N° 85 - Avis de Mme Barbara Romagnan sur le projet de loi , adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif au harcèlement sexuel (n°82)



N° 85

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 juillet 2012.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, relatif au harcèlement sexuel,

(procédure accélérée)

PAR Mme Barbara ROMAGNAN,

Députée.

——

Voir les numéros :

Sénat : 592, 613, 619, 620 et T.A. 123 (2011-2012).

Assemblée nationale : 82.

INTRODUCTION 5

I.- LA CONDAMNATION UNANIME DU HARCÈLEMENT SEXUEL 7

A. UN PHÉNOMÈNE ENCORE MÉCONNU MAIS AUX CONSÉQUENCES GRAVES 7

1. La connaissance très parcellaire du harcèlement sexuel 7

2. Un phénomène aux répercussions graves 9

B. LA RÉPRESSION LARGE DU HARCÈLEMENT SEXUEL EN DROIT FRANÇAIS 11

1. De la création du délit de harcèlement sexuel dans le code pénal à la décision du Conseil constitutionnel 11

2. La prévention et la répression du harcèlement sexuel dans le code du travail 13

a) Le délit de harcèlement sexuel sanctionné par le code du travail 13

b) L’interdiction des sanctions et des discriminations fondées sur des faits de harcèlement sexuel 14

c) Les mesures et les acteurs de la prévention du harcèlement sexuel au travail 14

d) La mobilisation des partenaires sociaux contre le phénomène de harcèlement sexuel 15

3. La sanction du harcèlement sexuel dans le statut de la fonction publique 17

4. Une infraction malaisée à établir et encore faiblement sanctionnée 18

a) Une difficile caractérisation des faits 18

b) Des condamnations résiduelles 19

C. L’INTERDICTION DU HARCÈLEMENT SEXUEL EN DROIT INTERNATIONAL ET EUROPÉEN 19

1. Les recommandations et déclarations des Nations-Unies 20

2. Les conventions de l’Organisation internationale du travail 21

3. Les instruments du Conseil de l’Europe 22

4. La législation communautaire 23

a) Les directives relatives à l’égalité de traitement 23

b) Le code de pratique visant à combattre le harcèlement sexuel 24

D. LA RÉPRESSION DU HARCÈLEMENT SEXUEL EN DROIT COMPARÉ 25

II. UN PROJET DE LOI ÉQUILIBRÉ ET PROTECTEUR DES VICTIMES 26

A. LA RÉINTRODUCTION DU DÉLIT DE HARCÈLEMENT SEXUEL 26

B. LE RENFORCEMENT DE LA RÉPRESSION DES DISCRIMINATIONS 26

C. L’HARMONISATION DES DISPOSITIONS RELATIVES AU HARCÈLEMENT 27

D. LE RÉGIME APPLICABLE OUTRE-MER 27

TRAVAUX DE LA COMMISSION 29

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 29

II.- EXAMEN DES ARTICLES 39

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 55

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 57

INTRODUCTION

Dans sa décision du 4 mai 2012 (1), le Conseil constitutionnel a déclaré l’article 222-33 du code pénal qui sanctionnait le délit de harcèlement sexuel, contraire à la constitution, en raison de sa définition trop imprécise au regard du principe de légalité des délits et des peines prévu par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Les conséquences de cette décision sont très graves. Elle a, tout d’abord, créé un vide juridique, le harcèlement sexuel n’étant désormais réprimé que dans le cadre des relations de travail et non plus de manière générale. Une partie des victimes se trouve donc, aujourd’hui, privée de recours pour obtenir la condamnation de leur agresseur.

S’appliquant aux procédures en cours, cette décision interdit également leur poursuite sur le fondement de l’article abrogé. Certaines procédures devront donc être abandonnées, lorsque la requalification des faits s’avérera impossible.

Face à cette situation, le Gouvernement a immédiatement réagi et déposé au Sénat, dès le 13 juin 2012, un projet de loi visant à rétablir le délit de harcèlement sexuel et à améliorer la protection des victimes, pour lequel a été engagée la procédure accélérée.

Le Sénat a apporté d’importantes modifications au texte de ce projet de loi, lors de son examen en commission le 27 juin 2012 puis en séance publique les 11 et 12 juillet 2012, notamment suite aux travaux réalisés par le groupe de travail sénatorial sur le harcèlement sexuel et aux propositions de loi qui en ont découlé.

C’est donc un projet clarifié, enrichi et équilibré qui se trouve maintenant soumis à l’Assemblée nationale. Bien que la commission des lois soit compétente au fond pour examiner ce texte concernant le droit pénal, la commission des affaires sociales a souhaité s’en saisir pour avis, car ses dispositions modifient les règles prévues par le code du travail en matière de harcèlement sexuel.

I.- LA CONDAMNATION UNANIME DU HARCÈLEMENT SEXUEL

Depuis trente ans, la lutte contre le harcèlement sexuel a accompli d’importants progrès et ces agissements sont aujourd’hui unanimement condamnés par le droit tant national, qu’européen et international, sous des définitions et grâce à des outils variés. La France dispose, en particulier, d’un arsenal juridique de prévention et de répression du harcèlement sexuel très étendu, que de nombreux acteurs peuvent utiliser.

Malgré la gravité de ses conséquences, ce phénomène demeure cependant encore largement méconnu, faute de travaux de recherche en évaluant précisément l’ampleur, en particulier dans le monde du travail. Il apparaît donc nécessaire et urgent à votre rapporteure pour avis de créer une structure pérenne ayant pour mission générale de collecter des données sur les violences faites aux femmes, et, parmi celles-ci, sur le harcèlement sexuel.

En France, la connaissance du harcèlement sexuel reste à ce jour très limitée, les données disponibles étant anciennes ou de portée réduite. Elles démontrent néanmoins la fréquence de ces agissements.

Demeurant une référence en la matière, l’enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff) (2), menée en 2000, avait révélé que, sur une année :

– 8,3 % des femmes déclaraient avoir subi des faits de harcèlement sexuel dans l’espace public (3), ce taux atteignant 21,9 % chez les femmes âgées de 20 à 24 ans ;

– 1,9 % des femmes indiquaient avoir subi des agissements de harcèlement sexuel dans le cadre de leur travail (4), ce taux s’élevant à 4,3 % chez les femmes âgées de 20 à 24 ans.

Au-delà de la collecte de données de niveau national, l’un des principaux apports de cette enquête a été de mettre en évidence l’ampleur du silence et de l’occultation des violences par les femmes qui les subissent, un grand nombre de participantes ayant évoqué, pour la première fois, les actes dont elles avaient été victimes.

Plus récemment, en 2007, a été conduite en Seine-Saint-Denis une étude sur les violences sexuelles faites aux femmes au travail (5). En ce qui concerne le harcèlement sexuel, ses résultats révèlent que, sur les douze derniers mois :

– 14 % des femmes déclarent avoir entendu des propos qu’elles ne souhaitaient pas entendre ou fait l’objet d’avances sexuelles verbales, et 6 % de manière répétée ;

– 13 % des femmes indiquent avoir subi des attitudes insistantes et gênantes et des gestes non désirés, et 5 % de manière répétée ;

– 9 % des femmes déclarent avoir fait l’objet d’avances sexuelles agressives, et 3 % de manière répétée.

Le harcèlement sexuel ne constitue cependant qu’une partie des violences dont les salariées interrogées déclarent avoir été victimes au travail. Le tableau ci-dessous, présentant les résultats globaux de l’enquête, retrace la diversité de ces violences, allant de la plaisanterie au viol, et montre leur ampleur.

Part des femmes ayant subi chaque type de violence

Nota bene : Le trait noir indique l’intervalle de confiance de la proportion observée.

Source : Enquête VSFFT 93

Au final, il apparaît que, parmi les salariées interrogées :

– 5 % ont été confrontées à une violence qualifiée par la loi d’agression sexuelle ou de viol ;

– 22 % ont subi des faits d’agression sexuelle, de viol ou de harcèlement sexuel ;

– 56 % ont subi un harcèlement sexiste, un harcèlement sexuel, une agression sexuelle ou un viol.

Au niveau international, les données disponibles demeurent également rares. Le rapport de 2011 du directeur général du Bureau international du travail (6) expose cependant que :

– dans l’Union européenne, de 40 à 50 % des femmes ont signalé une forme quelconque de harcèlement sexuel ou de comportement sexuel indésirable sur leur lieu de travail ;

– dans les pays de la région Asie-Pacifique, 30 à 40 % des salariées ont déclaré être victimes sous une forme quelconque de harcèlement verbal, physique ou sexuel ;

– le nombre de plaintes émanant d’hommes augmente, la Commission des États-Unis pour l’égalité des chances dans l’emploi ayant, par exemple, indiqué que, en 2009, 16 % des plaintes pour harcèlement sexuel ont été déposées par des hommes, contre 12,1 % en 1999.

Si l’ampleur du phénomène de harcèlement sexuel reste méconnue, la gravité de ses conséquences, tant pour les victimes que pour les témoins de ces agissements, se trouve, en revanche, bien établie.

Comme l’affirme le code de pratique visant à combattre le harcèlement sexuel, publié par la Commission européenne, le harcèlement sexuel peut avoir « des effets dévastateurs sur la santé, la confiance en soi, le moral et les performances de ceux qui en sont victimes », et constitue un facteur de stress et d’anxiété. Il peut pousser un salarié à quitter son emploi et ainsi porter préjudice à ses perspectives de carrière, en plus des dommages psychologiques qu’il cause.

Le code de pratique rappelle également que le harcèlement sexuel emporte des conséquences négatives pour les employeurs. Il nuit, en effet, à « l’efficacité économique de l’entreprise », car « la productivité des travailleurs se trouve réduite du fait qu’ils doivent travailler dans un climat ne respectant pas l’intégrité des individus ».

Ce constat est partagé par l’Organisation internationale du travail, qui souligne que le harcèlement sexuel peut avoir, pour l’entreprise qui laisse faire, « des répercussions coûteuses sur le bon déroulement du travail, la productivité, la stabilité, l’assiduité et la motivation du personnel », et « risque aussi de ternir sa réputation et de peser sur ses résultats, grevés par le coût des litiges » (7).

Plus précisément, dans une étude datant de 2007 (8), l’Organisation internationale du travail a procédé au recensement de l’ensemble des conséquences du harcèlement sexuel pour les victimes, les employeurs et la société, que présente le tableau ci-dessous.

Les conséquences du harcèlement sexuel

Victimes

Employeurs

Société

Souffrances psychologiques, notamment humiliation, moindre motivation, perte de l’estime de soi ;

Changement de comportement, notamment isolement, détérioration des relations

Maladies physiques et mentales liées au stress, notamment toxicomanie et alcoolisme ;

Les victimes renoncent aux perspectives de carrière, quittent leur emploi ou se suicident

Diminution de la productivité de l’entreprise aux motifs suivants :

 manque de discernement

 travail d’équipe compromis

 démotivation

 absentéisme

Aucun candidat ne répondra aux offres d’emploi d’une entreprise où ils craignent un risque de harcèlement sexuel ;

Un milieu de travail où manquent la confiance et l’esprit d’équipe empêche l’entreprise de progresser et d’innover

Coûts durables de réadaptation pour la réintégration des victimes ;

Prestations de chômage et reconversion ;

Prestations d’invalidité à ceux dont la capacité de travail est réduite ;

Dépens

Moindre accès des femmes aux emplois supérieurs et bien rémunérés, où traditionnellement les hommes prédominent ;

Les enjeux que recouvre la lutte contre le harcèlement sexuel ne sont donc pas uniquement psychologiques ou sanitaires, mais aussi économiques et financiers, comme pour l’ensemble des risques psychosociaux. Pour mémoire, la Commission européenne avait estimé, en 2002, que le coût annuel du stress lié au travail dans l’Union européenne à quinze s’élevait à 20 milliards d’euros (9).

Depuis sa création en 1992, le délit de harcèlement sexuel, prévu par l’article 222-33 du code pénal, a connu des modifications importantes et répétées de sa définition. Il faut, en revanche, souligner que les peines principales qui lui sont applicables n’ont que peu évolué, demeurant fixées à un an d’emprisonnement sur la période et passant de 100 000 francs à 15 000 euros d’amende lors du changement de monnaie en 2002.

À l’origine, la loi du 22 juillet 1992 (10) avait défini le délit de harcèlement sexuel comme « le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ».

L’article 11 de la loi du 17 juin 1998 (11) a ensuite étendu le champ matériel de ce délit en ajoutant l’exercice de « pressions graves » à ses éléments constitutifs, afin que puissent être réprimés un plus grand nombre d’actes. L’article 222-33 du code pénal incriminait ainsi « le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ».

Enfin, l’article 179 de la loi du 17 janvier 2002 (12) a simplifié la définition de ce délit, désormais réduite au « fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle », élargissant, par là-même, considérablement son champ d’application. La caractérisation de l’infraction ne requerrait plus, en effet, l’établissement de faits matériels tels que des menaces ou des pressions graves, ni celui d’un abus d’autorité. Cette dernière modification visait principalement à harmoniser la définition du harcèlement sexuel avec celle du harcèlement moral, qui n’exigeait pas l’existence d’un rapport de subordination hiérarchique entre la victime et l’agresseur.

Jugeant cette incrimination trop imprécise, et donc contraire au principe de légalité des délits et des peines, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article 222-33 du code pénal contraire à la Constitution dans sa décision du 4 mai 2012. Comme le rappelle le commentaire de cette décision, il ne s’agit pas de la première décision rendue par le Conseil constitutionnel sur le fondement de la violation de ce principe essentiel du droit pénal.

Cette décision crée un grave vide juridique. En effet, en raison du principe de non-rétroactivité de la loi pénale, les faits de harcèlement sexuel commis aujourd’hui ne peuvent plus faire l’objet de poursuites pénales sur ce fondement. Les victimes doivent ainsi soit saisir la juridiction civile d’une demande de réparation du préjudice subi, soit entreprendre une action pénale sur un autre fondement, lorsque c’est possible.

Cette abrogation affecte également les procédures en cours, ce qui a conduit le ministère de la justice à prendre une dépêche (13) dès le 10 mai 2012 indiquant les instructions à suivre, en particulier en matière de requalification des faits. Lors de l’examen du projet de loi en séance publique au Sénat le 11 juillet dernier, la Garde des Sceaux a donné un premier bilan de cette dépêche et indiqué que :

– sur les quatre-vingts enquêtes préliminaires en cours, six ont pour le moment fait l’objet d’un classement du fait de la décision du Conseil constitutionnel ;

– sur les dix-neuf informations judiciaires en cours, deux extinctions de l’action publique ont été prononcées et huit requalifications sont déjà engagées ;

– sur les seize affaires en cours d’audiencement, treize pourront être requalifiées ;

– sur les quinze affaires parvenues à l’audience depuis la décision du Conseil constitutionnel, quatre se sont soldées par une extinction de l’action publique, mais, pour les autres, des requalifications ont pu être établies.

Bien que le code du travail interdise, depuis 1992, les discriminations faisant suite à un harcèlement sexuel, le délit de harcèlement sexuel n’y a été introduit qu’en 2008, lors de la recodification. Il se trouve aujourd’hui défini à l’article L. 1153-1 et réprimé par l’article L. 1155-2. Ces deux articles prévoient que :

– « Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits » (article L. 1153-1) ;

– « Les faits de harcèlement moral et sexuel […] sont punis d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 € » (article L. 1155-2).

Cette définition apparaît donc proche de celle que prévoyait le code pénal, les peines principales applicables aux deux délits étant identiques. En revanche, la procédure suivie sur le fondement des dispositions du code du travail possède deux spécificités, qui ne se retrouvent pas en droit pénal.

Tout d’abord, l’article L. 1154-1 instaure un régime d’aménagement de la charge de la preuve. Il dispose ainsi que le salarié doit seulement établir « des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement », puis qu’« au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ».

Ensuite, l’article L. 1154-2 prévoit que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise peuvent exercer, pour le compte du salarié, toutes les actions en justice fondées sur la violation des règles du code du travail relatives au harcèlement sexuel, sous réserve de justifier d’un accord écrit de l’intéressé.

Il faut rappeler ici que la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012 ne concerne pas les dispositions du code du travail sanctionnant le harcèlement sexuel : celles-ci demeurent en vigueur. Les procédures en cours, entreprises sur ce fondement, ne sont donc pas affectées par cette décision et de nouvelles actions pénales pourraient être mises en œuvre. Toutefois, en raison du caractère peu précis de la définition du délit, la dépêche précitée du ministère de la justice recommande de « privilégier les poursuites sous d’autres qualifications ».

La décision du Conseil constitutionnel ne remet pas non plus en cause la possibilité d’infliger une sanction disciplinaire à un salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel, prévue par l’article L. 1153-6 du code du travail. En la matière, l’employeur se doit d’ailleurs d’agir vite. La Cour de cassation a, en effet, jugé que ce dernier commettait une « abstention fautive », s’il ne lançait pas des investigations internes dès qu’il avait connaissance des faits, sans attendre l’issue de la procédure prud’homale (14).

Au-delà de la répression du délit de harcèlement sexuel, le code du travail interdit également la sanction, le licenciement ou la discrimination des salariés victimes d’un harcèlement sexuel ou d’une tentative de harcèlement sexuel, et des salariés ayant dénoncé ou témoigné de tels agissements.

L’article L. 1153-2 dispose ainsi que « aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel ».

L’article L. 1153-3 énonce ensuite que « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés ».

Tout acte contraire aux dispositions des deux articles précités se trouve frappé de nullité, en vertu de l’article L. 1153-4.

Afin de lutter le plus efficacement possible contre le phénomène de harcèlement sexuel, le code du travail prévoit diverses mesures de prévention, pouvant être mises en œuvre par plusieurs acteurs.

L’article L. 1153-5 impose, tout d’abord, à l’employeur une obligation spécifique de prévention : celui-ci doit prendre « toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel ». Cette obligation découle de l’obligation générale de l’employeur d’« assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », prévue par l’article L. 4121-1.

Selon la Cour de cassation, il s’agit d’une obligation de résultat et non de moyens. Elle considère donc que l’employeur manque à cette obligation, lorsqu’un employé est victime de faits de harcèlement sexuel sur son lieu de travail, même s’il a pris des dispositions pour faire cesser ces agissements (15).

Parmi les mesures concrètes de prévention prescrites par le code du travail, l’article L. 1321-2 prévoit que le règlement intérieur doit rappeler les règles relatives au harcèlement sexuel, ce qui contribue à la sensibilisation des salariés. En effet, le règlement intérieur doit être affiché dans les locaux des entreprises et doit être soumis à l’avis du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Cette dernière instance bénéficie, par ailleurs, de compétences propres en matière de prévention du harcèlement sexuel. En effet, aux termes de l’article L. 4612-3, elle contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l’établissement et « peut proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral et du harcèlement sexuel », tout refus de l’employeur de mettre en place de telles actions devant être motivé.

Soucieux de participer activement à la lutte contre le harcèlement sexuel, les partenaires sociaux se sont également mobilisés ces dernières années pour réduire ce phénomène.

 L’accord-cadre européen sur le harcèlement et la violence au travail

Au niveau européen, a ainsi été conclu un accord-cadre sur le harcèlement et la violence au travail en avril 2007. Cet accord poursuit deux objectifs principaux : sensibiliser les employeurs et les salariés à cette question et leur fournir un cadre proposant des actions concrètes pour reconnaître, prévenir et gérer ces situations.

Il retient une définition large du harcèlement et de la violence sur le lieu de travail, qui peuvent, selon lui :

– revêtir des « formes physiques, psychologiques et/ou sexuelles » ;

– constituer des « incidents isolés » ou « des comportements plus systématiques », allant de « manifestations mineures d’irrespect à des actes plus graves, tels que des infractions pénales » ;

– survenir « entre collègues, entre supérieurs et subordonnés ou provenir de tiers » ;

– avoir pour objectif ou pour effet de « porter atteinte à la dignité de la personne visée, de nuire à sa santé et/ou de créer un environnement de travail hostile ».

Plus précisément, l’accord-cadre indique que « le harcèlement survient lorsqu’un ou plusieurs travailleurs ou cadres sont à plusieurs reprises et délibérément malmenés, menacés et/ou humiliés dans des situations liées au travail ».

Contre ces phénomènes, les partenaires sociaux européens préconisent la mise en place de différents outils dans les entreprises, comme des formations de sensibilisation. Ils recommandent, en particulier, la rédaction d’une déclaration condamnant le harcèlement et la violence au travail et prévoyant les procédures à suivre ainsi que les sanctions applicables en la matière, qui peuvent aller jusqu’au licenciement de l’auteur de tels agissements.

Pour assurer une diffusion large de cet accord, les partenaires sociaux européens l’ont assorti d’un système de suivi précis, incluant la publication annuelle d’un tableau de bord dressant un bilan de son application. Les organisations signataires se sont engagées à le mettre en œuvre dans les trois ans suivant sa signature et à procéder à son évaluation au bout de cinq ans.

L’accord-cadre a, de fait, connu un fort rayonnement en Europe, sous des formes variées. Il a ainsi pu soit influencer le droit existant, conduisant à la modification de la législation en vigueur, comme en Belgique, ou des accords sociaux, comme en Italie et en Espagne, soit permettre la conclusion de nouveaux accords, comme au Danemark et aux Pays-Bas, ou la production de recommandations communes par les partenaires sociaux, comme en Autriche et en Pologne (16).

 L’accord français sur le harcèlement et la violence au travail

En France, l’accord-cadre a été transposé par l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le harcèlement et la violence au travail, conclu en mars 2010 et étendu en juillet 2010.

Cet accord rappelle, tout d’abord, que les employeurs et les salariés ont « un intérêt mutuel à traiter […] cette problématique, qui peut avoir de graves conséquences sur les personnes et est susceptible de nuire à la performance de l’entreprise et de ses salariés ». Rattachant le harcèlement à la catégorie des risques psychosociaux, il insiste sur la nécessité de combattre ces phénomènes en raison des préjudices qu’ils causent aux personnes et de leurs « coûts sociaux et économiques ».

Il précise, ensuite, que certaines catégories de salariés peuvent, en pratique, se trouver davantage confrontées au harcèlement et à la violence du fait « de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur handicap, ou de la fréquence de leur relation avec le public ». En particulier, en ce qui concerne les violences faites aux femmes, l’accord indique que « la persistance des stéréotypes et des tabous ainsi que la non reconnaissance des phénomènes de harcèlement sexuel, nécessite une forte sensibilisation à tous les niveaux de la hiérarchie et la mise en place de politiques de prévention, et d’accompagnement dans les entreprises ». Il invite les entreprises à adopter en la matière « une approche volontariste et opérationnelle ».

L’accord préconise le développement des outils proposés par l’accord-cadre, tels que la rédaction d’une charte de référence interdisant le harcèlement et prévoyant la procédure à suivre en cas d’incident. Il rappelle, enfin, le rôle des différents acteurs pouvant intervenir en matière de prévention de ces phénomènes, comme les branches professionnelles, les services de santé au travail ou les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Le droit français ne protège pas seulement les salariés contre les agissements de harcèlement sexuel au travail, mais également les agents de la fonction publique.

L’article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, interdit ainsi de prendre des mesures discriminatoires, notamment en matière de recrutement ou d’affectation, à l’encontre d’un agent ayant subi ou refusé un harcèlement sexuel. Cette protection s’applique également aux agents ayant témoigné ou dénoncé de tels actes, ainsi qu’à ceux ayant engagé un recours hiérarchique ou judiciaire.

De plus, en vertu du même article, au-delà des peines auxquels il pourrait se voir condamné, tout agent ayant commis des actes de harcèlement sexuel encourt une sanction disciplinaire.

Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, plus de la moitié des procédures pour harcèlement sexuel a fait l’objet d’un classement au motif que l’infraction n’était pas constituée. Cela reflète la difficulté de caractérisation de ce délit, qu’atteste d’ailleurs le délai moyen de 27 mois entre la commission des faits et le jugement en première instance, malgré les précisions apportées par la jurisprudence.

En ce qui concerne l’élément matériel, la Cour de cassation s’est, en particulier, attachée à établir une frontière entre les actes de séduction autorisés et ceux de harcèlement.

Ainsi, selon la Cour, « une attitude de séduction même dénuée de tact ou de délicatesse » ou « de simples signaux sociaux conventionnels lancés de façon à exprimer la manifestation d’une inclinaison » ne constituent pas en soi le délit de harcèlement sexuel, notamment en l’absence de chantage ou de pressions (17).

En revanche, dès lors que les faits reprochés à l’auteur dépassent ces signaux conventionnels et s’accompagnent de contraintes, l’infraction sera caractérisée. À titre d’exemple, la jurisprudence a pu considérer que pouvait être qualifié de harcèlement sexuel :

– le fait d’adresser à une subordonnée des remarques sur sa vie privée, de porter des appréciations axées sur son anatomie, de tenter d’obtenir des faveurs sexuelles et d’exercer des mesures de représailles professionnelles (18) ;

– le fait pour un salarié, responsable de nuit d’un établissement, de demander d’avoir des rapports sexuels avec une salariée en échange d’une augmentation de salaire, accompagné d’attouchements, même si ces faits se sont déroulés la nuit dans une ambiance festive (19) ;

– le fait pour un salarié d’avoir envers une collègue un comportement injurieux, consistant en des insultes et remarques essentiellement à caractère sexuel, et des gestes déplacés (20).

Selon la Cour de cassation, il n’est pas nécessaire que les faits de harcèlement sexuel se déroulent dans l’entreprise pour être condamnables. Elle a, en effet, jugé que « le fait pour un salarié d’abuser de son pouvoir hiérarchique dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles constitue un harcèlement sexuel même si les agissements ont lieu en dehors du temps et du lieu de travail » (21).

Malgré ces précisions jurisprudentielles, le nombre de condamnations au titre du délit de harcèlement sexuel apparaît très faible, tout comme le nombre de procédures engagées, situé autour de 1 000 par an (22).

Plus précisément, selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, entre 2005 et 2010, ont été prononcées, en moyenne, entre 70 et 85 condamnations par an, contre 30 à 40 entre 1994 et 2003 et 63 en 2004. Cette légère augmentation s’explique en partie par l’élargissement du champ du délit opéré par la loi du 17 janvier 2002.

Les peines d’emprisonnement fermes demeurent très rares, quatre condamnations annuelles au plus entre 2005 et 2010 et parfois aucune. Par comparaison, sur la même période, entre 25 et 34 peines d’emprisonnement avec sursis ont été prononcées chaque année, et dans 17 % des cas ont été infligées à titre principal des peines amendes, d’un montant de 1 000 euros en moyenne.

Comme l’indique un rapport de la Commission européenne de juillet 2009 (23), le problème du faible nombre de condamnations au titre du harcèlement sexuel touche l’ensemble des pays européens : « De nombreux États membres soulignent la méconnaissance du harcèlement et du harcèlement sexuel au sein de leur population […]. L’application de la législation pose des problèmes spécifiques, car les victimes sont particulièrement vulnérables et intentent rarement des actions en justice (la plupart des États membres mentionnent un nombre très faible de cas portés devant les tribunaux) ».

Dès 1992, le Comité des Nations-Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a adopté une définition du harcèlement sexuel. L’article 11 de sa recommandation générale n° 19 dispose ainsi que : « Le harcèlement sexuel se manifeste par un comportement inopportun déterminé par des motifs sexuels, consistant notamment à imposer des contacts physiques, à faire des avances et des remarques à connotation sexuelle, à montrer des ouvrages pornographiques et à demander de satisfaire des exigences sexuelles, que ce soit en paroles ou en actes. Une telle conduite peut être humiliante et peut poser un problème sur le plan de la santé et de la sécurité; elle est discriminatoire lorsque la femme est fondée à croire que son refus la désavantagerait dans son emploi, notamment pour le recrutement ou la promotion ou encore lorsque cette conduite crée un climat de travail hostile ».

Rappelant que « l’égalité dans l’emploi peut être gravement compromise lorsque les femmes sont soumises à la violence fondée sur le sexe, tel le harcèlement sexuel sur le lieu de travail », le comité recommande ensuite aux États parties de prendre « des mesures juridiques efficaces, comprenant sanctions pénales, recours civils et mesures de dédommagement visant à protéger les femmes contre tous les types de violence, y compris notamment la violence et les mauvais traitements dans la famille, les violences sexuelles et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail ».

Un an plus tard, en juin 1993, la Déclaration et le Programme d’action de Vienne de la Conférence mondiale sur les droits de l’homme interdit le harcèlement sexuel, en affirmant que : « Les violences qui s’exercent en fonction du sexe et toutes les formes de harcèlement et d’exploitation sexuels, y compris celles qui sont la conséquence de préjugés culturels et d’une traite internationale, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine et doivent être éliminées ».

Puis, en septembre 1995, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, issus des travaux de la quatrième conférence mondiale sur les femmes et adoptés par l’Assemblée générale des Nations-Unies, invite « les gouvernements, les employeurs, les syndicats, les organisations communautaires, les organisations de jeunesse et les organisations non gouvernementales » à « concevoir des programmes et mettre en place des procédures visant à éliminer le harcèlement sexuel et les autres formes de violence à l’égard des femmes dans les établissements d’enseignement, les lieux de travail et partout ailleurs ».

En juin 2000, l’Assemblée générale a procédé au bilan des actions entreprises depuis la conférence de 1995, et a adopté une résolution (24) demandant aux États membres de supprimer « les obstacles d’ordre structurel et juridique ainsi que les attitudes fondées sur les stéréotypes » qui freinent l’éradication des phénomènes de harcèlement sexuel.

Les Nations-Unies continuent aujourd’hui de mener des actions visant à éliminer le harcèlement sexuel, notamment dans le cadre de la campagne contre les violences faites aux femmes lancée en 2008.

L’Organisation internationale du travail a également développé, ces trente dernières années, différents outils pour lutter contre le harcèlement sexuel.

Dès 1985, la Conférence internationale du travail a affirmé que le harcèlement sexuel nuisait au bien-être des salariés ainsi qu’à leurs perspectives d’emploi et d’avancement, et a donc demandé aux États d’intégrer des mesures visant à le prévenir et à le combattre dans leurs politiques de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes (25).

Plus précisément, en 1989, l’article 20 de la convention n° 169 relative aux peuples indigènes et tribaux, a imposé aux États parties de prendre des mesures garantissant que « les travailleurs appartenant à ces peuples jouissent de l’égalité de chances et de traitement entre hommes et femmes dans l’emploi et d’une protection contre le harcèlement sexuel ».

Puis, en 1996, bien que cette convention ne le vise pas explicitement, la Commission d’experts de l’Organisation internationale du travail a reconnu que le harcèlement sexuel constituait une forme de discrimination à l’encontre des femmes, entrant dans le champ de la convention n° 111 concernant la discrimination (26). Elle émet donc régulièrement des recommandations en la matière dans ses rapports qui en contrôlent l’application.

En particulier, dans son rapport de 2003 (27), après analyse des législations des États parties, elle a retenu deux approches du harcèlement sexuel, qui réside dans :

– tout comportement non désiré à connotation sexuelle s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, ou tout autre comportement fondé sur le sexe, ayant pour effet de porter atteinte à la dignité de femmes et d’hommes, qui n’est pas bienvenu, déraisonnable et offense la personne, et le rejet d’une telle conduite par une personne, ou sa soumission à cette conduite est utilisée de manière explicite ou implicite comme base d’une décision qui affecte son travail ;

– une conduite qui a pour effet de créer un environnement de travail intimidant, hostile ou humiliant pour une personne.

Plus récemment, en 2012, la Commission d’experts a tenu à rappeler, dans son étude d’ensemble sur les conventions fondamentales, que le harcèlement sexuel « amoindrit l’égalité au travail en mettant en cause l’intégrité, la dignité et le bien-être des travailleurs », qu’il « nuit à l’entreprise en affaiblissant les fondements de la relation de travail et en diminuant la productivité », ainsi qu’à souligner « l’importance qu’il y a à prendre des mesures efficaces pour prévenir et interdire le harcèlement sexuel au travail », ces mesures devant « viser aussi bien le harcèlement qui s’apparente au chantage sexuel […] que le harcèlement qui résulte d’un environnement de travail hostile » (28).

À l’instar des autres organisations internationales, le Conseil de l’Europe a mis en place plusieurs instruments visant à éliminer le harcèlement sexuel.

Il s’agit, tout d’abord, de la Charte sociale européenne, telle que révisée en 1996, dont l’article 26 engage les États partie à « promouvoir la sensibilisation, l’information et la prévention en matière de harcèlement sexuel sur le lieu de travail ou en relation avec le travail, et à prendre toute mesure appropriée pour protéger les travailleurs contre de tels comportements », sans toutefois rendre obligatoire la promulgation d’une législation.

Il s’agit, ensuite, de la convention de mai 2011 sur la prévention de la lutte contre les violences faites aux femmes, dont l’article 40 porte sur le harcèlement sexuel et stipule que les États parties doivent prendre « les mesures législatives ou autres nécessaires pour que toute forme de comportement non désiré, verbal, non verbal ou physique, à caractère sexuel, ayant pour objet ou pour effet de violer la dignité d’une personne, en particulier lorsque ce comportement crée un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, soit soumise à des sanctions pénales ou autres sanctions légales ».

L’adoption de cette convention, plus contraignante que la Charte sociale, constitue l’aboutissement de l’action en faveur de l’égalité des droits menée depuis de nombreuses années par le Conseil de l’Europe. Elle fait suite à la recommandation sur la protection des femmes contre la violence d’avril 2002, qui a spécifiquement condamné le harcèlement sexuel, et à la campagne visant à combattre la violence à l’égard des femmes, qui s’est déroulée de 2006 à 2008.

Il faut souligner que si la France a signé la convention de mai 2011, elle ne l’a toujours pas ratifiée.

Deux directives comportent des dispositions particulièrement importantes en matière de harcèlement sexuel et des discriminations qui peuvent en découler.

Il s’agit, tout d’abord, de la directive du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (30).

Cette directive donne la définition communautaire du harcèlement sexuel, qui constitue « la situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, survient avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et, en particulier, de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

Il faut signaler que cette définition a été transposée en droit français par l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 (31), mais qu’elle n’a été ni codifiée ni assortie de sanctions pénales. Cet article n’étant pas visé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 mai 2012, il demeure donc en vigueur.

Cette directive réaffirme également que « le harcèlement et le harcèlement sexuel sont contraires au principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes et constituent une discrimination fondée sur le sexe », qui peut se manifester « non seulement sur le lieu de travail, mais également à l’occasion de l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles ». Les États membres de l’Union européenne doivent donc :

– interdire de telles discriminations et les punir de « sanctions effectives, proportionnées et dissuasives » ;

– encourager les employeurs et les personnes responsables de la formation professionnelle à prendre « des mesures préventives contre le harcèlement et le harcèlement sexuel ».

Il s’agit, ensuite, de la directive du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services (32). Cette directive rappelle, en particulier, que les discriminations fondées sur le harcèlement sexuel peuvent également survenir « dans des domaines ne relevant pas du marché du travail », et faire ainsi obstacle « à l’intégration complète et réussie des hommes et des femmes dans la vie économique et sociale ».

Avant même l’adoption des deux directives précitées, la Commission européenne avait publié un code de pratique visant à combattre le harcèlement sexuel, en annexe de sa recommandation du 27 novembre 1991 sur la protection de la dignité des femmes et des hommes au travail (33).

Ce code fournit des « lignes directrices aux employeurs, aux syndicats et aux travailleurs », afin d’encourager « l’élaboration et la mise en œuvre de politique et de pratiques permettant d’établir des lieux de travail exempts de harcèlement sexuel ».

Il recommande aux employeurs, en particulier, de publier et diffuser dans leur entreprise une déclaration de principe condamnant ces agissements et indiquant la procédure à suivre en la matière, cette procédure devant offrir un certain nombre de garanties telles que la clarté, la confidentialité et la possibilité de bénéficier d’une assistance.

Le code invite également les syndicats à prendre des mesures de sensibilisation aux problèmes de harcèlement sexuel au travail, en commençant par former leurs propres membres sur ces questions, et à insérer des clauses réprimant ces agissements dans les accords collectifs qu’ils négocient.

Il s’adresse, enfin, aux travailleurs qui, selon ses termes, « peuvent contribuer largement à décourager tout comportement de harcèlement sexuel en montrant clairement qu’ils considèrent cette conduite comme inacceptable et en apportant leur soutien aux collègues qui sont victimes de tels traitements ».

Dans le cadre de ses travaux, le groupe de travail sénatorial sur le harcèlement sexuel a publié une note portant sur les définitions de cette notion dans douze pays européens et nord-américains (34). Cette note met en évidence deux faits particulièrement intéressants par rapport au droit français :

– les dispositions sanctionnant le harcèlement sexuel ne figurent pas, en général, dans le code pénal, sauf en Espagne et en Belgique, mais dans des lois relatives à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l’égalité ;

– les définitions retenues dans la plupart des pays membres de l’Union européenne s’écartent du droit communautaire, même si elles s’en inspirent toutes, sauf au Danemark où la définition retenue par la directive du 5 juillet 2006 a été intégralement reprise.

II.- UN PROJET DE LOI ÉQUILIBRÉ ET PROTECTEUR DES VICTIMES

Le projet de loi soumis à l’Assemblée nationale vise à accroître la protection des victimes, en réintroduisant le délit de harcèlement sexuel et en renforçant la sanction des discriminations, et à harmoniser les différentes dispositions législatives relatives au harcèlement.

Le Sénat a apporté d’importantes modifications au texte déposé par le Gouvernement, en procédant, notamment, à la création de cinq articles. Le texte issu des travaux du Sénat semble équilibré à votre rapporteure pour avis, et devrait permettre de mieux prévenir et réprimer le harcèlement sexuel.

L’article 1erpropose de réintroduire le délit de harcèlement sexuel, dans une définition conforme aux exigences constitutionnelles, et de créer un délit assimilé. Ces deux délits apparaissent complémentaires et favoriseraient l’appréhension d’un large éventail de situations de harcèlement sexuel, qu’il s’agisse de faits répétés ou d’un acte unique d’une particulière gravité.

De plus, cinq circonstances aggravantes pourraient être prises en compte dans la sanction de ces délits, telles que la vulnérabilité économique ou sociale et l’abus d’autorité.

Par rapport au droit actuel, les sanctions seraient doublées, voire triplées en cas de harcèlement sexuel aggravé. En effet, ces deux délits seraient punis d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, et, en présence d’une circonstance aggravante, de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

En termes de procédure, l’article ter, introduit au Sénat, propose d’améliorer l’accompagnement des victimes en autorisant les associations de lutte contre le harcèlement sexuel à exercer les droits de la partie civile devant les juridictions pénales.

Au-delà du rétablissement du délit de harcèlement sexuel, plusieurs articles du projet de loi renforcent la répression des discriminations.

L’article 2 incrimine les discriminations faisant suite à un harcèlement sexuel, en affirmant que ces agissements constituent un cas de discrimination, à l’instar du handicap ou de l’origine. Il les soumet au même régime de sanction que les autres formes de discriminations, punies de peines de trois à cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 à 75 000 euros d’amende, en fonction de la nature et de la gravité des faits.

De la même manière, l’article 2 bis incrimine les discriminations fondées sur l’identité sexuelle. Cet article, créé par le Sénat, vise à mieux protéger certaines catégories de population, telles que les personnes transsexuelles.

En matière procédurale, l’article 2 quater propose d’autoriser les associations de lutte contre les violences fondées sur l’orientation sexuelle à défendre les droits des victimes de discriminations en justice. Cet article a été introduit à l’initiative du Sénat.

Le présent projet de loi vise également à harmoniser les dispositions relatives au harcèlement sexuel ou moral, qui figurent dans le code pénal, dans le code du travail et dans le statut de la fonction publique.

L’article 3 supprime ainsi les définitions autonomes des délits de harcèlement sexuel ou moral prévues par le code du travail, pour que ce dernier opère désormais par renvoi au code pénal. Il s’agit de garantir la cohérence dans le temps des textes réprimant ces phénomènes, sans que soient affectées les spécificités de la procédure applicable en droit social, notamment en matière de charge de la preuve. Cet article étend aussi les compétences des délégués du personnel et des services de santé au travail en matière de harcèlement sexuel, et rétablit la sanction des discriminations liées au harcèlement, supprimée en 2008.

Créé par le Sénat, l’article bis harmonise les dispositions relatives au harcèlement sexuel prévues par le statut de la fonction publique avec celles du code pénal. Au-delà de cette mise en cohérence, il propose d’inscrire dans ce statut une interdiction de principe des faits de harcèlement sexuel, alors qu’aujourd’hui y sont seules réprimées les discriminations découlant de ces agissements.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires sociales examine pour avis le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au harcèlement sexuel (n° 82) lors de sa séance du mardi 17 juillet 2012.

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

Mme Barbara Romagnan, rapporteure pour avis. Madame la présidente, mes chers collègues, dans sa décision du 4 mai dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article 222-33 du code pénal, qui sanctionnait le délit de harcèlement sexuel, contraire à la Constitution, en raison de son imprécision au regard du principe de légalité des délits et des peines tel que posé par l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Les conséquences de cette décision sont très graves. Elle a tout d’abord créé un vide juridique, le harcèlement sexuel n’étant désormais réprimé que s’il est commis dans le cadre du travail et non plus de façon générale. Une partie des victimes se trouvent ainsi privées de recours pour obtenir la condamnation de leur agresseur. Cette décision interdit également la poursuite des procédures en cours sur le fondement de l’article supprimé : celles-ci devront donc être abandonnées, si la requalification des faits s’avère impossible.

Le Gouvernement a immédiatement réagi à cette situation en déposant au Sénat un projet de loi visant à rétablir le délit de harcèlement sexuel et à améliorer la protection des victimes. Le Sénat a apporté à ce texte d’importantes modifications, tenant compte notamment des travaux réalisés par le groupe de travail créé en son sein.

Malgré la gravité de ses conséquences, le phénomène du harcèlement sexuel demeure encore largement méconnu, faute d’avoir fait l’objet de recherches. Les données disponibles pour la France sont, soit anciennes, soit de portée réduite. Je pense notamment à une étude menée en 2007 sur un échantillon représentatif de femmes travaillant en Seine-Saint-Denis, ou encore à une étude de l’Organisation internationale du travail indiquant que, dans l’Union européenne, 40 à 50 % des femmes ont signalé une forme quelconque de harcèlement sexuel ou de comportement sexuel indésirable sur leur lieu de travail. C’est pourquoi il me semble nécessaire de créer une structure pérenne ayant pour mission générale de collecter les données sur les violences faites aux femmes.

C’est d’autant plus urgent que ce phénomène emporte de graves conséquences, à la fois pour les salariés qui en sont victimes, le harcèlement sexuel ayant des répercussions très négatives sur leur santé, leur moral voire leur carrière, puisqu’ils peuvent être contraints de démissionner, mais aussi pour les entreprises, le harcèlement sexuel nuisant à la productivité de leurs salariés et à leur image, et pour la société dans son ensemble, qui supporte le coût des arrêts de travail.

L’ampleur de ces enjeux explique que de très nombreuses organisations internationales, telles que l’ONU, l’Organisation internationale du travail ou le Conseil de l’Europe, se soient dotées d’instruments visant à lutter contre ce phénomène. De même, notre droit offre aujourd’hui un arsenal juridique à la fois varié et complet contre le harcèlement sexuel.

Le projet de loi qui est soumis à notre commission vise à accroître la protection des victimes, en renforçant la sanction du harcèlement sexuel et des discriminations en découlant, et à harmoniser les différentes dispositions législatives relatives au harcèlement.

Il propose d’abord, dans son article 1er, de réintroduire le délit de harcèlement sexuel, dans une définition conforme aux exigences constitutionnelles, et de créer un délit assimilé. Ces deux délits apparaissent complémentaires et favoriseraient l’appréhension d’un large éventail de situations de harcèlement sexuel, qu’il s’agisse de faits répétés ou d’un acte unique d’une particulière gravité.

De plus, le projet de loi définit cinq circonstances aggravantes susceptibles d’être prises en compte dans la sanction de ces délits, telles que la vulnérabilité économique ou sociale et l’abus d’autorité. Par rapport au droit actuel, les sanctions seraient doublées, voire triplées en cas de harcèlement sexuel aggravé. En effet, ces deux délits seraient punis d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, et, en présence d’une circonstance aggravante, de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

En termes de procédure, l’article 2 ter propose d’améliorer l’accompagnement des victimes en autorisant les associations de lutte contre le harcèlement sexuel à les représenter devant les juridictions pénales.

Au-delà du rétablissement du délit de harcèlement sexuel, plusieurs articles du projet de loi renforcent la répression des discriminations.

L’article 2 incrimine les discriminations faisant suite à un harcèlement sexuel, en affirmant que ces agissements constituent un cas de discrimination, à l’instar du handicap ou de l’origine. Il les soumet au même régime de sanction que les autres formes de discriminations, punies de peines de trois à cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 à 75 000 euros d’amende.

De la même manière, l’article 2 bis incrimine les discriminations fondées sur l’identité sexuelle. Cet article vise à mieux protéger certaines catégories de population, telles que les personnes transsexuelles.

En matière procédurale, l’article 2 quater propose d’autoriser les associations de lutte contre les violences fondées sur l’orientation sexuelle à défendre les droits des victimes en justice.

Le projet de loi vise également à harmoniser les dispositions relatives au harcèlement sexuel ou moral, qui figurent dans le code pénal, dans le code du travail et dans le statut de la fonction publique.

L’article 3 supprime ainsi les définitions autonomes des délits de harcèlement sexuel ou moral prévues par le code du travail, pour que ce dernier opère désormais par renvoi au code pénal. Il s’agit de garantir la cohérence dans le temps des textes réprimant ces phénomènes.

Par ailleurs, cet article étend les compétences des délégués du personnel et des services de santé au travail en matière de harcèlement sexuel.

L’article 3 bis harmonise les dispositions relatives au harcèlement sexuel prévues par le statut de la fonction publique avec celles du code pénal. Au-delà de cette mise en cohérence, il propose d’inscrire dans ce statut une interdiction de principe des faits de harcèlement sexuel, alors qu’aujourd’hui y sont seules réprimées les discriminations découlant de ces agissements.

Enfin, les articles 4 à 6 étendent le bénéfice des améliorations proposées par le projet de loi aux départements et collectivités d’outre-mer.

C’est donc un projet clarifié, enrichi et équilibré qui est soumis à notre commission, et je vous invite à l’adopter.

Mme la présidente Catherine Lemorton. On peut espérer que ce texte contribuera à « faire sortir du bois » les victimes de ce délit, aujourd’hui insuffisamment dénoncé, qu’il s’agisse de harcèlement moral ou sexuel.

M. Gérard Sébaoun. Le vide juridique créé par la décision du Conseil constitutionnel est aggravé par le fait que cette décision est immédiatement applicable. Les deux candidats à la présidence de la République, MM. Nicolas Sarkozy et François Hollande, ont réagi immédiatement, s’engageant tous deux à faire adopter un nouveau texte de loi selon la procédure accélérée. Certaines associations, voire certains sénateurs auraient préféré consacrer plus de temps aux travaux préparatoires, mais l’urgence d’aider les victimes ne nous en laisse pas le loisir.

Quoique souvent passé sous silence dans la société française et dans les entreprises, le harcèlement sexuel constitue un phénomène de première importance, qui touche majoritairement les femmes, la plupart du temps dans le cadre des relations au travail, comme nous l’ont confirmé les associations et les représentants des syndicats et des organisations patronales que nous avons entendus.

Ce projet de loi a été préparé en amont par sept propositions de lois sénatoriales, dont le texte du Gouvernement s’inspire. L’examen du projet de loi par le Sénat a par ailleurs permis d’aboutir à un texte équilibré, harmonisant, en la matière, code pénal, code du travail et statut de la fonction publique.

Ce texte innove notamment en ce qu’il permet à l’inspection du travail, aux représentants du personnel et aux services de santé au travail d’être des acteurs du signalement. Je déplore que les entreprises de moins de onze salariés ne puissent pas bénéficier de ces avancées pour la simple raison qu’elles n’ont pas l’obligation de disposer de représentants du personnel. C’est un problème dont il faudra débattre.

Sur le plan juridique, le texte ne suscite pas d’opposition chez les syndicats de magistrats. En revanche, certaines associations ont exprimé la crainte que la sanction du fait unique d’une gravité particulière ne crée un risque de déqualification de faits d’agression sexuelle en harcèlement. En dehors de cette difficulté, ce texte n’appelle pas la polémique, comme l’a montré son adoption à l’unanimité par le Sénat.

Mme Bérengère Poletti. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a, le 4 mai dernier, déclaré contraire à la Constitution la disposition du code pénal sanctionnant le délit de harcèlement du fait de l’imprécision de sa formulation. Selon lui, ce délit n’était pas défini en termes suffisamment clairs pour exclure l’arbitraire.

Face au vide juridique créé par cette décision, insupportable et incompréhensible pour les victimes, il apparaît urgent de rendre ce délit à nouveau punissable. En effet, ce sont au moins cent procédures pour harcèlement sexuel qui se trouvent du coup anéanties. Le pire est que la question prioritaire de constitutionnalité à l’origine de la décision du Conseil a été posée par un harceleur dont la conduite aurait dû être plus exemplaire eu égard à son statut d’élu. Ce harceleur, ancien parlementaire, ancien secrétaire d’Etat, adjoint au maire de sa commune, a été accusé de harcèlement sexuel par trois employées de la mairie, toutes trois en situation précaire. Condamné en première instance et plus sévèrement encore en appel, il s’est pourvu en cassation et a alors saisi le Conseil constitutionnel.

Il convient, dans cette perspective, de saluer le travail accompli par des sénateurs de différents groupes politiques sur cette question et qui s’est conclu par une adoption à l’unanimité de la Haute Assemblée du texte qui nous est aujourd’hui soumis. On ne peut que se féliciter que des questions qui engagent à ce point la dignité humaine n’autorisent aucune mésentente fondée sur l’appartenance politique. Pour les victimes, majoritairement des femmes, nous avons le devoir d’agir rapidement et d’aller à l’essentiel dans nos débats.

Le texte redéfinit le harcèlement sexuel comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements à connotation sexuelle, qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante ». L’esprit du texte est clair : il s’agit d’élargir la définition du délit et de ne pas la limiter à l’existence de pressions dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles. Le projet de loi prévoit, en outre, de nouvelles sanctions plus dissuasives. C’est naturellement un progrès par rapport au texte abrogé qui définissait simplement le harcèlement comme « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » et le punissait d’un an emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Le projet de loi doit tenir compte des éléments motivant la décision du Conseil constitutionnel afin d’assurer la solidité juridique du texte. Il doit par ailleurs apporter dans l’urgence une réponse aux victimes puisque depuis le 4 mai, les faits nouveaux de harcèlement sexuel ne peuvent être poursuivis sur le fondement des anciennes dispositions du code pénal.

Enfin, le projet de loi introduit dans le code pénal une disposition qui permettra de réprimer les mesures discriminatoires dont les victimes de harcèlement sexuel peuvent faire l’objet. Ainsi, un employeur qui licencie un salarié, ou qui refuse d’embaucher un candidat lors d’un recrutement parce qu’il ou elle aura résisté à ses avances, pourra être pénalement sanctionné.

Reconnaissant l’urgence de la situation, le groupe UMP est favorable à l’adoption rapide de ce texte. Il répond à ses objectifs, qui sont à la fois de couvrir l’ensemble des situations possibles et de permettre une répression adaptée à la gravité de ces agissements.

M. Francis Vercamer. Le Conseil constitutionnel a motivé sa décision en se fondant sur le caractère insuffisamment clair des éléments constitutifs du délit de harcèlement sexuel tels qu’ils avaient été définis par la loi. Le législateur est aujourd’hui placé face à une double responsabilité.

Premièrement, nous devons proposer le plus rapidement possible une nouvelle définition de ce délit afin de faire cesser une situation d’insécurité juridique en donnant une base légale aux poursuites futures. On peut, d’ailleurs, s’interroger sur le sort des affaires en cours et la question de la réparation due aux victimes dont les procédures ont dû être abandonnées. Deuxièmement, nous devons élaborer une définition suffisamment précise pour que tous les cas de harcèlement puissent être sanctionnés.

Le projet de loi adopté par le Sénat nous semble pouvoir être amélioré sur certains points et le groupe de l’Union des démocrates et des indépendants (UDI) présentera des amendements en ce sens.

Ainsi, pourquoi limiter à quinze ans l’âge de la victime constituant une circonstance aggravante ? Nous pensons que l’état de minorité en général devrait constituer une circonstance aggravante, d’autant que de nombreux mineurs de plus de quinze ans travaillent en entreprise, notamment dans le cadre de l’apprentissage.

Deuxièmement, nous nous interrogeons sur la pertinence des conditions de prescription de l’action publique retenu par le texte. En effet, on peut raisonnablement penser que les victimes de harcèlement ne porteront pas plainte avant d’avoir pu quitter l’entreprise où elles ont été ou sont harcelées. Dans ces conditions ne vaudrait-il pas mieux faire démarrer le délai de prescription à la date de la fin des relations contractuelles ?

Par ailleurs, même si la jurisprudence considère déjà que les agissements de harcèlement dans le cadre des relations de travail peuvent être commis en dehors de l’entreprise, il me paraît important pour les victimes que le texte précise explicitement ce point.

On peut enfin s’interroger sur la pertinence de l’échelle des peines, quand on voit que la peine proposée pour sanctionner le harcèlement simple est inférieure à celle prévue pour le vol, celui-ci étant puni de trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Ne pourrait-on pas au moins aligner la sanction du harcèlement sur la peine prévue pour le vol ?

M. Jean-Noël Carpentier. Je me félicite de la procédure qui a été retenue pour faire adopter ce texte : il est de notre devoir de répondre rapidement à la détresse des milliers de concitoyens et concitoyennes victimes de harcèlement sexuel. C’est la raison pour laquelle nous sommes favorables au vote de ce texte, dont j’espère qu’il sera adopté à l’unanimité.

M. Christophe Cavard. Les élus écologistes sont d’autant plus favorables à ce projet de loi relatif au harcèlement sexuel qu’il est urgent de remédier aux répercussions négatives que la décision du Conseil constitutionnel a sur nombre de procédures en cours. Au-delà, il s’agit de définir précisément les critères permettant de qualifier ce délit dont nul ici ne conteste la gravité. La France sera aussi jugée sur sa capacité à régler ce type de problèmes, qui se posent à de nombreux pays. Au Japon, on a été jusqu’à réserver certaines rames aux femmes dans les transports urbains pour éviter que celles-ci ne soient harcelées. Dans certains pays, la situation est proprement effrayante : ainsi plus de 90 % des femmes afghanes disent avoir été victimes de tels agissements. D’où l’importance pour la France d’être exemplaire en ce domaine.

Une fois ce projet de loi voté, sans doute avec une belle unanimité, il faudra aussi, comme le président de la Commission des lois du Sénat nous y invite, effectuer un travail d’évaluation de toutes les problématiques liées au sujet du harcèlement sexuel – je pense notamment à son traitement judiciaire, mais également aux problématiques de prévention : les deux assemblées pourraient par exemple envisager de mettre en place, en collaboration avec le ministère concerné, un dispositif de suivi, du type observatoire.

M. Laurent Marcangeli. Le texte, qui sera certainement adopté à l’unanimité, pose deux problèmes. Le premier, qui échappe en partie au législateur, tient à l’administration de la preuve. Notre droit impose à la victime de prouver la réalité des faits. Or, en tant qu’avocat, je sais combien cette tâche est délicate pour une victime du harcèlement moral ou sexuel au travail.

D’autre part, en étendant la définition du harcèlement, n’offrons-nous pas à certains avocats la possibilité de faire requalifier en harcèlement certaines agressions sexuelles ou tentatives de viol ?

M. Christian Hutin. J’espère moi aussi que ce texte fera l’unanimité. Lors de la précédente législature, nous avons beaucoup travaillé sur les violences faites aux femmes, mais il vaudrait mieux parler de violences faites aux conjoints, car dans 5 % des cas les victimes sont des hommes – en tant que médecin, je peux en témoigner.

Par ailleurs, c’est une bonne chose que le texte envisage la notion de discrimination, dont souffrent parfois les personnes homosexuelles et transsexuelles, trop rarement mentionnés dans la loi.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je salue le travail de Pascale Crozon, rapporteure de ce texte pour la Commission des lois, et des deux rapporteures pour avis, Barbara Romagnan pour notre commission, et Ségolène Neuville pour la Délégation aux droits des femmes. Toutes trois ont procédé ensemble à de très nombreuses auditions.

Mme Gisèle Biémouret. Certains articles parus récemment dans la presse accréditent l’idée que le harcèlement aurait cours à l’Assemblée nationale. Je suis très choquée que l’on dégrade ainsi l’image des assistantes parlementaires. Rappelons donc, au moment où nous entamons la discussion de ce texte, que notre maison est d’abord un lieu où l’on travaille.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Voilà qui méritait d’être dit.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Depuis que la décision du Conseil constitutionnel a privé certains plaignants de tout appui législatif, le texte est particulièrement attendu, et je souhaite moi aussi son adoption à l’unanimité. Cependant, certaines dispositions peuvent poser problème : comment notamment protéger ceux qui effectuent un stage dans le cadre d’une convention avec un établissement scolaire ?

Enfin, puisque le texte majore les peines quand les faits concernent une personne en situation de handicap, par définition vulnérable, je suggère que nous nous inspirions du rapport que notre ancienne collègue George Pau-Langevin avait rédigé sur leur situation toujours délicate.

Mme la rapporteure pour avis. Merci du soutien que vous apportez aux victimes. Si, sur ces sujets, qui ont déjà fait l’objet de nombreux rapports, nous avons tenu à effectuer beaucoup d’auditions, et parfois à entendre de nouveau certaines personnes interrogées au Sénat, c’est parce que la situation évolue sans cesse, et que rien ne stimule autant la réflexion qu’un échange direct.

Le 11 juillet, Mme la garde des sceaux a effectué un bilan sur l’état des procédures en cours. À la suite de la décision du Conseil constitutionnel, six des quatre-vingts enquêtes préliminaires ont été classées, et l’abandon de l’action publique a été prononcé dans deux informations judiciaires sur dix-neuf, sachant que huit requalifications avaient déjà été engagées. Sur les seize affaires en cours d’audiencement, treize pourront être requalifiées. Enfin, sur les quinze affaires parvenues à l’audience depuis la décision du Conseil constitutionnel, quatre se sont soldées par une extinction de l’action publique. Pour les autres, des requalifications ont pu être établies.

En ce qui concerne le droit comparé, les dispositions réprimant le harcèlement sexuel figurent dans le code pénal en Espagne et en Belgique mais, dans les autres pays d’Europe, dans les lois relatives à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l’égalité. Pour définir le délit, la plupart des pays de l’Union européenne se sont écartés du droit communautaire, à l’exception du Danemark, qui a repris intégralement les termes de la directive du 5 juillet 2006.

Loin de diminuer les possibilités d’incrimination, l’expression « dans le cadre des relations de travail » devrait au contraire les étendre, puisque la jurisprudence estime qu’un salarié est considéré comme tel où qu’il soit, tant sur son lieu de travail que, par exemple, le dimanche, à la piscine. La Chancellerie nous l’a confirmé.

La condamnation à deux ans d’emprisonnement pour harcèlement sexuel a souvent été jugée trop faible, comparée aux trois ans qui sanctionnent le vol d’un portable, mais, sur ce point, la réflexion doit s’inscrire dans le cadre d’une révision globale de l’échelle des peines, qui dépasse le cadre de notre réflexion. À mon sens, la vraie question est de savoir s’il faut sanctionner de trois ans d’emprisonnement le vol d’un portable.

Laurent Marcangeli a souligné à juste titre la difficulté d’apporter des preuves en matière de harcèlement. Quatre-vingts à quatre-vingt-dix condamnations sont prononcées par an, ce qui est fort peu, le nombre de plaintes enregistrées étant très inférieur à celui des faits. Le risque de déqualification en harcèlement d’une agression sexuelle ou d’une tentative de viol est souvent soulevé par des associations, mais, sur ce point, les magistrats m’ont convaincue. Si l’on déqualifie les faits, c’est non pour alléger la sanction, mais afin de prononcer une peine, lorsque la condamnation pour viol ou agression sexuelle ne peut intervenir, faute de preuve.

L’âge de quinze ans, qui correspond à la majorité sexuelle, a été retenu dans un souci de cohérence du code pénal. De plus, la circonstance aggravante d’abus d’autorité sera retenue en cas de harcèlement d’un mineur entre quinze et dix-huit ans.

Quant à savoir, monsieur Vercamer, si le délai de prescription doit commencer au moment des faits ou à la cessation du contrat de travail, le problème n’a pas été abordé lors des auditions. Je vous livre la réponse de la garde des sceaux à Mme la sénatrice Muguette Dini, auteure d’un amendement rejoignant votre proposition :

« Notre souci, dans ce texte, est de créer les conditions pour que la victime soit le plus rapidement possible en capacité de porter plainte, plutôt que de lui octroyer, presque ad vitam aeternam, un délai pour agir en justice. En effet, pour cette infraction en particulier, plus il s’écoule de temps après les faits, plus il sera difficile de rassembler des preuves et de trouver des témoins.

« De notre point de vue, la solution réside davantage dans les conditions que nous créons pour que la victime soit en capacité de déposer plainte, en la protégeant contre toute forme de discrimination, c’est-à-dire contre la sanction qu’elle pourrait encourir pour avoir refusé de subir le harcèlement. Tel est l’objet de l’article 2. C’est aussi dans cette perspective que nous proposons de modifier le code du travail et de protéger les témoins.

« Notre souci est donc, d’une part, de nous prémunir contre les risques du temps qui passe – je pense à la difficulté grandissante de prouver les faits et de trouver des témoins – et, d’autre part, de protéger immédiatement la victime, ce qui facilite le dépôt de la plainte. »

M. Francis Vercamer. N’est-ce pas une manière d’infliger une double peine à la victime ? On sait combien il est difficile à un salarié de porter plainte contre son employeur !

II.- EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

(Art. 222-33 du code pénal)


Rétablissement et redéfinition du délit de harcèlement sexuel

Le présent article vise à rétablir l’article 222-33 du code pénal, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel le 4 mai 2012 (35), mais dans une rédaction très différente de sa rédaction antérieure. Seraient, en effet, créées deux incriminations de harcèlement sexuel et cinq circonstances aggravantes.

Pour mémoire, avant son abrogation, l’article 222-33 du code pénal prévoyait uniquement que « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

1. La création de deux incriminations punies des mêmes peines

Le présent article propose la création de deux incriminations : un délit de harcèlement sexuel et un délit assimilé, qui seraient punis de peines identiques.

a) Le délit de harcèlement sexuel

Le délit de harcèlement sexuel serait défini au I du nouvel article 222-33, qui disposerait que : « Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou agissements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante ».

Pour être caractérisé, ce délit suppose donc la commission d’actes :

– répétés ;

– consistant en des propos ou des agissements ;

– revêtant une connotation sexuelle ;

– qui sont imposés à la victime ;

– qui ont pour effet soit de porter atteinte à la dignité de la victime, soit de créer une situation intimidante, hostile ou offensante à son égard.

Par rapport au projet de loi déposé par le Gouvernement, le Sénat a apporté deux principales modifications à la définition de ce délit.

Il a, tout d’abord, préféré retenir les termes, plus larges, de « propos ou agissements à connotation sexuelle » (36), à ceux de « propos, comportements ou tous autres actes à connotation sexuelle » qui avaient été adoptés en commission, et à ceux de « gestes, propos ou tous autres actes à connotation sexuelle » proposés par le projet de loi.

Le Sénat a, ensuite, remplacé le terme « environnement » par celui de « situation », plus familier au droit pénal français (37).

b) Le délit assimilé au harcèlement sexuel

Le délit assimilé au harcèlement sexuel serait défini au II du nouvel article 222-33, qui prévoirait que : « Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user d’ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».

Pour être caractérisé, ce délit assimilé suppose donc la commission d’actes :

– unique ou répétés ;

– consistant en des ordres, des menaces, des contraintes ou toute autre forme de pression grave ;

– ayant pour finalité réelle ou du moins apparente pour la victime, d’obtenir un acte de nature sexuelle pour soi-même ou pour un tiers.

Il s’agit ici de permettre la répression autonome d’agissements visant directement à obtenir un acte sexuel, même s’ils n’ont été commis qu’une seule fois. Sont, par exemple, visées les situations de chantage sexuel.

Le Sénat a apporté deux principales améliorations à la définition de ce délit assimilé.

Lors de l’examen du texte, la commission des lois a, tout d’abord, rendu ce délit autonome du délit de harcèlement sexuel figurant au I du nouvel article 222-33 (38). En effet, à l’origine, le projet de loi prévoyait que, pour être sanctionnés, les faits incriminés au II devaient également remplir les conditions imposées au I.

Lors de son examen en séance publique, le Sénat a retenu l’expression « acte de nature sexuelle », plutôt que celle de « relation de nature sexuelle », afin de permettre aux magistrats de sanctionner les agissements visant à obtenir de simples contacts physiques et non pas uniquement ceux ayant pour but d’obtenir un rapport sexuel (39).

c) Des peines identiques

Le premier alinéa du III du nouvel article 222-33 prévoit les sanctions applicables aux deux délits : deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Ils sont donc punis des mêmes peines.

Il s’agit là d’une importante modification apportée par la commission des lois du Sénat (40). En effet, à l’origine, le projet de loi prévoyait, pour le délit de harcèlement sexuel, une sanction plus faible que pour le délit assimilé, d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Pour mémoire, cette dernière peine était celle applicable au délit de harcèlement sexuel avant la décision du Conseil constitutionnel.

2. La création de cinq circonstances aggravantes donnant lieu à des peines renforcées

Le III du nouvel article 222-33 propose, ensuite, la création de cinq circonstances aggravantes donnant lieu à des peines renforcées.

a) Les cinq circonstances aggravantes proposées

Les 1° à 4° du III du nouvel article 222-33 énumèrent les cinq circonstances aggravantes proposées par le projet de loi, à savoir l’accomplissement d’un ou plusieurs actes de harcèlement sexuel :

– par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions (1°) ;

– sur un mineur de quinze ans (2°) ;

– sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur (3°) ;

– en profitant de la particulière vulnérabilité ou dépendance de la victime résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale, apparente ou connue de l’auteur (3° bis) ;

– par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice (4°).

Il faut signaler ici que le projet de loi ne contenait pas, au départ, la circonstance aggravante de vulnérabilité économique, qui a été rajoutée lors des débats en séance publique au Sénat, à l’initiative du Gouvernement (41). Cette circonstance aggravante revêt, en effet, un intérêt particulier en matière de harcèlement sexuel, souvent commis par des personnes qui abusent de la situation précaire de la victime, qu’elle soit personnelle ou professionnelle.

b) Des peines renforcées

Lorsque, dans la qualification d’actes de harcèlement sexuel, aura été retenue l’une des cinq circonstances aggravantes précitées, l’auteur des faits pourrait se voir infliger une peine allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, en vertu du deuxième alinéa du III du nouvel article 222-33.

La sanction des deux délits, en présence d’une circonstance aggravante, serait donc identique. Là encore, ce régime commun découle d’une modification apportée par la commission des lois (42). En effet, le projet de loi initial prévoyait, pour le délit de harcèlement sexuel aggravé, une sanction inférieure, à savoir deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

*

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1ersans modification.

Article 2

(Art. 225-1-1 [nouveau] 225-2 et 432-7 du code pénal,
art. L. 1110-3, L. 1110-3-1 et L. 1541-2 du code de la santé publique)


Incrimination des discriminations faisant suite à un harcèlement sexuel

Le présent article vise à instaurer une incrimination spécifique des discriminations liées à un harcèlement sexuel.

Le I propose la création d’un nouvel article 225-1-1 du code pénal prévoyant que : « Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes résultant du fait qu’elles ont subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel tels que définis à l’article 222-33, y compris si ces agissements n’ont pas été commis de façon répétée ».

Ce nouvel article reconnaîtrait donc le harcèlement sexuel comme un cas de discrimination, à l’instar de l’origine, du sexe ou du handicap.

Les II et III appliquent à cette nouvelle incrimination un régime de sanction identique à celui des autres formes de discriminations, à savoir :

– une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, lorsqu’elle consiste, notamment, à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne, ou à subordonner à un harcèlement sexuel une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise ;

– une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, lorsqu’elle réside, notamment, dans le refus du bénéfice d’un droit accordé par la loi émanant d’une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions.

Les II et III complètent à cette fin les articles 225-2 et 432-7 du même code pour qu’ils visent le nouvel article 225-1-1.

Issu d’un amendement de coordination adopté en commission au Sénat (43), le IV propose d’introduire cette nouvelle incrimination dans le code de la santé publique, qui réprime aujourd’hui le refus de soin fondé sur les motifs discriminatoires prévus par le code pénal. Il modifie à cette fin les articles L. 110-3, L. 1110-3-1 et L. 1541-2 du code de santé publique pour qu’ils visent le nouvel article 225-1-1 du code pénal.

*

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.

Article 2 bis

(Art. 225-1 du code pénal)


Incrimination des discriminations commises
à raison de l’identité sexuelle

Le présent article, issu d’un amendement adopté en séance publique au Sénat (44), a pour objet d’incriminer les discriminations fondées sur l’identité sexuelle.

Il complète, à cette fin, la liste des cas de discriminations prévue par l’article 225-1 du code pénal, pour qu’elle inclue également l’identité sexuelle. Pour mémoire, aujourd’hui, sont considérés comme des motifs de discrimination : l’origine, le sexe, la situation de famille, la grossesse, l’apparence physique, le patronyme, l’état de santé, le handicap, les caractéristiques génétiques, les mœurs, l’orientation sexuelle, l’âge, les opinions politiques, les activités syndicales, l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

Si la liste des cas de discrimination prévoit donc déjà l’orientation sexuelle, ce motif ne permet pas de saisir correctement les phénomènes de discrimination dont sont notamment victimes les personnes transsexuelles, qui constituent pourtant des cibles privilégiées de ces formes de violences.

La discrimination fondée sur l’identité sexuelle serait punie des mêmes peines que les autres formes de discrimination, à savoir de trois à cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 à 75 000 euros d’amende selon la nature et la gravité des faits.

*

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 bis sans modification.

Article 2 ter

(Art. 2-2 du code de procédure pénale)


Exercice des droits reconnus à la partie civile par
les associations de lutte contre le harcèlement sexuel

Le présent article, issu d’un amendement adopté en séance publique au Sénat (45), a pour objectif de permettre aux associations de lutte contre le harcèlement sexuel de défendre les victimes devant les juridictions pénales.

Il propose de modifier l’article 2-2 du code de procédure pénale, afin qu’il vise ces associations. Aujourd’hui, cet article dispose que :

« Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, dont l’objet statutaire comporte la lutte contre les violences sexuelles ou contre les violences exercées sur un membre de la famille, peut exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne les atteintes volontaires à la vie et à l’intégrité de la personne, les agressions et autres atteintes sexuelles, l’enlèvement et la séquestration et la violation de domicile réprimés par les articles 221-1 à 221-4, 222-1 à 222-18, 222-23 à 222-33, 224-1 à 224-5, 226-4 et 432-8 du code pénal, lorsque la victime de ces infractions était majeure à la date des faits. »

Parmi les infractions pour lesquelles les associations peuvent représenter les victimes, figure donc le délit de harcèlement sexuel prévu par l’article 222-33 du code pénal. Il apparaît dès lors utile d’autoriser les associations combattant spécifiquement ce phénomène à exercer les droits des victimes en justice.

Il faut signaler ici que ces associations seront habilitées à défendre non seulement des personnes ayant subi un harcèlement sexuel, mais aussi les victimes des autres infractions mentionnées par l’article 2-2 du code de procédure pénale.

*

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 ter sans modification.

Article 2 quater

(Art. 2-2 du code de procédure pénale)


Exercice des droits reconnus à la partie civile par
les associations de lutte contre les discriminations

Le présent article, issu d’un amendement adopté en séance publique au Sénat (46), vise à actualiser et compléter l’article 2-6 du code de procédure pénale.

Aujourd’hui, cet article autorise les associations de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe et les mœurs à exercer en justice les droits des victimes des discriminations réprimées par le code pénal, lorsqu’elles ont été commises en raison du sexe, de la situation de famille ou des mœurs, et « par l’article L. 123-1 du code du travail ». Or, ce dernier article a disparu lors de la recodification du code du travail en 2008.

Le propose donc, tout d’abord, de mettre à jour la rédaction de l’article 2-6 du code de procédure pénale, afin qu’il fasse désormais référence à l’article L. 1146-1 du code du travail, qui sanctionne la violation des dispositions relatives à l’égalité professionnelle, et qui a remplacé l’article L. 123-1.

Il propose également d’élargir triplement son objet :

– en y visant l’article L. 1155-2 du code du travail qui, si le projet de loi est adopté, réprimera les discriminations fondées sur le harcèlement sexuel ou moral ;

– en permettant aux associations de lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle de défendre les victimes ;

– en précisant, au vu de ces deux modifications, que les associations habilitées peuvent exercer les droits des victimes pour les discriminations commises non seulement en raison du sexe, de la situation de famille ou des mœurs, mais aussi en raison de « l’orientation sexuelle de la victime ou à la suite d’un harcèlement sexuel ».

Ainsi, dans sa nouvelle rédaction, l’article 2-6 du code de procédure pénale autoriserait les associations combattant les discriminations fondées sur le sexe, sur les mœurs ou sur l’orientation sexuelle, à mettre en œuvre les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les discriminations réprimées par le code pénal et par les articles L. 1146-1 et L. 1155-2 du code du travail, lorsqu’elles seront commises en raison du sexe, de la situation de famille, des mœurs ou de l’orientation sexuelle de la victime ou à la suite d’un harcèlement sexuel.

Le propose ensuite de modifier l’alinéa 2 de l’article 2-6 du code de procédure pénale pour qu’il précise que, « en ce qui concerne les discriminations commises à la suite d’un harcèlement sexuel », les associations devront toutefois justifier de l’accord de la victime. Il s’agit d’une clarification rédactionnelle.

*

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 quater sans modification.

Article 3

(Articles L. 1152-1, L. 1153-1, L. 1153-2, L. 1155-2 à L. 1155-4,
L. 2313-2, L. 4622-2 et L. 8112-2 du code du travail)


Harmonisation des définitions du harcèlement sexuel ou moral figurant
dans le code du travail avec les définitions de ces délits dans le code pénal
Prévention et constatation des délits de harcèlement sexuel ou moral

Le présent article vise à harmoniser les dispositions du code du travail relatives au harcèlement sexuel ou moral avec celles prévues par le code pénal, ainsi qu’à améliorer la prévention de ces phénomènes.

1. L’harmonisation des dispositions relatives au harcèlement sexuel et moral dans le code du travail et le code pénal

Pour différents motifs de sécurité juridique, le présent article propose de supprimer au sein des articles du code du travail incriminant le harcèlement sexuel et le harcèlement moral, les définitions de ces délits, et d’opérer par renvoi à celles figurant dans le code pénal.

a) L’incrimination aujourd’hui autonome du harcèlement sexuel dans le code du travail

Jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel, deux incriminations du harcèlement sexuel coexistaient : celle de l’article 223-23 du code pénal et celle de l’article L. 1153-1 du code du travail. Leur définition différait légèrement :

– l’article 222-33 du code pénal disposait que : « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende » ;

– l’article L. 1153-1 du code du travail énonce que : « Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits ».

Aujourd’hui, seul subsiste le délit prévu par le code du travail. Cependant, en raison de sa définition peu précise et proche de celle que prévoyait le code pénal, il pourrait être à son tour déclaré contraire à la Constitution en cas de nouvelle question prioritaire de constitutionnalite (QPC). En effet, comme l’indique le commentaire de la décision du 4 mai 2012 aux cahiers du Conseil constitutionnel, « si ces dispositions ne sont pas contestées, elles sont nécessairement liées au sort de la QPC puisque leur contenu est proche de celui de la disposition contestée ».

b) L’harmonisation des dispositions relatives au harcèlement sexuel

Il apparaît donc nécessaire de modifier les dispositions relatives au harcèlement sexuel présentes dans le code du travail.

Le du présent article propose une nouvelle rédaction de l’article L. 1153-1 du code du travail, qui ne contiendrait plus de définition du harcèlement sexuel mais opérerait un renvoi au code pénal. Cet article énoncerait que : « Dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis et réprimés par l’article 222-33 du code pénal ». Sur le fond, cette modification n’a pas d’incidence mais elle permet, sur la forme, de se prémunir de possibles oublis de coordination législative, si la définition pénale du harcèlement sexuel venait à évoluer.

Le b) complète ensuite l’article L. 1153-2 du code du travail, afin qu’il prenne en compte tant le délit que le délit assimilé de harcèlement sexuel dont la création est proposée par l’article 1er du projet de loi.

L’article L. 1153-2 interdit aujourd’hui la sanction, le licenciement ou la discrimination d’un salarié ou d’un candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation « pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel ». Or le délit assimilé de harcèlement sexuel proposé par le projet de loi inclut des actes uniques. Il semble donc nécessaire de préciser que la sanction, le licenciement ou la discrimination en raison de faits de harcèlement sexuel sera réprimée « y compris si ces agissements n’ont pas été commis de façon répétée ».

Au-delà de cette mise en cohérence, le 3° a), issu d’un amendement adopté en séance publique au Sénat (47), étend la protection offerte par l’article L. 1153-2 à toute « personne en période de formation ou en période de stage ». Le 3° bis opère une modification identique à l’article L. 1153-3, qui interdit la discrimination des salariés ayant témoigné ou relaté des faits de harcèlement sexuel.

c) L’harmonisation des dispositions relatives au harcèlement moral

Poursuivant un même objectif d’harmonisation législative, le modifie l’article L. 1152-1 du code du travail qui incrimine aujourd’hui, de manière autonome, le harcèlement moral.

Cet article dispose qu’« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Sa rédaction est presque identique à celle de l’article 222-33-2 du code pénal, qui définit le délit de harcèlement moral comme « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le propose donc une nouvelle rédaction de l’article L. 1152-1 du code du travail, qui ne comporterait plus de définition du harcèlement moral mais opérerait un renvoi au code pénal. Cet article énoncerait que : « Dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement moral tels que définis et réprimés par l’article 222-33-2 du code pénal ».

Enfin, dans un but de simplification, le abroge les articles L. 1155-3 et L. 1155-4 du code du travail, qui reproduisaient dans ce code des dispositions relatives aux possibilités d’ajournement du prononcé et de dispense de la peine figurant dans le code pénal.

2. Le rétablissement de la sanction des discriminations liées au harcèlement sexuel ou moral

En matière de peine également, le propose de rétablir la sanction des certaines discriminations interdites par le code du travail. Il s’agit de celles incriminées :

– par les articles L. 1152-2 et L. 1153-2, qui disposent qu’aucun salarié « ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat » sur le fondement de faits de harcèlement moral ou sexuel ;

– par l’article L. 1153-3 qui prévoit qu’aucun salarié « ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés ».

Jusqu’en 2008, ces discriminations étaient punies d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, mais, à cause d’un oubli de coordination, cette sanction a disparu lors de la recodification. Le vise donc à la rétablir.

Certaines de ces discriminations, telles que le refus d’embauche, la sanction et le licenciement, sont également réprimées par l’article 225-2 du code pénal, qui les punit, en revanche, de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. En vertu du principe fondamental selon lequel, lorsque deux peines sont prévues pour une même incrimination, la peine la plus lourde s’applique, ce sont donc les peines de l’article 225-2 du code pénal qui seront retenues par les magistrats. Le rétablissement proposé par le permettrait, cependant, de sanctionner les autres formes de discriminations figurant dans les articles précités du code du travail.

3. La création de compétences propres en matière de harcèlement sexuel

Le présent article dote également d’une compétence propre en matière de harcèlement sexuel plusieurs acteurs intervenant dans les entreprises.

Issu d’un amendement adopté en commission au Sénat (48), le bis accroît la liste des motifs permettant aux délégués du personnel d’exercer leur droit d’alerte, en y ajoutant les « faits de harcèlement sexuel ou moral ». Il complète en ce sens l’article L. 2313-2 du code du travail.

Issu d’un autre amendement adopté en commission au Sénat (49), le ter propose d’attribuer une mission supplémentaire aux services de santé au travail, qui devront désormais conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin de « prévenir le harcèlement sexuel ou moral ». Il complète en ce sens le 2° de l’article L. 4622-2 du code du travail.

Enfin, au vu de l’ensemble des modifications apportées par le présent article, le propose de préciser que les inspecteurs du travail sont habilités à constater « les délits de harcèlement sexuel ou moral prévus, dans le cadre des relations du travail, par les articles 222-33 et 222-33-2 » du code pénal, en complétant le 1° de l’article L. 8112-2 du code du travail.

*

La Commission examine l’amendement AS 1 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement vise à étendre la protection contre les discriminations et les sanctions professionnelles aux personnes en période de formation ou de stage victimes de harcèlement moral.

La Commission adopte l’amendement AS 1.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.

Article 3 bis

(Article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983
portant droits et obligations des fonctionnaires)


Harcèlement sexuel dans la fonction publique

Le présent article, créé par le Sénat (50), vise à harmoniser les dispositions du statut de la fonction publique réprimant le harcèlement sexuel avec celles prévues par le code pénal. Il modifie à cette fin l’article 6 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Cet article dispose aujourd’hui qu’« aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire » en prenant en considération « le fait qu’il a subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement de toute personne dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers ».

La définition du harcèlement sexuel retenue par cet article apparaît très proche de celle de l’article 222-33 du code pénal ancien. Il semble donc nécessaire de modifier ces dispositions, afin de garantir leur pérennité.

Le présent article propose cependant d’aller plus loin et d’inscrire, dans le statut de la fonction publique, une interdiction de principe du harcèlement sexuel, défini dans des termes identiques à ceux du code pénal.

À cette fin, le insère trois nouveaux alinéas au début de l’article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983, énonçant que :

« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements de harcèlement sexuel constitué :

a) Soit par des propos ou agissements à connotation sexuelle répétés qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son égard une situation intimidante, hostile ou offensante ;

b) Soit par des ordres, menaces, contraintes ou toute autre forme de pression grave, même non répétés, accomplis dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».

Ces alinéas reproduisent la définition du délit et du délit assimilé de harcèlement sexuel dont la création est proposée par l’article 1er du projet de loi. Au-delà de l’harmonisation de la définition du harcèlement sexuel, il s’agit d’un renforcement de la protection des agents de la fonction publique. En effet, à ce jour, l’article 6 ter ne prohibe que les mesures discriminatoires découlant d’un harcèlement sexuel et non ces agissements en soi.

Le procède à une coordination rendue nécessaire au 1° de l’article 6 ter.

*

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 bis sans modification.

Article 4

(Articles L. 052-1, L. 053-1 à L. 053-6, L. 054-1, L. 054-2, L. 055-2 à L. 055-4,
L. 432-2 et L. 610-1 du code du travail applicable à Mayotte)


Application de la loi à Mayotte

Le présent article vise à permettre l’application à Mayotte des modifications du code du travail proposées par le projet de loi, en les inscrivant dans le code du travail qui est propre à ce département d’outre-mer.

Le a) du procède à l’harmonisation de la définition du harcèlement moral, en modifiant l’article L. 052-1 du code du travail applicable à Mayotte pour qu’il opère désormais un renvoi au code pénal. Sa rédaction serait identique à celle de l’article L. 1152-1 du code du travail proposée par l’article 3 du présent projet de loi.

Le b) du introduit dans le chapitre du code du travail applicable à Mayotte consacré au harcèlement sexuel, six articles dont la rédaction est identique à celle des articles L. 1153-1 à 1153-6 du code du travail proposée par l’article 3 du présent projet de loi.

Le nouvel article L. 053-1 disposerait ainsi que « dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis et réprimés par l’article 222-33 du code pénal ».

Le nouvel article L. 053-2 indiquerait que « aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucune personne en période de formation ou en période de stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel, y compris si ces agissements n’ont pas été commis de façon répétée ».

Le nouvel article L. 053-3 énoncerait que « aucun salarié, aucune personne en période de formation ou en période de stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés ».

Le nouvel article L. 053-4 disposerait que « toute disposition ou tout acte contraire aux dispositions des articles L. 053-1 à L. 053-3 est nul ».

Le nouvel article L. 053-5 indiquerait que « l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement sexuel ».

Le nouvel article L. 053-3 énoncerait que « tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement sexuel est passible d’une sanction disciplinaire ».

En ce qui concerne le harcèlement sexuel, les salariés à Mayotte jouiraient donc de la même protection que les autres salariés travaillant en France.

Le c) du procède aux coordinations nécessaires pour que les victimes de harcèlement sexuel bénéficient d’un régime d’aménagement de la charge de la preuve et de défense par les organisations syndicales, identique à celui prévu aux articles L. 1154-1 et L. 1154-2 du code du travail.

Le d) du propose de sanctionner des discriminations fondées sur un harcèlement sexuel ou moral d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, à l’instar de l’article L. 1155-2 du code du travail. Il supprime également les articles L. 055-3 et L. 055-4 qui contiennent des dispositions relatives aux possibilités d’ajournement du prononcé et de dispense de la peine, redondantes avec le code pénal.

Le 1° bis et le modifient les articles L. 432-2 et L. 610-1 pour étendre à Mayotte la création d’attributions propres aux délégués du personnel en matière de harcèlement sexuel ou moral et pour préciser les compétences de l’inspection du travail en matière de constat de ces infractions.

*

La Commission aborde l’amendement AS 2 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement étend la protection prévue par l’amendement AS 1 aux personnes qui travaillent dans le département de Mayotte.

La Commission adopte l’amendement AS 2.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 4 modifié.

Article 5

Application de la loi dans les collectivités d’outre-mer et
en Nouvelle-Calédonie

Le présent article vise à rendre les articles 1er et 2 du projet de loi applicable à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

*

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 sans modification.

Article 6

(Articles 2 bis, 2 ter, 2 quater nouveaux et 145 de la loi n° 52-1322
du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires
et territoires associés relevant du ministère de la France d’outre-mer)


Application de la loi dans les Terres australes et antarctiques françaises
et à Wallis-et-Futuna

Le présent article vise à rendre applicable certaines modifications du code du travail proposées par le projet de loi à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, en complétant la loi du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant du ministère de la France d’outre-mer.

Le propose de créer trois nouveaux articles dans le titre 1er de cette loi, qui y inscrivent une partie des modifications proposées par le présent texte.

Le nouvel article 2 bis disposerait que :

« I. – Dans le cadre des relations de travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement moral tels que définis et réprimés par l’article 222-33-2 du code pénal.

II. – Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

III. – Toute disposition ou tout acte contraire aux I et II est nul.

IV. – L’employeur prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

V. – Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d’une sanction disciplinaire. »

Le nouvel article 2 ter prévoirait, ensuite, des dispositions identiques en ce qui concerne le harcèlement sexuel.

Enfin, le nouvel article 2 quater punirait d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende les discriminations en matière professionnelle fondées sur un harcèlement moral ou sexuel.

Le crée un nouvel alinéa à l’article 145 de la loi du 15 décembre 1952, qui attribue une nouvelle compétence à l’inspection du travail et des lois outre-mer : celle de constater « les délits de harcèlement sexuel ou moral prévus par les articles 222– 33 et 222-33-2 du code pénal ».

*

La Commission examine l’amendement AS 3 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement, de coordination, vise à mettre la loi en cohérence avec les amendements AS 1 et AS 2.

La Commission adopte l’amendement AS 3.

Elle donne ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.

Enfin, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi modifié.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par Mme Barbara Romagnan, rapporteure pour avis

Article 3

Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :

« 1° bis À l’article L. 1152-2, après le mot : « salarié », sont insérés les mots : « , aucune personne en période de formation ou en période de stage » ; »

Amendement n° AS 2 présenté par Mme Barbara Romagnan, rapporteure pour avis

Article 4

Après l’alinéa 4, insérer l’alinéa suivant :

« a bis) À l’article L. 052-2, après le mot : « salarié », sont insérés les mots : « , aucune personne en période de formation ou en période de stage » ; »

Amendement n° AS 3 présenté par Mme Barbara Romagnan, rapporteure pour avis

Article 6

I. – À l’alinéa 4, après le mot : « salarié », insérer les mots : « , aucune personne en période de formation ou en période de stage ».

II. – En conséquence, procéder à la même insertion aux alinéas 9 et 10.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Auditions menées conjointement
avec Mme Pascale Crozon, rapporteure pour la commission des lois

Ø Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) – Mme Marylin Baldeck, déléguée générale, Mme Gwendoline Fizaine, juriste-chargée de mission, Mme Juliette Chatelut, étudiante en sciences politiques, et Mme Maude Beckers, avocate

Ø Association ID Trans’ (Informations et Dialogues sur les Transidentités) – Mme Laura Peytavin

Ø Inter-LGBT – M. Nicolas Gougain, porte-parole

Ø Association Ortrans – Mme Edwige Julliard, présidente, et Mme Samatha Montfort, membre

Ø Collectif national pour les droits des femmes – Mme Suzy Rotjman, coporte-parole, et Mme Isabelle Thieuleux, membre

Ø Collectif féministe contre le viol (CFCV) – Mme Marie-France Casalis, responsable du pôle formation

Ø Collectif de lutte anti-sexiste contre le harcèlement dans l’enseignement supérieur (CLASCHES) – Mme Marie Quévreux, présidente, et Mme Clara Chevalier, membre

Ø Femmes solidaires – Mme Sabine Salmon, présidente et vice-présidente de la Coordination pour le lobby européen des femmes (CLEF)

Ø M. Francis Caballero, avocat au barreau de Paris, auteur de Droit du sexe, LGDJ, Paris, 2010

Ø M. Karim Douedar, juriste, auteur de Fonctionnaires : comment réagir face au harcèlement moral ou sexuel ?, Editions du Papyrus, Paris, 2008

Ø Association pour la prévention et la santé au travail – M. Jean-Michel Sterdyniack, médecin du travail

Ø Ministère de la Justice – Mme Maryvonne Caillibotte, directrice des affaires criminelles et des grâces, et M. Francis Le Guhenec, chef du bureau législation pénale générale

Ø Défenseur des droits – M. Dominique Baudis, défenseur des droits, M. Richard Senghor, secrétaire général, M. Denis Roth-Fichet, services réformes, et Mme Audrey Keysers, responsable des relations avec les élus

Ø Ministère des affaires sociales et de la santé, service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes – Mme Nathalie Tournyol du Clos, chef de service, adjointe à la directrice générale de la cohésion sociale

Ø Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social – Mme Bethania Gaschet, conseillère du ministre, Mme Anne Sipp, chef du bureau des relations individuelles du travail, et M. Xavier Geoffroy, conseiller parlementaire

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