N° 1160 - Rapport de Mme Marie-Hélène Fabre sur la proposition de résolution européenne de M. Bruno Le Roux et Mme Catherine Quéré et plusieurs de leurs collègues sur la réforme des droits de plantation de vigne (n°906)




N° 1160

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juin 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE sur la réforme des droits de plantation de vigne,

PAR Mme  Marie-Hélène FABRE,

Députée.

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Voir les numéros : 906 et 1086.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I.— LES DROITS DE PLANTATION : UN SYSTÈME SIMPLE ET EFFICACE D’ENCADREMENT DE LA PRODUCTION 7

A.— UN SYSTÈME REMIS EN CAUSE BIEN QU’IL AIT FAIT LA PREUVE DE SON EFFICACITÉ 7

B.— LA SUPPRESSION DE L’ENCADREMENT DES PLANTATIONS AURAIT ÉTÉ NÉFASTE A L’ENSEMBLE DU SECTEUR VITIVINICOLE EUROPÉEN 8

II.— FACE À LA VASTE MOBILISATION CONTRE LA SUPPRESSION DES DROITS DE PLANTATION, LA COMMISSION EUROPÉENNE ENVISAGE DE MAINTENIR UN ENCADREMENT 9

A.— UN « FRONT UNI » CONTRE LA SUPPRESSION DES DROITS DE PLANTATION 9

B.— LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE HAUT NIVEAU : UN NOUVEAU RÉGIME D’AUTORISATIONS QUI LAISSE ESPÉRER UNE ISSUE POSITIVE DES NÉGOCIATIONS 11

1. Le groupe de haut niveau : la réaction de la Commission à l’opposition unanime des États producteurs 11

2. Des propositions qui vont dans le bon sens 12

3. L’inclusion du sujet des droits de plantation dans la réforme actuelle de la PAC 13

C.— DES ÉVOLUTIONS SONT CEPENDANT NÉCESSAIRES SUR CERTAINS POINTS CLÉS DE LA RÉFORME 14

1. L’entrée en vigueur du nouveau système 14

2. La durée du dispositif 14

3. Les plafonds européens et nationaux 14

III.— LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 15

TRAVAUX DE LA COMMISSION 17

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 27

ANNEXE - PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 29

MESDAMES, MESSIEURS,

La suppression des droits de plantation dans l’Union européenne à partir du 1er janvier 2016, décidée dans le cadre de la réforme de l’organisation commune de marché (OCM) de 2008, reposait sur une logique de dérégulation particulièrement dangereuse pour l’avenir du secteur vitivinicole.

Les droits de plantation, mis en œuvre depuis 1976 au niveau communautaire et depuis les années cinquante en France, constituent en effet un système simple et efficace d’encadrement de la production, qui a permis de maintenir l’équilibre du marché sans avoir de coût pour le budget de l’Union européenne. Leur suppression menacerait directement cet équilibre en créant des risques de surproduction. Elle pourrait également mener à des phénomènes de détournements de notoriété pour les vins sous signe de qualité. Elle perturberait enfin tout l’équilibre de la filière vitivinicole.

Face à cette menace, quatorze États membres de l’Union européenne, soit la quasi-totalité des États producteurs de vin, ont exprimé auprès des institutions européennes leur volonté que le système des droits de plantation soit maintenu. L’Assemblée nationale a adopté en juin 2011 une résolution européenne dans laquelle elle soulignait le caractère indispensable des droits de plantation pour la régulation de la production viticole. Le 13 mars dernier, le Parlement européen a pris une position forte en demandant le maintien des droits de plantation jusqu’en 2030.

La Commission européenne, qui depuis le début de la contestation écartait la possibilité de revenir sur la décision de 2008, n’a pas pu ignorer l’ampleur mécontentement que cette position a suscitée. Elle a donc constitué un groupe de haut niveau composé d’experts des États membres et de professionnels du secteur afin d’évaluer les conséquences de la suppression des droits de plantation. Les propositions de ce groupe, annoncées le 14 décembre 2012, vont incontestablement dans le bon sens : elles écartent la menace d’une dérégulation de la production, dans la mesure où un nouveau système d’encadrement, reposant sur des autorisations, est envisagé. Ces évolutions du débat laissent espérer une issue favorable des négociations, désormais rattachées à celles sur la réforme de la politique agricole commune (PAC).

La proposition de résolution européenne adoptée le 28 mai dernier par la commission des affaires européennes salue à juste titre les perspectives ouvertes par le groupe de haut niveau. Toutefois, elle insiste sur les points du débat qui devront faire l’objet d’une vigilance particulière de la part des autorités françaises car ce sont ceux sur lesquels les propositions du groupe de haut niveau ne sont pas satisfaisantes : l’entrée en vigueur du nouveau système, sa durée et les modalités de fixation des plafonds européen et nationaux de plantations.

I.— LES DROITS DE PLANTATION : UN SYSTÈME SIMPLE ET EFFICACE D’ENCADREMENT DE LA PRODUCTION

Le principe de la limitation des droits de plantation a été introduit en droit communautaire dans le cadre de la première organisation commune du marché (OCM) vitivinicole en 1976. Dans un arrêt de 1979, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a jugé que ce système ne pouvait qu’être provisoire (1): une date butoir a donc été fixée, dont le délai a été prorogé par les OCM successives, le dernier report ayant été décidé lors de la réforme de 1999, pour une période allant jusqu’en 2010.

Selon ce système, les plantations de vignes destinées à produire du vin ne sont autorisées que si les producteurs disposent d’un droit de plantation.

Les viticulteurs peuvent disposer de différents types de droits de plantation :

– des droits octroyés à la suite d’un arrachage de vigne ou droits de replantation ;

– des droits ne provenant pas de l’arrachage d’une superficie équivalente de vigne, c’est-à-dire les droits de plantation nouvelle et les droits prélevés sur une réserve.

Chaque Etat membre dispose d’une réserve de droits de plantations, alimentée par les droits périmés et ceux qui ont pu être achetés aux viticulteurs.

Ces différents types de droits ont une durée de validité limitée dans le temps : huit ans pour les droits de replantation ou deux ans pour les droits de plantation nouvelle et les droits prélevés sur une réserve.

Le système européen des droits de plantation s’est largement inspiré de la réglementation française, qui repose sur le décret du 30 septembre 1953 relatif à l'organisation et l'assainissement du marché du vin et à l'orientation de la production viticole. Les viticulteurs souhaitant procéder à des plantations doivent en faire la demande à France AgriMer ou à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO). Les autorisations sont accordées en fonction de critères de recevabilité, de priorités, ainsi que de contingents. Les critères permettent de viser des objectifs techniques (cépages, parcelles, densité) ou des objectifs socio-économiques (critères d’âge ou de superficie des exploitations). Les contingents visent à éviter de laisser croître le potentiel de production dans des proportions non compatibles avec l’évolution de la demande des marchés.

Bien que, depuis sa mise en œuvre, le système des droits de plantation ait fait la preuve de son efficacité, en permettant le maintien de l’équilibre du marché, il a été remis en cause dans le cadre de la réforme de l’OCM de 2008.

D’inspiration très libérale, cette réforme misait sur une restructuration rapide du secteur vitivinicole reposant sur un assainissement du marché grâce à la mise en place d’une politique d’arrachage, suivi de la suppression des droits de plantation afin de permettre aux producteurs compétitifs de répondre librement à la demande.

Un régime d’arrachage volontaire sur une durée de trois ans a ainsi été mis en place afin d'offrir une formule de substitution aux producteurs qui ne peuvent affronter la concurrence et d’éliminer du marché les excédents de production et les vins non compétitifs.

La fin du régime des droits de plantation au niveau de l’Union européenne devait ensuite être effective à compter du 1er janvier 2016, les États membres gardant toutefois la possibilité de les maintenir au niveau national jusqu’au 31 décembre 2018.

Pour justifier cette suppression, la Commission européenne a avancé l’argument selon lequel le système des droits de plantation serait un obstacle à la compétitivité des producteurs européens, en soulignant que l’Union européenne était la seule zone de production au monde à utiliser un tel système. Elle a estimé par ailleurs que leur suppression simplifierait les règles applicables au secteur, et, de façon pour le moins surprenante, renforcerait la réputation des vins européens, ainsi que le rôle social et environnemental du secteur dans les zones rurales.

Comme l’avait souligné notre collègue Catherine Vautrin dans son rapport sur les droits de plantation remis au ministre de l’agriculture en octobre 2010 (2), ce système d’encadrement a été bénéfique à la viticulture dans l’Union européenne.

Les principaux arguments développés dans le rapport sont les suivants :

– les droits de plantation ne limitent pas excessivement le potentiel de production puisqu’il existe des marges de surfaces disponibles ;

– de plus, le potentiel de production n’est pas le facteur déterminant dans la perte de parts de marché de l’Union européenne au niveau mondial ;

– les droits de plantation n’ont pas constitué une barrière à l’entrée du secteur ;

– enfin, ils ont joué un rôle régulateur du marché lors des variations conjoncturelles sans avoir aucun coût pour le budget de l’Union européenne.

A contrario, la suppression des droits de plantation telle qu’elle est prévue par l’OCM de 2008 fait peser des risques très lourds sur l’ensemble du secteur vitivinicole européen.

En premier lieu, la suppression de tout instrument de régulation, dans un contexte d’instabilité croissante des marchés agricoles, crée une menace d’augmentation excessive de la production du fait de l’extension des zones viticoles et du déséquilibre entre l’offre et la demande qui en résulterait.

Pour les vins à indication géographique - appellation d’origine protégée, (AOP), indication géographique protégée (IGP) - le principal risque est celui de détournements de notoriété du fait de la possibilité d’implantation de vignobles dans des zones d’appellation ou à proximité de ces zones.

Enfin, plus globalement, la suppression des droits de plantation représenterait une menace tant pour la qualité des vins produits dans les États membres que pour la structuration de la production et en conséquence pour les équilibres territoriaux, environnementaux, économiques et sociaux qui reposent sur le secteur vitivinicole.

II.— FACE À LA VASTE MOBILISATION CONTRE LA SUPPRESSION DES DROITS DE PLANTATION, LA COMMISSION EUROPÉENNE ENVISAGE DE MAINTENIR UN ENCADREMENT

Les États membres de l’Union européenne concernés par la suppression des droits de plantation se sont fortement mobilisés pour contester cette décision. Ce sont d’abord l’Allemagne puis la France qui ont demandé le maintien du régime des droits de plantation. Puis, en avril 2011, neuf États membres (3) adressaient à la Commission européenne une lettre commune reprenant cette demande. Par la suite, cinq autres États membres (4), adoptèrent cette position. Au final, c’est donc la quasi-totalité des pays producteurs (représentant 98 % de la production européenne) qui demandent l’annulation de la décision prise en 2008.

L’Assemblée nationale a également exprimé son opposition à la suppression des droits de plantation dans une résolution européenne adoptée par la Commission des affaires économiques en juin 2011 (5). Le Sénat avait également adopté une résolution en ce sens.

Résolution européenne du 19 juin 2011 sur le régime
des droits de plantation de vigne

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 85 septies et 85 octies du règlement (CE) n° 491/2009 du Conseil, du 25 mai 2009, modifiant le règlement (CE) n° 1234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique »),

Vu l’article 184, paragraphe 8, du même règlement donnant mission à la Commission d’établir, avant la fin de 2012, un rapport sur le secteur vitivinicole en tenant compte de l’expérience acquise,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions en date du 18 novembre 2010 : « La PAC à l’horizon 2020 : alimentation, ressources naturelles et territoire – relever les défis de l’avenir », (COM [2010] 672 final),

1. Considère que les droits de plantation sont l’instrument indispensable d’une politique de qualité et de régulation de la production viticole ;

2. Considère que l’abandon des droits de plantation énoncé par le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil, du 29 avril 2008, portant organisation commune du marché vitivinicole, modifiant les règlements (CE) n° 1493/1999, (CE) n° 1782/2003, (CE) n° 1290/2005 et (CE) n° 3/2008, et abrogeant les règlements (CEE) n° 2392/86 et (CE) n° 1493/1999 constitue une atteinte grave aux intérêts de la viticulture française et européenne ;

3. Craint que la libéralisation des droits de plantation n’entraîne des délocalisations des vignobles et n’ait des répercussions dramatiques sur l’activité vitivinicole de certains territoires ;

4. Souligne que les droits de plantation sont au fondement d’un équilibre économique, social, environnemental et territorial au cœur de la future reconstruction de la politique agricole commune (PAC) ;

5. Demande en conséquence que le régime communautaire des droits de plantation soit inscrit comme une règle permanente dans la PAC 2013.

Par ailleurs, le rapport déjà cité de Mme Catherine Vautrin remis au ministre de l’agriculture en mars 2010 a dressé une évaluation extrêmement complète de l’application des droits de plantation et mis en exergue tous les risques liés à leur suppression.

La mobilisation des collectivités territoriales a également été forte : à la suite de l’appel de l’association nationale de la vigne et du vin (ANEV), 1 800 délibérations de collectivités en faveur du maintien des droits de plantation ont été remises au commissaire M. Dacian Ciolos et au Président du Parlement européen M. Martin Schulz en mars 2012.

Le Parlement européen, qui est devenu depuis le traité de Lisbonne co-législateur dans le domaine agricole, s’est aussi engagé en faveur du maintien des droits de plantation. Le 13 mars dernier, dans une décision sur l’ouverture des négociations sur la proposition de règlement « OCM unique », celui-ci a estimé, sur proposition du rapporteur M. Michel Dantin, que « pour des raisons à la fois économiques, sociales, environnementales et d’aménagement du territoire dans les zones rurales à tradition viticole, et au-delà des exigences de maintien de la diversité, du prestige et de la qualité des produits vitivinicoles européens, il convient de maintenir au moins jusqu’en 2030 le système actuel des droits de plantation dans le secteur viticole ».

L’opposition de quatorze États membres représentant la quasi-totalité des pays producteurs, même s’ils ne disposaient pas de la majorité qualifiée nécessaire au Conseil pour revenir sur la décision de 2008, ne pouvait être ignorée par la Commission européenne. Le commissaire européen à l’agriculture et au développement rural, M. Dacian Ciolos, a donc décidé en janvier 2012 de confier à un groupe de haut niveau, composé d’experts des États membres ainsi que de représentants de la filière, l’organisation de discussions sur l’évaluation du régime des droits de plantation et les effets de la fin de ce régime sur le secteur et le marché du vin.

Si dans un premier temps les propositions du groupe ont pu apparaître comme décevantes, car seul un encadrement des plantations pour les vins sous signe de qualité était envisagé, les conclusions publiées le 14 décembre 2012 sont dans l’ensemble satisfaisantes. Le groupe de haut niveau s’est en effet prononcé en faveur du maintien d’un encadrement des plantations, à travers un nouveau régime général d’autorisations des plantations. Alors que la constitution du groupe de haut niveau pouvait être interprétée au départ comme l’expression d’une volonté de la Commission européenne de gagner du temps, voire d’ « enterrer » le dossier des droits de plantation, une sortie de crise paraît maintenant possible.

Le fait qu’un nouveau système d’encadrement soit envisagé traduit un compromis entre la position de la Commission européenne favorable à la suppression des droits de plantation telle que décidée en 2008 et la reconduction à l’identique du dispositif actuel demandée par les États producteurs. Il convient de saluer à cet égard le rôle déterminant dans l’évolution positive des travaux du groupe de haut niveau joué par la France sous l’impulsion du ministre de l’agriculture français.

Le nouveau système proposé par le groupe de haut niveau s’appliquerait à tous les États membres, à l’exception des États ayant une très faible production, selon la clause dite de minimis (6). Il concernerait toutes les catégories de vin, qu’ils soient sous signe de qualité ou non. Ce point représente une avancée importante par rapport aux premières propositions du groupe de haut niveau. Ne maintenir un encadrement que pour les vins sous signe de qualité aurait en effet fait peser le risque de détournements de notoriété pour ces vins, qui représentent une part très importante des exportations de l’Union européenne.

Les autorisations seraient accordées gratuitement ; elles seraient non transférables et expireraient au bout de trois ans.

Un plafond des plantations serait défini au niveau de l’Union européenne, sous la forme d’un pourcentage maximum d’augmentation des surfaces plantées. Les États membres auraient la possibilité de fixer un pourcentage inférieur au niveau national ou régional, ou spécifiquement pour certaines catégories de vin (AOP, IGP, vins sans indication géographique), selon des critères objectifs et non discriminatoires.

La délivrance des autorisations relèverait de la compétence des autorités nationales, qui pourraient prendre en compte les recommandations des organisations professionnelles reconnues et représentatives. Si les demandes d’autorisations dépassent le pourcentage défini au niveau national, des critères de priorité objectifs et non discriminatoires définis au niveau de l’Union européenne devraient s’appliquer, éventuellement complétés par des critères nationaux obéissant aux mêmes principes.

Le nouveau système s’appliquerait à compter du 1er janvier 2016 pour une durée de six ans.

Ces propositions doivent maintenant être traduites dans un texte législatif européen. La présidence irlandaise de l’Union européenne a fait le choix de les intégrer dans la réforme en cours de l’OCM unique, elle-même incluse dans celle de la PAC. Cette solution permettra un aboutissement plus rapide de la procédure par rapport à la présentation d’un nouveau texte par la Commission européenne.

Le Conseil « Agriculture » a pris position, dans le cadre d’une orientation générale sur la réforme de la PAC adoptée le 19 mars dernier, en faveur d’un nouveau régime d’autorisations des plantations s’inspirant des recommandations du groupe de haut niveau :

– ce régime s’appliquerait à toutes les catégories de vin et à tous les États membres producteurs de vin (hormis ceux concernés par la clause de minimis) ;

– les autorisations seraient gratuites et non cessibles et elles auraient une durée de trois ans ;

– contrairement aux propositions du groupe à haut niveau, le conseil souhaite une entrée en vigueur du nouveau dispositif au 1er janvier 2019 pour une durée de six ans, soit jusqu’en 2024 ;

– le pourcentage d’augmentation des plantations correspondrait à 1 % des surfaces plantées ;

– les États membres auraient la possibilité de fixer un taux inférieur au niveau national et de le moduler au niveau régional ;

– le système d’autorisations serait géré par les États membres, en fonction de critères d’ordre économique mais également afin de préserver la qualité et d’éviter les détournements de notoriété ; des critères de priorité seraient appliqués si les demandes dépassent le plafond défini au niveau national ;

– des autorisations automatiques seraient accordées pour les producteurs ayant fait des arrachages ; ces autorisations ne seraient pas comptabilisées dans le plafond de plantations défini au niveau national et devraient être utilisées sur la même exploitation ;

– les États membres auraient la possibilité de prendre en compte les recommandations des organisations professionnelles ;

– les droits de plantation valables au 31 décembre 2018 non utilisés seraient convertis en autorisations.

Concernant le calendrier, la présidence irlandaise de l’Union européenne espère un accord politique sur la réforme de la PAC en première lecture au Conseil agriculture des 24 et 25 juin prochains. Des « trilogues » se tiennent depuis le mois d’avril entre la Commission européenne, le Conseil et le Parlement européen. Le dernier trilogue, qui s’est tenu le 6 juin, n’a pas permis de parvenir à un accord.

La suppression des droits de plantation doit intervenir le 1er janvier 2016 mais les États membres conservent la possibilité de les maintenir jusqu’au 31 décembre 2018. Si le nouveau régime d’autorisations entrait en vigueur dès 2016, deux systèmes différents pourraient donc coexister dans l’Union européenne, ce qui ne paraît pas souhaitable.

En outre, un délai supplémentaire est nécessaire pour permettre aux détenteurs de droits de plantation provenant d’arrachages ou d’acquisitions auprès des réserves nationales d’en bénéficier s’ils le souhaitent. Le rapport déjà cité de notre collègue Catherine Vautrin estimait que les droits non utilisés représentaient près de 8% environ de la surface plantée en France, ce qui correspond à la moyenne européenne.

Pour ces raisons, il conviendrait donc de fixer la date d’entrée en vigueur du nouveau système au 1er janvier 2019.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne, l’encadrement des droits de plantation ne peut reposer sur un dispositif pérenne car celui-ci serait considéré comme portant atteinte au droit de propriété. Cependant, la durée de six ans proposée par le groupe de haut niveau et le conseil (ce qui signifie une application soit jusqu’en 2019, soit jusqu’en 2024) n’est pas suffisante pour garantir aux viticulteurs européens la stabilité et la lisibilité dont ils ont besoin. Une application du nouveau système jusqu’en 2030, comme le demande le Parlement européen, est souhaitable. Cette perspective pourrait être ouverte dans le cadre du bilan à mi-parcours proposé par le groupe de haut niveau.

La fixation des plafonds de plantations nouvelles au niveau de l’Union européenne et des États membres est un enjeu particulièrement important car leur niveau doit permettre de préserver l’équilibre du marché. Ainsi, la fixation d’un taux trop élevé pourrait entraîner un effondrement des prix. On estime qu’en France les plantations nouvelles représentent seulement 0,2 % de la surface plantée.

Le groupe de haut niveau n’a pas proposé de taux pour le plafond annuel des plantations. Dans ses conclusions du 19 mars dernier, le Conseil « Agriculture » souhaite un taux de 1 %. La Commission européenne serait également favorable à un taux de 1 %, tandis que le Parlement européen souhaiterait que le plafond soit fixé à 0,5 %.

Compte tenu des enjeux, il paraît essentiel que le plafond au niveau de l’Union européenne soit fixé en fonction de critères économiques objectifs et que la recherche de l’équilibre du marché soit l’un de ces critères.

Il est également important que les États membres puissent fixer un plafond plus bas en prenant en compte les caractéristiques du marché européen, national et régional. Cette prise en compte sera favorisée par la concertation des autorités nationales avec les organisations professionnelles du secteur viticole.

III.— LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

La proposition de résolution adoptée le 28 mai dernier par la commission des affaires européennes répond à plusieurs objectifs.

Elle salue en premier lieu l’évolution récente du débat sur les droits de plantation au niveau de l’Union européenne : la perspective d’un nouveau régime d’autorisations des plantations traduit l’abandon de l’idée d’une libéralisation totale et le maintien d’une régulation nécessaire au marché.

Elle souligne ensuite les points qui devront faire l’objet d’une vigilance particulière dans les négociations :

– la durée du dispositif, qui devrait être applicable jusqu’en 2030 ;

– l’entrée en vigueur, qui devrait être fixée au 1er janvier 2019, notamment pour permettre aux titulaires de droits de plantation de les exercer d’ici là ;

– les modalités de fixation des plafonds d’augmentation des surfaces plantées : ceux-ci devront tenir compte de critères économiques objectifs et préserver la viabilité économique de l’ensemble de la filière viticole ; les plafonds fixés par chaque État membre devront tenir compte de l’état du marché régional, national et européen.

Enfin, la proposition insiste sur la nécessité de conduire la gestion des autorisations en concertation avec les organisations professionnelles viticoles, conformément à la possibilité proposée par le groupe de haut niveau.

Plus globalement, la proposition de résolution vise à appuyer la position des autorités françaises dans des négociations qui doivent s’intensifier, dans la perspective d’un accord politique sur la réforme de la PAC d’ici fin juin.

Totalement en accord avec les orientations de la proposition de résolution, votre rapporteure vous propose l’adoption d’un amendement de précision à l’alinéa 8, qui rappelle que le nouveau dispositif s’appliquerait obligatoirement à l’ensemble des États membres ayant une production de vin significative à partir du 1er janvier 2019.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du 18 juin 2013, la commission a examiné la proposition de résolution européenne sur la réforme des droits de plantation des vignes (n° 1086) sur le rapport de Mme Marie-Hélène Fabre.

M. le président François Brottes. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’après un délai de quinze jours, la proposition de résolution qui sortira éventuellement des travaux de notre commission pourra être considérée comme définitive sans qu’il soit nécessaire de l’adopter en séance plénière.

Mme Marie-Hélène Fabre, rapporteure. Notre commission doit donc se prononcer aujourd’hui sur une proposition de résolution relative à la réforme des droits de plantation de vigne, adoptée par la Commission des affaires européennes le 28 mai dernier. Une résolution européenne sur le même sujet avait été adoptée lors de la précédente législature, en 2011, mais la récente évolution du débat au sein de l’Union européenne justifie le vote d’une nouvelle résolution.

Si les prix du vin ne se sont pas effondrés en Europe, et si nous ne connaissons pas une situation structurelle de surproduction alors que la consommation recule depuis plusieurs décennies, nous le devons certainement au système des droits de plantation qui a permis de mettre en place une stratégie de montée en gamme.

Mis en œuvre en France dès 1953, le principe de la limitation des droits de plantation a été introduit en droit communautaire dans le cadre de la première organisation commune du marché (OCM) vitivinicole en 1976. Selon ce système, les plantations de vignes destinées à produire du vin ne sont autorisées que si les producteurs disposent d’un droit de plantation. Ces droits peuvent être octroyés à la suite d’un arrachage de vigne ou de droits de replantation, mais il peut aussi s’agir de droits de plantation nouvelle ou de droits prélevés sur une réserve – chaque État membre dispose d’une réserve de droits de plantations, alimentée par les droits périmés et ceux qui ont pu être achetés aux viticulteurs.

Bien que, depuis sa mise en œuvre, le système des droits de plantation ait fait la preuve de son efficacité, en permettant le maintien de l’équilibre du marché, il a été remis en cause dans le cadre de la réforme de l’OCM de 2008. D’inspiration très libérale, cette réforme misait sur une restructuration rapide du secteur reposant sur un assainissement du marché grâce à la mise en place d’une politique d’arrachage, qui devait être suivi de la suppression des droits de plantation afin de permettre aux producteurs compétitifs de répondre librement à la demande. La fin du régime des droits de plantation au niveau de l’Union européenne devait être effective à compter du 1er janvier 2016, les États membres gardant toutefois la possibilité de les maintenir au niveau national jusqu’au 31 décembre 2018.

La suppression des droits de plantation fait peser des risques très lourds sur l’ensemble du secteur vitivinicole européen. L’augmentation excessive de la production et le déséquilibre du marché du fait de l’extension des zones viticoles constituent de réelles menaces. Un risque de détournement de notoriété en raison de la possibilité d’implantation de vignobles dans des zones d’appellation ou à proximité de ces zones pèse sur les vins à indication géographique. La menace concerne aussi la qualité des vins produits dans les États membres, la structuration de la production et, en conséquence, les équilibres territoriaux, environnementaux, économiques et sociaux qui reposent sur le secteur vitivinicole.

Mais la décision de supprimer les droits de plantation est fortement contestée. Les professionnels de la filière viticole et les élus – notamment ceux qui sont membres de l’Association nationale des élus de la vigne et du vin (ANEV), dont M. Philippe Armand Martin est coprésident – se sont battus sans faiblir depuis 2008 pour sauvegarder les droits de plantation. Les États producteurs se sont également mobilisés à l’instar de l’Allemagne, en 2010, puis de la France, en 2011. Au final, quatorze États membres, représentant la quasi-totalité des producteurs de vin, s’opposent à cette réforme. L’Assemblée nationale a également exprimé son opposition à la suppression des droits de plantation dans une résolution européenne adoptée par la Commission des affaires économiques en juin 2011. En février de la même année, le Sénat a adopté une résolution allant dans le même sens. Le Parlement européen, qui est devenu, depuis le traité de Lisbonne, co-législateur dans le domaine agricole, s’est aussi engagé en adoptant le 13 mars dernier une décision demandant le maintien des droits de plantation au moins jusqu’en 2030.

Même si elle ne rassemble pas la majorité qualifiée nécessaire au Conseil pour revenir sur la décision de 2008, l’opposition d’un si grand nombre d’États membres ne pouvait être ignorée par la Commission européenne. En janvier 2012, cette dernière a donc décidé de confier à un « groupe de haut niveau » l’organisation de discussions sur l’évaluation des droits de plantation et les effets de leur suppression. Les conclusions publiées le 14 décembre 2012 sont dans l’ensemble satisfaisantes. Le groupe de haut niveau s’est en effet prononcé en faveur du maintien d’un encadrement des plantations, à travers un nouveau régime général d’autorisations des plantations.

Alors que la constitution du groupe de haut niveau pouvait initialement être interprétée comme l’expression d’une volonté de la Commission européenne de gagner du temps, voire d’« enterrer » le dossier des droits de plantation, une sortie de crise paraît maintenant possible. Il convient de saluer à cet égard le rôle déterminant joué par la France sous l’impulsion du ministre de l’agriculture, M. Stéphane Le Foll.

Le nouveau système proposé s’appliquerait à tous les États membres,et il concernerait toutes les catégories de vin, qu’ils soient sous signe de qualité ou non. Les autorisations seraient accordées gratuitement ; elles seraient non transférables et expireraient au bout de trois ans. Un plafond des plantations serait défini au niveau de l’Union européenne. Les États membres auraient la possibilité de fixer un pourcentage inférieur au niveau national ou régional, ou spécifique à certaines catégories de vin, selon des critères objectifs et non discriminatoires. La délivrance des autorisations relèverait de la compétence des autorités nationales qui pourraient prendre en compte les recommandations des organisations professionnelles reconnues et représentatives. Si les demandes d’autorisation dépassent le pourcentage défini au niveau national, des critères de priorité objectifs et non discriminatoires définis au niveau de l’Union européenne devraient s’appliquer, éventuellement complétés par des critères nationaux obéissant aux mêmes principes. Le nouveau système s’appliquerait à compter du 1er janvier 2016 pour une durée de six ans.

Ces propositions doivent maintenant être traduites dans un texte législatif européen. La présidence irlandaise de l’Union européenne a fait le choix de les intégrer dans la réforme en cours de la PAC. Un accord politique sera recherché en première lecture d’ici à la fin de ce mois. Le Conseil « Agriculture et pêche » a pris position le 19 mars dernier en faveur d’un nouveau régime d’autorisations des plantations s’inspirant des recommandations du groupe de haut niveau. Contrairement aux propositions de ce groupe, le Conseil souhaite une entrée en vigueur du nouveau dispositif au 1er janvier 2019 pour une durée de six ans, soit jusqu’en 2024. Alors que le groupe de haut niveau n’a pas proposé de taux pour le plafond d’augmentation des plantations, le Conseil s’est prononcé en faveur d’un taux correspondant à 1 % des surfaces plantées.

La proposition de résolution européenne adoptée le 28 mai dernier par la Commission des affaires européennes de l’Assemblée, sur le rapport de Mme Catherine Quéré, répond à plusieurs objectifs.

Elle salue tout d’abord l’évolution récente du débat sur les droits de plantation au niveau de l’Union européenne.

Elle souligne ensuite les points qui devront faire l’objet d’une vigilance particulière dans les négociations. Ainsi, le dispositif devrait être applicable jusqu’en 2030 car une application jusqu’en 2021, comme le propose le groupe de haut niveau, ou jusqu’en 2024, comme le souhaite le Conseil, n’offrira pas suffisamment de stabilité et de lisibilité aux producteurs. Juridiquement, il n’est pas possible d’envisager un dispositif pérenne, mais il serait souhaitable que, par exemple, dans le cadre du bilan à mi-parcours du nouveau système, sa prolongation soit décidée au moins jusqu’en 2030. Par ailleurs, l’entrée en vigueur devrait être fixée au 1er janvier 2019, notamment pour permettre aux titulaires de droits de plantation de les exercer d’ici à cette date. Notre collègue Catherine Vautrin estimait dans son rapport de 2010 que les droits non utilisés représentaient près de 8 % environ de la surface plantée en France, ce qui correspond à la moyenne européenne. Il faudra aussi que les modalités de fixation des plafonds d’augmentation des surfaces plantées tiennent compte de critères économiques objectifs et préservent la viabilité économique de l’ensemble de la filière viticole. Les plafonds fixés par chaque État membre devront tenir compte de l’état du marché régional, national et européen. Selon les informations qui m’ont été communiquées, dans les négociations actuelles, la Commission européenne et le Conseil sont favorables à un taux de 1 % d’augmentation annuelle des surfaces plantées, tandis que le Parlement européen défend un taux de 0,5 %.

Enfin, la proposition de résolution insiste sur la nécessité de conduire la gestion des autorisations en concertation avec les organisations professionnelles viticoles, conformément à la possibilité proposée par le groupe de haut niveau.

La proposition de résolution exprime clairement la volonté d’aboutir à un nouveau système d’encadrement efficace.

M. le président François Brottes. Ce dossier emblématique me réconcilie avec l’Europe. Je me souviens qu’en 2010, lors d’une visite à Bruxelles d’une délégation de notre Commission, emmenée par son président de l’époque, Serge Poignant – Germinal Peiro était présent –, le Commissaire européen à l’agriculture, Dacian Ciolos, considérait que le sujet n’avait guère de chance d’évoluer positivement. Mais nous avons manifestement réussi à faire bouger les lignes, et il faut nous en féliciter ! Les élus se sont mobilisés, toutes tendances politiques confondues – dans l’opposition, nous avions voté la résolution européenne de 2011–, et cela a été payant !

M. Kléber Mesquida. In vino veritas ! En ouvrant dimanche dernier, le salon mondial des vins et spiritueux, Vinexpo, à Bordeaux, Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, a rappelé que le secteur viticole français, avec 85 000 viticulteurs et 190 000 emplois directs, avait exporté, en 2012, pour 11 milliards d’euros ! Il faut répéter ces chiffres car le vin est encore trop souvent associé aux ravages de l’alcoolisme alors que nous savons bien, par exemple, qu’il n’est pour rien dans des pratiques comme le binge drinking.

En fait, nous sommes passés du vin nourriture – que Pasteur qualifiait d’aliment – au vin plaisir. Le vin est un patrimoine culturel, paysager et gastronomique qu’il faut protéger. Que serait notre gastronomie sans vin ? La qualité des vins passe par un encadrement cohérent de régulation de l’offre. Depuis 1976, les droits de plantation avaient enrayé les excédents structurels. La requalification de certains vignobles avec des cépages améliorateurs avait également permis d’augmenter considérablement la qualité de notre production. Quelle que soit la région de France concernée, nous touchons aujourd’hui à l’excellence, et plus personne ne peut parler de « bibine », comme l’avait fait le ministre de l’agriculture, Christian Bonnet, en 1976.

L’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 13 décembre 1979 considérant que les droits de plantation étaient contraires au droit de propriété, leur existence n’a pu être envisagée de façon permanente. La réforme de 1999 a posé le principe de leur prolongation jusqu’en 2010. La réforme de l’OCM vitivinicole de 2008 prévoyait leur suppression pour 2016 – ce qui était incohérent car ces droits pouvaient être validés par les États qui le souhaitaient jusqu’en 2018. Dès 2008, le Parlement européen s’est opposé à cette évolution.

Une libéralisation ferait courir un triple risque. Les zones de production pourraient se déplacer, ce qui entraînerait un déséquilibre du marché et des détournements de notoriété. La structuration du vignoble serait bouleversée ainsi que l’équilibre des territoires de production. L’impact serait considérable sur le territoire, les paysages et la biodiversité.

J’espère que nous serons unanimes pour demander le rétablissement d’une régulation utile. Il nous appartient également de défendre les appellations d’origine et les mentions traditionnelles.

Je remercie le commissaire européen à l’agriculture, M. Dacian Ciolos, qui a mis en place le groupe de haut niveau. Si, dans un premier temps, nous avions quelques inquiétudes, nous avons été progressivement rassurés. Un degré de maturation bien connu lorsqu’il s’agit de qualité des vins a permis de mettre sur la table les propositions qu’il nous appartient désormais d’enrichir.

Les plafonds restent de la responsabilité des États. Le Parlement européen plaide pour une augmentation annuelle des surfaces plantées de 0,5 %, position que partagent la France, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Toutefois le Conseil est favorable à une progression de 1 %, et certains pays souhaitent aller au-delà. Il ne faudrait pas inonder le marché ; cela ne serait pas sans conséquence !

Les autorisations seront automatiques pour ceux qui arrachent ; elles ne seront pas comprises dans le pourcentage de nouvelles plantations défini au niveau national. La régulation se fera à ce niveau, mais par bassin viticole, avec l’avis de la profession, ce qui évitera les distorsions sur le plan national.

La prolongation du nouveau dispositif jusqu’en 2030 semble indispensable. On ne replante pas une vigne tous les ans. Elle a besoin de plusieurs années de production et d’une durée d’amortissement suffisante.

M. Jean-Claude Mathis. L’Assemblée débat des droits de plantation de vigne depuis 2008, et la proposition de résolution européenne, que le groupe UMP votera, s’inscrit dans la continuité de ce qui a été engagé sous la précédente législature.

En effet, le 1er juin 2011, notre Commission avait adopté une proposition de résolution européenne soutenant le régime des droits de plantation de vigne. Ce régime, tel qu’il existe depuis 1976, est indispensable à une politique viticole de qualité et constitue un instrument de régulation nécessaire.

Sans esprit polémique, notre groupe regrette que cette continuité ne concerne pas également la logique unitaire qui avait prévalu lors de la précédente législature. La proposition de résolution qui nous est soumise aurait pu être présentée par l’ensemble des députés qui se sont mobilisés sur le sujet depuis des années, quel que soit le groupe politique auquel ils appartiennent. L’actuelle majorité a choisi de présenter un texte sous le nom du seul groupe SRC ; nous le regrettons.

La réforme des droits de plantation proposée par les autorités européennes menaçait de détruire ce que nous avions mis des années à construire. Elle risquait de banaliser la production du vin et d’augmenter le nombre de délocalisations. Grâce à une mobilisation sans précédent, la Commission européenne est revenue sur sa décision. Le groupe de haut niveau mis en place par le commissaire chargé de l’agriculture est parvenu à soumettre une proposition équilibrée et juridiquement acceptable par la Cour de justice de l’Union européenne.

Il nous faut toutefois rester vigilants, notamment concernant les modalités de transition entre les deux régimes, le niveau des taux et plafonds annuels de plantations nouvelles, et la durée du dispositif. Sur ce dernier point, la mobilisation doit impérativement se poursuivre si nous voulons sauvegarder notre patrimoine vinicole, notre savoir-faire et nos emplois.

M. le président François Brottes. Cher collègue, je me permets de vous rappeler que la dernière fois que j’ai proposé à votre groupe le dépôt d’une proposition de résolution commune sur les farines animales, j’ai essuyé un échec !

Mme Brigitte Allain. Depuis la réforme de la politique vitivinicole de 2008, cet outil de régulation fortement structurant pour notre économie et nos terroirs risque de disparaître. La PPR est donc indispensable dans le contexte de libéralisation que nous connaissons. Je rappelle que le Sénat en a déjà adopté une et je tiens à remercier Catherine Quéré pour le travail qu’elle a accompli.

À l’automne, j’ai organisé à Bergerac une conférence à ce sujet avec Catherine Grèze, députée européenne, en présence des représentants des organisations professionnelles de la Dordogne et de M. Bobillier-Monnot, directeur de la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d’origine contrôlée (CNAOC). Elle a confirmé la totale solidarité des producteurs, des négociants et des élus des collectivités locales pour travailler en ce sens-là. C’est la forte mobilisation de nombreux acteurs dans toutes les régions françaises et dans d’autres États membres, ainsi que celle des organisations politiques qui a permis de faire évoluer la position des institutions européennes.

Le 14 mars, le Parlement européen a ainsi voté une proposition intéressante visant à maintenir le système actuel jusqu’à 2030, solution qui me semble la plus adaptée compte tenu des points de vue de la quasi-totalité des États membres. En revanche, la proposition qui sera discutée la semaine prochaine lors du Conseil « Agriculture » constitue un pas en avant vers la libéralisation des quotas, ce qui est regrettable. J’ai eu l’occasion de faire part de mes interrogations à ce propos au sein du groupe d’études sur la viticulture et en Commission des affaires européennes. L’option choisie n’est pas la plus protectrice pour les droits de plantation, mais elle reflète l’esprit de compromis de la France.

Nous le savons : outre que, à moyen terme, la dérégulation du secteur entraînera un phénomène de concentration des exploitations et une diminution des emplois, elle aura un impact environnemental – modification, voire dégradation des paysages, disparition probable des terroirs et des économies qui les environnent.

J’ai noté avec satisfaction l’ajout de la référence explicite au « terroir » dans l’exposé des motifs de la PPR suite à la proposition de Mme Auroi en Commission des affaires européennes. Je proposerai quant à moi un amendement concernant l’augmentation des surfaces – je souhaite que les critères pris en compte soient non seulement économiques, mais aussi environnementaux, au sens pédologique du terme – et un autre visant à faire en sorte que la gestion des autorisations par l’État soit conduite au plus proche du territoire, dans le cadre des bassins de production.

M. Frédéric Roig. Je remercie Mme la rapporteure des précisions qu’elle a apportées sur un dispositif essentiel pour nos territoires. C’est l’ensemble d’une filière qui, en effet, était inquiet. De plus, au-delà des négociations, il importe de favoriser un compromis.

Des interrogations demeurent toutefois quant à ce mécanisme de régulation puisque le droit n’implique pas forcément une autorisation, et inversement. Il conviendra donc, comme l’a dit M. Kleber Mesquida, de continuer à travailler et à faire preuve de vigilance en ce qui concerne les questions patrimoniales et l’organisation de ce mécanisme au sein des territoires.

Comme nous l’avons constaté dans le cadre du groupe d’études sur la viticulture et grâce au travail accompli par Mme Quéré, les organisations peuvent différer selon les régions viticoles et le mécanisme envisagé doit en tenir compte, en liaison avec les représentants de la profession et de l’État. C’est important si nous voulons parvenir à mettre en place une bonne régulation sur le plan national.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de résolution.

Article unique

La commission examine l’amendement CE 3 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Le futur système d’encadrement des plantations doit s’appliquer obligatoirement dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne, à l’exception de ceux ayant une production très faible, exemptés en application de la clause de minimis.

M. le président François Brottes.  Vous visez les États membres « ayant une production de vin significative ». Qu’entendez-vous par là ?

Mme la rapporteure. Ceux dont la production était supérieure à 25 000 hectolitres en 2007. Les Etats membres ayant une production inférieure à ce seuil sont en effet exemptés du régime des droits de plantation.

M. le président François Brottes.  Voilà qui ôte toute imprécision !

La commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis elle est saisie de l’amendement CE 1 de Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Il convient de tenir compte des critères environnementaux. L’augmentation des surfaces ne doit pas être automatique, comme le souligne la PPR. Elle doit être réalisée en adéquation avec la viabilité des opérateurs et en tenant compte de la santé de sols, des bassins versants ainsi que des éléments environnants – paysages, rivières, urbanisation –, car les conflits d’usages peuvent être très graves.

Mme la rapporteure. Cette PPR visant précisément à maintenir les périmètres des zones de plantations tels qu’ils sont, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Brigitte Allain. J’entends bien, mais il importe d’envisager s’il est ou non possible d’augmenter les plantations, y compris au sein des zones d’appellation, en fonction de critères environnementaux incluant la proximité ou non de rivières et, plus globalement, la pédologie.

Au cours des dix dernières années, des plantations ont été faites dans des zones inondables du bordelais et elles ont dû être arrachées dernièrement. Les critères environnementaux me paraissent donc aussi très importants.

M. le président François Brottes. L’alinéa 9 se référant à l’ « équilibre du marché », seuls les critères économiques doivent à mon sens être mentionnés. En introduire d’autres à cet endroit-là reviendrait à mélanger les genres, ce qui affaiblirait notre argumentation et l’impact de la proposition.

Mme la rapporteure. Vous avez raison, monsieur le président. J’ajoute que la PPR prend en compte l’impact environnemental en soulignant que le vin est « d’abord l’expression d’un terroir ». Cela confirme que les périmètres de vignes sont déjà établis et que c’est sur eux que porteront les autorisations de plantations.

M. le président François Brottes. Nous sommes dans une logique de « régulation de marché » pour éviter que les métiers du vin ne disparaissent. Les critères de régulation peuvent difficilement être autres qu’économiques, sinon nous risquons de donner un prétexte à la Commission européenne pour restaurer un dispositif d’arrachage ou de plantations à partir d’autres critères, ce qui n’est pas notre objectif. Je me permets d’insister afin de vous convaincre de bien vouloir retirer cet amendement, madame Allain : une unanimité sur ce texte ne nous rendrait que plus forts même si, évidemment, chacun reste libre.

Mme Brigitte Allain. Sans doute aurait-on pu attirer l’attention sur l’aspect environnemental au moins dans l’exposé des motifs, mais nous en reparlerons dans quelques années… Je le répète : des dérives existent, y compris dans des zones spécifiquement viticoles. Je retire néanmoins mon amendement.

L’amendement CE 1 est retiré.

La commission examine l’amendement CE 2 de Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Il me semble important d’associer cet échelon structurant qu’est le territoire dans la gestion et la gouvernance des droits de plantation. L’alinéa 12 doit donc préciser que la gestion des autorisations sera conduite, en concertation, avec les organisations professionnelles viticoles et « au sein des bassins régionaux de production ».

Mme la rapporteure. Les organisations professionnelles viticoles étant celles des bassins, cet amendement me semble satisfait. Je m’en remettrai toutefois à la sagesse de la Commission si vous acceptez, madame Allain, de supprimer le mot « régionaux ».

Mme Brigitte Allain.  Soit.

M. le président François Brottes. Il me semblerait préférable de préciser que la gestion des autorisations sera conduite « en concertation » avec les bassins de production, plutôt que « au sein » de ces derniers, car il ne faut pas empêcher les représentants des filières viticoles nationales de participer au débat. Et nous pourrions dès lors prévoir que la gestion se fera « en lien » avec les organisations professionnelles viticoles – et non « en concertation » avec elles.

Mme Brigitte Allain.  En effet, cela me semble plus opportun.

M. Kléber Mesquida. C’est aussi mon avis.

M. le président François Brottes. La rédaction de l’alinéa 12 serait dès lors la suivante :

« Souhaite que la gestion des autorisations soit conduite en lien avec les organisations professionnelles viticoles et en concertation avec les bassins de production. »

Mme la rapporteure. Très bien !

Mme Brigitte Allain.  Je suis d’accord.

La commission adopte à l’unanimité l’amendement CE 2 ainsi rectifié.

Puis elle adopte à l’unanimité la proposition de résolution modifiée.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CE 1 présenté par Mme Allain et Mme Bonneton

Article unique

À l’alinéa 9, après le mot : « économiques », insérer les mots : « et environnementaux ».

Amendement CE 2 (rect) présenté par Mme Allain et Mme Bonneton

Article unique

Après le mot : « en », rédiger ainsi la fin de l’alinéa 12 :

« lien avec les organisations professionnelles viticoles et en concertation avec les bassins de production. ».

Amendement CE 3 présenté par Mme Fabre, rapporteure

Article unique

A l’alinéa 8, après le mot : « dispositif », insérer les mots : « dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne ayant une production de vin significative ».

ANNEXE - PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique


L’Assemblée nationale,


Vu l’article 88-4 de la Constitution,


Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne des 18 et 19 mars 2013,


1. Souligne que le vin est d’abord l’expression d’un terroir ;


2. Se félicite des orientations en faveur du maintien d’un encadrement communautaire des plantations de vigne, sous la forme d’un régime d’autorisation des plantations nouvelles, applicable à l’ensemble des plantations de vigne et pour l’ensemble des catégories de vin ;


3. Estime que le nouveau régime d’encadrement des plantations de vigne doit constituer un instrument de régulation ayant comme principal objectif l’équilibre de l’offre et de la demande sur les marchés vitivinicoles ;


4. Souhaite que la durée de ce nouveau dispositif ne soit pas limitée à six ans et demande à la Commission européenne, dans le cadre du bilan à mi-parcours, que ce dispositif soit envisagé de manière durable et au moins jusqu’en 2030 ;


5. Plaide pour une entrée en application au 1er janvier 2019 du nouveau dispositif dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne ayant une production de vin significative, pour permettre, notamment, aux titulaires de droits de plantation de pouvoir les exercer d’ici là ;


6. Insiste pour que l’équilibre du marché demeure une des priorités du nouveau régime d’encadrement des plantations, l’augmentation des surfaces ne doit pas être automatique et doit tenir compte de critères économiques objectifs ;


7. Demande que le taux d’augmentation des surfaces de plantation à l’échelle européenne soit fixé à un niveau qui préserve la viabilité économique de toute la filière viticole ;


8. Estime que le taux annuel final appliqué par chaque État membre doit tenir compte de l’état du marché viticole régional, national et européen ;


9. Souhaite que la gestion des autorisations soit conduite en lien avec les organisations professionnelles viticoles et en concertation avec les bassins de production.

© Assemblée nationale