N° 348 - Rapport de Mme Catherine Procaccia et M. Bruno Sido, établi au nom de cet office, sur les enjeux et perspectives de la politique spatiale européenne



 

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

 


RAPPORT

sur

« Les enjeux et perspectives de la politique spatiale européenne »

par Mme Catherine Procaccia et M. Bruno Sido, sénateurs

           
   

Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale

par M. Bruno SIDO

Président de l’Office.

Déposé sur le Bureau du Sénat

M. Jean-Yves LE DEAUT

Vice-Président de l’Office.

SOMMAIRE


INTRODUCTION
7

I. UNE EUROPE SPATIALE INACHEVÉE ET CONCURRENCÉE 13

A. UNE CONSTRUCTION INACHEVÉE FONDÉE SUR DES BUDGETS LIMITÉS 13

1. Des ambitions et mécanismes à consolider 13

a) La politique spatiale française : une gouvernance à redéfinir ? 13

b) L’ESA entre élargissement et approfondissement des liens avec l’Union européenne 19

c) La politique spatiale de l’Union européenne : un processus en devenir 23

(1) La mise en place de la politique spatiale de l’Union européenne 23

(2) Les réalisations : EGNOS, Galileo, GMES 25

(a) Navigation, localisation, synchronisation 25

(b) Environnement, sécurité 28

(3) Un modèle en cours d’élaboration 30

2. Des budgets institutionnels limités 31

a) Les budgets spatiaux français 31

(1) Programme 193 « Recherche spatiale » : 33

(2) Programme 191 : Recherche duale 34

(3) Programme d’investissements d’avenir 35

(4) Budgets de la Mission Défense 36

b) Les budgets de l’Europe spatiale 37

(1) L’ESA 37

(2) Une politique spatiale européenne à consolider par un financement pérenne 42

B. UNE INDUSTRIE DE PLUS EN PLUS CONCURRENCÉE 45

1. Une « niche stratégique » pour l’Europe 45

a) Un marché dominé par la demande institutionnelle mais tiré par la demande commerciale 45

b) Un secteur structurant par ses retombées économiques et sociales 49

2. Des marchés ouverts à une concurrence croissante 52

a) Le retour des États traditionnellement présents 54

(1) Etats-Unis : des entreprises qui se tournent davantage vers le marché commercial 54

(2) Russie : restructurations et investissements massifs 55

b) Les puissances spatiales émergentes 57

3. Vers un modèle « Space X » ? 61

a) Le tournant de la politique spatiale américaine 61

b) Les premiers succès de Space X 65

II. L’EUROPE SPATIALE : UNE AMBITION NÉCESSAIRE, ENTRE PUISSANCE ET INTERDÉPENDANCE 69

A. L’ESPACE : UNE AMBITION NÉCESSAIRE POUR L’EUROPE 69

1. Une ambition industrielle et technologique 69

a) Réduire la dépendance de l’Europe 69

(1) Les règles ITAR 69

(2) Les autres enjeux de la non dépendance 71

b) Renforcer la compétitivité de l’industrie 73

(1) Un positionnement à consolider 73

(2) Un exemple de technologie émergente: la propulsion tout-électrique 75

2. Quels lanceurs pour l’Europe ? 77

a) Les lanceurs de l’Europe : Ariane, Soyouz, Vega 77

(1) Ariane 5 77

(2) Soyouz 82

(3) Vega 82

(4) Le Centre spatial guyanais, port spatial de l’Europe 83

b) L’évolution des marchés 85

(1) Stabilité de la demande de lancements 85

(a) L’évolution du marché des satellites de télécommunications 86

(b) Le marché institutionnel 87

(2) Accroissement de l’offre de lanceurs 89

c) Quels lanceurs adaptés ? 92

(1) Ariane 5ME : un lanceur plus puissant 92

(a) Un programme démarré en 2008 92

(b) Un lanceur plus puissant et plus « versatile » 93

(2) « Ariane 6 » : un lanceur plus modulable 95

(a) Pourquoi un lanceur de nouvelle génération ? 95

(b) Quel lanceur de nouvelle génération ? 95

3. L’Espace, outil de souveraineté, enjeu militaire 100

a) L’espace, un intérêt national vital 100

b) Les moyens spatiaux de renseignement 101

(1) Les moyens existants 101

(2) Les développements attendus 102

c) Développer un réseau européen de surveillance de l’espace 105

B. L’EUROPE SPATIALE : UNE AMBITION NÉCESSAIRE POUR LE MONDE 108

1. L’Espace durable 108

a) Les débris spatiaux 108

(1) Une évolution préoccupante 108

(2) Des actions nécessaires 114

(a) Les règles de conduite 114

(b) Le nettoyage des débris 116

b) L’allocation des fréquences 118

2. L’Espace pour la Terre 118

a) Une meilleure compréhension du système terrestre 119

(1) Observation, météorologie et missions dédiées aux sciences de la Terre : une compétence européenne reconnue 119

(a) Observation, météorologie 119

(b) Les « explorateurs de la Terre » 120

(2) Vers une baisse des capacités globales d’observation ? 121

b) Un exemple d’application pour la sécurité civile : la charte internationale « espace et catastrophes majeures » 124

3. La conquête spatiale 126

a) La Station spatiale internationale 126

b) L’avenir de la conquête spatiale 131

(1) Le vol habité : un avenir encore incertain 131

(2) Les missions robotiques : priorité sur Mars 133

(a) A la recherche de traces de vie sur Mars 133

(b) D’autres destinations 134

SYNTHÈSE DES ORIENTATIONS PRÉCONISÉES 137

ADOPTION PAR L’OFFICE 141

ANNEXES 143

ANNEXE 1 – LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES 145

ANNEXE 2 – LETTRE DE SAISINE 157

ANNEXE 3 – L’ALLEMAGNE, UNE GRANDE PUISSANCE ECONOMIQUE 159

ANNEXE 4 – LA CHINE ET L’ESPACE 185

ANNEXE 5 – LA COOPÉRATION INSTITUTIONNELLE FRANCO-CHINOISE 191

ANNEXE 6 – LA POLITIQUE SPATIALE RUSSE 193

ANNEXE 7 – EUROSPACE/PRIORITÉS DE R&T 2012 199

INTRODUCTION

La politique spatiale compte au nombre des domaines examinés périodiquement par l’Office parlementaire, au titre de sa mission d’information du Parlement afin d’éclairer ses décisions dans les domaines scientifiques et technologiques. La saisine de l’Office par la commission de l’Économie du Sénat (aujourd’hui subdivisée en commission des Affaires économiques et commission du Développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire), en date du 10 janvier 2012, est venue à point nommé, permettant à l’Office de poursuivre le travail entamé par le passé, dans un contexte international nouveau et tandis que l’Europe de l’espace est à la veille de choix cruciaux pour son avenir.

Les analyses et conclusions des précédents rapports de l’Office demeurent en partie d’actualité, un certain nombre d’évolutions préconisées s’étant d’ailleurs concrétisées, notamment l’ouverture du Centre spatial guyanais à des lanceurs étrangers (Soyouz) ou la poursuite de l’effort en vue de la mise en place d’un système de navigation-localisation-synchronisation pour l’Europe (Galileo). Symbolisant l’aboutissement de ces deux axes importants de la politique spatiale européenne – ou, devrait-on dire, des politiques spatiales européennes – le lanceur Soyouz a récemment envoyé en orbite quatre satellites de la constellation Galileo, grâce à deux lancements respectivement en octobre 2011 puis octobre 2012. Le « GPS européen » doit entrer en fonctionnement en 2014-2015.

Mais l’Europe se trouve aujourd’hui à un nouveau tournant.

L’accroissement de la concurrence internationale, qui se traduit par l’entrée en scène de nouveaux acteurs publics et privés, ainsi que le contexte de crise économique et d’austérité budgétaire, qui limite les moyens financiers disponibles, légitiment un nouvel examen des objectifs, des structures et des moyens de la politique spatiale.

*

Une question se pose en premier lieu : l’Europe a-t-elle réellement « une » politique spatiale ?

S’il est entendu que la politique spatiale ne saurait aujourd’hui être examinée dans un cadre strictement national, il n’est pas possible, pour autant, d’identifier « une » politique spatiale européenne dont découlerait l’ensemble des programmes mis en œuvre sur le continent.

Certes, le traité de Lisbonne a institué une compétence de l’Union européenne dans ce domaine. Son article 189 dispose que l’Union élabore une politique spatiale européenne. Celle-ci peine néanmoins, pour le moment, à se traduire par un ensemble exhaustif d’orientations couvrant tous les domaines qu’une politique spatiale doit traiter. C’est un jalon important pour l’avenir, mais la seule étude de cet aspect ne permettrait pas d’appréhender la totalité des enjeux de l’Europe spatiale, à commencer par celui de l’avenir des lanceurs, abordé dans le cadre de l’Agence spatiale européenne (ESA). Le présent rapport ne saurait donc se limiter à l’examen de la politique spatiale de l’Union européenne.

L’institution qui, la première, a incarné l’Europe de l’espace est en réalité l’Agence spatiale européenne (ESA), organisation créée en 1975, chargée par l’article 2 de sa Convention d’élaborer et de mettre en œuvre une politique spatiale européenne. L’organe décisionnel de l’Agence est son Conseil, qui se réunit soit à un niveau délégué, soit au niveau des ministres en charge de l’espace (tous les 3-4 ans) des États membres, qui ne sont d’ailleurs pas exactement les mêmes que ceux de l’UE. L’ESA est reconnue par tous les acteurs comme le principal artisan de l’Europe de l’espace, ayant permis à notre continent de figurer dans le peloton de tête des puissances spatiales, pour un coût maîtrisé, c’est-à-dire en déployant des moyens infiniment moindres que ceux consacrés depuis un demi-siècle à la même politique aux États-Unis.

Mais l’ESA ne s’est pas construite sur une « table rase ». Elle s’est fondée sur l’expérience de ses États membres et en premier lieu de la France, qui fut le premier État européen à développer une politique spatiale, dans le cadre d’une politique d’indépendance nationale, grâce à l’outil que constitue son agence spatiale, le Centre National d’études spatiales (CNES), qui a fêté ses 50 ans l’année dernière.

D’autres organisations interviennent dans le cadre de la politique spatiale, telles que les opérateurs Eumetsat, pour la météorologie, ou Eutelsat pour les télécommunications (la seconde étant passée du statut d’organisation intergouvernementale à celui de société anonyme).

Enfin, il ne saurait y avoir de politique spatiale européenne sans industrie spatiale européenne, seule garante, in fine, de l’indépendance de l’Europe. Cette industrie s’est progressivement structurée à l’échelle du continent, en miroir de l’européanisation de la politique spatiale. Elle constitue aujourd’hui une force de propositions, assurant l’interface entre les institutions de la politique spatiale et les marchés mondiaux, qui en constituent l’environnement.

En définitive, la politique spatiale comporte trop d’enjeux de souveraineté nationale pour ne pas reposer, en dernier ressort, sur la volonté des États, dans le cadre des institutions que sont l’ESA et l’UE, ou en dehors de ce cadre, à un niveau national ou multinational, comme c’est le cas pour l’Europe spatiale de la défense, ou encore au moyen de coopérations internationales (coopérations franco-américaine ou franco-indienne, par exemple).

Cette multiplicité de strates résulte de l’histoire européenne. Elle permet une souplesse dans l’élaboration des politiques, puisqu’il demeure toujours possible d’avancer seul ou à plusieurs, selon des schémas adaptables. S’il n’est pas souhaitable de bouleverser des configurations qui ne sont pas toujours très lisibles pour nos interlocuteurs hors d’Europe, il est toutefois nécessaire de s’assurer que chaque acteur a un rôle défini et n’empiète pas sur celui des autres, selon des schémas de gouvernance clairs et prédéfinis pour chaque projet, avec le minimum de redondances possibles. La gouvernance du « mille-feuille » spatial européen est l’un des objets du présent rapport.

*

Une deuxième question se pose, à titre liminaire : qu’est-ce qu’une politique spatiale ?

La réponse à cette question est moins triviale qu’il n’y paraît. Elle nécessite de trouver le dénominateur commun à l’ensemble des questions abordées ici, qui sont multiples : lanceurs, télécommunications, observation de la Terre, météorologie, sciences de la Terre, défense, exploration spatiale… Chacune de ces questions possède sa logique et ses enjeux propres, et aurait probablement pu faire l’objet d’un rapport particulier. Il était impossible, dans le délai imparti à vos rapporteurs, d’examiner exhaustivement les enjeux de l’ensemble des secteurs économiques ou de souveraineté ayant une composante spatiale. Des facteurs communs à ces problématiques ont toutefois rapidement émergé, au fur et à mesure des auditions réalisées.

Certes, ces problématiques diverses ont en commun l’emploi de véhicules lancés dans l’espace extra-atmosphérique. On admet généralement, par convention, que celui-ci commence à 100 km au-dessus du niveau de la mer mais en réalité, ni la science ni le droit international ne définissent de façon précise ce qu’est l’espace ; c’est la nature de l’engin utilisé plus que l’espace traversé qui détermine le droit applicable. L’espace est donc d’abord un moyen, plutôt qu’une fin en soi.

Pour pouvoir développer toutes les activités qui en dépendent, encore faut-il maîtriser l’espace, qui n’est à portée humaine que depuis 55 ans, et représente encore un défi technologique.

L’objectif d’autonomie est le ciment fondamental de toute politique spatiale. Cet objectif implique de faire de l’accès à l’espace une priorité, un levier pour la mise en œuvre des autres volets. Car l’objectif d’autonomie est présent dans toutes les autres composantes – ou presque - d’une politique spatiale : ses différentes facettes en sont l’indépendance technologique, l’indépendance d’accès à l’information, l’indépendance militaire, la pérennité de l’accès des citoyens à certains services… A vrai dire, un seul domaine ne semble pas répondre, du moins en Europe, à des considérations d’autonomie : il s’agit du vol habité. Cette relative indifférence n’est pas partagée par les autres grandes puissances spatiales, puisque pour les États-Unis, comme pour la Russie ou la Chine, la capacité d’envoyer seul des hommes dans l’espace figure au premier rang des priorités de la politique spatiale. Vos rapporteurs, qui se sont rendus aux États-Unis dans le cadre de la mission que leur a confiée l’Office, ont pu constater à quel point la dépendance actuelle à l’égard de la Russie pour l’accès des astronautes à la Station spatiale internationale était une source de préoccupations et probablement le principal ressort de la politique spatiale américaine à l’heure actuelle.

*

D’où cette troisième question : quels sont les enjeux de l’Europe spatiale aujourd’hui, eu égard à l’objectif fondateur d’autonomie ?

Le dernier rapport de l’Office sur les questions spatiales (2007), issu du travail de nos anciens collègues Christian Cabal et Henri Revol, intitulé « L’audace ou le déclin », avait préconisé une refondation de la politique spatiale européenne, tant du point de vue de ses ambitions que de ses moyens institutionnels et financiers, au regard de l’émergence de la Chine dans le club des plus grandes puissances spatiales, et compte tenu du programme ambitieux alors développé aux États-Unis par le président George Bush, visant un retour rapide sur la Lune, préalable à une exploration martienne.

Certes, l’atterrissage récent (août 2012) du robot Curiosity sur le sol martien a discrètement relancé le débat sur la conquête de la planète rouge, et les ambitions de la Chine, et aujourd’hui de l’Inde, demeurent une réalité. Néanmoins, l’abandon par le président Barack Obama des objectifs de son prédécesseur puis l’arrêt de la Navette spatiale, qui a volé pour la dernière fois en 2011, ont profondément modifié le contexte mondial. En contrepartie de ces évolutions, les États-Unis soutiennent désormais le développement d’acteurs privés, susceptibles de devenir très rapidement des concurrents pour l’Europe. Certaines conclusions du rapport rendu par l’Office en 2001, dénonçant l’utilisation de l’espace par les États-Unis comme « outil de pouvoir dans le cadre d’une politique d’hégémonie », demeurent d’actualité, même si dans d’autres domaines la coopération est de mise, comme l’a aussi illustré le programme Mars Science Laboratory (Curiosity) dont l’un des principaux instruments est issu d’une coopération avec des laboratoires français. Dans le domaine scientifique, de nombreux exemples de coopérations (euro-américaines ou franco-américaines) pourraient être cités. Ils sont le revers de la médaille d’une concurrence acharnée dans le secteur spatial commercial.

Du côté européen, la situation économique et celle des finances publiques rendent irréaliste un subventionnement massif du secteur spatial. Les choix qui devront prochainement être effectués par les États européens, tant dans le cadre de l’Agence spatiale européenne (ESA) que de l’Union européenne (UE) seront des arbitrages financièrement contraints. Cette situation n’est pas nouvelle pour l’Europe, qui a su historiquement faire les bons choix, ceux qui lui ont permis de devenir une grande puissance spatiale – encore probablement la troisième, voire la deuxième à certains égards – malgré des moyens institutionnels limités. Cette situation connaît toutefois une acuité particulière aujourd’hui, à la veille de la conférence ministérielle de l’ESA, qui doit se tenir les 20-21 novembre 2012 en Italie.

Cette conférence doit notamment décider de l’avenir des lanceurs européens. Deux programmes, au départ complémentaires, aujourd’hui concurrents, sont mis sur la table : une évolution de l’actuelle lanceur Ariane 5 (Ariane 5 ME) ou un lanceur de nouvelle génération (dit « Ariane 6 »). Les enjeux associés ne doivent pas être sous-estimés : il ne s’agit ni d’un choix simplement technique, ni d’un choix réversible ; il s’agit, au contraire, d’opérer un tournant comme l’Europe spatiale n’en connaît qu’environ tous les vingt ans (Ariane 1, Ariane 5…).

Il serait erroné de penser, qu’une fois acquise, l’indépendance d’accès à l’espace est une donnée irréversible. Les Américains en ont fait l’expérience, dans le domaine du vol habité, eux qui sont allés sur la Lune et n’ont plus aujourd’hui – au moins temporairement – les moyens d’envoyer eux-mêmes leurs astronautes à 400 km d’altitude. Pour l’Europe, qui a choisi de faire dépendre ses lanceurs d’un marché commercial en perpétuelle évolution, l’autonomie d’accès à l’espace est un défi sans cesse renouvelé.

Si vos rapporteurs jugent que l’Europe spatiale se situe à un tournant, c’est aussi par d’autres aspects : tant la coopération des États européens dans le secteur spatial de défense, que la mise en œuvre du programme européen de surveillance pour l’environnement et la sécurité (GMES) en sont des exemples, en raison des incertitudes qui les entourent.

D’autres problématiques sont communes à l’ensemble des puissances spatiales : elles concernent la durabilité des activités spatiales, aujourd’hui compromise par la multiplication des débris spatiaux, ou encore l’avenir de l’exploration spatiale, pour laquelle il n’existe pas, à ce jour, de volonté commune, ni d’objectifs clairs, notamment de la part des États-Unis.

Une politique spatiale se pilote par nature dans le temps long : par conséquent, c’est aujourd’hui que l’Europe doit prendre les décisions qui lui permettront de conserver son rang au cours de la prochaine décennie et au-delà.

I. UNE EUROPE SPATIALE INACHEVÉE ET CONCURRENCÉE

L’Europe spatiale est multiforme.

S’il n’existe pas « une » politique spatiale européenne facilement identifiable, ce qui est sans doute une faiblesse, l’intérêt d’acteurs multiples pour l’espace peut constituer une force pour l’Europe. Cette caractéristique risque toutefois aussi d’être source de confusion dans les objectifs et de dispersion dans les moyens, ce qui serait très préjudiciable à la construction de l’Europe spatiale.

A. UNE CONSTRUCTION INACHEVÉE FONDÉE SUR DES BUDGETS LIMITÉS

A l’image de la construction européenne dans son ensemble, on pourrait dire de l’Europe spatiale qu’elle « ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord des solidarités de fait »1. Si l’engagement de l’Union européenne dans le secteur spatial est une chance pour celui-ci, son champ d’action et ses mécanismes restent à définir et à consolider au cours des années à venir.

1. Des ambitions et mécanismes à consolider

Les trois acteurs publics majeurs de la politique spatiale européenne (États membres, ESA et Union européenne) forment un « triangle spatial ». Les États membres sont les piliers de ce triangle, puisque ce sont eux qui décident à tous les niveaux des programmes et de leur financement, parallèlement à la conduite éventuelle de politiques spatiales nationales.

a) La politique spatiale française : une gouvernance à redéfinir ?

Les États sont la base du « triangle » de la politique spatiale. Si, à tous les niveaux, les décisions nécessitent des négociations complexes entre États européens, encore faut-il trouver les voies et moyens d’aboutir à l’élaboration préalable d’un consensus national.

Le CNES, créé en 1961, qui a permis à la France de devenir la troisième puissance spatiale avec le lancement de la première fusée Diamant en 1965, est demeuré depuis lors le point focal de la politique spatiale française. Sa vocation est de permettre une coordination entre tous les acteurs, civils et militaires. Le schéma est le suivant : le CNES propose, le gouvernement décide, puis le CNES conduit la politique ainsi décidée. Il s’agit d’un dispositif centralisé, ce qui peut être un atout pour l’élaboration des positions françaises dans les différents groupes de travail (ESA, UE), à condition que les points de vue de l’ensemble des acteurs de la filière puissent être pris en compte.

Lors de son audition, M. Yannick d’Escatha, président du CNES, a ainsi décrit la stratégie de l’agence spatiale française, tenant compte du fait que les États-Unis dépensent en fonds publics six fois plus que l’Europe dans le secteur spatial, et qu’il faut donc optimiser l’emploi des moyens disponibles :

- une stratégie de niche, centrée sur les aspects les plus innovants, dans le but de permettre à l’industrie française de demeurer compétitive ;

- une stratégie de coopération à l’intérieur de l’Europe et au niveau international, le CNES ayant eu vocation dès ses premières années à s’engager dans une coopération internationale équilibrée (entre Ouest et Est, après l’accord de coopération spatiale franco-soviétique de 1966) ;

- une stratégie d’excellence par mise en compétition et sélection rigoureuse des programmes, selon un mode de fonctionnement comparable à celui de l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Le CNES est lié à l’État par un contrat pluriannuel depuis la période 2005-2010, au cours de laquelle il a fallu assurer la sortie de crise et la restauration de sa place et de son rayonnement sur la scène internationale, à la suite de l’échec subi par Ariane 5 en 2002. Un second contrat a été signé pour la période 2011-2015, qui décline les priorités de la politique spatiale de la France pour la période.

Ces priorités ont été exposées récemment dans un document intitulé « Stratégie spatiale française », présenté par M. Laurent Wauquiez, alors ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le 23 mars 2012, faisant suite aux discours prononcés par le Président de la République au Centre spatial guyanais (11 février 2008) et au Centre du CNES à Toulouse (22 novembre 2001) qui ont tracé les grandes lignes d’une politique spatiale française.

Lignes directrices et orientations de la politique spatiale française

Jouer un rôle moteur au sein de l’Europe de l’espace

- Mettre en place une gouvernance adéquate au sein de l’Europe de l’espace : donner à l’Union européenne un rôle de pilote stratégique de la politique spatiale européenne et utiliser les compétences existantes au sein de l’ESA et des États membres

- Mener des coopérations internationales équilibrées pour profiter des compétences des puissances spatiales extra-européennes

Maintenir l’indépendance technologique et d’accès à l’espace 

- Appliquer la préférence européenne pour les systèmes critiques et les lancements de l’ensemble des missions institutionnelles menées en Europe

- Fournir collectivement au niveau européen (ESA, Union européenne) le soutien financier nécessaire à l’existence de la filière européenne des lanceurs.

Accélérer le développement d’applications et services à haute valeur ajoutée 

- Garantir l’accès aux données des infrastructures spatiales ;

- Faciliter l’expression des besoins des utilisateurs et mener une action en matière de R&D et de réglementation

Mener une politique industrielle ambitieuse

- Instaurer des règles industrielles harmonisées au niveau européen et optimisées par sous-secteur

- Mettre en place un comité de concertation de la politique spatiale

Formation, culture scientifique et communication

- Veiller au renouvellement des ressources humaines de la filière

- Favoriser la création de pôles spatiaux au sein des nouvelles structures d’enseignement supérieur de recherche

- Développer la communication sur les missions spatiales

Recherches scientifiques et technologiques

- Participer prioritairement aux missions du programme scientifique obligatoire de l’ESA, qu’il convient d’orienter vers des objectifs novateurs

- Garantir aux laboratoires spatiaux des moyens suffisants et faciliter l’accès aux données spatiales

- Mettre l’accent sur des innovations technologiques génériques à fort potentiel

Accès à l’espace

- Maintenir et développer, dans le cadre de l’ESA et de l’Union européenne, la compétitivité du CSG

- Exploiter la gamme de lanceurs Ariane 5, Soyouz, Vega

- Réduire les coûts du système Ariane par une optimisation de l’ensemble de la structure industrielle

- Préparer la suite d’Ariane 5 en lançant les travaux de développement les plus à même de répondre aux besoins institutionnels et commerciaux

Télécommunications et navigation

- Maintenir la compétitivité de l’industrie nationale dans ce domaine

- Pérenniser EGNOS et mettre en service au plus vite un système Galileo à 30 satellites avec une double source d’approvisionnement pour les systèmes de lancement (Soyouz depuis le CSG, Ariane 5)

- Réduire la fracture numérique et susciter l’émergence en Europe de nouveaux services et applications à haute valeur ajoutée

Observation de la Terre

- Assurer le renouvellement des infrastructures afin que la continuité des données et services soit garantie

- Développer GMES au sein de l’Union européenne grâce à une gouvernance clarifiée et à un financement par le budget de l’Union européenne

- Mener des activités de R&T pour renforcer les filières d’excellence française

- Favoriser l’émergence en France et en Europe d’un marché des applications et services spatiaux à valeur ajoutée pour la gestion opérationnelle de l’environnement et l’aménagement du territoire

Sécurité et Défense

- Assurer le renouvellement des infrastructures pour l’observation optique haute résolution et les télécommunications sécurisées et développer des capacités nouvelles

- Faire jouer, chaque fois que possible, la dualité des systèmes spatiaux

- Développer dans un cadre européen une capacité opérationnelle de surveillance de l’espace en se fondant sur une mutualisation des développements nationaux

Exploration spatiale

- Prendre part à un programme européen d’exploration avec Mars comme objectif, dans le cadre d’un programme mondial à la gouvernance renouvelée

- Favoriser la participation française et européenne aux développements de compétences technologiques critiques

Source : Stratégie spatiale française, Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Il ne semble pas à vos rapporteurs que la Stratégie spatiale française manque d’ambition, bien au contraire.

Elle pourrait toutefois mettre davantage l’accent sur l’objectif de consolider la position des entreprises françaises et industries présentes sur son sol, compte tenu du contexte d’intensification de la concurrence au niveau mondial. La stratégie spatiale allemande, publiée en novembre 2010, est davantage conçue dans cet esprit. Elle a d’ailleurs été élaborée non par le ministère fédéral allemand chargé de la recherche mais par le ministère fédéral de l’Économie et de la Technologie (BMWi).

Par ailleurs, si la Stratégie spatiale française énonce l’objectif d’occuper un rôle moteur au sein de l’Europe de l’espace, se donne-t-elle réellement tous les moyens de parvenir à cet objectif ? La stratégie spatiale allemande est beaucoup plus concrète à cet égard, en faisant part de son ambition d’occuper des postes clefs tant au sein des institutions publiques (ESA, UE) que dans les entreprises privées.

La principale différence entre les Stratégies spatiales française et allemande réside dans les notions de souveraineté, d’autonomie de décision et d’indépendance d’accès à l’espace, marquées en France, et peu ou pas abordées dans le document stratégique allemand2.

Extrait de la Stratégie spatiale allemande

« Pour l’Allemagne, cette participation aux activités spatiales européennes signifie aussi qu’elle doit être représentée de façon adéquate par du personnel allemand qualifié à tous les niveaux dans les institutions européennes, et particulièrement aux fonctions de décision. Le gouvernement fédéral continuera à soutenir des mesures visant à optimiser la proportion de représentants allemands au sein de tous les organismes européens. Nous demandons à l’industrie, lors du renouvellement des postes de management dans les entreprises européennes, de faire en sorte que toutes les nations participantes soient équitablement représentées. »

Source : « Making Germany’s space sector fit for the future. The space strategy of the German Federal Government”, Ministère fédéral de l’Économie et de la Technologie BMWi (Bundesministerium für Wirtschaft und Technologie).

En tout état de cause, la Stratégie spatiale française a souffert de sa présentation sous forme d’énumération, ne permettant pas d’identifier les priorités véritables et les choix ou ruptures à effectuer et ne suscitant donc pas véritablement de débats. Sa publication quelques semaines avant l’élection présidentielle ne constituait pas un calendrier favorable. Il semble qu’elle soit surtout venue en réaction à la publication par l’Allemagne et l’Italie de leurs propres stratégies spatiales.

Les enjeux sont pourtant essentiels pour l’Europe : ils concernent son autonomie d’accès à l’espace, un pan stratégique de son activité industrielle, ses capacités de Défense, la possibilité d’une meilleure connaissance de la Terre pour comprendre et anticiper, par exemple, le changement climatique…

Plus fondamentalement, si la politique spatiale semble manquer d’une vision à long terme, c’est parce qu’elle demeure anonyme, qu’elle n’est pas politiquement incarnée. A ce sujet, le rapport de nos anciens collègues Christian Cabal et Henri Revol en 2007 regrettait que l’espace ait disparu des dénominations ministérielles et de directions générales d’administration centrale. Elle est quasiment absente des organigrammes officiels. Le CNES, établissement public industriel et commercial placé sous la tutelle des ministères chargés de la recherche et de la défense, est sans conteste un instrument efficace : un carrefour, un fédérateur d’initiatives et surtout un centre expert doté de compétences uniques en Europe. Mais il demeure un instrument, au service d’une vision, d’une ambition qui n’a probablement pas la place qu’elle mériterait dans le débat public. L’ambition spatiale est insuffisamment portée aux niveaux politique et administratif. Elle est, en conséquence, peu partagée par la population. L’utilité de l’espace dans la vie quotidienne est quelque peu méconnue du grand public.

Vos rapporteurs ont été particulièrement frappés, lors de leur déplacement aux États-Unis, par la place qu’y occupe le Parlement dans la définition de la politique spatiale. Le Congrès contrôle l’administration d’une part par son pouvoir budgétaire, d’autre part en contrôlant l’activité internationale du Président. La NASA est ainsi en constante négociation avec les deux chambres du Congrès pour la définition des objectifs, moyens et modalités de sa politique. C’est le cas par exemple sur la question des moyens à mettre en œuvre pour reconquérir l’orbite basse. Sur toutes les questions relatives à l’avenir de la politique spatiale : durée de vie de la Station spatiale internationale, exploration humaine lointaine nécessitant la construction d’un lanceur lourd, programme scientifique de la NASA, règles d’exportation ITAR3, négociation d’un « code de conduite » des activités spatiales… les parlementaires américains et leurs comités dédiés font entendre leur voix, voire malmènent la NASA. Ils sont particulièrement critiques des nombreux dépassements budgétaires affectant les programmes de leur agence spatiale nationale. Ils sont susceptibles d’intervenir postérieurement aux décisions prises, comme ce fut le cas après l’abandon unilatéral par la NASA du programme d’exploration robotique martienne Exomars, mené en coopération avec l’Agence spatiale européenne, décision notamment récusée par le Président du sous-comité du Sénat pour le commerce, la justice et la science (comité en charge du financement de la NASA), mais sans conséquence immédiate.

Les différences d’approches entre parlements français et américains sont certes dues à des dissemblances institutionnelles profondes, dont le secteur spatial n’apporte qu’une illustration parmi d’autres.

Néanmoins, il serait légitime que le Parlement français puisse être saisi à intervalles réguliers de la politique spatiale française et de la vision défendue, en conséquence, par la France au niveau européen. Compte tenu du calendrier politique, un rythme quinquennal paraît adapté. Ce rythme correspond aussi à la durée du contrat pluriannuel État-CNES. Le Parlement pourrait donc être saisi à intervalles réguliers, par exemple un an avant le renouvellement du contrat pluriannuel État-CNES, d’un projet de loi de programmation spatiale, objet d’un avis préalable de l’OPECST.

Les auditions réalisées ont par ailleurs mis en évidence un certain déficit de transversalité de la politique spatiale française, les acteurs industriels ayant le sentiment de ne pas être associés de façon adéquate aux décisions prises, et demandant un dialogue renforcé avec les autorités institutionnelles, dans l’objectif de concevoir une véritable politique industrielle du secteur spatial. Le CNES a d’ailleurs une tutelle strictement « recherche » et « défense », mais pas « industrie ». La Stratégie spatiale française, mentionnée ci-dessus, reconnaît cette carence puisqu’elle propose la mise en place d’un « comité de concertation de la politique spatiale», pour faciliter l’échange d’informations entre la puissance publique et l’industrie spatiale. L’épineuse question de l’avenir d’Ariane, au sujet de laquelle les agences et les industriels ont défendu des positions différentes, illustre la nécessité de construire un dialogue pérenne entre les différents acteurs de la filière.

A titre d’exemple, dans le secteur aéronautique, un Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) a été mis en place en juillet 2008, afin de rassembler l’ensemble du secteur : industriels, compagnies aériennes, opérateurs, acteurs de la recherche, ministères concernés. L’objectif est l’élaboration d’une feuille de route pour les actions de recherche & technologie.

Le déficit de gouvernance du spatial français a déjà été mis en évidence par les rapports susmentionnés de l’Office. Vos rapporteurs constatent que les préconisations alors formulées n’ont pas été suivies d’effet. Cette préoccupation relative à la gouvernance demeure d’actualité, puisqu’elle est encore évoquée dans un rapport paru récemment4.

Orientations

- Réintroduire l’espace dans l’intitulé d’un ministère qui sera chargé d’en valoriser l’utilité auprès du grand public

- Saisir le Parlement à intervalles réguliers, par exemple un an avant le renouvellement du contrat pluriannuel État-CNES, d’un projet de loi de programmation spatiale, objet d’un avis préalable de l’OPECST

- Créer une structure de concertation État-industrie sur les questions spatiales, sur le modèle du Conseil pour la Recherche aéronautique civile (CORAC), présidé par une personnalité indépendante

b) L’ESA entre élargissement et approfondissement des liens avec l’Union européenne

Au début des années 1960, la France et l’Allemagne avaient mis en place un programme de satellites de télécommunications, appelé Symphonie, qui représentait une avancée technologique importante. Ces satellites devaient être lancés par Europa, premier programme de lanceur européen, qui a préfiguré Ariane mais s’est soldé par un échec à la fin des années 1960. Les Américains ont accepté de lancer Symphonie, mais moyennant une contrepartie de taille : en exigeant de l’Europe que ces satellites n’aient aucune utilité opérationnelle, dans la mesure où ils faisaient concurrence aux leurs. Les satellites Symphonie n’ont par conséquent servi qu’à des démonstrations et essais scientifiques. La nécessité d’un accès autonome à l’espace était démontrée.

L’échec d’Europa fut attribué en grande partie à une gestion non intégrée du lanceur, dont chaque élément était confié à un État différent (un premier étage britannique, un deuxième étage français, un troisième étage allemand, une coiffe italienne…) ce qui a engendré des problèmes d’interfaces. Cet échec fut à l’origine de la mise en place de l’Agence spatiale européenne (ESA), décidée en 1973 et créée en 1975 par fusion de l’ELDO5, agence chargée des lanceurs, et de l’ESRO6 pour les satellites. La France obtint alors la réalisation du lanceur Ariane qu’elle finançait aux deux tiers.

L’ESA est aujourd’hui considérée par tous comme un succès pour l’Europe spatiale et pour le développement de l’industrie spatiale européenne. Elle a démontré sa compétence pour la conduite de programmes spatiaux complexes et s’est révélé, au niveau international, un partenaire dynamique et fiable. Elle ne remet pas en cause les agences nationales mais doit pouvoir compter sur leurs compétences, afin d’éviter la redondance des structures. Le rapprochement géographique de la direction des lanceurs du CNES et de celle l’ESA, en 2012, à Paris (Daumesnil) est un exemple positif. En effet la Direction des lanceurs (DLA) du CNES a conduit pour le compte de l'Agence spatiale Européenne les développements du lanceur Ariane et le programme visant à implanter Soyouz en Guyane. Elle a contribué au développement de Vega et assiste aujourd'hui l’ESA dans ses réflexions sur l’avenir d’Ariane. Lorsque c’est possible, la constitution d’équipes intégrées co-localisées doit être privilégiée.

L’arrivée de nouveaux États membres et les ambitions spatiales de l’UE doivent néanmoins amener l’ESA à ajuster son fonctionnement.

L’ESA s’est élargie, à l’image de l’Union européenne, au lendemain de la guerre froide. Ses membres sont toutefois distincts de ceux de l’Europe politique : la Suisse et la Norvège sont membres de l’ESA. Le Canada participe à certains projets, conformément à un accord de coopération. A contrario, certains États membres de l’Union européenne ne sont pas membres de l’ESA : la Hongrie, la Slovénie, l’Estonie (États sous Statut spécial), la Lituanie, la Lettonie, Chypre, Malte et la République slovaque (États ayant un accord de coopération avec l’ESA), la Bulgarie (accord de coopération en cours de négociation). L’ESA est passée de 12 pays il y a 25 ans à 207 actuellement, et dans cinq ans elle pourrait en compter 27.

L’Union européenne ayant été dotée de compétences spatiales par le Traité de Lisbonne, la question d’un éventuel rapprochement avec ESA/UE se pose. Un tel rapprochement paraît difficile en raison de l’hétérogénéité des compositions respectives des deux organisations, notamment du fait que la Suisse et la Norvège sont membres de l’ESA. Par ailleurs, les deux institutions appliquent des règles différentes de fonctionnement. L’ESA applique pour l’attribution de ses marchés une règle de retour géographique qui est contraire aux règles de l’UE. La règle de retour géographique vise à ce que chaque État membre participe équitablement à la mise en œuvre des programmes spatiaux, compte tenu de sa participation financière. Autrement dit, plus un État contribue au budget de l’ESA, plus son industrie reçoit des contrats de l’ESA.

Convention de l’ESA – Annexe 5

Article IV

La répartition géographique de l’ensemble des contrats de l’Agence est régie par les règles générales suivantes :

1. Le coefficient de retour global d’un État membre est défini comme le rapport entre le pourcentage des contrats qu’il a reçus, calculé par rapport au montant total des contrats passés dans l’ensemble des États membres, et son pourcentage total de contribution. (…)

2. Pour le calcul des coefficients de retour, le montant de chaque contrat est pondéré en fonction de son intérêt technologique. Les facteurs de pondération sont définis par le Conseil. Plusieurs facteurs de pondération peuvent être appliqués pour un même contrat lorsque son montant est important.

3. La répartition des contrats passés par l’Agence doit tendre vers une situation idéale dans laquelle tous les coefficients de retour global sont égaux à 1.

4. Les coefficients de retour sont calculés trimestriellement et cumulés en vue des examens formels prévus au paragraphe 5.

5. Des examens formels de la répartition géographique des contrats ont lieu tous les cinq ans ainsi qu’un examen intermédiaire avant la fin de la troisième année.

6. Pour chaque État membre, la répartition géographique des contrats entre deux examens formels de la situation doit être telle que, lors de chaque examen formel, le coefficient de retour global cumulé ne s’écarte pas sensiblement de la valeur idéale. Lors de chaque examen formel, le Conseil peut réviser la limite inférieure du coefficient de retour cumulé applicable à la période suivante, étant entendu qu’elle ne doit jamais descendre au-dessous de 0,8.

(…)

La règle de retour géographique doit être modulable pour ne pas être source de duplications et de déperditions de compétences. Certes, cette règle est utile au bon fonctionnement de l’ensemble. Elle existe d’ailleurs aussi implicitement aux États-Unis. Elle est nécessaire pour obtenir le soutien et le financement nécessaires à la mise en œuvre des programmes. Avant d’être une règle de dépense, c’est une règle en vue de la collecte de financements. En tout état de cause, cette règle n’a pas empêché l’industrie européenne de devenir très compétitive, au cours des dernières décennies.

Lors de leur déplacement à Bruxelles, vos rapporteurs ont pu constater – malgré une différence de philosophie fondamentale entre les règles de l’ESA et celles de l’UE – qu’une certaine convergence sur la question du « juste retour » était possible. Nos interlocuteurs de la Commission ont estimé, d’une part, qu’il n’était pas souhaitable que le secteur spatial soit concentré dans trois pays (France, Allemagne, Italie), et, d’autre part, que tous les pays avaient intérêt à ce que l’ensemble des États participent. Si le gain n’était pas partagé, certains pays pourraient estimer que le financement de la politique spatiale n’a pas à relever de l’Union, comme c’est le cas pour le programme GMES (voir ci-après). Une règle au moins implicite de « retour équitable », plus souple que celle actuellement inscrite dans la convention de l’ESA, paraît donc envisageable.

Toutefois, pour ne pas tomber dans l’excès inverse, il faut veiller à ce que la règle de retour géographique n’engendre pas de « saupoudrage » des contrats, de nature à dissuader les industriels de réaliser des investissements, et ne permettant pas de bénéficier d’effets de série. Au niveau de l’ESA, la règle pourrait être assouplie, par exemple en espaçant davantage les « examens formels » (point 5 ci-dessus – annexe 5), ou en révisant la « limite inférieure » fixée à 0,8 (point 6 – annexe 5).

La règle de retour géographique peut aussi être interprétée comme une règle de « juste contribution », selon une logique inverse : on commence par choisir le projet industriel le plus robuste, puis on demande aux États de contribuer à due proportion du retour attendu sur le territoire.

Les nouveaux pays adhèrent d’ailleurs à l’ESA moins pour développer leur industrie spatiale – encore que certains comme la République tchèque ou la Pologne possèdent de réelles compétences industrielles – que pour bénéficier des services associés (télécommunications, observation, navigation). Dans le cadre de la politique de « retour », il est souhaitable de les encourager à développer leurs activités de services spatiaux, en aval de la filière, plutôt que de risquer le développement de moyens dupliquant des capacités existant déjà dans d’autres États.

En tout état de cause, l’UE doit pouvoir profiter des compétences de l’ESA dans la conduite des programmes, ce qui signifie une complémentarité plutôt qu’une concurrence entre les deux institutions, la question d’une intégration de l’une à l’autre étant secondaire. L’ESA pourrait jouer le rôle d’agence spatiale de l’UE, tout en conservant par ailleurs, pour ses autres programmes, un fonctionnement intergouvernemental.

Afin d’améliorer les relations ESA-UE, et surtout éviter que l’Union ne crée sa propre agence spatiale – ou des structures équivalentes – pour la recherche et le développement sur ses programmes, l’ESA doit avoir une légitimité juridique dans le cadre de l’UE, c’est-à-dire être reconnue par celle-ci comme son agence spatiale.

Orientations

- Favoriser les rapprochements entre ESA et agences nationales afin d’éviter les doublons et de permettre à l’ESA de bénéficier des compétences développées sur le territoire européen

- Rationaliser les règles de fonctionnement de l’ESA eu égard à son élargissement, en ce qui concerne, en particulier, la règle historique de « retour géographique » qui, pour ne pas devenir préjudiciable à la compétitivité de l’industrie européenne, pourrait évoluer vers une règle de « juste contribution »

c) La politique spatiale de l’Union européenne : un processus en devenir

L’Union européenne s’appuie sur l’héritage des compétences ainsi développées par les États membres et l’ESA pour développer sa propre politique spatiale dont les contours et les mécanismes restent à préciser.

L’émergence de L’Union européenne dans le domaine spatial doit être l’occasion de donner une nouvelle dimension, complémentaire des compétences de l’ESA, aux programmes spatiaux européens. Certes, l’Europe n’a pas attendu l’UE pour devenir une puissance spatiale, comme l’a illustré le succès du programme Ariane. Mais face à des partenaires de la dimension des États-Unis ou de la Chine, l’entrée en scène de l’Union européenne, qui peut sembler dans l’immédiat un facteur de complexité supplémentaire, deviendra à terme une force.

L’aboutissement du projet Galileo, qui vient concurrencer – ou compléter – le GPS américain, et permettra à l’Europe d’être autonome pour sa navigation-localisation-synchronisation, en est déjà l’illustration.

(1) La mise en place de la politique spatiale de l’Union européenne

Un livre blanc de la Commission européenne en date de novembre 2003 a abouti à la signature en 2004 d’un l'Accord-cadre entre la Communauté européenne et l'Agence spatiale européenne, qui met notamment en place des réunions régulières conjointes du Conseil compétitivité de l’Union européenne et du Conseil de l’ESA au niveau ministériel. Ce conseil « Espace » s’est réuni régulièrement à un rythme annuel, soit huit fois depuis sa création, en marge des conseils «compétitivité » de l’Union européenne. Le quatrième conseil « Espace » (mai 2007) a permis d’adopter une résolution sur la politique spatiale européenne, dont les premières priorités sont les projets phare Galileo et GMES. Le cinquième conseil « Espace », organisé sous présidence française de l’Union européenne (septembre 2008) a confirmé ces projets et proposé de nouvelles initiatives, notamment en matière de contribution des technologies spatiales à la lutte contre le changement climatique, à la compétitivité et à l’emploi ainsi qu’à la sécurité de l’Europe. La Présidence française de l’Union européenne a permis des avancées significatives dans les domaines de la défense et de la sécurité, en ouvrant la voie à un renforcement de l’information et du renseignement spatial, notamment grâce à la préparation d’une nouvelle génération de satellites d’observation (MUSIS). Elle a aussi permis le lancement d’un projet de Code de conduite pour les opérations spatiales.

La politique spatiale de l’Union européenne : quelques étapes

Livre blanc de la Commission : « Espace : une nouvelle frontière européenne pour une Union en expansion – Plan d’action pour la mise en œuvre d’une politique spatiale européenne ».

11 novembre 2003

Accord-cadre CE-ESA

25 novembre 2003

Conseils « Espace »

En moyenne 1/an depuis 2004

Réunion informelle des ministres européens chargés des questions spatiales à Kourou (présidence française de l’UE)

22 juillet 2008

Document de travail de la Commission : « Rapport sur l’état d’avancement de la politique spatiale européenne »

11 septembre 2008

Traité de Lisbonne

Entré en vigueur le 1er décembre 2009

Communication de la Commission : « Europe 2020 : une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive »

3 mars 2010

Communication de la Commission : « Une politique industrielle intégrée à l’ère de la mondialisation. Mettre la compétitivité et le développement durable sur le devant de la scène »

28 octobre 2010

Communication de la Commission : « Vers une stratégie spatiale de l’Union européenne au service du citoyen »

4 avril 2011

Résolution du Parlement européen sur « Vers une stratégie spatiale de l’Union européenne au service du citoyen »

19 janvier 2012

Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, l’Union est compétente pour élaborer son propre programme spatial, en liaison avec l’Agence spatiale européenne. La Commission a récemment précisé ses intentions dans le domaine spatial dans une communication de 2011 intitulée « Vers une stratégie spatiale de l’Union européenne au service du citoyen ». Le secteur spatial est aussi l’une des dimensions de la stratégie « Europe 2020 », visant une croissance « intelligente, durable et inclusive » à horizon de 10 ans, qui constitue un ensemble d’orientations faisant suite à la « stratégie de Lisbonne » (2000-2010). La politique spatiale est à ce titre l’une des dimensions de l’initiative « phare » sur la politique industrielle (2010), qui souligne la nécessité de favoriser le développement d’une base industrielle solide et équilibrée dans le secteur spatial.

Article 189 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
issu du Traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007
et entré en vigueur le 1er décembre 2009

1. Afin de favoriser le progrès scientifique et technique, la compétitivité industrielle et la mise en œuvre de ses politiques, l'Union élabore une politique spatiale européenne. À cette fin, elle peut promouvoir des initiatives communes, soutenir la recherche et le développement technologique et coordonner les efforts nécessaires pour l'exploration et l'utilisation de l'espace.

2. Pour contribuer à la réalisation des objectifs visés au paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, établissent les mesures nécessaires, qui peuvent prendre la forme d'un programme spatial européen, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres.

3. L'Union établit toute liaison utile avec l'Agence spatiale européenne.

4. Le présent article est sans préjudice des autres dispositions du présent Titre.

Quelques années après sa mise en place, la politique spatiale européenne s’incarne dans deux programmes d’envergure : l’un concerne la navigation-localisation-synchronisation (Galileo), l’autre l’environnement et la sécurité (GMES).

(2) Les réalisations : EGNOS, Galileo, GMES

(a) Navigation, localisation, synchronisation

Galileo est le premier système mondial de navigation par satellite conçu à des fins civiles, afin de garantir l’indépendance de l’Union européenne dans un domaine stratégique, où toutes les grandes puissances souhaitent être présentes.

Un nombre croissant d’applications civiles et militaires dépendent en effet aujourd’hui du système américain GPS (Global positioning system) dont les données sont disponibles gratuitement, à condition de disposer d’un récepteur adapté. Le GPS donne non seulement des indications de latitude, longitude et altitude, mais aussi de temps, grâce à ses horloges atomiques. Il permet des opérations de synchronisation, utiles à de nombreuses activités économiques, dans les domaines des télécommunications, des transports, des réseaux de distribution électrique ou encore dans le secteur financier. Dépendre d’un seul pays ou d’un seul système à cet égard – fût-il gratuit – est un facteur de vulnérabilité.

Des systèmes d’augmentation de la précision du GPS ont été développés, tels qu’EGNOS en Europe, qui permet d’améliorer considérablement la précision du signal GPS. Ces systèmes sont utiles notamment pour l’aviation civile, mais ne répondent pas à l’objectif d’autonomie, puisqu’ils sont fondés sur l’utilisation du signal américain.

Être présente dans le domaine de la navigation-localisation-synchronisation doit aussi permettre à l’Europe de répondre à des enjeux économiques et industriels, en lui permettant de se positionner non seulement dans le développement des technologies spatiales mais aussi sur le marché des applications découlant de ces systèmes, par exemple dans le secteur de la téléphonie mobile. Elle doit permettre aux entreprises européennes de créer de nouveaux standards et donc de devenir structurantes sur les marchés. Les retombées économiques potentielles de Galileo pour l’Europe sont estimées par la Commission à 80 Mds€.

Systèmes de navigation-localisation-synchronisation

Systèmes globaux de navigation par satellite (GNSS8)

Nom

Description

Participants

GPS (Global positioning system)

GPS est le système de navigation le plus utilisé au monde. Il appartient à et est opéré par l’armée américaine, depuis 1993. Il existe deux niveaux de signal : un signal standard à l’intention du grand public (dont la marge d’erreur est de 17 m) et un signal plus précis, réservé à certains utilisateurs qualifiés, notamment l’armée.

Gouvernement américain

GLONASS

Système de navigation par satellites issu de la technologie soviétique, mis en service en 2011 par la Russie. C’est actuellement la seule alternative opérationnelle au GPS.

Gouvernement russe

Galileo

Galileo est la seule constellation d’initiative civile. C’est un ensemble autonome basé sur une constellation de 30 satellites (27 satellites actifs + 3 satellites en réserve) en orbite à moyenne altitude, qui émettent des signaux compatibles et interopérables avec les autres systèmes mondiaux de navigation par satellite existant (GPS et Glonass). Il comprend également une infrastructure terrestre déployée à travers le monde. Galileo offrira 5 services de couverture mondiale destinés à des usages distincts (service ouvert, service commercial, service sauvegarde de la vie, service public réglementé, service recherche et sauvetage). les 2 premiers satellites (IOV9-1 et IOV-2) ont été lancés avec Soyouz depuis le centre spatial guyanais, le 21 octobre 2011. Les 2 suivants (IOV-3 et IOV-4) doivent l’être en octobre 2012). Les satellites suivants (dits FOC10) seront mis en orbite entre 2013 et 2015. Les premiers services opérationnels sont attendus en 2014.

Commission européenne, ESA

BEIDU / Compass

Système de navigation par satellite chinois. Il est considéré depuis 2011 comme un système régional, visant à devenir mondial d’ici 2020.

Gouvernement chinois

IRNSS (Indian regional navigational satellite system)

Projet de système de navigation par satellite pour le sous-continent indien

ISRO (agence spatiale indienne), Gouvernement indien

     

Systèmes d’augmentation de précision par satellite (SBAS11)

Nom

Description

Participants

EGNOS (European Geostationary Navigation Overlay Service)

EGNOS est le premier volet de la stratégie européenne en matière de navigation par satellites, avant le développement du système Galileo. Il est né de la volonté de pallier certaines limitations des systèmes existants américain (GPS) et russe (Glonass) sur la zone européenne. Son objectif est de rendre plus performant le service de radionavigation par satellite pour des applications exigeantes en terme de sécurité des personnes et des biens, et en tout premier lieu celles de l’aviation civile. Il améliore la précision du signal GPS (3 m) et apporte des informations sur sa fiabilité. EGNOS est opérationnel depuis 2005.

ESA, Commission européenne, Eurocontrol

WAAS (Wide area augmentation system)

Relais géostationnaire permettant d’augmenter la précision des signaux GPS notamment au service du trafic aérien, en Amérique du Nord.

Federal aviation administration (gouvernement américain)

MSAS (multifunctional satellite augmentation system)

Système japonais d’augmentation de précision du signal GPS.

Gouvernement japonais

QZSS (Quasi-Zenith Satellite system)

Projet de système japonais d’augmentation de précision du signal GPS sur l’Asie-Pacifique.

Gouvernement japonais

GAGAN (GPS aided geo augmented navigation)

Système indien d’augmentation de précision du signal GPS.

Gouvernement indien (autorité aéroportuaire, ISRO)

     
     
 

Autres systèmes (divers)

 

Nom

Description

Participants

DORIS (Détermination d’orbite et de radioposition-nement intégrés par satellite)

Le système Doris est utilisé pour déterminer au centimètre près l’orbite de satellites équipés de récepteurs grâce à un réseau de stations terrestres, utilisées comme points de référence au sol. A l’inverse, le système permet le rattachement précis de points donnés au Système de référence terrestre international (ITRF).

Cette dualité permet à Doris de servir, depuis 1992, de nombreuses applications : le système est ainsi associé aux missions altimétriques de mesure des océans ou des glaces, à l’étude de la forme et des mouvements de la Terre mais aussi à de nombreux services de localisation.

CNES, ESA, IGN, GRGS (Groupe de Recherches de Géodésie Spatiale)

Tandis que les Russes ont remis en service leur système de navigation GLONASS, et que Chinois et Indiens ont aussi des ambitions, les Européens mettent progressivement en place leur constellation Galileo, constituée de 4 satellites de test dits IOV (in-orbit validation) et 22 satellites opérationnels dits FOC (full operational capability). Les premiers, produits par Astrium, ont été lancés par Soyouz en Guyane en octobre 2011 et octobre 2012. Les seconds ont été commandés à l’entreprise allemande OHB, la filiale SSTL d’Astrium réalisant la charge utile, contre une offre concurrente d’Astrium-Thalès Alenia Space. Ils seront lancés entre 2013 et 2015. Si l’on compte aussi les deux satellites de tests, et les deux satellites en réserve au sol, ce sont 30 satellites qui auront été produits au total pour Galileo.

Après de nombreux retards (4 ans) et surcoûts, Galileo est finalement en voie d’aboutissement. Les premiers services (pré-opérationnels) sont prévus pour 2014-2015. La constellation complète devrait être déployée vers 2018-2019. Afin d’accélérer le déploiement de la constellation, la Commission a pris des risques, en abandonnant le principe d’une double source industrielle dans la fabrication des satellites, désormais confiés pour l’essentiel à l’entreprise allemande OHB. Nos interlocuteurs européens nous ont expliqué avoir agi dans l’intérêt du contribuable, en retenant l’offre la plus compétitive du point de vue de ses coûts, quitte à renoncer au principe de double approvisionnement, qui aurait offert une sécurité supplémentaire.

(b) Environnement, sécurité

Le programme européen GMES12 vise à développer des services combinant observations spatiales, données collectées in situ et modélisation, pour produire des données de surveillance du climat et de l’environnement susceptibles de servir à la décision publique, tant sur le long terme qu’en situation d’urgence.

GMES illustre le fait que les technologies spatiales sont devenues essentielles dans le domaine du développement durable car elles permettent de collecter des informations de manière globale, continue et homogène. L’observation de la Terre n’est pas un terrain nouveau pour l’Europe, puisque de nombreux programmes ont été développés et continuent à l’être, notamment par le CNES, en coopération avec des partenaires étrangers (voir ci-après, au II. B. 2. du présent rapport).

GMES a pour objet de créer un cadre commun cohérent pour structurer la demande et pour satisfaire cette demande grâce à des données harmonisées, soit en donnant accès à des services existants, soit en développant de nouveaux services opérationnels.

De nombreux domaines des politiques de l’environnement, par exemple le changement climatique, doivent bénéficier de GMES, qui est considéré comme la contribution européenne à la mise en place du réseau mondial des systèmes d’observation de la Terre GEOSS. Ce programme doit permettre à l’Europe d’accéder de façon autonome à des informations fiables et accroître ainsi son influence dans les négociations internationales.

L’architecture de GMES est fondée sur trois composantes : une composante « services », qui fournit des informations à l’appui des politiques environnementales et de sécurité, et deux composantes d’observation (infrastructures spatiales et in situ) qui fournissent les données nécessaires au fonctionnement des services. La composante spatiale est constituée de cinq missions Sentinel : Sentinel 1, Sentinel 2 et Sentinel 3 sont des constellations de satellites en orbite polaire ; Sentinel 4 est une charge utile qui sera embarquée sur un satellite Meteosat de troisième génération ; Sentinel 5 est une charge utile embarquée sur un satellite de météorologie en orbite polaire MetOp Seconde génération (2020).

Au-delà du déploiement de l’infrastructure, l’objectif de GMES est de mettre en place des services d’information environnementale, dans les domaines de la surveillance des territoires, des océans, de l’atmosphère, du climat, ainsi que pour la gestion des urgences et l’appui à la sécurité.

Pour y parvenir, il faut agir non seulement sur l’offre mais aussi sur la demande, ce qui suppose un pilotage passant par une réflexion sur l’utilisation des données, le développement de modèles, les conditions d’accès à l’information. Lors de leur déplacement à Bruxelles, vos rapporteurs ont trouvé leurs interlocuteurs quelque peu évasifs s’agissant du développement des services du programme GMES. Il leur a été dit que la Commission était « très en amont » de la réflexion à ce sujet, et que c’était à l’industrie de se mobiliser pour faire émerger ces services. Or, un an avant les premiers lancements de satellites de ce programme, il ne paraît pas prématuré de mettre en place le pilotage nécessaire à l’entrée en phase opérationnelle des services, la Commission ayant vocation à mettre en marche ce processus.

Pour la gestion de GMES, la Commission envisage de déléguer certaines tâches à l’Agence du système mondial de navigation par satellite européen (Galileo), actuellement en cours d’installation à Prague (GSA13), plutôt que de créer une agence dédiée ou de recourir à des compétences existantes (Eumetsat). Cette configuration ne paraît pas la plus adaptée, l’ampleur des tâches de la GSA pour Galileo étant déjà colossale ; elle pourrait, par ailleurs, venir doublonner des compétences déjà existantes chez Eumetsat. En effet, si Galileo a introduit la navigation-localisation-synchronisation en Europe, GMES développe pour sa part des compétences déjà existantes, dans le domaine de l’observation de la Terre.

Les incertitudes sur la gouvernance de GMES illustrent une politique spatiale européenne dont les contours et mécanismes devront être précisés.

(3) Un modèle en cours d’élaboration

Le modèle de la politique spatiale européenne reste à définir. Le traité de Lisbonne est une opportunité, mais de nombreuses questions restent posées.

En particulier, il n’est pas certain que les processus européens soient adaptés aux enjeux d’une politique industrielle.

La Commission n’a toujours pas fait pleinement sien le principe d’une utilisation systématique des lanceurs européens dans le cadre des programmes institutionnels du continent, même si elle a accepté de ne lancer les satellites Galileo que depuis Kourou.

Ainsi par exemple, dans le cadre du programme GMES, si le lancement de Sentinel 1A a été confié à Arianespace (Soyouz), les lancements de Sentinel 2A et 3A seront assurés par le lanceur Rockot, produit par la société Eurockot, depuis la base de Plesetsk en Russie. Basée à Brême, Eurockot est une joint venture entre Astrium (51 %) et Khrunichev (49 %) dont le lanceur est dérivé de missiles intercontinentaux soviétiques.

Par ailleurs, il est nécessaire de mettre en place une relation partenariale et les outils juridiques et contractuels correspondants entre l’Union européenne et ses États membres dans le domaine spatial, afin qu’ils puissent partager réellement la compétence spatiale, conformément au traité de Lisbonne.

La gouvernance du « triangle spatial » formé par l’Union européenne, l’ESA et les États membres n’est pour le moment qu’une ébauche. Elle doit être formalisée et permettre à l’Europe de bénéficier pleinement de toutes les compétences déjà existantes.

Comme le suggère le rapport du Centre d’analyse stratégique14, repris en cela par la Stratégie spatiale française (2012), l’UE doit jouer un rôle de pilotage et utiliser les compétences de l’ESA et des États membres dans la conduite des programmes.

En tant que maître d’ouvrage des programmes spatiaux de l’Union, il revient à la Commission de définir les priorités et de mettre en place les financements. Elle devrait ensuite s’appuyer sur les compétences techniques et les capacités de maîtrise d’ouvrage de l’ESA et aussi des agences spatiales des États membres pour qu’ils assurent conjointement, autour de l’ESA, en apportant les meilleures compétences, la maîtrise d’ouvrage déléguée de ces programmes.

La maîtrise d’œuvre a, pour sa part, vocation à être confiée à l’industrie européenne.

Un tel schéma, mettant en œuvre un principe de subsidiarité, faciliterait le partage effectif de la compétence spatiale conformément au Traité de Lisbonne.

Orientations

- Établir un véritable programme spatial de l’Union européenne, à horizon de dix ans, plus exhaustif dans ses ambitions et plus clair dans ses principes de gouvernance

- Dans ce cadre, faire de l’ESA l’agence spatiale de l’UE et permettre aux agences nationales d’apporter leurs compétences à la Commission

- Reconnaître le maintien de l’autonomie d’accès à l’espace comme prioritaire et donc la nécessité pour l’Europe de recourir à ses propres lanceurs

- Instaurer dans le domaine spatial un principe de réciprocité avec les partenaires non européens, c’est-à-dire n’acheter hors d’Europe que si les marchés tiers sont réellement ouverts

L’Europe spatiale, dont les schémas de fonctionnement ne sont pas stabilisés, fait par ailleurs usage de budgets institutionnels limités, en comparaison de ceux des autres puissances spatiales, partenaires et rivales.

2. Des budgets institutionnels limités

L’examen des budgets européens, auxquels la France apporte une contribution essentielle, sera précédé d’un aperçu des budgets consacrés en France à l’espace.

a) Les budgets spatiaux français

Les budgets publics alloués à l’espace en France s’élèvent à environ 2 Mds€ annuels, avec un effort particulier réalisé au cours des années récentes, au titre du programme d’investissements d’avenir.

Les crédits budgétaires du CNES s’élèvent à 760 M€ en 2012 (835 M€ en incluant les crédits au titre du plan d’investissement d’avenir) ; 743 M€ sont inscrits au projet de loi de finances pour 2013, soit 583 M€ sur le programme 193 (recherche spatiale) et 159 M€ sur le programme 191 (recherche duale), ce qui correspond à une baisse de 2,2  % (17 M€).

La contribution française à l’ESA, budgétée à hauteur de 770 M€ en 2012, serait portée à 799 M€ en 2013 (+3,8 %).

Les budgets spatiaux inscrits en loi de finances initiale (2012) en M€
Total : 1991 M€

Les budgets spatiaux par opérateur (2012)
Total : 1991 M€

(1) Programme 193 « Recherche spatiale » :

Ce budget représente près des ¾ du total. Il est sous la responsabilité du ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. La répartition des crédits au sein de ce programme montre la priorité accordée par la France à l’accès à l’espace, qui concentre plus d’un tiers du total, soit 494 M€, dont 354 M€ reversés à l’ESA.

Répartition des crédits du programme 193 « Recherche spatiale » (2012)

(2) Programme 191 : Recherche duale

Le programme 191 est à double finalité civile et militaire. Il a pour vocation de financer des actions d’intérêt pour la défense, conduites par le CNES et par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Il vise à maintenir le lien entre ces opérateurs et la Défense, ainsi impliquée dans la préparation du programme de recherche des organismes. S’agissant du volet aérospatial, confié au CNES, qui représente 82 % du montant total du programme, les programmes concernent, pour une part prépondérante du budget, des démonstrateurs en vol qui contribuent à la préparation des capacités futures et au développement de la base technologique et industrielle.

La coopération entre la Direction générale de l’armement (DGA) et l’agence spatiale a permis la mise en place et le financement des programmes suivants : ELISA (démonstrateur dans le domaine des écoutes électromagnétiques), Pléiades (observation optique), AltiKa (océanographie altimétrique), Athéna-Fidus (télécommunications haut-débit), Composante spatiale optique (CSO) de MUSIS15 (pour prendre la suite des satellites HELIOS), TARANIS (caractérisation du couplage atmosphère-ionosphère-magnétosphère lors des épisodes orageux). Au titre des activités de recherche et technologie, deux démonstrateurs sont actuellement en phase d’avant projet : CXCI est un démonstrateur de technologies innovantes dans le domaine du Renseignement d’origine image (imagerie très haute résolution) ; GRANDIR est un démonstrateur de détecteur infrarouge améliorant les performances.

(3) Programme d’investissements d’avenir

Le programme d’investissements d’avenir alloue 600 M€ à la recherche dans le domaine spatial.

D’une part, la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 relative au programme d’investissements d’avenir a ouvert une subvention de 500 M€ au CNES, au titre de l’action « Espace » du programme « Projets thématiques d’excellence ». Ces crédits sont destinés à financer :

- les études et démonstrateurs technologiques pour préparer la mise au point d’un nouveau lanceur « Ariane 6 » (250 M€) ;

- des projets de satellites déterminants pour le savoir-faire et la compétitivité de la filière française (250 M€).

Le volet « lanceur » porte sur un projet précédemment identifié, mais, dans la mesure où une décision relative au futur lanceur européen est attendue lors de la prochaine conférence ministérielle de l’ESA, une somme de 140 M€ a été réservée. Outre 82,5 M € alloués au titre de la phase 1 des études sur le lanceur de nouvelle génération, 27.45 M€ ont été consacrés à une recapitalisation d’Arianespace, dont l’État est actionnaire à hauteur de 33 %.

Le volet « satellites » a donné lieu à un appel à projet, qui a abouti à la sélection des programmes suivants :

- SWOT : Il s’agit d’une mission commune à la NASA et au CNES dont les objectifs sont de fournir des données altimétriques et cartographiques sur les océans, plans d’eau et fleuves, dans la continuité des satellites Jason actuellement en service, et dans la perspective de fournir des services à forte valeur ajoutée ;

- Myriade Évolutions : Il s’agit d’accroître les capacités de la plateforme de microsatellites Myriade, et d’obtenir la qualification de ce nouveau système au travers de la première mission utilisatrice, Merlin, qui est une coopération franco-allemande dans le domaine de la surveillance des gaz à effet de serre (méthane).

- Satellites du futur : Il s’agit d’aider les industriels français à affronter l’intensification de la concurrence dans le secteur des satellites, en encourageant l’apparition d’une nouvelle génération de plateformes de satellites géostationnaires de télécommunications (PFGeoNG) pour les satellites de 3 à 6 tonnes qui représentent 75 % du marché mondial. Cette nouvelle génération de plateformes sera complémentaire de la plateforme Alphabus développée par Astrium et Thalès Alenia Space, qui vise le marché des très gros satellites (plus de 6 tonnes). Ce projet doit conduire à une amélioration de 30 % de la compétitivité des satellites géostationnaires de télécommunications des industriels. Une seconde tranche de ce projet pourrait faire l’objet d’un nouveau programme dans le cadre du programme de télécommunications ARTES de l’ESA, qui sera proposé à la prochaine Conférence Ministérielle.

« Investissements d’avenir » sélectionnés (2010-2011)

Projet

Bénéficiaires ou porteurs

Montant autorisé consommable

Lanceur de nouvelle génération

CNES

82.5 M€

Recapitalisation d’Arianespace

Arianespace

27.45 M€

SWOT

CNES

170 M€

Myriade Evolution

CNES

40 M€

Satellites du futur

Astrium / Thales Alenia Space

42,5 M€

Source : Rapport relatif à la mise en œuvre et au suivi des investissements d’avenir (2012)

D’autre part, au sein de l’action « Développement des réseaux à très haut débit » du plan d’investissements d’avenir, qui vise prioritairement à accélérer le déploiement de la fibre optique sur le territoire, un effort a été consenti en faveur du développement des solutions satellitaires à très haut débit, sous maîtrise d’ouvrage du CNES, afin de permettre à terme une couverture exhaustive du territoire national. A ce titre, une enveloppe de 40 M€, susceptible d’être portée à 100 M€ d’ici 2013, est mobilisée.

(4) Budgets de la Mission Défense

Le Livre blanc Défense et Sécurité nationale (2008), jugeant que l’espace est devenu « un milieu aussi vital pour l’activité économique mondiale et la sécurité internationale que les milieux maritime, aérien ou terrestre », avait prévu un doublement des crédits consacrés aux programmes spatiaux militaires en moyenne annuelle, sur la base d’un budget qui s’élevait à 380 M€ en 2008 (voir ci-après la partie consacrée à l’espace militaire).

Le budget adopté en LFI 2012 paraît éloigné de cet objectif, avec 355,2 M€ en crédits de paiement (CP) pour l’espace militaire, dont 189,3 M€ de ressources budgétaires et 165,9 M€ en provenance du Compte d’affectation spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien  », abondé par le produit de la cession de bandes de fréquence relevant du ministère de la défense.

Cette estimation des ressources dédiées à l’espace militaire doit être considérée comme un ordre de grandeur. D’une part, elle dépend du périmètre attribué à l’espace militaire. D’autre part, ces crédits connaissent de fortes variations chaque année, notamment en termes d’autorisation d’engagement (par exemple : 297 M€ en 2012 contre 2024 M€ en 2011), en fonction de l’affectation annuelle des tranches des différents programmes16. Enfin, il existe chaque année des écarts significatifs entre autorisations budgétaires et réalisations ex post17.

Orientations

- Poursuivre dans la logique du programme d’investissement d’avenir, c’est-à-dire : consolider les budgets spatiaux français en privilégiant les dépenses ciblées destinées à améliorer la compétitivité de notre industrie

- Présenter l’ensemble des budgets spatiaux français dans un document unique, susceptible d’alimenter le débat public

b) Les budgets de l’Europe spatiale

La dépense publique spatiale européenne représente environ 6,5 Mds € par an, dont 4 Mds € pour les programmes de l’ESA. Le reste (environ 2,5 Mds€ par an) est constitué de programmes nationaux.

(1) L’ESA

Tous les États membres de l’ESA participent, en fonction de leur PIB, aux activités liées à la science spatiale, au travers d’un ensemble de programmes dits obligatoires. Ils choisissent par ailleurs leur niveau de participation aux programmes facultatifs. L’ESA gère aussi des programmes pour le compte de tiers (Galileo pour l’UE).

Modalités de participation des États membres au budget de l’ESA

Contribution obligatoire (% PIB)

Contribution facultative

- Budget général : études pour de futures missions, recherche technologique, éducation, investissements communs (équipements, laboratoires, infrastructure de base)

- Science : science du système solaire, astronomie, physique fondamentale

- Vols habités

- Télécommunications

- Observation de la Terre

- Lanceurs

- Navigation

- Exploration robotique

75 % du budget de l’ESA provient des contributions de ses États membres ; 25 % provient de l’UE et d’autres entités tierces, notamment Eumetsat. L’UE (20 %) est désormais le premier contributeur de l’ESA devant la France (19 %) et l’Allemagne (18 %).

La contribution française à l’ESA, qui s’élève à 770 M€ en 2012, pour un appel à contribution de 751 M€, est grevée par l’apurement de la dette que la France a contractée à l’égard de l’agence18. L’objectif de la France est de rembourser cet arriéré d’ici à 201519. Lors de son audition par vos rapporteurs, M. Jean-Jacques Dordain, directeur général de l’ESA, a estimé que cette dette avait permis de sauver le lanceur Ariane 5 après 2002 et qu’il s’agissait, par conséquent, d’une dette « salutaire » et « responsable ».

Lors du dernier Conseil ministériel de l’ESA, qui s’est tenu à la Haye (2008), 10,4 Md€ de programmes nouveaux ont été souscrits auprès des États membres, dont 2,33 Md€ de nouveaux engagements pour la France, en priorité pour l’accès à l’espace (737 M€), le développement durable (452 M€) et les sciences spatiales (484 M€). L’Allemagne est le premier souscripteur avec 2,7 milliards d'euros consentis. De façon générale, ce pays met plutôt l’accent sur la l’ISS, tandis que la France privilégie la thématique des lanceurs.

A l’avenir, si les évolutions se prolongent, il se pourrait que l’Allemagne devienne le premier État contributeur de l’ESA, après l’Union européenne, d’autant que les engagements financiers de la France demeureront contraints pour encore quelques années par le remboursement de l’arriéré qu’elle a accumulé. Étant donné l’objectif prioritairement industriel de la politique spatiale allemande, cette évolution, si elle s’accentuait, pourrait avoir des conséquences sur la base industrielle. Elle pourrait influencer les orientations – voire la philosophie – de la politique spatiale européenne, actuellement encore très largement héritière de la politique spatiale française.

Du point de vue de ses emplois, le budget de l’ESA se partage ainsi : 40 % pour les applications, 30 % pour la science et 25 % pour l’infrastructure (lanceurs et ISS). Ses deux plus gros programmes sont aujourd’hui l’observation de la Terre et la navigation, correspondant aux priorités affichées par l’Union européenne.

Orientations

- Poursuivre l’apurement de la dette de la France vis-à-vis de l’ESA

- Maintenir à long terme l’engagement de la France à l’ESA, c’est-à-dire sa part de contribution au budget, pour continuer à jouer un rôle moteur dans la définition de ce que doit être l’Europe spatiale, et pour demeurer en mesure de faire jouer les règles de « retour géographique » autant que possible au profit de notre industrie

(2) Une politique spatiale européenne à consolider par un financement pérenne

La Commission a présenté ses propositions de budget pour l’UE à l’horizon 2020 dans une communication de juin 201120. Ces propositions illustrent l’absence de vision globale de la politique spatiale européenne, qui se réduit au financement de Galileo et à une part du budget de la recherche de l’Union.

Proposition de la Commission pour le financement de Galileo (M€)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2014-2020

1 100

1 100

900

900

700

900

1 400

7 000

Initialement cofinancés par l’ESA, Galileo et EGNOS sont désormais intégralement financés par l’Union européenne, qui est propriétaire des biens issus de ces programmes. Comme le montre le tableau ci-dessus, la Commission propose d’inclure un budget de 7 milliards d’euros à ce titre au sein du prochain cadre financier pluriannuel (2014-2020), soit en moyenne 1 Md€/an.

La deuxième composante spatiale du budget de l’Union européenne est incluse dans le budget de la recherche Horizon 2020 (cadre stratégique commun pour la recherche, l’innovation et le développement technologique21). La Commission propose d’allouer 80 Mds€ sur la période 2014-2020 à ce budget, dont 1,7 Mds€ dans le domaine spatial.

Quant au programme GMES, financé depuis son lancement en 1998 par l’Union européenne et par l’ESA, il est à ce stade exclu du futur cadre financier pluriannuel de l’Union. Par le passé, l’UE a financé plutôt le développement des services de GMES, tandis que l’ESA se concentrait davantage sur la composante « espace ».

Financement de GMES sur la période 1998-2013

En M€

ESA

UE

Total

Composante « services »

240

520

760

Composante « espace »

1650

780

2430

Total

1890

1300

3190

Pour l’avenir, le déploiement, la maintenance et la mise à niveau de GMES nécessiteront, d’après la Commission, un budget de 5,8 Mds € pour la période 2014-2020, dont 1091 M€ pour les services, 350 M€ pour la composante in situ et 4,4 Mds€ (d’après les estimations de l’ESA) pour la composante « espace ».

Tandis que GMES entre en phase opérationnelle, et est donc amené à sortir du budget de la recherche, la Commission propose de l’exclure du cadre financier pluriannuel 2014-2020, estimant que le budget de l’Union européenne est insuffisant pour mettre en œuvre l’ensemble des politiques souhaitées par les États membres, singulièrement les « projets de grande envergure ».

La Commission européenne défavorable aux grands projets industriels ?

« L'expérience acquise au fil des ans a montré que les projets de grande envergure qui présentent un intérêt pour l'UE tendent à représenter un coût démesuré pour le budget limité de l'UE. Les prévisions de coûts initiales étant souvent dépassées du fait de la spécificité de ces projets, il est nécessaire de trouver des financements supplémentaires, ce qui implique également la nécessité de redéployer des fonds qui ont déjà été affectés à d'autres besoins prioritaires. Cette solution n'est pas viable et la Commission a donc décidé de soumettre d'autres propositions concernant le financement futur des projets scientifiques de grande envergure en établissant une distinction entre Galileo et les autres projets.

L'UE est l'unique propriétaire du projet Galileo et le présent paquet propose un budget suffisant pour couvrir ses besoins futurs. Il sera nécessaire de maintenir les efforts permettant de maîtriser les coûts. Le règlement fixant le cadre financier pluriannuel répondra à cette nécessité. Il est prévu de parvenir à la phase de déploiement complet de Galileo et à sa phase opérationnelle au début du prochain cadre financier; à ce stade, il conviendra d'envisager de nouvelles modalités de gestion dans une perspective à plus long terme.

En ce qui concerne les projets tels qu'ITER et GMES, dont les coûts et/ou les dépassements de coûts sont trop élevés pour être supportés exclusivement par le budget de l'UE, la Commission propose de prévoir leur financement en dehors du CFP après 2013. Cela permettra à l'UE de continuer à honorer pleinement ses engagements internationaux. »

La Commission reconnaît aussi toutefois, de façon quelque peu contradictoire, que « GMES n’a pas présenté de dépassements de coûts par le passé et n’est pas susceptible d’en présenter dans l’avenir, étant donné qu’il est fondé sur une structure qui permet, si nécessaire, de redéfinir les priorités du contenu et des objectifs de ses différentes composantes afin de rester dans la limite des coûts prévus. »

Source : Communications précitées des 29 juin 2011 et 30 novembre 2011.

En conséquence, c’est un budget intergouvernemental qui est proposé pour financer GMES, c’est-à-dire des contributions directes des États membres en fonction de leurs PNB respectifs, à hauteur de 5,8 Mds€ sur 7 ans.

Proposition de la Commission pour le financement de GMES (M€)
hors cadre financier pluriannuel

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2014-2020

834

834

834

834

834

834

834

5.841

La proposition de la Commission a été officiellement rejetée par la France et plusieurs autres États membres (Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Suède, Pays-Bas, Finlande). Le Parlement européen s’est aussi opposé à cette proposition.

Tandis que les infrastructures sont financées et en cours d’achèvement, puisqu’il est prévu de lancer en 2013 les satellites A des constellations Sentinel 1,2 et 3, l’incertitude sur le financement futur de la phase opérationnelle d’un programme pourtant reconnu comme stratégique par l’Union européenne instille un doute sur sa pérennité. L’ESA s’interroge, en toute logique, sur la nécessite de procéder aux lancements prévus. Cette situation est aberrante compte tenu des 3,2 Mds€ alloués à GMES jusqu’en 2013. Elle est d’autant plus préjudiciable à l’Europe que le satellite Envisat, dont les satellites Sentine ont vocation à prendre la suite, a récemment cessé de fonctionner (le 8 avril 2012).

L’approche de la Commission met en danger l’existence même du projet GMES, pour lequel plus de 3 milliards d’euros ont déjà été investis. Il est en effet peu probable que les États membres acceptent la vision développée par la Commission. Les discussions difficiles qu’engendrerait un modèle intergouvernemental susciteraient, à tout le moins, un allongement conséquent des délais du programme.

En revanche, d’après nos interlocuteurs, il paraît possible de réévaluer le coût du programme GMES, voire d’en reconfigurer certains aspects, afin de le rendre plus viable budgétairement.

Orientations

- Réintégrer rapidement GMES dans le cadre financier pluriannuel de l’Union pour 2014-2020

- Veiller concomitamment à la préservation des autres budgets spatiaux de l’UE (Galileo, recherche)

B. UNE INDUSTRIE DE PLUS EN PLUS CONCURRENCÉE

Le secteur spatial évolue rapidement, avec l’émergence de nouveaux acteurs publics et privés.

1. Une « niche stratégique » pour l’Europe

L’industrie spatiale est considérée comme une « niche stratégique », ancrée dans l’ensemble plus vaste formé par l’industrie aéronautique et de défense européenne. Malgré sa taille limitée, le secteur spatial a des retombées suffisamment significatives pour être considéré comme économiquement structurant.

a) Un marché dominé par la demande institutionnelle mais tiré par la demande commerciale

En 2011, l’industrie spatiale représente 35.000 emplois et un chiffre d’affaires de 6,3 Mds€ en Europe. Cette industrie est assez fragmentée à l’intérieur du continent, en conséquence des règles de fonctionnement de l’ESA. Les six principaux contributeurs de l’ESA (France, Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Espagne et Belgique) représentent 90 % des emplois générés en Europe par l’industrie spatiale. La France occupe de très loin la première place puisque l’industrie française représente plus de 50 % du chiffre d’affaire de l’industrie spatiale européenne et près d’un tiers des emplois.

Source : Eurospace facts & figures, édition 2012 - tous droits résérvés

Emplois directs de l’industrie spatiale en Europe (2011)

France

12 736

Allemagne

5 862

Italie

5 474

Royaume-Uni

3 526

Espagne

2 505

Belgique

1 474

Autres

3 567

Total

35 144

Source : Eurospace Facts & Figures 2012

A titre de comparaison, le nombre d’employés dans le domaine spatial sur l’ensemble du territoire des États-Unis s’élève, en 2011, à 264.461.

Si l’industrie spatiale est fragmentée d’un point de vue territorial, elle est dominée par quelques grands groupes, singulièrement EADS et Thalès qui représentent respectivement 33 % et 24 % de l’emploi du secteur. Le reste de l’emploi se partage entre d’autres grands groupes – Finmeccanica (8 %), Safran (4 %) – une entreprise en croissance –OHB (4 %) et des PME, qui représentent 5 à 8 % de l’emploi du secteur.

Le marché est à 81 % domestique. 19 % des ventes sont à l’exportation, ce qui représente un taux important pour ce type d’industrie. Les exportations sont presque exclusivement constituées de systèmes de télécommunications.

Le marché domestique institutionnel demeure majoritaire puisqu’il représente 53 % du chiffre d’affaires total de l’industrie spatiale européenne. Il s’agit de la demande provenant de l’ESA et d’autres entités publiques (agences spatiales, administrations en charge de la défense).

Il existe également un marché institutionnel à l’exportation (à la demande d’agences spatiales étrangères), qui représente 6 % du chiffre d’affaires total.

Les clients de l’industrie spatiale européenne (2011)

RDM : reste du monde (exportations)

Source : chiffres Eurospace Facts & Figures 2012

Le marché institutionnel européen est assez stable dans le temps, malgré une lente érosion. En revanche, la composante commerciale du marché et les exportations connaissent une évolution cyclique, s’agissant tant du marché des satellites de télécommunications que, dans une moindre mesure, du marché des lanceurs. Au cours des vingt dernières années, le seul marché spatial européen ayant connu une croissance significative est celui des applications satellitaires, tiré tant par son évolution intrinsèque que par la part de marché croissante des entreprises européennes. Ce marché des applications satellitaires représente 50 % des ventes finales (3,2 Mds€).

Source : Eurospace facts & figures, édition 2012 - tous droits résérvés

60 % des revenus tirés de ces applications satellitaires proviennent des systèmes de télécommunications. Le reste est constitué des systèmes d’observation de la Terre et de navigation, dont les clients sont principalement institutionnels et dont les évolutions sont moins cycliques. Les systèmes de télécommunications connaissent le plus fort taux d’exportation (42 %) de l’industrie spatiale.

Le marché commercial privé est donc tiré par les opérateurs de satellites de télécommunications européens (15 % du chiffre d’affaires de l’industrie spatiale européenne) et du reste du monde (6 %). Il inclut aussi le client Arianespace (11 %).

Source : Eurospace facts & figures, édition 2012 - tous droits résérvés

Les chiffres de l’industrie spatiale n’illustrent toutefois que partiellement les retombées socio-économiques de ce secteur.

b) Un secteur structurant par ses retombées économiques et sociales

Le périmètre des chiffres de l’industrie spatiale est restreint aux activités industrielles associées à la conception, au développement et à la production des systèmes spatiaux en Europe. Ils n’incluent donc ni la fourniture de services spatiaux, ni la fabrication des produits associés à leur usage, tels que les terminaux (récepteurs satellites, GPS…). Ne sont donc pas prises en compte les activités d’entreprises telles qu’Eutelsat, SES, Paradigm, Inmarsat (opérateurs de satellites) ou Arianespace (fournisseur de services de lancement).

L’industrie spatiale irrigue une longue chaîne de valeur, si l’on prend en considération, outre les infrastructures produites, les services, les terminaux et contenus échangés. D’après les auditions réalisées, le « retour sur investissement », c’est-à-dire la valeur produite par les applications, rapportée à celle des infrastructures, serait d’environ 20.

Les trois chaînes de valeur des applications satellitaires commerciales (estimations pour l’année 2008 en Mds $)


Au-delà même de cette chaîne de valeur, qui inclut les services et produits dérivés de l’activité spatiale, celle-ci génère des gains de productivité qui bénéficient à l’ensemble de l’économie. Les domaines de l’agriculture, de la pêche et des transports aériens en sont des exemples.

La société bénéficie plus largement encore de cette activité si l’on prend en considération l’ensemble des « coûts évités » grâce aux applications satellitaires. La prévision des risques naturels, qui permet de protéger vies et biens, est un exemple flagrant de ces « coûts évités », de même que l’anticipation des épidémies. Mais c’est aussi quotidiennement que l’utilisation des services spatiaux est profitable, bien que dans une mesure difficilement chiffrable, si l’on songe à la multitude de gains indirects découlant d’applications telles que les prévisions météorologiques, les services de navigation-localisation-synchronisation ou encore la fourniture de services d’information et de communication dans les zones enclavées, singulièrement dans les pays en développement (télé-éducation, télé-médecine). A titre d’exemple, Aux États-Unis, une étude estime que l’investissement public dans le domaine de la prévision et de l’alerte météorologiques génère annuellement environ 31.5 Mds$ de retombées économiques, pour un coût de production de l’information estimé à 5.1 Mds$22. En France, on estime que 30 % de l’économie est sensible à la météorologie.

Enfin, les transferts de technologie vers d’autres secteurs que le spatial sont aussi susceptibles d’augmenter le retour sur investissement final. Des études évaluent à 1.600 le nombre de technologies dérivées des programmes de la NASA ayant fait l’objet de transferts à d’autres secteurs : on peut citer, par exemple, l’usage de technologies optiques dérivées du télescope spatial Hubble pour la chirurgie arthroscopique. Ou encore, parmi les 120 technologies dérivées de la Navette spatiale, un aérogel utilisé comme isolant pour les habitations et équipements industriels, ainsi que pour traiter de problèmes circulatoires.

Quelques exemples de retombées économiques, sociales et sanitaires du secteur spatial

Les satellites modifient les pratiques agricoles et contribuent à la sécurité alimentaire23.

Les moyens satellitaires viennent compléter les dispositifs de supervision au sol, souvent plus coûteux et plus difficiles à déployer. Les systèmes spatiaux permettent de disposer :

- d’informations quasiment en temps réel sur l’utilisation des sols agricoles et la végétation ;

- de plans cadastraux améliorés, en vue d’une meilleure planification de l’usage des sols (Inde) ou pour des vérifications réglementaires (politique agricole commune) ;

- d’une diminution des coûts, grâce à l’agriculture de précision qui permet d’optimiser l’activité agricole à toutes les étapes, par exemple de réduire la quantité d’engrais et de pesticides utilisés ;

- d’améliorer les pratiques d’irrigation (Inde).

Un exemple d’application satellitaire dans le domaine de la médecine :
la lutte contre la dengue hémorragique

La dengue hémorragique est une infection virale transmise par certaines espèces de moustiques (Aedes aegypti), qui s’étend progressivement et menace aujourd’hui 40 % de la population mondiale. Un partenariat entre le CNES et le laboratoire pharmaceutique Sanofi Pasteur vise à cartographier les zones de présence potentielle de ces moustiques afin d’anticiper les épidémies en conjuguant des données climatologiques, environnementales et sanitaires avec des images spatiales. Cette méthode – la télé-épidémiologie – a déjà été éprouvée pour d’autres maladies comme le paludisme ou la fièvre de la vallée du Rift.

L’ampleur des bénéfices socio-économiques de l’activité spatiale n’a pas échappé aux pays émergents, notamment les pays très peuplés, à l’image de la Chine ou de l’Inde qui misent sur ce secteur au service de leur développement socio-économique, outre le bénéfice politique escompté. Cette situation est à l’origine d’une concurrence croissante pour les acteurs historiques du secteur spatial.

2. Des marchés ouverts à une concurrence croissante

A la fin des années 1980, 100 % des satellites et lanceurs dans le monde étaient nationaux. La situation a évolué sous l’influence de deux facteurs : l’émergence d’une demande en provenance de pays ne disposant pas d’industrie spatiale et la privatisation des opérateurs de satellites de télécommunications. 92 % des lancements et 96 % des satellites achetés à un pays autre que celui du client concernent des systèmes de télécommunications.

Cette concurrence ne fait aujourd’hui que s’aiguiser davantage.


Source : Isabelle Sourbès-Verger (CNRS)

a) Le retour des États traditionnellement présents

La dépense publique spatiale dans le monde est évaluée à 65 Md€ en 2010, dont 53 % de dépenses civiles et 47 % de dépenses militaires. Les États-Unis et la Russie sont historiquement les deux acteurs dont les budgets spatiaux sont les plus élevés en pourcentage de leur PIB ou de leurs crédits de R&D.

Programmes civils spatiaux en % des crédits budgétaires publics de R&D

Source : OCDE

(1) Etats-Unis : des entreprises qui se tournent davantage vers le marché commercial

Aux États-Unis, l’industrie spatiale traditionnelle reste forte. Elle se tourne vers des marchés sur lesquels elle n’était pas présente jusqu’alors : elle a gagné fin 2010 des marchés Eutelsat, Inmarsat et Hispasat (agences localisées en Europe) pour un total d’1 Md$. Les coupes budgétaires publiques conduisent les entreprises privées à se tourner de façon croissante vers le secteur commercial. Le budget spatial militaire est particulièrement concerné par ces coupes : la requête de l’administration Obama pour 2013, qui ne couvre que les programmes non classifiés, s’élève à 9,8 Mds$, soit une baisse de 15 % (en réalité, le budget total des activités spatiales militaires américaines est estimé à 25 Mds$). Quant au budget de la NASA, après avoir été gelé il est lui aussi en baisse, quoique dans une moindre mesure (17,7 Mds$ en 2012 contre 18,4 Mds en 2011 soit -3,8 %).

En trois ans, Boeing Satellite a ainsi fait progresser la part commerciale de son carnet de commandes de 8 % à 28 %, pour compenser la baisse des commandes militaires.

Malgré les coupes budgétaires, des budgets institutionnels de grande ampleur continuent à être mobilisés, à hauteur de 48 Mds$, dont 18,5 Mds$ pour la NASA et 11,5 Mds$ pour le département de la Défense (2011).

Les entreprises du secteur spatial sont largement bénéficiaires de ces budgets, d’autant que l’administration américaine privilégie une logique de commercialisation des produits issus de l’investissement public initial. Dans le domaine des lanceurs, l’administration a demandé à la NASA de déléguer les lancements habités en orbite basse à des compagnies commerciales, ce qui conduit à subventionner significativement de futurs concurrents potentiels de l’Europe, tels que Space X. Des budgets importants sont par ailleurs consacrés à l’imagerie, avec l’injection de 7,3 Mds€ aux entreprises GeoEye et Digital Globe pour des achats à long terme d’images et de services.

(2) Russie : restructurations et investissements massifs

La Russie bénéficie de l’héritage de l’URSS dans le domaine spatial. Au milieu des années 1990, elle a assuré la commercialisation des lanceurs développés par l’industrie soviétique par le biais de partenariats avec des sociétés occidentales.

Ainsi, en 1993, un joint venture a été créé entre les sociétés Lockheed, Khrunichev et Energia (LKEI) pour la commercialisation de la fusée Proton, dont le premier lancement remonte à 1965. En 1995, à la suite de la fusion des sociétés américaines Lockheed et Martin Marietta, la société International Launch services (ILS) a été créée pour la commercialisation des services de lancement de Proton et de la fusée américaine Atlas. En 2006, la société Space Transport Inc. a acheté la part possédée par Lockheed Martin dans ILS, qui se concentre depuis lors sur la commercialisation du seul lanceur Proton, tandis que le lanceur américain Atlas V (de même que la fusée Delta) est opéré par un joint venture formé en 2006 entre Lockheed Martin et Boeing (ULA, pour United Launch Alliance). Khrunichev est devenu l’actionnaire majoritaire d’ILS en 2008.

Sea Launch est un autre exemple de ce type de partenariat : créée en 1995, il implique Boeing, la société russe Energia (héritière de toute la politique spatiale soviétique, notamment dans le domaine du vol habité), le Norvégien Kvaerner Maritime et deux sociétés ukrainiennes fournissant une partie du lanceur, d’origine soviétique, Zenit. Les lancements ont lieu à partir d’une plateforme mobile placée en mer au niveau de l’équateur. Après avoir connu un échec en 2007, Sea Launch est entrée en procédure de faillite (chapitre 11 de la loi américaines sur les faillites) en 2009, mais a redémarré ensuite les lancements, après une reprise par Energia en 2010. Sa filiale Land Launch utilise une variante de ce système, dans laquelle la fusée Zenit est lancée de Baïkonour.

Eurockot est un autre exemple de coopération industrielle. Il s’agit d’un joint venture entre EADS Astrium (51 %) et Khrunichev (49 %), commercialisant le lanceur léger Rockot, dérivé d’un missile intercontinental soviétique, lancé à partir de la base russe de Plesetsk.

Enfin, cette politique de coopération est à l’origine de la création de la société Starsem (1996), filiale d’Arianespace, constituée avec Astrium, l’Agence spatiale russe Roskosmos et le Centre spatial de Samara, chargée de commercialiser le lanceur moyen Soyouz. La réussite de cette coopération fut le prélude à l’installation de Soyouz au Centre spatial guyanais (CSG). Arianespace poursuit parallèlement une activité de lancements depuis Baïkonour par l’intermédiaire de cette filiale. Pour la Russie, ce partenariat avec l’Europe permet d’augmenter le nombre de lanceurs produits à Samara (environ 10-15 par an aujourd’hui, contre une soixantaine au début des années 1980…). Il rend possible le lancement de satellites institutionnels européens, tels que Galileo ou Pléiades, pour lesquels le lancement à partir du territoire européen est requis. Il permet un accroissement des performances du lanceur par rapport à Baïkonour, le CSG étant idéalement situé, près de l’équateur.

La Russie a récemment restructuré son industrie qui était très dispersée (plus de 500 entreprises) avec pour objectif de créer, à terme, 4 à 5 holdings concurrentes. Ces transformations sont probablement indirectement à l’origine des échecs subis en 2011, lors de 4 lancements, et précédemment (Proton a connu un échec par an en moyenne depuis six ans).

Il y a fort à parier que les difficultés rencontrées par la Russie seront transitoires, d’autant que ce pays investit massivement pour relancer sa politique spatiale. Un nouveau port spatial est en construction à l’est du pays (Vostotchny) et une nouvelle famille de lanceurs (Angara) est en cours de développement, pour assurer l’indépendance de la Russie, notamment vis-à-vis des anciens États de l’URSS, la base de Baïkonour, actuellement utilisée pour les lancements de Proton, Soyouz et Zenit, étant située au Kazakhstan.

Depuis l’arrêt par les Américains de la Navette spatiale (2011), les Russes sont les seuls à procéder à des vols habités vers l’ISS, grâce à la version adaptée du lanceur Soyouz, opérés depuis Baïkonour.

Enfin, la Russie est très présente dans la coopération avec de nombreux pays (Chine, Inde, Brésil). Bien placée sur le marché des lanceurs, elle souhaiterait, à l’avenir, accroître sa présence sur le marché des autres services spatiaux (satellites de télécommunication notamment).

b) Les puissances spatiales émergentes

Plus de 50 pays ont aujourd’hui des satellites en orbite, et 10 ont l’intention d’en avoir au cours des cinq prochaines années. En plus de l’Europe, 7 pays ont une capacité de lancement autonome (États-Unis, Russie, Chine, Japon, Inde, Israël, Iran). Le Brésil, la Corée du sud et l’Indonésie souhaitent développer leurs propres lanceurs au cours des cinq prochaines années.

Budgets publics spatiaux en % du PIB

Notes :

*Pays hors OCDE. Chine : données fondées sur estimations

Source : OCDE

Budgets publics spatiaux en valeur absolue (2010)
M$

Notes : Ces estimations sont des ordres de grandeur dans la mesure où les taux de change sont susceptibles d’altérer la comparabilité des chiffres. Les budgets sont civils et militaires.

Source : OCDE

La Chine est le troisième pays lanceur après la Russie et les États-Unis. En termes de nombre de lancements, elle est d’ailleurs à égalité avec ces derniers en 2011 (19 lancements pour chacun de ces deux pays contre 7 pour l’Europe). Elle dispose d’une gamme de lanceurs modulables, sur le modèle russe, lui assurant la maîtrise de tous les types de lancements, en orbite basse comme en orbite géostationnaire, et permettant d’assurer toutes les missions spatiales y compris habitées.

Depuis le lancement de son premier satellite en 1970, la Chine est devenue une puissance spatiale complète, impliquée dans tous les types d’activité spatiale, y compris le vol habité depuis 2003. Une étape supplémentaire a été franchie en juin 2012 lors du premier amarrage d’un vaisseau habité chinois avec un module préfigurant une future station spatiale chinoise, prévue pour 2020. Le Livre blanc sur le programme spatial chinois, publié fin 2011, révèle des ambitions dans tous les domaines des activités spatiales, et singulièrement en matière d’observation (satellites météorologiques, de télédétection, de télécommunications, navigation-localisation).

Le budget spatial chinois fait l’objet d’estimations variées, entre 1,5 et 3 Mds$24 ou encore 6,5 Mds$25, soit, en ordre de grandeur, un dixième du budget américain. Il se situe vraisemblablement à un niveau intermédiaire entre les budgets russe et européen. L’industrie est constituée d’une quarantaine d’entreprises employant environ 48.000 personnes.

Le Brésil augmente significativement ses budgets spatiaux, qui devraient atteindre 226 M€/an pour la période 2012-2015. Ce pays coopère avec la Chine pour développer des satellites d’observation (CBERS) et avec l’Ukraine pour développer un nouveau lanceur, Cyclone, qui doit faire l’objet d’un vol de démonstration depuis la base brésilienne d’Alcantara en 2013.


3. Vers un modèle « Space X » ?

Créée en 2002 par un inventeur et investisseur privé, également fondateur du système de paiement par internet Paypal - Elon Musk – l’entreprise Space X est aussi l’héritière directe du tournant pris par la politique spatiale américaine sous la présidence Obama.

a) Le tournant de la politique spatiale américaine

En 2004, quelques mois après la catastrophe de la navette Columbia (2003), le président George W. Bush relançait le programme spatial américain avec le programme Constellation qui prévoyait, en contrepartie d’un arrêt rapide de l’ISS et de la Navette, le développement d’un lanceur lourd (Arès) et d’une capsule (Orion) pour le transport des astronautes au-delà de l’orbite basse, dans l’objectif de revenir sur la Lune d’ici 2020.

Peu après son élection, le président Barack Obama, souhaitant que soient évaluées les premières années de mise en œuvre de ce programme, a mis en place une commission présidée par Norman Augustine, ancien PDG de Lockheed-Martin. Le rapport26 de cette commission a établi que les moyens mis en œuvre dans le cadre du programme d’exploration spatiale de l’ancien président étaient insuffisants eu égard aux objectifs fixés. Il a préconisé une plus grande efficacité, d’une part grâce à un accroissement de la coopération internationale, et d’autre part grâce au développement de partenariats avec des entreprises commerciales. D’après la commission Augustine, la NASA devrait être recentrée sur sa mission de Recherche & développement, en vue de l’exploration lointaine, tandis que la desserte de l’orbite basse serait considérée comme un service commercial. La commission reconnaît que ce schéma comporte une part de risque, mais il devrait permettre, selon elle, de restaurer plus rapidement et un coût moins élevé la capacité des États-Unis à desservir l’orbite basse après l’arrêt de la Navette spatiale.

A la suite de ce rapport, les États-Unis ont prolongé la Station spatiale jusqu’en 2020, et abandonné la Navette en 2011. En conséquence, les Américains dépendent des Russes, des Européens et des Japonais pour ravitailler l’ISS ; ils dépendent entièrement des Russes (Soyouz) pour sa desserte habitée, ce qui est source de vulnérabilité. N’ayant par ailleurs pas d’objectif clair pour l’après-ISS, la politique spatiale américaine semble dans une situation de faiblesse inédite et probablement temporaire.

Conformément au rapport Augustine, la NASA, rompant avec son approche traditionnelle, a octroyé des subventions à des programmes privés plutôt que de poursuivre ses propres programmes de développement. Alors que par le passé l’agence était le maître d’œuvre des lanceurs, elle en confie désormais la définition, le développement, la fabrication et l’exploitation au secteur privé. En 2008, dans le cadre du programme de transport orbital COTS27 ; elle a accordé deux contrats de ravitaillement de la station aux entreprises Space X et Orbital. Plus récemment, en août 2012, dans le cadre de la troisième phase28 du programme de transport spatial habité, la NASA a signé des accords avec trois entreprises en vue du développement de services commerciaux. Les partenaires choisis sont Space X (qui recevra 440 M$ à ce titre), Boeing (460 M$) et, pour un financement moitié moindre, Sierra Nevada (212.5 M$).

De fait, l’organisation préconisée par le rapport Augustine est économique, car elle permet d’éviter la duplication des fonctions de management et offre aux industriels une grande souplesse. En contrepartie, les paiements octroyés par la NASA sont conditionnés à la réussite d’étapes clés.

Ce transfert de la maîtrise d’œuvre des systèmes n’empêche pas une entreprise comme Space X d’avoir accès au savoir faire de l’agence spatiale, leurs dirigeants reconnaissant d’ailleurs « reposer sur les épaules de géants » : « Une entreprise privée dans le vide n’aurait pas pu faire ce que nous avons fait »29. Outre que la NASA et l’US Air Force ont déjà investi plus de 800 M$ dans Space X, cette entreprise dispose aussi d’un important soutien avec la mise à disposition de nombreux ingénieurs expérimentés de la NASA, intégrés directement aux équipes.

Si la NASA poursuit pleinement les orientations du rapport Augustine, pour ce qui est de déléguer au secteur commercial la desserte de l’orbite basse, elle suit un chemin plus chaotique s’agissant du développement de la coopération internationale, également préconisé par ce rapport. Ainsi, au moment où l’atterrissage du rover Curiosity est un succès, et où la NASA annonce un nouveau programme d’exploration martienne devant faire l’objet d’un lancement en 2016, elle abandonne le programme ExoMars, mené en coopération avec l’ESA, et dont l’échéance de lancement était aussi 2016.

Dans le domaine du vol habité vers la Station, tandis que la NASA sélectionnait en août 2012 les trois entreprises Space X, Boeing et Sierra Nevada, elle mettait à l’écart l’offre américano-européenne d’ATK (Liberty), faisant ainsi l’impasse sur une occasion d’étendre la coopération internationale au niveau industriel, avec une dimension symbolique et politique forte puisque Liberty aurait combiné des éléments provenant respectivement de la Navette spatiale et d’Ariane 5. Par certains aspects, Liberty ressemblait peut-être trop au lanceur Ares 1 du programme Constellation lancé par l’ancien président George W. Bush pour être acceptable par l’administration Obama. Cette ressemblance aurait aussi pu être source de synergies pour l’avenir du programme spatial américain et la coopération internationale sur l’ISS et post-ISS. Mais elle aurait remis en cause l’approche de l’administration, selon laquelle le secteur privé assure la desserte de l’orbite basse tandis que l’exploration lointaine demeure du champ de compétence de la NASA. En définitive, c’est probablement cet aspect qui a été déterminant. En effet, il est difficile d’affirmer que le patriotisme ait joué, dans la mesure où la proposition de Boeing comporte une motorisation russe. Mais il est tout aussi difficile de croire que la proposition de trois des entreprises mondiales, parmi les plus reconnues et les plus fiables dans leurs domaines (ATK, EADS, Lockheed-Martin) ait pu être insuffisamment étayée techniquement ou financièrement, comme l’a affirmé la NASA.

Vos rapporteurs ne peuvent que déplorer cette situation, même s’ils ont pu, par ailleurs, constater lors de leur déplacement aux États-Unis que les coopérations euro-américaine et franco-américaine, demeuraient vivaces sur d’autres sujets (Station spatiale, missions martiennes Mars Science Laboratory et Maven30…). Des incertitudes persistent néanmoins, pour des raisons budgétaires, sur les modalités de réalisation de certaines missions communes (télescope spatial James Webb, Argos, Jason-3).

Liberty

Liberty est le lanceur proposé à la NASA pour la desserte habitée de l’orbite basse, par l’entreprise américaine ATK (Alliant Techsystems), en coopération avec Lockheed-Martin et avec les industriels européens EADS Astrium et Safran-SNECMA. Ce lanceur combine des éléments provenant respectivement de la Navette spatiale et d’Ariane 5. Le premier étage de Liberty est constitué d’un booster à propulsion solide issu de la Navette (fourni par ATK). Son deuxième étage est l’étage principal cryogénique d’Ariane 5 (Astrium), conçu à l’origine pour le transport de la navette Hermès, alimenté par le moteur Vulcain 2 (Safran-SNECMA). La fusée est destinée au transport d’un module habitable (Lockheed-Martin). Destiné à des vols de démonstration en 2014-2015, puis à des vols opérationnels à partir de 2016, Liberty peut transporter jusqu’à environ 20 tonnes en orbite basse.

Ce projet, bien que non financé par la NASA, bénéficiait d’un accord de coopération avec l’agence spatiale américaine depuis 2011 (Space Act agreement). Le 3 août 2012, la NASA a annoncé avoir retenu trois partenaires, parmi lesquels ne figure pas ATK.

b) Les premiers succès de Space X

Confortée par le soutien de la NASA, Space X (pour Space exploration technologies) conçoit ses systèmes à partir d’un principe tiré, a contrario, des leçons de la Navette spatiale : de la simplicité découlent à la fois la fiabilité et la modicité des coûts.

Systèmes de transports spatiaux de Space X : Falcon 9, Falcon Heavy, Capsule Dragon

La gamme de lanceurs de Space X est un système modulable, à partir d’un premier étage de lanceur et d’un moteur appelé Merlin, propulsé par de l’oxygène liquide et du kérosène (RP1) et produit en interne par l’entreprise. Le premier étage du lanceur Falcon 9 possède ainsi neuf moteurs Merlin ; son deuxième étage, qui est simplement une version plus courte du premier, est propulsé par le même type de moteur. Quant au lanceur Falcon Heavy, encore en projet, il consiste à ajouter au premier étage de Falcon 9 deux autres premiers étages identiques, pour jouer le rôle de boosters, ce qui revient à rassembler en tout 27 moteurs Merlin.

Les 9 moteurs Merlin du premier étage de Falcon 9

Source : Space X

D’après Space X, cette modularité est un facteur de fiabilité, puisqu’il est possible de poursuivre et de réussir pleinement une mission de Falcon 9 malgré l’échec d’un moteur, voire même de plusieurs pour ce qui est du lanceur Falcon Heavy. Cette hypothèse a été vérifiée lors du lancement du 7 octobre 2012 au cours duquel l’explosion de l’un des moteurs de Falcon 9 n’a pas empêché le lanceur de placer la capsule Dragon à l’endroit prévu.

Cette modularité est aussi un facteur de baisse des coûts. Elle permet de jouer sur les effets de série, puisqu’il n’y a qu’un seul type de fusée par véhicule, contrairement à ses concurrents qui combinent généralement des moteurs et modes de propulsion différents. Ariane 5 combine par exemple trois types de moteurs et deux types de propulsion, cryogénique et solide. Sur le plan industriel, ce concept permet à Space X d’intégrer l’ensemble des activités de développement et de production en un lieu unique, à Hawthorne (Californie), selon un modèle radicalement opposé à celui du « retour géographique ».

Ainsi Space X propose, sur son site internet, des lancements de Falcon 9 (13 t en orbite basse ; 4,85 t en orbite de transfert géostationnaire) à partir de 54 M$ et de Falcon Heavy (jusqu’à 53 t en orbite basse et 12 t en orbite de transfert géostationnaire) à 80-125 M$. D’après ILS31, Space X serait en moyenne 50 % moins cher qu’ILS ou Arianespace. Un lancement (dual) d’Ariane 5 coûte, par comparaison, de l’ordre de 150 M€. Space X estime le coût de développement de Falcon 9 à 390 M$, alors qu’avec la NASA comme maître d’œuvre, ce programme aurait pu coûter 4 Mds$, soit dix fois plus.

La capsule Dragon, développée pour la desserte de la Station spatiale, poursuit les mêmes objectifs de simplicité et de fiabilité, qui sont aussi à l’origine de la réussite du module habité russe Soyouz.

Après 3 échecs, le premier lancement réussi de Falcon 1 a eu lieu en 2008. A ce jour, le lanceur Falcon 9 a accompli 4 missions réussies. En décembre 2008, la NASA a annoncé la présélection de Falcon 9 et de la capsule Dragon, en vue de la desserte de l’ISS. Après un vol de qualification réussi en juin 2010, Falcon 9 a réussi ses deux premières missions (lancement de la capsule Dragon) en décembre 2010 puis en mai 2012. Au cours de cette dernière mission, la capsule, lancée par Falcon 9 depuis Cap Canaveral (Floride), s’est arrimée avec succès à la Station spatiale avant de revenir sur Terre. Puis la première mission opérationnelle de ravitaillement de la Station s’est déroulée en octobre 2012. Elle constitue la première de 12 missions vers l’ISS que Space X doit réaliser pour la NASA, au titre d’un contrat CRS32, dans le cadre du programme COTS33, signifiant la restauration de la capacité des Américains à desservir la Station en ravitaillement, ce qui est le préalable indispensable à la restauration de leur capacité à y envoyer des astronautes.

Les lanceurs Falcon font par ailleurs leur entrée sur le marché commercial, ayant obtenu plusieurs contrats de lancement : récemment par exemple, pour l’opérateur européen de satellites SES ou pour Intelsat. Illustrant la concurrence que se livrent les lanceurs « low cost », un marché thaïlandais a été gagné par Space X contre le lanceur chinois Longue Marche. Longtemps les succès de Space X sont demeurés théoriques : ainsi l’entreprise a réalisé des bénéfices en 2011, en l’absence de tout lancement, grâce à ses développements pour le compte de la NASA, et en remportant les deux contrats de lancement de satellites à propulsion électrique commandés à Boeing par les opérateurs asiatique ABS (Asia Broadcast system) et mexicain (SatMex). Toutefois, en 2012, le lanceur Falcon 9 a connu plusieurs succès, le carnet de commandes a continué à s’étoffer (1 Md$), et le soutien de la NASA s’est consolidé. Le premier lancement commercial de Falcon 9 doit avoir lieu en 2013, de la base américaine de Vandenberg, pour MDA34 (Canada). Un peu plus tard au cours de la même année doit avoir lieu le premier lancement vers l’orbite géostationnaire, pour l’opérateur de satellites SES. Certes, la plupart des clients de Space X ont prévu une « porte de sortie », vers un autre lanceur, en cas de défaillance de l’entreprise californienne, mais c’est la première fois qu’un lanceur ayant si peu volé, et jamais vers l’orbite géostationnaire, engrange autant de commandes.

Space X a été fondée au départ avec l’ambition affichée de relancer l’intérêt pour l’exploration humaine de Mars en contribuant à en diminuer les coûts. L’objectif ultime de son fondateur n’est rien moins que de créer une nouvelle civilisation sur Mars… Cette entreprise se veut ainsi une nouvelle incarnation du rêve américain, combinaison, au moins symboliquement, du mythe de la libre-entreprise et de celui de la conquête d’une « nouvelle frontière ». Au fond, le concept d’une entreprise privée, fortement subventionnée par la puissance publique, mais investissant néanmoins aussi sur fonds propres, n’est pas si éloigné du modèle européen. Mais Space X ne se prive pas de jouer sur ses mythes fondateurs, en rappelant l’investissement privé initial de son fondateur, et sa parenté avec l’histoire spatiale américaine (le moteur Merlin qu’elle utilise provenant par exemple du module de descente lunaire du programme Apollo).

Mais surtout, pour parvenir à ses objectifs de long terme, et faire baisser les coûts de l’exploration spatiale, l’entreprise ne cache pas ses ambitions commerciales, susceptibles de venir très rapidement bouleverser les marchés. Le fort soutien de la NASA dont elle bénéficie laisse penser qu’elle pourrait y parvenir.

S’il y a bien un « modèle Space X », c’est dans le sens d’une rénovation des relations entre acteurs institutionnels et industriels, et d’une optimisation de l’organisation productive, sources de réduction des coûts.

S’il y a sans doute des leçons à tirer de ce modèle pour l’Europe, celui-ci a aussi ses limites, puisque Space X devra subir à l’avenir un important « fardeau » de régulations imposées par la NASA. L’un des interlocuteurs américains de vos rapporteurs a même envisagé la possibilité que Space X refuse à terme ce « fardeau », susceptible de nuire à sa compétitivité.

II. L’EUROPE SPATIALE : UNE AMBITION NÉCESSAIRE, ENTRE PUISSANCE ET INTERDÉPENDANCE

Une politique spatiale ambitieuse est nécessaire, d’une part dans l’intérêt de l’Europe, d’autre part pour traiter de problématiques mondiales, en coopération avec les autres puissances spatiales.

A. L’ESPACE : UNE AMBITION NÉCESSAIRE POUR L’EUROPE

La maîtrise des technologies spatiales est un enjeu politique et de souveraineté ; mais aussi un enjeu économique et industriel. Il s’agit des deux facettes d’une même ambition : celle de l’autonomie européenne.

1. Une ambition industrielle et technologique

Cette ambition industrielle et technologique nécessite de réduire la dépendance de l’Europe dans certains secteurs technologiques clefs, et d’aider les industriels européens, confrontés à une concurrence internationale croissante, à consolider leurs positions commerciales et donc leur compétitivité.

a) Réduire la dépendance de l’Europe

La dépendance de l’Europe pour son approvisionnement en certains composants est problématique dans le contexte de l’existence des règles d’exportation américaines ITAR, qui engendrent des contraintes pour les industriels européens. Plus généralement, en dehors du contexte ITAR, cette dépendance est préjudiciable à la compétitivité de l’industrie européenne.

(1) Les règles ITAR

Les règles ITAR interdisent aux industriels européens d’exporter sans autorisation des produits qui comporteraient des composants ou technologies développés aux États-Unis, obligeant ces industriels à développer de coûteuses filières « non ITAR » (ITAR free) comme l’a fait Thalès Alenia Space, néanmoins objet d’une investigation de la part du département d’État américain, en lien avec l’exportation de son satellite W3C à la Chine.

Ce pays est en effet la cible principale des règles ITAR, depuis la publication en 1999 d’un rapport parlementaire l’accusant d’espionnage industriel35. Était notamment incriminée dans ce rapport l’attitude des autorités chinoises et de deux industriels américains, à la suite du crash de plusieurs satellites américains sur le territoire chinois. Ces échecs auraient conduit lesdits industriels à suggérer aux Chinois des améliorations de leur fusée Longue Marche, de nature à en accroître la fiabilité, qui leur auraient été utiles d’un point de vue non seulement commercial mais aussi militaire.

Cette situation, inextricable au plan du droit international, est surtout inacceptable sur le plan politique dans la mesure où des entreprises européennes sont théoriquement susceptibles de subir des sanctions économiques en conséquence.

Les règles ITAR

L’ensemble des règles d’exportation ITAR (International Traffic in arms regulations), destinées à « assurer la paix et la sécurité nationale et internationale » concerne les transferts d’armement et activités connexes. Ce champ comprend toutes les technologies militaires et composants qui y sont attachés. Le concept « d’exportation » est étendu, à l’extérieur des États-Unis mais également, à l’intérieur du territoire américain, aux étrangers qui travaillent pour des compagnies américaines. Les règles d’exportation s’appuient entre autres sur la liste de munitions USML (United States Munitions List) qui comporte une vingtaine de catégories. Les items spatiaux sont contenus dans deux catégories distinctes suivant qu’ils sont associés au lanceur (catégorie IV) ou au satellite (catégorie XV). En s’intéressant au détail des deux listes, il devient évident qu’il est quasiment impossible qu’un item spatial ne soit pas sous régulation ITAR tant la liste est exhaustive. Pour les partenaires internationaux, cette exhaustivité pose aussi problème dans la mesure ou si un seul composant de leur produit, aussi insignifiant soit-il, est sous la législation ITAR, ils doivent passer par des procédures d’approbation pour la commercialisation de leur produit ou sa réexportation. La mise en œuvre de ces procédures est éclatée entre plusieurs institutions dont le Département du commerce pour tout ce qui n’est pas sur la liste USML et la direction du contrôle des échanges du Département d’État pour tout ce qui est inclus dans la liste USML. Les entreprises qui ne respecteraient pas les règles ITAR sont soumises à des pénalités élevées de 500.000 $ par violation si aucune intention criminelle n’est décelée, et de plus d’un million de dollars par violation si une intention criminelle a pu être prouvée.

Source : Mission pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France aux États-Unis

L’assouplissement des règles ITAR est actuellement en débat aux États-Unis. En effet, ces règles sont remises en cause par les industriels américains, qui leur reprochent d’avoir fait diminuer leurs parts de marché, en raison de procédures fastidieuses. Un rapport récent des départements d’État et de la Défense préconise de retirer des centaines de composants de la liste des munitions, pour les placer sous la responsabilité du Département du Commerce, au titre de la « Commerce control list ». Trois classes d’objets seraient particulièrement visées :

- les satellites de télécommunications ne possédant pas de composants classifiés ;

- les satellites de détection, en deçà de certains seuils de performance ;

- tout composant, système ou sous-système associé à ces types de satellites.

L’exemption de licence ne concernerait en tout état de cause pas les pays soumis à un embargo sur les armes (Iran, Corée du nord, Chine).

L’assouplissement des règles ITAR aurait des effets ambigus pour les industriels européens. Il est probable que ce changement serait plus négatif que positif. Les procédures d’acquisition de composants américains seraient certes simplifiées, permettant de raccourcir les délais de fabrication, mais au prix d’un retour en force probable des industriels américains qui sont, les premiers, victimes de ces règles.

(2) Les autres enjeux de la non dépendance

La question de la dépendance de l’Europe à l’égard de technologies importées ne se réduit toutefois pas à celle des règles ITAR. En effet, l’accès à la technologie la plus performante est un élément clé de la compétitivité d’une entreprise, avec un impact direct sur les performances, les délais et les coûts de production. La dépendance entraîne des difficultés d’accès aux technologies de dernière génération, ainsi qu’une limitation de l’accès à la documentation associée. Ceci peut par exemple entraîner des difficultés à gérer des anomalies impliquant des équipements importés. L’existence d’une source d’approvisionnement unique est par ailleurs en soi un facteur de risque.

Le concept de non dépendance implique donc une maîtrise des technologies et l’existence d’une double source, dont l’une au moins située en Europe.

Mais elle implique aussi une maîtrise des coûts, car le maintien à tout prix en Europe de filières beaucoup plus coûteuses qu’aux États-Unis n’est pas viable. C’est pourquoi les maîtres d’œuvre soulignent la nécessité de les impliquer à chaque étape des développements, afin d’assurer que ceux-ci répondent aux attentes des marchés. Dans cet objectif, et afin de diminuer les coûts associés, il est souhaitable de favoriser la standardisation des composants clefs et l’utilisation accrue de composants « sur étagère ».

La non-dépendance demande des investissements notamment dans le domaine des composants électroniques durcis en vue de leur usage spatial, dans le sens d’une puissance accrue des systèmes. L’électronique subit des contraintes particulières en milieu spatial, puisque les composants sont soumis à des phénomènes tels que le vent et les éruptions solaires, le rayonnement cosmique ainsi que diverses radiations, entraînant un bombardement de photons, d’électrons, de protons et d’ions.

Certains composants ne sont pas disponibles en Europe. Des filières doivent être développées, par exemple dans le domaine des composants programmables (FPGA36) ou dans le domaine de l’imagerie (capteurs CMOS37). De façon générale, l’Europe est en retard sur les États-Unis en matière de processeurs numériques et support (packaging) associé. L’industrie des semi-conducteurs, qui est fragile, doit être soutenue. Les besoins propres au secteur spatial, qui représentent un volume faible au regard de la production totale de composants électroniques, doivent être préservés comme prioritaires, puisque, à titre d’illustration, toute la production de composants spatiaux correspond à une semaine de production chez STMicroelectronics.

Par ailleurs, l’industrie spatiale doit être en mesure de gérer l’impact de la législation REACH38, s’agissant notamment (mais pas seulement) de l’interdiction de l’hydrazine. L’hydrazine anhydre est un matériau stratégique tant pour les lanceurs que pour les satellites. La plupart des véhicules spatiaux, dans les domaines des télécommunications, de l’observation, la navigation et de la science, de même que pour les lanceurs, utilisent ce carburant ou ses dérivés. Plus particulièrement, les principaux programmes européens, tels qu’Ariane 5, Soyouz, Vega, Galileo ou GMES l’utilisent. Ce carburant est utilisé pour les manœuvres d’ajustement en orbite. L’hydrazine constitue un facteur de dépendance en soi, puisqu’elle est actuellement importée (de Chine, Russie, Japon, États-Unis…), mais elle pourrait être obtenue, au sein de l’Espace économique européen, par purification de l’hydrate d’hydrazine. Si l’industrie spatiale demande à ce que l’interdiction de ce produit chimique ne lui soit pas appliquée, il n’en reste pas moins que son interdiction pourrait en réduire la disponibilité en Europe, ce qui rend nécessaire la recherche d’alternatives.

L’ESA, la Commission européenne et l’Agence européenne de défense (EDA) ont établi une liste d’actions stratégiques à entreprendre afin de réduire la dépendance de l’Europe39. Cet effort de veille et d’harmonisation est louable ; il doit être suivi d’effet et des priorités doivent être clairement établies, afin d’éviter une trop grande dispersion des moyens. Enfin, les industriels doivent demeurer associés au processus afin d’assurer que les filières développées correspondent au besoin des marchés et sont économiquement viables.

Orientations

- Développer des filières européennes dans les secteurs technologiques clés pour lesquels il existe une dépendance (composants microélectroniques durcis) tout en veillant à la rentabilité économique des filières ainsi développées et en concentrant les moyens disponibles sur quelques priorités stratégiques

b) Renforcer la compétitivité de l’industrie

La question de la non-dépendance ne constitue qu’un aspect du soutien à la compétitivité de l’industrie européenne. Il convient, plus largement, d’aider celle-ci à maintenir son avance technologique, en contrepartie du fait qu’elle bénéficie de commandes publiques moindres, par rapport à ses concurrents non européens. A ce sujet, Eurospace a publié une liste des priorités de R&T pour les années à venir40, reproduite en annexe au présent rapport.

(1) Un positionnement à consolider

Les industriels européens (EADS Astrium, Thalès Alenia Space) et américains (Space Systems Loral – en cours de rachat par le Canadien MDA-, Lockheed Martin, Boeing, Orbital Sciences) construisent actuellement plus de 80 % des satellites civils destinés à l’orbite géostationnaire, sur un marché d’environ 20 satellites par an accessibles à la concurrence. Les Européens Thalès et Astrium totalisent 32 % des parts de marché en valeur sur la période 2009-2011.

Commandes de satellites GEO 2009-2011

(Parts de marché en valeur)

Source : Astrium

La compétitivité de l’industrie européenne ne s’est pas démentie ces dernières années : pour Astrium par exemple grâce à la série de satellites Eurostar et au succès de Ka-Sat (pour Eutelsat), premier satellite européen permettant l’accès à l’internet haut débit sur l’ensemble de l’Europe et le bassin méditerranéen ; pour Thales avec les constellations en orbite basse Globalstar, 03B ou Iridium. Les industriels européens ont pour le moment su avoir des produits répondant aux attentes du marché, au moment opportun.

A l’heure actuelle, les Américains sont redevenus très présents sur le marché commercial, motivés par la baisse de leurs budgets spatiaux publics. A titre d’illustration, quand les marchés institutionnels aux États-Unis sont réduits de 10 %, les industriels américains perdent l’équivalent du marché européen… Disposant de technologies issues de leurs activités de Défense, ils proposent des produits innovants, par exemple dans le domaine de la propulsion électrique (voir ci-après), et ont bénéficié, en outre, au cours des années récentes d’une parité euro/dollar favorable, même si la situation est redevenue plus favorable à l’industrie européenne en 2012.

Quant aux pays émergents, ils gagnent des parts de marché : le Japonais Mitsubishi a par exemple gagné un marché turc, incluant un transfert de technologies, en 2011 ; les Chinois vendent des satellites au Venezuela et au Nigéria, qui, en contrepartie, les approvisionnent en pétrole. Les Indiens souhaitent également être présents sur les marchés.

Dans ce contexte, le soutien public à l’innovation et l’amélioration de la compétitivité de l’industrie est déterminant. Il s’agit de lancer de grands programmes structurants, réunissant acteurs publics et privés.

Le programme Alphabus, nouvelle plateforme de satellites de télécommunications, est un exemple de ce type de coopération. Un premier modèle de vol a été qualifié dans le cadre du programme de développement mené par Astrium en coopération avec Thales Alenia Space, avec le soutien de l’ESA, dans le cadre de son programme de recherche avancée en systèmes de télécommunications (ARTES41),et du CNES. Cette plateforme doit faire l’objet d’un premier lancement par Ariane 5 en 2013 (Alphasat). Une plateforme de nouvelle génération est par ailleurs développée, pour le moment au niveau français dans le cadre du programme « Satellites du futur » (37 M€) du plan d’investissements d’avenir, également en partenariat avec Astrium et Thalès. Cette nouvelle génération pourrait à l’avenir être également développée dans le cadre du programme ARTES de l’ESA.

Le plan d’investissements d’avenir soutient également le développement du très haut débit satellitaire, à hauteur de 100 M€. Le caractère onéreux du développement de la fibre optique, confirmé par un rapport récent de l’inspection générale des finances, doit amener à s’interroger sur le coût comparé des technologies satellitaires matures (haut débit) ou en cours de développement (très haut débit). Le programme concerné du PIA est destiné à doter la France d’une filière industrielle de satellites internet à très haut débit, incluant le segment sol. Aujourd’hui la France n’est en effet pas positionnée sur le segment sol : celui-ci est américain dans le cas par exemple du satellite d’Eutelsat Ka-Sat, qui avait été développé initialement par le CNES sous le nom d’Agora.

La nécessité de développer de grands programmes structurants ne concerne pas que le secteur des télécommunications. Elle se vérifie aussi pour l’observation (notamment optique, pour ce qui est de compétences industrielles historiquement françaises). Ces deux types de technologies ont d’ailleurs en commun leur caractère dual, c’est-à-dire quel leur intérêt pour l’Europe n’est pas que commercial, mais aussi militaire.

Le développement d’une filière européenne de surveillance environnementale est une autre priorité (par exemple, la surveillance du carbone), ce qui renvoie à la nécessité de garantir un financement pérenne du programme GMES, et de mettre en place un cadre adéquat pour le développement de services associés.

Orientations

- Poursuivre le soutien apporté à la filière européenne de satellites de télécommunications par de grands programmes structurants (plateformes de nouvelle génération, très haut débit)

- Faire précéder toute décision de politique spatiale d’une étude d’impact industriel

(2) Un exemple de technologie émergente: la propulsion tout-électrique

L’évolution récente du marché incite à s’interroger sur l’émergence de la propulsion tout-électrique dans le domaine des satellites. Au cours de l’année 2012, en effet, Boeing a vendu quatre exemplaires de sa plateforme 702SP (small platform), dont la propulsion est de ce type, à des clients asiatiques (Asia Broadcast Satellite) et mexicain (Satmex). Il s’agira de petits satellites (2 t), dotés de la même capacité d’emport de charge utile qu’un satellite à propulsion chimique de 3 à 4 tonnes.

Ce fait est particulièrement remarquable car il est porteur de rupture pour le marché, avec potentiellement des retombées sur celui des lanceurs, puisqu’il est pour le moment prévu que les satellites de Boeing soient lancés, par paire (2 tonnes chacun) par la fusée Falcon 9 de Space X. L’opérateur européen SES a pour sa part annoncé la commande prochaine de deux satellites à propulsion « tout électrique ».

La technologie « tout électrique » employée par Boeing équipe déjà des satellites de télécommunications militaires. Le moteur XIPS42 fonctionne grâce à du gaz Xénon, ionisé et accéléré, lors de son passage entre deux grilles, grâce à l’énergie électrique obtenue par le biais de panneaux solaires.

La propulsion électrique n’est pas nouvelle, puisqu’elle est déjà couramment utilisée pour maintenir le satellite sur sa position en orbite géostationnaire, c’est-à-dire pour de simples ajustements de trajectoire. Toutefois, pour le placement en orbite, consécutif au lancement, les ergols liquides continuent d’être utilisés. Dans sa nouvelle plateforme, Boeing utilise la propulsion électrique y compris pour le transfert des satellites vers leur orbite définitive, ce qui permet de faire l’économie du poids des ergols et des structures associées. Grâce à la masse ainsi gagnée, ce mode de propulsion permet soit de lancer des satellites plus légers, à capacité égale, avec un gain sur les coûts de lancement, soit de lancer des satellites encore plus puissants. Les avantages liés à cette petite plateforme suffisent à compenser l’inconvénient lié à un délai allongé de mise en orbite du satellite.

Le transfert vers l’orbite est en effet beaucoup plus long que pour les satellites à propulsion chimique, en raison d’une poussée plus faible, que compense une durée de vie plus longue. Il faut compter environ 6 mois pour transférer ces satellites vers leur orbite définitive, mais ce délai pourrait diminuer à l’avenir.

Couplée à l’apparition d’un lanceur moyen comme Falcon 9, ou d’un petit lanceur comme le Brésilien Cyclone, cette rupture pourrait se traduire par une croissance des commandes de satellites de taille modeste, donc une modification des tendances actuelles du marché.

La propulsion tout-électrique existe depuis quarante ans en ex-URSS. Eutelsat dispose d’un satellite tout-électrique (SESAT), lancé en mars 2000, et toujours en orbite à ce jour. Ka-Sat (plateforme Astrium), lancé en décembre 2010, utilise pour sa part une technologie hybride. Des projets sont en cours, avec le soutien du CNES et de l’ESA, pour accélérer la réalisation de satellites tout-électrique, dont la technologie est maîtrisée par Safran-Snecma.

Il est probable que les industriels européens soient amenés à développer rapidement une offre dans le domaine de la propulsion tout-électrique, pour rattraper leur retard par rapport à une entreprise comme Boeing qui a pris de l’avance, en lien avec Space X.

Orientation

- Susciter le développement d’une filière de satellites « tout électrique »

2. Quels lanceurs pour l’Europe ?

L’Europe a besoin de lanceurs adaptés aux marchés commerciaux et institutionnels, si elle veut pouvoir conserver son autonomie d’accès à l’espace tout en limitant le soutien public à l’exploitation de ses lanceurs.

a) Les lanceurs de l’Europe : Ariane, Soyouz, Vega

C’est par l’intermédiaire d’Arianespace que l’Europe accède aujourd’hui de façon indépendante à l’espace.

Créée en 1980, Arianespace compte 21 actionnaires venant de dix États européens (CNES 34 %, Astrium 30 % et l’ensemble des sociétés européennes participant au programme Ariane 5). Depuis 2012, l’offre d’Arianespace inclut le lanceur lourd Ariane 5, lancé du Centre spatial guyanais (CSG), le lanceur moyen Soyouz, exploité à partir de Baïkonour et, depuis 2011, à partir du CSG, et le lanceur léger Vega, dont le premier lancement depuis le CSG a eu lieu en 2012.

(1) Ariane 5

Ariane 5, dont le développement a été décidé en 1987, est actuellement le dernier né de la famille des lanceurs Ariane, développée depuis les années 1970 par l’ESA et le CNES, pour garantir l’indépendance d’accès de l’Europe à l’espace, après l’échec du programme Europa. Après avoir été décidée en 1973, Ariane 1 avait été développée rapidement, le premier vol ayant eu lieu depuis la base de Kourou le 24 décembre 1979.

La famille des lanceurs Ariane s’est caractérisée très tôt (Ariane 3) par sa capacité à procéder à des lancements doubles. Ariane 5, dont l’architecture était complètement nouvelle par rapport à celle de ses prédécesseurs, a eu vocation à répondre à l’augmentation du poids des satellites de télécommunications. Mais il est aussi rapidement apparu que ce lanceur serait susceptible de lancer des charges lourdes en orbite basse, telles que la navette spatiale européenne Hermès, alors en projet. L’architecture d’Ariane 5 conserve des traces de cette volonté initiale d’en faire un lanceur habitable (redondances des systèmes, allumage et vérification du fonctionnement du moteur de l’étage principal 6 secondes avant décollage…). Des reconfigurations ont néanmoins été effectuées après l’abandon d’Hermès.

La famille des lanceurs Ariane


Ariane 5 est constituée de deux boosters à propulsion solide (étages à poudre ou EAP) et de deux étages à propulsion cryogénique (hydrogène et oxygène liquides) :

- L’étage principal cryogénique (EPC) fonctionne avec le moteur Vulcain 2 ;

- L’étage supérieur fait l’objet de deux versions : dans la version ECA d’Ariane 5, l’étage supérieur cryogénique (ESC) fonctionne avec le moteur HM7B, qui n’est pas rallumable. Dans la version ES d’Ariane 5, l’étage supérieur, dit étage à propergols stockables (EPS), fonctionne avec un moteur qui, lui, est susceptible d’être rallumé.

Ariane 5 connaît en effet deux versions :

- Ariane 5 ECA lance des satellites vers l’orbite géostationnaire. Sa capacité d’emport est de plus de 10 tonnes en lancement simple, et 9,5 tonnes en lancement double (compte tenu du poids de la structure de lancement double) ;

- Ariane 5 ES lance des charges utiles vers des orbites basses ou moyennes, par exemple le véhicule de transfert automatique ATV, ou les satellites Galileo qui seront lancés (par 4) à partir de la fin 2014. Dans cette version, le lanceur peut envoyer environ 20 tonnes vers la Station spatiale internationale.

Ariane 5 est le n°1 mondial des lancements en orbite GEO, avec près de 50 % du marché. Au cours de l’année 2011, Ariane 5 a mis en orbite huit satellites de télécommunications, soit la moitié des satellites GEO commerciaux lancés. Son principal atout est sa fiabilité puisque ce lanceur a connu 51 succès d’affilée.

Le maître d’œuvre industriel de la production du lanceur Ariane 5 est Astrium ST (space transportation), qui travaille avec 64 partenaires de niveau 2 répartis sur le territoire européen, tels que SNECMA, Europropulsion, MT Aerospace, SABCA, Dutch Space, Astrium CASA….

Satellites de télécommunications lancés par Arianespace
(champ : satellites commerciaux en orbite)

Source : Arianespace

Les principaux fournisseurs du lanceur Ariane 5

Source : Ariane 5 users’ manual

(2) Soyouz

Soyouz, lanceur mythique de l’Union soviétique (Spoutnik, Youri Gagarine…), qui a effectué près de 1.800 missions (toutes versions confondues), est le lanceur moyen le plus fiable au monde. Il illustre le rôle pivot de la Russie comme puissance spatiale, puisque les États-Unis et autres partenaires de l’ISS en dépendent pour leurs vols habités. L’Europe et la France en dépendent aujourd’hui, par ailleurs, pour le lancement de missions aussi stratégiques que Galileo (satellites de navigation-localisation) ou que Pléiades (satellite d’observation haute résolution à vocation duale du CNES). Un accord intergouvernemental franco-russe de 2003 a, en effet, décidé de l’implantation de Soyouz en Guyane. Cet accord s’inscrit dans le cadre de la coopération euro-russe initiée en 1996 avec la création de Starsem, filiale d’Arianespace qui assure l’exploitation commerciale de Soyouz à Baïkonour.

Soyouz a été lancé pour la première fois depuis le CSG le 21 octobre 2011, mettant en orbite les deux premiers satellites de la constellation Galileo. Il a été lancé à nouveau avec succès en décembre 2011 puis en octobre 2012. Ce lanceur moyen complémentaire d’Ariane 5, a une capacité d’emport de 5 tonnes en orbite basse et 3,2 tonnes vers l’orbite de transfert géostationnaire. Pour l’Europe, « Soyouz au CSG » permet le lancement de petits satellites de télécommunications et de missions institutionnelles, dont les satellites sont désormais trop petits pour être lancées par Ariane 5.

Le développement du programme « Soyouz au CSG » a représenté un budget d’investissement de 470 M€ mis en place par l’ESA, dont 121 M€ apportés par Arianespace, qui a pris aussi en charge des travaux complémentaires pour 50 M€. Les équipements spécifiquement dédiés à Soyouz sont fournis et installés par l’industrie russe, moyennant un contrat liant Arianespace à Roskosmos, qui donne lieu à la présence de plus de 100 ingénieurs russes en Guyane.

La cadence de lancement attendue est de 2 à 4 lancements par an.

(3) Vega

Développé par l’ESA, Vega est un lanceur léger dont la capacité d’emport est de 1,5 tonne en orbite basse. Ce lanceur est destiné à lancer de petits satellites scientifiques ou d’observation de la Terre. Son maître d’œuvre industriel est ELV, joint venture entre l’industriel Avio et l’agence spatiale italienne ASI. L’Italie fournissant plus de 50 % du financement total du programme Vega, l’ASI joue un rôle important dans la gestion du programme. Le CNES a dirigé l’équipe projet responsable du développement de l’étage P80.

Vega est destiné à répondre à la demande des agences spatiales, qui réalisent des satellites de plus en plus petits, et à faire concurrence aux lanceurs dérivés de missiles balistiques soviétiques (du type de Rockot, de la société Eurockot, ou de Dnepr, de la société ISC Kosmotras) dont les stocks s’épuisent.

Vega est composé de trois étages à propulsion solide et d’un étage supérieur à ergols stockables dont le moteur d’origine russo-ukrainienne est rallumable (AVUM). Le premier étage de Vega (P80) a le même diamètre que les étages à poudre (EAP) d’Ariane 5 et sa longueur totale est similaire à celle de l’un des plus longs segments des EAP. On utilise donc, pour le chargement en propergol et le transport du P80, les mêmes installations et équipements industriels que ceux destinés à Ariane 5 en Guyane. Par ailleurs, le pas de tir de Vega a été édifié, au CSG, sur l’ancien pas de tir d’Ariane 1.

Vega utilise des nouvelles technologies destinées à réduire la masse du lanceur, ainsi démontrées et qualifiées, en préparation de futures activités de développement de lanceur, dans le cadre de l’initiative « Lanceur de nouvelle génération » de l’ESA.

Le premier lancement de Vega a eu lieu avec succès le 13 février 2012. Outre de petites charges utiles scientifiques et technologiques, il doit lancer, au cours des prochaines années, des satellites Sentinel du programme GMES.

Vega : le dernier né des lanceurs européens

Source : ESA

(4) Le Centre spatial guyanais, port spatial de l’Europe

Propriétaire du domaine, chargé de la coordination générale des opérations de lancement, le CNES gère le CSG, conjointement avec l’ESA et Arianespace. La France, qui finance plus de 50 % de la Base, est l’État de lancement de tous les tirs effectués à partir du CSG, et engage à ce titre sa responsabilité internationale.

Le CSG est le premier port spatial au monde pour le lancement de satellites commerciaux. Il a procédé à 209 lancements d’Ariane, 3 lancements de Soyouz et un lancement de Vega. Il représente 1.600 emplois en Guyane. L’emploi y est largement local (à 75 %), les autres salariés se trouvant en situation de mobilité en Guyane pour une période de 3 à 6 ans. L’INSEE estime que ces emplois en engendrent de l’ordre de cinq fois plus dans l’économie locale. L’impact de l’activité spatiale se chiffre donc à plus de 8.000 emplois en Guyane, soit 13 % de la population active employée du département.

La montée en puissance de la gamme des lanceurs d’Arianespace a accru l’activité du CSG, qui peut désormais compter chaque année sur 5 à 7 lancements d’Ariane 5, 2 à 4 lancements de Soyouz et 1 à 2 lancements de Vega. Cette évolution, menée parallèlement à une restructuration de l’activité industrielle spatiale en Guyane, a conduit à une diminution de 20 % du coût des opérations de lancement d’Ariane 5.

Afin de prendre en compte la restructuration de la filière lanceurs décidée après l’échec du premier vol de qualification d’Ariane 5 ECA (décembre 2002), le CNES s’est efforcé de réduire les coûts d’exploitation de la Base, dont les activités de support ont été réorganisées. Les coûts de maintien en conditions opérationnelles43 ont diminué grâce à de nouveaux contrats industriels. Depuis 2003, la priorité a été donnée à la réduction des coûts fixes, parallèlement à une augmentation de la productivité de la base.

CSG : Évolution des coûts fixes (fonctionnement et investissements) en M€
conditions économiques 2009

Source : CNES

b) L’évolution des marchés

Dans la mesure où l’Europe dépend, pour son autonomie d’accès à l’espace, de la compétitivité de son principal lanceur sur le marché commercial, il importe de s’intéresser à l’évolution du marché des lancements.

Cet examen révèle que la demande devrait se stabiliser, tandis que l’offre est appelée à croître.

Pour Arianespace, cette stabilité de la demande, dans un contexte de concurrence croissante, signifie qu’il risque de devenir de plus en plus difficile de maintenir les cadences actuelles de lancement et donc de production du lanceur.

Cette évolution avait été anticipée et analysée dès 2009 dans le rapport intitulé « L’enjeu d’une politique européenne de lanceurs : assurer durablement à l’Europe un accès autonome à l’espace », demandé par le Premier ministre à MM. Bernard Bigot, administrateur général du CEA, Yannick d’Escatha, Président du CNES et Laurent Collet-Billon, Délégué Général pour l’Armement. Ce rapport décrit une situation dont la criticité n’a fait que s’accroître depuis lors.

(1) Stabilité de la demande de lancements

S’interroger sur l’avenir d’Ariane 5 implique de s’interroger, en premier lieu, sur l’évolution du marché des satellites de télécommunication, qui constitue le cœur de son activité.

Mais l’évolution de la gamme d’Arianespace, actuellement constituée des trois lanceurs Ariane 5, Soyouz et Vega, n’est pas indifférente à l’évolution du marché non géostationnaire et, plus spécifiquement, du marché institutionnel.

(a) L’évolution du marché des satellites de télécommunications

D’après les informations fournies par Eutelsat, le marché des satellites de télécommunications devrait continuer à être porté tant par les perspectives de croissance de la demande mondiale que par les atouts intrinsèques du satellite pour y répondre.

Bien que situés dans une niche de marché, les satellites de télécommunications jouent un rôle important dans l’économie et la société numériques. Selon l’IDATE44, près de 300 millions de foyers recevaient en 2010 la télévision directement par satellite, ce qui représente plus de 20% des foyers recevant la télévision dans le monde. Ce pourcentage pourrait atteindre les 25% en 2015.

Les perspectives de développement des télécommunications par satellite sont importantes sur le court comme le long terme, grâce à la croissance du nombre de chaînes de télévision, en particulier dans les pays émergents : selon le cabinet Euroconsult, il passera de près de 9700 en 2009 à plus de 15000 d’ici 10 ans en Europe étendue ; et grâce au développement de la Télévision Haute Définition et de la TNT, d’abord dans les pays développés.

Les services de données représentent aussi un secteur en expansion, sous l’effet :

- du développement rapide des applications satellitaires à haut débit : selon le cabinet Euroconsult, la demande de capacité satellitaire pour les réseaux d’entreprises et services haut débit a augmenté à un taux annuel moyen de 19% entre 2006 et 2010 ;

- de l’explosion du trafic de données en général, et de celui transporté par satellite en particulier, en provenance des marchés émergents : selon l’UIT45, le nombre d’utilisateurs d’Internet a cru de 25% par an en moyenne dans les pays en développement entre 2006 et 2011 ;

- du développement de nouveaux services et applications liés à la mobilité (transports terrestre, maritime, aérien).

Du point de vue de l’offre, le satellite présente des forces intrinsèques :

- en termes de qualité et d’homogénéité, puisque plusieurs centaines de chaînes haute-définition peuvent être diffusées de manière homogène depuis une même position orbitale ;

- en termes d’universalité de couverture, puisque le satellite couvre tous les territoires, à un coût indépendant de la localisation géographique de celui qui en bénéficie.

Il est probable que le satellite jouera un rôle important dans le contexte de l’explosion du trafic internet (télévision connectée à internet, accroissement du trafic vidéo). Des solutions hybrides pourraient être généralisées pour permettre le transport partiel par satellite des flux vidéo linéaires, associé à la montée en débit par le réseau cuivre.

Afin de répondre à la question de l’accès à internet pour tous à tarif abordable, des solutions innovantes en bande Ka sont disponibles depuis peu via les satellites multifaisceaux de nouvelle génération comme KA-SAT, lancé en décembre 2010. Ces solutions permettent déjà de réduire d’un facteur 10 le coût par bit et de proposer un accès à internet avec une qualité et un prix comparables à l’ADSL (10Mbps). L’offre satellitaire constitue donc un instrument de lutte contre la fracture numérique. KA-SAT, construit par EADS Astrium, est le seul satellite capable de fournir ce niveau de débits à 300 000 foyers en France et 1 million de foyers en Europe.

Ces problématiques ne sont pas limitées aux pays développés mais s’étendent rapidement aux pays émergents.

S’agissant de la taille des satellites, si la propulsion électrique, introduit la possibilité d’une rupture, il existe un consensus sur le fait que subsisteront par ailleurs aussi de très gros satellites, pour les gros opérateurs. La relative rareté des bonnes positions orbitales géostationnaires, qui ira en s’accroissant, est un argument dans le sens de la persistance de très gros satellites permettant de rentabiliser au mieux la position acquise. Les satellites de télécommunications sont, du reste, les seuls dont la masse a continué de croître au cours des dix dernières années, si l’on exclut la catégorie particulière des vols habités. La masse moyenne des satellites de télécommunication a doublé en 20 ans.

Dans ce contexte, le marché des satellites de télécommunications, quoique cyclique, devrait demeurer stable à long terme, avec 20 à 25 satellites commandés chaque année. L’augmentation des besoins est couverte par l’augmentation de la masse des satellites et de la puissance des charges utiles.

(b) Le marché institutionnel

Le marché institutionnel et le marché commercial évoluent de façon divergente, dans la mesure où les satellites gouvernementaux ont tendance en moyenne à être de plus en plus légers. Ils sont souvent en orbite basse ou moyenne (observation, navigation, météorologie polaire…) et n’ont pas nécessairement vocation à être lancés par Ariane 5.

Ariane 5 n’est évidemment pas absente du marché institutionnel. A l’heure actuelle, elle est notamment utilisée pour envoyer l’ATV vers la Station spatiale internationale. Le cinquième et dernier exemplaire prévu de ce véhicule automatique de transport de fret doit être lancé en 2014. Par ailleurs, Ariane 5 a été utilisé pour le lancement de missions lointaines, telles que, par le passé, Rosetta – toujours en route vers la comète Churyumov-Gerasimenko – ou Herschel et Planck – observatoires de l’espace lointain placés près d’un point de Lagrange. Ariane 5 a aussi été employée pour le lancement de satellites militaires tels que les satellites d’observation Helios 2 ou les satellites de télécommunications (en orbite géostationnaire) Syracuse 3A et 3B. Le lancement de Sicral 2 est programmé sur Ariane 5 en 2013.

Mais les États européens n’ont pas toujours, loin s’en faut, recours aux lanceurs qu’ils ont eux-mêmes développés (Ariane 5 et, depuis 2012, Vega) pour le lancement de leurs satellites institutionnels. Pour de nombreuses missions scientifiques ou d’observation, Ariane 5 est surdimensionnée. Vega est pour le moment freinée par son arrivée très récente sur le marché.

L’Europe a donc recours à Soyouz, depuis le CSG (pour Galileo, Pléiades, les démonstrateurs d’écoute électronique ELISA) ou depuis Baïkonour (récemment pour le lancement des satellites de météorologie polaire MetOp). Pour des missions de petite taille, elle fait aussi appel à des sociétés de lancement autres qu’Arianespace, comme cela sera le cas pour les satellites Sentinel 2A et 3A du programme GMES, qui seront lancés depuis la base de Plesetsk en Russie par Eurockot (Astrium-Khrunichev). L’ESA a eu recours à Eurockot pour le lancement de plusieurs « petites » missions d’observation (GOCE46, SMOS47 et bientôt, Swarm48). Elle a aussi fait usage de la fusée Dnepr d’ISC Kosmotras (CryoSat49).

Si la qualification récente du lanceur Vega devrait résoudre une partie du problème pour les petites missions (moins d’1,5 tonne en orbite basse), il n’en demeure pas moins que le lanceur Ariane, conçu dans l’objectif d’une Europe indépendante pour son accès à l’espace, est en réalité peu utilisé pour le lancement des satellites gouvernementaux dont la taille a tendance à diminuer.

Entre 1991 et 2011, 175 lanceurs Ariane ont été lancés de Kourou dont 107 Ariane 4 et 68 Ariane 5. Le lanceur Ariane a été principalement utilisé pour envoyer des satellites en orbite géostationnaire, bien qu’en certaines occasions il ait aussi été utilisé à destination d’autres orbites. Le système Ariane a été principalement utilisé par des clients commerciaux. Les clients institutionnels européens (ESA, Eumetsat et agences nationales en Europe) ne sont pas les principaux clients d’Ariane. Seuls les clients institutionnels européens ont utilisé Ariane pour desservir une orbite autre que géostationnaire, par exemple pour l’ATV. Les clients institutionnels ont aussi utilisé Ariane pour des lancements vers l’orbite géostationnaire (par exemple Syracuse 3A en 2005).

Source : Eurospace facts & figures, édition 2012 - tous droits résérvés

(2) Accroissement de l’offre de lanceurs

Étant donné les difficultés de Sea Launch, le principal concurrent d’Ariane 5 est aujourd’hui le lanceur Proton d’ILS, qui connaît des difficultés (1 échec par an depuis 6 ans) mais n’en demeure pas moins attractif, par ses performances rapportées à son coût. D’ici 2020, la Russie aura par ailleurs développé une nouvelle gamme de lanceurs – Angara – qui pourrait avoir lui aussi de fortes ambitions commerciales.

A court terme, même si ses lanceurs doivent encore faire leurs preuves, c’est Space X qui a fait l’entrée la plus remarquée sur le marché, en remportant plusieurs contrats de lancement de satellites de télécommunications pour ses lanceurs Falcon 9 et Falcon 9 Heavy. Space X a pris 43 % des contrats de lancement en 201250. Elle doit procéder à son premier lancement géostationnaire pour SES en 2013. SES a d’ailleurs récemment commandé trois nouveaux lancements sur Falcon 9 ou Falcon Heavy, pour des lancements à partir de 2015. Toutefois, si Space X connaissait un retard trop important, son premier vol commercial pourrait basculer sur le lanceur Ariane. Quoiqu’il en soit, les opérateurs ont intérêt à faire des choix suscitant une concurrence croissance entre lanceurs, pour faire baisser les prix.

La Chine a développé la capacité à lancer ses propres satellites ainsi que les satellites non ITAR, tels que celui développé par Thalès Alenia Space pour Eutelsat (W3C), lancé par Longue Marche en octobre 2011.

L’Inde et le Brésil sont également susceptibles de commercialiser des lanceurs concurrents. Le projet conjoint entre le Brésil et l’Ukraine, Cyclone 4, semble en voie d’aboutissement (d’ici 2014). La fusée, d’origine ukrainienne, bénéficierait d’un lancement à partir de la base brésilienne d’Alcantara, qui est la plus proche de l’équateur au monde. Ce lanceur pourrait profiter d’un éventuel accroissement du nombre de satellites électriques pour se positionner sur le marché.

On remarquera par ailleurs que le marché des lanceurs doit aussi être pris en considération dans la mesure ou, pour des raisons de sécurité, un opérateur de satellites doit s’assurer de pouvoir faire lancer son satellite au moins par deux lanceurs (typiquement aujourd’hui, Ariane ou Proton).

Les lanceurs concurrents d’Arianespace


c) Quels lanceurs adaptés ?

Pour répondre aux évolutions décrites ci-dessus, deux projets, conçus à l’origine comme complémentaires, sont devenus progressivement concurrents : Ariane 5 ME (midlife evolution), qui consiste à accroître la performance du lanceur actuel et « Ariane 6 », dont la dénomination n’est pas officielle, qui serait un lanceur de nouvelle génération.

Le projet d’évolution d’Ariane est complété par un projet d’évolution de Vega, dans le sens d’une performance et d’une compétitivité améliorée de ce lanceur, et d’une « européanisation » de ses composants non européens. L’objectif est qu’à l’issue de la coopération avec la Russie (après 2020), Ariane et Vega puissent reprendre les missions actuellement remplies par Soyouz en Guyane.

(1) Ariane 5ME : un lanceur plus puissant

Démarré en 2008, le programme Ariane 5ME vise à faire évoluer Ariane 5 ECA vers un lanceur plus puissant et plus « versatile », grâce à son étage supérieur rallumable.

(a) Un programme démarré en 2008

Lors du dernier conseil ministériel de l’ESA (2008), il a été décidé d’ouvrir une phase préparatoire de pré-développement du programme Ariane 5 post-ECA, financée à hauteur de 340 M€ par les États.

Le coût prévisionnel de ce programme, hors phase préparatoire, tel qu'alors prévu par l'ESA, était de 1,2 Md€. La mise en service devait démarrer en 2017 et se poursuivre au moins jusqu’en 2025, après un vol de qualification en 2016.

Ce programme a depuis lors pris le nom d'Ariane 5 ME (midlife evolution), Ariane 5 ME étant la configuration de référence du programme Ariane 5 post-ECA.

Ariane 5 ME vise à accroître la performance et la versatilité du lanceur Ariane 5 en modifiant sa partie haute c’est-à-dire en dotant le lanceur d'un nouvel étage supérieur propulsé par le moteur rallumable développé par Safran-Snecma (Vinci).

La phase préparatoire ouverte en 2008, consacrée à des activités de développement préliminaires, se voulait le prélude à une nouvelle décision des ministres, qu'il était alors prévu de prendre fin 2011, portant sur la configuration du nouveau lanceur et l'ouverture de la phase de développement complet du programme.

D’après la décision prise en 2008, la phase de développement proprement dit d’Ariane 5 ME doit être décidée, après réalisation des objectifs de la phase préparatoire, sur le fondement du dossier technique et programmatique et des engagements industriels correspondant, en prenant en considération :

- la maturité de l’architecture du lanceur et les risques techniques subsistant ;

- les coûts complets de développement et les engagements industriels correspondant ;

- les coûts récurrents de production et d’exploitation et les engagements correspondant de l’industrie et du fournisseur de services de lancement ;

- la confirmation des besoins du marché au-delà de 2015 ;

- le détail de la phase de transition vers la nouvelle configuration et l’impact associé.

C'est l'ouverture de cette phase de développement complet du programme Ariane 5ME qui doit être discutée lors du prochain conseil ministériel de l'ESA, qui n'a pas eu lieu, comme initialement prévu, fin 2011, mais a été reporté à fin 2012.

(b) Un lanceur plus puissant et plus « versatile »

Ariane 5ME est dérivée de la version actuelle en remplaçant l’étage supérieur doté du moteur HM7B par un nouvel étage rallumable équipé du moteur Vinci en cours de développement. L’augmentation de performances serait de l’ordre de 2 tonnes (soit 20 %) en orbite de transfert géostationnaire, pour un coût du lanceur identique au coût actuel. Il permettrait donc une réduction du coût par kg de charge utile qui peut se traduire par une augmentation des recettes d’Arianespace (toutes choses égales par ailleurs – notamment la parité €/$), permettant de réduire voire d’annuler la subvention d’exploitation au lanceur.

La subvention d’exploitation

Les États membres de l’ESA ont confirmé en mars et décembre 2011 la résolution adoptée en 2010, visant à soutenir les lanceurs européens en garantissant une exploitation équilibrée d’Ariane 5, c’est-à-dire qu’ils ont décidé de continuer à garantir l’autonomie d’accès de l’Europe à l’espace, comme ils l’avaient fait au cours de la période 2004-2010 au moyen du programme de soutien à l’exploitation EGAS51.

Cette subvention d’exploitation s’élève actuellement à 120 M€ par an, soit, si l’on se base sur 6 tirs d’Ariane par an, 10 % du coût de production du lanceur.

Les partisans d’Ariane 5 ME, comme ceux d’un passage immédiat à Ariane 6, jugent que la solution qu’ils proposent est susceptible de réduire considérablement voire d’annuler la subvention d’exploitation au lanceur.

La capacité d’emport d’Ariane 5ME est estimée entre 10,8 tonnes et 12 tonnes, selon que l’on prend ou non en compte le poids du système de lancement double, celui du carburant nécessaire à la désorbitation de l’étage supérieur... En tout état de cause, l’objectif est qu’Ariane 5ME puisse lancer deux « gros » satellites (5 à 6 tonnes) tandis qu’Ariane 5ECA doit aujourd’hui apparier ce type de satellite avec un satellite de taille moyenne.

Le moteur rallumable est une nécessité, d’une part car Ariane 5ECA, qui n’en possède pas, est aujourd’hui un lanceur inadapté pour réaliser certains types de mission, en particulier pour placer en orbite des satellites à propulsion électrique ; d’autre part, car les règles internationales d’usage de l’espace et, plus particulièrement, en France, la loi sur les opérations spatiales, rendent progressivement obligatoire la désorbitation des étages supérieurs, afin de limiter la prolifération des débris spatiaux. Ariane 5 ECA est aujourd’hui le seul lanceur commercial qui ne permet pas ce type d’opération.

Les partisans d’Ariane 5ME estiment qu’il faut concentrer l’effort en vue d’une mise en service aussi rapide que possible (2017) de ce nouveau lanceur, en préservant pour plus tard la possibilité de développer une « Ariane 6 » qui bénéficierait des acquis du programme Ariane 5ME. Le lanceur de nouvelle génération tirerait alors parti d’une durée de développement rendant possible de véritables ruptures dans le domaine des technologies et de la réorganisation industrielle.

Les partisans d’Ariane 5ME estiment aussi que ce programme, étant le seul en cours de développement, sa poursuite en 2012 et au-delà est l’unique moyen de maintenir dans les prochaines années les compétences des bureaux d’études des industriels. A l’inverse, le passage immédiat à une nouvelle génération de lanceurs ne susciterait aucune activité industrielle significative avant 2015-2016. Il engendrerait des risques de pertes de compétence, ainsi que des risques sur le plan de la technologie, de la fiabilité et des coûts, le projet « Ariane 6 » demeurant à ce stade insuffisamment détaillé.

Enfin, Ariane 5ME est un complément à la dissuasion française ; son développement par les bureaux d’étude est complémentaire de celui du missile M51.3. Son abandon nécessiterait donc, en compensation, un investissement supplémentaire du Ministère de la Défense.

Les arguments en faveur d’Ariane 5ME ne valent toutefois que si l’une des deux hypothèses suivantes est vérifiée :

- soit ce lanceur répond aux besoins du marché ;

- soit les États, qui assument le risque, sont prêts à financer durablement un déficit d’exploitation éventuellement croissant.

Or il est possible que ce lanceur ne réponde pas aux évolutions du marché ; et il est probable que les États européens ne soient pas prêts à financer un déficit d’exploitation de leur lanceur qui irait croissant. Dans ces conditions, ce serait l’indépendance d’accès de l’Europe à l’espace qui serait remise en cause.

(2) « Ariane 6 » : un lanceur plus modulable

Ariane 6 apporte une réponse un peu plus tardive, mais probablement plus durable, aux évolutions en cours.

(a) Pourquoi un lanceur de nouvelle génération ?

La décision prise par l’ESA en 2008 stipulait la nécessité d’un réexamen des besoins du marché à l’issue de la phase préparatoire de pré-développement d’Ariane 5ME.

Or, comme cela a été décrit plus haut, l’évolution des marchés semble s’accélérer. L’année 2012 s’est caractérisée, par exemple, par une percée spectaculaire du lanceur Falcon 9 de Space X ; il a vu aussi la vente par Boeing de satellites tout-électrique, qui pourrait marquer un tournant vers des satellites plus petits. L’arrivée des lanceurs des pays émergents est aussi source de préoccupation. Si ces évolutions n’ont pas encore d’impact immédiat pour Ariane 5, elles pourraient en avoir au cours des toutes prochaines années.

Arianespace anticipe aujourd’hui 5 à 7 lancements d’Ariane 5 par an, soit entre 10 et 14 satellites à lancer. Il est admis qu’en-deçà de 5 lancements par an, la cadence de production d’Ariane 5 devient insuffisante pour demeurer viable et garantir la fiabilité du lanceur (qui a connu 51 succès d’affilée à ce jour). Si Ariane 5 perdait au cours des prochaines années ne serait-ce que 2 à 4 satellites à lancer, au profit de ses concurrents, la situation deviendrait critique. Et il n’est pas certain que les pays européens trouveraient un accord pour soutenir un lanceur gravement déficitaire, cette question soulevant déjà de nombreuses réticences en Europe alors qu’Arianespace est pour le moment dans une situation relativement favorable.

Par ailleurs, Ariane 5ME ne résout pas le problème, devenu aigu pour Arianespace, de l’appairage des satellites en vue du lancement double. Les équations de l’appairage pourraient se compliquer encore, si de nouveaux acteurs captaient une partie du marché, diminuant les combinaisons possibles. Il s’agit là d’une vraie question de compétitivité : en effet, pour l’opérateur qui attend l’appariement de son satellite à un autre, les revenus sont différés d’autant. Étant donné l’accroissement de la taille des gros satellites, il n’est de plus pas certain qu’Ariane 5ME pourrait en lancer deux de ce type ; on risque de revenir rapidement à la nécessiter d’apparier un gros satellite avec un plus petit.

Passer au lancement simple, plutôt que double, donne en revanche plus de flexibilité et permet d’accroître par ailleurs la cadence de production du lanceur.

(b) Quel lanceur de nouvelle génération ?

« Ariane 6 » est à ce jour une série d’avant-projets concernant un lanceur modulable, de performance 2 à 8 t en orbite de transfert géostationnaire, dont plusieurs configurations sont à l’étude. Ce peut être un lanceur majoritairement à propergols solides : c’est la configuration dite PPH avec boosters à propergol solide en nombre variable, 2 étages à propergols solides et un troisième étage à propulsion liquide (hydrogène-oxygène) ; ce peut aussi être un lanceur majoritairement à ergols liquides : c’est la configuration dite HH avec boosters à propergols solides en nombre variable et deux étages à propulsion liquide.

Dans les deux cas, l’étage supérieur à propulsion liquide est doté du moteur rallumable Vinci, commun avec Ariane 5ME.

Ce lanceur serait donc modulable en fonction de la charge à lancer. Il pourrait procéder à des lancements « simples » (mono-satellites).

Dans sa version PPH, il est complémentaire de Vega puisqu’il réutiliserait l’étage P80 en augmentant sa puissance, ce qui permettrait la production en série d’un grand nombre de moteurs à poudre. Fondé sur une technologie en soi fiable et peu coûteuse (la poudre), ce lanceur permettrait, au surplus, de bénéficier d’effets de standardisation. Les moteurs à poudre pourraient être préparés et assemblés au Centre spatial guyanais, qui dispose déjà d’une compétence dans ce domaine. La version PPH paraît devoir être privilégiée pour son caractère « low cost », si toutefois elle a autant de souplesse que la version HH, la cryogénie étant reconnue comme une technologie permettant davantage de précision et de flexibilité.

D’après le CNES, le coût de production du lanceur Ariane 6 pourrait être très inférieur au coût d’un Ariane 5ME (70 M€ pour le premier – pour un lancement simple – contre 170 M€ pour le second – pour un lancement double).

D’après les auditions réalisées par vos rapporteurs, l’estimation des coûts et délais respectifs des deux lanceurs varie selon que l’on s’adresse aux partisans d’Ariane 5ME (Astrium, Safran) ou à ceux d’Ariane 6 (CNES, Arianespace).

Pour les premiers, Ariane 5ME entrerait en service assez rapidement (2017) et son coût de développement pourrait être limité à 1,2 Md€. En revanche, Ariane 6 ne pourrait être fiabilisée avant 2024 et son coût de développement serait de l’ordre de 5,5 Mds€.

Pour les seconds, Ariane 5ME arriverait en 2018 pour un coût d’environ 2 Mds€ ; et Ariane 6 en 2021 pour « seulement » le double (4 Mds€) mais apporterait une réponse durable aux questions posées par le marché, ce qui ne serait pas le cas du projet ME.

En septembre dernier, le CNES et les industriels (Astrium, Safran) ont élaboré une position commune, en vue de la réunion ministérielle de l’ESA de novembre. Cet accord suggère de poursuivre les programmes de développement des deux lanceurs en 2013 et 2014, d’ici à une prochaine réunion ministérielle de l’ESA, qui pourrait avoir lieu en 2014.

Vos rapporteurs se sont efforcés de faire objectivement état de l’ensemble des arguments qui leur ont été exposés au cours de leurs auditions, en faveur de chacun des deux projets.

A l’examen, il leur semble qu’Ariane 6 apporte une solution, certes plus tardive, donc peut-être plus risquée à court terme, mais plus durable et moins coûteuse à long terme.

Il n’est pas péjoratif d’ajouter que – particulièrement dans sa version PPH – Ariane 6 serait, en définitive, un lanceur « low cost », plus simple, plus modulable, complémentaire de Vega. Ariane 6 paraît plus en phase avec l’évolution générale du marché des lanceurs, qui court moins après l’augmentation de la performance qu’après la réduction des coûts. En conséquence, Ariane 6 semble davantage susceptible de préserver les finances publiques des États européens, qui souhaitent réduire voire annuler à terme le soutien public à l’exploitation de leurs lanceurs.

Afin de préserver durablement l’autonomie européenne d’accès à l’espace, un passage aussi rapide que possible à Ariane 6 est donc souhaitable.

Néanmoins, Ariane 6 n’est pour le moment qu’un avant-projet pour lequel une décision définitive ne peut pas être prise dès aujourd’hui et qui n’aura pas d’impact immédiat sur l’activité des industriels. C’est pourquoi le virage à prendre doit permettre de préserver les compétences acquises lors du développement d’Ariane 5ME, qui doivent servir à faire fonctionner Ariane 5 jusqu’à l’entrée en service de son successeur.

Ce virage progressif doit toutefois être sans ambiguïté : l’objectif principal est le développement, aussi rapide que possible, du lanceur de nouvelle génération.

Orientations

- Développer aussi rapidement que possible un lanceur de nouvelle génération modulable, à étage supérieur rallumable, en mettant la priorité sur la réduction des coûts afin de le rendre compétitif sur le marché

- Présenter, au plus tard en 2014, un projet de développement complet de ce lanceur de nouvelle génération (configuration, engagements industriels, délais, coûts)

- Prendre alors une décision définitive concernant Ariane 5 ME, afin de ne pas continuer plus longtemps à financer deux projets

- Faire évoluer Véga dans le sens d’une complémentarité avec le lanceur de nouvelle génération tout en européanisant l’ensemble de ses composants afin que ce lanceur participe pleinement à l’objectif d’autonomie d’accès de l’Europe à l’espace.

3. L’Espace, outil de souveraineté, enjeu militaire

Avant d’aborder les problématiques spécifiques à l’espace militaire, on remarquera :

- d’une part, que la question des lanceurs est par essence duale, puisqu’elle a trait à l’autonomie : l’Europe ne saurait développer ses propres satellites militaires sans s’assurer aussi de pouvoir les lancer de façon indépendante à long terme ;

- d’autre part, que la logique européenne est plutôt celle de satellites militaires dérivés des technologies développées pour un usage civil, à l’inverse des États-Unis.

a) L’espace, un intérêt national vital

Pourquoi les technologies spatiales représentent-elles « un intérêt national vital », selon la formule désormais consacrée, utilisée par le Secrétaire à la Défense américain William Cohen en 1999 et employée aussi dans le dernier Livre Blanc sur la défense et la sécurité intérieure ?

D’une part car la puissance n’est pas seulement territoriale mais se manifeste aussi sur les « espaces communs » (depuis longtemps, la mer, et depuis le siècle dernier, l’air et l’espace). La capacité à contrôler et à maîtriser les flux qui traversent ces espaces communs constitue un atout majeur, d’autant que ces flux ont été multipliés par la mondialisation. La maîtrise de l’information en est un aspect, devenu essentiel pour l’économie comme pour la défense. Or ces flux d’information reposent pour une part sinon majoritaire du moins stratégique sur des satellites en orbite (télécommunications, observation, navigation-localisation-synchronisation...).

L’omniprésence des activités spatiales dans nos vies quotidiennes crée une vulnérabilité particulière, tenant au fait que l’espace est utilisé comme technologie intermédiaire dans de nombreux systèmes complexes (par exemple le GPS, pour la synchronisation de nombreux réseaux). Celles qui auraient le plus à perdre, en cas d’attaque dans le champ spatial, sont évidemment les puissances qui y sont le plus présentes, ce qui justifie à leurs yeux la mise en place d’une surveillance.

D’autre part, dans le domaine militaire, l’espace est devenu indispensable tant pour la connaissance des situations que pour la mise en place des opérations. Il permet le déploiement de capacités de renseignement. Il accroît l’efficacité et la précision des opérations militaires. Des redondances sont établies en sorte que les opérations militaires ne soient pas totalement dépendantes des capacités spatiales, mais ces opérations seraient néanmoins très différentes sans l’espace qui est devenu clef dans la planification, la préparation et la conduite des opérations.

Pour ces raisons, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 a préconisé, dans le domaine spatial, la pérennisation des moyens existants, le développement de nouvelles capacités, le doublement des budgets alloués ainsi que la création d’un commandement interarmées de l’espace. Alors qu’un nouveau Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale est en cours d’élaboration, force est de constater que ces objectifs ne sont pas encore tous remplis.

b) Les moyens spatiaux de renseignement

(1) Les moyens existants

Le commandement interarmées de l’espace est devenu une réalité en juillet 2010. Il travaille en synergie avec les autres directions chargées de l’espace militaire : la Direction Interarmées des Réseaux d’Infrastructure et des Systèmes d’Information (DIRISI) pour les télécommunications ; la Direction du Renseignement militaire (DRM) pour les moyens d’observation, et le Commandement de la Défense aérienne et des Opérations aériennes (CDAOA) pour la surveillance de l’espace.

Nos capacités en matière de communications sécurisées par satellites sont fondées sur deux satellites Syracuse lancés en 2005 (Syracuse 3A) et 2006 (Syracuse 3B), qui doivent être prochainement complétés par un satellite franco-italien (Sicral 2). Des capacités sont également prêtées dans le cadre de l’OTAN. Par ailleurs, l’armée a aussi recours à des satellites civils (Inmarsat, Iridium…) sur la base de contrats cadres d’acquisition de services de télécommunications pour la transmission d’informations non classifiées (Astel S et Astel L).

En matière d’observation, la France dispose des deux satellites militaires en orbite basse Helios 2A et Helios 2B, dans les domaines visible et infrarouge. Ces satellites ont succédé au programme Helios 1, lancé dans la deuxième moitié des années 1990.

Depuis fin 2011, la France dispose aussi du premier satellite Pléiades, à caractère dual, dont les images sont en couleur (contrairement à celles d’Helios) et qui se caractérise par son agilité (il permet d’obtenir des images en trois dimensions). Le lancement du deuxième satellite Pléiades est prévu fin 2012. Alors que Spot 5 permet d’observer des détails de 2,5 m au sol sur un champ de 60 à 120 km, Pléiades acquiert des images avec une résolution de 70 cm sur un champ de vue de 20 km.

Exemple d’image Pléiades 1A (Shanghai, 19 janvier 2012)


Source : CNES

Nos besoins en images radars sont couverts par des échanges avec l’Allemagne (SAR-Lupe) et l’Italie (Cosmo-SkyMed). Les satellites radars fournissent des renseignements moins exploitables que les satellites optiques mais ils permettent de s’affranchir des conditions météorologiques et d’éclairement solaire.

Les écoutes électromagnétiques, qui permettent de protéger nos forces et de positionner utilement les capteurs optiques, ont fait l’objet de programmes exploratoires (Cerise, Essaim), puis d’un programme de démonstration ELISA, constellation de quatre petits satellites lancés fin 2011.

(2) Les développements attendus

Les satellites ayant une durée de vie limitée (par exemple, 5 ans minimum pour Helios, 12 ans minimum pour Syracuse), les développements attendus ont d’abord pour objet d’assurer une continuité de service, donc au minimum de renouveler l’existant. Ils doivent aussi permettre la mise en place de systèmes plus complets et plus performants.

Dans le domaine des télécommunications, la coopération franco-italienne doit aboutir prochainement à la mise en orbite des satellites Athena-Fidus et Sicral 2, qui viendront compléter les capacités nationales existantes (Syracuse). Athena-Fidus offrira à la Défense une capacité de télécommunications haut débit (bande Ka) complémentaire aux systèmes militaires hautement sécurisés. Il doit être lancé en 2013.

Dans le domaine de l’observation, Musis52 est un programme européen lancé pendant la présidence française de l’UE en 2007, en coopération entre l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France, la Grèce l'Italie, la Pologne et la Suède. Il a pour objectif la réalisation d'un système spatial d'imagerie à des fins de défense et de sécurité, pour succéder aux systèmes français Hélios 2, italien Cosmo-SkyMed et allemand SAR Lupe. Il était prévu que les quatre composantes spatiales de Musis, comprenant les satellites et leurs segments sol, fassent l'objet de programmes nationaux ou en coopération :

- un programme « défense » conduit par la France, éventuellement en coopération, pour la composante optique visible et infrarouge très haute résolution (CSO), dont la conception a été entreprise en 2008 ;

- un programme espagnol dual (civil et militaire) pour la composante optique champ large ;

- un programme de défense allemand pour une composante radar très haute résolution ;

- un programme italien dual (civil et militaire), ouvert à la coopération, pour une seconde composante radar haute et très haute résolution.

Une fédération de ces composantes doit assurer leur interopérabilité.

La lettre d'intention portant sur la réalisation de Musis a été signée le 10 novembre 2008. L'Agence européenne de défense (AED) est étroitement associée au projet, notamment pour assurer le lien avec l'Union européenne dans le cadre de la Politique européenne de sécurité et de défense. Toutefois, en l’absence d’accord de coopération finalisé et afin d’éviter tout risque de rupture capacitaire opérationnelle à la fin de vie d’Helios 2, la France a décidé en 2010 de lancer seule la réalisation de la composante spatiale optique, mais sur la base de 2 satellites, au lieu des trois prévus.

La coopération franco-italienne, qui est motrice pour l’Europe de la défense, a été mise à mal lors de l’opération libyenne, en raison d’une approche française des accords d’échange en vigueur jugée par les Italiens trop « comptable ». L’insatisfaction italienne a contribué au lancement d’un programme national de satellite optique (OPSIS) qui remet en cause l’esprit de l’accord de Turin fondé sur la spécialisation capacitaire des pays.

En cas de nécessité opérationnelle, comme lors de l’opération menée en Libye, une approche trop comptable des accords passés n’est pas souhaitable, car elle met en péril l’avenir de la coopération.

Observation de la Terre : des accords européens fragilisés

La France a ratifié en 2001 un accord bilatéral franco-italien, dit accord de Turin, qui porte sur la constitution d'une capacité commune d'observation de la Terre comprenant une composante optique au travers du programme français Helios (2 satellites) et une composante radar au travers du programme italien Cosmo-SkyMed (4 satellites). Les premiers échanges opérationnels ont débuté le 7 juillet 2010.

Avec l'Allemagne, la France a signé en 2002 les accords de Schwerin qui prévoient un échange d'images optiques Hélios et radar SAR-Lupe (5 satellites) au moyen de segments sol développés de façon coordonnée.

Les satellites Helios sont possédés et ont été développés en copropriété par la France (85 %) avec la Belgique, l’Italie, l’Espagne, la Grèce et depuis récemment, avec l’Allemagne. La disponibilité du système pour chacun des associés est fonction de sa part de financement. D’après les accords de Turin, l’Italie a obtenu une part supplémentaire d’images optiques en contrepartie d’images radars fournies à la France. Le ratio de ces échanges est de 75 images radars contre 7 images Helios. Lors de l'opération Harmattan (Libye), l'Italie, qui avait besoin d'images optiques, a demandé à la France plus d’images que ce qui était prévu dans les accords de Turin. La France, qui faisait alors usage de l’ensemble de ses droits de programmation, redistribuant les images à ses partenaires, s'en est néanmoins strictement tenue aux termes de l’accord entre les deux pays.

A la suite de ce désaccord, l’Italie pourrait vouloir développer ses propres capacités optiques, ou se rapprocher de l’Allemagne. Plus généralement, la volonté de certains pays européens de développer leurs propres capacités risque de fragiliser une coopération européenne pourtant indispensable au déploiement d’une politique spatiale d’envergure.

Dans le domaine de l’observation, comme dans celui des télécommunications, une multiplication d’initiatives nationales serait regrettable. Certes cette fragilité ne fait que refléter les limites actuelles de « l’Europe de la défense ». Mais la mutualisation des capacités est plus que jamais nécessaire en période de crise ; et, surtout, cette mutualisation est le ciment d’une ambition commune, seule à même de permettre à l’Europe de parler d’égal à égal avec les autres grandes puissances. C’est pourquoi il est nécessaire de relancer cette coopération, selon des règles plus souples, dans la perspective de partenariats durables.

Dans le domaine de l’observation, deux démonstrateurs sont en cours de définition (CXCI dans le domaine de l’optique haute résolution, GRANDIR dans le domaine de l’infrarouge).

Par ailleurs, l’observation en orbite géostationnaire semble une voie d’avenir à explorer, avec des applications nombreuses et duales (défense, sécurité civile…), ce qui permet d’envisager un financement partagé. D’après le projet GO-3S53 d’Astrium, un tel système permettrait d’observer une large zone (100 kmx100 km) en vidéo sur un tiers du globe, en pouvant faire varier la zone observée en quelques minutes. Des travaux exploratoires sont menés aux États-Unis. C’est le type même de technologie d’avenir sensible qu’il serait utile que la France maîtrise.

En ce qui concerne les satellites d’écoutes électromagnétiques, le programme de démonstration ELISA doit être suivi d’un programme pleinement opérationnel, CERES, dont le Livre blanc prévoyait la réalisation pour le milieu de la décennie. Sa mise en service a été reportée à 2020.

Le programme d’alerte avancée opérationnelle (visant à détecter et à caractériser par infrarouge le tir d’un missile balistique), reposant sur un satellite en orbite géostationnaire et un radar au sol, a lui aussi été reporté, malgré le succès des satellites de démonstration SPIRALE.

c) Développer un réseau européen de surveillance de l’espace

Si l’Europe possède des moyens de surveillance de l’espace – principalement les radars français GRAVES54 et allemand TIRA55 – elle demeure néanmoins très dépendante des informations fournies par les États-Unis.

Les premières études pour GRAVES remontent au début des années 1990, avec deux objectifs principaux :

- le suivi des satellites espions survolant la métropole (du type d’Helios) ;

- la surveillance des rentrées atmosphériques à risques.

A l’issue du plan d’étude amont, le système a été pérennisé à partir de 2005. Pour qu’il puisse l’être à nouveau jusqu’en 2020-2025, ses obsolescences devront être traitées.

Depuis la mise en place de ce radar, la dépendance toujours plus grande à l’égard des moyens spatiaux et la multiplication des objets en orbite n’a fait qu’accroître l’importance de disposer de moyens autonomes de surveillance de l’espace.

Le radar GRAVES, développé par l’ONERA56 sous contrat avec la Direction générale de l’armement (DGA), permet de suivre les objets de taille supérieure à 1 m2, situés entre 400 et 1.000 km d’altitude. Quoiqu’insuffisante, cette capacité est unique en Europe. GRAVES est opéré par l’armée de l’air (CDAOA). Il a permis l’établissement d’un catalogue contenant environ 2.800 objets en orbite basse, à comparer avec le catalogue américain qui comporte plus de 12.000 objets en orbite basse et, en tout, environ 15.000 de plus de 10 cm.

Par ailleurs, le bâtiment d’essais et de mesures de la Marine nationale Monge possède des radars de poursuite qui permettent de suivre la trajectoire d’objets spatiaux (satellites, débris).

Deux télescopes du CNRS sont mobilisables pour la surveillance de l’orbite géostationnaire.

Quant au radar allemand d’imagerie et de trajectographie TIRA, il apporte des informations complémentaires tendant à faciliter l’identification des objets.

Le radar GRAVES a permis de coopérer plus efficacement avec les Américains, dans la mesure où chaque partenaire dispose d’informations sur les satellites sensibles de l’autre. A l’heure actuelle, les relations sont permanentes entre l’organisme de contrôle américain situé à Vandenberg (Joint Space Operations center de l’USSTRATCOM57), la division Surveillance de l’espace de la CDAOA et le Centre d’orbitographie opérationnelle (COO) du CNES à Toulouse. Le réseau au sol américain, qui est constitué de 29 capteurs radars et optiques, civils et militaires, est le plus vaste et le mieux distribué du monde. Les radars surveillent l’orbite basse tandis que le réseau optique (télescopes) surveille la ceinture géostationnaire. Les Américains ont établi leur catalogue d’objets de plus de 10 cm à partir des observations ainsi réalisées. Ils émettent des messages d’alerte comportant des marges d’incertitude. Les risques sont analysés par le COO du CNES en vue de prévenir les collisions. Il est en effet possible d’éviter les collisions en déplaçant les objets spatiaux, du moins pour ceux qui sont encore actifs. Ce fut par exemple le cas, à plusieurs reprises, de la Station spatiale internationale.

En quelques années, le nombre d’alertes-collision s’étant multiplié, le CNES a développé un véritable service dans ce domaine.

La dépendance vis-à-vis des Américains est forte, car le radar français ne détecte que des objets déjà relativement gros (1 m2), dans une zone restreinte de l’espace, et avec une aptitude limitée à en déterminer la nature et l’orbite exactes.

Les Russes et les Chinois disposent aussi très probablement de dispositifs de surveillance de l’espace, étant donné, d’une part, leur niveau technologique et, d’autre part, l’étendue de leur territoire, propice à l’installation de détecteurs. On ne connaît toutefois pas précisément ces capacités.

Pour l’avenir, il serait utile :

- de traiter les obsolescences prévisibles du radar GRAVES ;

- de mettre en place un ou plusieurs capteurs supplémentaires (par exemple en Guyane) afin d’avoir une vision plus exhaustive de ce qui se passe dans l’espace et de pouvoir identifier rapidement la trajectoire des objets repérés ;

- d’améliorer les capacités d’identification des objets, par exemple grâce à de l’imagerie optique, à partir du sol ou éventuellement de l’espace (Pléiades, par exemple, a récemment photographié le satellite Envisat).

Lors de la Ministérielle de 2008, les membres de l’ESA ont décidé la mise en place d’un programme européen de surveillance de l’espace (SSA58), qui n’a, pour le moment, pas eu les résultats escomptés et n’a pas conduit à la mise en place d’une feuille de route acceptée par tous les partenaires. Un portage plus politique de ce projet, par l’UE, est souhaitable. Le système à mettre en place doit bien sûr commencer par fédérer les capacités disponibles, mais la politique européenne de surveillance de l’espace ne peut se contenter des moyens existants. Elle doit les compléter.

La surveillance de l’espace lointain

La surveillance de l’espace a aussi deux composantes relatives à l’espace lointain :

- D’une part, le risque de désastre résultant d’un astéroïde percutant la Terre n’est pas complètement du domaine de la science fiction. Si les objets de diamètre inférieur à 25 m se désintègrent généralement dans l’atmosphère, ceux compris entre 25 m et 1 km sont susceptibles de provoquer un désastre régional. Au-delà de 1 km de diamètre, l’effet produit serait mondial, en raison des perturbations climatiques engendrées. En 1908, un astéroïde d’une cinquantaine de mètres de diamètre a ravagé une région de Sibérie dans un rayon de 20 km. L’augmentation de la densité de peuplement de la planète entraîne une exposition accrue au risque. L’Union européenne finance dans le cadre du projet européen NeoShield l’étude de trois méthodes pour détruire un corps céleste ou le dévier de sa trajectoire.

- D’autre part, la surveillance de la « météorologie spatiale », notamment des tempêtes solaires, est une nécessité. La météorologie de l’espace vise à prévoir l'activité solaire et quantifier son impact sur notre environnement spatial (satellites), technologique (télécommunications, transformateurs électriques) et au niveau du sol (corrosion des pipelines). Ces tempêtes sont en effet une menace pour l’intégrité des satellites et plus largement pour l’ensemble des réseaux de communication, de distribution d’énergie, ainsi que pour la navigation maritime et aérienne. Les conséquences sur Terre d’un événement solaire ont été observées pour la première fois en 1859 par l’astronome britannique Richard Carrington, puis en 1921, aux États-Unis. Une étude a montré que si la tempête solaire de 1921 se produisait aujourd’hui, elle affecterait plus de 130 millions de personnes, avec des conséquences soudaines et durables sur les infrastructures sur l’ensemble du territoire des États-Unis. Les conseillers scientifiques du président américain et du Premier ministre britannique ont publié conjointement un article59 mettant en garde contre ce risque et proposant des pistes pour le réduire, notamment par le renouvellement de satellites scientifiques susceptibles de fournir une alerte avancée. Au niveau européen, une approche coordonnée des services de « météorologie spatiale » est nécessaire : c’est l’un des objets du programme de surveillance de l’espace (space situational awareness) de l’ESA.

Orientations

- Redonner une impulsion à la coopération européenne sur les programmes d’observation afin de privilégier la mutualisation des moyens spatiaux européens de défense plutôt que leur duplication

- En France, réaliser les phases opérationnelles des programmes d’écoutes électromagnétiques et d’alerte avancée

- En lien avec la question des débris spatiaux (voir ci-après), mettre en place un système européen complet de surveillance de l’espace fédérant et complétant les moyens existants (notamment le radar français GRAVES)

B. L’EUROPE SPATIALE : UNE AMBITION NÉCESSAIRE POUR LE MONDE

« La capacité autonome d’accès à l’espace est le signe d’une capacité à structurer des programmes et des technologies très complexes, donc la marque d’une puissance industrielle et technologique. Mais je crois que quarante ans après nous avons dépassé la logique héritée de la Guerre froide. Le maintien d’un effort budgétaire et industriel aussi considérable ne peut se justifier des décennies durant par le seul souci de prestige ou de démonstration de force. Il est bien sûr essentiel, je dirais même vital, pour la France et l’Europe de conserver quoi qu’il arrive et en toutes circonstances un accès autonome à l’espace. Il en va de notre indépendance stratégique. Mais si l’effort continue et doit continuer, c’est que l’espace est aussi devenu essentiel à la science et à la vie sur Terre. Et la marque distinctive de l’Europe dans l’espace est précisément d’avoir construit son outil spatial autour de son utilité pour l’homme et de ses retombées concrètes. »

Discours du président de la République, M. Nicolas Sarkozy, à Kourou le 11 février 2008

1. L’Espace durable

a) Les débris spatiaux

(1) Une évolution préoccupante

Depuis 1957, environ 5000 lancements ont eu lieu, ainsi que plus de 220 fragmentations en orbite. En conséquence, on estime à 20.000 le nombre d’objets de plus de 10 cm (dont 15.000 catalogués) présents en orbite autour de la Terre, à 300.000 le nombre d’objets entre 1 et 10 cm (non catalogués) et à plusieurs dizaines de millions le nombre d’objets entre 1 mm et 1 cm.

La France possède 500 objets sur les 15.000 objets de plus de 10 cm catalogués.

Plus de la moitié des objets sont issus de fragmentations, c’est-à-dire de collisions en orbite.

Origine des objets de plus de 10 cm présents en orbite autour de la Terre

Source : CNES

Évolution de la population en orbite autour de la Terre

1980



Objets de taille supérieure à 10 cm en orbite basse (LEO) et à 1 m en orbite géostationnaire (GEO)

Source : NASA

Évolution de la population en orbite autour de la Terre

2009



Objets de taille supérieure à 10 cm en orbite basse (LEO) et à 1 m en orbite géostationnaire (GEO)

Source : NASA

La première collision répertoriée a eu lieu en 1996. Elle a affecté le satellite militaire français Cerise, heurté par un étage supérieur d’Ariane. Deux événements récents ont entraîné une hausse significative du nombre de débris, accroissant mécaniquement le risque de collisions futures :

- En janvier 2007, les Chinois ont détruit à l’aide d’un missile l’un de leurs satellites météorologiques (Fengyun 1C). Ce test, visant à démontrer la capacité des Chinois à procéder à des tirs antisatellites, a engendré pas moins de 2.500 débris de taille supérieure à 10 cm et plusieurs dizaines de milliers de particules.

- En Février 2009, la collision entre un satellite Iridium et un satellite inactif Kosmos a généré environ 2.000 gros débris et, là encore, des dizaines de milliers de particules.

Les débris évoluent dans un environnement dynamique, ce qui rend la prévision des collisions d’autant plus difficile :

- D’une part, ils ont tendance à redescendre progressivement, et d’autant plus rapidement que leur orbite est basse (ceux qui circulent en orbite géostationnaire ont une durée de vie quasi-illimitée) ;

Durée de vie des objets spatiaux avant leur rentrée dans l’atmosphère terrestre

Exemple d'objets spatiaux

Orbite (altitudes périgée et apogée)

Durée de vie

Station Spatiale Internationale

400 km x 400 km

entre 6 mois et 1 an

SPOT

825 km x 825 km

200 ans

Orbite de transfert géostationnaire

200 km x 3 6000 km

environ 10 ans

Orbite géostationnaire

36 000 km x 36 000 km

millions d'années

- D’autre part, les débris s’étalent au-delà de l’orbite de l’objet dont ils sont issus, sur l’ensemble de la circonférence correspondante ;

- Enfin, les débris augmentent de façon exponentielle en raison de réactions en chaîne qui suscitent une multiplication auto-engendrée (syndrome de Kessler).

L’ISS procède par exemple environ une fois par an à des réajustements de sa trajectoire pour éviter des collisions.

Les conséquences des collisions dépendent de la taille des débris et du positionnement de l’impact ; ces conséquences peuvent être très importantes, y compris pour des débris de petite taille, en raison de l’énergie cinétique des objets en mouvement.

Estimation des conséquences des collisions en orbite

Taille des débris

Conséquences

< 0.01 cm

Érosion des surfaces

Entre 0.01 cm et 1 cm

Dommages significatifs

Perforations

Conséquences variables suivant l’équipement atteint

Entre 1 et 10 cm

Dommages très importants

Risque de perte de la mission

Aucun blindage ne résiste à des particules > 2 cm

> 10 cm

Conséquences catastrophiques

Destruction du satellite

Production de nombreux débris

Il existe aussi un risque de dommages au sol, lors des rentrées atmosphériques, à l’issue desquelles subsistent des éléments qui résistent à l’échauffement du fait de leur forme, de leur taille et de la nature des matériaux qui les composent (acier, titane, composite...). Il se produit une rentrée d’objet significatif par semaine en moyenne. La plupart des rentrées sont incontrôlées. En moyenne, 20 à 40 % de la masse initiale arrive au sol.

On estime à 100 tonnes les retombées quotidiennes de météorites (principalement sous forme de poussière) et à 1 tonne les retombées quotidiennes de débris.

Compte tenu du caractère chaotique et aléatoire de la descente atmosphérique, il est difficile d’alerter les populations. Si le risque est minoré du fait que 70% de la surface de la Terre est océanique, ce risque existe néanmoins bel et bien, au sol et pour le trafic aérien, voire maritime (formation d’épaves issues de débris spatiaux).

Retombée d’une sphère issue d’un lanceur Ariane au Brésil
(Février 2012)


Source : CNES

(2) Des actions nécessaires

La surveillance de l’espace, qui constitue un intérêt vital pour la France et l’Europe, a été abordée plus haut à propos de l’espace militaire (II.A.3.). Cette surveillance sera d’autant plus efficace qu’elle fera l’objet de coopérations internationales. Pour bénéficier de l’information détenue par nos partenaires, il est néanmoins souhaitable de détenir une monnaie d’échange. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’Europe a intérêt à se doter d’un système de surveillance de l’espace plus complet que celui actuellement fourni par la France et l’Allemagne.

Cette partie est consacrée aux autres actions à mener pour réduire la menace que les débris spatiaux font peser sur les satellites, dont certains revêtent un intérêt économique ou stratégique majeur, et sur les hommes. Si les débris continuent à se multiplier, il est en effet probable que les rentrées atmosphériques engendrées, qui sont difficiles à contrôler, fassent à plus ou moins long terme des victimes humaines.

(a) Les règles de conduite

Des règles de conduite ont été adoptées au niveau international, par le Comité inter-agences de coordination sur les débris spatiaux (IADC) qui regroupe 12 agences spatiales, et par le Comité des Nations unies sur l’usage pacifique de l’espace (COPUOS) qui compte 71 pays membres dont les principes de limitation des débris spatiaux ont été approuvés par l’Assemblée générale des Nations-Unies en 200760.

Ces règles dites de mitigation sont les suivantes61 :

- Les véhicules spatiaux et étages de lanceur doivent être conçus pour ne pas produire de débris lors de leur fonctionnement normal ;

- Les objets spatiaux doivent être « passivés », c’est-à-dire rendus inertes par épuisement de toutes les sources d’énergie présentes ;

- La destruction intentionnelle de véhicules spatiaux doit être évitée ou effectuée à altitude suffisamment basse pour que la durée de vie des fragments générés soit courte ;

- A l’issue de leur mission, les satellites géostationnaires doivent être déplacés sur une orbite plus haute dite orbite cimetière (à plus de 200 km de l’orbite GEO).

- A l’issue de leur mission, les véhicules situés en orbite basse doivent être désorbités et de préférence réintroduits dans l’atmosphère ou laissés sur une orbite où leur durée de vie sera limitée à 25 ans au maximum (à partir de la fin de la mission). Les véhicules doivent être conçus pour se consumer dans l’atmosphère ou à défaut tomber dans des régions inhabitées. Les effets polluants liés à la présence de substances toxiques doivent être minimisés.

- L’architecture et le profil des missions doivent être conçus en sorte de limiter le risque de collision et ses conséquences sur le véhicule.

Ces mesures relèvent de la « soft law ». Pour être pleinement efficaces, elles devraient être transcrites par chaque État pour ce qui le concerne, et faire l’objet de contrôles. On estime en effet que les mesures de prévention sont respectées à 59 % seulement, l’objectif étant de parvenir à 90 %.

En France, le cadre juridique des activités spatiales est fixé par la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales, dont l’un des objets est de limiter les débris spatiaux et les risques de collision62 et de prévenir les risques induits par la retombée de fragments. Concernant la limitation des débris spatiaux, l’entrée en vigueur d’une partie des dispositions de l’arrêté d’application du 31 mars 2011 est reportée. Les dispositions concernant les lanceurs ne sont pleinement applicables qu’aux nouveaux lanceurs (systèmes dont le premier lancement a lieu après le 31 décembre 2011). En tout état de cause, la désorbitation contrôlée de l’étage supérieur d’Ariane ne sera possible que lorsque la lanceur européen aura été doté d’un moteur rallumable (Vinci), donc lors du passage à Ariane 5 ME ou à Ariane 6, qui ont en commun ce moteur.

La question des règles de conduite dans l’espace, comme celle du nettoyage des débris (voir ci-après) ne peut être résolue que dans un cadre international, étant donné leur impact en termes de compétitivité et les enjeux juridiques et de sécurité associés.

En 2007, le Conseil de l’UE a pris l’initiative d’un code de conduite international pour les activités menées dans l’espace exta-atmosphérique. L’objectif de ce code de conduite est d’améliorer la sécurité dans l’espace. Un texte, élaboré en 2010, doit servir de base à des consultations avec les pays tiers, sous la responsabilité du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Des désaccords subsistent notamment entre les nations sur le point de savoir si ce code doit prendre la forme d’un traité international ou demeurer du domaine de la « soft law ». Le traité soulève un problème de contrôlabilité : les pays qui le respecteraient auraient peu de moyens pour vérifier les activités des autres signataires. Assigner une cause aux événements qui se déroulent dans l’espace est un exercice difficile. C’est pourquoi les Américains sont, a priori, hostiles à un traité international.

En définitive, s’agissant du « code de conduite », il risque d’être difficile d’obtenir un texte acceptable par tous et néanmoins efficace.

(b) Le nettoyage des débris

D’après les modèles actuellement disponibles, les mesures de prévention ne seront pas suffisantes, en raison du « syndrome de Kessler », c’est-à-dire que le nombre de débris continuera à augmenter par collisions entre objets même si les règles de conduite existantes sont appliquées.

C’est pourquoi il est nécessaire d’une part de développer et d’utiliser des modèles de prévision à long terme, d’autre part d’étudier la pertinence d’un nettoyage des débris, en termes techniques, économiques, juridiques et calendaires.

Pour stabiliser le nombre de débris en orbite basse, qui est l’orbite la plus encombrée, il faudrait retirer chaque année entre 5 et 10 gros débris (satellites inactifs). Des solutions industrielles sont envisageables, à partir par exemple des techniques d’approche développées pour l’ISS dans le cadre de l’ATV (projet d’Astrium). Un tel système, visant à faire rentrer les gros débris dans l’atmosphère, pourrait par exemple traiter du cas du satellite Envisat, conçu avant l’existence des « règles de conduite » internationales pour la limitation des débris, avec lequel le contact a été perdu en 2012. D’autres projets de nettoyage de l’espace sont à l’étude dans le monde, par exemple l’envoi d’un nuage de gaz sur la trajectoire de l’objet afin de le ralentir (Boeing). Ces projets ont en commun leur coût élevé et l’absence de marché clairement identifié pour leur développement.

Projet de véhicule utilisant un filet pour capturer l'épave du satellite Envisat
afin de la faire rentrer dans l'atmosphère

Source : Astrium

Une coopération internationale est indispensable, dans un cadre qui pourrait être complémentaire de celui développé pour l’ISS, car il est difficilement envisageable de trouver un marché strictement national pour ce type de véhicule. Les débris n’ont individuellement aucune valeur, mais leur nettoyage constituerait un progrès collectif. Ce nettoyage pose par ailleurs des problèmes de sécurité, si l’on veut s’assurer de l’utilisation non agressive des capacités qui seraient mises en place, ce qui implique l’établissement de règles précises et d’un contrôle.

Orientations

- Mettre en œuvre les règles existantes, nationales (loi sur les opérations spatiales) et internationales (COPUOS, IADC) – notamment en dotant l’Europe d’un lanceur à étage supérieur rallumable – et renforcer ces règles à l’échelle internationale afin que les utilisateurs « vertueux » de l’espace ne soient pas pénalisés

- Mettre en place un système européen complet de surveillance de l’espace fédérant et complétant les moyens existants (notamment le radar français GRAVES)

- Développer la recherche de solutions technologiques innovantes pour nettoyer les débris

- Inclure les coûts de démantèlement et de gestion des débris dans les budgets de toutes les missions

b) L’allocation des fréquences

L’allocation des fréquences au niveau mondial est un autre enjeu de durabilité pour les activités spatiales.

L’utilisation du spectre des fréquences radioélectriques et des orbites des satellites géostationnaires et non géostationnaires est gérée au plan international par l’Union internationale des télécommunications (UIT), basée à Genève, et dont l’interlocuteur français est l’Agence nationale des fréquences (ANFR).

Les Conférences mondiales des radiocommunications de l’UIT, qui ont lieu tous les 3-4 ans, ont entre autres pour objectif de faire évoluer la réglementation internationale afin de permettre une utilisation plus efficace des ressources.

Le principe d’attribution fonctionne selon le principe « premier arrivé, premier servi ». Les États effectuent pour leur propre compte ou pour celui de leurs opérateurs les démarches requises pour la sécurisation des ressources spectrales qui sont ensuite concédées au plan national à l’exploitant des fréquences.

Les années passées ont vu se multiplier les « satellites papiers », qui constituent une forme de spéculation sur les ressources spectrales, puisqu’ils ne sont pas associés à des projets réels mais correspondent à l’acquisition de fréquences pour leur valeur marchande. En 2012, la Conférence mondiale des radiocommunications a pris un certain nombre de mesures, tout en reportant à 2015 l’examen de cette question.

Orientation

- Réfléchir aux modalités d’établissement d’un prix des fréquences et/ou positions orbitales afin de lutter contre la « spéculation » (« satellites papiers ») et de financer la recherche sur l’élimination des débris

2. L’Espace pour la Terre

La compréhension des mécanismes du fonctionnement terrestre est aujourd’hui devenue un enjeu scientifique et économique majeur. L’Europe doit se donner pour priorité de demeurer précurseur dans ce domaine, dans le prolongement des missions déjà réalisées par le CNES et par l’ESA, souvent en coopération avec d’autres pays.

Cet aspect de la politique spatiale n’est pas destiné à être purement théorique. Bien au contraire, de nombreuses applications sont envisageables dans les domaines des transports, de l’agriculture, de l’environnement, de la surveillance des frontières et des routes maritimes, de la sécurité civile … Le programme européen GMES a vocation à devenir le point d’orgue d’un système opérationnel destiné à fournir un flux constant de données pour ces applications.

a) Une meilleure compréhension du système terrestre

La « devise » du CNES (« de l’Espace pour la Terre ») illustre la priorité des politiques spatiales française et européenne, tournées vers la sécurité et le bien-être des citoyens, avec un volet important consacré à une meilleure compréhension des mécanismes de fonctionnement de notre planète (terre, océans, atmosphère et interactions entre eux). L’un des principaux enjeux de cet aspect de la politique spatiale tient à la continuité de la fourniture de données.

(1) Observation, météorologie et missions dédiées aux sciences de la Terre : une compétence européenne reconnue

Si la continuité de la fourniture de données semble assurée s’agissant des missions transversales (et duales) d’observation et de météorologie, cette continuité peut être plus problématique s’agissant de missions plus « petites », dédiées aux sciences de la Terre, qui sont pourtant essentielle à l’étude du changement global.

(a) Observation, météorologie

En premier lieu, les sciences de la Terre bénéficient de l’apport des satellites d’observation optique et de météorologie. La France a mis en place le premier satellite SPOT (satellite pour l’observation de la Terre) en 1986. Ce programme est une référence mondiale dans le domaine de l’imagerie optique. La continuité est aujourd’hui assurée grâce aux satellites SPOT 6 (lancé en septembre 2012 par un lanceur indien PSLV) et SPOT 7 (à lancer prochainement), autofinancés par l’industrie (Astrium). Ces satellites sont complétés par l’imagerie de très haute résolution fournie par les satellites développés par le CNES, Pléiades 1A et, très prochainement, Pléiades 1B. Si Pléiades donne la priorité aux activités de défense, ses données seront aussi utiles à d’autres politiques publiques, telles que : cartographie, aménagement du territoire, gestion et prévention des risques, suivi des pratiques agricoles, par exemple.

La continuité de fourniture de données météorologiques se met également en place dans le cadre des programmes européens de météorologie en orbites géostationnaire et polaire.

En 2008, le Conseil des ministres de l’ESA a ainsi décidé de poursuivre le programme Meteosat de troisième génération (MTG) – en orbite géostationnaire – en partenariat avec Eumetsat. Les contrats industriels relatifs à ce programme ont depuis lors été passés, Thales Alenia Space en étant le maître d’œuvre. Il assurera la continuité avec les précédents Meteosat.

En 2012, le Conseil des ministres de l’ESA doit décider de lancer le programme de météorologie en orbite basse polaire de deuxième génération (EPS-SG63), également en partenariat avec Eumetsat, pour faire suite aux satellites MetOp lancés en 2006 et 2012. Un accord avec la NOAA fait du programme européen de météorologie polaire une composante d’un dispositif mondial.

(b) Les « explorateurs de la Terre »

En second lieu, les sciences de la Terre font également l’objet de missions de l’ESA et/ou du CNES, dédiées à l’étude de domaines précis, tels que l’océanographie, l’altimétrie (Jason, AltiKa), l’étude des sols, de l’eau, de la glace (SMOS64, CryoSat 265, projet SWOT66), de l’atmosphère (Megha-Tropiques, projet ADM Aeolus67), de la gravité (GOCE68) et du champ magnétique (Swarm69).

L’observation spatiale présente l’avantage d’offrir une vision globale et continue dans le temps qui permet des progrès considérables de la recherche sur l’environnement et le climat. Elle est un instrument essentiel de l’évaluation du changement global (changement climatique, modifications de la magnétosphère par exemple) et de l’impact des activités humaines sur le fonctionnement du système terrestre.

Ainsi, par exemple, les missions d’océanographie Topex-Poséidon (1992) et Jason 1 puis 2 (2001, 2008) ont mis en évidence l’élévation globale du niveau de la mer de 3 mm par an et même, localement, de plusieurs centimètres. Les techniques spatiales en océanographie fournissent une observation globale et en temps réel des océans, complétée par les mesures in situ qui apportent une information de la surface jusqu'aux profondeurs. L’altimétrie radar permet de mesurer la hauteur des mers et les moindres variations des océans au centimètre près. Assurer la continuité de mesures homogènes est une nécessité. En l’occurrence, Jason 2 doit être suivi par Jason 3 à partir de 2014, en coopération avec la NOAA70 et Eumetsat. Après avoir été incertain, le financement par la NOAA de ce programme a été récemment confirmé. Il sera lancé fin 2014 par Falcon 9 (Space X).

Deux exemples de coopérations franco-indiennes
dans le domaine des sciences de la Terre

Le programme Saral / AltiKa est une collaboration entre la France et l’Inde dans le domaine de la surveillance de l’environnement. Il doit être lancé par un lanceur indien PSLV fin 2012. Sur une plateforme développée par l’agence spatiale indienne (ISRO) seront embarqués des instruments indépendants notamment Argos 3 (dédié à la localisation, l’acquisition et la distribution de données environnementales) et AltiKa. Développé par le CNES, AltiKa est un système innovant d’altimètre en bande Ka, dédié à la mesure précise de la topographie de surface des océans, capable de fournir des mesures précises pour une meilleure observation des glaces, des zones côtières, des étendues d’eaux continentales ainsi que de la hauteur des vagues. Ce projet s’inscrit dans un programme français de développement de l’océanographie opérationnelle incluant le développement de mesures in situ et la création d’un centre d’analyse et de prévision en 2001 (Mercator Océan).

Également lancée par un lanceur PSLV, en octobre 2011, Mégha Tropiques est une mission d'étude atmosphérique du cycle de l'eau en régions tropicales. Elle facilitera le suivi et la prévision des phénomènes dangereux comme les cyclones tropicaux et les pluies de mousson.

Lancé en 2002, et faisant suite aux missions d’observation ERS71-1 (1991) et ERS-2 (1995), le satellite Envisat de l’ESA qui circule en orbite polaire héliosynchrone à une altitude d’environ 800 km, a fourni pendant 10 ans, grâce à 10 instruments, des mesures portant sur l’atmosphère, les océans, la terre « solide » et la glace. Envisat est la plus grosse mission civile d’observation de la Terre (8 tonnes / 8 mètres de long) jamais lancée, devenue aujourd’hui un débris préoccupant (cf ci-dessus). L’ESA a en effet perdu le contact avec ce satellite peu après qu’il eut fêté ses dix ans d’existence en orbite.

Les satellites Sentinel du programme GMES sont attendus pour prendre la suite d’Envisat et assurer une continuité dans la production des données. La mission d’Envisat avait été prolongée jusqu’en 2013, date prévue pour les premiers lancements de satellites Sentinel. Une interruption trop longue de la fourniture de données serait préjudiciable aux progrès de la connaissance dans les domaines concernés.

(2) Vers une baisse des capacités globales d’observation ?

La compréhension de ces mécanismes de fonctionnement du système terrestre impose la surveillance permanente d’un nombre important de variables. Pour ce qui concerne le changement climatique, on parle de variables climatiques essentielles (VCE). Elles relèvent de l’observation terrestre, océanique et atmosphérique. Les outils spatiaux sont particulièrement propices au suivi de ces variables. Sur une quarantaine de VCE, une trentaine peut faire l’objet d’un suivi satellitaire.

Or en raison de contraintes budgétaires, et parfois d’un manque de cohérence entre programmes nationaux, notre capacité de suivi de ces variables pourrait être menacée. Perdre ne serait-ce qu’une variable peut menacer tout un modèle.

Les difficultés budgétaires de la NASA et de la NOAA ne sont pas sans conséquences, d’autant que certaines missions sont menées dans le cadre d’une coopération transatlantique. Comme cela a été précédemment évoqué, Jason 3 a, par exemple, paru à un moment menacée.

Missions d’observation de la Terre actuellement en orbite ou planifiée72
NASA/NOAA


Source : Thalès Alenia Space

Le mode de fonctionnement des agences, dont la vocation est d’innover et non d’assurer la continuité de l’existant, n’est pas forcément propice à la poursuite de missions consistant non pas à innover, mais à prolonger, tout en optimisant les coûts.

Ainsi, par exemple, la pérennisation de missions telles que Cryosat (lancée en 2010 après un échec au lancement en 2005) ou SMOS est incertaine.

Il est essentiel d’assurer la continuité de la production de données d’observation notamment dans les domaines de la météorologie et de la climatologie, et ce dès la conception initiale des missions.

Pour l’avenir, la surveillance des émissions naturelles et anthropiques de gaz à effet de serre deviendra un enjeu international majeur et les moyens de mesure seront un atout important pour ceux qui les maîtriseront. Les États-Unis mettent notamment en œuvre un programme appelé Orbiting carbon observatory (OCO-2), destiné à l’étude du CO2 atmosphérique. Après un échec au lancement en 2009, ce programme doit être relancé en 2014. L’un des objectifs, à peine dissimulé, de cette mission est de mesurer les émissions chinoises, dont des études scientifiques suggèrent qu’elles pourraient être actuellement sous-estimées d’au moins 20 %.

En Europe, le CNES mène conjointement avec l’agence spatiale allemande (DLR) une mission dite Merlin dont l’objectif est de mesurer depuis l’espace le méthane contenu dans l’atmosphère. En effet, la connaissance des flux et des concentrations de carbone dans l’atmosphère est essentielle, qu’il s’agisse du dioxyde de carbone (CO2) ou du méthane (CH4), celui-ci provoquant un effet de serre beaucoup plus puissant que celui-là. Le CNES, maître d’œuvre du satellite, fournit la plateforme Myriade Evolutions – financée par le programme d’investissement d’avenir – et le DLR réalise le Lidar (instrument de télédétection par laser). Le lancement de cette mission est prévu en 2016.

Un autre enjeu d’avenir est l’amélioration de la surveillance des émissions diffuses, à échelle très fine, qui nécessite des développements technologiques car on ne sait actuellement mesurer les émissions que sur des surfaces de 500 km x 500 km. La mesure des émissions de méthane provoquées par l’exploitation des gaz de schiste pourrait être envisagée dans ce cadre. Des études73 suggèrent en effet que l’exploitation du gaz de schiste pourrait avoir des effets dommageables sur le climat en conséquence des émissions et fuites de méthane induites.

La vérification des émissions est une étape incontournable de la lutte contre l’effet de serre, avec des enjeux internationaux majeurs, notamment pour les relations entre les deux principaux émetteurs que sont les États-Unis et la Chine. L’Europe – et notamment la France – a le potentiel de jouer un rôle important dans l’établissement d’un dispositif de contrôle des émissions, tant grâce à ses laboratoires que grâce à son industrie. Un financement dans le cadre de la mise aux enchères des quotas d’émission de carbone pourrait être envisagé.

Enfin, l’Europe ne peut évidemment jouer un rôle moteur dans la surveillance de l’environnement et du climat sans réaliser pleinement le programme GMES, dont le financement pour l’avenir est actuellement suspendu aux décisions qui seront prises pour le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union européenne.

L’encadré ci-après résume l’apport des infrastructures spatiales de ce programme.

Les satellites Sentinel de GMES

Les services de l'initiative GMES sont basés sur des données de surveillance de la Terre recueillies dans l'espace (satellites), l'atmosphère (instruments aéroportés, ballons stratosphériques, etc.), l'eau (flotteurs, instruments embarqués sur des navires, etc.) ou sur terre (stations de mesure, sismographes, etc.).

Les infrastructures spatiales sont constituées par les satellites Sentinel dont le développement a été confié à l’ESA. Chaque mission Sentinel est fondée sur une constellation de deux satellites afin de procurer des données robustes en termes de couverture et de délais de revisite.

Sentinel 1 est une mission d’observation radar (donc fonctionnant jour et nuit, quelle que soit la météo) de la terre et de l’océan, en orbite polaire (premier lancement en 2013) ;

Sentinel 2 est une mission d’imagerie haute résolution multi-spectrale, en orbite polaire, qui fournira des données sur la végétation, les sols et l’eau, et délivrera des informations en situation d’urgence (premier lancement en 2014) ;

Sentinel 3, également en orbite polaire, est une mission multi-instruments qui mesurera des variables relatives à la topographie océanique, la température de l’eau et du sol, la couleur de l’océan et du sol (premier lancement prévu en 2014) ;

Sentinel 4 est une charge utile embarquée sur un satellite Meteosat de troisième génération en orbite géostationnaire. Il est dédié à la surveillance atmosphérique (lancement prévu en 2019).

Sentinel 5 est une charge utile embarquée sur un satellite de météorologie en orbite polaire MetOp de deuxième génération. Il est également dédié à la surveillance atmosphérique (lancement prévu en 2020). Un Sentinel 5 « précurseur » doit être lancé en 2015 afin de réduire la durée de l’interruption de fourniture de données après l’arrêt d’Envisat.

Les satellites Sentinel 4 et 5 fourniront de l’information sur la chimie atmosphérique : qualité de l’air, radiations solaires, données de surveillance du climat. Les gaz étudiés seront : O3 (ozone), NO2 (dioxyde d’azote), SO2 (dioxyde de soufre), HCHO (formaldéhyde), CO (monoxyde de carbone), aérosols.

b) Un exemple d’application pour la sécurité civile : la charte internationale « espace et catastrophes majeures »

La charte est une coopération internationale entre agences spatiales, mettant à disposition leurs ressources satellites pour les opérations de secours et d’urgence lors de la survenue de catastrophes majeures.

Le but de la charte est d’une part, d’activer en urgence un système spatial unifié et coordonné d’acquisition d’images optiques et radar, et, d’autre part, de fournir gratuitement les données spatiales en résultant.

La charte a été créée en 1999 par l’ESA et par le CNES. Elle réunit à ce jour 15 agences : NOAA (National oceanic and atmospheric administration) et USGS (US Geological Survey) aux Etats-Unis, Eumetsat, les agences spatiales du Canada, d’Inde, Argentine, Japon, Royaume-Uni, Chine, Allemagne, Corée du Sud, Brésil, Russie, à l’exception notable de l’Italie.

Entre 2000 et 2011, la Charte a été activée à 324 reprises, pour des inondations (48 %), ouragans (16%), séismes (12 %), éruptions volcaniques, incendie, marée noire…

45 « utilisateurs autorisés » dans 39 pays et 3 « organismes coopérants » peuvent déclencher directement la Charte ; ce sont plus de 70 pays qui ont pu accéder à la Charte par le biais des utilisateurs autorisés ou de l’ONU. Le dispositif mis en place par la Charte fournit en réalité des services dans le monde entier. Il a permis aux agences spatiales de démontrer l’intérêt des données satellitaires dans la gestion des catastrophes.

Lors du séisme qui s’est produit à Haïti le 12 janvier 2010, le déclenchement de la Charte a permis l’obtention rapide d’informations cartographiques. Une cartographie de l’impact du séisme a été établie moins de deux jours après sa survenue.

Chronologie de l’établissement d’une cartographie d’impact du séisme
du 12 janvier 2010 (Haïti)
dans le cadre de la Charte « espace et catastrophes majeures »

H : Séisme

H+1 : Activation de la Charte

H+17 : Première acquisition de données

H+27 : Première carte de crise

H+41 : Première cartographie d’impact

Le programme GMES doit permettre de progresser dans la gestion des situations d’urgence, grâce aux services opérationnels associés. Les infrastructures spatiales du programme, qui en constituent une partie essentielle, mais pas la totalité, fourniront des informations utiles à la gestion de crises en Europe ou dans le reste du monde. Un service dédié à cette gestion d’urgence a été mis en place par la Commission européenne en 2012, prenant la suite du programme européen Safer (EMS74). A terme, et notamment lorsque les satellites de GMES auront été mis en service, un accord pérenne Charte / GMES devra être trouvé. Les sécurités civiles souhaitent par exemple de plus en plus accéder aux images elles-mêmes, en plus des cartes, ce qui n’est pas prévu par GMES.

Orientations

- Poursuivre activement la mise en place des infrastructures du programme GMES, afin d’assurer la continuité de production et l’homogénéité des données d’observation de la Terre

- Mettre en place le pilotage nécessaire à l’entrée en phase opérationnelle des applications et services GMES

- Confirmer la compétence européenne dans le domaine de l’« exploration de la Terre » en mettant en place tant l’infrastructure que les services nécessaires pour que l’Europe devienne une référence dans l’évaluation du changement global

3. La conquête spatiale

En 2012, la conquête spatiale a deux facettes : le vol habité, dans le cadre de la Station spatiale internationale (ISS) et les missions scientifiques d’exploration robotique vers des destinations lointaines, notamment – mais pas seulement – vers la planète Mars.

On remarquera que la composante « exploration lointaine » de notre politique spatiale n’est pas complètement étrangère aux préoccupations de « l’espace pour la Terre », puisqu’elle s’intéresse à l’évolution des planètes et l’origine de la vie, ce qui est un autre moyen de mieux comprendre ce qui s’est produit par le passé et pourrait se produire, à l’avenir, sur Terre. Il en est de même pour l’ISS (cf encadré : « Utilité de l’ISS).

a) La Station spatiale internationale

Un autre enjeu majeur de la réunion du Conseil ministériel de l’ESA de novembre 2012 est l’avenir de la participation européenne à l’ISS75. Celle-ci est assurée, jusqu’en 2015, par la fabrication et le lancement de cinq modules de ravitaillement ATV (Automated transfer vehicle).

Faut-il poursuivre cette coopération, au-delà de 2015, jusqu’en 2020, et sous quelle forme ?

Placée en orbite basse (environ 400 km), la Station est le résultat d’une coopération entre agences spatiales américaine, russe, japonaise, européenne et canadienne. Si elle est occupée en permanence depuis 2000, son assemblage ne s’est terminé qu’en 2011, avec le dernier vol de la Navette.

Le coût total de la Station est estimé par l’ESA à 100 milliards d’euros. Son coût pour la France est de 90 millions d’euros par an.

La participation de l’Europe à l’ISS

La Station spatiale internationale est un programme mené en coopération entre les États-Unis, la Russie, le Japon, le Canada et l’Europe. Pouvant accueillir jusqu’à 6 astronautes, elle pèse 450 t et permet de conduire des recherches dans les domaines des sciences de la vie et des matériaux.

Les deux principales contributions de l’Europe à l’ISS sont les suivantes :

– le laboratoire Columbus, opéré par l’Agence spatiale allemande, spécialisé en physique des fluides, sciences des matériaux et sciences de la vie, qui constitue une part substantielle de la capacité de recherche de la Station ;

– le véhicule de transfert automatique (ATV), opéré par le CNES à Toulouse, qui a trois fonctions : il transporte jusqu’à 7,7 t de ravitaillement et carburant à la Station ; il permet de rehausser la Station qui est naturellement attirée vers la Terre ; il en évacue les déchets avant de brûler dans l’atmosphère. Deux ATV ont rempli ces missions en 2008 et 2011. Le troisième ATV, appelé Edoardo Amaldi, a été lancé par Ariane 5 en mars 2012. Ce vaisseau cargo de 20 tonnes a été amarré avec une précision de 6 cm sur la Station, grâce à l’aide de l’astronaute de l’ESA alors présent à bord de la Station, André Kuipers. Il est précipité quelques mois plus tard dans l’atmosphère. Le lancement de l’ATV 4 (Albert Einstein) est prévu au printemps 2013. Cinq ATV sont programmés au total.

Le coût de l’ISS est de 100 milliards d’euros, dont 8 milliards pour l’Europe, soit, d’après l’ESA, « seulement » 1 euro par habitant de l’Europe et par an (pendant 30 ans)… Près de 90 % du coût de la contribution européenne à l’ISS est payé par l’Allemagne (41 %), la France (28 %) et l’Italie (20 %).

Eu égard à son coût exorbitant, quelle est l’utilité réelle de l’ISS et son apport à la recherche scientifique et technologique ? La NASA met en avant de nombreux exemples d’avancées scientifiques permises par la Station, sans qu’il soit aisé de distinguer les découvertes découlant directement de l’existence de la Station et celles s’inscrivant dans un cadre plus large (par exemple pour ce qui concerne la recherche sur l’ostéoporose) et sans qu’il soit aisé non plus de distinguer entre espoirs et réalisations.

Utilité de L’ISS

Les « bénéfices de la Station spatiale pour l’humanité »76 sont classés en trois catégories :

- Les bénéfices pour la santé humaine : par exemple

• La technologie qui a permis de construire les robots canadiens (notamment le bras Canadarm) en charge de l’assemblage et du ravitaillement de la Station a été adaptée pour le développement de NeurArm, bras chirurgical de haute précision fonctionnant en association avec l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ;

• Le développement de la recherche sur les vaccins bénéficie de la virulence accrue de certains microbes dans l’espace (par exemple la salmonelle)

• Les recherches menées pour la prévention et le traitement de la perte osseuse subie par les astronautes lors de leur séjour dans un environnement de microgravité bénéficient à la recherche sur l’ostéoporose

• Des recherches menées sur les astronautes permettent d’améliorer la prévention des crises d’asthme (mesure du taux de monoxyde d’azote dans l’air expiré en vue de détecter précocement une inflammation des voies respiratoires)

• Des recherches ont été menées sur les systèmes d’administration de traitements anticancéreux par micro-encapsulation

• Des modes de détection précoce des changements immunitaires ont été développés afin de prévenir les lésions douloureuses du zona

• La Station a permis le développement d’une technologie de pointe au service des efforts internationaux de purification de l’eau.

- Les bénéfices pour l’observation de la Terre et la gestion des catastrophes naturelles

La station spatiale offre un point de vue unique permettant d'observer les écosystèmes terrestres. Elle permet de recueillir des données sur le climat, les changements environnementaux et les risques naturels, grâce à la combinaison d’équipements actionnés par l’équipage et automatisés. Cette souplesse est avantageuse par rapport aux capteurs satellitaires, notamment lors de la survenue de catastrophes naturelles. La présence humaine à bord de la Station permet d’améliorer l'utilité des données de télédétection. Cette capacité s’est concrétisée lors du tsunami qui a affecté le Japon en mars 2011, la Station ayant transmis des images uniques de cet événement.

- Les bénéfices pour l’éducation

Grâce à sa capacité à stimuler l’imagination, la Station a servi de base à de nombreux projets éducatifs : programme de radioamateur, acquisition de connaissances sur la Terre, communications avec les membres de l’équipage…Ces projets visent à une meilleure compréhension par le public des phénomènes observés sur notre planète. Ils contribuent à inciter les jeunes à se tourner vers des carrières dans les domaines des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques. Les activités éducatives proposées vont aussi au-delà de ces domaines comme l’illustre par exemple la rédaction d’un poème collectif commencé par un astronaute. « En continuant à utiliser la Station, nous stimulons et inspirons la prochaine génération de scientifiques, d’ingénieurs, d’écrivains, d’artistes, de politiciens et d’explorateurs ».

- La Station permet aussi de faire de la recherche fondamentale, avec par exemple des expériences sur les fluides complexes (conversion de liquides en solides par application d’un champ magnétique), sur les matériaux avancés (nouveaux alliages), en physique fondamentale (horloges spatiales et physique quantique), en astrophysique…

En définitive, si la Station peut-être un outil de recherche scientifique, singulièrement dans le domaine médical et de la recherche fondamentale, il convient de souligner surtout :

- sa dimension symbolique et éducative ;

- son importance pour consolider les compétences précédemment acquises dans le domaine du vol habité et des séjours en microgravité ;

- la nécessité de rentabiliser l’investissement réalisé au cours des dernières décennies.

D’une part en effet, la Station suscite la réflexion sur l’avenir terrestre et extra-terrestre de l’Humanité. Elle est un support de diffusion de la culture scientifique et technologique. Les astronautes œuvrent activement à cet objectif, la communication sur leur métier et sur leur expérience éventuelle à bord constituant un aspect important de leur rôle. Que serait, a contrario, un monde qui aurait abandonné toute ambition dans le domaine du vol habité ? L’ISS, actuelle frontière de l’humanité, offre un point de vue sur notre planète qui, d’après ceux qui y ont séjourné, modifie le regard sur notre condition : ainsi que l’a indiqué à vos rapporteurs Michael Coats, directeur du Johnson Space Center de la NASA à Houston, ancien astronaute de la NASA, : « Quand vous volez dans l’espace et vous tournez vers le vaisseau spatial « Terre », vous avez envie de la prendre dans vos bras pour la protéger.». C’est une perspective partagée par l’ensemble des astronautes.

D’autre part, l’ISS est moins une fin en soi qu’une étape. Selon Samantha Cristoforetti, astronaute de l’ESA, également rencontrée par vos rapporteurs à Houston, l’ISS est un pas indispensable vers un avenir qui, pour l’humanité, s’envisagera nécessairement au-delà d’une planète aux ressources limitées. De fait, l’ISS permet de consolider l’expérience acquise par les Russes et par les Américains dans le domaine du vol habité depuis 50 ans, avant d’envisager des destinations plus lointaines, au-delà de l’orbite basse, lorsque cela sera financièrement, technologiquement et, surtout, politiquement envisageable. En effet, à la question : « pourquoi l’homme doit-il être présent dans l’espace ? » l’expérience montre que la réponse a toujours été d’abord politique : les programmes soviétiques et américains, dont la conquête de la Lune, furent une conséquence de la guerre froide. L’ISS a symbolisé pour sa part la coopération internationale post-guerre froide, et permis d’éviter la dissémination des compétences ex-soviétiques. La question de savoir si l’homme doit ou non demeurer dans l’espace aura sans doute à l’avenir aussi une réponse de nature géopolitique, tenant à la nécessité de développer la coopération internationale et la solidarité entre les peuples, en élargissant peut-être cette coopération aux puissances spatiales des pays émergents, dont la Chine.

Enfin, poursuivre la Station est logique du point de vue du retour sur investissement. La Navette a été maintenue suffisamment longtemps pour terminer l’assemblage des différents modules. Mais son abandon a diminué les capacités de ravitaillement tant en hommes qu’en matériel, en sorte que les possibilités qu’offre la Station pour la recherche sont sous-utilisées. La desserte humaine de la Station dépend actuellement uniquement du vaisseau russe Soyouz, ce qui constitue un facteur de vulnérabilité auquel les Américains tentent de remédier en développant une nouvelle capacité autonome de desserte de l’orbite basse. L’utilisation de la Station n’est pas optimale et il convient de ne pas aggraver cette situation pour la suite.

Dans ce contexte, vos rapporteurs estiment que l’Europe doit réaffirmer son soutien à la Station spatiale jusqu’en 2020, quand bien même ce soutien ne serait pas absolument nécessaire aux Américains, puisque l’Europe n’assume que 8 % du coût de la Station. Outre qu’il est souhaitable de valoriser l’investissement réalisé par le passé – l’assemblage de la Station étant terminé depuis peu – il n’est pas exagéré de considérer la participation à la Station comme un signe de la puissance spatiale et même, dans une certaine mesure, de la puissance politique de l’Europe.

La poursuite de la participation à la Station spatiale internationale ne doit toutefois évidemment pas être inconditionnelle. Il ne s’agit pas, pour l’Europe, de « signer un chèque » à la NASA. Il doit s’agir de développer, dans la droite ligne de ce qu’est l’ATV, un outil susceptible de valoriser les compétences scientifiques et industrielles européennes, c’est-à-dire un élément innovant pouvant donner lieu à des développements au-delà de sa contribution à la Station : par exemple, un module capable de ramener des débris spatiaux dans l’atmosphère.

Ce module serait, plus particulièrement, susceptible de participer à la désorbitation de l’ISS elle-même, puisqu’il faut d’ores et déjà envisager un démantèlement dont le coût pourrait dépasser 2 Mds$77. Ce démantèlement pose de multiples questions : quels sont les éléments susceptibles d’être ramenés préalablement sur Terre ? Pourra-t-on désorbiter l’ensemble de la Station (qui pèse 420 tonnes), ou faudra-t-il la démonter puis la faire rentrer dans l’atmosphère en plusieurs étapes ?

Orientations

- Continuer à participer à la Station spatiale internationale jusqu’en 2020, sous une forme technologiquement innovante

- Étudier les modalités et les coûts de démantèlement de l’ISS

b) L’avenir de la conquête spatiale 

Dans l’immédiat, l’avenir de la conquête spatiale sera d’abord robotique, si possible dans le cadre de coopérations internationales, selon un modèle illustré au cours de l’été dernier par l’atterrissage du véhicule Curiosity, dans le cadre du programme Mars Science Laboratory (MSL), qui comporte une forte participation française.

(1) Le vol habité : un avenir encore incertain

En avril 2010, le président des États-Unis Barack Obama a annoncé la restructuration du programme d’exploration voulu par son prédécesseur, qui visait le retour de l’Homme sur la Lune en 2020. Le rapport de la commission présidée par Norman Augustine, à l’origine de ce revirement, avait préconisé une redéfinition des objectifs du programme d’exploration spatiale, sur la base d’un principe : « les destinations découlent des objectifs » et non l’inverse. L’exploration habitée devrait suivre un « chemin flexible », en commençant par des destinations moins exigeantes que la Lune ou Mars, afin d’apprendre à vivre dans l’espace (orbite lunaire, points de Lagrange, astéroïdes, orbite martien…). La Lune pourrait éventuellement être un objectif intermédiaire, mais Mars est considérée in fine comme la destination la plus intéressante, à l’intérieur du système solaire, en raison de son histoire planétaire proche de celle de la Terre. La technologie actuelle ne permet pas toutefois d’envisager son exploration sans un investissement préalable substantiel. Pour les États-Unis, Mars doit donc être considéré comme l’objectif ultime, mais pas comme le prochain objectif.

En lieu et place du programme Constellation, le programme SLS (Space Launch system) consiste en un lanceur lourd, reprenant certains éléments de la navette spatiale, et en une capsule MPCV78/Orion, développée par Lockheed Martin, spécifiquement conçue pour l’exploration lointaine. La NASA se concentre ainsi sur l’exploration lointaine, délégant les lancements habités en orbite basse à des compagnies commerciales. La seule coopération internationale proposée repose sur un dérivé de l’ATV, qui serait destiné à servir de module de service pour la capsule MPCV. Le premier vol habité SLS-Orion est prévu en 2021, avec probablement pour objectif un astéroïde.

La Chine est l’autre pays dont les ambitions sont affichées dans le domaine du vol habité. La Chine et la Russie sont d’ailleurs actuellement les deux seuls pays à procéder à de tels vols de façon autonome depuis l’arrêt de la Navette spatiale.

Depuis le premier vol d’un taïkonaute (2003), la Chine a réalisé 4 vols habités, y compris l’envoi récent d’une équipe de trois astronautes sur un module déjà en orbite (Tiangong 1), qui constitue l’embryon d’une future station spatiale chinoise (2012). Ce pays a affiché son ambition d’envoyer un taïkonaute sur la Lune. Toutefois, d’après Isabelle Sourbès-Verger, chercheur au CNRS, auditionnée par vos rapporteurs, les ambitions de la Chine dans le domaine du vol habité pourraient être surestimées par un traitement médiatique ne rendant pas compte de la réalité de ses compétences spatiales et de son engagement dans ce domaine. La Chine s’intéresserait en premier lieu à l’espace comme outil de développement économique. Ce sont les applications, la science et le développement d’un lanceur qui sont prioritaires dans le programme spatial officiel (Livre blanc) chinois. Plutôt que de refaire ce que les Américains ont déjà fait, la Chine pourrait être intéressée par des programmes en coopération, qui offriraient l’avantage de contribuer au développement des compétences chinoises, tout en impliquant une forme de reconnaissance pour ce pays, en tant que partenaire à part entière.

Quant à l’exploration habitée de Mars, qui pourrait justement faire l’objet d’une large coopération internationale, c’est un objectif jugé atteignable par les scientifiques, mais probablement seulement d’ici 2040-2050. Des ruptures technologiques sont nécessaires pour y parvenir, notamment dans le domaine de la propulsion (électrique), et concernant la vie dans l’espace.

Avec les technologies actuelles, le voyage pose des questions éthiques et psychologiques, étudiées par l’expérience Mars 500 de l’ESA, qui a consisté à isoler six candidats dans une chambre d’isolation pendant 520 jours. Une expédition habitée vers Mars consiste très concrètement à mettre des Hommes dans un module de taille relativement petite, pour un voyage de 8 mois aller / 3-4 mois sur place / 8 mois retour… avec des risques non négligeables d’échec.

Le coût est un obstacle supplémentaire et de taille, puisqu’envoyer des Hommes sur Mars coûterait 600 à 800 Mds€79, soit de l’ordre de dix fois le coût d’un très gros programme industriel. Un programme de vol habité vers Mars ne peut donc être envisagé qu’à long terme, dans le cadre d’une coopération internationale qui soulèvera certainement des difficultés de gouvernance. Il ne peut aussi être envisagé que dans un monde relativement prospère et avec un objectif géopolitique clairement identifié.

Toujours à titre de comparaison, le coût de la mission robotique ExoMars (jugée chère) est aujourd’hui estimé à 1,2 Md€. Le coût d’une mission de retour d’échantillons est estimé de 3 à 5,3 Mds€.

Pour des raisons de coût, et parce qu’elles paraissent pour le moment à même de répondre aux principales interrogations qui motivent l’exploration lointaine, les missions robotiques paraissent devoir être privilégiées, avec des objectifs concrets et atteignables, tel que le retour d’échantillons martiens par exemple.

(2) Les missions robotiques : priorité sur Mars

L’exploration ne doit pas être confondue avec le vol habité : des engins automatiques permettent de répondre à moindre coût aux besoins. Si certaines des personnes auditionnées par vos rapporteurs estiment que rien ne peut remplacer la présence d’astronautes, d’autres ont indiqué, au contraire, que les robots font aujourd’hui mieux que les hommes à bien des égards.

(a) A la recherche de traces de vie sur Mars

MSL (voir encadré ci-dessous) prend la suite d’une série de programmes d’exploration robotique de la planète Mars menés depuis les années 1990, incluant des rovers (Pathfinder, Spirit, Opportunity) et des orbiteurs (Mars Global Surveyor, Mars Odyssey, l’Européen Mars Express, Mars Reconnaissance orbiter…). La Russie s’est pour sa part heurtée aux échecs de Mars 96 (en coopération internationale) et plus récemment (2011) de Phobos-Grunt (qui comportait une contribution chinoise).

Après MSL, le programme ExoMars, décidé en 2005, en coopération entre la NASA et l’ESA, devait aboutir à l’envoi de deux missions robotisées vers la planète rouge, en 2016 puis 2018. La réduction du budget de l’agence spatiale américaine ayant conduit à l’abandon de ce programme côté américain, les Européens ont choisi de le relancer en se tournant vers leur partenaire russe (Roskosmos). L’objectif d’ExoMars est l’étude de l’atmosphère et de la composition du sol martien, en vue d’obtenir de nouvelles réponses à la question de la vie sur Mars. Ce projet permet également d’avancer sur la voie du retour d’échantillon, qui pourrait intervenir au cours de la décennie 2020.

La NASA démarre par ailleurs un nouveau programme qui se veut « low cost » (425 M$), car réutilisant des technologies existantes, dédié à l’étude de l’évolution géologique de Mars, à horizon 2016 (InSight). Ce programme comportera aussi probablement une contribution française.

La mission MAVEN80 d’étude de l’atmosphère de la planète Mars, qui comporte une contribution française sous maîtrise d’ouvrage du CNES, est en revanche maintenue par la NASA. MAVEN doit servir à déterminer le rôle que la perte des composés volatiles, tels que le dioxyde de carbone, dioxyde d'azote et l'eau, de l'atmosphère de Mars dans l'espace a joué au cours du temps, afin de donner un aperçu de l'histoire de l'atmosphère et du climat de Mars, de l'eau liquide et de l'habitabilité de la planète.

Pourquoi Mars ?

L’exploration de la planète Mars et un objectif prioritaire car beaucoup d’indices laissent penser que la température et la pression atmosphérique de cette planète ont pu être compatibles avec la présence d’eau liquide et donc peut-être avec le développement de la vie.

C’est pour vérifier ces hypothèses que la NASA a lancé en 2011 la mission Mars Science Laboratory (MSL), qui a vu l’atterrissage du rover Curiosity sur Mars le 6 août 2012. MSL vise à déceler des constituants fossiles de la matière vivante : atomes de carbone, molécules organiques. Le rover Curiosity comporte des contributions instrumentales françaises sous maîtrise d’ouvrage du CNES : d’une part ChemCam (Chemistry camera), destiné à déterminer la composition chimique des roches situées autour du rover ; d’autre part, l’un des instruments (chromatographe en phase gazeuse) de l’ensemble instrumental SAM81.

(b) D’autres destinations

Plusieurs pays ont envoyé des sondes autour de la Lune (Inde, Chine, Japon) ou ont des projets d’atterrisseurs (Japon). L’ESA y a envoyé une sonde en 2004 (SMART-1) et étudie un projet d’atterrisseur lunaire, développé par Astrium, destiné à se poser en 2019 au pôle sud (encore inexploré) de notre satellite naturel.

Par ailleurs, l’ESA, forte de succès tels que celui de Huygens, module qui a atterri sur Titan en 2005, planifie ses futures missions d’exploration lointaine dans le cadre de son programme Cosmic Vision (2015-2025), qui entre dans le cadre des activités scientifiques dites « obligatoires », auxquelles les États participent en fonction de leur PNB.

Destinée à être lancée en 2015 (par Ariane 5), pour une arrivée à destination en 2022, la sonde Bepi-Colombo est dédiée à l’étude de la planète Mercure, la moins explorée du système solaire. Le coût de cette mission est estimé par l’ESA à plus d’un milliards d’euros. Elle est menée en coopération avec l’agence spatiale japonaise (JAXA).

Par ailleurs, le programme Cosmic Vision a conduit, à ce jour, à la sélection d’un projet d’orbiteur solaire (Solar orbiter), d’un programme d’étude de l’expansion de l’univers (Euclid) et d’une mission d’exploration de Jupiter et de ses satellites (Juice).

Les projets de missions d’exploration robotique au niveau mondial sont nombreux. Pour ce qui est de l’Europe, vos rapporteurs estiment qu’elles doivent remplir des objectifs d’innovation scientifique, à coûts maîtrisés, et se dérouler autant que possible dans le cadre de coopérations internationales. Il est important de maintenir la continuité des missions scientifiques dans le temps pour consolider l’avance de l’Europe dans ce domaine hautement symbolique de la politique spatiale.

Orientations

- Maintenir la continuité dans le temps des missions scientifiques de l’Europe pour consolider son avance dans ce domaine hautement symbolique de la politique spatiale

- Privilégier les missions robotiques remplissant des objectifs d’innovation scientifique, à coûts maîtrisés, autant que possible dans le cadre de coopérations internationales

SYNTHÈSE DES ORIENTATIONS PRÉCONISÉES

I. Clarifier la gouvernance de la politique spatiale

- Établir un véritable programme spatial de l’Union européenne, à horizon de 10 ans, plus exhaustif dans ses ambitions et plus clair dans ses principes de gouvernance

- Dans ce cadre, faire de l’ESA l’agence spatiale de l’UE et permettre aux agences nationales d’apporter leurs compétences à la Commission

- Reconnaître le maintien de l’autonomie d’accès à l’espace comme prioritaire et donc la nécessité pour l’Europe de recourir à ses propres lanceurs

- Instaurer dans le domaine spatial un principe de réciprocité avec les partenaires non européens c’est-à-dire n’acheter hors d’Europe que si les marchés tiers sont réellement ouverts

- Favoriser les rapprochements entre ESA et agences nationales afin d’éviter les doublons et de permettre à l’ESA de bénéficier des compétences développées sur le territoire européen

- Rationaliser les règles de fonctionnement de l’ESA eu égard à son élargissement, en ce qui concerne, en particulier, la règle historique de « retour géographique » qui, pour ne pas devenir préjudiciable à la compétitivité de l’industrie européenne, pourrait évoluer vers une règle de « juste contribution »

- En France, réintroduire l’espace dans l’intitulé d’un ministère qui sera chargé d’en valoriser l’utilité auprès du grand public

- En France, saisir le Parlement à intervalles réguliers, par exemple un an avant le renouvellement du contrat pluriannuel État-CNES, d’un projet de loi de programmation spatiale, objet d’un avis préalable de l’OPECST

- En France, créer une structure de concertation État-industrie sur les questions spatiales, sur le modèle du Conseil pour la Recherche aéronautique civile (CORAC), présidé par une personnalité indépendante

II. Maintenir les budgets spatiaux malgré la crise

- Réintégrer rapidement le programme de surveillance globale pour l’environnement et la sécurité (GMES) dans le cadre financier pluriannuel de l’Union pour 2014-2020

- Veiller concomitamment à la préservation des autres budgets spatiaux de l’UE (Galileo, recherche).

Pour la France :

- Maintenir à long terme l’engagement de la France à l’ESA, c’est-à-dire sa part de contribution au budget, pour continuer à jouer un rôle moteur dans la définition de ce que doit être l’Europe spatiale, et pour demeurer en mesure de faire jouer les règles de « retour géographique » autant que possible au profit de notre industrie

- Poursuivre l’apurement de la dette de la France vis-à-vis de l’ESA

- Poursuivre dans la logique du programme d’investissement d’avenir, c’est-à-dire consolider les budgets spatiaux français en privilégiant les dépenses ciblées destinées à améliorer la compétitivité de notre industrie

- Présenter l’ensemble des budgets spatiaux français dans un document unique, susceptible d’alimenter le débat public

III. Soutenir la compétitivité et l’indépendance technologique de l’industrie européenne

- Développer des filières européennes dans les secteurs technologiques clés pour lesquels il existe une dépendance (composants microélectroniques durcis), tout en veillant à la rentabilité économique des filières ainsi développées et en concentrant les moyens disponibles sur quelques priorités stratégiques

- Poursuivre le soutien apporté à la filière européenne de satellites de télécommunications par de grands programmes structurants (plateformes de nouvelle génération, très haut débit)

- Susciter le développement d’une filière de satellites « tout électrique »

- Faire précéder toute décision de politique spatiale d’une étude d’impact industriel

IV. Préserver durablement l’autonomie européenne d’accès à l’espace :

- Développer aussi rapidement que possible un lanceur de nouvelle génération modulable, à étage supérieur rallumable, en mettant la priorité sur la réduction des coûts afin de le rendre compétitif sur le marché

- Présenter, au plus tard en 2014, un projet de développement complet de ce lanceur de nouvelle génération (configuration, engagements industriels, délais, coûts)

- Prendre alors une décision définitive concernant Ariane 5 ME, afin de ne pas continuer plus longtemps à financer deux projets

- Faire évoluer Véga dans le sens d’une complémentarité avec le lanceur de nouvelle génération tout en européanisant l’ensemble de ses composants afin que ce lanceur participe pleinement à l’objectif d’autonomie d’accès de l’Europe à l’espace.

V. Relancer l’espace de défense

- Redonner une impulsion à la coopération européenne sur les programmes d’observation afin de privilégier la mutualisation des moyens spatiaux européens de défense plutôt que leur duplication

- En France, réaliser les phases opérationnelles des programmes d’écoutes électromagnétiques et d’alerte avancée

VI. Surveiller et traiter les débris spatiaux

- Mettre en œuvre les règles existantes, nationales (Loi sur les opérations spatiales) et internationales (COPUOS, IADC) – notamment en dotant l’Europe d’un lanceur à étage supérieur rallumable – et renforcer ces règles à l’échelle internationale, afin que les utilisateurs « vertueux » de l’espace ne soient pas pénalisés ;

- Mettre en place un système européen complet de surveillance de l’espace fédérant et complétant les moyens existants (notamment le radar français GRAVES)

- Développer la recherche de solutions technologiques innovantes pour nettoyer les débris

- Inclure les coûts de démantèlement et de gestion des débris dans les budgets de toutes les missions

- Réfléchir aux modalités d’établissement d’un prix des fréquences et / ou des positions orbitales afin de lutter contre la « spéculation » (« satellites papiers ») et de financer la recherche sur l’élimination des débris

VII. Considérer l’« Espace pour la Terre » comme une priorité

- Poursuivre activement la mise en place des infrastructures du programme GMES, afin d’assurer la continuité de production et l’homogénéité des données d’observation de la Terre

- Mettre en place le pilotage nécessaire à l’entrée en phase opérationnelle des applications et services GMES

- Confirmer la compétence européenne dans le domaine de l’ « exploration de la Terre » en mettant en place tant l’infrastructure que les services nécessaires pour que l’Europe devienne une référence dans l’évaluation du changement global

VIII. Poursuivre l’exploration spatiale à coûts maîtrisés

- Continuer à participer à la Station spatiale internationale jusqu’en 2020, sous une forme technologiquement innovante

- Étudier les modalités et les coûts de démantèlement de l’ISS

- Maintenir la continuité dans le temps des missions scientifiques de l’Europe pour consolider son avance dans ce domaine hautement symbolique de la politique spatiale

- Privilégier les missions robotiques remplissant des objectifs d’innovation scientifique, à coûts maîtrisés, autant que possible dans le cadre de coopérations internationales.

Adoption par l’Office


Lors de sa réunion du 7 novembre 2012, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté, à l’unanimité des membres présents, les conclusions et les propositions du rapport sur « Les enjeux et perspectives de la politique spatiale européenne ».

ANNEXES

ANNEXE 1 – liste des personnes auditionnees 145

ANNEXE 2 – LETTRE DE SAISINE 157

ANNEXE 3 – L’Allemagne, une grande puissance ECONOMIQUE 159

ANNEXE 4 – La chine et l’espace 185

ANNEXE 5 – La coopération institutionnelle franco-chinoise 191

ANNEXE 6 – La POLITIQUE SPATIALE RUSSE 193

ANNEXE 7 – EUROSPACE/Priorités de R&T 2012 199

ANNEXE 1 – LISTE DES PERSONNES AUDITIONNEES

Pages

I. FRANCE

A. PARIS

14 février 2012

Centre d’analyse stratégique (CAS)

ê M. Dominique Auverlot, chef du département Développement durable

ê M. Joël Hamelin, conseiller scientifique

ê M. Emmanuel Sartorius, président du groupe de travail Espace, Ingénieur général des Mines, membre du CGIET

Arianespace

ê M. Jean-Yves Le Gall, président directeur général

ê M. Jean Max Puech, directeur financier

21 février 2012

Agence spatiale européenne (ESA)

ê Mme Géraldine Naja, responsable des Affaires institutionnelles et de la Stratégie

Direction générale de la recherche et de l’innovation

ê M. Philippe Pujes, chef de département

ê M. Ronan Stephan, directeur général de la recherche et de l'innovation

Centre national d'études spatiales (CNES)

ê M. Yannick D'Escatha, président

ê M. Thierry Duquesne, directeur de la Prospective, de la stratégie, des programmes, de la valorisation et des relations internationales

22 février 2012

ê Mme Anne Bondiou-Clergerie, directeur des affaires R&D, espace et environnement – Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS)

ê M. Joël Chenet, senior vice president – Thalès Alenia Space

ê M. Jean-Lin Fournereaux, adjoint au directeur général délégué Opérations, directeur espace – SAFRAN

ê Mme Agnès Palomeros Ferragus, directeur des affaires institutionnelles – Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS)

ê M. Alain Wagner, vice-président Relations institutionnelles France – Astrium

10 avril 2012

ê M. Henri Revol, sénateur honoraire, ancien président de l’OPECST

ê Mme Isabelle Sourbès-Verger, chercheur au CNRS – Centre Alexandre Koyré

Eutelsat

ê M. Jean-François Bureau, directeur des affaires institutionnelles et internationales

ê Mme Alexandra Pocholle, chargée de mission, direction des affaires institutionnelles et internationales

5 juin 2012

ê M. Xavier Pasco, maître de recherche, docteur en science politique – Fondation pour la recherche stratégique

27 juin 2012

Air Liquide

ê M. Pierre-Etienne Franc, directeur des technologies du futur

ê Mme France Hamber, directeur spatial

ê Mme Aliette Quint, directrice adjointe des Affaires européennes et internationales

ê M. Thierry Sueur, vice-président

Commandement interarmées de l’Espace (CIE)

ê Général Yves Arnaud, général de division aérienne, commandant

25 septembre 2012

Agence spatiale européenne (ESA)

ê M. Jean-Jacques Dordain, Directeur général de l'ESA

ê Mme Géraldine Naja, responsable des Affaires institutionnelles et de la Stratégie

10 octobre 2012

Centre national d’études spatiales (CNES)

ê M. Fernand Alby, expert senior, direction du Centre spatial de Toulouse

ê M. Christophe Bonnal, expert senior, direction des lanceurs

ê M. Michel Eymard, directeur des lanceurs

ê M. Pascal Faucher, membre du service défense & sécurité, direction des programmes

ê M. Brice Lamotte, chargé des relations avec le Parlement

23 octobre 2012

EADS-Astrium

ê M. François Auque, président directeur général

ê M. Alain Wagner, vice-président Relations institutionnelles France

25 octobre 2012

ê M. Jean-François Dupuis, conseiller spatial à l’Ambassade de France en Allemagne

ê M. Brice Lamotte, chargé des relations avec le Parlement du CNES

B. CANNES

13 et 14 mai 2012 - Cannes

Thales Alenia Space

ê M. Cédric Balty, directeur marketing

ê M. Joël Chenet, senior vice-president

ê M. Jean-Claude Dardelet, vice-président des affaires institutionnelles

ê M. Yves Durand, directeur technologie

ê M. Benoît Hancart, directeur commercial défense

ê M. Jean-Jacques Juillet, directeur programme européen

ê M. Christophe Nussli, chargé du développement des applications spatiales liées au changement climatique

ê Mme Claire-Anne Reix, directrice GMES

ê M. Nicolas Touré, vice-Président Marché civil France

ê M. Jérôme Valour, directeur commercial

C. MUREAUX – VERNON

15 mai 2012

Astrium space transportation

ê Mme Anne-Sophie de La Bigne, direction des affaires publiques

ê M. Alain Charmeau, président directeur général

ê M. Alain Wagner, vice-président Relations institutionnelles France

Safran Snecma

ê M. Martin Sion, directeur de la Division moteurs spatiaux

ê M. Jean-Lin Fournereaux, adjoint au directeur général délégué Opérations, directeur espace

D. TOULOUSE

23 et 24 mai 2012 - Toulouse

Thales Alenia Space

ê M. Cédric Balty, directeur Marketing

ê M. Jean-Claude Dardelet, vice-président Affaire institutionnelles

ê M. Dominique Rousselet, directeur du Centre de Toulouse

EADS Astrium

ê M. Gérard Berger, directeur marketing

ê M. Jean-François Charrier, vice-président Marketing et relations institutionnelles

ê M. Jean Dauphin, directeur

ê M. Laurent Maggiori, corporate development

ê M. Dominique Darricau, relations institutionnelles

ê M. Dominique Gillieron, directeur de programme

EREMS

ê Mme Laurence Le Baratoux, directrice des projets 

Cité de l’espace

ê M. Jean-Baptiste Desbois, directeur général

MAGELLIUM

ê M. Jean-Pierre Madier, président et directeur général

ê M. Patrice Berranger, vice-président

Centre national d’études spatiales (CNES)

ê M. Jean-Claude Agnese, ingénieur mécanique spatiale opérationnelle

ê M. Daniel Belot, responsable moyen de mesures antennes

ê M. Patrice Benarroche, chef de projet ATV-3

ê Mme Hélène de Boissezon, ingénieur télédétection

ê M. Jean-Bernard Dubois, chef de service étude et exploration de l'Univers

ê Mme Stéphanie Limouzin, directeur de la coordination des projets, Collecte Localisation Satellites (CLS)

ê Mme Monique Moury

ê M. Marc Pircher, directeur – Centre spatial de Toulouse

ê M. Francis Pressecq, chef du service « Laboratoire et Expertise »

ê Mme Catherine Proy, responsable pour la Charte internationale espace et catastrophes majeures

E. GUYANE

11 et 14 octobre 2012

Arianespace

ê M. Jean-Yves Le Gall, président directeur général

Centre national d’études spatiales (CNES)

ê M. Bernard Chemoul, directeur du Centre spatial guyanais

ê M. Yannick D'Escatha, président

ê M. Brice Lamotte, chargé des relations avec le Parlement

ê M. Pierre Tréfouret, directeur de la communication externe, de l’éducation et des affaires publiques

Commission européenne

ê M. Paul Flament, directeur du programme GNSS

European Space Agency (ESA)

ê M. Didier Faivre, directeur du programme Galileo et des activités de navigation

II. ETRANGER

A. BRUXELLES (COMMISSION EUROPÉENNE)

22 mai 2012

Commission européenne

ê M. Daniel Calleja-Crespo, directeur général – Direction générale, entreprises/industrie

ê M. Diego Canga-Fano, chef de cabinet – Cabinet du vice-président Antonio Tajani

ê Mme Gaëlle Michelier, policy officer politique spatiale et coordination –Direction générale des entreprises et de l'industrie

Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne

ê M. Antoine Loidreau, conseiller spatial

B. ETATS-UNIS

18 et 22 juin 2012

Office of space commercialization (Département du commerce)

ê Mrs Tahara Dawkins, commercial remote sensing/regulatory affairs office

ê Mrs Eve Douglas, senior program analyst

ê Mr Jason Kim, senior policy analyst

ê Mr John Sloan, senior policy analyst

International Telecommunications Satellite Organization (ITSO)

ê Mr José M. Toscano, director general and chief executive officer

NOAA (National oceanographic and atmospheric administration)

ê Mr David A. Benner, chief, Satellite products and services division

ê Mr Ajay Menta, deputy director

ê Mr Daniel P. Muller, senior international relations specialist – satellite and information service/international and interagency affairs

ê Mr Charles Wooldridge, deputy director chief, international satellite activities branch – satellite and information service/international and interagency affairs

ESA

ê Mr Andres Diekmann, représentant de l’ESA à Washington D.C.

ATK

ê Mr Charles Precourt, vice-président – ATK Corporate

National Aeronautics and Space Administration (NASA)

ê Mr Al Condes, deputy associate administrator for international and interagency relations

ê Mrs Lorie Garver, deputy administrator

Ambassade de France

ê M. François Delattre, ambassadeur

ê M. Philippe Hazane, attaché spatial

19 juin 2012

ê Senator John Boozman – United States Senate

ê Mr John M. Logsdon, professeur émérite – Space policy institute Elliot school of international affairs

ê Mr Scott Pace, Ph.D., directeur – Space policy institute Elliot school of international affairs

20 juin 2012 (Houston)

ê Mr George W.S. Abbey Baker Botts, senior fellow in space policy – Rice University James Baker III/Institute for public policy-MS 40

ê Mr Neal Lane, professor senior fellow – Malcolm Gillis University James Baker III/Institute for public policy

ê Mr Orazio Chiarenza, consultant pour le vol habité, ESA

21 juin 2012

National Aeronautics and Space Administration (NASA)

ê Mr Lee Archambault, astronaute

ê Mr Michael Coats – Directeur du Johnson Space Center

ê Mrs Samanta Critoforetti, astronaute ESA

ê Mr Raphael Anthony Grau, deputy manager – ISS External Integration Office

ê Mr Daniel Hartman – ISS External Integration Office

ê Ms Julie A. Robinson, Ph. D., program scientist international space station – Johnson Space Center

ê Mr Scott Tingle, astronaute

22 juin 2012

Space X

ê Mr Joshua Brost, manager, Business Development

ê Mr Adam Harris, vice president for Government Sales

Jet Propulsion Laboratory (JPL) - California institute of technology (CalTech)

ê Mr Jean-Lou Chameau, president

ê Mr Riley M. Duren, chief systems engineer – JPL/Earth science and technology directorate

ê Dr Charles Elachi, director – JPL

ê Mr Kevin J. Hussey, manager, visualization technology applications and development – JPL/Office of Communications and Education

ê Ms Helen N. Paley, visit coordinator –JPL/Office of the Director

ê Mr Brent Sherwood, manager if innovation foundry office – JPL

ê Lt. Gen. Eugene L. (Gene) Tattini, USAF, retired deputy director – JPL

ê Mr Brian Willcox, manager of space robotics technology –JPL

ê Mr Jean-Philippe Avouac, professor of geology, director of the Tectonics Observatory – CalTech/Division of geological and planetary

ê Prof. Guruswami Ravichandran – directeur, GALCIT

ANNEXE 2 – LETTRE DE SAISINE

ANNEXE 3 – L’ALLEMAGNE, UNE GRANDE PUISSANCE ECONOMIQUE

Sommaire

1. Introduction

2. Puissance diplomatique

3. Nation économique

3.1 - Esprit de corps et union sacrée

3.2 - Force économique

3.3 - Agenda 2010 du Chancelier Schröder

4. Recherche, innovation et transfert technologique

4.1 - Stratégie High Tech

4.2 - Pacte pour la Recherche et l’Innovation

4.3 - Initiative d’Excellence

4.4 - Clusters technologiques

5. Stratégie spatiale de l’Allemagne versus de la France

5.1 - Lignes directrices

5.2 - Priorités spatiales

6. Acteurs spatiaux institutionnels

7. Budgets spatiaux publics

8. Industrie spatiale allemande

8.1 EADS-Astrium GmbH

8.2 OHB-Technology AG

9. Déclarations politiques

10. Conclusion

1. Introduction

Lorsque l’on parle de l’Allemagne, il faut tout de suite avoir en tête quelques fondamentaux :

1. la nature fédérale du pays (83 Mhab., si Berlin est sans commune mesure avec le grand Paris, 81 villes ont plus de 100 000 hab.), avec de véritables Etats (16 Länder et 11 Régions économiques) et non des régions comme on pourrait l’imaginer en France. Sans entrer dans le détail des Institutions politiques de l’Allemagne, il y a deux Chambres parlementaires et la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe qui est chargée de contrôler la bonne application de la Loi fondamentale, la Constitution allemande. La chambre basse, le Bundestag (ou diète fédérale allemande) est composée de 621 députés élus pour moitié au suffrage proportionnel pluriannuel et pour moitié au scrutin uninominal majoritaire à un tour. La chambre haute, le Bundesrat, est composée de 69 membres, rassemblant les délégués élus des Etats de la fédération. Le Bundestag et le Bundesrat exercent les pouvoirs législatifs et constituants de la fédération allemande. Il est à noter que pour la première fois, le chef du gouvernement, Frau Dr. Merkel (CDU) et le Président de la République fédérale allemande, le Pasteur Dr . Joachim Gauck (SPD), sont issus de l’Allemagne de l’Est. Le Dr. Joachim Gauck a été élu, le dimanche 18 mars 2012, 11ème Président de la République fédérale allemande par la 17èmeAssemblée Générale, dont la seule tâche est d’élire le Président. Cette Assemblée représente tous les députés et un nombre équivalent d’élus des Länder, soient 1240 électeurs ;

2. l’histoire de l’Allemagne qui n’est pas étrangère à certaines positions de l’Allemagne  notamment en matière de politique étrangère. L’histoire allemande est commune à celle de la France, comme nous pouvons la lire sur les rives du Rhin, avec des moments tragiques. Depuis 50 ans, nous sommes entrés dans une période de paix et d’amitiés marquée symboliquement par le Traité de l’Elysée, le 22 janvier 1963 (le 22 janvier est traditionnellement la journée franco-allemande), signé entre le Général de Gaulle et Konrad Adenauer. Nous fêterons donc en 2013 le cinquantième anniversaire de ce Traité ;

3. un autre élément clef de l’Allemagne, moins connu mais bien réel, est la relation particulière entre le peuple, le politique et l’économie basée sur ce que j’appelle l’esprit de corps et l’union Sacrée et qui explique cette unité qui frappe les latins que nous sommes, en matière de décisions politique et économique ;

4. S’il y a encore une autre caractéristique générale à associer au mot Allemagne, c’est celle de puissance industrielle dans laquelle s’inscrit pleinement l’activité spatiale. Le pays est aujourd’hui le troisième exportateur au monde après la Chine et les Etats-Unis, après avoir été le premier entre 2007 et 2009 ;

5. Enfin, s’il fallait encore citer d’autres repères pour aborder la question allemande, nous rappellerions les éléments suivants : 1. la décision politique allemande est cadrée par un contrat de coalition ; 2. la puissance publique est très présente contrairement à l’idée véhiculée ; 3. la force de l’économie est le fait, très majoritairement, de la puissance industrielle et exportatrice du pays, surtout composée de PME ; 4. nous pourrions citer le dialogue social si particulier à l’Allemagne ; 5. le tournant énergétique du 6 juin 2011 avec la loi sur le nucléaire - Atomgesetz- (arrêt du nucléaire en 2022) et 6. point crucial pour l’avenir, marquer que la démographie allemande est en panne.

2. Puissance diplomatique

Les chiffres et les actes internationaux le confirment, l’Allemagne va bien, l’Allemagne va même, très bien ! A titre d’exemple significatif, les crises économiques et financières mondiales qui se succèdent depuis la chute symbolique de la banque d’investissements Lehman Brothers, le 15 septembre 2008, que l’Allemagne a bien mieux que d’autre surmontées : après un premier ralentissement, ses exportations sont reparties de plus belles pour dépasser en 2011 la barre symbolique de 1000Md€.

Forte de ses résultats économiques, de cette fierté décomplexée d’être allemande et de la considération dont elle jouit à l’étranger, l’Allemagne souhaite s’affirmer d’avantage sur la scène internationale. Elle aspire à une forte visibilité internationale.

La diplomatie allemande, relayée notamment par ses 226 Ambassades et la renommée de ses Instituts Goethe, s’est activée sur tous les sujets internationaux et a conduit l’Allemagne à une reconnaissance de son action notamment le sujet iranien et le climat (avec une forte présence aux Forum mondiaux sur l’Environnement).

Par ailleurs, l’Allemagne est membre de nombreux organismes internationaux. Elle possède 6% des parts du FMI (187 membres), finance 26,6 des 141Md€ du budget 2010 de l’UE. L’Allemagne est depuis 1955 l’un des 28 membres de l’Otan, l’un des 56 membres de l’OSCE pour la prévention et la résolution des conflits en Europe et enfin, elle est un membre influent de l’OMC.

L’Allemagne est membre non permanent 2011-2012 du Conseil de Sécurité et soutiendra, outre la réforme du CSUN, la lutte contre le terrorisme, la non prolifération nucléaire, la protection des enfants face aux conflits des armes et le Climat.

Néanmoins, l’aspect le plus visible de cette volonté de reconnaissance internationale de l’Allemagne est son souhait de réformer le Conseil de Sécurité de l’ONU, l’instance la plus visible des Nations Unies chargée de préserver la paix dans le monde et de promouvoir la sécurité internationale. L’Allemagne a rejoint le groupe des quatre avec le Japon, l’Inde et le Brésil pour réclamer un poste de membre permanent au CSNU.

Si l’argument avancé par l’Allemagne est que le monde d’aujourd’hui n’est plus celui de 1945 qui a vu la création du CSNU, le facteur économique joue aussi car l’Allemagne est le troisième contributeur à l’ONU, après les USA et le Japon.

La question de la participation de l’Allemagne comme « membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU » sera d’autant plus discutée que, pour le dossier Libyen, l’Allemagne a rejoint le camp des autocraties.

Ce choix de ne pas soutenir la position de ses alliés traditionnels a fait l’objet d’un débat politique et médiatique très intense en Allemagne. La réaction du Président du Bundestag, le Dr. Norbert Lammert (CDU) qui a dit publiquement que « l’Allemagne aurait pu voter aux côtés de ses alliés traditionnels sans pour cela envoyer des troupes mais apporter son soutien logistique comme la fourniture de bases comme c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui avec le Centre de contrôle de Stuttgart », est très symbolique.

3. Nation économique

3.1 Esprit de corps et union sacrée

L’élément le plus frappant lorsque l’on vit en Allemagne, est l’esprit de groupe du peuple allemand. Il y a un nombre très important de Fédération -«Verbände»-, de Fondations -« Stiftungen »- et autres associations allant de la marche nordique à la défense de l’industrie automobile. Le groupement le plus visible est ADAC avec plus de 15 millions de membres et c’est assez logique puisque cette association concerne l’Automobile, secteur qui s’inscrit au plus profond de l’être allemand. Le rôle des fédérations est de représenter les intérêts des personnes ou de la corporation auprès des pouvoirs publics, de la CE et de l’opinion publique. Dans le cas de l’industrie aérospatiale, c’est le BDLI -« BundesBundesverband der Deutschen Luft- und Raumfahrtindustrie e.V. » qui valorise les intérêts des industriels de ce secteur.

Autre caractéristique essentielle de l’économie allemande, la structure industrielle qui est représentée en très grande majorité par les PME (jusque 2500 personnes) souvent familiales, représentant 90% du nombre total d’entreprises et plus de 65% du nombre d’emplois. Ces PME, dont 365 000 sont exportatrices, contre 175 000 en France, sont le pilier de l’économie allemande car elles possèdent non seulement la stabilité nécessaire, mais elles sont aussi dynamiques, flexibles et fortement présentes à l’étranger. L’action hors Allemagne de ces entreprises est soutenue par les 80 Chambres de commerces (DIHK) à l’étranger en relation avec les gouvernements et les chambres de commerces locales.

Il est à noter que le modèle allemand de formation, basé sur une approche duale permanente « écoles-entreprise », est une autre caractéristique forte du pays. Cette proximité de la réalité des étudiants a conduit l’Allemagne à une reconnaissance pour la qualité notamment de ses ingénieurs. Ainsi, un maillage complet et étroit existe entre les chercheurs, les organismes de transfert technologique, les fédérations et les PME avec un personnel hautement qualifié favorisant la créativité.

De plus, le gouvernement allemand soutient un modèle de marché perçu comme régulateur des activités économiques à partir d’une composante sociale forte, officiellement sans ingérence des politiques dans le fonctionnement de l’industrie. Ce modèle valorise le partenariat public-privé.

La notion d’attractivité qui fait partie intégrante de la stratégie de Lisbonne est un point important de l’économie allemande. L’Allemagne pratique l’émigration choisie avec une forte présence d’étudiants, de chercheurs et d’entrepreneurs (loi sur l’immigration) russes, chinois, roumains, polonais et américains : 18 000 entreprises étrangères emploient environ 1,5M de personnes avec un stock d’investissement qui s’élève à plus de 470 Md€ (chiffres 2011).

Le « made in Germany » est toujours symbole de qualité, de fiabilité et les allemands, très nombreux à l’étranger (50% des étudiants ont fait un séjour hors de l’Allemagne), participent à la valorisation du « made in Germany ».

Enfin, et bien entendu, l’économie allemande est soutenue par les secteurs porteurs traditionnels que sont la construction mécanique, la chimie, l’automobile, l’électrotechnique ou encore les énergies renouvelables.

L’épée de Damoclès pour la pérennité de l’économie est la démographie car avec moins de 1,35 enfant par famille, malgré 170 000 immigrants annuels qui ont une natalité moyenne de 1,9, l’Allemagne sera peuplée de 68 millions d’habitants en 2050 contre 83 millions aujourd’hui (donc moins peuplée que la France en considérant les données démographiques actuelles).

3.2 Force économique

Ce qui frappe le plus dans l’économie allemande, c’est le niveau du PIB et sa croissance. Si l’Allemagne a été initialement fortement touchée par la crise financière du fait de sa très forte dépendance aux exportations, -en 2009, la production automobile, secteur emblématique allemand, reculait de 34%/2008-, elle est la première à avoir rebondi en Europe selon les données du Service économique à l’Ambassade de France en Allemagne.

Une question vient alors naturellement à l’esprit : Comment l’Allemagne a surmonté la crise ?

La réactivité de l’Allemagne est liée à des réformes structurelles exigeantes qui ont concerné les domaines financier, industriel et social :

1. - Sur le plan financier, le marché a été stabilisé grâce à un fond de 400Md€ de garantie des crédits pour le financement les PME. Par ailleurs, un programme structurel de renouvellement du parc automobile –«Umweltprämie»- a été lancé à hauteur de 5Md€. L’ensemble de ces mesures a représenté une aide publique à hauteur de 90Md€, soit 1,3% du PIB 2009 et 0,8% du PIB 2010.

2. - Sur le plan industriel, les entreprises allemandes ont répondu à tous les programmes conjoncturels pour la réalisation de grands ouvrages à travers le monde. Ainsi, le savoir-faire allemand et son fort ancrage international ont répondu aux besoins moteurs de la croissance dans le monde. L’Allemagne a donc bénéficié de la dynamique des pays émergents.

3. - Sur le plan social, le gouvernement Merkel a assoupli la loi sur le travail partiel –« Kurzarbeit »- qui date de 1910 afin que les entreprises réduisent légalement le temps de travail de leurs employés pour les garder sous contrat en anticipant la reprise :

1. Initialement prévu pour une faible durée, la possibilité d’utiliser le Kurzarbeit (la demande émane systématiquement des employeurs) est étendue à 18 mois ;

2. Le salaire de base de l’employé est quasiment maintenu dans son intégralité ;

3. Les charges financières des entreprises ont été réduites, les cotisations sociales ont été financées à hauteur de 50% par l’Office du travail qui a, par ailleurs, pris en charge 60% de la perte de salaire en raison de la réduction du temps de travail.

Une particularité existe lorsque le salarié est mis en formation, la prise en charge par l’Etat des cotisations patronales est alors totale (en France, si le salarié ne perd pas d’argent, l’entreprise doit néanmoins acquitter l’ensemble des charges patronales).

3.3 Agenda 2010 du Chancelier Schröder

Le gouvernement actuel a bénéficié des réformes Schröder mises en œuvre principalement entre 2003 et 2005 et qui ont permis un retour à la croissance économique, une baisse importante du chômage et un assainissement des comptes publics.

L’idée de base de l’Agenda 2010 est de créer de fortes incitations au travail.

Pour ce faire, les lois Hartz I à IV (de Peter Hartz, ex-DRH de Volkswagen) ont conduit à une profonde refonte du système social :

1. création d’un minima social unique (fusion de l’assistance chômage et aide sociale en une allocation chômage ALG II – Arbeitslosengeld II- soumise à conditions de ressources et de patrimoine : forfait de 374€ + prise en charge du logement et du chauffage) ;

2. réduction de la durée d’indemnisation au titre de l’assurance chômage à 12 mois sauf pour les personnes âgées de plus de 57 ans ;

3. incitation à accepter un emploi faiblement rémunéré (Minijobs à 400€ et Midijobs jusque 800€) ; l’Allemagne ne pratique pas le salaire minimum généralisé mais il peut être appliqué, selon les accords avec les syndicats par branches, principalement dans l’industrie.

4. création de guichets uniques pour les demandeurs d’emplois.

Ces réformes ont conduit à une baisse importante du nombre de chômeurs (5.1 millions en 2005 à moins de 3 millions en 2012) y compris des chômeurs de longue durée. Les coûts publics du chômage ont fortement reculé, notamment du fait de la baisse de la durée d’indemnisation.

De plus, l’Agenda 2010 prévoyait aussi une réforme de l’assurance maladie :

1. déremboursement de certaines prestations et introduction d’un ticket modérateur ;

2. réorganisation du système de santé par la mise en concurrence des caisses et une meilleure coordination des soins ;

3. la rémunération des actes médicaux a évolué pour dépendre non plus du volume d’activité du médecin mais du volume fixe des prestations.

Le tout a permis le retour des comptes d’assurance maladie à l’excédent mais avec un taux de cotisation toujours élevé à 14%.

L’Agenda 2010 a aussi favorisé la formation avec le développement des écoles toute la journée («à la française ») –«Ganztagsschulen»-, la réforme du système de bourses scolaires –«BAföG»- et la possibilité pour un compagnon avec 10 ans d’ancienneté de se mettre à son compte sans être ouvrier maître –«Meisterflicht»-.

La mise en œuvre de l’Agenda dans son fondement a été prolongée par le gouvernement Merkel arrivé à la Chancellerie fédérale le 18 septembre 2005 avec notamment en février 2007, une augmentation de 3 points de la TVA (passage de 16 à 19%) et le passage effectif de l’âge de la retraite de 65 à 67ans. La hausse de la TVA s’est traduite logiquement par une inflation qui a été compensée par la performance de l’Allemagne à l’exportation et par les investissements industriels qui ont découlé.

Néanmoins, il faut noter que l’écart entre les riches et les pauvres s’est accentué si rapidement que l’OCDE a réagi dans un rapport publié en 2008 : « les inégalités salariales et la pauvreté se sont développées plus vite en Allemagne que dans n’importe quel autre pays de l’OCDE ». L’Allemagne s’efforce actuellement d’amender le Hartz IV afin de réduire les inégalités sociales.

4. Recherche, innovation et transfert technologique

L’Allemagne investit d’avantage en recherche et développement (R&D) que la France. La différence est essentiellement due à la part R&D des entreprises et l’écart s’est creusé depuis le milieu des années 1990. Cette différence est aussi liée à la structure industrielle allemande, composée en très grande majorité de PME et d’entreprises familiales à l’activité très « technologique » et fortement exportatrice.

Afin de favoriser et de coordonner la recherche publique (fédérale et au sein des Länder) et privée, 4 grandes entités ont été créées :

1. Le Conseil scientifique –« Wissenschaftsrat »- est l’organe consultatif de l'Allemagne créé en 1957. Il participe aux consultations sur le développement du contenu et de la structure du système d'enseignement supérieur ainsi que sur le financement public des installations de recherche. Le groupe d'experts est constitué par des délégués du gouvernement fédéral et des seize Länder. L'Assemblée générale du Conseil scientifique est composée de deux comités paritaires : la Commission scientifique et la Commission administrative ;

2. Les chefs des gouvernements de la Fédération et des États régionaux (Länder) ont décidé le 14 juin 2007 de fonder la Conférence scientifique commune (Gemeinsame Wissenschaftskonferenz GWK), conformément à l'article 91 b de la Loi fondamentale. Ses activités ont commencé le 1er janvier 2008.

Les membres de la Conférence scientifique commune sont les Ministres et les Sénateurs de la Fédération et des Länder en charge de la science et de la recherche ainsi que des finances.

La GWK traite des questions qui concernent la Fédération et les Länder dans les domaines de la stratégie et du financement de la recherche ainsi que des structures de la recherche scientifique. Tout en respectant leurs compétences respectives, la Fédération et les Länder coordonnent leurs politiques scientifiques au niveau national, européen et international. L’objectif est surtout de renforcer la compétitivité à l’international de la recherche scientifique allemande ;

3. L’Union de l’économie et de la science pour la recherche -«Forschungsunion»- rattachée à la Ministre fédérale de la recherche est composée de 28 personnalités issues de la recherche et du monde des entreprises. L’objectif est de déterminer et de favoriser la maîtrise, au sein des laboratoires de recherche, des technologies clefs dont l’industrie allemande a besoin pour rester compétitive ;

4. Le Dialogue pour l’InnovationInnovationsdialog»-, rattaché à la Chancelière, est composé de 14 membres des Académies scientifiques et technologiques et du monde industriel. L’objectif de ce dialogue est l’élaboration d’une stratégie d’innovation au service de la compétitivité industrielle de l’Allemagne.

La mise en œuvre de toutes ces réflexions se fera dans le cadre de plusieurs initiatives dont la High Tech Stratégie, le pacte recherche et Innovation, l’Initiative d’excellence et les Clusters technologiques.

Enfin, la gestion des programmes de recherche est gérée, selon les cas, soit par les « porteurs de projets » des Ministères fédéraux allemands de l’enseignement et de la recherche (BMBF) et de l’économie (BMWi) hébergés par les centres Helmholtz DLR et Jülich, soit par la Deutsch Forschung Gemeinschaft (DFG) pour ce qui concerne les universités.

4.1 – Stratégie High Tech.

La stratégie « haute technologie » du gouvernement de Mme Merkel fait suite à « l’agenda 2010 » du gouvernement Schröder et a pour but de soutenir la croissance par la compétitivité et l’innovation. Elle a été initiée en 2006 pour une période probatoire de 4 ans.

La Stratégie se concrétise par une enveloppe financière supplémentaire de 6Md€ au budget de la recherche allemande. Cette stratégie a été accompagnée par un accroissement de 19% du budget recherche des entreprises et par une augmentation de 5% de chercheurs du privé.

L’objectif est donc bien de mobiliser les milieux industriels, les Länder et les organismes de recherche en faveur de l’économie.

La gestion des fonds publics est assurée par les chefs de projets qui proposeront aux organismes de recherche publics et au secteur privé de répondre à des appels d’offres pour des thèmes prioritaires. Le but est de maintenir, sur le sol allemand, ces secteurs traditionnels et d’en développer de nouveaux. Ainsi, la Stratégie High Tech du gouvernement allemand souhaite, autour de thématiques clefs : 1. renforcer l’unité enseignement-recherche ; 2. favoriser la relation avec le monde de l’entreprise ; 3. soutenir les concepts d’avenir qui allient excellence scientifique et technologique.

En juillet 2010, le gouvernement fédéral allemand a officialisé le cadre stratégique de la recherche et de l’innovation pour la période 2010-2020, la « Strategie High Tech 2020 » qui s’inscrit dans la continuité de la « Stratégie High Tech 2006-2009 ». Elle confirme la priorité du gouvernement allemand pour la recherche et l’innovation, malgré le plan de restriction budgétaire au niveau fédéral qui fait suite aux crises financières internationales.

Suivant les recommandations formulées par l’Union de l’économie et de la science pour la recherche, le BMBF a retenu 5 grands champs thématiques qui doivent répondre aux enjeux sociétaux actuels : 1. climat et énergie ; 2. santé et alimentation ; 3. mobilité ; 4. sécurité ; 5. communication.

L’Union de l’économie et de la science pour la recherche continuera le pilotage et l’évaluation de la nouvelle stratégie. Pour chacun des champs thématiques, sont définies des lignes d’actions précises : définition de programmes-cadres dans les domaines de l’énergie, du développement durable, de la bio-économie etc.

De plus, des  projets d’avenir –«Zukunftsprojekte»-, constituent une nouveauté de cette nouvelle stratégie et seront définis par le gouvernement fédéral pour chaque champs thématique. Ces projets d’avenir poursuivent des objectifs concrets de développement scientifique, technologique et sociétal et vont s’étaler sur des durées allant de 10 à 15 ans.

4.2. - Pacte pour la Recherche et l’Innovation

Le premier pacte pour la recherche et l’innovation a été mis en place en 2005 pour la période 2006-2010. Il devait permettre d’atteindre les objectifs de Lisbonne dès 2010, en augmentant annuellement de 3% la contribution du gouvernement au budget des 4 grands organismes de recherche, Fraunhofer-Gesellschaft, Max-Planck Gesellschaft, Helmholtz-Gemeindschaft et Leibnitz-Gemeindschaft, ainsi que celui de l’Agence allemande de recherche (Deutsch Forschung Gemeindschaft -DFG). Ces organismes s’engageaient en retour à augmenter la qualité et l’efficacité de leur recherche.

Le premier bilan des résultats des investissements supplémentaires est positif et a conduit le gouvernement à renouveler le pacte pour la recherche et l’innovation pour cinq années supplémentaires avec une augmentation annuelle de 5% des dotations des organismes de recherche et de l’agence de moyens –DFG- entre 2011 et 2015.

Cela a conduit à la définition de nouvelles stratégies de recherche qui permettent d’identifier des thèmes de recherche d’avenir. L’ensemble des programmes confirme aussi le soutien aux jeunes chercheurs qui est un objectif prioritaire de la stratégie.

Enfin, il faut noter que le pacte reste pour le gouvernement allemand le moyen de renforcer sa politique nationale dans un contexte où les universités sont sous la tutelle des Länder. Couplé à la Stratégie High Tech 2020 et le lancement d’une nouvelle phase de l’initiative d’excellence (ci-dessous), le pacte pour la recherche et l’innovation dans sa deuxième phase reste un élément clef de la réforme du système de recherche allemand engagée en 2005.

4.3 - Initiative d’Excellence

Dans le but d’accroître la flexibilité, la compétitivité et la qualité de sa recherche, l’Allemagne a choisi en 2005 de renforcer la recherche universitaire et de créer des pôles universitaires d’excellence. Menée sous l’égide de la DFG et du Conseil scientifique, l’initiative d’excellence qui permet de financer des programmes sur une période de 6 ans (2006-2011) a mobilisé la somme de 1,9 Md€, (75% à la charge de l’Etat fédéral, les 25% restant à la charge des Länder). Ce programme comprend 3 grands axes de soutien :

1. Le transfert technologique par la sélection de pôles d’excellenceExcellenzcluster»- au sein d’universités ou d’organismes de recherche extra-universitaires en relation avec l’industrie. Le soutien s’élève en moyenne à 6,5 M€/an/cluster ;

2. L’excellence scientifique via la sélection d’écoles doctoralesGraduiertenschulen»- Le soutien s’élève en moyenne à 1M€/an/école doctorale ;

3. Les stratégies d’avenirZukunftskonzepte»- pour la promotion de la recherche universitaire de pointe. Le soutien s’élève en moyenne à 21M€/an/université sélectionnée.

Un comité composé d’experts de la DFG et du Conseil scientifique a été chargé de coordonner l’évaluation, par des évaluateurs externes et internationaux, des projets présentés par les universités. A l’issue de deux appels à projets (2006 et 2007), le comité a accepté le financement de 39 écoles doctorales, de 37 pôles d’excellence et de 9 stratégies d’avenir, 9 « universités d’élite ».

Le 12 mars 2010 a été lancée la seconde phase de l’initiative d’excellence. Les projets primés seront annoncés au milieu de l’année 2012 pour un financement à partir de novembre 2012. L’Etat fédéral et les Länder ont prévu d’investir pour cette deuxième phase 2,7 milliards d’euros (répartis à 75% pour l’Etat fédéral et 25% pour les Länder) pour la période 2012-2017, ce qui correspond à une augmentation de 30% par rapport à la précédente phase. Cette augmentation budgétaire va permettre de financer douze universités d’élite, incluant les 9 universités déjà primées à l’issue de la 1ère phase. De plus, il a été décidé que cinq nouvelles universités pourraient obtenir le statut d’université d’élite en 2012, ce qui signifierait que deux universités actuellement labellisées pourraient perdre ce titre.

L’augmentation budgétaire va également permettre de revoir la répartition financière entre les trois éléments constitutifs de l’initiative :

1. Les écoles doctorales sélectionnées pourront bénéficier d’un budget compris entre 1 et 2,5M€/an.

2. Les clusters d’excellence destinés à la recherche de pointe dans les universités avec une enveloppe financière annuelle qui sera comprise entre 3 et 8M€.

3. Les concepts d’avenir dont le financement devrait être de 142M€/an.

De plus, il sera désormais possible pour les universités de se regrouper autour de projets d’écoles doctorales ou de clusters d’excellence, dans la mesure où une synergie et une réelle coopération existent. Cette nouvelle décision doit permettre de ne pas exclure de l’initiative les universités de petite et moyenne taille. Comme dans la 1ère phase, le statut d’université d’élite ne sera accordé qu’aux universités primées dans les 3 lignes de soutien .

4.4 - Clusters technologiques

Le BMBF a lancé dès 2007 un concours des meilleurs clusters d’excellence, doté d’une enveloppe de 600M€ pour 5 ans. Ce programme était ouvert à toutes les thématiques et prévoyait une série de 3 appels à candidatures avec 5 clusters pouvant être sélectionnés à chaque tour.

Cinq clusters se sont donc partagés la somme de 200M€ pour une période maximale de 5 ans. Il est à noter que chaque cluster doit investir une somme au moins équivalente à celle de l’Etat.

Les objectifs des clusters sont les suivants :

1. soutien scientifique et appliqué aux jeunes chercheurs

2. stratégie de recherche basée sur une vision à long terme

3. développement de technologies de pointe répondant aux attentes des marchés

4. mise en œuvre d’une coopération internationale

5. Stratégie spatiale de l’Allemagne

Une première stratégie spatiale avait été rédigée sous le gouvernement Schröder en 2001. La nouvelle coalition CDU/CSU-FDP, arrivée au pouvoir en septembre 2009, souhaitait redynamiser l’activité spatiale en lui donnant des objectifs clairs au service de la capacité d’innovation de l’Allemagne. En effet, il faut savoir que le budget spatial est comptabilisé dans celui de la High Tech Stratégie du gouvernement.

Le gouvernement allemand a revu sa Stratégie spatiale en marquant l’importance croissante de l’outil spatial dans le quotidien de la société et notamment de l’économie. L’orientation « plus » libérale de l’Allemagne apportée par le FDP a renforcé la vision économique du spatial. Le deuxième élément est la prise en compte d’un spatial plus international avec la question du bon rapport entre compétition et coopération. Le troisième élément est la nécessité de réguler le spatial en accord avec les règles internationales du fait du renforcement du secteur privé dans le spatial. Enfin et bien entendu, l’optimisation du spatial pour répondre aux questions globales comme l’environnement ou la sécurité.

5.1 – Lignes directrices

La Stratégie spatiale doit répondre à 3 problématiques :

1. Explorer l’Espace pour la cause de la Terre selon 2 critères : répondre aux défis mondiaux et proposer des projets spatiaux rentables sur le plan économique. En ce sens, le spatial est mis en compétition avec d’autres disciplines scientifiques ;

2. Prise en compte de la durabilité des produits spatiaux : gestion sécurisée des réseaux spatiaux avec notamment la maîtrise des déchets spatiaux ;

3. Accroissement de la coopération internationale du fait des coûts et de la complexité des projets spatiaux tout en préservant les intérêts commerciaux de l’Allemagne.

A titre de comparaison, les quatre lignes directrices de la Stratégie française sont :

1. le rôle de la France comme moteur de l’Europe spatiale ;

2. l’indépendance qui doit être un objectif majeur des politiques spatiales française et européenne : notamment l’accès à l’Espace et l’indépendance technologique ;

3. accélérer le développement des applications et des services spatiaux à haute valeur ajoutée ;

4. le développement d’un tissu industriel français complet, compétitif et performant de la PME aux maîtres d’œuvres.

En conclusion la différence politique principale entre les Stratégies spatiales française (officialisée par le Ministre Wauquiez le 22 mars 2012 à la mairie de Cannes) et allemande (officialisée par le Ministre de l’économie Brüderle le 1. décembre 2010 au Ministère fédéral de l’économie à Berlin) réside dans les notions de souveraineté, d’autonomie de décision et d’indépendance d’accès à l’espace marquées en France et peu ou pas (souveraineté) abordées dans le document stratégique allemand.

5.2 Priorités spatiales

Huit priorités principales, que l’on retrouve dans les actions nationales et internationales, peuvent être identifiées :

1. Développer des compétences stratégiques en privilégiant un savoir-faire national pour les technologies clefs. C’est le cas pour l’observation de la Terre avec notamment la télédétection radar, les liaisons satellites par Laser, la navigation en préparant dès maintenant la commercialisation de l’utilisation de Galileo et la robotique, technologie transverse très présente dans l’industrie de base en Allemagne ;

2. La recherche spatiale qui ouvre de nouvelles perspectives à la recherche fondamentale stimulant les innovations et le transfert technologique ;

3. Le commerce avec le soutien aux applications spatiales : l’objectif est de créer de nouvelles chaînes de valeur et de valoriser le partenariat-public-privé. Il s’agit de renforcer la part de l’Allemagne dans le chiffre d’affaires global du secteur aérospatial ;

4. Proposer un cadre juridique homogène pour l’utilisation privée du secteur spatial à l’image de la loi spatiale française votée par le parlement le 22 mai 2008. L’idée est notamment d’éviter la production de nouveaux déchets spatiaux avec pour slogan européen «de la sécurité dans l’Espace pour garantir la sécurité venant de l’Espace » ;

5. La notion de Sécurité au sens dual est assez nouvelle en Allemagne et cette thématique transverse est maintenant une mission à part entière de l’Agence spatiale allemande. L’analyse est la suivante : la sécurité du pays est liée au bon fonctionnement des infrastructures spatiales qu’il s’agira de protéger. De plus, les choix stratégiques de l’Allemagne dépendent de sa capacité à anticiper les situations d’urgence. Il s’agira donc de maîtriser, en «Standort Deutschland» les technologies clefs en matière de systèmes spatiaux duaux ;

6. Le Traité de Lisbonne confère à l’UE une compétence partagée avec les Etats membres dans le domaine spatial. L’objectif est de valoriser l’ensemble des compétences (technique et financière) de chacun des partenaires européens (ESA, UE, Etats membres) ;

7. l’Exploration spatiale est naturellement un domaine de coopération internationale. L’Allemagne accorde une priorité particulière à la Station spatiale internationale qui est un élément précurseur de l’exploration.

8. Enfin, la huitième priorité concerne l’indépendance technologique pour l’accès à l’Espace qui doit être le moins onéreux possible. L’Allemagne propose d’ouvrir à la coopération internationale, la répartition des compétences pour l’accès à l’espace tout en favorisant la disponibilité en Europe des composants critiques.

En conclusion, la Stratégie spatiale allemande est clairement vers l’économie afin de renforcer la compétitivité de son industrie spatiale et la participation en leader aux nouveaux marchés à forte valeur ajoutée. Une phrase très significative du document réalisé par le Ministère fédéral allemand de l’économie confirme cet objectif : « l’Allemagne occupe le deuxième rang européen en matière spatiale ; se satisfaire du deuxième rang ne suffit pas, il faut considérer ce classement comme une source de motivation ».

Là encore, il est intéressant de citer les priorités retenues dans le document de Stratégie spatiale de la France :

1. Formation, culture scientifique, communication : renouveler les ressources humaines, créer des pôles spatiaux ; communiquer sur les missions spatiales ;

2. Recherches scientifiques et technologiques : participer au programme scientifique de l’ESA ; soutenir les laboratoires spatiaux ; favoriser les innovations technologiques génériques ;

3. Accès à l’espace : soutenir la compétitivité du CSG ; exploiter les lanceurs européens ; réduire les coûts d’Ariane ; préparer les futurs lanceurs européens ;

4. Télécommunication et navigation : maintenir la compétitivité de l’industrie nationale ; pérenniser EGNOS ; Galileo à 30 satellites ; réduire la fracture numérique ;

5. Observation de la Terre : renouveler les infrastructures, développer GMES ; renforcer les filières d’excellence ;

6. Sécurité et Défense : renouveler les infrastructures pour l’observation de la Terre et les télécommunications sécurisées ; favoriser la dualité des systèmes ; soutenir une capacité SSA en Europe ;

7. Exploration spatiale : participer au programme européen ExoMars ; favoriser le développement de compétences technologiques critiques.

Alors que l’Allemagne privilégie les aspects industriels en « Standort Deutschland », la France propose une stratégie plus globale qui intègre l’ensemble de la chaîne des valeurs, depuis l’aide à la décision et à l’action publique et notamment la question de la politique étrangère, jusqu’au développement d’applications et de services en passant par la recherche et la technologie.

6. Acteurs spatiaux institutionnels

La cohérence gouvernementale de l’ensemble des actions spatiales qui concernent plusieurs Ministères fédéraux est assurée par un coordinateur pour la politique aérospatiale, Peter Hintze (CDU), Secrétaire d’Etat parlementaire au BMWi.

Le BMWi est chargé d’élaborer la politique spatiale en accord avec les orientations de la Chancellerie fédérale. La responsabilité globale pour la mise en œuvre du programme spatial incombe au Ministère fédéral de l’Economie et de la Technologie. Néanmoins, d’autres ministères sont impliqués : le Ministère fédéral de l'Enseignement et de la Recherche garde la responsabilité du financement des infrastructures de recherche (Instituts du DLR) via la Communauté Helmholtz ; le Ministère des affaires Etrangères participe aux négociations internationales (Galileo, ISS, etc.) ; le Ministère des Infrastructures, de l’Environnement et des Transports coordonne les dossiers Galileo, GMES et les activités liées à la météorologie (Eumetsat notamment) et le Ministère de la Défense est responsable du développement des applications spatiales militaires (satellites de communication SatcomBW, d’observation radar, SARLupe, Surveillance de l’espace etc.).

La chambre basse du parlement, le Bundestag, discute des questions aérospatiales au sein d’un groupe de réflexion (groupe parlementaire aérospatial, le plus important du Bundestag avec 227 membres) composé de parlementaires de tous les partis politiques. Les représentants des Länder au sein du Bundesrat ont un rôle déterminant pour confirmer ou non les nouvelles lois et les propositions de budgets spatiaux.

Les gouvernements régionaux ont un rôle important en matière de financement de la recherche et de l’industrie spatiale au sein des Länder. C’est le cas notamment de Brême et de la Bavière dont les gouvernements sont très actifs pour développer les activités spatiales, facteur d’innovation, de croissance et d’emploi au sein des entreprises de leurs Länder.

Le Centre aérospatial allemand (DLR- Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt), élabore le programme spatial national et assure la représentation de l’Allemagne auprès des instances européennes et internationales.

7. Budgets spatiaux publics

Le budget spatial institutionnel allemand qui s’élève à 1,15Md€ en 2011 est constitué de lignes budgétaires distinctes car les fonds proviennent des Ministères de la Recherche (BMBF), de l’Economie (BMWi), des Transports (BMVBS) et de la Défense (BMVg) :

- Contribution ESA : 692M€ (dont 60M€ pour GMES et 21,6M€ pour Galileo -origine BMVBS-, le reste, 611M€, provenant du BMWi) ;

- Contribution GMES à l’ESA : 60M€ (BMVBS)

- Contribution Galileo à l’ESA : 21,5M€ (BMVBS)

- Contribution Eumetsat : 40,5M€ (BMVBS, incluant Jason -2, -3 et MTG) ;

- Programme national : 242M€ (BMWi) ;

- Programme R&D spatial : 157M€ (hors budget de fonctionnement du DLR)

- Programme spatial militaire : 26,6M€ (BMVg) ;

La liberté de manœuvre du gouvernement est contrainte par le fait que  l'Allemagne consacre aux programmes de l'ESA 60% du budget global spatial allemand". La contribution à l’ESA devrait progresser de 692M€ en 2011 à 730 M€ en 2012. Le budget spatial national de l’Allemagne en 2011 s’élève à 240 M€ avec une prévision à 270M€ en 2012. Cette évolution financière de la participation de l’Allemagne à l’activité spatiale conforte les attentes des industriels allemands qui souhaitent maintenir leurs compétences dans le domaine.

8. Industrie spatiale allemande

C’est dans ce cadre de l’innovation et du transfert technologique au profit des industries qu’il faut situer l’activité spatiale allemande dont le nombre d’emplois et le CA est moitié de celui de la France.

Les compétences industrielles allemandes concernent tous les domaines de l’activité spatiale : 1. les systèmes orbitaux avec notamment la participation au programme international de la Station spatiale avec notamment le laboratoire Colombus et le cargo spatial ATV ; 2. les lanceurs avec la réalisation d’avionique, de systèmes de réentrée atmosphérique, d’atterrissage, de structures thermiques, de réservoirs, de systèmes de propulsion, d’étages comme celui cryotechnique d’Ariane ou la participation à celui de Vega, de structures lanceurs ou encore la participation à la réalisation des systèmes sols (bâtiments de préparation des charges utiles satellites ou pas de tir à Kourou) etc. ; 3. la réalisation de satellites scientifiques, de télécommunication, de météorologie, d’observation de la terre ou encore de navigation et la réalisation de centres de mise à poste et de contrôle satellitaire  ; 4. le développement de technologies et d’expériences scientifiques.

Deux groupes industriels dominent le paysage spatial allemand. EADS-Astrium GmbH (Bremen, Friedrichshafen, Trauen, Lampoldshausen, Ottobrunn) qui est maître d’œuvre et OHB-Technology AG (Augsbourg, Mainz, Brandeburg, Salem, Schwering, Munich et Bremen) qui est principalement un intégrateur systèmes. Autour de ces deux piliers gravitent des fournisseurs dont IABG (IABG, 1000 employés, centre de test et d’analyse), Teldix GmbH (fabrication de roues inertielles), Tesat-Spacecom (1200 employés, développe, assemble, intègre et teste des systèmes et des équipements pour la télécommunication par satellite), Thales Electron Devices (390 employés, TEDG développe et produit des fibres optiques pour les satellites de télécommunication et les applications multimédia), ND Satcom ( 300 employés, équipementier et intégrateur système sol).

8.1 EADS Astrium GmbH

Troisième groupe spatial mondial, Astrium GmbH a employé en 2011, 4500 personnes (incluant les filiales) pour un revenu global de 1,4 Md€. Son activité est diverse et concerne aussi bien les structures orbitales, les lanceurs, les systèmes satellites, les stations sols que la fourniture de services satellitaires.

Le site de Brême (900 employés) est principalement consacré aux structures orbitales (ATV et Colombus orbital facility notamment), aux lanceurs (étage supérieur d’Ariane 5 notamment), aux systèmes satellites et aux vols habités. Astrium Brême est aussi un site reconnu en Allemagne pour la robotique spatiale. Enfin, parmi les autres domaines, il faut citer les systèmes de rendez-vous, d’arrimage, d’atterrissage automatique, de réservoirs, ainsi que la recherche en microgravité et la planification de mission.

Le site de Friedrichshafen (1500 employés) se consacre au développement et à la fabrication de satellites, de sondes spatiales et d’instruments scientifiques notamment pour l’exploration de l’espace, l’observation de la Terre et la météorologie. Astrium Friedrichshafen est aussi le centre de compétences pour le développement et la fabrication d’installations expérimentales destinées à la recherche en condition de microgravité.

Le site d’Astrium à Ottobrunn (900 employés), dont dépend également la partie Astrium du Centre DLR d’essais moteurs de Lampoldshausen, se consacre principalement à la fabrication de systèmes de propulsion spatiale et de sous-systèmes satellitaires pour les télécommunications, la navigation et l’observation de la Terre. Le Centre d’Ottobrunn réalise des systèmes de contrôle d’attitude de satellites, des générateurs solaires, des systèmes de propulsion des lanceurs, dont les chambres de combustion des premier et deuxième étages d’Ariane 5. Enfin, il faut noter que le spectrographe NIRSpec (Near-Infrared Spectrograph) du télescope spatial James Webb (JWST) de la NASA, est fabriqué à Ottobrunn.

8.2 OHB-Technology AG

Le groupe, créé en 1958 pour l’activité portuaire, a été racheté en 1981 par la famille Fuchs qui l’a transformé en société aérospatiale. Il est constitué principalement des sociétés OHB-System AG (Brême), Kayser-Threde GmbH (Munich), MT-Aerospace AG (Augsbourg), de ELTA SA (34%, Toulouse), Luxspace Sarl (Luxembourg) et Carlo-Gavazzi-Space S.p.A (Milan).

Ses activités principales concernent l’Electronique, l’Optique, les Equipements biomédicaux, les petits Satellites et les Lanceurs. Il faut noter que OHB-Technology AG est le plus important actionnaire non français d’Arianespace avec une forte présence en Guyane via sa filiale MT-Aerospace Guyane SAS. Le groupe compte 2206 employés en 2011 et a réalisé un chiffre d’affaires 2010 de 453 M€.

A travers une politique d’acquisitions, l’entreprise cherche à se positionner en concurrent d’Astrium GmbH en Allemagne malgré une nette différence de taille entre les deux entreprises. OHB-System AG a remporté en 2010 le contrat pour fournir 14 des 22 satellites du segment spatial de Galileo. De même, OHB-Technology AG, associé à Thales-Alenia-Space (TAS) a remporté en 2010 la maîtrise d’œuvre des 2 satellites pour le sondage atmosphérique de la constellation des 6 satellites du programme de météorologie de 3ème génération (MTG) géré par Eumetsat (Organisation pour la gestion des satellites européens de météorologie). Enfin début 2012, OHB-System AG a remporté l’offre de la Commission européenne pour les 8 prochains satellites de la Constellation Galileo.

9. Déclarations politiques

Le spatial a été abordé lors des trois derniers Conseils des Ministres franco-allemand (CMFA) de février 2010, de décembre 2010 et de février 2012.

1. Déclaration spatiale lors du CMFA du 4.2.2010 reprise dans les 80 mesures prioritaires franco-allemandes dont l’accès à l’Espace, avec la mise en place d’un groupe de travail sur l’avenir des lanceurs européens ; le Climat avec la mission conjointe CNES-DLR pour la mesure du Méthane et le développement de capacités européennes pour la surveillance, la reconnaissance et l’observation de la terre avec le programme MUSIS.

2. CMFA de Freiburg (10.12.2010), précise cinq points stratégiques pour lesquels la France et l’Allemagne ont un rôle fédérateur en Europe :

1. l’utilisation optimal de la Station Spatiale Internationale ;

2. l’accès indépendant à l’Espace ;

3. le Climat avec le projet Merlin d’étude du méthane atmosphérique ;

4. la Surveillance de l’espace ;

5. la Gouvernance spatiale européenne avec la mise en œuvre du Traité de Lisbonne qui reconnait à l’Espace une compétence partagée entre les Etats membres, l’ESA et l’UE.

3. le CMFA du Palais de l’Elysée (6 février 2012) a donné lieu à la signature d’une Déclaration spatiale entre les Ministres Wauquiez et Roesler. Elle reprend en partie le texte de Freiburg en insistant sur la nécessité de clarifier les positions française et allemande avant le prochain Conseil des Ministres de l’ESA de novembre 2012, en matière notamment :

1. d’accès à l’espace : comparer la capacité de différentes options pour Ariane 5 et par une nouvelle génération de lanceurs à réduire de façon massive le soutien à l’exploitation.

2. ISS-Barter : comparer les propositions pour ce «Barter element» en prenant en compte les aspects de développement technologique, les conséquences sur le retour géographique ainsi que la nécessité d’arriver à un accord avec la NASA.

Pour se faire, le Conseil des Ministres franco-allemand a décidé de réactiver les groupes de travail CNES et DLR sur les lanceurs et l’ISS avec une remise des conclusions pour fin juin 2012.

10. Conclusion

Ce n’est pas un hasard si la France et l’Allemagne sont les deux principaux partenaires européens et ce, malgré les tensions naturelles qui peuvent exister à l’image d’un « vieux couple ». Néanmoins, il y a un grand nombre de convergences pas forcément visibles et qui font le quotidien de notre coopération et que la Chancelière Frau Dr. Merkel et le Président Sarkozy ont souhaité marquer notamment dans l’Agenda franco-allemand 2020.

Si la France et l’Allemagne ont un partenariat si intense, aucun autre couple européen, ni international, n’a une telle coopération et qui se traduit symboliquement par la visite chaque semaine de Ministres français en Allemagne ou allemand en France, ce n’est pas uniquement du fait de l’importance économique de la France et de l’Allemagne en Europe ; l’Italie et le Royaume-Uni, pour ne citer qu’eux, ont aussi des économies majeures.

Même si l’histoire est un facteur fort du rapprochement franco-allemand, le véritable ciment de la coopération entre nos deux pays est lié à la complémentarité si naturelle lorsque l’on vit en Allemagne, entre nos deux pays, nos deux cultures, nos deux approches philosophiques, qui ont fait des réussites mondiales comme Airbus, Ariane ou encore l’ATV pour ne citer que des exemples de l’Aérospatial.

Ainsi, nous pouvons affirmer que l’Allemagne est un partenaire indispensable à la mise en œuvre de la politique française notamment en Europe.

ANNEXE 4 – LA CHINE ET L’ESPACE

LA CHINE ET L’ESPACE

QUELQUES DATES CLEFS

Le programme spatial chinois a été lancé en 1956, sous la présidence de Mao Zedong, lorsque le Comité Central du Parti Communiste Chinois a mis en place un programme de recherche et de développement sur les missiles. L’objectif était de développer un programme balistique en complément des capacités nucléaires, pour garantir la sécurité nationale du pays.

Le 24 avril 1970, avec la mise en orbite du premier satellite chinois Orient Rouge 1 (Dong Fang Hong) par un lanceur Longue Marche pour une durée de vingt-six jours, la Chine devient, après l’Union soviétique, les États-Unis, La France et le Japon, le cinquième pays capable de lancer des satellites dans l’espace.

Le 15 octobre 2003, la Chine devient la troisième nation maîtrisant les vols habités, avec la mission de 21 heures à bord de la navette spatiale Shenzhou 5, pilotée par YANG Liwei, premier taïkonaute.

Le 3 novembre 2011, a eu lieu le premier rendez-vous spatial chinois.

ORGANISATION DU SECTEUR SPATIAL CHINOIS

Un grand nombre d’entités sont impliquées dans les activités spatiales :

o le Ministère de la défense, en particulier pour les centres de lancement et les réseaux de poursuite de satellites ;

o la Commission militaire centrale, pour les vols habités ;

o le Ministère de l’industrie et des technologies de l’information, qui en particulier coiffe la SASTIND (administration des technologies pour la défense nationale), coiffant elle-même le CNSA (agence spatiale chinoise), le CASC (conglomérat de la technique aérospatiale), le CASIC (conglomérat de l’industrie aérospatiale chinoise) et le CRESDA (centre de ressources spatiales) ;

o le Ministère de la science et de la technologie, coiffant le centre national de télédétection ;

o l’Académie des sciences de Chine, avec en particulier les observatoires nationaux ;

o le Ministère de l’enseignement, plusieurs universités étant très actives dans le domaine spatial, notamment au travers du développement de microsatellites.

LES GRANDS PROGRAMMES CHINOIS

Disposant d’une série de lanceurs éprouvés, la Chine est présente dans toute la gamme des activités spatiales. A côtés des programmes phares tels que Beidou (positionnement et navigation), le programme lunaire Chang’e ou le programme de vol habités (programmes Shenzhou et Tiangong), la Chine déploie une activité intense dans le domaine scientifique et dans le domaine des applications comme l’observation de la Terre ou les télécommunications. Dans ce dernier domaine, la Chine ambitionne de devenir un acteur important sur la scène mondiale, visant la conquête d’ici 2015 de 15 % du marché des lancements de satellites commerciaux et de 10 % du marché des satellites commerciaux.

POSITIONNEMENT ET NAVIGATION

Le déploiement de ce système, à l’étude depuis 1983, est envisagé avec une mise en place définitive vers 2020, selon un plan de développement en trois étapes, les deux premières ayant été achevées :

o de 2000 à 2003, un premier système, Beidou-1 (ou Beidou Satellite Navigation Experimental System), à fort caractère expérimental, a été mis en place. Le système se base sur un principe de positionnement calculé à partir de deux satellites ; quatre satellites Beidou-1 ont été lancés ;

o à partir de 2007, un système de seconde génération, Beidou-2 (ou Compass) a été lancé par la Chine afin de fournir fin 2011 un service de navigation et de positionnement régional (Asie Pacifique) ; deux types de service sont proposés : grand public et restreint ; Le 27 décembre 2011, les autorités chinoises ont déclaré que le système était entré en phase opérationnelle probatoire ;

o de 2012 à 2020, le système Beidou-2 devrait être complété pour aboutir à une constellation de 35 satellites (27 en orbite moyenne, 5 en orbite géostationnaires et 3 en orbite géosynchrone inclinée) avec une couverture mondiale ; à ce jour seize satellites Beidou ont été lancés (six satellites lancés en 2012) et la précision de positionnement annoncée est de dix mètres sur la majeure partie du territoire chinois.

VOLS HABITÉS

o Programme Shenzhou

Le programme spatial Shenzhou est un projet chinois de capsule spatiale habitée dont le développement a été lancé le 1er avril 1992 par les autorités chinoises sous le nom de projet 921. La Chine choisit alors de s’appuyer sur une cabine spatiale de type Soyouz, développée en coopération avec la Russie. Les premiers travaux ont débuté le 1er janvier 1993, selon un plan de développement en trois phases :

1. le lancement sans équipage de premières versions de la capsule spatiale afin de procéder à l’envoi du premier taïkonaute en orbite par la Chine ;

2. la conduite de tests, de rendez-vous et d’amarrage en orbite et le développement et la mise en opération d’un laboratoire spatial de huit tonnes (Tiangong-1) ;

3. la mise en place d’une station spatiale orbitale chinoise de vingt tonnes à partir du laboratoire précédemment développé.

Quelques dates clefs

o novembre 1999 : lancement du vaisseau inhabité Shenzhou 1 ;

o octobre 2005 : lancement de Shenzhou 5 avec à son bord le premier taïkonaute YANG Liwei ;

o septembre 2008 : lancement de Shenzhou 7 et première sortie extra-véhiculaire ;

o novembre 2010 : lancement de Shenzhou 8 et amarrage automatique au laboratoire spatial Tiangong 1 ;

o 9 juin 2012 : lancement de Shenzhou 9 avec à son bord la première taïkonaute, LIU Yang et amarrage manuel au laboratoire Tiangong-1.

o Programme Tiangong

Le 29 septembre 2011 la Chine a lancé avec succès le module spatial Tiangong-1, premier laboratoire spatial conçu par la Chine. Il a été fabriqué par la China Academy of Space Technology (CAST) et l’Institut de Technologies Spatiales de Shanghai qui dépendent de la China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC).

D’une masse de 8,5 tonnes pour une longueur de 10,4m, d’un diamètre maximum de 3,35 m et d’une durée de vie nominale de deux années, c’est le plus grand et le plus lourd véhicule spatial conçu à ce jour par la Chine. Il est constitué de deux modules principaux : un module d’amarrage (dont le système est compatible avec celui utilisé sur la Station Spatiale Internationale) et un module de service dans lequel les équipements scientifiques sont installés. Placé sur une orbite basse d’environ 350 km d’altitude, Tiangong-1 peut réaliser des rendez-vous et des amarrages en orbite et servir de module de base pour une station spatiale habitée. Il est conçu pour accueillir au maximum trois taïkonautes dans un espace d’environ 15 m3.

La télécommande et les télécommunications avec le laboratoire spatial sont assurées par un réseau de communications constitué de deux satellites de relais de données, de seize stations sol en Chine et dans le monde, de trois navires et de deux centres de contrôle, à Pékin et à Xi’an.

Cette troisième station spatiale de l’histoire, après la station spatiale russe « Mir » et la station spatiale internationale « ISS » sera plus petite (60 tonnes) que les précédentes : 419 tonnes pour Mir et 137 tonnes pour l’ISS.

EXPLORATION LUNAIRE

Débutant en 2007 pour s’achever en 2030, le programme Chang’e comprend un plan de développement en trois phases :

1. le lancement de deux sondes d’observation lunaire, Chang’e 1 et 2, entre 2007 et 2010 afin de permettre la cartographie et la modélisation en trois dimensions de régions lunaires. Chang’e 1 a été lancé le 24 Octobre 2007 ; le lancement de Chang’e 2 a eu lieu le 1er octobre 2010 ; l’Etat chinois aurait investi pour cette première phase plus de 1,4 milliard de yuans ;

2. entre 2010 et 2017, l’envoi de deux véhicules automatiques à la surface de la Lune, dont Chang’e 3 en 2013, afin d’étudier, dans une zone restreinte, la possibilité d’un futur espace d’atterrissage et d’installation d’une base lunaire chinoise ;

3. une mission de collecte d’échantillons (rover) est également programmée d’ici 2020 afin de rapporter sur Terre plus de 2 kg d’échantillons lunaires ; la Chine estime enfin qu’une mission habitée pourra être mise en œuvre entre 2025 et 2030.

LES LANCEURS

Avec près de 170 lancements (9 échecs) à son actif, la série des lanceurs Longue Marche offre à la Chine un accès autonome et fiable à l’espace pour l’éventail complet de ses missions. Après 19 lancements en 2011 (1 échec), la Chine poursuit les lancements à un rythme élevé (21 lancements prévus en 2012). La Chine valorise son savoir-faire à l’export et elle ambitionne d’ici 2015 de capter 15 % du marché des lancements de satellites commerciaux.

La Chine prépare l’avenir en étendant sa gamme de lanceurs au travers du développement de trois lanceurs de nouvelle génération, Longue Marche 5, 6 et 7, destinés à accroître les performances de mise en orbite basse et géostationnaire.

LES BASES DE LANCEMENT

La Chine dispose actuellement de trois bases de lancement : Taiyuan (Shanxi), Jiuquan (Gansu), Xichang (Sichuan). Une quatrième base de lancement est en construction sur la pointe occidentale de l’île de Hainan à Wenchang. Celle-ci offrira de meilleures performances pour les lancements en orbite de transfert géostationnaire, non seulement du fait de sa position proche de l’équateur (19° de latitude), mais également du fait de l’acheminement du lanceur par voie maritime, ce qui relaxe les contraintes de diamètre des lanceurs actuels du fait d’un accès par voie terrestre.

SATELLITES DE TÉLÉCOMMUNICATION

La Chine développe ses propres satellites géostationnaires de télécommunications (plate-forme DFH-4) et s’approvisionne également à l’étranger, notamment en France auprès de Thalès Alenia Space. La société China Satellite Communications Co. Ltd. Dispose à ce jour d’une flottille d’une dizaine de satellites géostationnaires en orbite.

La Chine et l’export

C’est en mai 2007 que la Chine a livré pour la première fois à un pays tiers (le Nigéria) un satellite en orbite, le satellite Nigcomsat-1 (lancement d’un deuxième satellite en 2011). La Chine a ensuite signé avec le Venezuela (lancement en octobre 2009), avec le Pakistan (lancement en 2011). La Chine a également signé des contrats de fourniture de satellite de télécommunications en orbite avec le Laos (septembre 2009), la Biélorussie (septembre 2010) et la Bolivie (décembre 2010). La Chine ambitionne d’ici 2015 de capter 10 % du marché des satellites commerciaux.

TELEDETECTION

La Chine mène une intense activité dans ce domaine avec :

o les satellites Fengyun (météorologie, douze satellites lancés, sept actuellement en service) ;

o les satellites Haiyang (océanographie, 4 satellites lancés) ;

o les satellites Ziyuan (ressources terrestres) ;

o les satellites Tianhui (cartographie) ;

o les satellites Yaogan (observation optique et radar) ;

o les satellites CBERS (China-Brazil Earth Resources Satellite ou Ziyuan), fruit d’une coopération sino-brésilienne nouée dans le cadre d’un accord bilatéral signé en 1988.

AUTRES DOMAINES

Parmi les autres missions spatiales peuvent être notées :

o la série Shijian (satellites d’expérimentation en orbite) ;

o les satellites de relais Tianlian (deux satellites en orbite) ;

o des microsatellites universitaires tels que les satellites Pixing ;

o le programme de fusées-sondes Méridian (space weather monitoring project).

ANNEXE 5 – LA COOPÉRATION INSTITUTIONNELLE FRANCO-CHINOISE

LA COOPÉRATION INSTITUTIONNELLE FRANCO-CHINOISE

DANS LE DOMAINE SPATIAL

La coopération spatiale franco-chinoise repose sur un accord intergouvernemental signé le 15 mai 1997. Le 11ème comité franco-chinois sur la coopération spatiale s’est tenu le 1er avril 2011 à Pékin sous l’autorité du président du CNES et de l’administrateur de la CNSA (agence spatiale chinoise). Les thématiques abordées dans le cadre de cette coopération sont les applications spatiales, le domaine scientifique, la microgravité et les services de lancement commerciaux. Un échange de lettres pour ajouter le les vols spatiaux habités et désigner le CMSEO (China Manned Space Engineering Office) comme interlocuteur officiel du CNES dans ce domaine, effectué durant l’été 201,2 a complété ce dispositif (cf. point sur CardioSpace).

Lancement du « géomètre spatial » DORIS à bord de Haiyang-2A

Le 16 août 2011 la Chine a lancé avec succès le satellite d’observation océanographique Haiyang-2A depuis le centre de lancement de Taiyuan, emportant à son bord l’instrument français DORIS de mesure centimétrique d’orbite. Cette coopération entre dans le cadre d’un accord de coopération signé par les agences spatiales française et chinoise en décembre 2010.

Séminaire franco-chinois sur le spatial et la santé (décembre 2011)

Le CNES et cette ambassade ont organisé les 6 & 7 décembre 2011 à Pékin un séminaire franco-chinois visant à confronter les approches développées par la France et la Chine dans l’utilisation du spatial au service des applications concernant la santé au sens large du terme : médecine des catastrophes, désenclavement sanitaire, environnement, climat, santé ou télé-épidémiologie. Ce séminaire a réuni une trentaine d’experts des deux pays.

SVOM 

SVOM (Space based Variable Objects Monitor) est une mission scientifique d’astrophysique (étude des sursauts gamma). Les termes de cette coopération ont été établis dès les années 2005 et ont été entérinés par un mémorandum d’entente signé en octobre 2006 entre les présidents du CNES et du CNSA, dans le cadre d’une visite présidentielle française en Chine. Les discussions sont en cours.

CFOSAT (lancement prévu fin 2014)

La mission CFOSAT, reposant sur un mémorandum d’entente signé entre le CNES et le CNSA en 2006, est dédiée à l'observation globale des océans dans un but scientifique et pré-opérationnel qui permettra une mesure globale et répétitive de l’état des vagues (distribution en longueur d’onde et en direction, vent de surface) à la surface des océans. Les objectives principaux sont la prévision du vent, des vagues et des états de mer à des fins de météo marine ainsi que l’amélioration des modélisations des phénomènes liés à la surface de mer.

La contribution française satellite est constituée d’un instrument (développé par Thales Alenia Space Toulouse) et de la mise à disposition d’une partie des installations terriennes de télémesure scientifique. La contribution chinoise est identique sur le segment sol et comprend la plate-forme du satellite et son contrôle en orbite. La Chine assurera par ailleurs le lancement sur Longue Marche 2C depuis le site de Jiuquan (Gansu).

CardioSpace

Le CNES a engagé des discussions avec les autorités chinoises pour coopérer dans le développement d’instruments et d’expériences scientifiques. Le premier projet devant être concrétisé dans ce cadre, est le développement de l’instrument CardioSpace destiné à permettre le suivi cardiovasculaire des taïkonautes qui occuperont le module orbital chinois Tiangong-2, dont le lancement est prévu en décembre 2014 (signature d’un accord spécifique entre le CNES et l’ACC – China Astronaut Research and Training Center, mi-juillet 2012).

ANNEXE 6 – LA POLITIQUE SPATIALE RUSSE

Le programme spatial russe

Au 5 novembre 2012

1 – La place du spatial dans la politique du gouvernement de la Russie

2 – Le programme spatial russe

3 – Les récents échecs du spatial russe

4 – Le spatial russe et l’international

1 – La place du spatial dans la politique du gouvernement de la Russie

A la sortie des années 90, vécue difficilement par les Russes sur un plan économique, l’heure est au début du 21ème siècle en Russie à l’affirmation d’une puissance politique et économique en plein renouveau renforcée par les gains développés par ses richesses naturelles (pétrole et gaz en particulier) donnant au gouvernement de la Fédération de Russie des moyens financiers pour se lancer entre autres, dans la réorganisation et la modernisation du secteur spatial, secteur hautement stratégique par le pouvoir politique. Sur le plan macroéconomique et encouragés par le haut niveau des prix du marché des énergies fossiles et d’importantes réserves budgétaires fédérales, la Russie est en train de traverser les différentes crises économiques et financières internationales actuelles sans trop de difficultés apparentes.

2 – Le programme spatial russe

A l’époque de l’Union Soviétique, le programme spatial servait d’instrument politique sur la scène internationale pour insuffler un besoin de grandeur et de puissance. Depuis la chute de l’URSS, le secteur spatial russe a connu des bouleversements au cours des années 90 avec en particulier d’importantes coupes budgétaires imposées dans ses programmes. Sous la présidence de Vladimir Poutine, le secteur spatial russe se reconstruit pas à pas dans le cadre d’une stratégie marquée par une volonté politique de mieux intégrer les questions de développement économique, technologique et social dans la définition des programmes spatiaux. La Russie considère à nouveau l’espace comme un enjeu de taille. Cette reconstruction impose de profonds changements avec des investissements lourds à engager, la mise aux normes internationales de l’appareil industriel, le besoin de (re)développer des compétences et le renforcement de certains domaines pour répondre aux demandes politiques du gouvernement russe.

Les différents domaines du programme spatial russe

Les domaines relatifs à l’ISS, aux vols habités et à l’accès à l’espace, restent les (grands) points forts du programme spatial russe. La navigation, axe stratégique de Vladimir Poutine avec le déploiement de la constellation GLONASS est achevé. Il s’agit maintenant de développer des marchés. Par contre, d’autres domaines ne présentent pas le même niveau de maturité technologique et économique rencontré en Europe, aux Etats-Unis et au Japon. Le domaine des télécommunications est placé depuis quelques années en partie dans un cadre commercial et ouvert à l’international. C’est ainsi que Thales Alenia Space a remporté en 2009 la construction de deux satellites complets de Télécoms pour le compte de Gazprom. Les domaines de l’observation de la Terre, de la météorologie et de la science ont besoin d’un renforcement important et d’une modernisation industrielle et technologique accrue des moyens spatiaux. Le domaine de l’exploration est à l’état de réflexion et de propositions de programmes en Russie. Les dirigeants russes, tout en souhaitant jouer un rôle leader dans ce domaine, interpellent régulièrement les autres partenaires potentiels (Europe, Etats-Unis) pour lancer ou participer à un programme d’exploration international.

La modernisation de l’industrie et des moyens financiers en hausse

La restructuration et la modernisation de l’industrie spatiale russe lancées en 2006 est une étape vitale du programme fédéral spatial russe. Pour répondre aux ambitions de la Fédération de Russie dans le domaine spatial, elles ont pour objectif d’optimiser l’outil industriel et d’accroître son efficacité pour conquérir des parts de marché dans un environnement international de plus en plus compétitif. A terme, 112 entreprises et laboratoires du secteur employant aujourd’hui plus de 200000 personnes, devront être regroupés en quatre ou cinq holdings.

En 2011, on peut tout de même souligner que la Russie a réalisé près de 40% des lancements spatiaux dans le monde. Le budget82 de l’agence spatiale russe, Roscosmos, s’élève à 144 milliards de roubles soit 3,5 milliards d’euros en 2012 (0,24% du PIB) et un budget pratiquement équivalent à celui de l’ESA. En 2008, le budget était de 1,2 milliards d’euros. Les forces spatiales russes83 quant à elles, ont effectué entre 2001 et 2010 plus de 200 lancements en plaçant en orbite plus de 250 satellites y compris GLONASS. Malgré des moyens en croissance, la période entre la fin de l’année 2010 et le mois d’août 2012 a été très difficile pour le secteur spatial russe en raison d’une série d’échecs importante (voir chapitre 3).

Nommé en avril 2011, le nouveau directeur de Roscosmos Vladimir Popovkine, précédemment Chef des forces spatiales et vice-ministre de la Défense, souhaite poursuivre le chemin de la modernisation du secteur spatial russe engagée depuis 2006.

La stratégie spatiale russe à l’horizon 2030

L’espace au même titre que la Défense représente une très grande priorité pour le pouvoir en place. Aussi, le gouvernement de la Russie a demandé en début d’année 2012 à ROSCOSMOS d’établir de nouvelles priorités stratégiques spatiales ambitieuses à l’horizon 2030. En voici les principaux éléments :

- Amélioration des capacités opérationnelles du système de navigation Glonass.

- Exploitation de l’ISS jusqu’en 2020, voire 2028, création d’une station orbitale de nouvelle génération et préparation du vol humain vers Mars.

- Mise aux normes internationales des satellites russes pour 2015 en utilisant des éléments occidentaux. En 2020, les satellites russes seront produits à partir d’éléments nationaux.

- Construction et exploitation du nouveau Cosmodrome de Vostochny à l’horizon 2015 pour lancer des engins automatiques. En 2020, lancement de la nouvelle fusée Angara et de vaisseaux habités de nouvelle génération depuis le nouveau cosmodrome. Pour 2030, sera développée une fusée de très forte capacité de 120/180 tonnes en orbite basse. Des études de lanceurs réutilisables ou semi-réutilisables seront également lancées.

- A l’horizon 2020, préparation de nouvelles missions vers la Lune (rover et retour d’échantillons). En 2030, est prévu un vol piloté lunaire de démonstration avec alunissage de cosmonautes, puis installation d’une base habitée lunaire permanente.

- Achèvement de la réorganisation industrielle avec la création de 4 à 5 holdings concurrentes et augmentation jusqu’à 10% de la part de la Russie sur le marché mondial à l’horizon 2030 (0,5% en 2011). Renforcement de la qualité et du contrôle de l’activité technique et industrielle spatiale russe ainsi que du potentiel de production et de la formation des cadres de l’industrie spatiale.

- Participation active à la réduction des débris et à la sécurité de la Terre vis-à-vis des astéroïdes et des comètes (géocroiseurs).

Ces nouvelles orientations stratégiques seraient couvertes par un budget annuel de 150 à 200 milliards de roubles (3,7 à 5 milliards d’euros) par an jusqu’en 2030.

L’accès à l’espace et le nouveau cosmodrome Vostochny

Leader mondial dans ce domaine, la Russie, seule ou en coopération, a engagé une stratégie lui permettant de conserver une position forte dans le domaine de l’accès à l’espace et des services de lancement : prolongation de location de Baïkonour (Kazakhstan) jusqu’en 2050, développement des infrastructures de Plessetsk, implantation du Soyouz sur un site équatorial en Guyane française, développement du lanceur modulaire Angara qui sera lancé de Baïkonour et de Plessetsk et remplacera Proton jugé polluant, implantation à Baïkonour du lanceur Zenith-3SL dans le cadre de Land launch.

A plus long terme, la stratégie de la Russie redéfinie en mars 2012, apporte un éclairage sur l’objectif de développer un lanceur lourd de 120/180 tonnes pour l’orbite basse. Sont également inscrits les lanceurs réutilisables ou semi réutilisables demandant des sauts technologiques importants dans une perspective à très long terme dans le programme spatial fédéral. Au regard de l’état de l’outil industriel spatial russe, il sera sans aucun doute nécessaire pour la Russie de rechercher des partenaires internationaux pour réaliser de tels programmes aussi ambitieux sur les plans technologique et économique.

Pour assurer une plus grande autonomie en matière d’accès à l’espace, notamment vis-à-vis du Kazakhstan, le Gouvernement de la Fédération de Russie a décidé de lancer la construction d’un nouveau cosmodrome dans le Sud Est de la Russie, à Vostochny où les premiers lancements pourraient avoir lieu à partir de 2015.

Enfin et ceci aurait pu passer pour quelque chose d’impensable il y a encore dix ans, la Russie assure les transferts des astronautes américains entre la Terre et l’ISS, faute pour la NASA de posséder pendant plusieurs années un tel moyen de transport spatial.

3 – Les récents échecs du spatial russe

Le secteur spatial russe a connu une importante série d’accidents ces deux dernières années. Entre décembre 2010 et août 2012 sept lancements et des mises à poste de satellites se sont soldés par un échec. Cela s’est traduit par la perte de dix satellites et d’engins tels qu'un vaisseau cargo qui devait approvisionner la Station spatiale internationale (ISS) et l’ambitieuse mission d’exploration Phobos-Grunt. Ces récents échecs ont mis en lumière un certain nombre de difficultés qui peuvent être imputées en grande partie à la chute brutale des budgets spatiaux russes induisant notamment un net ralentissement du recrutement de cadres et scientifiques dans les années 90 et à des moyens techniques et industriels vieillissants. Une forte augmentation budgétaire pour soutenir le secteur spatial a donc été engagée par l’administration Poutine depuis le début des années 2000. Dans d’autres secteurs84, il est possible de constater des salaires bien plus attractifs qui attirent plus facilement les jeunes sortant des cursus universitaires. En outre, la réorganisation industrielle demandée par V. Poutine n’avance que très lentement85.

4 – Le spatial russe et l’international

Les coopérations internationales

La Russie a engagé de nombreuses coopérations internationales avec la plupart des agences spatiales du monde: les Etats-Unis (services de lancement Sea-Launch et ILS, ATLAS 5 (licence moteur RD180), la desserte des astronautes US dans la station internationale, Soyouz en Guyane avec l’ESA et la France, l’Inde (fourniture du moteur liquide du 3ème étage du GSLV et dans le cadre du programme GLONASS), le Brésil (Tsyclon 4 dérivé du Zénith ukrainien et coopération sur le VLS), la Corée du Sud (coopération sur le petit lanceur coréen), l’Ukraine (qui fournit une partie des lanceurs Zénith et Dniepr). Il faut ajouter à cela toutes les coopérations dans le domaine scientifique et les partenariats industriels et commerciaux notamment dans les télécommunications. Dans le domaine scientifique et de l’exploration, les instituts russes ont participé ou participent ainsi aux projets Mars Express, Venus Express, BepiColombo, Lunar Reconnaissance Orbiter, ExoMars.

Des coopérations euro-russe et franco-russe emblématiques

Débutée il y a près de 50 ans avec l’Accord inter gouvernemental franco-soviétique du 30 juin 1966, la coopération spatiale s’est inscrite tout d’abord dans le domaine scientifique. Elle a permis à la France de participer à la réalisation de grandes premières scientifique – missions lunaires ou le vol du 1er occidental sur une station spatiale russe le spationaute français Jean-Loup Chrétien. A partir de 2003, cette coopération prend une nouvelle dimension et devient stratégique avec la signature d’un accord inter gouvernemental franco-russe sur l’exploitation de la fusée russe Soyouz à partir du centre spatial européen en Guyane française. L’année 2011 a vu la concrétisation de ce projet stratégique avec le lancement des deux premiers lancements Soyouz qui ont mis sur orbite Galileo et Pléiades, satellites stratégiques pour l’Europe et la France.

Entre l’Europe et la Russie, la coopération sur ExoMars est en cours de négociation. D’autres sujets de coopération avec l’ESA sont également à l’étude : mission lunaire destinée à rapporter des échantillons de la région polaire du satellite de la Terre et une mission d’étude des satellites glacés de Jupiter.

D’une politique d’achat vers une politique de coopération plus intégrée

Depuis plusieurs années, la Fédération de Russie s’est inscrite dans une politique d’achat sur étagère d’un certain nombre de moyens spatiaux en particulier dans le domaine des télécoms pour moderniser son économie et développer de nouveaux marchés. En 2010, évolution non négligeable, la Fédération de Russie par l’intermédiaire de Gazprom est passée de l’achat de charges utiles pour satellites de télécoms à l’achat de satellites télécoms complets86 y compris les moyens terrestres, à l’industrie européenne. C’est le cas également dans d’autres domaines tels que le militaire avec l’achat par le Gouvernement de la Fédération de Russie, une première, de deux navires de guerre Mistral à la France en juin 2011. De manière réciproque, la « coopération » pour la Fédération de Russie avec d’autres pays consiste à vendre des moyens spatiaux ou des capacités de transport spatial comme Soyouz, Proton ou les vols habités. Autre élément notable, Vladimir Poutine et Vladimir Popovkine directeur de ROSCOSMOS, ont rappelé pendant le Salon du Bourget en juin 2011 la volonté de la Fédération de Russie de passer d’une politique d’achat à une politique de coopération d’activités réalisées de manière conjointe et plus intégrée.

ANNEXE 7 – EUROSPACE/PRIORITÉS DE R&T 2012

Recommandations agrégées

Nota : les recommandations sont organisées par terme, étant bien compris que le terme plus éloigné (long terme) correspond à des activités dont les temps de développement sont plus longs. L’ensemble des développements proposés par l’industrie est à mettre en oeuvre avec le même degré d’urgence, quel que soit le terme considéré.

I. Applications satellite

Court terme

Télécommunications

• Améliorer la puissance et la flexibilité des charges utiles pour les applications internet large bande et diffusion de programmes (bandes C à Ka), augmenter le débit de traitement des données, renforcer la performance et réduire la dépendance technologique.

• Répondre aux contraintes thermiques accrues des missions télécom.

Observation de la Terre

• Améliorer la performance et l’efficacité des instruments Radar et optiques.

Plateforme satellite

• SCAO (Système de Contrôle d’Orbite et d’Attitude): amélioration des systèmes pour la stabilité, le pointage et la précision.

• Propulsion : renforcement de la performance et de la compétitivité pour l’optimisation des missions.

Moyen Terme

Télécommunications

• Améliorer la puissance et la flexibilité des charges utiles pour les applications duales et/ou innovantes (bandes UHF/L/S et Q/V).

• Solutions européennes pour l’optimisation des utilisations de fréquences : réduction de la dépendance et amélioration de la performance.

Observation de la Terre

• Missions futures : amélioration de la technologie des détecteurs, et des LIDAR. Augmentation du débit de données.

Plateforme satellite

• SCAO (Système de Contrôle d’Orbite et d’Attitude): amélioration des systèmes pour la stabilité, le pointage et la précision.

• Propulsion : renforcement de la performance et de la compétitivité pour l’optimisation des missions.

Long Terme

Télécommunications

• Traitement des données à très haut débit des charges utiles télécom.

Navigation

• Besoins à long terme du système GNSS : précision des horloges, optimisation (rapport masse-volume/puissance), génération et précision du signal, optimisation globale du système.

Plateforme satellite

• Systèmes innovants à haute performance pour la propulsion avec une attention portée aux problématiques de propulsion ‘verte’ et de dépendance technologique.

• Systèmes de puissance de seconde génération : besoins des systèmes à haute puissance et renforcement de l’efficacité.

II. Programmes scientifiques

Moyen terme

Science

• Répondre aux contraintes de très haut débit de données des charges utiles scientifiques.

• Amélioration de la chaîne de détection des instruments et réduction de la dépendance technologique.

Long terme

Science

• Technologies pour les instruments de seconde génération

Exploration

• Maturité et préparation technique pour les missions européennes d’exploration.

Vol habité

• Modules habités avancés, et technologies associées.

III. Technologies transverses

Court terme

Technologies génériques et technologies de rupture

• Actions critiques sur les matériaux: contraintes REACH (chromates) et sécurisation filière d’approvisionnement composite.

• Composants électroniques pour les débits de données élevés et le contrôle de puissance (haute puissance).

• Actions de court terme pour la maturité et la réduction de la dépendance sur les composants électroniques.

Segment sol

• Optimisation de l’architecture pour la performance système : besoins accrus de traitement de données (vitesse et débit)

Lanceurs

• Actions urgentes REACH (hydrazine, propulsion verte)

Moyen Terme

Technologies génériques et technologies de rupture

• Amélioration des outils de design et d’ingénierie.

• Solutions Européennes pour des matériaux intelligents, verts et les composites.

• Matériaux haute performance et structures (nanomatériaux, et problématique d’industrialisation/production).

Lanceurs

• Matériaux haute performance (composites et alliages innovants) pour structures ultralégères avancées.

• Architecture et briques technologiques pour lanceur de nouvelle génération.

Protection de l’infrastructure spatiale

• Débris: surveillance, mitigation et réduction des risques.

• Environnement spatial : réduction d’impact, résistance aux radiations et protection des systèmes.

Long terme

Technologies génériques et technologies de rupture

• Industrialisation et fiabilité des composants électroniques Européens.

• Maturation et réduction de la dépendance des mécanismes et actuateurs.

Lanceurs

• Capacité européenne de lancement rapide.

Protection de l’infrastructure spatiale

• Architecture du SSA Européen, surveillance des débris, réduction des risques.

Acronymes

• GNSS: Système global de navigation par satellite

• SSA: Système de surveillance de l’espace

• REACH: Législation européenne relative à l’enregistrement et à l‘évaluation des produits chimiques

1 Termes de la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950.

2 Voir, en annexe au présent rapport : « L’Allemagne, une grande puissance économique », note de l’Ambassade de France en Allemagne consacrée au système politique et économique allemand ainsi qu’à sa stratégie spatiale.

3 International traffic in arms regulation.

4 « Quelle politique spatiale pour la France ? Donner plus d’espace à l’industrie de Didier Lucas (juillet 2012), Les Notes stratégiques de l’Institut Choiseul.

5 European Launcher Development Organisation (1962).

6 European Space Research Organisation (1962).

7 Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, la Pologne (depuis 2012), la Roumanie, le Royaume-Uni, la Suède, la République Tchèque et la Suisse.

8 Global navigation satellite system (GNSS).

9 In-orbit validation (IOV).

10 Full operational capability (FOC).

11 Satellite Based Augmentation System (SBAS).

12 Global monitoring for environment and security. Voir la communication de la Commission du 30 novembre 2011 concernant le programme européen de surveillance de la Terre (GMES) et sa mise en œuvre (à partir de 2014).

13 European GNSS (Global Navigation Satellite System) Agency.

14 « Une ambition spatiale pour l’Europe », Rapport de la mission présidée par Emmanuel Sartorius, Centre d’analyse stratégique (2011).

15 Multinational space-based imaging system for surveillance : programme Défense en coopération européenne destiné à fournir une capacité d’observation optique et radar de la Terre. Le CNES est en charge de la Composante spatiale optique (CSO).

16

17

Avis n° 108 (2011-2012) de MM. Xavier Pintat et Daniel Reiner, fait au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2012 (tome VI – Défense : équipement des forces).

18

A ce sujet, voir le rapport de notre ancien collègue Christian Gaudin : « La dette du CNES à l'égard de l'Agence spatiale européenne : pour un atterrissage en douceur », fait au nom de la Commission des finances du Sénat, n°226 (2008-2009).

19

Cet objectif paraît peu réaliste à nos collègues Michel Berson et Philippe Adnot, rapporteurs spéciaux de la mission Recherche et Enseignement supérieur au nom de la Commission des finances : annexe n°21 du rapport Sénat n°107 (2011-2012).

20

Communication de la Commission en date du 29 juin 2011 intitulée «Un budget pour la stratégie Europe 2020».

21

Ce cadre réunit les trois principales sources de financement existantes de la recherche à savoir : le 7ème programme cadre ; le volet innovation du programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité ; l'Institut européen d'innovation et de technologie.

22

Source : The Space economy at a glance, OCDE 2011

23

The Space economy at a glance (OCDE 2011)

24

D’après : Analyse comparée de la stratégie spatiale des pays émergents : Brésil, Inde, Chine (Études de l’IRSEM 2012 n°15)

25

D’après l’OCDE

26

« Seeking a human spaceflight program worthy of a great nation » (octobre 2009)

27

Commercial Orbital transportation services

28

Phase dite CCiCap (Commercial Crew integrated capability), au sein du programme CCDev (Commercial crew development)

29

Tom Mueller, directeur du développement de la propulsion, Space X (d’après Air & Space magazine janvier 2012).

30

Sonde d’observation de l’atmosphère martienne

31

International Launch Services (lanceur Proton)

32

Commercial Resupply Services (CRS).

33

Commercial orbital transportation services (services commerciaux de transport orbital)

34

MacDonald, Dettwiler and Associates Ltd. (MDA)

35

Final Report of the Select Committee on U.S. National Security and Military/Commercial Concerns with the Peoples’ Republic of China (présidé par Christopher Cox).

36

Field-Programmable Gate Array (FPGA)

37

Complementary Metal Oxyde Semiconductor

38

Règlement sur l'enregistrement, l'évaluation, l'autorisation et les restrictions des substances chimiques, entré en vigueur le 1er juin 2007 (Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals)

39

Critical Space Technologies for European Strategic non dependence (Février 2012).

40

RT Priorities 2012 (ASD-Eurospace)

41

Advanced Research in Telecommunications Systems.

42

Xenon Ion Propulsion System

43

Les coûts de maintien en conditions opérationnelles du CSG couvrent les coûts d’exploitation de la base spatiale, à l’exception de ceux des ensembles de lancements, pris en charge par Arianespace, qui finance également les coûts des prestations spécifiques nécessaires aux lancements autres que géostationnaires.

44

Organisme spécialisé dans le suivi des marchés des secteurs télécoms, internet et médias.

45

Union internationale des télécommunications

46

Gravity field and steady-state Ocean Circulation Explorer

47

Soil Moisture and Ocean Salinity

48

Etude du champ magnétique terrestre

49

Etude de la glace océanique.

50

Chiffre au 7 septembre 2012 (d’après Air&Cosmos n°2325)

51

European guaranteed access to space.

52

Multinational space based imaging system

53

Geostationary Observation Space Surveillance System

54

Grand réseau adapté à la veille spatiale

55

Tracking & Imaging data

56

Office national d'études et recherches aérospatiales

57

United States Strategic Command (dépendant du département de la Défense américain)

58

Space situational awareness

59

« Celestial Storm Warnings », John Holdren (conseiller scientifique et technologique de Barack Obama) et John Beddington (conseiller scientifique de David Cameron), New York Times (10 mars 2011).

60

Résolution 62/217 du 22 décembre 2007 de l’Assemblée générale des Nations Unies (coopération internationale sur l’usage pacifique de l’espace).

61

IADC Space Debris Mitigation Guidelines (septembre 2007)

62

Arrêté du 31 mars 2011 relatif à la réglementation technique en application du décret n° 2009-643 du 9 juin 2009 relatif aux autorisations délivrées en application de la loi n° 2008-518 du 3 juin 2008 relative aux opérations spatiales.

63

Eumetsat Polar System – Second generation

64

Soil Moisture and Ocean Salinity - Humidité des sols et salinité des océans : mission ESA (2009)

65

Mission d’étude de la couverture glaciaire de l’ESA (2010)

66

Surface Water and Ocean Topography : mission CNES-NASA pour l'étude des surfaces d'eau océaniques et continentales

67

Mission ESA de mesure de la vitesse du vent (2013)

68

Mission ESA d’étude du champ de gravité terrestre (2009)

69

Mission ESA d’étude du champ magnétique terrestre (2013)

70

National oceanic and atmospheric administration (agence américaine dédiée à l’étude des océans et de l’atmosphère)

71

Earth resources satellite

72

Nombre de missions opérationnelles (2000-2011) ou planifiée (2012-2020) de la NASA et de la NOAA, dans le domaine de l’observation de la Terre (en fonction de leurs durées de vie telles qu’estimées par la NASA).

73

Journal of geophysical Research vol 117 (2012)

74

Emergency management service

75

International Space station

76

International Space Station Benefits for Humanity (2012). Voir également sur le site internet de la NASA : http://www.nasa.gov/mission_pages/station/research/benefits/index.html

77

D’après le rapport précité de la Commission présidée par Norman Augustine

78

Multi-purpose crew vehicle

79

Voir le rapport de la mission présidée par M. Emmanuel Sartorius, “Une ambition spatiale pour l’Europe” (Centre d’analyse stratégique, 2011)

80

Mars Atmosphere and volatile evolution mission

81

Sample Analysis at Mars (ensemble d’instruments pour l’analyse in situ du sol et du sous-sol de Mars).

82

- Hors budget des Forces spatiales

83

- Le budget des forces spatiales est un chiffre non diffusé par le gouvernement russe mais qui au vu des moyens spatiaux mis en œuvre, doit apporter une consolidation forte au secteur spatial russe

84

- Le recrutement pour le secteur spatial est très difficile au regard des salaires trop bas par rapport à d’autres secteurs d’activités comme celui des énergies fossiles, la construction, la finance…

85

- V. Poutine avait demandé à Roscosmos et aux Forces spatiales de simplifier et réduire le nombre de groupes industriels en 2006.

86

- Plate forme et charge utile


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