N° 230 - Rapport de Mme Élisabeth Guigou sur la proposition de résolution européenne de M. Christophe Caresche, rapporteur de la commission des affaires européennes sur l'ancrage démocratique du gouvernement économique européen (n°203)




N
° 230

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 septembre 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (n° 203) DE M. Christophe CARESCHE, sur l’ancrage démocratique du gouvernement économique européen,

par Mme Elisabeth GUIGOU

Députée

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Voir le numéro 202.

INTRODUCTION 5

TRAVAUX DE LA COMMISSION 9

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE SUR L’ANCRAGE DÉMOCRATIQUE DU GOUVERNEMENT ÉCONOMIQUE EUROPÉEN 11

Mesdames, Messieurs,

Au cours de sa séance du 26 septembre 2012, la commission des affaires étrangères, après avoir adopté le projet de loi de ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG ou traité budgétaire), a adopté la présente proposition de résolution, présentée par M. Christophe Caresche au nom de la commission des affaires européennes.

Cette résolution est en effet directement liée à ce traité, puisqu’elle a pour objet premier de demander la création rapide de la conférence parlementaire prévue à l’article 13 de celui-ci. Cet article institue une « conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et d’autres questions régies par le présent traité ».

Ce qui est ici posé, c’est la question du contrôle démocratique. Le déficit démocratique des institutions européennes est une réalité sur laquelle les observateurs s’accordent. Ce déficit réduit la légitimité des institutions européennes et des hommes qui les animent. Il affaiblit leur capacité à prendre des décisions fortes et entretient le scepticisme des citoyens européens sur leur Union.

Il est légitime et nécessaire que le contrôle démocratique des politiques et des institutions européennes soit renforcé chaque fois que la construction européenne fait de nouveaux pas. Or, votre rapporteure en est convaincue, la construction européenne va progresser en réaction à la crise actuelle, qui est financière mais aussi politique, puisqu’au fond la très grande défiance manifestée par les investisseurs vis-à-vis des dettes souveraines des États membres les plus fragiles rend compte d’un manque de confiance dans la solidarité de la zone euro et dans sa capacité à surmonter efficacement les difficultés. Cette progression ne résultera pas du présent traité budgétaire, en lui-même peu substantiel, mais des développements que l’on peut espérer de la réorientation en cours de la construction européenne.

En effet, le traité budgétaire ne représente pas en lui-même un pas significatif de la construction européenne, ce qui explique que le Conseil constitutionnel ait jugé, dans sa décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012, que sa ratification n’impliquait pas une révision de la Constitution. Mais ce traité s’inscrit dans un ensemble de textes européens qui, dans le contexte de la crise de la zone euro, renforcent la discipline budgétaire commune : les clauses du traité, pour l’essentiel, reprennent ou anticipent le contenu de deux ensembles de règlements et directives européennes, le Six pack adopté en 2011 et le Two pack en cours d’adoption par les institutions européennes ; au-delà, ces clauses s’appuient sur les principes fondateurs de l’Union économique et monétaire qui ont été posés dès le traité de Maastricht.

Surtout, ce traité a été complété par le pacte de croissance négocié par le Président de la République lors du sommet européen des 28 et 29 juin derniers. Ce sommet a aussi jeté les bases d’une union bancaire européenne et d’une plus grande solidarité européenne, en actant la création d’une taxe européenne sur les transactions financières, en assouplissant les dispositifs de solidarité créés pour lutter contre la crise et en permettant, pour la première fois, l’émission d’une dette commune, sous la forme d’obligations de projet.

Votre rapporteure espère que ce sont là les prémices d’un véritable gouvernement économique européen, qui relancera les ambitions un peu oubliées du traité de Maastricht, telles que la coordination des politiques macroéconomiques et l’harmonisation fiscale et sociale, seules à même de réduire les déséquilibres économiques internes qui fragilisent la zone euro.

Mais un tel gouvernement économique européen, chargé de réaliser une union non seulement monétaire, mais aussi budgétaire, bancaire et économique, ne peut se concevoir sans un contrôle parlementaire puissant, reposant à la fois sur le Parlement européen et sur les parlements nationaux : dans une fédération d’États-nations, la légitimité démocratique est double. C’est pourquoi il est urgent de mettre en place, comme le demande la proposition de résolution, une conférence parlementaire réunissant des représentants de l’un et des autres, qui devra se réunir au moins deux fois par an et comprendra une formation spéciale pour débattre des problèmes propres à la zone euro.

La présente résolution souligne par ailleurs que « le Parlement français devra également débattre de l’ensemble des enjeux relatifs à l’Union économique et monétaire et invite à cette fin le Gouvernement à le consulter aux principales étapes du semestre européen et du processus européen de suivi et d’évaluation budgétaire ». Elle appelle enfin à une harmonisation des calendriers budgétaires national et européen.

Ces dispositions répondent, cette fois sur le plan du contrôle parlementaire national, aux enjeux du Six pack et du Two pack que votre rapporteure a précédemment mentionnés.

Le premier a établi le « semestre européen », c’est-à-dire une procédure annuelle formalisée d’échanges sur les politiques économiques entre les institutions européennes et chaque État membre, qui comprend les étapes suivantes :

– fin novembre, la Commission européenne publie son « examen annuel de croissance » ;

– en mars, le Conseil européen formule des orientations stratégiques pour les politiques économiques ;

– fin avril, au plus tard, chaque État communique son programme de stabilité qui détaille sa trajectoire budgétaire ;

– début juin, la Commission présente ses propositions d’avis et éventuellement des recommandations sur chaque programme national ;

– en juin ou début juillet, le Conseil (des ministres) examine ces recommandations et le Conseil européen les approuve, puis le Conseil les adopte formellement.

Quant aux projets de textes (encore en discussion) constituant le Two pack, ils proposent d’harmoniser les procédures budgétaires des États membres (avec un calendrier budgétaire commun et une normalisation du contenu de certains documents budgétaires) afin de permettre un échange sur les projets de budget nationaux entre les États et la Commission.

La présente résolution insiste en conséquence sur la nécessité d’associer le Parlement, sans doute par le biais de l’organisation de débats aux dates opportunes, à ces procédures d’échanges entre les gouvernements et les institutions européennes. Au demeurant, la mise en œuvre du « semestre européen » dès 2011 s’est accompagnée durant cet exercice de l’organisation de plusieurs débats à l’Assemblée nationale, en séance plénière ou en commission. Cette année, un débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes sera organisé dans le cadre de la discussion budgétaire, le 15 octobre, dans des conditions de publicité identiques à celles de la séance publique (ce débat aura lieu en salle Lamartine). À partir de ces expériences, les modalités de l’association du Parlement à ces procédures devront être précisées, formalisées et garanties.

Votre rapporteure a détaillé les enjeux, indissociables, de l’évolution de la construction européenne et du contrôle démocratique dans son rapport (n° 205) consacré au projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Elle vous invite donc à vous reporter à ce rapport pour de plus amples développements.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 26 septembre 2012, à l’issue de l’examen du projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire et après l’exposé de la rapporteure, la commission des affaires étrangères a adopté la proposition de résolution européenne sur l’ancrage démocratique du gouvernement économique européen (n° 203), précédemment adoptée par la commission des affaires européennes.

TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE SUR L’ANCRAGE DÉMOCRATIQUE DU GOUVERNEMENT ÉCONOMIQUE EUROPÉEN

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution ;

Vu le traité sur l’Union européenne, notamment son titre II relatif aux principes démocratiques ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier le titre VIII relatif à la politique économique et monétaire de sa troisième partie ;

Vu le protocole no 1 sur le rôle des parlements nationaux annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Vu le règlement (CE) no 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, modifié par le règlement (UE) no 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 ;

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2011 établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro (COM [2011] 0821) ;

Vu le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire signé à Bruxelles le 2 mars 2012 ;

Considérant le rôle incontournable des Parlements nationaux dans l’édification d’une Union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, au plus près des citoyens ;

Considérant que la mise en place d’un Gouvernement économique européen fondé sur la convergence des politiques économiques nationales, la solidarité financière et les disciplines budgétaires indispensables à la cohérence et à la prospérité de la zone euro exige d’affermir l’ancrage démocratique européen ;

Considérant qu’une Union économique et monétaire renforcée ne pourra lutter efficacement contre la crise, enrayer la menace du déclin et garantir le progrès économique et social qu’en mettant en œuvre une politique ambitieuse de croissance, d’emploi et d’investissement étayée par une profonde harmonisation fiscale, sociale et environnementale ;

Considérant que le succès de la réorientation de l’Europe repose sur la pleine participation des Parlements nationaux, souverains budgétaires, à la détermination et à l’évaluation des objectifs communs ;

Considérant que la concrétisation du volet parlementaire du Gouvernement économique européen, dont il appartient aux Parlements nationaux et au Parlement européen de fixer les contours, appelle la formulation de propositions précises susceptibles d’engager rapidement des discussions constructives ;

1- Demande la création rapide de la Conférence prévue à l’article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire ;

2- Estime que cette Conférence devra débattre, conformément aux dispositions du traité, de l’ensemble des enjeux relatifs à l’Union économique et monétaire, en particulier des politiques budgétaires et de leurs conséquences sociales, selon des modalités aptes à garantir que ses délibérations soient prises en compte aux diverses étapes de la coordination économique et budgétaire européenne. A cette fin :

– Une réunion ordinaire plénière pourra être organisée au printemps pour débattre de la cohérence des trajectoires budgétaires et des politiques de réformes nationales, avant que le Conseil de l’Union européenne n’adopte ses recommandations sur les programmes de stabilité et de réformes de chaque État membre ;

– Une seconde réunion plénière pourra être convoquée à l’automne pour débattre des grandes orientations des politiques économiques pour l’année suivante ;

3- Appelle à la constitution au sein de cette Conférence d’une commission spéciale composée de représentants des Parlements des États membres de la zone euro et du Parlement européen et chargée d’examiner les questions propres à la gouvernance de la zone euro et à la mise en œuvre des instruments européens de stabilité financière ;

4- Estime indispensable que cette Conférence et sa commission spéciale puissent soumettre toute contribution qu’elles jugent appropriée à l’attention des institutions européennes, selon des modalités de prise de décision qu’elles détermineront, sans que ces contributions ne lient les parlements nationaux ni ne préjugent de leur position ;

5- Considère que le Parlement français devra également débattre de l’ensemble des enjeux relatifs à l’Union économique et monétaire et invite à cette fin le Gouvernement à le consulter aux principales étapes du semestre européen et du processus européen de suivi et d’évaluation budgétaire ;

6- Estime indispensable que les calendriers budgétaires national et européen soient harmonisés de manière à rationaliser l’examen des textes et à garantir la cohérence entre les engagements européens et les décisions budgétaires nationales.

© Assemblée nationale