités de désignation des deux autres membres ». À supposer que ce décret ait été pris, le changement impose un nouveau texte : cette partie de l’article impose donc un décret.

Les alinéas 8 et 9 retirent aux autorités organisatrices de la distribution d’électricité le pouvoir de sanctionner le gestionnaire défaillant d’un réseau. Le texte prévoit qu’un décret en Conseil d’État pris dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi doit définir les principes généraux de calcul de la somme due par le gestionnaire du réseau public de distribution qui ne respecte pas le niveau de qualité attendu.

Le décret n° 2016-1128 relatif à la consignation en cas de non-respect du niveau de qualité en matière d’interruption de l’alimentation en électricité est paru le 17 août 2016. Le décret indique que le montant de cette somme est proportionnel au volume et au coût des travaux à réaliser. La crainte de voir la consignation des sommes prévues représenter un frein à la réalisation des investissements nécessaires au respect des normes de qualité doit être relativisée puisque le gestionnaire de réseau a la certitude de récupérer rapidement la somme consignée. Suite à la production par le gestionnaire du réseau public d’une attestation de fin des travaux, l’autorité organisatrice du réseau public d’électricité doit en effet prendre dans un délai de quinze jours une décision ordonnant la déconsignation de la somme recouvrée. Un arrêté du ministre chargé des comptes publics doit fixer la liste des pièces nécessaires à la consignation et à la déconsignation.

Le décret qui devait, antérieurement, permettre cette sanction, par consignation d’une somme n’est jamais intervenu et donc, le texte remplace en outre le mécanisme par des pénalités dans le cadre d’une régulation incitative.

*

L’énergie éolienne

Les articles 138 à 143 de la loi portent sur l’implantation des éoliennes.

Ces dispositions n’ont pas mis fin aux débats publics, en particulier parlementaires portant sur cette question, qui ont lieu depuis de nombreuses années, comme en témoigne le rapport déposé sous la législature précédente par notre collègue Franck Reynier (137). Ce rapport constatait la faiblesse de la production d’énergie éolienne en France par rapport à nos voisins européens : la France représente 6 % de la puissance installée en Europe – elle occupe ainsi actuellement la 16e place sur les 27 pays de l’Union – contre 26 % de puissance installée en Europe pour l’Espagne, 34 % pour Allemagne et 5 % pour le Danemark ou le Portugal.

Ce rapport mettait également en évidence les difficultés procédurales liées aux schémas d’implantation, à la question du démantèlement, mais aussi aux spécificités du raccordement : « un projet éolien peut être développé en trois ans, alors que RTE a besoin de six ans environ pour construire un ouvrage de transport de moyenne capacité… les délais peuvent même atteindre neuf ans ».

Ces questions sont largement débattues : elles ont été reprises lors des débats de la loi « Grenelle II », et, les articles analysés ci-dessous n’ont pas mis fin aux débats, y compris parlementaires, portant en particulier sur les lieux d’implantation et la « faisabilité sociale » de l’implantation d’éoliennes. De tels débats ont, par exemple, eu lieu lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 2954). Le Sénat avait décidé de rendre obligatoire l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France (ABF) sur les projets d’installations éoliennes visibles depuis un immeuble classé, un monument historique ou un site patrimonial protégé, dans un rayon de 10 kilomètres. Cette disposition aurait considérablement limité ou ralenti (par attente des décisions des ABF) le développement de ces projets dans notre pays où près de 44 000 monuments historiques sont recensés. Une telle richesse patrimoniale ne saurait être contradictoire avec la transition énergétique. L’Assemblée nationale a supprimé, le 22 mars 2016, ce dispositif, non que la protection du patrimoine doive être sacrifiée ou négligée, mais parce que cette disposition, se surajoutant aux règles existantes, aurait allongé, inutilement, toute procédure implantation dans les zones considérées, qui couvrent la majeure partie du territoire, le reste n’en étant pas moins soumis aux règles d’archéologie préventive.

La présente loi entend donner une impulsion nouvelle au développement de l’éolien, qui doit contribuer significativement à atteindre l’objectif de 40 % d’énergies renouvelables électriques à l’horizon 2030, fixé par le 4° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie (article 1er de la loi), ce qui doit représenter à l’horizon 2018 une puissance installée de 15 GW, et à l’horizon 2023 une puissance comprise entre 21,8 et 26 GW (138), soit une progression de l’ordre de 1,5 GW par an. Ces données ont été fixées par l’arrêté du 24 avril 2016 qui fixe les objectifs de développement de la production électrique à partir d’énergies renouvelables en France métropolitaine continentale, pour l’énergie éolienne terrestre, en termes de puissance totale installée :

Puissance éolienne installée


31 décembre 2018


15 000 MW


31 décembre 2023


Option basse : 21 800 MW
Option haute : 26 000 MW

À quelles conditions peut-on y parvenir ?

La production d’énergie éolienne s’établit actuellement à 10 847 MW (en juin 2016) (139) contre 9 761 MW, raccordés à la fin du mois de juin 2015 et 10 324 MW pour 1 390 installations, dont 94 nouvelles, fin 2015. La France dispose donc d’un parc plus faible que la plupart de ses voisins : au Danemark, l’éolien satisfait environ 20 % de la consommation (3,5 GW de puissance installée), en Espagne 11,5 % (22 978 MW fin 2014), et en Allemagne 7,5 % avec plus de 21 000 éoliennes installées (39 165 MW fin 2014).

Le rapport parlementaire (140) de 2010 mettait également en évidence les difficultés procédurales liées aux schémas d’implantation, la question du démantèlement, mais aussi les spécificités du raccordement : « un projet éolien peut être développé en 3 ans, alors que RTE a besoin de six ans environ pour construire un ouvrage de transport de moyenne capacité … les délais peuvent même atteindre neuf ans ». Pour autant la situation de la France se modifie assez lentement, notamment compte tenu de l’existence de contentieux, fréquents de la part de riverains.

Même s’il faut souligner, en particulier, le lancement en avril 2015 d’un appel d’offres pour l’implantation d’un troisième site offshore, et si la PPE souhaite améliorer la procédure d’appel d’offres « pour l’éolien en mer posé » il semble difficile de conclure que la loi marque une réelle impulsion nouvelle en matière d’éolien.

La production annuelle augmente cependant sensiblement au cours des années récentes.

Si la production, qui s’établit à 20,2 TWh fin 2015, a ainsi connu une croissance continue, il convient d’observer que les installations nouvelles suivent une évolution plus contrastée.

Le nombre des raccordements nouveaux apparaît cependant en baisse : 94 en 2015 contre 132 l’année précédente.

S’agissant des lieux d’implantation des éoliennes, la distribution géographique laisse apparaître une grande concentration et une inégale répartition par zones. Cinq régions concentrent les trois quarts de la puissance installée. Près de 30 % de la puissance installée au cours de l’année 2015 l’a été en région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, avec 276 MW nouvellement raccordés.

Fin décembre 2015, la région Grand Est (Alsace, Champagne-Ardenne, Lorraine) reste cependant à la première place en termes de parc, avec un total de 2 580 MW, soit le quart de la puissance installée en France. Ces deux régions du nord et de l’est regroupent à elles seules 47 % de la puissance totale du parc et 53 % de la puissance raccordée durant l’année 2015.

Parallèlement, l’éolien offshore peine à se développer en France. En 2011, a été lancé un premier appel d’offres dont les résultats sont annoncés en avril 2012 : 4 sites sont alors ouverts pour une capacité installée prévue de près de 1 930 MW, un projet au Tréport a ensuite été différé, et ce premier appel d’offres porte donc sur les sites suivants :

● Courseulles-sur-Mer (Calvados, projet d’une puissance de 450 MW) (141) ;

● Fécamp (Seine Maritime, puissance de 498 MW)  (142) ;

● Saint-Nazaire (Loire-Atlantique, puissance de 480 MW).

En janvier 2013, le ministère en charge de l’énergie a lancé un second appel d’offres de 1 000 MW, attribué au Tréport, et le 4 avril 2016, un troisième appel d’offres a été lancé par le ministère pour la zone de Dunkerque.

L’éolien flottant a fait l’objet d’un appel à projets pour des fermes pilotes. Organisé par l’ADEME, cet appel à projets a pris fin début avril pour quatre parcs pilotes en Méditerranée, au large des étangs de Leucate, de Gruissan et du phare de Faraman, et au large de l’île de Groix. Les candidatures retenues doivent être annoncées à l’automne.

Le secteur est cependant marqué par le désengagement d’AREVA.

Communiqué de presse d’AREVA, 15 septembre 2016

Au terme d’un processus concurrentiel de 3 mois destiné à solliciter puis à évaluer les offres d’investisseurs tiers potentiels, le conseil d’Administration d’AREVA S.A. a décidé d’autoriser le management à exercer l’option de cession à Gamesa (143) de sa participation dans Adwen signée le 17 juin 2016. Cette option permet au groupe AREVA de :

• maximiser la valeur des titres d’Adwen ;

• limiter et plafonner dans la durée le montant des décaissements de trésorerie liés aux projets en opération et en cours d’installation ;

• conforter les activités d’Adwen par un actionnariat stable. En particulier, Gamesa a connaissance des engagements souscrits par Adwen au titre des appels d’offres portant sur les installations éoliennes de production d’électricité en mer en France métropolitaine. Ces engagements resteront portés par Adwen.

Cet accord est un jalon supplémentaire dans la stratégie de recentrage d’AREVA sur les activités liées au cycle du combustible.

Il reste que la France, pays pourtant maritime, développe peu l’éolien offshore, comparativement aux autres pays côtiers européens :

©DR

Au final, le développement de l’éolien, qui est une des clefs de la transition énergétique, renvoie à plusieurs questions de fond :

– Le niveau de prix : depuis l’article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, est posé le principe d’un rachat obligatoire de l’électricité produite par les installations utilisant les énergies renouvelables d’une puissance supérieure à 12 MW. Le tarif de rachat est publié par arrêté, actuellement fixé par un arrêté du 19 juin 2014 (144). L’existence même de ce tarif est un élément contraint du marché : il se répercute nécessairement sur le niveau global des prix ;

– Le coût du raccordement, déterminé par le fait que la production est nécessairement asynchrone : il est nécessaire de gérer l’intermittence ;

– La place de l’industrie française dans le processus de fabrication. Selon l’ADEME (145), la filière fabrication concerne 2 380 emplois en France en 2014 et 3 520 au total selon l’observatoire de l’éolien (146), lequel situe le niveau global d’emploi dans le secteur à 12 520 ;

– La question du raccordement des éoliennes en fonctionnement, notamment sous l’angle des délais : contrairement à une idée répandue, mais inexacte, il n’y a pas d’éolienne installée qui ne soit raccordée, dans des délais en permettant l’exploitation. Les retards de raccordement, notamment en Île-de-France, s’expliquent, pour 20 % par des motifs techniques et pour le reste par des contentieux, bloquant le début de l’installation, qui mettent en cause l’équilibre économique de certaines opérations, comme ceux concernant les sites de Fécamp et de Courseulles ;

– Les restrictions de zones dues à des contraintes militaires, provenant de météo France ou de circulation aérienne : selon France énergie éolienne, 47 % du territoire est interdit du seul fait de restrictions militaires ;

– La durée des procédures d’autorisation ;

– Les lieux d’implantation, question qui demeure souvent conflictuelle.

Sur ce dernier point, l’autorisation d’implantation est toujours accordée au titre du régime des installations classées pour la protection de l’environnement, compte tenu des dispositions dérogatoires analysées ci-dessous. Le Gouvernement avait expérimenté, avant la loi de transition énergétique, un régime d’autorisation unique appliqué à sept régions depuis mai 2014, généralisé depuis la présente loi à toute la France, en novembre 2015. Pour autant la France demeure le pays européen où l’autorisation est la plus longue à obtenir : sept ans en moyenne, contre quatre à cinq pour la moyenne des pays voisins. Il ne faudrait donc pas que les efforts de simplification prévus par la loi, notamment à l’article 145, soient gommés par un manque de coordination administrative, qui risque de faire perdre le bénéfice d’une autorisation unique.

C’est à l’aune de l’ensemble de ces données qu’il convient d’analyser l’application des dispositions législatives.

Article 138
Implantation d’éoliennes

Cet article est relatif à l’implantation d’éoliennes, notamment à proximité des rivages, plus exactement au-delà d’une bande d’un kilomètre à partir de leur limite haute (article L. 146-4-1 du code de l’urbanisme).

Il permet de déroger, pour les ouvrages nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie éolienne, au principe selon lequel l’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. Il est d’application directe.

Article 139
Renouvellement de la distance d’éloignement des éoliennes des zones d’habitation

Le dispositif est relatif aux conditions d’éloignement entre les éoliennes et les habitations. L’article prévoit que l’autorisation d’exploiter les installations terrestres de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent soit non plus seulement subordonnée au respect d’une distance d’au moins 500 mètres par rapport aux constructions à usage d’habitation mais subordonnée au respect d’une distance appréciée au regard de l’étude d’impact. Il ne nécessite pas de texte d’application.

Il a été explicitement jugé conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2015- 718 DC du 13 août 2015 : « les dispositions contestées n’ont ni pour objet ni pour effet de supprimer l’obligation de réaliser une enquête publique à laquelle est subordonnée toute autorisation prévue par l’article L. 512-1 du même code » indique le juge constitutionnel.

Article 140
Implantation d’éoliennes lorsqu’un plan local d’urbanisme est élaboré

Cet article porte également sur les conditions d’implantation des éoliennes, dans le cadre d’un plan local d’urbanisme (PLU). Il est également applicable sans décret.

Article 141
Coexistence des éoliennes et des installations de défense

Un décret en Conseil d’État doit préciser les conditions d’implantation des éoliennes à proximité d’installations militaires ou de navigation aérienne.

Le débat sur ce point est particulièrement vif : l’organisation France énergie éolienne rappelle que les conditions se sont durcies en 2010, et que si 15,7 % du territoire était à la suite de ce texte, interdit d’implantations, ce taux est passé en 2016 à 47 % – radars, zones d’entraînement, couloirs RTBA (réseau à très basse altitude défense) – et pourrait, en fonction des dispositions du décret, encore augmenter. Les professionnels estiment ainsi que les radars météo et aviation bloqueraient 1 335 MW et 1 589 MW. En effet la réglementation fixe des distances de protection, dans laquelle les projets sont impossibles et des distances d’éloignement dans lequel le porteur de projet doit démontrer qu’il respecte des critères fixés actuellement par Météo France. Il est question d’étendre l’application des distances de protection à l’aviation civile et aux radars des ports. Mais d’autres éléments que les lieux d’implantation peuvent également jouer un rôle.

Sont ainsi en cause notamment la hauteur des nouvelles éoliennes, souvent portée à 180 mètres, ou au-delà, le droit de veto des opérateurs radars, parmi lesquels la défense mais aussi l’aviation civile et Météo France, les délais d’instruction des demandes. Selon France énergie éolienne, le décret pourrait aboutir à étendre les zones de non-implantation à 68 % du territoire français.

Par ailleurs, l’article instaure une participation spécifique des bénéficiaires des autorisations de construire des éoliennes dont la situation ou l’importance rend nécessaires des moyens de détection militaires supplémentaires. La contribution est fixée par convention par l’autorité militaire. Il s’agit d’une disposition particulièrement dissuasive. Ce dispositif est d’application directe.

Article 142
Information des conseillers municipaux des petites communes sur les délibérations relatives à une installation ICPE

Ce dispositif étend aux communes de moins de 3 500 habitants la note explicative jointe à la convocation d’un conseil municipal lorsque celui-ci doit délibérer sur une question entrant dans le champ de l’article L 511-1 du code général des collectivités territoriales.

Article L. 511-1 du code général des collectivités territoriales

Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles L. 100-2 et L. 311-1 du code minier.

Il est naturellement d’application directe, sous réserve qu’il ne nécessite pas la modification d’une circulaire du ministère de l’Intérieur portant sur les conditions de convocation des conseils municipaux.

Article 143
Inopposabilité des règles d’urbanisme postérieures à l’autorisation d’une installation classée

Cet article concerne le régime contentieux des installations classées et des installations de production d’énergies renouvelables. Il ne nécessite pas de texte d’application.

Le I de cet article prévoit les dates auxquelles s’apprécie la compatibilité d’une installation classée avec les documents d’urbanisme pertinents, et le II prévoit un délai de recours de quatre mois à compter de la notification pour les demandeurs ou les exploitants, et un même délai pour les tiers -, qui court à compter de la publication.

Le III de cet article abroge l’article L. 553-4 du code de l’environnement, qui établissait la possibilité reconnue aux régions d’établir un schéma régional éolien, prenant en compte par zone géographique, les possibilités d’implantation et prévoyait un régime dérogatoire pour les recours dirigés contre les autorisations de création d’éoliennes, transférées, par le reste de l’article 141 à l’article L. 514-6 du code de l’environnement.

Il en résulte :

– un délai de recours unique : le délai de recours des tiers est ramené à 4 mois au lieu d’un an pour les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), celui des exploitants, au contraire est porté de deux à quatre mois ; pour les éoliennes, le délai était antérieurement de 6 mois ;

– l’appréciation de la compatibilité d’une installation classée avec tout type de disposition d’urbanisme est appréciée selon les cas à la date de l’autorisation, de l’enregistrement ou de la déclaration.

Article 144
Performance environnementale de la commande publique

Cet article, qui indique que la commande publique tient compte de la performance environnementale, ne nécessite pas de texte de décret spécifique mais une adaptation des règles de commande publique.

En l’absence de toute répercussion dans les critères d’attribution des marchés publics (147), votre mission peut rester dubitative sur les incidences concrètes de cet article.

Article 145
Permis unique pour les éoliennes terrestres et les méthaniseurs

Cet article ratifie deux ordonnances. Il est d’application directe. Il modifie ainsi les textes ratifiés :

– il étend l’expérimentation sur l’autorisation unique en matière d’ICPE à l’ensemble du territoire national. Cette autorisation n’était jusqu’à présent possible que dans sept régions en application de l’ordonnance n° 2014-335 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’une autorisation unique en matière d’ICPE, ratifiée par cet article ;

– il étend également l’expérimentation d’une autorisation unique pour les projets soumis à une autorisation au titre de la loi sur l’eau sur l’ensemble du territoire national. Cela concerne en particulier les installations hydroélectriques de moins de 4,5 MW. L’article généralise donc l’expérimentation jusqu’alors limitée aux seules régions Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes, prévue par l’ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 pour les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) soumis à autorisation au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, également ratifiée.

Ce permis unique couvre notamment le permis de construire, l’autorisation de défricher, la dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées, l’autorisation de prélèvement d’eau. Un décret et une ordonnance sont en préparation en vue de réduire la durée des contentieux dans le cadre de ce permis unique. La cristallisation des moyens avancés par une partie, sur le fondement desquels celle-ci entend voir reconnaître par une juridiction le bien-fondé de sa demande, est envisagée. Il s’agirait ainsi de permettre au juge de fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués. Votre Rapporteure est favorable à de telles dispositions.

Dans la période allant du 1er novembre 2015 au 31 janvier 2016, le développeur avait le choix de déposer un dossier, soit sous la forme d’un permis de construire associé au dossier de demande d’autorisation d’exploiter l’ICPE, soit sous la forme du permis unique. Depuis le 1er février 2016, seul le dossier de demande permis unique est recevable par les services de l’État.

Des acteurs de terrain ont fait part de leurs inquiétudes sur ce dispositif et souhaitent que l’autorisation soit modulable c’est-à-dire qu’il soit possible de bénéficier d’une autorisation partielle, notamment quand la majorité du projet est rejetée par le Préfet. Dans un arrêt du 12 juin 2014 (148), la Cour administrative d’appel de Nancy a toutefois reconnu qu’une éolienne était divisible du reste d’un parc éolien soumis à permis de construire. Cet arrêt rend nécessaire une réponse circonstanciée de l’administration pour chacune des éoliennes composant un projet de parc.

Il est donc possible de bénéficier d’une autorisation partielle, y compris si une majorité des implantations prévues est rejeté par le Préfet.

La question non tranchée qui se pose encore est de savoir si ce raisonnement vaut également pour les nouvelles demandes de permis unique. Rien ne semble juridiquement s’opposer à la transposition de ce raisonnement.

Article 146
Simplification des procédures pour la géothermie basse température

Le dispositif concerne l’enquête publique préalable à l’autorisation de recherche de sites géothermiques à basse température.

D’application directe, cet article :

– prévoit que l’enquête publique réalisée lors de l’instruction d’une demande d’autorisation de recherches de gîtes géothermiques à basse température est adressée aux propriétaires des habitations proches ;

– autorise l’ouverture des puits, sondages de plus de 100 mètres et galeries visant des gîtes géothermiques à basse température dans un rayon de 50 mètres des habitations.

Article 147
Possibilité d’augmenter la puissance des installations hydroélectriques en plusieurs fois

Le régime de concession pour les installations hydrauliques inclut, à l’article L. 511-6 du code de l’énergie, une possibilité dérogatoire d’augmentation de la puissance concédée. Cet article modifie le principe de cette dérogation, pour permettre plus d’une fois l’augmentation, et il ne nécessite pas de texte d’application.

Chapitre II
Régulation des réseaux et des marchés

Article 148
Calcul du coût prévisionnel

Le gestionnaire du réseau de transport élabore le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables, qui définit les ouvrages à créer ou à renforcer et « évalue le coût prévisionnel d’établissement des capacités d’accueil nouvelles nécessaires à l’atteinte des objectifs quantitatifs visés au 3° du I de l’article L. 222-1 du même code ». Cet article indique que les méthodes de calcul de ce coût sont soumises à l’approbation de la CRE.

Article 149
Règles liées au marché de capacité :

Cet article adapte les règles d’obligation de capacité de fourniture ou d’effacement. Il

– prévoit explicitement la possibilité, pour les exploitants de capacités, de transférer par contrat à un tiers, dénommé « responsable du périmètre de certification », la prise en charge de la pénalité due en application de cet article en cas d’écart entre les capacités certifiées et les capacités effectives.

– permet aux entreprises locales de distribution (ELD) de déléguer leur obligation de capacité à « tout autre fournisseur » et non plus seulement à d’autres ELD ;

– permet aux fournisseurs d’électricité de transférer par contrat leur obligation de capacité à un consommateur final ou à un gestionnaire de réseau public.

Ces dispositions sont d’application directe.

Cependant, le décret n° 2015-1823 du 30 décembre 2015 a codifié, sans le modifier au fond, le décret n° 2012-1405 du 14 décembre 2012, qui a défini l’organisation du dispositif d’obligation de capacité.

Article 150
Compétence de RTE

La compétence de RTE pour sanctionner, par une limitation ou une cessation d’activité d’un acteur sur le marché de l’électricité, une fraude entraînant un déséquilibre financier, si elle est conditionnée par une notification à la CRE, ne nécessite pas de texte d’application.

Si la CRE est appelée à statuer sur la décision, s’agissant d’un mécanisme de sanction, votre Rapporteure s’inquiète cependant du respect du contradictoire et suggère donc, pour se prémunir contre tout risque juridique, que le dispositif soit complété par une référence en ce sens. Autant le pouvoir d’intervention de RTE, qui est une mesure protectrice, prise sur la base de critères objectifs et non discriminatoires, nécessite, dans les hypothèses visées, une grande rapidité d’exécution, autant la décision prise par la CRE impose une procédure contradictoire.

Article 151
Fixation des tarifs réglementés de vente d’électricité

Le mode de calcul des tarifs réglementés de vente d’électricité prévu par cet article est directement applicable, mais impose la modification des modalités de fixation des tarifs antérieurs.

En conséquence, le décret n° 2015-1823 du 30 décembre 2015 relatif à la codification de la partie réglementaire du code de l’énergie abroge le décret n° 2009-975 du 12 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité et créé les articles R. 337-18 à R. 337-24 du code de l’énergie pour prendre en compte la suppression de ces tarifs réglementés (le tarif dit « jaune » ne peut par exemple plus être proposé aux consommateurs finals que « pour tout site situé dans une zone non interconnectée au réseau métropolitain continental (…) dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA »).

Depuis le 1er janvier 2016, les tarifs réglementés de vente de l’électricité pour les consommateurs dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA (tarifs jaune et vert) en France métropolitaine continentale ont donc disparu. Le tarif bleu, pour les compteurs dont la puissance maximale souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA, est cependant maintenu. La fin de ces tarifs a été encadrée par la loi « NOME » (nouvelle organisation du marché de l’électricité) du 7 décembre 2010 et la loi n° 2016-1341 du 11 octobre 2016 ratifiant l’ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d’électricité.

Le décret précise également les règles applicables à la construction des tarifs par la méthode dite d’ « empilement des coûts » telle que figurant au présent article (art L. 337-6 du code de l’énergie) (149)

La structure d’un tarif réglementé de vente traduit, d’une part, la répartition des coûts entre une part fixe (ou abonnement), dont le montant dépend de la puissance souscrite, et une part variable, et d’autre part la relativité des prix entre les différents postes horosaisonniers au sein de cette part variable. Le décret prévoit, ce qui n’était pas précisé dans la loi, de donner aux ministres de l’économie et de l’énergie la possibilité, par arrêté, de limiter le niveau de la part fixe pour chaque option et puissance souscrite des tarifs bleus. Il prévoit donc que la rémunération normale de l’activité de fourniture est affectée à la part variable du tarif, celle qui est proportionnelle à l’énergie consommée. La CRE s’était prononcée (150) contre le principe d’un plafonnement, considérant que le caractère thermosensible de la consommation des clients résidentiels augmentait les incertitudes des fournisseurs sur la couverture de leurs coûts en cas d’année chaude.

L’arrêté du 19 juillet 2016 pris en application de l’article R. 337-20-1 du code de l’énergie a fixé le pourcentage maximal que peut représenter la part fixe dans la facture hors taxes prévisionnelle moyenne à température normale pour chaque puissance souscrite de chaque option tarifaire du « tarif bleu » à 25 %. La CRE, dans son avis sur cet arrêté, avait pris acte de ce montant sans en proposer un autre.

Les tarifs réglementés pour les puissances souscrites supérieures à 36 kVA ne sont pas supprimés dans les zones non interconnectées. D’après la DGEC, les consommations de ces consommateurs représentent environ le tiers de la consommation électrique totale de ces zones. Une suppression des tarifs réglementés de vente se traduirait par un triplement, voire un quadruplement, du prix auquel ces consommateurs se fournissent en électricité. Cette non-suppression des tarifs réglementés pour les puissances souscrites supérieures à 36 kVA dans les zones non interconnectées (Corse, départements d’outre-mer, Mayotte, Saint-Pierre et Miquelon, îles bretonnes) pourrait donner lieu à un chiffrage estimé à partir des surcoûts de production et d’achat des opérateurs dans ces zones.

Article 152
Indemnités en cas de résiliation d’un contrat au tarif réglementé de vente

Cet article a pour objet de limiter l’indemnité due en cas de modification de la puissance souscrite dans l’année précédant la résiliation d’un contrat au tarif réglementé de vente aux seuls cas d’effets d’aubaine.

Il est directement applicable.

Article 153
Gouvernance des réseaux publics de distribution d’électricité

Cet article :

1°) institue un comité du système de distribution publique d’électricité (CSDPE), qui sera chargé de donner son avis sur la politique d’investissement sur les réseaux d’ERDF (raccordements des ENR, pilotage de la consommation, smart grids), et sur les autorités organisatrices de la distribution d’électricité (AODE). Le décret n° 2016-43 du 26 janvier 2016 en a précisé la composition et les modalités de fonctionnement. (article L. 111-56-1 du code de l’énergie)

Les articles 1 à 7 fixent la composition du CSDPE. Le nombre total de membres a été fixé à douze, répartis en trois « collèges » représentant les territoires, les gestionnaires de réseaux et l’État, avec trois représentants des ministères intéressés.

Le Comité comprend, en outre, un commissaire du Gouvernement et, sur invitation, un observateur de la CRE, sans droit de vote.

Les articles 8 à 13 précisent les modalités de fonctionnement et certaines attributions du CSDPE. Le Comité dispose d’un secrétariat chargé de préparer ses travaux. Le secrétariat est assuré par ENEDIS. À cet effet, le secrétariat assure la gestion administrative des travaux du Comité : il est destinataire des documents produits lors des conférences départementales sur les investissements, instituées par l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, dont il réalise une synthèse ; il prépare les avis délibérés par le Comité et établit le compte rendu des réunions du Comité. Le décret ne prévoit pas la suppléance, en cas d’absence du président. Il fait mention de la publication des comptes rendus, mais non des avis, dont on doit se demander s’ils seront publiés.

2°) institue un comité du système de distribution publique d’électricité des zones non interconnectées.

3°) Dans sa rédaction antérieure à la loi, l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales prévoyait que les gestionnaires de réseau communiquent chaque année aux autorités organisatrices de distribution d’énergie (AODE) des informations sur la valeur des ouvrages concédés.

Le III de l’article 153 a pour origine un amendement de la Présidente Frédérique Massat en séance, le 27 septembre 2014, précisant le contenu du compte rendu annuel d’activité (CRAC) remis, dans le cadre des concessions de distribution d’électricité et de gaz, ainsi que le contenu de l’inventaire détaillé et localisé des ouvrages concédés pour ces distributions, transmis par les gestionnaires de réseaux aux autorités organisatrices de distribution (AOD). Ce dernier doit désormais comporter la valeur brute, la valeur nette comptable et la valeur de remplacement des ouvrages concédés.

Les concessions de distribution de gaz

Les articles L. 2224-31 à L. 2224-37 du code général des collectivités territoriales (CGCT) définissent la compétence des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière d’électricité et de gaz. Les collectivités territoriales sont propriétaires des réseaux de distribution qu’elles exploitent, via une régie créée antérieurement à la loi de nationalisation de 1946, ou dans le cadre d’un contrat de concession conclu avec un gestionnaire de réseau.

Les communes, les établissements publics de coopération ou les départements constituent les AOD, qui négocient et concluent des contrats de concession avec les gestionnaires de réseaux, dans leur zone de desserte exclusive, c’est-à-dire ENEDIS, GRDF et les entreprises locales de distribution (ELD), également dénommées distributeurs non nationalisés.

L’exploitation des réseaux de distribution fait l’objet d’un quasi-monopole : ENEDIS détient 95 % du réseau de distribution d’électricité tandis que GRDF exploite 96 % du marché de distribution du gaz.

Le décret n° 2016-495 du 21 avril 2016 relatif au contenu du compte rendu annuel de concession transmis par les organismes de distribution de gaz naturel aux autorités concédantes indique que les organismes de distribution de gaz naturel mentionnés au I de l’article L. 111-53 du code de l’énergie communiquent, avant le 1er juin de chaque année, un compte rendu annuel retraçant les opérations afférentes à l’exécution du contrat de concession au titre de l’année civile écoulée.

Le décret n° 2016-496 du 21 avril 2016 est, lui, relatif au compte rendu annuel d’activité des concessions d’électricité. Il précise le contenu et les modalités de présentation des informations figurant dans le compte rendu annuel de concession, pour chacun des contrats de concession de la zone de desserte du distributeur.

Le compte rendu doit notamment contenir un inventaire détaillé des ouvrages identifiés par le contrat de concession comme biens de retour et comme biens de reprise.

Article 154
Calcul des tarifs de distribution de gaz naturel

Cet article vise à transposer au tarif de distribution du gaz naturel la méthode de calcul, fondée sur une approche économique et non plus strictement comptable, prévue en matière d’électricité. Il ne nécessite pas de texte d’application.

Article 155
Inventaire des besoins d’investissement sur les réseaux de distribution d’électricité

L’article vise à compléter l’inventaire des besoins d’investissement établi par le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité, lorsqu’il est effectué sur une base statistique, par les éventuels besoins supplémentaires résultant de mesures réelles effectuées sur le terrain.

Il est également applicable.

Article 156
Définition des consommateurs électro-intensifs

Les entreprises électro-intensives sont des sites fortement consommateurs d’électricité. En 2010 (151), il y avait en France 523 entreprises industrielles électro-intensives dont la consommation était supérieure à 2,5 kWh par euro de valeur ajoutée.

Ces entreprises présentent des caractéristiques communes. Elles sont principalement concentrées dans quelques secteurs industriels parmi lesquels l’industrie du papier-carton (forte consommation des machines rotatives), la chimie (cuves d’électrolyse, compresseurs, vapocraqueurs), la sidérurgie (fours, injection d’air chaud dans les hauts-fourneaux) et la métallurgie de l’aluminium.

Le coût de l’électricité représente près de 5 % de leur chiffre d’affaires. Dans certains secteurs, ce pourcentage peut atteindre jusqu’à 20 %. Ces entreprises emploient plus de salariés que la moyenne (97 000 personnes environ dans l’industrie manufacturière en 2010).


Afin de préserver la compétitivité des secteurs industriels concernés, la puissance publique dispose d’un levier important : la diminution du coût net de l’électricité des industriels.

Cet article prévoit donc une modulation des tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport d’électricité en faveur des industriels électro-intensifs pour tenir compte des effets positifs de leur profil de consommation sur les coûts des réseaux. L’application de cet article, comme celle de l’article 157 nécessite de définir par la voie réglementaire :

– les catégories d’électro-intensifs ;

– les objectifs de performance énergétique requis pour appartenir à ces catégories).

Le décret n° 2016-141 du 11 février 2016 relatif au statut d’électro-intensif et à la réduction de tarif d’utilisation du réseau public de transport accordée aux sites fortement consommateurs d’électricité est donc pris en application de cet article.

L’article 1 prévoit la création de trois catégories de consommateurs :

– entreprise électro-intensive ;

– site électro-intensif ;

– site hyper-électro-intensif.

Les critères d’appartenance à ces catégories sont fonction de :

– l’électro-intensivité de l’entreprise ou du site de l’entreprise considérée, à savoir le rapport entre sa consommation annuelle d’électricité et la valeur ajoutée produite par ladite entreprise ou ledit site ;

– l’exposition de l’entreprise ou du site de l’entreprise au commerce international ;

– la faculté de l’entreprise ou du site de l’entreprise à mettre en œuvre une politique de performance énergétique. La mise en œuvre d’une politique énergétique suppose la mise en œuvre d’un système de management de l’énergie dans un délai de dix-huit mois à compter de la date de transmission de la première attestation ainsi que le fait d’atteindre un objectif de performance énergétique dans un délai de cinq ans à compter de cette même date. Les objectifs de performance énergétique et les moyens envisagés pour les atteindre doivent être détaillés dans un plan de performance énergétique, transmis pour validation au préfet de région, au plus tard un an après la remise de la première attestation ;

– la quantité annuelle d’énergie consommée par le site de l’entreprise, s’agissant de la catégorie « site électro-intensif ».

L’article 2 prévoit qu’une réduction du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) est accordée aux consommateurs finals vérifiant un niveau minimal de consommation et une durée minimale d’utilisation ou un taux minimal d’utilisation en heures creuses.

– Le niveau de réduction du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) auquel peut prétendre un site dépend ainsi de ses données de consommation ainsi que sa catégorie de consommateurs d’appartenance à savoir site hyper-électro-intensif, site ou entreprise électro-intensive, station de transfert d’énergie par pompage (STEP) ou autres.

– Le décret précise certaines modalités de calcul. En particulier, il prévoit que la durée minimale d’utilisation se fonde non pas sur la puissance souscrite mais sur la valeur maximale de la moyenne glissante sur 24 heures des puissances appelées. Les données de consommation retenues pour déterminer l’éligibilité d’un site au dispositif d’abattement tarifaire reposent sur des moyennes établies en considérant deux des trois dernières années de consommation.

– Les bénéficiaires de la réduction sont les consommateurs finals raccordés directement au réseau de transport ou ceux équipés d’un dispositif de comptage géré par le gestionnaire du réseau de transport. Le décret prévoit des modalités de traitement spécifiques pour le cas des sites en décompte. Le gestionnaire du réseau public de transport est ainsi chargé de l’établissement des taux de réduction applicables respectivement aux sites indirectement raccordés et au site de tête.

L’article 3 prévoit l’applicabilité de la réduction dès 2016 (sur demande au plus tard le 22 mars 2016). Le critère du rapport entre la consommation annuelle d’électricité et la valeur ajoutée produite par l’entreprise doit être vérifié sur au moins une année, parmi les années 2013, 2014 et 2015.

TAUX DE RÉDUCTION DU TARIF D’UTILISATION DU RÉSEAU PUBLIC DE TRANSPORT D’ÉLECTRICITÉ

TYPE D’ÉLIGIBILITÉ

TAUX DE RÉDUCTION ACCORDÉ

Profil stable

Profil anti-cyclique

Grand consommateur d’électricité

Sites hyper électro-intensifs au sens de l’article D. 351-3

Sites électro-intensifs au sens de l’article D. 351-2 ou qui appartiennent à une entreprise électro-intensive au sens de l’article D. 351-1

Sites permettant le stockage de l’énergie en vue de sa restitution ultérieure au réseau

Autres sites

électricité annuelle soutirée sur le réseau de transport d’électricité supérieure à 10 GWh
durée d’utilisation du réseau supérieure ou égale à 7 000 heures

électricité annuelle soutirée sur le réseau de transport d’électricité supérieure à 20 GWh
taux d’utilisation du réseau en heures creuses supérieur ou égal à 0.44


électricité annuelle consommée supérieure à 500 GWh
taux d’utilisation du réseau en heures creuses supérieur ou égal à 0.40 et inférieur à 0.44


80 %


45 %


30 % (*)


5 %

électricité annuelle soutirée sur le réseau de transport d’électricité supérieure à 10 GWh
durée d’utilisation du réseau supérieure ou égale à 7 500 heures

électricité annuelle soutirée sur le réseau de transport d’électricité supérieure à 20 GWh
taux d’utilisation du réseau en heures creuses supérieur ou égal à 0.48

 


85 %


50 %


40 % (*)


10 %

électricité annuelle soutirée sur le réseau de transport d’électricité supérieure à 10 GWh
durée d’utilisation du réseau supérieure ou égale à 8 000 heures

électricité annuelle soutirée sur le réseau de transport d’électricité supérieure à 20 GWh
taux d’utilisation du réseau en heures creuses supérieur ou égal à 0.53

 


90 %


60 %


50 % (*)


20 %

(*) Pour les sites permettant le stockage de l’énergie en vue de sa restitution ultérieure au réseau, si, au cours de la période considérée pour le calcul des critères susmentionnés, la moyenne sur trois ans du rapport entre la quantité d’énergie injectée par le site et celle de l’énergie soutirée par lui sur le réseau de transport d’électricité est inférieure à 70 %, le taux de réduction dont il bénéficie est diminué de 10 points de pourcentage.

Source : annexe à l’article D 341-9 du code de l’énergie.

La mission peut formuler les remarques et questions suivantes :

– L’article L. 351-1 du Code de l’énergie prévoit qu’en cas de non-respect des objectifs de performance énergétique, l’autorité administrative puisse retirer à l’entreprise électro-intensive le bénéfice des conditions particulières d’approvisionnement en électricité. La CRE, dans sa délibération du 3 décembre 2015, a estimé que le projet de décret ne définissait pas assez les modalités de traitement en cas de non-respect des objectifs de performance énergétique (notamment les modalités relatives au retrait des bénéfices des abattements déjà versés). Pourquoi ne pas avoir précisé ces modalités dans le décret ?

– S’agissant du taux d’utilisation en heures creuses, le taux minimal d’éligibilité proposé est de 44 %. Sachant que le taux d’utilisation en heures creuses d’un site au profil de consommation plat est évalué par RTE à 43 %, le seuil de 44 % ne risque-t-il pas de rendre éligibles des sites dont le profil de consommation est très proche d’un profil plat, et donc faiblement anticyclique ?

Les acteurs de terrain sont satisfaits du décret. Les délais de mise en œuvre du décret étaient particulièrement courts puisque les entreprises concernées devaient adresser à RTE, au plus tard au 22 mars 2016, leur demande accompagnée d’une copie de leur attestation de statut envoyée aux services préfectoraux.

Votre Rapporteure souhaite mettre en avant le rôle joué par RTE dans l’accompagnement des entreprises et dans la communication sur la mise en œuvre du dispositif. 270 demandes ont ainsi été adressées à RTE, dont 191 se sont vues accorder l’abattement avec application de la réduction tarifaire, avec effet rétroactif au 1er janvier 2016. 59 demandes ont été refusées et quelques-unes sont encore en cours d’instruction, notamment parce qu’elles concernent des sites relevant de plateformes industrielles complexes. Le montant abattu depuis janvier 2016 s’établit à 123 millions d’euros, ce qui porte la prévision d’un montant global pour 2016 à 180 millions d’euros environ.

Article 157
Tarifs applicables aux consommateurs électro-intensifs

L’article prévoit, lorsqu’un site électro intensif présente un profil de consommation stable ou anticyclique, une réduction des tarifs d’utilisation du réseau public de transport d’électricité (TURPE transport) pour les sites électro-intensifs qui rendent un service au système électrique du fait de leur profil de consommation prévisible et stable ou anticyclique.

Article 158
Interruptibilité

L’article renforce le dispositif d’interruptibilité. Ce service est rendu contre rémunération, par les sites de consommation qui peuvent interrompre leur consommation d’électricité avec un préavis court, et qui contribuent ainsi à la réduction du risque de défaillance du système électrique.

Cet article revêt une importance d’autant plus évidente que la conjoncture dans laquelle s’inscrit le présent rapport est marquée par un risque de défaillance justifiant la nécessité de contrôler le fonctionnement de certains générateurs de vapeur de réacteurs nucléaires.

Le nouveau dispositif est entré en vigueur au 1er juillet 2016, le dispositif précédent ayant été maintenu en vigueur dans l’intervalle. En effet, deux arrêtés devaient être pris :

– un arrêté de la ministre chargée de l’énergie, afin de fixer le volume de capacités interruptibles à contractualiser par le gestionnaire du réseau public de transport, à l’issue d’un appel d’offres ;

– un arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie, afin de fixer les conditions d’agrément des consommateurs finals à profil d’interruption instantanée, les modalités techniques générales de l’interruption instantanée et les conditions dans lesquelles le gestionnaire du réseau public de transport compense les consommateurs finals agréés.

Ces deux arrêtés ont été publiés le 22 décembre 2015. En contrepartie d’une rémunération capacitaire, les sites industriels s’engagent à interrompre leur consommation sur un temps très court sur demande de RTE. Deux catégories ont été fixées par arrêté :

– la catégorie 1 pour un volume total de 1 000 MW : ces sites sont disponibles sur une durée supérieure à 7 500 heures par an, en mesure d’interrompre leur consommation en moins de 5 secondes et peuvent proposer une offre au prix maximum 90 k€/ MW

– la catégorie 2 pour un volume total de 600 MW : ces sites sont disponibles sur une durée supérieure à 4 500 heures par an, en mesure d’interrompre leur consommation en moins de 30 secondes et peuvent proposer une offre au prix maximum 30 k€/ MW.

Le coût total maximal annuel de dispositif, en tenant compte des prix et volumes tels que fixés dans l’arrêté est de 108 millions d’euros par an. Pour l’année 2016, ce coût sera donc de 56 millions d’euros. La loi prévoit que la modification des charges liées à la contractualisation des capacités interruptibles est prise en charge par le TURPE. Puisque ces surcoûts constituent une charge d’exploitation non couverte par le cadre de régulation tarifaire du tarif TURPE 4 HTB, la CRE envisage (152) de modifier les modalités d’évolution de ce tarif au 1er août 2016 afin de couvrir ces surcoûts en introduisant une composante d’évolution spécifique de + 2,15 % pour le mouvement tarifaire 2016. Votre Rapporteure est favorable à une telle modification.

L’appel d’offres a été lancé et les contrats sont applicables à la date du 1er juillet 2016 pour 6 mois. Un nouvel appel d’offres sera organisé pour l’année 2017 pour une durée d’un an. Votre Rapporteure estime que le retour d’expérience de l’appel d’offres de 2016 devra permettre de réévaluer certains paramètres pour l’appel d’offres suivant. Il est en effet important que le volume issu des appels d’offres soit suffisant pour permettre de contribuer pleinement à atteindre une meilleure sécurité d’approvisionnement. Les entreprises hyper électro-intensives souhaiteraient que soit fixé un volume plancher. Le prix auquel les capacités sont rémunérées pourrait être réduit afin de consacrer la même enveloppe au mécanisme d’interruptibilité. Une telle proposition pourrait ainsi être étudiée en amont de l’appel d’offres de 2017.

Deux arrêtés doivent également être pris pour mettre en place ce dispositif en cas de menace sur le fonctionnement normal des réseaux de transport de gaz naturel.

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit également une dépense de « compensation carbone » pour les sites électro-intensifs compensant, en partie, le coût du carbone répercuté dans le prix de l’électricité. L’action 03 du programme 134 « développement des entreprises et du tourisme » prévoit qu’ : « en 2017, seront compensés les coûts supportés au cours de l’année 2016, à hauteur de 80 % (conformément à la limite communautaire) et en prenant en compte le prix du quota en 2015… Cela représente une enveloppe de 116,70 M€ ». Cette enveloppe complète le dispositif d’interruptibilité, prévu par le présent article et les réductions du TURPE (articles 156 et 157).

Article 159
Tarification différenciée aux entreprises gazointensives

L’article confie à un décret le soin de fixer le plancher de consommation et les critères d’utilisation du réseau de gaz pour l’octroi d’une réduction des tarifs au bénéfice des entreprises gazointensives.

Il confie à un arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie le soin de fixer les conditions dans lesquelles les installations de cogénération d’une puissance supérieure à 12 mégawatts électriques peuvent bénéficier d’un complément de rémunération.

La publication du décret n’est envisagée qu’en décembre 2016. Votre mission souhaite que ce texte intervienne le plus rapidement possible.

Article 160
Tarification différenciée entre les consommateurs pour limiter les pointes

Cet article :

– vise à favoriser les réductions de consommation électrique lors des périodes de pointe en permettant de s’écarter, lors de la fixation des tarifs d’utilisation des réseaux, de la stricte couverture des coûts engendrés par les consommateurs et de prendre en compte les pointes locales de consommation ;

– prévoit qu’au plus tard six mois après la promulgation de la loi, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) rend compte au Parlement des orientations qu’elle entend mettre en œuvre pour que les tarifs de réseaux de transport et de distribution d’électricité incitent à améliorer la sécurité d’approvisionnement et la qualité de fourniture, favorisent la limitation des pointes d’injection et de soutirage et contribuent au développement des flexibilités, parmi lesquelles les moyens de stockage d’électricité décentralisés ;

– confie à la CRE la mission, au plus tard 6 mois après la promulgation de la loi, d’établir des tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution qui incitent à réduire la consommation en période de pointe.

Le TURPE 5

L’article L. 341-3 du code de l’énergie donne compétence à la CRE en matière de détermination des TURPE. L’article L. 341-2 précise que ces tarifs sont calculés de manière à couvrir l’ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de réseaux dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d’un gestionnaire de réseau efficace.

Les TURPE actuels, dits « TURPE 4 HTB » pour le réseau de transport et « TURPE 4 HTA/BT » pour les réseaux de distribution, sont entrés en vigueur respectivement le 1er août 2013 et le 1er janvier 2014 pour une durée d’application d’environ 4 ans. La CRE prévoit une entrée en vigueur conjointe des TURPE 5 « HTB » et TURPE 5 « HTA/BT » au 1er août 2017.

De nombreuses consultations tarifaires ont eu lieu et la CRE devrait adopter d’ici la fin de l’année 2016 une délibération portant décision sur le TURPE 5, après avoir transmis pour avis un projet de décision au Conseil supérieur de l’énergie.

Le rapport prévu par cet article a été rendu au Parlement en juin 2016. Il identifie les enjeux de l’élaboration des prochains TURPE que sont l’augmentation de la production d’ENR, la faible croissance des consommations, le développement des technologies de flexibilité, le développement de l’autoconsommation et la persistance d’une forte thermosensibilité du système électrique français.

Le rapport remis par la CRE décrit les principales orientations du TURPE 5.

Votre Rapporteure constate que la mission confiée à la CRE d’établir des TURPE incitant à réduire la consommation en période de pointe est prise en compte. La CRE envisage la création d’une pointe mobile sur le réseau de distribution HTA. Elle prévoit également le renforcement de l’horosaisonnalité des TURPE via la mise en place d’un tarif à quatre plages temporelles en basse tension (heures pleines / heures creuses ; été / hiver). Cela permettra d’envoyer aux consommateurs un signal tarifaire reflétant le coût d’utilisation des réseaux et donc de les inciter à réduire leurs consommations aux heures critiques pour le réseau. Votre Rapporteure souligne toutefois que la CRE envisage uniquement l’introduction de cette option à quatre plages temporelles de manière optionnelle pour les clients qui disposeront d’un compteur Linky. Cela permettra certes aux utilisateurs consommant beaucoup d’électricité en périodes pleines et en hiver de ne pas souscrire à cette offre optionnelle et donc d’éviter de subir des hausses de factures importantes, mais cela n’est pas à même de les inciter à réduire leur consommation en période de pointe.

Quant à la mission confiée à la CRE par cet article de prendre en compte les pointes locales de consommation, le rapport indique simplement que la mise en œuvre d’un signal local nécessiterait que les dispositifs de comptage évolué aient été largement déployés. Votre Rapporteure encourage vivement les réflexions sur ce sujet de manière à mettre en place des dispositifs de signaux locaux dès que les compteurs seront déployés.

Votre Rapporteure regrette que la CRE envisage de ne faire évoluer que faiblement la répartition entre les parts « puissance » et « énergie » du TURPE 5 par rapport au TURPE 4. La répartition des coûts de réseaux entre les utilisateurs dépend non seulement de l’énergie totale consommée (part énergie du TURPE, actuellement de 80 %) mais également des moments où cette consommation a lieu puisque le dimensionnement des réseaux est fondé sur les pointes de puissances appelées (la part puissance du TURPE est actuellement de 20 %).

La CRE estime que le TURPE 5 représente une évolution importante par rapport aux tarifs antérieurs. Il permettra aux gestionnaires de réseaux, non seulement de couvrir leurs coûts, mais également d’innover. Le TURPE 5 leur donnera la possibilité d’obtenir des budgets supplémentaires en cours de période tarifaire pour financer des « smart grids », sous réserve d’une analyse coûts/bénéfices favorable. Votre Rapporteure constate à cet égard qu’un tel dispositif est susceptible de permettre aux expérimentations de flexibilité locale prévues à l’article 199 de la loi de voir le jour.

La CRE souligne également que le TURPE 5 permettra une meilleure qualité de services rendus aux utilisateurs grâce à un renforcement des dispositifs incitatifs. Ces dispositifs permettent de mesurer la qualité de l’alimentation électrique, la qualité du service rendu aux utilisateurs et plus généralement la qualité et la continuité du service public à partir d’indicateurs qui s’accompagnent d’incitations financières, bonus ou malus, en fonction des résultats constatés. Ces dispositifs incitatifs seront reconduits, complétés ou renforcés dans le TURPE 5. Parmi les évolutions envisagées, la CRE compte introduire des incitations sur la durée moyenne de coupure en HTA (en complément de celles en basse tension déjà présentes dans le TURPE 4) ainsi que sur les fréquences moyennes de coupure en basse tension et en HTA.

Votre Rapporteure reste cependant convaincue que la construction actuelle des tarifs pourrait ne plus être pertinente à court terme compte tenu des évolutions liées à l’utilisation des réseaux. Les réseaux sont amenés à jouer un rôle assurantiel de plus en plus important, notamment en raison du développement des technologies de flexibilité et de l’autoconsommation. Un renforcement de la composante tarifaire liée à la puissance souscrite permettrait de mieux refléter la structure des coûts de réseaux et d’inciter encore davantage à limiter les appels de puissance. Votre Rapporteure note toutefois que la CRE envisage d’introduire une clause de rendez-vous, permettant d’adapter la structure des tarifs à l’issue de deux ans de mise en œuvre des TURPE 5, soit à l’été 2019.

Article 161
Tarification différenciée du gaz naturel

L’article permet la mise en œuvre de dispositifs incitant les utilisateurs des réseaux de gaz à limiter leur consommation.

La parution du décret est envisagée en décembre prochain.

Article 162
Risque de fuite de carbone : demande de rapport au Gouvernement

Cet article prévoit la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport, avant le 1er octobre 2015, sur la compensation des coûts indirects du dioxyde de carbone en faveur des secteurs exposés à un risque significatif de fuite de carbone.

Est inscrite dans le projet de loi de finances pour 2017 une hausse de 190 millions d’euros des dépenses fiscales envers les entreprises soumises au régime des quotas d’émission de gaz à effet de serre ou exerçant une activité considérée comme exposée à un risque important de fuite carbone.

Si votre Rapporteure se félicite de ces mesures qui permettront à certaines entreprises fortement consommatrices en énergie et soumises à une forte concurrence internationale de pérenniser leur activité en France, elle note que le rapport prévu par cet article aurait pu permettre d’éclairer la Représentation nationale sur les différentes raisons du bien-fondé de ces mesures.

Article 163

Tarifs de cession applicables avant la date de suppression des tarifs réglementés

L’article accorde aux entreprises locales de distribution le bénéfice des tarifs de cession pour assurer la fourniture de l’offre transitoire de continuité à ceux de leurs clients qui n’auraient pas encore basculé sur une offre de marché à l’extinction des tarifs réglementés de vente. Cette disposition est d’application directe.

Article 164
Adaptation des réseaux de transport en cas de modification de la nature du gaz acheminé

Ayant pour origine un amendement adopté en première lecture à l’Assemblée nationale porté par M. Alain Bocquet, M. Patrice Carvalho, M. André Chassaigne, et plusieurs de nos collègues, cet article prévoit que les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel adaptent leurs réseaux en cas de modification de la nature du gaz acheminé.

GRDF exploite actuellement 200 000 kilomètres de réseau pour le compte de 9 500 communes. Il existe deux types de gaz naturel distribué en France :

– le gaz B qui provient essentiellement du gisement de Groningue (Pays-Bas) se caractérise par un plus faible pouvoir calorifique que le gaz H. (153), le plus communément distribué. Le gaz B est distribué dans le nord de la France où il alimente environ 1,3 million de foyers et une centaine de clients industriels raccordés aux réseaux de GRDF, représentant environ 10 % de la consommation française de gaz ;

– le gaz H, qui représente donc environ 90 % de la consommation française, provient de toutes les autres sources d’approvisionnement (mer du Nord, Algérie, Russie, etc.).

Les dispositifs de comptage et de livraison du gaz en limite de propriété, ainsi que les équipements situés en aval du compteur chez les particuliers sont adaptés au type de gaz livré.

Les contrats d’approvisionnement en gaz B prévoient une décroissance progressive des livraisons en France jusqu’à leur terme, en 2029. Les contrats d’approvisionnement de la France en gaz B ne seront plus renouvelés à partir de cette date, en raison d’une baisse de la production. Les réseaux alimentés actuellement en gaz à bas pouvoir calorifique doivent donc être convertis pour fonctionner avec du gaz à haut pouvoir calorifique.

Le projet « Tulipe », copiloté par GRDF et GRTgaz en coopération avec les pouvoirs publics, a pour objet la mise en œuvre de cette conversion. Le coût total des investissements représente environ 800 millions d’euros, selon le rapport du Conseil supérieur de l’énergie du 25 février 2016.

Aux termes de l’article L. 432-13 du code de l’énergie créé par le présent article, la décision et les modalités de mise en œuvre du projet « Tulipe » font l’objet d’un décret pris après une évaluation technico-économique de la CRE.

Le décret n° 2016-348 du 23 mars 2016 relatif au projet de conversion du réseau de gaz naturel à bas pouvoir calorifique dans les départements du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme, de l’Oise et de l’Aisne précise les modalités de mise en œuvre par les opérateurs et les gestionnaires de réseaux de distribution d’une modification de la nature du gaz acheminé : la conversion du réseau concerne les réseaux de distribution et de transport eux-mêmes, le site de stockage souterrain de gaz naturel ainsi que les équipements de l’ensemble des clients domestiques et non domestiques qui y sont raccordés, situés dans ces départements. Une phase dite " pilote " destinée à préparer la conversion du réseau de gaz B est effectuée sur la période 2016-2020 dans les départements de la Somme, du Nord et du Pas-de-Calais. On peut se demander pourquoi le département de l’Oise est exclu, à ce stade, de cette phase, mais il ressort des auditions menées par la mission que ce département sera inclus prochainement dans ce plan.

Le décret met en place un plan de conversion dont il prévoit :

● le contenu : localisation géographique des infrastructures à convertir, actions préparatoires nécessaires, répartition des rôles et des responsabilités techniques, modalités du contrôle de la qualité du gaz, mesures destinées à assurer la sécurité des personnes et des biens ;

● l’élaboration par les gestionnaires des réseaux de gaz et l’opérateur de stockage souterrain de gaz naturel – après consultation des acteurs concernés selon des modalités non explicitées par le décret – puis arrêté par les ministres chargés de l’énergie, de la sécurité industrielle et de l’économie, après réalisation de l’évaluation économique et technique par la Commission de régulation de l’énergie (alors qu’aux termes de la loi celle-ci aurait dû précéder le décret) ;

● le délai : le projet de plan doit être remis dans un délai de 6 mois après publication du décret ;

● la remise à jour régulière du calendrier détaillé des opérations ; en vue d’assurer, comme l’énonce le présent article de la loi, le bon fonctionnement et l’équilibrage des réseaux, la continuité du service d’acheminement et de livraison du gaz et la sécurité des personnes, n’aurait-il pas fallu préciser cette contrainte de régularité de mise à jour de ce calendrier ?

● les obligations des gestionnaires de réseau de transport et de distribution de gaz pendant la conversion (modification des installations des réseaux de distribution et de transport pour que pour que le gaz livré aux différents points de sortie du réseau présente des caractéristiques physico-chimiques conformes au plan de conversion).

Le décret prévoit la création d’un comité de coordination, sous l’autorité des ministres chargés de l’énergie, de la sécurité industrielle et de l’économie, pour déterminer les priorités, les différentes orientations et veiller au respect du calendrier de conversion. La sécurité d’approvisionnement est garantie par l’obligation de proposition par les opérateurs de réseaux à leurs clients. En revanche, aucune sanction n’est prévue par le décret, ce qui revient à en assurer une seule garantie contractuelle.

Le Gouvernement a considéré qu’il n’existait pas de base légale permettant aux gestionnaires de réseau d’intervenir sur les installations intérieures des consommateurs. Or le changement de type de gaz nécessite une intervention pour éviter tout risque d’intoxication. Le Gouvernement a déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale un projet de loi dont l’article 4 (154) remédie à cette situation. Il est proposé que les gestionnaires de réseaux de distribution assurent la coordination des opérations de conversion et d’adaptation des installations des consommateurs finals raccordés à leur réseau. Les gestionnaires de réseaux seront chargés de faire procéder à la modification, et au réglage de tous les appareils industriels, mais également des installations individuelles intérieures de gaz, voire de procéder à leur remplacement éventuel dans certains cas.

Article 165
Péréquation des charges d’électricité

L’article prévoit une péréquation des charges de distribution d’électricité en vue de répartir entre les gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité les charges résultant de leur mission d’exploitation des réseaux publics. Le décret définissant la formule de péréquation doit intervenir en décembre 2015.

Article 166
Prises de participation de RTE étendues à la zone de l’Association européenne de libre-échange

Cet article rétablit la possibilité, supprimée lors de la codification du code de l’énergie, pour le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité de prendre des participations dans des sociétés de réseaux européennes, y compris en Suisse. Il ne nécessite pas de texte d’application.

Il semble qu’une opération, un temps envisagée avec la Suisse, qui aurait justifié cet article, soit abandonnée. Toutefois, il n’est pas gênant de maintenir, dans son principe, la possibilité prévue par cet article, dans la perspective d’opérations futures, notamment si le développement d’interconnexions rendait nécessaires de telles prises de participation.

Chapitre III
Habilitations et dispositions diverses

Article 167
Habilitation à légiférer par ordonnances

L’article habilite le Gouvernement à prendre de nombreuses dispositions par ordonnance. Huit habilitations regroupées en trois ordonnances ont été très rapidement publiées portant sur la servitude d’utilité publique pour les transports urbains par câble, sur la teneur en soufre des combustibles marins et sur l’évolution des bilans des émissions de gaz à effet de serre et des audits énergétiques. D’autres ordonnances sont intervenues dans les délais. Tel n’est cependant pas le cas pour une partie des dispositions visées par cet article, en particulier pour le stockage du gaz.

L’article habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance l’article L. 225-4 du code de la route pour permettre aux fonctionnaires et agents de l’État chargés du contrôle des transports terrestres placés sous l’autorité du ministre chargé des transports d’obtenir directement les informations relatives au permis de conduire. L’ordonnance n° 2016-460 du 14 avril 2016 leur permet donc d’accéder à ces informations sans effectuer au préalable une demande de communication au préfet de département.

L’article habilite en outre le Gouvernement à modifier le code de la voirie routière pour préciser les données concernant la circulation sur leurs réseaux routiers que les collectivités territoriales et leurs groupements communiquent à l’État, ainsi que les conditions de cette communication. L’ordonnance n° 2016-1018 du 27 juillet 2016 ne crée aucune obligation nouvelle pour les collectivités en termes de production de données, mais facilite l’accès de l’État aux données statistiques de circulation routière déjà produites par les collectivités. La périodicité et le format des données feront l’objet d’un arrêté pris après concertation avec les collectivités.

L’article habilite également le Gouvernement à préciser les conditions d’assujettissement des transporteurs aux péages de navigation sur les parties internationales de la Moselle. Si les dispositions de l’article L. 4412-1 du code des transports ont pu être interprétées comme empêchant Voies navigables de France (VNF) de percevoir des péages à son profit entre Metz et Thionville, l’ordonnance n° 2016-665 du 25 mai 2016 permet désormais à VNF de percevoir des péages, sur la Moselle ou sur d’autres voies navigables couvertes par une convention internationale jusqu’aux lieux où une stipulation internationale prévoirait un autre mécanisme de péages. L’ordonnance sécurise également la procédure d’habilitation des personnels chargés de la constatation des contraventions en matière de grande voirie en ajoutant explicitement un commissionnement préalable à l’assermentation.

L’article habilite le Gouvernement à préciser les compétences de la CRE en matière de recueil d’information, de sanction et de coopération. L’ordonnance n° 2016-461 du 14 avril 2016 met en cohérence le code de l’énergie avec les dispositions du règlement n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie (REMIT) prévoyant que les États membres déterminent les sanctions applicables aux acteurs concernés en cas de méconnaissance de ses dispositions.

L’article habilite le Gouvernement à prévoir, par ordonnance, la prise en compte, pour l’établissement du tarif d’utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz, des coûts résultant de l’exécution des missions de service public. L’ordonnance n° 2016-411 du 7 avril 2016 portant diverses mesures d’adaptation dans le secteur gazier permet une telle prise en compte. Cette ordonnance est également prise sur la base de l’habilitation prévue au 11° du I de l’article 119 de la loi qui vise à permettre à l’autorité administrative de recourir à une procédure d’appel d’offres lorsque les objectifs d’injection du biométhane dans le réseau de gaz s’écartent de la trajectoire prévue dans la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Votre Rapporteure est favorable à la valorisation, par les appels d’offres, des investissements participatifs des particuliers ou des collectivités, prévue par l’ordonnance. Elle aurait souhaité que figure dans l’ordonnance une disposition selon laquelle l’État vérifie que les conditions de concurrence sont bien réunies avant de lancer un appel d’offres et adapte en conséquence la capacité d’injection de biométhane recherchée dans chaque lot ou sur chaque territoire.

L’article habilite le Gouvernement à compléter les règles relatives aux canalisations de transport et de distribution à risques, en matière de sécurité et de protection contre certains dommages. L’ordonnance n° 2016-282 du 10 mars 2016 renforce ainsi notamment les prérogatives de l’autorité administrative qui peut, désormais, en cas d’urgence liée à la sécurité, décider la mise hors-service temporaire d’une canalisation ou un abaissement de sa pression de service. Elle simplifie également les procédures concernant les modifications de canalisations de transport de gaz ou d’hydrocarbures déclarées d’utilité publique, en prévoyant que, lorsque ces modifications ne sont pas soumises à enquête publique en raison de leur faible impact en matière de sécurité et de protection de l’environnement, une simple autorisation emporte autorisation d’occupation du domaine public.

L’article habilite le Gouvernement à définir les règles relatives aux audits énergétiques, aux bilans des émissions de gaz à effet de serre et aux programmes d’actions du secteur de la grande distribution prévus à l’article 44 de la présente loi. L’ordonnance n° 2015-1737 du 24 décembre 2015 prévoit que la mise à jour du bilan des émissions de gaz à effet de serre doit être réalisée tous les 4 ans (et non plus, comme précédemment, tous les 3 ans) par les entreprises métropolitaines de plus de 500 personnes et par les entreprises d’Outre-mer employant plus de 250 personnes. L’obligation d’établir ou de transmettre le bilan des émissions de gaz à effet de serre est sanctionnée par une amende de 5e catégorie n’excédant pas 1 500 €. L’ordonnance met en place une plateforme informatique pour la collecte des bilans d’émission de gaz à effet de serre et des audits énergétiques. L’ordonnance ne définit toutefois pas les règles relatives aux programmes d’actions du secteur de la grande distribution prévus à l’article 44 de la loi.

Le Gouvernement aurait dû prendre d’autres dispositions par ordonnance avant le 17 août 2016. Ces ordonnances n’étant pas intervenues avant le délai imparti, le Gouvernement devra avoir recours à d’autres véhicules législatifs pour inscrire ces dispositions dans la loi. Votre Rapporteure s’interroge donc sur le bien-fondé des demandes d’habilitation du Gouvernement.

1°) Une ordonnance devait modifier certaines dispositions du code de l’environnement afin de les mettre en conformité avec la Convention pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires signée à Londres le 13 février 2004 ; cette ordonnance n’est plus nécessaire depuis la promulgation de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages le 8 août 2016. Cette dernière a procédé à la modification de l’article L. 218-83 du code de l’environnement pour mettre en adéquation le droit national avec la Convention de Londres.

2°) Une ordonnance, prévue par le 7°c) de cet article, devait définir les règles relatives aux programmes d’actions du secteur de la grande distribution prévus à l’article 44 de la loi. Les dispositions de l’article 44 ayant été déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2015- 718 DC du 13 août 2015, il n’existe pas de base légale permettant au Gouvernement de prendre une telle ordonnance. Votre Rapporteure note donc que le Conseil constitutionnel aurait pu, pour le bon ordre de la loi, déclarer non conforme, par conséquence de la censure prononcée à l’article 44, le 7°c) de l’article 167 de la loi.

3°) Une ordonnance devait être prise sur le stockage de gaz, la réforme devait entrer en vigueur pour l’hiver 2016. Un projet d’ordonnance a pourtant été étudié depuis avril au Conseil d’État, mais n’a pas abouti. Cette situation crée un blocage évident.

Le système en vigueur a été mis en place par le décret n° 2014-328 du 12 mars 2014, qui renforce les obligations de stockage des fournisseurs, qui en raison d’un écart entre les prix du gaz l’été et l’hiver plus faible que le montant des tarifs de stockage pratiqués par les opérateurs de stockage, avaient tendance à diminuer leurs réservations de stockage. Ce décret a permis de renforcer la sécurité d’approvisionnement, mais il apparaît indispensable de modifier à nouveau le système, qui ne permet ni d’assurer pleinement la sécurité d’approvisionnement en gaz, ni un fonctionnement efficace du marché. Actuellement, les fournisseurs ont une obligation individuelle de souscrire des capacités de stockage. Les opérateurs de stockage peuvent, eux, fixer librement leurs tarifs. Outre la grande complexité induite par ce système, le manque de transparence est indéniable. L’arrivée de nouveaux entrants sur le marché du stockage étant extrêmement difficile pour des raisons techniques, réglementaires et financières, les opérateurs de stockage (Storengy et TIGF) sont en effet en situation de quasi-monopole. Cette situation engendre un risque tarifaire et ne permet pas de s’assurer que la sécurité d’approvisionnement est obtenue au coût le plus juste pour le consommateur final.

L’habilitation donnée au Gouvernement à légiférer par ordonnance pour mettre en place un nouveau système de régulation du stockage de gaz ouvrait le champ à deux mécanismes possibles. Le premier, relativement proche du système actuel repose sur l’encadrement par le régulateur du revenu des opérateurs et/ou des tarifs de stockage et présente donc des garanties directes de résultat. Il ne remédiait toutefois pas à la complexité du système actuelle due à l’existence d’obligations individuelles de stockage, qui obligent les acteurs qui n’en ont pas forcément l’utilité à maintenir des capacités de stockage importantes. Le second, qui avait les préférences du Gouvernement et qui, donc, devrait entrer en vigueur prochainement repose sur un système de mise aux enchères. Comme le souligne la CRE, un tel mécanisme permet d’allouer aux acteurs qui en ont le plus l’utilité l’outil de flexibilité qu’est le stockage. Ce mécanisme nécessite la mise en place d’une compensation des opérateurs de stockage pour leur assurer un revenu régulé en contrepartie de l’obligation de maintien en fonctionnement des infrastructures nécessaires à la sécurité d’approvisionnement. Il était envisagé que cette compensation se fasse via les tarifs de transport lorsque les coûts des opérateurs ne sont pas couverts en totalité par les revenus des enchères.

Le Gouvernement n’a pas souhaité déposer ce projet d’ordonnance en raison de l’avis négatif du Conseil d’État concernant la qualification juridique de la compensation. Des travaux complémentaires sont menés afin d’assurer un cadre législatif et réglementaire stable pour l’ensemble des parties. Confronté, dans l’immédiat, à l’absence de texte, le gouvernement envisage, en l’absence de PPE, à titre transitoire, de prévoir un mécanisme permettant la passation d’appels d’offres (155).

Si ces dispositions sont amenées à figurer dans un autre véhicule législatif, ce que votre Rapporteure souhaite, il faudra néanmoins veiller à ce qu’y figure une compensation pour les opérateurs de stockage et à ce que la définition du volume nécessaire à la sécurité d’approvisionnement ainsi que la caractérisation du périmètre des actifs régulés soient précises et proportionnées.

Votre Rapporteure souligne également que de nombreuses questions se posent quant à l’articulation de ce nouveau mécanisme de ce stockage avec le fonctionnement des interconnexions européennes : faut-il ou non favoriser le recours aux interconnexions par rapport aux capacités de stockage ? La question de cette articulation devra être abordée lors des discussions à venir sur l’ouverture à la concurrence des interconnexions au niveau européen.

4°) Une ordonnance doit être prise avant le 17 février 2016, ajoutant au titre IV du livre III du code de l’énergie un chapitre IV consacré aux réseaux fermés de distribution. Cette ordonnance doit ajouter au titre IV du livre III du code de l’énergie un chapitre IV consacré aux réseaux fermés de distribution. La CRE s’est prononcée, dans un avis publié le 26 septembre 2016, sur le projet d’ordonnance que lui a transmis le Gouvernement en juin. Votre Rapporteure insiste sur l’importance de prendre en compte, dans l’ordonnance finale, deux des recommandations émises par la CRE.

Il est nécessaire que l’autorité administrative puisse être autorisée à refuser la qualification de réseau fermé de distribution, si l’octroi de celle-ci est incompatible avec des impératifs d’intérêt général ou le bon accomplissement des missions de service public.

Elle souhaite également que le projet d’article L. 344-1 du code de l’énergie soit modifié pour disposer que les installations de production et de stockage peuvent être raccordées à un réseau fermé de distribution. Le développement des énergies renouvelables et les nombreuses expérimentations autour des « smart-grids », « micro-grids », bâtiments ou territoires à énergie positive nécessite de telles dispositions.

Article 168
Effacement électrique diffus

L’article définit l’effacement électrique (156) diffus (157) destiné à baisser temporairement la consommation d’un grand nombre de logements pour réduire la demande, le régime dérogatoire ainsi que les nouveaux appels d’offres.

L’autorité administrative peut recourir à la procédure des nouveaux appels d’offres lorsque les capacités d’effacement ne répondent pas aux objectifs de la PPE, dont le caractère impératif est ainsi affirmé ou lorsque leur développement est insuffisant au vu des besoins mis en évidence dans le bilan prévisionnel pluriannuel mentionné à l’article L. 141-8. Le régime dérogatoire, incompatible avec le mécanisme des appels d’offres, constitue un véritable soutien à l’effacement électrique diffus. Par dérogation au principe selon lequel l’opérateur d’effacement verse au fournisseur une compensation, l’autorité administrative peut, pour les catégories d’effacements qui conduisent à des économies d’énergie significatives, imposer que le paiement de ce versement soit intégralement réparti entre l’opérateur d’effacement et le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité. Le gestionnaire de réseau répercute ensuite ses coûts sur la communauté des fournisseurs selon les modalités prévues à l’article L.321-12 du code de l’énergie.

L’article confie à trois décrets le soin de fixer :

–les modalités générales relatives aux effacements de consommation d’électricité ;

–la méthodologie utilisée pour établir les règles permettant la valorisation des effacements de consommation d’électricité sur les marchés de l’énergie et sur le mécanisme d’ajustement ;

–la part versée par le gestionnaire du réseau public de transport dans le régime dérogatoire.

Seul le décret fixant la méthodologie permettant la valorisation des effacements de consommation a été publié. Il s’agit du décret n° 2016-1132 du 19 août 2016 modifiant les dispositions de la partie réglementaire du code de l’énergie relatives aux effacements de consommation d’électricité. Votre Rapporteure estime que le décret respecte l’objet de la loi et répond aux principales recommandations du rapport parlementaire (158) publié en 2016. Ce rapport soulignait les risques de dérives et de contentieux que pourrait engendrer un développement des effacements non maîtrisé. Le risque de contentieux s’explique notamment par un problème de mesure des consommations de référence et des quantités effacées. Le décret conditionne au respect d’un cahier des charges à la fois l’obtention et le renouvellement de l’agrément technique qui permet à l’opérateur de procéder à des effacements de consommation indépendamment de l’accord du fournisseur d’électricité des sites concernés. L’agrément technique peut être éventuellement retiré à un opérateur d’effacement qui ne respecte pas ses obligations.

Le rapport parlementaire soulignait également l’importance d’une juste mesure des effacements réalisés pour leur valorisation sur les marchés de l’énergie et sur le mécanisme d’ajustement : « Avoir une méthode de contrôle unique emporterait un risque car cela risquerait de verrouiller les méthodes de contrôle sur un modèle d’effacement et empêcherait la percée d’opérateurs avec de nouveaux « business models ». Il faut donc, sur le sujet du contrôle des effacements, à la fois assurer un traitement équitable des effacements (une méthode commune de calcul) et permettre aux nouveaux modèles économiques d’émerger (plusieurs de méthodes de calcul). » Le décret répond à ces enjeux en prévoyant que le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité valide les méthodes permettant d’évaluer le volume d’effacement selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. Il est désormais nécessaire de laisser un temps raisonnable à RTE et à la CRE pour décliner le cadre réglementaire dans les règles pour la valorisation des effacements de consommation sur les marchés de l’énergie appelées règles NEBEF.

Les décrets en Conseil d’État, qui requièrent l’avis de la CRE, fixant la part versée par le gestionnaire du réseau public de transport dans le régime dérogatoire, et celui fixant les modalités relatives aux effacements, attendus pour juin 2016 ne sont pas encore publiés.

Le rapport parlementaire soulignait aussi les doutes relatifs à la pertinence de ce régime dérogatoire qui pourrait même, in fine, ne pas être favorable au développement des effacements diffus en raison de sa complexité et du manque de visibilité qu’il engendre. Afin de garantir la lisibilité du dispositif du versement obligatoire, votre Rapporteure estime que pourrait être défini un taux de report de consommation unique reflétant le comportement d’un client « moyen ». Ce taux de report, qui correspond au surcroît d’énergie qui est consommée à la suite d’un effacement de consommation, pourrait être de 50 % comme le montre un récent rapport de RTE (159).

Reste qu’en l’absence des deux autres décrets, le texte ne paraît pas applicable. Votre Rapporteure insiste donc pour leur parution rapide.

Article 169
Vérification des informations recueillies lors des contrôles effectués par la commission de régularisation de l’énergie

La CRE peut faire contrôler, au frais des entreprises, les informations qu’elle recueille dans le cadre de ses missions.

Cet article, qui prévoit une proportionnalité entre ces frais et l’objectif poursuivi et la taille de l’entreprise, est entré en vigueur.

Il convient, en toute hypothèse, que la CRE évite, dans toute la mesure du possible, d’avoir recours à des organismes externes pour procéder à de telles expertises.

Article 170
Droit des personnes publiques à conclure des contrats d’achat d’électricité de gaz révisables

Cet article clarifie les dispositions applicables aux marchés publics de fourniture d’électricité et de gaz en précisant que les contrats passés en application de ces procédures peuvent être conclus à prix fermes ou à prix révisables. Il est également d’application directe.

Article 171
Application du statut des industries électriques et gazières au personnel de la maison mère d’une entreprise locale de distribution

Cet article permet aux personnels des fonctions « support » des entreprises locales de distribution devant filialiser leurs activités de distribution et de commercialisation, pour se conformer au droit européen, de conserver le bénéfice du statut des industries électriques et gazières. Il est également d’application directe.

Article 172
Transposition de directives sur le marché intérieur de l’électricité et du gaz : habilitation à prendre des ordonnances

Cet article autorise le gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour compléter la transposition des directives 2009/72/CE et 2009/73/CE relatives respectivement au marché intérieur de l’électricité et au marché intérieur du gaz. La Commission européenne avait en effet adressé, le 26 février 2015, une lettre de mise en demeure à la France pour transposition incorrecte ou incomplète de ces deux directives. Il faut noter que, bien que non formellement transposées, les dispositions relatives à la séparation patrimoniale avaient été intégralement appliquées lors de la cession, par Total, de la société Transport et Infrastructures Gaz France (TIGF) en 2013.

L’ordonnance n° 2016-130 du 10 février 2016 modifie donc les dispositions législatives du code de l’énergie relatives à la séparation patrimoniale des gestionnaires de réseau de transport avec les entreprises de production ou de fourniture d’électricité ou de gaz, dispositions qui constituent une des options prévues par les directives. Elle assure la transposition de dispositions concernant les compétences attribuées à la CRE. La CRE contrôlera désormais les plans d’investissements, non seulement des gestionnaires de réseaux de transport appartenant à une entreprise verticalement intégrée comme c’est le cas dans la loi actuelle, mais aussi ceux des gestionnaires répondant au modèle de séparation patrimoniale, comme prescrit par les directives.

L’ordonnance modifie également les dispositions concernant l’élaboration des prescriptions techniques pour le raccordement aux réseaux électriques afin de prendre en compte l’intervention des « codes de réseau » pris en application du règlement n° 714/2009 sur les échanges transfrontaliers d’électricité. Elle annonce qu’un décret pris après avis de la CRE fixera les attributions respectives de l’autorité administrative et de la CRE dans la mise en œuvre des codes de réseau. Ce décret n’a pas encore été pris.

L’ordonnance n° 2016-129 du 10 février 2016 est également prise sur le fondement de l’article 172 en ce qu’elle permet au gouvernement d’établir les mesures d’adaptation de la législation liées à la transposition des directives 2009/72/CE et 2009/73/CE. L’ordonnance n 2016-129 du 10 février 2016 portant sur un dispositif de continuité de fourniture succédant à la fin des offres de marché transitoires de gaz et d’électricité vise à instituer un dispositif permettant de garantir la continuité de la fourniture des consommateurs d’électricité et de gaz, dont les tarifs réglementés de vente ont été supprimés au 31 décembre 2015, et qui n’auront pas souscrit une offre de marché au 30 juin 2016.

Les contrats qui liaient les clients consommant annuellement plus de 30 MWh en gaz et, pour les clients ayant une puissance électrique souscrite supérieure à 36 kVA, en électricité avec leurs fournisseurs historiques de gaz et d’électricité (ENGIE, EDF et entreprises locales de distribution) sont devenus caducs. Ces clients ont pu bénéficier, en application de l’article 25 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, d’une offre de marché transitoire de six mois s’interrompant au 30 juin 2016.

L’ordonnance organise l’affectation, dès le 1er juillet 2016, des clients qui n’auraient pas souscrit une offre de marché à des fournisseurs retenus selon une procédure concurrentielle, organisée par la CRE). L’ordonnance fixe les principes et caractéristiques principales de cette procédure concurrentielle. Elle définit les éléments clés de la relation contractuelle entre clients et fournisseurs, et notamment les principales obligations des fournisseurs vis-à-vis des clients, en termes d’information et de modalités de résiliation, afin de protéger les consommateurs de manière adéquate.

La Rapporteure regrette que le dispositif de l’ordonnance n’ait été mentionné ni dans l’exposé des motifs de l’amendement gouvernemental à l’origine de cet article 172, ni dans la présentation faite par le Gouvernement en séance publique.

La procédure d’appels d’offres s’est déroulée entre mars et mai 2016, dans le plein respect des dispositions fixées par l’ordonnance, dont le dispositif et l’appel d’offres qui s’en est suivi sont, certes, très complexes mais ont le mérite d’être équilibrés. Ils permettent à la fois :

– une juste protection des consommateurs concernés (obligation d’une information préalable à la prise d’effet du contrat ou de ses modifications, existence d’un droit d’opposition et possibilité de résilier le contrat à tout moment, sans indemnité) ;

– une incitation forte pour ces consommateurs à souscrire à une offre de marché (prix du gaz ou de l’électricité majoré d’au plus 30 % pour les clients basculant dans le dispositif de l’ordonnance) ;

– une mise en concurrence effective des fournisseurs de gaz et d’électricité souhaitant assurer la fourniture des clients restés « dormants » (plafonnement du nombre de sites pouvant être attribués à un même fournisseur).

Trois difficultés se posent toutefois en pratique :

– une difficulté pour les fournisseurs à joindre leurs clients qui s’explique, selon les fournisseurs, par la mauvaise qualité des fichiers de contacts des clients remportés par appel d’offres (absence de données de contact, mauvaises adresses de facturation, …) ;

– une difficulté liée au non-respect, par un certain nombre de fournisseurs, de l’esprit de l’ordonnance. Les fournisseurs ayant réussi à joindre leurs clients pour les informer des nouvelles conditions contractuelles mais n’ayant réussi à obtenir les coordonnées bancaires de ces clients sont tenus de les faire basculer dans le dispositif de l’ordonnance et de les fournir en gaz ou en électricité. Or, deux fournisseurs ne respectent pas cette disposition. Les fournisseurs historiques continuent donc à alimenter en offre transitoire les clients dont leurs concurrents n’ont pas voulu et ceci sans préavis ;

– certaines entreprises rencontrant des difficultés financières ont souhaité souscrire à une offre de marché avant le 30 juin 2016 mais ont fait face au refus des fournisseurs de gaz ou d’électricité, ces derniers les considérant comme peu solvables. Elles ont donc été forcées de basculer dans le dispositif de l’ordonnance au 1er juillet dernier, c’est-à-dire à payer beaucoup plus cher leur fourniture de gaz ou d’électricité. Ceci ne peut que renforcer leurs difficultés financières. La Rapporteure réitère son souhait d’alerter sur la nécessité de traiter rapidement cette question, au regard des conséquences pour les entreprises forcées de basculer dans le dispositif de l’ordonnance ou de se retrouver sans fournisseur.

Enfin, il convient de rappeler que cette ordonnancerenforce également les moyens de contrôle et les pouvoirs de sanction de l’ASN et transpose la directive européenne relative aux déchets radioactifs, réaffirmant l’interdiction de stocker en France des déchets radioactifs étrangers, et obligeant au stockage sur le territoire national des déchets d’origine française (160).

TITRE VIII
DONNER AUX CITOYENS, AUX ENTREPRISES, AUX TERRITOIRES ET À L’ÉTAT LE POUVOIR D’AGIR ENSEMBLE

(Rapporteurs : Chapitres I et II : M. Jean Paul Chanteguet,

Chapitres III et IV : Mme Marie Noëlle Battistel)

Chapitre Ier
Outils de la gouvernance nationale de la transition énergétique : programmation, recherche et formation

Article 173
Budget carbone et stratégie bas-carbone

Le dispositif, jugé conforme à la Constitution, porte sur le contenu et les conditions d’évolution de la stratégie « bas carbone » dont le I prévoit qu’elle est fixée par décret qui définit « la marche à suivre pour conduire la politique d’atténuation des émissions des gaz à effet de serre ». Un décret du 18 novembre 2015 conformément au II de cet article, répartit le budget carbone par grands secteurs.

La répartition des budgets carbone par grands secteurs est la suivante :

ÉMISSIONS ANNUELLES MOYENNES
(en Mt CO2eq)

2013

1er BUDGET CARBONE
(2015-2018)

2e BUDGET CARBONE
(2019-2023)

3e BUDGET CARBONE
(2024-2028)

Secteurs relevant du système communautaire d’échange de quotas d’émissions (hors aviation internationale)

119

110

n.d.

n.d.

Autres secteurs

373

332

n.d.

n.d.

Tous secteurs confondus

492

442

399

358

Source : décret n° 2015-1491 du 18 novembre 2015 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone.

Ce même décret fixe, en application du III les budgets carbone des périodes 2015-2018, 2019-2023 et 2024-2028 respectivement à 442, 399 et 358 Mt de CO2eq par an, à comparer à des émissions annuelles en 1990, 2005 et 2013 de, respectivement, 551, 556 et 492 Mt de CO2eq.

Le IV présente une difficulté, déjà identifiée par votre mission (161) puisqu’il prévoit une présentation des budgets carbone par le Gouvernement au Parlement « dès leur publication ». Ce débat aurait donc dû être organisé en novembre dernier, ce qui n’a pas été le cas. Une fois encore, votre rapporteur souhaite que ce dispositif soit abandonné au profit d’un débat annuel sur l’énergie.

Le V prévoit de fixer par décret les conditions de révision simplifiée de la stratégie bas carbone. Le décret après avoir établi des cas évidents (compatibilité avec des exigences européennes, corrections d’indicateurs ou d’erreurs) reprend une exigence posée par la loi : « Le projet de stratégie révisée est adopté par décret après transmission du projet, pour information, aux commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de l’énergie et de l’environnement et au Conseil national de la transition écologique. »

Votre Rapporteur est favorable à la suppression de cette mention, puisqu’elle est dans le texte de cet article : sa répétition ne s’impose pas.

Le VI, auquel votre mission a consacré une table ronde, porte sur l’action des investisseurs en matière de transition énergétique.

L’action de la Caisse des dépôts, également visée par ce dispositif peut être résumée comme suit : le groupe s’est engagé à mobiliser 15 milliards d’euros pour le financement de la transition écologique et énergétique sur la période 2014-2017. Ces financements seront notamment consacrés pour 10 milliards d’euros à des prêts aux collectivités territoriales et aux organismes de logement social en faveur de la croissance verte ; pour près de 4 milliards d’euros aux entreprises de la transition écologique et énergétique par Bpifrance. En juin 2016, sur l’enveloppe de 15 milliards d’euros, 9 milliards étaient déjà engagés, dont 5,5 milliards de prêts et d’investissement en faveur de projets sur les territoires. En 2017, le groupe procèdera à une évaluation de ces engagements afin de fixer un nouvel objectif pour la période 2018-2020. De manière globale, le groupe se donne deux ans pour élaborer une feuille de route de long terme orientant l’ensemble de ses activités vers une trajectoire compatible avec l’objectif des 2°C.

La Caisse des dépôts et l’empreinte carbone.

En tant qu’investisseur institutionnel, la CDC s’est engagée à réduire l’empreinte carbone de ses portefeuilles d’actions et d’investissements dans l’immobilier. Pour atteindre ces objectifs, elle a notamment engagé un dialogue avec les entreprises dont elle est actionnaire sur leur stratégie d’intégration du risque climatique.

Le groupe Caisse des dépôts s’est fixé un objectif de réduction de cette empreinte carbone de -20 % par millier d’euros investis sur la période 2014-2020. Cet engagement porte sur la totalité des portefeuilles actions gérées en direct par le Groupe, représentant une valeur boursière de 55 milliards d’euros.

Cet engagement représente une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre supérieure à celle des objectifs européens pour la période.

Pour atteindre cet objectif, une enquête auprès des sociétés du SBF 120 dans lesquelles le Groupe a des participations a permis d’établir un premier état des lieux et d’amorcer le dialogue, qui se poursuit sur les sociétés internationales sensibles. Le cas échéant, la Caisse des Dépôts soutiendra les résolutions déposées en assemblées générales en faveur de la TEE qui sont cohérentes avec ses orientations. Elle a ainsi voté en faveur de résolutions climat déposées par la coalition « Aiming for A » lors des AG de BP, Shell, Statoil, et Rio Tinto.

Plus largement, un programme de formation des administrateurs représentant le Groupe aux enjeux de la TEE est en cours de déploiement, afin de les amener à exercer, dans leur rôle de mandataires sociaux, une vigilance accrue sur ces enjeux. Cette formation, réalisée par Novethic, sera ouverte à d’autres sociétés.

Concernant les investissements immobiliers (5 milliards d’actifs concernés sur plus de 150 sites), la Caisse des dépôts et CNP Assurances vont réduire de 38 % la consommation énergétique de leurs portefeuilles d’ici 2030.

Le groupe va également restreindre fortement l’apport de capitaux aux investissements exposés au charbon thermique. Fin 2015, il ne détenait plus aucun titre en direct dans les actions cotées et titres de dette de sociétés dont plus de 25 % du chiffre d’affaires est lié au charbon thermique (mines et génération électrique), et a abaissé ce seuil à 20 % en 2016. Le groupe ne financera la création d’aucune nouvelle capacité de production énergétique à partir de charbon, et plus généralement conditionnera ces financements sectoriels à la mise en œuvre de stratégies de conversion ambitieuse de centrales thermiques vers des énergies renouvelables.

En tant qu’investisseur dans les territoires et banque publique, la Caisse s’est engagée à jouer un rôle de catalyseur pour l’investissement dans des actifs verts en mobilisant 15 milliards d’euros d’ici 2017 destinés à financer des projets bas carbone, dont 5 milliards d’euros de prêts croissance verte pour les collectivités locales. Par ailleurs, les filiales du groupe adoptent des stratégies TEE ambitieuses, telles qu’Icade et SNI, qui se sont engagées dans des objectifs et des plans ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre de leur patrimoine.

Cela correspond à :

– un doublement du rythme d’investissements en fonds propres dans les énergies renouvelables d’ici à 2017, passant de 50 à 100 millions d’euros annuels ;

– l’accélération des investissements dans les projets et infrastructures vertes (efficacité énergétique des bâtiments, réseaux intelligents, nouvelles mobilités, …) ;

– la mise à disposition de 10 milliards d’euros de prêts à taux avantageux aux collectivités et aux organismes de logements sociaux pour la croissance verte ;

– une augmentation des interventions de Bpifrance en faveur de la transition énergétique pour les porter de 800 millions à 1 milliard d’euros par an ;

– un doublement des encours d’investissement verts de CNP Assurances pour atteindre environ 1 milliard d’euros.

Fin juin 2016, 9 milliards d’euros étaient déjà engagés, dont 5,4 milliards d’euros de prêts et d’investissements en faveur de projets sur les territoires.

En 2016, le groupe CDC est passé du 65e au 13e rang mondial du classement réalisé par l’ONG internationale AODP (Asset Owners Disclosure Project), qui recense l’engagement environnemental des 500 plus grands investisseurs mondiaux.

En mars 2016, le Groupe Caisse des Dépôts a été récompensé au « Forum GI » par le prix de la meilleure stratégie d’investissement verte. En octobre 2016, la Caisse a été primée dans le cadre du prix international du meilleur reporting climatique investisseurs.

Source : CDC

Article 174
Financement de la transition énergétique : demande de rapport au Gouvernement

Cet article prévoit un « jaune » budgétaire sur le financement de la transition énergétique. Il est plus précis que l’ancien rapport demandé en application de l’article 106 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005. Le dispositif se confondant avec sa propre mise en œuvre, le jaune joint au projet de loi de finances pour 2016 indique qu’il est le « dernier rédigé sous cette forme », alors que le dispositif légal sur lequel il s’appuie était déjà abrogé.

L’année de transition s’est traduite par un appauvrissement de ce document, et, au moment de l’examen du présent rapport, le « jaune » pour 2017 n’est pas encore paru.

Article 175
Stratégie nationale de mobilisation de la biomasse

Le dispositif prévoit une stratégie nationale de mobilisation de la biomasse, dont la définition incombe à l’État. Le décret n° 2016-1134 du 19 août 2016 relatif à la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse et aux schémas régionaux biomasse a été pris en application de cet article et de l’article 197.

La stratégie nationale de mobilisation de la biomasse définit des orientations, recommandations et actions concernant les filières de production et de valorisation de la biomasse susceptible d’avoir un usage énergétique, tout en veillant à une bonne articulation de ces usages, notamment alimentaires, et à l’atténuation du changement climatique. Votre Rapporteur se félicite de la prise en compte de la nécessaire articulation entre les différents usages.

La stratégie nationale de mobilisation de la biomasse est approuvée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de la forêt, de l’environnement, de l’énergie, de la mer, de la construction et de l’industrie, puis publiée sur le site internet du ministère chargé de l’énergie. Cet arrêté n’a pas encore été publié. Cet article insistant sur l’approvisionnement en biomasse des appareils de chauffage domestique au bois, des chaufferies collectives industrielles et tertiaires et des unités de cogénération, l’arrêté gagnera à être précis sur ces différents points.

Article 176
Programmation pluriannuelle de l’énergie et programmation des capacités énergétiques

Chacun a considéré comme absolument essentiel cet article, qui porte sur la programmation pluriannuelle de l’énergie. Celle-ci a donné lieu à de très nombreuses consultations, dont celle portant sur un nouveau texte ouverte au public du 15 septembre au 15 octobre, dont la publication est imminente. Sans revenir sur ce qu’il convient d’appeler l’Arlésienne de la transition énergétique, alors que le texte du décret aurait dû paraître plus tôt, votre Rapporteur entend souligner :

– que les chiffres d’objectifs assignés aux ENR sont déjà contenus dans l’arrêté du 24 avril 2016 relatif aux objectifs de développement des énergies renouvelables ;

– que le projet de loi n° 4122, déposé sur le bureau de notre Assemblée le 12 octobre 2016, aux fins de ratifier les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables, comporte un article 5 ainsi rédigé : « pour l’application du I de l’article L. 446-5 du code de l’énergie (162), les objectifs définis par arrêté du ministre chargé de l’énergie valent programmation pluriannuelle de l’énergie, jusqu’à la date de publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 du même code », ce qui sécuriserait le dispositif si cette disposition était en vigueur alors que la PPE ne le serait pas.

Cette anticipation, transitoire, explicitée par l’étude d’impact du projet de loi (163) démontre que la publication n’est pas certaine, pour l’administration, dans des délais compatibles avec le lancement d’appels d’offres.

Votre Rapporteur rappelle que le présent article prévoit une première période de programmation qui « s’achève en 2018 » (article L. 141-3 du code de l’énergie). La parution désormais imminente du document est-elle en phase avec ce calendrier ?

Au plan juridique, les données sont pourtant claires : la publication de la PPE donnera lieu à un décret simple Toutes les consultations requises ont été faites ; et ce document est indispensable à la passation d’appels d’offres .Votre mission ne peut qu’appeler à un vote négatif sur l’article 5 du projet de loi de ratification des ordonnances, en ce qu’il anticipe un éventuel retard de parution de la PPE.

Les retards qui ont marqué le processus d’examen de la PPE ont à leur tour entraîné des applications différées de certains éléments de la loi. Certains d’entre eux comportent des reprises de données déjà connues. Certaines autres données ne relèvent pas du domaine règlementaire .la mission se prononce donc pour une réécriture simplifiée de la disposition législative actuelle et d’un meilleur partage des domaines de la loi, du décret et d’une partie non impérative de la programmation

La PPE étant un document hybride, complétant la loi, il n’est pas étonnant, que ce texte soit difficile à établir et nécessite même, au cas où la publication interviendrait tardivement, de prévoir des anticipations législatives transitoires.

On attendait trop de la PPE, ou à tout le moins du décret. On y trouvera simplement de grands objectifs, déjà connus pour des éléments chiffrés, dans la loi ou l’arrêté du 24 avril 2016. Il convient donc de revoir la place de la PPE en termes de hiérarchie des normes juridiques et en termes de périmètre, tel qu’il est défini dans l’article 176. La PPE de Corse (article 203) est soumise à l’assemblée de Corse. La PPE nationale doit être soumise à l’Assemblée nationale, et au Sénat et, de ce fait, son caractère réglementaire doit être revu dans son principe.

*

Par ailleurs, pour l’application de la section II du chapitre premier du titre IV du code de l’énergie, tel qu’elle résulte du présent article, le décret n° 2016-350 du 24 mars 2016 portant diverses modifications du titre IV du livre Ier du code de l’énergie actualise les dispositions relatives au bilan prévisionnel pluriannuel de l’offre et de la demande d’électricité et détermine le contenu du bilan électrique national ainsi que ses modalités d’élaboration. Il est en vigueur depuis le 1er juillet 2016.

Le bilan prévisionnel comprend une étude de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité, une analyse des besoins d’investissements en moyens de production nécessaires pour assurer la sécurité de l’approvisionnement électrique de la France continentale, un volet géographique identifiant les zones où la production locale et les capacités de transport d’électricité peuvent s’avérer insuffisantes et une étude de la sensibilité du système à des critères de défaillance. Il couvre la période de quinze années suivant la date à laquelle il est rendu public. Est-ce la bonne durée pour estimer au mieux la sécurité de l’approvisionnement électrique ?

Le décret détermine également le contenu du bilan électrique national et ses modalités d’élaboration : il couvre l’année précédant la date de sa publication. Il contient un volet relatif à la France métropolitaine (publié avant le 1er février de chaque année) et un volet relatif aux zones non interconnectées au réseau métropolitain continental (publié avant le 1er mars de chaque année). Il porte sur la consommation d’électricité, la production d’électricité, l’effacement de consommation et les liens avec les réseaux électriques étrangers, notamment européens.

Le décret précise les modalités de transmission des données au gestionnaire du réseau de transport pour l’élaboration des bilans :

– les personnes devant fournir des données sont nombreuses : producteurs exploitant ou envisageant d’exploiter des installations de production d’électricité raccordées directement au réseau public de transport d’électricité ou raccordées indirectement par l’intermédiaire d’installations appartenant à un autre utilisateur de ce réseau ; fournisseurs d’énergie et opérateurs d’effacement ; gestionnaires de réseau public de distribution d’électricité ; consommateurs d’électricité à la demande du gestionnaire de réseau ;

– ces personnes sont responsables de la qualité des données fournies qui relèvent de leurs compétences et le gestionnaire du réseau public de transport en préserve la confidentialité. Cette responsabilité appelle plusieurs questions : le gestionnaire de réseau public de transport peut-il demander des informations complémentaires ; alors que le décret prévoit que ces données sont transmises dans un délai compatible avec l’échéance de publication du bilan électrique national, qu’est-ce que le « délai compatible » et y aurait-il des sanctions en cas de transmission de données insincères ?

Les informations transmises par les fournisseurs et opérateurs d’effacement au gestionnaire de réseau doivent comprendre, d’après le décret, « une évaluation quantitative des effets attendus ». Les méthodes utilisées pour calculer les quantités effacées étant nombreuses, le décret n’aurait-il pas dû préciser la méthode spécifique à utiliser pour cette évaluation quantitative ?

Le décret précise que le bilan national indique les capacités d’effacement de consommation et le volume d’énergie effacé, en distinguant les différentes « filières d’effacement ». Pourquoi ne pas faire une distinction selon les catégories d’effacements de consommation de l’article 168 de la loi ?

Article 177
Comité d’experts pour la transition énergétique

Cet article prévoit la composition et le statut des membres du comité d’experts pour la transition énergétique, ainsi que sa consultation pour l’élaboration du budget carbone et de la stratégie bas carbone.

Le comité a été mis en place le 14 octobre 2015, suite aux publications du décret n° 2015-1222 du 2 octobre 2015 relatif au comité d’experts pour la transition énergétique et de l’arrêté du 5 octobre 2015 portant nomination des huit membres du comité, dont le mandat est de deux ans renouvelable. Le décret précise les missions du comité. Alors que la loi établit uniquement la consultation du comité dans le cadre de l’élaboration du budget carbone et de la stratégie bas-carbone, ainsi que de la PPE, le décret prévoit également que le comité rende un avis sur le respect des budgets carbone déjà fixés ainsi que sur la mise en œuvre de la stratégie bas carbone en cours et qu’il élabore une synthèse des schémas régionaux, du climat, de l’air et de l’énergie. Le comité a d’ores et déjà produit un avis sur le projet de PPE pour la Corse le 14 octobre 2015 ainsi qu’un avis sur le projet de stratégie nationale bas carbone le 16 octobre 2015.

Article 178
Comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité

Ce dispositif est relatif au comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité. Il renvoie à un décret d’application, pris le 18 février 2016 (n° 2016-158) relatif à la compensation des charges de service public de l’énergie.

Ce texte précise la composition de ce comité, les modalités de désignation de ses membres, les modalités de son fonctionnement et indique qu’il est placé auprès du ministre chargé de l’énergie.

Il comprend :

– Un député et un sénateur,

– Un représentant de la Cour des comptes, désigné par le premier président de la Cour des comptes,

– Un représentant de la Commission de régulation de l’énergie désigné par le président du collège de la Commission de régulation de l’énergie (CRE),

– Un représentant du ministre chargé de l’énergie,

– Un représentant du ministre chargé de l’économie,

– Un représentant du ministre chargé du budget,

– Un représentant du ministre chargé des outre-mer,

– Trois personnalités nommées par le ministre chargé de l’énergie en raison de leurs qualifications, notamment économiques, sociales, environnementales et techniques dans les domaines des énergies renouvelables, des zones non interconnectées ou de la protection des consommateurs.

Le décret défini les modalités de fonctionnement du comité : le président du comité propose au ministre chargé de l’énergie, au plus tard le 30 juin de chaque année, un état prévisionnel des dépenses du comité de gestion pour l’année suivante ; il s’appuie sur les simulations établies par la CRE, et rend ses avis publics.

Votre Rapporteur formule les remarques suivantes :

– le décret ne comporte pas d’élément concernant la rémunération des membres du comité, les règles déontologiques ; les sanctions applicables en cas de non-respect de la confidentialité et le régime des incompatibilités. Les fonctions de membre du comité sont-elles compatibles avec une fonction d’agent public exerçant une responsabilité de contrôle ou de décision dans le secteur de l’énergie et avec la détention, directe ou indirecte, d’intérêts dans une entreprise du secteur de l’énergie, ce qui serait paradoxal au regard de la prohibition des conflits d’intérêts prévue dans la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ?

– le décret ne prévoit pas que le comité s’appuie sur les prévisions de la CRE lorsqu’il donne un avis préalable sur le volet de l’étude d’impact consacré aux charges couvertes par la CSPE ou lorsqu’il répond à une question des ministres chargés de l’énergie, de l’outre-mer, de l’économie ou du budget.

– les avis du comité sont publics. Qu’en est-il du suivi semestriel des engagements pluriannuels pris au titre des coûts couverts par la CSPE, prévu par le présent article ?

Article 179
Accès aux données de production et de consommation d’énergie et registre national des installations de production et de stockage d’électricité

Cet article prévoit la transmission aux personnes publiques, par les gestionnaires de réseaux de gaz, d’électricité ou de chaleur, ainsi que par les opérateurs mettant à la consommation des produits pétroliers, de données relatives à l’énergie, dès lors que ces données sont utiles à l’accomplissement des compétences exercées par ces personnes publiques.

Il requiert des décrets d’application qui ont tous été publiés.

Le décret n° 2016-350 du 24 mars 2016 portant diverses modifications du titre IV du livre Ier du code de l’énergie précise les informations devant figurer dans le registre national des installations de production et de stockage d’électricité. Pour chaque installation, le registre comporte des informations relatives à ses données d’identification, son historique et ses caractéristiques techniques et celles de son raccordement. Les éléments figurant dans le registre sont précisés par arrêté du ministre chargé de l’énergie.

Le décret n° 2016-972 du 18 juillet 2016 définit les informations rendues publiques ou pouvant l’être, de façon à limiter les atteintes potentielles au secret des affaires, au secret commercial ou statistique. Il abroge le décret n° 2011-1554 du 16 novembre 2011 relatif aux données permettant d’élaborer et d’évaluer les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie et les plans climat-énergie territoriaux et l’arrêté du 14 juin 2011 définissant la diffusion de données locales sur les énergies renouvelables.

Ce décret est complété par un arrêté daté du même jour, qui précise les modalités de transmission de ces données. Le décret n° 2016-973 du 18 juillet 2016 précise quant à lui les modalités de mise à disposition des données de transport, consommation et production d’électricité, de gaz naturel et de biogaz, de produits pétroliers et de chaleur et de froid ainsi que les personnes publiques bénéficiaires.

Le calendrier de mise à disposition des données est progressif :

– d’ici à la fin de l’année 2016, les gestionnaires de réseau de distribution de plus de 1 million de clients et les gestionnaires de réseaux de transport devront mettre à disposition les données de consommation annuelles de gaz et d’électricité, par secteur d’activité à la maille Iris (quartier de 2 000 habitants) et le nombre de points de livraison ;

– d’ici à la fin de l’année 2017, les consommations de gaz et d’électricité à la maille du bâtiment de plus de 10 logements devront être fournies par les gestionnaires de réseau ;

– en 2018, l’ensemble des données des distributeurs de gaz et d’électricité de plus de 100 000 clients et moins de 1 million de clients devra être mis à disposition. Le reste des distributeurs devra mettre à disposition les données avant la fin de l’année 2019.

Les collectivités pourront disposer gratuitement de ces données, en les demandant directement aux gestionnaires de réseaux dans un premier temps puis auprès du ministère de l’environnement dans un second temps. Les collectivités pourront également demander des compléments plus précis qui seront toutefois payants. Les décrets traitent également des cas particuliers des réseaux de chaleur et de froid ainsi que des produits particuliers.

Les acteurs sont globalement satisfaits des décrets d’application. Certains d’entre eux ont toutefois affirmé la nécessité de réévaluer régulièrement la maille territoriale pertinente à laquelle les données sont mises à disposition de façon à limiter les atteintes potentielles au secret des affaires, au secret commercial ou statistique. Ils estiment en effet que les progrès techniques en termes d’analyse des données permettront à l’avenir, pour une maille donnée, de retirer beaucoup plus d’information, et donc potentiellement de l’information sensible, qu’à l’heure actuelle. Votre Rapporteur estime que cette problématique gagnera à être étudiée dans le cadre du rapport que devra remettre le ministère chargé de l’énergie en 2018, puis tous les six ans. L’article 179 prévoit en effet la remise d’un rapport sur la possibilité de définir de nouvelles données mises à disposition et de simplifier les modalités de mise à disposition des données. D’autres acteurs soulignent que le véritable enjeu désormais, au-delà de la mise à disposition de données en énergie annuelle, porte sur la mise à disposition de profils de consommations selon un pas temporel infra-horaire (courbes de charge) et en temps réel.

Le processus de mise à disposition des données est en cours et les acteurs n’ont pas encore pu pleinement bénéficier de l’ensemble des données proposées. Votre Rapporteur rappelle la nécessité de mettre ces données rapidement à disposition. Elles peuvent notamment être utiles aux collectivités dans le cadre de l’élaboration de leurs plans climat-air-énergie territoriaux avant le 31 décembre 2016. Les agences régionales de l’énergie et de l’environnement, portant les observatoires de l’énergie et du climat, pourraient voir leur rôle pivot dans la réception des données conforté au titre de leur expertise, de leur rôle d’interface et de leur capacité à sécuriser les données.

 

Hors ZNI, gestionnaires des réseaux de distribution de plus de 1 000 000 clients et gestionnaires des réseaux de transport d’électricité et de gaz

Hors ZNI, gestionnaires des réseaux de distribution de plus de 100 000 clients et moins de 1 000 000 clients

Autres opérateurs

Date limite de 1re trans-mission par les gestion-naires de réseaux

Date de 1re publication
(diffusion au public)

Date limite de 1re transmission par les gestionnaires de réseaux

Date de 1re publication
(diffusion au public)

Date limite de 1re transmission
par les gestionnaires de réseaux

Date de 1re publication (diffusion au public)

Pour le gaz et l’électricité

Livraisons/consommations annuelles totales à maille communale (en attendant la maille IRIS)

   

2016

dès que possible

2016

dès que possible

Livraisons/consommations annuelles, par secteur d’activité à maille IRIS, et nombre de points de livraison

2016

dès que possible

2018

dès que possible

2019

dès que possible

Somme régionale et par EPCI des consommations annuelles des agrégats résidentiels et nombre de points de livraison

2016

dès que possible

2018

dès que possible

2019

dès que possible

Livraisons/consommations annuelles par bâtiment et nombre de points de livraison

2017

2019

2018

2020

2019

2021

Thermosensibilité

2018

dès que possible

2018

dès que possible

2020

dès que possible

Capacité d’injection de biométhane et quantité annuelle de biométhane injecté de chaque installation selon sa typologie

2016

dès que possible

2018

dès que possible

2018

dès que possible

Données du registre national des installations de production d’électricité et de stockage mentionné à l’article L. 142-9-1 du code de l’énergie rendues publiques

-

2017

-

2017

-

2017

Pour la chaleur et le froid

Livraisons/consommations annuelles totales à maille communale (en attendant la maille IRIS)

-

-

-

-

2016

dès que possible

Livraisons/consommations annuelles par secteur d’activité à maille IRIS et nombre de points de livraison

-

-

-

-

2019

dès que possible

Puissance installée et production annuelle des réseaux, contenu CO2 et part issue d’installations de cogénération

-

-

-

-

2016

dès que possible

Consommation annuelle par point de livraison ou bâtiment, nombre de points

-

-

-

-

2019

2021

Source : Arrêté du 18 juillet 2016 fixant les modalités de transmission des données de transport, distribution et production d’électricité, de gaz naturel et de biométhane, de produits pétroliers et de chaleur et de froid

Article 180
Intégration de la transition énergétique dans les politiques d’emploi et d’enseignement supérieur

L’article prévoit que les politiques d’emploi et le dialogue social, tant au niveau des branches professionnelles que des entreprises, consacrent une attention particulière à l’accompagnement des transitions professionnelles afférentes à la transition écologique et énergétique, au regard, notamment, des orientations fixées par la programmation pluriannuelle de l’énergie. Cet article est d’application directe. (164)

Article 181
Inclusion des techniques de mise en
œuvre et de maintenance dans les formations d’enseignement technologique, professionnel et agricole

Les formations dispensées dans les établissements d’enseignement technologique, professionnel, agricole et les centres de formation des apprentis doivent favoriser les techniques de mise en œuvre et de maintenance des énergies renouvelables, ainsi que les dispositifs d’efficacité énergétique et de recyclage. Cet article est d’application directe.

Article 182
Formation continue relative au développement durable et à la transition énergétique

L’article prévoit que l’État élabore, en concertation avec les organisations syndicales de salariés, les organisations représentatives des employeurs et les collectivités territoriales, un plan de programmation de l’emploi et des compétences tenant compte des orientations fixées par la PPE.

Le plan de programmation de l’emploi et des compétences fait, pour l’instant, défaut. Le volet relatif aux impacts économiques et sociaux du projet de PPE contient cependant une estimation des emplois générés par le déploiement des énergies renouvelables aux horizons PPE.

Créations et pertes d’emplois par secteur en 2030, dans le scénario de référence (en milliers d’équivalents temps plein)

Source : Projet de programmation pluriannuelle de l’énergie mis en consultation du 15/09/2016 au 15/10/2016

La PPE de Corse établit le nombre d’emplois générés par la mise en œuvre de la transition énergétique. À l’horizon 2023, près de 4 500 emplois devraient être créés dans la rénovation énergétique et 210 à 380 dans l’exploitation des équipements ENR. À ces emplois pérennes s’ajoute la création d’environ 3 500 emplois non permanents liés à la construction des infrastructures énergétiques, notamment dans le cadre de la centrale à cycle combiné gaz d’Ajaccio.

Article 183
Recherche en matière d’énergie

Le I de cet article fixe les objectifs de la recherche en matière d’énergie et son II renvoie aux ministres chargés de la recherche et de l’énergie le soin de définir et de rendre publique une stratégie nationale de la recherche énergétique. Son objet étant l’application même de cette stratégie, le dispositif, qui prévoit la consultation du conseil national de la transition énergétique et une concertation avec les régions, ne nécessite pas d’autre texte d’application. La stratégie nationale de recherche doit être révisée tous les 5 ans. La dernière a été rendue publique au début de l’année 2015.

Votre Rapporteur regrette qu’il faille attendre 2020 pour que la stratégie nationale de recherche prenne pleinement en compte les orientations de la politique énergétique et climatique définies dans les outils de planification issus de la loi, notamment la stratégie bas carbone. Il note toutefois que, en phase avec l’Agenda stratégique de la recherche et de l’innovation France Europe 2020, cette stratégie cherche d’ores et déjà à répondre à certains défis au cœur de la transition énergétique. Cette stratégie a, en effet, défini les défis suivants comme faisant partie des défis des dix années à venir : « une gestion sobre des ressources et une adaptation au changement climatique », « une énergie propre, sûre et efficace », « une mobilité et des systèmes urbains durables ».

Article 184
Actions d’efficacité énergétique

Cet article assigne à RTE une nouvelle mission, consistant à « mettre en œuvre des actions d’efficacité énergétique » et à « favoriser l’insertion des énergies renouvelables sur le réseau ». Cet article est d’application directe.

L’entreprise s’attache depuis longtemps à la mise en œuvre d’actions d’efficacité énergétique en cherchant, par exemple, à réduire ses pertes en ligne, c’est-à-dire la dissipation d’énergie due à l’acheminement du courant d’un point à un autre. Le critère « pertes » tend ainsi à être de plus en plus intégré dans les études de développement de réseau à moyen et long termes. RTE travaille également, avec les constructeurs, sur de nouvelles technologies de matériels (postes et transformateurs) à faible perte.

RTE cherche à favoriser l’insertion des ENR sur le réseau. L’entreprise accorde une attention particulière au développement de réseaux intelligents de distribution électrique, ou « smart grids » qui permettent de gérer les réseaux de manière plus réactive (comptage communicant, stockage de l’électricité, modèles de marché, onduleurs et charges contrôlables, etc.) et donc de faciliter l’intégration des EnR.

Si ces différentes actions n’ont donc pas été impulsées par la loi, cette dernière a permis de conforter RTE dans ces missions.

Article 185
Saisine du médiateur national

Cet article renforce les prérogatives du médiateur national de l’énergie en étendant ses compétences à toutes les énergies domestiques et non plus seulement à celles de l’électricité et du gaz naturel. Cette extension est souhaitable, puisqu’elle étend la compétence de l’autorité administrative indépendante au fioul, au bois, au gaz bouteilles, etc. mais les contestations en la matière ne sont que peu nombreuses : la fourniture de fioul est le fait d’environ 1 000 opérateurs, souvent locaux, et ne pose pas les problèmes que présente la consommation de gaz ou d’électricité.

L’article prévoit également que les entreprises sont tenues d’informer leurs clients de l’existence et des modalités de saisine du médiateur national de l’énergie.

Cet article est d’application directe.

Votre mission souhaite réaffirmer que le statut d’autorité administrative indépendante est indispensable au bon fonctionnement du médiateur de l’énergie, même si l’existence actuelle d’une personnalité morale prévue par la loi (article L 122-5 du code de l’énergie) ne se traduit pas par la perception d’une recette affectée, et donc crée une dépendance vis-à-vis du ministère de rattachement budgétaire, au regard de la régulation des crédits budgétaires, même si la prévision budgétaire pour 2017 maintient le budget du médiateur à 5,7 millions d’euros, soit le même niveau de crédits qu’en 2016.

Si un changement de statut a parfois été réclamé (165), votre mission ne peut que souligner que ce statut est indispensable au bon fonctionnement du médiateur, et qu’elle est donc particulièrement attachée au maintien de la forme d’autorité administrative, et serait même favorable à sa reconnaissance législative.

Article 186
Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

L’existence légale, le rôle et les moyens de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ( IRSN) et sa place dans le dispositif de sûreté sont désormais définis au niveau légal. Les avis de l’Institut sont rendus publics.

Le décret n° 2016-283 du 10 mars 2016 relatif à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est pris en application de cet article. Il remplace le décret n° 2002-254 du 22 février 2002. Les ministères de tutelle de l’IRSN sont désormais ceux chargés de l’environnement, de la défense, de l’énergie, de la recherche et de la santé et non plus celui chargé de l’industrie.

Le décret prévoit la participation du Président de l’ASN au Conseil d’administration de l’IRSN et clarifie les attributions du Président du conseil d’administration, lequel assure désormais les relations de l’IRSN avec les ministres de tutelle et le président de l’ASN, préside le comité d’orientation des recherches et propose des membres pour le conseil scientifique

Concernant les missions de l’IRSN, la politique de recherche de l’Institut est renforcée par la création d’un comité d’orientation des recherches. L’IRSN a désormais également comme mission d’apporter un appui technique aux autorités de l’État en cas d’incident ou d’accident impliquant des sources de rayonnements ionisants. Plus largement, ce décret conforte le système de contrôle des activités nucléaires civiles. Ce dernier est fondé sur l’articulation entre deux composantes, l’une régalienne, portée par l’ASN, et l’autre scientifique et technique, portée par l’IRSN.

Chapitre II
Le pilotage de la production d’électricité

Article 187
Autorisation et plan stratégique des exploitants produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité

Cet article porte sur les autorisations d’exploiter des installations d’électricité.

« Les autorisations d’exploiter des installations de production d’électricité accordées par l’autorité administrative ne sauraient être assimilées à des biens objets pour leurs titulaires d’un droit de propriété » juge le Conseil constitutionnel. Il estime en outre que « les dispositions de l’article L. 311-5-6 exigent un dépôt de la demande d’autorisation d’exploiter une installation nucléaire de base au moins dix-huit mois avant la mise en service de cette installation et au plus tard dix-huit mois avant l’expiration du délai de mise en service fixé par l’autorisation de création de l’installation ; qu’ainsi qu’il résulte des travaux préparatoires, le législateur a entendu donner un temps suffisant à l’autorité administrative pour instruire des demandes d’une complexité particulière ».

Il reste que cet article est fondamental, puisqu’il plafonne en volume la capacité de production d’énergie nucléaire.

L’énergie nucléaire

S’agissant de l’énergie nucléaire, la capacité globale du parc, pour respecter les objectifs fixés à l’article 1er, ne peut être portée à plus 63,2 Gw (art. L 311-5-5 du code de l’énergie), plafond qui ne tient pas compte de l’ouverture de la centrale de Flamanville, lequel portera la puissance de production du parc actuellement en fonctionnement à 64,85 Gw. En conséquence, ce dispositif devrait conduire à la fermeture subséquente d’une centrale. M. Jean Bernard Levy, Président directeur général d’EDF, par lettre du 9 octobre 2015, diffusée largement (166) réclame un report de la date de mise en service de l’INB « Flamanville 3 » et indique, pour respecter le plafond à 63,2 Gw, que la demande d’abrogation relative aux capacités existantes sera simultanée et fondée sur l’étude de « l’unique hypothèse de la fermeture des deux réacteurs 900 MW du site de Fessenheim ».

Quant à la PPE, elle indique qu’en application du plafond de 63,2 Gw il est prévu « d’abroger par décret en 2016 l’autorisation d’exploiter des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim » et ne comporte qu’une autre indication non décisive sur les réacteurs de plus de 40 ans, pour lesquels les décisions seront prises en fonction de l’évolution de la consommation d’électricité, des exportations, du développement des ENR des décisions de l’ASN et de l’impératif de sécurité des approvisionnements. Votre Rapporteur juge que la PPE n’ajoute rien de concret aux dispositions existantes. Tel est d’ailleurs le constat fait par le Conseil national de la transition écologique dans sa délibération du 9 septembre 2016 (n° 2016-07, point 37) :

Conseil national de la transition écologique

Certains membres du CNTE considèrent que la PPE devrait comprendre un objectif précis de nombre de réacteurs nucléaires à fermer d’ici 2023 et que la réduction de la production nucléaire affichée dans la PPE n’est pas suffisante pour atteindre l’objectif fixé par la loi d’une part de nucléaire de 50 % dans la production d’électricité à l’horizon 2025 ; ils s’inquiètent de la cohérence du volet offre d’énergie avec les objectifs de la loi. Certains membres considèrent que les énergies renouvelables et le nucléaire sont complémentaires pour contribuer à la décarbonations du secteur électrique. D’autres membres du CNTE expriment leur opposition à toute fermeture de centrale nucléaire pour des raisons qui ne relèvent pas de la sûreté.

Même si chacun est parfaitement conscient de la difficulté du sujet, y compris pour le cas de Fessenheim dont un des réacteurs est actuellement à l’arrêt, et si en l’espèce le rôle dévolu à l’ASN est effectivement essentiel, votre Mission doit, en restant dans son champ de compétence, regretter que la PPE ne joue pas, ici comme en matière de recherche et développement, son rôle programmatique, en n’anticipant aucune piste. Cette absence de « programmation » est d’autant plus regrettable que :

– la cessation d’exploitation de Fessenheim a donné lieu à des évaluations très disparates, qui ont alimenté la polémique,

– la France est, à l’égard de la part du nucléaire dans son mix énergétique, dans une situation très spécifique, permettant d’envisager plusieurs pistes de réflexion, les différences d’incidences d’éventuelles fermetures en fonction, par exemple, des situations géographiques, des potentialités de développement d’activités économiques de remplacement, de coût d’indemnisation de l’exploitant, etc.

Si les États-Unis possèdent le plus grand nombre de réacteurs nucléaires, la part de l’électricité nationale d’origine nucléaire n’y est que de 19,5 %. Le Royaume-Uni compte actuellement 16 réacteurs nucléaires répartis au sein de 8 centrales. Ces dernières sont toutes exploitées par EDF Energy à l’exception du réacteur de Wylfa, exploité par Magnox (actuellement à l’arrêt). En 2014, ce parc nucléaire a généré environ 57,9 TWh.

La France est donc le pays dont la part d’électricité d’origine nucléaire est la plus importante : 77 % en 2014 selon le bilan électrique de RTE (416 TWh), provenant des 58 centrales.

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Cette originalité doit, selon votre mission entraîner au moins deux exigences, déjà soulignées.

D’une part, il est indispensable de disposer d’évaluations fiables du coût global d’indemnisation et de démantèlement de chaque centrale en fonctionnement depuis plus de 35 ans, ventilée par type de dépenses.

D’autre part, il convient qu’un débat annuel ait lieu au Parlement sur les questions énergétiques et que les décisions soient planifiées à plus long terme, et prises après une phase de consultations publiques.

Chapitre III
La transition énergétique dans les territoires

Article 188
Rôle de la région, plans climat air énergie

Le I de cet article décrit le rôle des régions dans le cadre de la transition énergétique et son II ajoute au sein des schémas régionaux du climat de l’air et de l’énergie les programmes régionaux pour l’efficacité énergétique, dont il énumère le contenu.

Les III à VIII portent sur les plans climat air énergie.

L’article L 229-26 du code de l’environnement prévoit l’adoption d’un « plan climat énergie », auquel le dispositif substitue un plan climat air énergie, le VII prévoyant cependant le maintien des plans climat énergie territoriaux (P.C.E.T) existants à titre transitoire. Ces PCET devaient être mis en place :

– dans la métropole de Lyon et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existant au 1er janvier 2015 et regroupant plus de 50 000 habitants au plus tard le 31 décembre 2016,

– dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existant au 1er janvier 2017 et regroupant plus de 20 000 habitants au plus tard le 31 décembre 2018.

Ces plans, qui constituent le volet « climat » de l’agenda 21, et sont définis, sur le territoire de l’établissement public ou de la métropole, comportent :

1° Les objectifs stratégiques et opérationnels afin d’atténuer le changement climatique,

2° Le programme d’actions à réaliser afin d’améliorer l’efficacité énergétique, le potentiel en énergie de récupération, le stockage et la distribution d’énergie, de développer les territoires à énergie positive, de limiter les émissions de gaz à effet de serre et d’anticiper les impacts du changement climatique, avec le cas échéant, des volets spécifiques au développement de la mobilité sobre et décarbonée, et à la maîtrise de la consommation énergétique de l’éclairage public et de ses nuisances lumineuses. et aux réseaux de chaleur ou de froid ;

3° le cas échéant un programme des actions permettant, au regard des normes de qualité de l’air mentionnées à l’article L 221-1, de prévenir ou de réduire les émissions de polluants atmosphériques ;

4° Un dispositif de suivi et d’évaluation des résultats.

S’agissant des plans climat énergie, cet article recentre leur gouvernance sur l’échelon intercommunal, avec une dimension résolument territoriale et en complétant leur contenu. Les PCET étaient initialement élaborés par toute collectivité territoriale de plus de 50 000 habitants. Il pouvait y avoir jusqu’à 4 PCET sur un point du territoire, portés par la commune, l’agglomération, le département, la région.

Dorénavant seules les intercommunalités à fiscalité propre sont concernées, donc sans chevauchement territorial. Par ailleurs, bien que dénommés « territoriaux », les PCET portaient dans les faits principalement sur le champ de compétences de chaque collectivité, donc sur les émissions induites par les seuls patrimoines et services de ces collectivités, et non pas sur les émissions générées sur l’ensemble du territoire. Désormais, il s’agit de bien appréhender l’ensemble des activités du territoire, bien au-delà des seules compétences de la collectivité en charge d’élaborer le plan. Enfin, un A est ajouté pour le volet pollution atmosphériques/qualité de l’air qui est dorénavant intégré. Le PCET devient PCAET. D’autres éléments spécifiques sont également intégrés par la loi.

Le décret n° 2016-849 du 28 août 2016 est pris en application de l’article 190 mais également, même si cela ne figure pas dans les visas, en application du présent article. Il remplace le décret n° 2011-829 du 11 juillet 2011 pour sa partie relative au plan climat-énergie territorial et précise le contenu du PCAET. Il prévoit une dérogation au calendrier de mise en place du PCAET pour les collectivités qui ont adopté un PCET avant le 17 août 2015, dès lors que ce plan porte sur les émissions générées sur l’ensemble du territoire de la collectivité et qu’il traite spécifiquement de la problématique de la qualité de l’air. Ce décret définit également les modalités d’élaboration, de consultation, d’approbation et de mise à jour du plan. À ce sujet, l’arrêté du 4 août 2016 relatif au plan climat-air-énergie territorial, soumis à la consultation du public durant le mois de juin, précise les conditions de mise à disposition du public au travers d’une application informatique mentionnée à l’article L 229-26 du code de l’environnement (articles 4 à 6). Votre Rapporteure se félicite des modalités facilitant la communication des données relatives au PCAET, notamment aux citoyens qui le souhaitent, sans pour autant nuire à la protection et la confidentialité de certaines données.

L’arrêté du 4 août 2016 qui complète le dispositif fait l’objet d’une analyse avec l’article 190.

Article 189
Installation d’éclairage public

L’exigence d’un éclairage public « exemplaire » pour les installations relevant de l’État et des collectivités territoriales est, sous réserve d’adaptations purement matérielles auxquelles il doit conduire, d’application directe.

Article 190
Modalité de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre

L’article prévoit que sont définies par voie réglementaire les modalités de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre du territoire sur lequel est établi le plan climat-air-énergie territorial. Alors que les polluants atmosphériques seront comptabilisés selon une approche directe, les gaz à effet de serre le seront selon une approche indirecte (167) s’agissant des consommations électriques, de chaleur et de froid. Cela permet de comptabiliser les émissions sur leur site de consommation plutôt que de production.

L’arrêté du 4 août 2016 relatif au plan climat-air-énergie territorial a fait l’objet d’une consultation publique du 10 juin 2016 au 1er juillet 2016. Il définit la liste des polluants atmosphériques à prendre en compte dans les PCAET (article 1er), c’est-à-dire « les oxydes d’azote (NOx), les particules PM10 et PM2,5 et les composés organiques volatils (COV) […], ainsi que le dioxyde de soufre (SO2) et l’ammoniac (NH3) », la décomposition en secteurs d’activité (article 2) « résidentiel, tertiaire, transport routier, autres transports, agriculture, déchets, industrie hors branche énergie, branche énergie (hors production d’électricité, de chaleur et de froid pour les émissions de gaz à effet de serre, dont les émissions correspondantes sont comptabilisées au stade de la consommation) » et les unités à utiliser (article 3).

Les polluants atmosphériques seront comptabilisés selon une approche directe. Comme pour les bilans de gaz à effet de serre, les gaz à effet de serre seront eux comptabilisés selon une approche indirecte s’agissant des consommations électriques, de chaleur et de froid, consistant à compter ces émissions sur leur site de consommation plutôt que de production.

Article 191
Agences régionales de l’environnement

Cet article insiste sur le rôle de premier plan des agences régionales de l’énergie dans la mise en œuvre et le suivi de la politique énergétique des régions. Il est d’application directe.

À l’automne 2016, la situation est contrastée. Certains exécutifs régionaux au sein des régions fusionnées demeurent en cours de structuration et leurs orientations stratégiques vis-à-vis des agences régionales ne sont pas complètement définies. Dans d’autres régions, les missions d’observation, d’animation et d’accompagnement des territoires, qui sont celles des agences régionales de l’énergie, ont été élargies à l’échelle du nouveau périmètre régional, notamment pour ce qui est de l’agence régionale de l’énergie et de l’environnement en Rhône-Alpes, en Bourgogne Franche-Comté, en Normandie, en Nouvelle Aquitaine et en Occitanie.

Article 192
Agences locales de l’énergie et du climat

La faculté de créer des agences locales de l’énergie et du climat dépend de décisions des collectivités territoriales et des EPCI. Elle ne nécessite aucun texte d’application. Leur statut n’étant pas fixé par la loi, on peut en conclure qu’il s’agit simplement de structures administratives.

Article 193
Prise en compte des réseaux d’énergie dans les orientations d’aménagement et de programmation des plans locaux d’urbanisme

Les plans locaux d’urbanisme en vigueur devront prendre en compte les réseaux d’énergie lors de leur prochaine révision. Cette disposition est d’application directe.

Article 194
Réseaux de distribution de chaleur et de froid

L’article instaure l’obligation de réalisation, avant le 31 décembre 2018, d’un schéma directeur par les collectivités propriétaires d’un réseau de chaleur ou de froid en service au 1er janvier 2009. L’article ne nécessite pas de texte d’application. Si cet article ne détaille pas les étapes à suivre pour l’établissement d’un tel schéma, votre Rapporteure note la publication d’un guide de réalisation pour le schéma directeur d’un réseau existant de chaleur ou de froid (168) par AMORCE avec le soutien de l’ADEME.

Article 195
Compétences transitoires des établissements publics d’aménagement pour la distribution de chaleur et de froid

Cet article, qui donne compétence aux établissements publics d’aménagement pour assurer un service de distribution de chaleur et de froid est d’application directe. Il est notamment utile au développement du projet de géothermie mis en œuvre sur le plateau de Saclay, lauréat de l’appel à projets territoires à énergie positive pour la croissance verte.

Article 196
Recensement des réseaux de chaleur au sein du schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie

L’article L 222- 1 du code de l’environnement est relatif à l’élaboration, au contenu et à la procédure d’approbation du schéma régional du climat de l’air et de l’énergie. La procédure, prévue par l’article L 222-2 du même code, a fait l’objet d’une déclaration d’inconstitutionnalité par la décision n° 2014-395 QPC du 7 mai 2014 qui a estimé « qu’en fixant la durée minimale pendant laquelle ce schéma est mis à la disposition du public et en déterminant la forme de cette mise à disposition, qui doit être faite notamment par voie électronique, le législateur s’est borné à prévoir le principe de la participation du public sans préciser « les conditions et les limites » dans lesquelles doit s’exercer le droit de toute personne de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ; qu’il a renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de fixer ces « conditions et limites » ; que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n’assurent la mise en œuvre du principe de participation du public à l’élaboration des décisions publiques en cause », mais l’article L. 222-1 a alors été jugé conforme à la Constitution.

Cependant, la mise à disposition du public de ces schémas devra donc faire l’objet d’une précision, sans doute législative, à venir.

Le présent article, dû à l’adoption par la commission spéciale d’un amendement de M. François Michel Lambert (article 22 ter, déplacé par le Sénat) ne poursuit pas cet objectif, mais complète le II de l’article L. 222-1 du code de l’environnement qui définit les éléments sur lesquels « s’appuie » le projet de schéma - inventaire des émissions de polluants et de gaz à effet de serre, bilan énergétique, évaluation de potentiel énergétique et liste des améliorations possibles - par une référence au « recensement de l’ensemble des réseaux de chaleur ».

Une telle information fait en effet défaut dans le dispositif antérieur.

Comme l’indique le centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), aucun recensement détaillé, complet et librement accessible de l’ensemble des réseaux de chaleur français n’existe aujourd’hui. L’enquête nationale sur les réseaux de chaleur pratique, certes, un premier recensement mais celui-ci ne concerne que les réseaux d’une certaine taille. Si dans quelques régions comme en Rhône-Alpes, Île-de-France et Pays-de-la-Loire, des initiatives ont été prises pour élaborer une base de données unique et précise de la situation régionale des réseaux de chaleur, ces démarches sont souvent coûteuses et hors de portée de certaines collectivités.

Le pôle réseaux de chaleur du CEREMA estime toutefois qu’il est possible de collecter les données provenant des différentes sources existantes et d’obtenir un état des lieux permettant un premier niveau de prise en compte des réseaux de chaleur dans les SRCAE. Des informations relatives à la localisation des réseaux de chaleur dans la commune, des quantités d’énergie livrées et de leur contenu en CO2 peuvent en effet être obtenues. Le guide du Cerema « Réaliser un état des lieux des réseaux de chaleur à l’échelle régionale » de 2012 décrit cette démarche qui peut être réalisée en régie par les services de la DREAL ou du conseil régional. Votre Rapporteure considère que ce premier niveau de prise en compte respecte l’esprit de la loi.

Votre Rapporteure considère que ce premier niveau de prise en compte respecte la loi. Elle juge cependant nécessaire en premier lieu de compléter le dispositif législatif pour remédier à l’inconstitutionnalité jugée en 2014. En outre, elle souligne que si l’instruction du 29 juillet 2011, obsolète puisqu’elle se fondait sur la date d’approbation des SRCAE antérieurement prévue – qui n’avait pas été tenue – et sur le texte issu de loi « Grenelle II », a fait l’objet d’une abrogation par la circulaire du 7 mars 2016 (BO du 25 mars 2016, NOR DEUR 1600847 J) aucun autre texte d’application n’est intervenu. De ce fait, une incertitude demeure au regard des schémas actuels, qui doivent intégrer le recensement des réseaux de chaleur, sans que puisse être déterminée l’entrée en vigueur de cet article ou son applicabilité concrète.

En cohérence avec le II de l’article 188 de la présente loi, qui a créé au sein du même article du code de l’environnement les programmes régionaux pour l’efficacité énergétique, et même si ni l’une ni l’autre de ces dispositions législatives n’appellent directement de mesure réglementaire, il convient de demander a minima au Gouvernement de prendre, le plus rapidement possible une circulaire d’application dudit article L 222-1 du code de l’environnement.

Article 197
Schéma régional biomasse

La biomasse énergie est la première source d’ENR en France. Elle comprend la production d’énergie à partir de biomasse solide (bois, déchets, résidus organiques), gazeuse (biogaz) ou liquide (biocarburants).

L’enjeu de cet article est celui de la mobilisation de la biomasse et de l’articulation des usages de la biomasse entre ses différents débouchés, en particulier pour le bois. Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), IFP Énergies nouvelles (IFPEN), l’institut national de la recherche agronomique (INRA) et l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea), ont réalisé une étude stratégique (169) sur le potentiel de la filière biomasse en France. L’étude insiste sur l’importance de l’échelon régional dans le développement de la filière. Les modèles de développement adéquats dépendent en effet des caractéristiques de chaque territoire (nature et répartition spatiale des biomasses mobilisables).

Ainsi, cet article prévoit l’élaboration d’un schéma régional biomasse entre le préfet de région et le Président du conseil régional. Le décret d’application, n° 2016-1134 du 19 août 2016 relatif à la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse et aux schémas régionaux biomasse, dont la publication était prévue en février 2016 selon le site Légifrance, et pour lequel un projet était mis en circulation en avril, prévoit une articulation des usages plutôt qu’une hiérarchie des usages. Coop de France a appelé à une large concertation, notamment avec les acteurs de terrain.

Le schéma régional comprendra un rapport sur l’état des filières ainsi qu’un document d’orientation. Celui-ci définira « des objectifs quantitatifs de développement et de mobilisation des ressources de biomasse susceptible d’avoir un usage énergétique pour satisfaire les besoins des filières énergétiques et non énergétiques ». Un dispositif de suivi devra être mis en place.

Il est nécessaire de s’interroger sur la procédure d’élaboration du schéma régional biomasse. Le décret prévoit que le représentant de l’État dans la région et le président du conseil régional s’appuient sur un comité associant des représentants des élus régionaux, des acteurs économiques et des associations de protection de l’environnement. Il ne précise toutefois pas la composition de ce comité.

Article 198
Commission consultative au sein des EPCI

L’article prévoit la création, avant le 1er janvier 2016, d’une commission consultative entre les syndicats d’énergie et les EPCI à fiscalité propre de leur territoire afin de coordonner l’action de ses membres dans le domaine de l’énergie, de mettre en cohérence leurs investissements et faciliter l’échange de données. Cette disposition est d’application directe.

Article 199
Expérimentation sur le développement des services de flexibilité locaux

Cet article autorise, pour une durée de quatre ans renouvelable une fois, les établissements publics et des collectivités territoriales à s’associer à des tiers, producteurs ou consommateurs d’électricité et de gaz naturel, afin de proposer à un gestionnaire de réseaux de distribution d’électricité un service de flexibilité locale.

Ce service peut notamment prendre la forme d’un effacement ponctuel de consommation, d’une modulation ou un report de charge, d’un écrêtement de production d’électricité, d’une conversion d’un excédent d’électricité en hydrogène ou en gaz naturel. Il doit permettre au gestionnaire de réseaux de distribution d’électricité de réduire ses coûts d’investissements ou de gestion de ses réseaux tout en assurant un bénéfice positif pour le système électrique. Le gestionnaire de réseau de distribution d’électricité rémunère le porteur de projet à hauteur de ces coûts évités. La rémunération de ce service est incluse dans les charges couvertes par le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité.

Le décret n° 2016-704 du 30 mai 2016 relatif aux expérimentations de services de flexibilité locaux sur des portions du réseau public de distribution d’électricité détermine les conditions d’application de cet article. L’expérimentation ne peut porter que sur des ouvrages du réseau « situés en aval d’un même point de ce réseau ».

Votre Rapporteure accueille favorablement la disposition permettant aux flexibilités locales d’être utilisées pour répondre à tous les besoins du système électrique, au niveau local comme national. Le décret indique simplement que si le porteur de projet de flexibilité locale participe aux mécanismes de flexibilité nationale comme le mécanisme d’ajustement de RTE, il le mentionne dans sa proposition au GRD. Cela constitue une avancée. Si les capacités d’effacement ou les capacités de production raccordées aux réseaux publics de distribution n’avaient pas été autorisées à participer au mécanisme d’ajustement de RTE en raison de leur participation à des services de flexibilité locaux, RTE aurait été contraint de trouver un potentiel de flexibilité auprès d’autres capacités plus coûteuses pour équilibrer l’offre et la demande d’électricité. Cela aurait engendré des surcoûts inutiles.

La possibilité donnée aux flexibilités locales de participer effectivement à la gestion du système électrique à tous les échelons appelle une procédure longue et complexe d’approbation des projets de flexibilité locale explicitée dans le schéma ci-dessous. Votre Rapporteure estime qu’elle permet la bonne information et la juste coordination de tous les acteurs impliqués dans l’équilibrage de l’offre et de la demande.

LA PROCÉDURE D’APPROBATION D’UN PROJET DE FLEXIBILITÉ LOCALE


Source : Ajustement du schéma de la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 17 mars 2016 portant avis sur le projet de décret relatif au service de flexibilité locale, pour prendre en compte les dispositions du décret final.

Enedis accompagne les premières expérimentations en dialoguant avec les porteurs de projets en amont du dépôt de dossier pour aider à la définition du service, à évaluer son opportunité (faisabilité technique, indications sur l’apport au réseau public de distribution, …) puis instruit les demandes conformément au décret. Des discussions sont en cours avec certains territoires intéressés, mais aucun dossier de demande n’a été à ce jour formellement déposé.

Enedis finalise par ailleurs un projet de convention type qui sera utilisé pour contractualiser avec les opérateurs retenus. Elle sera prochainement mise en consultation.

Toutefois, votre Rapporteure reprend à son compte une critique de la CRE concernant l’implication tardive dans la procédure du gestionnaire du réseau public de transport d’électricité RTE : « la CRE « estime plus pertinent d’anticiper la concertation avec le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité et que celle-ci soit réalisée, sous l’égide du gestionnaire de réseaux publics de distribution d’électricité concerné par l’expérimentation, dès la phase d’étude et d’avis sur la proposition soumise, afin que la convention signée en tienne compte. » (170) L’implication de RTE est d’autant plus importante que ces mécanismes de flexibilité locale sont compatibles entre eux.

La rémunération du porteur de projet se fonde sur l’évaluation par le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité de l’impact effectif du service sur les coûts d’investissement et de gestion du réseau public de distribution d’électricité. La mise en place de ces expérimentations n’accroît donc pas les charges couvertes par le TURPE, ce dont votre Rapporteure se félicite.

Article 200
Déploiement expérimental de réseaux électriques intelligents : habilitation à légiférer par ordonnance

Cet article prévoit de définir des expérimentations au niveau régional pour faciliter le développement des réseaux électriques intelligents « smart grids ».

Des ordonnances devaient définir les périmètres géographique et technique de ces expérimentations. De nombreux acteurs ont soumis des propositions d’expérimentation en février 2016. Pourtant, ces ordonnances, qui devaient être prises dans un délai d’un an après la promulgation de la loi, ne l’ont pas été. Un nouveau véhicule législatif étant désormais nécessaire, votre Rapporteure, estime qu’il est désormais utile d’attendre la publication prochaine de l’étude menée par RTE (171) et l’ADEME visant à approfondir les évaluations des valeurs économique, environnementale et sociale associées au développement des « smart grids ». Cette étude était initialement prévue pour juillet 2016, et il est souhaitable qu’elle paraisse le plus rapidement possible.

Article 201
Chèque énergie

L’article 1.1 de la loi du 31 mai 2010 visant à la mise en œuvre du droit au logement définit la précarité énergétique : « Est en situation de précarité énergétique au titre de la présente loi une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat», qui ainsi repose sur l’idée, hélas étayée, que les logements les moins décents sont aussi ceux qui engendrent les dépenses de chauffage les plus élevées.

Cette loi mentionne, de manière d’ailleurs redondante (art 2 et 4) la lutte contre la précarité énergétique dans le contenu du plan local d’action pour le logement des personnes défavorisées.

En matière d’énergie, la mise en œuvre de cette lutte reposait, antérieurement à cet article sur le dispositif de tarifs sociaux, prévus par l’article L 337-3 du code de l’énergie : « Les tarifs de vente d’électricité aux consommateurs domestiques tiennent compte du caractère indispensable de l’électricité pour les consommateurs dont les revenus du foyer sont, au regard de la composition familiale, inférieurs à un plafond, en instaurant pour une tranche de leur consommation une tarification spéciale produit de première nécessité. Cette tarification spéciale est applicable aux services liés à la fourniture. ». Ces tarifs sont le tarif de première nécessité pour l’électricité et le tarif spécial de solidarité pour le gaz. Le décret du 8 avril 2004 fixe le plafond de ressources pour bénéficier du TPN à 5 520 € par foyer, et le décret n° 2013-1031 a ouvert les conditions de cette tarification spéciale.

Le bénéfice de ces tarifs est ouvert sous conditions de ressources : le plafond est celui donnant droit à la CMU-C ou à l’aide pour une complémentaire santé (ACS). (pour un couple avec deux enfants, le seuil est de 2 030 € mensuels), ou du revenu fiscal de référence (RFR) par part fiscale selon un seuil fixé par décret : (pour un foyer fiscal, 2 175 € par part fiscale, majorée de 11,3 % outre-mer). Cette extension devait faire passer le nombre de bénéficiaires d’1,7 millions (1,2 million pour le TPN, 450 000 pour le tarif du gaz) à environ 4 millions au total.

En dépit de cette ouverture, le système a été l’objet de critiques récurrentes : en 2010, le nombre des bénéficiaires du TPN est passé de 940 000 à 615 000, cette baisse s’expliquant par une actualisation des fichiers pour tenir compte des ayants droit à la CMU C ; en 2012, il passe en sens inverse de 650 000 à 1,2 million de foyers ! Ces variations, la complexité de la procédure, qui en expliquent une partie, permettent de traduire l’écart entre le nombre de bénéficiaires potentiels et le nombre de foyers effectivement bénéficiaires. Sont également en cause la séparation du traitement de l’électricité et de celui du gaz, ainsi que le fait que le système exclut d’autres sources énergétiques, ce qui pénalise les ménages se chauffant au fioul, les frais de gestion importants et le caractère modique de la baisse de tarif (71 à 140 € forfaitisés par an).

Tout plaidait donc pour un nouveau système, dont le présent article constitue la mise en place. Le décret d’application est paru le 6 mai 2016.

Toutefois, comme l’ont souligné la plupart des interlocuteurs de la mission, quatre aspects du dispositif ainsi entré dans sa phase opérationnelle suscitent des interrogations :

– La limitation de l’expérimentation à quatre départements seulement : l’Ardèche, l’Aveyron, les Côtes-d’Armor et le Pas-de-Calais, depuis le 1er mai 2016,

– Le cas où le chauffage est collectif sans comptage individuel,

– L’obligation pour le consommateur de déclencher lui-même la procédure, mais celle-ci est largement facilitée par l’existence d’un site ergonomique (172),

– La capacité du système à financer des actions d’économie d’énergie.

Enfin, votre mission a été sensible aux critiques portant sur le montant du chèque énergie. Elle ne souhaite pas formuler de remarques à ce stade d’application de cet article, mais réaffirme qu’il convient que cette procédure fasse l’objet d’une évaluation, prévue par l’article L 124-1 du code de l’énergie trois mois avant le terme de l’expérimentation, soit avant octobre 2017.

Article 202
Délai maximal de 14 mois pour la facturation de la consommation d’électricité ou de gaz naturel

Cet article établit un effacement des dettes de gaz et d’électricité de plus de quatorze mois. Il ne s’appliquera qu’aux factures émises un an après la promulgation de la loi.

Chapitre IV
Dispositions spécifiques aux outre-mer et aux autres zones non interconnectées

Le 8° de l’article L 100-4 du code de l’énergie, tel qu’il résulte de l’article premier de la présente loi, prévoit de parvenir à l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer à l’horizon 2030, avec une étape intermédiaire de 50 % à l’horizon 2025. Il convient d’insister sur le fait que ces objectifs ne concernent pas seulement la production d’électricité mais aussi les transports et les déchets. Ces objectifs apparaissent ambitieux, mais pas hors d’atteinte, au regard de la situation actuelle : ainsi, à titre d’exemple le photovoltaïque représente environ 30 % de la production d’électricité à La Réunion ou à la Guadeloupe. Il faut également tenir compte, pour apprécier de l’application du présent chapitre, du fait que la situation économique des producteurs est largement régie par un modèle, dérogatoire à la concurrence, d’économie administrée. EDF apparaît ainsi comme l’opérateur historique, garant de la stabilité de l’achat de l’énergie aux producteurs lesquels lui sont liés soit par contrat d’achat dont une part est variable, soit par obligation d’achat, le prix étant alors fixé par voie administrative, le déficit structurel étant compensé, depuis 2004, par la CSPE.

Force est de constater que la loi a envoyé un signal fort aux territoires ultramarins en prévoyant des objectifs très ambitieux et une procédure de consultation substantielle pour l’établissement des PPE régionales. La loi établit un objectif d’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer à l’horizon 2030 ainsi qu’un objectif intermédiaire de 50 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2020. Certaines institutions, comme l’ADEME, ont d’ores et déjà lancé des études sur les moyens de réaliser une telle autonomie énergétique en 2030. La loi n’a pas seulement provoqué une réelle prise de conscience mais a également permis, en prévoyant l’établissement de PPE régionales, une concertation importante entre acteurs. Si elle n’est pas encore bien connue de tous, la loi est vouée à le devenir. Ainsi, par exemple, en Guadeloupe, le pôle de compétitivité Synergile, que votre Rapporteure a auditionné, projetait, avec la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement, de présenter en septembre 2016 la loi aux entités concernées, c’est-à-dire à la fois aux acteurs économiques, de recherche, de formation, aux centres de transfert de technologie, aux groupements d’intérêt général, mais aussi aux institutionnels et aux financeurs de projets.

Les stockages d’électricité, de chaleur et de froid sont indissociables du développement des énergies renouvelables, surtout en outre-mer où est interdite l’injection, en puissance, de plus de 30 % d’électricité variable sur les réseaux non-interconnectés. Le stockage permet de dépasser ces contraintes. Ainsi, une batterie d’1 MW installée à Saint-André à la Réunion permet à l’île d’atteindre le taux d’énergies intermittentes instantané de 32 %. Or aujourd’hui, il existe une grande incertitude sur la question de la « propriété » du stockage entre le producteur, le gestionnaire de réseau ou même le consommateur. Un centre de stockage d’énergie raccordé uniquement au réseau peut être vu à la fois comme producteur et comme consommateur. La règlementation tarifaire actuelle lui impose de payer deux fois le service rendu par le réseau : une fois en tant que consommateur et une autre fois en producteur. La CRE, dans sa consultation publique de préparation lancée en juillet 2015, interrogeait sur les directives à suivre pour la prise en compte du stockage dans le TURPE

On doit surtout mettre l’accent sur les développements possibles de la géothermie.

La loi de transition énergétique fixe l’objectif de 50 % d’énergie renouvelable dans chacun des départements d’outre-mer à l’horizon 2020. De manière plus globale, l’objectif retenu est le suivant, pour la géothermie de basse et moyenne énergie :

PRODUCTION D’ÉNERGIE


31 décembre 2018


200 ktep


31 décembre 2023


Option basse : 400 ktep
Option haute : 550 ktep

Votre Rapporteure a visité la centrale de Bouillante, en Guadeloupe, disposant d’une puissance nominale de 14,75 MW mais possédant deux permis d’exploration et exploitation pour une capacité supplémentaire de 30 MW, ce qui pourrait porter la puissance totale de la centrale à 45 MW, d’ici à 2021-2023.

La centrale de Bouillante, exploitée par la centrale Géothermie Bouillante, a déjà une longue histoire débutée dans les années 1960 par des sondages et des forages d’exploration. Quatre puits de production forés en 1984 (Bouillante 1) puis trois autres forés en 2000 (Bouillante 2) permettent d’atteindre aujourd’hui une capacité de production électrique qui représente environ 7 % de la production électrique totale de Guadeloupe. Un nouvel arrêté du 10 mai 2016 vient d’accorder un permis exclusif de recherches de gîtes géothermiques à haute température à la société Géothermie de Guadeloupe SAS en Guadeloupe. Ce permis dit « permis de Vieux-Habitants », accordé pour une durée de 5 ans, présente une superficie de 120 km² environ qui devrait permettre de valoriser davantage le potentiel géothermique de ce pays.

Un nouveau projet, Bouillante 3, est aujourd’hui à l’étude. La capacité de production prévue est de l’ordre de plusieurs dizaines de MW. Cette installation inspire et encourage les autres îles des Caraïbes à mettre en valeur leur potentiel géothermique.

Dans le sillage de Bouillante, les îles de l’arc des Petites Antilles sont très intéressées de développer leur potentiel géothermique. Initié fin 2012 dans le cadre du programme européen « Interreg IV Caraïbe », ce projet est porté par les Régions Guadeloupe et Martinique et par l’Ademe. Il associe d’autres partenaires publics (AFD, CDC, BRGM), un partenaire privé (Électricité de Strasbourg) et le Gouvernement de la Dominique. D’une durée de trois ans, le projet vise à préparer les conditions nécessaires pour faire émerger des projets de production d’électricité sur l’arc des Petites Antilles, avec la création d’outils (guide environnemental de bonnes pratiques pour le montage de projets, cahier des charges d’étude de préfaisabilité environnementale, mise en place d’un fonds de couverture du risque minier et de financement de la phase amont des projets, mise en œuvre à titre d’exemple d’un état initial de l’environnement en Dominique, élaboration d’outils de communication, ...). Interreg IV met en avant le développement des projets dans le cadre d’une démarche d’excellence environnementale avec l’objectif d’une proposition de labellisation internationale de la démarche.

L’île de la Dominique est au centre d’un projet très ambitieux. Depuis que ce tout petit territoire de 750 km² s’est mis à réfléchir aux moyens d’améliorer sa situation énergétique, il s’est découvert un potentiel géothermique considérable qui pourrait le rendre autonome sur le plan énergétique. Les trois forages exploratoires menés en 2011-2012 grâce au financement de l’Agence française de développement (AFD) ont été un succès : ils ont permis de conforter la présence d’une ressource géothermale à environ 1 000 mètres de profondeur présentant une température de 230 °C. Ce programme de géothermie en Dominique peut être une opportunité pour la filière française de disposer, au plan international, d’un projet de référence, et ce à deux titres : une démarche environnementale exigeante, prenant en compte la spécificité des contraintes locales et l’interconnexion inter-îles par câbles sous-marins, pouvant préfigurer une interconnexion électrique de l’ensemble des îles de l’arc des Petites Antilles.

Il faut également tenir compte, pour apprécier de l’application du présent chapitre, du fait que la situation économique des producteurs est largement régie par un modèle, dérogatoire à la concurrence, d’économie administrée. EDF apparaît ainsi comme l’opérateur historique, garant de la stabilité de l’achat de l’énergie aux producteurs lesquels lui sont liés soit par contrat d’achat dont une part est variable, soit par obligation d’achat, le prix étant alors fixé par voie administrative, le déficit structurel étant compensé, depuis 2004, par la CSPE.

Article 203
Programmation pluriannuelle d’énergie en Corse et dans les outre-mer

« La Corse, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, La Réunion et Saint-Pierre-et-Miquelon font chacun l’objet d’une programmation pluriannuelle de l’énergie distincte ».

I) En application de ce dispositif, la PPE de Corse a été adoptée par l’Assemblée de Corse le 29 octobre 2015 et rendue opposable par décret du 18 décembre 2015 (n° 2015-1697). Concrètement, les incidences de la loi sont la reconstruction de la centrale thermique de Vazzio et la transformation de celle de Lucciana, la rénovation des réseaux basse tension, pour un coût de 15,4 millions d’euros, le renouvellement de la moitié des 70 000 points lumineux existants dans l’île, le quadruplement des surfaces des immeubles du secteur tertiaire qui seront reconvertis en basse consommation, et la rénovation programmée de 7 000 logements par an. La PPE de Corse vise à développer les énergies renouvelables insulaires, alors que la consommation d’énergie y dépend pour l’instant à 87 % des importations.

La PPE de Corse apparaît donc comme totalement en phase avec la loi.

La programmation pluriannuelle de l’énergie en Corse.

Les objectifs de développement de la production électrique à partir d’énergies renouvelables en Corse sont fixés pour 2023 à 12 MW pour l’éolien sans stockage, l’hydroélectricité et le solaire thermodynamique, à 20 MW et 14 MW pour le photovoltaïque respectivement sans et avec stockage

Le seuil de déconnexion des installations de production mettant en œuvre de l’énergie fatale à caractère aléatoire mentionné à l’article L. 141-9 du code de l’énergie est fixé à 35 % en 2018. Le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité, en collaboration avec l’État et la collectivité territoriale de Corse, identifie les mesures nécessaires pour porter ce seuil à 45 % en 2023.

Les objectifs de développement de la production de chaleur et de froid renouvelables et de récupération en Corse sont fixés en 2023 à + 20 Gwh pour le solaire thermique, + 60 Gwh pour les systèmes aérothermiques et + 50 Gwh pour la filière bois énergie ;

Les objectifs concernant la production d’électricité à partir d’énergies fossiles sont centrés sur des infrastructures d’alimentation en gaz naturel et la mise en service au plus tard début 2023, d’un cycle combiné d’une puissance de l’ordre de 250 MW dans la région d’Ajaccio, fonctionnant au fioul domestique dans l’attente de la mise en place de l’approvisionnement en gaz naturel

Le déploiement 700 bornes de recharge de véhicules alimentées à partir d’électricité renouvelable d’ici à 2023.

Les objectifs de réductions de la consommation d’énergie en termes de gains énergétiques en Corse sont :

Objectifs de réductions de la consommation d’énergie en Corse (base : 2015)

(En GwH)

2018

2023

Résidentiel et tertiaire

- 36 GWh

- 160 GWh

Transports

- 80 GWh

- 240 GWh

II) outre–mer

Le projet validé de la PPE de la Guyane a été transmis le 20 mai 2016 à la ministre de l’Environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des Relations internationales sur le climat, Ségolène Royal. Avant d’être approuvée par décret, la PPE est soumise à l’avis de l’Autorité Environnementale, à une nouvelle consultation du public, à la délibération de la collectivité territoriale, ainsi qu’à l’évaluation des différents comités d’experts nationaux.

PROJET DE PPE GUYANE


Source : Collectivité territoriale de Guyane ; https://www.ctguyane.fr/wp-content/uploads/2016/06/CP-validation-PPE.pdf

*

Votre Rapporteure a effectué un déplacement en Martinique et en Guadeloupe en mai 2016. Elle rappelle tout d’abord, l’état des PPE :

COMPARAISON DES OBJECTIFS NATIONAUX ET
DES OBJECTIFS DE LA PPE DE GUADELOUPE

Objectifs

National

PPE

Réduction des émissions de gaz à effet de serre

♦ -40 % entre 1990 et 2023

♦ Facteur 4 (-75 %) entre 1990 et 2050

-3 %, tous secteurs confondus, d’ici 2018 par rapport à 2014

Réduction de consommation en énergie primaire des énergies fossiles

-30 % en 2030 par rapport à 2012

-X % en 2018 par rapport à 2014

Part des EnR

♦ 23 % de la consommation finale en 2020

♦ 40 % de la production d’électricité en 2030

♦ 9 % de la consommation finale d’énergie en 2018,

♦ 30 % de la production d’électricité en 2018 et 70 % en 2023

Source : document de travail de la région Guadeloupe, version du projet de PPE au 1er avril 2016.

La mise en œuvre de la transition énergétique en Guadeloupe et en Martinique est complexe. Les énergies renouvelables y sont peu développées. En Guadeloupe par exemple, en 2014, les énergies renouvelables contribuent à hauteur de 18,45 % au mix électrique du territoire (5,92 % de photovoltaïque, 3,14 % d’éolien, 4,35 % de géothermie, 3,49 % de biomasse et 1,55 % d’hydraulique). Ce sont des régions relativement peu peuplées (environ 400 000 habitants par territoire), ce qui rend plus difficile la mise en place une réelle économie circulaire.

Ces territoires ne sont pas connectés au réseau électrique de la métropole. Ils doivent donc assurer leur approvisionnement énergétique dans des conditions sûres, économiques et durables. Votre Rapporteure estime qu’en raison de cette situation spécifique, il est important de développer les projets régionaux comme le projet de géothermie avec la Dominique, pourtant stoppé aujourd’hui. Ce projet d’usine de 130 mégawatts devait s’implanter à la Dominique et exporter respectivement 50 MW l’électricité par câble sous-marin à la Guadeloupe et la Martinique.

Les acteurs rencontrés ont souvent évoqué les obstacles d’ordre financier et humain à la mise en œuvre de la transition énergétique. Ces moyens sont en effet peu importants Ainsi, au sein de la collectivité territoriale de Martinique (CTM), seul un équivalent temps plein (ETP) travaille sur les sujets d’ordre énergétique. Selon certains acteurs, la transition énergétique pose un problème d’équilibre des finances locales, dans des territoires où une part non négligeable des recettes de fiscalité de la région dépend de la fiscalité sur le carburant. Toutefois, votre Rapporteure considère que cela ne peut et ne doit pas être un argument pour ralentir la transition énergétique. Réussir la transition énergétique en outre-mer n’est pas qu’un défi financier. De nombreuses aides existent pour le développement des projets de transition énergétique. Or les porteurs de projet candidats sont peu nombreux, même lorsque l’ADEME finance les projets à 80 % voire 90 %. Les territoires ultramarins bénéficient en outre de nombreux fonds européens. Votre Rapporteure a toutefois pu constater la crainte de certains acteurs de voir les fonds européens progressivement réaffectés à d’autres territoires en raison de l’absence de porteur de projet.

Tant en Martinique qu’en Guadeloupe, la préservation du foncier agricole est nécessaire au maintien d’une agriculture durable. Au-delà de la fonction première des terres agricoles, à savoir la production agricole à des fins alimentaires, d’autres fonctions économiques, sociales et environnementales peuvent être remplies par ces espaces. C’est ce qui explique que la Guadeloupe et la Martinique aient voté des habilitations pour empêcher des projets de photovoltaïque au sol. Il reste cependant de nombreuses possibilités d’installer des éoliennes terrestres et du photovoltaïque sur les toitures.

Les projets innovants en matière de bâtiments sont nombreux. En Guadeloupe, votre Rapporteure a visité le Centre hospitalier gérontologique du Raizet (336 lits, 28 000 m²) en cours de construction. Ce site disposera d’une climatisation solaire de grande taille constituée de capteurs solaires sous vide regroupés sur les toitures des bâtiments de la zone logistique et permettant de monter la température de l’eau à 85°C pour alimenter des machines à absorption. Celles-ci alimentent un réseau d’eau glacée desservant dans chaque maisonnée des centrales d’air alimentant en air neuf rafraîchi les différentes chambres au moyen d’un système de régulation terminale. Cette technique doit permettre de couvrir 25 % des besoins totaux de froid, dont 50 % dans les heures pleines. Si un tel système réussit à atteindre ces objectifs, il pourra être intéressant de réfléchir à sa généralisation dans d’autres bâtiments, notamment publics. En Martinique, votre Rapporteure s’est rendue dans un bâtiment de la Direction départementale de la jeunesse et des sports rénové et transformé en 16 logements sociaux. À la suite d’une étude d’optimisation énergétique de l’ADEME, un bouquet de travaux a été engagé pour améliorer le confort thermique des logements. L’amélioration significative de la performance énergétique du bâtiment permet de proposer à des publics précaires des logements confortables sans recourir à la climatisation. Votre Rapporteure insiste sur la nécessité de soutenir ces projets innovants. La généralisation des chauffe-eau solaires est également à privilégier.

La transition énergétique en Guadeloupe et en Martinique pourrait également passer par le développement de la mobilité durable. Les transports collectifs y sont aujourd’hui très peu développés. Certains projets naissant devraient pouvoir permettre de remédier à cette situation. En Guadeloupe, le Syndicat mixte des transports et la communauté d’agglomération Cap excellence envisagent de mettre en service un tramway à l’horizon 2020. Le tramway de la Martinique appelé Transport collectif en site propre (TCSP), tramway sur pneus qui roule sur une voie réservée en propre, devrait bientôt voir le jour. Ces projets de transport collectifs peuvent être complétés, au niveau du particulier, par le développement de la voiture électrique. L’article 203 permet à la PPE de fixer la date d’application des objectifs de déploiement des dispositifs de charge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables de façon à maîtriser les impacts sur le réseau public de distribution électrique et à ne pas augmenter les émissions de gaz à effet de serre. En effet, le déploiement des véhicules électriques en outre-mer n’a pas de sens (l’électricité étant fortement carbonée dans ces territoires), sauf à développer les systèmes de parkings à ombrières photovoltaïque. Un projet d’ombrière photovoltaïque avec stockage hors réseau pour des voitures électriques de location existe en Guadeloupe, à la Désirade.

L’énergie thermique des mers, qui exploite la différence de température entre les eaux de surface et les eaux profondes des océans, pourrait également contribuer fortement à la transition énergétique. Cette énergie permet une production d’électricité non intermittente, renouvelable et décarbonée. Ainsi, il faudra être attentif aux résultats du projet NEMO, centrale de production d’énergie thermique des mers flottante d’une puissance installée de 16 MW, implantée en Martinique. Votre Rapporteure considère toutefois qu’il est prématuré d’inscrire un deuxième projet d’énergie thermique des mers dans la PPE relative à la Martinique, ce que le Gouvernement souhaitait.

Enfin, votre Rapporteur estime qu’il est important que les territoires d’outre-mer se dotent, dès que possible, d’un schéma biomasse. Le potentiel de biomasse, grâce aux déchets forestiers ou aux résidus de canna à sucre composant la bagasse, n’est pas négligeable. Une production de biomasse locale plus élevée, en plus d’être bénéfique pour l’environnement, pourrait renforcer l’acceptabilité sociale des centrales à bagasse, tant en Martinique qu’en Guadeloupe, développées par Albioma. Les territoires ultramarins pourraient prendre exemple sur le comité de pilotage « Filières Biomasse Martinique » mis en place en Martinique regroupant les différents groupes de travail structurés par ressource (déchets verts ; bagasse ; sorgho-fibre en inter-culture ; sylvopastoralisme ; exploitation de la forêt privée...).

Afin de faire de ce potentiel une réalité, certaines mesures peuvent encore être prises en matière de gouvernance, notamment pour affirmer la place des agences locales de l’énergie, de territorialisation des appels d’offres et des certificats d’économie d’énergie, de système de stockage.

Lors de son déplacement en Guadeloupe, et surtout en Martinique, votre Rapporteure avait pu noter que l’élaboration des PPE était un exercice complexe, long et parfois peu consensuel. Votre Rapporteure se félicite d’autant plus de l’évolution significative de la situation en Martinique depuis lors, puisque les travaux d’élaboration ont repris à un rythme soutenu à partir de juin 2016. Le comité de pilotage ouvert aux acteurs principaux de la transition énergétique (État, collectivité, ADEME, EDF et le syndicat martiniquais d’électricité) s’est réuni à de nombreuses reprises pour valider une première version de la PPE en août 2016. Ce projet prévoit d’atteindre les objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique et à la croissance verte en fixant la part des énergies renouvelables dans le mix électrique à hauteur de 25 % à l’horizon 2018 et à 56 % en 2023. Ce document a fait l’objet d’un premier envoi au ministère qui devrait lancer prochainement le processus de consultation.

*

L’article 203 de la loi porte également sur le schéma de raccordement au réseau des énergies renouvelables. La loi du 12 juillet 2010 dite « Grenelle II » a introduit dans le code de l’énergie un principe de mutualisation des charges de financement entre les producteurs d’électricité renouvelable souhaitant se raccorder au réseau électrique et posé les bases de répartition des charges entre ces producteurs. Le gestionnaire de réseau élabore un schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables. L’ensemble de ces travaux fait l’objet d’un chiffrage global ; le coût prévisionnel des ouvrages à créer spécifiquement pour l’accueil des énergies renouvelables est pris en charge par les producteurs, via une « quote-part régionale », au prorata de leur puissance installée.

Le présent article prévoit qu’en outre-mer, le montant de la quote-part exigible dans le cadre des raccordements soit plafonné à hauteur du montant de la quote-part la plus élevée, augmentée de 30 %, constaté dans les schémas adoptés sur le territoire métropolitain continental à la date d’approbation du schéma de raccordement au réseau des énergies renouvelables du département ou de la région d’outre-mer considéré. Le décret n° 2016-434 du 11 avril 2016 portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables précise notamment les modalités spécifiques à l’outre-mer quant à l’adaptation des schémas et au mode de calcul des moyennes pondérées des quotes-parts.

Article 204
Obligation pour les exploitants produisant plus d’un tiers de la production d’électricité naturelle d’élaborer un plan stratégique dans les zones non interconnectées

Cet article précise que dans les collectivités mentionnées au I de l’article L 141-5 du code de l’énergie, c’est-à-dire celles qui sont visées à l’article 203, qui a créé cet article du code de l’énergie, l’exploitant produisant plus d’un tiers de la production d’électricité établit un plan stratégique, qui présente les investissements qu’il envisage de mettre en œuvre sur la période couverte par la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Le texte est en vigueur.

Article 205
Dispositions spécifiques à la Guadeloupe

Cet article prévoit que jusqu’à son prochain renouvellement général, le conseil régional de Guadeloupe est habilité à prendre des dispositions spécifiques en matière de planification énergétique, de maîtrise de la demande d’énergie, y compris en matière de réglementation thermique pour la construction de bâtiments, et de développement des énergies renouvelables. L’article précise également que pour permettre à la Guadeloupe d’exercer son habilitation législative en matière d’énergie, l’État et le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité apportent leurs concours en mettant à disposition les informations dont ils disposent. En contrepartie, la Guadeloupe devra transmettre une étude sur l’impact des mesures législatives qu’elle souhaite prendre sur les charges pour le service public de l’électricité.

Le texte est en vigueur. Votre Rapporteure renvoie donc aux développements de l’article 203.

Article 206
Inopposabilité de la stratégie bas carbone aux schémas d’aménagement régional approuvée ou en cours d’élaboration

Cet article précise les orientations du schéma d’aménagement en matière de développement durable. Ces orientations ne sont pas applicables aux schémas d’aménagement régional approuvés avant le 1er janvier 2016 ou en cours d’élaboration ou de révision dont l’arrêté d’ouverture de l’enquête publique a été pris avant cette même date. L’article prévoit également une révision de ces schémas avant le 1er septembre 2020 afin de fixer les orientations fondamentales à moyen terme en matière de changement climatique.

Le texte est d’application directe.

Article 207
Adaptation des cahiers des charges des éco organismes dans les départements et régions d’outre-mer

Cet article prévoit que dans les départements et régions d’outre-mer, le cahier des charges des éco-organismes peut être adapté aux spécificités de ces territoires.

Le texte est vigueur et pourrait donc s’appliquer aux renégociations en cours de cahiers des charges.

Article 208
Recyclage des véhicules usagés outre-mer

Cet article prévoit la création dans les départements et régions d’outre-mer d’une association entre les importateurs et les concessionnaires dans le secteur automobile, dont le rôle est d’étudier aux côtés de l’État et des collectivités territoriales, toute mesure visant à accompagner l’enlèvement, le traitement et le recyclage des véhicules usagés.

Cet article a pour origine un amendement parlementaire, notamment présenté par M. Serge Letchimy, Mmes Ericka Bareigts, et Frédérique Massat, qui visait à sensibiliser les importateurs-grossistes et les concessionnaires automobiles au problème de la pollution liée à l’abandon des véhicules usagés, en les impliquant dans le cadre d’un éco-organisme prévu par l’article L 541-10 du code de l’environnement, aux opérations de suivi et de recyclage des véhicules usagés.

L’article L 541-10 du code de l’environnement précise le sens et la portée du principe de la responsabilité élargie du producteur en matière de déchets. En vertu du principe de « responsabilité élargie du producteur » (REP), les producteurs peuvent être rendus totalement ou partiellement responsables des déchets issus de la fin de vie des produits qu’ils ont mis sur le marché. Pour remplir leurs obligations, ils peuvent mettre en place un système individuel approuvé par l’État ou adhérer à un éco-organisme. D’après la Cour des comptes, dans son rapport annuel de 2016, dix-huit filières REP existent aujourd’hui, au sein desquelles se répartissent vingt-quatre éco-organismes.

Le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 crée l’article R 543-159-1 du code de l’environnement qui donne mission aux associations d’étudier « toute mesure visant à accompagner l’enlèvement, le traitement et le recyclage des véhicules usagés » et d’informer les services de l’État et des collectivités territoriales. Alors que la loi prévoit un décret pour fixer les obligations des associations et de l’État, votre Rapporteure constate que le décret ne les précise pas davantage et n’évoque qu’une possibilité pour les services de l’État et les collectivités territoriales de s’associer à la réflexion des associations.

Le texte est cependant en vigueur après la parution du décret.

Article 209
Utilisation des matières premières recyclées issues des déchets

Cet article précise qu’afin de respecter les exigences concernant l’économie circulaire l’utilisation des matières premières recyclées au sein des départements et régions d’outre-mer doit être facilitée, notamment en recourant aux démarches de sortir du statut du déchet, mentionnées à l’article L. 541-4-3 du code de l’environnement.

Le texte est en vigueur.

Article 210
Plan régional d’actions concernant l’économie circulaire

Le Conseil régional de chaque région d’outre-mer peut adopter un plan régional d’actions concernant l’économie circulaire. Il peut également décider de conduire des expérimentations locales portant sur l’interconnexion des différentes opérations de ramassage, de tri et de recyclage des déchets, que ce soit sous forme de produits dérivés ou d’énergie.

Le texte est en vigueur.

Article 211
Mise en cohérence des textes de programmation en Martinique

Cet article précise qu’afin de s’assurer de leur cohérence avec la programmation pluriannuelle de l’énergie, le président du conseil régional de la Martinique dispose d’un pouvoir de mise en cohérence lui permettant de rassembler tous les textes régionaux de programmation concernant l’environnement ou l’énergie antérieurs à l’institution de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Le texte est en vigueur. Toutefois, peu d’actions ont été entreprises. Votre Rapporteure souligne à ce sujet l’importance du rapport remis au Gouvernement par notre collègue Serge. Letchimy (173). Ce rapport propose des mesures qui permettent d’adapter la mise en œuvre le volet « économie circulaire » de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, pour améliorer la prise en charge de déchets dans les collectivités d’outre-mer et ainsi limiter l’impact sur l’environnement et la santé publique et pour développer l’ensemble des gisements d’emplois qu’offrent le recyclage et la valorisation des déchets.

Article 212
Adaptation de la loi à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna : demande de rapport au Gouvernement

Cet article prévoit que le Gouvernement présente au Parlement, avant le 31 décembre 2015, un rapport indiquant quelles mesures spécifiques d’accompagnement il entend développer en faveur de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, afin de permettre à ces trois collectivités territoriales d’appliquer les principaux dispositifs de la loi.

Ce rapport est d’autant plus attendu (174) que de nombreux acteurs souhaiteraient savoir si le gouvernement prévoit ou non d’étendre la CSPE à la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. Ces territoires figurent parmi les derniers territoires ultramarins à ne pas bénéficier de la péréquation des tarifs de l’électricité, alors que le prix moyen de l’électricité y est beaucoup plus élevé qu’en métropole.

Article 213
Couverture des coûts échoués de projets de production d’électricité dans les outre-mer

Cet article prévoit que les charges imputables aux missions de service public en matière de production d’électricité, comprennent dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental les coûts d’études supportés par un producteur ou un fournisseur en vue de la réalisation de projets d’approvisionnement électrique, même si les projets ne sont pas menés à leur terme.

Les coûts et les recettes de production prévisionnels d’EDF dans les zones non interconnectées en 2017 retenus par la CRE s’élèvent respectivement à 750,1 millions d’euros et 228,8 millions d’euros. Le montant des surcoûts de production prévisionnels pour 2017 dans les ZNI est donc égal à 521,3 millions d’euros, inférieur de 78,6 millions d’euros à celui de 2015. Le principal facteur explicatif est celui de la diminution des coûts en 2017 par rapport à l’année 2015. La mise en service intégrale de la centrale de Jarry en Guadeloupe en remplacement de la centrale thermique d’EDF SEI arrêtée en 2015 s’accompagne notamment d’une baisse des coûts d’achat des combustibles et d’acquisition des quotas de gaz à effet de serre pour EDF SEI.

SURCOÛTS DE PRODUCTION PRÉVUS PAR EDF DANS LES ZNI POUR 2017

Source : CRE

Les coûts et les recettes de production prévisionnels d’Électricité de Mayotte (EDM) dans les zones non interconnectées en 2017 retenus par la CRE s’élèvent respectivement à 119,7 millions d’euros et 9,6 millions d’euros. Le montant des surcoûts de production prévisionnels pour 2017 est évalué pour EDM à 110,1 millions d’euros, soit 39,3 millions d’euros de plus qu’en 2015. Cela s’explique par une moindre consommation et donc une baisse des recettes de production entre 2015 et 2017.

En application de l’article 214 de la loi qui étend la péréquation tarifaire aux îles Wallis et Futuna, Électricité et Eau de Wallis-et-Futuna (EEWF) a transmis à la CRE la prévision de ses charges de service public de l’énergie à supporter au titre de 2017. Les coûts et les recettes prévisionnels retenus par la CRE s’élevant respectivement à 3,37 millions d’euros et 1,02 million d’euros, le montant des surcoûts de production et d’achat d’énergie prévisionnels pour 2017 est évalué à 2,35 millions d’euros pour EEWF.

La Contribution au Service Public de l’Électricité et le compte d’affectation spéciale « transition énergétique »

La Contribution au Service Public de l’Électricité (CSPE) a été instituée par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003. Elle est destinée à compenser les surcoûts liés aux charges de service public de l’électricité, supportées par les concessionnaires de réseaux publics d’électricité :

● les surcoûts liés aux dispositifs de soutien aux concessions et à l’obligation d’achat d’électricité ;

● les surcoûts de production dans les zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental (Corse, départements d’outre-mer, Saint-Pierre et Miquelon et les îles bretonnes de Molène, d’Ouessant et de Sein). Ce principe dit de « péréquation tarifaire » permet l’existence de tarifs dans les territoires insulaires similaires aux tarifs pratiqués en métropole continentale alors même que les moyens de production y sont plus coûteux ;

● les frais engendrés par les dispositifs d’aide aux personnes en situation de précarité ;

● le budget du Médiateur national de l’énergie ;

● les coûts de gestion qu’occasionne la gestion du financement de la CSPE pour la Caisse des dépôts et consignations ;

● le financement des contrats transitoires de rémunération de capacité, et dès 2017, des effacements de consommation.

En 2016, ces charges représentent 7 milliards d’euros et se répartissent de la manière suivante :

Le taux de CSPE a beaucoup augmenté depuis 10 ans. Son montant était fixé à 3 €/MWh en 2002. Il a légèrement évolué en 2003 (à 3,30 €/MWh) et en 2004 (à 4,50 €/MWh). En 2011, il a très fortement augmenté, atteignant 7,50 euros par MWh. En juillet 2011, le taux de la CSPE a augmenté à nouveau, passant à 9 euros par MWh. En 2012, le taux de la CSPE a été porté à 10,50 euros par MWh à partir du 1er juillet. Au 1er janvier 2013, la CSPE était fixée à 13,5 €/MWh. Elle a atteint 16,5 €/MWh le 1er janvier 2014 et 19,5 €/MWh le 1er janvier 2015.

Au 1er janvier 2016, le taux de CSPE est de 22,5 €/MWh. Le rapport « voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2016 prévoyait 8 261 millions d’euros de recettes.

Source : http://www.fournisseurs-electricite.com/cspe

L’hypothèse pour 2017 est le maintien de la CSPE à son niveau actuel, pour un rendement estimé à 7,8 milliards d’euros (175).

La fiscalisation de la CSPE était devenue nécessaire à la suite d’une qualification d’aide d’État par la CJUE ; le Conseil d’État, dans une décision du 28 mai 2014 (n° 324852, vent de colère) avait en effet fragilisé le système antérieur, qui liait la compensation à l’obligation d’achat, et, ce, en dépit de l’interprétation donnée par la CRE de cette décision.

CONSEIL D’ÉTAT, 28 mai 2014

« Considérant que dans l’arrêt du 19 décembre 2013 par lequel elle s’est prononcée sur la question dont le Conseil d’État statuant au contentieux l’avait saisie à titre préjudiciel après avoir écarté les autres moyens des requêtes dirigés contre les arrêtés attaqués dans leur ensemble, la Cour de Justice de l’Union européenne a dit pour droit que : « L’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’un mécanisme de compensation intégrale des surcoûts imposés à des entreprises en raison d’une obligation d’achat de l’électricité d’origine éolienne à un prix supérieur à celui du marché dont le financement est supporté par tous les consommateurs finals de l’électricité sur le territoire national, tel que celui résultant de la loi n° 2000-108, du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, telle que modifiée par la loi n° 2006-1537, du 7 décembre 2006, relative au secteur de l’énergie, constitue une intervention au moyen de ressources d’État ;

Considérant qu’il résulte de l’interprétation ainsi donnée par la Cour de Justice de l’Union européenne et des motifs précités de la décision du 15 mai 2012 du Conseil d’État que l’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent à un prix supérieur à sa valeur de marché, dans les conditions définies par les arrêtés attaqués, a le caractère d’une aide d’État ; que ces arrêtés, pris en méconnaissance de l’obligation de notification préalable à la Commission européenne résultant de l’article 88, paragraphe 3 du traité instituant la Communauté européenne sont entachés d’une illégalité de nature à en entraîner l’annulation »

Communiqué de la CRE, 28 mai 2014

« L’annulation du tarif d’achat éolien de 2008 ne donne pas droit à un remboursement de la CSPE.

En effet, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’une aide d’État n’entraîne pas l’annulation de l’impôt qui la finance lorsqu’il n’existe pas de lien d’affectation contraignant entre l’impôt et l’aide – c’est-à-dire lorsque le produit de la taxe n’influence pas directement le montant de l’aide.

Le tribunal administratif de Paris a fait application de cette jurisprudence pour rejeter une demande similaire à celle dont la CRE est aujourd’hui saisie (TA Paris, 6 juillet 2012, SAS Praxair, n° 1105485) ...

Le montant de la CSPE n’influence pas directement celui de l’aide qui vient d’être annulée par le Conseil d’État, pour deux raisons. D’une part, la CSPE est un prélèvement de nature fiscale qui permet de compenser un certain nombre de charges au profit des opérateurs qui les supportent, notamment les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, les surcoûts de production dans les zones non interconnectées et le tarif de première nécessité. Les charges liées à l’existence de l’arrêté tarifaire éolien de 2008 représentent une part limitée des charges globales (5,1 % en 2010 ; 6,9 % en 2010 ; 7,6 % en 2012 ; autour de 7,4 % en 2013). D’autre part, à aucun moment sur la période considérée, la contribution unitaire n’a permis de collecter les sommes nécessaires à la couverture intégrale des charges».

Suite du contentieux

Un appel contre la décision introduit devant la Cour administrative d’appel de Paris a conduit celle –ci à solliciter l’avis du Conseil d’État, lequel, le 22 juillet 2015 (n° 388853) a confirmé la position du tribunal administratif : « le montant de l’aide d’État que constitue l’obligation d’achat à un prix supérieur à sa valeur de marché de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent, ainsi que, le cas échéant, par les installations utilisant d’autres énergies renouvelables, lequel correspond à la différence entre le tarif de rachat par les acheteurs obligés et le coût évité à ces acheteurs, lié à l’acquisition de l’électricité correspondante, ne dépend pas, en vertu de la règlementation applicable, du produit de la contribution au service public de l’électricité… le produit de la contribution au service public de l’électricité n’influence pas directement l’importance des aides en cause, qui ne sont pas accordées dans la limite des recettes escomptées de cette contribution. Par suite, et sans qu’il y ait lieu pour la juridiction saisie du litige de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union européenne, cette contribution ne peut être regardée comme faisant partie intégrante de ces aides. »

Quant au Conseil constitutionnel ; il a retenu la qualification d’imposition (n° 2014-419 QPC, Sté Praxair SAS du 8 octobre 2014), en rangeant la CSPE au rang des « impositions qui ne sont ni des contributions indirectes ni des impôts directs » dont le contentieux « est compris dans le contentieux général des actes et des opérations de puissance publique relevant de la juridiction administrative ; il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d’État que le contentieux de la contribution au service public de l’électricité relève, à ce titre, de la compétence de la juridiction administrative ; par suite, doivent être écartés, les griefs tirés de ce qu’en ne désignant pas la juridiction compétente pour connaître du contentieux de cette imposition, le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence ; par suite, il a suffisamment défini les règles régissant le contentieux de la contribution au service public de l’électricité », et dans la même décision, il a validé l’existence de périodicités et de modalités de recouvrement différentes selon les catégories de contributeurs.

Les articles 5 et 14 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 ont donc introduit une réforme de la fiscalité énergétique, consistant à fiscaliser la CSPE, intégrée dans la taxe intérieure sur les consommations finales d’électricité (TICFE), et qui devient de ce fait une accise à part entière, dont le montant figure en ressources budgétaires en application de l’article 3 de la LOLF. Son montant est porté à 22,50 € en 2016 - niveau qui aurait été celui de l’ancienne CSPE en 2016. Elle s’applique désormais à toute consommation d’électricité, quelle que soit la puissance souscrite (la TICFE ne s’appliquait qu’aux puissances supérieures à 250 kilovoltampères).

Pour l’année 2017, la loi de finances rectificative de 2015 prévoit une stabilisation du taux de la nouvelle CSPE et une augmentation de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE), qui frappe les produits pétroliers, et de la taxe intérieure sur la consommation de charbon (TICC). Les électro-intensifs bénéficient de taux réduits de CSPE, de 0,5 à 7,5 €/MWh, en fonction de leur électro-intensivité et de leur exposition au risque de fuite carbone.

L’ancienne CSPE était collectée par les fournisseurs historiques et les gestionnaires de réseau, qui reversaient les montants correspondants sur le compte spécifique tenu par la Caisse des dépôts et consignations, compte à partir duquel étaient versées les compensations dues aux opérateurs supportant des charges de service public de l’électricité. La nouvelle CSPE est recouvrée par le service des Douanes et reversée sur le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » ou au budget général de l’État, lequel, en lien avec la Caisse, assure les versements de compensation aux opérateurs supportant des charges.

En effet, les articles 5 et 14 de la loi de finances rectificative pour 2015, modifiés par l’article 22 du projet de loi de finances pour 2017, ont prévu que les charges de service public de l’électricité et du gaz sont regroupées sous la dénomination de charges de service public de l’énergie et sont intégrées au budget de l’État, où elles sont réparties entre :

– un programme budgétaire « Service public de l’énergie » qui comprend les charges liées à la péréquation tarifaire dans les ZNI (hors soutien aux ENR dans ces territoires au titre de l’obligation d’achat), au soutien à la cogénération et aux dispositifs sociaux en électricité et en gaz ainsi que les frais de gestion de la Caisse des dépôts et consignations.

– le compte d’affectation spécial (CAS) « Transition énergétique » qui regroupe les charges liées au soutien aux énergies renouvelables (électriques et gaz) et à l’effacement, ainsi que le remboursement aux opérateurs du déficit de compensation de leurs charges de service public de l’électricité accumulé au 31 décembre 2015. La stabilisation de la CSPE en 2017 se traduit par une augmentation prévue par l’article 22 du projet de loi de finances pour 2017 à hauteur de 1,3 million d’euros de recettes nouvelles au profit du compte spécial transition énergétique provenant notamment du produit de la taxe intérieure sur le gaz naturel, de la taxe sur les houilles et de la TICPE.

Le compte d’affectation spéciale s’établit donc, selon le projet de loi de finances pour 2017, à 6,983 millions d’euros, en recettes la CSPE augmente sensiblement à hauteur de 5,25 millions d’euros (176), la fraction de la taxe intérieure sur la consommation de gaz affectée au compte est portée de 2,16 % à 26,64 %. Le produit global de cette taxe est estimé à 1,4 milliard d’euros, soit une affectation de 373 millions d’euros. le compte confirme ainsi une montée en puissance des recettes. Votre mission estime cependant que les dépenses de soutien à l’injection de biométhane, 50 millions d’euros, et pourraient faire l’objet d’une augmentation progressive au fil du temps.

L’article 213 de la loi de transition énergétique ne comporte donc qu’une modification de faible ampleur, qui porte sur les charges pouvant donner lieu à compensation, au regard de la réforme d’ensemble de la CSPE.

Le décret n° 2016-158 du 18 février 2016 relatif à la compensation des charges de service public de l’énergie définit en conséquence les modalités de gestion des comptes spécifiques relatifs à la compensation des charges de service public de l’énergie. Il réaffecte aux douanes les missions anciennement assumées par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) en matière de recouvrement des contributions.

À la Caisse des dépôts revient le reversement aux opérateurs supportant des charges. La CRE continue, elle, à assurer la mission d’évaluation des charges imputables aux missions de service public de l’énergie et doit désormais faire une distinction explicite entre les charges relevant du compte et celles relevant du programme budgétaire « Service public de l’énergie ».

Le décret détermine les charges donnant lieu à compensation :

– les surcoûts supportés par les fournisseurs d’électricité et de gaz à l’occasion de la mise en œuvre de la tarification spéciale « produits de première nécessité » (TPN) et de la tarification spéciale de solidarité (TSS), avec un plafond de compensation des frais de gestion unitaires liés à la mise en œuvre de ces tarifications,

– les surcoûts pouvant résulter de contrats conclus à la suite d’un appel d’offres ou en application d’une obligation d’achat. Ces surcoûts sont définis comme la différence entre le prix de l’acquisition de l’électricité payé en exécution des contrats en cause et le prix du marché de l’électricité (sauf dans les ZNI où les surcoûts sont définis comme la différence entre le prix de l’acquisition de l’électricité payé en exécution des contrats en cause et le coût qui résulterait de l’achat de la même quantité d’électricité au tarif de vente appliqué aux consommateurs bénéficiant des tarifs réglementés de vente de l’électricité),

– les surcoûts dans les ZNI supportés par les fournisseurs d’électricité, dans certaines conditions. Le décret modifie les modalités de détermination des coûts imputables aux charges de service public de l’énergie dans les ZNI dus aux projets d’importation d’électricité produite par des installations de production situées hors du territoire français, aux actions de maîtrise de la demande d’électricité (MDSE) et aux projets d’ouvrages de stockage d’électricité gérés par le gestionnaire du système électrique,

– auparavant le montant de la compensation évalué par la CRE ne pouvait pas excéder 80 % des surcoûts de production évités par ces projets sur l’ensemble de leurs durées de vie, ce plafond est porté à 100 % des surcoûts de production évités,

– les coûts des études de certains projets d’approvisionnement d’électricité dans les ZNI, identifiés dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. Le ministre chargé de l’énergie vérifie que l’étude proposée est nécessaire à la réalisation du projet mentionné dans la PPE et en valide le cahier des charges. La CRE régulation de l’énergie vérifie que ce projet constitue un projet d’approvisionnement électrique conduisant à un surcoût de production, procède au contrôle de l’évaluation des coûts présentée par la personne et détermine le montant des coûts à compenser et détermine le montant des coûts à compenser.

Le décret définit la procédure de détermination du montant des charges à compenser.

– Jusqu’à présent, la CRE devait évaluer chaque année pour l’année suivante le montant prévisionnel de charges, lequel était corrigé de l’écart entre le montant des charges effectivement constatées au titre de l’année précédente et le montant des compensations recouvrées au titre de cette même année. La CRE devra désormais mener, en complément des exercices de prévision des charges pour l’année à venir et de calcul des charges constatées pour l’année précédente, un exercice de mise à jour de l’évaluation des charges pour l’année en cours.

– Le calendrier d’évaluation des charges de service public par la CRE est considérablement réduit : la proposition de la CRE relative au montant des charges doit être publiée avant le 15 juillet, contre le 15 octobre précédemment.

Votre Rapporteure souhaite formuler les questions suivantes :

1°) La CRE constate depuis plusieurs années une forte disparité dans les coûts de gestion exposés à la compensation par les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel (ces coûts, au titre de l’année 2014, varient de 1,6 à 137,1 € par client bénéficiaire). Comment sera calculé le bon plafond de compensation ?

2°) Le calcul des surcoûts qui peuvent résulter de contrats conclus à la suite d’un appel d’offres ou en application d’une l’obligation d’achat est différent dans les zones interconnectées et dans les zones non interconnectées. Pourquoi ne pas avoir utilisé le même calcul ?

3°) Le plafonnement de la compensation des coûts de projets au regard de surcoûts de production évités avait été instauré dans l’objectif de maîtriser les charges liées à la péréquation tarifaire et de générer un bénéfice net pour le système électrique local. Les coûts de production évités étant compliqués à calculer, la suppression de ce plafond ne risque-t-elle pas de conduire à soutenir des projets qui n’aboutissent, ni à une diminution des charges de service public, ni à des bénéfices nets pour le système électrique ?

4°) À quelle date paraîtra l’arrêté de définition du plafond de compensation des charges imputables aux missions de service public pour les études de projets d’approvisionnement d’électricité dans les ZNI ?

5°) La proposition de la CRE relative au montant des charges doit désormais être publiée avant le 15 juillet, contre le 15 octobre précédemment. La réaffectation aux douanes de missions anciennement assumées par la CRE suffira-t-elle à permettre à la CRE de respecter les délais requis par le décret ?

Article 214
Extension de la péréquation tarifaire aux Îles Wallis et Futuna

Le dispositif prévoit de faire bénéficier Wallis-et-Futuna de la péréquation tarifaire financée, en application de l’article L.121-7 du code l’énergie, par la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Ce dispositif permet aux clients implantés sur ces territoires non interconnectés de bénéficier des mêmes tarifs de vente que ceux pratiques sur le territoire continental. À ce titre, les tarifs réglementés de vente d’électricité sont, dans un délai qui ne peut excéder cinq ans à compter de la promulgation de la loi, progressivement alignés sur ceux de la métropole.

L’ordonnance n° 2016-572 du 12 mai 2016 portant extension et adaptation aux îles Wallis-et-Futuna de diverses dispositions du code de l’énergie est prise sur le fondement de cet article. Elle adapte un certain nombre de mesures au regard de la population (3 500 abonnés) et de la réalité technique des installations pour permettre l’alignement des tarifs réglementés de vente de l’électricité à Wallis-et-Futuna, sur ceux pratiqués en métropole.

Un arrêté du 29 juin 2016 (177) précise les modalités d’alignement des tarifs de l’électricité. Une première baisse est intervenue dès le 1er juillet 2016, sur les 50 premiers kWh consommés chaque mois. Le 1er janvier 2017, cette baisse portera sur les 100 premiers kWh consommés chaque mois et le 1er juillet 2017 sur les 150 premiers kWh consommés chaque mois. Cela ouvre la voie à l’alignement progressif des tarifs sur la métropole, qui conduira d’ici 2020, d’après la fédération des entreprises d’outre-mer, à une division par cinq du prix de l’électricité sur le territoire.

Votre Rapporteure note que ces baisses des tarifs d’électricité aux îles Wallis-et-Futuna n’ont pas eu pour conséquence une augmentation du montant des charges correspondant au financement de la péréquation dans les zones non interconnectées pour 2017. 1 380 millions d’euros y sont consacrés dans le PLF 2017, soit un montant comparable aux 1 375 euros inscrits en loi de finances initiale pour 2016.

Article 215
Stratégie nationale de développement de la géothermie dans les départements d’outre-mer

Cet article prévoit la mise en place d’une stratégie nationale de développement de la filière géothermie ainsi que d’une stratégie de développement de la filière énergie thermique des mers dans les départements d’outre-mer.

Le texte est en vigueur.

CONCLUSION

Votre mission conclura brièvement.

Une évidence s’impose : globalement, la loi marque un progrès dans la réduction des émissions de CO2, mais aussi dans la lutte contre la dégradation générale de notre cadre de vie. Si votre mission n’en occulte pas les difficultés d’application, les contestations, les résistances, d’où qu’elles proviennent, voire les insuffisances, il demeure que le mouvement est pris. La consommation d’énergie est mieux maîtrisée par les utilisateurs, ménages ou industriels, et la part des énergies renouvelables progresse, même si l’on peut hésiter quant à l’interprétation de telle ou telle évolution ou aux parts respectives de chaque source d’énergie renouvelable dans le mix énergétique.

Source

Puissance raccordée au 30/06/2016

Part de l’électricité consommée

Éolien

10 847 MW

4,9 %

Solaire

6 547 MW

1,6 %

Hydraulique

25 468 MW

12 %

Bioénergies

1 888 MW

1,35 %

Total

44 750 MW

19,8 %



Source : Panorama des énergies

Plus difficile à établir est la détermination exacte du coût respectif de production de chaque source d’énergie, situé en 2013 pour le nucléaire à 49,5 €/MWh pour le parc historique, porté à 54,4 € après l’accident de Fukushima (178) et à 59,8 MWh selon la Cour des comptes (179)

Filière

Coût de production

Origine de la donnée

Évolution des prix

Photovoltaïque (installations au sol)

70-90 €/MWh

Résultats du dernier appel d’offres CRE 3

Baisse annuelle supérieure à 10 %

Éolien

80-100 €/MWh

Rapport de la CRE sur le coût des énergies renouvelables (2014)

Stabilité relative des prix (pour mémoire, le tarif d’achat éolien prévoit une baisse annuelle de 2 % en euros constants)

Hydroélectricité
(1 – 12 MW)

Autre estimation

70-90 €/MWh pour Haute Chute

90-160 €/MWh en basse chute

97 – 152 € basse chute

69-91 € haute chute

Étude du syndicat des énergies renouvelables sur le LCOE des installations hydroélectriques (2013)

Syndicat des énergies renouvelables ( 2016, grande hydraulique, taux d’actualisation de 8 %)

Augmentation des prix ces dernières années sous l’effet des mesures environnementales :

- relèvement débits réservés (10 % du débit moyen), réduisant la production Française de 3 %

- continuité écologique

Photovoltaïque (installations sur bâtiments)

110-140 €/MWh

Résultats du dernier appel d’offres CRE 3 (tranche 1)

Baisse annuelle comprise entre 5 et 10 %

Biomasse

140-180 €/MWh

Résultats du dernier appel d’offres

Stabilité voire évolution à la hausse en fonction des contraintes sur la ressource

Biogaz méthanisation

180-250 €/MWh

Étude économique menée dans le cadre de l’élaboration de l’arrêté tarifaire

Stabilité voire évolution à la hausse en fonction des contraintes sur la ressource

Le coût de la filière éolienne ne reflète pas son prix, puisqu’un tarif de rachat administré légal existe (180). Les difficultés d’implantations des éoliennes et les résistances qu’elles traduisent sur le terrain, que la loi cherche à lever, demeurent une des caractéristiques de cette filière. Il est donc difficile de procéder à une analyse pleinement concurrentielle, ou même comparative, mais votre mission considère par exemple que le développement du photovoltaïque permet d’escompter une baisse des prix à venir et que la transition énergétique doit s’appuyer notamment sur ce développement.

Plus difficile encore à déterminer sera le coût de substitution d’une source par une autre, en particulier lié au coût de démantèlement ou d’entretien de centrales nucléaires, pour lequel il est nécessaire de disposer de données d’évaluation établies à l’avance selon des critères objectifs et régulièrement actualisées. Tant que cette évaluation n’est pas connue, il n’est pas possible de chiffrer le coût du nucléaire en France.

Plus facile, paradoxalement, sera l’infléchissement des habitudes de consommation, de tri, de retraitement des déchets, de transports par nos concitoyens : les réflexes sont donc désormais, largement partagés. Le développement des alternatives à l’usage individuel de l’automobile – vélo, covoiturage, transports collectifs – en témoigne.

La transition énergétique est devenue l’affaire de tous. Ce n’est pas le moindre succès de la loi que d’accompagner cette prise de conscience.

OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES DE M. JULIEN AUBERT, RAPPORTEUR

Sans se départir de la tonalité générale de ce présent rapport, et regrettant vivement l’absence de certaines mesures d’application sur des sujets importants tels que la performance énergétique des bâtiments, notamment dans le secteur tertiaire, ou encore le retard pris pour la publication de la PPE, dont on a fait à tort le pilier de l’application de la présente loi, votre Rapporteur, qui n’avait pas un domaine assigné, souhaite mettre l’accent sur les points suivants.

À titre liminaire, votre Rapporteur souligne que la procédure de suivi de l’application de la présente loi s’est déroulée de manière beaucoup plus harmonieuse et respectueuse des droits de l’opposition que la procédure d’adoption, particulièrement bâclée avec l’examen express de milliers d’amendements en un temps limité

Le nucléaire apporte à notre pays une source d’énergie stable, qui présente le triple avantage d’être fortement décarbonée, sans intermittence et d’un coût de production compétitif. La comparaison avec la situation allemande est à cet égard révélatrice. Toute limitation de la part du nucléaire doit être appréciée à l’aune de ces deux critères. Il est tout aussi complexe d’évaluer les externalités négatives liées à la coexistence du nucléaire et des EnR, en termes d’équilibre du réseau, de la nécessité d’avoir recours aux énergies fossiles pour gérer les intermittences ou d’impact, pour EDF de la baisse du prix du marché de gros.

Il convient ensuite de souligner qu’en l’absence de textes d’application, les progrès de la performance énergétique dans les bâtiments risquent de se faire attendre. En particulier, le décret en Conseil d’État prévu par l’article 14 pour mettre en application l’article L. 111-9 du code de la construction et de l’habitation s’agissant des émissions des gaz à effet de serre doit donc intervenir dans les meilleurs délais. Au demeurant, comme en témoignent les réactions de la profession, le décret sur les travaux embarqués démontre que la rénovation énergétique est l’un des points faibles de la loi et permet de conclure d’ores et déjà que l’objectif de rénovation annuelle de 500 000 logements par an, fixé à l’article 3, ne sera pas tenu. On peut regretter que la mission n’en tire pas toutes les conséquences.

Votre Rapporteur, qui a pris acte avec satisfaction de la censure par le Conseil constitutionnel du dispositif de l’article 6, attentatoire au droit de propriété, qui visait indistinctement les mutations quels qu’en soient les acteurs, regrette en revanche l’absence de mesures sélectives destinées aux seniors dans l’ensemble du titre II. En particulier, il souhaite que les logements occupés par des seniors soient dispensés de travaux de rénovation énergétique, pour un motif aisé à comprendre : la plupart du temps, ces personnes sont dans l’incapacité, souvent financière et plus souvent encore physique, d’y faire face. Le risque est grand qu’ils diffèrent des travaux indispensables parce que ces opérations entraînent des charges encore plus lourdes, et incomprises. En outre, la plupart du temps, le retour sur investissement, qui se calcule sur plusieurs années est négatif, pour des personnes qui doivent anticiper les frais inhérents au quatrième âge et à la dépendance.

On peut également regretter que la mission n’ait pas, de manière plus encore appuyée qu’elle ne l’a fait, soutenu la mise en place des compteurs déportés « Linky » et « Gazpar » : alors que les opérateurs en ont démontré la nécessité, et qu’une meilleure maîtrise de la consommation en est concrètement attendue. En dépit du fait que tous les travaux, dont, les plus récents, de l’Agence nationale des fréquences en ont démontré l’innocuité, des réticences appuyées par des arguments dont la table ronde de la mission a largement démontré le caractère infondé continuent à se manifester sur le terrain.

S’agissant de l’indemnité kilométrique vélo (article 50), votre Rapporteur souhaite qu’un bilan et une estimation de coût de l’extension à la fonction publique soient effectués avant toute proposition de modification du dispositif.

S’agissant de l’article 68 et de l’interdiction des produits phytosanitaires, votre Rapporteur constate qu’alors que l’article vise à une extension de cette interdiction aux voiries, une modification envisagée de l’arrêté du 12 septembre 2006 irait bien au-delà des zones actuellement prohibées, étendues notamment aux bosquets, aux haies et futaies etc., ce que le texte n’impose nullement. Il convient que les nécessités liées à des pratiques agricoles indispensables aux récoltes soient mieux prises en compte dans ce débat, ouvert non par cet article mais par une tendance générale à la restriction uniforme d’utilisation de produits phytosanitaires en agriculture.

En ce qui concerne l’interdiction de mise en circulation de sacs plastiques, à l’article 75, votre Rapporteur n’est pas favorable à la suggestion de la mission de mettre en place un mécanisme de sanction spécifique. En effet, il convient de ne pas sous-estimer les difficultés d’adaptation des entreprises qui sont positionnées sur le secteur des sacs plastiques.

À l’article 133 il considère que s’agissant du démantèlement des centrales nucléaires, une consultation régionale n’est a priori pas nécessaire, et qu’en tout état de cause, la mission qu’il préside sur le sujet devrait justement expertiser cette question.

SUGGESTIONS FORMULÉES PAR LA MISSION

Article 1er

Prévoir d’organiser rapidement un débat parlementaire sur les interconnexions.

Article 3

Préciser le champ d’application du crédit d’impôt pour la transition énergétique en rédigeant ainsi le d) du 1 de l’article 200 quater du code général des impôts : « Aux dépenses, payées entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2016, au titre de l’acquisition d’équipements de raccordement à un réseau de chaleur, alimenté majoritairement par des énergies renouvelables ou par une installation de cogénération, aux frais de raccordement à ces réseaux ainsi qu’aux dépenses afférentes à un immeuble situé dans un département d’outre-mer, payées entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2016, au titre de l’acquisition d’équipements de raccordement à un réseau de froid, alimenté majoritairement par du froid d’origine renouvelable ou de récupération »

Articles 9 et 16

Rédiger comme suit l’article L. 142-1 du code de la construction :

« Le centre scientifique et technique du bâtiment est un établissement public de caractère industriel et commercial, doté de l’autonomie financière et placé sous l’autorité de l’administration compétente. Cet établissement [reçoit]a pour mission [de l’État]de procéder ou faire procéder à des recherches scientifiques et techniques directement liées à la préparation ou à la mise en œuvre des politiques publiques en matière de construction et d’habitat. Il apporte son concours aux ministères [chargé de la construction et de l’habitation et aux services des autres ministères] dans leurs activités de définition, mise en œuvre et évaluation des politiques publiques en matière de construction et d’habitat et au Parlement. Il transmet aux commissions parlementaires compétentes tout avis portant sur l’application des dispositions législatives et répond à leurs demandes ainsi qu’à celles de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Il en assure la publication par voie électronique. Il demeure titulaire des biens, droits et obligations de la fondation à laquelle il succède.

Le président du conseil d’administration du centre scientifique et technique du bâtiment est nommé en conseil des ministres pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois.

Le conseil d’administration du centre scientifique et technique du bâtiment comprend des membres du Parlement, des représentants de l’État, des représentants élus des salariés, des représentants des collectivités territoriales et des personnalités qualifiées qui peuvent être choisies au sein des universités, des écoles et des centres de recherche nationaux.

Le centre scientifique et technique du bâtiment établit un rapport annuel d’activité, qu’il remet au Gouvernement et dépose sur les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui en saisissent l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Les membres sont destinataires des documents préparatoires aux séances au moins huit jours avant leur tenue, dans des conditions prévues par le règlement intérieur. »

Article 9

Prévoir une nouvelle désignation rapide du président et des membres du conseil d’administration du centre scientifique et technique du bâtiment

Réviser le cahier des charges.

Article 10

Prévoir une publicité des avis du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique.

Article 11

Le carnet d’entretien numérique du logement est destiné aux relations vendeurs-acheteurs, aux locataires et copropriétés. Une lecture extensive de la loi viserait à en faire un élément consultable dans le cadre d’un fichier informatisé, éventuellement de façon payante, comme aujourd’hui l’est le répertoire des entreprises ou comme le sont certaines données cadastrales ou fiscales liées à la propriété, en tout cas en supposant une intervention de la puissance publique en tant que gestionnaire. Cette interprétation, qui n’est pas conforme à l’objectif poursuivi par cet article, fait obstacle à la parution du décret en Conseil d’État, alors que la loi doit être applicable aux permis de construire à compter du 1er janvier 2017.

Il convient donc qu’un décret, conforme à l’intention du législateur et à la lettre de cet article,

soit pris de manière rapide.

Article 14

Inclure un objectif minimal d’utilisation de produits biosourcés dans les constructions ou les rénovations

Tout en préservant la protection liée à la qualité esthétique et architecturale des bâtiments, revoir les exceptions prévues par le décret du 30 mai 2016 relatif aux travaux embarqués.

Article 17

Prévoir une parution du décret sur les bâtiments du secteur tertiaire dans un délai de trois mois.

Article 20

Prévoir en loi de finances rectificative pour 2016 un financement du fonds de garantie pour la transition énergétique à hauteur des besoins constatés et une dotation budgétaire pérenne dans la loi de finances pour 2017. Il convient d’abonder la dotation budgétaire des 500 millions d’euros prévus et manquants pour l’instant dans le dispositif.

Demander aux députés membres du conseil de surveillance de la Caisse un rapport spécifique sur cette question.

Modifier le décret n° 2016-1097 du 11 août 2016 relatif au fonds de garantie pour la rénovation énergétique pour prévoir deux réunions par an du conseil de gestion du fonds et l’envoi de son rapport annuel à votre commission du développement durable.

Article 33

Publier le rapport sur les colonnes montantes dans les meilleurs délais

Article 38

Demander au Gouvernement d’interroger les sociétés concessionnaires d’autoroutes sur la mise en œuvre d’une tarification différenciée des abonnements selon la catégorie de véhicules.

Modifier la loi pour prévoir qu’à défaut d’entrée en vigueur de ce dispositif, le concessionnaire devra se justifier ou prévoir un mécanisme de portée plus stricte.

Article 39

Lever le gage ou indiquer comment le rendre applicable.

Modifier le décret du 24 février 2016, qui doit inclure non seulement les dotations aux amortissements de flottes de vélos mais également les achats de vélos, lesquels doivent donc également ouvrir droit à l’amortissement.

Article 41

Prévoir, dans les textes d’application, du 13 juillet 2016, que les locaux de stationnement des vélos doivent être éclairés lorsqu’ils sont situés à l’intérieur des bâtiments

Article 45

Même si la démarche actuellement menée par les aéroports concernés et les pouvoirs publics témoigne d’une volonté de pleinement appliquer cet article :

Inclure les opérations de mise en poussée dans le champ du décret du 10 mai 2016, aboutir à un mécanisme de présentation harmonisée, même s’il n’est pas homogène, sous l’égide de l’ADEME,

Prévoir des sanctions pour tout aéroport ne se conformant pas à l’obligation de communication des données.

Prévoir une évaluation du mécanisme en 2020 et 2025

Article 50

Supprimer le gage ou à défaut de l’appliquer

Modifier les décrets afin d’étendre le bénéfice de la mesure à l’ensemble de la fonction publique.

Prévoir qu’un bilan est publié dans le délai d’un an et non de deux ans comme l’envisage la PPE.

Article 51

Anticiper la date d’entrée en vigueur des plans de mobilité pour les entreprises de plus de 100 salariés du 1er janvier 2018 au 30 juin 2017.

Article 52

Lever l’ambiguïté quant à l’abrogation de la loi de 1941 sur les transports par câbles, abrogation limitée au « milieu urbain », que la loi ne mentionne pas.

Article 53

Rédiger ainsi cet article :

« Les sociétés concessionnaires d’autoroutes s’engagent sans délai et sans majoration de tarifs dans la création ou le développement [de places]d’aires de covoiturage adaptées aux besoins identifiés, à l’intérieur ou à proximité immédiate du domaine public autoroutier, [sous réserve des contraintes techniques et de disponibilité foncière] le cas échéant en participant à une opération menée sous maîtrise d’ouvrage publique définie avec les collectivités territorialement concernées. Elles mettent en place, sous leur responsabilité et à leurs frais, des actions d’information et de communication en faveur du covoiturage sur autoroute. Ces actions visent notamment à renforcer la visibilité de la pratique du covoiturage par les usagers de l’autoroute et à faciliter la mise en relation de conducteurs et de passagers. Les cahiers des charges prévoient la mise en œuvre de ces dispositions et les sanctions applicables en cas de manquement. »

Votre mission juge que cette obligation ne bouleverse pas l’économie des contrats.

Article 60

Rendre publique la position du Conseil supérieur de la marine marchande et assurer le bon fonctionnement de ce Conseil.

Article 62

Harmoniser la définition de la notion de cours d’eau entre le code de l’environnement, le code rural et le code de la propriété des personnes publiques, en reprenant la définition jurisprudentielle, et renvoyer à une cartographie unique

Article 64

Regrouper le plan national avec les schémas régionaux et les plans de protection de l’atmosphère.

Article 68

Ajouter au II de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime, qui prohibe l’utilisation de produits phytopharmaceutiques par les personnes publiques les « cours d’eau », sans revenir sur les possibilités dérogatoires d’utilisation définies par le code rural et notamment le présent article.

Article 69

Prévoir que le Gouvernement s’engage, en application de l’article 132 du règlement de l’Assemblée à faire, quinze jours après son dépôt, une déclaration de présentation de la stratégie nationale de transition vers l’économie, circulaire de manière à ce qu’un débat ait lieu sur celle-ci

Article 71

Indiquer que le dispositif s’applique aux concessions hydrauliques en cours, les cahiers des charges devant être modifiés à cet effet.

Article 75

Assortir l’interdiction de mise à disposition des sacs plastiques d’un mécanisme de sanctions proportionnées, après mise en demeure de se conformer aux dispositions du décret du 30 mars 2016.

Article 76

Intégrer le dispositif de l’article 13 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire dans les dispositions codifiées relatives au marché public et modifier le dispositif pour faire de l’économie circulaire un élément des choix d’adjudication.

Article 85

Prévoir de déclasser, en application de l’article 37 alinéa 2 de la Constitution les mots « au ministre chargé de la mer » dans le texte de l’article L. 5242-9-1 du code des transports, faute de quoi le décret du 2 décembre 2015 présente une irrégularité.

Article 89

Abroger l’article 55 de la loi économie bleue qui reporte d’un an l’entrée en vigueur du mécanisme de responsabilité élargie du producteur en matière de navires de plaisance, sans que ce report ne soit matériellement justifié.

Publier rapidement le texte d’application de cet article, pour une entrée en application au 1er mai 2017.

Article 90

Modifier cet article en renvoyant explicitement au décret le soin de définir les caractéristiques environnementales des produits et en incitant les producteurs à les mettre à disposition des consommateurs.

Article 91

Pour le paiement de l’éco contribution par la presse sous forme d’encarts, dans le décret du 5 juillet 2016, (article D 543-212-2 du code de l’environnement) prévoir que le critère tiré de la proportion de papier recyclé soit progressivement augmenté, et porté immédiatement à 60 %, que l’exception liée aux éléments perturbateurs du recyclage soit progressivement rendue plus exigeante, par la prise en compte des « blisters » dès 2019.

Publier rapidement l’arrêté de barémisation prévu, après concertation avec toutes les parties prenantes, en tenant compte des conditions effectives de reprises des exemplaires lus ou non utilisés.

Article 93

Modifier cet article pour expliciter que l’organisation de la reprise des déchets de matériaux de constructions provenant des professionnels, qui répond à un objet d’intérêt général, peut faire appel aux déchetteries publiques ou résulter de la mise en place par les distributeurs assujettis d’une structure commune, à la seule fin de collecte et de valorisation, même lucrative, sans qu’une pratique anticoncurrentielle puisse leur être imputée de ce fait.

Article 104

Préciser, dans le décret n° 2016-687 du 27 mai 2016, si l’obligation de publicité pour les demandes d’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité concerne celles dont la puissance dépasse 500 MW.

Articles 104 à 107

Faire paraître le plus rapidement possible les décrets visés à ces articles et justifier le retard de parution.

Article 111

Préciser dans le décret du 29 septembre 2016, le statut de l’intermédiation financière et les modalités des participations publiques

Article 113

Voir article 62

Article 114

Supprimer le gage et évaluer le dispositif lors de l’examen de la prochaine loi de finances.

Article 116

Dans le décret d’application du 27 avril 2016 (n° 2016-530) plafonner le montant des frais d’expertises à la charge du concessionnaire.

Article 122

Harmoniser l’article L 421-17 du code des assurances avec l’article L 155-6 du code minier pour fusionner ces dispositifs.

Étendre l’assurance des dommages miniers aux canaux d’arrivée d’eau et aux activités minières directement liées à l’exploitation et prévoir qu’en cas de cessation d’exploitation, les charges liées aux ruisseaux couverts régulièrement abandonnés incombent à l’exploitant.

Article 124

Sans revenir sur son principe, modifier le décret du 26 juin 2016 (Art. 63-4.-I. du décret du 2 novembre 2007) pour prévoir une possibilité de dérogation permettant une sous-traitance de troisième rang dans le seul cas où le sous-traitant est une filiale de l’exploitant

Article 125

Ne pas ratifier, l’article 41 de l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016, qui a remplacé l’ensemble de l’article L. 4451-2 du code du travail que le I de l’article 125 se contentait de compléter en mentionnant le suivi médical spécifique des travailleurs exposés à des rayonnements ionisants, notion qui disparaît du code du travail si cet article de l’ordonnance est ratifié.

Exiger la parution rapide du rapport sur l’intégration aux critères de risques du travail des expositions aux rayonnements ionisants.

Article 128

Prévoir l’entrée en vigueur immédiate de l’article L. 1333-11 du code de la santé publique, qui dispose que l’administration peut réaliser des enquêtes sur les personnes autorisées à avoir accès aux sources radioactives, sans attendre la ratification de l’ordonnance du 10 février 2016.

Préciser, lors de la ratification ou avant celle-ci, les conditions procédurales dans lesquelles la commission des sanctions de l’ASN peut être saisie, les conditions de mise à disposition des personnels, le déroulement de la phase d’instruction et les voies de recours contre les sanctions prononcées.

Ne pas ratifier l’article 41 de cette ordonnance (voir article 12, ci-dessus).

Prévoir, à l’article 50 de l’ordonnance que la dispersion ou l’abandon de matières radioactives, pour constituer un délit, doit être intentionnelle (article L 1333-9 du code de la défense).

Article 133

Modifier le code de l’environnement pour prévoir qu’à l’avenir, tout démantèlement d’une INB donne lieu à consultation dans la région concernée.

Article 144

Modifier l’article 62 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics pour viser dans les critères d’attribution des marchés la performance environnementale des produits

Article 150

Prévoir que les décisions prises par la CRE, après une mesure conservatoire de RTE pour suspendre ou réduire l’activité d’un acteur, donnent lieu à une phase contradictoire, en complétant le second alinéa de l’article L. 321-15-1 du code de l’énergie par les mots : « après que celui –ci ait été mis en mesure de présenter ses observations ».

Article 151

Chiffrer le coût induit par l’absence de suppression des tarifs réglementés pour les puissances souscrites supérieures à 36 kVA dans les zones non interconnectées.

Article 153

Modifier le décret du 26 janvier 2016 pour prévoir, s’agissant du comité du système de distribution publique d’électricité, les conditions de remplacement du président et la publication des avis.

Article 159

Faire paraître rapidement le décret prévu par cet article (tarifs applicables aux entreprises gazo intensives)

Article 164

Inclure rapidement le département de l’Oise dans le champ d’application de cet article

Article 167

Les installations de production et de stockage doivent pouvoir être raccordées à un réseau fermé de distribution.

Article 168

Même en l’absence de PPE, publier le plus rapidement possible les mesures d’application nécessaire au système d’effacement.

Article 173

Supprimer le IV, au profit de l’organisation d’un débat annuel sur l’énergie au Parlement

Dans l’article 221 1-C du code de l’environnement, supprimer le dernier alinéa, redondant par rapport à la loi :

« Le projet de stratégie révisée est adopté par décret après transmission du projet, pour information, aux commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées de l’énergie et de l’environnement et au Conseil national de la transition écologique. »

Article 175

Publier rapidement l’arrêté d’approbation de la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse

Article 176

Modifier le champ d’application de la PPE, en vue d’en distinguer les dispositions impératives et les dispositions non impératives

Supprimer tous les éléments redondants par rapport aux objectifs contenus dans la loi elle-même ou dans ses textes d’application déjà parus.

Remettre en cause le caractère réglementaire de la PPE, qui prive le Parlement d’un examen, alors même que l’assemblée de Corse se prononce sur la PPE de Corse.

Ne pas voter en l’état l’article 5 du projet de loi de ratification n° 4412

Prévoir la programmation d’études sur les incidences de l’éventualité de la cessation d’exploitation des INB dont l’autorisation d’exploitation date de 1980 ou est antérieure à cette date. Ces études non conclusives seront menées par un organisme spécifique, créé par la loi, et devront, pour chaque réacteur, déterminer les critères de coût chiffrer les incidences économiques et sociales et le montant estimé de l’indemnisation de chaque éventuel arrêt d’exploitation. Ces études, seront ventilées par type de coût et actualisées régulièrement. Elles seront rendues publiques.

Article 178

Prévoir dans le décret sur le comité de gestion de la CSPE les dispositions concernant la rémunération des membres du comité, les règles déontologiques, les sanctions applicables en cas de non-respect de la confidentialité et le régime des incompatibilités.

Article 179

Étudier la possibilité que les agences régionales de l’énergie outre-mer deviennent tiers de confiance.

Article 185

Affirmer, en tant que de besoin, que le médiateur de l’énergie est une autorité publique indépendante

Article 186

Prévoir dans l’article L.122-5 du code de l’énergie que la médiation nationale de l’énergie est une autorité indépendante

Article 187

Disposer d’évaluations fiables du coût global d’indemnisation et de démantèlement de chaque centrale nucléaire en fonctionnement depuis plus de 35 ans, ventilée par type de dépenses.

Organiser un débat annuel sur les questions énergétiques au Parlement

Planifier les décisions à plus long terme, et prévoir qu’elles sont prises après une phase de consultations publiques (voir article 133).

Article 196

Publier une circulaire sur les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie précisant les conditions de consultation du public, lesquelles relèvent de la compétence législative, et les conditions d’entrée en vigueur de cet article.

Article 200

L’habilitation étant caduque, reprendre un dispositif sur le développement des réseaux électriques intelligents.

Article 203

Conforter les agences locales de l’énergie, notamment les agences martiniquaise et guadeloupéenne qui possèdent une habilitation énergie.

• Renforcer les liens entre les services de l’État et améliorer le partage d’informations entre la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et les directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement DEAL. Ces dernières ne possèdent pas toujours les éléments techniques nécessaires pour venir en aide aux porteurs de projet.

• Encourager au niveau local le conventionnement entre porteurs de projet et petits producteurs locaux ainsi que la création de sociétés d’économie mixte (SEM). Un projet local a plus de chances de remporter l’approbation sociale si les collectivités sont elles-mêmes impliquées.

- Améliorer la prise en compte des spécificités des territoires ultra-marins dans les dispositifs existants

• Territorialiser les appels d’offres en publiant des appels d’offres par territoire ultra-marin et non pour l’ensemble de l’outre-mer, de manière à prendre en compte les caractéristiques particulières de chaque territoire. Les territoires ultra-marins ne sont pas tous égaux devant les conditions météorologiques et ne partent pas tous du même point en termes de développement des énergies renouvelables.

• Territorialiser le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) en fixant une obligation de réalisation d’économies d’énergie spécifiquement en outre-mer. Cela permettrait de remédier à la situation actuelle. Aujourd’hui, les fournisseurs d’énergie réalisent, en effet, surtout des économies d’énergie auprès des consommateurs en métropole, et ce malgré la valeur plus importante des CEE en outre-mer.

• Introduire l’installation de climatiseurs performants en termes d’efficacité énergétique dans le référentiel des travaux éligibles à l’éco-prêt à taux zéro défini par arrêté.

• Renforcer le volet emploi des PPE outre-mer en préparation. Il est important d’anticiper les conséquences que peut avoir la transition énergétique en termes de compétences et d’emplois. Ces conséquences peuvent être fondamentalement différentes en métropole et en outre-mer. La substitution d’EnR aux énergies fossiles crée beaucoup moins d’emplois indirects en outre-mer qu’elle n’en crée en métropole.

• Établir un cadre réglementaire pour le système de stockage. Ce dernier sera particulièrement utile pour les territoires ultra-marins où les stockages d’électricité, de chaleur et de froid sont indissociables du développement des énergies renouvelable.

Article 208

Rendre plus opératoire le système de recyclage des véhicules usagés outre-mer

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA MISSION

Direction générale de l’énergie et du climat au ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie

– M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat

Direction générale des Infrastructures, des transports et de la mer, au ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie

– M. François Poupard, directeur général des Infrastructures, des transports et de la mer

Union française de l’électricité (UFE)

– M. Robert Durdilly, président

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

– M. Fabrice Boissier, directeur général

– Mme Nadia Boeglin, directrice exécutive adjointe, action territoriale

– Mme Joëlle Kergreis, directrice exécutive adjointe, direction executive programmes

Direct Énergie

– M. Fabien Choné, directeur général, Mme Frédérique Barthelemy, directrice des affaires institutionnelles, et M. Nicolas Guillemet, consultant

Syndicat des énergies renouvelables

– M. Jean-Louis Bal, président

Table ronde sur l’article 173 : M. Jocelyn Krimphoff, WWF France, Mme Marie-Pierre Peillon, présidente de la Commission IR de l’Association Française de Gestion, MM. Benoît Leguet, directeur général, I4CE (Caisse des Dépôts et Consignations), Hugues Chenet, 2e Investing Initiative, Emmanuel Monnet et Jérôme Brouillet, direction du Trésor, Laurent Clamagirand, directeur de la stratégie d’investissement du groupe AXA, et M. Jean-Paul Bouchet, président de l’AGIRC (181)

ENGIE*

– M. Jean-Baptiste Séjourné, directeur de la régulation, et Mme Valérie Alain, directeur des relations institutionnelles

IFP Énergies nouvelles

– M. Didier Houssin, président

Association française du Gaz (AFG)

– MM. Jérôme Ferrier, président, Georges Bouchard, délégué général, et Julien Miro, directeur adjoint des affaires publiques

Table ronde sur les déchets et l’économie circulaire : M. Vincent Le Blan, délégué général, Mme Muriel Olivier, vice-présidente, et M. Didier Imbert, vice-président de la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement (FNADE)* ; M. Fabien Veyret, Mme Agnès Banaszuk, coordinatrice du réseau prévention et gestion des déchets, et Mme Morgane Piederriere, chargée des relations institutionnelles, de France Nature Environnement (FNE)* ; M. Manuel Burnand, secrétaire général de FEDEREC* ; M. Géraud Guibert, président, M. Arnaud Gossement, avocat associé, et Mme Sarah Grau, directrice opérationnelle, de La Fabrique Écologique ; M. Nicolas Garnier, délégué général, M. Benoit Jourdain, vice-président, et M. Julien Baritaux, chargé de relations publiques, d’AMORCE ; M. Baptiste Legay, chef de la sous-direction déchets et économie circulaire, et M. Loïc Beroud, conseil auprès du directeur général de la prévention des risques, de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer

Table ronde sur les compteurs déportés « Linky » et « Gazpar », avec la participation de : MM. Bernard Lassus, directeur du programme Linky, et Pierre Guelman, directeur des affaires publiques d’ERDF ; MM. Jean Lemaistre, directeur général adjoint, et Olivier Béatrix, directeur juridique, de GRDF ; M. François Pesneau, sous-directeur des compétences et des institutions locales à la direction générale des collectivités locales (DGCL) ; M. André Flajolet, président de la commission Environnement de l’Association des maires de France, Mme Gwenola Stephan-Rabier, et Mme Charlotte de Fontaines, Association des maires de France (AMF)* ; M. Pierre Le Ruz, président de CRIIREM ; MM. Jean-Luc Dupont, vice-président, Pascal Sokoloff, directeur général, Jean Facon, directeur adjoint, et Charles-Antoine Gautier, chef du Département énergie de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) ; MM. Etienne Cendrier, porte-parole, et Vincent Corneloup, conseil de l’association « Robin des Toits » ; M. Fabien Choné, directeur général délégué, et Mme Hélène Pierre, responsable des relations institutionnelles, Direct Energie ; MM. Nicolas Mouchnino, expert énergie, et Guilhem Fenieys, chargé de mission relations institutionnelles de l’UFC-Que Choisir ; d’un représentant de la FEDENE et MM. Gilles Brégant, directeur général et M. Bernard Celli, directeur de la Stratégie de l’Association nationale des fréquences (ANFR)

France Énergie Éolienne

– MM. Olivier Pérot, président, Yves Mansillon, conseiller du président, Fabrice Cassin, administrateur de FEE, Lucas Robin-Chevallier, responsable juridique

Réseau de transport d’électricité (RTE)*

– MM. François Brottes, président, Hervé Mignon, directeur de l’économie, de la prospective et de la transparence, Philippe Pillevesse, directeur des relations institutionnelles.

Union française des industries du pétrole (UFIP)*

– M. François Duseux, président, Mme Isabelle Muller, déléguée générale, M. Bruno Ageorges, directeur des relations institutionnelles et des affaires juridiques

Fédérations représentatives des Entreprises Locales de Distribution d’électricité (Fédérations d’ELD) :

FNSICAE*

– M. Francesco Delfini, secrétaire général

– M. Didier Rebischung, administrateur UNELEG

– M. Christophe Chauvet, vice-président FNSICAE

– M. Alain Kinder, président du Syndicat ELE

– M. Guillaume Tabourdeau, délégué général ANROC

GRT Gaz

– M. Thierry Trouvé, directeur général

– Mme Agnès Boulard, responsable des relations institutionnelles

– M. Pierre Astruc, secrétaire général

Association française indépendante de l’électricité et du gaz (AFIEG)*

– M. Marc Boudier, président de l’AFIEG

– M. Luc Poyer, président d’Uniper France

– M. Olivier Puit, directeur général d’Alpiq Energie France

Union des Industries Utilisatrices d’Énergie (UNIDEN)

– M. Jean-Pierre Roncato, président de l’UNIDEN

– M. Claude Conrard, président de la commission pétrole et gaz

– M. Gildas Barreyre, président de la commission électricité

– M. Fabrice Alexandre, conseil de l’UNIDEN

Fédération des Industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC)

– M. Luc Rémont, vice-président de la FIEEC

– Mme Florence Monier-Agnaou, directrice énergie et environnement FIEEC

– M. Eric, Christian Jourde, délégué général de la FIEEC

Table ronde regroupant des organisations non gouvernementales : M. Cyrille Cormier, Politiques énergétiques en France, Greenpeace, de Mme Lorelei Limousin, responsable transports et fiscalité, Réseau Action Climat France (RAC), de M. Raphaël Claustre, délégué général, Réseau pour la transition énergétique (CLER), de Mme Maryse Arditi, membre du réseau Énergie de l’association France Nature Environnement (FNE)*, et de M. Bernard Lapostolet, responsable de programme, Fondation Abbé Pierre

Association Zero Waste France

– M. Thibault Turchet, juriste

Confédération française du commerce de gros et international

– M. Philippe Gruat, représentant le comité de liaison de la distribution au bâtiment

– M. Laurent Martin Saint-Léon, directeur général de la Fédération nationale des bois et matériaux de construction

– M. Gérard Chevillard, représentant la Fédération nationale de la décoration

– Mme Dorothée Bruchet, directrice générale de la Fédération nationale de la décoration

– Mme Marie-Christine Delarbre, directrice générale de la Fédération française de la quincaillerie

– M. Cyril Galy-Dejean, responsable des relations institutionnelles de la Confédération française du commerce de gros et international

Table ronde sur les dispositions relatives aux bâtiments : M. Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable de Schneider Electric France, et Mme Aurélie Jardin, responsable des affaires publiques de Schneider Electric ; M. Pascal Roger, président, et Mme Elise Bourmeau, déléguée générale de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE), M. José Caire, directeur Villes et Territoires durables de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), M. Gwenaël Cottais, directeur général d’Aponergy, Mme Analia Guitart Touati, responsable administratif et financier, et M. Guillaume Lesage, responsable communication ; M. Julien Allix, responsable du Pôle Énergie de l’Association des Responsables de Copropriété (ARC) ; M. Fabien Veyret, responsable du réseau énergie de l’association France Nature Environnement (FNE)*, Mme Adeline Mathien, coordinatrice du réseau Énergie, Mme Maryse Arditi, membre du réseau Énergie, et Mme Morgane Piederriere, chargée des relations institutionnelles ; M. Raphaël Claustre, délégué général du Réseau pour la transition énergétique (CLER) et M. Joël Vormus, responsable efficacité énergétique au CLER ; M. Dominique Desmoulins, directeur général de Promotelec ; Mme Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l’Ordre des Architectes ; M. Guilhem Fenieys, chargé de mission relations institutionnelles de l’UFC-Que Choisir, et M. Nicolas Mouchnino ; M. Guy Lacroix, président du Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique (SERCE), Mme Anne Valachs, directeur général du SERCE, et M. Alexis Cintrat, Relations institutionnelles du SERCE ; Mme Florence Monier, directrice « Energie et environnement » de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC), et M. Benoit Lavigne, représentant FIEEC au Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique et Délégué général d’IGNES ; M. François Massardier, gérant fondateur du Syndicat de la Mesure, MM. Laurent Sireix, président, et Vincent Béranger, délégué général

Association française des industries des produits de construction (AIMCC)

– M. Patrick Ponthier, délégué général de l’AIMCC

– Mme Sylvie Charbonnier, présidente de commissions et groupes de travail AIMCC, directrice politique technique habitat durable pôle produits de construction France, Saint-Gobain

– Mme Caroline Lestournelle, présidente de la commission environnement AIMCC, secrétaire générale du FILMM (syndicat des Fabricants de Laines Minérales Manufacturées)

– Mme Emmanuelle Brière, vice-présidente de la commission Energie-Confort AIMCC, représentante d’UNICLIMA (Syndicat des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques)

– M. Florian Dubois, membre de commissions AIMCC, représentant le SFIC (Syndicat Français de l’Industrie Cimentière)

Autodesk

– M. Emmanuel Di Giacomo, responsable Europe des écosystèmes Bâtiment et information modélisée (BIM)

Énergies et Avenir

– MM. Jean-Paul Ouin et Florent Trochu, porte-parole d’Énergies et Avenir

– Mme Sophie Prefol, consultante en affaires publiques chez Cohn&Wolfe, l’agence de conseil d’Énergies et Avenir

Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC)

– M. Pascal Mauberger, président

– M. Philippe Boucly, 1er vice-président

– M. Gilles Lamarque, conseil

Commissariat à l’Énergie atomique et aux Énergies alternatives (CEA)*

– M. Daniel Verwaerde, administrateur général

– M. Stéphane Siebert, directeur de la Recherche technologique

– M. Jean-Pierre Vigouroux, chef du Service des Affaires publiques, chargé des Relations avec le Parlement

GRDF

– M. Édouard Sauvage, directeur général

– Mme Laurence Confort, chef de mission affaires publiques à la direction de la stratégie

– Mme Catherine Leboul Proust, directeur de la stratégie

Commission nationale du débat public

– M. Christian Leyrit, président

AREVA*

– M. Philippe Knoche, directeur général

– Mme Laurence Chabanne-Pouzynin, directeur juridique Droit Public, Nucléaire, Environnement & Immobilier

– Mme Morgane Augé, responsable des Affaires Publiques France

Commission de régulation de l’énergie (CRE)*

– M. Jean-Yves Ollier, directeur général

– M. Domitille Bonnefoi, directrice adjointe en charge des réseaux

– M. Adrien Thirion, chef du département des Dispositifs de soutien aux énergies renouvelables et aux consommateurs

– Mme Olivia Fritzinger, chargée des relations institutionnelles

Médiateur de l’énergie

– M. Jean Gaubert, Médiateur de l’énergie

– Mme Frédérique Coffre, directrice générale

– Mme Aurore Gillmann, conseillère aux Affaires Publiques

*Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

Compagnie nationale du Rhône (CNR)

- Mme Élisabeth Ayrault, présidente directrice générale

Coop de France

- M. Éric Masset, président de Coop de France Déshydratation, président du comité énergie

- M. Emmanuel Ramfel, chargé de mission énergie

- Mme Irène de Bretteville, responsable relations parlementaires

Syndicat des énergies renouvelables (SER)

- M. Jean-Louis Bal, président

- M. Damien Mathon, délégué général

- Mme Delphine Lequatre, responsable du service juridique

- M. Alexandre de Montesquiou, directeur associé, consultant

FO Énergie Mines

- M. Jacky Chorin, administrateur EDF

- M. Rémy Scoppa, délégué fédéral

- M. Frédéric Pinatel, animateur de l’hydraulique

Union française de l’électricité (UFE)

- Mme Anne Chenu, déléguée générale de l’UFE

- Mme Audrey Zermati, déléguée générale adjointe de l’UFE

- M. Alexandre Barré

Association des Distributeurs d’Électricité en France (ADEeF)

- M. Christophe Chauvet, président

- Mme Marion Bonnetain, vice-présidente

Entreprises hyper électro-intensives

- M. Jean-Paul Aghetti, directeur énergie de Rio Tinto

- M. Nicolas de Warren, directeur des relations institutionnelles d’Arkema

- M. Luc Baud, directeur énergie de Ferropem

ANROC & UNELEG

- M. Alain Kinder

- M. Didier Rebischung

- M. Guillaume Tabourdeau

CGT

- Mme Claire Bordenave

- M. Dominique Pani

- Mme Marie Claire Cailletaud

EDF

- M. Antoine Cahuzac, directeur du pôle énergies renouvelables et membre du comité exécutif

- M. Patrice Bruel, directeur régulations

- M. Frédéric BUSIN, directeur EDF Systèmes Électriques Insulaires

- M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques

+ Contributions écrites reçues de

- Réseau des Agences Régionales de l’Énergie et de l’Environnement (RARE)

*

Déplacement en Guadeloupe

- M. Jacques Billant, Préfet

- M. Jean-Michel Jumez, Sous-préfet de Pointe-à-Pitre

- M. Jocelyn Elouin, chef de cabinet du préfet

Ademe

- M. Jérôme Roch, directeur

Synergile

- Mme Nathalie Chevon, directrice

Le Syndicat Mixte d’électricité de la Guadeloupe (SyMEG)

- M. Albert Elatre, président

Conseil régional

- Mme Magguy Celigny, vice-présidente du conseil régional, présidente de la commission énergie

- Mme Sylvie Gustave dit Duflo, vice-présidente de la commission développement économique, octroi de mer, innovation et recherche

Visite de la centrale géothermique de Bouillante

- M. Didier Gauthier, directeur général

- M. Pierre Beguin, directeur délégué

Visite du site Albioma du Moule

- M. Denis Angibaud, directeur

Visite de l’usine de Gardel

- M. Jean-Marc Étienne, directeur général de l’usine

- M. Sylvain Vidal, directeur d’EDF Archipel Guadeloupe

Visite du centre gérontologique du Raizet

- M. Jean-Claude Toly, directeur adjoint

Visite du parc éolien et parc photovoltaïque de Petit Canal

- M. Dominique Jacob, EDF Énergie Nouvelle

Déplacement en Martinique

- M. Fabrice Rigoulet-Roze, Préfet

- M. Étienne Guillet, sous-Préfet

- M. François de Kerever, directeur de cabinet du préfet

Conseil régional

- M. Louis Boutrin, conseiller exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique, chargé de l’environnement, de l’énergie, du transport et des sports

- M. Ralph Monplaisir, président du Syndicat Mixte d’Électricité de la Martinique (SMEM), président de l’Agence Martiniquaise de l’Energie

Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement en Martinique

- M. Patrick Bourven, directeur

- M. Georges Derveaux, chef du Service Risques Énergie Climat

Agence Martiniquaise de l’Énergie (AME)

- M. Bellemare, directeur

Ademe

- M. Jean-François Mauro, directeur régional

Visite du site du Gallion

Visite du site Aliker [réhabilitation d’un bâtiment de la direction départementale de la jeunesse et des sports en logements sociaux]

Visite du lycée de Chateauboeuf [réalisation d’une ombrière photovoltaïque par les élèves]

COMPTES RENDUS DES TABLES RONDES

TABLE RONDE DU MERCREDI 23 MARS 2016 SUR L’ARTICLE 173

La Mission d’information commune a entendu, lors d’une table ronde sur l’article 173, M. Jochen Krimphoff, WWF France (Fonds mondial pour la vie sauvage) ; Mme Marie-Pierre Peillon, présidente du Comité IR (investissement responsable) de l’Association française de gestion ; M. Sébastien Raspiller et M. Jérôme Brouillet, direction du Trésor ; M. Benoît Leguet, directeur général de l’Institut de l’économie pour le climat I4CE ; M. Hugues Chenet et M. Stanislas Dupré, 2° Investing Initiative ; M. Xavier Bonnet, chef du service économie, évaluation et intégration du développement durable (SEEIDD) au Commissariat général au développement durable (CGDD) ; M. Pascal Dupuis, chef du service du climat et de l’efficacité énergétique, et M. Pierre Brender, chargé de mission au bureau « politique climat et atténuation », direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) ; M. Laurent Clamagirand, directeur de la stratégie d’investissement du groupe AXA ; M. Jean-Paul Bouchet, président de l’Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) ; Mme Anne-Catherine Husson-Traoré, Novethic.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Avant de commencer, je vous informe que nous avons prévu d’organiser trois autres tables rondes. Sur les compteurs déportés « Linky » et « Gazpar », nous réunirons les représentants des réseaux, ERDF et GRF, mais aussi les acteurs plus institutionnels et les opposants au déploiement de ces compteurs, le 11 mai à 16 heures 30 ; sur les dispositions relatives aux bâtiments, une réunion aura lieu le 17 mai à 16 heures 30 ; sur le point de vue d’organisations non gouvernementales sur l’ensemble de la loi, une réunion aura lieu le 31 mai à 16 h 30. Ces tables rondes seront publiques.

Compte tenu de l’ordre du jour de l’Assemblée du 30 mars, qui porte sur AREVA et sur le financement de la filière nucléaire, auquel les membres de la mission participeront largement, il n’y aura pas de réunion à cette date.

Je suis heureux d’accueillir les participants à notre table ronde. Dans la mesure où vous avez répondu très nombreux à l’invitation de la mission, je vous propose d’organiser les débats de manière à éviter de longs monologues et aller à un dialogue utile, qui permette d’identifier ce qui dans la loi, fonctionne bien ou ne fonctionne pas bien : c’est l’objet de la mission. Dans un premier temps, chacun disposera de deux ou trois minutes pour se présenter et dire, le cas échéant, sur quels éléments il souhaite mettre l’accent, mais sans entrer dans les détails. Puis se tiendra le débat de fond, mené par le rapporteur et ceux de nos collègues qui souhaitent intervenir.

M. Jochen Krimphoff, WWF France (Fonds mondial pour la vie sauvage). Je voudrais d’abord vous présenter les excuses de M. Pascal Canfin, retenu par un déplacement à l’étranger qui était prévu de longue date. Dans des fonctions antérieures, il avait contribué à l’adoption de la disposition légale sur laquelle nous nous penchons aujourd’hui.

Deux volets retiennent plus particulièrement l’attention de WWF : la mise à disposition d’informations par les différents acteurs et l’approche par classe d’actifs, actions ou obligations.

Mme Marie-Pierre Peillon, présidente du Comité IR (investissement responsable) de l’Association française de gestion. Je suis aussi directrice de la recherche de Groupama asset management, où je m’occupe de questions financières et extra-financières depuis de longues années.

Sur l’article 173, j’ai eu de nombreux échanges avec la direction du Trésor, en amont de la publication du décret. Aujourd’hui, je reçois de nombreuses questions de la part des sociétés de gestion sur la manière de mettre en place cet article. Pour ces dernières, à la différence des investisseurs institutionnels, il y a eu déjà l’article 224 de la loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle II, portant engagement national pour l’environnement. L’article 173 en constitue un prolongement qui nous pousse à nous interroger sur un mode opératoire. Nous apprécions que le cadre défini soit suffisamment souple pour que nous nous posions nous-mêmes certaines questions, plutôt que de nous voir imposer des critères.

M. Benoît Leguet, directeur général de l’Institut de l’économie pour le climat I4CE. L’article 173 offre, en effet, un cadre souple et flexible, un espace de dialogue. J’appellerai cependant l’attention sur deux points.

D’abord, il faut que cet article soit assez efficace, tant en externe, vis-à-vis des investisseurs, qu’en interne, vis-à-vis des entreprises, pour influer sur la définition de leur stratégie. Ensuite, s’agissant de la perception du signal envoyé par l’article 173, l’objectif est d’avoir une vision claire de la transition énergétique à long terme et des points de passage rendant crédibles les risques liés au climat.

M. Laurent Clamagirand, directeur de la stratégie d’investissement du groupe AXA. Représentant à la fois un investisseur institutionnel et un gestionnaire d’actifs (asset manager), j’aborderai surtout la partie institutionnelle, AXA étant un groupe assez visible sur ce sujet depuis les interventions, remarquées, de notre président Henri de Castries.

J’évoquerai deux points. D’abord, intégrer des éléments de vision et de projection dans la construction cohérente de portefeuilles d’investissement avec des objectifs environnementaux n’est pas tâche facile. Ensuite, j’insisterai sur l’intégration de cette loi dans un cadre plus large, puisque le groupe AXA fait partie du Conseil de stabilité financière (CSF ou Financial stability board) qui réfléchit à ce sujet. La France est en avance en ce domaine : elle joue sans doute un rôle de précurseur, mais il faut tenir compte de ce décalage avec le paysage financier international, dans la perspective des travaux du CSF dont je vous parlerai brièvement.

M. Stanislas Dupré, 2° Investing Initiative. Notre laboratoire d’idées (think tank) travaille sur les questions d’intégration des objectifs climatiques dans les pratiques d’investissement et la réglementation afférente. Il compte une vingtaine de personnes dans différents centres financiers à travers le monde. Nous pilotons des projets internationaux avec des acteurs tels que Standard and Poor’s, Kepler, pour la France, ou encore l’Université d’Oxford. Il s’agit de créer des outils et des méthodes pour appliquer la loi, en particulier de mesurer l’impact financier sur des actions ou obligations par des simulations de crise climatique. Nous nous penchons aussi sur l’alignement des portefeuilles avec les objectifs climatiques.

En partenariat avec le ministère de l’environnement, nous organisons en fin d’année la remise d’un prix à l’investisseur qui aura présenté le meilleur reporting au regard des critères posées par l’article 173. Nous voulons ainsi favoriser l’émergence de bonnes pratiques.

À cet égard, j’insisterai sur le gros décalage entre les objectifs de la loi et les meilleures pratiques actuelles des investisseurs. Il y a un énorme besoin d’innovation qui ne va pas pouvoir être satisfait naturellement. Les pratiques les plus répandues correspondent à des modèles établis depuis dix ans et qui ne répondent pas aux objectifs de la loi, car ils ne sont ni des indicateurs, ni des méthodes d’évaluation des risques, ni des instruments permettant de financer la contribution au financement de la transition énergétique. Pour le Gouvernement, comme pour le législateur, il faut arriver à faire émerger de nouvelles pratiques innovantes dans un cadre où les méthodes soient, au moins dans une certaine mesure, comparables.

M. Sébastien Raspiller, direction du Trésor. Je suis accompagné de Jérôme Brouillet. La direction du Trésor a été chargée de rédiger le décret d’application de l’article 173, en particulier de son VI. Nous pourrons témoigner de l’expérience concrète que fut l’élaboration d’un texte réglementaire d’application de la loi prenant en compte les composantes d’effectivité et de praticabilité des dispositions. Celles-ci recouvrent une thématique extrêmement vaste que la Conférence de Paris sur le climat (COP21) est venue préciser par la suite. Cette conjonction de calendrier a donné une importance accrue à la capacité de prendre en compte toutes ces composantes nationales et internationales dans l’élaboration du texte d’application.

M. Xavier Bonnet, chef du service économie, évaluation et intégration du développement durable (SEEIDD), au Commissariat général au développement durable (CGDD). Le ministère de l’environnement a contribué à la déclinaison réglementaire de l’article 173 pilotée par le Trésor. Nous travaillons également avec nos collègues sur les aspects méthodologiques liés à l’évaluation de l’empreinte carbone. De concert avec la place financière de Paris, nous réfléchissons à la meilleure manière d’élaborer une méthodologie partagée.

Par-delà le recours à des dispositions législatives, il paraît possible de créer un label « Transition énergétique et écologique pour le climat » qui canalisera la finance vers des objectifs climatiques.

M. Pascal Dupuis, chef du service du climat et de l’efficacité énergétique, direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). La direction générale de l’énergie et du climat cultive une sensibilité holistique sur tous les sujets de l’énergie et du climat. Je pourrai vous apporter des informations sur la stratégie nationale bas-carbone, qui a été publiée le 15 novembre 2015, ainsi que des éléments sur la « finance carbone ».

Mme Anne-Catherine Husson-Traoré, Novethic. Nous pouvons, quant à nous, vous apporter un éclairage sur la façon dont les investisseurs, dans le monde entier, commencent à élever le climat au rang de leurs paramètres clés d’investissement, et sur l’articulation des promesses contenues dans l’article 173 avec ce mouvement d’ensemble international.

Je pourrai également vous parler de notre expérience de labellisateur. Puisque nous avons été officiellement désignés auditeurs du label « Transition énergétique et Climat » (TEC), nous pourrons donner notre point de vue sur la façon dont les acteurs financiers intègrent aujourd’hui des paramètres environnementaux, mais aussi des paramètres sociaux.

M. Denis Baupin, rapporteur. L’article 173 n’était pas prévu dans le projet de loi initial. Il est issu d’un amendement que notre collègue Arnaud Leroy – qui vous prie d’excuser son absence cet après-midi – et moi-même avons déposé dans le contexte de la COP21. Tout ce qui peut contribuer à internationaliser les solutions au défi climatique mérite d’être favorisé, puisqu’il ne s’agit pas d’un problème franco-français.

Je vous propose que nous sériions les questions, dans notre discussion.

Comment rendre la loi la plus utile possible ? Il faut pour cela des textes d’application, tels des décrets, mais une démarche particulière est également indispensable. Il convient de répondre aux attentes des acteurs. Nous voulions que le texte trouve une traduction concrète et applicable, sachant qu’il traite de questions difficiles à traduire dans la réglementation. Poser le principe du reporting n’est pas tout ; encore faut-il définir les outils à mettre en œuvre concrètement, que ce soit en matière d’empreinte carbone, de cibles à atteindre, de trajectoire ou de mutualisation des démarches des uns et des autres.

Le texte réglementaire ne doit pas forcément tout encadrer. Les acteurs ayant des démarches différentes, une approche unique n’avait pas de sens. C’est pourquoi le décret a retenu une démarche progressive. Cela implique toutefois de veiller à ne pas se perdre en route : d’autres sujets pourraient retenir l’attention, les habitudes perdurer ou le volontarisme perdre son élan.

Comment conserver l’impulsion donnée par ces incitations ? Comment aussi maintenir une observation extérieure susceptible d’en tirer régulièrement les enseignements ?

Je propose de traiter d’abord du VI de l’article, qui fait déjà l’objet d’un décret.

M. Stanislas Dupré. Nous avons l’impression que le décret n’était pas facile à rédiger, mais que le résultat obtenu est satisfaisant. Le décret ne constitue, toutefois, qu’une pièce d’un puzzle parmi d’autres en forme de points d’interrogation.

La loi est très innovante. Elle a été remarquée par le volontarisme qui caractérise le lien entre ses objectifs et les politiques publiques de gestion du risque financier lié aux changements climatiques et à la transition énergétique, d’une part, et aux pratiques d’investissements supportant les objectifs climatiques, d’autre part.

Après l’élan volontariste du législateur, les investisseurs doivent se saisir de cette question. Jusqu’à présent, leur motivation reposait à 95 % sur le souci d’asseoir leur réputation et de cultiver leurs liens avec les associations environnementales. Il n’y a pas d’objectif concret de gestion d’un risque financier ou de contribution à la transition énergétique.

Lorsque naît une nouvelle réglementation, on laisse généralement les acteurs créer des démarches et approches propres à remplir ses objectifs. Aujourd’hui, on en est loin. Le secteur privé de l’investissement est en plein paradoxe « de l’œuf et de la poule » : pour que les fournisseurs de services et de données développent une offre innovante, ils attendent une demande claire, un marché. Or la loi n’a pas créé cette demande, les entreprises, à leur tour, sont attentistes.

Le flou qui entoure son application et l’ambition dont témoignent les investisseurs la concernant ne permet pas aux agences de notation, comme Standard & Poor’s ou Moody’s, de voir émerger une demande pour des services permettant de mettre en œuvre la loi. Aujourd’hui, l’analyse et les données sont systématiquement sous-traitées ; vous ne trouverez pas de gestionnaire d’actifs qui mette tout en œuvre en interne pour appliquer la loi. Une action s’impose donc pour structurer l’offre, qui ne passe pas forcément par la réglementation.

Mme Marie-Pierre Peillon. Il n’est pas anodin que la loi relative à la transition énergétique ait été adoptée en 2015. Une prise de conscience s’observe chez tous les investisseurs et asset managers, et non plus seulement chez les plus gros. La COP21 et le discours prononcé, le 29 septembre 2015, par le gouverneur de la Banque centrale d’Angleterre, Mark Carney, sur l’impact que pourrait avoir le désastre climatique sur la stabilité financière y ont contribué. Sans conteste, nous sommes plus avancés sur ce sujet qu’il y a deux ans. Il s’agit maintenant de ne pas perdre cette impulsion.

Un des « plus » du décret est que les gestionnaires d’actifs et les investisseurs sont poussés à communiquer sur ce qu’ils font, à reporter, donc à apporter une transparence qui n’existait pas au préalable. L’intérêt est qu’ils peuvent le faire de manière souple, au moins pendant les deux premières années. Chaque acteur est ainsi placé face à ses responsabilités, dans une approche « comply or explain » (appliquer ou expliquer).

Pour les membres de l’AFG, le plus gros défi concerne le reporting, qui procède encore d’approches méthodologiques trop différentes. Cela pose le problème de la fiabilité et de la disponibilité des données, qui ne sont pas comparables entre elles. Aussi conviendra-t-il, dans les années qui viennent, de travailler sur cette fiabilité des reportings. Ce peut être l’un des objectifs de la task force ad hoc au sein du G20. Aujourd’hui, on dispose d’une multitude de données, car la loi permet à chacun d’exprimer tout ce qu’il veut faire ressortir. Au sein de l’AFG, un groupe de travail rassemble les contributions des asset managers pour voir, in fine, s’il est possible de définir un cadre général de reporting.

M. Laurent Clamagirand. C’est, en effet, un sujet compliqué. Nous sommes de ceux qui ont publié l’empreinte carbone. Parmi ces acteurs, une majorité a donné une information incomplète, concernant uniquement les actions et pas les obligations. Du reste, une fois l’empreinte carbone publiée, il est difficile de savoir qu’en faire. Il est malaisé de prendre une décision en vue de diminuer l’empreinte carbone, dont la mesure est vraiment très imparfaite. Il faudra donc du temps avant que société d’assurances, gestionnaires d’actifs ou institutionnel se mettent d’accord sur une méthode fiable de prise de décision sur cette base.

Comment peut-on construire un portefeuille cohérent avec des objectifs de deux degrés ou moins ? C’est compliqué. Je connais les méthodes déployées par 2° Investing Initiative. Si nous les appliquons toutes sur tous les portefeuilles, nous aurons un vrai problème pour nous chauffer et avoir de l’électricité dans cette pièce. On peut y recourir de manière marginale, mais pas à l’échelle macro-économique, ou alors il ne sera pas possible de financer l’économie.

Comment sortir de l’impasse ? Sans doute en adoptant une démarche prospective, et en observant l’évolution des investissements dans le temps plutôt qu’en cherchant à obtenir une photo du budget carbone d’un portefeuille à un instant donné. Comme gestionnaire d’une masse d’actifs d’un volume de 550 milliards d’euros, je ne suis pas capable de déterminer si 850 milliards sont cohérents avec un objectif de deux degrés, et je n’en serai pas davantage capable à la fin de l’année. Marginalement, certes, je sais lancer des actions qui vont dans le bon sens. En diminuant la part du charbon dans un portefeuille, je marque bien sûr des points, mais qu’en est-il de la sidérurgie ? Combien de points est-ce que je marque alors ? Faut-il distinguer entre les divers types de sidérurgies ? On est encore loin de pouvoir estimer le gain en degré que nos actions auront permis de réaliser à la fin de l’année.

M. Benoît Leguet. Il est bon, en effet, de voir les choses dans une perspective dynamique. L’accord de Paris prévoit qu’il faut arriver à des émissions entropiques nettes zéro avant la fin du siècle. C’est un horizon très loin pour les investisseurs, mais pourtant très proche. Au cours des soixante-quinze ans qui nous en séparent, il conviendra d’observer la déformation des portefeuilles dans le temps. Pour que l’objectif soit globalement atteint, il faut, plus ou moins, que chacun l’atteigne à son échelle. Cela aiderait les gestionnaires d’actifs et investisseurs de savoir que certaines technologies et certains modes organisationnels ne sont pas compatibles avec la stratégie climatique. Il faudra donc miser sur les sauts à la fois technologiques et organisationnels.

Mme Anne-Catherine Husson-Traoré. Tout ce que nous venons d’évoquer est lié à l’accord de Paris et à la trajectoire d’une augmentation de la température universelle limitée à deux degrés.

Le IV de l’article 173 fait le lien entre l’investissement responsable et la gestion du risque carbone. Les institutionnels assujettis à l’article 173 doivent faire du reporting en fondant leur analyse sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Cette grille de lecture est très éloignée de leur base de référence. Le décret d’application relatif au IV sera ici déterminant. Il faudrait éviter d’avoir à constater une situation aussi absurde que celle de l’investissement socialement responsable (ISR) et de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), qui se sont développés pendant quinze ans en suivant deux lignes parallèles alors qu’ils procèdent de la même démarche.

En tout état de cause, si la Caisse des dépôts et consignations veut tenir son objectif de réduction d’émissions de son portefeuille à hauteur de 20 % d’ici à 2020, il faut que les entreprises dont elle est actionnaire engagent elles-mêmes cette démarche. Tout repose ainsi sur les obligations des uns et des autres.

Malheureusement, il n’y a pas de reporting fiable et comparable au sein d’un même secteur, ni même au sein d’une même entreprise, d’une année sur l’autre. Aux États-Unis, les investisseurs ont engagé un mouvement d’adoption de résolutions climatiques, qui exigent davantage d’information et de reporting sur la consommation énergétique et l’empreinte carbone des entreprises. Cette initiative évolue vers l’exigence du respect d’une augmentation nette nulle ou d’objectifs définis de manière scientifique (science-based targets). Peut-être est-ce une base sur laquelle nous pourrons construire.

Il conviendra de réfléchir à la reconversion de certains business models qui sont invalidés par cette approche. Même le groupe français Total, qui avait jusqu’ici échappé à l’adoption de résolutions spécifiques par son assemblée générale, a dû s’engager à faire un reporting climatique ad hoc dès 2016. Il sera intéressant de voir comment un groupe emblématique français met en œuvre ce genre d’engagement.

M. Denis Baupin, rapporteur. Que peuvent répondre à ces questionnements les représentants du Trésor qui ont tenu la plume pour dessiner la solution élégante d’une démarche progressive ? Le décret fixe les échéances à 2018 ; d’ici là, quels outils peuvent être mis en place avec les acteurs ?

M. Sébastien Raspiller. Dans le cadre de cette démarche en effet progressive, l’établissement d’un bilan après deux publications a pour objectif d’inciter les acteurs à s’impliquer.

L’une des raisons qui a milité en faveur de ce choix souple, disons plutôt flexible, c’est qu’il n’existe, à ce stade, aucune méthodologie absolument convaincante, à tout le moins suffisamment, pour pouvoir être appliquée par tout le monde. De fait, les uns et les autres découvrent le sujet, même si des avancées rapides s’observent çà et là. J’ai le sentiment que le rôle de l’administration est de mettre du liant entre les acteurs pour favoriser une progression homogène.

Sur le plan international, nous voudrions aussi éviter que chaque pays adopte un cadre différent, ce qui compliquerait la tâche des investisseurs institutionnels français, qui ont souvent un rayon d’action international. C’est pourquoi nous attachons beaucoup d’importance au fait que le Financial Stability Board (FSB), dirigé par Mark Carney, travaille à l’homogénéisation des données publiées.

En tout état de cause, nous nous félicitons de ce que la France soit identifiée comme un pays un peu en avance sur cette question, car cela lui permet d’exercer une influence sur les solutions à adopter. Dans cet esprit, notre décret n’impose donc pas un cadre, mais se lit plutôt comme une invitation à réfléchir. Il engage les acteurs à s’impliquer pour développer des outils pertinents et utiles à tous. Le bilan permet à la fois de conserver l’impulsion intacte tout en laissant le temps d’apporter des améliorations dans ce délai ambitieux et rapide de deux ans.

M. Denis Baupin, rapporteur. Quels outils vous sembleraient utiles pour parvenir, dans deux ans, à l’homogénéisation des données du bilan ?

M. Sébastien Raspiller. Nous avons les outils législatifs et réglementaires nécessaires. L’homogénéisation me paraît devoir procéder d’une initiative des associations professionnelles. Dès lors que des acteurs qui font le même métier, tels les gestionnaires d’actifs et les assureurs, se posent les mêmes questions, il peut être pertinent de commencer par élaborer des guides pratiques donnant des lignes directrices. Pour des questions d’ordre général, cela devrait pouvoir se faire ; pour les points de détail, il est certain que l’homogénéisation parfaite de tous les reportings ne sera pas atteinte. On peut se demander, en particulier, si nous parviendrons à avoir une vision claire de l’empreinte carbone.

Un article du décret prévoit que les autorités de contrôle, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF), assument pleinement la responsabilité de la mission de vérification qui leur est confiée par la loi. Nous partageons avec l’AMF la mission de protéger l’épargne des Français. Il faut que l’information donnée soit juste, alors que les méthodologies sont naissantes et en devenir. Les deux ans de délai seront utiles pour effectuer des tests : certaines les subiront avec succès, d’autres pas. Sur certains points très précis, la sanction viendra de la pratique.

Mme Marie-Pierre Peillon. Au sein du comité IR de l’AFG, nous allons établir une liste de questions que toutes les sociétés de gestion se posent. Le but est de diffuser auprès d’acteurs disposant de moyens limités l’expérience d’acteurs plus en avance et de définir in fine une approche commune.

En parallèle, un deuxième groupe de réflexion s’intéresse à toutes les initiatives de reporting prises au niveau international. Le but est de croiser, dans une approche pragmatique, les actions menées chez les acteurs français et les évolutions constatées à l’étranger.

Il faut se donner du temps. La conjonction de ces deux approches devrait aboutir à une méthodologie un peu plus pratique. Reste, néanmoins, la question de la fiabilité des données.

M. Stanislas Dupré. J’ai insisté, au départ, sur l’importance de la dimension progressive, parce que nous avons besoin d’innovation. Reste qu’il faut tout de même savoir quand nous voulons atteindre notre objectif, c’est-à-dire appliquer la loi. Si vous avez rendez-vous demain matin à Marseille, vous n’irez pas à vélo. Certes, vous progresseriez dans la bonne direction, en faisant beaucoup d’efforts, mais pour arriver à l’heure, mieux vaut prendre le train.

Aujourd’hui, tout le monde constate que les méthodes ne sont pas au point. Très peu d’investissements ont été consacrés à les améliorer, et ils sont quasi exclusivement publics. La question est de savoir comment financer l’innovation dans ce domaine, mais aussi de s’assurer que les acteurs innovent. Il me semble que bien des travaux consistent à observer ce qui se passe à des fins d’harmonisation, mais pas vraiment à s’assurer qu’il se passe quelque chose.

L’un des objectifs de la loi est d’évaluer le risque financier lié à un portefeuille. Comme le soulignait Laurent Clamagirand, la plupart des investisseurs institutionnels sont très exposés sur des obligations. Aujourd’hui, les seuls à produire de l’information en la matière sont Standard & Poor’s, Moody’s ou Fitch. La semaine dernière, Moody’s et Standard & Poor’s m’ont dit que, sans une demande claire et nette de la part d’investisseurs pour acheter ces informations, ils ne mettraient rien en œuvre. La situation pourrait rester bloquée pendant les trois à cinq prochaines années. Il serait donc utile de discuter d’une masse critique d’investisseurs et de clients potentiels qui, en étant susceptibles d’adresser une demande claire à ces agences, les inciteraient à mettre en œuvre des démarches d’innovation.

M. Jochen Krimphoff. J’appelle votre attention sur le calendrier. Tout va se passer cette année : beaucoup d’initiatives sont prises à l’international ; les premiers résultats de la présidence chinoise doivent être délivrés avant l’été. Les choses vont s’accélérer, et si nous attendons trop, nous allons peut-être rater ce train que nous aurions dû prendre pour Marseille.

En particulier, nous risquons de tomber dans les travers du reporting RSE. Juste avant la COP21, un grand cabinet d’audit a publié un bilan des scores climatiques des entreprises au niveau mondial. Vingt ans après la création des premiers rapports RSE, le constat est assez accablant. Cette étude montre clairement un manque de cohérence dans les informations relatives au carbone fournies par les grandes entreprises mondiales, au point qu’il est presque impossible de comparer les performances de l’une à l’autre. Si nous nous donnons trop de temps, nous allons peut-être passer à côté de l’objectif.

Ce calendrier serré, entre FSB, G20 chinois et éventuellement G20 allemand, pourrait donner un coup d’accélérateur dont il serait sans doute utile de profiter au niveau français.

M. Laurent Clamagirand. S’agissant du FSB, on parle d’une mise à la consultation publique début 2017. Nous avons essayé d’influencer la discussion au FSB. S’agissant du champ le plus large possible, j’ai demandé quel serait le champ couvert et appelé à ne pas sacrifier les autres classes d’actifs que les actions – c’est l’essentiel de notre gestion. Il n’a pas non plus été évident de parler de l’information forward looking, pour avoir une idée de ce que pourrait être les normes dans le futur. Au moins ces deux points figurent-ils aujourd’hui à l’agenda de la task force du FSB, même si je ne peux pas vous dire si nous arriverons à une conclusion satisfaisante.

Est également sur la table aujourd’hui l’intégration, dans le reporting, du reporting financier, des métriques en plus du qualitatif, ce qui permettrait d’avoir des chiffres que l’on peut espérer agréger un jour. Je ne vois pas comment, en tant qu’investisseurs, nous pourrons prendre les bonnes décisions tant que ne sera pas intervenue la normalisation de l’information donnée par les entreprises. Sans doute devrons-nous avoir des ambitions modestes au début, s’agissant de ce que nous allons pouvoir mesurer, et reconnaître que cela prendra du temps – peut-être trop pour M. Dupré, mais il faut être réaliste.

Mme Marie-Pierre Peillon. À vouloir aller très vite, on risque de créer des bulles sur certains marchés, par exemple celui des green bonds. Aujourd’hui, c’est un petit marché qui ne représente même pas 50 milliards d’encours. Si tout le monde oriente son allocation de portefeuilles vers les green bonds, on risque de créer des bulles. Mieux vaut prendre le temps de réfléchir ensemble plutôt que de se diriger tous en même temps vers un marché peu profond et peu liquide.

Jusqu’à présent, les agences de notation financière ne se sont absolument pas intéressées à l’approche ESG (Environnement Social Gouvernance). Un certain nombre d’institutions et d’asset managers sont beaucoup plus en avance qu’elles en la matière. Les agences de notation extra-financière ont, quant à elles, une autre approche. L’idée serait de les faire davantage travailler ensemble et de rapprocher les deux modèles. Finalement, les agences de notation financières viennent voir ce qui se passe chez nous et, comme cela a été dit, elles l’intégreront dans leur business model quand elles pourront en tirer des fees.

Mme Anne-Catherine Husson-Traore. L’article 173 s’adresse à une population extrêmement hétérogène dans son degré d’acculturation. Un nombre non négligeable d’institutions ne sont pas aussi mobilisées sur la rédaction de lignes directrices que semble l’espérer M. Raspiller. Certains acteurs et membres de ces associations ne comprennent même pas le concept de risque climatique, d’investissement responsable et d’intégration de l’analyse ESG. La grande masse ne sait absolument pas de quoi il s’agit, et a vaguement entendu parler de la démarche de la Caisse des dépôts et d’AXA, qui relève, selon elle, de l’aventure. On ne peut donc pas mettre sur la même ligne d’évaluation ce genre d’acteurs qui vont, par définition, prendre du temps, et ceux qui, par exemple, dans le cadre de la COP 21, ont pris des engagements chiffrés et fixé des objectifs, dans la logique que Stanislas Dupré appelait de ses vœux.

Nous avons appris qu’une obligation de reporting peut théoriquement créer l’obligation d’élaborer une stratégie – c’était l’idée de l’article 116 de la loi relative aux nouvelles régulations économiques (NRE). Mais ce qui a été démontré, c’est que cela ne fait que créer d’autres obligations de reporting¸ qui aboutissent, au bout de dix ans, à un reporting boursouflé dont on ne sait toujours pas à quoi il sert.

La mise en œuvre de l’article 173 doit permettre, au moins à ceux qui ont commencé à le faire, de valoriser leurs stratégies d’objectifs et d’identification des risques, et qu’ils soient « challengés » sur leur capacité à avoir traduit leurs engagements en faits. C’est une petite communauté de gens, très facilement identifiables puisqu’ils ont signé de nombreuses initiatives publiques. Je peux d’ores et déjà parier que le rapport de 2018 fera état d’un décalage entre les pionniers qui auront fait, non sans difficulté, ce qu’ils auront dit, et la grande masse des investisseurs en attente des lignes directrices nécessaires.

M. Stanislas Dupré. Être rapidement normatif sur les méthodes est très différent d’être normatif sur les choix d’investissement des investisseurs. Avancer très vite en termes de méthode ne signifie pas qu’on est obligé d’investir « plus vert » tout de suite, mais qu’on sait ce dans quoi on investit et quels sont les risques qui y sont associés.

Il est très important, pour les députés et le Gouvernement, de tirer les leçons du reporting dans les entreprises : pendant dix ans, elles ont fait du reporting pour faire du reporting, et l’espoir suscité parmi les observateurs vétérans des débuts – dont je fais partie – a été déçu. C’est pourquoi je défends une logique consistant à trouver des raccourcis pour atteindre l’objectif. Si l’on s’en tient à l’esprit d’aujourd’hui, il faudra un an pour déterminer les bons indicateurs au niveau des entreprises. Puis le FSB et d’autres émettront des recommandations sur lesquelles les entreprises commenceront à s’aligner. Le temps d’avoir une couverture suffisante de l’univers d’investissement d’un investisseur, on peut en avoir pour cinq à dix ans – et je suis optimiste. Le temps, en plus, que les investisseurs s’en emparent et que l’infrastructure de traitement de données des agences de notation intègre ces éléments, la durée totale peut être portée à quinze ans.

En essayant de comprendre comment aligner un portefeuille avec des objectifs climatiques, on s’est rendu compte que, finalement, les informations dont nous avions besoin étaient déjà disponibles et qu’elles ne venaient pas du reporting des entreprises. Il était plus simple d’utiliser des bases de données qui exploitent des données industrielles. C’est ainsi que nous avons trouvé un raccourci qui nous aurait fait économiser dix ans de reporting, puisque ces bases de données existaient déjà.

Il serait donc intéressant de s’interroger sur le calendrier que nous souhaitons ainsi que sur la possibilité de trouver des raccourcis et les moyens à mobiliser pour « atteindre Marseille » plutôt que de savoir à quelle vitesse pédaler pour y arriver à vélo.

M. Jochen Krimphoff. Je suis moins pessimiste que ma voisine s’agissant des obligations vertes. Pour la seule année 2015, les émissions sont de l’ordre de 51 milliards, et on s’attend au double pour cette année. Il y a là une opportunité, notamment sur le marché à taux fixe, puisqu’il y a plus d’informations disponibles sur les actifs sous-jacents, ce qui est plutôt rare sur le marché des obligations.

Il existe aussi, sur ce marché, un besoin de normalisation, de standardisation des informations. C’est peut-être là la clé pour avancer. Je ne pense pas qu’on puisse parler d’un effet de bulle puisque les volumes, qui représentent moins de 0,1 % du marché total de la dette, restent modestes. Sait-on jamais, une émission souveraine émanant d’un gouvernement de cette planète pourrait intervenir cette année et changer la donne, en ouvrant la voie et apportant plus de transparence sur ce marché, qui représente l’essentiel des actifs des investisseurs institutionnels.

M. Denis Baupin, rapporteur. Nous avons entendu les interrogations s’agissant de la méthodologie, du rythme, de l’information. Nous en tiendrons compte.

Passons au IV de l’article, pour lequel le décret serait, avons-nous entendu dire, en préparation. Les représentants du Trésor et du CGDD pourraient nous dire où en est l’élaboration de ce décret, et les autres acteurs nous donner leur avis ?

M. Sébastien Raspiller. Le Trésor est également chargé de la rédaction du décret d’application du IV de l’article 173. Nous avons lancé une large consultation sur les différentes possibilités techniques concrètes. Nous avons eu plusieurs dizaines de retours de la part d’organisations non gouvernementales, d’entreprises ainsi que d’experts dont des commissaires aux comptes. Nous sommes en train de décortiquer les réponses. Sur certains sujets, le consensus est plus immédiat que d’autres. Nous les creusons, car cette consultation innovante ne portait pas sur un texte déjà rédigé. Un projet de rédaction émergera probablement dans les prochaines semaines, qui sera suivi d’une nouvelle phase de consultation. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus, car j’attends la validation de mes autorités.

M. Denis Baupin, rapporteur. Dites-nous en un peu plus sur les sujets, qu’ils soient consensuels ou pas.

M. Sébastien Raspiller. Tout ce qui touche à l’économie circulaire est très consensuel, alors qu’il y a une hétérogénéité d’interlocuteurs, bien sûr, sous réserve de la rédaction que nous proposerons.

En ce qui concerne la prise en compte de l’impact sur le changement climatique, une partie de la société civile a des attentes évidentes. Les réponses marquent un soutien pour cette démarche, y compris au sein des entreprises qui en comprennent l’intérêt mais souhaitent qu’on leur soumette des propositions qu’elles peuvent imaginer pouvoir réaliser.

Cette consultation a permis d’aborder certaines thématiques susceptibles de recevoir des échos favorables et permettant peut-être de trouver une voie pertinente entre l’ambition de la loi et sa matérialisation.

M. Stanislas Dupré. Au vu de la consultation, il me semble que deux dimensions peuvent être distinguées dans le IV. L’une concerne ce que l’on attend des entreprises en matière de reporting sur leur impact carbone. L’autre tient à la cohérence entre la partie IV et la partie VI, à travers la communication, de la part des entreprises, d’informations permettant d’évaluer les risques financiers liés à leur exposition à la transition énergétique et au climat.

À ma connaissance, la consultation ne portait pas sur cette dimension, et je ne sais pas ce qui est prévu dans ce domaine. Le constat que nous faisons, c’est que la dynamique, aujourd’hui, au sein de la task force du FSB, porte essentiellement sur les informations que doivent fournir les entreprises pour informer de l’analyse du risque. En tout cas, le discours de Mark Carney est axé sur cet aspect.

Le VI insiste sur cette dimension d’évaluation du risque. Que va-t-on demander aux entreprises sur ce point, sachant que le fait de donner des informations sur les émissions de CO2 ne permet pas d’évaluer le risque ?

M. Jochen Krimphoff. Il ne faut pas sous-estimer le rôle des commissaires aux comptes qui ont un devoir de conseil auprès de leurs entreprises clientes. Ce point est valable pour le reporting à la fois des entreprises et des investisseurs institutionnels. Somme toute, les commissaires aux comptes doivent se prononcer sur la sincérité et la concordance des informations avec les comptes financiers de chacune des entreprises.

Là aussi, le calendrier sera un élément important. Concrètement, si le décret sort après la parution annuelle du mémento de comptabilité le plus utilisé par les professionnels, aucun comptable ne se préoccupera de cette question. Nous aurons donc perdu une année et la cuvée du reporting 2016 ne sera peut-être pas tout à fait à la hauteur des attentes.

Pour ces raisons, il faut impliquer les acteurs, les informer, certes, par la consultation, mais aussi faire de la formation, et leur rappeler l’importance du rôle qu’ils ont à jouer auprès de leurs clients.

M. Benoît Leguet. Nous avons la même problématique avec le IV qu’avec le VI. C’est même pire, du fait de la diversité des acteurs.

Les investisseurs ont, qu’il s’agisse du IV ou du VI, un rôle à jouer dans le « service après-vente », en s’assurant que l’information qui leur est donnée est utile, le meilleur indicateur étant que les investisseurs engagent un dialogue avec les entreprises. Pour infléchir la stratégie des entreprises, il convient de poser les bonnes questions, pas simplement de faire du reporting pour le plaisir de faire du reporting et de mettre des chiffres dans des cases. Lancer le dialogue, cela veut dire, pour des investisseurs, envoyer des questionnaires aux entreprises. Et si certaines demandes peuvent paraître stupides, demander à son investisseur comment améliorer les choses, c’est un début de dialogue.

Mme Anne-Catherine Husson-Traore. Nous avons fait paraître, hier matin, une note de veille sur la façon dont les entreprises abordent la double question de l’efficacité énergétique, donc de la consommation d’énergie, et des émissions de gaz à effet de serre. Il y a aujourd’hui, à l’échelle mondiale, des secteurs entiers où plus de la moitié des entreprises ne communiquent aucune donnée. La Caisse des dépôts a rapporté, sur ce point, un travail qu’elle a mené avec des entreprises du SBF 120 (Société des bourses françaises), sous le sceau de la confidentialité. Cela vous donne une idée du contexte dans lequel se rédige le décret lié au IV. Même quand la demande d’informations sur la trajectoire et la façon dont est géré le risque carbone vient d’un investisseur tel que la Caisse des dépôts, la réponse est d’une bien piètre qualité. C’est d’autant plus surprenant lorsqu’il s’agit de secteurs qui devraient être, en théorie, pleinement concernés par ce sujet, notamment dans des domaines liés à l’énergie.

S’agissant du IV, je ne dirai pas que les entreprises n’ont jamais entendu parler du sujet, comme certains investisseurs. Tout l’enjeu est donc de leur faire comprendre que, pour leurs actionnaires ou acheteurs d’obligations, c’est un sujet de valorisation qui est intégré par les directions financières. Il y a un énorme travail à faire en la matière, car, aujourd’hui, les responsables RSE sont rarement en lien avec les responsables des relations investisseurs dans les très grandes entreprises. Il y a des road shows spécifiques à l’investissement socialement responsable pour certaines entreprises, mais ils sont en nombre limité. Il est très difficile, dans les modes d’organisation actuels des relations entre investisseurs et entreprises, de faire émerger ce sujet comme un élément concret et déterminant dans la décision d’investir.

M. Laurent Clamagirand. Quand nous avons vu arriver les questionnaires de la Caisse des dépôts, nous nous sommes effectivement demandé combien nous allions en recevoir. Mais ce fut le seul, et nous y avons répondu avec soin. Il est vrai, toutefois, qu’on ne peut pas répondre à chaque institution qui poserait ces questions de manière bilatérale.

Dans l’industrie de l’asset management, de plus en plus de groupes se forment pour entamer le dialogue avec, par exemple, l’industrie pétrolière ou l’industrie automobile. Les questions qu’ils posent sont parfois intelligentes, parfois énervantes pour les entités interrogées, mais elles visent à comprendre l’orientation du business model par rapport à la transition énergétique. Pour notre part, nous sommes souvent partants, avec notre asset manager, pour participer à ces groupes. Il faut qu’ils soient les plus larges possible pour donner plus de poids vis-à-vis des institutions.

Mme Marie-Pierre Peillon. Cela relève de l’engagement actionnarial, pratique pour laquelle nous sommes en retard par rapport aux anglo-saxons. Il faut que nous avancions. Des démarches collectives sont effectivement en train de se mettre en place. Il faut savoir que, du côté des asset managers et au plan individuel, une démarche d’engagement actionnarial est très lourde à mettre en place. Il ne suffit pas d’envoyer un questionnaire, il faut également assurer un suivi, puisqu’un échange doit s’établir avec l’entreprise.

De leur côté, si les entreprises reçoivent trop de questionnaires, elles ne prendront pas la peine de répondre, ayant déjà ceux des agences de notation et ceux des investisseurs. Il faut donc avoir une démarche collective d’engagement actionnarial, non une démarche individuelle d’asset manager.

M. Denis Baupin, rapporteur. Je me tourne à nouveau vers le représentant du Trésor pour qu’il nous indique le calendrier prévisionnel concernant la suite de la consultation et la deadline pour sortir le décret.

M. Sébastien Raspiller. L’objectif, pour le Trésor, est de pouvoir envoyer sa proposition au Conseil d’État d’ici à la fin du mois d’avril. Nous sommes maintenant dans la dernière ligne droite. Cette première consultation en amont sur un texte pas encore rédigé, qui constitue une méthodologie innovante pour l’administration, doit nous permettre d’avancer. Ensuite, l’examen en Conseil d’État prendra environ un mois. C’est donc l’affaire d’une dizaine de semaines.

L’engagement actionnarial est aussi un sujet de discussion au niveau européen. Nous avons, par exemple, des débats sur les agences de conseil en vote. Pour notre part, nous souhaitons que le dialogue actionnarial existe et soit le plus direct possible. L’intermédiation peut être tout à fait utile, et je ne dénigre absolument pas les agences de conseil en vote, mais il nous semble nécessaire qu’il y ait, en la matière, une appréhension directe, tant de l’actionnaire que de l’entreprise.

Je n’ai rien contre Moody’s ou Standard & Poor’s, mais je rappelle qu’en 2008, au moment de la crise financière, nous avons souhaité, au niveau international, moins dépendre des trois agences de notation. Aussi, quand j’entends parler d’appréhension du risque sur les instruments financiers, sans prise en compte du risque climatique, alors qu’on a vu, en 2008, ce que cela pouvait donner, je considère que la démarche proposée par le VI est bonne puisqu’elle permettra d’identifier les bonnes solutions en invitant tout le monde à la réflexion sur cette question.

M. Denis Baupin, rapporteur. En tant que mission de suivi de la loi de transition énergétique, nous souhaiterions avoir les ébauches de vos travaux suffisamment en amont de leur transmission au Conseil d’État, pour avoir le temps de les examiner et de vous faire part de notre sentiment.

La loi prévoit, d’ici à décembre 2016, un rapport sur le V qui concerne les banques et établissements de crédit. Ce qui nous intéresse n’est pas tant le rapport que la démarche engagée à cette occasion. Les travaux sont-ils déjà lancés, et quel est votre sentiment sur cette mise en application de la loi ?

M. Sébastien Raspiller. Le Trésor s’est rapproché de la Banque de France et de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Un groupe de travail a été constitué et prévoit de mener des auditions afin d’avoir une vision claire d’ici à l’automne, et d’être en capacité de délivrer le rapport en temps et en heure. L’intérêt de ce rapprochement, c’est que ces autorités de contrôle sont indépendantes et qu’elles exercent leur mission de surveillance financière dans un cadre communautaire. Une loi nationale sur un sujet d’ordre climatique n’étant pas dans leur ADN initial, la dimension internationale est très utile. J’ajoute que l’implication du FSB et le message de Mark Carney sont très importants et bien intégrés.

Pour notre part, nous essayons de faire preuve d’un plus grand pragmatisme qu’à l’époque du reporting RSE pour éviter le syndrome « je coche la case, donc, j’ai fait le travail ». L’ACPR et la Banque de France ont déjà signalé publiquement leur grand attachement à cette démarche.

Ce groupe de travail est ce que j’appellerai le « premier étage » dans le calendrier, qui prévoit un aboutissement en fin d’année. Nous en sommes à un stade plus en amont par rapport au décret du VI, qui est déjà sorti, et à celui du IV, qui est en cours.

M. Denis Baupin, rapporteur. Nous avons demandé un rapport parce que nous avions conscience qu’il y avait, en effet, des implications internationales et que nous ne pouvions pas tout régir avec la loi française. Avez-vous le sentiment que la prise en compte de cette démarche progresse au niveau international et que les Français ont un rôle d’impulsion utile, ou bien est-elle considérée comme un « truc » avec lequel les Français embêtent le monde ?

M. Sébastien Raspiller. En ce qui concerne le VI, par exemple, nous avons eu de nombreux témoignages d’intérêt de la part d’autres pays qui disent réfléchir aussi à la question, mais sont perplexes, dans un domaine où, de notre côté, nous avons l’air d’avoir fait quelque chose. Pour nous, comme pour tout le monde, d’ailleurs, il y a un véritable intérêt à ce que cela fonctionne.

En ce qui concerne le V, le discours de Mark Carney est tout à fait fondateur en disant qu’il y a tout intérêt à prendre en compte le risque, au cas où il se matérialiserait. La valorisation charbon, par exemple, a un impact sur le portefeuille, et le gestionnaire d’actifs qui y aurait été exposé complètement fait défaut. Derrière, les autorités sont concernées parce qu’il faut traiter le problème des épargnants qui n’ont pas leur argent.

Au niveau international, des voix comme celle de la France mais aussi plus anglo-saxonnes – dans le monde de la finance, réalisme oblige, ce n’est pas inutile – participent à susciter une prise de conscience. Hélas ! les régimes juridiques sont extrêmement différents entre le monde anglo-saxon et le monde continental. La matérialisation concrète, sur l’aspect juridique, entre le devoir fiduciaire et notre règle de droit plus continentale, doit donc pouvoir être prise en compte au niveau international.

Il ne faut pas imaginer que le modèle anglo-saxon devra dominer et être appliqué en France. Il faut pouvoir progresser sur ces deux jambes que sont le droit continental et le droit anglo-saxon. La common law est plus flexible sur certains aspects, mais nous avons aussi des avantages législatifs à faire valoir. Les secteurs bancaires sont sous le coup d’une transformation réglementaire massive. Tout l’enjeu est de leur faire comprendre qu’on n’ajoute pas à l’avalanche de textes réglementaires par plaisir, mais qu’il y a là un élément important à prendre en compte dans la gestion de leurs risques.

Nous en sommes au début. Je ne dis pas que c’est évident, mais il est très utile que le sujet ait acquis une dimension internationale via le FSB. Le gouvernement français l’a beaucoup poussé au moment de la COP21, et le ministre s’en était entretenu avec Mark Carney. Certains pays sont encore peu allants, mais, dès lors que nous aurons atteint une masse critique suffisante, je ne doute pas que le mouvement sera irréversible.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Merci pour votre participation à cette table ronde qui montre qu’il s’agit bien d’un enjeu majeur de la loi.

TABLE RONDE DU MARDI 10 MAI 2016 SUR LES DÉCHETS ET L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

La Mission d’information commune a organisé une table ronde sur les déchets et l’économie circulaire, avec la participation de M. Vincent Le Blan, délégué général, Mme Muriel Olivier, vice-présidente, et M. Didier Imbert, vice-président de la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement (FNADE) ; M. Fabien Veyret, Mme Agnès Banaszuk, coordinatrice du réseau prévention et gestion des déchets, et Mme Morgane Piederriere, chargée des relations institutionnelles, de France Nature Environnement (FNE) ; M. Manuel Burnand, secrétaire général de FEDEREC ; M. Géraud Guibert, président, et M. Arnaud Gossement, avocat associé, de la fabrique écologique ; M. Nicolas Garnier, délégué général et M. Julien Baritaux, chargé de relations publiques, de l’Association des maîtres d’ouvrage en réseaux de chaleur et d’environnement (AMORCE) ; M. Baptiste Legay, chef de la sous-direction déchets et économie circulaire, et M. Loïc Beroud, conseil auprès du directeur général de la prévention des risques, de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Après une première table ronde sur la prise en compte de la transition énergétique dans la stratégie des investisseurs, des banques, des organismes financiers et des assurances, la mission d’information commune sur l’application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a décidé d’en organiser quatre autres, ouvertes à la presse et diffusées sur le site de l’Assemblée nationale, dont les comptes rendus écrits seront donc publiés. Celle d’aujourd’hui est consacrée à l’économie circulaire et à la gestion des déchets, qui constituent un des volets importants de la loi.

Je précise que M. Géraud Guibert et M. Arnaud Gossement nous ont adressé, au nom de la Fabrique écologique, une note que j’ai transmise, hier, aux membres de la mission d’information.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Les dispositions contenues dans les trente-trois articles du titre IV, qui est issu du débat parlementaire, ont un caractère très concret. Ainsi, l’une des principales mesures opérationnelles de la loi est l’interdiction des sacs de caisse en plastique, prévue à l’article 75 et dont il faut saluer le bien-fondé, même si le décret d’application a été publié avec un certain retard, le 30 mars 2016. Cependant, les interdictions ne constituent pas l’essentiel du titre, qui met en œuvre une transition s’appuyant sur des mécanismes concrets de responsabilité élargie du producteur : qu’on songe à la reprise du tissu d’ameublement ou aux objectifs définis par l’article 70 du texte.

Cette table ronde doit permettre au Parlement d’identifier ce qui fonctionne et les blocages éventuels, non de mettre en cause la responsabilité de quiconque – administration, éco-organismes, filières, consommateurs ou industriels, voire législateur, parfois taxé d’irréalisme. C’est dans cet esprit constructif qu’il faut situer cette table ronde, comme les travaux de la mission. C’est dans cet esprit, en tout cas, que je vous poserai quelques questions.

La note de La Fabrique écologique, que le président Chanteguet a évoquée, souligne des retards dans la publication des décrets, le taux d’application, assez faible, étant de 33 %. Une partie de ces retards provient de la nécessaire prudence de la section des travaux publics du Conseil d’État, à laquelle on ne saurait reprocher de sécuriser au maximum les projets de décrets, dans des secteurs où les acteurs économiques défendent leurs intérêts. On doit également souligner la prudence de l’administration vis-à-vis du respect du droit de la concurrence et des règles européennes de libre circulation. C’est, je crois, ce qui explique l’application différée de l’interdiction des sacs plastiques.

On peut aussi souligner que certaines dispositions s’appliquent plutôt bien, comme l’article 85 sur le recyclage des navires, dont le décret d’application a été pris le 2 décembre 2015.

Mais – je pose cette question aux représentants de la DGPR – n’aurait-on pas pu aller plus vite en ce qui concerne l’application de certaines dispositions, en anticipant le cadre réglementaire, pour l’interdiction de la vaisselle en plastique à compter du 1er janvier 2020, par exemple, dont je rappelle qu’elle est prévue par une directive du 20 décembre 1994 ? Pourquoi de tels délais ?

Quels seront les délais de parution des prochains décrets ? Y aura-t-il systématiquement une consultation publique ? Conformément à l’engagement pris par le Premier ministre, les rapporteurs peuvent-ils avoir les textes au fur et à mesure, et non pas être mis devant le fait accompli ?

J’aimerais aussi poser quelques questions plus précises à l’ensemble des intervenants. Considèrent-ils que les objectifs de l’article 70 de la loi, s’agissant notamment de la réduction de 10 % de la production de déchets ménagers d’ici à 2020 ou du tri ou du retraitement de l’ensemble des emballages plastiques, également d’ici à 2020, sont tenables ? Au-delà de ce qui est prévu pour l’interdiction des emballages de presse et le tri à la source, ne faut-il pas prévoir d’autres mesures, quand on sait le faible taux de reprise du plastique ? La même question se pose pour la valorisation.

Le décret du 10 mars 2016 réserve aux agglomérations de plus de 2 000 habitants la collecte au moins hebdomadaire des ordures ménagères résiduelles. Cette mesure ne contrarie-t-elle pas nos objectifs en milieu rural ? Pourquoi ce seuil de 2 000 habitants ? Dans le texte antérieur, il était de 500 habitants.

Où en est la filière de reprise des bouteilles de gaz, prévue par l’article 81 ? La question, que notre président a posée récemment aux représentants de la profession, est restée sans réponse. Faut-il un décret, alors que l’article 81 ne le prévoit pas explicitement ?

S’agissant des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), le décret du 10 mars 2016 prévoit la possibilité d’établir une chaîne de contrats et, le cas échéant, d’avoir recours à un opérateur qui contracte lui-même avec l’éco-organisme. Ce système est-il, selon vous, de nature à permettre une meilleure reprise ?

Concernant la vente de pièces détachées de véhicules issues de l’économie circulaire, le VIII de l’article 77 prévoit une application depuis le 1er janvier. Quelle est votre appréciation sur ce sujet ?

Je souhaite également vous entendre sur la responsabilité élargie du producteur (REP) papier, puisque la mission confiée à nos collègues Bardy et Miquel est terminée. Quid de la parution du décret ? Que prévoit-il pour la presse ? Selon Légifrance, il était prévu en mars.

En ce qui concerne l’article 93, qui traite de la reprise des déchets de matériaux par les distributeurs du BTP ? A-t-on une idée du nombre de sites commerciaux concernés ? Y a-t-il des réticences de la part de ces professionnels ? Que se passerait-il si ces dispositions n’étaient pas respectées ?

Enfin, je souhaite savoir où en sont les cahiers des charges des éco-organismes. Quelles sont les négociations en cours ou celles qui ont pu aboutir ? Cette question s’adresse principalement aux représentants de la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement (FNADE) et de la Fédération des entreprises du recyclage (FEDEREC).

M. Géraud Guibert, président de La Fabrique écologique. Arnaud Gossement et moi-même avons piloté, depuis près d’un an, un groupe de travail sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Nous avons publié une première note au moment de l’examen du texte, et une deuxième, que vous avez eu l’amabilité de diffuser, sur l’application de cette loi. Il s’agit d’un point d’étape : nous y donnons un chiffre concernant les décrets publiés au moment où nous avons rédigé la note, mais d’autres l’ont été depuis.

Notre groupe a beaucoup travaillé sur la définition de l’économie circulaire, et nous nous félicitons que celle qui figure dans la loi soit très proche de la nôtre. Elle nous paraît particulièrement claire et adaptée à l’objectif assigné.

Nous avons par ailleurs constitué deux groupes de travail au sein de La Fabrique écologique. Le premier débouchera sans doute, en septembre, sur une note concernant l’obsolescence programmée. Le second, mis en place récemment, travaille sur la responsabilité élargie des producteurs et fera des propositions au dernier trimestre de l’année.

Nous nous devons d’alerter sur les conséquences que pourrait avoir l’évolution du prix du pétrole et des matières premières sur le développement de l’économie circulaire. S’il avait baissé de manière conjoncturelle, sur une courte durée, la difficulté aurait pu être surmontée. Mais, pour des raisons structurelles, cette baisse va se prolonger. Dans certaines filières, où les matériaux recyclés sont directement concurrencés par les matériaux de base, la question de la compétitivité ne manquera pas de se poser. Cette situation est une menace pour l’économie circulaire, comme l’ont montré les indicateurs des derniers mois. Il faut prendre sans tarder des dispositions – s’inspirant de celles qu’a prises l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) pour la filière plastique – afin de limiter les dégâts dans l’hypothèse où les prix directeurs ruineraient les perspectives de développement de l’économie circulaire.

La fiscalité sur l’énergie et les déchets est une question primordiale et La Fabrique écologique a travaillé à plusieurs reprises sur son évolution. Dans la suite logique des réflexions de ces derniers mois sur le prix du carbone, il nous paraît décisif, pour le développement de l’économie circulaire, d’accélérer le rythme de progression de la fiscalité sur les énergies fossiles et sur le carbone, pour compenser en partie les prix très bas des hydrocarbures. Il serait utile de se doter d’un dispositif qui fixe un prix plancher : la fiscalité ainsi récupérée pourrait être utilisée soit pour la transition énergétique, soit, si les prix devaient un jour remonter très fortement, pour rééquilibrer dans l’autre sens. Il est dommage que les réflexions sur une fiscalité contracyclique des produits fossiles n’interviennent que dans les périodes où le prix du pétrole est très élevé, alors qu’elles nous semblent s’imposer dans la situation actuelle. Cela aurait des conséquences directes sur les filières de recyclage.

Si l’on ne souhaite pas – ou pas suffisamment – s’engager dans cette voie, il nous paraît très important que des initiatives comme celle que l’ADEME a prise au niveau de la filière plastique se développent dans d’autres secteurs, qui restent à expertiser et à identifier. Cette logique nous paraît extrêmement importante pour que le mouvement puisse se poursuivre dans de bonnes conditions. Ce qui est en train de se passer aujourd’hui, au contraire, nous inquiète fortement.

M. Arnaud Gossement, membre de l’Institut de l’économie circulaire et de la Fabrique écologique. Vous avez défini dans la loi des objectifs généraux qui, parfois, n’en sont pas moins tellement précis qu’ils mettent les juges dans l’embarras. Je citerai l’exemple d’un contentieux en cours qui concerne les installations de tri mécano-biologique. Le législateur a défini, à l’article 87, un objectif que l’on pourrait traduire ainsi : les nouvelles installations ne sont pas pertinentes et doivent donc être évitées. Nombre d’opérateurs se tournent donc désormais vers les juristes pour savoir si l’on peut autoriser la création de nouvelles installations, bien que ce ne soit pas la priorité du Gouvernement ni de l’État, ou si elles sont interdites. Dans un jugement du 15 décembre 2015, qui fait l’objet d’un appel, le tribunal administratif de Pau a précisé que cet objectif était pour lui directement applicable et contraignant, et il a annulé une autorisation d’exploiter une nouvelle installation de tri mécano-biologique. Votre rapport sera donc lu attentivement par les différents opérateurs afin de savoir précisément ce que le Parlement a voulu dire à l’article 87.

Nous nous réjouissons de la définition qui a été retenue pour l’économie circulaire, dont il manque peut-être néanmoins un modèle plus opérationnel.

J’ai le sentiment que la discussion sur l’amendement sur la capitalisation des éco-organismes, défendu par le sénateur Miquel, ne porte pas seulement sur une question technique, mais sur une question politique, au sens le plus noble du terme. Elle n’a pas été tranchée, puisque la disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, mais elle rebondit aujourd’hui au niveau décrétal : seul le Parlement, me semble-t-il, peut clore le débat. Qu’est-ce qu’un éco-organisme ? Va-t-on vers la concentration ? Vers la concurrence ? Qui va créer des éco-organismes ? Avec quels moyens ?

Donnons un exemple concret de l’urgence que revêt la question. Deux juges ont estimé en début d’année que les contrats passés par les éco-organismes avec des collectivités territoriales étaient de droit public, ce qui est lourd de conséquences pour leur activité. Aujourd’hui, nombre d’entre eux s’interrogent sur la nature juridique de ces contrats, non seulement ceux qu’ils passent avec les collectivités territoriales dans le cadre de la collecte et du traitement des déchets ménagers, mais tous ceux qu’ils signent, y compris avec des détenteurs publics pour des déchets professionnels. Là aussi, l’interprétation que donnera votre rapport est attendue. Qu’est-ce qu’un éco-organisme ? Est-ce le bras armé de l’administration, comme certains producteurs en ont parfois le sentiment ? On parle encore d’écotaxe à propos de la contribution aux éco-organismes. Est-ce, au contraire, la possibilité pour les producteurs d’organiser librement la collecte et le traitement de certains flux de déchets ?

Nous aurions besoin que le Parlement apporte des précisions sur leur statut, leur création et les conditions de leur activité, d’autant que nous sommes en pleine phase de renouvellement des agréments pour certaines filières, notamment celle des emballages.

En ce qui concerne la contractualisation, pour la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques, les éco-organismes sont appelés à passer des contrats avec les opérateurs de gestion au sens large, pour tous les déchets ménagers ou professionnels. Ainsi se pose la question des conditions de rédaction de ces contrats.

Vous avez aussi, madame la Rapporteure, posé la question des contrats en cascade. Peut-on contracter avec le contractant d’un éco-organisme ? A priori, la réponse est oui. En ce qui concerne les conditions et, surtout, les conséquences de cette contractualisation, les éco-organismes auront, avec ces contrats, un pouvoir d’information, sinon de contrôle, sur les flux de déchets, mais, en contrepartie, ils devront peut-être endosser une responsabilité nouvelle : tous n’en ont peut-être pas pris conscience. L’administration est appelée à apporter des précisions sur les points qui relèvent du domaine réglementaire, mais nous examinerons attentivement les développements qui, dans votre rapport, permettront éventuellement de clarifier les conditions dans lesquelles les opérateurs contractent avec les éco-organismes.

La note de La Fabrique écologique a souligné que la publication des décrets était en retard par rapport à ce qui était annoncé, soit par la ministre, soit par l’intermédiaire du site officiel Légifrance. Il ne s’agit pas de remettre en cause le travail de l’administration, mais de s’interroger sur les raisons qui font que les décrets concernant certaines mesures structurantes, comme la programmation pluriannuelle de l’énergie – qui, certes, ne relève pas du titre IV –, n’ont toujours pas été pris, alors que le ministère les promettait pour fin 2015.

Le travail a été plus important en matière de déchets et d’économie circulaire, grâce, notamment, au grand décret-balai du 10 mars 2016. Toutefois, ce décret peut faire l’objet de quelques observations. Ainsi, le règlement concernant la filière des déchets du BTP était très attendu : il a fait l’objet de nombreux débats et, donc, de compromis, mais il est juridiquement fort complexe et l’on peut se demander s’il pourra être appliqué. En effet, eu égard au nombre de dispositions législatives qu’il faudra respecter, et même si l’affichage de l’adresse est obligatoire, il sera difficile de trouver le lieu de reprise, situé dans un rayon maximal de dix kilomètres de l’unité de distribution. Il conviendrait d’apporter des clarifications sur la portée de l’article 93, afin de fluidifier la gestion des déchets du BTP par certains distributeurs.

Enfin, La Fabrique écologique tient beaucoup au fabuleux levier de développement que constituerait l’introduction de l’économie circulaire dans la commande publique. A priori, modifiant une précédente loi sur la consommation, le texte n’appelait pas nécessairement un décret d’application. Il semble toutefois, d’après l’échéancier d’application de l’article 76, que le schéma de promotion des achats publics responsables doive être complété, pour être opérationnel, par une disposition réglementaire, qui était envisagée pour le mois de janvier 2016. Faut-il vraiment passer par la voie réglementaire ?

Mme Agnès Banaszuk, coordinatrice du réseau prévention et gestion des déchets (France Nature Environnement). France Nature Environnement (FNE) estime que le titre IV de la loi relative à la transition énergétique devrait permettre d’amorcer la transition vers une économie circulaire. Nous sommes sur la bonne voie, puisqu’un certain nombre de décrets ont déjà été publiés. Mais, pour que les mesures soient réellement appliquées et mises en œuvre et que les objectifs et les ambitions soient atteints, il faut que des moyens humains, techniques, financiers et économiques soient consacrés à l’application de la loi.

Il faut également mettre en place un cadre fiscal. Depuis des années, FNE demande l’instauration d’une vraie politique fiscale, liée à la politique « déchets ». Ce point a été largement débattu lors des dernières Assises nationales des déchets, en septembre 2015. La Commission européenne nous avait interpellés sur la question, indiquant que nous avions adopté une loi ambitieuse, mais que, pour la mettre en œuvre, il fallait un volet fiscal incitatif afin de mobiliser l’ensemble des acteurs. Nous espérons que le prochain projet de loi de finances sera l’occasion, pour le Gouvernement et les parlementaires, de mettre en œuvre ce volet fiscal, avec une TVA réduite pour les collectivités qui auraient mis en place une collecte sélective de biodéchets ou une tarification incitative en matière de déchets. L’article 70 ne fait une obligation ni de l’une ni de l’autre, se contentant d’inciter les collectivités à se saisir de ces outils, qui devraient permettre d’atteindre les objectifs fixés par la loi.

M. Guibert l’a rappelé, il faut soutenir l’économie du recyclage, qui souffre de la baisse du cours des matières premières et du pétrole. Il serait également important de soutenir l’économie de la prévention des déchets, c’est-à-dire les activités de réemploi, de réparation, de refabrication ou de rénovation. Certes, au niveau européen comme au niveau français, la loi donne la priorité à la prévention des déchets, mais cela ne se vérifie toujours pas dans les faits. Les bâtiments, par exemple, ne sont pas éco-conçus pour être ensuite déconstruits, avec la possibilité de récupérer des matières ou des produits à réemployer ou à recycler. On utilise aujourd’hui assez peu de matières recyclées dans les bâtiments. Nos produits de consommation courante sont encore très peu durables et nos emballages ne sont pas réemployables.

Il est également nécessaire de compléter la planification. Les plans régionaux devraient être adoptés assez rapidement. Au niveau national, nous attendons encore le plan de réduction et de valorisation des déchets, qui était prévu pour 2014, ainsi que la stratégie nationale de transition vers une économie circulaire, qui devrait nous permettre d’identifier les différents paliers dans la mise en œuvre de cette loi et de ses différentes mesures.

L’exemple du secteur du BTP illustre les idées que nous portons aujourd’hui : la nécessité d’un soutien économique et d’une incitation fiscale, le besoin de soutenir les activités de prévention des déchets et le besoin de planification. En France, le secteur du BTP est responsable de 247 des 345 millions de tonnes de déchets produites. On en parle trop peu au regard de l’importance des enjeux. Il faut absolument éco-concevoir nos bâtiments pour favoriser le recyclage et le réemploi des matières. Pour y parvenir, il faut mettre les acteurs en mouvement, les sensibiliser, les former, les informer et les inciter à mettre en place ces différentes mesures.

M. Manuel Burnand, directeur général de la Fédération des entreprises du recyclage. Il est possible de réduire de 10 % la production de déchets ménagers d’ici à 2020 : il suffit d’en avoir la volonté et de prévoir des débouchés supplémentaires pour consommer les matières premières de recyclage.

Le recyclage des bouteilles de gaz est très délicat, car leur manipulation est extrêmement dangereuse. Trop de bouteilles se retrouvent sur les chantiers de ferraille et sont la cause d’accidents mortels, passant dans les broyeurs qui provoquent des explosions plus ou moins graves. Ayant dirigé pendant des années la commission « broyeurs » de la FEDEREC, je peux vous dire qu’il s’agit d’un problème récurrent. Il existe des solutions, mais elles sont extrêmement coûteuses. La reprise des bouteilles de gaz n’est pas généralisée. Primagaz et Butagaz jouent le jeu et les reprennent gratuitement. On peut aussi faire venir des spécialistes qui demandent 50 euros pour faire exploser une bouteille. Mais, sur les chantiers, on hésite à franchir le pas, et on stocke d’importantes quantités, en espérant que la reprise sera organisée un jour.

Vous nous avez interrogés sur les DEEE et les contrats avec les éco-organismes. Un tel système peut en effet améliorer la reprise. Les éco-organismes ont la capacité financière et le mandat pour organiser les choses. Toutefois, le système a une limite : en matière de recyclage des pneumatiques, par exemple, le producteur met une certaine quantité de pneus sur le marché, fait une commande de reprise et arrête la collecte quand il a atteint son quota. Les détenteurs, quant à eux, se plaignent souvent que personne ne vienne chercher leurs pneus.

Ce sujet concerne aussi les DEEE. En dehors de Récylum pour les tubes et lampes, les principaux acteurs de la filière sont Eco-systèmes, l’éco-organisme européen ERP (European recycling platform) et Ecologic. L’agrément d’ERP n’ayant pas été renouvelé, il a interrompu son activité mais gardé l’argent des metteurs sur le marché, si bien que les deux autres éco-organismes ont récupéré son activité sans forcément disposer des financements. Aussi, des tensions apparaissent, notamment du côté d’Ecologic.

Le système peut tenir, mais la question de la capacité financière de l’éco-organisme se pose, ainsi que celle des difficultés inhérentes au marché. Dès lors qu’il y a plusieurs éco-organismes sur un même terrain de jeux, des surenchères sont à prévoir, tirant les prix vers le bas. Certes, on peut se dire que la concurrence est une bonne chose, mais elle peut avoir des effets pervers, tels que la dégradation de la prestation environnementale et celle des marges des opérateurs. L’objectif des éco-organismes étant souvent de faire leur marge sur le dos des opérateurs, on peut arriver à une situation de blocage. N’oublions pas, en outre, que les éco-organismes subissent eux-mêmes les effets de la baisse du coût des matières premières. Ils paient au même prix le service de recyclage mais récupèrent une matière dévalorisée, ce qui affecte leur budget. Ecologic se demande ainsi comment il pourra poursuivre sans recettes. Le principe est bon, mais la question de l’organisation globale des éco-organismes se pose. Quand les prix sont élevés, tout va bien, mais il faut rester vigilants et regarder ce qui se passe dans les autres pays.

En ce qui concerne les pièces de réemploi, l’application de la disposition est prévue à compter du 1er janvier 2017. Dans les faits, on note quelques difficultés, s’agissant notamment des pièces automobiles, qui font l’objet d’un gros marché à l’export. Or les opérateurs se sont retrouvés soumis à des contraintes importantes. Nous avons préconisé une sortie du statut de déchet implicite dès lors qu’il y a qualification de pièce de réemploi. Cela dit, on ne peut pas inonder les pays d’Afrique de vrais déchets. Comment bien arbitrer en la matière et faire en sorte qu’on exporte vraiment une pièce de réemploi et non un déchet ?

Par ailleurs, ouvrir le marché du réemploi, c’est aussi accepter la pièce de réemploi dans la réparation des voitures. Cela nécessite de passer des conventions avec les compagnies d’assurance. La France n’est pas très en avance en la matière, car ce n’est pas l’intérêt des constructeurs, dans la mesure où ce sont des marges en moins pour les réseaux et pour les marques. C’est un sujet délicat au plan commercial.

En ce qui concerne le BTP, y a-t-il suffisamment de sites commerciaux ? Concrètement, un centre commercial, qui vend différents matériaux, peut installer un petit box pour récupérer quelques déchets, mais cela ne sera pas réaliste sur le long terme, surtout si les clients déposent tout dans le même box. Il vaudrait mieux passer des accords avec des centres acceptant plusieurs types de déchets.

Pour ce qui est du cahier des charges des éco-organismes, je fais référence aux débats que nous avons sur Eco-Emballages, l’arrivée de Valorie et d’ERP. Nous avons quelques craintes concernant la fuite des déchets vers l’Allemagne. Par ailleurs, pour être plus compétitif, Ecologic veut envoyer ses déchets en Espagne, où la mise en décharge est moins onéreuse. Il paraît délicat de facturer le consommateur français pour envoyer des déchets en Espagne ou en Allemagne.

En Europe, la fiscalité n’est pas déclinée de la même manière dans tous les pays. Il faut faire preuve de vigilance. Cela étant, nous craignons de retrouver le même système que pour les DEEE, avec des effets pervers. Le principe de la concurrence entre éco-organismes est excellent, mais ses conséquences peuvent être dommageables pour la France. Si nous perdons des déchets qui partent vers l’Allemagne, nous perdons de la valeur, de la ressource et du pouvoir calorifique.

En ce qui concerne la nécessité de mettre en place des systèmes de contrôle, la loi est ambitieuse, mais il nous faudra tout de même réfléchir à la façon de mesurer et de contrôler, ce qui n’est pas simple.

S’agissant des pièces issues de l’économie circulaire qui pourraient remplacer les pièces neuves, on peut, à mon avis, en rester aux définitions existantes.

Concernant le principe de proximité, la FEDEREC estime que cela réduit les coûts logistiques, et donc l’empreinte CO2. Cependant, les capacités ne sont pas toujours en place. L’industrie papetière, par exemple, peut consommer 60 % des déchets de papier. Il faut donc exporter le reste, à moins de recréer de la capacité industrielle en France. Même chose pour les ferrailles : 40 à 50 % d’entre elles quittent la France, où la consommation industrielle est insuffisante. En tant que tel, le principe est sain, mais on ne peut l’imposer dans les faits. Il faut faire preuve d’un peu de réalisme industriel.

La gouvernance des filières REP est un sujet très important. En même temps que les éco-organismes montent en puissance au fil des ans, en termes de compétences, de moyens et de recherche-développement (R&D), les opérateurs s’appauvrissent et deviennent des exécutants, ce qui est préoccupant. Nous souhaitons que les fédérations soient actives au niveau de la gouvernance et représentatives au sens de la loi de mars 2014, c’est-à-dire qu’elles aient une ancienneté supérieure à deux ans, un vécu d’implantation territoriale, une certification des comptes, une audience significative et une convention collective. Il ne faut pas laisser n’importe qui s’exprimer sur ces sujets.

L’extension des consignes de tri est une mesure saine. Cela étant, dans la réalité, on va consommer beaucoup, en termes d’énergie électrique et de logistique, à vouloir séparer tous les déchets par catégorie. Est-ce réaliste dans tous les cas et dans tous les contextes économiques ? Dans certains cas, plutôt que de vouloir recycler à tout prix, il vaut mieux faire un bon combustible solide de récupération (CSR).

En ce qui concerne l’éco-conception, nous avons encore beaucoup à faire. Il faut que les opérateurs qui traitent les produits soient mis dans la boucle. Je suis surpris que les éco-organismes décident seuls de l’éco-modulation. Nous, qui faisons le travail, devons pouvoir dire ce qu’il en est.

Enfin, il faut renforcer la lutte contre les sites illégaux. Depuis quelques années, des bandes organisées internationales se livrent au vol de métaux. La France a pris l’initiative d’interdire les achats en espèces. La démarche était bonne, mais les ventes se font maintenant dans les pays frontaliers, et nous avons bien du mal à imposer ce principe au niveau européen. Tout reste à inventer et, même si FEDEREC est très impliquée dans les relations avec les douanes, le sujet est délicat.

Par ailleurs, il est nécessaire de produire des CSR. Or, par rapport à l’Allemagne, la France part de loin. La cimenterie a de gros avantages : elle prend peu d’argent, toutes les cendres vont dans le clinker et se retrouvent dans le béton, ses traitements à haute température entraînent peu d’émissions. Toutefois, si l’on veut faire un traitement correct, maîtriser les cendres et les rejets, cela a un coût et, de toute façon, la filière cimentière ne peut pas tout éliminer. La FNADE a mené des travaux sur ce sujet, mais, aujourd’hui, il faut trouver les solutions industrielles adéquates. Deux logiques s’affrontent : soit on fait du traitement de proximité avec des petites unités, soit on met en place, « à l’allemande », des structures de 600 000 tonnes et on va chercher les déchets plus loin – ainsi, les Allemands aimeraient bien venir chercher les déchets en France.

M. Vincent Le Blan, délégué général de la Fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement. Nous nous sommes réjouis de l’adoption d’une loi aussi ambitieuse qu’accessible, et notamment de l’intérêt qu’elle accorde aux déchets, tant ménagers qu’industriels. Si j’insiste sur ce point, c’est que, au niveau européen, le paquet « économie circulaire », qui est en discussion, ne s’intéresse qu’aux déchets ménagers. La France a donc un temps d’avance.

Cette loi comporte une série de mesures concernant le tri à la source des cinq flux pour les déchets des activités des entreprises, l’extension des consignes de tri des plastiques, le tri à la source de tous les biodéchets, l’extension de la tarification incitative, les objectifs de valorisation pour les déchets du BTP, la reprise par les distributeurs de matériaux des déchets professionnels du BTP, le cadre réglementaire adapté pour développer la production d’énergie à partir de CSR, l’augmentation de la part des énergies renouvelables et de récupération dans les réseaux de chauffage urbain à l’horizon 2030. Cette batterie de mesures a pour effet de favoriser la production de plus de matières et de plus d’énergie, ces deux volets étant importants.

Cependant, la loi ne prévoit pas de mesures d’accompagnement pour favoriser son application. Ces mesures pourraient être des soutiens, des incitations, des aides, des dispositifs fiscaux, une baisse de la TVA, une meilleure visibilité en termes de fiscalité.

Je souligne également le manque de mesures de contrôle et de sanctions, ce qui freine l’application de certains dispositifs. Je pense notamment à la mise en place du décret « 5 flux ». Que se passe-t-il si les industriels ne respectent pas les indications, concernant les déchets des activités des entreprises ? Le fait qu’il n’y ait ni contrôle ni sanction sera un frein à la mise en application.

Je pense également au développement du tri à la source et des biodéchets. C’est un volet structurant de la loi, mais il ne prévoit ni contrôle ni sanction. Quelles mesures d’accompagnement aurait-on pu prévoir, au moins pour inciter à faire ce tri ?

De même, en ce qui concerne le développement de la tarification incitative, des objectifs ont été fixés pour 2025, mais que se passe-t-il si personne ne s’y met et si le calendrier n’est pas respecté ?

Pour mettre en place toutes ces mesures et pour investir, les opérateurs et les industriels ont besoin de visibilité. Il y a, aujourd’hui, une certaine visibilité législative, qui n’est que partielle au niveau réglementaire. Mais, en l’absence de mesures d’accompagnement, cette visibilité n’est pas totale. En matière fiscale, nous n’en avons aucune pour le moment. Le projet de loi de finances rectificative ne nous a pas apporté les réponses que nous attendions en la matière. S’agissant notamment de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), la FNADE soutient globalement le principe, évoqué par le Comité pour la fiscalité écologique, d’une hausse continue et progressive de la TGAP et d’une visibilité sur dix ans : cela correspondra au « plan déchets » qu’est en train de finaliser la DGPR.

Nous soutenons également le principe général des modulations, qui favorise la protection de l’environnement, ainsi que celui de l’égalité de traitement entre les installations publiques et les installations privées. Mais nous voulons également pouvoir entériner la trajectoire contribution climat-énergie et faire évoluer le marché du carbone pour les installations soumises au système communautaire d’échange de quotas d’émission (ETS, Emission Trading Scheme), en cohérence avec la trajectoire de la contribution climat-énergie.

Mme Muriel Olivier, vice-présidente de la FNADE. On dénombre une quinzaine de filières REP dans notre pays, ce qui ouvre une possibilité en termes de dépollution des déchets et de volume de matières à recycler pour favoriser l’économie circulaire. Les filières REP sont sans doute plus importantes en France que dans d’autres pays européens.

Aujourd’hui, nous sommes dans une situation difficile. Il est nécessaire d’arriver à un vrai partage des risques et de la valeur entre ceux qui mettent en marché, d’une part, et les opérateurs des filières REP, d’autre part. Nous avons atteint les limites du système, s’agissant notamment des filières organisationnelles.

Nous proposons de dresser un panorama de l’état financier des unités industrielles travaillant sur les filières, en particulier sur la filière DEEE où il y a d’énormes difficultés, et de développer ensuite un renforcement notoire des cahiers des charges pour les éco-organismes.

Il faut éviter les abus en termes de prix, qui mettent en danger les installations industrielles créées en France. Celles-ci ont parfois bénéficié, pour se développer, du soutien de l’ADEME, mais elles perdent aujourd’hui des tonnages et sont déséquilibrées au profit de nouveaux acteurs qui n’ont pas, pour l’instant, l’autorisation d’exploiter et vont devoir construire leurs installations.

Cela vaut pour les acteurs établis en France, mais il arrive aussi que l’exportation de déchets soit financée par le citoyen français, alors que nous disposons d’installations industrielles respectant tous les standards. Notre proposons donc, dans un deuxième temps, de bâtir, avec l’ensemble des opérateurs, y compris les éco-organismes, un véritable plan industriel national qui garantisse l’atteinte des objectifs fixés dans les filières REP, ces objectifs étant nécessaires pour atteindre ceux de la loi, tant sur la partie recyclage que sur la partie stockage.

La loi a pour ambition de développer le tri à la source, la collecte et le traitement des biodéchets des ménages et des gros producteurs de biodéchets, ces derniers étant déjà concernés depuis la loi de 2012, mais c’est une filière qui se développe assez lentement. En France, les biodéchets représentent 4 millions de tonnes, soit un volume très important. Ils sont soumis à la fois à la réglementation « installations classées pour la protection de l’environnement » (ICPE) et à la réglementation sanitaire, les déchets de cuisine et de table pouvant entraîner un risque sanitaire dans leur collecte et leur traitement. Les ICPE sont du ressort du ministère de l’environnement, tandis que l’agrément sanitaire est délivré par le ministère de l’agriculture. Or, aujourd’hui, la tentation existe de déroger à cet agrément sanitaire. Le ministère de l’agriculture prépare un projet d’arrêté visant à développer le compostage in situ, avec une utilisation jusqu’à une tonne par semaine. Or on considère qu’un producteur de biodéchets est important à partir de 10 tonnes par an. Ce projet d’arrêté contredit donc la loi. Des quantités très importantes seraient compostées in situ, sans autorisation d’exploiter ni agrément sanitaire, puisqu’on resterait en dessous des seuils, ce qui induit un risque sanitaire. Nous souhaiterions une application harmonisée des mesures et que, au-delà de 10 tonnes par an, il n’y ait pas de possibilité de dérogation.

On a beaucoup parlé du nécessaire soutien aux matières issues du recyclage. J’évoquerai, en complément, le développement de l’utilisation de l’énergie produite à partir de déchets. Comme l’a dit Vincent Le Blan, les industriels potentiellement utilisateurs d’énergie produite à partir de CSR ont aujourd’hui besoin de visibilité sur la contribution climat-énergie. La loi a fixé une trajectoire, qui a été en partie reprise dans la loi de finances rectificative pour 2015. Mais la contribution climat-énergie concernant les chaudières en dessous de 20 mégawatts, celles au-dessus de 20 mégawatts étant soumises à la réglementation européenne, la loi des quotas ETS devant être révisée pour l’après-2020, le marché des quotas étant aujourd’hui peu attractif – 6 à 8 euros la tonne –, les utilisateurs potentiels se demandent si la trajectoire s’appliquera vraiment en France et comment elle s’articulera avec le marché des quotas.

Il faut saluer le travail mené pour développer la filière CSR. Un décret va paraître, ainsi que des arrêtés sur la préparation de CSR et sur la production d’énergie à partir de CSR, et l’ADEME a lancé un appel à projets pour favoriser le développement d’unités de production d’énergie à partir de CSR. Nous nous réjouissons de tout ce qui a été mis en place depuis un an.

La loi affiche l’ambition de multiplier par cinq l’énergie renouvelable ou de récupération dans les réseaux de chaleur. Le CSR peut contribuer à alimenter ces réseaux ou des industries intermittentes. Pour développer cette utilisation, il serait nécessaire d’avoir un complément de rémunération pour produire de l’électricité à partir de CSR même dans les périodes où l’on utilise moins de chaleur. Cela n’est pas prévu dans les appels d’offres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).

En ce qui concerne la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), on cite l’énergie de récupération, sans véritablement fixer d’objectif. Elle devrait être intégrée dans la PPE et il faudrait, comme pour les autres énergies, définir des volumes. L’énergie produite à partir de CSR provient de refus de tri : il ne s’agit pas d’entrer en concurrence avec le recyclage, mais d’éviter le stockage. La loi prévoit de diminuer de 50 %, par rapport à 2010, les quantités stockées à l’horizon 2025. Cet objectif ne sera atteint que si le nécessaire a été fait au préalable en matière de prévention, de recyclage et de production d’énergie à partir de CSR.

M. Nicolas Garnier, délégué général de l’Association des maîtres d’ouvrage en réseaux de chaleur et environnement (AMORCE). Je voudrais souligner le mérite que nous avons eu à élaborer ensemble, dans des délais très courts, un titre IV qui est en quelque sorte le passager clandestin d’une loi traitant d’abord de la transition énergétique. Il a fallu deux ans pour rédiger la partie énergétique, et quatre à cinq mois pour le titre IV, qui offre un cadre structurant, avec des objectifs que nous partageons tous.

Ces objectifs mériteraient de figurer dans la future directive, dont débat la Commission européenne. Cessons de nous flageller : en matière de gestion des déchets et d’économie circulaire, la France figure probablement dans le Top 10. Tout dépend en fait de la manière dont on calcule les taux de recyclage : nos amis allemands sont bien meilleurs que nous en matière de lobbying…

Si, à quelques jours de Roland-Garros, vous me permettez une métaphore tennistique, je dirai que le cadre de la loi est bon, mais qu’il faut vérifier la solidité du cordage et la taille des trous dans la raquette. Elle contient par exemple beaucoup de mesures concernant la prévention. On peut toutefois se demander si le dispositif sera mis en œuvre et efficace. La question des sacs plastiques et de la vaisselle jetable est symbolique, visant à faire prendre conscience du problème et à éduquer. Mais les gisements en jeu sont assez faibles et ne permettront pas d’atteindre une baisse de 10 % de la production des déchets ménagers. Le gaspillage alimentaire représente des gisements extrêmement importants, d’un tout autre ordre de grandeur. Entre les interdictions des sacs de caisse et la généralisation de la lutte contre le gaspillage alimentaire, l’écart est de 10 à 50.

S’il est une mesure de prévention qui paraît excellente mais n’a pas totalement atteint sa cible, c’est bien la suppression de la date limite d’utilisation optimale (DLUO), qui ne s’applique qu’à très peu de produits. Ainsi, une DLUO figure toujours sur les paquets de riz ou de pâtes, alors qu’on peut continuer de manger sans risque leur contenu trois, voire quatre ans après la DLUO. Quoi qu’il en soit, vous avez ouvert une brèche, mais il faudra probablement réexaminer cette question.

Je serai plus nuancé en ce qui concerne le recyclage, même si nous avons tous travaillé sur le dispositif : l’extension d’un certain nombre de REP, en particulier les REP graphiques, est une immense déception. Le texte adopté était presque parfait, mais les décrets d’application le dénaturent – comme souvent, le diable est dans les détails. Les collectivités locales collectent et traitent un gisement de graphiques représentant à peu près 700 000 tonnes et coûtant 700 à 800 millions d’euros aux contribuables. Il s’agissait donc d’envoyer un signal pour dire que tous les graphiques qui se retrouvent dans la poubelle de recyclage, de Elle à France Football et à L’Obs, doivent contribuer à financer la collecte sélective, dans les mêmes conditions que les emballages. Or il nous est aujourd’hui proposé d’exonérer quasiment toute la presse ! Alors que la première partie du gisement, qui en représente une grosse moitié, paie aujourd’hui 65 millions d’euros pour un coût de 400 millions, soit une prise en charge de la REP à hauteur de 10 ou 12 %, et alors que le législateur est parvenu à élargir ce gisement, l’enjeu ne dépasserait pas 5 millions d’euros. Tout ça pour ça ! Au bout du compte, cela va se traduire par des aides en nature et des exonérations. Ce qui veut dire que Elle, France Football, Libération et les autres ne paieront quasiment rien.

Peut-être faudra-t-il un jour faire une loi REP, pour ne plus aborder, comme chaque fois, la question de manière erratique. Qu’est-ce que la base de la REP ? Quels sont les gisements sous REP ? En l’occurrence, je veux rassurer nos amis de la FNADE : je ne pense pas qu’il y ait des produits devant faire l’objet d’une responsabilité du producteur initial, tandis que d’autres n’y seraient pas soumis. Nous avons beau être les champions d’Europe de la REP, environ la moitié du gisement que l’on pourrait mettre sous REP ne l’est pas. Ainsi, la raquette de tennis dont je parlais tout à l’heure n’est pas sous REP. La plupart des outils de bricolage ou des jouets n’y sont pas non plus. Le système de responsabilité du producteur ne s’applique pas à un tiers de notre poubelle.

On se focalise sur la question de l’éco-organisme, qui est une forme de REP. Mais vous en avez créé une autre, qui n’est pas un éco-organisme, pour le BTP. Cela veut simplement dire que le fait de vendre impose une responsabilité au producteur. Il est temps de la définir, d’en décrire les formes, si l’on ne veut pas d’une économie circulaire à deux vitesses. Dès lors que l’on met sur le marché un produit qui se recycle, on paie une éco-contribution : il faut monter un éco-organisme, dont on ne sait pas trop ce qu’il fait ou ce qu’il ne fait pas, qui se présente comme une société anonyme sans but lucratif, mais avec l’argent du consommateur, qui est doté d’une mission d’intérêt général, qui doit demander une prolongation de son agrément, etc. Je ne condamne pas cette formule, mais on est en droit de s’interroger sur sa singularité.

J’en viens à la question de ce que j’appellerai une « para-REP BTP ». Si je parle de REP, c’est parce qu’il s’agit d’un metteur sur le marché, d’un distributeur, qui a une obligation, non d’un éco-organisme. Nous tenons là une nouvelle forme de REP assez intéressante. Nous croyons beaucoup à ce dispositif, dès lors que les points de collecte dont vous parliez tout à l’heure seront à la hauteur. Il ne s’agit pas d’un simple point de dépose.

Pour traiter 30 millions de tonnes de déchets ménagers, la France dispose de 4 000 déchetteries municipales. Pour plus de 100 millions de tonnes de déchets non municipaux, elle ne compterait que 300 déchetteries professionnelles. Il nous manque donc de nombreux points de collecte de déchets non ménagers : l’instauration de cette « para-REP » aidera probablement à combler cette lacune.

Toujours en ce qui concerne les REP, on a évoqué la concurrence, que nous regardons avec une certaine bienveillance, sous réserve de l’arrivée d’une vraie régulation. Dans le domaine de l’énergie, on a créé la CRE, dans le domaine de la télévision, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Nous sommes, dans le domaine des REP, à la lisière du service public et du marché : il est temps de créer une instance. Avec ses modestes moyens, la DGPR essaie de jouer ce rôle de régulateur. Mais elle n’a qu’une indépendance relative, puisqu’elle est une direction de l’État, et ne peut donc être considérée comme une haute autorité indépendante. En outre, ses moyens sont limités : Eco-Emballages compte déjà 300 salariés. Or il n’y a que sept ou huit personnes à la DGPR pour gérer toutes les filières REP. Il va falloir se mettre à la hauteur de ce que nous avons construit.

J’en viens aux biodéchets. En la matière, nous avons eu quelques points de désaccord avec certaines personnes ici présentes. Il faut savoir qu’AMORCE représente aussi bien les collectivités qui ont fait le choix des biodéchets que celles qui ont fait d’autres choix, en particulier le compostage individuel et collectif, qui a été intégré à la mesure. La notion de tri à la source nous convient mieux que celle de collecte sélective obligatoire, car il existe de nombreuses façons de mettre les biodéchets de côté.

Certaines collectivités ont choisi de passer par des traitements mécano-biologiques (TMB). Or l’alinéa indiquant qu’il faut éviter les TMB me rend perplexe. Il s’agit d’abord d’un service public local, ce qui veut dire que la compétence organisationnelle de la gestion des déchets est communale. Avec cet alinéa qui l’interdit, on n’est pas loin de la recentralisation. La loi n’impose rien de tel pour les centrales nucléaires : pourquoi le faire pour les TMB ? Comment traiter cet alinéa ? Le tribunal de Pau a pris une décision, alors que l’arrêté d’exploitation a été publié un an plus tôt. Je suis serein, car je pense que l’appel va passer. Mais cela pose la question sur le long terme. Aussi avions-nous insisté pour que vous fixiez des objectifs de valorisation organique, en nous laissant choisir les modalités, jusqu’aux TMB.

AMORCE soutient la gageure de travailler sur la façon de mettre en place la collecte sélective en milieu très dense et très urbain, dans l’hypercentre de Lyon ou de Rouen. En ce qui concerne les taux de captage, il faudra assumer des surcoûts, mais l’ADEME pourrait les accompagner. Toujours est-il qu’il ne faut pas abandonner les TMB, qui ont au moins le mérite d’exister. Vous remettez en question des initiatives, bonnes et moins bonnes, prises ces vingt dernières années, et, aujourd’hui, les TMB. Or 50 % produisent un compost qui est aux normes. Il faut nous laisser la possibilité de développer cette solution, tant que les débouchés respectent la réglementation.

Nous sommes tous d’accord, ici, pour dire que la composante carbone des CSR augmente. Pour avoir introduit le Fonds chaleur dans une loi précédente, je tire la sonnette d’alarme pour toutes les énergies renouvelables thermiques. Nous en sommes tous conscients, nous allons dans le mur. Nous avons complètement décroché de la trajectoire sur les énergies renouvelables thermiques qu’avait prévue la loi. Plus aucun réseau de chaleur de grande quantité ne se crée aujourd’hui – et je ne parle pas seulement d’énergie fatale, mais de bois ou de géothermie –, car les élus locaux se demandent comment ils vont pouvoir défendre un réseau de chaleur si le prix du gaz continue de baisser. Il faut donc réviser à la hausse la trajectoire de montée en puissance de la contribution climat-énergie.

Le débat autour de son affectation est essentiel. Son augmentation devrait rapporter 1,5 milliard d’euros l’an prochain, mais il paraît que le montant a déjà été affecté. La loi relative à la transition énergétique – véritable loi de décentralisation énergétique – a redonné la parole aux territoires. Il serait temps qu’une partie de la fiscalité énergétique leur revienne également, tant au niveau des intercommunalités, consacrées comme lieu de l’organisation de la transition énergétique, qu’à celui des régions, qui en assurent la coordination.

Si la loi prévoit qu’il faut établir des plans climat air énergie territoriaux (PCAET) et des schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE), elle ne précise pas qu’il faut les mettre en œuvre. Ainsi, on peut prétendre qu’on l’a respectée dès lors qu’on les a publiés. Nous proposons, pour les mettre en œuvre, une affectation partielle de la moitié du 1,5 milliard dont je viens de parler, soit 700 millions d’euros, le reste étant prélevé sur la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Cela représente 10 euros par habitant au niveau intercommunal, et 5 euros au niveau régional. Il s’agit de mettre en œuvre la transition énergétique, de monter des structures d’approvisionnement bois, des plateformes de la rénovation énergétique. Nous en avons quatre-vingt depuis neuf mois, alors que nous en voulions 400 ou 500. Il s’agit également de monter des financements participatifs pour les éoliennes, de lutter contre la précarité énergétique, etc.

J’en viens à la question des déchets. Il y a trois ans, le Comité pour la fiscalité écologique, placé sous la présidence de Christian de Perthuis, a voté à la quasi-unanimité une réforme de la TGAP à deux volets. Alors même qu’était adoptée la loi sur l’économie circulaire, la TVA sur l’économie circulaire – c’est-à-dire sur la collecte sélective et sur le tri – augmentait de trois points. Le signal fiscal contredisait ce qui était inscrit dans la loi.

Nous proposons donc de revoir la TGAP, pour plusieurs raisons. Elle intervient en bout de chaîne, puisqu’elle est payée par les collectivités et, en définitive, par le contribuable, ou, pour ce qui est des déchets non ménagers, par les industriels. Or un centre de stockage contient plus de 50 % de déchets pour lesquels il n’existe aucune filière de recyclage. Est-il normal de sanctionner une collectivité territoriale parce qu’il reste 50 % de déchets non recyclables dans son centre de stockage ? Ne faut-il pas plutôt remonter à la source jusqu’aux metteurs sur le marché, jusqu’à ceux qui introduisent des objets qui ne se recyclent pas et qui, de surcroît, ne paient pas de REP ? Il y a là une double injustice : si vous mettez sur le marché un produit qui se recycle, vous payez ; si vous mettez sur le marché un produit qui ne se recycle pas, vous ne payez pas. À l’autre bout de la chaîne, on taxe une collectivité pour la simple raison qu’un jouet qui ne se recycle pas se retrouve dans sa décharge. Il manque tout un pan de politique fiscale pour que chacun participe à l’économie circulaire.

Nous revenons là à la question de l’optimisation. Est-il plus facile d’augmenter une REP déjà existante ou de s’intéresser à de nouveaux gisements ? Les mesures concernant le BTP apportent une première réponse à la question.

J’en tire la conclusion que le cadre est bon, le cordage assez solide, mais qu’il va falloir regarder de plus près ce qui se passe au niveau des décrets d’application. Je vous invite à vous pencher à nouveau sur les graphiques. Vous vous êtes tous battus pour ce texte, mais le résultat est loin de ce que nous étions en droit d’en attendre. Enfin, la loi de finances est probablement l’acte fondateur de l’économie circulaire.

Pour conclure, je dirai qu’il y a là un défaut de dimension politique. La ministre elle-même ne parle guère de l’économie circulaire, et il est toujours beaucoup plus question de la transition énergétique. Il faudrait placer les deux au même niveau.

M. Baptiste Legay, chef de la sous-direction déchets et économie circulaire à la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer. Nous nous félicitons également du contenu de cette loi. Le titre IV est né d’une intuition de Ségolène Royal, qui, à quelques mois de la COP 21, a voulu intégrer la question de l’économie circulaire dans la loi relative à la transition énergétique. Le pari n’était pas évident, mais cette idée a soulevé beaucoup d’enthousiasme chez les parlementaires. C’est, pour les années à venir, une loi très structurante pour l’économie circulaire.

Les objectifs sont très clairs, quantifiés, et les mesures sont opérationnelles. Certaines sont d’application immédiate et d’autres nécessitent des décrets. Loïc Beroud vous dira tout à l’heure où en est la mise en place des textes réglementaires. Nous y avons beaucoup travaillé ces derniers mois, en lien avec toutes les parties prenantes.

Cette loi est équilibrée, concernant l’ensemble des cycles de vie des produits et des déchets. Il y a, en amont, beaucoup de productions et de consommations responsables. Certes, la loi comporte un certain nombre de mesures sur la gestion des déchets, mais ce n’est pas une pure loi « déchets », comme certains l’ont dit, puisqu’elle contient aussi des mesures concernant la production ou l’obsolescence programmée, qui sont pionnières au niveau mondial.

Suite à la censure du Conseil constitutionnel, des dispositions concernant le gaspillage alimentaire ont été reprises dans une autre loi, mais, in fine, l’intention des parlementaires a été respectée.

La loi contient également des intentions programmatiques pour 2020-2025. Je pense notamment à la diminution de moitié de la mise en décharge, au tri à la source des biodéchets, à la généralisation du tri des emballages et de tous les plastiques, ou encore à la tarification incitative. Tout cela va dans le bon sens.

Nous nous réjouissons de voir que nombre de territoires et d’acteurs agissent pour que cette loi soit réellement appliquée. Je pense en particulier aux plus de 30 millions d’habitants qui sont déjà dans des territoires zéro déchet et zéro gaspillage, suite aux appels à projets lancés en 2014 et 2015 par Ségolène Royal. Cela signifie qu’un Français sur deux vit sur un territoire souhaitant être pionnier par rapport aux objectifs fixés pour 2020-2025.

Autre motif de satisfaction, la France prend de l’avance par rapport au débat européen. Un paquet « économie circulaire » a été proposé fin 2015 par la Commission européenne. Avec cette loi, nous sommes armés pour être une force de proposition.

Pour ce qui est des décrets, nous avons dépensé beaucoup d’énergie, mais il n’en reste plus que quelques-uns à paraître. Une phase d’information sur ce qui a été retenu en termes réglementaires, de communication et d’échanges avec les acteurs, doit s’ouvrir. Elle est un préalable à l’instauration de mesures de contrôle, qui sont nécessaires pour assurer la crédibilité des mesures. Nous avons déjà commencé à y réfléchir au niveau du ministère. L’objectif étant que les contrôles soient proportionnés, le prérequis est qu’il y ait une bonne information préalable.

M. Loïc Beroud, conseil auprès du directeur général de la prévention des risques. Nous voulons vous communiquer les dernières informations sur les textes d’application. Nous sommes loin des chiffres qui ont été cités au début de la table ronde et qui sont issus d’une note de la Fabrique écologique : ils se réfèrent sans doute à l’ensemble de la loi, non au seul titre IV, et, de surcroît, devaient être un peu anciens, car, en ce qui concerne l’ensemble de la loi, les choses ont bien progressé.

Ne l’oublions pas, le titre IV comporte vingt-deux mesures d’application immédiate. Plusieurs d’entre elles seront appliquées à compter du 1er janvier 2017, sans nécessiter un décret. Je pense, par exemple, à la commande publique en matière de papier recyclable et de travaux publics, qu’il s’agisse de bâtiments ou de routes, avec des obligations progressives, en termes de matières recyclées à intégrer et de recyclage des déchets issus des chantiers. Lorsqu’on parle de taux d’application, on oublie parfois les mesures d’application immédiate, qui ont un effet important sur les tonnages concernés.

Dix-sept mesures du titre IV nécessitent la prise d’un décret, onze d’entre elles renvoient à un décret en Conseil d’État. Or, on note un engorgement au niveau de la section des travaux publics du Conseil d’État. À ce jour, dix mesures ont été publiées au Journal officiel. Nous attendons la publication imminente du décret sur les CSR : c’est une question de jour, le texte est au Journal officiel depuis plus d’une semaine. Si l’on prend donc ce décret en compte, ce sont tout de même près de 60 % des mesures du titre IV qui sont publiées.

Elles l’ont été dans trois décrets, dont un décret simple, en décembre 2015, et un autre décret simple, le 30 décembre 2015. Parmi les décrets les plus importants et les plus difficiles à élaborer, je citerai notamment celui sur les sacs plastiques : le retard n’est pas dû seulement au passage en Conseil d’État, puisqu’il en est sorti fin décembre, mais à la notification européenne et à l’avis circonstancié que nous avons reçus et qui ont obligé à reporter la publication au lendemain de la fin du statu quo européen, le 30 mars.

Un autre décret regroupant cinq mesures a été publié le 10 mars, également en Conseil d’État. L’administration et les parties prenantes qui avaient participé à la concertation après la publication de la loi n’avaient pas perdu leur temps, et le texte est arrivé le 1er octobre 2015 devant le Conseil d’État. Mais celui-ci avait un nombre important de décrets à examiner ; la section des travaux publics doit encore statuer sur plusieurs décrets de la loi relative à la transition énergétique, sans compter ceux de la loi pour la reconquête de la biodiversité qui vont lui être transmis prochainement. À cela s’ajoutent deux décrets, qui sont encore au Conseil d’État. Nous avons bon espoir qu’ils soient publiés fin mai. Le taux d’application, qui devrait alors atteindre les 70 %, aurait pu être atteint à six mois pour le titre IV, s’il n’y avait pas eu ce retard dû à l’engorgement du Conseil d’État.

À ce jour, il reste cinq mesures à prendre. L’interdiction des gobelets et verres jetables est notifiée à Bruxelles : nous risquons de recevoir également un avis circonstancié, ce qui retarderait la publication de fin juin à fin septembre.

Nos collègues du Commissariat général au développement durable travaillent au décret sur les achats publics responsables. Il s’agit d’un décret simple, qui est en phase finale d’arbitrage interministériel. Nous pensons qu’il pourra passer au Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) début juin ou début juillet, pour être publié dans la foulée.

Le décret sur les allégations environnementales, concernant l’obligation de l’affichage des caractéristiques du produit, devrait être transmis au Conseil d’État fin mai ou en juin. Une notification sera également faite au niveau européen.

Le décret qui a été mentionné concernant la contribution de la presse en nature ou, en l’espèce, à la filière REP papier, fait encore l’objet d’un arbitrage interministériel. S’agissant d’un décret simple, il devrait pouvoir être publié dès que l’arbitrage sera rendu.

Quant au décret sur la mise en place de la filière REP des navires de plaisance recyclables, il nécessite un travail important d’étude du gisement du marché avant de pouvoir mettre en place concrètement cette filière. Par ailleurs, vous savez peut-être que la commission mixte paritaire sur la proposition de loi pour l’économie bleue a repoussé la mise en œuvre de cette filière au 1er janvier 2018, ce qui, à notre niveau, ne change pas grand-chose. Nous sommes toujours décidés à publier ce décret le plus vite possible, dès que l’ADEME aura rendu ses conclusions. Nous envisageons une transmission au Conseil d’État à la fin du mois de juin ou en juillet.

M. Baptiste Legay. En ce qui concerne les gobelets, la démarche est sensiblement la même que pour les sacs plastiques. Une directive européenne imposait aux États membres de limiter l’utilisation des sacs plastiques. Malgré cette injonction, il a fallu six mois d’échanges avec la Commission pour que notre décret soit approuvé par les autorités européennes. Pour les gobelets, nous avons quelques mois de décalage. Le statu quo se terminera fin mai. Nous attendons de connaître la réponse de la Commission à propos de cette mesure qui semble de bon sens, mais qui n’est pas explicitement prévue par le droit européen.

Pour élargir le débat, on peut aussi mentionner que le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité prévoit des mesures sur les microbilles en plastique et sur les cotons-tiges, dont on sait qu’ils sont générateurs de déchets marins qu’on retrouve sur les plages et dans les continents de plastique.

Sur tous ces sujets, le législateur demande des interdictions. Comme, pour ce type de démarche, la France est pionnière et a un temps d’avance sur le droit de la mise sur le marché des produits au niveau européen, ces procédures prennent du temps.

Madame la Rapporteure, vous avez posé une question sur le décret collecte. Il n’est pas spécifiquement prévu par la loi relative à la transition énergétique, mais nous l’avons rénové à l’occasion des décrets parus fin 2015 et début 2016. Il induit un assouplissement des fréquences de collecte puisqu’il demande aux collectivités de ne prévoir une collecte hebdomadaire que si elles ont plus de 2 000 habitants et non plus 500, comme c’était le cas auparavant. À notre sens, cette disposition accompagne bien les mesures prévues dans la loi relative à la transition énergétique, en particulier la mesure du tri à la source des biodéchets, car, plus les collectivités vont dans le sens d’un tri à la source des biodéchets, plus les ordures ménagères résiduelles restantes sont saines et peu fermentescibles, et moindre est la nécessité d’une collecte régulière. Cette idée, sur laquelle nous avons travaillé avec les représentants des collectivités territoriales, accompagne le mouvement en donnant un signal, en particulier aux collectivités qui pratiquent le tri à la source des biodéchets, sur la fréquence de leur collecte. Cela étant, quelles que soient les préconisations de la loi, et compte tenu de la responsabilité des collectivités en la matière, les élus locaux sont très sensibles aux questions de salubrité et de santé publique.

En ce qui concerne les bouteilles de gaz, dans la mesure où la loi relative à la transition énergétique a simplifié le dispositif législatif, un décret est nécessaire pour simplifier aussi le dispositif réglementaire. C’est l’un des deux décrets qui sont en ce moment au Conseil d’État. La séance étant prévue cette semaine, il ne tardera pas à paraître. Il va dans le sens d’une simplification, mais aussi d’une responsabilisation des metteurs sur le marché, dans le cadre du principe de REP, pour qu’aucune bouteille de gaz ne soit orpheline ou perdue dans la nature, pour que toutes puissent être réinjectées dans le circuit normal de consigne et de remplissage, ou mises proprement au rebut, afin d’éviter les accidents.

En ce qui concerne les déchets d’équipements électriques et électroniques et la contractualisation, la mesure qui figure dans la loi relative à la transition énergétique est, à nos yeux, très positive et très utile. Les trafics sont nombreux dans la filière des DEEE, car les déchets métalliques ont une grande valeur. Il y a des filières grises, avec, parfois, des exportations illégales, y compris vers les pays en développement. Il est nécessaire d’avoir une traçabilité et une intégration des opérateurs – qui, parfois, font partie d’une économie grise – dans une filière, par le biais d’une professionnalisation, afin qu’ils travaillent dans de bonnes conditions et qu’on puisse ainsi éviter les trafics.

Dans ce cadre, la contractualisation oblige toute personne qui collecte ou traite des DEEE à présenter un contrat qui la lie à un éco-organisme de la filière officielle. Ce dispositif contraint les personnes à rentrer dans une filière officielle, faute de quoi cela donne une indication à l’administration pour procéder à un contrôle. S’il n’y a pas de contrat, c’est qu’il y a un problème de légalité. La mesure est contraignante pour les opérateurs, mais est à la hauteur de l’enjeu. Les éco-organismes ont une vision complète de la filière, ce qui est positif. Le décret, qui est prévu en concertation avec les représentants des opérateurs, s’assure que cette contractualisation reste légère, essentiellement fondée sur la traçabilité, et qu’il n’y a pas de caractère invasif de l’éco-organisme dans les activités des opérateurs. Ce type de mesure participe à nos efforts pour lutter contre les sites illégaux.

Vous avez également évoqué, madame la Rapporteure, le décret sur les pièces détachées des véhicules hors d’usage, en rappelant que la loi prévoyait une application de cette mesure au 1er janvier 2016 et que nous étions en retard. C’est vrai, mais le sujet est complexe et a donné lieu à des discussions avec les représentants des professionnels. Le décret est au Conseil d’État et devrait paraître avant la fin mai.

En ce qui concerne le décret sur la presse, les débats ont été complexes et ont mobilisé les parlementaires. Suite à la parution de la loi, Mme Royal a confié une mission au député Serge Bardy et au sénateur Gérard Miquel, qui ont rendu leur rapport en février. Il comporte un certain nombre de propositions et de critères pour amener les publications de presse à s’améliorer en termes d’éco-conception de leurs produits, sachant que le respect de certains critères leur ouvre la possibilité de faire une contribution en nature plutôt qu’une contribution financière. Ce sujet est sensible. Il y a un enjeu d’équité pour les producteurs qui font une contribution financière quand ils mettent sur le marché des ramettes de papier ou des publications en papier hors presse. Dans le même temps, le rôle spécifique de la presse dans la démocratie a été mis en avant, dans le cadre de la loi. Le décret, qui se fonde sur les propositions du rapport de MM. Bardy et Miquel et dont nous souhaitons qu’il paraisse très prochainement, est en cours d’arbitrage interministériel.

Enfin, en ce qui concerne le décret sur le BTP et la reprise des déchets de matériaux par les distributeurs du BTP, vous souhaitez, madame la Rapporteure, connaître le nombre de sites concernés. Notre réflexion, en lien avec les professionnels, nous a amenés à sélectionner un périmètre et à le préciser par décret : 4 000 sites seraient concernés par l’obligation d’organiser une reprise, mais nous ne sommes pas certains que ce seront 4 000 points de reprise, car les professionnels ont beaucoup insisté sur la nécessité de pouvoir mutualiser ces points de reprise. Plusieurs magasins proches les uns des autres pourraient avoir un unique point de reprise offrant le même service, à moindre coût, à l’ensemble de leurs clients. Le nombre de mutualisations devrait être, au final, très inférieur à 4 000.

J’en viens aux éventuelles réticences des professionnels. Ceux-ci ont ressenti cette mesure comme une nouvelle réglementation qui s’imposait à eux. Dans toutes les filières REP ou « para-REP », ce type de dispositif induit une résistance de la part des professionnels, qui ne sont pas forcément convaincus. Nous avons entendu leurs besoins en termes de mutualisation et nous avons travaillé sur la question de la rentabilité de cette activité de reprise. Je rappelle que certains professionnels du secteur avaient spontanément mis en place, avant la loi, ce type de point de reprise parce qu’ils y voyaient un intérêt financier. Nous avons identifié une taille critique du site, à partir de laquelle l’activité de reprise peut être rentable. Nous avons réussi à convaincre le Conseil d’État qu’il convenait de prévoir à la fois un critère de surface minimale, comme le disait la loi, et un critère de chiffre d’affaires minimal. Le décret est paru. Seuls les distributeurs dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés et le chiffre d’affaires supérieur à 1 million d’euros devront mettre en place cette reprise.

En ce qui concerne les sanctions, les professionnels sont en train de travailler plus finement sur l’identification des sites « obligés » et sur les possibilités de mutualisation. Nous travaillons avec eux pour vérifier que les choses se passent aussi bien que possible. Les sanctions qui existent pour les filières REP lorsque des producteurs n’appliquent pas leurs obligations d’adhésion à un éco-organisme peuvent également s’appliquer aux distributeurs qui ne respecteraient pas cette obligation.

J’en arrive à votre question sur les filières REP et les cahiers des charges. La filière REP est une filière de responsabilisation des producteurs. Il est donc important de laisser aux metteurs sur le marché la liberté de s’organiser comme ils l’entendent et d’encourager leur créativité pour qu’ils recherchent une gestion des déchets à moindre coût. Dans le même temps, cette liberté entre en conflit avec la question de l’encadrement. Il y a une forte demande pour que « liberté » ne soit pas synonyme de « jungle » et qu’il puisse y avoir des règles et un encadrement des filières, notamment en termes de concurrence et de projets économiques et industriels. Ce sont des choses que nous avons à cœur, que le législateur avait à cœur lorsqu’il les a transcrites dans des articles de la loi relative à la transition énergétique, dont un sur la gouvernance des éco-organismes, qui a été censuré par le Conseil constitutionnel. Ce débat reste d’actualité.

J’évoquerai pour finir la fiscalité qui, selon moi, est le gros trou dans la raquette. Bien entendu, cette question ne pouvait pas être traitée dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique, mais, pour que cela marche, il faut résoudre le problème de la TGAP. Des propositions ont été faites dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015, mais elles n’ont pas pu aboutir. Le sujet reste donc sur la table pour la prochaine loi de finances.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. En effet, la fiscalité ne pouvait pas figurer dans la loi relative à la transition énergétique. Cela étant, on peut se demander si cette question sera abordée dans le cadre d’une loi de finances. Nous avons déjà eu quelques expériences et quelques déceptions…

M. Nicolas Garnier. Vous avez bien réussi à faire passer la contribution climat-énergie dans la loi relative à la transition énergétique !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suis moi-même encore surpris de ce succès !

En ce qui concerne la contribution climat-énergie, il faut compter avec le dispositif européen ETS. Sur un marché qui dysfonctionne, le prix de la tonne de carbone est de 5, 6 ou 7 euros. Pour 2016, le prix de la tonne de carbone contribution climat-énergie est de 22 euros, avec un objectif de 56 euros pour 2020 et de 100 euros en 2030. Aujourd’hui, certaines installations sont soumises au prix de la tonne de carbone de 2016, c’est-à-dire 22 euros, tandis que d’autres, compte tenu de leur taille, dépendent du marché européen ETS et sont soumises au prix de 5 ou 6 euros. Cet écart, qui est déjà important, va-t-il continuer à augmenter ? Ne faudrait-il pas trouver un dispositif qui permette de le réduire ?

J’en viens à la proposition du Président de la République, qui vise à fixer un prix plancher pour la tonne de carbone. L’idée ne serait-elle pas de mettre en place une forme de taxation complémentaire entre le prix de la tonne de carbone contribution climat-énergie et le celui de la tonne de carbone sur le marché ETS ? Comment les choses s’organisent-elles par rapport à la proposition du Président de la République ?

M. Géraud Guibert. Si j’ai bien compris, cela s’applique au système électrique, de manière réduite pour le moment, même si l’on n’exclut pas…

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mme Olivier parlait d’installations qui ne produisaient pas d’énergie.

Mme Muriel Olivier. Je parlais d’installations produisant de l’énergie à partir de CSR. Les industriels qui envisagent d’utiliser cette énergie comparent forcément son prix avec le futur prix de l’énergie produite à partir de combustibles fossiles.

Si cette trajectoire est maintenue, l’énergie produite à partir de CSR devient compétitive. Mais, si l’on tient compte du prix du marché du carbone et du fait que, au-delà d’une certaine puissance, c’est la réglementation ETS qui s’applique, on peut se demander si cette trajectoire pourra être maintenue. Aussi, les entreprises qui pourraient investir dans des unités produisant de l’énergie à partir de CSR sont dans l’incertitude et manquent de visibilité.

M. Géraud Guibert. À mon avis, le problème de l’articulation entre le dispositif taxe carbone et les marchés des quotas ETS se pose. En tout cas, il y a un segment de proximité entre les deux qui peut permettre des distorsions de concurrence. Ce que j’ignore, c’est l’ampleur que cela représente. Quel est l’impact réel ? Il faudrait qu’une expertise nous dise si un mécanisme qui pourrait lisser cet effet de seuil serait utile.

M. Nicolas Garnier. En ce qui concerne les CSR, ce qui pose problème à la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), c’est que la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ne consacre pas une ligne aux énergies fatales et de récupération, qui ne constituent ni une énergie renouvelable, au sens strict, ni du charbon, ni du gaz. Aussi la DGEC ne peut-elle pas s’approprier complètement le sujet des CSR, qui est un peu hybride, entre une énergie partiellement renouvelable – on imagine 40 à 50 % de carbone organique – et une autre partie qui ne l’est pas, mais qui est fatale.

Nous avons, nous aussi, essayé de comprendre l’annonce présidentielle. Il me semble qu’on peut faire le parallèle avec ce qui s’est passé pour les certificats d’économies d’énergie (CEE). Dans les premiers temps, leur prix s’est effondré, et il a fallu augmenter le prix de la sanction pour retendre le marché. Mais, pour ce qui nous occupe, la seule question est celle de la compatibilité européenne. La France a-t-elle le droit d’établir, en cas de non-respect d’une obligation, un niveau de sanction supérieur au niveau du marché ?

Enfin, cette proposition ne répond pas, selon moi, à l’inquiétude des élus concernant les réseaux de chaleur au bois, la géothermie, etc. L’enjeu, pour nous, consiste à envoyer un signal fiscal sur le gaz ou le propane. Si vous voulez, par exemple, monter une chaufferie bois en Ardèche, la référence, c’est le gaz. Le prix du gaz s’étant écroulé, la proposition présidentielle ne règle pas le problème puisqu’on ne peut plus, par rapport au gaz, être compétitif avec une chaufferie bois.

D’autre part, la ministre a répété plus de dix fois devant la presse qu’elle doublerait le Fonds chaleur. La première fois qu’elle l’a dit, il y a trois ans, il s’élevait à 220 millions d’euros : il est aujourd’hui au même niveau. Faut-il oser faire un « Fonds chaleur flottant » ? Le Fonds chaleur fonctionne en référence à un niveau du prix de l’énergie. Or le prix du gaz s’effondre. Les réseaux de chaleur ayant été construits financièrement sur la base d’un autre équilibre économique, ils ne sont plus du tout compétitifs et il faudrait prévoir une clause de rendez-vous pour envisager un effort supplémentaire…

Que signifie un doublement du Fonds chaleur ? Si cela revient à inviter deux fois plus de projets à venir au Fonds, ce n’est pas doubler le Fonds chaleur, surtout dans une période où il n’y a pas de projets à cause du prix du gaz. Ce qu’il faut, c’est doubler l’aide apportée par le Fonds chaleur. Mais cela pose aussi des questions concernant l’encadrement des aides d’État.

M. Géraud Guibert. Je le répète, je pense que l’annonce qui a été faite s’appliquait au système électrique. Il s’agit simplement d’une substitution des appels de puissance des installations pour la pointe et la semi-base, entre charbon, gaz, etc. Cela ne pose pas de problème dès lors que l’annonce se réduit à cela. Si, en revanche, on en élargit le champ, le problème de l’harmonisation du marché ETS et de la fiscalité se pose. La réflexion sur un mécanisme de lissage s’imposera un jour ou l’autre s’il n’y a pas d’évolution du marché. On peut imaginer que le marché ETS remonte, mais c’est loin d’être une certitude.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. On peut imaginer qu’un plancher soit mis en place, demain, au niveau du marché ETS.

M. Géraud Guibert. La proposition doit-elle s’appliquer en France ou dans le marché ETS européen ? L’annonce n’était pas très claire sur ce point.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Cela fait partie des réflexions que vont devoir développer Alain Grandjean, Gérard Mestrallet et Pascal Canfin dans le cadre de la mission qui leur a été confiée.

M. Manuel Burnand. Parallèlement à une réflexion au plan national, il est très important d’en mener une au plan international. Nous subissons aujourd’hui le dumping de l’acier chinois, qui ne supporte pas toutes les externalités environnementales. La Chine pollue allègrement le reste du monde, participe grandement au dérèglement climatique et inonde l’Europe de son acier. Que se passera-t-il si l’on renchérit, par exemple, l’acier de la filière électrique ? Si l’on taxe la partie charbon, la filière électrique de recyclage de l’acier sera affectée, comme la filière fonte. On renchérira ainsi le prix de l’acier français, et l’on élargira le fossé entre le prix de revient de l’acier chinois et celui de l’acier français. C’est pourquoi il me semble très important de mener une réflexion au plan mondial : nous sommes tous cosolidaires de la gestion de la planète, tous les États devraient avoir un intérêt à activer la transition énergétique, que ce soit la Russie, la Chine ou les États-Unis. Il faut aller, si possible, vers des systèmes relativement simples, comme l’instauration de taxes à l’extraction, dont le montant serait fixé, pour le charbon, le gaz ou le pétrole, en fonction du potentiel de dérèglement climatique. Puis on pondérerait en fonction des dégâts.

M. Vincent Le Blan. Je reviens sur la proposition de Nicolas Garnier concernant le doublement du Fonds chaleur. Le problème, c’est que la DGEC sera d’accord pour des énergies renouvelables, mais pas pour des énergies de récupération.

M. Arnaud Gossement. En ce qui concerne le paquet européen « économie circulaire », le législateur a introduit, en tête du code de l’environnement, une définition extrêmement importante, mais l’étape à venir doit préciser les conditions d’organisation sans créer trop de normes. Nicolas Garnier a raison de dire qu’il peut y avoir différents types de REP, et qu’il ne s’agit pas forcément de former un éco-organisme.

Aujourd’hui, l’un des points de vigilance du Parlement porte sur ce qui se passe au niveau européen, concernant le paquet « économie circulaire ». Le Parlement français n’ayant pas tranché sur certains points, ce sera peut-être fait au niveau européen. Mieux vaut, donc, anticiper les discussions européennes avant de transposer.

On parle beaucoup, pour ce qui est des déchets de construction, de la responsabilité du producteur et de celle de certains distributeurs, mais il faut réfléchir à la responsabilité du détenteur des déchets. En droit, il est déjà très compliqué de savoir ce qu’est un détenteur de déchets. En fin de compte, quelles sont ses obligations ? Que doit-il faire des déchets qu’il détient ? C’est une question qui, grosso modo, n’est traitée que sous l’angle de la sanction et de la responsabilité. Dans le cadre de la modification de l’article 8 de la directive de 2008, la Commission européenne a ouvert un débat très sensible sur l’incitation du détenteur, par exemple, à remettre ses déchets à certains opérateurs, dans une certaine filière. C’est, à mon avis, un point extrêmement important, sur lequel le Parlement doit agir.

Dans le cadre de cette directive, nous allons revisiter un certain nombre de définitions. Des opérateurs et des éco-organismes avaient soulevé le problème de la distinction précise à établir entre les catégories de déchets. Il est une catégorie qui, en droit, ne veut pas dire grand-chose, celle des « assimilés ». D’autre part, la proposition de la Commission parle des déchets municipaux, mais reste muette sur la distinction entre déchets professionnels et déchets ménagers. Il s’agit pourtant d’un enjeu extrêmement important et d’une question fondamentale pour les juristes.

Dans les filières REP, nous avons aussi, dans certains cas, des problèmes d’équilibrage. Une mission sur ces problèmes a été confiée au Conseil général de l’environnement et du développement durable. Il n’est pas facile d’équilibrer des flux ménagers et professionnels, dès lors qu’on ne sait pas toujours où est la frontière entre les deux flux à l’intérieur d’une même filière.

Enfin, en ce qui concerne le TMB, je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous, monsieur Garnier, quand vous dites qu’il est du ressort des collectivités territoriales. Le TMB est aussi un enjeu de politique nationale, et le Parlement était tout à fait fondé à trancher sur cette question. Le problème, c’est que je ne sais pas très bien comment il doit le faire. D’ailleurs, les juges hésitent aussi sur ce point. Lorsqu’on est juriste, on accorde de l’importance aux travaux parlementaires. Pour cette raison, je le répète, votre rapport sera lu très attentivement, s’agissant notamment de certaines imprécisions de la loi, que j’ai essayé d’énumérer et qui n’appellent pas forcément un décret, mais plutôt une explication.

M. Vincent Le Blan. Je voudrais revenir sur la distinction entre déchets professionnels et déchets ménagers. Je ne comprends pas pourquoi on voit, au niveau européen, se généraliser l’envie que le service public s’approprie une partie des déchets privés, alors que ce sont des charges supplémentaires et qu’il devrait s’en défaire au maximum. En Allemagne, comme en France, il essaie de grignoter. Il est fondamental de savoir où se situe la limite et pourquoi certaines collectivités veulent prendre en charge des services d’assimilés. C’est également la tendance au niveau européen. Voilà pourquoi j’estime qu’il est important de définir les choses et de recadrer les limites du service public et du service privé.

Mme la rapporteure. L’article 69 prévoit une stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire. Monsieur Legay, que savez-vous du calendrier ?

Comme nous arrivons à la fin de cette table ronde, je tiens d’ores et déjà à vous remercier tous pour votre participation à nos travaux. Je souhaite que nos échanges soient le plus productifs possible.

Certains d’entre vous ont parlé de l’ADEME : ses représentants ont été invités à cette table ronde, mais ils ne pouvaient pas être présents aujourd’hui. Cela étant, nous avons eu l’occasion d’échanger la semaine dernière, dans le cadre d’une autre audition.

M. Baptiste Legay. En ce qui concerne la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire, certaines des briques qui la composeront sont déjà en préparation. Je pense notamment au plan déchets, qui était en cours d’élaboration avant la loi relative à la transition énergétique. Les travaux ont été suspendus dans l’attente de la loi, mais nous sommes aujourd’hui déterminés à les mener à bien.

Un élément particulièrement important et structurant dans le cadre de la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire a été explicitement inscrit dans la loi : il s’agit du plan de programmation des ressources. À la suite de la Conférence de mise en œuvre sur l’économie circulaire, à Gardanne, et de la Conférence environnementale de 2013, le Commissariat général au développement durable avait, en 2014-2015, commencé ses travaux sur le sujet avec les parties prenantes. Sans doute était-il trop tôt pour définir une stratégie pluriannuelle qui puisse s’inscrire dans la stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire. Mais ces travaux ont été relancés par le Commissariat général au développement durable et devraient aboutir au début de l’année 2017.

M. Nicolas Garnier. Il y a un débat autour de ce qu’on pourrait appeler la « fiscalité circulaire ». Aujourd’hui, la TGAP déchets – qui n’est qu’une TGAP en aval, c’est-à-dire une taxe boiteuse qui laisse passer bien des choses entre les mailles du filet – rapporte à peu près 450 millions d’euros à l’État. Le budget de l’ADEME en crédits de paiement tourne autour de 150 ou 160 millions d’euros. L’heure n’est plus aux taxes affectées, mais un débat démocratique, pour savoir quelle part de la fiscalité du déchet doit être affectée à la mise en place d’une politique d’économie circulaire, me semble relever d’un projet de loi de finances.

Enfin, vous savez sans doute que l’économie circulaire dispose désormais d’un logo, le Triman. Le consommateur sait que les vêtements, les téléviseurs ou les emballages sur lesquels il figure auront une deuxième vie. On ne parle pas assez de ce logo, qui est en train de se déployer partout – on peut même le voir, depuis la semaine dernière, chez McDonald’s – et la DGPR a joué un rôle important pour sa survie, car il n’était pas souhaité par tous. Aujourd’hui, les masques tombent : si le Triman est absent d’un produit, cela signifie qu’il n’a pas de deuxième vie.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il ressort de cette rencontre qu’il est nécessaire de mettre en place des mesures de soutien et d’accompagnement, et de développer la fiscalité.

Des travaux ont été menés, dans le cadre du Comité pour la fiscalité écologique, sous la présidence de Christian de Perthuis. Des propositions ont été faites, mais, à ce jour, elles n’ont pas abouti. Le Comité pour l’économie verte, présidé par Dominique Bureau, a pris sa suite et nous attendons ses propositions.

Par ailleurs, vous attendez tous avec impatience, comme nous, la loi de finances pour 2017, dans laquelle pourraient figurer certains dispositifs fiscaux. Nous devons franchir les étapes les unes après les autres. Nous avons déjà imposé la contribution climat-énergie, mais nous devons aller plus loin.

J’appelle de mes vœux la mise en place et le financement d’un véritable « fonds transition énergétique » qui n’existe pas aujourd’hui, dans la mesure où il est peu ou pas financé, et de manière très nébuleuse. Nous aurions besoin de clarté et de transparence en la matière. S’il existait un fonds transition énergétique doté de 1,5 milliard ou 2 milliards par an, tous les professionnels seraient satisfaits, mais aussi les ONG et les différents acteurs, ainsi que les élus.

Je vous remercie, mesdames et messieurs, d’avoir accepté notre invitation et d’avoir participé à cette table ronde.

TABLE RONDE DU MERCREDI 11 MAI 2016 SUR LES COMPTEURS DÉPORTÉS « LINKY » ET « GAZPAR »

La Mission d’information commune a organisé une table ronde sur les compteurs déportés « Linky » et « Gazpar », avec la participation de : MM. Bernard Lassus, directeur du programme Linky, et Pierre Guelman, directeur des affaires publiques d’ERDF ; MM. Jean Lemaistre, directeur général adjoint, et Olivier Béatrix, directeur juridique de GRDF ; M. André Flajolet, président de la commission Environnement de l’Association des maires de France (AMF) ; M. Pierre Le Ruz, président du centre de recherche et d’information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques (CRIIREM) ; MM. Jean-Luc Dupont, vice-président, Pascal Sokoloff, directeur général, Jean Facon, directeur adjoint, et Charles-Antoine Gautier, chef du département énergie de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) ; MM. Étienne Cendrier, porte-parole, et Vincent Corneloup, conseil de l’association Robin des Toits ; M. Fabien Choné, directeur général délégué de Direct Énergie ; MM. Nicolas Mouchnino, expert énergie, et Guilhem Fenieys, chargé de mission relations institutionnelles de l’UFC Que Choisir ; M. Gilles Brégant, directeur général, et M. Bernard Celli, directeur de la stratégie de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) et M. Olivier David, sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables au ministère de l’environnement.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je suis heureux d’accueillir les participants à notre table ronde sur les compteurs déportés « Linky » et « Gazpar ».

Je suis entouré de Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Julien Aubert, rapporteurs de la mission d’information commune sur l’application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, de Mme Martine Lignières-Cassou, de Mme Béatrice Santais et de M. Bernard Accoyer.

Je souhaite aussi la bienvenue à MM. les inspecteurs généraux Bernard Flury-Hérard et Jean-Pierre Dufay, qui ont été missionnés par Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, le 27 avril dernier.

Le sujet de la table ronde d’aujourd’hui suscite un grand intérêt sur les réseaux sociaux, au sein des conseils municipaux et des territoires. Le coût des opérations, l’intrusion dans la vie privée, les incidences sur la santé publique sont autant d’éléments qui font débat. Cette table ronde aura atteint son but si elle peut servir à clarifier les choses.

Note réunion sera organisée autour de quatre thèmes. Le premier thème portera sur l’économie d’ensemble des opérations Linky et Gazpar, les avantages attendus pour le consommateur, le coût, les financements, les incidences sur l’emploi, le rythme de déploiement, les effets attendus sur la consommation et l’effacement. Le deuxième thème abordera la question de l’incidence des ondes sur la santé et le troisième thème celle de l’intrusion dans la vie privée des abonnés. Le dernier thème aura trait aux questions juridiques, et notamment à l’existence ou non d’un droit pour les communes de s’y opposer.

ÉCONOMIE D’ENSEMBLE DES OPÉRATIONS LINKY ET GAZPAR

M. Bernard Lassus, directeur du programme Linky. Je suis très heureux de pouvoir aborder le sujet du compteur Linky dans le cadre de la politique de transition énergétique.

Pourquoi remplacer les 35 millions de compteurs actuels ? Les réseaux se modifient énormément et s’adaptent à une production répartie sur l’ensemble du territoire. On passe d’une approche très centralisée à une approche très répartie et à l’intégration des énergies renouvelables – on compte environ 350 000 producteurs d’énergies renouvelables sur le réseau de distribution et on peut penser qu’ils seront un million d’ici à 2020. Nous commençons à voir la multiplication des bornes de recharge des véhicules électriques. Dans la région niçoise, nous expérimentons le développement des smart grids, et notamment du stockage.

Pour fournir une offre de qualité à l’ensemble des consommateurs français, il va donc falloir des modes de pilotages différents. Pour ce faire, nous avons besoin de données et des matériels bidirectionnels, car on peut à la fois consommer et produire. Le compteur Linky est capable de donner ces deux possibilités à un grand nombre d’acteurs – consommateurs, collectivités territoriales, fournisseurs – qui pourront disposer d’informations de qualité pour faire le meilleur choix.

Le compteur Linky fait partie de la modernisation des réseaux de distribution que nous avons déjà entamée, notamment sur la moyenne tension, dans le cadre de notre mission de concessionnaire : il est de notre responsabilité d’assurer la modernisation, l’exploitation, la maintenance et l’accès non discriminatoire aux réseaux de distribution des fournisseurs. Mais nous ne sommes pas les seuls à le faire : 35 millions de compteurs communicants sont déjà installés en Italie, 15 millions en Espagne. Au total, environ 300 millions de compteurs communicants existent déjà dans le monde et il devrait y en avoir un milliard en 2020, car cela correspond à un enjeu de maîtrise de l’énergie.

Les compteurs classiques, dont la conception remonte aux années soixante – ou quatre-vingt-dix s’ils ont été rénovés – visaient à favoriser l’accès à la consommation et d’accompagner le développement de l’après-guerre, mais ils ne permettent pas de transférer des données. Vingt millions de compteurs environ datent des années soixante et 15 millions des années quatre-vingt-dix. Nous en remplaçons à peu près 1 million par an, que nous recyclons grâce au secteur protégé.

Le déploiement des nouveaux compteurs est prévu par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et par une directive européenne. Déjà 800 000 compteurs ont été installés en France ; 300 000 avaient déjà été mis en place dès les années 2010 afin de faire bénéficier ERDF d’un retour d’expérience technique et sanitaire.

Depuis le 1er décembre 2015, 400 communes sont concernées par le déploiement des compteurs Linky. Environ 700 techniciens sont affectés à leur installation. Hier, nous avons battu notre record de pose avec 8 000 compteurs installés par jour.

Toutes les procédures que nous mettons en place ont fait l’objet de nombreuses concertations dans le cadre de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ou des groupes de suivi animés par la Direction générale et l’énergie et du climat (DGEC).

Le programme Linky coûte 5 milliards d’euros. Ce montant englobe l’achat du matériel et la pose, qui représente 48 % du coût global en raison d’une particularité de la France : les compteurs sont installés à l’intérieur des logements, ce qui n’est pas le cas dans de nombreux pays. Ce qui fait qu’un poseur en Espagne installe treize compteurs par jour, contre huit et demi en France à cause des rendez-vous qu’il faut prévoir chez le client.

L’analyse économique a été validée par la CRE et le programme Linky est financé par ERDF. Ce projet est totalement équilibré dans le périmètre du distributeur, qui s’y retrouve grâce à la disparition de l’énergie non facturée liée aux dysfonctionnements de comptage, à la fraude, aux logements vides. La télé-opération permet de détecter les problèmes beaucoup plus rapidement.

Le compteur et sa pose sont gratuits pour le consommateur. Cette approche économique ne prend pas en compte les estimations de la CRE, à savoir un gain potentiel de 1 % de consommation sur vingt ans, ce qui correspond à 2 milliards d’euros environ.

Le programme Linky représente 10 000 emplois sur six ans, dont 2 000 emplois d’ores et déjà créés. Le compteur Linky est totalement made in France, réalisé par six constructeurs sont situés sur le territoire national : Cahors, Sagemcom à Dinan – où cela a sauvé un site industriel –, Montluçon, Fontaine près de Grenoble. Je le dis très simplement : Linky crée des emplois, il n’en détruit pas. Les 1 200 personnes qui étaient jusqu’à présent chargées des relevés tous les six mois font l’objet d’un accompagnement. Du reste, la plupart d’entre eux sont impliqués dans la pose. Quant aux autres, ils sont accompagnés dans des processus de diversification.

Les compteurs ont une durée de vie de vingt ans. Ils nécessitent des processus de qualification extrêmement poussés car ils embarquent de nombreuses innovations et notamment un système de protection de très haut niveau en termes de cybersécurité. Ils utilisent un protocole dit G3, invention française qui est ce que l’on fait de mieux au monde en matière de courant porteur en ligne (CPL). Cela offre encore d’autres perspectives très intéressantes pour les usines implantées en France, notamment sur le marché international.

Quels sont les avantages pour le client ? D’abord le confort. Jusqu’à présent 70 % des activités nécessitaient un rendez-vous. 11 millions d’interventions environ requièrent un contact client. Désormais, 60 % de ces activités pourront se faire à distance et sans dérangement des clients.

Ensuite, la maîtrise de la consommation d’électricité sera facilitée. Nous déployons un site qui permet de créer un espace privatif, où nous donnons la possibilité à chaque client de suivre sa consommation dans un espace totalement sécurisé, conforme aux recommandations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Mais cela ne suffit pas : on sait que l’approche sur la maîtrise de l’énergie est associée au comportement, à un aspect pédagogique. C’est pourquoi nous travaillons avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) pour diffuser un ensemble de bonnes pratiques. Le compteur sert à mesurer les progrès réalisés par l’utilisateur et chacun sait ainsi où il en est dans le domaine de la maîtrise de l’énergie.

La télé-opération à distance permet des gains très directs sur le coût de certaines prestations. Par exemple, celui de la mise en service de l’électricité est divisé par deux, celui d’une augmentation de la puissance du compteur pour répondre aux exigences d’un nouvel équipement, par exemple, est divisé par dix ; il est même gratuit lors de la première année de pose.

Il faut également savoir que la moitié des réclamations que nous recevons porte sur la facturation. Le compteur Linky permet une facturation de la consommation réelle et au fournisseur d’énergie de développer de nouvelles offres.

Le déploiement des 35 millions de compteurs permettra d’accompagner les enjeux de la transition énergétique et numérique avec un matériel made in France de qualité et qui répond notamment aux normes sanitaires. Notre réseau de distribution, rappelons-le, apporte l’électricité à l’ensemble des Français ; la qualité de fourniture en tout point du territoire est un enjeu et une priorité essentielle pour ERDF, et Linky vise précisément à l’améliorer. Il va aussi de soi que les investissements du projet Linky n’affectent pas les autres investissements dédiés à l’entretien des réseaux : les montants affectés à la modernisation du réseau, l’enfouissement, et autres ont été maintenus à 3,2 milliards pour 2015. Tous les investissements réalisés par ERDF sont faits dans l’intérêt des clients et des collectivités : l’installation des nouveaux compteurs communicants est pour nous un projet d’intérêt général.

MM. Jean Lemaistre, directeur général adjoint de GDRF. Je suis très heureux de pouvoir vous présenter le projet Gazpar et ses principales caractéristiques.

Notre réflexion a commencé en 2008, sous l’égide de la CRE, avec l’ensemble des parties prenantes – fournisseurs, collectivités territoriales, clients, associations de consommateurs. Il s’agissait de savoir s’il était intéressant de développer des compteurs communicants pour le gaz, comme cela était envisagé pour l’électricité, mais également pour l’eau. Il faut savoir qu’il y a aujourd’hui en France 5 millions de compteurs d’eau télé-relevés communicants, qui fonctionnent suivant une approche assez similaire à celle que nous avons retenue pour le gaz.

Cette concertation a débouché, dans les années 2010-2011, sur quatre expérimentations dans quatre communes françaises, destinées à tester les technologies, l’interaction avec les clients, prendre l’avis des collectivités territoriales et affiner notre projet. Parallèlement à ces expérimentations, une étude a été réalisée sous l’égide de la CRE pour déterminer la rentabilité d’un tel projet, son coût et les avantages pour le client. Elle a débouché sur une délibération de la CRE, une décision du ministre, enfin sur la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui a consacré définitivement le projet en précisant un certain nombre de modalités.

Quels sont les objectifs de ce projet ?

Premièrement, la satisfaction des clients. Actuellement, les compteurs sont relevés deux fois par an. Mais les clients sont souvent absents lors des relèves, les index sont estimés, ce qui occasionne beaucoup de tracas. Pouvoir disposer d’index réels tous les mois, voire tous les jours, constitue une grande avancée. Et cela évite notamment les erreurs de facturation.

Deuxièmement, l’efficacité énergétique. Comme on ne peut économiser que ce que l’on mesure, disposer de deux relevés par an ne constitue pas un outil puissant pour permettre un suivi précis de sa consommation, donc des économies. Les comparaisons réalisées avec l’Irlande et l’Angleterre ont montré que l’on pouvait atteindre 2 % d’économies d’énergie avec un système tel que Gazpar.

Troisièmement, l’infrastructure qui sera déployée nous permettra d’optimiser et de moderniser notre réseau, d’en améliorer le fonctionnement, et de préparer l’arrivée du biogaz, du gaz naturel pour véhicules (GNV) et les grandes évolutions liées à la croissance verte et à la transformation du réseau de gaz lui-même.

Le principe de fonctionnement consiste à équiper les compteurs d’émetteurs radio qui transmettent chaque jour les index constatés. Cette émission radio est récupérée par des concentrateurs qui, à leur tour, par un système GPRS classique, réacheminent les données vers le système d’information de GRDF. Dès lors, elles peuvent être réacheminées chez les fournisseurs et sont bien évidemment mises à la disposition des clients.

Le coût global du projet s’élève à 1 milliard d’euros, dont la moitié environ correspond au matériel, un tiers à la pose des matériels – les compteurs et les concentrateurs – et 15 % au pilotage de l’opération et au coût de transformation des systèmes d’information qui sont relativement importants, tant chez GRDF que chez les fournisseurs. C’est à partir des conclusions de l’étude de Pöyry, réalisée sous l’égide de la CRE, que la décision a été prise de lancer le programme sachant qu’il devrait entraîner environ 700 millions d’euros d’économies pour le distributeur et 1,2 milliard d’économies liées à l’efficacité énergétique et à la réduction de la consommation chez les clients.

Ce gros projet industriel a été l’occasion de faire émerger une filière d’excellence dans le domaine du comptage gaz en France avec des partenaires industriels comme Sagemcom, Itron, Diehl Metering – l’usine Itron de Reims et celle de Sagemcom à Dinan, qui fabrique des compteurs Gazpar en plus des compteurs Linky. Bien sûr, tout n’est pas fait en France. Mais si certains composants sont fabriqués à l’étranger, les compteurs sont assemblés en France. Et c’est bien sûr la pose qui est la plus créatrice d’emplois, puisqu’elle est réalisée localement.

Nous sommes actuellement en phase pilote, avec quatre opérations de déploiement : une en région parisienne sur les communes de Rueil-Malmaison et Puteaux, une dans les quatrième et neuvième arrondissements de Lyon et à Caluire-et-Cuire, une au Havre, une dernière expérimentation enfin dans la région de Saint-Brieuc qui est une zone moins dense.

Ces opérations pilotes ont un double objectif : elles nous permettent de tester à grande échelle le déploiement du compteur, en complément des expérimentations qui ont déjà été réalisées en 2010-2011, mais également de tester avec les collectivités territoriales, les associations et toutes les parties prenantes – nous avons un partenariat avec l’ADEME – quelles utilisations peuvent être faites de ces données et d’avoir des retours d’expérience. Bien sûr, les fournisseurs sont très directement impliqués dans ces opérations et jouent un rôle éminent dans la démarche.

Le déploiement sera généralisé l’année prochaine et devrait s’achever en 2022. Quant au déploiement des concentrateurs, il précédera un peu celui des compteurs eux-mêmes puisqu’il est prévu de les déployer sur une période de quatre ans.

En conclusion, ces compteurs sont la première brique de l’émergence des smart grids qui sont basés sur les utilisations hybrides chez le client, l’insertion des énergies renouvelables (EnR) dans le réseau, bref, la complémentarité des réseaux et des énergies avec l’arrivée des nouvelles technologies de l’informatique et des télécoms dans nos réseaux. Cela permet non seulement une optimisation au niveau des grands parcs de production, comme c’était le cas depuis longtemps, mais également une optimisation locale, au niveau des territoires, entre les différents réseaux et énergies.

M. André Flajolet, président de la commission Environnement de l’Association des maires de France (AMF). Monsieur le président, je vous remercie d’avoir organisé cette table ronde qui permet à différents points de vue de pouvoir se rencontrer.

L’AMF est d’autant plus intéressée qu’elle est en première ligne dans cette affaire sur ce qui se passe sur le terrain. On constate qu’il y a, dans cette rupture technique que je découvre pour partie aujourd’hui, une grande incompréhension à la fois de la part des maires et des citoyens.

Le président de l’AMF, François Baroin, a écrit au Premier ministre et à Mme Ségolène Royal, la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, pour leur demander des précisions scientifiques. La question est de savoir s’il est possible d’avoir un point précis de la part des différents scientifiques, afin d’éviter que le médiatique ne l’emporte sur le savoir.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous aborderons ce sujet dans le cadre du deuxième thème.

M. Olivier David, sous-directeur du système électrique et des énergies renouvelables au ministère de l’environnement. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir organisé cette table ronde. Le déploiement des compteurs communicants a été inscrit, par la voie d’un amendement parlementaire, dans l’article 74 de la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dite loi « POPE », puis enrichi par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Cette opération est donc encadrée par la loi, par des textes réglementaires ainsi que par une directive européenne de 2009 qui prévoit le déploiement des compteurs communicants au sein des pays européens.

Le déploiement du compteur Linky est encadré par un décret de 2010 puis par un arrêté qui définit ses prescriptions techniques. Contrairement à ce que l’on peut penser, ce n’est pas ERDF mais la réglementation qui a défini ce que devait être Linky et les services qu’il devait rendre.

L’État a fixé des objectifs à ERDF : le remplacement de 80 % des compteurs d’ici au 31 décembre 2020 et que 100 % des compteurs soient communicants à l’horizon 2024.

Ce n’est pas faire injure à ERDF que de dire qu’il gère actuellement le réseau du XXsiècle avec des postes sources, un réseau descendant : l’électricité provient de grosses installations de production et va chez le consommateur final. Avec Linky, ERDF va passer au réseau du XXIsiècle, dans lequel un grand nombre d’installations de production d’électricité sont branchées directement sur le réseau de distribution.

Linky coûte zéro euro au consommateur d’électricité. Ce n’est pas en effet le consommateur d’électricité qui paye Linky, mais le réseau. Ce sont les économies réalisées sur le réseau qui permettront de financer le déploiement de Linky. La tarification des réseaux est arrêtée par la Commission de régulation de l’énergie qui a validé ce modèle dans lequel les investissements de Linky sont pris en charge par ERDF avant d’être remboursés par les économies réalisées sur le réseau.

Linky a une multitude d’intérêts pour le consommateur. Le consommateur sera facturé sur sa consommation réelle et il n’aura plus besoin d’être présent lors du relevé du compteur. Mais il rend également une foule de services : ainsi, le consommateur qui possède un panneau solaire et qui injecte de l’électricité sur le réseau doit actuellement avoir deux compteurs, un pour consommer et un autre pour injecter l’énergie du panneau solaire dans le réseau. Comme Linky marche dans les deux sens, on n’aura plus besoin de poser un second compteur lorsqu’on souhaite installer un panneau solaire.

Le législateur a souhaité également que les consommateurs précaires puissent bénéficier gratuitement d’un afficheur déporté qui leur permettra de connaître leur consommation en temps réel.

Linky permettra aussi d’accompagner la transition énergétique et de mettre en œuvre un grand nombre de dispositions de la loi, par exemple le service de flexibilité locale. Il s’agit d’une expérimentation dans laquelle, à l’aval d’un poste source, des consommateurs et des producteurs pourront s’entendre pour que les consommateurs consomment l’électricité produite en aval du même poste source, autrement dit pour équilibrer la production et la consommation au niveau local et ainsi réaliser des économies sur le réseau qui pourront être restituées aux consommateurs et aux producteurs.

La loi prévoit également un accès beaucoup plus aisé aux données, notamment pour les collectivités, à la maille de 2 000 habitants. Cela permettra aux collectivités d’établir beaucoup plus simplement des plans climat et conduire des politiques de maîtrise de l’énergie.

M. Julien Aubert, rapporteur. Vous dites que le consommateur ne paiera pas le compteur Linky. Mais le consommateur est traditionnellement aussi un contribuable : le coût doit fatalement être répercuté…

M. Olivier David. Non.

M. Julien Aubert. Comme rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, je crains que quelqu’un ne paie et que cela ne finisse par des impôts.

Ce qui m’interpelle, c’est votre raisonnement quelque peu téléologique. Vous avez en effet expliqué l’intérêt de Linky par rapport au contexte actuel ; mais celui-ci n’était pas encore connu lorsque l’on a fait ce choix, en 2004. Ainsi, vous vous réjouissez que ce compteur permette de moduler le réseau et d’utiliser de petits systèmes de production d’électricité de type panneau solaire ; mais en 2004, même si l’on pouvait s’attendre à un développement des énergies renouvelables, il n’avait pas encore été décidé de passer à la vitesse supérieure. Quelle était donc la véritable raison initiale de la mise en place du compteur Linky ? Vous avez dit qu’il s’agissait d’un amendement parlementaire, ce qui m’a quelque peu surpris, même si je m’en félicite. Y a-t-il eu une pression, une volonté européenne ?

Mais depuis 2004 est apparue une autre évolution technologique : le smartphone, dont certaines applications permettent de contrôler à distance sa consommation et de bénéficier d’informations intelligentes. Certes, certains éléments sont nés entre-temps qui justifient le déploiement du compteur Linky, mais en sens inverse, n’existe-t-il pas d’ores et déjà des applications technologiques qui permettent de penser que ce compteur sera déjà dépassé en 2024 ?

M. Olivier David. Le choix a été fait en 2004, c’est-à-dire avant la directive européenne puisqu’elle date de 2009. La loi dite « POPE » n’avait pas pour objectif la transition énergétique, mais de réaliser des investissements sur le réseau. Si le compteur Linky coûte zéro euro au contribuable et au consommateur, c’est parce qu’il permettra d’économiser des investissements et des interventions techniques directement sur le réseau et de réduire les coûts pour le réseau. C’était bien l’idée de départ.

Prenons un exemple simple : actuellement, si une panne survient, ERDF ne sait pas où elle se situe et n’est même pas capable de savoir s’il y a une panne, si ce n’est à cause des consommateurs qui appellent pour la signaler. C’est seulement lorsque dix ou vingt personnes d’un même secteur appellent pour avertir qu’il y a une coupure d’électricité qu’ERDF se doute qu’il y a un problème, et envoie sur place un technicien. Avec Linky, ERDF pourra interroger le compteur de la personne qui appelle et savoir immédiatement où est la panne. Cela évite des coûts d’intervention sur le réseau. Ainsi, indépendamment des aspects liés aux énergies renouvelables et à la production énergétique, Linky a un intérêt immédiat sur le plan de la gestion au sens strict.

M. Bernard Lassus. Linky est un matériel, mais aussi un outil évolutif téléchargeable à distance. On peut sans cesse le réactualiser en fonction de la modernité qui se crée. Ce n’est pas un outil figé sur vingt ans ; il pourra suivre les évolutions et c’est précisément tout son intérêt. Du reste, les retours d’expérience de 2010 nous ont conduits à le modifier considérablement par rapport à ce que nous avions prévu en 2004.

M. Jean-Luc Dupont, vice-président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Je suis à la fois vice-président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies et président du syndicat départemental d’énergie d’Indre-et-Loire qui a servi de territoire expérimental pour le déploiement de Linky en 2010 et 2011. À ce titre, nous avons un retour de cinq ans sur les problèmes qu’a pu poser le déploiement.

M. David a expliqué très clairement que le bilan économique est compensé par les économies gérées sur le réseau. Bien entendu se pose le problème du préfinancement à travers le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) : à l’heure où l’on déploie, comme les économies n’ont pas encore été concrétisées, il faut bien que quelqu’un paye. Une partie du TURPE, autrement dit une des composantes de la facture de l’usager, est donc affectée à ERDF pour financer le projet. Cela dit, elle sera compensée, sur la durée d’amortissement de l’opération, par les économies réalisées. C’est un sujet sur lequel les collectivités locales que nous représentons au sein de la FNCCR nous avaient immédiatement alertés. Nous avons demandé à la CRE que cette ligne soit clairement lisible dans le TURPE sur la durée pour éviter que cette somme ne perdure vingt ans plus tard, comme cela arrive parfois lorsqu’on oublie de l’enlever…

L’enveloppe globale est estimée à 5 milliards, mais ni vous ni moi, ni M. Lassus ne peuvent la mesurer précisément. Quelques incertitudes peuvent voir le jour dans le cadre du déploiement. Cela étant, l’équilibre doit se faire au travers de ces missions.

La directive de 2009 et les recommandations de la CRE indiquaient d’ores et déjà que le nouveau dispositif devait bénéficier à quatre grands gagnants.

Le premier est l’usager, qui doit pouvoir générer des économies d’énergie. Une information dynamique lui permettra de changer ses modes de consommation.

Le deuxième grand gagnant sera le fournisseur qui aura des typologies de profils de clients. Il pourra donc proposer des offres tarifaires adaptées qui permettront de faire chuter les coûts – tarifs différents selon les heures de la journée, la saison, en fonction de la production d’énergies renouvelables, etc.

Le troisième grand gagnant doit être le distributeur qui, grâce à un meilleur pilotage à distance qui lui évitera de devoir déplacer des hommes partout sur le réseau, va optimiser ses coûts d’exploitation du réseau.

Enfin, les collectivités locales, propriétaires des réseaux, donc du compteur, pourront passer, grâce aux données qui leur seront fournies, d’un mode curatif à un mode préventif. En tant qu’autorité organisatrice de la distribution, nous faisons des travaux, au même titre qu’ERDF, sur des réseaux de distribution dans les territoires. Aujourd’hui, le seul moyen d’améliorer la qualité, c’est lorsque le client se plaint. L’analyse de relevés de données en amont permet de s’apercevoir, grâce aux courbes de charge, que le réseau arrive à la limite de la contrainte, et donc de programmer en conséquence les investissements sur le réseau, sans attendre la coupure ou la chute de tension. Passer de l’aspect curatif à l’aspect préventif doit largement servir l’usager, sur le plan des coûts, mais aussi sur celui de la qualité de la desserte ; vous savez aussi bien que moi que l’équité de traitement entre les zones urbaines et les zones rurales en matière de qualité d’électricité n’est pas tout à fait au niveau que nous souhaiterions tous.

Pour l’heure, le pilotage à distance fonctionne très bien pour le gestionnaire ; tout laisse à penser que, demain, les fournisseurs tireront profil des données qui leur seront transmises. Mais il faudra veiller à ce que, à terme, l’objectif soit respecté pour les quatre catégories.

M. Nicolas Mouchnino, expert énergie à l’UFC Que Choisir. Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités à participer à cette table ronde.

L’UFC Que Choisir est en contact permanent avec les consommateurs. Depuis le mois de décembre 2015, date du déploiement du compteur Linky, nombre de consommateurs nous ont fait part de leurs craintes et de leurs questions. Nous devons pouvoir leur répondre, mais nous ne pouvons pas le faire sur certains points.

Je suis bien ennuyé pour vous parler des avantages du compteur Linky pour le consommateur, car ils n’ont jamais été évalués. Les solutions proposées aujourd’hui ne sont pas nombreuses. Le compteur devait permettre avant tout de maîtriser sa consommation. La directive européenne avait prévu une première analyse obligatoire coûts-bénéfices préalablement au déploiement ; or le périmètre de l’étude a été circonscrit au distributeur, le consommateur n’a pas été pris en compte. Depuis 2007, date du lancement du projet Linky, autrement dit depuis huit ans, aucune expérimentation n’a été menée avec les consommateurs pour évaluer des solutions techniques de consommation, des conditions techniques de domotique ou d’efficacité énergétique. Nous les avons pourtant demandées pendant très longtemps. Au final, aucun service n’est développé. ERDF propose seulement une information au consommateur sur les kilowattheures. Le consommateur va voir son compteur remplacé, mais Linky ne lui apportera aucun avantage par rapport au précédent.

Certains blocages techniques risquent de perdurer, notamment en ce qui concerne la transmission des données, si l’on ne les prend pas en compte dès aujourd’hui. Les solutions visant à maîtriser la consommation qui pourront être proposées ultérieurement risquent d’être très complexes pour le consommateur. Aussi peut-on craindre que les consommateurs et les industriels, qui développent des technologies de maîtrise de la consommation, ne valident pas ce compteur.

Alors que le projet a été lancé en 2007, c’est seulement maintenant que l’on aborde la question de la communication entre le compteur et l’afficheur déporté. On avait pourtant eu tout le temps de pratiquer des tests et de définir des protocoles, des moyens de communiquer, de définir les services qui seraient déployés.

Le compteur Linky n’est pas gratuit pour le consommateur. Sinon, les économies engendrées lui reviendraient. Cela dit, sa facture ne changera pas, toutes choses égales par ailleurs. Autrement dit, il n’y a pas de surcoût, mais pas de gratuité pour autant.

M. Étienne Cendrier, porte-parole de l’association Robin des Toits. Monsieur le président, je vous remercie d’avoir organisé cette réunion.

L’association Robin des Toits s’unit à la lutte contre le changement climatique et encourage toute disposition visant à protéger les personnes, la vie et l’environnement.

De ce point de vue, l’utilisation d’un compteur communicant est vertueuse. Elle permet même de repérer les pointes de consommation et de commander un délestage de tout ou partie du réseau de façon rationnelle et non plus par des estimations de grande échelle obligeant de plonger dans le black-out un quartier entier d’une ville, comme cela se pratique encore aujourd’hui en cas de panne majeure.

Pour la première fois, nous pourrions véritablement connaître et maîtriser la quantité d’électricité acheminée et consommée sur les réseaux, anticiper de façon extrêmement minutieuse tout problème et maîtriser nos dépenses énergétiques – délestage du chauffage électrique des particuliers en heure de pointe. C’est la pierre angulaire qui doit nous permettre de diminuer notre consommation d’électricité.

Cependant, en ce qui concerne la technologie permettant la communication du compteur, qu’il s’agisse du comptage de l’électricité, du gaz ou de l’eau, nous sommes en total désaccord avec la solution actuelle qui consiste à utiliser un module radiofréquence – GPRS, GSM ou Wifi – ou CPL incorporé dans le compteur. La technologie radiofréquence-CPL ne nous semble pas en effet appropriée pour des raisons techniques et de santé publique.

Lorsque le réseau subit trop d’engorgement, en cas d’accident sur une ligne électrique qui risque de conduire au black-out d’une zone par exemple, le nombre de données à envoyer est très important. Le temps de traitement, avec les solutions à radiofréquences, est donc de plusieurs minutes, ce qui annule les bénéfices dont a absolument besoin le réseau électrique pour sa stabilité – réactivité exigée de l’ordre de quelques secondes. À quoi bon changer de compteur pour une solution qui ne permet pas un délestage fin du réseau et qui, par essence, est contraire à l’esprit de la réglementation thermique 2012, dite « RT2012 » régissant l’énergie dans les bâtiments ?

De plus, les technologies de communication par radiofréquences ne sont pas infaillibles, et s’il faut doubler le message ou l’accompagner d’un retour pour vérification, c’est le trafic, donc la nuisance, qui devra être doublé, voire triplé.

Une solution simple, économique, toute trouvée et en phase avec les exigences environnementales les plus pointues, serait de passer par le réseau téléphonique classique existant, surtout dès lors qu’il utilise la fibre optique, particulièrement sûre et puissante, ce qui aurait un nombre incomparable de vertus.

En effet, passer par le réseau téléphonique classique présente plusieurs avantages.

Cela permet d’abord une grande rapidité de transmission des informations et de leur vérification, le réseau équipé pour l’internet filaire très haut débit étant fréquemment en fibre optique – contre le passage de l’engorgement du réseau GSM.

Cela permet aussi une fiabilité de la réponse. Le réseau téléphonique est alimenté indépendamment du réseau électrique ; le compteur communicant est donc assuré de fonctionner correctement même en cas de black-out, ce qui n’est pas le cas avec les solutions retenues actuellement.

Cela permet encore une économie d’énergie. Le module GSM prélève son alimentation sur le réseau électrique, et disperse l’énergie du signal dans l’espace. Un module téléphonique classique, quant à lui, n’envoie qu’une petite impulsion instantanée sur le réseau téléphonique, qui de plus est autoalimenté. Ne dispersant pas d’énergie dans l’espace, il est, par principe, plus économe.

Cela permet enfin d’éviter les problèmes de compatibilité électromagnétique. Beaucoup d’appareils domestiques et professionnels sont sensibles aux ondes de la téléphonie mobile – appareils médicaux notamment – et leur interférence peut résulter en un dysfonctionnement critique et imprévisible.

J’en viens aux avantages supplémentaires du point de vue des réseaux. Ils sont au nombre de trois.

Premièrement, une économie matérielle. La plupart des modules communicants par internet filaire – réseau téléphonique filaire – ont une entrée impulsion permettant d’équiper tous les anciens compteurs sans les changer. Tous ces compteurs possèdent en effet un module qui permet de les connecter en filaire.

Deuxièmement, une économie d’infrastructure. Il n’est pas nécessaire d’implanter de nouvelles antennes, ce qui permettra de faire des économies en matière de pollution électromagnétique.

Troisièmement, une économie d’énergie. Ces antennes non installées n’auront pas besoin d’être alimentées.

Pourquoi se passer d’un réseau de téléphonie fixe, qui est le réseau le plus fiable, amorti depuis longtemps et le plus équitablement réparti sur le territoire français ?

Quant aux économies financières, elles sont sans comparaison avec tous les systèmes qui viennent de nous être exposés.

En conclusion, nous ne comprenons donc pas que la technologie du sans-fil ait été retenue puisqu’elle est beaucoup moins fiable que la technologie filaire dont nous disposons actuellement et qui de surcroît permettrait de déployer ce dispositif sans risque de créer des inégalités de traitement entre les zones urbaines et les zones rurales.

M. Fabien Choné, directeur général délégué de Direct Énergie. Avec 1,7 million de sites clients, dont trois quarts pour l’électricité et un quart pour le gaz, Direct Énergie est le troisième fournisseur d’électricité et de gaz en France. 80 % sont des clients résidentiels et 20 % des clients professionnels. Nous sommes également producteurs d’électricité ; nous exploitons une centrale à gaz située dans le centre de la France.

Le projet a été estimé équilibré aux bornes du distributeur. Se pose toutefois la question du point de vue économique face au point de vue financier : on a bien vu que les économies seront réalisées sur le long terme mais que cela exige d’investir au départ ; d’où une problématique d’endettement, qu’il faudra assumer. Mais le consommateur ne verra rien de tout ce montage.

J’ai entendu dire que ce serait gratuit. Terme simple, sinon simpliste… Comme M. Mouchnino, je ne pense pas que ce sera vraiment gratuit. Cela étant, il n’y aura pas de surcoût pour le consommateur.

Mais faut-il lancer un projet s’il est seulement équilibré ? En fait, son intérêt, sa rentabilité, allais-je dire, tient au fait qu’il apporte bien plus qu’aux simples bornes du distributeur. Mais ces avantages sont difficilement évaluables. Pour ce qui est du consommateur, des études, menées par Capgemini, ont montré que les avantages en matière de maîtrise de l’énergie restent aléatoires, qu’ils dépendront de la manière dont sera mis en œuvre le programme. Ils dépendront aussi de la façon dont la concurrence pourra se développer : plus elle sera favorisée en France – ce qui n’est pas le cas actuellement – plus on verra apparaître des innovations et des nouveaux services qui permettront de réaliser ces économies. Autrement dit, il y a un lien réel entre le développement de la concurrence et la rentabilité du projet Linky.

Reste que ce sera au regard des avantages pour le consommateur que les projets Linky et Gazpar pourront basculer dans la catégorie de ceux qui relèvent de l’intérêt collectif.

Le rapport d’activité de 2014 du médiateur de l’énergie indique que 62 % des litiges qui lui sont soumis ont concerné les niveaux de consommation facturés par les fournisseurs ; seulement 6 à 7 % des litiges ont porté sur les conditions de règlement, la présentation de la facture, le niveau du tarif.

Ces litiges ont deux causes principales. Première cause, les index estimés. Il n’y en aura plus : les compteurs intelligents nous permettront de facturer nos clients à partir d’index dits vrais. Mais il y a aussi les index erronés, autrement dit relevés par le distributeur, mais avec une erreur, parce que tout cela reste, dans la plupart des cas, une opération manuelle. Cela m’est même arrivé personnellement il y a quelques semaines : un technicien a relevé sur mon compteur d’électricité l’index « 80 877 » au lieu de « 30 877 ». Soit un écart de 50 000 kilowattheures… à 150 euros le kilowattheure, faite le calcul ! Heureusement, j’ai pu m’arranger facilement avec mon fournisseur – vous aurez certainement deviné qui est mon fournisseur. (Sourires). Ce genre de mésaventure rend la relation entre le client et le fournisseur d’autant plus compliquée que le problème vient du distributeur. On est donc dans une relation tripartite qui, dans un nombre de cas croissant, aboutit à un litige auprès du médiateur. On estime que plus de la moitié des litiges – 62 % – pourront être réglés grâce au compteur communicant qui récupérera les informations très fréquemment et sans aucun risque d’erreur. En cas de litige, il faut écrire au médiateur, on ne récupère son argent que quelques mois plus tard, etc. Tout cela représente un coût pour le consommateur. À combien peut-on l’estimer ?

Autre avantage des compteurs intelligents, tout aussi difficile à évaluer, le confort qu’ils procurent. Plus de dérangement pour effectuer la relève vraie ; chaque consommateur est tenu d’être présent au moins une fois par an pour que le technicien puisse procéder à une relève vraie. Il vous faut également être présent si vous voulez changer d’offre tarifaire ou de puissance. Avec Linky, toutes ces démarches pourront désormais se faire à distance. À combien peut-on évaluer cela ? Dès lors que le projet est équilibré aux bornes du distributeur, on ne risque pas de perdre de l’argent, mais on y gagnera également beaucoup en termes de confort et d’efficacité.

Tout ce qu’a évoqué M. Julien Aubert s’ajoute à ces éléments. En 2004, on n’avait pas autant conscience de l’importance de la transition énergétique, du développement des énergies renouvelables et du réchauffement climatique. C’est pourquoi ERDF a accepté de faire évoluer le projet Linky, notamment en ce qui concerne la télé-information client. En 2004, le projet Linky prévoyait la même télé-information client qu’avec le compteur bleu électronique. Elle a depuis considérablement évolué : elle est maintenant alimentée, ergonomique et discrète.

Au-delà de ces considérations de confort, il y a aussi des avantages directement économiques. Ainsi, les puissances étaient jusqu’à présent souscrites de 3 kilowatts, pour des raisons de simplicité. Demain, avec le compteur Linky, on pourra souscrire des puissances par pas de 1 kilowatt. On estime que parmi les 20 millions de clients qui ont souscrit un contrat de 6 kilowatts, un gros tiers, soit 8 millions de clients, aurait besoin de seulement 4 kilowatts. En prenant un abonnement de 4 kilowatts au lieu de six, le consommateur pourra économiser 10 euros par an. Certes, cela paraît peu, mais si vous multipliez ce chiffre par 8 millions de clients – à supposer qu’ils le fassent tous –, vous obtenez quelque chose de conséquent.

Il sera également très difficile d’évaluer ce que les consommateurs vont gagner en faisant jouer la concurrence, aux travers des nouvelles offres tarifaires qui seront développées. Je rappelle qu’il existe aujourd’hui essentiellement deux options tarifaires : 20 millions de Français ont choisi l’option base et 10 millions l’option heures pleines-heures creuses. Grâce au compteur Linky, on pourra proposer de nouvelles offres tarifaires qui enverront les signaux économiques nécessaires pour assurer la transition énergétique. Là encore, le bénéfice pour le consommateur est difficile à évaluer, mais bien réel.

Sans parler des services de maîtrise de la demande en énergie et en puissance. Rappelons que ces services ne seront pas tous payants, et que les services payants ne seront pas nécessairement obligatoires. Si le consommateur choisit d’y souscrire, c’est qu’il y trouve un intérêt.

Il existe aussi des bénéfices difficilement quantifiables sur le parc de production électrique, grâce aux signaux économiques que l’on pourra envoyer au consommateur pour qu’il consomme moins et mieux. On pourra ainsi optimiser le réseau en termes de dimensionnement.

Le dernier bénéfice, là aussi difficile à évaluer, a trait au nombre d’emplois créés. On a développé des filières en termes de comptage et il ne faut pas oublier toute l’industrie du numérique. Je reviendrai sur ce point lorsque l’on abordera le troisième thème. Il est indispensable que le compteur Linky soit optimisé et rentabilisé en enregistrant les données qui permettent un maximum de bénéfice pour le consommateur.

M. Pierre Le Ruz, président du centre de recherche et d’information indépendant sur les rayonnements électromagnétiques (CRIIREM). Le CRIIREM est un centre de recherche qui travaille avec l’université du Maine. Il est agréé pour réaliser des expertises de gestion des risques sur les biens et les personnes, et nos expertises sont recevables par l’administration et les tribunaux. Elles plaisent ou ne plaisent pas, mais c’est un autre problème… Nous sommes totalement indépendants, car nous nous autogérons.

Actuellement, un buzz court sur internet, dans les médias et même à la télévision, buzz organisé par des associations qui ont utilisé les mesures que nous avions faites sur les compteurs Linky dans le bon et le mauvais sens. Elles ont fait courir le bruit que des hyperfréquences ou du wifi passaient sur le CPL, que les appareils allaient rayonner dans tous les sens… On a même vu, sur Internet et à la télévision, se servir d’appareils de mesure totalement inadaptés.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Ne débordez pas trop sur le thème suivant !

M. Pierre Le Ruz. Les associations ne sont pas les seules à créer le buzz, ce qui est détestable. Certains directeurs d’agences régionales de santé reçoivent des documents d’ERDF qui font état de résultats de mesures dont les valeurs ne sont pas mesurables par les appareils existants, de l’ordre de 0,0001 volt par mètre. On entend aussi que les ondes radioélectriques sont potentiellement des agents cancérogènes de groupe 2B.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je le répète, vous débordez sur le sujet suivant.

M. Pierre le Ruz. Cette polémique est gênante car elle discrédite inutilement le système.

On ne retrouve pas cette polémique avec GRDF. Lors des réunions qui se sont tenues avec GRDF, tous les documents nous sont communiqués, tout est transparent. Aussi pouvons-nous procéder à des vérifications. Je ne sais pas qui s’occupe de la communication chez ERDF. En tout cas, ils feraient bien de revoir leur communication, car elle les dessert totalement. On notera qu’il n’y a pas de buzz sur GRDF…

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le débat autour des compteurs communicants suscite de nombreuses interrogations et inquiétudes de la part des consommateurs. Un certain nombre de réponses ont déjà été formulées.

En résumé, nous avons bien compris que le coût, à défaut d’être gratuit, est neutre pour le consommateur, et qu’à terme ce sera toujours le cas, que les facturations seront bien plus précises, qu’elles prendront en compte des éléments qui ne le sont pas aujourd’hui, ce qui permettra à ERDF et GRDF d’équilibrer le coût investi.

On a également compris qu’il n’y aura pas de réduction d’emplois, mais des accompagnements vers des emplois nouveaux.

Peu d’intervenants ont parlé de l’autoconsommation. Pouvez-vous faire le point sur la convention de raccordement et d’exploitation, en tout cas sur la mise à jour présentée lors du comité de concertation de producteurs au mois de janvier dernier ? Quelles sont les évolutions à ce sujet ?

Les auto-consommateurs comprennent assez mal qu’ils puissent payer alors qu’ils ne consomment pas sur le réseau, ou en tout cas assez peu. Il semble qu’il s’agisse d’une fausse information qui circule. Je connais la réponse, mais je souhaite que vous nous la donniez aujourd’hui, ce qui permettra de rassurer un certain nombre d’auto-consommateurs.

Quel sera l’impact de Linky sur le développement des smart grids ? Pensez-vous qu’il pourrait en être assez facilement le support, notamment en « pluggant » votre dispositif pour faire soit de l’effacement, soit d’autres choses qui, à terme, permettront également de gérer la pointe et l’équilibre du réseau ?

M. Jean Lemaistre nous a indiqué que les compteurs Gazpar n’étaient pas totalement produits en France, ou en tout cas pas toutes les pièces. Pourquoi ?

Vous avez assez peu parlé de l’incitation à proposer des offres tarifaires adaptées. On n’a pas l’impression que les opérateurs se bousculent beaucoup sur cette question. Pensez-vous que cela va se mettre en œuvre rapidement ? Il est important d’inciter les consommateurs à modifier leur comportement de consommation par rapport aux données transmises sur leurs compteurs, qu’ils en tirent un bénéfice en termes financiers. Alors que le consommateur se demande aujourd’hui quel est l’intérêt du compteur Linky, les offres tarifaires sont un excellent moyen de lui en démontrer l’utilité.

Mme Martine Lignières-Cassou. Ma première question porte sur le modèle économique de Linky. On nous dit que l’équilibre économique est respecté si le coût de déploiement reste limité à 5 milliards d’euros. Or il était déjà estimé à 4,5 milliards en 2013 et les réseaux sociaux avancent le chiffre de 7 milliards. Quelle est la bonne estimation ?

Le déploiement du réseau est préfinancé sur une ligne de la TURPE et le vice-président de la FNCCR nous a assuré que cette ligne n’existera plus dans vingt ans. Or c’est à cette date que l’on rechangera tous les compteurs… Je ne suis donc pas certaine que la ligne disparaîtra de la TURPE : il faudra bien préfinancer un autre dispositif…

La France a fait le choix d’un remplacement intégral des compteurs, tandis que l’Allemagne a préféré cibler les plus gros consommateurs. J’ai bien compris que le programme Linky a été introduit en 2005 par amendement parlementaire, mais j’aimerais que l’on m’explique si le déploiement intégral correspond à un choix économique.

Pour que le compteur Linky soit vraiment un outil d’aide à la maîtrise de la consommation, le consommateur devra acheter l’afficheur déporté. Quel est son coût ?

Je ne cherche pas à opposer GRDF et ERDF. Mais je constate que GDRF nous a expliqué comment il avait mis en place les conditions d’un débat public, d’une expérimentation, d’un retour d’expérience et d’une transparence en ce qui concerne les données collectées par Gazpar. J’ai le sentiment qu’une partie des rumeurs qui prospèrent aujourd’hui sur les réseaux sociaux à propos de Linky s’explique peut-être par un manque de transparence et de partage des connaissances avec l’ensemble des parties prenantes. Je me trompe peut-être, mais c’est mon sentiment, surtout quand j’écoute les approches des uns et des autres.

M. Bernard Lassus. Madame la Députée, je suis désolé de vous avoir donné le sentiment de ne pas avoir été transparent. Le retour d’expérience auquel nous avons procédé en 2010 a fait l’objet de concertations avec l’ensemble des parties prenantes. D’ailleurs, comme l’a rappelé Fabien Choné, ce retour d’expérience a permis de modifier le compteur de manière assez fondamentale, sous l’égide de la CRE et des comités de suivi mis en place par Delphine Batho, alors ministre de l’écologie, puis repris par la DGEC. Si nous ne l’avions pas fait, nous n’aurions pas su modifier le compteur pour pouvoir répondre aux attentes des différentes parties prenantes.

L’Allemagne est en train de déployer 10 millions de compteurs. La première cible est constituée par tous les clients qui consomment plus de 6 000 kilowatts par an, soit 10 % des consommateurs. – en France, la moyenne est à 7 000 kilowatts par an –, tous les producteurs d’énergies renouvelables, tous les ensembles collectifs et tous les propriétaires de pompes à chaleur.

Le coût global de l’approche pour l’Allemagne est de 13 milliards environ, contre 5 milliards pour la France. La grande différence réside dans le fait que l’on compte 800 distributeurs en Allemagne. Autrement dit, il n’y a aucune normalisation, aucune standardisation. Parallèlement au déploiement de ces 10 millions de compteurs, les Allemands vont déployer un compteur à peu près uniforme pour l’ensemble de la population, qu’ils équiperont d’un petit module de communication précisément destiné à contourner cette absence de standardisation. Mais je n’ai pas encore compris si le déploiement de l’ensemble des compteurs communicants s’achèvera en 2028 ou 2032… Chez nous, ERDF couvre environ 90 % du territoire, avec des entreprises locales de distribution (ELD) qui ont adopté les mêmes standards que les nôtres. De ce fait, nous disposons d’une capacité d’optimisation industrielle qui nous permet de déployer 35 millions de compteurs pour un coût de 5 milliards, tandis qu’en Allemagne le déploiement de 50 millions de compteurs revient à 13 milliards.

Nous avons d’ailleurs réactualisé notre business plan et nous sommes revenus à une estimation de 4,5 milliards car les hypothèses de croissance influent énormément sur le nombre de compteurs installés, notamment dans les logements neufs. Du coup, notre objectif n’est plus de 35 millions de compteurs, mais de 34 millions.

Aujourd’hui, le programme est totalement conforme aux hypothèses budgétaires. Grâce à l’expérimentation faite en 2010 et aux 500 000 compteurs qui viennent d’être déployés, nous avons pu vérifier l’ensemble des hypothèses de base du business plan. Il fait état d’un temps de pose direct d’une durée de trente minutes ; nous en sommes actuellement à vingt-neuf minutes. Quant à la pose environnementée, nous l’avions estimée à cinquante-quatre minutes ; nous en sommes à cinquante-trois minutes. C’est l’élément de base, car il représente 48 % du coût global de l’approche.

Les industriels ont consenti de nombreux efforts en ce qui concerne l’achat de matériels. Nous sommes beaucoup observés, car beaucoup de projets s’annoncent à l’international et les industriels ont intérêt, en termes d’image, à en faire partie. Nous bénéficions aujourd’hui de prix extrêmement compétitifs. Pardonnez-moi de dire que tout ce que vous pouvez voir sur les réseaux sociaux, c’est vraiment n’importe quoi ! Je découvre tous les jours avec effarement tout ce que l’on raconte sur ce projet.

M. Jean Lemaistre. Nous passons des appels d’offres pour la fourniture complète du compteur intégré, avec son module radio, et des concentrateurs. Comme le marché des composants électroniques est mondial, une partie n’est pas fabriquée en France. N’y voyez aucune volonté de privilégier tel ou tel ; c’est tout simplement la réalité industrielle mondiale d’aujourd’hui.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Monsieur Lassus, vous avez dit avoir tenu compte des retours d’expérience. Sans trahir des secrets commerciaux, pourriez-vous nous transmettre une note que l’on pourrait joindre à notre rapport ?

M. Bernard Lassus. L’affichage déporté est de la responsabilité du distributeur. À la suite de l’expérimentation, nous avons prévu de laisser un petit espace dans le compteur Linky où l’on pourra « plugger » un émetteur radio, qui enverra, toutes les cinq secondes, des informations vers l’intérieur de la maison pour avoir un suivi temps réel. Pour notre part, nous sommes responsables de l’interface.

Les clients précaires bénéficieront gratuitement d’un afficheur, qui leur sera mis à disposition par le fournisseur.

M. Olivier David. Le législateur a décidé, lors de la discussion du texte relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, que les afficheurs déportés seraient fournis par le fournisseur d’électricité aux clients précaires et pris en charge au titre de la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Les autres clients devront prendre le coût de cet afficheur à leur charge.

Mme Martine Lignières-Cassou. Quel est le coût de l’afficheur déporté pour le client non précaire ?

M. Fabien Choné. La loi relative à la transition énergétique a prévu effectivement que les afficheurs déportés seront gratuits pour les consommateurs précaires. C’est une bonne chose pour les clients précaires, mais aussi pour lancer l’industrie à grande échelle des émetteurs radio et des afficheurs déportés. Mais il ne faut pas limiter les bénéfices de la sortie télé-information client aux afficheurs déportés car l’émetteur radio enverra des informations qui ne seront pas nécessairement récupérées par un afficheur déporté mais par une « box énergie » – peut-être demain une box ADSL. Ces informations seront traitées avant d’être rendues au client, non sur des afficheurs déportés sur lesquels on peut avoir des doutes en matière de durabilité, mais sur des smartphones, des tablettes, etc.

Je vous ai entendu dire que c’est le consommateur qui prendrait en charge le coût de l’afficheur déporté. Tout dépendra de la stratégie commerciale du fournisseur : rien ne lui interdira de le proposer gratuitement à son client dans le cadre d’une offre globale. Et plus les offres seront nombreuses et de qualité, plus elles seront intéressantes pour le consommateur.

Le coût de l’émetteur radio sera au maximum de 30 euros s’il est fabriqué en très grande quantité. C’est tout à fait comparable au coût d’acquisition pour le client dans un marché concurrentiel. On peut très bien imaginer que cela devienne un argument de développement commercial, et donc que le prix ne soit pas supporté par le consommateur.

L’absence de nouvelles offres dans le cadre du compteur Linky est due à plusieurs facteurs.

Aujourd’hui, avec 800 000 compteurs posés, 2 % seulement de la population est équipée d’un compteur Linky. Pour un fournisseur, développer une nouvelle offre pour 2 % de la population, avec tous les coûts marketing que cela entraîne, n’est pas rentable à ce stade du développement. Mais ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’offres aujourd’hui qu’il n’y en aura pas demain au fur et à mesure du déploiement. Pour sa part, Direct Énergie a déjà développé une offre expérimentale que nous avons appelée « l’offre tribu ».

Le compteur Linky mesure la consommation avec des pas de temps plus fins et des index plus variés qu’auparavant. Mais ce n’est que le véhicule du système économique. Il faut donc intégrer des signaux économiques pour pouvoir faire de nouvelles offres ; or le TURPE n’a pas encore évolué. À partir de 2017, le TURPE ne sera plus horo-saisonnalisé. Ainsi, il sera plus varié dans l’année. C’est vrai également du mécanisme de capacité. Le Parlement a décidé de mettre en place un mécanisme de capacité pour envoyer un signal d’effacement de la consommation aux moments de pointe de consommation au niveau national. Ce mécanisme a vocation à se transformer en signal économique qui pourra être véhiculé par Linky et pourra se transformer en nouvelle offre. Mais ce mécanisme de capacité, censé démarrer le 1er janvier 2017, est examiné attentivement par la Commission européenne.

Il sera d’autant plus possible de proposer de nouvelles offres que la concurrence pourra se développer. Or je vous rappelle que la réglementation des tarifs réglementés qu’EDF est obligé de proposer ne couvre pas les coûts de l’opérateur historique. Autrement dit, elle l’oblige à vendre à perte. Dans ces conditions, comment voulez-vous inciter de nouveaux fournisseurs à présenter des offres en espérant gagner de l’argent et conquérir des clients ? Tant que l’on n’aura pas compris que la concurrence doit permettre de se développer, il ne faudra pas s’étonner qu’il y ait si peu de nouvelles offres et si peu de nouveaux fournisseurs.

M. Jean-Luc Dupont. L’afficheur déporté fait l’objet de longues discussions dans tous les groupes de travail depuis 2008-2009. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a prévu que les clients précaires puissent être desservis, mais très rapidement la FNCCR a indiqué que cette disposition était extrêmement restrictive.

ERDF propose actuellement, via Internet, un accès dynamique aux données de comptage, ce qui est très bien pour ceux qui sont desservis correctement par Internet ou la téléphonie. Comme les seniors ne sont pas familiarisés avec ces outils, vous les mettez de facto de côté : ils n’ont pas du tout accès à la maîtrise de leur énergie. Pourtant, ces personnes habitent souvent dans des logements mal isolés alors qu’elles ont besoin de températures plus élevées. Du coup, elles surconsomment, ce qui les fragilise.

Les zones grises téléphoniques sont peut-être un sujet tabou, mais il n’en demeure pas moins que c’est une réalité de terrain. Nous souhaitons tous que l’ensemble du territoire bénéficie de la fibre optique. Cela fait cinq ans que je répète sans cesse que l’outil doit l’intégrer. Si quelqu’un a d’autres moyens d’usage pour avoir accès aux données déjà disponibles sur le territoire, le modèle public ne doit pas l’imposer ni le fournir – ce serait un surcoût au schéma global et cela n’a pas d’intérêt. Mais tous ceux qui ne peuvent pas choisir devraient être pris en compte dans un grand service public d’un modèle électrique. Dans vingt-cinq ans, les seniors seront peut-être tous devenus des geeks, la fibre optique aura été installée partout, bref nous serons dans un monde parfait… Mais en attendant, on prive un quart ou un tiers de la population de l’accès en dehors d’un outil de modernité du XXIsiècle. Je m’interroge donc sur la notion de service public autour de cet outil.

INCIDENCE DES ONDES SUR LA SANTÉ

M. Gilles Brégant, directeur général de l’Agence nationale des fréquences (ANFR). Monsieur le président, je vous remercie d’avoir organisé cette table ronde qui permet de mieux comprendre le fonctionnement de cet appareil mystérieux qui, sous ses couleurs acidulées et son appellation « compteur communicant », suscite bien des fantasmes. Pourtant, sans ce fameux module radio dont on a parlé, ce compteur communique assez peu.

L’ANFR est un établissement public qui a pour mission de contrôler tout le spectre en France. Dans ce cadre, elle doit veiller au respect des valeurs limites. L’Agence n’a pas de mission sanitaire : celle-ci est assurée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) qui définit des limites à ne pas dépasser. Notre Agence est chargée de vérifier que tous les appareils utilisés en France ne dépassent pas les limites autorisées. Nous mesurons par exemple le débit d’absorption spécifique (DAS) des téléphones portables, la puissance d’émission des jouets radiocommandés, des drones, etc. Nous avons analysé le compteur Linky dans un rapport qui sera rendu public ce mois-ci ; nous examinons actuellement la situation du compteur Gazpar et des compteurs d’eau communicants.

Sans le module radio, le compteur Linky communique peu. Et quand il communique, il n’émet guère, car il utilise le réseau électrique pour communiquer avec le concentrateur situé à l’extérieur des habitations : c’est lui qui supervise une grappe de compteurs Linky. Le compteur Linky s’exprime en quelque sorte sur le réseau électrique, ce qui correspond presque parfaitement à ce que souhaitait M. Cendrier. Linky envoie, grâce au secteur électrique, des petites impulsions qui lui permettent de passer des messages ; c’est la technologie CPL. Cette technologie n’est pas très moderne : les premières applications pratiques, en domotique en particulier, datent des années soixante. C’est ce qui sert, dans les compteurs bleus, à signaler que l’on passe en heures creuses et à faire commuter les appareils, à mettre les radiateurs en mode hors gel ou en mode économie, à fermer des volets électriques en appuyant sur un bouton, etc. Cette communication n’est pas permanente : le compteur Linky répond de temps en temps dans la journée au concentrateur qui lui demande si tout se passe bien, si quelqu’un n’est pas en train d’ouvrir son capot pour voler de l’électricité ou bricoler la carte électronique. Et Linky répond brièvement – en moins d’une seconde – que tout va bien. Bien sûr, la demande peut être plus précise : par exemple, Linky peut donner des informations précises sur la consommation d’un usager en cas de problème de facturation, auquel cas le compteur communiquera un peu plus longtemps, mais cela aura lieu peut-être une fois tous les deux ans.

Dans la journée, les impulsions seront donc assez brèves et, durant la nuit, l’interaction avec le concentrateur, qui durera moins d’une minute, lui permettra d’envoyer la courbe de consommation du ménage pendant la journée. Ainsi le concentrateur récupère toute la grappe de consommations, ce qui lui permet d’interagir avec le réseau d’ERDF.

Contrairement à ce que laissait croire son appellation de « compteur communiquant », ce boîtier vert n’est pas très loquace. Linky n’émet pas au sens strict du terme : il envoie pendant moins d’une minute quelques caractères au beau milieu de la nuit. Il sera bien plus passionnant pour nous quand on lui adjoindra le module radio : on verra alors ce qu’il peut échanger avec l’afficheur déporté ou des smartphones.

Comme tous les appareils électriques – le radioréveil, la brosse à dents électrique, etc. – il émet un champ magnétique faible. Quand il émet une information, ses émissions augmentent, mais elles restent très faibles et très inférieures aux seuils autorisés. Ce n’est pas un émetteur stricto sensu, mais un appareil électrique domestique classique qui communique via le réseau d’alimentation électrique du domicile.

M. Bernard Celli, directeur de la stratégie de l’ANFR. Nous avons réalisé des mesures à vingt centimètres du compteur. Les niveaux sont tellement faibles que nous avons dû acheter du matériel spécifique, et du reste coûteux, pour réaliser des mesures beaucoup plus fines. Nous avons mesuré un niveau de l’ordre de 1 volt par mètre, même lorsque le compteur n’émet pas en CPL. Pour comprendre ce que représente 1 volt par mètre, il faut imaginer deux plaques métalliques, distantes d’un mètre, reliées à une pile de 1 volt : entre ces deux plaques, vous créez un champ électrique de 1 volt par mètre. Quand le compteur émet en CPL, le champ électrique augmente de l’ordre de 0,1 volt par mètre, niveau très bas. Il faut comparer ces niveaux au seuil sanitaire en vigueur de 87 volts par mètre, fixé par décret. Quant au champ magnétique, il est du même ordre de grandeur : on est vraiment très en dessous des valeurs réglementaires.

Quand on s’écarte du compteur, autrement dit quand on est à plus de vingt centimètres, le niveau d’émissions baisse sensiblement pour atteindre des niveaux pratiquement indétectables. Même avec un matériel sophistiqué, il devient impossible de mesurer ce qui se passe.

Au final, il nous semble que le compteur Linky, en tout cas sa composante CPL, ne conduit pas à une augmentation significative des niveaux de champ électrique dans l’environnement que l’on mesure.

Le rapport que nous allons publier constitue un premier volet qui sera suivi d’un second volet qui complétera ces travaux. Mais d’ores et déjà, les premiers résultats sont sans appel.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous faites état des émissions autour du compteur lui-même. C’est bien cela ?

M. Bernard Celli. Oui, à vingt centimètres du compteur, devant la phase du compteur.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mais entre le compteur et la maison d’habitation, il y a un réseau filaire. Lorsque je côtoie le réseau filaire, y a-t-il des émissions ?

M. Bernard Celli. La réponse est oui. Toutes les émissions ne s’arrêtent pas au compteur : les ondes ont tendance à se propager, surtout le long d’un fil. Mais le compteur stoppe une grande partie de l’émission. À quelques centimètres du compteur, on ne constate plus rien, c’est en tout cas à peine mesurable. Les émissions qui vont du concentrateur au compteur sont elles aussi tellement faibles que l’on a du mal à les repérer.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Où est situé le concentrateur ? Et à quoi sert-il ?

M. Bernard Celli. Le concentrateur est au niveau du poste de transformation HTA/BT qui la liaison entre le réseau haute tension HTA et le réseau basse tension (BT).

M. Bernard Lassus. Le système Linky se compose du compteur en tant que tel, d’une liaison filaire entre le compteur et le concentrateur installé dans les postes de transformation, et du concentrateur lui-même.

Un concentrateur correspond à une grappe. En France, il est généralement associé à cinquante compteurs – certaines grappes peuvent être plus petites, d’autres peuvent englober jusqu’à 1 200 compteurs. Ce concentrateur envoie vers le système central, une fois par jour, les mesures liées à la consommation. Le concentrateur émet donc dix minutes par jour environ.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Si j’ai bien compris, plus on s’éloigne du compteur et moins on reçoit d’ondes.

M. Gilles Brégant. Tout à fait ! L’atténuation des ondes est fonction du carré de la distance. Il y a un effondrement très rapide de l’exposition.

M. Bernard Accoyer. Nous sommes réunis aujourd’hui parce que de nombreuses questions se posent sur les radiofréquences qui peuvent être émises par le compteur Linky. Nous voyons bien que ces émissions sont infinitésimales. Quelles sont-elles par rapport à une télévision, un four à micro-ondes par exemple ?

M. Bernard Celli. Le rapport qui sera publié bientôt fait état de quelques comparaisons. Ces mesures ont été effectuées cette fois-ci à trente centimètres. À l’instant, je vous ai dit que le niveau d’émissions du compteur Linky était de l’ordre de 1 volt par mètre à vingt centimètres. Un compteur bleu d’ancienne génération émet aussi 1 volt par mètre, un babyphone 0,5 volt par mètre et une perceuse électrique sans fil 0,5 volt par mètre. A contrario, un écran de télévision à tube émet 3 volts par mètre et une lampe fluocompacte 17 volts par mètre.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Merci pour votre réponse très précise.

M. Pierre Le Ruz. S’il n’y avait pas de la désinformation, on ne se poserait plus ce genre de question.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. C’est l’objet de notre table ronde.

M. Pierre Le Ruz. Il faut qu’ERDF arrête de dire que l’on trouve des valeurs de 0,0001 volt par mètre !

Il faut également cesser d’adresser aux Agences régionales de santé (ARS) des documents faisant état de comparaisons idiotes. On nous dit que le champ magnétique est potentiellement cancérogène 2B et on le compare à des mélanges eux aussi potentiellement cancérogènes comme le café et les légumes dans le vinaigre. Et l’on conclut qu’il n’y a pas de souci… Dès lors qu’il y a classification 2B, on est obligé de gérer les risques, même si l’on n’est pas d’accord sur la classification.

On dit aussi que le champ magnétique terrestre est de l’ordre de 50 microteslas. Si cela posait problème, on serait tous morts ! Le champ magnétique terrestre est un champ statique qui n’a rien à voir avec le 50 hertz ! Pourtant, on retrouve tout cela dans des documents distribués aux ARS sur le compteur Linky.

Mme Martine Lignières-Cassou. Qui distribue ces documents ?

M. Pierre Le Ruz. ERDF, bien évidemment !

Vous n’avez qu’à les demander aux directeurs d’ERDF ! Bien sûr, ils sont confidentiels, mais les directeurs d’ARS appellent le CRIIREM pour leur demander des renseignements.

De plus, France 3 a diffusé des reportages qui ne devraient jamais exister ! On a comparé les émissions faites par le compteur Linky en chambre anéchoïque à des mesures faites sur une trancheuse à jambon ! Et on montre des microteslas ! Cela énerve tout le monde et cela renforce le buzz ! Et je ne parlerai pas des comparaisons avec des grille-pain ! Tout cela dessert complètement le système…

C’est pourquoi le CRIIREM a envoyé une lettre ouverte pour demander que des mesures sérieuses soient réalisées. Le même problème s’était posé avec les ampoules fluocompactes. À l’époque, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) nous avait parlé d’une émission de 0,1 volt par mètre, pas plus. Un dispositif de réunions avec les principaux acteurs de la controverse – ADEME, l’AFSSET, les constructeurs de lampes fluocompactes et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) – a été mis en place pour trouver un protocole de mesures. Les résultats avaient montré des émissions de 17 volts par mètre même à 30 centimètres de la source. L’école polytechnique de Lausanne avait même trouvé un chiffre 400 volts par mètre, mais cela dépendait des ampoules et de leur puissance. Ce que l’on a découvert a permis de mettre en place des systèmes de prévention. D’ailleurs, la société chargée de la prévention des consommateurs a publié un rapport qui a mis en évidence plusieurs problèmes, y compris des risques liés au mercure. Tout cela a débouché sur quelque chose de concret qui a permis de faire retomber la polémique.

J’ai bien entendu ce que vient de dire l’un des responsables de l’ANFR. Mais je suis désolé de dire qu’il y a deux sortes de fréquences : le 50 hertz et des radiofréquences de l’ordre de 65 kilohertz. Pour le 50 hertz, on mesure le champ d’induction magnétique en microteslas et le champ électrique, qui n’est pas négligeable. Pour le 65 kilohertz, la radiofréquence que l’on utilise sur le CPL, on mesure le champ magnétique en milliampères et le champ électrique… Résumer la mesure à 20 centimètres de l’appareil à 1 volt par mètre me semble relever du raccourci. À mon avis, il faut, comme cela a été fait pour les lampes fluocompactes, réunir les scientifiques responsables qui connaissent bien la technologie, mettre au point un protocole sur lequel tout le monde sera d’accord et demander à un laboratoire indépendant – bien évidemment pas au CRIIREM – de réaliser l’étude. Il faut également effectuer des mesures sur le CPL avec des pinces ampèremétriques et des oscilloscopes pour voir comment se présentent les signaux et des mesures au niveau du concentrateur pour connaître les fréquences. On me répondra que cela nécessite des appareils spécifiques et compliqués. Mais le CRIIREM en possède. Lorsque nous avons réalisé des mesures dans le cadre du CPL, nous avions des sondes qui descendaient à 30 kilohertz et nous avons pu séparer les radiofréquences et le 50 hertz. Cela nous a permis de définir des périmètres de prévention.

Je rappelle que la valeur de 87 volts par mètre est la limite fixée pour éviter les effets aigus, alors que, s’agissant de la prévention des risques, on parle d’effets à court et long terme, de sécurité et de compatibilité électromagnétique. De surcroît, il faudra vérifier, sur le fil du CPL si les fréquences qui passent ne peuvent pas être perturbatrices d’appareils électriques ou électroniques de la maison – ce que l’on appelle la compatibilité électromagnétique.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. En fait, il faudrait procéder à de nouvelles mesures à partir d’un nouveau cahier des charges sur lequel tout le monde serait d’accord.

M. Pierre Le Ruz. Absolument !

M. Gilles Brégant. Nous sommes prêts à publier le rapport que nous avons élaboré. Bien évidemment, il précise le protocole que nous avons employé. Je suis bien conscient que le CRIIREM est capable d’effectuer des mesures. Notre travail consiste aussi à mettre en place des protocoles qui permettent aux mesures d’être reproductibles. Nous sommes d’accord pour remettre à plat ce protocole et nous serons très heureux d’y contribuer. Ensuite, si tout se passe comme prévu, les appareils maniés par des personnes différentes donneront des résultats comparables.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il vaut mieux parler de protocole que de cahier des charges.

M. Bernard Lassus. Monsieur Le Ruz, je suis désolé que vous ayez pu lire des documents faisant état de 0,0001 volt par mètre. Il doit y avoir eu une erreur de frappe. Il s’agit bien de 0,1 volt par mètre.

M. Pierre Le Ruz. C’est un problème de communication.

M. le rapporteur. Pour un compteur communicant, c’est un comble d’avoir des problèmes de communication ! (Sourires.)

M. Pierre Le Ruz. Cela crée des problèmes qui n’ont pas lieu d’être !

M. Bernard Lassus. Monsieur Le Ruz, nous devions vous envoyer un courrier dans lequel nous demandions qu’une réunion soit organisée regroupant un certain nombre de laboratoires pour débattre de ces protocoles. Il est important de pouvoir définir un protocole standard puis de choisir un laboratoire qui effectuerait des mesures, afin de faire retomber la pression et rassurer les maires.

M. Pierre Le Ruz. Cela permettrait effectivement de faire retomber le buzz !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vois que l’Assemblée nationale peut servir à quelque chose puisqu’elle vous permet de communiquer entre vous. C’est déjà une réussite…

M. Olivier David. En 2015, la ministre de l’environnement a mandaté l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) pour qu’il réalise des études et des mesures en laboratoire et sur le terrain, lorsque le compteur est à l’intérieur ou à l’extérieur des habitations. L’INERIS a conclu que les mesures sont plus de cent fois inférieures à la norme. L’ensemble de ces mesures seront rendues publiques.

La ministre a aussi saisi l’ANSES sur le sujet des compteurs communicants. L’Agence rendra prochainement public son rapport.

M. André Flajolet. Je veux revenir sur une question que j’ai posée tout à l’heure et qui est contenue dans une lettre du président Baroin en date du 17 mars : « En raison de sa qualité de concessionnaire et intervenant directement dans la pose des compteurs, la parole d’ERDF ne suffit pas à lever les inquiétudes. » Je remercie les intervenants pour toutes les informations qu’ils nous ont données cet après-midi, mais je vois que toutes les inquiétudes ne sont pas levées. Cette lettre se poursuit ainsi : « Une expression de l’État est urgente et nécessaire, d’une part pour informer les maires sur les limites de leurs capacités à agir dans ce domaine, d’autre part pour fournir de manière objective et transparente aux habitants inquiets les réponses qu’ils attendent ». J’ai entendu, de la part de l’ANFR, que je remercie d’être présente bien qu’elle ait été invitée tardivement, des réponses éclairantes. Je souhaite qu’elles soient publiées le plus rapidement possible.

De même, l’INERIS a réalisé des mesures ; je souhaite qu’elles soient publiées également. Et je demande que l’État annonce, à partir de ces mesures, une position officielle permettant de garantir aux élus locaux qui sont en première ligne la possibilité de répondre aux questions. Cela me paraît capital.

M. Étienne Cendrier. Il y a une certaine confusion qu’il va falloir dissiper.

On nous parle de normes. Il faut savoir que les normes auxquelles il est fait référence sont très contestées, y compris par des parlementaires. Pour commencer, elles ont été retenues par des scientifiques qui avaient des liens d’intérêt avec les industriels. De plus, elles ne prennent en compte que les effets dits thermiques. Autrement dit, nous sommes protégés contre la cuisson, mais pas plus. D’autres effets, dits athermiques ou spécifiques, ne sont pas du tout pris en compte. Quand on voit cette norme de 87 volts par mètre, c’est un peu comme si je vous disais qu’il faut éviter de conduire à plus de 800 kilomètres-heure sur autoroute… On est donc toujours en dessous de la norme, on ne la dépasse jamais.

On nous parle souvent du zéro risque ; c’est ce que l’on obtient avec l’alternative filaire. L’ANFR l’a reconnu tout à l’heure : le CPL se propage sur un réseau électrique qui n’est pas conçu pour cela – il n’est prévu que pour du 50 hertz. D’où l’intérêt du fil téléphonique qui est blindé. Évidemment, le courant va se diffuser tout le long du circuit électrique. Par ailleurs, les autres appareils branchés sur le secteur – électroménager, lampes – feront tous antenne. Quand on parle des émissions du compteur Linky, on oublie l’émetteur radio Linky (ERL). Linky n’est en effet, comme le compteur Gazpar, que la première brique. Ensuite, il est prévu de mettre des répartiteurs dans les habitations, autrement dit des réseaux qui fonctionneront par module radio et qui communiqueront entre eux en termes de radiofréquences. Ces mesures n’ont pas encore été faites. On va se retrouver avec des habitats où il y aura en permanence une pollution électromagnétique plus ou moins importante. C’est pourquoi une seule mesure ne suffit pas : il est indispensable d’en faire plusieurs. J’insiste sur le fait qu’avec l’alternative filaire, on a un système beaucoup plus sûr et efficace. On pourrait ainsi économiser 5 milliards d’euros.

Je rappelle que, depuis 2009, toutes les autorités sanitaires recommandent de baisser l’exposition du public aux radiofréquences chaque fois que c’est possible en raison d’un danger sanitaire. Il est tout à fait exact que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé en catégorie 2B possiblement cancérigènes pour l’homme toutes les radiofréquences. Les systèmes prévus vont augmenter considérablement cette pollution électromagnétique. Une catégorie de personnes, ceux que l’on appelle les électro-hypersensibles, a développé une intolérance à ce genre d’exposition. À l’heure actuelle, ces personnes-là sont chassées de leur domicile. Quelques dispositions précisent qu’elles pourraient refuser l’installation du compteur. Pour autant, quand bien même une personne électro-sensible refuserait sa mise en place, comme ces compteurs fonctionnent par grappes, qu’ils s’excitent les uns les autres comme on dit dans le métier, il suffit d’installer un seul de ces compteurs à un endroit et c’est l’ensemble de l’habitation ou de l’immeuble qui sera pollué par la présence du CPL et des radiofréquences mises sur le système.

En outre, ces compteurs posent des problèmes en termes de sécurité. Ils ont une obsolescence programmée de vingt ans, alors que les compteurs actuels sont prévus pour durer soixante ans.

M. Bernard Lassus. Non, pas soixante ans !

M. Étienne Cendrier. Du coup, dans vingt ans, comme l’a dit M. Lassus, on devra recommencer un déploiement. On ne pourra plus se protéger d’une pollution électromagnétique constante dans nos habitats.

On nous parle de l’électricité du XXIsiècle et on dit souvent de nous que nous sommes contre le progrès. Ce n’est pas vrai. J’en veux pour preuve que nous avons proposé une solution alternative bien plus sûre et bien plus efficace. On dit que ceux qui sont contre ce genre de technologie veulent retourner dans leur caverne ; mais pour l’instant, cette technologie chasse des gens de chez eux…

Dans le cadre du service public de l’équité de traitement de la population, il est urgent de revoir le développement de ce genre de technologie. Tous les compteurs sont prévus pour comporter un module filaire. Il y aura zéro risque et un service bien mieux assuré.

M. Jean-Luc Dupont. Dès le début de l’expérimentation sur le territoire de l’Indre-et-Loire, nous avons été confrontés à ces sujets, bien qu’elle n’ait porté que sur 85 000 compteurs. Nous avions commandé au CRIIREM, en accord avec l’association Robin des Toits, une analyse que nous avons mise en ligne et qui a montré que le rayonnement du compteur Linky est le même que ceux du compteur bleu. On a beau affirmer avec beaucoup de conviction une contrevérité, cela n’en fait pas pour autant une réalité…

M. Étienne Cendrier. Je ne suis absolument pas d’accord ! Vous ne parlez que des Linky !

M. Jean-Luc Dupont. Après cinq ans de fonctionnement sur le territoire, 150 communes concernées et 85 000 compteurs posés, je n’ai jamais eu la moindre remarque concernant une problématique liée à des rayonnements. Si le sujet était aussi prégnant que vous le dites, cela fait longtemps que les problèmes seraient remontés à la surface !

Comme M. Brégant et M. Le Ruz, je considère qu’il faut se mettre d’accord sur un protocole qui permettra d’assurer la transparence, en tout cas la pertinence de la mesure, et de tordre le cou à tous les fantasmes. Il faut regarder tout ce qui tourne sur Internet : certains messages visent à faire croire que ce serait un appareil radioactif… C’est aberrant ! Il faut garder de la mesure.

M. Bernard Lassus. Il faut savoir que l’Italie a installé, entre 1990 et 2000, 35 millions de compteurs en approche CPL. Elle va maintenant passer à la deuxième génération. Il ne me semble pas que cela ait suscité de problèmes particuliers.

En Espagne, 15 millions de compteurs de ce type ont été installés, et en Suède plus de 5 millions de compteurs de même technologie que ceux que nous avons implantés en 2010 fonctionnent depuis bien longtemps. Des retours d’expérience commencent à voir le jour. Il est indispensable de se mettre le plus rapidement possible autour d’une table afin de définir des protocoles puis qu’un laboratoire fasse des mesures qui permettent de fournir des éléments rassurants aux maires qui peuvent se trouver dans des situations difficiles.

M. André Flajolet. Tout à fait !

M. le rapporteur. Vous dites que le compteur Linky a été déployé dans 85 000 foyers. Des études avaient-elles été réalisées auparavant, à moins que ces 85 000 foyers n’aient servi de cobayes ? Avant de faire une expérimentation, peut-être aurait-il fallu se mettre d’accord sur le protocole.

M. Jean-Luc Dupont. Entre le moment où Michel Francony, le président d’ERDF, a annoncé l’expérimentation, et la pose des premiers compteurs, tout un travail a été réalisé. Puis des mesures ont été diligentées a posteriori de la pose pour s’assurer que tout ce qui avait été mesuré en laboratoire avant le déploiement était bien vérifié sur le terrain. Il nous semblait important en effet qu’une mise en situation devait être testée. Mais bien évidemment, toutes les précautions avaient été prises en amont. Ces 85 000 foyers n’ont pas servi de cobayes, ils n’ont pas été sacrifiés pour la science.

M. Bernard Accoyer. Je veux faire une remarque générale qui dépasse d’ailleurs le cadre des travaux de cette table ronde et de notre mission d’information.

Nous sommes dans un pays qui, je crois, est rationnel. Nous sommes le pays des Lumières, et nous avons fait quelques travaux dans ce domaine. Beaucoup d’experts sont dûment patentés. Nous vivons dans un océan de normes qui d’ailleurs sont souvent les mêmes que celles de l’Union européenne. Il existe de nombreux organismes de contrôle, très rigoureux, qui coûtent fort cher. Mais heureusement que nous les avons. Et puis, régulièrement, on voit des experts ou des cabinets d’experts autoproclamés utiliser à dessein des mots qui font peur – j’ai entendu les mots « cancer » et « effets thermiques » – et inventer des maladies qu’aucune académie scientifique au monde n’a identifiées comme telles. L’électro-hypersensibilité est tout au plus une phobie. Ils viennent tenir des heures et des heures des discours contre lesquels le parlementaire et le médecin que je suis restent sans voix. Ceux-là mêmes seront les premiers à prendre leur portable pour appeler les secours, les premiers à venir chercher les nouvelles avancées scientifiques, les nanotechnologies ou autres qui pourront les soigner, parce que c’est l’histoire de l’humanité et que le progrès est là.

Monsieur le président, je suis assez interloqué d’entendre certaines critiques. Il est évident que ces compteurs ont été testés et que l’on connaît leurs effets, parce que nous vivons au XXIsiècle dans un océan qui pourrait conduire ceux que nous avons entendus à partir en courant ou plutôt à venir, comme c’était le cas il y a quelques semaines, ici même, à l’Assemblée nationale, salle Colbert, assister à un colloque sur l’électro-sensibilité. Un certain nombre de participants portaient des chapeaux d’apiculteurs dont le voile avait été remplacé par des grillages, pour faire cage de Faraday… Où s’arrêtera le ridicule et comment un jour pourra-t-on affirmer la véritable indépendance de ces experts ou bureaux d’experts autoproclamés vis-à-vis d’un certain nombre de mouvances politiques et idéologiques ?

Voilà, Monsieur le président, ce que j’avais envie de dire après deux heures de discussions.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Cet avis vous est personnel, Monsieur Accoyer…

M. Bernard Accoyer. Mais cela m’a fait tellement de bien de le donner !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous vous adressiez avant tout aux personnes que nous avons invitées.

M. Bernard Accoyer. À quel titre scientifiquement ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je crois que nous sommes là aussi pour organiser des débats et des tables rondes. Nous avons choisi un certain nombre d’intervenants. Je suis de ceux qui respectent les personnes qui expriment des points de vue qui peuvent être différents mais qui n’en sont pas moins légitimes et qu’il faut savoir entendre.

M. Étienne Cendrier. Je veux répondre au discours de M. Accoyer.

Il se trouve que la loi du 9 février 2015, dite loi Abeille, a intégré le mot « électro-hypersensibilité », et qu’un rapport doit être remis à l’ANSES sur ce sujet. Par ailleurs, je ne savais pas que les membres de l’OMS étaient des experts autoproclamés !

Pour notre part, nous sommes une association nationale qui a pour objet d’obtenir une réglementation permettant la compatibilité entre la santé publique et les technologies sans fil. À ce titre, nous avons été invités, dans le cadre du Grenelle des ondes, et nous avons travaillé pendant très longtemps avec l’ANFR, et il est même bien possible que nous continuions, dans le cadre du comité national de dialogue sur le sujet, à faire partie des interlocuteurs.

Je pense que vous abusez de votre position et que vous n’êtes pas vraiment au courant. Comme beaucoup de politiques, vous n’êtes pas assez sur le terrain. Il vous serait très profitable de venir dans notre association pour y rencontrer les personnes électro-hypersensibles. Vous augmenteriez ainsi votre information sur le sujet.

M. Bernard Lassus. Je ne peux pas laisser dire que nous installons des compteurs sans avoir réalisé d’études préalables. Le Conseil d’État, qui a été saisi en 2011, a rendu un avis en 2013 en se basant notamment sur les études que nous avions fournies. N’allez pas imaginer que notre entreprise installe comme cela deux ou trois compteurs pour voir ce qui se passe. Ce ne serait pas du tout conforme au professionnalisme de cette entreprise que je crois bien connaître. Nous sommes prêts à améliorer certains points du système si c’est nécessaire, mais nous avons bien fait le travail au préalable.

LE RESPECT DE LA VIE PRIVÉE

M. Olivier David. Le compteur Linky enregistre la consommation électrique, ce qui permet d’établir une facturation. Il peut aussi enregistrer la courbe de charge, c’est-à-dire la puissance et l’énergie consommée par la personne dans son habitation, avec un pas de temps de dix minutes. Cette courbe de charge appartient au consommateur d’électricité, non au fournisseur d’énergie ni à ERDF. Le principe de la gestion des données dans Linky est clair : c’est le consommateur qui choisira volontairement ce qu’il souhaite faire de cette courbe de charge. Il peut soit donner l’autorisation à des fournisseurs de l’utiliser afin que ceux-ci lui proposent des offres particulières et des services visant à maîtriser l’énergie, soit choisir de la garder confidentielle.

M. Bernard Lassus. De nombreuses concertations ont eu lieu avec l’ensemble des parties prenantes pour définir de manière totalement transparente les dispositifs. ERDF s’est appuyée fortement sur la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et sur l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information. Les dispositifs mis en place respectent scrupuleusement l’ensemble de ses recommandations de l’une et de l’autre. Il faut savoir que nous sommes audités, que tous les systèmes sont cryptés et que des éléments physiques installés dans les concentrateurs détectent les tentatives d’intrusion et s’autodétruisent en effaçant les clés de cryptage. Il y a aussi des zones de sécurité informatique pour s’affranchir des attaques par les systèmes d’information. Tous ces systèmes sont homologués. En outre, un système de supervision avec des algorithmes sophistiqués permet de détecter à la fois des ouvertures de capot et des mesures qui seraient aberrantes, afin de pouvoir intervenir immédiatement.

Nous n’avons aucun intérêt à ne pas suivre scrupuleusement les recommandations de la CNIL et de l’ANSSI, deux acteurs particulièrement compétents dans le domaine du respect de la vie privée et de sécurisation des données.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. On nous dit que l’on pourra connaître la composition du foyer, le comportement de ses occupants. Certaines personnes s’en inquiètent, considérant que c’est une forme d’intrusion dans leur vie privée.

M. Nicolas Mouchnino. Il faut savoir que le compteur communique dans deux sens : il peut communiquer vers ERDF et vers le consommateur. Ces deux modes de communication ne donnent pas le même type de données.

Un technicien n’aura plus besoin de venir chez vous pour relever votre index puisque le compteur l’enverra directement ; mais cette donnée ne permet pas de connaître le comportement du client.

Le compteur peut transmettre des données à un pas de temps de dix minutes. En la matière, la CNIL a clairement encadré la transmission des données. Ce qui est stocké dans votre compteur, c’est un opt out, c’est-à-dire que des données sont stockées automatiquement sauf si le consommateur n’y consent pas. La transmission de ces données vers ERDF est un opt in, c’est-à-dire qu’il doit y avoir une autorisation explicite du consommateur de les transmettre. Ensuite, ces données sont transmises à un fournisseur ou un tiers, c’est-à-dire des gens ou des technologies qui vont aider le consommateur à maîtriser sa consommation. Là aussi, il y a un opt in.

Certes, ces pas de temps de dix minutes donnent des éléments sur le comportement et la consommation des ménages. Mais de là à dire que l’on va pouvoir savoir quel élément fonctionne exactement, c’est plus compliqué. On fait l’amalgame avec les données transmises par l’ERL qui sont beaucoup plus fines puisqu’il peut transmettre toutes les cinq secondes la consommation instantanée d’un ménage. On approche du temps réel. Mais il faut savoir que l’ERL n’est pas obligatoire : c’est le consommateur qui décidera s’il souhaite l’installer dans son compteur. Sans oublier le développement d’autres systèmes, par le biais d’une box ou autre. Ce sera alors soumis à un système d’autorisation classique par la CNIL. Mais à force de parler de maîtrise, tantôt de la consommation, tantôt des données, en passant de l’une à l’autre, on en vient à créer des confusions, parfois des fantasmes, autour de ces questions.

On estime que ces données de consommation seront importantes pour le consommateur qui a du mal à savoir quels sont les équipements qui consomment et pourquoi. On l’a vu à travers l’afficheur déporté, l’information du consommateur est un élément essentiel. Ces informations seront importantes également pour le développement de l’efficacité énergétique active, parallèlement aux efforts portant sur l’énergie passive via la rénovation du bâti. On peut opérer un gain si l’on installe dans le logement des équipements permettant d’aider le consommateur à maîtriser sa consommation en plus de l’information.

Aujourd’hui, on essaie d’encadrer la communication entre le compteur et l’afficheur déporté. L’ERL communiquera avec d’autres équipements de la maison. Il faut donc définir un moyen de communication entre le compteur et les équipements aval du logement. C’est important parce que si, demain, le consommateur doit changer tous ses équipements parce qu’il change de fournisseur ou parce que le protocole n’est pas identique partout, on créera des captivités. Le consommateur n’acceptera pas ces équipements et la concurrence que l’on essaie d’instaurer sur le marché de l’électricité sera bloquée parce que les équipements ne seront pas compatibles. Actuellement, la DGEC travaille sur les questions de compatibilité avec le compteur et les équipements aval, uniquement sur la transmission des kilowattheures. Je regrette que cette table ronde ne regroupe pas des représentants de l’industrie aval compteurs, des équipementiers qui fabriqueront ces équipements. Pour maîtriser sa consommation, il faut des kilowattheures et des prix. Or le compteur ne transmet pas les prix. Aujourd’hui, rien n’est fait tant au niveau du ministère que de la loi, en matière d’encadrement des transmissions de prix. Ce qui est important, c’est d’assurer la concurrence et d’éviter la captivité du consommateur. Mais si on ne discute pas de la manière dont sont transmis les prix, on risque de créer une nouvelle captivité du consommateur et finalement d’interdire toutes les innovations qu’il serait tenté d’accepter.

Actuellement, on a tendance à traiter de la sécurité et de la structuration de l’autorisation des consommateurs et de l’information mais on oublie souvent cet aspect-là.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Cela signifie-t-il que l’on ne sait pas techniquement convertir des kilowattheures en euros ?

M. Nicolas Mouchnino. Je vais prendre l’exemple de l’afficheur déporté. Aujourd’hui, on s’interroge sur la façon dont le compteur Linky va transmettre, à travers l’ERL, les protocoles de communication qui permettront de faire communiquer l’afficheur déporté avec le compteur.

L’afficheur déporté doit informer sur des prix et des kilowattheures. Il doit chiffrer la consommation du client en euros. Or rien n’a été défini sur la façon dont les fournisseurs vont transmettre cette donnée. Actuellement, chacun est libre de le faire comme il le veut.

Il est question que l’afficheur déporté porte, pour les ménages précaires, sur la CSPE. La DGEC s’inquiète du coût que cela va représenter. Chaque fournisseur va développer son afficheur déporté. Si le ménage précaire change trop souvent de fournisseur, il devra changer à chaque fois d’afficheur déporté. On fera donc porter à chaque fois sur la CSPE le changement de l’afficheur déporté, faute de protocole de communication unique.

Comme la loi crée une sorte de monopole sur la question des ménages précaires, on aurait pu imaginer le développement d’un afficheur unique proposé par tous les fournisseurs et un protocole unique de communication des prix. Aujourd’hui, rien n’est encadré, chaque fournisseur d’équipement domotique va développer un mode de communication de prix qui lui sera propre, ce qui fait que l’on va se retrouver avec une captivité des consommateurs.

M. Fabien Choné. C’est le fournisseur qui fournit l’électricité et c’est lui qui facture ; c’est donc lui qui connaît les prix. C’est à lui d’avoir une relation avec son client qui lui permette de rentrer le prix en euros dans l’afficheur déporté pour que l’information soit connue par le client. Reste à savoir si cette information sera entrée manuellement, par des ondes ou un système filaire. Cette mesure fera l’objet d’un arrêté qui prévoit d’encadrer les caractéristiques technologiques de l’afficheur que les fournisseurs pourront se voir compenser par la CSPE en ce qui concerne les clients précaires.

Je suis d’accord avec M. Mouchnino : il y a une très grande confusion en matière de données entre l’amont et l’aval. À l’aval du compteur, la sortie télé-information client émet des informations en temps réel et avec un dispositif que n’importe qui peut poser sur le compteur – et qu’on peut même acheter au supermarché. Bien évidemment, ces informations sont ultrasensibles car elles peuvent donner des renseignements très précis sur la nature et la composition du foyer.

Je précise que ce sont les fournisseurs qui mettent à la disposition du client précaire l’émetteur et l’afficheur, selon des caractéristiques techniques en cours de discussion.

Il ne faut pas oublier que n’importe quel consommateur pourra poser n’importe quel émetteur radio ou transmetteur filaire sur la télé-information client pour récupérer une information très précise sur sa consommation. Et il pourra en faire ce qu’il en veut, par exemple la confier à n’importe quel tiers. Mais cette information est sensible. Il faut donc encadrer la manière dont ces informations pourront être transmises.

Je ne suis pas intervenu sur le thème précédent car je ne suis pas compétent. Mais la question des impacts en matière d’ondes entre les émissions aval avec l’émetteur radio et les communications amont avec le CPL sont au moins aussi prégnantes dans le débat précédent que dans celui-ci.

À l’amont du compteur, c’est le gestionnaire du réseau de distribution qui récupérera l’information, et lui uniquement. C’est un opérateur public qui agit dans le cadre d’une mission de service public et qui a des obligations en matière de sécurité des données, extrêmement encadrées et surveillées. Par ailleurs, le pas de temps est au mieux de dix minutes. L’information est donc beaucoup moins sensible en termes d’information traduite auprès du distributeur. Enfin, ERDF, qui récupère l’information une fois par nuit, à ma connaissance, ne la véhicule aux opérateurs autorisés qu’a posteriori. On a entendu que les données transmises par Linky faciliteraient les cambriolages. Mais connaître la présence ou l’absence de personnes dans une habitation a posteriori ne présente pas un grand intérêt pour le cambrioleur…

Vous le voyez, les questions de sensibilité de données avec le compteur Linky existent, mais il y a une énorme différence entre la sensibilité des informations situées à l’aval et celles qui sont à l’amont. Je ne nie pas que ces informations puissent être relativement sensibles : une courbe de charge horaire peut donner une multitude d’informations, mais tout est très encadré.

La seule recommandation précise de la CNIL concerne l’amont. Elle indique que, dans l’état actuel de la législation, ERDF peut, sans l’autorisation du client, mesurer des informations tous les jours. Actuellement, deux mesures manuelles sont faites chaque année. Linky permettra d’avoir 87 600 informations par an, autrement dit une information beaucoup plus riche. La CNIL considère qu’une relève de mesure journalière ne pose pas problème, mais qu’au-delà une autorisation du client sera nécessaire. Nous déplorons énormément cet arbitrage car nous avons le sentiment d’avoir fait 80 % du chemin mais de ne récupérer que 20 % de l’information. Pourquoi ? Parce que le système électrique a un pas de temps horaire. Les mécanismes de marché sont horaires, les tarifications d’utilisation du réseau sont horaires, la loi portant organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME a prévu un mécanisme de capacité dont les obligations sont calculées de manière horaire et l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) est horaire. En ne disposant que d’une information journalière, on ne récupérera pas la réalité de la consommation du client, sauf si celui-ci a autorisé ERDF de le faire.

Monsieur Lassus, quel est le pourcentage de clients qui a autorisé ERDF à récupérer cette courbe de charge horaire ? Je pense qu’il est très faible, pour ne pas dire quasiment nul – en tout cas inférieur à 1 %. Cela veut dire que l’on est en train de mettre en place un dispositif censé faire des mesures très précises, mais qu’au final les consommateurs, le jour où ils voudront connaître leur consommation, savoir s’ils peuvent optimiser leur offre tarifaire, la puissance souscrite et éventuellement maîtriser leur demande ne le pourront pas.

Aujourd’hui, il existe deux options tarifaires : l’option base et l’option heures pleines-heures creuses. On aurait dû se poser un jour la question de l’arbitrage entre ces deux tarifs. Mais pour ce faire, encore faut-il savoir quelle est la répartition entre les heures pleines et les heures creuses. On ne peut pas le faire parce que les compteurs ne sont pas suffisamment sophistiqués. Évidemment, lors du lancement du programme Linky, tout le monde espérait pouvoir récupérer cette information horaire pour pouvoir faire cet arbitrage très simple dans l’état actuel de la tarification. Ce qui est proposé aujourd’hui ne permettra pas de le faire.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Pourquoi ?

M. Fabien Choné. Parce que la CNIL considère que la connaissance de la répartition horaire doit faire l’objet d’un accord préalable du client. Or, pour disposer de l’ensemble des informations qui permettent un arbitrage entre heures pleines et heures creuses, il faut un historique d’un an. Le client qui souhaite faire une optimisation sur deux tarifs qui existent depuis plusieurs dizaines d’années devra donner l’autorisation à ERDF. De son côté, pour lui donner une information exhaustive sur un an, ERDF devra attendre… un an. Le système n’est pas du tout réactif. On est très loin de la révolution numérique… Tout cela parce qu’on n’a pas voulu aller jusqu’à la période horaire.

Certes, la période horaire véhicule un peu plus d’informations sensibles que la période journalière, mais elle donne 80 % d’informations de plus pour optimiser la consommation du client, sa puissance souscrite, son offre tarifaire et sa demande en énergie. Pourtant, on n’a pas voulu confier à ERDF, dont c’est le métier, des données un peu plus sensibles que les consommations journalières. C’est dommage, car ERDF aura à gérer finalement très peu d’informations ; on est loin du développement de l’industrie numérique espéré grâce à Linky.

Certes, il faut encadrer de façon très stricte la manière dont les données seront émises et traitées à l’aval, mais il faut faire confiance à ERDF pour qu’il puisse enregistrer, en amont, les informations horaires. C’est l’intérêt des consommateurs et un enjeu de transition énergétique ; à défaut d’avoir ces informations, nous n’aurons pas la possibilité d’optimiser l’offre du client et de lui envoyer les signaux économiques qui correspondent aux contraintes du système électrique que j’évoquais tout à l’heure.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Si j’ai un affichage déporté, j’ai mes informations aval.

M. Fabien Choné. Le consommateur a ses informations aval, mais le fournisseur pas forcément. Cela dit, seuls les clients précaires auront ces informations.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Si j’achète un dispositif, je les aurai.

M. Fabien Choné. Oui, mais on va payer 5 milliards un dispositif qui pourrait les enregistrer sans qu’il soit nécessaire d’installer un ERL et un afficheur en plus.

Mme Martine Lignières-Cassou. Je posséderai mes informations aval, mais si elles sont transmises demain sur mon smartphone ou ma box, le propriétaire de leur système d’exploitation les aura également. On imagine le business auquel cela peut donner lieu… Les données personnelles sont protégées en Europe, mais pas hors de l’Europe. Ce type de données peut intéresser des banquiers, mais bien d’autres gens.

M. Nicolas Mouchnino. Comme l’a dit M. Choné, c’est le fournisseur qui détermine sa tarification en fonction d’un certain nombre de contraintes. Aujourd’hui, si l’on ne définit pas la manière dont on transmet les prix, demain le développement in house ne sera pas possible. Autrement dit, un consommateur qui voudrait à toute force développer une technologie à l’intérieur, c’est-à-dire sans communiquer avec personne, à la différence des cloud que l’on trouve sur le téléphone, ne pourra pas le faire : il sera dépendant du protocole défini par le fournisseur. Mais s’il veut changer de fournisseur et que le nouveau n’utilise pas le même protocole, le client devra racheter des équipements compatibles avec le nouveau fournisseur – ou renoncer à en changer. C’est ce qui existe déjà avec la téléphonie mobile : si vous avez un téléphone Apple et que vous décidez d’en changer pour acheter un smartphone sous système Google, il vous faudra changer tous vos équipements car ils ne sont pas compatibles et vous ne pourrez pas récupérer vos données stockées sur le cloud. Si l’on n’encadre pas les choses en amont, cela va créer des frictions.

Les débats qui ont lieu actuellement à la DGEC sur la façon dont le compteur doit communiquer avec l’afficheur déporté tournent au casse-tête parce qu’il existe une dizaine, voire une quinzaine de protocoles de communication, certains fermés, d’autres non propriétaires, et personne ne sait comment va évoluer la technologie. Si l’on veut demain préserver une possibilité de développement in house, il nous semble important d’avoir un minimum de garanties sur ces modes de communication. Cela nécessite à la fois des données sur la consommation en kilowattheures mais aussi en prix. Sinon, le consommateur sera dépendant d’un tiers, ce qui est dommageable.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. En vous entendant les uns et les autres, on a l’impression que l’on avance à des rythmes différents.

J’ai la chance d’avoir un compteur Linky, installé tout récemment. J’aimerais bien pouvoir disposer des outils techniques qui me permettraient d’avoir des informations précises sur ma consommation, etc. Or je comprends que cela suppose au préalable de lever un certain nombre de difficultés…

M. Julien Aubert. Je comprends pour ma part que nous avons fait un choix budgétaire et technologique sans en assumer totalement les conséquences. Autrement dit, on va payer 5 milliards d’euros pour avoir un dispositif intelligent, alors qu’il ne fonctionnera qu’à 20 % de ses capacités en raison de considérations liées au respect de la vie privée.

Je connais des gens qui ont téléchargé une application sur leur smartphone qui leur permet de connaître en temps réel leur consommation d’électricité, voire d’arrêter des appareils électriques depuis leur téléphone. À quoi sert un dispositif qui sera payé par le contribuable, mais qui sera incomplet, alors que je peux disposer d’un système beaucoup plus flexible avec mon smartphone qui ne demande aucune installation ? Je crains que les pauvres – ceux que l’on appelle pudiquement « les précaires » – ne se retrouvent avec un système un peu soviétique puisqu’ils devront attendre qu’on leur installe le dernier terminal et un délai d’un an, alors que ce sont eux qui ont besoin de faire des économies d’énergie, et que les autres, c’est-à-dire ceux qui pourront payer, choisiront des modèles plus flexibles. Est-ce une vision de l’esprit ou ce risque existe-t-il ?

M. Olivier David. C’est l’inverse qui va se passer. Les pauvres pourront disposer gratuitement de leur consommation en temps réel, tandis que les riches devront payer ce service. Ce sont les pauvres qui auront le système le plus sophistiqué.

M. Julien Aubert. Je ne partage pas tout à fait votre avis…

M. Olivier David. J’entends bien les critiques formulées par Fabien Choné. Mais il ne faut pas oublier que c’est la CNIL qui a prévu de protéger les données individuelles et qui en assurera le contrôle. C’est ce qui explique que le consentement explicite du consommateur d’électricité est indispensable pour pouvoir utiliser sa courbe de charge. Certes, on peut le regretter, mais la protection des données individuelles est prioritaire.

M. Jean-Luc Dupont. Je crois que M. Choné et M. David disent finalement la même chose. La difficulté réside entre le stockage de la donnée et son usage. M. Choné demande que l’on autorise systématiquement ERDF à stocker la donnée, puis que le client puisse déclencher l’usage.

Imaginez que j’occupe un logement pour lequel je ne veux pas transmettre ma donnée de comptage, puis que je quitte ce logement. Si la personne qui me succédera veut utiliser les données de chauffage, elle n’aura pas l’historique. Elle devra attendre un an. Mais si la donnée a été stockée dans l’outil, le client pourra déclencher la transmission de la donnée au fournisseur qui pourra proposer une grille tarifaire, des index, etc., pour adapter le profil de consommation. Il faut donc dé-corréler le captage de la donnée et en permettre l’enregistrement par un opérateur de confiance, dans le cadre d’un service public et des conditions parfaitement sécurisées, puis permettre à l’usager de déclencher lui-même, comme il l’entend et en direction qui il veut l’usage de la donnée du lieu de vie. Dans le parc social, où les rotations de locataires sont fréquentes, cette donnée n’est pas accessoire ; elle est même très importante. Si l’on ne veut pas aboutir à un service public à deux vitesses, il faut être en mesure transmettre ces informations. Il est surréaliste de laisser croire que la courbe de charge sera si fine qu’elle constituera une intrusion dans la vie privée. Un réfrigérateur consomme bien plus que les ampoules basse consommation que vous allumez lorsque vous rentrez chez vous. Aussi la courbe de charge ne permettra pas de détecter votre arrivée. De même, lorsque vous ouvrez le robinet de douche, le matin, comme le chauffe-eau a travaillé en heures creuses, la courbe de charge ne détectera pas que le chauffe-eau est en marche, que vous vous douchiez à huit ou neuf heures. Si l’on ne veut aucune intrusion dans sa vie privée, il faut déchirer sa carte bancaire et rendre son smartphone.

M. André Flajolet. Et fermer sa boîte mail !

M. Fabien Choné. Tout à l’heure, j’ai dit que l’on ne récupérera que 20 % des capacités du dispositif pour optimiser l’offre tarifaire ; cela ne remet pas en cause l’équilibre que j’évoquais tout à l’heure. Cela étant, cela améliorerait encore la rentabilité du projet, et notre devoir à tous est de faire en sorte qu’il soit le plus rentable possible pour le consommateur. En la matière, je crois qu’il y a consensus. Les consommateurs, les collectivités concédantes et les fournisseurs sont tous conscients des enjeux, notamment en termes de transition énergétique. Nous avons besoin de ces informations pour optimiser l’offre faite au client et lui envoyer des signaux économiques. Malheureusement, la CNIL considère qu’on ne peut pas aller plus loin en l’état actuel de la législation. Je vous invite à vous pencher sur la question pour savoir s’il ne faudrait pas qu’ERDF enregistre la donnée horaire et, parallèlement, faire en sorte que le consentement du consommateur soit systématiquement requis pour éviter tout risque à cet égard. Cela permettrait de rassurer le consommateur qui peut craindre légitimement que les courbes de charge à la seconde ne constituent une intrusion dans sa vie privée.

Il faut durcir tout ce qui se passe à l’aval où les enjeux en termes de respect de la vie privée sont importants tout en assouplissant un peu ce qu’ERDF va faire pour décupler la rentabilité du projet Linky. Pour ce faire, il faut prendre des mesures législatives.

M. Bernard Lassus. J’ai été assez surpris d’entendre que l’on n’utilisera que 20 % des capacités du compteur Linky. Ce qui est compliqué dans cette affaire, c’est que ce compteur s’adresse à différents types d’acteurs. Il y a d’abord ce dont a besoin le consommateur pour mieux maîtriser sa consommation : celui-là ouvrira l’espace sécurisé qu’ERDF lui mettra gratuitement à disposition, avec ses limites. Mais ce compteur s’adresse aussi aux collectivités territoriales, à l’exploitant et aux fournisseurs.

Dans ce débat très centré autour du consommateur, on aurait tort d’oublier d’autres actions très fortes : l’intégration des énergies renouvelables, mais aussi la maîtrise de la boucle locale. Aussi bizarre que cela puisse paraître, Linky est un objet du local : il donne la main à l’acteur local sur des politiques d’énergie de proximité, ce qui n’était pas le cas auparavant. Je ne voudrais donc pas qu’on laisse croire que ce système est déjà ringard avant même qu’il ne soit déployé. Beaucoup de pays nous observent parce que cet outil est bien plus sophistiqué que ce qui se fait à l’étranger. Nous avons la possibilité de mettre en place un système qui représente un pas de géant par rapport à ce qui se fait en Italie, par exemple.

M. Nicolas Mouchnino. Effectivement, monsieur le rapporteur, si le dispositif Linky est trop compliqué ou trop bloquant pour le consommateur, celui-ci pourra être tenté de s’orienter vers les solutions technologiques que vous évoquiez. Avec le compteur Linky, le risque est de se retrouver captif. Dès lors qu’il est question de standard, il y a un risque pour le consommateur de se retrouver captif ou prisonnier d’un standard dépassé. Quelle que soit la solution qui sera retenue, elle doit avant tout être simple pour le consommateur. Sinon, le dispositif Linky risque d’être remplacé par des applications sur smartphone, alors qu’il est déjà commandé… et payé. Cela étant, lorsque vous voulez commander vos équipements avec votre smartphone, vous devez avoir au minimum Internet, le Wifi pour que vos équipements communiquent avec votre borne dans la maison, et un téléphone capable de communiquer avec votre maison – autrement dit, un dispositif potentiellement coûteux pour le consommateur. En revanche, si l’on définit un protocole assez simple pour le compteur Linky, le client pourra bénéficier d’un système qui sera déjà présent dans la maison et susceptible de lui éviter toutes ces dépenses. Si l’on utilise très peu les services proposés par Linky, c’est en raison de contraintes fortes et d’une difficulté pour le consommateur à les comprendre. Si des services avaient été développés dès l’origine et testés avant le déploiement, le consommateur aurait compris son intérêt. Pourquoi autoriserait-il aujourd’hui cette collecte de données si on lui dit qu’il s’agit juste de collecter de la donnée pour plus tard ?

Tous ces débats auraient pu être évités si le compteur avait pu stocker les données pendant une période d’un an, autrement le temps nécessaire pour comparer des offres, proposer des services d’efficacité énergétique, et connaître sa consommation pendant la période hivernale. Or le consommateur va devoir attendre un an, s’il n’a pas donné son autorisation lors du déploiement du compteur, pour pouvoir optimiser ces services, tout simplement parce que le compteur ne peut stocker que cinq mois de données fines de consommation, alors que l’on a besoin d’un an, ne serait-ce que pour retracer la période de chauffe, par exemple. À quoi bon demander au consommateur de stocker ses données si on ne lui propose pas de service ?

M. Bernard Lassus. Des concertations ont eu lieu pendant des années ainsi qu’un retour d’expérience. Plus on avance dans le débat, plus se font jour des idées nouvelles. Mais à un moment donné, lorsqu’on est dans une démarche industrielle, il faut bien définir un cahier des charges, retenir quelques hypothèses, arrêter une technologie, ne serait-ce que pour s’assurer de sa faisabilité, mettre en œuvre les études nécessaires, vérifier les fonctionnalités… Et tout fonctionne, je puis vous l’assurer. Je sais que l’on aurait pu faire davantage encore, mais beaucoup a été déjà fait.

Monsieur Choné, nous commençons à avoir les premières demandes de création d’espace. Le retour d’expérience nous permettra, je l’espère, d’apporter des améliorations au fil de l’eau. Mais, de grâce, il faut savoir stabiliser le cahier des charges à un moment donné, faire fonctionner le système et l’améliorer.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Il ne faut pas oublier que le compteur Linky, à la différence des applications, est la première pierre des smart grids. À mon sens, ce n’est pas négligeable.

M. Nicolas Mouchnino. Nous suivons ce projet depuis 2007. Nous pensons que le dispositif présente un réel intérêt pour le consommateur. M. Lassus estime qu’il faut arrêter un cahier des charges. Si les tests avaient été effectués dès le départ avec le consommateur, on aurait pu percevoir ces problématiques. Voilà ce que nous regrettons.

M. Bernard Lassus. Nous allons vous transmettre le document que nous avons réalisé sur le retour d’expérience. Vous verrez comment le matériel a déjà évolué et changé. Nous aurions pu encore faire mieux, je le reconnais, mais nous avons déjà fait beaucoup de choses.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vous remercie.

LES QUESTIONS JURIDIQUES

M. André Flajolet. Nous avons choisi d’équiper l’ensemble du territoire français du compteur Linky, autrement dit d’éviter toute fracture entre les zones urbaines et les zones rurales.

Il n’empêche que l’on assiste à un phénomène très minoritaire que je ne parviens pas à mesurer – s’agit-il de 2 % comme le disent certains, ou de 5 % : sous la pression médiatique ou associative, certains maires ont pris un arrêté interdisant le déploiement du compteur Linky dans leur commune.

Y a-t-il un fondement juridique à cette décision ou est-elle opposable aux tiers ? L’État pourrait-il nous dire ce qu’il en est ? À cet égard, je regrette l’absence de M. François Pesnaud, sous-directeur des compétences et des institutions locales à la Direction générale des collectivités locales (DGCL). Cette question est capitale : si nous acceptons de laisser perdurer un système comme celui-là, c’est tout l’édifice structurel de modernisation du schéma qui risque d’être remis en cause.

M. Jean-Luc Dupont. L’année dernière, dès l’annonce du déploiement du compteur Linky, on a vu se développer un système bien organisé de pseudo-associations qui envoyaient des courriers très ciblés aux maires en fonction des dates de déploiement. Le début du courrier était très doux : en substance, on les informait de l’existence d’un risque sanitaire, un risque d’incendie, etc. Puis le ton allait crescendo, jusqu’à menacer : « Maintenant que vous savez, vous serez responsable. » À l’évidence, de tels courriers ont pu émouvoir.

Forts de ces premières remontées de terrain, nous avons immédiatement diligenté une étude juridique auprès d’un cabinet d’avocats spécialisé afin d’apprécier quelle pouvait être d’abord la responsabilité de l’élu dans une telle opération, menée dans le cadre d’un programme national, ensuite la capacité de l’usager à refuser la pose d’un compteur dont, je rappelle que ce n’est pas lui le propriétaire, mais les collectivités locales.

L’analyse juridique qui nous a été remise par ce cabinet, en présence des représentants de l’AMF, est très claire : dès lors qu’un cadre juridique et réglementaire permet la mise en œuvre opérationnelle, seul l’exploitant, autrement dit ERDF, a la responsabilité de cette mise en œuvre et il est parfaitement illégal de vouloir s’y opposer. Toutes les délibérations prises par la collectivité sont donc nulles.

Lors du dernier comité de suivi, nous avions appelé de nos vœux que la DGCL alerte rapidement les préfets. C’est chose faite : un courrier a été adressé à tous les préfets de France et de Navarre pour les informer que toutes les délibérations prises devaient être bloquées. Et nous savons que certains préfets qui ont eu connaissance de délibérations ont d’ores et déjà informé les élus que non seulement ils pouvaient déférer au tribunal administratif toutes ces délibérations, mais que de toute façon elles étaient entachées de nullité et n’empêcheraient pas le déploiement.

Pour ce qui est de l’usager, la méthode retenue face à ce genre de blocage ne consiste évidemment pas à envoyer la force publique pour poser les compteurs : on prend un peu de recul et on essaie de dialoguer plutôt que d’envoyer la force publique.

Lorsque l’on a commencé à poser les compteurs, en 2010-2011, on s’est aperçu qu’il y avait avant tout un problème de communication. L’analyse juridique démontre qu’un usager qui, à terme, persisterait à ne pas vouloir changer son compteur, s’expose à plusieurs risques, dont un qui concerne le service et la sécurisation du dispositif électrique. Le fournisseur pourrait lui couper l’accès à l’énergie dès lors qu’il ne serait pas équipé d’un appareil conforme. De plus, comme il ne serait pas possible de relever l’index de consommation par télé-opération, ces opérations, gratuites avec un compteur Linky, deviendraient facturables par un compte de tiers.

Le cadre juridique est donc clair. La directive aux préfets, qui permet d’avoir une action très proactive dans les réunions publiques locales et auprès des associations locales et des maires, est aussi un relais très important. Nos collègues du Finistère ont organisé des réunions publiques il y a quelque temps sur leur territoire en présence d’ERDF et de la sous-préfète. Lorsque celle-ci a indiqué que les délibérations prises par les maires étaient nulles et illégales, les maires ont rapidement compris qu’ils n’étaient pas directement responsables du déploiement du compteur parce qu’ils avaient transféré leurs compétences électriques à un syndicat départemental organisateur de la distribution. Aussi n’avaient-ils plus la capacité à s’opposer au projet. Les présidents de syndicats départementaux d’énergie que nous sommes n’ont pas non plus la capacité à s’opposer à un dispositif national prévu par la loi. Sur 36 000 communes, 138 délibérations environ avaient été prises.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’ai bien entendu qu’une circulaire ou un courrier a été adressé aux préfets.

M. André Flajolet. Il serait bon de l’insérer dans votre rapport.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Tout à fait !

M. Vincent Corneloup, conseil de l’association Robin des Toits. Vous aurez compris que la position de l’association Robin des Toits dont je suis l’avocat ne consiste pas à rejeter les compteurs intelligents. Au contraire, elle a souhaité leur mise en place car ils présentent un intérêt en matière de transition énergétique. En revanche, elle est contre le compteur Linky développé par ERDF.

La directive européenne, la loi française et les décrets n’imposent pas le compteur Linky mais les compteurs intelligents. Linky n’est qu’une forme de compteur intelligent.

Cela veut dire, et l’étude qui a été faite par mes confrères est parfaitement exacte, qu’il est strictement impossible pour une commune d’aller à l’encontre du déploiement des compteurs intelligents parce que ce serait une décision contra legem manifestement irrégulière.

En revanche, dans la mesure où la loi n’impose pas une méthodologie, une technologie spécifique mais simplement le compteur intelligent, n’est-il pas possible que les collectivités s’opposent au compteur Linky pour favoriser d’autres formes, notamment celle qui est portée par ma cliente, à savoir un compteur intelligent qui reposerait sur un système filaire, en l’occurrence le réseau téléphonique existant ?

Sur ce point précis, une commune peut-elle intervenir ? Dans l’immense majorité des cas, c’est strictement impossible puisqu’elles ont délégué leurs compétences à des établissements publics de coopération intercommunale. En revanche, les syndicats qui portent différents noms – les plus anciens s’appellent syndicats d’électrification et les plus récents sont des syndicats d’énergie électrique – sont des autorités concédantes qui ont un lien contractuel avec ERDF via le contrat de concession. Nous savons tous que ce contrat de concession est un contrat administratif, ni plus ni moins. Ces contrats administratifs contiennent un certain nombre de pouvoirs, dont le pouvoir de direction pour la personne publique qui a deux composantes : le pouvoir de contrôle et le pouvoir de modification unilatérale. C’est ce dernier qui m’intéresse. Les autorités concédantes ont-elles un pouvoir de modification unilatérale en ce qui concerne les compteurs de type Linky ?

L’association Robin des Toits, que je représente, considère que les établissements publics concernés ont le pouvoir de modifier éventuellement le contrat de concession. Comment est-ce envisageable juridiquement ? Le compteur appartient aux collectivités territoriales – c’est l’article L. 322-4 du code de l’énergie – et le pouvoir de modification unilatérale est un principe général reconnu par le Conseil d’État à deux conditions : il ne doit être utilisé que dans un but d’intérêt général et ne doit pas modifier pas de manière substantielle le contrat. Dès lors qu’une autorité concédante modifierait le contrat de concession indiquant qu’elle ne souhaite pas que les compteurs intelligents prennent la forme d’un compteur Linky, on ne saurait parler de modification substantielle puisque l’on fonctionne actuellement avec les anciens compteurs. Et il y aurait bien un but d’intérêt général, ne serait-ce que pour permettre un meilleur déploiement de ces compteurs dits intelligents. Enfin, il y a une propriété publique sur laquelle la personne publique en cause peut intervenir.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je tiens à remercier tous les intervenants pour la qualité de ces échanges. Nous avons beaucoup appris.

TABLE RONDE DU MERCREDI 22 JUIN 2016 REGROUPANT DES ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES

La Mission d’information commune a organisé une table ronde regroupant des organisations non gouvernementales, avec la participation de M. Cyrille Cormier, Politiques énergétiques en France, Greenpeace, de Mme Lorelei Limousin, responsable transports et fiscalité, et de Mme Anne Bringault, coordonnatrice de projet transition énergétique, Réseau Action Climat France (RAC), de M. Raphaël Claustre, délégué général, Réseau pour la transition énergétique (CLER), de Mme Maryse Arditi, membre du réseau Énergie de l’association France nature environnement, et de M. Bernard Lapostolet, Fondation Abbé Pierre.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous sommes heureux de vous accueillir devant notre mission d'information portant sur l’application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Mme Maryse Arditi, membre du réseau Énergie de l’association France nature environnement (FNE). Il n’y a toujours pas de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), si bien qu’EDF ne peut pas élaborer son plan stratégique puisque celui-ci doit être conforme à la PPE ; cela est d’autant plus inquiétant qu’il s’agit du sujet fondamental de la loi. La PPE doit comporter l’évolution de la consommation pour mettre en lumière l’effort en matière d’efficacité énergétique et d’économies d’énergie, avant de détailler la répartition entre les énergies renouvelables (ENR), les énergies fossiles et le nucléaire.

La tournure des événements nous inquiète car le démarrage de la transition repose sur l’efficacité énergétique et le bâtiment. Les députés et les sénateurs ont beaucoup travaillé sur cette partie du texte qu’ils avaient grandement améliorée, mais les décrets « détricotent » la loi et remettent en cause les objectifs fixés. Ainsi, le premier décret a dressé la liste de toutes les causes permettant de ne pas embarquer la performance énergétique ! Parmi ces raisons figuraient la complexité, le coût, la qualité de la pierre, le classement patrimonial ou la conservation d’une œuvre architecturale à la discrétion de son auteur. Devant les protestations, certains éléments du texte réglementaire ont été modifiés, mais, plutôt que de fixer les niveaux et la nature de l’embarquement de la performance énergétique, le premier décret énumère tous les cas où on ne le fera pas !

FNE et le CLER ont déposé deux plaintes contre le Gouvernement français qui n’a pas correctement transposé la directive sur l’efficacité énergétique – en considérant notamment que les bâtiments d’avant 1948 n’avaient pas à être rénovés – et qui avait orienté les fiches relatives aux certificats d’économie d’énergie (CEE). Ces fiches présentaient en effet des économies qui n’existaient pas.

Les vendeurs d’énergie et certains acteurs du bâtiment, qui affirment qu’ils ne savent pas agir dans le domaine des économies d’énergie et qu’il faut donc les abandonner, freinent les évolutions dans ce secteur, pourtant crucial pour la transition énergétique.

La France avait choisi la voie de l’ensemble intégré à la place des toitures des bâtiments individuels. Ceux qui habitent dans une toiture en bon état ne vont pas la démonter pour installer du photovoltaïque, si bien que ce dernier serait absent de tout l’existant ! Certains ont tout de même essayé, et les dégâts des eaux ont constitué près de 30 % de l’ensemble des dommages, car les personnes qui posent le photovoltaïque ne sont pas des couvreurs. Il faut donc absolument que le photovoltaïque puisse être posé sur les toitures.

Dans les appels d’offres au sol, on ne traite que ceux représentant au moins 500 kilowatts. Les petites communes rurales disposant d’espace ont pourtant recours à ces derniers et peuvent ainsi couvrir moins d’un hectare avec un appel d’offres à 250 kilowatts associant les habitants de la localité. Ces appels disparaissent, car le prix d’achat du photovoltaïque au sol est bas puisqu’il est pensé pour les centrales de 300 hectares ; or, pour un hectare, ce prix n’est plus soutenable. Il est dommage que ces projets publics, qui permettent aux citoyens de s’approprier le photovoltaïque, n’existent plus. Il conviendrait d’agir dans ce domaine pour retrouver des appels d’offres compris entre 100 et 500 kilowatts.

EDF a affirmé il y a quinze jours que les démantèlements de centrales nucléaires en cours – ces opérations ayant pu commencer il y a 20 ou 25 ans – allaient désormais être conduits sous air et non plus sous eau, ce qui constitue un changement radical. Pourtant, la loi dispose que si un changement substantiel intervient dans un processus de démantèlement, un nouvel arrêté doit être pris afin de préciser les nouvelles conditions. L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) n’a pas encore approuvé cette modification technique et n’a pas l’intention de le faire, mais l’idée a tout de même émergé.

Au lieu de démanteler en dix, quinze ou vingt ans, le processus prendra cinquante, soixante ou soixante-dix ans, EDF n’ayant pas les ressources pour démanteler ses centrales, comme vient de le pointer la Commission européenne. La loi dispose pourtant qu’il faut agir le plus rapidement possible, mais EDF se décharge de son obligation.

M. Cyrille Cormier, Politiques énergétiques en France à Greenpeace. Les prémices de la loi, votée il y a un an, proviennent de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima en 2011. Lors de la campagne présidentielle, les candidats devenus Président de la République, députés ou ministres avaient pris l’engagement de lutter activement contre les dérèglements climatiques en réduisant les gaz à effet de serre (GES) et de réduire la dépendance de notre pays envers le nucléaire.

Un débat national sur la transition énergétique (DNTE), certes critiqué pour son manque d’encadrement politique, qui a précédé la discussion parlementaire au cours de laquelle les députés et les sénateurs ont eu des discussions farouches, a été organisé. Certains députés ont veillé, lors de la commission mixte paritaire (CMP), au respect de l’engagement présidentiel de diminuer la part du nucléaire dans la production énergétique française.

En revanche, depuis la promulgation de la loi en août 2015, aucune décision politique n’est intervenue dans le domaine du nucléaire. L’État semble inerte lorsqu’il s’agit de passer à l’action pour réduire le poids du nucléaire.

Depuis cinq ans, la situation a évolué et ces événements confirment la nécessité de réduire la part du nucléaire. Les réacteurs vieillissent, puisque leur âge moyen d’utilisation atteint maintenant vingt-sept ans et que certains d’entre eux approchent de la limite initialement prévue de quarante ans.

Des entreprises comme EDF ou AREVA ont vu leur santé financière se dégrader car leur activité économique ne garantit plus d’équilibre et que leur savoir-faire a été perdu. Greenpeace a publié une note la semaine dernière sur des suspicions de falsification des pièces forgées au Creusot, montre qu’il existe désormais une difficulté à produire des pièces de qualité. En outre, un incident a eu lieu à Paluel en avril dernier : un générateur de vapeur est tombé, ce qui condamne peut-être le deuxième réacteur. Le marché du réacteur nucléaire disparaît progressivement, même les Chinois ont abaissé leurs perspectives de développement de cette source d’énergie, et les ENR connaissent un grand essor, leur déploiement augmentant et leur prix diminuant.

Face à ces trois tendances, l’État se montre tétanisé, alors que son action s’avère indispensable pour structurer notre système et nos industries de l’énergie, et pour maîtriser et accompagner les Français dans la gestion de la facture énergétique. Dans les sphères étatiques, on entend deux discours : celui de la relance de l’industrie nucléaire – sans connaître les fondements d’une telle politique alors que le marché s’effondre – et celui du développement des ENR. On pense que l’on pourrait faire les deux en France, alors que l’on constate une décorrélation définitive entre la croissance économique et celle de la consommation énergétique. Il ne faut pas s’attendre à une hausse magique de la consommation d’électricité, si bien qu’il faut faire de la place aux ENR si on souhaite les développer. Cette politique induit la fermeture de réacteurs nucléaires, ce qui permettrait de tenir la promesse présidentielle de réduire progressivement la puissance nucléaire.

La loi fixe des objectifs que doit traduire la PPE ; cette dernière doit ainsi annoncer le nombre de réacteurs à fermer pour réduire la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité. On connaît déjà le nombre de renouvelables qui seront installés d’ici à 2018, 2023 et 2030. Il importe que la PPE fixe une trajectoire de réduction du nombre de réacteurs, car, comme le bilan du Grenelle de l’environnement nous l’enseigne, l’absence d’objectifs de contraction du nucléaire entraîne l’absence de développement des ENR. Il n’y avait pas la place pour installer ces dernières, et on a tout fait pour ralentir leur essor, en augmentant notamment leur coût. Les réacteurs étant vieillissants – vingt-neuf d’entre eux connaîtront leur quatrième visite décennale au cours des dix prochaines années –, leur maintien en vie s’avère de plus en plus difficile et cette situation crée un contexte favorable pour que les ENR prennent leur place.

Vous avez voté une loi qui affiche des objectifs, allez-vous défendre une application stricte de cette législation et accompagnerez-vous l’État pour qu’il ne suive pas jusqu’à la fin du quinquennat sa tendance à la procrastination ? Le bilan actuel sur la loi de transition énergétique se révèle très faible et celui des cinq dernières années dans le domaine du nucléaire s’avère catastrophique. Il ne faudrait pas que ce quinquennat fasse apparaître un bilan énergétique vierge et que l’inaction de l’État remette en cause la signature des Accords de Paris. Beaucoup de grands discours ont été prononcés et la France a appelé les pays du monde à agir : il serait gênant qu’elle n’applique pas ce qu’elle recommande aux autres.

M. Bertrand Lapostolet, responsable de programme à la Fondation Abbé Pierre. La dimension sociale de la transition énergétique est aujourd’hui vraiment reconnue, la justice climatique devant compter parmi les préoccupations essentielles dans ce domaine, en France.

L’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) a publié dans son premier rapport, en octobre 2014, le chiffre consolidé et accepté par tous de 5,1 millions de ménages, représentant plus de 11 millions de personnes, touchés en France par la précarité énergétique. Il vient de mettre à jour ce chiffre, qui atteint dorénavant 5,8 millions de ménages, sur le fondement de l’enquête nationale logement de 2013 ; on vient de passer le cap de 20 % des ménages concernés par la précarité énergétique.

Le DNTE avait mis en lumière l’importance de se doter d’un système d’action pour lutter efficacement contre la précarité énergétique. Il faut agir sur ses causes, principalement les passoires thermiques subies par des ménages modestes, tout en traitant les effets afin de détendre la contrainte représentée par la dépense énergétique pour certains foyers, certains d’entre eux étant conduits à se priver de chauffage.

Le cœur de l’action doit porter sur la rénovation massive et ciblée des logements s’avérant des passoires thermiques. On a fixé un objectif de 500 000 rénovations thermiques par an, dont 50 % de logements occupés par des ménages modestes. Si l’on enlève les rénovations conduites chaque année dans le parc des habitations à loyer modéré (HLM), il reste 130 000 logements à traiter dans le parc privé. Là réside l’enjeu principal, parce que les passoires thermiques se rencontrent principalement dans ce parc. L’annonce de l’augmentation du programme « Habiter mieux » de 50 000 – niveau atteint depuis deux ans – à 70 000 logements rénovés dès cette année, puis à 100 000 l’an prochain va dans le bon sens. Nous restons néanmoins vigilants sur deux points : ne pas exclure les ménages les plus précaires des travaux exige de se montrer attentif au reste à charge même si l’optimisation des aides est positive, car leur accès au crédit pour boucler leurs budgets s’avère très limité, et maintenir le financement du programme dans la durée. On a constaté des phénomènes de stop and go dans la mise en œuvre de ce programme, qui ont été néfastes sur le terrain. Le programme « Habiter mieux » est un gros paquebot, et sa lisibilité dépend du fait d’assurer son financement. Il s’agit là d’un enjeu prioritaire.

On souhaitait que les CEE soient davantage orientés vers la lutte contre la précarité énergétique ; la loi et les décrets, mis en œuvre dans les temps, portent une évolution positive en posant l’obligation de lutter effectivement contre la précarité énergétique en 2016 et 2017, même si les volumes fixés sont insuffisants et si les moyens supplémentaires ne se retrouvent pas sur le terrain. En effet, l’évolution des obligations générale et spécifique pour 2016 n’est toujours pas connue à la moitié de l’année, si bien que le déploiement de projets s’avère complexe. Au total, les moyens de lutte contre la précarité énergétique sont tendanciellement tirés vers le bas.

Les aides publiques et les incitations aux travaux sont importantes, mais ne suffisent pas. Les acteurs sont tous d’accord pour affirmer qu’il faut renforcer la contrainte. L’article 12 de la loi intègre la performance thermique parmi les critères de décence d’un logement placé dans le parc locatif et prévoit un calendrier échelonné de mise en œuvre. Le projet de décret que nous avons récemment pu consulter nous a beaucoup déçus ; on l’a qualifié d’indécent car il fait apparaître un grand décalage entre l’ambition affichée, l’intention du législateur et l’application prévue. On espère que ce texte évoluera – deux versions ont déjà été présentées – car le système actuel serait compliqué, peu ambitieux et peu lisible. Or le message adressé aux bailleurs doit être simple et lisible ; il faut ainsi affirmer que l’on ne pourra plus louer de passoire thermique à partir de telle date. Je tiens à insister fortement auprès de vous sur l’importance de ce décret.

Le programme « Habiter mieux » et l’action collective ont réussi à s’adresser aux propriétaires privés, mais il faut toucher l’habitat collectif mêlant les statuts de copropriétaires occupants et de locataires. On dispose de moins d’outils pour agir dans ce domaine où il faudra faire évoluer les aides et les incitations. Il faudra envoyer un signal normatif, en plus de jouer sur les incitations.

Le chèque énergie vise à aider les gens à payer leur facture d’énergie. Il s’agit d’une solution temporaire, le véritable règlement du problème résidant dans la suppression des passoires thermiques. Comme cela prendra du temps, il faut aider les ménages par solidarité, mais surtout, pour éviter qu’ils se privent de chauffage, ce qui menacerait leur santé. Le chèque énergie constitue une avancée en termes d’équité par rapport aux tarifs sociaux, puisqu’il concerne toutes les énergies de chauffage. En revanche, le montant moyen du chèque, 125 euros par an, s’avère bien trop faible ; en effet, la facture énergétique moyenne des ménages entre 2012 et 2014 s’élève à 1 800 euros par an. Afin d’obtenir un effet, le chèque devrait atteindre 400 euros par an au minimum. Cela représente certes une dépense importante, mais qui, elle, aura des effets ; on va engager des moyens non négligeables, mais ils n’auront pas d’impact.

Mme Lorelei Limousin, responsable des politiques de transports et de fiscalité au Réseau action climat (RAC) France. L’une des avancées de la loi relative à la transition énergétique réside dans l’objectif fixé en matière de contribution carbone, introduite en 2014 dans la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques. On a souligné cette avancée que l’on a portée dans le DNTE et auprès des parlementaires. La cible, de 56 euros en 2020 et de 100 euros en 2030, correspond à une valeur tutélaire, établie par des experts en 2009. Il conviendrait d’accélérer cette trajectoire, car le prix du pétrole a fortement diminué et la consommation de carburant fossile dans les transports reste stable voire augmente. En 2016, la contribution carbone s’élève à 22 euros et doit atteindre 30 euros en 2017, 39 euros en 2018 et 47,50 euros en 2019 avant d’atteindre 56 euros en 2020.

Les moyens déployés contre la précarité énergétique avec des mesures d’urgence comme le chèque énergie nous tiennent à cœur pour que la transition énergétique permette d’accroître la justice sociale. Dans cette optique, le montant de 125 euros nous paraît également très insuffisant. Relever la composante carbone au niveau attendu en 2017 en 2016 et à celui de 2018 en 2017 permettrait de dégager des ressources avec une incidence modeste pour la plupart des ménages pour lesquels le coût est compensé par la baisse du prix du baril de pétrole.

Je déplore que les transports soient le parent pauvre de cette loi, alors que les signaux sur la pollution de l’air et les émissions de GES s’avèrent alarmants. Ainsi, 48 000 décès découlent de la pollution de l’air chaque année, et les transports contribuent beaucoup à cette situation : l’une des causes principales de 9 % de la mortalité en France ne peut pas être négligée. Les transports représentent les premiers émetteurs de GES, les émissions de ce secteur ayant augmenté entre 1990 et aujourd’hui ; actuellement, on constate une stagnation voire une baisse très légère, mais la baisse du prix du pétrole interdit l’inversion de tendance nette de la consommation d’énergies fossiles et des émissions de GES. Cette situation s’avère incohérente par rapport aux objectifs fixés par cette loi. Au mois de mai dernier, la pénurie de carburant a révélé notre dépendance au pétrole et au mode de transport routier, ce qui exige d’agir pour multiplier les solutions alternatives à la mobilité.

La loi du 17 août 2015 comporte quelques mesures comme les plans de mobilité obligatoire dans les entreprises à partir de 2018 qu’il va falloir préparer et pour la mise en œuvre desquels nous nous montrerons vigilants. L’un des rares décrets déjà publiés dans le domaine des transports concerne l’indemnité kilométrique vélo. Le RAC et les associations de cyclistes comme la Fédération française des usagers de la bicyclette ont fortement soutenu cette mesure, car l’expérimentation menée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a montré toute son efficacité. Dans un échantillon d’entreprises, l’expérimentation a fait état d’une hausse de 50 % de la part modale du vélo, et un an après l’augmentation avait dépassé 125 % ! La généralisation de cette disposition nous permettrait d’avancer vers l’objectif fixé par la stratégie nationale bas carbone et par la stratégie nationale de mobilité propre de tripler la part modale du vélo. Actuellement plafonnée, la défiscalisation liée à l’indemnité kilométrique vélo, facultative, ne peut dépasser deux cents euros pour les employés, alors que les abonnements aux transports en commun sont remboursés à hauteur de 50 % et que l’usage de la voiture est encouragé du fait du barème fiscal automobile, qui coûte environ 2 milliards d’euros par an à l’État.

L’article 40 de la loi prévoit une stratégie de mobilité propre, qui devrait être publiée d’ici à la fin de l’année 2016 et dont on espère qu’elle ne sera pas focalisée sur la voiture électrique et les carburants alternatifs, mais comportera bien des mesures et des projets pour les solutions de mobilité partagée, comme le covoiturage, l’autopartage, les transports collectifs ou de mobilité active.

Le financement pose problème pour les transports collectifs, notamment depuis l’abandon de la taxe poids lourds, qui aura marqué la politique des transports des quatre dernières années. Le manque de financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) s’élève à 600 millions d’euros en 2016 – problème auquel la fiscalité écologique pourrait apporter des réponses. Depuis les lois découlant du Grenelle de l’environnement, il y a des engagements à tenir en matière de transports collectifs avec des appels à projet nationaux ; trois appels ont déjà été lancés pour des transports collectifs en site propre (TCSP), et l’on espère qu’un quatrième sera lancé avant la fin du quinquennat.

On propose qu’un premier appel à projet national soit lancé pour les mobilités actives – vélo, marche à pied et les intermodalités avec les transports en commun et le covoiturage –, afin d’inciter les collectivités territoriales à développer des projets ambitieux et novateurs, car peu de villes françaises s’avèrent exemplaires. Des subventions dégagées par l’État, sur le modèle des appels à projet TCSP, pourraient créer de l’émulation entre les collectivités, sachant que les citoyens montrent leur engouement pour ce type de mobilité.

La stratégie des mobilités propres commande de réduire de 29 % les GES d’ici à 2028, date de la fin du troisième budget carbone, ce qui nécessite une meilleure efficacité des véhicules, qu’ils soient légers, poids lourds ou autobus. Ces objectifs seront atteints si les normes européennes sont ambitieuses, mais pour l’instant on en reste à 95 grammes de dioxyde de carbone (CO2) par kilomètre jusqu’en 2020 pour les voitures particulières, et qu’il n’existe pas de réglementation contraignante pour les poids lourds. La Commission européenne doit faire connaître ses ambitions et ses propositions en juillet pour réduire les émissions de GES du secteur des transports. Il nous paraît évident que l’hypothèse de la loi de la transition énergétique de fixer une moyenne de deux litres aux cent kilomètres pour les voitures et une réduction de 1 % par an pour les poids lourds neufs ne pourra pas être mise en œuvre si des normes européennes ne sont pas élaborées dès 2025.

Les deux tiers des dépenses publiques nationales dans le domaine des transports vont au mode routier, et il faut montrer plus de cohérence : le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes absorberait plus de 200 millions d’euros d’investissement public, alors qu’il y aurait bien mieux à faire pour développer les transports collectifs.

M. Raphaël Claustre, délégué général du Réseau pour la transition énergétique (CLER). Les objectifs de la loi du 17 août 2015 sont ambitieux, mais il faut débloquer des moyens pour l’appliquer, ceux-ci n’étant pas simplement financiers car ils touchent également à la gouvernance. Comment organise-t-on notre société pour atteindre ces buts et pour que se développent des marchés, afin que les emplois promis et prévus se créent ?

Le texte sur les travaux embarqués s’avère intéressant aujourd’hui – ses premières versions étaient moins bonnes –, notamment parce qu’il explique que lorsque l’on fait des travaux de rénovation autres qu’énergétiques, il faut intégrer l’énergie ; en revanche, il s’appuie sur un texte obsolète, celui de la réglementation thermique sur l’existant. Ce défaut est en voie d’être revu, mais le problème subsiste actuellement.

Le décret concernant la décence du logement, que M. Bertrand Lapostolet a évoqué, se révèle strictement inopérant dans la version diffusée ; ce projet s’oppose totalement à l’intention du législateur. La loi prévoit qu’un critère de performance énergétique entrera dans l’évaluation de la décence d’un logement. Or le décret n’évoque que l’étanchéité des fenêtres, alors que la performance énergétique se mesure en kilowattheure par mètre carré et par an.

Sur le bâtiment, le texte parle de la création de plateforme et instille une confusion : en effet, les plateformes de rénovation énergétique sont extrêmement importantes, car elles donneront de l’information aux citoyens sur la rénovation énergétique, ce qui est indispensable pour agir. Il existe déjà des espaces info-énergie qui remplissent pour partie ces missions ; les plateformes sont censées aller plus loin, mais elles ne doivent pas déstabiliser l’existant, les espaces info-énergie fournissant une information de bonne qualité dans tout le territoire.

L’article 19 de la loi affirme à juste titre la nécessité de travailler sur la convergence des aides ; il existe beaucoup d’aides à la rénovation énergétique pour les particuliers, mais elles souffrent d’incohérence, et il s’avère difficile de se retrouver entre le crédit d’impôt, l’éco-prêt à taux zéro, les aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), les aides locales. Ce foisonnement se révèle également inefficace en termes de finances publiques. L’article 19 dispose qu’un rapport sera remis au Parlement au plus tard le 17 mars 2016, mais ce rapport n’a pas été remis. Je vous propose donc de demander rapidement à le recevoir, car le quinquennat se termine dans un an et il faut donc agir dans la loi de finances pour 2017, soit avant la fin de cette année. On sait que le crédit d’impôt énergétique conduit à des abus ; près d’un milliard d’euros d’argent public sont dépensés dans des changements de fenêtres, qui peuvent aider à l’efficacité l’énergétique mais qui en constituent l’instrument le plus faible. Comment utiliser au mieux cet argent public ? On parle depuis le début du DNTE de l’installation d’une Agence de financement de la transition énergétique, dans laquelle la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pourrait jouer un rôle important pour activer un fort effet de levier. Il faut aller vers des taux d’aide très élevés pour les ménages très modestes et très faibles, mais avec un fort effet de levier, tout en évitant les effets de seuil. On a perdu beaucoup de temps dans cette tâche. À l’occasion du deux-centième anniversaire de la CDC, le président de la République a affirmé sa volonté de faire de la Caisse la banque de la transition énergétique : il faut maintenant passer à l’action !

La loi renforce les CEE, mais le manque de transparence a posé de grands problèmes car on se demande toujours comment doit être fixé l’objectif et comment obliger EDF, Engie, Total et d’autres à faire connaître leur stock de CEE. En effet, on avait fixé un objectif assez faible et dès qu’il a été connu, ils ont pu faire valoir tous les CEE qu’ils avaient créés. Or, beaucoup de collectivités territoriales et d’associations comme la Fondation Abbé Pierre, mais aussi d’entreprises ont construit des programmes d’action et des plans d’affaires sur le niveau de CEE affiché ; ces programmes sont donc affaiblis et certains doivent être arrêtés. Pour résoudre ce problème, il convient de travailler la gouvernance du dispositif, actuellement confiée à l’Association Technique Energie Environnement (ATEE), elle-même pilotée par les obligés. Il y a lieu d’imposer l’exigence actuelle de 230 térawatts cumac par heure. On avait demandé que la cible soit fixée à environ 1 000 térawatts cumac par heure pour se conformer aux objectifs européens : on nous a traités d’irréalistes et de doux rêveurs, et, au final, on a choisi une cible bien plus basse, alors que les entreprises atteignent 1 000 térawatts cumac par heure – même si l’effondrement du marché a entraîné un mouvement de forte baisse.

Le dispositif du territoire à énergie positive pour la croissance verte (TEP-CV) a créé une belle dynamique dans beaucoup d’endroits, mais il faut s’interroger sur la pérennité de ce mouvement. Des enveloppes d’aides fixes ont été distribuées et ont pu permettre à des projets de se déployer, mais il faut maintenant pérenniser le financement en évitant de distribuer des montants importants pendant peu de temps, en préférant des montants modestes inscrits dans des dotations liées à la compétence énergie et climat, et en s’interrogeant sur l’animation du dispositif.

Nous considérons la finance participative dans les ENR comme un moyen d’associer la population et de lui donner encore davantage envie de participer à la transition énergétique. Au titre de l’article 109, les collectivités peuvent investir en direct dans des sociétés de production d’ENR, et bon nombre d’entre elles disent attendre le décret pour agir. Or, l’administration a expliqué qu’il n’y aurait pas de décret car la loi était assez claire. Il faut que cette information parvienne aux collectivités pour rompre l’attentisme en matière de finance participative. L’article 111 concerne, lui, non pas les collectivités, mais les citoyens, il y a lieu de publier un décret expliquant comment les projets d’ENR participatifs seront exemptés, dans certains cas, du visa de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Bercy tente de minimiser ces dérogations, alors qu’il conviendrait de les étendre au maximum. On espère que le décret sera publié rapidement et qu’il sera compatible avec la version à venir de la réglementation européenne, Bercy souhaitant retenir l’actuelle. Nous préconisons que les chiffres soient inscrits dans des arrêtés, afin de pouvoir les modifier très rapidement.

Le cadre des ENR électriques est instable, et cette impossibilité de se projeter dans la durée empêche les investissements. Cette situation est ancienne, et on nous promet depuis le début du quinquennat qu’un système solide va être mis en place, mais le cadre s’avère plus instable que jamais, le tarif d’achat ayant été abrogé pour être remplacé par un complément de rémunération, mécanisme dont le texte n’a pas été publié, et par un appel d’offres, instrument soumis au pouvoir politique et donc en décalage temporel avec les besoins des acteurs des marchés.

L’article 105 de la loi évoque les délais de raccordement d’ERDF et des autres gestionnaires de distribution. Un problème majeur existe avec ERDF puisque cette entreprise de service public n’est contrôlée ni par l’État, ni par les collectivités territoriales ; elle fait ce qu’elle veut et cherche avant tout à faire remonter du dividende à sa maison mère – un demi-milliard d’euros pour le dernier chiffre connu. Ce n’est pas l’idée que je me fais du service public – vous non plus, j’imagine –, celui-ci devant remplir des missions définies par des élus. Les porteurs de projet affirment que le prix du raccordement pratiqué par ERDF s’apparente à une loterie.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Non, c’est un forfait.

M. Raphaël Claustre. Cela doit être un forfait, fixé clairement. Il faut donc développer un contrôle local et national, et sortir ERDF du giron d’EDF pour que les acteurs de marché et ceux du service public jouent chacun leur rôle.

La loi de transition énergétique promet la création de 200 000 emplois, mais il faudra que les technologies d’hier fassent place à celles de demain pour atteindre cet objectif.

Mme Anne Bringault, coordonnatrice de projet transition énergétique au RAC France. Les objectifs de la loi relative à la transition énergétique sont bons, mais n’ont pas été définis par les ONG. Si l’on veut rester sous le seuil de deux degrés de réchauffement global – et si possible sous un degré et demi –, il faudra certainement aller au-delà des objectifs de la loi. Ceux-ci sont le résultat d’un compromis politique et ont été mis en avant par la France comme contribution à la 21e conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP-21), mais seront-ils mis en œuvre ? Nous sommes très inquiets, et l’on attend notamment la PPE, qui aurait dû être publiée le 31 décembre dernier. La PPE représente un instrument nouveau et un apport très fort de la loi, car l’on part d’un scénario de consommation que l’on décline ensuite selon les différents systèmes de production, afin d’éviter de produire 140 % des besoins et de ne pas développer les ENR.

La PPE devra comporter un chiffrage de la surcapacité nucléaire, celle-ci induisant des prix de marché trop bas. EDF devra élaborer un plan stratégique qui traduise la surcapacité en fermeture de réacteurs selon un calendrier. Les premiers décrets s’avèrent a minima, notamment celui sur les critères de décence d’un logement qui illustre le manque de volonté de transcrire l’esprit de la loi votée.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la mission. Je suis très fière du vote de cette loi, que vous avez qualifiée d’ambitieuse, et pressée d’en voir les applications concrètes. Néanmoins, on a déjà avancé dans certains domaines, et il est faux de dire que rien ne se passe, même si ce constat ne vaut pas, en effet, pour le nucléaire. Ainsi, des décrets et des ordonnances ont été publiés, de même que des appels à projet sur les ENR importants, dont la capacité a été doublée en cours d’année. On finance ces appels, si bien que l’on agit en la matière et je ne peux pas vous laisser dire que rien n’a été fait en matière d’ENR. D’ailleurs, les derniers appels à projet comportent des capacités importantes, ce que j’ai pu constater dans la circonscription où je suis élue.

M. Cyrille Cormier. On est tout juste revenu au niveau de 2010 et de 2011 en termes d’installations solaires ou éoliennes annuelles en France.

Mme la rapporteure. On a subi un arrêt important et on a dû faire repartir la machine, l’impulsion étant aujourd’hui donnée.

M. Cyrille Cormier. En Espagne, au Royaume-Uni et en Allemagne, les résultats sont bien meilleurs, la France n’arrivant qu’au quinzième rang des pays européens en matière d’énergies renouvelables. Notre retard s’est accru depuis cinq ans !

Mme la rapporteure. Je suis plus optimiste que vous !

Êtes-vous favorables à l’individualisation des compteurs de chauffage dans les copropriétés ? Le compteur Linky avec un affichage en temps réel peut-il avoir une incidence sur la consommation des ménages précaires et l’efficacité énergétique ?

La programmation pluriannuelle des investissements (PPI) fournit un calendrier des appels à projet pour les trois prochaines années et détaille les capacités et les puissances. Cela permettra aux opérateurs et aux collectivités locales d’agir. On diffusera cette information, tel est l’objet de cette mission, via des circulaires préfectorales, afin que les maires puissent se lancer dans des projets sans craindre un refus des trésoreries.

M. Raphaël Claustre. Nous étions sceptiques sur l’individualisation des frais de chauffage, car cela peut développer les comportements égoïstes ; en effet, entre un appartement situé à l’arête d’un bâtiment collectif et un autre placé au milieu, la consommation, à comportement égal, varie dans un rapport d’un à deux et demi. Une fois que les frais de chauffage sont individualisés, l’occupant du milieu n’aura plus aucune envie de voter les travaux d’isolation. Ces derniers représentent pourtant l’objectif final. Quelqu’un qui consomme davantage ne vit pas forcément à vingt-quatre degrés et fenêtres ouvertes, mais passe peut-être plus de temps chez lui car il est chômeur, autoentrepreneur ou retraité. On avait l’impression que l’on avançait trop rapidement vers cette individualisation.

Mme Maryse Arditi. Nous souhaitions même qu’une copropriété s’engageant à lancer des travaux d’isolation dans un délai de cinq ans soit dispensée de cette mesure, mais nous n’avons, hélas, pas été entendus sur ce point.

FNE a demandé le développement d’un compteur intelligent, or Linky ne fait que communiquer des informations à EDF, à ERDF ou à d’autres. Il ne s’agit pas d’un compteur intelligent ! EDF offre à ses clients de Londres un compteur affichant la consommation et son coût en temps réel. On s’est battu pour la généralisation d’un tel outil, seul à même de faire prendre conscience aux gens de la nature de l’énergie, de la manière dont ils la dépensent et des possibilités de réaliser des économies. Nous sommes satisfaits que les foyers précaires bénéficient de cet appareil, mais il faudra leur expliquer comment s’en servir. Il conviendra ensuite le généraliser, afin que Linky profite aux consommateurs et pas seulement aux producteurs.

Présidence de Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la mission.

Mme la rapporteure. Si on généralise le dispositif, on modifie les comportements et on obtient un effet bénéfique sur la consommation. J’approuve votre propos, madame Arditi, et l’on fera remonter cette exigence.

Mme Martine Lignières-Cassou. Monsieur Claustre, vous disiez qu’il était nécessaire de poser avant tout la question de la gouvernance pour atteindre les objectifs de la loi. Vous regrettez le contenu des projets de décret, mais ne regrettez-vous pas autre chose ?

M. Raphaël Claustre. Si, car une poignée de grandes entreprises nationales contrôlent l’ensemble du marché énergétique, celui-ci restant presque inaccessible aux nouveaux entrants. Une petite et moyenne entreprise (PME) agissant dans les secteurs des ENR ou de l’efficacité énergétique rencontrera beaucoup de difficultés pour participer à la compétition dans ce marché. On dit à EDF et à Engie d’agir en matière d’efficacité énergétique, mais feriez-vous confiance à Marlboro pour vous faire arrêter de fumer ? La source principale des recettes de ces entreprises provient de la vente d’énergie, si bien qu’elles ne sont pas les mieux placées pour vendre de l’efficacité énergétique. En outre, leur présence empêche l’émergence d’un tissu de PME locales dans le domaine de l’efficacité énergétique. Il faudrait donc interdire aux entreprises contractantes des marchés publics de vendre à la fois de l’énergie et de l’efficacité énergétique. Cela se fait beaucoup aujourd’hui, les collectivités locales utilisant les contrats de performance énergétique pour les établissements scolaires, dans lesquels les deux produits sont joints. La loi devrait allotir, afin que les collectivités achètent séparément l’énergie et l’efficacité énergétique pour que des PME locales puissent obtenir le marché de l’efficacité énergétique. Ces PME pourraient ainsi grossir, défendre plus efficacement les intérêts de la transition énergétique et créer les emplois de l’efficacité énergétique et des ENR.

Mme la rapporteure. Une expérimentation du chèque énergie est conduite dans quatre départements : est-ce que cela vous paraît suffisant pour avoir des résultats solides ?

L’article 53 de la loi prévoit que les sociétés d’autoroute privilégient le covoiturage : que recommandez-vous pour le mettre en œuvre ?

M. Bertrand Lapostolet. On n’a pas de problème avec la dimension de l’expérimentation du chèque énergie, mais le montant du chèque est insuffisant pour générer un effet sur la privation de chauffage

Mme la rapporteure. L’expérimentation mettra peut-être ce fait en évidence.

M. Bertrand Lapostolet. Le temps passe !

Mme Lorelei Limousin. La priorité à nos yeux est de penser le covoiturage à l’échelle locale et dans la mobilité quotidienne, cette tâche relevant davantage des collectivités territoriales que des sociétés d’autoroute. Les collectivités ne doivent pas installer les aires de covoiturage aux seuls abords des autoroutes.

Mme Maryse Arditi. Je vis dans une commune où le parking pour le covoiturage est saturé, et la municipalité demande à Autoroutes du Sud de la France (ASF) d’en augmenter la taille, mais celle-ci refuse, le covoiturage lui faisant perdre des clients. On risque des accidents, car les gens se garent partout par manque de place. Il faudrait qu’un texte contraigne les sociétés d’autoroutes à agir.

Mme la rapporteure. Tel est l’objet de l’article 53 ! Je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation et à nos questions.

TABLE RONDE DU MERCREDI 29 JUIN 2016 SUR LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX BÂTIMENTS

La Mission d’information commune a organisé une table ronde, ouverte à la presse, sur les dispositions relatives aux bâtiments, avec la participation de M. Gilles Vermot Desroches, directeur développement durable de Schneider Electric France ; M. Benoît Lavigne, représentant FIEEC au Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique et délégué général d’IGNES ; M. Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE) ; M. José Caire, directeur Villes et Territoires durables de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) ; M. Guy Lacroix, président du Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique (SERCE) ; M. Gwenaël Cottais, président d’Aponergy ; M. Julien Allix, responsable du Pôle Énergie de l’Association des Responsables de Copropriété (ARC) ; M. Fabien Veyret, responsable du réseau énergie de France Nature Environnement (FNE) ; M. Dominique Desmoulins, directeur général de PROMOTELEC ; Mme Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l’Ordre des Architectes ; M. Joël Vormus, responsable efficacité énergétique au CLER, Réseau pour la transition énergétique ; M. Nicolas Mouchnino, expert énergie/environnement de l’UFC-Que Choisir ; M. Laurent Sireix, président du Syndicat de la mesure.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mes chers collègues, la table ronde d’aujourd’hui menée par la mission sur l’application de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte est consacrée aux dispositions relatives aux bâtiments.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Mesdames, messieurs, la loi sur la transition énergétique vise à atteindre l’objectif de 500 000 rénovations de logements par an. Cet objectif vous semble-t-il atteignable ? La politique de rénovation des logements ainsi prévue par la loi concerne majoritairement les ménages aux revenus modestes. Quels sont, selon vous, les critères d’identification des ménages aux revenus modestes ?

Le décret sur la définition des bâtiments à énergie positive (BEPOS), prévus à l’article 8, n’est toujours pas publié, alors qu’il devait l’être en février. Monsieur le président, je regrette l’absence de représentants des ministères concernés à cette table ronde, car je m’interroge sur les causes de ce retard.

L’article 9 élargit la composition du conseil d’administration du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), qui fait l’objet du décret du 4 mai 2016. Cette composition vous donne-t-elle satisfaction ? Considérez-vous normal que le rapport d’activité 2015 du CSTB ne mentionne ni ce renouvellement ni indique comment il prend en compte la loi ?

D’autre part, trouvez-vous normal que la publicité des avis du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE), qui fait l’objet de dispositions à l’article 10, ne soit pas organisée par le décret du 27 novembre 2015 ?

Sur le carnet numérique de suivi et d’entretien du logement, créé à l’article 11, le décret est envisagé en juillet 2016. Avez-vous des remarques à faire à ce sujet ?

L’article 12 porte sur les critères de décence du logement, en introduisant un critère de performance énergétique pour tout logement en location. France Nature Environnement a dénoncé les critères flous du décret à venir. Partagez-vous ce point de vue ? Avez-vous été consultés à ce sujet ?

Concernant la rénovation des bâtiments existants, prévue à l’article 14, que pensez-vous du décret du 30 mai 2016 sur les travaux embarqués ?

L’article 26 prévoit l’individualisation des frais de chauffage dans les immeubles. Le principe date de 2011, mais il tarde à s’appliquer. Comment expliquez-vous ce retard ? Y a-t-il des obstacles techniques ? Si oui, lesquels ?

Le Fonds de financement de la transition énergétique (FFTE) représente un effort programmé de 1,5 milliard d’euros sur trois ans. Aux termes de l’article 20, la gestion financière et administrative du fonds dénommé « enveloppe spéciale transition énergétique » est assurée par la Caisse des dépôts et consignations. Quelles sont vos remarques à ce sujet, sachant qu’aucun crédit budgétaire n’est inscrit dans la loi de finances initiale pour 2016 ?

Le département que je représente s’est lancé dans l’expérimentation du chèque énergie, qui fait l’objet des dispositions de l’article 201. Que pouvez-vous nous dire sur ce nouveau dispositif ?

Enfin, s’agissant de la reprise des déchets de construction du secteur des bâtiments travaux publics (BTP), prévue à l’article 93, le décret est contesté par les professionnels. J’aimerais également vous entendre à ce sujet.

M. Gilles Vermot Desroches, directeur développement durable de Schneider Electric France. Je représente une grande entreprise française très engagée dans la transition énergétique.

Première remarque : la France relance souvent son économie grâce à des aides fiscales, mais l’ensemble des travaux réalisés par les entreprises et les universités sur la transition énergétique et la révolution numérique ne sont en général jamais transcrits dans la réglementation française. Autrement dit, l’État soutient des acteurs pour mettre sur le marché des produits innovants en faveur de la transition énergétique, mais ces acteurs vendent ces solutions nouvelles ailleurs qu’en France où la réglementation non seulement ne les favorise pas, mais n’aborde pas la question du pilotage intelligent du bâtiment, de la maîtrise intelligente par les habitants de leur propre consommation.

À titre d’exemple, le décret sur les travaux embarqués, publié le 30 mai 2016, fait l’impasse sur l’ensemble des équipements de contrôle et de gestion active de l’énergie – prévus à l’article 14 – pour ne parler que des travaux d’isolation du bâtiment, de la réfection de la toiture, et de l’aménagement de locaux en vue de les rendre habitables. Pourtant, l’Assemblée nationale et le Sénat avaient réalisé un très beau travail en traitant, à côté de ces trois sujets importants, le contrôle intelligent du bâtiment qui permet aux habitants de contrôler leur consommation et d’être des acteurs de la transition énergétique.

Certes, il est important de rénover le bâti ; on en connaît le coût grâce aux nombreuses études d’impact. Mais s’il faut attendre pendant dix ans des études d’impact sur le pilotage numérique, la France décrochera dans ce domaine et d’autres industriels mettront en œuvre les solutions innovantes de pilotage intelligent dans leur pays d’origine.

Deuxième remarque : le pilotage intelligent du bâtiment ou de la maison, grâce à des solutions à 10 euros le mètre carré, permet de réduire la consommation énergétique de 20 %. Dans le monde, ces solutions fonctionnent, et elles doivent être mises en œuvre dès à présent dans notre pays.

L’objectif de 500 000 logements est difficile à atteindre car, malgré une aide fiscale importante, un grand nombre de ménages ne peuvent pas payer l’autre partie des travaux. Or, si la réglementation régissait les méthodes actives de contrôle du bâtiment, beaucoup d’autres familles pourraient rénover leur logement en vue de réduire leur consommation énergétique. Ce faisant, elles consommeraient moins d’énergie, ce qui leur permettrait d’épargner et de faire les autres travaux plus importants. Au fond, les outils qui existent, en particulier le programme d’investissements d’avenir, ne sont pas utilisés en la matière.

Troisième remarque : le « décret tertiaire » fait toujours l’objet de consultations depuis le Grenelle 2. De la manière dont il est rédigé, les bâtiments pris en compte seront très peu nombreux. Les études montrent qu’il est possible, dans le tertiaire, de réduire de 20 % la consommation énergétique, parfois plus, simplement par un pilotage intelligent. Là encore, le décret et les arrêtés doivent permettre la mise en œuvre d’une consommation efficace et sobre.

M. Benoît Lavigne, représentant de la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (FIEEC) au Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique et délégué général d’IGNES. Nous observons, nous aussi, un décalage entre les débats parlementaires très approfondis sur la transition énergétique et leur traduction dans la réglementation. Déjà, lors des discussions sur l’article 14, les réponses du Gouvernement laissaient entendre la possibilité de difficultés dans la phase d’application. Alors que le Parlement avait affiché une ambition forte sur ce sujet, il est dommage que les représentants de l’administration ne soient pas là aujourd’hui pour en parler.

Dans le décret tertiaire, ne sont visés que les bâtiments au-delà de 2 000 mètres carrés. L’étude d’impact réalisée par l’administration ayant précisé que les bâtiments de 2 000 mètres représentaient moins de 20 % du parc, le décret portera donc sur moins de 20 % du parc. Cela pose la question de la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire. Certes, l’objectif n’est pas de rendre obligatoires les mêmes dispositifs pour les immeubles de la Défense et un logement individuel. Mais entre tout et rien, il y a une marge...

De la même manière, le décret sur les travaux embarqués ne mentionne aucunement les systèmes de gestion active. Le Parlement a voté le développement des systèmes de gestion active dans les bâtiments existants, en cas de travaux importants. Or pour l’administration, en référence à la réglementation thermique, les travaux importants concernent les bâtiments d’une certaine taille. Ainsi, le décret sur les travaux embarqués lui-même ne s’appliquera qu’aux logements de plus de 1 000 mètres carrés ; or, je ne connais pas beaucoup de logements de cette taille.

Enfin, s’agissant du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, les avis sont dorénavant mis en ligne sur le site du ministère. Nous avons eu beaucoup de discussions sur l’amélioration de la transparence des débats, notamment grâce aux comptes rendus. Certes, ce conseil permet à un grand nombre d’acteurs de se rencontrer, mais c’est plutôt le bureau qui décide que le Conseil lui-même. J’ajoute que les parlementaires qui ont été nommés au CSCEE n’y ont pas siégé jusqu’à présent : j’exhorte la représentation nationale à jouer son rôle.

M. Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (FEDENE). Un rythme de rénovation de 500 000 logements par an est nécessaire – les chiffres officiels tournent plutôt autour de 228 000 rénovations actuellement. Notre pays compte 13 millions de logements qui datent d’avant 1975 : il faut relancer la dynamique. Il nous semble important d’assurer une traçabilité des opérations de maîtrise de la demande d’énergie, pour ne pas restreindre le sujet à la rénovation. Or la programmation pluriannuelle de l’énergie ne va pas dans ce sens actuellement.

Les entreprises de la FEDENE mettent en œuvre des plans globaux d’amélioration de l’efficacité énergétique, en proposant des garanties réelles de résultat dans la durée. Cela passe par une forme de contractualisation ou d’engagement de la part des entreprises comme les nôtres qui proposent des solutions. Pour les clients, la dimension économique est très importante : ils se lancent dans des opérations de rénovation pour des raisons personnelles liées à l’amélioration de leur patrimoine ; mais dans l’habitat collectif, la dimension financière prend souvent le pas. Nous avons constaté ces dernières années que les opérations réalisées ont été celles pour lesquelles la valorisation des économies d’énergie permet de rembourser l’investissement initial.

Pour chaque opération, nous offrons un bouquet de solutions – modernisation des équipements, amélioration de la conduite, de la maintenance, sensibilisation des usagers, actions sur le bâti, pilotage énergétique –, qui nous permet de nous engager sur un résultat réel. À cet égard, les décrets d’application ne devraient pas être trop directifs en matière de solutions, car les bâtiments et les endroits où ils sont implantés sont divers. Des travaux d’isolation auront une rentabilité forte pour un bâtiment situé dans le Nord, alors que pour un bâtiment dans le Sud, ce sont les opérations de pilotage actif des installations qui seront rentables. Pour nous clients, nous choisissons les meilleures solutions en fonction du temps de retour sur investissement. Cela a bien fonctionné jusqu’à présent : selon une enquête récente menée auprès des adhérents d’un de nos syndicats, le SNEC, les résultats des contrats d’exploitation avec garantie d’engagement dégagent 12 % d’économie sur la période 2012-2015, sans obérer la capacité financière de nos utilisateurs – nous intervenons sur une petite partie du marché : 4,9 millions de logements dans des immeubles collectifs.

Par contre, nous constatons beaucoup moins de demandes pour des actions d’amélioration d’économie d’énergie sur le bâtiment, et ce pour trois raisons. Première raison : le prix des énergies de référence a chuté, si bien que la valeur des économies a diminué d’autant. Deuxième raison : le volume des certificats d’économie d’énergie (CEE) « deuxième période » ayant été amputé pratiquement de moitié, leur valorisation est plus faible. À tel point que nous nous interrogeons sur la cohérence d’opérations en CEE « troisième période », à un moment où la solution qui semble préconisée est d’augmenter les obligations. Troisième raison : la contrainte financière de l’ensemble de nos clients, en résidentiel ou en collectivité, moins enclins à anticiper des investissements faute de ressources financières suffisantes.

Nous pensons que la loi a distingué à juste titre les opérations lourdes sur le bâtiment ; il faut les faire au moment où le patrimoine le justifie.

Enfin, le secteur tertiaire, pour lequel les problématiques sont d’une autre nature, a besoin d’une incitation pour passer à l’action.

M. José Caire, directeur Villes et Territoires durables de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Pour l’ADEME, l’objectif de 500 000 logements est atteignable. Mis à part les 120 000 logements sociaux – du ressort des bailleurs qui ont mené 105 000 rénovations l’année dernière –, 288 000 logements sur 380 000 logements privés ont fait l’objet d’une rénovation performante entre 2012 et 2014, soit un objectif atteint à 75 %. Ces 288 000 rénovations sont la partie émergée d’un ensemble de 3,5 millions de rénovations, certes pas toutes aussi performantes que celles entrant dans le cadre de l’objectif des 500 000, mais qui contribuent tout de même à l’objectif.

La première motivation des maîtres d’ouvrage pour la rénovation performante est le confort du logement – avant les économies.

L’article 8 du projet de loi traite des bâtiments à énergie positive (BEPOS), d’une part, et des bâtiments à haute performance environnementale, d’autre part. Des équipes de l’ADEME travaillent sur le sujet, au travers des notions d’analyse de cycle de vie et d’énergies tous usages. C’est un chantier considérable, ce qui justifie le retard par rapport au calendrier initial extrêmement optimiste.

Sur le carnet numérique, qui a fait l’objet d’un très bon rapport d’Alain Neveu, nous sommes assez optimistes sur les dispositions en cours de définition.

Concernant la performance énergétique embarquée, nous sommes un peu déçus : le décret est plutôt une liste d’exemptions.

Nous attendons la publication du décret « tertiaire ». Les enjeux sont très importants. Beaucoup de travaux sont d’ores et déjà réalisés : une charte d’engagement volontaire lancée par le « plan bâtiment durable » connaît un succès certain, ce qui montre la volonté chez les maîtres d’ouvrage d’avancer dans cette direction.

L’individualisation des frais de chauffage nous semble une bonne mesure. Elle doit pouvoir répondre au souci exprimé sur la solidarité entre les logements.

La reprise des déchets de chantier est également une bonne mesure, malgré une certaine complexité pour la mettre en place.

Enfin, la loi a avancé sur le concept de service public de la performance énergétique de l’habitat, en indiquant qu’il s’appuie sur un dispositif de plateformes territoriales de la rénovation énergétique. La difficulté est que la loi n’a pas déterminé la collectivité de rattachement de ce service public, dont le financement n’est donc pas assuré. Il faudrait y remédier rapidement.

M. Guy Lacroix, président du Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique (SERCE). Le Syndicat des entreprises de génie électrique et climatique est réseau de 260 entreprises adhérentes réparties sur 900 sites en France et représente un total de 140 000 salariés exerçant leurs compétences dans ce domaine. Les entreprises du SERCE, acteurs historiques de l’efficacité énergétique, peuvent contribuer à la définition des usages nés de l’émergence des nouvelles technologies.

Le logement n'est pas le seul enjeu. Le parc tertiaire représente 930 millions de mètres carrés, dont la moitié en bâtiments publics. Avec un taux de renouvellement à 1 % par an, il faudra une centaine d’années pour renouveler ce parc. Le bâtiment est la brique essentielle de la smart city : pour avoir un quartier intelligent, le bâtiment doit être intelligent.

La loi de transition énergétique affiche une ambition extrêmement forte : les émissions de gaz à effet de serre devront être divisées par quatre d’ici à 2050, et la consommation énergétique divisée par deux en 2050 par rapport à 2012. Or on n’a pas l’impression que les choses suivent dans l’application de la loi.

L’article 17, en instaurant une obligation croissante de travaux dans le secteur tertiaire tous les 10 ans, traduit une véritable ambition. Malheureusement, la loi est détricotée car le décret portera sur les bâtiments de plus de 2 000 mètres carrés. D’ailleurs, ce décret tertiaire a cinq ans de retard, alors qu’on devrait appliquer un « plan Marshall » aux bâtiments publics, afin d’éviter une divergence énorme entre le secteur tertiaire et le secteur public.

Concernant l’article 8, nous vous alertons sur la définition du BEPOS. Celui-ci n’est pas forcément un bâtiment qui injecte de l’énergie sur le réseau ; ce peut être un bâtiment en autoconsommation, qui stocke de l’énergie. L’injection dans le réseau complexifie cette définition.

Enfin, sur l’article 14, relatif aux travaux embarqués, les orateurs précédents ont parfaitement dit les choses. Aujourd’hui, nous sommes dans une dynamique inédite liée aux nouvelles technologies numériques qui permettent des usages intelligents. Or les usages intelligents n’apparaissent pas dans les textes. Il faut faire très attention à ce que notre pays ne prenne pas de retard dans ce domaine.

M. Gwenaël Cottais, président d’Aponergy. Aponergy est une société de services énergétiques. Nous développons des services associés à la production d’énergie, en particulier l’efficacité énergétique, qui consiste à rendre plus économes les bâtiments du tertiaire et du secondaire dans le privé et le public, ainsi que les logements en particulier dans les immeubles collectifs. Notre offre repose exclusivement sur la proposition d’économies d’énergie au travers de contrats de performance énergétique (CPE). Qui dit CEP dit recherche de tiers financement. L’objectif de 500 000 logements n’est pas atteint et, à cet égard, tous nos bailleurs de fonds – banques ou asset managers – mettent en avant deux éléments.

Le premier est le temps de retour sur investissement. Les meilleurs retours sur investissement sont liés, non pas aux travaux lourds dans le bâtiment, mais aux technologies, notamment le pilotage de l’énergie. Or ce pas stratégique est oublié dans les décrets d’application.

Le comptage individualisé est possible grâce aux technologies telles que la GTB (gestion technique du bâtiment) que nous utilisons. Ces technologies peuvent être appliquées dans les logements des bâtiments collectifs, de la même façon que nous le faisons dans le tertiaire.

Deuxième point essentiel mis en avant par nos partenaires financeurs : la garantie. À notre connaissance, la garantie des travaux pour des économies d’énergie n’est pas mise en application. Pour atteindre l’objectif de la loi, la garantie des financements doit être assurée, afin que nos asset managers soient payés pour les investissements qu’ils ont portés.

En conclusion, s’agissant de l’application de la loi, des améliorations pourraient être apportées dans le cadre de la loi de finances rectificative 2016 ou de la loi de finances 2017.

M. Julien Allix, responsable du Pôle Énergie de l’Association des Responsables de Copropriété (ARC). Notre association est très active dans le domaine de la rénovation des copropriétés : nous incitons nos adhérents à rénover leurs bâtiments de la meilleure façon possible et nous les aidons à maîtriser leurs charges d’énergie, principalement de chauffage. Nous avons par exemple créé un « fonds travaux ».

Il nous semble que l’objectif de 500 000 logements ne pourra pas être atteint en raison du problème de financement des travaux de rénovation. Les dispositifs actuels – crédit d’impôt, éco-prêt à taux zéro, certificat d’économie d’énergie – restent insuffisants. La loi de transition énergétique comporte une disposition sur l’aide unique : nous attendons le rapport à ce sujet prévu par l’article 14.

À l’article 26, l’obligation de l’individualisation des frais de chauffage nous inquiète beaucoup. En effet, nos adhérents qui sont passés cette année au dispositif nous ont fait part de retours négatifs.

Plusieurs facteurs expliquent une moindre adoption du dispositif par rapport aux attentes de la loi. D’abord, les textes réglementaires sont sortis fin mai, alors que la plupart des assemblées générales de copropriété avaient déjà eu lieu : les copropriétés ne savaient pas sur quel pied danser. Ensuite, les textes réglementaires débouchent sur une obligation qui concerne une partie limitée des copropriétés. En outre, les prestataires qui proposent des services de comptage de chaleur proposent également des prestations de comptage d’eau ; or beaucoup de nos copropriétaires ont de mauvaises expériences avec ces derniers. Enfin, la garantie est fondamentale, mais elle n’est pas assurée : nous souhaiterions que les prestataires qui nous annoncent 20 % d’économie d’énergie en moyenne garantissent cette économie et assument le risque.

Les données fiables sur l’impact réel et le coût de l’individualisation font défaut. Nous avons été extrêmement déçus de la manière dont les textes réglementaires ont été élaborés à ce sujet. Une étude d’impact, à géométrie variable, s’appuie sur des études qui n’ont jamais été communiquées.

En fait, nous nous interrogeons sur l’intérêt même de l’individualisation des frais de chauffage, car les contrats sont généralement de dix ans, alors que l’époque est au boom des objets connectés.

Le carnet d’entretien et de suivi du logement est un outil essentiel. En 2002, nous avions milité pour la mise en place du carnet d’entretien des copropriétés.

Enfin, l’article 33 qui prévoit un rapport sur la rénovation des colonnes montantes nous inquiète, car de tels travaux posent des problèmes de sécurité importants.

M. Fabien Veyret, responsable du réseau énergie de France Nature Environnement (FNE). France Nature Environnement rassemble un peu plus de 3 500 associations réparties sur tout le territoire.

Les débats parlementaires sur le projet de loi de transition énergétique ont dégagé un consensus sur l’importance de répondre aux enjeux du bâtiment. Répondre aux enjeux du bâtiment suppose à la fois d’agir sur un gisement d’économies d’énergie, d’améliorer le confort et donc la qualité de vie des personnes, de prévenir les situations de précarité énergétique, mais aussi d’engager les travaux de rénovation.

Au moment de l’adoption de la loi, nous avions reconnu qu’elle comportait des objectifs satisfaisants et des mesures intéressantes, mais nous avions également manifesté une grande vigilance quant à sa mise en œuvre. Aujourd’hui, nous constatons que les décrets d’application publiés depuis un an ne permettront pas d’atteindre les objectifs fixés dans la loi.

Nous avons le plaisir de faire partie du Conseil supérieur de la construction. Néanmoins, pour que l’aspect efficacité énergétique vive au sein de cette instance, des améliorations devraient être apportées sur le contenu, les supports de présentation, et la représentation au sein de ce conseil.

Le projet de décret relatif au logement décent, prévu à l’article 12, définit des critères qualitatifs de performance énergétique très flous – vitrages en bon état, étanchéité à l’air correct – et peu ambitieux : murs jointifs, carreaux aux fenêtres… Ce texte ne répond en rien aux objectifs de la loi. Pour fixer un critère de performance énergétique, j’ai la naïveté de penser qu’il faut s’exprimer en kilowattheures par mètre carré et par an, critère mesurable et partagé par tous les acteurs.

Nous plaidons de longue date pour la mise à jour de la réglementation thermique (RT) des bâtiments existants ; nous avions d’ailleurs déposé en 2014 avec nos confrères du CLER une plainte auprès de la Commission européenne, estimant que cette réglementation ne correspond pas aux objectifs européens. Certes, cette RT est en cours de révision, mais elle ne répondra pas aux objectifs fixés dans la loi, notamment les rénovations par étapes. Le décret reste dans une vision binaire : les logements rénovés de plus de 1 000 mètres carrés se verront appliquer la RT globale ; en deçà, une réglementation est appliquée élément par élément, ce qui a juste pour effet de structurer l’offre de marché des produits isolants. Ensuite, sont introduites dans cette RT des approches différentes en fonction des zones géographiques, si bien que la majorité du territoire est en deçà des objectifs de la RT 2007. La gestion active est également oubliée dans ce texte. Une des ambitions affichées lors de la Conférence environnementale par Mme la ministre était de retenir les critères européens les plus performants ; or, cet objectif n’est pas non plus respecté, comme le montre la comparaison entre le projet de RT avec les critères européens.

Le décret sur les travaux embarqués nécessite lui-même de réviser la RT élément par élément ; or il a été élaboré sur la base de l’ancienne version de cette RT. Du coup, ce texte était déjà obsolète dès sa publication, puisqu’il s’appuyait sur une étude d’impact qui parle de la rénovation de 50 % des maisons individuelles construites entre 1950et 1975. Nous regrettons de ne pas avoir été entendus avant l’engagement du travail sur le décret.

S’agissant de l’article 13, sur la norme minimale de performance énergétique, le décret élargit un texte applicable précédemment en concernant aussi les maisons individuelles issues du parc de logement social. On n’a pas touché à l’objectif de 330 kilowattheures par mètre carré par an qui existait avant la loi. Là encore, les objectifs de la loi ne sont pas pris en compte dans le décret.

Enfin, sur l’individualisation des frais de chauffage, il est intéressant de donner la possibilité aux foyers de se réapproprier leur consommation d’énergie. Mais nous regrettons qu’aucun critère de solidarité n’ait été intégré dans le décret. En effet, l’individualisation des frais de chauffage pose les questions de la position du logement, de l’état des logements occupés ou vacants qui impactent sur les consommations d’énergie des logements voisins, mais aussi du statut de l’occupant – les foyers en recherche d’emploi qui restent toute la journée à la maison auront des dépenses énergétiques plus importantes, alors qu’ils sont plus vulnérables. Nous regrettons, là encore, de ne pas avoir été entendus sur les critères de solidarité qui auraient dû être introduits dans ce décret.

En conclusion, l’échec annoncé des objectifs fixés par la loi est en passe de devenir une réalité : si les décrets ne répondent pas à ces objectifs, on va continuer à se poser la question de savoir comment rénover le parc construit au lendemain de la Deuxième guerre mondiale.

M. Dominique Desmoulins, directeur général de PROMOTELEC. Massifier les rénovations est un objectif partagé par tous. J’ignore si l’objectif de 500 000 de logements peut être atteint, mais je peux dire que deux freins devraient être levés.

Premier frein : les aides financières – CITE, éco-PTZ, etc. – n’ont pas complètement rempli leur rôle. En effet, une enquête que nous avons réalisée montre que, sur 1 000 propriétaires qui ont fait rénover leur logement, seuls 7 % ont utilisé ces aides, ce qui est très faible et montre qu’elles sont insuffisamment connues. Deuxième frein : la confiance entre les ménages et les professionnels du bâtiment quant à la qualité des conseils et des travaux et in fine la maîtrise des coûts ne sont pas toujours au rendez-vous. Il faut rétablir cette confiance pour que les clients ne soient pas surpris par la facture finale.

Comme l’a souligné le représentant de l’ADEME, ce n’est pas forcément la réduction de la facture qui motive les ménages pour se lancer dans la rénovation : c’est l’amélioration du confort. Selon une autre étude menée par PROMOTELEC, 64 % des propriétaires annoncent vouloir se lancer dans la rénovation pour améliorer le confort dans leur habitat, et seuls 28 % souhaitent réduire leur facture d’énergie. Cette notion de confort signifie qu’il faut améliorer la performance globale du logement, adapter le logement au vieillissement, à la famille, mais aussi réaliser des économies d’énergie. Cette analyse multicritères, complexe à la fois pour les ménages et les professionnels de la rénovation, nécessite une simplification assortie de la mise en place d’outils, éventuellement de labels.

Un des objectifs de la loi est la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Ce n’est pas gagné, mais on devrait progresser grâce à la rénovation. Ne croyez-vous pas qu’il faille mobiliser l’ensemble des professionnels sur les matériaux peu émetteurs en carbone et sur une énergie peu émettrice en CO2 ? Le carbone n’est pas très parlant, et le CO2 non plus. Là aussi, il faudrait rendre les choses compréhensibles par le plus grand nombre, en faisant de la pédagogie sur les outils, éventuellement grâce à un label rénovation bas carbone.

Pour le neuf, nous sommes ravis que le BEPOS inclue l’énergie renouvelable, l’intermittent, l’électricité, le stockage, l’autoconsommation. Il est très intéressant que l’électricité revienne à sa vraie valeur dans le bâtiment neuf, après avoir été un peu exclue avec la RT 2012. Dans un bâtiment neuf, 60 % du carbone est lié à la construction et 40 % à l’utilisation du bâtiment et à ses usages. La question est donc de savoir comment limiter le carbone dans la construction neuve et au travers de l’utilisation de l’énergie. Là encore, il faut simplifier, mettre en place des outils pour progresser ensemble et limiter ce carbone. La solution serait de développer des labels qui, en passant par l’expérimentation, pourraient préfigurer une réglementation. Les plateformes territoriales, prévues à l’article 22, pourront nous aider à mener ces expérimentations.

Mme Catherine Jacquot, présidente du Conseil national de l’Ordre des Architectes. L’application de la loi de transition énergétique est un enjeu de société crucial. Notre pays compte 30 000 architectes et autant de bureaux d’études techniques (BET). Nous sommes extrêmement engagés sur le sujet et avons mis en place un certain nombre d’outils. La rénovation énergétique revêt une dimension transversale au sein de laquelle le numérique est un outil fondamental qui suppose une mise à niveau des compétences de l’ensemble des acteurs. À côté du numérique, la stratégie bas carbone – qui renvoie à toutes sortes de sujets comme les matériaux, les déchets, etc. – est tout aussi essentielle pour respecter les objectifs de la loi.

Dans le cadre de la transition écologique globale, il nous semble absolument nécessaire d’insuffler un peu de matière grise pour coordonner, prescrire les travaux, qui sont complexes en faisant intervenir plusieurs corps d’état. Or la loi ne donne aucune place à la maîtrise d’œuvre et à la matière grise. Un diagnostic du bâti, une évaluation même très légère, aurait plusieurs avantages. D’abord, cela créerait de la motivation chez les particuliers qui veulent avant tout, cela a été dit, améliorer le confort de leur logement. Ensuite, des travaux réalisés avec discernement permettraient aux gens de valoriser leur patrimoine. Enfin, une maîtrise d’œuvre insufflée au début de chaque projet permettrait d’optimiser les économies, en tout cas à partir d’un certain montant de travaux.

Dans ce contexte, la pédagogie auprès des particuliers est importante afin qu’ils perçoivent clairement les enjeux. Pour avoir une garantie de performance, il faut aussi travailler sur l’usage. C’est un nouveau mode de vie qu’il faut mettre en place et, pour cela, les intermédiaires, notamment les architectes, sont essentiels.

Pour en venir aux décrets, celui sur le logement décent est on ne peut plus minimaliste. On doit être capable d’élaborer un décret plus coercitif sur la décence des logements.

Le bâtiment neuf représente 350 000 logements par an, soit 1 % du parc. C’est un enjeu, mais certainement pas le plus important. Aussi pensons-nous nécessaire de modérer l’obligation sur le neuf. Peut-on envisager un BEPOS sans conception du quartier, de l’îlot, alors que l’énergie stockée pourrait servir à l’école située plein Nord qui ne peut pas assurer sa propre autonomie énergétique ? Avant d’envisager des BEPOS, un travail général sur l’urbain devrait être mené, car c’est un écosystème qu’il faut mettre en place.

Enfin, le décret sur les travaux embarqués, en comprenant une vaste liste d’exemptions, est le symptôme de tout de ce que nous dénonçons. Comment une loi peut-elle préconiser de façon obligatoire un système d’isolation par l’extérieur ? Il y a de multiples façons de faire des économies d'énergie, en fonction de la spécificité de chaque bâtiment. L’objectif pourrait être atteint grâce à l’isolation intérieure : cela ne sera même pas possible puisqu’il faudra faire une isolation par l’extérieur en cas de ravalement. Les architectes nous remontent des exemples d’isolation par l’extérieur qui se révèlent dramatiques pour la qualité patrimoniale du bâtiment, sans parler de la qualité de l’air, des conséquences sur l’acoustique, et des 30 centimètres de plus sur l’espace public ! Nous trouvons cela aberrant !

M. Joël Vormus, responsable efficacité énergétique au CLER, Réseau pour la transition énergétique. Le CLER est une association de protection de l’environnement qui travaille sur la transition énergétique.

L’objectif ambitieux de la loi est atteignable. Cependant, les difficultés actuelles pour l’atteindre posent des questions sur les moyens mis en œuvre pour y parvenir.

Le financement est peu traité dans la loi. Or nous faisons tous le constat que les nombreuses aides créent de la complexité : le système CEE est en souffrance ; le CITE crée des effets d’aubaine. Nous attendons l’étude sur la convergence des aides qui aurait dû vous être remise en mars… Nous militons pour une agence de financement de la transition énergétique, ce qui renvoie au rôle de la Caisse des dépôts. Le Président de la République a annoncé la levée d’obligations vertes par l’État, mais quelle agence publique va le faire, sachant que la Caisse des dépôts n’est pas configurée pour répondre aux besoins territoriaux des projets de transition énergétique ? Si un système de financement pérenne n’est pas mis en place pour faire émerger les territoires à énergie positive (TEPOS) ou les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEP-CV), par exemple, nous n’avancerons pas.

Pour en venir aux décrets, nous les jugeons moyens, voire franchement inacceptables. Comme le dit la Fondation Abbé Pierre, pour ne citer qu’une association, le décret sur la décence des logements n’a aucun sens puisqu’il n’est pas du tout en accord avec la loi. Nous avons fait des propositions à l’administration à ce sujet. Sur la réglementation thermique par élément, nous sommes tout à fait d’accord avec le discours du FNE. Sur l’individualisation des frais de chauffage, nous souscrivons au discours de l’Association des responsables de copropriétés. Idem pour le « décret tertiaire », que nous attendons depuis huit ans.

L’efficacité énergétique est un sujet qui ne fait pas plaisir à tout le monde, car se posent des problèmes de monopoles, de duopoles ou d’oligopoles. Vous l’avez compris, je veux parler de la concurrence, que la loi passe sous silence, mais que la Cour des comptes a identifiée dans ses rapports. Nous pensons que le financement et les pouvoirs de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sont insuffisants. Nous nous interrogeons également sur l’action de l’Autorité de la concurrence sur ces marchés de l’efficacité énergétique. D’autres véhicules législatifs pourraient traiter ces deux points.

Autre sujet crucial : la qualité. Les travaux chez les particuliers ne sont pas à la hauteur de ce que nous attendons en termes de rénovation énergétique, ce qui renvoie au rôle des assurances. Les pouvoirs publics devraient prendre des initiatives pour faire émerger des offres qui malheureusement ne trouvent pas leur place dans un marché qui fait la place au moins-disant et à l’absence de responsabilité.

Pour finir, sur le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, nous avons fait part de nos remarques sur le problème de transparence. Au sein de cette instance, l’efficacité énergétique n’a pas encore sa place. Il faut y remédier rapidement.

M. Nicolas Mouchnino, expert énergie / environnement de l’UFC-Que Choisir. Le chiffre avancé par l’ADEME de 288 000 logements se base sur des sondages réalisés auprès des consommateurs. En fait, ces rénovations performantes s’appuient essentiellement, non sur un gain réel de la consommation, mais sur une approche par équipement modifié dans le logement : si la production de chaleur ou l’isolation (toit ou mur) atteint un niveau de performance éligible au crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), la rénovation est considérée comme performante. Mais qu’est-ce qui est important : le nombre ou la performance ? En l’occurrence, l’objectif de 500 000 n’a aucun intérêt si les rénovations ne sont pas d’un certain niveau, car elles devront être refaites… En fait, toutes sortes d’aides fiscales sont déployées, mais on ne mesure rien du tout ! En termes d’évaluation de politique publique, il y a mieux !

La garantie de résultat est la colonne vertébrale de la rénovation énergétique, qui est un marché à part avec une problématique de responsabilité. Depuis 2005, la rénovation énergétique a été émaillée de problèmes sur le photovoltaïque, les pompes à chaleur, l’éolien… et nous avons aujourd’hui des retours négatifs sur les nouveaux dispositifs. Or la confiance des consommateurs est cruciale : le marché ne se développera pas sans cette confiance.

La concurrence déloyale est un autre problème, que nous soulignent les professionnels. Car à côté des professionnels qui veulent s’engager auprès des consommateurs sur la garantie de résultat, d’autres acteurs allègent des résultats auprès des clients mais sans s’engager formellement. Cette concurrence déloyale limite le développement de l’offre. Faute de garantir des résultats au consommateur, il sera difficile de lui demander de dépenser 25 000 euros, voire 40 000 euros, pour faire rénover sa maison pour un gain énergétique donné.

Que ce soit le CITE, l’éco-PTZ, le RGE, toute l’approche se fait par équipement ; or, cette approche ne convient pas au consommateur, car tous les logements n’ont pas les mêmes besoins. D’où, là encore, la nécessité de cette garantie de résultat : les mécanismes incitatifs ne devraient pas amener le consommateur à utiliser tel équipement, mais l’amener à déterminer une performance à atteindre pour obtenir ces financements. L’ADEME montre qu’une rénovation performante coûte en moyenne 25 000 euros. Le système incitatif doit limiter les effets d’aubaine, en minimisant le financement pour les gens qui changent juste leur chaudière, et en aidant massivement les consommateurs qui s’engagent dans la rénovation énergétique sur la base d’un objectif de performance. C’est la condition sine qua non pour que les consommateurs s’orientent vers une rénovation lourde.

On oppose souvent efficacité énergétique active et efficacité énergétique passive ; nous pensons au contraire qu’elles sont complémentaires. Les outils de gestion pour le contrôle sont essentiels ; les tarifications deviennent dynamiques. L’important est de mesurer et finalement de contrôler une rénovation en distinguant ce qui est lié au comportement du ménage et ce qui est lié à la structure. Lors du débat sur la transition énergétique, il nous avait été opposé que la garantie de résultat serait trop compliquée à mettre en place. Pourtant, des dispositifs de mesure et d’efficacité énergétique sont développés aujourd’hui, ce qui permet de distinguer comportement et structure et donc de faire la part entre responsabilité du ménage ou responsabilité du professionnel.

M. Laurent Sireix, président du Syndicat de la mesure. Le Syndicat de la mesure regroupe 73 entreprises et 20 000 salariés, qui ont en commun l’utilisation d’appareils de mesure réglementés.

Je concentrerai mon propos sur la généralisation de l’individualisation des frais de chauffage dans les immeubles pourvus d’une installation de chauffage collectif. Des débats ont eu lieu au Parlement, mais aussi au sein des institutions européennes. Nous nous réjouissons du consensus entre l’Assemblée nationale, le Sénat, le Gouvernement et les institutions européennes. Le décret et l’arrêté ont été publiés le 30 mai 2016 : ils sont clairs, en généralisant la répartition des frais de chauffage.

Nos voisins européens ont déjà très largement généralisé cette mesure, puisque plus de 30 millions de logements sont équipés en Europe. L’article 26 permet de lever les freins à la mise en place de cette mesure, puisque la généralisation de la répartition des frais de chauffage supprime les seuils prévus par les précédents décrets et qui créaient beaucoup de confusion. L’article 27, transposition l’article 13 de la Directive efficacité énergétique, prévoit des pénalités en cas de non-respect de la loi.

Le délai principal d’installation des appareils reste le 31 mars 2017. Le processus de concertation a, certes, abouti à un décalage de certains délais, mais 80 % des logements devraient être équipés d’ici à la fin 2017. Pour les bâtiments basse consommation (BBC) ou relevant de la RT 2012, un délai supplémentaire court jusqu'en 2019.

Il n’y a pas d’obstacles techniques. Aux termes de la réglementation, deux types d’appareils de mesure, validés et placés sous le contrôle de la métrologie légale, permettent de réaliser la répartition des frais de chauffage : les répartiteurs de frais de chauffage en cas de distribution de chauffage verticale, qui concerne la grande majorité de nos logements ; les compteurs d’énergie thermique en cas de distribution horizontale. La mesure peut donc être déployée.

En tant qu’acteurs de terrain, nous pouvons rapporter des retours positifs. La mesure concerne 5 millions de logements, et 600 000 ont d’ores et déjà fait l’objet d’une installation.

Les autres acteurs, en particulier les syndics, répondent correctement à cette nouvelle mesure. L’article 26 rend obligatoire une assemblée générale des copropriétaires pour voter l’installation des appareils, et nous avons constaté qu’énormément de devis sont demandés par les syndics.

Cette mesure d’efficacité énergétique active vise à responsabiliser. Elle bénéficie d’un large retour d’expérience chez nos voisins européens : l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark l’ont généralisée et ont pu en évaluer les effets bénéfiques.

Enfin, nous avons un devoir d’information vis-à-vis des consommateurs. Le représentant de l’ADEME a expliqué que des solutions existent pour les logements positionnés de manière défavorables ; ces solutions existent et sont appliquées. Il me paraît important d’en discuter avec les consommateurs ou les représentants institutionnels des consommateurs. De notre côté, nous avons créé un site Internet, « mon-chauffage-équitable.fr », grâce auquel nous transmettons des informations transparentes aux consommateurs, notamment sur le coût et le fonctionnement du dispositif.

Vous l’avez compris, les textes en la matière nous conviennent.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Cette table ronde a été particulièrement intéressante. Vous avez tous la volonté d’atteindre les objectifs fixés par la loi. L’atteinte de ces objectifs nécessite des dispositions législatives et réglementaires, mais aussi des moyens financiers. La transition énergétique sera portée par les territoires, les collectivités territoriales et les entreprises. Au fond, s’agissant des moyens à mettre en œuvre, vous auriez peut-être mieux légiféré à notre place !

EXAMEN EN COMMISSION

Le 26 octobre 2016, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, conjointement avec la commission des affaires économiques, le rapport de la mission d’information commune sur l’application de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (M. Julien Aubert, rapporteur, Mmes Marie-Noëlle Battistel et Sabine Buis, rapporteures).

Mme la présidente Frédérique Massat. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui nous a occupés de longs mois dans le cadre de la commission spéciale présidée par mon prédécesseur François Brottes, est une loi fondatrice, constitutive d’une nouvelle ère : celle de la transition énergétique. C’est une grande loi de cette législature : elle constitue une véritable révolution pour notre pays et pour nos concitoyens. Elle permet de renforcer l’indépendance énergétique de la France en promouvant la sobriété énergétique et en organisant la rénovation des bâtiments, le développement des transports propres et des énergies renouvelables. La lutte contre le réchauffement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre figurent parmi ses ambitions principales. Au niveau européen, la France a été l’un des premiers pays de l’Union européenne à adopter un tel texte, ce qui a placé le pays à la pointe de la transition énergétique mondiale. On peut estimer que cette exemplarité a en partie contribué au succès de la COP21 en décembre 2015.

Le texte est le fruit d’un travail de longue haleine. Le sujet a donné lieu à un débat national public et le projet de loi a suscité des discussions parlementaires très riches, avec quelque 150 heures de débats en séance publique et plus de 5 000 amendements déposés, dont près de 1 000 furent adoptés. La procédure parlementaire a été elle-même longue et à la hauteur des enjeux, avec la création de la commission spéciale. Le projet de loi a été débattu en première lecture à l’Assemblée nationale en septembre 2014 et adopté le 14 octobre 2014 ; la lecture définitive a eu lieu le 22 juillet 2015.

Le chantier de sa mise en application est titanesque. Près de 80 % des mesures d’application par décret ont déjà été publiées. Le travail de la mission d’information commune aux commissions des affaires économiques et du développement durable, qui va vous être présenté par son président et par ses rapporteurs, permet d’évaluer l’ampleur de ce qui a déjà été fait et de ce qui reste encore à faire.

Nous aurons l’occasion cet après-midi, lors de l’examen en commission élargie de la mission budgétaire « Écologie, développement et mobilité durables », de revenir sur le sujet avec les ministres concernés, notamment Mme Ségolène Royal. Il sera particulièrement intéressant de les entendre sur l’enveloppe financière de la transition énergétique et sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

M. le président Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur de la mission d’information. Depuis 2008, le Parlement est chargé par la Constitution d’évaluer les politiques publiques, et, au premier chef, les lois qu’il vote. Cette mission est souvent délaissée au profit d’autres priorités, mais le rapport que nous vous présentons aujourd’hui dément cette affirmation.

La loi du 17 août 2015 est une loi importante. Elle engage de façon programmatique notre avenir et celui des générations futures. Elle appelle à modifier nos habitudes de vie et à renouveler nos pratiques économiques, non seulement dans le domaine de la production énergétique, par le développement des énergies renouvelables, mais aussi en matière de modes de transport, d’éclairage public, de circulation urbaine. Elle incite à renouveler le débat public, à mieux maîtriser la consommation d’énergie, mais aussi à faire preuve d’une plus grande solidarité, par exemple avec le chèque énergie – c’est l’article 201.

On peut juger ses objectifs trop ambitieux. On peut estimer que la part du nucléaire dans le mix énergétique doit être égale au plafond de 63,2 gigawatts prévu par l’article 187, ou au contraire qu’elle doit être ramenée le plus vite possible à 50 % de la production d’électricité, objectif qu’il est prévu d’atteindre à l’horizon 2025. On peut juger que les délais imposés aux acteurs, qu’il s’agisse de la prohibition d’objets ou d’emballages en plastique ou de la reprise des déchets, sont trop courts, ou au contraire trop longs. Mais l’on ne peut pas passer à côté de l’essentiel : cette loi, comme la COP21 qui l’a suivie, invite à une modification des comportements, progressive mais durable.

La mission commune à nos deux commissions a voulu analyser chacun des articles, ce qui, eu égard à l’ampleur du texte et à la diversité des sujets, n’était pas chose aisée. On recense ainsi dans la loi, 167 renvois à des mesures d’application, 56 habilitations à légiférer par ordonnance et 104 renvois au décret, sans compter les incidences sur de nombreux autres textes : agrément des éco-organismes, concessions, arrêtés municipaux sur la circulation urbaine, etc. Les problèmes posés sont parfois purement économiques, parfois fiscaux, parfois sociétaux, parfois exclusivement juridiques, toujours environnementaux.

Certes, vingt-six rapports sont demandés au Gouvernement par le Parlement, mais trois seulement sont publiés si l’on compte du « jaune » budgétaire, qui devrait l’être dans les jours qui viennent. La mission a été sensible à l’absence du rapport sur les colonnes montantes prévu à l’article 33, mais ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres.

On s’interroge parfois sur le rôle législatif de la commission du développement durable. Je constate que l’apport parlementaire, sous l’égide des deux commissions, a été essentiel à la loi comme au présent rapport. Je tiens à en remercier Sabine Buis, Marie-Noëlle Battistel et Julien Aubert, mais aussi les autres membres de la mission, qui a procédé à cinq tables rondes et auditionné les représentants de 28 organismes ou administrations, soit environ 200 personnes.

Si nos observations sont nombreuses et souvent précises, elles ne visent pas à mettre en cause des responsabilités, mais nous invitent à nous interroger collectivement sur ce qui fonctionne et ne fonctionne pas dans le texte, quitte à nous poser rétrospectivement des questions sur la qualité de la loi. Le Parlement n’est certainement pas le plus mal placé pour juger son propre travail. De telles propositions n’ont pas pour conséquence d’augmenter la dépense publique, pas plus qu’elles ne nous enferment dans la critique systématique ou dans l’autosatisfaction. Évaluer la loi, c’est précisément en assurer un suivi concret, éventuellement pour la modifier si, un an après son vote, l’implication des acteurs, les circonstances, ou des blocages le nécessitent. En tout cas, le Parlement ne saurait se désintéresser de la loi qu’il vote ni des perspectives qu’elle ouvre. Voilà pourquoi nous avons tenu à étudier chaque article, même les plus anodins, sans aller jusqu’à interpréter le texte, mais en tentant de nous défaire de celles de ses analyses qui s’avéraient créer des blocages. J’appelle mes collègues à poursuivre demain ce travail d’évaluation : c’est la vie quotidienne de nos concitoyens qui est en jeu.

Les rapporteurs de la mission ont exercé les responsabilités suivantes. Julien Aubert a été rapporteur pour l’ensemble du texte. Marie-Noëlle Battistel était rapporteure pour les titres I – objectifs de la transition énergétique et de la politique énergétique –, V – énergies renouvelables –, VII – efficacité et compétitivité – et sur les chapitres III et IV du titre VIII, relatifs à l’application territoriale et aux dispositions spécifiques à l’outre-mer. Sabine Buis était responsable des titres II, sur la rénovation des bâtiments, et IV, sur l’économie circulaire. Denis Baupin était initialement chargé des titres III – transports et qualité de l’air –, VI – sûreté nucléaire et participation citoyenne – et VIII – programmation énergétique et transition énergétique dans les territoires – à l’exception du chapitre IV. À la suite de la démission de Denis Baupin, puis de la disparition du groupe Écologiste, qui ont modifié la composition de la mission, j’ai repris ces parties du rapport.

Mme Sabine Buis, rapporteure. Le titre II est sans doute celui qui suscite le plus d’insatisfaction, alors que c’est lui qui fixe l’objectif de rénovation de 500 000 logements par an. On attend encore la définition des bâtiments à énergie positive comme des critères de performance énergétique minimale visés à l’article 12, y compris pour les habitations à loyer modéré (HLM), auxquels la réglementation ancienne continue de s’appliquer. La RT (réglementation thermique) 2012 est en cours de modification. L’individualisation des compteurs de chauffage d’immeubles ne progressera que très lentement. On attend également une réglementation d’ensemble pour le secteur tertiaire.

Quatre exemples, en particulier, témoignent du fait que la loi est insuffisamment appliquée.

D’abord, le retard pris par le décret sur le carnet numérique de suivi du logement visé à l’article 11 et qui concerne en principe les permis de construire déposés au 1er janvier 2017. Il semble que le Gouvernement invoque des difficultés techniques ; mais, si le décret ne paraît pas, il n’est pas question de laisser le problème non résolu. Contrairement à l’objet même de la loi, qui est de mieux informer les bailleurs et les locataires, propriétaires ou copropriétaires, un rapport d’inspection de janvier 2016 conclut ainsi : « Le cadre défini par la loi du 17 août 2015 est considéré par les juristes consultés comme insuffisant pour que puisse être pris un texte réglementaire définissant le carnet numérique sous la forme d’un service en ligne. » Mais l’on voit mal où résident ces insuffisances et qui a réclamé un service en ligne. Cette expertise remet en réalité en cause le financement et le consentement des acteurs, ainsi que la place de la puissance publique. Ce n’est pas la loi qui parle de service en ligne ; la forme numérique du carnet n’en impose nullement la diffusion généralisée par internet, ni la création d’un fichier informatique au sens de la loi de 1978. Les notaires l’ont parfaitement compris, qui y voient l’occasion d’homogénéiser les obligations en cas de vente. Il n’est question ni dans la loi ni dans les faits d’instaurer un système de consultation publique géré par la puissance publique et d’accès payant. S’il est nécessaire d’apporter une précision législative à ce sujet, je suis toute prête à le faire. Ce document est essentiel et la loi ne doit pas rester inappliquée sur ce point.

Le deuxième exemple est le retard, tout aussi inacceptable, qu’a pris la définition des critères de performance minimale.

Concernant ensuite l’article 14, si la presse a fait état d’un cas de ravalement de façade aberrant alors même que l’esthétique justifie une dérogation, la réglementation des travaux dits « embarqués » par le décret n° 2016-711 du 30 mai 2016 relatif aux travaux d’isolation en cas de travaux de ravalement de façade, de réfection de toiture ou d’aménagement de locaux en vue de les rendre habitables a été, à l’inverse, critiquée au motif qu’elle comporte de très nombreuses exceptions à la nécessité d’isoler les bâtiments.

Quant à l’article 33, qui demande un rapport sur les colonnes montantes – le président y a fait référence –, il est inacceptable qu’au moins le rapport du conseil général de l’environnement n’ait pas été rendu disponible. Certes, la question de la propriété des colonnes n’est pas tranchée par la jurisprudence, et le médiateur de l’énergie en a été abondamment saisi. Enedis, chargé de la gestion du réseau de distribution d’électricité, persiste à refuser d’intégrer à ses frais des colonnes qui, selon lui, appartiendraient aux propriétaires et copropriétaires des immeubles concernés, lesquels sont dans l’incapacité de faire face à des coûts élevés, de 10 000 à 20 000 euros par colonne. Il y a donc un blocage, et les décisions des tribunaux ne convergent pas – je renvoie à notre rapport pour davantage de détails.

Ce dossier présente peu d’aspects positifs. Je note toutefois que le syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (Sipperec) a signé avec Enedis, le 14 avril 2016, un accord prorogeant pour les dix prochaines années la concession de distribution d’électricité sur le territoire des 82 communes du ressort du syndicat et qu’il a été convenu à cette occasion que les deux parties prendraient conjointement en charge la rénovation, chaque année, de 500 colonnes montantes d’électricité sous maîtrise d’ouvrage du Sipperec. Peut-être convient-il d’être pragmatique et d’inciter à étendre des dispositifs qui fonctionnent. Il faut en tout cas chercher à sortir des difficultés juridiques actuelles.

Pourquoi le volet bâtiment est-il aussi difficile à mettre en œuvre ? À cela, deux raisons. D’abord le comportement de certains acteurs, dont le centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), qui semble ignorer la loi ou vouloir en différer l’application, par exemple s’agissant de l’individualisation des compteurs de chauffage dans les immeubles collectifs. Ensuite, et surtout, nous n’avons sans doute pas pris la mesure technique de certaines dispositions, par exemple de ce que la domotique peut apporter, et nous ne raisonnons pas suffisamment, comme législateur, de manière globale.

En revanche, je juge positivement le mécanisme, reconduit, du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE).

Je conclurai en indiquant brièvement – mais sans doute y aura-t-il des questions sur ce point – que les compteurs Linky et Gazpar se mettent en place, non sans réticences sur le terrain, et que, après l’organisation d’une table ronde, nous consacrons à ce sujet dans le rapport de longs développements que j’espère exhaustifs.

M. le président Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Quelques mots sur le titre III, relatif aux transports et à la qualité de l’air.

La consommation d’énergie dans les transports s’élève à 48,7 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) ; 59 % des émissions de NOx, au moins 27 % des émissions de gaz à effet de serre, au moins 130 millions de tonnes de CO2 et 17 % des émissions de particules sont imputables aux transports.

C’est donc essentiellement sur les alternatives à l’automobile que la loi peut avoir un effet significatif : covoiturage, vélo, carburants alternatifs sont autant de recours que le texte promeut, notamment par les dispositions de l’article 41 prévoyant l’implantation de 7 millions de points de recharge pour les véhicules électriques.

Le partage entre essence et diesel a fait par ailleurs l’objet d’aménagements de nature fiscale, que je juge personnellement bons : la convergence fiscale sur cinq ans promue par Delphine Batho et la préférence accordée au SP95-E10, toutes deux retenues par la PPE, permettent aux industriels de s’adapter à la diminution progressive de la diésélisation du parc.

S’agissant des mesures relatives au vélo – indemnité kilométrique, déduction fiscale des achats par les entreprises, aires de stationnement –, le fonctionnement du dispositif est plutôt satisfaisant, même si le rapport suggère des améliorations. De même, les aéroports, en dépit d’un texte qui comporte trop d’aléas, jouent le jeu des programmes de réduction des gaz à effet de serre visés à l’article 45.

Au contraire, l’implication des concessionnaires d’autoroutes et du syndicat des transports d’Île-de-France (STIF) me paraît en l’état insuffisante, ou du moins indéterminée, d’autant que l’augmentation récemment annoncée des tarifs d’autoroute a été notamment justifiée par la nécessité de répondre à la demande d’aménagement d’aires de covoiturage. En revanche, celle de la régie autonome des transports parisiens (RATP) est indéniable ; je vous renvoie sur ce point à notre commentaire sur l’article 37.

La limitation de la vitesse en milieu urbain, la création de zones de circulation restreinte en ville, qui concernera 20 métropoles, et de vignettes destinées à déterminer le niveau de pollution par référence aux dates de mise en circulation des véhicules sont parfois contestées, notamment par ceux que ces mesures touchent, mais elles contribueront très certainement à améliorer le parc automobile, autant que le bonus-malus.

Dans ce volet, sont passées inaperçues l’instauration d’un délit de « défapage » – ou d’altération volontaire d’un mécanisme antipollution sur un véhicule – dont j’espère qu’il sonnera le glas de ce qu’il faut bien appeler des trafics sur internet, mais aussi la sécurité d’approvisionnement des hydrocarbures par navires, qui pose selon la mission des problèmes juridiques complexes.

Au total, et sans vouloir céder à la facilité de la formule, les transports avancent dans le bon sens !

Mme Sabine Buis, rapporteure. Les 33 articles du titre IV consacré à l’économie circulaire, dont 22 d’application directe, sont très largement dus au débat parlementaire. La loi a ainsi été enrichie d’un volet relatif au tri, à la collecte et au traitement des déchets dans le cadre du système de responsabilité élargie du producteur (REP) appliqué à de nouveaux domaines : tissus d’ameublement, literie, bouteilles de gaz ; la question de l’extension du dispositif à la maroquinerie est posée par l’article 92.

La situation de la France en matière de tri et de retraitement est satisfaisante. Le taux de recyclage des déchets est de 60 % ; en 2011, celui des emballages était de 88 % pour les papiers et cartons, 74 % pour les métaux, 23 % pour les plastiques et 71 % pour le verre. Mais, évidemment, il faut toujours mieux faire.

Ce titre fixe donc de nouveaux objectifs, volontaristes, de tri et de traitement des déchets et de réduction de leurs volumes. S’il comporte quelques prohibitions, dont celle, emblématique, des sacs et ustensiles de vaisselle en plastique, il adopte plutôt une approche souple, incitant de manière non directive à des comportements vertueux. Peut-être, sur certains points, la loi gagnerait-elle à mieux définir, à prohiber ou encore à sanctionner de manière adaptée. Je renvoie sur ce point au rapport, qui ouvre des pistes.

On peut se féliciter de l’interdiction des ustensiles de cuisine en plastique en 2020 et de celle, dès 2017, des sacs plastiques et d’envoi de publicité et de presse, en dépit des protestations prévisibles émises par certains professionnels. Ce sont des mesures d’intérêt général ; 5 milliards de sacs plastiques non dégradables sont mis en circulation chaque année, alors même que des produits de substitution existent.

Sur ce point, je tiens à rendre hommage à l’administration qui a fourni un travail d’ampleur, y compris au niveau européen, puisque la question fait l’objet d’une directive. Je le dis aux professionnels : si vous voulez continuer à voir des océans pollués, des bords de routes souillés, des forêts salies, battez-vous contre ces dispositions, mais assumez vos choix devant l’opinion publique !

Je salue donc le décret du 30 mars 2016 et souhaite que ce texte s’applique dans les meilleures conditions. Je salue également la bonne mise en œuvre de la REP pour la reprise des bouteilles de gaz, à propos de laquelle la mission nourrissait des inquiétudes.

Sur cette partie du texte, j’ai toutefois trois regrets.

D’abord, l’article 55 de la loi sur l’économie bleue a différé d’un an l’entrée en vigueur d’un système de REP applicable aux navires de plaisance. C’est un combat d’arrière-garde : cette REP concerne 41 000 tonnes de déchets et 14 000 navires à déconstruire ou à rénover, soit une source évidente de pollution et un vaste gisement industriel. Ce report n’étant nullement justifié, nous proposons de revenir à une application plus rapide du texte.

Ensuite, à l’article 91, après un long combat, l’ensemble de la presse a fini par être exonéré de l’éco-contribution financière, au nom de critères sans doute discutables. Tout en rendant hommage au travail de nos collègues Bardy et Miquel, la mission regrette que la presse magazine, compte tenu de ses caractéristiques d’impression, bénéficie de cette exonération alors que sa situation est objectivement très différente de celle de la presse quotidienne et des gratuits. Les critères doivent être revus dans un sens plus conforme à l’objectif de la loi, s’agissant notamment du recours aux blisters, et devenir évolutifs, surtout quant à la qualité du papier utilisé. Qu’on laisse aux acteurs un temps d’adaptation est une chose ; qu’on les laisse tous en dehors de la loi en est une autre.

Enfin, la reprise des déchets de construction suscite un blocage : les professionnels soumis à l’obligation ont entrepris de la contester juridiquement, alors que ce secteur produit 247 000 tonnes de déchets. On peut, certes, relever que ce ne sont pas les producteurs qui sont assujettis, ni même l’ensemble des distributeurs ; mais le critère du public concerné par le marché de gros est justifiable. En outre, le rayon choisi – de dix kilomètres – et la possibilité de mutualiser la reprise – le texte parle d’« organisation », n’excluant pas une mutualisation au profit de déchetteries déjà installées – rendent l’obligation gérable. Il est regrettable que l’on en soit à un stade contentieux. Votre mission souhaite que le texte soit modifié, si nécessaire, pour permettre la mutualisation des aires de reprise des déchets du BTP.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le titre V de la loi vise à promouvoir les énergies renouvelables. Il constitue donc le levier principal pour parvenir aux objectifs ambitieux fixés à l’article premier en matière de diversification des sources d’énergie. Ce titre qui couvre les articles 104 à 122, complété par le volet de la PPE consacré à l’offre d’énergie, joue par conséquent un rôle essentiel, notamment sur les questions d’achat d’énergie aux producteurs, de méthanisation et d’hydroélectricité.

En application de l’article premier, la part des énergies renouvelables doit être portée à 23 % de la consommation finale brute d’énergie d’ici à 2020. Y parviendrons-nous avec les outils dont nous disposons aujourd’hui ?

Il apparaît à la mission que c’est l’énergie photovoltaïque qui offre aujourd’hui les perspectives de développement les plus prometteuses.

La situation de l’hydraulique est satisfaisante, notamment parce que cette énergie ne présente pas d’intermittence, que nombre d’équipements sont amortis, qu’elle crée une synergie environnementale positive et qu’elle est entièrement mature ; la ressource est déjà largement exploitée, mais un développement mesuré peut être envisagé ; il est d’ailleurs prévu. En juin 2016, la production hydraulique renouvelable a couvert à elle seule près de 20,8 % de la consommation française d’électricité brute. C’est à ce jour l’énergie renouvelable la plus efficace et la plus utile à l’équilibre du mix.

Concernant le photovoltaïque, le lancement de deux appels d’offres – l’un pour les installations au sol, de 1 000 mégawatts par an sur six ans, l’autre pour les centrales sur bâtiment, pour un volume de 450 mégawatts par an sur trois ans – annoncé par la ministre le 28 juin 2016, à l’occasion des journées nationales de l’énergie solaire, est conforme à l’objectif prévu pour 2018. Le rapport combat aussi l’idée fausse selon laquelle les industries seraient étrangères, notamment chinoises : il existe désormais un tissu industriel français et des équipements fiables.

Quant à la méthanisation, l’objectif est de développer en France, à l’horizon 2020, 1 000 méthaniseurs à la ferme, contre 90 fin 2012, mais nous partons de très loin et la comparaison européenne ne nous est pas favorable. En effet, si notre pays a été pionnier de la méthanisation en Europe dans les années 1980, notre politique énergétique, davantage tournée vers le nucléaire, n’a pas donné la priorité au développement de la filière tandis que d’autres pays européens s’engageaient plus nettement sur cette voie. La France est ainsi aujourd’hui loin derrière l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et le Danemark. Il faudra donc quadrupler d’ici à 2020 la puissance installée. Votre rapporteure salue la large concertation qui a conduit au décret, et qui va dans le bon sens.

Les dispositions essentielles du titre V tendent à faire des garanties d’origine et du complément de rémunération deux systèmes exclusifs l’un de l’autre, à permettre à l’éolien terrestre de bénéficier à la fois d’une obligation d’achat et du complément de rémunération, à mieux définir les droits des consommateurs électro-intensifs, à relever à 50 mégawatts les seuils d’autorisation d’exploiter, à fixer un délai de raccordement de 18 mois, pouvant cependant être suspendu en application du décret du 1er avril 2016 – c’est l’article 105 – ou encore à développer le financement participatif. On remarquera que les leviers utilisés ne sont guère fiscaux – à l’exception d’une mesure très limitée concernant le photovoltaïque, à l’article 114 –, mais essentiellement économiques.

Le contexte est marqué par d’importants événements, dont l’arrêt de plusieurs générateurs décidé par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et la situation d’Areva, mais aussi par des tendances plus longues : la stabilisation des prix de l’énergie, la maîtrise de la consommation, le recours à des sources décarbonées, l’introduction d’une concurrence.

Il est difficile de trouver le bon mix énergétique : les problèmes de coût, de raccordement au réseau, d’acceptabilité des riverains se mêlent. Mais la loi trace un chemin général clair et l’arrêté du 24 avril 2016 fixe des objectifs chiffrés et programmés.

Une partie importante du rapport est consacrée à l’hydroélectricité. Vous le savez, je suis favorable au regroupement des bassins et, à cette fin, la méthode du barycentre peut être satisfaisante. Mais, à terme, c’est l’ouverture unilatérale à la concurrence qu’il faut combattre. Car, en remettant les concessions en concurrence, l’État perd définitivement le contrôle de la production d’électricité la plus compétitive du mix énergétique et l’une des plus flexibles, notamment en période de pointe, ce qui la rend essentielle à la réussite de la transition énergétique. Je reste vigilante sur cette question.

Certains décrets sont encore attendus, par exemple sur le complément de rémunération et les appels d’offres.

Concernant cette partie du texte, je formulerai trois suggestions. Premièrement, revoir la définition de la notion de cours d’eau, prévoir une cartographie précise et revoir le classement des cours d’eau à chaque révision de SDAGE (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) ou de SAGE (schéma d’aménagement et de gestion des eaux). Ce point a été évoqué lors de l’examen de la loi, mais n’a pas été intégré au texte.

Deuxièmement, revoir les conditions d’indemnisation des dommages miniers à l’article 122, notamment pour les ruisseaux couverts et les canaux d’amenée d’eau abandonnés par suite d’une cessation d’exploitation, qui sont actuellement à la charge des propriétaires du sol ; l’entretien en est particulièrement difficile et l’absence d’entretien peut entraîner d’importants dysfonctionnements.

Troisièmement, prévoir un débat parlementaire annuel sur l’énergie et l’application de la loi.

M. le président Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Le titre VI, relatif à la sûreté nucléaire, est l’un des plus courts, avec dix articles seulement, mais il n’en est pas moins important.

Les dispositions sur l’information du public ou l’autorisation et le fonctionnement des installations nucléaires de base (INB) relevant totalement de la compétence législative, seuls trois décrets étaient nécessaires. Les articles 128 et 129 renvoient largement aux ordonnances, qui devaient être prises dans des délais de dix ou six mois.

Ce titre contient les dispositions de la loi qui adaptent les conditions de fonctionnement des centrales nucléaires. Force est de constater qu’elles ne les bouleversent pas. La sécurité nucléaire et les pouvoirs de l’ASN sont renforcés par une importante ordonnance du 10 février 2016, qui tend également à lutter contre les actes de malveillance.

Je regrette que l’application de la loi n’ait pas permis de clarifier les choix futurs. Le principe du plafonnement global de la production d’électricité nucléaire, prévu dans un autre titre, à l’article 187, et celui du démantèlement des installations après deux ans de cessation de fonctionnement, prévu par le présent titre à l’article 127, aboutissent en définitive à reporter les choix au lieu d’en anticiper les conséquences. Or, en la matière, on ne peut se satisfaire de manœuvres dilatoires. Ce ne serait conforme ni à la volonté de transition et de programmation à moyen terme qui préside à la loi, ni à la nécessité de sécuriser les exploitants, les acteurs économiques et les citoyens. L’application de la loi et la PPE représentent donc de ce point de vue une occasion manquée.

La loi contient toutefois les dispositions suivantes.

D’abord, elle limite le recours à la sous-traitance ; le décret d’application établit cette limite au rang deux par rapport à un intervenant extérieur, trois par rapport à l’exploitant. On peut regretter que les filiales ne soient pas suffisamment prises en considération.

Ensuite, elle prévoit des modalités de suivi médical spécifiques et adaptées pour les travailleurs exposés à des rayonnements ionisants. L’ordonnance prétend supprimer cette disposition ; la mission y est fermement opposée.

Enfin, aux termes de la loi, toute INB qui cesse de fonctionner pendant deux ans doit être démantelée. À ce sujet, compte tenu des divergences d’analyse sur les conditions financières des démantèlements, il nous paraîtrait opportun d’en confier le chiffrage à un organisme paritaire indépendant afin que l’expertise précède la décision et ne soit pas un élément de polémique.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Le titre VII porte sur les procédures.

La mission considère que tout démantèlement de centrale doit être précédé d’un débat public organisé par la commission nationale du débat public. Cette autorité administrative indépendante est compétente sur saisine du maître d’ouvrage, de façon systématique pour les plans et programmes nationaux et pour tout projet d’équipement dont le marché excède un montant de 300 millions d’euros ; en deçà de ce seuil, elle peut être saisie par dix parlementaires ; elle peut également l’être par le Gouvernement à propos d’un projet de réforme d’une politique publique. L’ordonnance du 3 août 2016 retient en outre un droit d’initiative citoyenne. Il faut donc étendre le champ d’intervention de la CNDP afin qu’un débat soit organisé, sans doute à l’échelon régional, qui semble le plus pertinent, avant une cessation d’exploitation.

Il faut aussi conforter la place du médiateur de l’énergie, qui doit rester une autorité indépendante, dotée de la personnalité morale.

Cette partie du rapport comporte également une analyse de l’éolien. On relève des blocages juridiques, notamment l’absence d’un décret sur la non-implantation dans les zones de défense. S’il faut souligner le lancement en avril 2015 d’un appel d’offres pour l’implantation d’un troisième site offshore, et si la PPE souhaite améliorer la procédure d’appel d’offres pour l’éolien en mer posé, il semble difficile de conclure que la loi imprime une impulsion réellement nouvelle en matière d’éolien.

La production a certes augmenté, passant à 17 243 gigawattheures en 2014, et les objectifs en termes de puissance installée sont ambitieux : 15 000 mégawatts au 31 décembre 2018, 21 800 mégawatts – option basse – et 26 000 mégawatts – option haute – au 31 décembre 2023.

Le prix d’achat est garanti : l’article 10 de la loi du 10 février 2000 pose le principe d’un rachat obligatoire de l’électricité produite par les installations utilisant les énergies renouvelables d’une puissance supérieure à 12 mégawatts, seuil résultant de l’ordonnance du 3 août 2016. Le tarif de rachat est publié par arrêté ; il est actuellement fixé par un arrêté du 17 juin 2014. L’existence même de ce tarif est un élément contraint du marché : il se répercute nécessairement sur le niveau global des prix.

La loi vise à lever certains blocages. Cependant, malgré toutes ces mesures, l’éolien a du mal à s’imposer, pour des raisons tenant à l’acceptabilité sociale, ainsi qu’aux difficultés d’implantation sur terre comme sur mer. En outre, le désengagement d’Areva ne peut être considéré comme favorable au développement du secteur.

La Cour administrative d’appel de Nancy a reconnu qu’une éolienne était divisible du reste d’un parc éolien soumis à permis de construire. L’arrêt rend en outre nécessaire une réponse circonstanciée de l’administration pour chacune des éoliennes composant un projet de parc.

Le rapport présente également une analyse du prochain TURPE (tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité) à l’article 160, du projet « Tulipe » sur l’adaptation du réseau GRDF à la cessation de l’importation du gaz de Groningue, mais aussi de la CSPE (contribution au service public de l’électricité) dans sa dernière partie.

M. le président Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. L’article 176, au titre VIII, porte sur la PPE.

Les retards qui ont marqué le processus d’examen de la PPE ont à leur tour conduit à différer l’application de plusieurs éléments de la loi. La mission se prononce donc pour une réécriture simplifiée de la disposition législative actuelle et pour un meilleur partage des domaines de la loi, du décret et de la partie non impérative de la programmation. La PPE étant un document hybride, complétant la loi, il n’est pas étonnant que le texte soit difficile à établir et qu’il faille même, au cas où la publication interviendrait tardivement, prévoir des anticipations législatives transitoires, sur le modèle du projet de ratification d’une ordonnance sur les énergies renouvelables qui comporte un article 5 ainsi rédigé : « pour l’application du I de l’article L. 446-5 du code de l’énergie, les objectifs définis par arrêté du ministre chargé de l’énergie valent programmation pluriannuelle de l’énergie, jusqu’à la date de publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 du même code ».

Bref, l’expérience de la PPE n’est pas satisfaisante, et la loi ne l’est sans doute pas non plus : on a voulu faire de la PPE un pilier de la transition énergétique, mais ce document finit par être bien décevant – et il n’est même pas encore paru.

La France est le pays dont la part d’électricité d’origine nucléaire est la plus importante : 77 % en 2014, selon le bilan électrique de RTE (Réseau de transport d’électricité), soit 416 térawattheures, provenant des 58 centrales. C’est dans ce titre VIII que figure le plafonnement global du parc nucléaire à 63,2 gigawatts, en référence auquel la PPE prévoit un décret de démantèlement de Fessenheim avant le 31 décembre 2016.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. En ce qui concerne la dernière partie, on peut regretter la parution tardive du décret sur la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse et faire état de la satisfaction qu’inspire la PPE corse.

Cette partie analyse l’évolution et l’affectation de la CSPE. Sa fiscalisation s’imposait ; la création d’un compte d’affectation spéciale nous paraît également une bonne chose. On regrettera toutefois que l’habilitation demandée par le Gouvernement à l’article 200, à propos du développement des réseaux électriques intelligents, soit devenue caduque.

En ce qui concerne les outre-mer, nous avons effectué un déplacement en Guadeloupe et en Martinique en mai dernier, afin d’évaluer l’application de la loi dans ces territoires. La loi leur a envoyé un signal fort en fixant des objectifs très ambitieux et en prévoyant une procédure de consultation substantielle en vue de l’établissement des PPE régionales, mais nous avons constaté que l’application de la transition sur place rencontrait des difficultés concrètes. Ces territoires ne sont pas connectés au réseau électrique de la métropole et sont relativement peu peuplés, ce qui complique l’instauration d’une véritable économie circulaire. La préservation du foncier agricole, nécessaire au maintien d’une agriculture durable, empêche parfois certains projets touchant les énergies renouvelables de voir le jour. Toutefois, les atouts nécessaires à une transition énergétique réussie sont bien présents, qu’il s’agisse des énergies renouvelables, de la mobilité durable, du bâtiment durable ou du recyclage, notamment celui des véhicules usagés.

Le rapport comporte en outre de nombreuses propositions destinées à faciliter la réussite de la transition énergétique outre-mer. Il recommande en particulier de conforter les agences locales de l’énergie et de territorialiser les appels d’offres, afin de prendre en considération les caractéristiques propres à chaque territoire, ainsi que le dispositif des certificats d’énergie en fixant une obligation d’économies d’énergie spécifique à l’outre-mer.

M. Julien Aubert, rapporteur. Mon travail ne consistait pas à rejouer le débat sur la loi de transition énergétique, au cours duquel l’opposition avait manifesté une forme de scepticisme combatif vis-à-vis des dispositions les plus décalées, mais bien à accompagner les rapporteurs de manière transversale, donc moins spécifique compte tenu du temps qui nous était alloué, et avec un œil critique.

En ce qui concerne la tonalité générale du rapport, je commencerai par les éléments positifs. Les conditions de travail de la mission diffèrent de celles, quelque peu rocambolesques, dans lesquelles on avait adopté la loi, en temps limité et en piétinant les droits de l’opposition. Ici, la présence d’un rapporteur de l’opposition nous a permis de réfléchir à un diagnostic commun et de prendre tous part aux auditions sur un pied d’égalité, grâce à la grande intelligence et au grand sens de la diplomatie qui caractérisent le président Chanteguet.

Sur certains points, nous convergeons fortement. Les rapporteurs ont fait part de leurs critiques de manière diffuse et adoucie ; en réalité, le molosse adopté en 2015 a perdu quelques dents – heureusement, d’ailleurs, notamment s’agissant de l’article 6 sur la rénovation énergétique, déclaré anticonstitutionnel. Je regrette parfois que le commentaire n’aille pas plus loin, par exemple pour signaler les conséquences négatives de la rénovation énergétique pour les seniors : à ce propos, les rendez-vous que j’ai pu avoir, hors du cadre des auditions, révèlent une très grande inquiétude concernant certains aspects du texte.

Nous sommes d’accord sur l’empilement du complément de rémunération et de l’obligation d’achat. Le rapport présente un schéma qui montre comment l’on rémunère les producteurs d’énergies alternatives et note une complexification. On constate également que, concernant l’effacement diffus, tout n’est pas « calé ».

Enfin – c’est l’une des principales critiques formulées par la mission –, la PPE est en décalage par rapport aux ambitions initiales.

Sur d’autres points, nous sommes en divergence. Il faut une vision lucide de l’avenir du nucléaire dans notre pays. Le rapport n’y insiste pas assez, mais la comparaison avec l’Allemagne montre que la limitation du recours au nucléaire peut entraîner des conséquences très négatives sur les émissions de carbone. Concernant le coût social et économique de la transition énergétique, on aurait apprécié quelques paragraphes supplémentaires sur les externalités négatives de la coexistence du nucléaire et d’une forte part d’énergies renouvelables du point de vue de l’équilibrage du réseau et du recours aux énergies fossiles.

S’agissant du compteur Linky, qui a fait l’objet d’une vaste campagne de désinformation, les auditions ont montré, me semble-t-il, que les critiques étaient largement infondées. Le rapport aurait donc pu affirmer plus clairement et fermement que le dispositif ne comporte pas de dangers pour la santé.

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec certaines propositions formulées par les rapporteurs. Ainsi, avant de préconiser l’extension à la fonction publique de l’indemnité kilométrique vélo, peut-être faudrait-il en calculer le coût. J’invite également à la prudence s’agissant de l’article 68 et de l’idée d’étendre aux cours d’eau l’interdiction d’utilisation des produits phytosanitaires, alors que nous sommes en pleine crise agricole et qu’un arrêté en cours de discussion avec la profession suscite les plus vives inquiétudes en raison de ses conséquences potentielles sur les surfaces cultivables. De même, à propos des sacs plastiques, prenons garde aux conséquences économiques d’un mécanisme de sanction tel que le préconise le rapport à l’article 75. Nos divergences ne portent pas nécessairement sur l’objectif, mais sur les modalités de mise en œuvre du dispositif : n’oublions pas que toute transformation sociale a un coût.

Enfin, en ce qui concerne le démantèlement des centrales nucléaires, le rapport propose la création d’un organisme d’évaluation indépendant ou l’organisation d’une consultation régionale lors de chaque démantèlement. Ayant l’honneur de présider une mission parlementaire en cours sur la faisabilité technique et financière du démantèlement des infrastructures nucléaires, vous comprendrez que je ne puisse m’associer à ces propositions sans risquer de couper l’herbe sous le pied à sa rapporteure, Mme Romagnan. En attendant ses conclusions, je resterai donc en retrait.

Je ne suis pas hostile, par principe, à la création d’un organisme indépendant, même si le terme est un peu vague et que je commence à me méfier des fameuses autorités administratives indépendantes (AAI). Est-ce la Cour des comptes qui est visée ? Un autre organisme ? Quant à la consultation régionale, j’estime à titre personnel que, s’agissant du nucléaire, la multiplication des consultations, des concertations et la recherche de la transparence, sans faire progresser d’un iota la compréhension mutuelle, encombrent la procédure de décision d’une série d’étapes supplémentaires qui nuisent à notre réactivité. Bref, trop de consultation tue la consultation !

Pour finir, je remercie mes collègues de leur coopération et du débat qui s’est ouvert pendant les longues journées d’auditions.

Mme la présidente Frédérique Massat. Merci au président de la mission et à ses rapporteurs du travail conséquent et efficace qu’ils ont fourni en peu de temps – la mission a été constituée en janvier dernier – sur un texte très vaste. Nous sommes convenus, avec Jean-Paul Chanteguet, de demander à Ségolène Royal de venir rapidement devant nos deux commissions pour une séance spécifiquement consacrée à l’application de la loi, car, si son suivi est assuré par les parlementaires, il importe que ces derniers entendent la réaction du Gouvernement. Le sujet sera naturellement évoqué cet après-midi en commission élargie, mais nous n’aurons pas le temps d’explorer toutes les propositions du rapport.

M. Christophe Bouillon. Je m’exprimerai au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain.

L’heure n’est pas au bilan, mais à l’évaluation, voire à la réévaluation si j’ai bien entendu Julien Aubert. Cette démarche fait suite à la co-construction qui a présidé au vote de la loi, les deux exercices contribuant à réhabiliter le travail parlementaire.

La loi, ainsi que les plans d’action qui l’accompagnent, permettra à la France de concourir plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique et de renforcer son indépendance énergétique en équilibrant mieux ses différentes sources d’approvisionnement.

Le chemin fut long et passionnant, depuis la première conférence environnementale et le débat national sur la transition énergétique, en passant par l’examen législatif au cours duquel nous avons enrichi le texte de nouvelles dimensions que nos territoires ont à cœur de défendre. La loi nous a également permis de faire progresser notre pays en vue de la COP21. Alors que la COP22 va s’ouvrir au Maroc, saluons le travail de Ségolène Royal, ministre de l’environnement, qui obtient aujourd’hui encore de très bons résultats dans le processus de signature de l’accord de Paris à travers le monde.

Le texte a pour ambition de créer l’élan d’une écologie positive qui lève les freins, libère les initiatives et apporte à chacun des bénéfices tangibles. Il constitue à la fois un point de départ et une boîte à outils. Voici maintenant plus d’un an qu’il a été promulgué ; les résultats sont déjà au rendez-vous et les outils qu’il contient sont employés. Car il ne s’agit pas seulement d’une loi d’intention, mais aussi d’une loi d’action, grâce à plusieurs instruments concrets pour un nouveau modèle énergétique, plus vert, plus décentralisé, plus démocratique, plus digitalisé.

Ces intentions et ces actions, il importe d’en contrôler la mise en œuvre. C’est tout l’intérêt de cette mission d’information commune. Je salue le travail d’évaluation conduit par nos collègues.

À ce jour, près de trois quarts des actes réglementaires requis ont été publiés. Tous les titres de la loi sont concernés ; je n’en citerai que quelques-uns à titre d’exemple.

En ce qui concerne la partie consacrée aux bâtiments, secteur très émetteur de gaz à effet de serre, le dernier arrêté, du 12 octobre, fixe les critères d’attribution par les collectivités locales d’un bonus de constructibilité de 30 % aux permis de construire concernant les bâtiments exemplaires du point de vue énergétique et environnemental ou à énergie positive. Je songe également au décret relatif aux obligations d’économies d’énergie spécifiques à réaliser au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique, un acte réglementaire lui aussi essentiel.

S’agissant des transports, qui constituent le secteur le plus émetteur de CO2, de nombreuses dispositions sont en cours d’application. Je ne peux pas ne pas mentionner le décret relatif à la prime à l’acquisition de véhicules propres en remplacement de véhicules polluants. Je pourrais également évoquer celui du 11 février 2016 relatif au versement d’une indemnité kilométrique vélo par les employeurs privés, que certains jugent cependant peu ambitieux.

Plusieurs outils de la partie consacrée à l’économie circulaire ont également été mis en œuvre. L’un, très concret, a enfin vu le jour en mars dernier au terme d’une longue concertation, avec la publication du décret fixant les conditions d’application de l’interdiction des sacs plastiques à usage unique et ses exceptions.

Des décrets ou arrêtés ont également été publiés en vue de développer les énergies renouvelables, d’équilibrer nos sources d’énergie et de valoriser les ressources de nos territoires, de renforcer la sûreté nucléaire et d’améliorer l’information des citoyens, de simplifier et clarifier les procédures afin de gagner en efficacité et en compétitivité.

Dans le secteur de l’éolien, enfin, beaucoup a été fait, avec la réforme de la participation du public, l’autorisation unique, la réduction des délais de raccordement, le financement participatif et la participation des communes au capital des sociétés d’énergie renouvelables.

À cela s’ajoutent la stratégie nationale bas carbone et le budget carbone, la prise en considération des enjeux climatiques dans le reporting RSE (responsabilité sociétale des entreprises), un sujet qui nous a beaucoup mobilisés au cours des débats et le chèque énergie.

D’autres dispositions ne sont pas encore appliquées, mais les textes réglementaires sont en préparation, comme le relève le rapport. Parmi ceux-ci, l’un des plus attendus est sans doute la PPE de la France métropolitaine, qui était soumise à la consultation du public jusqu’au 15 octobre, et celles de l’outre-mer. Je pense également au décret définissant le critère de performance énergétique minimale à respecter pour qu’un logement soit décent.

En 2014 et 2015, l’urgence était au vote de la loi ; en 2016 et 2017, l’urgence est d’en réussir la mise en œuvre, qui me semble plutôt bien partie !

M. Martial Saddier. Au vu du travail colossal accompli par les rapporteurs, et puisque la mission a souhaité que l’un d’entre eux – Julien Aubert, auquel nous rendons un hommage particulier – soit issu de l’opposition, les députés du groupe Les Républicains approuveront la publication du rapport d’information.

Nous avions en revanche voté contre la loi, examinée dans des conditions que Julien Aubert a suffisamment rappelées et auxquelles je me contenterai d’ajouter celles, ubuesques, de la commission mixte paritaire, qui la distinguent de toutes celles – une vingtaine – auxquelles j’ai participé.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Son président n’est pas là, il ne peut pas se défendre !

M. Martial Saddier. Par respect et par amitié, je me suis gardé de le citer. Mais cette CMP restera dans les annales : alors que les parlementaires Les Républicains de l’Assemblée et du Sénat étaient assez nombreux pour qu’elle puisse aboutir, la majorité l’a sciemment fait échouer.

À l’époque, Julien Aubert avait fourni un énorme travail en menant l’« autre » débat sur la transition énergétique, avant l’examen de la loi, multipliant les auditions et formulant de véritables contre-propositions. Nous avions ainsi adopté une démarche de co-construction à propos de l’éolien, du solaire, du zéro charbon, du gaz, de l’hydroélectricité et d’une baisse du nucléaire qui soit fondée sur une analyse technique et financière du rapport coût-efficacité plutôt que sur une idéologie décrétée par le Président de la République – une approche que nous n’avons eu de cesse de dénoncer au cours des débats.

Ce dont les rapporteurs de la majorité comme de l’opposition viennent de nous faire part nous donne raison : beaucoup de regrets – pas encore de remords –, de retards, d’inefficacité.

Nous le répétons, nous allons avoir des problèmes considérables au moment de la pointe de consommation hivernale.

En ce qui concerne la rénovation énergétique des bâtiments, on déplore un retard, pour ne pas dire que l’on constate un échec. C’est que l’on a confondu à l’époque politique sociale et politique énergétique.

Nous aurions aussi aimé que soit soulevé l’important problème de l’effet du rééquilibrage entre essence et diesel sur les rejets de CO2, qui doit être chiffré pour les années à venir.

Enfin, Julien Aubert a rappelé les inquiétudes que suscite la question de l’agriculture. Ce secteur ne fournit-il pas un bon exemple de la surenchère des normes européennes, à laquelle le président de la Commission européenne lui-même souhaitait ce matin que l’Union européenne mette fin ?

M. Jacques Krabal. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste se joint aux remerciements déjà adressés aux rapporteurs et se réjouit de la position constructive adoptée par l’opposition.

Tout le monde peut s’engager dans la stratégie nationale qui définit la marche à suivre vers une économie bas carbone permettant d’atteindre les objectifs d’atténuation des émissions fixés lors de la COP21 – le fameux facteur 4 à l’horizon 2050. Nous continuons de progresser sur cette voie ; c’est très positif.

J’en viens au rapport d’information proprement dit.

S’agissant de la rénovation énergétique, nous aurions préféré une évaluation avant et après travaux pour disposer d’un bilan clair des progrès accomplis et pour optimiser les dépenses fiscales. Nos amendements n’ont pas été adoptés, mais les nouvelles règles ont permis de créer de nouveaux marchés en réduisant les coûts grâce aux bâtiments à énergie positive, à l’intégration du bois ou encore aux compteurs de chauffage individuels. Nous appuyons fermement les mesures de soutien destinées à aider les particuliers à financer la rénovation énergétique de leur logement : la réforme du CITE, la réforme de l’éco-prêt à taux zéro, la possibilité de cumuler les deux depuis le 1er mars dernier.

Nous saluons bien sûr le moindre recours aux centrales à charbon et la progression de la production d’électricité à partir des énergies renouvelables, hors hydroélectricité – un sujet en soi.

La procédure des appels d’offres a été développée à propos du photovoltaïque, avec des lots distincts selon la puissance. Cette méthode nous paraît efficace. Il fallait de toute façon rompre avec les tarifs de rachat et leurs évolutions parfois brutales, qui ne permettaient pas un développement équilibré de la filière.

La filière éolienne présente certaines difficultés. Bien que verte, elle génère des nuisances dont il ne faut pas faire abstraction et suscite localement de nombreuses dissensions. Il y a un effort pédagogique à faire dans ce domaine. Aux yeux de l’opinion publique, les projets éoliens procèdent d’une démarche qui n’est ni écologique ni économique, mais seulement financière. Il a été question des financements participatifs ; il faudrait que nous puissions répandre cette idée. Quant à la dimension écologique, on peut comprendre qu’il soit difficile d’admettre des installations qui atteignent 180 mètres de hauteur au milieu de cinq villages. Quelles mesures vont être mises en œuvre pour remédier à ce problème ?

S’agissant du financement, comment expliquez-vous l’absence du « jaune » budgétaire prévu à l’article 174, que vous déplorez dans le rapport ?

Enfin, comme l’a dit Christophe Bouillon, cette loi est une loi d’action ; elle doit exister dans les territoires. Or, dans les territoires, les choses bougent : je songe au PETR (pôle d’équilibre territorial et rural) du sud de l’Aisne et aux TEPOS (territoires à énergie positive), qui créent une puissante dynamique non seulement d’acceptabilité, mais bien de prise en charge par les habitants, avec les « familles à énergie positive » ou la méthanisation à la ferme. Ainsi, cette loi est une chance pour la France, mais surtout pour ses territoires ruraux et son agriculture. Je termine par des questions plus précises.

Faut-il revoir les objectifs de l’article premier ? Celui-ci n’est-il pas trop ambitieux ?

En quoi la PPE, qui a mis du temps à être produite, n’est-elle pas satisfaisante ?

J’interviendrai de manière plus approfondie sur le sujet cet après-midi en commission élargie à propos de mon avis budgétaire sur le programme 181, mais comment est géré l’arrêt récent des réacteurs ? Existe-t-il un risque de pénurie d’électricité, un risque pour la facture des consommateurs ? Quelles sont les échéances de reprise d’activité ? L’audition du gendarme du nucléaire par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) n’incite guère à l’optimisme et fait craindre de nouveaux arrêts. Quel est votre sentiment sur ce point ?

Enfin, et puisque nous parlons maintenant, après l’urgence, de la phase d’application, je citerai la fable de La Fontaine Le Lion et le Rat : « Patience et longueur de temps/Font plus que force ni que rage » ! Je ne doute pas que, avec le temps, nous allons continuer d’améliorer cette loi.

M. Patrice Carvalho. Le bilan de l’application d’une loi conduit à relever non seulement ses aspects positifs, mais aussi ses manques et ses erreurs ; c’est sur cet aspect que se concentrera mon intervention au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

L’article 85 relatif au recyclage des navires concerne semble-t-il les seuls navires de mer, alors que nos cours d’eau sont jonchés de navires en train de couler ou déjà coulés et où l’on trouve du pétrole lourd, par exemple. Je suis confronté au problème dans ma commune : il en coûte 600 000 euros à l’État pour enlever une petite péniche ! Quand on sillonne un cours d’eau comme l’Oise, par exemple, et que l’on voit le nombre de bateaux échoués sur la berge depuis des décennies, on se demande comment agir rapidement pour empêcher les rivières d’être polluées lorsque leur coque finit par se percer. Le texte ne prévoit rien à ce sujet.

L’article 95 ne parle pas des déchets « inertes » issus du dragage des rivières. J’avais tenté de remédier au problème dans le cadre du projet de loi de finances. Quand on drague une rivière, on récupère de la terre en quantité faramineuse, mais qui ne peut être utilisée par l’agriculture parce qu’elle contient, même à faible dose, des métaux lourds et d’autres polluants. Il faut donc la jeter dans une décharge ; mais, comme la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) est très élevée, personne ne le fait, pas même l’État : on la stocke quelque part et on laisse les choses se faire. Je me suis battu pour que l’on crée en France des centres d’enfouissement qui pourraient accueillir ces terres et les traiter pour qu’elles redeviennent peu à peu cultivables. Mais, si on ne le fait pas, il ne faut pas appliquer un montant de TGAP aussi dissuasif – plusieurs dizaines d’euros la tonne !

L’article 112 sur la méthanisation ne parle pas des problèmes de transport. Or, dans mon territoire, les Belges viennent chercher ce qui est le plus intéressant à méthaniser dans le monde agricole, nous laissant le reste, et parcourent 200 à 250 kilomètres en camion pour emmener ces déchets dans un centre de méthanisation en Belgique, le tout pour quelques centimes de plus par tonne. On ne peut pas laisser faire des choses pareilles tout en parlant de développement durable et de CO2 ! Soyons un peu plus cohérents.

En ce qui concerne l’article 125, je suis d’accord avec le président. Rappelons-nous l’affaire de l’amiante. On sait depuis 1905 que l’amiante est cancérigène, mais il aura fallu attendre les années 1990 pour prendre des dispositions de suivi des salariés. Tous ceux qui étaient exposés à l’amiante n’en bénéficiaient pas, et, quand ils avaient des problèmes de santé liés à l’amiante, on disait que c’était à cause de la cigarette, ou d’autres facteurs qui n’avaient rien à voir. Pourtant, ils sont morts ! Avec le suivi des personnes qui travaillent dans les centrales nucléaires, on risque de revivre le même phénomène ; ce n’est pas normal.

Quant aux concessions hydroélectriques, on nous annonce que 72 % du potentiel est condamné. Va-t-on enfin aller étudier la situation sur le terrain au lieu de laisser les services de l’État supprimer de manière rigide et sans discussion des centrales qui ne nuisent pas du tout à la circulation des poissons ? Les microcentrales – une par ci, une par là – sont en train de disparaître pendant que l’on vante l’éolien et les autres énergies renouvelables.

Il faut aussi interdire l’utilisation du fioul en zone inondable : à chaque inondation, des centaines de cuves à fioul se retournent – le pétrole est plus léger que l’eau – et polluent.

Enfin, on évoque le financement du démantèlement des centrales nucléaires, mais j’aurais aimé des éléments concrets sur celui des éoliennes, qui va coûter une fortune ! La ministre nous a un jour parlé de 50 000 euros ; cela me paraît irréaliste.

M. Bertrand Pancher. Le risque, quand on donne des chiffres, c’est qu’arrive toujours un moment où l’on peut les vérifier : le Gouvernement se trouve souvent pris en flagrant délit de contradiction entre les proclamations et les résultats.

Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants soutient les objectifs inscrits dans la loi relative à la transition énergétique : 32 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale et réduction de 30 % de la consommation d’énergies fossiles à l’horizon 2030, réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Ils doivent permettre de préserver l’environnement et de lutter contre la catastrophe annoncée.

Nous déplorons pourtant, avec la totalité des grandes organisations environnementales – peu citées jusqu’à présent –, que les moyens alloués ne soient pas du tout à la hauteur de ces objectifs. Nous restons encore paralysés par la peur de franchir le pas ; il faut pourtant changer radicalement de modèle.

En matière de consommation d’énergies renouvelables, les chiffres montrent déjà que nous n’atteindrons pas nos objectifs. Il faudrait donc soutenir une augmentation du prix de l’électricité qui permette de financer le développement de ces énergies. En matière de logement, point crucial pour diminuer notre consommation d’énergie et notre production de gaz à effet de serre, l’objectif était de plus de 500 000 logements rénovés chaque année. Or nous n’en rénovons guère que 250 000 à 280 000 – et encore : il faudrait vérifier ce qu’il y a derrière ces chiffres. Il faudrait donc assurer une complète stabilité fiscale, mais aussi décentraliser les moyens d’intervention ; c’est le modèle de tous les pays du centre de l’Europe, et c’est la seule voie qui nous permettrait d’atteindre nos buts.

Je fais également miennes les critiques de l’Autorité environnementale, qui estime que la PPE est un document flou et qui regrette par exemple l’absence d’indicateurs quantifiés relatifs aux différentes filières. D’autres organisations, comme Amorce, ont également soulevé des problèmes. Il faudra d’urgence remettre la PPE à plat.

Je reviens rapidement sur la question nucléaire. J’étais présent, avec Julien Aubert, à la Conférence mondiale de l’énergie qui s’est tenue récemment à Istanbul. Il n’y a pas de condamnation du modèle nucléaire ; au contraire, beaucoup considèrent que celui-ci n’a pas dit son dernier mot. Avec la diversification du mix énergétique et la multiplication des modes de production, nous aurons toujours besoin d’une production énergétique de ce type. Le Gouvernement n’a malheureusement prévu aucune trajectoire claire pour le nucléaire, et je comprends la frustration de ceux qui ont fait campagne pour la diminution de cette part.

Il existe néanmoins quelques points positifs. Je pense surtout à la progression de la taxe carbone, obtenue surtout grâce au combat des parlementaires, au premier rang desquels Jean-Paul Chanteguet, avec un objectif de 56 euros la tonne en 2020 et 100 euros en 2030. Le plus facile a été fait ; et je formule le vœu que tous ceux qui conseillent les candidats à l’élection présidentielle continuent cette progression.

Mme Catherine Troallic. Je commence par féliciter les rapporteurs de la qualité de leur travail.

La transition énergétique présente aussi des enjeux économiques et sociaux : en favorisant les énergies renouvelables, en encourageant de nouveaux modes de consommation, en isolant les bâtiments, nous allons créer des milliers d’emplois durables et non délocalisables. C’est pour nos territoires une opportunité de croissance et de développement.

Si la transition énergétique fait naître des espoirs, elle suscite aussi des inquiétudes, par exemple au Havre. Pour qu’elle constitue une réussite économique et pour qu’elle soit bien acceptée, il ne faut pas brûler les étapes : il ne faut pas, par exemple, augmenter unilatéralement la taxe carbone dès 2017 ou envisager la suppression de l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur le charbon (TICC) pour les centrales à charbon ; de ce point de vue, la proposition d’un débat annuel sur l’énergie me paraît d’ailleurs judicieuse.

Il ne faut pas non plus décréter la fermeture des centrales à charbon dès 2023 sans prévoir l’avenir de ces sites industriels et de leurs salariés. La date de 2023 ne doit pas être comprise comme une fin en soi, mais comme une étape sur le chemin de la reconversion industrielle. Nous devons d’abord créer les infrastructures de production d’énergie renouvelable, soutenir les investissements dans l’éolien ou la reconversion des sites polluants : c’est une condition indispensable à la réussite de la transition énergétique dans ces territoires industriels maritimes, aujourd’hui en grande difficulté.

M. Jean-Marie Sermier. J’adresse également mes félicitations aux rapporteurs.

Je reviens sur l’épineux dossier nucléaire. La loi prévoit un plafonnement de notre capacité de production et la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité. Mais votre rapport permet de constater que notre production de CO2 s’accroît ; il montre aussi la mauvaise situation de l’Allemagne.

Serons-nous capables de tenir les engagements pris lors de la COP21 ? Ne risquons-nous pas une envolée de la facture d’énergie des ménages ?

Le prix de la tonne de carbone n’évolue que peu. Le rapport n’établit pas de comparaisons avec d’autre pays : ne pourrait-on pas l’envisager ?

Mme Jeanine Dubié. Je félicite moi aussi les rapporteurs de leur remarquable travail sur cette loi très dense.

Mes premières questions porteront sur le renouvellement des concessions hydro-électriques, et donc sur la mise en œuvre des articles 116 à 118 de la loi. Chacun connaît les efforts de Marie-Noëlle Battistel pour trouver une solution qui soit compatible avec le droit européen mais qui ne détruise pas le modèle français de concession. Malgré tous nos efforts au moment de l’examen de la loi, la Commission européenne a adressé une mise en demeure à la France. Un décret a été publié en avril 2016 : répond-il aux objections soulevées par la Commission ? Où en sont les négociations avec celle-ci ?

Où en est-on de la création des sociétés d’économie mixte hydroélectriques ?

J’aimerais également savoir si les mesures prises en faveur des entreprises électro-intensives ont été efficaces.

M. André Chassaigne. Je souligne, comme mes collègues, la grande qualité de ce rapport.

Je n’insisterai ici que sur un problème, particulièrement délicat : celui des colonnes montantes, sur lequel le rapport revient en détail. Il faut bien sûr se préoccuper du coût de leur rénovation. Mais il est désormais impossible, pour certains usagers, d’obtenir le branchement électrique de leur appartement. Je connais ainsi un jeune couple qui a acheté un logement en copropriété. ERDF leur a assuré qu’il n’y avait pas de problème d’alimentation électrique ; mais cette réponse ne portait que sur le réseau jusqu’au bâtiment, et non sur l’intérieur. Or, après avoir entièrement rénové le logement, et après avoir obtenu du Comité national pour la sécurité des usagers de l’électricité (Consuel) une attestation de conformité électrique, ce jeune couple s’est vu refuser le branchement par Enedis, au motif de la non-conformité à la norme dite C14-100 de la distribution collective dans la copropriété.

Voilà un cas très précis où la loi a provoqué un durcissement d’Enedis, qui refuse désormais d’effectuer des branchements en cas de non-conformité.

Mme Brigitte Allain. Je salue à mon tour le travail des rapporteurs.

Les écologistes se sont beaucoup impliqués dans les débats sur cette loi. Je regrette le retard pris par notre pays en matière de réduction de la part du nucléaire dans notre mix énergétique. Le Gouvernement manque du courage nécessaire pour agir en cohérence avec les objectifs fixés par la loi. En particulier, la PPE devrait conduire à la fermeture de 5 à 8 réacteurs d’ici à 2018, et de 19 à 24 réacteurs supplémentaires d’ici à 2023. C’est trois fois plus que ce que prévoit le Gouvernement. Ce n’est pas là un choix dogmatique, mais une condition nécessaire au développement des énergies renouvelables.

S’agissant de la méthanisation, où en est le secteur ? Le décret encadrant l’usage des cultures à vocation alimentaire dans les méthaniseurs, paru cet été, est-il appliqué ?

J’en viens enfin à la lutte contre le gaspillage. Quel bilan dressez-vous des « territoires zéro déchet zéro gaspillage » ? Comment continuer ce mouvement ? Si la loi Garot sur l’obligation du don pour les supermarchés a été largement médiatisée, la mesure qui prévoit un plan « anti-gaspi » dans les cantines scolaires est en revanche passée inaperçue. Une sensibilisation est-elle prévue ? Quels moyens sont consacrés à cette mesure, qui permettrait d’apprendre aux futurs adultes l’importance de la lutte contre le gaspillage ?

M. Guy Bailliart. Le travail des rapporteurs est en effet impressionnant. Il montre, et c’est réconfortant, que nous avançons.

Il est évidemment beaucoup plus coûteux et plus difficile d’isoler un bâtiment par l’intérieur plutôt que par l’extérieur ; de plus, cela entraîne des pertes importantes de surface habitable. On constate donc aujourd’hui un désintérêt vis-à-vis des bâtiments anciens en zone rurale. Nous risquons d’y perdre une partie de notre patrimoine. Il faudrait donc, à mon sens, valoriser les efforts d’isolation par l’intérieur, et donc de préservation de l’aspect extérieur, peut-être grâce à la Fondation du patrimoine et à des diminutions d’impôts.

En ce qui concerne la méthanisation, le rapport estime qu’il n’y aura pas de méthanisation à la ferme tant qu’il n’y aura pas de cultures dédiées. C’est parfaitement exact, et toutes les études le prouvent. C’est une question qu’il faut trancher.

Enfin, s’agissant des distances d’implantation des éoliennes, leur autorisation est maintenant subordonnée non seulement au respect de la distance d’au moins 500 mètres des habitations, mais aussi au respect d’une distance appréciée au regard de l’étude d’impact. Par expérience, je peux vous assurer que ce sera une source de contestations infinies. Ce sera, disons-le, tout à fait ingérable.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Mais c’est quelque chose que nous avons voté !

M. Éric Straumann. Je partage les préoccupations déjà exprimées sur le renouvellement des concessions hydroélectriques. La France doit garder la main, en prêtant toutefois attention aux disparités existant entre ce qui se pratique sur le Rhin et sur le Rhône : sur le Rhône, 25 % du chiffre d’affaires est reversé aux collectivités locales, contre 0 % sur le Rhin !

Monsieur le président, vous avez évoqué l’arrêté annonçant la fermeture de la centrale de Fessenheim. Beaucoup d’élus Les Républicains en Alsace sont hostiles à cette fermeture, vous le savez. On nous a parlé de l’éventuelle arrivée d’un constructeur américain de voitures électriques ; mais il n’y a aujourd’hui aucune solution de repli, alors que 800 emplois directs et 1 200 emplois indirects sont concernés. Les gens ne savent pas ce qui va se passer, et cette situation est inacceptable. La dissymétrie entre ce que l’on a fait pour Belfort et ses 400 emplois – que j’approuve entièrement – et l’indifférence qui règne autour de Fessenheim est inadmissible.

Enfin, il est dommage que l’écotaxe poids lourds n’ait pas été évoquée : elle est au cœur de la transition énergétique. Les élus alsaciens souhaitent la mise en œuvre d’une taxe de ce type, au moins sur le sillon rhénan : nos routes sont en effet encombrées par de nombreux poids lourds étrangers qui cherchent à échapper à la taxe allemande. Nous souffrons de ce report.

Mme Audrey Linkenheld. Je ne ferai que quelques observations rapides sur le titre II et la rénovation énergétique des logements. J’ai été un peu surprise d’entendre que le succès n’était pas au rendez-vous. Le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de notre Assemblée a rendu un rapport sur ce sujet le 19 octobre dernier : il en ressort que nous rénovons 395 000 logements par an, soit 79 % de l’objectif national de 500 000. Ce rapport indique également que nous dépensons beaucoup d’argent pour cela : environ 11 milliards d’euros annuels. Il souligne aussi, c’est vrai, que ces rénovations ne sont pas toujours de qualité. En tout cas, 79 %, ce n’est pas si mal !

Pour le reste, et toujours s’agissant du titre II, il me semble que le rapport montre les travers de la loi, que certains d’entre nous avaient déjà notés lors de son élaboration : pour mener véritablement à bien la transition énergétique, il faut absolument lier la question de l’habitat à celle de l’énergie. Sans collaboration très étroite entre les acteurs de ces deux secteurs, y compris les collectivités locales, nous n’avancerons guère. Nos actions dans le domaine de la transition énergétique et dans celui du logement ont malheureusement été parallèles ; or il est à mon sens indispensable de les faire converger.

M. François-Michel Lambert. Mes observations porteront sur l’économie circulaire. La définition claire et ambitieuse inscrite au titre IV de la loi a permis à la France de prendre le leadership sur ce sujet, devenu un enjeu majeur. La Commission européenne, qui estime qu’une stratégie d’économie circulaire à l’échelle européenne pourrait créer 2 millions d’emplois, prépare un paquet législatif ambitieux. À l’occasion de la COP22, l’accent sera mis sur l’économie circulaire comme modèle de développement pour le continent africain, un modèle qui permet de préserver et surtout de mieux utiliser les ressources.

Il ne s’agit donc pas de garder les yeux rivés sur des indicateurs quantitatifs ; il faut dessiner une stratégie pour faire bouger tout ce qui fait société : culture, éducation, fiscalité, soutien aux innovations… Nous entrons dans un monde en forte mutation, pas seulement en raison de la révolution numérique : je regrette profondément que nous ne disposions d’aucune stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire, comme le prévoyait la loi, et que le Parlement soit peu associé à ces travaux.

L’avance prise par la France est en train de se résorber ; pire encore, certaines collectivités très engagées – Paris et sa métropole notamment – sont abandonnées sans vision claire. Il faut le rappeler au Gouvernement.

M. Bernard Accoyer. Je m’inquiète du sort de notre ancien rapporteur Denis Baupin, qui a disparu pour les raisons que l’on sait : participe-t-il régulièrement aux travaux de la Commission ? Sinon, les conséquences de son absence ont-elles été tirées par l’Assemblée nationale ?

M. François-Michel Lambert. Rassurez-vous, Balkany est toujours là !

M. Bernard Accoyer. Franchement, je ne vois pas du tout le rapport ! Il existe une obligation de présence. Je n’ai pas vu M. Baupin depuis plusieurs mois et je m’inquiétais de sa situation.

En tout cas, notre collègue est un militant anti-nucléaire qui aura coûté très cher à notre pays et aura affecté le rayonnement de notre filière d’excellence. Les choix faits dans cette loi, notamment à l’article premier, auront de lourdes conséquences, entre autres en matière d’emploi. Je n’évoquerai pas ici l’acharnement contre la centrale de Fessenheim. Il faudra revenir sur ce texte, et notamment sur l’article premier.

Je souhaite m’exprimer ici sur les compteurs Linky. Leur mise en place se fait avec difficulté ; certaines collectivités ont même cru judicieux de délibérer à leur sujet. Ces problèmes viennent de notre manque de réaction complaisant vis-à-vis d’une campagne de désinformation anti-scientifique sur les prétendus effets de ces compteurs. S’il existait des effets sanitaires des radiofréquences, nous le saurions : tous les travaux ont montré le contraire.

Qu’en est-il de la mise en œuvre de l’article 28 ? Le rapport de l’Agence nationale des fréquences (ANFr) permettra-t-il enfin de lever toutes les interrogations en matière de santé publique ?

M. Gilles Savary. Je félicite les rapporteurs de ce travail remarquable. Il montre toute l’importance d’une loi qui aborde de façon quasi exhaustive les sujets liés à la transition énergétique – les polémiques sur le nucléaire ont pu occulter cet aspect. C’est un très grand texte, qui honore le Parlement, en particulier l’Assemblée nationale.

S’agissant des transports, enjeu considérable, je regrette que la France n’ait pas défini de stratégie très claire en ce qui concerne l’hydrogène. Nous allons installer beaucoup de prises électriques pour les voitures hybrides, sur lesquelles nous étions en retard, et dont le bilan énergétique est plutôt moyen si l’on tient compte des métaux rares qui servent à construire les batteries. Mais, aujourd’hui, Toyota a de nouveau dix ans d’avance sur nous et commercialise la première voiture à hydrogène.

S’agissant d’autre part des normes sur les produits phytosanitaires, la façon dont le Gouvernement applique la loi m’inquiète. La révision de l’arrêté considère, de manière très curieuse, que ce sont les productions végétales qui sont nuisibles, et non les produits phytosanitaires. Au lieu de supprimer ceux-ci, on s’apprête donc à réduire celles-là, en exigeant qu’elles s’écartent de vingt mètres des zones d’habitation, des haies, des ruisseaux… Pour vous donner une idée, cela revient à faire disparaître le vignoble du Médoc et des Graves. Imaginez les conséquences sur nos campagnes, mais aussi sur nos exportations ! Il y a là un problème de gouvernance : il faudrait peut-être mettre en place plus de protections transitoires, et encourager la recherche sur des produits alternatifs. Mais ne condamnons pas une surface agricole qui est l’une des plus remarquables d’Europe et du monde.

M. Serge Bardy. Je félicite moi aussi les rapporteurs.

L’article 91, qui porte sur l’extension à la presse de la REP papier, fait l’objet d’une analyse approfondie dans le rapport. Une mission m’a été confiée, ainsi qu’à Gérard Miquel, sur ce sujet, à la suite du vote quelque peu électrique de cette loi : la presse n’avait guère été auditionnée avant les débats. Nous avons essayé de déminer le terrain.

Le décret paru reprend nos préconisations, et je m’en félicite ; l’ensemble des acteurs sont satisfaits de ces nouvelles règles. Je souligne, contre ce que vous écrivez dans le rapport, que ce décret aurait pu ne jamais exister, car nombreux étaient ceux qui s’opposaient à sa parution.

Plus globalement, la REP papier fonctionne mal ; et c’est une mesure d’écologie punitive. Plus on a de papier à recycler, plus le papier recyclable est recyclé, plus l’éco-contribution augmente ! Il faudrait vraiment réfléchir à une refonte du système. Pendant la préparation du rapport, nous avons dû faire face à un lobbying très actif des collectivités locales, dont l’objectif était de gagner le plus d’argent possible, quitte à exporter ensuite le papier recyclé – car c’est une pratique qui se développe. Les plus grands défenseurs de l’augmentation de l’assiette de l’éco-contribution ne sont pas toujours des écologistes : ne soyons pas dupes !

M. Alain Leboeuf. Je voudrais revenir sur l’électro-mobilité. L’objectif des 7 millions de points de charge est ambitieux ; je rappelle néanmoins que, lors de la discussion d’une proposition de loi que vous aviez rapportée en 2014, Madame la présidente, le Gouvernement avait souhaité que les opérateurs soient encouragés. Mais ceux-ci ne sont pas tous au rendez-vous ! Certains investissements ont été décalés : je pense par exemple à ceux de l’entreprise Bolloré. Où en sont concrètement les déploiements ?

Le rapport évoque peu la question de l’hydrogène. Imaginons pourtant que nous utilisions plus de 2,5 millions de véhicules hybrides d’ici à 2030, et 1,9 million de véhicules électriques : le matin du 1er août, ou le soir à dix-neuf heures, nos réseaux électriques vont-ils résister ? Nous allons au-devant de vraies difficultés, que l’hydrogène permettra peut-être de pallier en partie.

Pourtant, lorsque l’on se déplace à Bruxelles pour défendre un projet de déploiement de l’hydrogène dans l’Ouest de la France, on apprend que ce projet ne peut être retenu par l’Europe, parce que le Gouvernement français n’a pas prévu que les autoroutes de l’hydrogène atteignent cette région ! Nous devrons être vigilants sur ce point.

M. Daniel Goldberg. Ma question portera sur le titre II et les économies d’énergie dans le bâtiment.

Le coût budgétaire du CITE a été multiplié par trois en quelques années. Ce dispositif est efficace : son existence permet d’engager plus de travaux. Mais la question de l’« effet prix » du crédit d’impôt se pose. Sommes-nous certains qu’il bénéficie aux consommateurs, aux ménages qui ont vraiment besoin de lutter contre les « passoires énergétiques » ?

D’autre part, les crédits de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) sont aujourd’hui stables, mais la question de ses ressources n’est toujours pas réglée. L’article 20 prévoyait la création d’un Fonds de garantie pour la rénovation énergétique, et le rapport exprime une grande insatisfaction quant au retard pris dans l’application de ce texte. Il s’agissait pourtant de mettre à la portée de tous la rénovation énergétique.

M. Yves Daniel. Aujourd’hui, lorsque l’on construit un bâtiment, on porte une grande attention à la performance énergétique et donc à l’isolation : les maisons se mettent à ressembler à des boîtes hermétiques ! Mais la question commence à se poser d’éventuels effets sur la santé des habitants. Il est bon de dépenser de l’argent pour protéger la planète, mais il serait dommage que cela entraîne des dépenses de santé supplémentaires… Le rapport, je crois, n’aborde pas ce sujet, sur lequel nous devrions peut-être nous pencher.

M. Frédéric Roig. Cette loi doit permettre aux pouvoirs publics, mais aussi à tous les citoyens, d’agir pour la croissance verte : il y a un travail important à mener pour créer des emplois durables, préserver l’environnement et adapter nos modèles économiques. Dans mon département, un projet vise à fédérer différents partenaires – GRDF, Enercoop… – pour développer des unités de production, de stockage et de distribution de biogaz à destination des véhicules, afin de valoriser les déchets organiques. Un autre, le projet Buxor, vise à développer un nouvel engrais 100 % naturel à partir du compost de broussaille.

Le Fonds de financement de la transition énergétique est un outil essentiel pour développer tous ces petits projets du quotidien qui permettront, aux côtés des grandes actions publiques, d’atteindre nos objectifs.

Mme Marie-Hélène Fabre. Les rapporteurs ont en effet réalisé un excellent travail.

Les territoires, je crois, se sont vraiment approprié l’idée de transition énergétique. Malheureusement, la restriction des zones en raison de contraintes militaires bloque de nombreux projets. Le traitement se fait au cas par cas, sans règle nationale.

Je me félicite des efforts faits pour lancer des fermes pilotes offshore. Des réponses doivent être apportées aux projets en cours dans les jours qui viennent.

Avez-vous évalué les résultats de la mise en place du chèque énergie ?

Mme la présidente Frédérique Massat. Monsieur Accoyer, pour obtenir une réponse à votre question sur l’absence des parlementaires, il faudra vous adresser au Président de l’Assemblée nationale.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Merci de ces nombreuses questions ; nous n’aurons malheureusement pas le temps de répondre à toutes.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. S’agissant du renouvellement des concessions hydro-électriques, la loi propose une boîte à outils qui doit permettre le renouvellement de concessions d’une grande partie du parc hydro-électrique français ; la méthode du barycentre est efficace et équilibrée. Les décrets d’application correspondent bien à l’esprit dans lequel les parlementaires ont voté cette loi.

Concernant les discussions avec la Commission européenne, nous avons évolué ; des discussions avec le Gouvernement et les concessionnaires sont en cours pour déterminer l’organisation des vallées et les conditions de prolongement des concessions. J’insiste, vous l’entendez, sur un renouvellement ou un prolongement des concessions, et non sur une mise en concurrence. Je demeure évidemment très vigilante.

En ce qui concerne les industries électro-intensives, elles sont très satisfaites des dispositifs votés : leurs tarifs n’étaient plus suffisamment attractifs, mais ils le redeviennent, puisque 250 dossiers ont été traités par RTE, et 191 se sont vu octroyer notamment l’abattement du TURPE, pour un montant abattu depuis le 1er janvier de 123 millions d’euros.

S’agissant du financement participatif, beaucoup d’acteurs, notamment les petites collectivités territoriales, craignent les contentieux. Pour les rassurer, le décret aurait peut-être pu apporter plus de précisions sur les seuils de participation des collectivités aux sociétés par actions et préciser le statut de l’intermédiation. Mais le processus n’en est qu’à ses débuts : la confiance devrait s’instaurer peu à peu.

En ce qui concerne l’hydrogène, je suis d’accord avec M. Leboeuf et M. Savary : il n’y a pas dans notre pays d’orientation hydrogène très claire, et c’est regrettable. Le rapport demandé au Gouvernement sur un plan de développement du stockage des énergies renouvelables par hydrogène décarboné – c’est l’article 121 – n’a pas été rendu. Notre rapport se prononce pour un soutien à la mobilité à l’hydrogène par l’intermédiaire de la commande publique et pour la prise en charge par les acteurs privés de l’extension du réseau des stations distribuant l’hydrogène. C’est un sujet d’avenir, dont il faut se préoccuper.

S’agissant des craintes pour la santé provoquées par l’installation du compteur Linky, les rapports de l’ANFr lèvent toutes les inquiétudes.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. M. Krabal s’interrogeait sur le « jaune » budgétaire prévu à l’article 174, sur le financement de la transition énergétique. Il n’est pas encore paru, mais comme il s’agit d’une annexe budgétaire, cela est imminent.

S’agissant de la PPE, il me demandait de préciser pourquoi je me déclare insatisfait. Tout d’abord, le décret n’est pas publié, même si nous en connaissons certains éléments.

L’article 176 dispose que la PPE « définit les objectifs quantitatifs de la programmation et l’enveloppe maximale indicative des ressources publiques de l’État et de ses établissements publics mobilisées pour les atteindre ». Cet engagement n’est pas tenu, et ces chiffres ne figurent pas dans le projet. D’autre part, si la stratégie de développement de la mobilité propre y figure, la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse ou le plan de programmation de l’emploi et des compétences ne font pas partie du projet de PPE.

La France est le pays le plus nucléarisé du monde, avec ses cinquante-huit réacteurs ; 76 % de notre électricité est d’origine nucléaire. Notre dépendance vis-à-vis du nucléaire est donc particulièrement forte : dans quelques semaines, vingt et un réacteurs seront arrêtés, et l’on se demande si nous ne risquons pas des coupures lors des pics de demande. Mme la ministre de l’environnement a écrit à Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, pour s’en inquiéter.

Diminuer la part de l’électricité nucléaire dans le mix énergétique nous paraît donc une priorité. Mais cette baisse appelle une anticipation, pour répondre aux questions des salariés et de tous les acteurs locaux.

En effet, le Président de la République s’était engagé à fixer un prix plancher de la tonne de carbone, ce qui aurait eu des conséquences importantes sur la viabilité des centrales thermiques à charbon. Cet engagement n’est pas réalisé, parce que les acteurs locaux comme les salariés s’y sont opposés – ce que l’on peut très bien comprendre.

Dans ce domaine, il est particulièrement indispensable de prévoir, de programmer.

Jean-Marie Sermier a évoqué le prix de la tonne de carbone. Sur les outils destinés à donner un prix au carbone, je vous renvoie à l’étude de la Caisse des dépôts et consignations, qui dresse un panorama de soixante-dix pays dans lesquels de tels dispositifs existent, et donne des indications sur les prix.

Monsieur Chassaigne, nous attendons le rapport sur les colonnes montantes. Nous l’avons réclamé. Il existe un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable, mais il n’est pas public, ce que nous regrettons particulièrement.

Je regrette, comme M. Straumann, l’abandon de l’écotaxe. Mais je me permets de rappeler ici qu’il a voté contre la publication du rapport que j’ai présenté sur ce sujet.

S’agissant de l’hydrogène, nous sommes effectivement en retard sur les autres pays. Monsieur Leboeuf, vous allez bientôt, je crois, en tant que président du syndicat départemental d’énergie et d’équipement de la Vendée, inaugurer dans ce département une station hydrogène : nous serons heureux de la visiter.

S’agissant du CITE, l’avis du comité des experts sur le projet de PPE est clair : « il faut prendre garde à l’explosion de cette ligne fiscale qui, budgétée en 2016 à 1,4 milliard d’euros, devrait en consommer cette année plus de 2 milliards. Ce levier fiscal, s’il crée de l’activité dans le secteur du bâtiment, ne satisfait que médiocrement l’objectif d’efficacité énergétique. Le crédit d’impôt développement durable (CIDD) finançait des bouquets de travaux, dont la performance énergétique était avérée ; le CITE finance des équipements isolés […] dont l’efficacité n’existe que si, dans le temps, d’autres travaux complémentaires interviennent. Les hypothèses de coût du dispositif sur la période paraissent mériter d’être interrogées ».

J’approuve à titre personnel cette analyse, et il conviendra d’estimer l’effet d’aubaine créé par le CITE et son efficacité réelle.

Le Fonds de garantie pour la rénovation énergétique, prévu à l’article 20, devait être doté de 1,5 milliard d’euros. Aujourd’hui, des crédits ont été redirigés vers ce fonds, mais il n’y a pas de moyens nouveaux, à l’exception d’une dotation de 250 millions d’euros allouée par la loi de finances rectificative pour 2015 et qui doit financer les 212 « territoires à énergie positive ». Les autres crédits identifiés dans différents documents ne constituent pas des financements nouveaux : 50 millions d’euros sont issus des fonds propres de la CDC ; 150 millions d’euros de recettes sont liés aux certificats d’économie d’énergie ; 300 millions d’euros sont alloués aux actions existantes du programme d’investissement d’avenir (PIA). Les 750 millions d’euros de crédits budgétaires prévus n’ont pas été inscrits dans la loi de finances initiale pour 2016.

Le chèque énergie a été expérimenté dans quatre départements. Nous constatons que le montant moyen de 150 euros paraît insuffisant : les ONG estiment qu’il faudrait atteindre 250 à 400 euros. L’extension du chèque énergie est prévue ; mais il faudra débourser des sommes très importantes, car 5 millions de foyers sont aujourd’hui en situation de précarité énergétique. L’augmentation du prix de la tonne de carbone, grâce à la contribution climat-énergie, devrait permettre de financer ce dispositif.

Nous n’avons pas répondu à toutes vos questions et nous vous demandons de bien vouloir nous en excuser.

M. Julien Aubert. Je partage entièrement des points de vue exprimés à droite – notamment par Alain Leboeuf, qui soulignait l’insuffisante réflexion sur le coût et le développement des infrastructures et la participation des industriels – comme à gauche – notamment par Gilles Savary. Sur les produits phytosanitaires, on a en effet trop souvent tendance aujourd’hui à multiplier les normes et les interdictions sans mesurer le risque pour l’économie réelle, et le risque de faire tout simplement disparaître des cultures.

Les questions ont fait surgir un problème de fond : celui du financement de la transition énergétique. Le rapport aurait pu insister sur ce point. Il y a par exemple une certaine cécité sur le CITE, si vous me permettez cette formule.

Le problème, c’est bien celui du coût de la tonne de CO2 évitée. Il ne suffit pas de mettre des milliards sur la table ; il faut nous interroger sur les mesures qui seront vraiment utiles – rénovation énergétique, développement des énergies vertes, interdiction de certaines énergies polluantes…

L’année dernière, la facture énergétique de la France s’est allégée de 11 milliards d’euros, grâce à la baisse du prix des énergies fossiles ; mais nous n’avons pas su tirer parti de cette moindre dépendance pour créer, grâce à des mécanismes d’équilibrage des prix à la pompe, des ressources pour la transition énergétique.

Dans l’article premiersont inscrits des objectifs très ambitieux – trop, à mon sens, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure. Ils sont surtout très peu financés, et c’est là, je le répète, le vrai problème. Nous avons beaucoup parlé du nucléaire ; mais nous devrions surtout nous poser la question du poids des énergies fossiles, ne serait-ce qu’en raison de notre dépendance vis-à-vis de producteurs extérieurs.

S’agissant du nucléaire, d’ailleurs, on dit qu’il serait nécessaire, pour atteindre les objectifs du Gouvernement, de fermer une vingtaine de réacteurs : eh bien, nous y sommes, et nous craignons maintenant des coupures ! On me répondra que nous ne disposons pas encore du potentiel photovoltaïque et éolien destiné à compenser ces fermetures. Mais, si nous ne parvenions pas à le construire, nous serions en 2025 dans la situation d’aujourd’hui : au moindre choc de demande d’électricité, les Français risquent de comprendre brutalement que c’est bien le nucléaire qui fournit à notre pays une énergie peu chère et qui permet à notre économie d’être compétitive.

*

La Commission des affaires économiques et la Commission du développement durable autorisent successivement la publication du rapport d’information.

1 () La composition de cette mission figure au verso de la présente page.

2 () Voir article 168

3 () Voir article 187

4 () Kunze et Lehmann, the myth of the dark side of the energy wende, Energypost, 17 février 2015 http://energypost.eu/energiewende-dark-side/

5 () Doc. n° 2952, Les plus belles sont mortelles, par Marc Goua et Hervé Mariton.

6 () Débats du 30 mars 2016.

7 () Doc. AN n° 2007, 5 juin 2014 : Rapport de la commission d’enquête relative aux coûts passés présents et futurs de la filière nucléaire, F Brottes, Président, D. Baupin, Rapporteur.

8 () Le droit du nucléaire, droit à penser, AJDA, 21 septembre 2015, p. 1680.

9 () L’audience a eu lieu le 22 septembre 2016.

10 () https ://www.edf.fr/groupe-edf/information-sur-l-origine-de-l-electricite-fournie-par-edf

11 () Bilan électrique 2015 – RTE

12 () Ministère de l’industrie, Rapport « Énergies 2050 », février 2012 : sur les 21 scénarios de sources diverses qui ont été analysés par ce rapport, 15 considèrent que la demande d’électricité en France se situera, à l’horizon 2030, entre 500 et 600 TWh, deux seulement considèrent qu’elle sera supérieure.

13 () Et autres décisions : V. Jean Charles Hélin, AJDA 15 juin 2015, p. 1164, qui souligne « l’effectivité inédite et l’efficacité remarquable » du principe de consultation.

14 () p. 130.

15 () voir le commentaire de l’article 213

16 () Voir le commentaire des articles 112 et 213.

17 () http://www.cre.fr/documents/publications/rapports-thematiques/les-interconnexions-electriques-et-gazieres-en-france

18 () Voir article 120

19 () Ce texte donne la définition suivante : « bâtiment dont la consommation d’énergie est quasi nulle », un bâtiment qui a des performances énergétiques très élevées déterminées conformément à l’annexe I. La quantité quasi nulle ou très basse d’énergie requise devrait être couverte dans une très large mesure par de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, notamment l’énergie produite à partir de sources renouvelables sur place ou à proximité »

20 () doc AN 2230, tome I, p. 152

21 () Décision du Conseil constitutionnel n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012, à propos du haut conseil des finances publiques.

22 () Art. 11, I, 7 : « Toute autre personne exerçant un emploi ou des fonctions à la décision du Gouvernement pour lesquels elle a été nommée en conseil des ministres »

23 () En revanche, le caractère industriel et commercial du centre relève du seul domaine règlementaire (CC, n° 87-150 L du 17 mars 1987)

24 () http://www.cstb.fr/assets/documents/rapport-activite-2015.pdf

25 () La consultation des comités techniques paritaires de deux établissements fusionnés constitue une garantie du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail (Conseil d’État, 23 décembre 2011, M. Danthony, n° 335033).

26 ()http://www.batimentnumerique.fr/uploads/DOC/Rapport%20carnet%20numerique%20de%20suivi%20et%20d%20entretien%20du%20logement.pdf : « Le cadre défini par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte est considéré par les juristes consultés comme insuffisant pour que puisse être pris un texte réglementaire définissant le carnet numérique sous la forme d’un service en ligne. », mais on voit mal où sont ces insuffisances, à la lecture du rapport qui remet en réalité en cause la question du financement et du consentement des acteurs et celle de la place de la puissance publique.

27 () http://www.rt-batiment.fr/batiments-neufs/reglementation-thermique-2012/presentation.html.

28 () Rapport n° 2230, tome I, p. 214.

29 () « Dans les immeubles comprenant plusieurs appartements et les immeubles mixtes équipés d’une installation centrale de chaleur/ froid ou alimentés par un réseau de chaleur ou une installation centrale desservant plusieurs bâtiments, des compteurs individuels de consommation sont également installés d’ici au 31 décembre 2016 pour mesurer la consommation de chaleur, de froid ou d’eau chaude de chaque unité, lorsque cela est techniquement possible et rentable. Lorsqu’il n’est pas rentable ou techniquement possible d’utiliser des compteurs individuels pour mesurer la consommation de chaleur, des répartiteurs des frais de chauffage individuels sont utilisés pour mesurer la consommation de chaleur à chaque radiateur, à moins que l’État membre en question ne démontre que l’installation de tels répartiteurs n’est pas rentable »

30 () EDRF est devenue, au mois de mai, ENEDIS. Le présent rapport utilise l’une ou l’autre de ses appellations, puisque l’ancien intitulé correspond parfois à l’état du droit au moment de l’application de la loi.

31 () Réponse du 27 novembre 2012 à une question écrite de Jacqueline Fraysse, n° 3385.

32 () Le présent rapport reproduit le document tel que diffusé

33 () Idem.

34 () https://www.cnil.fr/sites/default/files/typo/document/Pack_de_Conformite_COMPTEURS_COMMUNICANTS.pdf

35 () Unité de mesure des certificats d’économie d’énergie, le kWh cumac est le kWh d’énergie finale cumulée et actualisée sur la durée de vie du produit. Il est rappelé que 1 TWh représente 1 milliard de kWh.

36 () CR n° 43, 2 février 2016.

37 () Voir article 43

38 () L’article 17 de la loi (n° 2015-1786), de finances rectificative pour 2015 a créé, dans le tableau annexé à l’article 265 du code des douanes, un montant spécial de TICPE pour le « supercarburant d’une teneur en plomb n’excédant pas 0,005 g/litre, autre que les supercarburants correspondant aux indices d’identification 11 et 11 bis, et contenant jusqu’à 10 % volume/volume d’éthanol, 22 % volume/volume d’éthers contenant 5 atomes de carbone, ou plus, par molécule et d’une teneur en oxygène maximale de 3,7 % en masse/masse d’oxygène » et baissé de deux centimes le montant de la TICPE qui lui est applicable par rapport à celui des autres carburants.

39 () La mission rejoint sur ce point les observations du rapport d’information n° 4109 sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale, par notre collègue Delphine Batho

40 () n° 4340, 9 février 2012.

41 () rapport d’information n° 4109, précité

42 () 2015.

43 () http://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-26301-ikv-rapport-2016.pdf

44 () N° 324322 : « constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année », encore convient-il d’indiquer que cette décision porte sur l’application de l’article L. 214-1 du code de l’environnement, alors que le présent article porte sur l’article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques

45 () https ://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030555873

46 () voir infra, article 68

47 () http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/democles-201607-rapport.pdf

48 () http://www.insee.fr/sessi/publications/dossiers_sect/pdf/plasturgie08.pdf

49 ()Dans sa version résultant des directives n° 2004/12/CE du 11 février 2004, article 1er et n° 2015/720 du 29 avril 2015, article 1er : « Tout produit constitué de matériaux de toute nature, destiné à contenir et à protéger des marchandises données, allant des matières premières aux produits finis, à permettre leur manutention et leur acheminement du producteur au consommateur ou à l’utilisateur, et à assurer leur présentation. Tous les articles à jeter utilisés aux mêmes fins doivent être considérés comme des emballages. »

50 () http://awsassets.wwfffr.panda.org/downloads/rapport_wwf_les_signaux_de_la_transition_energetique.pdf

51 () Contre 1,2 pour la période 2000-2012.

52 () « Les opérateurs de gestion de déchets ne peuvent gérer des déchets d’équipements électriques et électroniques que s’ils disposent de contrats passés en vue de la gestion de ces déchets avec les éco-organismes agréés ou avec les systèmes individuels mis en place par les personnes mentionnées au même premier alinéa. »

53 () n° 1402450,15 décembre 2015

54 () L’ADEME rappelle que les engins de plage (planches à voile, kitesurfs, surfs, wakeboards, bodyboards, etc.) ne sont pas considérés comme des navires du fait des décrets n° 84-810 du 30 août 1984 relatif à la sauvegarde de la vie humaine, à l’habitabilité à bord des navires et à la prévention de la pollution et n° 2016-763 du 9 juin 2016 relatif à la mise sur le marché des bateaux et navires de plaisance, des véhicules nautiques à moteur, de leurs moteurs de propulsion et éléments ou pièces d’équipement et de l’article 97 de la présente loi.

55 () « Au premier alinéa de l’article L. 541-10-10 du code de l’environnement, l’année : « 2017 » est remplacée par l’année : « 2018 ».

56 () http://www.ademe.fr/etude-prealable-a-mise-place-filiere-collecte-traitement-navires-plaisance-sport-hors-dusage-sous-responsabilite-producteurs-rep

57 () Assemblée nationale débats 10 octobre 2014

58 () Assemblée nationale débats 2e séance du 21 mai 2015.

59 () Y compris la presse gratuite, laquelle est incluse dans le champ du texte, puisque le 4° de l’article 72 de l’annexe III du code général des impôts, qui vise le critère de « Faire l’objet d’une vente effective au public, au numéro ou par abonnement, à un prix marqué ayant un lien réel avec les coûts, sans que la livraison du journal ou périodique considéré soit accompagnée de la fourniture gratuite ou payante de marchandises ou de prestations de services n’ayant aucun lien avec l’objet principal de la publication » n’est pas retenu par le présent article.

60 () Le rapport de MM Bardy et Miquel note à cet effet : « Concernant la presse gratuite, pour laquelle la notion d’invendus n’est par définition pas applicable et qui n’est pas conservée, il faut noter que plusieurs conventions tarifées ont été conclues avec les collectivités territoriales et les opérateurs de transport public. Ces conventions autorisent l’occupation de l’espace pour la mise à disposition ou la diffusion des titres de presse gratuite, dont certaines incluent également une participation financière aux frais de nettoyage et de gestion des déchets et/ou une obligation de prendre en charge les journaux jetés à proximité immédiate des lieux de distribution. Ainsi, si l’abattement forfaitaire n’est manifestement pas applicable à la presse gratuite, celle-ci devrait toutefois pouvoir déduire de sa contribution la part de ses tonnages échappant au SPGD et non assimilés à du gisement pré-consommateur, sur la base de déclarations au réel et/ou d’un conventionnement avec EcoFolio » (p. 43).

61 () Justifié par les conditions de conservation et d’élimination des publications, dont une partie échappe au service public de gestion des déchets : « Le taux de conservation est quasi-nul pour certaines catégories de presse (presse gratuite d’information par exemple) mais peut être extrêmement élevé pour certains types de presse (ex : jusqu’à 94 % pour un titre comme « Le Journal des Maires »). Certes, une grande partie de ces exemplaires conservés font l’objet, à terme, d’opérations de déstockage, et finissent par être jetés. Ces opérations de déstockage échappent cependant en partie au SPGD, soit parce qu’elles sont gérées par des sociétés privées, soit parce qu’elles entrent dans des chaînes de l’économie circulaire. », cet abattement, qui pourrait donc ne pas être uniforme, découle de la fixation des barèmes par l’arrêté ministériel.

62 () Source / FEDEREC, rapport public 2015, partie IV.

63 () Doc AN N° 2230, tome, p. 406

64 () Votre Rapporteur Julien Aubert souhaitait une meilleure prise en compte des spécificités géographiques (rapport A.N. n° 2230, précité, p. 408). On peut considérer que le rayon de 10 kilomètres assouplit une obligation qui aurait pu s’avérer gênante si la notion de proximité avait été entendue dans un sens plus rigoureux par le décret, et que la recherche d’une meilleure mutualisation est un moyen de répondre à l’obligation.

65 () A été renvoyée par le Conseil d’État au Conseil constitutionnel, le 17 octobre 2016, une QPC n° 399713 portant sur les dispositions de cet article au motif « que le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment en ce que le législateur, en imposant à tout distributeur de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels une obligation de s’organiser pour la reprise des déchets issus des mêmes types de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels qu’il vend, a méconnu la liberté d’entreprendre et le principe d’égalité devant la loi, n’a pas prévu les garanties nécessaires au respect de cette liberté et de ce principe et qu’il a méconnu le principe réservant au législateur la détermination des crimes et délits, soulève une question présentant un caractère sérieux ».

66 () Seuls 50 % des papiers de bureau sont recyclés aujourd’hui. Federec estime le gisement à 200 000 tonnes, s’ajoutant aux 400 000 tonnes de papier actuellement recyclées.

67 () Référence 8887

68 () Libération, 3 septembre 2016.

69 () Devenu l’article L 100-4 (4e) du code de l’énergie.

70 () Conseil constitutionnel, décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999 : « l’article 38 de la Constitution fait obligation au Gouvernement d’indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu’il présente, la finalité des mesures qu’il se propose de prendre par voie d’ordonnances ainsi que leur domaine d’intervention »

71 () Arrêté du 19 décembre 2012 désignant l’organisme en charge de la délivrance, du transfert et de l’annulation des garanties d’origine de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables ou par cogénération.

72 () n° 4122.

73 () L’échéancier des décrets sur Légifrance indique que ces dispositions figurent dans le décret n° 2016-691 alors qu’elles figurent dans le décret n° 2016-682.

74 ()http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2016/02/dossier_de_presse__90_nouvelles_mesures_de_simplification_pour_les_entreprises.pdf

75 () « Freins au développement de la méthanisation dans le secteur agricole », Pierre Roussel, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts et François Roussel, inspecteur général de l’agriculture, novembre 2012 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000151.pdf (accès le 12 juillet 2016)

76 () voir le commentaire de l’article 66

77 () Centrales sur réserve d’eau plus importante, utilisées en période de pointe.

78 () Europe parlementaire, n° 28, juillet septembre 2016, p. 23

79 () Annexe du décret n° 2016-530 : « Le contrat de concession pourra prévoir un dispositif de réduction de la durée de la concession, à la demande de l’État et sans indemnités pour le concessionnaire, applicable seulement à partir d’une date fixée dans le contrat et lorsque les recettes ou revenus nets cumulés du concessionnaire sont supérieurs à une valeur cible, elle-même supérieure au cumul des recettes ou revenus nets cumulés sur la durée de la concession, tels qu’ils étaient prévus à la date de signature du contrat. Les conditions précises d’application de ce mécanisme sont alors définies dans le contrat. »

80 () La Commission européenne a envoyé cette lettre de mise en demeure au titre de l’article 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). En vertu de l’article 106 du TFUE, les États membres sont tenus de veiller, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, à n’édicter et à ne maintenir aucune mesure contraire aux règles des traités, et notamment aux règles de concurrence.

81 () n° 860

82 () N° 820

83 () « Les dépenses supportées par l’État pour réaliser les études techniques de qualification des sites d’implantation sur lesquels portent les procédures de mise en concurrence ou celles relatives à l’organisation matérielle des consultations du public en lien avec la mise en œuvre de ces procédures, notamment s’agissant du choix des sites d’implantation, peuvent en tout ou partie faire l’objet d’un remboursement par les candidats retenus. Dans ce cas, les conditions de ce remboursement sont mentionnées dans le cahier des charges »

84 () Arrêté du 22 juin 2016 fixant les conditions dans lesquelles la société GRDF peut injecter à titre expérimental un mélange composé de gaz naturel et d’hydrogène dans le réseau de distribution de gaz de la commune de Cappelle-la-Grande sur le territoire de la communauté urbaine de Dunkerque.

85 () http://www.bordeaux.fr/images/ebx/fr/CM/8810/8/acteCM/53390/pieceJointeSpec/118146/file/acte_00030895_C.pdf

86 () n° 561, enregistré à la Présidence du Sénat le 27 avril 2016.

87 () En la matière, il convient de rappeler les dispositions de l’article 8 de la directive du 8 juillet 2014, que le 6° du I de l’article 128 prévoit de transposer :

1.   Les États membres veillent à ce que les informations nécessaires en relation avec la sûreté nucléaire des installations nucléaires et la réglementation y afférente soient mises à la disposition des travailleurs et de la population, en prenant particulièrement en considération les autorités locales, la population et les parties prenantes se trouvant dans le voisinage d’une installation nucléaire. Cette obligation inclut de faire en sorte que, dans leurs domaines de responsabilité respectifs, l’autorité de réglementation compétente et les titulaires d’une autorisation fournissent, dans le cadre de leur politique de communication :

a) des informations sur les conditions normales de fonctionnement des installations nucléaires aux travailleurs et à la population ; et

b) des informations rapides, en cas d’incident ou d’accident aux travailleurs et à la population, ainsi qu’aux autorités de réglementation compétentes d’autres États membres se trouvant dans le voisinage d’une installation nucléaire.

2.   Les informations sont mises à la disposition du public conformément à la législation et aux instruments internationaux applicables, à condition que cela ne nuise pas à d’autres intérêts supérieurs, notamment la sécurité, qui sont reconnus par la législation ou les instruments internationaux applicables. »

88 () Rapport n° 3614 (Sénat 701) par MM. Christian Bataille et Bruno Sido

89 () Tome I, p. 119.

90 () V. Brunet–Lecomte et Chabanne–Pouzynin, Bulletin du droit de l’environnement industriel, n° 65, septembre 2016.

91 () Commission d’enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l’électricité nucléaire, dans le périmètre du mix électrique français et européen, ainsi qu’aux conséquences de la fermeture et du démantèlement de réacteurs nucléaires, notamment de la centrale de Fessenheim, rapport n° 2007.

92 () Voir la préconisation faite par le rapport n° 3614 (Sénat n° 701) au nom de l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques par MM. Christian Bataille et Bruno Sido : « la mise en place d’un correspondant-référent de la médecine du travail pour chaque site, chargé de vérifier les dossiers de santé ».

93 () Decommissioning of facilities, _8 juillet 2014

94 () V ; aussi au sujet de la centrale du Bugey : 22 février 2016 n° 373516, une procédure inchangée, après la promulgation de la présente loi, quant à la nécessité d’un décret de mise à l’arrêt définitif et de démantèlement

95 () Commission d’enquête relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire, à la durée d’exploitation des réacteurs et à divers aspects économiques et financiers de la production et de la commercialisation de l’électricité nucléaire, dans le périmètre du mix électrique français et européen, ainsi qu’aux conséquences de la fermeture et du démantèlement de réacteurs nucléaires, notamment de la centrale de Fessenheim, rapport précité n° 2007, 5 juin 2014.

96 () P. 289

97 () sur la nécessité d’un décret, voir les décisions citées supra

98 () le processus a été lancé

99 () www.atlantico.fr/decryptage/fessenheim-combien-coute-reellement-fermeture-centrale-nucleaire-henri-prevot-720232.html#MStmEA1delgBzKL0.99 :  « En simplifiant, disons que le coût de production de l’électricité nucléaire, avec les réacteurs en fonctionnement aujourd’hui, est formé à hauteur de 10 €/MWh (euros par mégawattheure) par le combustible (y compris le traitement des déchets), de 10 €/MWh par les dépenses de fonctionnement des centrales et de 20 à 30 €/MWh par des dépenses (investissements et frais généraux) qui ne seront pas diminuées par l’arrêt de la centrale. Et le prix de vente est de l’ordre de 50 €/MWh. Si la centrale s’arrête, c’est donc 50 €/MWh de moins de recettes et seulement 20 €/MWh de moins de dépenses, soit un « coût » pour l’entreprise de 30 €/MWh. Comme la centrale produit entre 12 et 14 millions de MWh par an, le coût pour le producteur serait de près de 400 millions d’euros par an – 4 milliards en dix ans, 8 milliards en vingt ans ».

100 () Par lettre du 9 octobre 2015 https ://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/producteur-industriel/carte-des-implantations/centrale-flamanville%203%20-%20epr/publications/9.10.15_courrier_de_demande_dextension_du_delai_de_mes_dans_le_dac.pdf

101 () Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire, n° 561, enregistré à la Présidence du Sénat le 27 avril 2016.

102 () La rédaction de cette définition sera modifiée à compter du 1er juillet 2017 par l’entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de l’article L. 1333-1 du code de la santé publique prévue par l’ordonnance du 10 février 2016 : « activités comportant un risque d’exposition des personnes aux rayonnements ionisants lié à la mise en œuvre soit d’une source artificielle, qu’il s’agisse de substances ou de dispositifs, soit d’une source naturelle, qu’il s’agisse de substances radioactives naturelles ou de matériaux contenant des radionucléides naturels »

103 () « Une source naturelle, qu’il s’agisse de substances radioactives naturelles ou de matériaux contenant des radionucléides naturels »

104 () Conseil d’État 22 février 2016, 373516.

105 () Votre mission rappellera à cet égard par exemple la décision du conseil constitutionnel relative aux sanctions prononcées par l’ARCEP, n° 2013- 331 du 5 juillet 2013 : « Considérant que, selon le premier alinéa de l’article L. 132 du code des postes et des communications électroniques, les services de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont placés sous l’autorité du président de l’Autorité ; que, selon l’article D. 292 du même code, le directeur général est nommé par le président de l’Autorité, est placé sous son autorité et assiste aux délibérations de l’Autorité ; que, par suite et alors même que la décision de mise en demeure relève du directeur général, les dispositions des douze premiers alinéas de l’article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, qui n’assurent pas la séparation au sein de l’Autorité entre, d’une part, les fonctions de poursuite et d’instruction des éventuels manquements et, d’autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements, méconnaissent le principe d’impartialité ; que celles de ces dispositions qui sont de nature législative doivent être déclarées contraires à la Constitution »

106 () Conseil constitutionnel 9 octobre 2013, n° 2013-675 DC

107 () On peut s’interroger sur le point de savoir si une telle enquête est en tout point conforme à la jurisprudence la plus récente du Conseil constitutionnel en matière d’échanges d’informations, la décision n° 2016- 569 QPC du 23 septembre 2016 manifeste à cet égard une exigence que vos rapporteurs jugent tout à fait excessive : « le législateur a prévu que puisse être transmise à l’état-major de sécurité et à la cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure « toute information » que les juridictions de l’application des peines et le service pénitentiaire d’insertion et de probation « jugent utile » au bon déroulement du suivi et du contrôle des personnes condamnées, sans définir la nature des informations concernées, ni limiter leur champ. Ce faisant, même s’il s’agissait d’améliorer le suivi et le contrôle des personnes condamnées, de favoriser l’exécution des peines et de prévenir la récidive, le législateur a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ». En dépit même de son évidente utilité, un tel dispositif est contraire à la Constitution.

108 () Directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants et abrogeant les directives 89/618/Euratom, 90/641/Euratom, 96/29/Euratom, 97/43/Euratom et 2003/122/Euratom.

109 () CEDH 21 février 2008 Ravon c/France Requête n° 18497/03.

110 () Cet article prévoit que le non-respect d’une mise en demeure est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

111 () Cet article prévoit que l’entrave aux contrôles est punie de six mois d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

112 () Directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants et abrogeant les directives 89/618/Euratom, 90/641/Euratom, 96/29/Euratom, 97/43/Euratom et 2003/122/Euratom.

113 () Cf. article 5 de la même directive 2013/59/Euratom du 5 décembre 2013

114 () Cf. article 7 de la directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants.

115 () Directive 2012/18/UE du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (modifiant puis abrogeant la directive 96/82/CE du Conseil

116 () Directive 2014/87/Euratom du Conseil du 8 juillet 2014 modifiant la directive 2009/71/Euratom établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires.

117 () Décret n° 2014-285 du 3 mars 2014 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement.

118 () Loi n° 2015-1567 du 2 décembre 2015 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques.

119 () Projet de loi n° 561 ratifiant l’ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire, enregistré à la Présidence du Sénat le 27 avril 2016.

120 () Décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives.

121 () Arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales relatives aux installations nucléaires de base.

122 () Cf. article 8 quater de la directive 2014/87/Euratom du Conseil du 8 juillet 2014 relative au cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires.

123 () Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution).

124 () C’est-à-dire des techniques les plus efficaces en matière de prévention et de réduction des émissions, qui sont réalisables d’un point de vue technique et économiquement viables dans le secteur concerné.

125 () Directive 2011/70/Euratom du Conseil, du 19 juillet 2011, établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs.

126 () Directive 92/3/Euratom du Conseil, du 3 février 1992, relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs entre États membres ainsi qu’à l’entrée et à la sortie de la Communauté.

127 () Directive 2006/117/Euratom du Conseil du 20 novembre 2006 relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs et de combustible nucléaire usé.

128 () Directive 2009/71/Euratom du Conseil du 25 juin 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires.

129 () Une substance radioactive est une substance qui contient des radionucléides, naturels ou artificiels, dont l’activité ou la concentration justifie un contrôle de radioprotection (article L. 542-1-1 du code de l’environnement).

130 () Dont la rédaction qui doit entrer en vigueur au 1er juillet 2017 en application de l’ordonnance du 10 février 2016 qui prévoit que « le fournisseur de sources radioactives scellées est tenu de récupérer, sur demande du détenteur, toute source qu’il a distribuée »

131 () Du fait de l’accord du 9 novembre 2010 relatif à la prise en charge sur le territoire français de déchets radioactifs monégasques

132 () Décret n° 2013-1304 du 27 décembre 2013 pris pour application de l’article L. 542-1-2 du code de l’environnement et établissant les prescriptions du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs

133 () Projet de Plan National de Gestion des Matières et des Déchets Radioactifs 2016-2018, p. 47 (http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/1_-_Projet_PNGMDR_2016-2018.pdf)

134 () Conseil d’État, 9 décembre 2011 n° 324294 : « Considérant que si l’annexe I de la convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public aux processus décisionnels et l’accès à la justice en matière d’environnement vise, au nombre des projets dont elle exige qu’ils soient soumis à une procédure de participation du public, tant la création que le démantèlement des centrales nucléaires, la convention d’Aarhus n’a pas pour effet d’imposer que le démantèlement des centrales nucléaires soit, à l’instar de la création de telles installations, soumis à la procédure prévue par les articles L. 121-1 et suivants du code de l’environnement » On souligne que cette décision porte sur un régime d’autorisation explicite et, donc, qu’elle serait logiquement a fortiori identique s’agissant d’un arrêt définitif en application de l’article 127 de la présente loi.

135 () « Art. L. 123-20 : L’État peut consulter les électeurs d’une aire territoriale déterminée afin de recueillir leur avis sur un projet d’infrastructure ou d’équipement susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement dont la réalisation est subordonnée à la délivrance d’une autorisation relevant de sa compétence, y compris après une déclaration d’utilité publique » (ordonnance n° 2016-488 du 21 avril 2016)

136 () « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant incidence sur l’environnement. ». Voir le commentaire de l’article 70 ci-dessus.

137 () Doc. AN n° 2398, 31 mars 2010.

138 () Rapport DGEC, les objectifs pour le développement des énergies renouvelables, avril 2016, p. 19.

139 () Dont 637 MW sur le réseau de transport, 9 660 MW sur le réseau d’Enedis, 532 MW sur les réseaux des ELD et 18 MW sur le réseau d’EDF-SEI en Corse. Sur les douze derniers mois, le parc métropolitain progresse de 11 % avec 1 076 MW nouvellement raccordés (Panorama des énergies renouvelables, RTE)

140 () précité, p. 286.

141 () Huit associations ont annoncé avoir déposé un recours, reçu par la Cour administrative d’appel de Nantes le 11 octobre 2016 contre l’arrêté préfectoral autorisant ce parc éolien de 75 éoliennes à 10 km au large, contestant « une destruction de ce site emblématique des plages du Débarquement »., Le 12 octobre la Chambre de commerce de Cherbourg (Manche) a, en revanche, diffusé un manifeste pour soutenir le projet de Courseulles, notamment signé par 10 maires de communes littorales.

142 () Six fédérations ou associations nationales, régionales et locales, se sont jointes à une association locale de « Protection du site des Petites Dalles » pour déposer un recours contre ce projet portant sur 83 éoliennes le 16 août 2016.

143 () Entreprise espagnole

144 () Validé par le conseil d’État : 9 mars 2016, n° 384092

145 () Étude marché et emploi relative à l’efficacité énergétique, novembre 2014.

146 () http://fee.asso.fr/wp-content/uploads/2015/11/Observatoireeolien2015_VF_FEE.pdf

147 () L’article 62 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics prévoit que l’attribution du marché peut se fonder : « sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l’objet du marché public ou à ses conditions d’exécution au sens de l’article 38 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s’agir, par exemple, des critères suivants :

a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l’accessibilité, l’apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l’environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture, d’insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ;

b) Les délais d’exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l’assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l’interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ;

c) L’organisation, les qualifications et l’expérience du personnel assigné à l’exécution du marché public lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d’exécution du marché public.

D’autres critères peuvent être pris en compte s’ils sont justifiés par l’objet du marché public ou ses conditions d’exécution ».

148 () CAA Nancy, SNC MSE Le Haut des Épinettes, 12 juin 2014.

149 () « Sont établis par addition du prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, du coût du complément d’approvisionnement au prix de marché, de la garantie de capacité, des coûts d’acheminement de l’électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d’une rémunération normale de l’activité de fourniture. », système qui se substitue au précédent, lequel devait s’achever au 31 décembre 2015.

150 () Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 3 décembre 2015 portant avis sur le projet de décret modifiant le décret n° 2009-975 du 12 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité.

151 () « Les entreprises électro-intensives, concentrées dans quelques secteurs, sont stratégiques pour l’économie », avril 2013.

152 () Consultation publique du 3 mai 2016 de la Commission de régulation de l’énergie relative à l’évolution annuelle au 1er août 2016 des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dans les domaines de tension HTB, HTA et BT.

153 () Gaz de type H : 10,7 à 12,8 kWh/m3(n) (combustion 25°C : 10,67 à 12,77

Gaz de type B : 9,5 à 10,5 kWh/m3(n) (combustion 25°C : 9,48 à 10,47)

154 () Projet de loi n° 4122 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.

155 () Voir le commentaire de l’article 176, et l’article 5 du projet de loi n° 4122, déposé le 12 octobre 2016.

156 () Article L. 271-1 du code de l’énergie : « Un effacement de consommation d’électricité se définit comme l’action visant à baisser temporairement, sur sollicitation ponctuelle envoyée à un ou plusieurs consommateurs finals par un opérateur d’effacement ou un fournisseur d’électricité, le niveau de soutirage effectif d’électricité sur les réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité d’un ou de plusieurs sites de consommation, par rapport à un programme prévisionnel de consommation ou à une consommation estimée. ».

157 () Voir M. N. Battistel, rapport d’information n° 3690, 26 avril 2016.

158 () Même référence.

159 () Évaluation des économies d’énergie et des effets de bord associés aux effacements de consommation, mars 2016
https ://clients. rte-france.com/htm/fr/mediatheque/telecharge/20160401_Rapport_report_complet. pdf

160 () voir supra, article 119.

161 () Voir l’article 69

162 () Cet article, dans sa version résultant de l’ordonnance du 7 avril 2016, renvoie à son tour à la PPE, laquelle conditionne donc la possibilité de passer des appels d’offres : « « Art. L. 446-5.-I.-Lorsque les capacités de production de biogaz destiné à être injecté dans le réseau de gaz ne répondent pas aux objectifs chiffrés de la programmation pluriannuelle de l’énergie, notamment ceux concernant les techniques de production et la localisation géographique des installations, l’autorité administrative peut recourir à une procédure d’appel d’offres. »

163 () « Il est proposé que, dans l’attente de la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie, les objectifs de développement des énergies renouvelables, qui comprennent les objectifs de développement du biogaz injecté, valent programmation pluriannuelle de l’énergie.

- Nécessité de légiférer et options

Une disposition législative est nécessaire pour permettre, dans l’attente de la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie et en l’absence d’objectif chiffré dans le plan indicatif pluriannuel des investissements dans le secteur du gaz, d’engager des appels d’offres portant sur la production de biométhane injecté.

- Analyse des impacts des dispositions envisagées

La disposition envisagée permettra le recours à la procédure d’appel d’offres en cas d’écart avec les objectifs de développement prévus sans attendre la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie. »

164 () Votre Rapporteur souhaite, à ce sujet, attirer l’attention sur le rapport du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (CNEFOP) de février 2015 « Propositions de priorités nationales de formation liées à la transition écologique et recommandations pour les futurs CPRDFOP » dont les propositions gagneraient à être plus ouvertement débattues.

165 () Rapport n° 126 (2015-2016) de M. Jacques Mézard, fait au nom de la commission d’enquête sur les Autorités administratives indépendantes, déposé le 28 octobre 2015

166 () https ://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/producteur-industriel/carte-des-implantations/centrale-flamanville%203%20-%20epr/publications/9.10.15_courrier_de_demande_dextension_du_delai_de_mes_dans_le_dac.pdf

167 () Art. R 229-52 : « Pour les gaz à effet de serre, sont soustraites de ces émissions directes les émissions liées aux installations de production d’électricité, de chaleur et de froid du territoire et sont ajoutées, pour chacun des secteurs d’activité, les émissions liées à la production nationale d’électricité et à la production de chaleur et de froid des réseaux considérés, à proportion de leur consommation finale d’électricité, de chaleur et de froid »

168 () http://www.ademe.fr/schema-directeur-dun-reseau-existant-chaleur-froid-guide-realisation

169 () La synthèse de l’étude est disponible à l’adresse suivante : https ://inra-dam-front-resources-cdn. brainsonic. com/ressources/afile/334932-f7d2d-resource-synthese-de-l-organisation-des-filieres-biomasse-pour-loenergie. html

170 () Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 17 mars 2016 portant avis sur le projet de décret relatif au service de flexibilité locale.

171 () RTE a déjà diffusé une analyse, qui ne peut tenir lieu de rapport définitif, en l’absence de données plus complètes : www.rte-france.com/sites/default/files/rei_bd_1.pdf

172 () https ://www.chequeenergie.gouv.fr/

173 () [1] «Accélérer la transition vers l’économie circulaire des départements, régions et collectivités d’Outre-mer » ; http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Seconde_phase_-_rapport_EC_Outre mer_version_finale_11_fevrier_2016.pdf

174 () Question écrite n° 20502 de M. Nuihau Laurey (Polynésie française - UDI-UC) JO Q. Sénat du 10/03/2016

175 () projet de loi de finances, évaluations préalables, article 22

176 () pour un rendement total de 7,8 millions d’euros.

177 () Arrêté du 29 juin 2016 relatif à la procédure et aux conditions d’alignement des tarifs réglementés de vente de l’électricité dans les îles Wallis et Futuna sur les tarifs réglementés de vente en vigueur en métropole

178 () https ://www.lenergieenquestions.fr/les-couts-de-production-des-differentes-sources-denergie-en-france-infographie/

179 () « En lissant l’effet de la prolongation sur l’intégralité des 50 années de production des réacteurs avec un loyer recalculé sur 50 ans depuis l’origine, on trouve un coût de 62 €2013/MWh sur la période 2011 – 2025. Cour des comptes, le coût de production de l’électricité nucléaire, mai 2014

180 () voir supra p. 293

181 () M. Hervé Guez, de MIROVA, inscrit comme participant, ne s’est pas présenté.


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