N° 1232 - Rapport de M. Bernard Roman sur le projet de loi , adopté par le Sénat, relatif à l'élection des sénateurs (n°1162)



N° 1232

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 juillet 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (N° 1162), ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, relatif à l’élection des sénateurs,

PAR M. Bernard ROMAN,

Député.

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Voir les numéros :

Sénat : 377, 538, 539, 533 et T.A. 169 (2012-2013).

INTRODUCTION 5

I. – LE SÉNAT, UNE REPRÉSENTATIVITÉ À CONSOLIDER 8

A. UN RÉGIME ÉLECTORAL SPÉCIFIQUE QUI FONDE L’INTÉRÊT DU BICAMÉRISME 8

1. Le suffrage universel indirect au cœur de l’identité sénatoriale 8

2. Un mode de scrutin différencié selon les départements 11

B. DES CONSÉQUENCES IMPORTANTES EN MATIÈRE DE REPRÉSENTATIVITÉ 15

1. Le grand conseil des communes rurales de France 15

2. Une chambre particulièrement masculine 16

II. – UNE RÉPONSE LÉGISLATIVE MODÉRÉE ET RESPECTUEUSE DES SPÉCIFICITÉS SÉNATORIALES 18

A. AMÉLIORER LA REPRÉSENTATION DES COMMUNES URBAINES POUR UN PLUS GRAND RESPECT DU PRINCIPE D’ÉGALITÉ DEVANT LE SUFFRAGE 18

1. La nécessaire conciliation des principes constitutionnels de représentation des collectivités territoriales et d’égalité devant le suffrage 19

2. Une modification mesurée qui ne bouleverse pas la composition actuelle du collège sénatorial 21

3. La protection des communes associées mise en œuvre par le Sénat 23

B. LA NÉCESSITÉ D’ALLER PLUS LOIN DANS L’ÉGAL ACCÈS DES HOMMES ET DES FEMMES AU MANDAT SÉNATORIAL 24

1. Un dispositif parvenu au bout de ses possibilités 24

2. Abaisser le seuil de l’application de la proportionnelle pour relancer la dynamique paritaire 26

3. Les modifications apportées par le Sénat complètent le projet de loi 28

C. LA CORRECTION DE CERTAINS ASPECTS DE L’ORGANISATION DES ÉLECTIONS SÉNATORIALES PAR LE SÉNAT 29

1.  L’intégration des sénateurs au collège électoral sénatorial 29

2.  La modification apportée aux modalités de dépôt des candidatures 30

DISCUSSION GÉNÉRALE 31

EXAMEN DES ARTICLES 37

Article 1er A (art. L. 280 du code électoral) : Inscription dans la loi des principes devant guider la composition du collège électoral sénatorial 37

Article 1er B (art. L. 280 du code électoral) : Intégration des sénateurs au collège électoral sénatorial 38

Article 1er C (art. L. 281 du code électoral) : Modalités d’inscription sur les listes électorales et de vote des grands électeurs 38

Article 1er D (art. L. 289 du code électoral) : Composition paritaire des listes de candidats pour la désignation des délégués des conseils municipaux et de leurs suppléants 39

Article 1er E (art. L. 282 du code électoral) : Désignation d’un remplaçant au grand électeur qui est conseiller général ou régional et sénateur 41

Article 1er F (art. L. 287 du code électoral) : Désignation d’un remplaçant au grand électeur qui est délégué du conseil municipal et sénateur 41

Article 1er(art. L. 285 du code électoral) : Abaissement de 1 000 à 800 du nombre d’habitants permettant la désignation d’un délégué supplémentaire par les conseils municipaux des communes de plus de 30 000 habitants 42

Article 1erbis (art. L. 290-1 du code électoral) : Désignation prioritaire des délégués des communes associées parmi les conseillers municipaux 46

Article 1erter (art. L. 290-1 du code électoral) : Conservation du nombre de délégués des conseils municipaux pour les communes déléguées issues de la transformation de communes associées sous l’effet de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral 47

Article 1erquater (art. L. 299 du code électoral) : Contrainte paritaire dans la désignation des remplaçants des candidats aux élections sénatoriales dans les départements appliquant un scrutin majoritaire 49

Article 1erquinquies (art. L. 305 du code électoral) : Obligation de présentation au premier tour pour les candidats au second tour des élections sénatoriales 50

Article 2 (art. L. 294 du code électoral) : Application du scrutin majoritaire dans les départements élisant deux sénateurs ou moins 51

Article 3 (art. L. 295 du code électoral) : Extension du scrutin proportionnel à la plus forte moyenne aux départements élisant trois sénateurs ou plus 52

Article 3 bis (art. L. 301 du code électoral) : Date limite de dépôt des candidatures pour les élections sénatoriales 53

Article 4 (art. L. 439 du code électoral) : Application des dispositions du présent projet de loi en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie 53

TABLEAU COMPARATIF 55

MESDAMES, MESSIEURS,

La France a, depuis longtemps, marqué son attachement au bicamérisme, pourtant né d’un compromis politique et de la volonté claire de limiter l’influence de la population des grandes villes. Le Sénat est donc, par essence, différent de l’Assemblée nationale, dont il devait initialement modérer les ardeurs. Au plan institutionnel, son conservatisme est supposément assuré par un mandat plus long, un suffrage indirect et un renouvellement partiel.

Le Sénat a conservé, pour une large part, les caractéristiques qui en font une « anomalie » démocratique. Si le mandat des sénateurs a été raccourci et que le renouvellement de ses membres, par moitié et non plus par tiers, le rend nécessairement plus proche des courants politiques qui traversent la population, les autres traits qui fondent la spécificité sénatoriale sont demeurés intacts.

Le Sénat, en application de l’article 24 de la Constitution, assure la représentation des collectivités territoriales. Or souvent cet impératif constitutionnel est interprété de sorte que cette assemblée est censée représenter, au-delà des collectivités territoriales, les territoires eux-mêmes. On peut s’interroger, comme le faisait notre collègue Marc Dolez il y a plus de dix ans, sur la portée de cette disposition et de l’interprétation qui en est faite : « La notion de représentation des territoires ne va pas de soi. En quoi un département aurait-t-il ès qualités à s'exprimer sur les lois relatives au droit civil ? Les territoires ne sont pas des personnes ; ils n'ont un droit d'expression que parce qu'ils accueillent une population. Si tel n'était pas le cas on devrait élire un sénateur des Terres australes et antarctiques françaises ? Si le fondement de la légitimité des sénateurs est, in fine, la population pourquoi celle-ci s'exprimerait-elle de manière différente de celle qui est appelée à voter lors des élections législatives ? Pour donner au Sénat une fonction particulière, on a donc décidé finalement de "changer la population" et de faire du corps électoral sénatorial une expression distordue du peuple à qui appartient la souveraineté nationale » (1).

Parce qu’il a pour mission constitutionnelle de représenter les collectivités territoriales, le Sénat répond à un régime électoral particulier : ses membres sont élus par un collège électoral censé être l’émanation de ces collectivités et de leurs assemblées délibérantes et composé de représentants des communes, des départements et des régions de France. Quelque 150 000 grands électeurs élisent donc les 348 sénateurs supposés représenter la Nation dans son ensemble.

Si le Sénat a été historiquement conçu pour amoindrir le poids des habitants des villes, au bénéfice des populations rurales longtemps jugées conservatrices, cette vision est aujourd’hui dépassée. Dans une conception plus moderne, les bienfaits du bicamérisme sont à rechercher ailleurs que dans l’affaiblissement de la vox populi. De fait, les dernières élections sénatoriales, qui ont fait basculer la majorité sénatoriale, l’ont montré : le droit ne peut éternellement endiguer la volonté du peuple.

Le bicamérisme présente l’avantage théorique de provoquer une fructueuse confrontation des idées et d’améliorer ainsi la qualité de la loi. De fait, il y a généralement plus d’intelligence dans deux têtes que dans une seule. Cependant, il semble aujourd’hui nécessaire d’adapter les modalités de l’élection des sénateurs aux nouvelles vertus du bicamérisme car, comme le soulignait avec justesse Guy Carcassonne, « le Sénat est entré dans le XXIe siècle tel qu’il est sorti du XIXe » (2) siècle.

Le Sénat manque aujourd’hui de légitimité, même au regard de sa vocation d’assemblée représentative des collectivités territoriales : il est avant tout, du fait des règles électorales auxquelles la désignation de ses membres obéit, le porte-voix des petites communes, surreprésentées au sein du collège électoral. Il semble aujourd’hui anormal que le nombre de délégués municipaux soit calculé de la même façon qu’au temps de la France rurale. Le fait urbain doit nécessairement être pris en compte afin que le Sénat ne perde pas toute représentativité. En outre, quelle légitimité pourrait avoir une chambre qui jusqu’à récemment n’avait connu aucun changement de majorité en cinquante ans, et qui s’est trouvée de ce fait fréquemment en décalage avec l’expression politique de la population ?

Pour renforcer la légitimité du Sénat et limiter les effets de la représentation des seuls territoires, le suffrage sénatorial doit se rapprocher le plus possible de l’égalité démocratique en tenant compte du poids démographique des collectivités que représente cette institution. La représentation qu’il met en œuvre doit être la plus équitable possible, ce qui implique de poursuivre une réflexion, ancienne et récurrente, sur la composition de son collège électoral et sur son mode de scrutin.

Certains ont proposé des alternatives radicales, comme la fusion du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental, ou bien encore sa transformation sur le modèle du Bundesrat allemand, suggérée par Guy Carcassonne, pour qui le Sénat devait être composé pour moitié des exécutifs locaux et pour moitié de membres élus par les maires au sein de la région. Une option moins radicale semble pouvoir être mise en œuvre ou, à tout le moins, approchée, sans bouleverser le paysage institutionnel français : l’extension du scrutin proportionnel pour rénover la légitimité du Sénat en la fondant sur une représentation plus large des courants politiques.

En effet, le scrutin majoritaire, que les articles 2 et 3 du présent projet de loi ont pour but de réserver aux départements élisant deux sénateurs au plus, est, par essence, peu favorable à une juste représentation des différentes composantes du spectre politique au sein d’une assemblée. L’équité de la représentation ne semble pas pouvoir se satisfaire d’un mode de scrutin qui permet à la première formation politique arrivée en tête d’obtenir l’ensemble des sièges, quand l’application d’une règle proportionnelle permettrait, dans les départements élisant deux sénateurs, d’attribuer les sièges à deux formations politiques au lieu d’une. Ce constat est d’autant plus objectif que les résultats des dernières élections sénatoriales dans les départements où s’appliquait le scrutin majoritaire n’ont pas nécessairement été défavorables à l’actuelle majorité sénatoriale. La modernisation du Sénat doit donc nécessairement emprunter la voie du scrutin proportionnel.

Mais ce rééquilibrage passe également par la rénovation de la composition du collège électoral sénatorial, qui ne semble plus adaptée à l’objectif poursuivi par le bicamérisme tel que nous le concevons aujourd’hui. Le bicamérisme n’a plus pour objectif de tenir les grandes villes pour une portion congrue, mais bien d’offrir un espace supplémentaire de débat au service de la démocratie. C’est d’ailleurs l’un des objectifs poursuivis par ce projet de loi, dont l’article 1er doit favoriser la représentation des communes les plus peuplées au sein du collège électoral, afin de tenir compte de l’urbanisation de nos territoires et de mieux respecter le principe d’égalité devant le suffrage.

Le présent projet de loi, s’il n’offre pas un changement radical, entend améliorer la légitimité du Sénat qui, au-delà des territoires, doit représenter les femmes et les hommes qui y vivent. Il intervient donc sur les deux leviers de modernisation que sont le mode de scrutin et la composition du collège électoral. Si l’ambition du présent projet de loi pourrait être jugée insuffisante par certains, il n’en reste pas moins qu’il constitue un premier pas appréciable vers un Sénat relégitimé.

En application de l’article 24 de la Constitution, le Sénat est élu au suffrage indirect, par un collège électoral dont la composition n’a que peu varié depuis la IIIe République.

Le collège électoral sénatorial, dont la composition est fixée par l’article L. 280 du code électoral, a longtemps connu trois composantes : les députés, les conseillers généraux et les délégués des conseils municipaux, ces derniers représentant la grande majorité de ces « grands électeurs ». Toutefois, la composition du collège a été modifiée de façon marginale afin de tenir compte de la création de nouvelles collectivités territoriales ou de leurs évolutions statutaires.

Notamment, la loi n° 85-692 du 10 juillet 1985 modifiant le code électoral et relative à l’élection des conseillers régionaux a ajouté à la liste des membres du collège sénatorial les conseillers régionaux élus dans le département. Par la suite, la loi n° 91-428 du 13 mai 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse a permis aux conseillers de l’Assemblée de Corse de participer à l’élection des sénateurs des départements concernés. Enfin, en 2011 (3), les conseillers de l’Assemblée de Guyane et de Martinique ont été ajoutés à la liste des membres des collèges électoraux de ces départements.

Par ailleurs, il convient de noter que les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France sont pour l’heure élus au suffrage universel indirect par un collège électoral spécifique composé des 155 membres de l’Assemblée des Français de l’étranger élus au suffrage universel direct par les personnes inscrites sur les listes électorales consulaires (4).

Le Sénat devant représenter, en application de l’article 24 de la Constitution, les collectivités territoriales, chacune d’entre elles participe à la formation du collège électoral sénatorial. Cependant, les petites communes y sont surreprésentées au regard de leur population, grâce à un mode de calcul qui les favorise nettement.

En l’état actuel du droit, les communes de moins de 9 000 habitants disposent, au sein du collège électoral sénatorial, d’un nombre de délégués qui varie en fonction du nombre de leurs conseillers municipaux (cf. tableau infra) en application de l’article L. 284 du code électoral. Dans les communes de 9 000 habitants et plus, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit (5). Dans les communes de plus de 30 000 habitants, des délégués supplémentaires, ne faisant pas partie du conseil municipal, sont élus, à raison d’un délégué par tranche de 1 000 habitants supplémentaires (6). Ainsi, la lecture combinée de l’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales, qui fixe le nombre de conseillers municipaux en fonction de la population communale, et des articles L. 284 et L. 285 du code électoral, permet de déterminer le nombre de délégués des conseils municipaux – conseillers municipaux et, le cas échéant, délégués supplémentaires – en fonction de la taille des communes :

DÉTERMINATION DU NOMBRE DE DÉLÉGUÉS DES CONSEILS MUNICIPAUX EN FONCTION DE LA POPULATION DE LA COMMUNE

Population de la commune (en nombre d’habitants)

Nombre de conseillers municipaux

Délégués municipaux (conseillers municipaux)

Délégués supplémentaires (non conseillers municipaux)

Nombre total de délégués des conseils municipaux

Moins de 100

9

1

Les communes de 30 000 habitants au plus ne désignent pas de délégués supplémentaires

1

De 100 à 499

11

De 500 à 1 499

15

3

3

De 1 500 à 2 499

19

5

5

De 2 500 à 3 499

23

7

7

De 3 500 à 4 999

27

15

15

De 5 000 à 8 999

29

De 9 000 à 9 999

29

29

De 10 000 à 19 999

33

33

33

De 20 000 à 29 999

35

35

35

De 30 000

39

39

39

De 30 001 à 30 999

0

39

De 31 000 à 39 999

1 à 9

40 à 48

De 40 000 à 49 999

43

43

10 à 19

53 à 62

De 50 000 à 59 999

45

45

20 à 29

65 à 74

De 60 000 à 79 999

49

49

30 à 49

79 à 98

De 80 000 à 99 999

53

53

50 à 69

103 à 122

De 100 000 à 149 999

55

55

70 à 119

125 à 174

De 150 000 à 199 999

59

59

120 à 169

179 à 228

De 200 000 à 249 999

61

61

170 à 219

231 à 280

De 250 000 à 299 999

65

65

220 à 269

285 à 334

De 300 000 et plus

69

69

À partir de 270

À partir de 339

Ce mode de calcul avantage considérablement les petites communes, puisqu’entre une commune de moins de 100 habitants, qui dispose d’un seul délégué municipal, et une commune de 300 000 habitants, qui bénéficie de 339 délégués, l’écart de représentativité est important : le délégué d’une petite commune représentera moins de 100 habitants, quand celui d’une commune de taille plus importante en représentera 885.

Au-delà, le collège électoral sénatorial pris dans son ensemble fait une place prépondérante aux représentants des communes, qui forment près de 96 % des 158 159 grands électeurs.

COMPOSITION ACTUELLE DU COLLÈGE ÉLECTORAL SÉNATORIAL

2. Un mode de scrutin différencié selon les départements

Les 348 sénateurs sont élus selon un mode de scrutin depuis toujours différencié selon le nombre de sénateurs devant être élus dans le département. En application des articles L. 294 et L. 295 du code électoral, dans les départements élisant jusqu’à trois sénateurs, l’élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. En revanche, dans les départements devant désigner quatre sénateurs et plus, l’élection se fait au scrutin proportionnel suivant la règle de la plus forte moyenne.

Cependant, le partage des modes de scrutin a récemment connu d’importantes variations. En effet, alors que de 1964 à 2000, le scrutin majoritaire s’appliquait dans les départements élisant jusqu’à quatre sénateurs, la loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 relative à l’élection des sénateurs a assuré l’application d’un scrutin proportionnel dans les départements élisant plus de deux sénateurs. Un mouvement inverse a cependant été amorcé en 2003 (7), le scrutin majoritaire trouvant à nouveau à s’appliquer aux départements devant désigner jusqu’à trois sénateurs.

Aujourd’hui, le scrutin majoritaire demeure la règle puisque 71 départements, 5 collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie élisent leurs sénateurs selon ce mode de scrutin, le scrutin proportionnel ne s’appliquant qu’à 30 départements et aux Français établis hors de France (cf. tableau infra). Cependant, les sénateurs élus selon un mode de scrutin proportionnel sont aujourd’hui légèrement plus nombreux – 180, soit 52 % – que les sénateurs élus au scrutin majoritaire, au nombre de 168 (8).

RÉPARTITION DES SÉNATEURS ET DES MODES DE SCRUTIN PAR DÉPARTEMENTS

Département

Sénateurs

Scrutin

Département

Sénateurs

Scrutin

Département

Sénateurs

Scrutin

01

Ain

3

Majoritaire

36

Indre

2

Majoritaire

72

Sarthe

3

Majoritaire

02

Aisne

3

Majoritaire

37

Indre-et-Loire

3

Majoritaire

73

Savoie

2

Majoritaire

03

Allier

2

Majoritaire

38

Isère

5

Proportionnel

74

Haute-Savoie

3

Majoritaire

04

Alpes-de-Haute-Provence

1

Majoritaire

39

Jura

2

Majoritaire

75

Paris

12

Proportionnel

05

Hautes-Alpes

1

Majoritaire

40

Landes

2

Majoritaire

76

Seine-Maritime

6

Proportionnel

06

Alpes-Maritimes

5

Proportionnel

41

Loir-et-Cher

2

Majoritaire

77

Seine-et-Marne

6

Proportionnel

07

Ardèche

2

Majoritaire

42

Loire

4

Proportionnel

78

Yvelines

6

Proportionnel

08

Ardennes

2

Majoritaire

43

Haute-Loire

2

Majoritaire

79

Deux-Sèvres

2

Majoritaire

09

Ariège

1

Majoritaire

44

Loire-Atlantique

5

Proportionnel

80

Somme

3

Majoritaire

10

Aube

2

Majoritaire

45

Loiret

3

Majoritaire

81

Tarn

2

Majoritaire

11

Aude

2

Majoritaire

46

Lot

2

Majoritaire

82

Tarn-et-Garonne

2

Majoritaire

12

Aveyron

2

Majoritaire

47

Lot-et-Garonne

2

Majoritaire

83

Var

4

Proportionnel

13

Bouches-du-Rhône

8

Proportionnel

48

Lozère

1

Majoritaire

84

Vaucluse

3

Majoritaire

14

Calvados

3

Majoritaire

49

Maine-et-Loire

4

Proportionnel

85

Vendée

3

Majoritaire

15

Cantal

2

Majoritaire

50

Manche

3

Majoritaire

86

Vienne

2

Majoritaire

16

Charente

2

Majoritaire

51

Marne

3

Majoritaire

87

Haute-Vienne

2

Majoritaire

17

Charente-Maritime

3

Majoritaire

52

Haute-Marne

2

Majoritaire

88

Vosges

2

Majoritaire

18

Cher

2

Majoritaire

53

Mayenne

2

Majoritaire

89

Yonne

2

Majoritaire

19

Corrèze

2

Majoritaire

54

Meurthe-et-Moselle

4

Proportionnel

90

Territoire de Belfort

1

Majoritaire

2A

Corse-du-Sud

1

Majoritaire

55

Meuse

2

Majoritaire

91

Essonne

5

Proportionnel

2B

Haute-Corse

1

Majoritaire

56

Morbihan

3

Majoritaire

92

Hauts-de-Seine

7

Proportionnel

21

Côte d’Or

3

Majoritaire

57

Moselle

5

Proportionnel

93

Seine-Saint-Denis

6

Proportionnel

22

Côtes-d’Armor

3

Majoritaire

58

Nièvre

2

Majoritaire

94

Val-de-Marne

6

Proportionnel

23

Creuse

2

Majoritaire

59

Nord

11

Proportionnel

95

Val d’Oise

5

Proportionnel

24

Dordogne

2

Majoritaire

60

Oise

4

Proportionnel

971

Guadeloupe

3

Majoritaire

25

Doubs

3

Majoritaire

61

Orne

2

Majoritaire

972

Martinique

2

Majoritaire

26

Drôme

3

Majoritaire

62

Pas-de-Calais

7

Proportionnel

973

Guyane

2

Majoritaire

27

Eure

3

Majoritaire

63

Puy-de-Dôme

3

Majoritaire

974

La Réunion

4

Proportionnel

28

Eure-et-Loir

3

Majoritaire

64

Pyrénées-Atlantiques

3

Majoritaire

975

Saint-Pierre-et-Miquelon

1

Majoritaire

29

Finistère

4

Proportionnel

65

Hautes-Pyrénées

2

Majoritaire

976

Mayotte

2

Majoritaire

30

Gard

3

Majoritaire

66

Pyrénées-Orientales

2

Majoritaire

977

Saint-Barthélemy

1

Majoritaire

31

Haute-Garonne

5

Proportionnel

67

Bas-Rhin

5

Proportionnel

978

Saint-Martin

1

Majoritaire

32

Gers

2

Majoritaire

68

Haut-Rhin

4

Proportionnel

986

Wallis-et-Futuna

1

Majoritaire

33

Gironde

6

Proportionnel

69

Rhône

7

Proportionnel

987

Polynésie française

2

Majoritaire

34

Hérault

4

Proportionnel

70

Haute-Saône

2

Majoritaire

988

Nouvelle-Calédonie

2

Majoritaire

35

Ille-et-Vilaine

4

Proportionnel

71

Saône-et-Loire

3

Majoritaire

 

Français de l’étranger

12

Proportionnel

SCHÉMA RÉCAPITULATIF DES MODALITÉS DE L’ÉLECTION DES SÉNATEURS

S’il est indéniable que le Sénat est le « grand conseil des communes de France », il est avant tout le représentant des petites communes. En effet, les 32 616 communes de moins de 2 500 habitants représentent aujourd’hui 27,75 % de la population, mais 41,62 % des 151 458 délégués des conseils municipaux (9) et donc une part très importante des membres du collège sénatorial pris dans son ensemble. À l’inverse, les communes de plus de 100 000 habitants, qui regroupent 15,06 % de la population française, ne disposent que de 7,34 % des voix des délégués des conseils municipaux.

RÉPARTITION DE LA POPULATION FRANÇAISE ET DES DÉLÉGUÉS DES CONSEILS MUNICIPAUX EN FONCTION DE LA TAILLE DES COMMUNES

Source : données issues de l’étude d’impact du projet de loi relatif à l’élection des sénateurs.

Le Sénat ne représente donc pas tout à fait équitablement la population française, et donne un poids prépondérant aux communes rurales, spécificité que partageait avec lui la seconde chambre de la IVe République et qui avait d’ailleurs valu au Conseil de la République le surnom de « chambre d’agriculture ». Comme le notait avec force Guy Carcassonne dans sa Constitution commentée, « le système organise une surreprésentation écrasante des plus petites communes, qui donne au Sénat une coloration majoritairement conservatrice, assez indifférente à l’air du temps et aux évolutions de l’opinion » (10).

Qui plus est, le mode de désignation actuel des membres du collège électoral sénatorial crée certains effets de seuils dans la représentation des communes. En effet, le calcul du nombre de conseillers municipaux ne correspondant pas exactement, dans ses seuils, au calcul du nombre de délégués des conseils municipaux, certaines communes se trouvent désavantagées. C’est notamment le cas des communes de 5 000 à 8 999 habitants, dont le conseil municipal comporte 29 membres, mais dont seulement 15 sont délégués municipaux. Les communes de 9 000 à 9 999 habitants disposent du même nombre de conseillers municipaux, mais l’ensemble de leurs 29 conseillers municipaux participe aux élections sénatoriales.

Au-delà des écarts de représentativité entre les communes, se pose la question de savoir si les différents niveaux de collectivités sont équitablement représentés au sein du collège électoral sénatorial. On ne peut que constater que les départements et les régions, qui ne représentent respectivement que 2,56 % et 1,19 % du collège, ont un poids négligeable dans l’élection des sénateurs. Or, pour la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, la « surreprésentation écrasante des communes par rapport aux départements et aux régions […] ne se justifie plus dans le paysage institutionnel actuel, marqué par la place prise par les régions et les départements dans la mise en œuvre des politiques publiques » (11). Par construction, le collège sénatorial fait depuis toujours une place prépondérante aux communes rurales au détriment des autres niveaux de collectivités et des grandes villes.

Source : INSEE.

La progression de la parité au sein de la chambre haute a été largement permise par l’entrée en vigueur de la loi du 6 juin 2000 (12). Après la révision constitutionnelle de 1999 (13), qui a introduit à l’article 3 de la Constitution, qui a ensuite été déplacé à l’article 1er en 2008 (14), un objectif d’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, un pas a pu être franchi. L’article 3 de la loi du 6 juin 2000 a notamment modifié l’article L. 300 du code électoral pour contraindre les partis politiques à présenter des listes paritaires aux élections sénatoriales : « Sur chacune des listes, l’écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Chaque liste est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe ».

Néanmoins, cette obligation a été limitée aux départements où les sénateurs sont élus au scrutin proportionnel. Ainsi, une part importante des sièges demeurait libre de toute obligation paritaire. C’est pourquoi la loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 relative à l’élection des sénateurs a abaissé le seuil d’application du scrutin proportionnel aux départements élisant trois sénateurs ou plus, alors que ce seuil était fixé à cinq sénateurs depuis 1964.

L’impact combiné de ces deux lois a été très net, en dépit des diverses stratégies de contournement, comme la formation de listes dissidentes à tête de liste masculine, mises en œuvre par certaines formations politiques (15). Les sénatrices, qui n’étaient que 6,5 % à la veille du renouvellement de 2001, représentaient 10,3 % du Sénat après les élections de 2001, alors même que le renouvellement ne portait que sur un tiers de l’effectif sénatorial. Les renouvellements de 2004 et 2008 ont également conduit à améliorer la représentation des femmes au sein de la chambre haute, mais dans une moindre mesure.

En effet, l’adoption de la loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003 portant réforme de l’élection des sénateurs a marqué un véritable retour en arrière en matière de parité sénatoriale. En remontant le seuil d’application du scrutin proportionnel aux départements élisant au minimum quatre sénateurs, ce sont 26 départements qui ont été libérés de l’obligation paritaire fixée par la loi du 6 juin 2000. D’après les projections de l’Observatoire de la parité, devenu Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, cette réforme a privé d’investiture 5 candidates en 2004, 8 en 2008 et 3 en 2011 (16).

Cette loi a donc contribué à freiner le profond mouvement amorcé au début des années 2000 et fait toujours du Sénat une des assemblées les plus masculines de la République. En effet, si l’on considère les progrès réalisés au sein d’autres assemblées délibérantes, notamment locales – les conseils régionaux comptent 48 % de femmes tandis que la composition des conseils municipaux et départementaux devraient se rapprocher de la parité à partir de l’entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 –, et bien que le Sénat se soit trouvé, entre 2004 et 2012, plus féminisé que l’Assemblée nationale, celui-ci apparaît aujourd’hui particulièrement peu représentatif du corps électoral, composé à 52,6 % de femmes.

II. – UNE RÉPONSE LÉGISLATIVE MODÉRÉE ET RESPECTUEUSE DES SPÉCIFICITÉS SÉNATORIALES

Face à ce constat, le Gouvernement propose, non pas une réforme qui mettrait à mal l’identité sénatoriale, mais des aménagements appréciables qui pourraient marquer le commencement d’une évolution plus profonde.

Si le Sénat représente avant tout les collectivités territoriales, mission que lui assigne l’article 24 de la Constitution, il n’en est pas moins soumis, en tant qu’assemblée délibérante, au principe d’égalité devant le suffrage. Le Conseil constitutionnel, dans une décision n° 2000-431 du 6 juillet 2000 portant sur la loi relative à l’élection des sénateurs, a été amené à tracer les limites de cette nécessaire conciliation.

Le Gouvernement de Lionel Jospin, souhaitant rééquilibrer la représentation des différentes communes, avait adopté un nouveau mode de calcul du nombre de délégués des conseils municipaux. Le nombre de ces délégués se voulait proportionnel au nombre d’habitants, à raison d’un délégué par tranche de 300 habitants, sans seuil de déclenchement, contrairement aux dispositions actuelles. Si le nombre de conseillers municipaux n’était pas suffisant, la commune devait désigner ses délégués en dehors du conseil municipal. La conséquence directe de cette nouvelle règle était l’augmentation du nombre de délégués des conseils municipaux sans mandat électif. Malheureusement, le Conseil constitutionnel a estimé qu’il n’était pas possible d’aller si loin dans un rééquilibrage pourtant indispensable. On peut le regretter, mais on ne peut qu’en prendre acte. C’est à l’occasion de la censure de ces dispositions que le Conseil constitutionnel a indiqué les critères fondant la constitutionnalité de la composition du collège électoral sénatorial.

EXTRAITS DE LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL N° 2000-431 DU 6 JUILLET 2000 PORTANT SUR LA LOI RELATIVE À L’ÉLECTION DES SÉNATEURS

« 4. Considérant que l’article 3 de la Constitution dispose, dans son premier alinéa, que " La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum " ; que le même article dispose, dans son troisième alinéa, que " Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret " ; qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 24 de la Constitution : " Le Sénat est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Les Français établis hors de France sont représentés au Sénat " ;

5. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 24 de la Constitution que le Sénat doit, dans la mesure où il assure la représentation des collectivités territoriales de la République, être élu par un corps électoral qui est lui-même l’émanation de ces collectivités ; que, par suite, ce corps électoral doit être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ; que toutes les catégories de collectivités territoriales doivent y être représentées ; qu’en outre, la représentation des communes doit refléter leur diversité ; qu’enfin, pour respecter le principe d’égalité devant le suffrage résultant de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de l’article 3 de la Constitution, la représentation de chaque catégorie de collectivités territoriales et des différents types de communes doit tenir compte de la population qui y réside ;

6. Considérant, en conséquence, que, si le nombre des délégués d’un conseil municipal doit être fonction de la population de la commune et si, dans les communes les plus peuplées, des délégués supplémentaires, choisis en-dehors du conseil municipal, peuvent être élus par lui pour le représenter, c’est à la condition que la participation de ces derniers au collège sénatorial conserve un caractère de correction démographique ; que l’application des dispositions en vigueur de l’article L. 285 du code électoral ne remet pas en cause les principes sus-énoncés ;

7. Considérant, en revanche, qu’en application des dispositions du 1° de l’article 2 de la loi déférée, des délégués, choisis nécessairement en dehors du conseil municipal, seront désignés, à raison d’un délégué supplémentaire pour 300 habitants ou fraction de ce nombre, lorsque le nombre de délégués sera supérieur à l’effectif du conseil municipal ; que, dès lors, ces délégués supplémentaires constitueront une part substantielle, voire, dans certains départements, majoritaire du collège des électeurs sénatoriaux ; que leur participation à l’élection des sénateurs sera d’autant plus déterminante que l’article 10 de la loi examinée étend à de nombreux départements l’élection des sénateurs au scrutin proportionnel ;

8. Considérant que l’importance ainsi donnée par la loi déférée aux délégués supplémentaires des conseils municipaux au sein des collèges électoraux irait au-delà de la simple correction démographique ; que seraient ainsi méconnus les principes sus-énoncés. »

Ainsi, le corps électoral sénatorial doit être « essentiellement » composé d’élus locaux. Cela implique que les délégués supplémentaires, choisis en dehors du conseil municipal, ne doivent pas représenter une part « substantielle » du collège électoral sénatorial dans son ensemble, ni, dans chacun des départements, une part « majoritaire ».

L’analyse des effets concrets de la réforme envisagée en 2000 permet de préciser les contours de cette jurisprudence. Comme l’indiquaient les termes de la saisine du Conseil constitutionnel par soixante sénateurs, la réforme aurait conduit à ce que les délégués supplémentaires représentent 70,6 % du collège électoral sénatorial des Hauts-de-Seine, et 61,6 % de celui du Val-de-Marne. Les conseillers municipaux ne représentaient plus que 70 % des délégués des conseils municipaux, contre 92 % auparavant (17), soit une proportion quasi identique du collège électoral pris dans son ensemble, puisque les conseillers municipaux, après réforme, auraient représenté 97,1 % de celui-ci (18). Le Conseil a donc considéré comme substantielle la part de 30 % environ prise par les délégués supplémentaires au sein du collège électoral sénatorial. Pour autant, cette décision ne permet pas de déterminer avec exactitude le seuil à partir duquel le Conseil considère que la part prise par certains membres du corps électoral devient substantielle.

En deuxième lieu, toutes les catégories de collectivités territoriales doivent être représentées. Mais cela ne semble pas impliquer, aux yeux du Conseil constitutionnel, une remise en cause de la place prépondérante des communes au sein du collège électoral sénatorial. Il suffit donc que les départements et les régions disposent de grands électeurs pour que cette règle soit a priori satisfaite.

Enfin, la représentation des communes doit refléter leur diversité. Même si la population qui réside dans chacune d’elles doit être prise en compte, cela ne peut être, pour le Conseil, qu’à titre de « simple correctif démographique » : la représentation de toutes les communes, dans leur diversité, prime donc le principe d’égalité devant le suffrage, qui n’intervient que de façon marginale. Ainsi, si des délégués supplémentaires peuvent être désignés pour assurer la représentation des communes les plus grandes, l’objectif n’est pas d’atteindre la proportionnalité entre le nombre d’habitants et de délégués, mais bien uniquement de rééquilibrer à la marge la représentation des citoyens.

La jurisprudence du Conseil constitutionnel apparaît, dans ses principes, d’une particulière clarté. L’article 1er A du projet de loi, introduit par le Sénat, vise d’ailleurs à rappeler ces principes dans la loi. Néanmoins, l’application concrète de cette jurisprudence est soumise à une part d’incertitude, les seuils permettant au Conseil d’apprécier la constitutionnalité de la composition du collège électoral sénatorial n’étant pas déterminés avec exactitude. Dans ce contexte, le Gouvernement a dû faire preuve d’une prudence certaine pour se prémunir contre tout risque de censure.

La commission de rénovation et de déontologie de la vie publique avait, en 2012, proposé de pondérer les voix des grands électeurs pour assurer une plus juste représentation des collectivités territoriales au Sénat. Les voix des délégués municipaux des communes les plus peuplées, comme celles des conseillers généraux et régionaux, auraient été pondérées afin de renforcer leur poids. Dans cette optique, chaque voix aurait été affectée d’un coefficient allant de 1 à 15. Cette solution présentait l’avantage de renoncer à la désignation de délégués supplémentaires, dont le poids trop important avait conduit à la censure du Conseil constitutionnel en 2000. Cependant, une telle solution, pour judicieuse qu’elle soit, semble devoir soulever des interrogations au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, le principe d’égalité devant le suffrage fait obstacle à ce que certains électeurs, même dans le cadre d’un suffrage indirect, aient un poids plus important que les autres. Qui plus est, le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé, par le passé, contre « la division par catégorie des électeurs » (19).

Le Gouvernement a élaboré cinq scenarii distincts pour évaluer les effets d’une modification de la composition du collège électoral sénatorial au regard de la jurisprudence constitutionnelle. Après avoir écarté plusieurs hypothèses qui conduisaient à une augmentation importante de la part des délégués supplémentaires au sein du collège électoral sénatorial, il est apparu que l’abaissement de 1 000 à 800 du nombre d’habitants permettant la désignation d’un délégué supplémentaire, sans modifier aucune autre variable, constituait la solution la plus équilibrée, reprise par l’article 1erdu projet de loi.

En effet, cette modification est extrêmement modérée. Outre qu’elle ne modifie pas le seuil de 30 000 habitants à partir duquel les communes désignent des délégués supplémentaires, l’abaissement de la tranche est relativement faible. Dès lors, les effets induits par ce changement législatif sont tout à fait raisonnables au regard du but poursuivi. L’article 1er du projet de loi ne conduirait à augmenter le nombre de délégués supplémentaires que de 3 175 personnes, leur nombre total passant de 12 569 à 15 744.

Si, dans les départements, la part des délégués supplémentaires parmi le collège électoral augmente, c’est dans des proportions très mesurées : d’après l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la part des délégués supplémentaires passera de 32,7 % à 37,8 % dans les Bouches-du-Rhône, de 30,2 % à 35,1 % dans les Hauts-de-Seine, de 25,6 % à 30,2 % en Seine-Saint-Denis et de 30 % à 34,9 % à La Réunion. Dans ces départements qui connaîtront les plus fortes hausses de la proportion de délégués supplémentaires, ces derniers ne représenteront donc pas une part majoritaire du collège électoral sénatorial.

Au final, la composition du collège sénatorial ne sera qu’à peine modifiée, comme en témoignent les données reprises ci-après. La part des députés, des conseillers régionaux et des conseillers généraux restera peu ou prou identique, l’augmentation minime du nombre de conseillers étant aisément absorbée par le collège électoral. Seule la part des délégués supplémentaires sur le nombre total de délégués des conseils municipaux variera quelque peu, passant de 7,9 % actuellement à 9,7 %. Cette augmentation d’à peine 23 % est sans rapport avec celle de 275 % à laquelle la réforme de 2000, censurée par le Conseil, devait conduire.

RÉPARTITION DES MEMBRES DU COLLÈGE ÉLECTORAL SÉNATORIAL

Membres du collège électoral

Nombre actuel

Proportion actuelle

Nombre envisagé

Proportion envisagée

Députés

577

0,4 %

577

0,4 %

Conseillers régionaux

1 880

1,2 %

1 880

1,2 %

Conseillers généraux

4 052

2,6 %

4 052

2,5 %

Élus non municipaux ultramarins

192

0,1 %

192

0,1 %

Délégués des conseils municipaux

151 458

95,8 %

154 633

95,8 %

Dont conseillers municipaux

138 889

87,8 %

138 889

86,1 %

Dont délégués supplémentaires

12 569

7,9 %

15 744

9,7 %

Total

158 159

100 %

161 334

100 %

Le collège électoral sénatorial demeure donc, à peu de choses près, le même, tant dans sa composition que dans la répartition de ses membres. Néanmoins, la modification envisagée permet de rééquilibrer la représentation des communes les plus peuplées face aux plus petites. En effet, les délégués des conseils municipaux des communes de plus de 100 000 habitants, qui représentent 15,1 % de la population, formeront 8,6 % de l’ensemble des délégués des conseils municipaux, contre 7,3 % aujourd’hui. En outre, les écarts de représentativité qui existent aujourd’hui entre les grands électeurs s’en trouveront également réduits. Alors qu’aujourd’hui, le rapport du nombre d’habitants par grand électeur varie de 1 à 4 entre les petites communes et les villes plus peuplées, il ne serait plus que de 1 à 3 avec la réforme envisagée (20).

Le Sénat a introduit une disposition qui tend à protéger la représentation, au sein du collège électoral sénatorial, des communes associées.

Issues des dispositions de la loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite « loi Marcellin », ces communes ont fusionné sous un régime particulier, qui leur permet notamment de conserver une section électorale. Ainsi, elles élisent, en application de l’article L. 290-1 du code électoral, un nombre de grands électeurs égal à celui auquel elles auraient eu droit en l’absence de fusion-association. Cette disposition est donc très favorable à ces communes, souvent petites, qui peuvent ainsi conserver, malgré la fusion, leurs prérogatives en matière d’élections sénatoriales.

Cependant, les évolutions législatives récentes tendent à remettre en cause le statut de commune associée, qui n’a pas connu le succès escompté en 1971. En 2010, un nouveau statut a été créé, qui permet à des communes de fusionner pour former une « commune nouvelle ». Dans ce cadre, elles acquièrent le statut de « communes déléguées », ce qui leur permet notamment d’avoir à leur tête un maire délégué. Toutefois, contrairement aux communes associées, les communes déléguées ne forment pas de sections électorales distinctes. Ainsi, pour ce qui est des élections sénatoriales, les communes déléguées disposent d’un nombre de grands électeurs calculé sur la base de la taille du conseil municipal de la commune nouvelle. À population égale, des communes déléguées disposent donc d’un nombre de grands électeurs inférieur à celui de communes associées.

Les dispositions de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, ont des effets indirects sur la situation actuelle des communes associées en matière d’élections sénatoriales.

En particulier, la loi du 17 mai 2013 comporte des dispositions relatives à l’élection des conseillers communautaires qui ont un impact sur le statut des communes associées. En effet, le futur article L. 273-7 du code électoral (21), relatif à l’élection des conseillers communautaires, prévoit que le préfet assure la répartition des sièges de conseiller communautaire entre les différentes communes. Si, à l’issue de cette répartition entre les différentes communes, une section électorale se trouve ne pas avoir d’élu communautaire, alors elle est supprimée ; si cette section électorale est le fait d’une commune associée, alors ces communes associées sont transformées, de plein droit, en communes déléguées. Ainsi, ces dispositions ont pour effet de transformer automatiquement certaines communes associées en communes déléguées, ce qui a pour conséquence indirecte de diminuer le nombre de délégués dont elles disposent au sein du collège électoral sénatorial.

L’article 1erter a donc pour objectif de permettre aux communes ayant changé de statut sous l’effet de ces dispositions de bénéficier d’un nombre de délégués égal à celui qu’elles auraient eu en l’absence de fusion.

La progression de la parité au Sénat, déjà freinée par la loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003, semble s’essouffler, comme en témoignent les évolutions récentes. Il a fallu attendre le renouvellement complet du Sénat depuis l’entrée en vigueur des lois de 2000, soit 2008, pour que celles-ci déploient tous leurs effets.

Depuis cette date, la représentation des femmes au Sénat semble avoir atteint un plateau. En effet, alors que les sénatrices représentaient 23,3 % de la chambre haute à la veille du renouvellement de 2008, notamment grâce aux fonctions de remplaçants, elles n’étaient plus que 21,9 % après les élections de 2008. Les élections sénatoriales de 2011, qui portaient cette fois sur le renouvellement de la moitié du Sénat, ont même conduit à une diminution du nombre de sénatrices, qui étaient 80 à la veille du scrutin, mais seulement 77 après les élections, alors que, dans le même temps, l’effectif du Sénat avait augmenté.

Aujourd’hui au nombre de 77, les sénatrices ne représentent que 22,1 % des élus de cette assemblée. De fait, les femmes ont statistiquement moins de chance d’être élues que les candidats masculins : aux dernières élections sénatoriales, en 2011, les femmes ont représenté 42 % des candidats, mais seulement 29 % des élus (22).

Plusieurs facteurs peuvent expliquer les limites que connaît le dispositif mis en place par la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 : la composition du corps électoral sénatorial, très peu paritaire ; la persistance de têtes de listes masculines ; la mise en place, par certaines formations politiques, de véritables stratégies de contournement.

En premier lieu, le corps électoral sénatorial reflète les évolutions que connaissent les élections locales en matière de parité.

Si les conseils régionaux ont presque atteint la parité, tel n’est pas le cas des conseils municipaux qui, de surcroît, peuvent aujourd’hui opérer librement une sélection sexuée de leurs délégués municipaux. En effet, aucune obligation paritaire n’étant jusqu’alors imposée aux communes de moins de 3 500 habitants, les femmes sont moins bien représentées en leur sein et ne formaient, en 2008, que 32,2 % des conseils municipaux de ces communes (23).

Même si aucune statistique n’est disponible à ce sujet, il est probable que les délégués des conseils municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, choisis au sein de conseils peu féminisés, soient, en grande majorité, des hommes. Cet effet est bien sûr aggravé par le poids de ces communes, qui disposent de 71 235 grands électeurs, soit 45 % du collège électoral sénatorial. Enfin, l’effet positif de la parité au sein des conseils régionaux était compensé, en 2011, par la très faible part prise par les conseillères générales, qui ne représentaient que 13,9 % des conseils généraux (24). Au total, d’après les estimations du Haut conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes, les femmes ne représenteraient que 34,7 % de l’électorat pour les élections au suffrage universel indirect (25).

Au-delà de cet effet mécanique, il semble que l’absence de volonté des partis politiques soit, pour une large part, responsable de la situation actuelle. En effet, le fait de placer, en tête de liste, des candidats masculins limite considérablement les effets de la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 surtout si l’on considère qu’un scrutin proportionnel laisse moins de chance aux candidats qui ne sont pas têtes de liste d’obtenir un siège qu’un scrutin majoritaire. Or, si l’on observe les élections sénatoriales de 2011, on constate que seules 22 femmes étaient têtes de liste dans les départements élisant leurs sénateurs au scrutin proportionnel, soit seulement 16,1 % des candidats placés en tête de liste.

Enfin, la formation de listes dissidentes permet aux partis politiques de s’abstraire de la contrainte paritaire liée au scrutin proportionnel. C’est notamment ce qu’indique le Haut conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans son avis sur le projet de loi : « Dans la plupart des départements concernés par le scrutin de liste, les sénateurs sortants, généralement ceux de droite, préfèrent conduire une liste dissidente et, ainsi, être tête de liste, plutôt que d’être placés en troisième position, derrière une femme. Trop souvent placées en deuxième position […] les femmes voient alors leurs chances d’élection, voire de réélection, s’éloigner. L’ensemble des potentialités paritaires offertes par la loi du 6 juin 2000, modifiée par la loi du 30 juillet 2003, semblent donc épuisées  » (26).

Alors que le phénomène était essentiellement limité aux Français de l’étranger en 2008, avec pas moins de 3 listes UMP distinctes, en 2011, la situation est nettement plus préoccupante au regard de la parité. Si l’on s’en tient uniquement aux listes élues, ce sont 10 départements sur 18 qui ont vu apparaître, et gagner, des listes dissidentes. Et, dans tous les cas, ce sont des candidats masculins, en tête de la liste dissidente, qui ont remporté le siège. Que les raisons en soient entièrement étrangères au sexe des candidats, ou bien, au contraire, guidées par la volonté de contourner la loi, cette pratique n’en est pas moins très défavorable aux femmes.

L’abaissement du seuil d’application du scrutin proportionnel amènerait à ce que 25 départements supplémentaires élisent leurs 75 sénateurs selon ce mode de scrutin. Au total, ce serait ainsi 255 sièges, contre 180 aujourd’hui, qui seraient soumis à un mode de scrutin paritaire. En se fondant sur la moyenne des dernières années, toutes choses égales par ailleurs, ce sont ainsi entre 20 et 26 femmes supplémentaires qui pourraient accéder à la chambre haute.

Certains s’interrogent sur la nécessité d’abaisser le seuil d’application du scrutin proportionnel aux départements élisant deux sénateurs. Cependant, un scrutin proportionnel ne portant que sur deux sièges ne semble pas à même de promouvoir l’accès des femmes au mandat sénatorial, en l’absence de têtes de listes féminines. En effet, selon toute hypothèse, les deux listes arrivées en tête se partageront les sièges, qui reviendront donc à leur tête de liste – généralement masculine – respective. Dès lors, l’obligation d’alternance paritaire resterait sans effet. Cette option a donc été écartée par le Gouvernement.

Les effets de cette disposition devraient se trouver amplifiés par la féminisation accrue des conseils municipaux mise en œuvre par la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013. En effet, à compter des prochaines élections municipales, les communes de plus de 1 000 habitants éliront leurs conseillers municipaux selon un mode de scrutin proportionnel et paritaire.

Au-delà, l’abaissement du seuil d’application du scrutin proportionnel a également un effet notable sur la représentativité du Sénat, notamment en ce qui concerne la diversité des idées et des courants politiques. C’était d’ailleurs un des arguments avancés par la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique pour favoriser le scrutin proportionnel par rapport au scrutin majoritaire : « le mode de scrutin indirect, quand il est majoritaire, conduit à démultiplier les effets de la logique majoritaire. Les membres du collège sénatorial sont en effet eux-mêmes élus selon un mode de scrutin qui, pour une part importante, obéit à une logique majoritaire – les conseillers généraux et les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours ; les conseillers régionaux et les conseillers municipaux sont élus au scrutin proportionnel de liste, mais avec une forte prime majoritaire ; les délégués des communes sont élus par des conseils municipaux issus de ce scrutin à forte prime majoritaire. La représentation de la diversité des courants politiques se trouve dont mal assurée » (27). L’abaissement du seuil d’application du scrutin proportionnel doit donc permettre de limiter l’amplification du fait majoritaire qui résulte du suffrage indirect.

Le Sénat a apporté d’intéressantes modifications au projet de loi initial, qui complètent utilement le dispositif prévu par le Gouvernement.

Notamment, l’article 1er D introduit une obligation de parité dans la composition des listes de candidats à l’élection des délégués des conseils municipaux et de leurs suppléants. Issu d’un amendement de la délégation aux Droits des femmes du Sénat, cet article vise à féminiser le collège électoral sénatorial, afin de favoriser, par ricochet, l’élection de sénatrices.

Certes, le risque de multiplication des listes dissidentes et des candidatures isolées n’est pas exclu. Cependant, cette obligation paritaire est tout à fait cohérente avec les dispositions de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 qui étend l’obligation paritaire aux communes de plus de 1 000 habitants pour les élections municipales.

Par ailleurs, l’article 1erquater, également introduit à l’initiative de la délégation aux Droits des femmes du Sénat, crée une contrainte paritaire pour la désignation des remplaçants des sénateurs élus au scrutin majoritaire. L’objectif est ici de permettre aux femmes d’accéder au mandat sénatorial par le jeu des remplacements en cours de mandat et de rendre le scrutin majoritaire moins défavorable à l’égale représentation des femmes et des hommes au Sénat.

C’est d’ailleurs l’option qui avait été retenue par la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives en ce qui concerne les conseillers généraux. La création d’une suppléance paritaire, outre qu’elle limitait le nombre d’élections partielles, devait aussi permettre aux femmes de participer aux campagnes cantonales et d’accéder, le cas échéant, aux fonctions de conseiller général. On doit toutefois constater que l’efficacité de ce dispositif semble limitée. Alors qu’à l’époque, les femmes représentaient environ 10 % des conseils généraux, elles n’en représentaient, en 2011, que 13,9 % (28).

Néanmoins, votre rapporteur estime que cette disposition, bien que son efficacité ne soit pas flagrante, a le mérite d’ancrer un peu plus la parité dans les esprits et de favoriser indirectement l’accès des femmes au mandat sénatorial.

En premier lieu, plusieurs articles introduits par le Sénat visent à assurer l’intégration des sénateurs au collège électoral sénatorial. Il est vrai qu’en l’état actuel du droit, les sénateurs ne font pas partie du collège électoral. Cela peut apparaître comme une anomalie, si l’on considère que les sénateurs, qui sont encore en fonction au moment des élections sénatoriales, représentent les collectivités des territoires dans lesquels ils sont élus.

La situation semble d’autant plus incohérente que les députés, qui sont désignés ès qualités aux fonctions de grand électeur, ne sont pas stricto sensu les représentants des départements dans lesquels ils sont élus, mais bien de la Nation. Si un amendement examiné par le Sénat souhaitait mettre fin à la présence historique (29) des députés au sein du collège électoral sénatorial, il n’a toutefois pas été adopté.

L’article 1er B, qui prévoit d’intégrer les sénateurs au collège électoral sénatorial, permet ainsi de remédier à l’inégalité qui existe entre les sénateurs qui exercent, en plus, un mandat local, et ceux qui sont uniquement sénateurs. En effet, l’exercice d’un mandat local de conseiller municipal, général ou régional permet à certains sénateurs de participer aux élections sénatoriales au titre d’un autre mandat. L’intégration de tous les sénateurs au collège électoral sénatorial permet de mettre fin à cette inégalité. Les articles 1er C, 1er E et 1er F tirent quant à eux les conséquences de l’intégration des sénateurs au collège électoral sénatorial.

Le Sénat a apporté deux autres modifications qui concernent les modalités de dépôt des candidatures. La première permet de remédier à un archaïsme qui permettait à une personne de se présenter au second tour des élections sénatoriales ayant lieu au scrutin majoritaire, sans s’être présentée au premier tour.

Comme le sénateur Philippe Kaltenbach, rapporteur du projet de loi, l’a indiqué lors de l’examen du texte par le Sénat, cette faculté n’a été que rarement utilisée au cours des dernières années : « En 2011 et en 2008, aucune nouvelle candidature n’a été déposée au second tour. Une seule a été constatée en 2004 et une autre en 2001. En 1998, en revanche, quatre cas ont été recensés, dont l’un a conduit à l’élection, à Wallis-et-Futuna, de notre collègue Robert Laufoaulu, qui a du reste été réélu en 2008 » (30).

Au regard des règles applicables aux autres élections et à l’esprit même du scrutin majoritaire, il semble en effet nécessaire d’interdire les candidatures qui n’interviendraient qu’au second tour, ce que fait l’article 1erquinquies du présent projet de loi.

Par ailleurs, le Sénat est à l’origine de l’article 3 bis qui vise à avancer la date limite de dépôt des candidatures, afin de laisser aux candidats une semaine supplémentaire, entre la clôture du dépôt des candidatures et la tenue des élections, pour mener leur campagne électorale.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa réunion du mercredi 10 juillet 2013, la Commission examine, sur le rapport de M. Bernard Roman, le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’élection des sénateurs (n° 1162).

M. Guillaume Larrivé. Ce projet de loi m’inspire quatre remarques.

En premier lieu, la créativité gouvernementale sur les modes de scrutin est sans limites. En un an, les Français ont subi le changement du seuil d’application du scrutin proportionnel aux élections municipales, la modification des règles d’élection des conseillers intercommunaux, la suppression des conseillers territoriaux, le rétablissement du scrutin proportionnel pour les conseillers régionaux et la création curieuse du binôme pour l’élection des conseillers départementaux, la refonte du tableau fixant la répartition des conseillers de Paris. Avec ce texte, vous franchissez une étape supplémentaire. Il est vrai qu’une fois les bornes dépassées, il n’y a plus de limites…

En deuxième lieu, ce projet traduit la volonté manifeste du Gouvernement de reprendre la main sur un Sénat qui lui échappe. En 2011, vous aviez claironné la victoire socialiste qui annonçait un printemps radieux. Mais aujourd’hui, le Sénat est devenu l’un des premiers opposants au Gouvernement. Il rejette en effet avec force les textes les plus importants – loi de finances pour 2013, loi de financement de la sécurité sociale, loi sur la tarification progressive de l’énergie, loi sur l’élection des conseillers départementaux – quand il ne les vide pas de leur contenu, comme ce fut le cas pour la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Vous êtes donc dans une logique de punition d’un Sénat récalcitrant, vous inscrivant ainsi dans la continuité du gouvernement Jospin. On se souvient que le Premier ministre avait alors qualifié le Sénat d’anomalie démocratique. Vous aviez tenté, en 2000, une réforme de la Haute assemblée que le Conseil constitutionnel, dans sa sagesse, avait censurée. M. Jospin récidive néanmoins au travers du rapport de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique qu’il a présidée et dont s’inspire le projet de loi.

En troisième lieu, je m’interroge sur les motifs qui justifient l’extension du scrutin proportionnel aux départements comptant trois sièges de sénateurs. Le ministre de l’Intérieur, lors du débat au Sénat, a mis en avant la parité et le pluralisme. Si ce sont bien là les objectifs poursuivis par le texte, pourquoi alors n’avoir pas visé aussi les départements élisant deux sénateurs ?

Une simulation permet de comprendre les raisons de ce choix : les intérêts du parti socialiste sont mieux sauvegardés si le mode de scrutin est modifié dans les seuls départements élisant trois sénateurs. C’est en effet dans les départements à deux sièges que le parti socialiste enregistre ses meilleurs résultats – je pense à quinze départements dans lesquels la majorité actuelle aurait tout à perdre parmi lesquels la Corrèze ou l’Ariège. En revanche, dans les vingt-sept départements concernés par la réforme – les sièges de dix-sept d’entre eux seront soumis à renouvellement dès 2014 –, curieusement, ce sont principalement des sénateurs de l’opposition qui seront affectés : sur les 51 sénateurs sortants, on en dénombre 27 de l’UMP, 7 du Centre et un non-inscrit, soit un total de 35 sièges pour l’opposition contre 16 pour la majorité. Sur la seule série renouvelable en 2014, à collège électoral constant, la gauche gagnerait mécaniquement 9 sièges et en perdrait 2, soit un solde de 7 sièges, positif pour la majorité et négatif pour l’opposition. L’opposition supporterait ainsi, du fait de ce projet de loi, un handicap mécanique de 14 sièges. Si l’on tient compte des six sièges d’avance actuels, le Gouvernement s’offre ainsi une marge de vingt sièges pour sa majorité sénatoriale. Voilà l’objectif principal de ce projet de loi ! Je comprends que le rapporteur, par pudeur sans doute, n’ait pas souhaité se livrer à des calculs précis, mais c’est le rôle de l’opposition de souligner que le projet de loi a bel et bien pour objet de faire gagner quatorze sièges à l’actuelle majorité.

En dernier lieu, l’autre mesure du projet de loi – l’augmentation du nombre de délégués pour les communes de plus de 30 000 habitants – est tout aussi insidieuse. Elle témoigne là encore de votre constance et d’une certaine tradition de la gauche au pouvoir. La loi de 2000 proposait une représentation strictement démographique des communes – chaque commune désignant un grand électeur par tranche de 300 habitants –, mais le Conseil constitutionnel avait censuré le texte estimant que le Sénat devait demeurer « élu par un corps électoral essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ». Le Gouvernement cherche à contourner cette décision en proposant qu’un délégué supplémentaire soit désigné par tranche de 800 habitants dans les communes de plus de 30 000 habitants. Vous allez de la sorte augmenter le collège électoral sénatorial de plus de 3 000 délégués supplémentaires au bénéfice des 260 communes les plus peuplées. Nouvelle preuve de votre constance, vous poursuivez ainsi votre entreprise délétère de destruction de la ruralité, commencée avec le texte sur les conseillers départementaux, en vous attaquant cette fois au Sénat, au risque d’entacher la sincérité du prochain scrutin sénatorial.

N’oubliez pas cependant que les électeurs, dans leur sagesse, sanctionnent toujours durement ceux qui manipulent les modes de scrutin…

M. Dominique Bussereau. Je ne reprendrai pas la démonstration implacable de Guillaume Larrivé.

Vous resterez, dans l’histoire de la République, comme ceux qui ont le plus manipulé les modes de scrutin, et avec quelle détermination ! J’espère que les résultats se retourneront contre vous, comme en 1982 lorsque vous aviez modifié le mode de scrutin pour les élections cantonales. Ce procédé est inadmissible et, pour tout dire, pas très républicain…

J’avais déposé, il y a quelques années, une proposition de loi qui m’avait valu une lettre de réprimande du président du Sénat d’alors, René Monory. Je proposais que les présidents de région, le maire de Paris et les présidents de conseils départementaux – puisque c’est ainsi qu’ils s’appelleront désormais – soient de droit membres du Sénat pendant la durée de leur mandat afin d’assurer une représentation structurelle des collectivités territoriales. Pour l’autre moitié, le Sénat devait être composé de sénateurs élus à la représentation proportionnelle dans le cadre des régions afin de garantir la représentation des minorités et notamment des extrêmes.

Cette proposition de loi n’a été retenue ni par la majorité ni par l’opposition, mais j’ai plaisir à vous la rappeler.

M. Guy Geoffroy. Deux remarques traduiront mon étonnement devant votre volonté d’étendre le scrutin proportionnel aux départements dans lesquels sont élus trois sénateurs. Une telle réforme peut en effet aboutir à des résultats qui seront tout sauf proportionnels. Dans le cas de trois listes, la première obtenant 40 % des voix, la deuxième, 35 %, et la troisième un peu moins de 30 %, chacune aura un siège… Où est la proportionnalité ?

Deuxième effet pervers : sauf à trouver un moyen – que vous ne semblez pas avoir trouvé – garantissant la présence de femmes en tête de liste, en reprenant le même exemple, vous aurez réussi à faire élire trois hommes têtes de liste. Aucun siège sur les trois ne reviendra à une femme… Bravo !

Ces hypothèses ne sont pas irrationnelles puisque, dans certains départements élisant quatre sénateurs, les cas de figure que je viens de d’évoquer se sont présentés.

Comme Dominique Bussereau l’a dit, vous aurez fait des efforts méritoires pour tripatouiller le système électoral au nom de principes – parité et représentation proportionnelle – qui risquent de n’être même pas au rendez-vous !

M. Pascal Popelin. Je suis toujours surpris lorsque j’entends nos collègues de l’opposition réagir à l’occasion de chaque réforme du droit électoral. Ils tirent d’une situation politique donnée des conclusions quant aux effets de la réforme pour l’avenir. Or, ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent. Votre expérience du découpage électoral, mes chers collègues, aurait dû vous renseigner… En matière de droit électoral, il ne faut pas raisonner comme vous le faites. Il est plus sage de s’efforcer de respecter certains principes.

Monsieur Larrivé, vous prétendez que nous sommes dans une logique de punition du Sénat. Mais améliorer la représentativité du collège électoral des sénateurs, est-ce une punition ? Renforcer la parité, est-ce une punition ? Faire progresser le principe d’égalité devant le suffrage – principe constitutionnel qui souffre beaucoup d’exceptions dans notre pays –, est-ce une punition ?

Vous opposez constamment défense de la ruralité et respect de l’égalité devant le suffrage. Dois-je vous rappeler que vos diatribes fondées sur cette argumentation ont été balayées par le Conseil constitutionnel qui a réaffirmé la primauté du principe d’égalité devant le suffrage ! Le respect de ce même principe a également conduit celui-ci à recommander une modification du tableau fixant la répartition des conseillers de Paris.

Il faut ramener les choses à leur juste proportion. Vous avez souligné la créativité de ce projet, mais celui-ci ne fait que reprendre une réforme qui avait déjà été mise en œuvre et sur laquelle vous étiez revenus. Quant au collège électoral, la portée de l’ajustement reste limitée, je le regrette, car nous devons tenir compte des exigences du Conseil constitutionnel sur l’équilibre de la composition du collège et la nécessité d’une présence majoritaire, en son sein, de représentants élus des assemblées délibérantes des collectivités territoriales. Nous réduisons l’écart de représentativité entre les grands électeurs pour éviter que, dans le même département et pour élire un même sénateur, certains pèsent jusqu’à six fois plus que d’autres en termes de population.

Le groupe SRC est favorable à ce projet de loi qui accomplit un petit pas vers une démocratie plus représentative et plus moderne.

M. Patrice Verchère. Ce projet a une portée éminemment politique. Quelle est sa vraie raison d’être ? Qu’il s’agisse de la désignation de délégués supplémentaires ou de l’extension du scrutin proportionnel, ces deux choix sont très politiques, voire politiciens et surtout calculateurs. L’objectif est clair : conserver la courte majorité dont vous disposez au Sénat depuis le dernier renouvellement.

Après le texte sur la création du conseiller départemental et l’ovni du binôme, qui déjà s’en prenait à la ruralité – je l’avais qualifié de « ruralicide » –, ce projet de loi confirme que vous n’aimez pas le monde rural et que vous le sacrifiez.

Le Sénat, chambre des collectivités territoriales et des territoires, a donc vécu. C’est bien dommage !

Dans le département du Rhône, votre projet va engendrer une augmentation d’un quart du collège électoral au détriment du monde rural. Je le regrette.

M. Alain Tourret. Parler des élections sénatoriales, c’est s’interroger sur l’existence même du bicamérisme. La République a commencé avec la Constituante, s’est poursuivie avec la Législative puis avec la Convention sans deuxième chambre. Ce n’est qu’avec le Directoire puis le Consulat que s’installent deux chambres. Cette configuration n’est d’ailleurs pas une évidence puisque le général De Gaulle lui-même proposa, en 1969, un référendum sur la suppression du Sénat.

Il faut s’interroger : le bicamérisme est-il justifié par la seule différence dans le mode d’élection des deux chambres ? À quoi servent l’une et l’autre des assemblées ?

Depuis 1958, il appartient à l’Assemblée nationale d’assurer la stabilité du régime. Le scrutin majoritaire y contribue et garantit une majorité. Quant au Sénat, il aurait pour fonction de représenter l’ensemble des courants d’opinion qui ne le sont pas à l’Assemblée nationale en raison du mode de scrutin. Le renforcement de la proportionnelle au sein du Sénat, que propose avec sagesse le projet de loi, va dans ce sens. À terme, il y aura plus de sénateurs élus au scrutin proportionnel que de sénateurs élus au scrutin majoritaire. Mais, même si mon opinion n’est pas faite sur la valeur constitutionnelle du principe d’égale représentation des hommes et des femmes, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout en appliquant la proportionnelle et le principe de parité pour l’élection de l’ensemble des sénateurs ?

Ce que dit M. Geoffroy est vrai. Dans la Manche, avec deux listes de droite et une liste de gauche, trois hommes ont été élus, et la seule femme qui aurait pu l’être en vertu de l’ancien mode de scrutin a été éliminée !

Je soumets ces questions au débat public. Mais le texte apporte incontestablement des améliorations.

Enfin, il faut accepter les suggestions du Sénat. À cet égard, les propos du rapporteur m’ont paru très sages. Nous ne pouvons pas malmener la seconde assemblée sur des sujets qui lui tiennent à cœur, notamment sur l’application de la parité au collège électoral.

M. le rapporteur. Je partage les propos de M. Tourret. Il est de bonne courtoisie en démocratie parlementaire de respecter les choix du Sénat pour des textes qui le concernent et qui, de surcroît, confortent certains principes auxquels nous sommes attachés.

Je suis totalement en accord avec Pascal Popelin quant au caractère modéré de ce projet de loi, contrairement à ce qu’affirme M. Verchère. Ce texte n’est pas révolutionnaire, à la différence de la proposition de loi de M. Bussereau qui visait à faire du Sénat la chambre des grands élus.

Dans le rapport que j’avais remis au Premier ministre en 2000, à la suite de l’instauration du quinquennat, sur une réforme de la démocratie parlementaire, j’avais étudié trois pistes d’évolution pour le Sénat, dont celle évoquée par M. Bussereau. Le regretté Guy Carcassonne était aussi partisan de cette conception de la seconde chambre comme lieu de représentation des grandes collectivités françaises.

Monsieur Larrivé, je regrette votre procès à traits forcés. Il est vrai que nous faisons preuve de créativité, mais celle-ci est quelque peu éculée. Nous ne faisons que revenir sur un dispositif que nous avions voté il y a treize ans et que vous avez supprimé.

La proportionnelle dans les départements élisant trois sénateurs figurait dans le rapport de M. Dolez sur le projet de loi relatif à l’élection des sénateurs que notre assemblée avait adopté. Elle était en vigueur jusqu’à ce que vous décidiez de rétablir le seuil à quatre sièges, diminuant de ce fait la représentation des femmes au Sénat.

Il s’agit donc non pas d’une révolution due à notre créativité, mais d’une réformette visant à revenir à un dispositif qui a fait ses preuves. C’est un premier pas qui va dans le bon sens ; il faut le prendre comme tel. J’espère que nous irons plus loin. Il n’est en effet pas normal qu’un département dans lequel 55 % des grands électeurs votent à droite et 45 % à gauche soit représenté par deux sénateurs de la même couleur politique, car cela signifie que l’on ignore 45 % des électeurs. L’idée d’étendre la proportionnelle n’est pas saugrenue. J’espère que nous y viendrons.

Enfin, le corps électoral n’est pas substantiellement modifié. En abaissant le seuil pour la désignation de délégués supplémentaires, nous ajouterons environ 3 000 grands électeurs aux 158 000 actuels, soit 2 %. Je vérifierai avant la séance le chiffre de 25 % avancé par M. Verchère pour le département du Rhône, car il me paraît excessif.

Je me réjouis que l’idée de respecter le travail du Sénat ait été acceptée par tous les groupes parlementaires puisque seulement deux amendements ont été déposés sur le texte à ce jour.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A

(art. L. 280 du code électoral)


Inscription dans la loi des principes devant guider la composition du collège électoral sénatorial

L’article L. 280 du code électoral indique la composition précise du collège électoral sénatorial, qui rassemble pour chaque département les députés, les conseillers régionaux de la section départementale, les conseillers généraux, les délégués des conseils municipaux, mais également, dans ces collectivités, des conseillers de l’Assemblée de Corse, de Guyane et de Martinique.

Le présent article, issu d’un amendement adopté par le Sénat, vise à rappeler, dans la loi, les principes dégagés par le Conseil constitutionnel. En effet, dans la décision n° 2000-431 du 6 juillet 2000 portant sur la loi relative à l’élection des sénateurs, le Conseil a indiqué avec clarté au législateur les critères fondant la constitutionnalité de la composition du collège électoral sénatorial. Il découle ainsi de l’article 24, alinéa 4, de la Constitution, qui dispose que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales, que :

––  le Sénat doit « être élu par un corps électoral qui est lui-même l’émanation de ces collectivités » ;

––  « ce corps électoral doit être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes » ;

––  « toutes les catégories de collectivités territoriales doivent y être représentées » ;

––  « la représentation des communes doit refléter leur diversité » ;

––  enfin, « la représentation de chaque catégorie de collectivités territoriales et des différents types de communes doit tenir compte de la population qui y réside », en application du principe d’égalité devant le suffrage.

L’article introduit par le Sénat est l’exacte transposition de ces principes, puisqu’il dispose que le collège électoral « assure, dans chaque département, la représentation des différentes catégories de collectivités territoriales et de la diversité des communes, en tenant compte de la population qui y réside ». Si cet article ne correspond à aucune nécessité juridique, on peut néanmoins estimer qu’il est de nature à clarifier le droit existant en y rappelant la jurisprudence constitutionnelle.

*

* *

La Commission adopte l’article 1er A sans modification.

Article 1er B

(art. L. 280 du code électoral)


Intégration des sénateurs au collège électoral sénatorial

Le présent article, introduit par le Sénat, vise à intégrer les sénateurs au collège électoral sénatorial en modifiant également l’article L. 280 du code électoral. En effet, en l’état actuel de sa rédaction, cet article ne fait pas des sénateurs des grands électeurs ès qualités. Seuls les députés, les conseillers régionaux, les conseillers généraux et les délégués des conseils municipaux sont appelés à former le collège électoral sénatorial.

De fait, il est courant que les titulaires d’un mandat sénatorial puissent participer aux élections sénatoriales à raison d’un mandat local. Il existe donc une certaine inégalité entre les sénateurs titulaires d’un mandat local et ceux qui n’en disposent pas. Le présent article vise donc à remédier à cette situation.

Qui plus est, les sénateurs – qui sont encore en fonction au moment de l’élection – représentent les territoires et doivent, à ce titre, participer à la formation du collège électoral sénatorial. Il semble en effet incohérent que les députés, censés représenter la Nation et non les départements, soient membres de droit du collège électoral sénatorial alors que les sénateurs ne le sont pas. Si cet article ne remet pas en cause la participation historique des députés au collège électoral, il place néanmoins les sénateurs au même rang que les députés.

*

* *

La Commission adopte l’article 1er B sans modification.

Article 1er C

(art. L. 281 du code électoral)


Modalités d’inscription sur les listes électorales et de vote des grands électeurs

Cet article assure la coordination de l’article L. 281 du code électoral avec l’article 1er B relatif à l’intégration des sénateurs au collège électoral sénatorial.

L’article L. 281 du code électoral prévoit que certains membres du collège électoral sénatorial – les députés, les conseillers régionaux et les conseillers généraux – sont inscrits sur les listes des électeurs sénatoriaux et prennent part au vote même si leur élection est contestée. Il prévoit également les modalités de la procuration de vote de ces grands électeurs.

Tirant les conséquences de l’intégration des sénateurs au collège électoral sénatorial, la nouvelle rédaction de l’article L. 281 leur applique ces règles.

*

* *

La Commission adopte l’article 1er C sans modification.

Article 1er D
(art. L. 289 du code électoral)


Composition paritaire des listes de candidats pour la désignation des délégués des conseils municipaux et de leurs suppléants

Cet article, introduit à l’initiative de la délégation aux Droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes du Sénat, vise à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions de délégué des conseils municipaux et de suppléant.

La représentation des communes au sein du collège électoral sénatorial est assurée par les délégués des conseils municipaux. Dans les communes de moins de 9 000 habitants, le conseil municipal doit désigner en son sein les conseillers municipaux appelés à le représenter au sein du collège électoral sénatorial (31) ; au sein des communes de 9 000 à 30 000 habitants, tous les conseillers municipaux sont automatiquement délégués, si bien qu’il n’est pas besoin de procéder à une élection (32) ; en revanche, dans les communes de plus de 30 000 habitants, des délégués supplémentaires sont désignés par le conseil municipal en sus des conseillers municipaux (33).

Le conseil municipal désigne également des suppléants aux délégués. En application de l’article L. 286 du code électoral, lorsque le nombre de délégués est inférieur ou égal à 5, le conseil doit désigner 3 suppléants. Lorsque le nombre de délégués est supérieur à 5, le conseil désigne un suppléant supplémentaire par tranche de 5 délégués ou par fraction de 5. Ceux-ci sont choisis au sein du conseil municipal lorsque le nombre de délégués et de suppléants est inférieur au nombre total de conseillers municipaux, mais parmi les électeurs inscrits sur les listes électorales de la commune dans le cas contraire. C’est nécessairement le cas dans les communes de 9 000 habitants et plus, puisque tous les conseillers municipaux sont délégués de droit et ne peuvent, dès lors, être suppléants.

DÉSIGNATION DES DÉLÉGUÉS ET DES SUPPLÉANTS PAR LES CONSEILS MUNICIPAUX

Population de la commune

Nombre de conseillers municipaux

Nombre de délégués*

Nombre de suppléants (dont suppléants choisis sur les listes électorales)

Moins de 100 habitants

9

1

3 (0)

De 100 à 499 habitants

11

1

3 (0)

De 500 à 1 499 habitants

15

3

3 (0)

De 1 500 à 2 499 habitants

19

5

3 (0)

De 2 500 à 3 499 habitants

23

7

4 (0)

De 3 500 à 4 999 habitants

27

15

5 (0)

De 5 000 à 8 999 habitants

29

15

5 (0)

De 9 000 à 9 999 habitants

29

29

8 (8)

De 10 000 à 19 999 habitants

33

33

9 (9)

De 20 000 à 30 000 habitants

39

39

10 (10)

* Ces délégués sont choisis parmi les conseillers municipaux.

L’article L. 289 du code électoral prévoit que, dans les communes de 3 500 habitants et plus, ainsi qu’à Paris, Lyon et Marseille, les délégués des conseils municipaux et leurs suppléants sont élus au scrutin proportionnel avec application de la plus forte moyenne sur une même liste, sans panachage ni vote préférentiel. Ce seuil sera abaissé à 1 000 habitants à compter des prochaines élections municipales, sous l’effet des dispositions relatives aux conseils municipaux de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013. Le premier alinéa de cet article indique par ailleurs que « les listes peuvent comprendre un nombre de noms inférieur au nombre de sièges de délégués et de suppléants à pourvoir ». Chaque conseiller municipal peut présenter une liste de délégués et de suppléants.

Le présent article complète le premier alinéa de l’article L. 289 en précisant que les listes de délégués et de suppléants sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe. Le but poursuivi est de favoriser la représentation des femmes au sein du collège électoral sénatorial, afin de permettre indirectement une meilleure représentation des femmes au Sénat. Son applicabilité concrète sera par ailleurs assurée par la féminisation des conseils municipaux des communes de 1 000 habitants et plus qui devrait intervenir à compter des prochaines élections municipales, en application de la loi du 17 mai 2013. Si le conseil municipal s’approche de la parité, il sera alors possible de former des listes paritaires pour l’élection des délégués municipaux et des suppléants.

Néanmoins, votre rapporteur constate que le maintien de la disposition de l’article L. 289 du code électoral qui permet de présenter un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges de délégués et de suppléants à pourvoir – qui est pourtant indispensable du point de vue de la logique (34) – pourrait toutefois amoindrir l’effet du présent article, en permettant les candidatures masculines isolées. Même si elle risque de voir ses effets atténués par la possibilité de présenter des candidatures isolées, cette disposition constitue une avancée certaine vers la parité.

*

* *

La Commission adopte l’article 1er D sans modification.

Article 1er E
(art. L. 282 du code électoral)


Désignation d’un remplaçant au grand électeur qui est conseiller général ou régional et sénateur

Le présent article tire les conséquences de l’intégration des sénateurs au sein du collège électoral sénatorial.

L’article L. 282 du code électoral dispose que lorsqu’un conseiller général ou régional est également grand électeur au titre d’un mandat de député, de conseiller régional ou général, de conseiller de l’Assemblée de Corse, de Guyane ou de Martinique, un remplaçant doit être désigné sur sa présentation. Dans le cas contraire, une seule personne, représentant deux territoires distincts, participerait à l’élection sénatoriale.

Le présent article étend cette obligation aux cas où le conseiller général ou régional est également sénateur. Le président du conseil général ou régional devra donc désigner un remplaçant au conseiller général ou régional qui est également sénateur, sur sa présentation.

*

* *

La Commission adopte l’article 1er E sans modification.

Article 1er F
(art. L. 287 du code électoral)


Désignation d’un remplaçant au grand électeur qui est délégué du conseil municipal et sénateur

Le présent article, introduit par le Sénat, tire les conséquences de l’intégration des sénateurs au collège électoral sénatorial et leur étend les dispositions de l’article L. 287 du code électoral. Il est donc l’exact pendant, pour la désignation des délégués municipaux, de l’article précédent (cf. supra).

Le premier alinéa de l’article L. 287 du code électoral dispose que les députés, conseillers régionaux ou généraux qui siègent au sein de conseils municipaux ne peuvent être désignés délégués, élus ou de droit, par ceux-ci. Le présent article étend cette interdiction aux sénateurs qui siègeraient au sein de conseils municipaux.

Le second alinéa de l’article L. 287 du code électoral prévoit que, dans le cas particulier où l’ensemble des conseillers municipaux sont délégués de droit –c’est-à-dire dans toutes les communes de 9 000 habitants et plus –, un remplaçant au conseiller municipal qui est également sénateur est désigné, par le maire, sur sa présentation.

*

* *

La Commission adopte l’article 1er F sans modification.

Article 1er
(art. L. 285 du code électoral)


Abaissement de 1 000 à 800 du nombre d’habitants permettant la désignation d’un délégué supplémentaire par les conseils municipaux des communes de plus de 30 000 habitants

Le présent article vise à permettre aux communes de plus de 30 000 habitants de désigner un délégué supplémentaire non plus par tranche de 1 000 habitants, mais par tranche de 800 habitants, afin d’assurer aux communes urbaines une meilleure représentation au sein du collège électoral sénatorial.

Le second alinéa de l’article L. 285 du code électoral dispose actuellement que, dans les communes de plus de 30 000 habitants, les conseils municipaux élisent un délégué supplémentaire à raison d’un pour 1 000 habitants au-delà de 30 000 habitants. Ainsi, une commune de 40 000 habitants verra l’ensemble de ses 43 conseillers municipaux, ainsi que 10 délégués supplémentaires choisis sur les listes électorales de la commune, participer à la formation du collège électoral sénatorial.

À l’heure actuelle, le nombre de délégués des conseils municipaux n’est pas proportionnel à la taille de la population communale. Les règles de détermination du nombre de délégués aujourd’hui en vigueur favorisent grandement la représentation des petites communes. Ainsi, alors que le délégué d’une commune de moins de 100 habitants représente au maximum 99 habitants, les délégués d’une commune comptant 500 000 habitants représentent environ 928 électeurs. Si l’on considère la façon dont la population française est aujourd’hui répartie au sein des communes, le nombre d’habitants par délégué varie de 227 dans les communes de moins de 500 habitants à 931 dans les communes de 300 000 habitants et plus (35).

La modification envisagée doit permettre aux communes les plus peuplées de désigner un nombre de délégués légèrement supérieur à ce qu’il est aujourd’hui, en limitant l’écart de représentation qui sépare les habitants des communes rurales des populations urbaines. D’après les données fournies par le Gouvernement dans son étude d’impact, si cette disposition était adoptée, cet écart ne varierait plus que de 227 à 781 habitants par délégués, favorisant ainsi la représentation des habitants des communes les plus peuplées.

Cette modification doit être appréhendée au regard de la jurisprudence constitutionnelle. En effet, dans sa décision n° 2000-431 du 6 juillet 2000, le Conseil constitutionnel a censuré une disposition de la loi relative à l’élection des sénateurs, dont l’article 2 permettait aux conseils municipaux de désigner un délégué par tranche de 300 habitants, au besoin en dehors des conseillers municipaux, au motif qu’elle était contraire à l’article 24 de la Constitution.

En effet, le Conseil a considéré qu’« en application des dispositions du 1° de l’article 2 de la loi déférée, des délégués, choisis nécessairement en dehors du conseil municipal, seront désignés, à raison d’un délégué supplémentaire pour 300 habitants ou fraction de ce nombre, lorsque le nombre de délégués sera supérieur à l’effectif du conseil municipal ; que, dès lors, ces délégués supplémentaires constitueront une part substantielle, voire, dans certains départements, majoritaire du collège des électeurs sénatoriaux ; que leur participation à l’élection des sénateurs sera d’autant plus déterminante que l’article 10 de la loi examinée étend à de nombreux départements l’élection des sénateurs au scrutin proportionnel […] que l’importance ainsi donnée par la loi déférée aux délégués supplémentaires des conseils municipaux au sein des collèges électoraux irait au-delà de la simple correction démographique ».

Le Sénat ayant une mission constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales, il doit, d’après la jurisprudence constitutionnelle, être élu par un corps électoral émanant des collectivités et « essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes ». Dès lors que les délégués choisis à l’extérieur du conseil municipal, parmi les électeurs de la commune, sont susceptibles de représenter une part substantielle du corps électoral sénatorial, et, dans les départements, une part majoritaire, la composition du corps électoral sénatorial ne respecte plus ce principe constitutionnel. La participation de grands électeurs sans mandat de conseiller municipal ne peut, d’après le Conseil constitutionnel, qu’assurer une « simple correction démographique » de la composition du corps électoral sénatorial. S’il doit être tenu compte de la population qui réside dans chaque collectivité, cela ne peut être que dans des proportions marginales.

Le Conseil constitutionnel, pour évaluer la constitutionnalité d’une telle disposition, observe donc les effets concrets de celle-ci, éventuellement associée à d’autres modifications, sur la composition du collège électoral. Il pose incidemment deux règles qui doivent guider l’action du législateur : d’une part, les délégués non conseillers municipaux ne doivent pas représenter une part « substantielle » du collège électoral sénatorial pris dans son ensemble ; d’autre part, ils ne doivent pas représenter une part « majoritaire » du collège électoral de chaque département.

S’il est difficile de déterminer avec exactitude le caractère « substantiel » de la part prise par les délégués supplémentaires dans le collège électoral sénatorial, il est néanmoins possible de tirer des dispositions censurées certaines hypothèses. En effet, celles-ci faisaient passer la part des délégués supplémentaires de 8 % à 30 % du nombre total de délégués des conseils municipaux – soit une augmentation de 275 % –, comme l’indique l’étude d’impact annexée au présent projet de loi. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a clairement indiqué le caractère conforme à la Constitution de l’article L. 285 du code électoral, dont le second alinéa n’a pas été modifié depuis 1964 et, partant, de la proportion actuelle des délégués supplémentaires parmi les délégués des conseils municipaux qui, dans les communes les plus peuplées, peut atteindre 90 %. Autrement dit, si les délégués supplémentaires peuvent constituer une part majoritaire des délégués des conseils municipaux d’une commune, ils ne peuvent pas représenter une part majoritaire du collège électoral du département, ni une part substantielle du collège électoral pris dans son ensemble.

Le Gouvernement, afin de se prémunir contre tout risque de censure constitutionnelle, a procédé à cinq simulations distinctes, pour retenir in fine l’option la plus compatible avec les exigences constitutionnelles. Si l’abaissement de 1 000 à 800 du nombre d’habitants ouvrant droit à un délégué supplémentaire conduit mécaniquement à augmenter la part des délégués sans mandat électif au sein du collège électoral sénatorial, c’est dans des proportions extrêmement limitées. Comme l’indique l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la part des conseillers municipaux parmi l’ensemble des délégués des conseils municipaux ne devrait, selon les estimations du Gouvernement, ne diminuer que de 1,88 point, passant de 91,7 % à 89,82 %. Cette évolution est sans commune mesure à celle qui avait conduit, en 2000, à la censure constitutionnelle, imputable à une perte de 22 points dans la part prise par les conseillers municipaux parmi les délégués des conseils municipaux (36).

Par ailleurs, cette réforme ne conduirait à désigner que 3 175 délégués des conseils municipaux de plus, ce qui ne bouleverse nullement l’actuelle composition du collège sénatorial. Pour prudente qu’elle soit, cette réforme permettra aux habitants des communes les plus peuplées d’être mieux représentés au sein du collège électoral sénatorial dans une mesure qui demeure toutefois conforme à la Constitution.

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La Commission est saisie de l’amendement CL 2 de Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je confirme les propos du rapporteur sur la parité. L’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes avait calculé que la proportion de femmes avoisinait les 15 % dans les départements élisant trois sénateurs au scrutin majoritaire – et ce, malgré la présence éventuelle de listes dissidentes –, contre 40 % à 45 % dans les départements où cette élection avait lieu à la proportionnelle. Comme M. Tourret, j’aurais souhaité que l’on aille jusqu’au bout !

Quant à l’amendement CL 2, il vise à éviter une augmentation trop brutale du nombre de délégués sénatoriaux supplémentaires dans les communes de plus de 30 000 habitants. Le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, me semble en effet poser quelques problèmes quant à la représentativité du Sénat.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Comme je l’ai indiqué, le projet de loi n’augmentera le nombre de grands électeurs que d’environ 3 000 : il ne s’agit donc pas d’un choc brutal.

La Commission rejette l’amendement CL 2.

Puis elle adopte l’article 1ersans modification.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CL 1 de Mme Marie-Jo Zimmermann tendant à insérer un article additionnel.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Mon amendement CL 1, portant article additionnel après l’article 1er, qui vise à prévoir que, dans les départements où l’élection a lieu au scrutin proportionnel, donc en un seul tour, les grands électeurs iront voter au chef-lieu d’arrondissement.

M. le rapporteur. Cet amendement CL 1 témoigne d’une intention louable, mais les grands électeurs apprécient d’aller voter en préfecture une fois tous les six ans. J’ajoute que le gain financier ne serait pas significatif, puisque le défraiement prévu pour ces déplacements n’est que de 15 euros par grand électeur.

M. Dominique Bussereau. Je ne partage pas l’avis du rapporteur sur l’amendement CL 1. Le sud de mon département est distant de plus de 210 kilomètres de la préfecture, située au nord. Ces déplacements, déjà absurdes et coûteux, le seront plus encore avec le nouveau système qui, en imposant le dépôt de listes en préfecture, y compris pour les plus petites communes, porte atteinte à la liberté qui prévalait jusqu’alors pour les scrutins. Au moment où le Gouvernement prône l’austérité et la rigueur, la mesure proposée par Mme Zimmermann serait source d’économies ; elle favoriserait de surcroît la participation aux élections sénatoriales.

M. Philippe Gosselin. Votre obstination à vouloir modifier les modes de scrutin ne laisse pas d’interpeller. Est-elle liée à votre intention de supprimer des sous-préfectures dans les mois qui viennent ?

M. Jean-Pierre Decool. Je soutiens l’amendement CL 1, car il favorise la proximité, déjà mise à mal par la réforme de l’élection des conseillers départementaux.

Je rappelle aussi qu’au cours des années précédentes, certaines préfectures ont délocalisé les élections sénatoriales pour des raisons pratiques ou d’accessibilité. Organiser ces élections dans des chefs-lieux d’arrondissement serait donc un signe fort, sans oublier l’intérêt environnemental d’une telle mesure.

M. Sébastien Denaja. L’argument du coût des déplacements me semble dérisoire. Au reste, l’ouverture de sous-préfectures le dimanche a également un coût. Il est nécessaire, comme l’a rappelé le rapporteur, de réunir tous les grands électeurs d’un département en un même lieu.

M. le rapporteur. J’ai été très sensible au rejet unanime du même amendement au Sénat, où M. Masson l’avait défendu : les membres du groupe UMP, M. Gélard en tête, ont expliqué que, les sénateurs étant élus d’un département, l’élection au chef-lieu du département était une forme de reconnaissance pour les grands électeurs. Je vous propose donc de nous en tenir à la ligne de courtoisie à l’égard de la Haute assemblée que nous suivons depuis le début de nos travaux.

La Commission rejette l’amendement CL 1.

Article 1erbis
(art. L. 290-1 du code électoral)


Désignation prioritaire des délégués des communes associées parmi les conseillers municipaux

Le présent article vise à assurer la désignation prioritaire des délégués des communes associées parmi les conseillers municipaux et, à défaut, parmi les électeurs inscrits sur les listes électorales de la commune.

Le régime des communes associées a été créé par la loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite « loi Marcellin ». Sans fusionner complètement, les communes peuvent, sous l’empire de cette loi, s’associer en conservant certaines de leurs prérogatives. Le sectionnement électoral, qui assure l’intégrité électorale de chaque commune associée, en fait partie et permet à chacune d’élire séparément ses conseillers municipaux.

Pour ce qui est des élections sénatoriales, cela signifie, comme le prévoit l’article L. 290-1 du code électoral, que les communes associées désignent un nombre de délégués égal à celui auquel elles auraient eu droit en l’absence de fusion-association. Ces délégués sont désignés parmi les conseillers municipaux de la section électorale correspondante ou parmi les électeurs de la liste électorale correspondant à la commune, sans qu’une quelconque hiérarchisation ne soit prévue, en l’état actuel du droit, entre ces deux possibilités. Cette situation est à mettre en regard avec celle de communes indépendantes, qui désignent leurs délégués parmi les conseillers municipaux, sauf lorsque des délégués supplémentaires doivent être désignés, nécessairement en dehors du conseil municipal.

Le présent article, introduit par le Sénat, modifie l’article L. 290-1 du code électoral pour assurer la désignation, en priorité, de conseillers municipaux et, seulement à défaut, d’électeurs inscrits sur les listes électorales.

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La Commission adopte l’article 1erbis sans modification.

Article 1erter
(art. L. 290-1 du code électoral)


Conservation du nombre de délégués des conseils municipaux pour les communes déléguées issues de la transformation de communes associées sous l’effet de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral

Le présent article vise à remédier à l’effet indirect de certaines dispositions de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, sur le nombre de délégués dont disposent certaines communes.

Les communes associées bénéficient, par rapport aux communes déléguées qui forment les communes nouvelles (37) créées par la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, de certaines prérogatives. Notamment, elles peuvent disposer, de plein droit, de sections électorales, en application de l’article L. 255-1 du code électoral, ce qui leur permet d’obtenir autant de grands électeurs que le nombre auquel elles auraient eu droit en l’absence de fusion-association (38). Mais, prenant acte de l’échec relatif de la fusion-association et pour favoriser l’émergence de communes nouvelles, la loi du 16 décembre 2010 prévoit que les communes associées peuvent opter pour le régime des communes déléguées.

L’article 33 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, qui porte sur l’élection des conseillers communautaires, a des répercussions indirectes sur les communes qui étaient jusqu’alors associées.

Le futur article L. 273-7 du code électoral prévoit, pour l’élection des conseillers communautaires, que le préfet répartit les sièges de conseillers communautaires par secteur électoral, selon une règle proportionnelle avec application de la plus forte moyenne. Si, à l’issue de cette opération, certaines sections électorales n’ont aucun conseiller à élire, elles sont supprimées. Si l’existence de ces sections était liée au statut de commune associée, alors les communes associées sont transformées en communes déléguées, perdant ainsi de facto leur sectionnement électoral.

Le I du présent article vise à permettre aux communes déléguées issues de la transformation, sous l’effet de ces dispositions, de communes associées, de continuer à bénéficier de leurs prérogatives électorales pour la désignation de grands électeurs sénatoriaux. Ces communes déléguées désigneraient donc un nombre de délégués des conseils municipaux égal à celui qu’elles auraient dû avoir en l’absence de fusion, sans pour autant qu’une section électorale soit recréée. Ainsi, les délégués seraient désignés, pour chaque commune, parmi les conseillers municipaux domiciliés dans le ressort de l’ancienne commune associée ou, à défaut, parmi les électeurs de cette commune. De façon logique, le II du présent article vise à faire coïncider l’entrée en vigueur de ce dispositif avec celle de l’article 33 de la loi du 17 mai 2013.

Outre la complexification du droit applicable introduite par cet article, votre rapporteur estime qu’il crée une inégalité entre les communes déléguées créées par transformation automatique de communes associées en application du futur article L. 273-7 du code électoral, et les autres communes déléguées, en particulier celles qui, anciennement associées, auraient opté pour ce nouveau statut. À population égale, les premières communes disposeraient d’un nombre de délégués plus élevé. Si le principe constitutionnel d’égalité n’exige pas de traiter de façon identique des situations différentes, il nécessite, en l’occurrence, de traiter de la même façon des communes régies par un statut identique. On ne peut donc écarter le risque que cet article puisse être censuré par le Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, cette disposition ne bénéficiera qu’à un nombre limité de communes associées. En effet, la loi du 17 mai 2013 précitée supprime le sectionnement électoral des communes associées formant un ensemble de moins de 20 000 habitants (39), ce qui fera perdre aux petites communes associées leur sectionnement électoral. Parmi les rares communes associées qui disposeront encore d’une section électorale, le dispositif envisagé par l’article 1erter ne permettra qu’à celles qui auraient subi une transformation de plein droit en communes déléguées de bénéficier de leurs anciennes prérogatives en ce qui concerne les élections sénatoriales. Au total, cette disposition ne devrait s’appliquer qu’à un nombre très réduit de cas.

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La Commission adopte l’article 1erter sans modification.

Article 1erquater
(art. L. 299 du code électoral)


Contrainte paritaire dans la désignation des remplaçants des candidats aux élections sénatoriales dans les départements appliquant un scrutin majoritaire

Le présent article, introduit par la délégation aux Droits des femmes du Sénat, vise à instaurer une obligation de parité dans la désignation des personnes appelées à remplacer les sénateurs élus au scrutin majoritaire.

L’article L. 299 du code électoral encadre la forme des déclarations de candidature. Celles-ci doivent notamment indiquer les nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, domicile et profession de la personne appelée à remplacer le candidat élu dans les cas prévus à l’article L.O. 319, c’est-à-dire en cas de décès, d’acceptation des fonctions de membre du gouvernement ou de membre du Conseil constitutionnel ou de prolongation au-delà de six mois d’une mission temporaire conférée par le gouvernement.

Le présent article vise à ce que le tandem électoral soit composé de personnes de sexe différent. Outre la portée symbolique de cet article, cela pourrait permettre de conforter une des voies d’accès des femmes au mandat sénatorial. Comme l’indique la délégation aux Droits des femmes du Sénat dans son rapport d’information sur les dispositions du présent projet de loi (40), entre 2008 et 2011, 5 sénateurs élus au scrutin majoritaire ont dû être remplacés. Si ces dispositions avaient été appliquées, le Sénat aurait compté 4 sénatrices supplémentaires.

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La Commission adopte l’article 1erquater sans modification.

Article 1erquinquies
(art. L. 305 du code électoral)


Obligation de présentation au premier tour pour les candidats au second tour des élections sénatoriales

Le présent article, introduit par le Sénat, vise à remédier à une étrangeté du code électoral en ce qui concerne les élections sénatoriales, en rendant irrecevable la candidature intervenue directement au second tour des élections sénatoriales.

En effet, en l’état actuel du droit, rien n’interdit à un candidat de se présenter au second tour des élections sénatoriales qui se tiennent au scrutin majoritaire sans s’être présenté au premier. Or, les autres élections françaises appliquent cette règle : en ce qui concerne les élections des députés, l’article L. 162 du code électoral ne permet pas à un candidat non présent au premier tour de se présenter au second ; il en est de même pour les conseillers généraux, en application de l’article L. 210-1 du même code, et des conseillers municipaux des communes de 3 500 habitants et plus, en application de l’article L. 264 du code électoral.

Le présent article vise donc à supprimer cet archaïsme du code électoral en introduisant cette interdiction à l’article L. 305 du code électoral, qui fixe les règles relatives au dépôt des candidatures en vue du second tour dans les départements où est appliqué le scrutin majoritaire.

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La Commission adopte l’article 1erquinquies sans modification.

Article 2
(art. L. 294 du code électoral)


Application du scrutin majoritaire dans les départements élisant deux sénateurs ou moins

Le présent article vise à abaisser le seuil d’application du scrutin majoritaire aux départements élisant, au plus, deux sénateurs, contre trois aujourd’hui. Le scrutin majoritaire étant particulièrement défavorable à l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électifs, cet article doit permettre d’améliorer la représentation des femmes au sein du Sénat.

Aujourd’hui, 168 sénateurs sur 348, représentant 71 départements, 5 collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, sont élus au scrutin majoritaire en application de l’article L. 294 du code électoral, qui prévoit l’application de ce mode de scrutin dans les départements élisant trois sénateurs ou moins.

Ainsi, 48 % des sièges sont attribués selon un mode de scrutin qui, libre de toute obligation paritaire, n’assure pas aux femmes une représentation proportionnelle à leur part dans l’électorat français. L’abaissement du plafond de 3 à 2 sénateurs pour l’application du mode de scrutin majoritaire permettrait de faire élire 75 sénateurs supplémentaires selon un mode de scrutin proportionnel et paritaire (cf. infra).

Il convient de noter que ce seuil a été appliqué entre 2001 et 2003, après l’entrée en vigueur de la loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 relative à l’élection des sénateurs, et que le Conseil constitutionnel n’y avait vu aucun motif d’inconstitutionnalité. Les résultats en matière d’accès des femmes au mandat sénatorial de cette disposition ont d’ailleurs permis l’amorce d’un mouvement plus profond, qui a pu perdurer en dépit du rehaussement du plafond d’application du scrutin majoritaire à trois sénateurs au plus, par la loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003 portant réforme de l’élection des sénateurs. Lors du renouvellement d’un tiers du Sénat en 2001, 20 femmes ont ainsi été élues au scrutin proportionnel, contre seulement 2 au scrutin majoritaire.

Néanmoins, comme l’indique l’étude d’impact, la recherche de la parité n’est pas la seule motivation de cet article, qui vise également à atteindre, par l’extension du scrutin proportionnel, une meilleure représentation des courants et des idées politiques.

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La Commission adopte l’article 2 sans modification.

Article 3
(art. L. 295 du code électoral)


Extension du scrutin proportionnel à la plus forte moyenne aux départements élisant trois sénateurs ou plus

Par symétrie avec l’article 2 du présent projet de loi, le présent article prévoit d’étendre le scrutin proportionnel aux départements élisant trois sénateurs ou plus, contre 4 actuellement. Ce serait ainsi 73,3 % du Sénat qui serait élu selon un mode de scrutin assurant un meilleur accès des femmes au mandat sénatorial.

En effet, depuis la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, les élections sénatoriales à la représentation proportionnelle sont soumises à des règles de stricte parité. Ainsi, en application de l’article L. 300 du code électoral, « dans les départements où les élections ont lieu à la représentation proportionnelle, la liste des candidats doit comporter autant de noms qu’il y a de sièges à pourvoir. Sur chacune des listes, l’écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un. Chaque liste est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe ».

Les départements élisant trois sénateurs sont les derniers départements où le législateur peut espérer que l’application d’un scrutin proportionnel avec contrainte paritaire pourra améliorer la représentation des femmes au sein du Sénat. Ce scrutin ne comportant qu’un seul tour, et les sièges étant répartis de façon proportionnelle à la plus forte moyenne, ce sont les deux listes arrivées en tête qui remporteront les sièges dans les départements élisant deux sénateurs. Or, les têtes de liste étant généralement masculines, ce seront donc principalement des candidats de sexe masculin qui se trouveraient élus.

À l’inverse, dans les départements élisant trois sénateurs, il existe encore des marges de progrès. En effet, la répartition proportionnelle à la plus forte moyenne favorise les listes ayant obtenu un grand nombre de voix, et peut donc assurer deux sièges à la liste arrivée en tête, conduisant nécessairement au minimum une femme à être élue au sein de ce département. Le choix opéré par le Gouvernement d’abaisser le seuil d’application du scrutin proportionnel à trois sénateurs apparaît donc opportun.

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La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 3 bis
(art. L. 301 du code électoral)


Date limite de dépôt des candidatures pour les élections sénatoriales

Le présent article, introduit par le Sénat, vise à avancer la date limite de dépôt des candidatures en vue du premier tour des élections sénatoriales au troisième vendredi précédent l’élection, au lieu du deuxième. L’objectif poursuivi par cette modification est de donner plus de temps aux candidats pour conduire leur campagne.

En effet, en l’état actuel de la rédaction de l’article L. 301 du code électoral, les candidats au premier tour doivent déposer leur candidature au plus tard le deuxième vendredi qui précède le scrutin. Celui-ci ayant lieu un dimanche, cela ne laisse en réalité qu’une dizaine de jours aux candidats pour mener une campagne électorale auprès des grands électeurs. La modification de l’article L. 301 doit fixer le délai limite de dépôt des candidatures à 18 heures le troisième vendredi précédent l’élection, laissant ainsi une semaine supplémentaire aux candidats.

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La Commission adopte l’article 3 bis sans modification.

Article 4
(art. L. 439 du code électoral)


Application des dispositions du présent projet de loi en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie

L’article 4 étend à la Polynésie française, aux îles Wallis et Futuna et à la Nouvelle-Calédonie l’application des dispositions du présent projet de loi. Hormis le cas des lois dites de souveraineté (41), ces collectivités, régies par le principe de spécialité législative, n’appliquent les lois promulguées qu’en cas de mention expresse de leur applicabilité à ces territoires.

L’article L. 439 du code électoral permet d’appliquer à ces collectivités certaines dispositions du même code relatives à l’élection des sénateurs, à l’exception, notamment, de l’article L. 301 qui fixe la date limite de dépôt des candidatures (cf. supra). En l’état actuel du droit, les dispositions relatives à la désignation des délégués des conseils municipaux, aux modes de scrutin, aux inéligibilités et aux incompatibilités, aux déclarations de candidature, à la propagande, aux opérations préparatoires au scrutin et aux opérations de vote, comme certaines dispositions pénales, sont applicables à ces territoires.

La modification de l’article L. 439 telle qu’elle est envisagée par le présent article doit permettre l’application de ces dispositions dans leur rédaction en vigueur au lendemain de la publication de la présente loi relative à l’élection des sénateurs.

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La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi sans modification.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi (n° 1162) relatif à l’élection des sénateurs, dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte du projet de loi

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Texte adopté par la Commission

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Projet de loi relatif à l'élection des sénateurs

Projet de loi relatif à l'élection des sénateurs

 

Article 1er A (nouveau)

Article 1er A

Code électoral

Le premier alinéa de l’article L. 280 du code électoral est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

(Sans modification)

Art. L. 280. – Les sénateurs sont élus dans chaque département par un collège électoral composé :

« La composition du collège électoral appelé à élire les sénateurs assure, dans chaque département, la représentation des différentes catégories de collectivités territoriales et de la diversité des communes, en tenant compte de la population qui y réside.

 
 

« Ce collège électoral est composé : ».

 
 

Article 1er B (nouveau)

Article 1er B

1° Des députés ;

Le 1° de l’article L. 280 du code électoral est complété par les mots : « et des sénateurs ».

(Sans modification)

2° Des conseillers régionaux de la section départementale correspondant au département et des conseillers de l'Assemblée de Corse désignés dans les conditions prévues par le titre III bis du présent livre ;

   

bis Des conseillers à l'assemblée de Guyane et des conseillers à l'assemblée de Martinique ;

   

3° Des conseillers généraux ;

   

4° Des délégués des conseils municipaux ou des suppléants de ces délégués.

   
 

Article 1er C (nouveau)

Article 1er C

Art. L. 281. – Les députés, les conseillers régionaux, les conseillers à l'Assemblée de Corse, les conseillers à l'assemblée de Guyane, les conseillers à l'assemblée de Martinique et les conseillers généraux qui ont été proclamés par les commissions de recensement sont inscrits sur la liste des électeurs sénatoriaux et prennent part au vote même si leur élection est contestée. En cas d'empêchement majeur, ils peuvent exercer, sur leur demande écrite, leur droit de vote par procuration. Le mandataire doit être membre du collège électoral sénatorial et ne peut disposer de plus d'une procuration.

À la première phrase de l’article L. 281 du code électoral, après le mot : « députés, », sont insérés les mots : « les sénateurs, ».

(Sans modification)

 

Article 1er D (nouveau)

Article 1er D

 

Le premier alinéa de l’article L. 289 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :

(Sans modification)

Art. L. 289. – Dans les communes visées aux chapitres III et IV du titre IV du livre Ier du présent code, l'élection des délégués et des suppléants a lieu sur la même liste suivant le système de la représentation proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Les listes peuvent comprendre un nombre de noms inférieur au nombre de sièges de délégués et de suppléants à pourvoir.

« Chaque liste de candidats aux fonctions de délégués et de suppléants est composée alternativement d’un candidat de chaque sexe. »

 

Chaque conseiller municipal ou groupe de conseillers municipaux peut présenter une liste de candidats aux fonctions de délégués et de suppléants.

   

L'ordre des suppléants résulte de leur rang de présentation.

   

En cas de refus ou d'empêchement d'un délégué, c'est le suppléant de la même liste venant immédiatement après le dernier délégué élu de la liste qui est appelé à le remplacer.

   

Un conseiller municipal empêché d'assister à la séance au cours de laquelle sont élus les délégués et les suppléants peut donner à un autre conseiller municipal de son choix pouvoir écrit de voter en son nom. Un même conseiller municipal ne peut être porteur que d'un seul pouvoir qui est toujours révocable.

   
 

Article 1er E (nouveau)

Article 1er E

 

L’article L. 282 du code électoral est ainsi modifié :

(Sans modification)

Art. L. 282. – Dans le cas où un conseiller général est député, conseiller régional ou conseiller à l'Assemblée de Corse, un remplaçant lui est désigné, sur sa présentation, par le président du conseil général.

1° Au premier alinéa, après le mot : « député, », il est inséré le mot : « sénateur, » ;

 

Dans le cas où un conseiller régional, un conseiller à l'Assemblée de Corse, un conseiller à l'assemblée de Guyane ou un conseiller à l'assemblée de Martinique est député, un remplaçant lui est désigné, sur sa présentation, par le président du conseil régional, celui de l'Assemblée de Corse, celui de l'assemblée de Guyane ou celui de l'assemblée de Martinique.

2° Au second alinéa, après le mot : « député », sont insérés les mots : « ou sénateur ».

 
 

Article 1er F (nouveau)

Article 1er F

 

L’article L. 287 du code électoral est ainsi modifié :

(Sans modification)

Art. L. 287. – Les députés, les conseillers régionaux, les conseillers à l'Assemblée de Corse et les conseillers généraux ne peuvent être désignés délégués, élus ou de droit, par les conseils municipaux dans lesquels ils siègent.

1° Au premier alinéa, après le mot : « députés, », sont insérés les mots : « les sénateurs, » ;

 

Au cas où un député, un conseiller régional, un conseiller à l'Assemblée de Corse ou un conseiller général serait délégué de droit comme conseiller municipal ou comme membre du conseil consultatif d'une commune associée, un remplaçant lui est désigné par le maire sur sa présentation.

2° Au second alinéa, après le mot : « député, », sont insérés les mots : « un sénateur, ».

 
 

Article 1er

Article 1er

Art. L. 285. – Dans les communes de 9000 habitants et plus, tous les conseillers municipaux sont délégués de droit.

 

(Sans modification)

En outre, dans les communes de plus de 30 000 habitants, les conseils municipaux élisent des délégués supplémentaires à raison de 1 pour 1000 habitants en sus de 30 000.

Au second alinéa de l’article L. 285 du code électoral, le nombre : « 1 000 » est remplacé par le nombre : « 800 ».

 
 

Article 1erbis (nouveau)

Article 1erbis

Art. L. 290-1. – Les communes associées, créées en application des dispositions de l'article L. 2113-11 du code général des collectivités territoriales, conservent un nombre de délégués égal à celui auquel elles auraient eu droit en l'absence de fusion. Ces délégués sont désignés par le conseil municipal de la commune issue de la fusion parmi les conseillers municipaux élus dans la section électorale correspondante ou parmi les électeurs de cette section dans les conditions fixées au présent titre. Néanmoins lorsqu'il existe un conseil consultatif, les délégués de la commune associée sont désignés en son sein. Lorsque le nombre de délégués de la commune associée est supérieur à l'effectif du conseil consultatif, les membres de ce conseil sont délégués de droit, les autres délégués étant élus parmi les électeurs de la commune associée.

À la deuxième phrase de l’article L. 290-1 du code électoral, après les mots : « la section électorale correspondante ou », sont insérés les mots : « , à défaut, ».

(Sans modification)

 

Article 1erter (nouveau)

Article 1erter

Art. L. 290-1. – Les communes associées, créées en application des dispositions de l'article L. 2113-11 du code général des collectivités territoriales, conservent un nombre de délégués égal à celui auquel elles auraient eu droit en l'absence de fusion. Ces délégués sont désignés par le conseil municipal de la commune issue de la fusion parmi les conseillers municipaux élus dans la section électorale correspondante ou parmi les électeurs de cette section dans les conditions fixées au présent titre. Néanmoins lorsqu'il existe un conseil consultatif, les délégués de la commune associée sont désignés en son sein. Lorsque le nombre de délégués de la commune associée est supérieur à l'effectif du conseil consultatif, les membres de ce conseil sont délégués de droit, les autres délégués étant élus parmi les électeurs de la commune associéeLes communes associées, créées en application des dispositions de l'article L. 2113-11 du code général des collectivités territoriales, conservent un nombre de délégués égal à celui auquel elles auraient eu droit en l'absence de fusion. Ces délégués sont désignés par le conseil municipal de la commune issue de la fusion parmi les conseillers municipaux élus dans la section électorale correspondante ou parmi les électeurs de cette section dans les conditions fixées au présent titre. Néanmoins lorsqu'il existe un conseil consultatif, les délégués de la commune associée sont désignés en son sein. Lorsque le nombre de délégués de la commune associée est supérieur à l'effectif du conseil consultatif, les membres de ce conseil sont délégués de droit, les autres délégués étant élus parmi les électeurs de la commune associée

I. – L’article L. 290-1 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

(Sans modification)

 

« Les communes déléguées qui ont été substituées aux communes associées en application de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, conservent un nombre de délégués égal à celui auquel elles auraient eu droit en l’absence de fusion. Ces délégués sont désignés par le conseil municipal de la commune issue de la fusion, parmi les conseillers municipaux domiciliés dans le ressort de l’ancienne commune associée ou, à défaut, parmi les électeurs inscrits sur les listes électorales de la commune dans les conditions fixées au présent titre. »

 
 

II. – Le I entre en vigueur à la date d’entrée en vigueur de l’article 33 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

 
 

Article 1erquater (nouveau)

Article 1erquater

Art. L. 299. – Dans les départements où les élections ont lieu au scrutin majoritaire, chaque candidat doit mentionner dans sa déclaration de candidature les nom, sexe, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession de la personne appelée à le remplacer comme sénateur dans les cas prévus à l'article L. O. 319. Il doit y joindre l'acceptation écrite du remplaçant, lequel doit remplir les conditions d'éligibilité exigées des candidats.

Le premier alinéa de l’article L. 299 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le candidat et son remplaçant sont de sexe différent. »

(Sans modification)

Nul ne peut figurer en qualité de remplaçant sur plusieurs déclarations de candidature. Nul ne peut être à la fois candidat et remplaçant d'un autre candidat. Nul ne peut désigner pour le second tour de scrutin une personne autre que celle qui figurait sur sa déclaration de candidature lors du premier tour.

   
 

Article 1erquinquies (nouveau)

Article 1erquinquies

Art. L. 305. – Dans les départements où s'applique le scrutin majoritaire, tout candidat en vue du second tour doit déposer à la préfecture, une demi-heure au moins avant l'heure fixée pour l'ouverture du scrutin, une déclaration conforme aux dispositions des articles L. 298 et L. 299. Il est immédiatement délivré récépissé de cette déclaration.

L’article L. 305 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

(Sans modification)

 

« Nul ne peut être candidat au second tour s’il ne s’est présenté au premier tour. »

 
 

Article 2

Article 2

 

Le premier alinéa de l’article L. 294 du code électoral est ainsi rédigé :

(Sans modification)

Art. L. 294. – Dans les départements où sont élus trois sénateurs ou moins, l'élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours.

« Dans les départements où sont élus deux sénateurs ou moins, l’élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. »

 

Nul n'est élu sénateur au premier tour du scrutin s'il n'a réuni :

   

1° la majorité absolue des suffrages exprimés ;

   

2° un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits.

   

Au second tour de scrutin, la majorité relative suffit. En cas d'égalité des suffrages, le plus âgé des candidats est élu.

   
 

Article 3

Article 3

 

Le premier alinéa de l’article L. 295 du code électoral est ainsi rédigé :

(Sans modification)

Art. L. 295. – Dans les départements où sont élus quatre sénateurs ou plus, l'élection a lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel.

« Dans les départements où sont élus trois sénateurs ou plus, l’élection a lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. »

 

Sur chaque liste, les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation.

   
 

Article 3 bis (nouveau)

Article 3 bis

Art. L. 301. – Les déclarations de candidatures doivent, pour le premier tour, être déposées en double exemplaire à la préfecture au plus tard à 18 heures le deuxième vendredi qui précède le scrutin.

Au premier alinéa de l’article L. 301 du code électoral, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».

(Sans modification)

Il est donné au déposant un reçu provisoire de déclaration. Un récépissé définitif est délivré dans les quatre jours du dépôt de la déclaration de candidature si celle-ci est conforme aux prescriptions des lois en vigueur.

   
 

Article 4

Article 4

Art. L. 439. – Les dispositions du titre III, des chapitres Ier à VII du titre IV et du titre VI du livre II, à l'exception de l'article L. 301, ainsi que celles des articles L. 385 à L. 387, sont applicables, dans leur rédaction en vigueur à la date de promulgation de la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, à l'élection des sénateurs en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis-et-Futuna.

À l’article L. 439 du code électoral, les mots : « dans leur rédaction en vigueur à la date de promulgation de la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique » sont remplacés par les mots : « dans leur rédaction en vigueur le lendemain de la publication de la loi n°        du       relative à l’élection des sénateurs ».

(Sans modification)

© Assemblée nationale

1 () Rapport de M. Marc Dolez fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’élection des sénateurs, décembre 1999.

2 () Guy Carcassonne, La Constitution, 2013, p. 143.

3 () Loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique.

4 () Le projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France prévoit que les sénateurs représentant les Français établis hors de France seront élus par un collège électoral composé des députés représentant les Français établis hors de France, des conseillers consulaires et des délégués consulaires.

5 () Article L. 285, alinéa 1, du code électoral.

6 () Article L. 285, alinéa 2, du code électoral.

7 () Loi n° 2003-697 du 30 juillet 2003 portant réforme de l'élection des sénateurs.

8 () Étude d’impact portant sur le projet de loi relatif à l’élection des sénateurs, 18 février 2003.

9 () Ibid.

10 () Guy Carcassonne, La Constitution, 2013, p. 142.

11 () Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Pour un renouveau démocratique, novembre 2012, p. 44.

12 () Loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 tendant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

13 () Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes.

14 () Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.

15 () Cf. infra, p. 26.

16 () Haut conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes, Avis n° 2013-0514-PAR-003 sur le projet de loi n° 377 relatif à l’élection des sénateurs, juin 2013, p. 6.

17 () Étude d’impact annexée au présent projet de loi.

18 () Observations du Gouvernement à la saisine du Conseil constitutionnel portant sur la loi relative à l’élection des sénateurs, 29 juin 2000.

19 () Décision du Conseil constitutionnel n° 82-146 du 18 novembre 1982 relative à la loi modifiant le code électoral et le code des communes et relative à l'élection des conseillers municipaux et aux conditions d'inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales.

20 () Aujourd’hui, les communes de moins de 500 habitants ont un nombre moyen d’habitants par élus de 227, contre 931 pour les communes de plus de 300 000 habitants. Avec la réforme envisagée, cet écart sera au maximum de 227 à 781.

21 () L’entrée en vigueur de cet article est prévue au prochain renouvellement général des conseils municipaux.

22 () 49 sièges sur 170 ont été remportés par des femmes.

23 () Observatoire de la parité, 2008.

24 () Ibid.

25 () Haut conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes, Avis n° 2013-0514-PAR-003 sur le projet de loi n° 377 relatif à l’élection des sénateurs, juin 2013, p. 5.

26 () Ibid., p. 6.

27 () Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Pour un renouveau démocratique, novembre 2012, p. 44.

28 () Observatoire de la parité, 2011.

29 () Léon Gambetta, dans son discours de Belleville du 23 avril 1875, précise la composition du collège électoral sénatorial : « Le corps électoral qui nomme les 225 membres est formé de quatre éléments : les députés, c’est-à-dire les représentants les plus autorisés du suffrage universel dans le département ; les conseillers généraux et les conseillers d’arrondissement, c’est-à-dire l’expression du suffrage des divers groupes de citoyens qui composent le département, et, enfin, les délégués de chaque commune ».

30 () Compte-rendu intégral des débats du Sénat, séance du 18 juin 2013.

31 () Article L. 284 du code électoral.

32 () Article L. 285, alinéa 1, du code électoral.

33 () Article L. 285, alinéa 2, du code électoral.

34 () Dans le cas d’un conseil municipal comptant 27 conseillers municipaux, une liste complète devrait présenter 15 délégués et 5 suppléants, soit 20 personnes, rendant impossible la composition d’une seconde liste complète portant des candidatures distinctes.

35 () Étude d’impact annexé au présent projet de loi.

36 () Comme l’indique l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, « en application des dispositions censurées, les conseillers municipaux ne représentaient plus que 70 % des délégués contre 92 % précédemment ».

37 () Le statut de « commune nouvelle », mis en place par la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010, est conçu comme une formule de regroupement rénové de communes. La commune nouvelle se substitue aux anciennes communes qui décident de fusionner. Celles-ci deviennent alors des « communes déléguées », qui conservent chacune un maire délégué et une annexe à la mairie.

38 () Article L. 290-1 du code électoral.

39 () L’article L. 255-1, dans sa version en vigueur à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux, disposera qu’ « en cas de fusion de communes, chacune des anciennes communes comprises dans une commune de 20 000 habitants ou plus, sur sa demande, constituera de plein droit, par dérogation aux dispositions des articles L. 254 et L. 255, une section électorale élisant au moins un conseiller ».

40 () Rapport d’information n° 533 de Mme Laurence Cohen fait au nom de la délégation aux Droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les dispositions du projet de loi n° 377 relatif à l’élection des sénateurs, 23 avril 2013, p. 21.

41 () Certaines normes sont directement applicables aux collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, en dépit du principe de spécialité législative : les lois constitutionnelles, les lois organiques non spécifiques à une collectivité ou une catégorie de collectivité, et les lois ordinaires relatives aux grandes juridictions nationales, à la nationalité et au statut des fonctionnaires de l’État et des militaires, ou ratifiant des traités et accords internationaux ou des ordonnances. Ces textes ne requièrent dès lors pas de mention expresse d’applicabilité.