N° 206 - Rapport de M. Pierre Morel-A-L'Huissier sur la proposition de loi de M. Pierre Morel-A-L'Huissier et plusieurs de ses collègues portant création des principes d'adaptabilité et de subsidiarité en vue d'une mise en oeuvre différenciée des normes en milieu rural (142 rectifié)




N
° 206

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le mercredi 26 septembre 2012

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 142 rect) DE M. PIERRE MOREL-A-L’HUISSIER portant création des principes d’adaptabilité et de subsidiarité en vue d’une mise en œuvre différenciée des normes en milieu rural,

PAR M. Pierre MOREL-A-L’HUISSIER

Député

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INTRODUCTION 5

I. – LE STOCK DE NORMES APPLICABLES EST DEVENU AUJOURD’HUI INSUPPORTABLE POUR LES PERSONNES PUBLIQUES ET PRIVÉES DEVANT LES METTRE EN ŒUVRE 9

A. LE CONSTAT ANCIEN DE LA PROLIFÉRATION DES NORMES 9

B. DES PRESCRIPTEURS DE NORMES TOUJOURS PLUS NOMBREUX 10

C. DES FACTEURS RÉCENTS AGGRAVANT CETTE TENDANCE 14

II. – LES SOLUTIONS FONDÉES SUR L’AUTOLIMITATION ONT MONTRÉ LEURS LIMITES 16

A. LE RÔLE DE LA COMMISSION CONSULTATIVE D’ÉVALUATION DES NORMES 16

B. LE MORATOIRE SUR L’ÉDICTION DES NORMES RÉGLEMENTAIRES 18

C. LE RÉEXAMEN DU STOCK ET LE COMMISSAIRE À LA SIMPLIFICATION 20

III. – FAIRE CONFIANCE À L’INTELLIGENCE DES TERRITOIRES 22

A. LA NÉCESSITÉ DE METTRE EN ŒUVRE LES PRINCIPES D’ADAPTABILITÉ ET DE PROPORTIONNALITÉ DE LA NORME PAR RAPPORT À SES OBJECTIFS 22

1. La recherche d’une solution pour réguler le stock de normes 22

2. Le contenu du principe de proportionnalité 23

B. LE PARI DE LA SUBSIDIARITÉ : CONFIER AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, AUTRES PERSONNES PUBLIQUES ET REPRÉSENTANTS LOCAUX DE L’ÉTAT L’ADAPTATION DES NORMES DE MISE EN APPLICATION DE LA LOI 25

1. La mise en œuvre de deux principes constitutionnels 25

2. Faire confiance à l’échelon local pour appliquer les lois en tenant compte des réalités du terrain 26

DISCUSSION GÉNÉRALE 31

EXAMEN DES ARTICLES 43

Article 1er(art. L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales) Adaptation par les collectivités territoriales et autres personnes morales de droit public des dispositions réglementaires relevant de leurs compétences et inadaptées aux situations locales 43

Article 2 (art. L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales) Dérogations locales aux dispositions réglementaires créant des charges disproportionnées 49

Article 3 (art. L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales) Création des commissions départementales de médiation 51

TABLEAU COMPARATIF 55

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 59

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR 63

MESDAMES, MESSIEURS,

La question de la prolifération des normes est devenue un sujet récurrent depuis une vingtaine d’années. Le diagnostic posé clairement par le Conseil d’État dans son rapport public de 1991, mettait en exergue les conséquences tant en terme d’intelligibilité et de crédibilité du droit, de sécurité juridique et de coût pour les administrés qui doivent l’appliquer. Sa conclusion est restée fameuse : « quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite ». Pourtant, quinze ans après, la même institution n’a pu que constater que le phénomène s’était encore développé, en appelant à un autocontrôle de l’État producteur de normes, qui tarde à arriver.

Nous autres parlementaires sommes bien placés pour être parfois témoins, parfois contributeurs de ce phénomène : pour prendre un seul exemple, entre le projet déposé par le Gouvernement le 21 octobre 2009 et le texte promulgué le 16 décembre 2010, le texte de la loi de réforme des collectivités territoriales est passé de 40 à 90 articles. Il est malheureusement politiquement plus aisé de proposer la création d’une nouvelle prescription normative que de déposer un amendement de suppression.

Trois rapports ont récemment mis en exergue le poids que cette inflation normative faisait notamment porter aux collectivités territoriales, et en particulier aux plus petites d’entre elles : le rapport Belot (1), qui a remarquablement analysé le diagnostic pathologique d’une « maladie de la norme » ; le rapport Doligé (2), qui a montré qu’il existait des solutions pour simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales ; enfin, la mission confiée à votre rapporteur et à trois de nos collègues, sur l’impact de ces normes sur le développement des territoires ruraux (3).

Un constat unanime et transpartisan peut en être tiré : il est temps de passer aux actes. Votre rapporteur a pu observer que l’autolimitation ne fonctionnait pas : deux ans après le moratoire prononcé par la circulaire du Premier ministre du 6 juillet 2010 sur l’adoption de mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales, la Commission consultative d’évaluation des normes est saisie de plus de textes, ayant un impact supérieur sur les finances des collectivités territoriales, qu’avant l’édiction du moratoire (4).

Parallèlement, le chantier de la réévaluation et de la simplification des quelques 400 000 normes techniques qui s’imposent aux élus locaux selon l’Association des maires de France tarde à se mettre en place. La seule volonté politique ne suffira pas à dégager les élus locaux de la situation d’asphyxie à laquelle ils sont soumis. L’ancien adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » s’éloigne chaque jour un peu plus.

Face à cette situation de blocage, la présente proposition de loi suggère de renverser l’approche que l’on peut avoir du problème de l’application des textes législatifs et de faire confiance à l’intelligence des territoires.

Il est temps de cesser de croire que des textes produits par des administrations centrales parisiennes sont les mieux à même de déterminer comment les objectifs de la loi peuvent être mis en œuvre dans la réalité de 36 700 communes, 101 départements, 26 régions et 2 581 groupements de collectivités à fiscalité propre (5). La proposition de loi instaure dans notre droit un principe d’adaptabilité qui serait inscrit en exergue du code général des collectivités territoriales : lorsque les conditions locales rendraient disproportionnés la mise en application d’une norme réglementaire, les collectivités pourraient trouver des mesures adaptées pour que le nécessaire respect de la loi ne débouche pas, comme on nous le rapporte trop souvent, sur des situations absurdes.

Par ailleurs, de nombreuses autres personnes, publiques et privées, sont elles aussi confrontées à des situations ingérables créées uniquement par la déclinaison tatillonne des principes fixés par la loi. C’est aussi pour faire confiance au terrain que le texte qui vous est soumis propose d’instituer un véritable principe de subsidiarité en confiant au préfet, assisté d’une commission locale de médiation, la faculté d’autoriser ces personnes à déroger aux normes réglementaires pour mieux assurer le respect de la loi dans les faits.

Il n’est donc pas question de remettre en cause notre ordre juridique et la hiérarchie des normes, sans laquelle il n’y aurait pas d’État de droit. La présente proposition de loi vise avant tout à donner enfin toute sa portée au principe inscrit en 2003 dans notre Constitution, qui permet de donner aux collectivités territoriales un vrai pouvoir réglementaire d’application des lois en lieu et place du pouvoir exécutif.

La forme juridique de ce texte reste cependant perfectible, afin qu’il s’inscrive au mieux dans le cadre fixé par la Constitution. Votre rapporteur regrette ainsi que le Président de l’Assemblée nationale ait jugé que les délais ne lui permettaient pas de saisir utilement le Conseil d’État, comme le permet désormais l’article 39 de la Constitution.

La présente proposition de loi poursuit ainsi un même objectif au moyen de l’ouverture de deux facultés d’adaptation complémentaires. Prenant en compte le constat qui a été tiré d’une « maladie de la norme » (I), mais aussi les échecs des tentatives d’autolimitation de la production normative (II), elle propose de faire confiance à l’intelligence des territoires, de leurs élus et de leurs préfets, pour substituer aux normes réglementaires d’application des mesures adaptées à la réalité et à la diversité des situations locales (III).

I. – LE STOCK DE NORMES APPLICABLES EST DEVENU AUJOURD’HUI INSUPPORTABLE POUR LES PERSONNES PUBLIQUES ET PRIVÉES DEVANT LES METTRE EN ŒUVRE

Constatée depuis longtemps, l’inflation du volume de la production normative perdure et s’auto-entretient, malgré les tentatives de régulation.

Si la dénonciation du « harcèlement textuel » des collectivités territoriales par l’État est ancienne, la multiplication des sources normatives a conduit à une réelle prolifération normative. À force d’apparaître comme une solution universelle, la production normative est devenue en soi un problème global.

La dénonciation de la prolifération normative a fait l’objet de si nombreux rapports détaillés, dont les plus récents ont déjà été rappelés en introduction, qu’il n’est pas utile de reprendre toute la chronologie et les différents domaines concernés.

1. Un phénomène généralisé

Dans son rapport publié en 1991, le Conseil d’État relevait la « surproduction normative » et ses conséquences néfastes en matière de sécurité juridique et d’accessibilité du droit. Ce constat a été renouvelé à l’occasion de son rapport en 1996 : aujourd’hui, l’afflux de textes est davantage une source d’insécurité juridique, et par là même de contentieux croissants, que de solutions face à un besoin de réglementation.

Même si ses analyses ne visaient pas explicitement les normes assumées par les collectivités territoriales, elles mettent en exergue un « mal français » déjà bien développé. Chaque aspect de la vie sociale se doit aujourd’hui d’être enserré dans des règles : la confiance en l’initiative individuelle et locale, et son nécessaire corollaire l’exercice de la pleine responsabilité de ses actes, apparaissent trop aventureux pour une société à la recherche du « risque zéro ».

2. Des secteurs de prolifération normative touchant plus spécifiquement les collectivités territoriales et les autres personnes publiques

Vestige de deux siècles de centralisation, les normes encadrent aujourd’hui la totalité des domaines d’intervention des collectivités territoriales. Cependant, ces dernières années, les critiques se sont portées sur un nombre limité de domaines où la prolifération normative a été ressentie comme particulièrement vivace et inopportune par les collectivités territoriales.

Dans le cadre de la préparation de son rapport d’information sur les normes applicables aux collectivités territoriales (6), la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation a interrogé les associations représentatives d’élus comme les commissions permanentes du Sénat pour inventorier une quinzaine de secteurs où le poids des normes est aujourd’hui jugé contreproductif.

En examinant les listes de secteurs ainsi particulièrement affectés, et sans qu’il soit utile de dresser un propre inventaire toujours partiel, on ne peut que remarquer que c’est en fait les compétences principales de chaque niveau de collectivités qui est atteint par la « maladie de la norme ».

Il ne s’agit donc pas d’un problème pouvant appeler une réponse sectorielle, mais bien d’un mal national, qui s’est renforcé avec l’apparition de nouvelles autorités productrices de normes.

Selon l’Association des maires de France (AMF), le stock de la réglementation en vigueur comprend 400 000 normes qui doivent être respectées par les élus locaux. Mais toutes n’émanent pas de l’État, qui est souvent pointé du doigt alors qu’il n’est qu’un producteur de normes concurrencé par les institutions européennes, les organisations chargées d’une mission de service public, voire les collectivités territoriales elles-mêmes.

L’État porte une part de responsabilité indéniable dans l’augmentation du nombre de normes. Cette inflation trouve aussi bien sa source dans son rôle de législateur que dans l’exercice de son pouvoir réglementaire.

Si les parlementaires sont les premiers à dénoncer l’empilement et parfois l’emballement des textes qui leur sont soumis, le législateur n’a pas, ces dernières années, cessé de compliquer la tâche des élus locaux. La réforme de la protection juridique des majeurs (7), l’obligation de réaliser des recherches archéologiques préventives (8) ou l’amélioration de la qualité nutritionnelle des repas servis dans les cantines scolaires (9), pour ne citer que ces trois exemples, apparaissaient ainsi comme des innovations législatives forcément nécessaires ; elles ont cependant fait porter sur les collectivités territoriales des charges nouvelles que les lois de simplification (10), adoptées sous la précédente législature sous l’impulsion du président Jean-Luc Warsmann, n’ont que très partiellement compensées.

Mais les lois votées par nos assemblées imposent en outre l’adoption de mesures d’application qui, elles aussi, se comptent par centaines et s’appliquent dans une large proportion aux collectivités. Selon les estimations de la direction générale des collectivités locales (DGCL), la loi du 13 juillet 2010 portant engagement pour l’environnement (dite « Grenelle II ») a prévu pour sa mise en œuvre pas moins de 173 décrets d’application.

Le rapport 2011 de la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN), à laquelle les textes réglementaires ayant une incidence sur les collectivités territoriales sont obligatoirement soumis, estime qu’entre septembre 2008 et décembre 2011, 692 textes de cette nature lui ont été soumis, qui ont engendré un coût cumulé pour ces collectivités de l’ordre de 2,34 milliards d’euros en année pleine (11). Ces normes sont souvent loin d’être inutiles : seuls 12 textes, soit 1,73 %, ont fait l’objet d’un avis défavorable de la part du CCEN depuis septembre 2008.

L’analyse de l’origine des normes réglementaires « coûteuses » est riche d’enseignements.

En se penchant sur les 287 projets de textes qui lui ont été soumis en 2011, le CCEN constate que « la majeure partie des coûts supportés par les collectivités trouve son origine dans des mesures d’application de lois promulguées (50,5 %) » (12), cette catégorie incluant les textes pris pour la mise en application des directives européennes. Les 112 textes d’application des deux lois issues du Grenelle de l’Environnement (13) ont à eux seuls engendré un coût en année pleine de 524,4 millions d’euros (14).

La deuxième catégorie, représentant 31,6 % des charges nouvelles, concerne les mesures relatives à la fonction publique, et notamment les revalorisations du point d’indice, qui ne s’appliquent pas uniquement à la fonction publique territoriale.

Les 17,9 % restants regroupent les projets de décrets à prendre par le Gouvernement en vertu de son pouvoir réglementaire propre prévu par l’article 37 de la Constitution et représentent 130 millions d’euros de charges nouvelles en année pleine.

Le CCEN souligne ainsi que ces chiffres permettent « de nuancer le discours selon lequel l’activité normative du Gouvernement – hors mesures statutaires ou salariales – est directement à l’origine de la hausse des dépenses locales (17,9 %) » (15). La moitié des dépenses supplémentaires à la charge des collectivités territoriales et de leurs groupements provient indirectement de l’activité législative nationale ou européenne.

Enfin, l’État porte en outre la responsabilité de décisions prises par ses services déconcentrés (agences, académies...) dont les préoccupations, notamment en terme de sécurité, ignorent largement les conséquences pratiques pour les personnes publiques et privées qui doivent les mettre en œuvre.

2. Les normes européennes

Malgré les engagements d’autorégulation pris par les institutions de l’Union européenne (16), les normes produites (directives, règlements, décisions) concernent désormais de nombreux domaines relevant des collectivités territoriales. Les observateurs se plaignent régulièrement que les directives, qui ne devraient que préciser des objectifs à atteindre, atteignent souvent un niveau de détail ne laissant aucune marge de manœuvre aux États et aux personnes qui devront les appliquer.

En cas d’absence de transposition ou d’application de ces normes et à l’issue d’une mise en demeure, un recours en manquement, selon les termes des articles 258 à 260 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, peut être déposé par la Commission européenne devant la Cour de justice de l’Union européenne et conduire l’État fautif au paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte.

3. Les normes techniques édictées par des titulaires de délégation de service public

Les prescriptions édictées par des organismes de droit privé investis d’un pouvoir réglementaire, tels que les fédérations sportives, impactent elles aussi les personnes publiques.

Peuvent être rattachées à cette catégorie les normes correspondant à de « bonnes pratiques », à l’instar de celles de l’Association française de normalisation (AFNOR), qui sans être juridiquement contraignantes, s’imposent souvent en pratique aux collectivités.

En ce qui concerne les prescriptions sportives, en application des articles L. 131-14 et R. 131-32 et suivants du code du sport, les fédérations agréées par le ministre chargé des sports détiennent le pouvoir d’organiser ou d’autoriser les compétitions sportives et reçoivent à cette fin délégation pour édicter « les règles techniques propres aux disciplines qu’elles représentent » ainsi que « les règlements relatifs à l’organisation de toute manifestation ouverte à leurs licenciés ».

Devant l’augmentation constante de ces prescriptions, une étude de l’Assemblée des communautés de France (AdCF) relève que « les collectivités très impliquées dans le développement des clubs sportifs locaux se sentent bien souvent "prises en otages" par les exigences des fédérations nationales imposant régulièrement des améliorations des équipements, en allant parfois au-delà de leur pouvoir normatif ». Face à ce constat, une Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres), créée en 2009, a pour mission d’émettre un avis sur les projets de règlements élaborés par les fédérations sportives. Elle veille à ce que les normes proposées soient proportionnées aux exigences de la pratique de l’activité sportive concernée, ne concernent pas les équipements destinés à l’entraînement ou à l’éducation physique et ne privilégient aucune marque d’équipement en particulier. Toute édiction ou modification de règlement fédéral relatif aux équipements sportifs requis pour les compétitions doit faire l’objet d’une évaluation des conséquences, notamment financières, des prescriptions envisagées et être soumises à l’avis de la Cerfres.

Ainsi comme le concluait le rapport d’information de M. Claude Belot (17), « L’atomisation du pouvoir prescriptif complique forcément la recherche d’une régulation du flux de normes. Il semble en particulier difficile, voire illusoire, d’espérer une solution générique, applicable aussi bien aux lois qu’aux règlements des fédérations sportives, aux normes européennes, aux bonnes pratiques de l’AFNOR ou autres. Cette atomisation complique aussi toute entreprise de simplification du fait de la nécessité de respecter la hiérarchie des normes : si des mesures contenues dans des règlements, a fortiori autonomes, peuvent assez aisément être modifiées ou abrogées, la tâche est plus complexe pour les dispositions législatives... sans parler des normes résultant du droit communautaire. »

Si cette prolifération s’inscrit dans un contexte déjà ancien, il convient de prendre en compte que des évolutions récentes ont aggravé le constat existant.

1. La norme comme solution simple à tous les problèmes sociétaux

Dans son rapport (18), M. Éric Doligé dénonce le « zèle normatif » qui caractériserait les administrations de l’État, aussi bien centrales que déconcentrées, lié à la « croyance inconditionnelle dans les vertus de la norme, dans sa capacité à améliorer l’intérêt général ». Ce zèle se traduit par « l’extrême précision réglementaire des décrets et des arrêtés et circulaires », ce qui est considéré par les élus locaux comme un « excès de défiance, une présomption d’incapacité à remplir l’objectif de la norme en dehors d’un cadre prédéterminé ».

Le recours croissant à la règle de droit pour réguler toutes les facettes du réel apparaît comme une constante dans nos sociétés contemporaines. Un puissant phénomène de juridicisation de la société est en œuvre : l’objectif est désormais de maîtriser tous les problèmes en réglementant. L'emprise du droit devient croissante : là où par le passé, la résolution des problèmes échappait au droit positif ou était laissée à l'appréciation et au bon sens des acteurs de terrain, il apparaît indispensable de réglementer.

Tous les acteurs portent une part de responsabilité dans ce phénomène. Le monde politique privilégie l’approche normative afin de laisser sa marque en légiférant. Dans le même temps les citoyens, les groupes représentatifs appellent aussi à toujours plus de normes et se livrent à un véritable travail de lobbying en faveur de nouveaux textes emblématiques. Les médias exercent aussi une pression sur le processus normatif, en soulignant certains dysfonctionnements et mettant sous pression les responsables politiques pour qu’ils légifèrent dans l'urgence.

Par ailleurs, certaines normes, principalement professionnelles de type AFNOR ou ISO, bien qu’elles conservent leur rôle de vecteur, se sont transformées en normes obligatoires, à l’instar de celles définies dans les domaines de la construction et de la sécurité : les assurances imposent souvent le respect de ces normes, qui emportent une présomption de conformité des travaux et le non-respect de ces normes peut avoir de lourdes conséquences en cas de mise en cause de la responsabilité d’une collectivité devant le juge, notamment en ce qui concerne les prescriptions relatives à la sécurité. Une application irraisonnée de la précaution, sans principe ni évaluation, conduit ainsi à mettre en œuvre des normes superfétatoires pour atteindre un objectif.

2. La norme comme tentative de légitimation de son existence

Les différentes vagues de décentralisation n’ont pas entrainé le transfert ou la suppression de nombreux services déconcentrés de l’État, qui peuvent alourdir les obligations incombant aux collectivités, en totale méconnaissance des conséquences pratiques qui peuvent en résulter.

La production normative de certains services, dont les missions ont été fortement réduites, apparaît comme une tentative de justification de leur existence.

Par ailleurs, les collectivités territoriales ont tendance à subordonner certaines de leurs subventions à la collectivité bénéficiaire au respect de certaines exigences techniques, ce qui apparaît comme contraire à l’esprit de l’article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit que « L’attribution [à une collectivité territoriale] par l’État, par une collectivité territoriale ainsi que par tout organisme chargé d’une mission de service public, d’un prêt, d’une subvention ou d’une aide ne peut être subordonnée au respect de prescriptions ou de conditions » qui ne sont pas des « prescriptions et procédures techniques prévues par une loi ou un décret pris en application d’une loi ».

II. – LES SOLUTIONS FONDÉES SUR L’AUTOLIMITATION ONT MONTRÉ LEURS LIMITES

Face au constat qui a été posé il y a plusieurs années, trois initiatives récentes ont cherché à mettre en place des garde-fous afin de protéger les personnes publiques, et essentiellement les collectivités territoriales et leurs groupements, de l’inflation normative, sans pourtant apporter une solution durable.

Suivant les préconisations d’un groupe de travail portant sur les relations entre l’État et les collectivités territoriales, présidé par M. Alain Lambert, la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 a créé une nouvelle formation restreinte du Comité des finances locales (CFL), la Commission consultative d’évaluation des normes (CCEN).

Son objectif est d’associer les collectivités territoriales à l’élaboration des projets de textes réglementaires les concernant et qui sont pris par les administrations centrales. Celles-ci doivent désormais intégrer l’impact financier des normes qu’elles produisent sur les collectivités, dès leur phase d’élaboration.

La CCEN se compose de vingt-deux membres : quinze représentants élus et sept représentants de l’État. Elle comprend également des experts en son sein, conviés par le président en fonction de l’ordre du jour, afin que la commission soit une véritable instance de référence en matière d’évaluation financière préalable. Il s’agit, le plus souvent, de représentants du Secrétariat général du Gouvernement ou des associations d’élus. Ils assistent aux séances mais ne disposent pas de voix délibérative.

Cet organe est doté d’un large champ de compétences. La CCEN est obligatoirement consultée sur les projets de textes réglementaires concernant les collectivités territoriales et les propositions de textes communautaires ayant un impact technique et financier sur les collectivités.

La commission peut être également consultée par le Gouvernement sur tout projet de loi ou d’amendements ayant un impact technique et financier sur les collectivités. Cette consultation est toutefois laissée à la discrétion du pouvoir exécutif et n’a, à ce jour, jamais été utilisée.

Toutefois, les avis de la commission, bien qu’obligatoires, ne sont pas des avis conformes : le Gouvernement peut donc s’abstenir d’en tenir compte.

2. Un rôle préventif et pédagogique indéniable

La procédure mise en place par la CCEN a en effet obligé les administrations centrales productrices de normes à prendre en compte l’impact financier des normes qu’elles produisent sur les collectivités, dès leur phase d’élaboration.

En effet, tous les avant-projets de textes qui lui sont soumis doivent être accompagnés d’un rapport de présentation et d’une fiche d’impact financier faisant apparaître les incidences financières directes ou indirectes des mesures proposées pour les collectivités territoriales. La CCEN dispose alors d’un délai de cinq semaines, pouvant exceptionnellement être ramené à 72 heures sur demande du Premier ministre, pour rendre son avis sur le texte dont elle est saisie.

Les avis émis par la commission sont transmis aux administrations émettrices, au Comité des finances locales et à la Commission consultative d’évaluation des charges. Le respect de l’obligation de consultation fait l’objet d’un visa.

Si on examine le seul bilan d’activité de la commission pour l’année 2011, la CCEN s’est réunie à quinze reprises, dont deux fois en extrême urgence, convoquée par le Premier ministre. La commission a été saisie de 287 projets de texte réglementaire (170 décrets, 108 arrêtés, 7 ordonnances et 2 décisions), dont 154 ont fait l’objet d’une présentation par les ministères porteurs, suivie d’un débat circonstancié avec les membres de la CCEN. Elle a rendu 281 avis favorables et 6 avis défavorables. Sur ces 6 avis défavorables, 5 ont été pris en considération par le Gouvernement qui a modifié les projets initialement soumis pour les rendre compatibles avec les attentes de la commission.

Elle évalue leur impact en année pleine à :

—  un coût avoisinant les 728 millions d’euros ;

—  près de 304,3 millions d’euros d’économies par rapport au coût de la réglementation en vigueur ;

—  et environ 171 millions d’euros de « recettes potentielles », dont 154 millions au titre du décret relatif à la consistance du réseau routier local soumis à la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises (recettes équivalant au produit de la taxe correspondant aux sommes perçues pour l’usage du réseau routier dont les collectivités territoriales sont propriétaires).

Comme elle le remarque elle-même, « cette proportion très élevée d’avis favorables ne saurait signifier que la commission n’exerce pas sa compétence de manière pleine et entière. En effet, si les élus ne sont pas défavorables, par principe, aux nouvelles normes concernant les collectivités et les admettent dès lors qu’elles s’inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre de politiques publiques, qu’elles se justifient pour des raisons de sécurité ou que leurs coûts n’apparaissent ni disproportionnés ni illégitimes, la CCEN n’hésite pas à assortir ses avis de recommandations ou d’observations qui s’avèrent, dans une large mesure, suivies d’effet par les ministères porteurs. » (19)

3. Un nécessaire renforcement de son champ de compétences et de ses prérogatives

Dans son rapport d’activité pour 2011, la CCEN propose sept modifications de son champ d’action et de ses compétences.

Afin que sa compétence puisse s’exercer à l’ensemble des normes, elle souhaite que puissent lui être soumis les projets de normes de niveau supérieur : projets de loi, projets de normes européennes, mais aussi propositions de loi et amendements ayant un impact sur les finances publiques. Votre rapporteur note cependant que la pratique suivie à l’Assemblée nationale, d’un déféré systématique des amendements et propositions pouvant créer une charge nouvelle à l’encontre des collectivités territoriales au sens de l’article 40 rend inutile l’inclusion des amendements des députés.

Par ailleurs, elle souhaiterait que les avis rendus passent de consultatifs à conformes pour qu’un texte soit pris, bien que le bilan d’activité démontre que les administrations centrales tiennent compte, dans la majorité des cas, de la position de la CCEN.

Par circulaire du 6 juillet 2010, le Premier ministre a prononcé un moratoire sur l’édiction des normes réglementaires concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics dont la mise en œuvre doit en principe contribuer à contenir les dépenses locales.

Ce texte a été complété par une circulaire du 17 février 2011 qui renforce la portée du moratoire à travers, en particulier, l’institution du commissaire à la simplification, chargé d’en assurer la mise en œuvre en relation avec le cabinet du Premier ministre.

Aux termes de ces circulaires, le moratoire s’applique à l’ensemble des mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics, dont l’adoption n’est commandée ni par la mise en œuvre d’engagements internationaux de la France ni par l’application des lois, c’est-à-dire aux cas où le pouvoir réglementaire intervient de manière autonome, à savoir :

—  aux dispositions réglementaires prises indépendamment de la mise en œuvre d’une norme juridiquement supérieure ;

—  aux dispositions d’opportunité, c’est-à-dire aux dispositions qui, bien qu’intégrées dans un texte réglementaire d’application d’une loi récemment adoptée ou de transposition d’une directive européenne, excèdent ce qui est « strictement commandé par la norme supérieure » et dont l’absence ne ferait pas obstacle à la mise en œuvre de la norme supérieure ;

—  et enfin, aux dispositions qui modifient des textes d’application d’une disposition législative ou réglementaire ou d’une stipulation de droit international édictées antérieurement.

Le moratoire s’applique à l’ensemble des mesures réglementaires autonomes concernant les collectivités territoriales, leurs groupements ou leurs établissements publics, que l’impact financier de la mesure soit négatif, positif ou neutre pour les collectivités.

Échappent à ce moratoire :

—  les dispositions d’application d’une loi récemment votée ou d’une directive européenne à transposer, dès lors qu’elles n’excèdent pas ce qui est « strictement commandé par la norme supérieure »,

—  les prescriptions édictées par les fédérations sportives dans l’exercice de leur pouvoir réglementaire, qui procèdent directement de la loi (20).

2. Des effets très relatifs

Selon le bilan publié par la commission, depuis l’entrée en vigueur effective du moratoire sur les normes réglementaires concernant les collectivités, jusqu’à fin 2011, la CCEN a été consultée sur 355 textes, dont 148 relevaient du moratoire, soit 41,7 % des textes examinés sur la période.

Ce nombre est « significativement supérieur à celui constaté sur la période préalable au moratoire ». Si l’édiction des décrets et arrêtés d’application de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle II » explique une partie de cette « surproduction normative », cela ne suffit pas à expliquer comment le moratoire a produit des effets inverses à ceux qui avaient été envisagés.

Si la CCEN n’a pas souhaité invoquer systématiquement le moratoire dans ses avis, prenant en compte l’intérêt de ces textes, elle note cependant qu’« au total, l’évaluation du coût sur les collectivités locales, en année pleine, des textes soumis en dérogation au moratoire s’élève à 370,47 millions d’euros (dont 120,6 millions au titre de la revalorisation du RSA en 2012 et 100,27 millions au titre du relèvement du minimum de traitement dans la fonction publique) » (21), pour 48,94 millions d’euros d’économies et 16 millions de recettes potentielles.

Elle en conclut que « le moratoire sur les normes n’a pas permis d’infléchir de manière significative le nombre de textes soumis concernant les collectivités (163 textes soumis en 2009, 176 en 2010 et 287 en 2011) ni le coût global supporté chaque année par les collectivités au titre de l’activité normative du Gouvernement (580 M€, 577 M€ et près de 728 M€ au titre des textes soumis respectivement à la commission en 2009, 2010 et 2011). » (22)

Avec la CCEN, on peut ainsi s’interroger sur la portée réelle du moratoire et regretter que cette démarche ambitieuse n’ait pas produit les effets utiles attendus.

L’entrée en vigueur du moratoire sur l’édiction des normes réglementaires concernant les collectivités territoriales a conduit à la désignation, par lettre de mission du 2 novembre 2010, d’un Commissaire à la simplification placé auprès du Secrétariat général du Gouvernement.

Cette fonction est occupée par M. Rémi Bouchez, conseiller d’Etat, et recouvre une triple mission :

—  pour les collectivités territoriales, M. Bouchez est chargé de piloter l’application du moratoire tel que défini par la circulaire du 6 juillet 2010 et a vocation pour ce faire à travailler en lien étroit avec la CCEN, tant en ce qui concerne la maîtrise du flux de règles nouvelles qu’en ce qui concerne l’organisation des travaux qui doivent être engagés pour simplifier le stock de normes existantes ;

—  le commissaire à la simplification est également chargé de veiller à ce que l’impact financier des normes nouvelles applicables à l’activité des entreprises soit correctement anticipé et évalué, particulièrement en ce qui concerne le secteur de l’industrie et les petites et moyennes entreprises. À cet effet, tout projet de loi, d’ordonnance, de décret ou d’arrêté susceptible de générer des charges nouvelles pour les entreprises est désormais soumis à l’obligation d’être assorti d’une étude d’impact circonstanciée ;

—  enfin, il a dû mettre en place un mécanisme permettant que les dispositions nouvelles applicables aux entreprises entrent pour l’essentiel en vigueur non pas lors de leur publication, mais à un nombre réduit et prévu à l’avance de dates fixes et pertinentes, telles que le 1er janvier.

Ses missions ont été précisées par la circulaire du Premier ministre du 17 février 2011 relative à la simplification des normes concernant les entreprises et les collectivités territoriales. Parmi ses missions, il a la charge de centraliser et d’animer les travaux d’évaluation préalable, qui requièrent des ministères un effort de chiffrage et de justification des mesures qu’ils édictent.

Tous les textes doivent ainsi être soumis au commissaire à la simplification préalablement à la saisine de la CCEN, qu’ils relèvent ou non du moratoire.

Dans l’exercice de sa mission, le commissaire à la simplification a pour tâche de vérifier la bonne application des instructions de la circulaire du Premier ministre du 7 juillet 2011 relative à la qualité du droit, notamment en ce qui concerne l’obligation de production d’une notice explicative accompagnant la publication de l’ensemble des décrets et de certains arrêtés.

2. Des effets encore limités

Le premier rapport d’activité du commissaire à la simplification, publié en avril dernier et couvrant la période de février 2011 à février 2012, dresse le bilan de cette première année d’exercice.

Il propose une appréciation statistique de son activité : sur 692 textes réglementaires soumis, 189 concernaient les collectivités territoriales (soit 27,3 % du total), 303 portaient sur les entreprises (43,8 %) et le reste touchait à la fois les collectivités et les entreprises (28,9 %). Si le commissaire se félicite des améliorations ou simplifications qui ont pu être obtenues sur les textes examinés, il relativise néanmoins leur portée : « elles ne sont pas forcément très spectaculaires, pour la raison que la plupart des décrets et arrêtés sont généralement pris pour la mise en œuvre de lois ou de directives, donc avec des marges de simplification souvent étroites ».

Force est de constater, en effet, que, s’agissant des normes concernant les collectivités territoriales, les effets de ces mesures ont été relatifs.

Face aux limites rencontrées par ses trois tentatives de maîtrise par l’État de sa production réglementaire, que ce soit en terme de flux comme en terme de stock, la présente proposition de loi cherche à apporter une solution plus décisive, en impliquant les destinataires de la norme dans cette régulation.

III. – FAIRE CONFIANCE À L’INTELLIGENCE DES TERRITOIRES

La présente proposition de loi vous invite à faire confiance à l’intelligence des territoires, de leurs élus et de leurs préfets, pour substituer aux normes réglementaires d’application des mesures adaptées à la réalité et à la diversité des situations locales.

Depuis deux ans, plusieurs initiatives ont été engagées en matière de réduction du stock de normes ; cependant, elles sont souvent restées sans suite.

a) La mission Doligé

Par lettre de mission du Président de la République en date du 17 janvier 2011, M. Eric Doligé, sénateur et président du conseil général du Loiret, s’est vu chargé de proposer « des mesures de simplification, ambitieuses et concrètes, pour desserrer les contraintes et alléger les coûts excessifs qui pèsent sur nos collectivités territoriales, en [s’] attachant à identifier les normes qui doivent être prioritairement modifiées en raison de leur caractère inadapté et coûteux ». Ces propositions « feront l’objet d’une expertise par les ministères concernés en lien avec la Commission consultative d’évaluation des normes et les principales associations d’élus ».

Au terme d’une importante phase de consultation des élus locaux et après plusieurs mois de travaux en lien avec les ministères concernés, M. Doligé a remis au chef de l’État le 16 juin 2011 un rapport sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales.

Concluant à l’adoption de nouvelles méthodes de gouvernance en matière de production normative, le rapport a également souligné l’opportunité qu’il y aurait à définir un programme annuel de réduction des normes, ainsi qu’une véritable stratégie normative. Il a recommandé une meilleure prise en compte de la taille et des moyens des différentes collectivités, en appelant à une adaptation du droit aux réalités locales et en proposant d’introduire en droit français un principe général de proportionnalité.

En second lieu, ce rapport formulait 268 propositions de simplification guidées par la volonté de réduire les coûts supportés par les collectivités et de faciliter la réalisation de leurs projets. Ces propositions s’appliquaient à quinze domaines de l’action locale, à savoir l’accessibilité, l’archéologie préventive et la protection du patrimoine, l’urbanisme, l’eau et l’assainissement, l’environnement, le sport, le fonctionnement des collectivités territoriales, les services départementaux d’incendie et de secours, la restauration collective, les marchés publics, la fonction publique territoriale, l’éducation et la formation, les politiques sociales et médico-sociales, l’outre-mer et les règles comptables des finances locales.

Seule une partie de ces propositions a ensuite été transposée dans une proposition de loi que l’auteur du rapport a déposée sur le Bureau du Sénat le 4 août 2011.

Malgré le travail effectué par sa rapporteure, Mme Jacqueline Gourault, pour améliorer et enrichir ce texte, celui-ci a été renvoyé en commission lors de son examen en séance publique le 15 février 2012.

b) La mission sur les normes rurales

Par lettre du 25 octobre 2011, le Président de la République a confié à quatre députés, une mission sur les normes rurales, coordonnée par votre rapporteur, afin d’identifier les textes réglementaires qui freineraient le développement des territoires ruraux et de proposer à ce titre des mesures de simplification et de clarification de la réglementation.

Le 10 avril 2012, la mission a alors remis au chef de l’État un rapport sur la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux. Ses auteurs ont souligné les contraintes qu’un excès de normes peut générer sur les petites communes, dénonçant l’important stock normatif qui asphyxie le monde rural (9 000 lois et 400 000 normes réglementaires applicables sur l’ensemble du territoire) et insistant sur la nécessité de le réduire. Le rapport contenait ainsi 200 propositions tendant à débloquer le carcan administratif que les acteurs locaux peinent à appliquer.

Au vu des difficultés pour mettre en œuvre un « big bang » qui permettrait un examen et une mise en œuvre rapide de l’ensemble de ses propositions, les auteurs ont souhaité privilégier la reconnaissance d’un principe de proportionnalité et d’adaptation des normes aux circonstances locales, et notamment aux réalités du monde rural, visant à permettre aux autorités locales d’appliquer les normes nationales avec une certaine latitude.

Dégagé par le Conseil d’État en 1933 dans le cadre de l’application des pouvoirs de police (23), le principe de proportionnalité est trop peu souvent mis en application par le juge administratif et le juge constitutionnel pour évaluer les normes qui leur sont déférées.

L’État, dans l’exercice de son pouvoir normatif, n’a de cesse de réaffirmer sa soumission à ce principe (24), sans toutefois en avoir fait un principe législatif et en excipant de plus en plus fréquemment le principe de précaution pour justifier l’absence de proportionnalité entre les risques et les mesures édictées.

Pourtant, le Conseil d’État a rappelé encore récemment que le principe de précaution ne pouvait servir à justifier l’absence de toute proportionnalité (25) ; en l’absence de risque avéré, le pouvoir normatif n’a pas à systématiquement choisir la solution maximale.

Par ailleurs, les modifications réglementaires incessantes, prises pour répondre à toutes les situations non envisagées du fait de l’absence d’étude d’impact, nuisent au principe de sécurité juridique désormais lui aussi reconnu par le juge administratif (26).

Ainsi, la circulaire du Premier ministre du 7 juillet 2011 relative à la qualité du droit fait application des principes de proportionnalité et de sécurité juridique, en précisant que « chaque projet de norme nouvelle [législative ou réglementaire] doit ainsi être soumis à un examen de nécessité et de proportionnalité aussi circonstancié que possible, au regard de ses effets prévisibles et des exigences de stabilité des situations juridiques ». Cependant, trop souvent cette modulation reste un vœu pieu, notamment lorsqu’il s’agit de prévoir des normes proportionnées à la réalité rurale.

b) Un principe nécessaire au développement des territoires ruraux

Les auteurs du rapport sur les normes en milieu rural ont ainsi proposé deux règles qui être posées pour la prise en compte des difficultés particulières que rencontrent les territoires ruraux.

Il s’agit d’abord de l’introduction systématique, dans chaque loi où un tel dispositif serait pertinent, de mesures d’adaptation spécifiques pour les territoires ruraux. Comme pour les départements et collectivités d’outre-mer, les spécificités du monde rural pourraient justifier que, chaque fois que l’objet de la loi s’y prête, un chapitre spécifique puisse être consacré aux dispositions ou aux aménagements particuliers qui doivent être mis en œuvre pour l’application de la loi. Le Parlement pourrait d’ailleurs décider qu’une telle pratique devienne la règle et que l’absence d’un tel volet dans un projet ou une proposition de loi donne systématiquement lieu à une explication lors de l’examen du texte.

De la même manière, le Gouvernement pourrait décider qu’une attention toute particulière soit apportée, lors de l’élaboration des projets de textes (décrets, arrêtés, circulaires), aux nécessités de prévoir les aménagements pertinents pour l’application des obligations nouvelles au monde rural. Un tel choix pourrait être formalisé par une instruction du Premier ministre et une rubrique spécifique dans le guide de légistique, recueil des règles incontournables, destiné aux administrations régaliennes pour l’élaboration des textes.

Cependant, ce n’est qu’au niveau local que pourra être réellement mise en œuvre cette nécessaire adaptation des normes à la réalité locale. Seule la connaissance des conditions de sa mise en œuvre permettra une réelle appréhension de la portée de la norme.

La présente proposition de loi s’appuie sur les principes inscrits à l’article 72 de la Constitution qui autorise directement les collectivités territoriales à prendre certaines décisions à leur échelon. Une double possibilité d’intervention peut être mise en œuvre afin de permettre aux collectivités territoriales d’adapter les normes générales aux particularités locales.

a) Le principe d’un pouvoir réglementaire local

Avant la révision constitutionnelle de 2003, l’article 72 de la Constitution disposait uniquement que « les collectivités territoriales de la République […] s’administrent librement par des conseils élus et dans des conditions définies par la loi ». Sur ce fondement, dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel avait tracé les contours d’un pouvoir d’intervention des collectivités territoriales pour fixer des règles générales applicables localement (27). Cette décision indique que l’intervention des collectivités territoriales ne peut, dans ce cas, concerner que les compétences qui leur sont dévolues par la partie législative du code général des collectivités territoriales ce qui exclut les adaptations de nature à mettre en cause l’exercice d’une liberté individuelle ou d’un droit fondamental et qui exclut également tout empiètement sur le domaine réservé par la Constitution au pouvoir réglementaire.

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a consacré cette jurisprudence en ajoutant à l’article 72 de la Constitution un troisième alinéa qui dispose que « dans les conditions fixées par la loi, les collectivités territoriales […] disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. »

En s’appuyant sur ces dispositions, il peut donc être prévu que, pour chaque article de loi pertinent, une mention expresse prévoit les mesures susceptibles d’être prises par les collectivités territoriales, dans leur domaine de compétence, afin d’adapter au mieux localement les prescriptions à respecter.

Bien qu’elle soit prévue par la Constitution, on doit constater que cette possibilité d’habiliter les collectivités territoriales à adapter ponctuellement certaines des obligations fixées par la loi a été extrêmement rarement mise en œuvre depuis 2003 (28).

b) Le principe de la subsidiarité des normes

En outre, cette révision constitutionnelle a complété l’article 72 de la Constitution en y intégrant un principe de subsidiarité au profit des collectivités territoriales.

En effet, le deuxième alinéa de cet article prévoit désormais que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. »

Ce principe constitutionnel n’est cependant pas applicable directement : en l’absence de texte législatif ou réglementaire, il reste une déclaration de principe que les collectivités territoriales ne peuvent mettre en œuvre. Mais la Constitution ouvre ainsi au législateur la possibilité de prévoir des facultés d’adaptation locales, en reconnaissant que des décisions prises au niveau local peuvent être mieux adaptées, par rapport à des prescriptions générales objectivement disproportionnées, voire impossibles à mettre en œuvre.

La présente proposition de loi met en place deux régimes distincts permettant de déroger aux normes réglementaires prises par les administrations centrales pour l’application d’une loi, mais s’appuyant sur des critères similaires : en application de leurs prérogatives constitutionnelles et dans le cadre de l’exercice de leur compétence propre, les collectivités territoriales, mais aussi les autres personnes publiques, pourront elles-mêmes décider d’arrêter des mesures adaptées, alors que les personnes privées pourront solliciter une dérogation auprès du préfet, après avis d’une commission multipartite de médiation.

a) Le critère de mise en œuvre de ce régime de dérogation : l’inadaptation ou la disproportion des moyens à mettre en œuvre

Dans les deux cas, la faculté de s’affranchir des dispositions réglementaires est strictement encadrée. Le critère permettant d’invoquer le nouveau régime de dérogation est celui de l’inadaptation (pour les personnes publiques) ou de la disproportion (pour les personnes privées) entre les moyens – matériels, techniques ou financiers, notamment lorsqu’il s’agit de petites collectivités – nécessaires à la mise en œuvre d’une réglementation et les objectifs déterminés par la loi, eu égard à la configuration particulière et aux besoins constatés localement.

C’est donc uniquement lorsque la norme réglementaire, édictée par les administrations centrales, aboutirait à des résultats absurdes qui conviendraient à l’esprit de la loi et à la volonté du législateur qu’elle pourrait faire l’objet d’adaptations nécessaires à la prise en compte des difficultés propres rencontrées sur le terrain, et en particulier dans les petites collectivités territoriales situées en zone rurale.

b) Les normes concernées : les actes réglementaires pris pour l’application d’une loi fixant un objectif national

L’objectif de la présente proposition de loi n’est pas de mettre à bas tous les textes réglementaires existants en France. Aussi, afin d’encadrer les normes susceptibles de faire l’objet d’une dérogation, les articles 1er et 2 de la présente proposition de loi encadrent le champ d’application de ses nouvelles facultés aux seules normes :

—  prises pour l’application d’un texte législatif : seules les normes pour lesquels la loi a fixé un cadre et un objectif à atteindre pourront être écartées, mais sans que ce cadre législatif puisse lui-même faire l’objet d’une dérogation. Les règlements pris par le pouvoir exécutif de manière autonome, en application de l’article 37 de la Constitution prévoyant que « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire », ne pourront faire l’objet d’une dérogation ;

—  qui ne sont pas la simple transposition d’une norme européenne ou internationale : en effet, les règlements pris dans le cadre du respect par la France d’un engagement international, et notamment les normes transposant les directives prises par l’Union européenne, disposent d’un statut particulier. Le respect de celles-ci est soumis à un contrôle strict exercé par la Commission européenne, qui à l’issue d’une phase précontentieuse peut initier une action en manquement envers un État membre qui n’aurait pas mis en œuvre les dispositions normatives nécessaires à son application.

c) La possibilité de déroger pour les personnes publiques ou de proposer une dérogation au préfet pour les personnes privées

Lorsque le caractère disproportionné ou inadapté de la norme est constaté, les personnes en charge de son application disposent de deux facultés, suivant leur statut juridique.

En application de l’article 1er, les personnes publiques, dont les collectivités territoriales et leurs groupements, pourront, dans le cadre de l’exercice de leurs compétences, décider d’écarter la norme réglementaire pour arrêter elles-mêmes des mesures nécessaires à la mise en application de la loi. Elles ne pourront pas s’affranchir de l’application de la loi, mais uniquement adapter les conditions pratiques afin que les objectifs du législateur puissent être mis en œuvre.

En application de l’article 2, toute personne privée, physique et morale, mais aussi une personne publique devant appliquer une norme réglementaire en dehors de son champ de compétence propre, pourra saisir le préfet pour faire constater le caractère disproportionné des mesures à prendre et proposer des mesures alternatives permettant d’atteindre les objectifs de la loi tout en prenant en compte les réalités locales.

Le préfet pourra alors valider cette demande de dérogation, après concertation dans le cadre d’une commission départementale de médiation.

d) La concertation organisée au niveau local

À l’occasion des auditions effectuées dans le cadre de la mission sur la ruralité, votre rapporteur a pu constater combien l’absence de concertation sur l’interprétation des normes réglementaires au niveau local aboutissait à des blocages, des incompréhensions et des contentieux inutiles : « les règles d’élaboration des normes, de même que la jurisprudence, fixent comme impératifs l’adoption de règles claires et intelligibles afin d’assurer aux interlocuteurs de l’administration une bonne compréhension des obligations auxquelles ils doivent se conformer et la sécurité juridique de leurs projets. Malheureusement, toutes les normes ne répondent pas encore de manière satisfaisante à ces règles. Par ailleurs, certaines d’entre elles formulent des panels de possibilités alternatives, répondant aux objectifs fixés par la loi et parmi lesquelles il est possible de choisir en fonction des circonstances de lieu ou de temps de leur application. Et il est fréquent que l’interprétation de ces règles donne lieu à des divergences de position entre l’administré qui doit s’y soumettre et l’administration chargée de les faire respecter. Dans bon nombre de cas, le différend trouve sa solution dans un échange d’explications entre les deux parties, mais il se peut aussi que les positions restent figées, la seule solution pour sortir du litige restant le recours au juge. » (29).

Prenant en compte l’expérience acquise par les commissions réunies au niveau préfectoral, telles que les commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité (CDSA), l’article 3 de la présente proposition prévoit la mise en place, dans chaque département, d’une instance de concertation regroupant élus et anciens élus, fonctionnaires en poste ou honoraires.

*

* *

Seule cette évolution, et non révolution, de notre modèle normatif permettra de faire face à l’inflation normative. Il ne s’agit pas de mettre en cause l’unité de la République, mais de multiplier les expériences prenant en compte la réalité du terrain, et en particulier des territoires ruraux, pour faire remonter, par le réseau de proximité que constitue l’administration déconcentrée de la République, et ainsi engager un cercle vertueux vers une production normative maîtrisée.

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission examine la présente proposition de loi lors de sa séance du mercredi 26 septembre 2012.

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’engage.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Chacun d’entre nous sait que ce texte fait référence à un véritable problème et ce ne sont pas les conversations que nous pouvons avoir en ce moment avec les maires à l’occasion des états généraux organisés par le Sénat qui le démentiront. Tout le monde se trouve aujourd’hui empêtré dans une jungle de normes, pour pertinentes qu’elles soient souvent ! Les nouvelles possibilités ouvertes dans l’article 72 de la Constitution n’ont peut-être pas été suffisamment exploitées, même si elles appellent certaines précisions. Je vous propose par conséquent de débattre largement de ce texte, sans vous cacher qu’il suscite, au moins dans la majorité, quelques petites sources d’inquiétude.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Nous rencontrons tous des maires, et pas seulement de petites communes rurales, qui nous rapportent les difficultés considérables qu’ils rencontrent pour appliquer certaines normes, en particulier lorsqu’elles exigent de se doter d’équipements coûteux. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de cumuler des mandats locaux pour le constater ; un seul suffit !

Je partage d’autant plus volontiers les objectifs du présent texte que nombre d’études internationales ont montré que la France, tous gouvernements confondus, battait des records en matière de production de normes. L’on me disait même l’autre jour que l’Allemagne ne serait pas engagée par les normes ISO, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de le vérifier.

La proposition de loi qui nous est soumise ne peut manquer de me rappeler fortement celle du sénateur Doligé, que j’ai rapportée lorsqu’elle a été présentée au Conseil d’État il y a exactement un an. Et je suis au regret de constater qu’elle encourt le même risque d’inconstitutionnalité.

L’article 21 de la Constitution confie le pouvoir réglementaire au Premier ministre, et toute la jurisprudence constitutionnelle enseigne que l’on ne peut y déroger que de manière extrêmement précise et dans des cas particuliers. En principe, le pouvoir réglementaire de droit commun ne se partage pas. Ce que le Conseil constitutionnel admet, c’est que la loi elle-même prévoit, de manière très encadrée, ses propres critères de dérogation. S’agissant notamment de l’accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées, le Conseil constitutionnel a rendu en juillet 2011 une décision particulièrement sévère, considérant que les critères de dérogation envisagés dans la loi n’étaient pas assez précis et que la violation du principe d’égalité était donc manifeste. Avec des gardiens aussi vigilants du pouvoir réglementaire de valeur constitutionnelle du Premier ministre et du principe d’égalité, je crains sincèrement que la présente proposition de loi ne passe pas la rampe de la censure constitutionnelle.

Faut-il pour autant se résoudre à ne rien faire ? À titre personnel, je considère qu’il n’est pas impossible d’insérer dans l’article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) la disposition d’affichage qui est proposée puisque, dans ce premier chapitre du CGCT, le législateur se fait à lui-même des prescriptions pour l’avenir, en disposant notamment qu’une collectivité ne peut pas exercer la tutelle d’une autre. Dès lors, pourquoi ne pas insérer un article disposant que le législateur doit toujours prévoir des dérogations précises et utiles, au regard notamment de la taille des communes ou de leurs capacités financières ? Un tel article d’affichage pourrait être greffé dans le CGCT à l’occasion d’une autre loi, sous réserve que cela ne soit pas un cavalier.

Enfin, il faut distinguer le stock et le flux. S’agissant du flux, le législateur peut s’imposer certaines contraintes d’adaptabilité. Quant au stock, il convient de s’en remettre à la CCEN, qui fait du bon travail. Peut-être faudrait-il simplement prévoir d’en « doper » les moyens.

Si ce texte répond à une bonne intention, le moyen constitutionnel qu’il propose de retenir n’est malheureusement pas le bon.

M. Étienne Blanc. Ce texte a le mérite d’apporter une réponse à un enjeu prioritaire. Il pose d’abord le problème de l’inflation normative : 8 000 lois, 400 000 décrets, environ 10 000 engagements internationaux de la France, au titre de l’Union européenne ou des Nations unies. En 1871, cette anomalie avait déjà été repérée et le législateur de l’époque avait mis en place l’exception d’ignorance, qui s’appliquait aux contraventions, en considérant que le trop grand nombre de textes les rendait illisibles et donc inaccessibles à trop de Français. Depuis, la situation n’a fait que dégénérer.

Le deuxième problème, c’est celui de l’inadaptation des normes en raison des particularités locales. Dans la mission qu’a évoquée Pierre Morel-A-L’Huissier, nous avons été amenés à constater que, pour utiles qu’ils soient, nombre de textes étaient inapplicables, en particulier dans les communes rurales. Or cette question reste sans réponse car le représentant de l’État craint la procédure pénale ou la sanction du juge administratif.

Le texte que nous soumet aujourd’hui notre collègue apporte enfin une bonne réponse à cette question délicate.

D’abord, il limite de manière très étroite le champ et les possibilités de dérogation. Pour envisager de déroger, il faudra dresser le constat qu’il est impossible d’appliquer la norme, que son application éventuelle déboucherait sur une véritable absurdité, ou bien encore que le rapport entre l’objectif poursuivi et les coûts de mise en œuvre est manifestement disproportionné. Je renvoie sur ce point à ce qui se pratique pour les déclarations d’utilité publique. À l’évidence, le présent texte a bien sérié le champ des exceptions envisageables.

Il organise en outre une mécanique administrative judicieuse et équilibrée, avec l’intervention du préfet de région ou de département et d’une commission chargée d’examiner les conditions de mise en œuvre de la dérogation, ainsi que l’adéquation de la dérogation proposée aux objectifs poursuivis comme à la situation locale.

Il s’agit d’un sujet pointé de longue date par le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État et la Cour de cassation. Au sein de la commission des Lois aussi, nous avons posé le diagnostic depuis longtemps, sans être capables d’apporter une réponse.

Aussi, tout en n’ignorant pas le risque constitutionnel que vient de soulever notre collègue socialiste, je considère que le désastre est tel qu’il n’est que temps de s’atteler à la recherche d’une solution. C’est pourquoi je soutiens sans réserve le texte de notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Daniel Fasquelle. Je souscris aux propos d’Étienne Blanc et je félicite Pierre Morel-A-L’Huissier pour ce texte qui constitue l’aboutissement de la mission que nous avons menée avec Yannick Favennec. Nous nous sommes rendus partout en France, et, au-delà des acteurs des collectivités territoriales, nous avons rencontré des représentants des sapeurs-pompiers, du monde agricole, des chasseurs, … Que nous ont-ils dit ? Qu’ils ployaient sous 400 000 normes qu’il est matériellement impossible de connaître toutes et d’appliquer à bon escient. Surtout, ces normes ne sont pas toujours adaptées au monde rural. Lorsque nous adoptons un texte à Paris, il s’applique de la même façon à une métropole dotée de services juridiques pointus qu’à un village de cinquante habitants où n’intervient qu’un secrétaire de mairie pendant quelques heures par semaine ! Il faut entendre le message de la France rurale.

S’il faut faire diminuer le nombre de textes, il convient aussi de prendre en compte qu’ils ne peuvent s’appliquer partout de la même façon, au risque de provoquer des absurdités. Et je ne parle même pas des textes anciens que l’on exhume parfois alors qu’ils sont en contradiction avec les nouveaux !

Au cœur du présent texte, il y a aussi le bouleversement qui consiste à raisonner en termes d’objectifs plutôt que de moyens. Il faut renoncer à la culture qui consiste à appliquer les procédures coûte que coûte, même lorsqu’elles sont manifestement inutiles ou disproportionnées.

Ce qui compte, c’est que l’on atteigne l’objectif recherché par la loi ou par le texte réglementaire, pas que l’on coche les bonnes cases. N’utilisons pas des moyens disproportionnés.

L’ensemble de ces raisons m’amène à soutenir sans réserve ce texte de bon sens.

M. Olivier Dussopt. Qu’il me soit tout d’abord permis de rassurer notre rapporteur en lui disant qu’il n’y aura pas entre nous de clivage idéologique sur l’inflation normative. Au fil du temps, les textes sont devenus trop nombreux et parfois inapplicables. Néanmoins, si l’exposé des motifs et la visée générale du texte ne posent pas problème, nombre d’interrogations surgissent rapidement. Si la rédaction s’est améliorée pour ce qui concerne l’appréhension de la ruralité, la notion de « moyens disproportionnés » reste vague et subjective. Je note cependant que des amendements sont prévus pour tenter d’y remédier.

S’agissant du pouvoir d’adaptation ou de substitution conféré au préfet, l’approche nous semble intéressante mais périlleuse à mettre en œuvre. Ne risque-t-on pas de donner au représentant de l’État un pouvoir d’appréciation et d’opportunité manifestement excessif ? Qu’il s’agisse du contrôle de légalité ou du pouvoir de police générale, un tel pouvoir d’appréciation risquerait aussi de le soumettre à des pressions locales ou à des interactions éminemment préjudiciables.

Comme l’a relevé Mme Bechtel, nous sommes également préoccupés par les atteintes au principe d’égalité devant la loi ou d’accès aux services publics dont ce texte pourrait être porteur. À cet égard, faire référence à la situation des outre-mer n’est pas satisfaisant dans la mesure où la Constitution comporte des dispositions différenciées à leur profit.

Nous considérons aussi que la référence au quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution ne suffit pas pour retenir un tel principe d’adaptabilité, puisque cet article se borne à prévoir des possibilités d’expérimentation et non de déclinaison adaptée de la norme commune.

Ces considérations nous amènent à donner un avis défavorable à l’adoption des trois articles que comporte le texte. Cela ne signifie évidemment pas que la question de l’applicabilité des normes ne se pose pas, d’autant que le contexte budgétaire contraint et les pertes de ressources qui affectent les collectivités ne manquent pas d’inquiéter cruellement les élus.

Si le texte qui nous est soumis procède d’une intention louable, sa rédaction et sa nature le rendent inapplicable et irrecevable. Il ne serait pas responsable d’adopter un texte aussi fragile. Par contre, nous invitons ses auteurs à travailler avec nous à l’occasion des prochains textes de décentralisation. Le Président de la République et le Premier ministre ont pris des engagements en ce domaine et ils mesurent le poids des normes pour les collectivités. Le Premier ministre a récemment réitéré son engagement d’installer un Haut conseil des territoires, instance de concertation chargée de travailler en lien avec le comité des finances locales, ainsi que celui de renforcer le CCEN.

Nous aurons du reste l’occasion d’y revenir avec Marylise Lebranchu, ministre en charge du dossier, dans le cadre de « l’acte III de la décentralisation ».

M. Guy Geoffroy.  Nous voilà rassurés !

M. Olivier Dussopt.  Pour conclure, je regrette que notre rapporteur n’ait pas pu – ou voulu ? – soumettre ce texte à l’examen du Conseil d’État, dont les conclusions eussent été précieuses. Enfin, contrairement à notre collègue Étienne Blanc, je ne pense pas que l’ampleur du problème justifie de passer outre le risque d’inconstitutionnalité. Il n’est déjà que trop de textes porteurs d’instabilité juridique pour prendre un tel risque.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je vais donner la parole à M. Jacques Bompard qui est d’ailleurs également signataire de cette proposition de loi.

MM. Jacques Bompard.  Il me semblait que l’Assemblée tout entière reconnaissait qu’il y avait trop de lois et trop de normes, et je considère pour ma part que ces excès attentent à la liberté des élus locaux. La multiplication des textes a aussi un coût, estimé à un milliard d’euros en 2010 et à 728 millions en 2011, ce qui n’est pas rien ! Il est donc important que l’on trouve une solution et cette proposition de loi allait dans le bon sens pour nous aider à « dé-normaliser » et à « dé-légiférer » en affirmant le principe de subsidiarité. La floraison de textes dont nous pâtissons fait peut-être plaisir à leurs auteurs mais elle nuit au bon fonctionnement de notre société.

M. Jacques Valax. Je salue le travail de réflexion intéressant effectué par notre collègue. Il n’est que temps que la volonté partagée de simplicité et de pragmatisme l’emporte sur la frénésie législative qui débouche, en particulier dans nos territoires ruraux, sur des normes souvent irréalistes et disproportionnées. Comme l’a dit notre collègue Dussopt, il reste à savoir comment nous pourrons mettre en place des exceptions ou des adaptations raisonnables et je fais miennes aussi les observations juridiques très pertinentes de notre collègue Marie-Françoise Bechtel. Il conviendra enfin que nous puissions être très étroitement associés aux futures lois de décentralisation, que nous attendons avec impatience et dans un esprit extrêmement constructif.

M. Paul Molac. Comme l’ont dit nombre d’orateurs précédents, le présent texte répond à un besoin réel, si l’on songe que les normes imposent parfois d’engager des études dix fois plus onéreuses que les travaux à réaliser ! Cela pose le problème de l’efficacité de l’action locale et de la bonne utilisation des deniers publics. J’ai bien entendu les analyses juridiques de certains de nos collègues et je ne peux que déplorer que le champ des expérimentations semble à ce point limité.

Ce texte tout à fait intéressant pourrait s’inscrire dans les futures lois de décentralisation, lesquelles devraient aller plus loin encore en donnant aux régions des pouvoirs d’adaptation locale de la norme commune. Souvent taboue en France, cette proposition ne l’est pas chez nos principaux voisins européens, lesquels disposent tous de régions dotées de pouvoirs réglementaires et législatifs.

Le rôle de l’État est de définir les grands principes auxquels on ne peut déroger. Mais il faut ensuite laisser aux collectivités locales le soin de les appliquer. Je rappelle enfin que les lois de décentralisation doivent être liées au « bouclier rural » tel que l’avait proposé François Hollande lors de la dernière campagne présidentielle.

M. Philippe Gosselin. Les critiques de notre collègue Dussopt à l’encontre de ce texte m’ont paru un peu rapides et injustes. Ce n’est pas très sympathique pour notre collègue Morel-A-L’Huissier et c’est surtout faire fi du travail de longue haleine accompli par nombre de missions qui aboutissent toutes aux mêmes conclusions. Le rapport public du Conseil d’État de 1992 ne déplorait-il pas déjà « la logorrhée législative et réglementaire » ?

Lors de la dernière campagne législative, je puis témoigner qu’à l’occasion de chacune des 169 réunions publiques que j’ai tenues dans ma circonscription rurale, le thème de l’applicabilité des normes a été abordé.

Aujourd’hui, les articles 72 et 21 de la Constitution me semblent de nature à nous permettre d’avancer très sérieusement. Le respect des principes d’égalité devant la loi ou d’accès égal aux services publics n’est plus de nature à bloquer le processus. Je rappelle que le Conseil constitutionnel reconnaît lui-même des possibilités de déroger à l’égalité pour des motifs d’intérêt général, lorsque se présentent des situations manifestement différentes. Tel est le cas en l’espèce puisque le milieu urbain n’est pas comparable au milieu rural. Le principe de mutabilité des services public est également reconnu pour permettre des adaptations locales. Il est donc possible d’aller plus loin pour permettre aux milieux ruraux de mieux vivre, de bénéficier de la simplification administrative qu’ils appellent de leurs vœux et, in fine, de mieux utiliser l’argent public. N’oublions pas que trop de normes tue la norme, surtout lorsqu’elle est inapplicable !

M. Jean-Luc Warsmann. Je salue à mon tour la qualité du travail de Pierre Morel-A-L’Huissier et des autres signataires de cette proposition de loi. Le diagnostic est partagé : il y a trop de textes et la plupart ne sont pas adaptés à la situation des communes rurales. L’intérêt du présent texte est de mettre un verrou à l’inflation normative et de faire en sorte que puissent se mobiliser autour du préfet des facultés d’adaptation. Lorsque vous avez la chance d’avoir un préfet d’une certaine envergure, il n’est pas rare qu’il essaie de lui-même de rendre la norme applicable, mais cela reste trop dépendant de la personnalité des responsables locaux.

Il convient donc d’adapter le droit et je ne reçois pas l’argument très conservateur du « bon moment ». À entendre certains, ce n’est jamais le bon moment ! Au contraire, il faut agir, surtout dans la situation économique et sociale gravissime que nous connaissons actuellement. Dans ce contexte, il est du reste essentiel que la commande publique joue son rôle. Engageons nos collègues à investir et à lancer des projets car, lorsqu’on est un élu, on n’a pas le droit d’ajouter la crise à la crise en étant trop timoré.

L’intérêt général commande par conséquent d’adopter ce texte car il permettra de débloquer des projets dans le monde rural. Il faut faire l’union sacrée pour empêcher la récession dans notre pays. C’est pourquoi je soutiens ce texte, tant pour des raisons de fond qu’au regard de la conjoncture.

M. Sébastien Denaja. Certains de nos collègues ont invoqué une intention louable : oui, si l’on veut pulvériser le principe d’égalité ! Loin de moi l’idée de plaider pour une uniformité normative mais les lois de la République ne sont-elles pas déjà adaptées à la spécificité des territoires, à l’instar de la « loi montagne » ou de la « loi littoral » ? En outre, les collectivités disposent déjà d’un pouvoir réglementaire d’adaptation de la loi qui leur procure des marges de manœuvre.

Plutôt que de poser la question de l’applicabilité des normes, ne faudrait-il pas s’interroger sur le fonctionnement de notre millefeuille institutionnel ? Sont-ce les normes qui sont inadaptées ou les structures chargées de les appliquer qui ne le sont plus ? Dépourvue de service juridique, une commune de 200 ou 300 habitants a forcément du mal à appliquer la norme !

En outre, la présente proposition de loi comporte un trop grand nombre d’imprécisions. À côté des collectivités territoriales, il semble que le nouveau droit serait ouvert à « toute personne de droit public », au risque d’un éclatement proprement inimaginable du nombre de bénéficiaires du pouvoir réglementaire ! Dans tous les États – comme l’Espagne ou l’Italie – où l’on reconnaît un pouvoir normatif local, celui-ci n’est donné qu’à un seul échelon, en vue de préserver la lisibilité de l’ordonnancement juridique. Il me semble délirant d’imaginer de conférer un pouvoir normatif local à nos 36 500 communes, en sus des établissements publics locaux et des intercommunalités !

Toute la jurisprudence du Conseil constitutionnel démontre que la fragilité constitutionnelle du texte ne fait aucun doute. Il n’y a pas d’encadrement dans le temps ni de référence à l’expérimentation, et le nombre de bénéficiaires est beaucoup trop élevé. À cet égard, je partage l’opinion d’Olivier Dussopt : si vous aviez accepté de saisir le Conseil d’État, nous aurions pu faire l’économie de la discussion d’un texte qui ne passera jamais sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel.

Au final, je m’étonne que vous sembliez négliger les possibilités offertes par le quatrième alinéa de l’article 72 de la Constitution découlant de la loi organique relative à l’adaptation normative locale. Il était tout à fait loisible de donner, à titre expérimental et sous certaines conditions, une telle faculté d’adaptation locale, en prévoyant son évaluation avant une éventuelle extension. Des dispositions existent. Je plaide pour que dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, nous desserrions les contraintes juridiques qui font obstacle à leur application.

Beaucoup a été dit sur la profusion de textes, mais c’est par l’ajout d’un nouveau texte que l’on nous propose d’y remédier. C’est toujours un peu paradoxal !

M. Yann Galut. Je confirme que les 162 maires de communes rurales de ma circonscription m’ont interpellé sur le thème que nous abordons aujourd’hui. Permettez au nouvel élu que je suis de faire part de quelques interrogations, notamment sur l’opportunité politique de défendre ce texte aujourd’hui après dix ans passés dans la majorité.

Au plan juridique, je suis pour le moins étonné que l’on n’ait pas soumis ce texte au Conseil d’État car sa constitutionnalité pose à l’évidence problème. Pour louable que soit l’intention qui le porte, il est en outre très imprécis et risquerait d’entraîner une rupture d’égalité flagrante.

Enfin, le pouvoir d’appréciation donné au préfet me semble tout à fait excessif et risque de le soumettre à des pressions insupportables, chaque maire se sentant fondé à lui demander une dérogation.

Pour moi, cette question essentielle doit être traitée dans le cadre des futures lois de décentralisation, lesquelles doivent amener à une réflexion beaucoup plus globale sur l’organisation institutionnelle de notre pays.

M. Gilles Bourdouleix. Ce texte, qui s’inspire des conclusions de la mission « ruralité », à laquelle appartenait notre collègue du groupe UDI Yannick Favennec, est de nature à rassurer les élus locaux. En dépit des objections de nature constitutionnelle ou tenant à son opportunité, le groupe UDI le votera sans réserve, surtout s’il s’enrichit des amendements présentés par le rapporteur.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Une norme a vocation à protéger. Ses dispositions touchent à l’être humain, à son environnement, au cadre dans lequel il vit, produit et agit. Par nature, elle est universelle, même si elle doit pouvoir être adaptée selon les conditions géographiques, morales ou éthiques.

Mais les normes, ce n’est pas que du droit. Leur élaboration requiert une forme d’expertise et repose sur des considérations techniques et scientifiques, particulièrement lorsque l’objectif est d’assurer la sécurité alimentaire, environnementale ou médicale. Dès lors, les adapter nécessitera la mobilisation, au niveau local, d’expertises non seulement juridiques, mais aussi d’ordre technique – par exemple en matière d’écosystème ou de microbiologie. En avons-nous les moyens, compte tenu de la santé économique dont notre pays a hérité ?

Le principe même des normes est de définir ce qui est le mieux pour tout le monde dans le plus grand espace possible. Les lois de décentralisation seront sans doute l’occasion de s’interroger sur l’échelle d’intervention et sur le meilleur niveau où déployer dans de bonnes conditions l’expertise nécessaire. Mais ce niveau n’est certainement pas celui de la commune, ni même celui des préfets de départements, qui ne disposent pas des moyens nécessaires ; ce serait une erreur profonde.

M. Matthias Fekl. Nous vivons tous, au quotidien, les conséquences de l’inflation normative, un phénomène dont les causes sont multiples : application excessive du principe de précaution, « politique du parapluie » qui conduit à légiférer sur tout et n’importe quoi… Nous devons trouver une solution, mais celle-ci ne peut consister en l’adoption d’un article d’affichage, comme cela a été suggéré. Nous ne saurions en effet nous contenter d’une disposition purement déclarative.

Selon moi, le texte de la proposition de loi doit être versé au débat engagé dans le cadre des états généraux de la démocratie territoriale, une initiative qui a donné lieu à de très nombreuses consultations de terrain souvent conduites selon une logique bipartisane alors même qu’elle a été lancée par le président du Sénat. En effet, et même si je reprends à mon compte les critiques d’Olivier Dussopt, plusieurs points du texte me semblent intéressants.

Nous devons par ailleurs envisager un renforcement des décisions de la CCEN, la commission consultative d’évaluation des normes, composée d’élus de tous bords et de praticiens du droit, et dont les avis sont souvent pertinents et pragmatiques, même s’ils n’ont qu’une valeur consultative.

Enfin, le Parlement pourrait intensifier le travail de révision des normes auquel il procède régulièrement dans le cadre de son pouvoir d’évaluation.

M. Hugues Fourage. L’utilité d’une telle proposition ne fait pas débat – même si le terme « dé-légiférer » employé par notre collègue Bompard a de quoi susciter des interrogations. Cela étant, son application soulève quelques difficultés. Tout d’abord, le « monde rural » ne fait l’objet d’aucune définition. Ensuite, aucun critère n’est prévu pour apprécier le caractère inadapté ou disproportionné d’une norme. Il en résulte un risque de contentieux et d’insécurité juridique : seul le juge administratif pourra vérifier que les mesures de substitution ont été prises pour un motif légitime. Enfin, l’intervention du préfet donnerait à celui-ci un moyen de pression non négligeable.

La proposition de loi est donc louable dans son principe, mais ses dispositions doivent être approfondies.

Mme Nathalie Appéré. Au risque de paraître iconoclaste, je ferai remarquer que les méfaits de l’inflation normative touchent également le milieu urbain. Quelle que soit la taille des collectivités, l’application des normes en ville peut également poser des problèmes. À ne s’en tenir qu’au monde rural, on risque de ne traiter qu’une partie de la question.

Par ailleurs, en tant que membre de la commission des Lois, je ne peux qu’appeler à faire preuve de modération en matière d’activité législative. Je ne sais pas si la suggestion de gager toute nouvelle proposition de loi par la suppression d’une loi existante est réaliste, mais elle nous indique la direction à prendre : en finir avec les lois inspirées de faits divers, les lois prétextes, les lois « parapluies », qui ont été adoptées en nombre ces dernières années.

Mais surtout, notre Commission va bientôt examiner un texte très attendu, celui de l’acte III de la décentralisation. Or la question abordée à travers cette proposition de loi est justement celle de notre organisation territoriale globale. Quel est le bon échelon pour l’application des normes ou la réalisation de l’expertise ? Quel est le potentiel financier des collectivités chargées de cette application ? La question de la mise en œuvre des normes ne peut pas, en effet, être traitée indépendamment de celle des ressources des collectivités, voire de celle de la péréquation – c’est-à-dire de la question plus générale de l’égalité entre territoires. De ce point de vue, les zones urbaines – et plus particulières les zones urbaines sensibles – sont également concernées.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Il vous reste, monsieur le rapporteur, à répondre aux nombreuses questions concernant les fragilités de votre texte, même si le diagnostic, lui, fait l’objet d’un consensus.

M. le rapporteur. Nos collègues sont en effet unanimes pour constater la réalité des difficultés auxquelles cette proposition de loi cherche à répondre.

Tout d’abord, madame Appéré, le terme « ruralité » n’apparaît pas dans le texte. Mais il est vrai que la mission que j’ai menée pendant près d’un an concernait les problèmes de ruralité. Or les 4 000 acteurs locaux – dont 22 préfets – que nous avons rencontrés à cette occasion dans 11 départements ont souvent fait part de leur exaspération devant les difficultés à mettre en œuvre un certain nombre de normes.

On peut certes se vouer au culte de la norme, madame Le Dain. Mais qu’il s’agisse des représentants d’associations, des élus locaux, des préfets, tous réclament un peu d’oxygène et demandent à pouvoir appliquer, sur tel ou tel sujet, des règles adaptées, assouplies, voire dérogatoires.

Sur le plan juridique, j’ai déposé des amendements qui répondent à toutes les objections formulées. La possibilité donnée aux collectivités locales d’exercer le pouvoir réglementaire se fonde en effet sur le droit d’expérimentation consacré par l’article 72 de la Constitution. Quant au recours au préfet, il est naturel en la circonstance, dans la mesure où les décisions à prendre peuvent dépasser la compétence technique de la personne instruisant le dossier. Les préfets ne sont-ils pas déjà chargés de coordonner l’action de l’État au sein du département ? Enfin, il n’est pas anormal que le juge administratif soit saisi pour vérifier la pertinence des critères invoqués pour justifier la dérogation. C’est la jurisprudence administrative qui permettra de préciser le droit.

Par ailleurs, un de mes amendements renvoie au Gouvernement le soin de fixer, par décret, les critères objectifs permettant de déterminer le caractère disproportionné des moyens matériels, techniques ou financiers nécessaires à la mise en application d’une disposition réglementaire. Le droit de prendre des mesures de substitution s’exercera donc dans un cadre juridique bien déterminé.

J’en viens au respect du principe d’égalité. Les membres du Conseil d’État que nous avions consultés nous ont précisé que la haute juridiction administrative, en tant que juge de la légalité, ne pouvait admettre l’application de mesures dérogatoires. Mais selon le président du Conseil constitutionnel, rien n’interdit au Parlement de poser un principe d’adaptabilité de certains dispositifs normatifs.

Je n’ai rien contre l’idée de renvoyer l’examen de cette question à la future loi sur la décentralisation, mais pourquoi attendre alors que le travail accompli est déjà très important ? Certes, pour des raisons de délais, M. le Président de l’Assemblée nationale n’a pas jugé possible de présenter formellement le texte de la proposition de loi devant le Conseil d’État. Toutefois je me suis servi, pour la rédiger, des travaux de M. Doligé, dont la proposition de loi, elle, a été soumise au Conseil d’État. En outre, l’adoption des amendements que je présente lui donnerait tous les fondements juridiques nécessaires.

Je rappelle à M. Blanc que la jurisprudence administrative a élaboré la théorie du bilan coûts/avantages et n’ignore pas la notion de disproportion.

Je remercie Jacques Valax de reconnaître que cette proposition de loi est justifiée dans son principe même.

M. Molac est également d’accord sur le principe, mais propose de renvoyer cette question à l’examen de la loi de décentralisation et à la mise en œuvre du « bouclier rural ». Or ce dernier n’est rien d’autre qu’un concept – un joli concept, il est vrai. Il a certes fait l’objet d’un débat en mars 2011, mais ne recouvre aucune proposition concrète.

M. Warsmann a raison : c’est le moment d’adopter cette proposition de loi. Il y a quelque mois, quand nous avons décidé, contre l’avis du système administratif et de Bercy, de porter à 15 000 euros hors taxes le seuil au-delà duquel un marché public doit faire l’objet de publicité et d’une mise en concurrence, nous l’avons fait parce que nous estimions que c’était le bon moment.

Le texte qui vous est présenté est le fruit de nombreuses auditions et d’observations de terrain. Les amendements qui l’accompagnent permettent de répondre aux objections concernant le caractère expérimental de la procédure ou les critères de dérogation. Il est donc désormais possible de répondre à l’exaspération par l’espoir et de permettre aux territoires ruraux d’échapper à l’asphyxie et au cloisonnement.

La Commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

(art. L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales)


Adaptation par les collectivités territoriales et autres personnes morales de droit public des dispositions réglementaires relevant de leurs compétences et inadaptées aux situations locales

Le présent article se propose de compléter l’article L. 1111-5 relatif aux normes, prescriptions et conditions applicables aux collectivités territoriales, par une deuxième section introduisant un principe général autorisant les personnes morales de droit public, et notamment les collectivités territoriales et leurs groupements, à adapter et à substituer des mesures appropriées aux normes réglementaires générales dans l’exercice de leurs compétences.

1. L’affirmation du pouvoir réglementaire des collectivités territoriales, un principe constitutionnel à mettre en application

La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (30) a complété l’article 72 de la Constitution afin d’y inscrire le principe suivant lequel les collectivités territoriales « disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ». Cette consécration constitutionnelle n’a pas modifié les conditions d’exercice de ce pouvoir réglementaire, telles qu’elles ont été délimitées par la jurisprudence constitutionnelle et administrative.

Le juge administratif a ainsi admis que les chefs de service, que sont également les maires et les présidents de conseils régionaux et généraux, disposaient d’un pouvoir réglementaire utile à leur organisation interne, leur permettant ainsi « de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’administration placée sous leur autorité » (31).

Le juge administratif a également reconnu l’existence d’un pouvoir réglementaire local pour l’exercice d’une des attributions permettant aux collectivités d’arrêter des règlements d’urbanisme, des règlements départementaux d’aide sociale, du pouvoir de fixer les taux d’impositions locales et, plus généralement, de l’ensemble des décisions destinées à régir l’organisation des services publics, compétence qui ne peut s’exercer sans un pouvoir réglementaire. Il en est de même de la police administrative, pour laquelle les décisions du maire peuvent elles aussi revêtir un caractère réglementaire.

Cependant, la fixation des modalités de mise en œuvre de cette attribution relève du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire national. En conséquence, le pouvoir réglementaire local ne peut se substituer au pouvoir réglementaire général du Premier ministre et ne peut être qualifié de pouvoir d’application directe des lois. L’imprécision d’une loi ne saurait avoir pour effet de conférer aux collectivités territoriales le pouvoir de décider des modalités de son exécution, la norme locale étant subordonnée à l’intervention du décret d’application (32). En revanche, l’exercice du pouvoir réglementaire local est admis si le décret n’est ni prévu par la loi, ni nécessaire (33).

Ainsi, même inscrit dans le texte constitutionnel, le pouvoir réglementaire local reste actuellement une compétence subordonnée, qui s’exerce dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Dans sa décision du 17 janvier 2002 sur la loi relative à la Corse, le Conseil constitutionnel a confirmé cette interprétation, en précisant que le pouvoir réglementaire dont dispose une collectivité territoriale dans le respect des lois et règlements ne peut s’exercer en dehors du cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi : ces compétences « n’ont ni pour objet, ni pour effet de mettre en cause le pouvoir réglementaire d’exécution des lois que l’article 21 de la Constitution attribue au Premier ministre, sous réserve des pouvoirs reconnus au Président de la République par l’article 13 de la Constitution » (34).

2. L’exercice à titre expérimental des compétences législatives et réglementaires par les collectivités territoriales, une innovation constitutionnelle peu utilisée

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a également inséré un quatrième alinéa à l’article 72, prévoyant que « dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice d’une compétence ».

Dans ce cadre, la collectivité territoriale peut, sur sa demande, être habilitée à édicter la norme applicable en lieu et place des autorités normalement compétentes en application des articles 34 et 37 de la Constitution. Le quatrième alinéa de l’article 72 confie au législateur ou au pouvoir réglementaire, pour ce qui le concerne, le soin d’autoriser cette dérogation. Cette dérogation ne peut avoir qu’un objet et une durée limités.

La loi organique n° 2003-704 du 1er août 2003 a précisé les modalités de ces expérimentations, qui sont désormais codifiées aux articles L.O. 1113-1 à L.O. 1113-7 du code général des collectivités territoriales.

La loi ou le décret autorisant l’expérimentation doivent ainsi fixer l’objet, la durée de l’expérimentation, qui ne peut dépasser cinq ans, ainsi que les dispositions auxquelles il pourra être dérogé. Il appartient également à la loi ou au décret de préciser le délai dans lequel les collectivités territoriales concernées pourront demander à participer à l’expérimentation (articles L.O. 1113-1 et L.O. 1113-7).

Avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement transmet un rapport d’évaluation au Parlement, accompagné des observations des collectivités participantes. L’expérimentation est alors, soit prolongée ou modifiée pour trois ans au plus, soit généralisée à l’ensemble des collectivités concernées, soit abandonnée (article L.O. 1113-6). Des modalités spécifiques d’évaluation sont prévues lorsque l’expérimentation porte sur des dispositions réglementaires (article  L.O. 1113-7).

Cependant, la complexité de cette procédure a conduit à une faible mise en œuvre de ce principe. Si le régime spécifique prévu par l’article 73 de la Constitution pour les départements et régions d’outre-mer a fait l’objet de plusieurs habilitations (35), peu d’expérimentations ont été mise en place pour les collectivités territoriales de droit commun dans le cadre prévu par l’article 72.

Selon la direction générale des collectivités locales (36), aucune demande émanant d’une collectivité territoriale et sollicitant une telle habilitation n’a été recensée.

À l’initiative du Gouvernement, seules deux procédures d’expérimentation ont été ouvertes et ce, uniquement en faveur des départements. L’article 142 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 a ouvert la possibilité aux départements volontaires d’expérimenter le dispositif d’aide au retour à l’emploi des allocataires du revenu minimum d’insertion et la simplification de l’accès aux contrats de travail aidés (37). Ces expérimentations ont été renouvelées dans le cadre de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, en élargissant les possibilités de dérogation à la loi afin de permettre l’expérimentation du revenu de solidarité active (RSA), en instituant un accompagnement financier de l’État aux départements expérimentateurs et en ouvrant à de nouveaux départements la possibilité de se porter candidats à une telle expérimentation.

3. La réalité de l’exercice de compétences réglementaires par d’autres personnes morales relevant du droit public

Sans que la Constitution en fasse mention, un nombre croissant d’autres personnes relevant du droit public détient actuellement un pouvoir réglementaire.

Les organismes consulaires, tels que les chambres d’agriculture et les chambres de commerce et d’industrie, les autorités administratives indépendantes, comptent parmi les personnes publiques qui sont chargées d’émettre des normes de valeur réglementaire. Le Conseil constitutionnel a été amené à leur reconnaître la possibilité de se voir confier une telle compétence pour certains aspects de leurs missions, dans la mesure où celle-ci ne compromettait pas la compétence principale du pouvoir exécutif (38).

Par ailleurs, certaines personnes de droit privé, mais chargées d’une mission de service public, sont devenues récemment d’importantes émettrices de normes. Ainsi, en application des dispositions des articles L. 131-14 et R. 131-32 et suivants du code du sport, les fédérations agréées par le ministre chargé des sports détiennent le pouvoir d’organiser ou d’autoriser les compétitions sportives et reçoivent à cette fin délégation pour édicter « les règles techniques propres aux disciplines qu’elles représentent » ainsi que « les règlements relatifs à l’organisation de toute manifestation ouverte à leurs licenciés ». L’exercice de ce pouvoir réglementaire procède ainsi directement de la loi.

4. Un dispositif ouvrant aux personnes publiques la faculté de déroger aux normes réglementaires leur imposant des prescriptions inadaptées

Le présent article propose d’étendre le pouvoir réglementaire limité reconnu constitutionnellement aux seules collectivités territoriales et à leurs groupements, en reconnaissant à toute personne publique la faculté d’adapter, dans des conditions très encadrées, les normes réglementaires édictées par l’État.

4.1. Une faculté de substituer aux normes réglementaires des mesures adaptées nécessaires à la mise en application de la loi

Comme votre rapporteur a pu le constater dans son rapport au Président de la République (39), les projets de règlement élaborés par les administrations centrales prennent rarement en compte les difficultés inhérentes aux petites collectivités territoriales et au monde rural : « l’aversion pour la modulation des normes est fortement ancrée dans les mentalités et dans les comportements des administrations régaliennes ».

Aussi, plutôt qu’attendre que les administrations parisiennes prennent en compte la réalité du monde rural, le présent article propose de laisser aux personnes publiques confrontées à des difficultés particulières pour appliquer certaines normes réglementaires, et notamment aux collectivités territoriales et à leurs groupements, la tâche de décider elles-mêmes de mesures adaptées pour mettre en application sur leur territoire les principes fixés par le législateur.

Lorsque la mise en œuvre d’une norme nécessitera d’affecter des moyens démesurés, pour un résultat ne correspondant pas toujours aux besoins spécifiques des habitants de ces collectivités en zone rurale, celles-ci pourront choisir d’adapter cette norme afin que sa mise en œuvre soit à la fois supportable et utile aux territoires concernés.

4.2. Un encadrement strict des conditions et des catégories de normes réglementaires susceptibles d’être adaptées

Cependant, cette faculté d’adaptation ne mettra pas à bas toutes les normes de valeur réglementaire existantes et à venir. Seuls certains règlements pourront être adaptés par les personnes publiques.

Cet encadrement portera :

Sur les normes qui pourront faire l’objet d’une dérogation :

—  les personnes publiques ne disposeront de cette faculté que dans les domaines où elles exercent leurs compétences : ainsi seront exclues les missions qu’elles effectuent au nom de l’État ou d’une autre personne publique ;

—  les normes concernées ne pourront être que celles que les normes réglementaires dérivées, c’est-à-dire dont l’édiction a été confiée au pouvoir exécutif par la loi, à l’exclusion des règlements pris par le pouvoir exécutif de manière autonome, en application de l’article 37 de la Constitution prévoyant que « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire » ;

—  les règlements pris dans le cadre du respect par la France d’un engagement international, et notamment les normes transposant les directives prises par l’Union européenne. En effet, le respect de celles-ci est soumis à un contrôle strict exercé par la Commission européenne, qui à l’issue d’une phase précontentieuse peut initier une action en manquement envers un État membre qui n’aurait pas mis en œuvre les dispositions normatives nécessaires à son application.

Sur les justifications permettant aux collectivités d’y déroger :

—  le critère retenu sera celui de l’inadaptation, entre la configuration des lieux, les besoins de la population ou la capacité financière de la personne publique et les moyens matériels, techniques et financiers nécessaires à sa mise en œuvre.

Enfin, l’adaptation des normes réglementaires d’application ne pourra se faire que dans le strict respect des dispositions législatives et notamment des objectifs fixés par le législateur.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CL 1 du rapporteur.

M. le rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. Olivier Dussopt. Dans la mesure où notre groupe va voter contre les trois articles de la proposition de loi, nous voterons également, par cohérence, contre les amendements présentés par le rapporteur, même s’il faut bien reconnaître que certains d’entre eux sont de nature à améliorer la rédaction du texte.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL 2 du même auteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de réserver aux seules collectivités locales et à leurs groupements la faculté ouverte par l’article 1er.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je note que, compte tenu des sujets évoqués, cette disposition de la proposition de loi aurait dû être de nature organique.

La Commission rejette l’amendement.

Puis, elle rejette l’amendement rédactionnel CL 3 du rapporteur.

La Commission est saisie de l’amendement CL 4 du rapporteur.

M. le rapporteur. Pour justifier une dérogation, le caractère disproportionné des mesures à prendre apparaît plus objectif que la notion d’inadaptation.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL 5 du rapporteur.

M. le rapporteur. Seules sont visées les décisions prises par les collectivités territoriales dans le cadre de leurs compétences, il n’est donc pas nécessaire de viser les capacités financières des autres personnes. Les mots : « ou de celle des personnes tenues de s’y conformer » sont ici inutiles.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette l’amendement de précision CL 6 du rapporteur.

La Commission en vient à l’amendement CL 7 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le présent amendement vise à introduire des critères objectifs permettant de mesurer le caractère disproportionné des moyens à mettre en œuvre pour appliquer une disposition réglementaire. L’amendement prévoit que ces critères sont définis par décret pour chaque texte.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CL 8 rectifié du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement permet de conforter la base juridique de la proposition de loi en donnant un caractère expérimental à la dérogation.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette également l’amendement rédactionnel CL 9 du rapporteur.

Elle rejette enfin l’article 1er de la proposition de loi.

Article 2

(art. L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales)


Dérogations locales aux dispositions réglementaires créant des charges disproportionnées

Si l’article 1er s’intéresse aux cas des personnes publiques, et notamment des collectivités territoriales, confrontées à la prolifération des normes réglementaires, la présente proposition de loi n’oublie pas que de nombreuses personnes privées présentes dans le milieu rural doivent faire face à des difficultés similaires. Le présent article propose non pas de leur reconnaître un pouvoir réglementaire, mais la faculté de demander à l’autorité publique une dérogation, au vu des charges disproportionnées qu’entrainerait le strict respect de la réglementation nationale. Celle-ci perdrait son caractère uniforme et inadapté pour devenir adaptable et subsidiaire.

1. La faible prise en compte des difficultés des personnes vivant ou exerçant leur activité en milieu rural

Les difficultés rencontrées par les gestionnaires des collectivités territoriales en milieu rural sont souvent partagées par les habitants et les petites et moyennes entreprises qui sont confrontés à l’accumulation de normes applicables à leur activité.

Le développement de la problématique des normes a déjà permis de mettre en place quelques réglementations adaptées, pouvant avoir valeur d’exemple. Ainsi, un arrêté du 26 octobre 2011 (40) concernant l’application des normes de sécurité incendie aux petits établissements recevant du public a ouvert la possibilité aux dirigeants de petits hôtels, notamment ruraux, de proposer des solutions alternatives adaptées aux caractéristiques de leur établissement, lorsque les dispositions du règlement national de sécurité ne peuvent être appliquées pour des raisons architecturales ou techniques propres à l’immeuble en cause. Ces solutions doivent être approuvées par la commission de sécurité compétente après une étude basée sur l’analyse de risque propre à l’établissement.

Cependant, cette adaptation des normes aux réalités concrètes ne peut être mise en œuvre que pour le futur. Pour le passé, seul un réexamen approfondi de l’impressionnant arsenal législatif et réglementaire déjà en vigueur permettrait de faire face aux difficultés récurrentes majeures de mise en œuvre.

Dans ce cadre, le présent article propose d’introduire un principe de subsidiarité applicable au corpus réglementaire français. Plutôt que l’application de la norme générale conduise à des aberrations lors de la confrontation aux réalités de terrain, le niveau local pourrait proposer à l’administration des solutions adaptées.

2. La faculté de demande de dérogation ouverte à l’ensemble des personnes devant appliquer une norme réglementaire d’application

Toute personne physique ou morale, de droit public ou de droit privé, pourrait saisir le préfet des difficultés insurmontables auxquels elle serait confrontée lors de la mise en œuvre d’une mesure réglementaire d’application.

Ainsi, contrairement au régime prévu par l’article 1er pour les personnes morales de droit public, dont les collectivités territoriales, pour ce qui concerne les domaines relevant de leur propre compétence, ces personnes n’auraient pas la possibilité d’édicter elles-mêmes les mesures de substitution envisagées, mais uniquement de solliciter le représentant de l’État dans le département d’une proposition décrivant les difficultés rencontrées et les solutions envisageables pour respecter les objectifs de la loi.

3. Des conditions d’ouverture similaires au régime de dérogation applicable aux personnes publiques en application de l’article 1er

Le régime proposé calque ses conditions sur celle rendues applicables aux personnes morales de droit public par l’article 1er.

Seules des difficultés particulières d’application de la norme, du fait de la configuration particulière du demandeur, de sa situation financière et des besoins locaux existants ou non, lui ouvrirait la possibilité de saisir le préfet d’une requête, justifiant ses difficultés et proposant des mesures qui lui permettraient de concilier les caractéristiques propres de son activité avec le respect des exigences légales.

Cependant, alors que les personnes morales de droit public, et en particulier les collectivités territoriales, devraient démontrer dans le régime précédent que ces mesures réglementaires sont inadaptées à la réalité du terrain et à leurs ressources financières, les personnes physiques ou morales concernées par le présent article pourraient engager cette procédure lorsque les conséquences de ces mesures seraient disproportionnées au regard des conditions locales et de leurs moyens financiers.

Après consultation de la commission départementale de médiation, instance de concertation entre administration préfectorale et collectivités territoriales dont l’article 3 de la présente proposition de loi prévoit la création, le préfet pourrait valider, à titre dérogatoire, le dispositif proposé par le demandeur.

Cette solution pourrait, par la suite, être rendue applicable aux personnes se trouvant dans la même situation par une réglementation adaptée, respectant ainsi le principe d’égalité entre personnes se trouvant dans des conditions similaires.

*

* *

La Commission rejette successivement les amendements rédactionnels CL 10 et CL 11, l’amendement de précision CL 12 ainsi que les amendements rédactionnels CL 13 et CL 14, présentés par le rapporteur.

Puis elle rejette l’article 2 de la proposition de loi.

Article 3

(art. L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales)


Création des commissions départementales de médiation

À l’occasion des auditions réalisées pour la préparation du rapport remis au Président de la République (41), votre rapporteur a constaté que l’afflux de nouvelles normes débouchait sur un nombre croissant d’interrogations sur ses modalités de mise en œuvre. Ces questions peuvent être soulevées tant par les collectivités territoriales que par les administrations préfectorales, et ainsi être sources de tensions et de litiges, notamment à l’occasion du contrôle des actes des collectivités.

Ces difficultés, pouvant parfois conduire à un contentieux inutile et préjudiciable à la gestion publique, pourraient être facilement aplanies par la mise en place d’une instance de concertation sur l’application des normes.

Le présent article propose ainsi de mettre en place dans chaque département, un tel lieu chargé de la concertation, afin de pouvoir clarifier les modalités d’application des normes réglementaires et de l’examen, au cas par cas, des situations concrètes pouvant justifier une dérogation à leur application.

Cette idée reprend par ailleurs une proposition avancée par le sénateur Éric Doligé dans son rapport sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales (42).

Cette commission pourrait être composée de fonctionnaires, en activité ou honoraires, et élus en cours de mandat ou ayant précédemment exercé des responsabilités locales pendant plusieurs termes. Elle ne représenterait donc pas une charge nouvelle au sens de l’article 40 de la Constitution.

Convoquée et présidée par le préfet, elle rendrait des avis consultatifs au représentant de l’État dans le département qui seraient d’autant plus utiles qu’ils seraient éclairés par des hommes et des femmes de grande expérience ayant exercé leur activité au plus près des territoires.

Elle serait obligatoirement consultée par le préfet avant la délivrance d’une autorisation de dérogation à une norme prise en application des dispositions insérées par l’article 2.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL 15 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement tend à préciser que la composition et les modalités de désignation des membres des commissions départementales de médiation devront être fixées par décret en Conseil d’État.

La Commission rejette l’amendement.

Elle rejette ensuite l’article 3.

Aucun de ses articles n’ayant été adopté, la proposition de loi est rejetée par la Commission.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi de M. Pierre Morel-A-L’Huissier et plusieurs de ses collègues portant création des principes d'adaptabilité et de subsidiarité en vue d'une mise en œuvre différenciée des normes en milieu rural (n° 142 rectifié).

TABLEAU COMPARATIF

Texte en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la Commission

___

 

Proposition de loi portant création des principes d’adaptabilité et de subsidiarité en vue d’une mise en œuvre différenciée des normes en milieu rural

Proposition de loi portant création des principes d’adaptabilité et de subsidiarité en vue d’une mise en œuvre différenciée des normes en milieu rural

Code général des collectivités territoriales

Article 1er

Article 1er

Art. L. 1111-5. – Seules peuvent être opposées aux communes, départements et régions :

L’article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales est complété par un II ainsi rédigé :

Rejeté

1° Les prescriptions et procédures techniques prévues par une loi ou un décret pris en application d'une loi et applicables à l'ensemble des personnes physiques comme des personnes morales de droit privé ou de droit public ;

   

2° Les prescriptions et procédures techniques prévues par une loi ou un décret pris en application d'une loi et spécialement applicables aux communes, départements et régions.

   

L'attribution par l'État, par une collectivité territoriale ainsi que par tout organisme chargé d'une mission de service public, d'un prêt, d'une subvention ou d'une aide ne peut être subordonnée au respect de prescriptions ou de conditions qui ne répondent pas aux règles définies ci-dessus.

   

Lorsqu'ils attribuent des aides sociales à caractère individuel, en espèces ou en nature, ou un avantage tarifaire dans l'accès à un service public, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les groupements de collectivités et les organismes chargés de la gestion d'un service public veillent à ce que les conditions d'attribution de ces aides et avantages n'entraînent pas de discrimination à l'égard de personnes placées dans la même situation, eu égard à l'objet de l'aide ou de l'avantage, et ayant les mêmes ressources rapportées à la composition du foyer.

   
 

« II. Par dérogation aux dispositions du présent article, et pour les seules décisions qui relèvent de leur compétence, les collectivités territoriales et toute personne morale de droit public peuvent, lorsque les textes adoptés par voie réglementaire pour l’application d’une loi, imposent la réalisation de prestations ou de travaux nécessitant la mise en œuvre de moyens matériels, techniques ou financiers, inadaptées compte tenu de la nature ou de la configuration des lieux, des besoins à satisfaire localement ou encore de leurs capacités financières ou de celle des personnes tenues de s’y conformer, décider de mettre en œuvre des mesures de substitution adaptées, à la condition que ces dernières satisfassent aux objectifs poursuivis par la loi.

 
 

« Cette dérogation ne s’applique toutefois pas aux dispositions réglementaires qui sont la transposition de mesures internationales ou communautaires à caractère obligatoire ou qui ne sont que le rappel d’une obligation fixée par la loi. »

 
 

Article 2.

Article 2.

 

L’article L. 1111-5 du même code est complété par un III ainsi rédigé :

Rejeté

 

« III. Lorsque les textes, adoptés par voie réglementaire pour l’application d’une loi, imposent la réalisation de prestations ou de travaux nécessitant la mise en œuvre de moyens matériels, techniques ou financiers, disproportionnés compte tenu de la nature ou de la configuration des lieux, des besoins à satisfaire localement ou des capacités financières des personnes physiques ou morales de droit public ou de droit privé tenues de s’y conformer, celles-ci peuvent proposer à l’autorité publique concernée des mesures de substitution adaptées, à la condition que celles-ci satisfassent aux objectifs poursuivis par la loi.

 
 

Exception faite du cas où la collectivité territoriale compétente intervient en application du II du présent article, l’autorisation de déroger est donnée par le préfet du département, au vu des justifications produites par les demandeurs et après avis de la commission de médiation locale.

 
 

« Les modalités de saisine du préfet seront fixées par voie réglementaire.

 
 

« Le présent article ne s’applique toutefois pas aux dispositions réglementaires qui sont la transposition de mesures internationales ou communautaires à caractère obligatoire ou qui ne sont que le rappel d’une obligation fixée par la loi. »

 
 

Article 3

Article 3

 

L’article L. 1111-5 du même code est complété par un IV ainsi rédigé :

Rejeté

 

« IV. Il est créé, dans chaque département, une commission départementale de médiation placée sous l’autorité du préfet dont la composition sera fixée par un décret en Conseil d’État. »

 

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 2, substituer à la référence :

« présent article »

la référence :

« I ».

Amendement CL2 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 2, substituer aux mots :

« toute personne morale de droit public »

les mots :

« leurs groupements ».

Amendement CL3 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 1er

I.- À l’alinéa 2, substituer aux mots :

« les textes adoptés par voie réglementaire pour l’application d’une loi »

les mots :

« des dispositions de nature réglementaire prises en application de dispositions législatives ».

II.- En conséquence, procéder à la même substitution à l’alinéa 2 de l’article 2.

Amendement CL4 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 2, substituer au mot :

« inadaptées »

le mot :

« disproportionnés ».

Amendement CL5 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 2, supprimer les mots :

« ou de celle des personnes tenues de s’y conformer ».

Amendement CL6 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 1er

À l’alinéa 2, remplacer les mots :

«, à la condition que ces dernières satisfassent aux objectifs poursuivis par la loi. »

par un alinéa ainsi rédigé :

« Les actes pris dans ce cadre mentionnent les dispositions réglementaires concernées, les prestations ou travaux nécessités pour leur application, les difficultés particulières engendrées et les mesures de substitution prises pour mettre en application les dispositions législatives concernées. ».

Amendement CL7 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 1er

Après l’alinéa 2, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Des décrets peuvent déterminer des critères permettant de préciser le caractère disproportionné des moyens matériels, techniques ou financiers nécessaires à la mise en application de dispositions réglementaires au sens de l’alinéa précédent. »

Amendement CL8 rectifié présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 1er

Avant l’alinéa 3, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Cette faculté est applicable pendant une durée de cinq ans aux dispositions réglementaires prises ou rendues applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements depuis moins de dix ans à compter de la promulgation de la loi no du portant création des principes d'adaptabilité et de subsidiarité en vue d'une mise en œuvre différenciée des normes en milieu rural. ».

Amendement CL9 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 1er

I.- Rédiger ainsi l’alinéa 3 :

« Cette faculté n’est pas applicable aux dispositions réglementaires organisant les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti ou transposant des normes à caractère obligatoire édictées par l’Union européenne ou une organisation internationale. ».

II.- En conséquence, rédiger de la même manière l’alinéa 5 de l’article 2.

Amendement CL10 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 2

I.- Au premier alinéa, substituer aux mots :

« L’article L. 1111-5 du même code »

les mots :

« Le même article L. 1111-5 ».

II.- En conséquence, procéder à la même substitution au premier alinéa de l’article 3.

Amendement CL11 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 2

Après le mot :

« proposer »,

rédiger ainsi la fin de l’alinéa 2 :

« au représentant de l’État dans le département des mesures de substitution adaptées ».

Amendement CL12 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 2

Après l’alinéa 2, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les propositions émises dans ce cadre mentionnent les dispositions réglementaires concernées, les prestations ou travaux nécessités pour leur application, les difficultés particulières engendrées et les mesures de substitution proposées pour mettre en application les dispositions législatives concernées. ».

Amendement CL13 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 2

Après les mots :

« par le »,

rédiger ainsi la fin de l’alinéa 3 :

« représentant de l’État dans le département, après avis de la commission départementale de médiation. ».

Amendement CL14 présenté par M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur :

Article 2

Rédiger ainsi l’alinéa 4 :

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent III. ».

Amendement CL15 présenté par M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur :

Article 3

Rédiger ainsi l’alinéa 2 :

« Dans chaque département, la commission départementale de médiation est présidée par le représentant de l’État dans le département. La composition et les modalités de désignation des membres de cette commission sont fixées par décret en Conseil d’État. »

PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR

● Association des Maires de France

— Mme Agnès Reiner, directrice-adjointe

— M. Alexandre Touzet, chargé des relations avec le Parlement

● Association des Maires ruraux de France

— M. Vanik Berberian, président

● Assemblée des Départements de France

— Contribution écrite de Mme Marylène Jouvien, chargée des relations avec le Parlement

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