N° 1241 - Rapport de M. Avi Assouly sur le projet de loi , adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord-cadre global de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Indonésie, d'autre part (n°1097)




N
° 1241

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 juillet 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de l’accord-cadre global de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Indonésie, d’autre part,

PAR M. Avi ASSOULY

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir les numéros :

Sénat : 417, 562, 563 et T.A. 157 (2012-2013).

Assemblée nationale : 1097.

SOMMAIRE

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Pages

I. L’INDONÉSIE : UN GRAND POTENTIEL DE COOPÉRATIONS POUR L’EUROPE ET LA FRANCE 7

A. UN PAYS D’IMPORTANCE STRATÉGIQUE EN PLEINE MUTATION 7

1. La stabilisation de la situation politique et le renforcement de l’Etat de droit 7

2. Un grand potentiel de développement économique 10

3. Un rôle de plus en plus affirmé sur la scène internationale 11

B. UN PARTENAIRE INSUFFISAMMENT PRIVILÉGIÉ 13

1. Un partenariat ancien entre l’Union européenne et l’ANASE 13

2. Une France qui renoue doucement avec une politique indonésienne 15

II. UN ACCORD OPPORTUN POUR STRUCTURER DES RELATIONS PLUS ÉTROITES ET PLUS DENSES 21

A. UN ACCORD CONÇU POUR RENOUVELER LA RELATION UE-INDONÉSIE 21

1. Une volonté d’élargir les champs de coopération 21

2. L’historique de la négociation 22

B. LES DISPOSITIONS DE L’ACCORD 23

1. Les champs de coopération 23

2. La mise en œuvre de l’accord 27

CONCLUSION 29

EXAMEN EN COMMISSION 31

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ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 33

INTRODUCTION

L’accord-cadre qui nous est soumis se substitue, pour les relations entre l’Union européenne et l’Indonésie, à l’accord conclu en juin 1980 entre la Communauté économique européenne et l’Association des Nations d’Asie du Sud-est ou ANASE (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour et Thaïlande) relatif à la coopération dans les domaines commercial, économique et du développement.

Sa conclusion traduit, d’une part, le souci de disposer d’un outil juridique dédié à chacun des pays de la zone. S’agissant de l’Indonésie, cette perspective est rendue essentielle par la place qu’elle occupe au sein de l’ANASE (l’Indonésie représente 40 % de sa population et 35 % de son économie) et plus généralement par le poids géopolitique du pays, son potentiel économique et son influence de plus en plus marquée sur la scène internationale.

D’autre part, les nouveaux accords-cadres de l’Union européenne élargissent de façon importante les champs de la coopération, qui ne saurait se limiter aux aspects purement économiques et commerciaux. Cet accord-cadre permet ainsi d’accompagner les mutations politiques, juridiques et économiques de l’Indonésie, d’enrichir les liens qui existent avec l’Union européenne et de renforcer les convergences de vues qui existent sur de nombreux sujets internationaux par la mise en œuvre d’une coopération plus étroite.

L’accord-cadre porte à la fois sur des matières relevant de la compétence de l’Union européenne et sur des matières relevant, au moins pour partie, de celle des États membres. Il est donc de nature mixte et doit, pour entrer en vigueur, être ratifié par les États membres. À ce jour, tous les États ont procédé à cette ratification, à l’exception de la France et la Grèce. L’Indonésie a notifié l’achèvement de ses procédures internes le 15 mars 2012. Le Sénat a adopté le projet de loi au cours de sa séance du 29 mai 2013.

L’Indonésie est le plus grand archipel du monde (1 905 000 km2, soit trois fois et demie la France) avec 13 000 îles et sa position en Asie du Sud-est (le pays sépare l’Océan indien de l’Océan pacifique et de la mer de Chine méridionale) lui confère une importance stratégique. C’est le pays le plus peuplé de la région avec 240 millions d’habitants, faisant d’elle la quatrième puissance démographique mondiale. C’est aussi le premier pays musulman du monde (près de 90 % de ses habitants sont musulmans). Sur le plan économique, la crise asiatique surmontée, c’est un pays émergent en mutation rapide, devenu la première économie de l’ASEAN. Enfin, l’influence politique héritée de sa position de pays non-aligné demeure un atout important.

Le président Susilo Bambang Yudhoyono, élu en septembre 2004 et réélu en juillet 2009 dès le premier tour, a engagé une politique de réformes politiques – le rôle de l’armée a notamment été réduit – et économiques afin de stabiliser la situation interne du pays, de poursuivre l’assainissement de son économie et, à plus long terme, de rétablir la place de l’Indonésie sur la scène internationale.

La stabilité du pays est en grande partie liée à la résorption de ses conflits internes. La pacification d’Aceh a constitué le principal succès du premier mandat de Président M. Yudhoyono. Le mémorandum signé à Helsinki en août 2005 a été pour l’essentiel appliqué sur le terrain (désarmement des militants du GAM, notamment). La Loi sur le Gouvernement d’Aceh (LOGA) promulguée en juillet 2006 a accordé à la province une large autonomie (contrôle des ressources naturelles, du commerce extérieur et du pouvoir local par les nouvelles autorités acéhnaises). Les élections locales se sont tenues en avril 2012 et ont été largement remportées par le Partai Aceh.

La situation reste en revanche tendue en Papouasie indonésienne, depuis la promulgation de la loi d’autonomie spéciale de 2001, mal acceptée par la population, et l’assassinat du chef indépendantiste Theys Eluay, fin 2001. Le statut d’autonomie concédé par les autorités de Jakarta n’a en effet jamais pu s’appliquer de façon satisfaisante, notamment en matière de droits de l’Homme et de respect de la spécificité culturelle locale. L’armée indonésienne assure avec la police le maintien de l’ordre. Elle lutte contre un mouvement de guérilla localisé et peu menaçant pour l’intégrité du pays. Elle réprime durement les manifestations séparatistes ce qui alimente, en retour, le ressentiment de la population locale. Ses abus sont régulièrement dénoncés par les militants des droits de l’Homme indonésiens mais restent souvent impunis ou très légèrement condamnés (quelques mois de prison pour des tortures), alors que l’expression des sentiments séparatistes, assimilée à la trahison, est lourdement sanctionnée (jusqu’à quinze ans de prison pour le déploiement du drapeau indépendantiste). Les derniers mois ont vu un regain de violence, notamment à l’occasion de la célébration le 1er mai dernier du cinquantième anniversaire du rattachement de la Papouasie occidentale à l’Indonésie. L’idée d’un dialogue fait cependant son chemin et l’idée commence à germer qu’un pays étranger puisse jouer le rôle de médiateur entre les deux parties, à l’instar de la Finlande pour le problème d’Aceh.

La seconde menace pesant sur la stabilité du pays est le terrorisme islamiste, contre lequel le gouvernement s’est résolument engagé. La Jemaah Islamiyah (JI), organisation terroriste responsable des attentats de Bali, a été en partie démantelée suite l'arrestation ou l'élimination des principaux leaders de l'organisation. Son chef spirituel, Abu Bakr Bashir, a ainsi été arrêté en août 2010 et condamné à 15 ans de prison en juin 2011. La menace terroriste reste néanmoins latente, comme le montre l’arrestation d’anciens membres d'une organisation appelée « Hasmi » sur l'île de Java fin octobre 2012. Une nouvelle agence de coordination antiterroriste a été créée en juin 2010.

L’État de droit a beaucoup progressé en Indonésie depuis la chute du président Soeharto en 1998. Sur le plan des libertés publiques, la période qui a suivi (la « Reformasi ») a rétabli un grand nombre de libertés fondamentales en les inscrivant dans la constitution : pluralisme, élections libres, liberté de la presse, d’association (des ONG très actives), de manifester et liberté religieuse (uniquement garantie dans les textes pour les six religions autorisées par l’État) notamment.

L’Indonésie a à ce jour ratifié six conventions des Nations Unies dans le domaine des droits de l’Homme : le pacte international relatif aux droits civils et politiques, le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la convention relative aux droits de l’enfant.

Néanmoins, l’Indonésie est aujourd’hui une jeune démocratie encore en phase de transition, qui n’a pas rompu avec des pratiques oligarchiques bien ancrées, et dont la classe politique doit composer avec des centaines d’ethnies aux valeurs anciennes et souvent divergentes, un territoire éclaté et une population nombreuse.

Dans ces conditions, beaucoup de failles subsistent, notamment en matière de gouvernance et de respect des droits de l’homme :

- la corruption est un fléau qui touche toutes les couches de la société. La plupart des administrations sont affectées par ce phénomène qui touche également les milieux d’affaires. Il existe une « Commission Contre la Corruption » (KPK) qui parvient à traiter bon nombre d’affaires et à faire condamner des coupables, quels qu’ils soient ;

- le blanchiment va de pair avec la corruption. Ce n’est que très récemment que la justice a commencé à utiliser l’arsenal juridique en la matière. Des problèmes existent cependant dans la conformité et l’application des lois, à tel point que le GAFI avait décidé de remettre l’Indonésie dans sa liste « gris foncé » ;

- la justice et la police sont les administrations dont l’action est la plus contestée dans la population : manque de moyens, faible niveau des personnels, justice discriminatoire, corruption, arrestations arbitraires et tortures et quasi totale impunité. Chacun est conscient de l’urgence de réformer ces deux institutions. L’enseignement, la formation et de meilleurs salaires sont trois des clés pour envisager un changement de mentalité ;

- la criminalité organisée existe (trafic de drogue, de migrants, d’êtres humains) mais sans avoir atteint des niveaux insupportables pour la stabilité de la société. La répression policière est souvent robuste. L’Indonésie possède un arsenal juridique assez complet qui devrait pouvoir assurer un fonctionnement plus harmonieux de l’Etat de droit. Le problème réside dans l’arsenal d’application de ces instruments juridiques. Le gouvernement Yudhoyono fait l’objet de critiques sur ce sujet ;

- concernant le fait religieux, on constate une montée de l’intolérance religieuse dans ce pays à 88 % musulman. Des incidents se multiplient à l’encontre de minorités religieuses (chrétienne, chiite, sectes musulmanes) et, malgré la protection de la constitution, la loi n’est que rarement appliquée à l’encontre des radicaux musulmans ;

- concernant enfin la peine de mort, après presque cinq ans de moratoire de fait, les exécutions ont repris cette année (quatre à ce jour mais d’autres devraient suivre). Après l’abstention, pour la première fois, de l’Indonésie lors du vote aux Nations Unies sur l’institution d’un moratoire définitif, les considérations de politique intérieure et d’électoralisme ont une fois de plus prévalu comme lors de chaque année pré-electorale (2003 et 2008).

Ces fragilités se reflètent dans les classements internationaux. L’Indonésie est classée au 129e rang (sur 183) pour la « facilité à faire des affaires » et au 100e rang (également sur 183) par l’ONG Transparency International, s’agissant de la corruption, en dépit de la volonté réaffirmée du président Yudhoyono de faire de la lutte contre ce phénomène une priorité. Cependant, l’Indonésie s’est vue accorder l’« investment grade » à la fin 2011, reconnaissant les progrès réalisés, et il faut appuyer les efforts engagés pour consolider la démocratie et l’État de droit dans ce pays qui a vocation à jouer un rôle essentiel dans la région.

Tirée par le dynamisme de sa demande intérieure, l’Indonésie fait preuve d’une bonne résistance dans un contexte de ralentissement de l’activité mondiale, avec un taux de croissance du PIB supérieur à 6 % en 2012 (6,2 %) pour la quatrième année consécutive. Le PIB nominal s’établit à 906 milliards de dollars, soit un PIB/habitant supérieur à 3 700 dollars). L’inflation est contenue.

La consommation a augmenté en moyenne de 15 % par an au cours des cinq dernières années et les projections économiques tablent sur l’émergence d’une classe moyenne, consommatrice de biens et de services nouveaux, dans les prochaines décennies (45 millions aujourd’hui, 85 millions en 2020 et 135 millions en 2030). À 60 % du PIB, la demande interne reste le principal moteur de la croissance, mais les exportations et l’investissement y participent pour une grande part.

Le pays dispose de considérables ressources agricoles (huile de palme, caoutchouc naturel, cacao, café), énergétiques et minières (pétrole, gaz naturel liquéfié). Les matières premières représentent près de la moitié des exportations, portées par la demande des pays émergents. Viennent ensuite les produits de l’industrie manufacturière (biens intermédiaires et biens de consommation). Les exportations indonésiennes sont en hausse, à 201,5 milliards de dollars ; elles ont doublé depuis 2006.

Les importations augmentent également (176,1 milliards de dollars) et l’excédent commercial est en hausse, à 25,4 milliards de dollars. Le premier poste d’importation, les hydrocarbures, a connu en 2011 une très forte augmentation (+47 %, à 40,1 milliards de dollars), alimentée en particulier par l’existence de subventions au prix des carburants. Le gouvernement a dû renoncer, au printemps 2012, à une augmentation des prix du carburant subventionné, qu’il avait annoncée en raison de la croissance continue du poids de ces subventions dans le budget national (19 % des dépenses en 2011). Les importations de produits manufacturés (appareils électriques, optique, produits métalliques) et de matériels de transport viennent ensuite.

L’Indonésie réalise près de 20 % de ses exportations avec les pays de l’ASEAN et 10 % avec l’Union européenne. Les pays de l’ASEAN représentent environ 33 % des importations indonésiennes et l’Union européenne 7 %.

Le contexte est très attractif compte tenu du fort potentiel de cette économie en plein décollage mais aussi fortement concurrentiel. Le pays draine un nombre important d’entreprises et d’investisseurs étrangers principalement asiatiques (Singapour, Japon, Corée), mais aussi occidentaux (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Etats-Unis). Ces pays ont multiplié le nombre de visites au niveau ministériel ces derniers mois.

Les perspectives 2013 sont favorables, mais subordonnées pour partie à l’évolution de la demande mondiale. Toutefois la montée de déséquilibres structurels – aux premiers rangs desquels figurent la forte dégradation du compte courant et la dépréciation de la roupie – risque de fragiliser les perspectives de moyen terme et de miner la confiance des investisseurs étrangers, pourtant essentiels pour le développement du pays et de ses infrastructures. À cet égard, un vaste programme de développement des infrastructures a été décidé par les autorités, qui comptent sur l’apport, indispensable, des investisseurs privés.

Pour s’ancrer dans la durée, la croissance indonésienne doit pouvoir s’appuyer sur un système politique stable, des institutions solides et des mécanismes de répartition des richesses opérants. La pauvreté y encore massive : environ 30 millions d’habitants vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

Depuis la crise asiatique de 1997, l’Indonésie s’est employée à reconquérir son statut de puissance régionale. L’Indonésie compte parmi les cinq pays fondateurs de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) crée en 1967. Elle est l’un de ses membres les plus actifs et la présidence qu’elle a assurée en 2011 a été très appréciée. Elle est attachée à la stabilité régionale et au respect par ses voisins de la « centralité » de l’association dans les réflexions sur la sécurité en Asie. Le secrétariat général, dont le rôle devrait être amené à se renforcer dans les prochaines années et qui constitue la seule structure permanente de l’ASEAN, est basé à Jakarta.

L’Indonésie joue un rôle actif également au sein des grandes enceintes multilatérales et notamment des Nations unies ; elle a siégé au Conseil de Sécurité en 2007-2008. Il faut également rappeler que l’Indonésie est le seul pays d’Asie du sud-est membre du G20, et qu’elle co-présidait avec la France en 2011 le groupe de travail G20 sur la lutte anti-corruption.

Concernant la sécurité internationale, le président Yudhoyono s’est engagé à augmenter le nombre de troupes indonésiennes déployées dans les opérations de maintien de la paix. Il a lui-même été à la tête des observateurs militaires de la force de maintien de la paix des Nations Unies en Bosnie et Herzégovine en 1995 – 1996. Le pays dispose d’un centre destiné à la formation des Indonésiens ou étrangers susceptibles d’être envoyés sur les théâtres d’opération des Nations unies.

L’Indonésie est partie aux principaux instruments en matière de désarmement et de non-prolifération nucléaires. Elle a signé le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (en 1979), le traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) (signé en 1996 et ratifié en 2012) et est partie au traité de Bangkok, qui créé une zone exempte d’armes nucléaires en Asie du Sud-Est. Elle a en outre conclu un accord de garanties généralisées avec l’AIEA en 1980, qui est complété par un Protocole additionnel, entré en vigueur en 1999. Dans le domaine de la sécurité nucléaire, elle a enfin adhéré en 1986 à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires (CPPMN) et à son amendement (2010). L’Indonésie a par ailleurs adhéré à la Convention d’interdiction des armes chimiques (en 1998) qui interdit la mise au point, la fabrication, le stockage et l’emploi d’armes chimiques. Cette convention instaure aussi un régime de déclaration et d’inspection de certaines activités industrielles. Elle a également adhéré à la Convention d’interdiction des armes biologiques (1992) qui interdit le développement, la fabrication et le stockage d’armes biologiques et à toxines.

Il convient d’évoquer un peu plus longuement un dossier sur lequel l’implication de l’Indonésie est récente mais essentielle : celui du développement durable. L’Indonésie s’est notamment démarquée des autres grands pays émergents en acceptant, au sommet de Copenhague, l’objectif d’une limitation de ses émissions de gaz à effet de serre.

L’Indonésie est un des principaux pays forestiers au monde avec près de 100 millions d’hectares de forêts. Archipel tropical d’une grande variété géographique et écologique, les mangroves, tourbières et forêts primaires de montagne recèlent de nombreux hauts lieux de biodiversité. L’Indonésie a toutefois perdu plus de 20 % de ses forêts ces vingt dernières années, ce qui en fait le 3ème émetteur mondial de gaz à effet de serre tous secteurs confondus derrière la Chine et les États-Unis. C’est pourquoi la protection des forêts indonésiennes est à l’heure actuelle un des grands défis écologiques au niveau mondial. C’est également un enjeu politique régional puisque les pays voisins subissent des épisodes de pollution de l’air très intenses lors des grandes vagues de feux de forêts indonésiens. Les principales causes de la dégradation et de la déforestation en Indonésie sont la surexploitation pour l’industrie du bois et du papier et le développement de grandes cultures exportatrices, notamment le palmier à huile. Derrière ces causes directes, les grands déterminants sont l’élévation des niveaux de vie et des modes de consommation dans les pays émergents d’Asie ainsi qu’une gouvernance forestière inadéquate en Indonésie.

L’organisation de la conférence annuelle des Nations Unies sur le climat à Bali en 2007 a eu un effet de prise de conscience ; l’Indonésie s’est depuis engagée à réduire unilatéralement de 26 % ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2020 et à porter ces réductions à 41 % avec le soutien de la communauté internationale. Lors du processus Paris-Oslo début 2010, la Norvège et l’Indonésie ont signé une lettre d’intention par laquelle l’Indonésie s’engage à mettre en place un moratoire sur les licences de défrichements et la Norvège s’engage à verser jusqu’à 1 milliard de dollars de dons sous forme d’incitations aux résultats dans la décennie à venir (paiements au prorata de la réduction de la déforestation par rapport à un niveau de référence convenu). Alors que la cellule climat attachée à la Présidence indonésienne avait préparé un moratoire qui protégeait également les forêts secondaires, c’est finalement une version moins ambitieuse défendue par le Ministère des forêts et les groupes d’intérêts agro-industriels qui l’a emporté en mai 2011 après une longue bataille politique interne. Malgré ce revers, la dynamique politique actuelle donne des perspectives importantes pour réformer le secteur forestier et mettre en application effective les lois existantes.

L’agence française de développement (AFD) intervient en Indonésie avec un mandat centré sur la protection des Biens Publics Mondiaux : lutte contre le changement climatique et préservation de la biodiversité. L’AFD a notamment accordé des prêts concessionnels et à long terme à l’État indonésien pour soutenir sa politique en matière de lutte contre les changements climatiques, en cofinancement avec la Japan International Cooperation Agency (JICA).

Le poids de l’Indonésie en Asie est reconnu par les grands acteurs régionaux et la démocratisation du pays s’est accompagnée d’un regain d’intérêt de la part notamment des États-Unis, pays avec lequel la relation bilatérale s’est normalisée. Une série d’accords, en juin 2010, a ainsi jeté les bases de plusieurs projets dans le domaine des investissements et de la défense. La visite à Jakarta du président Obama en novembre 2010 a confirmé l’attention portée à l’Indonésie notamment dans la stabilité régionale et constitué une nouvelle étape de la relation, portée au rang de partenariat global.

Il faut également mentionner la relation très étroite qui existe avec l’Australie, pays qui considère l’Indonésie comme un partenaire majeur pour l’avenir de la région et l’une de ses priorités. L’Indonésie est d’ailleurs le premier récipiendaire de l’aide australienne. Les relations politiques à haut niveau sont très fréquentes et des rencontres annuelles des chefs de gouvernement, ainsi qu'un dialogue 2+2, ont été instituées en 2010.

Bien que l’Asie du sud-est ne figure pas dans le premier cercle d’intérêts stratégiques de l’Union européenne, il est évident que l’Indonésie ne saurait être négligée par les Européens. L’Union européenne a instauré un partenariat avec l’ensemble de la zone avant, par le présent accord, d’individualiser ses coopérations. Quant à la France, elle redécouvre peu à peu un pays avec qui elle entretenait dans les années 1980 des relations privilégiées.

Les relations entre l’Union européenne et l’Indonésie étaient, jusqu’au présent accord-cadre, régies par l’accord conclu entre la Communauté économique européenne et les cinq membres fondateurs de l’ANASE (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour et Thaïlande) en juin 1980. Cet accord, assez ancien donc, porte sur la coopération dans les domaines commercial, économique et du développement. Lorsque le Brunei, le Vietnam, le Laos et le Cambodge ont adhéré à l’ANASE en 1980, l’UE a accepté l’adhésion de ces pays à l’accord de coopération de 1980. En revanche, l’accord n’a pas été étendu à la Birmanie, entrée dans l’ANASE en 1997.

Les relations entre l’UE et l’ANASE ont évolué à mesure de l’émergence économique de ces pays pour s’orienter vers le développement des investissements, le renforcement de la coopération économique et l’intensification du dialogue politique. L’ANASE s’est vu octroyer un rôle primordial dans la stratégie asiatique de l’UE, adoptée en juillet 1994, confortée par le premier sommet Asie-Europe (ASEM), une rencontre informelle de chefs d’État, organisé à Bangkok en 1996. En septembre 2001, la Commission a présenté sa communication intitulée « Un cadre stratégique pour renforcer les relations de partenariat Europe-Asie », qui identifiait l’ANASE comme un partenaire économique et politique essentiel de la Communauté européenne et soulignait son importance en tant que locomotive pour les relations entre l’Europe et l’Asie en général. La communication de la Commission intitulée « Un nouveau partenariat avec l’Asie du Sud-Est », présentée en juillet 2003, réaffirme l’importance du partenariat entre l’UE et l’ANASE.

Le tout premier sommet UE-ANASE s’est tenu à Singapour le 22 novembre 2007. À l’occasion de ce sommet, les réalisations et les perspectives du partenariat UE-ANASE ont été discutées, ainsi que certains thèmes régionaux et mondiaux tels que le processus d’intégration de l’ANASE, l’énergie, le changement climatique, la durabilité environnementale et la situation en Birmanie. Un plan d’action détaillant les activités de coopération à moyen terme a également été adopté lors du sommet.

Concernant l’Indonésie, la fin des revendications sur le Timor oriental a permis à la relation avec l’Union européenne de prendre un tour nouveau que l’on peut dater de la Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen « Développement de relations plus étroites entre l’Indonésie et l’Union européenne » du 2 février 2000 (COM (2000) 50 final), qui énonce dans son introduction : « Le moment est venu pour l’UE de se positionner en partenaire sérieux de l’Indonésie ». Reconnaissant le rôle d’acteur-clé de l’Indonésie dans la région, elle souligne que l’Europe devrait chercher à renforcer à la fois la consultation bilatérale et la coopération régionale. Elle prend acte d’une coopération limitée par rapport à d’autres pays de l’ANASE et identifie des domaines où le dialogue devrait être intensifié : la promotion de la sécurité dans la région et la promotion des principes de démocratie et de droits de l’homme notamment.

En pratique, la coopération engagée avec l’Indonésie sur la base de l’accord de 1980 concerne essentiellement, d’une part, le renforcement des capacités, au travers de formations sur les questions commerciales internationales destinées au ministère du commerce, d’un soutien aux efforts engagés par le ministère des finances en matière de planification et d’exécution budgétaire et de perception des recettes, et, d’autre part, le développement de dialogues sur la politique et la réforme économique.

Sur la période 2007-2013, 450 millions d’euros ont été alloués à l’Indonésie dans le cadre de l’instrument de financement de la coopération au développement (ICD) – aide ciblée sur quatre secteurs prioritaires : enseignement, développement des échanges, gouvernance, changement climatique.

Dans le cadre des perspectives budgétaires 2014-2020, les pays à revenus intermédiaires les plus élevés et ceux dont le PIB est supérieur à 1% du PIB mondial, parmi lesquels l’Indonésie notamment, ne seront plus éligibles aux programmes bilatéraux de l’ICD. L’Indonésie continuera cependant d’être éligible aux programmes régionaux et thématiques de l’ICD et bénéficiera par ailleurs d’un nouvel instrument financier : l’Instrument de partenariat. De nombreux programmes pourront être financés dans ce cadre, notamment dans le domaine économique et commercial (actions liées à la protection des droits de propriété intellectuelle, à la facilitation des échanges) mais aussi dans celui de la protection de l’environnement ou de lutte contre le crime organisé.

L’Union européenne est actuellement le quatrième partenaire commercial de l’Indonésie (derrière le Japon, la Chine et Singapour) et la deuxième destination de ses exportations (11,2 % du total des exportations indonésiennes en 2010). L’Indonésie n’est en revanche que le 29ème partenaire commercial de l’UE (et son quatrième partenaire commercial au sein de l’ASEAN derrière Singapour, la Malaisie et la Thaïlande).

Les échanges bilatéraux ont représenté 25 milliards d’euros en 2012. La balance commerciale est nettement déficitaire pour l’UE. Les importations européennes en provenance d’Indonésie ont représenté 15,4 milliards d’euros en 2012 contre 9,6 milliards d’euros pour les exportations vers ce pays. Les flux d’IDE entrants en Indonésie en provenance de l’UE se sont élevés à 20,4 milliards d’euros pour l’année 2010 (des données plus récentes ne sont pas disponibles).

En décembre 2009 le président indonésien et le président de la Commission européenne ont décidé de mettre en place un groupe conjoint chargé d’examiner les moyens d’accroître le commerce et les investissements entre l’UE et l’Indonésie. La possibilité d’engager la négociation d’un accord de libre-échange a été envisagée dès 2009 par l’Indonésie et l’UE et proposée par ce groupe de travail. Aucune décision n’a été prise à ce stade. Ces hésitations sont notamment liées aux débats internes à l’Indonésie sur l’impact pour le pays de l’accord de libre-échange entre la Chine et l’ASEAN entré en vigueur en 2010.

La France a longtemps eu une position privilégiée en Indonésie, qu’elle a progressivement perdue. Le fait qu’elle soit l’avant-dernier État avant la Grèce à ne pas avoir ratifié l’accord objet du présent projet de loi est un signe qui ne trompe pas du manque d’attention de notre diplomatie à l’égard de l’importance de ce pays. Étroites jusqu’à la décennie d’incertitudes provoquée par la crise économique et politique des années 1997-1998, nos relations bilatérales avec l’Indonésie sont pourtant appelées à se renforcer à la faveur de l’évolution de ce pays qui compte désormais parmi les grands émergents et s’est engagé dans un processus vigoureux de démocratisation. L’Indonésie est doit en outre devenir une cible prioritaire de la diplomatie économique française. Il faut saluer la visite de la ministre du commerce extérieur Nicole Bricq à Jakarta en juin 2013.

D’autres États membres de l’Union européenne conduisent une coopération bilatérale significative avec l’Indonésie. Ce sont le Royaume-Uni, avec une attention particulière apportée aux questions de lutte contre les effets du changement climatique, les Pays-Bas, notamment pour l’éducation de base, la gestion de l’eau et l’assainissement, la lutte contre les inondations et les échanges universitaires (près de 1 500 étudiants indonésiens sont actuellement aux Pays-Bas) et enfin l’Allemagne sur le volet coopération universitaire et scientifique (2 500 étudiants indonésiens en Allemagne) et en matière de géothermie et d’énergies renouvelables.

La signature d’un partenariat stratégique, lors de la visite du Premier ministre à Jakarta en juillet 2011, marque la volonté de la France d’être plus présente en Indonésie et de renouer les liens qui s’étaient distendus après la crise asiatique de 1998, avec le retrait de beaucoup des entreprises françaises et la baisse importante de notre coopération. Il a été complété par une série d’accords bilatéraux. Tous ont été signés le 1er juillet 2011 à Jakarta.

La Déclaration conjointe de partenariat stratégique répond à l’engagement pris en 2009 par les deux chefs d’État de renforcer le dialogue sur les questions bilatérales et multilatérales. Elle prévoit des consultations régulières des ministres des Affaires étrangères et ouvre la voie à un approfondissement de la coopération bilatérale dans les domaines politique, économique, scientifique, culturel, de défense et de sécurité. Coopération renforcée également sur les grandes questions mondiales en matière d’environnement, de gouvernance économique et financière, de lutte anti-terroriste et dans le dialogue des civilisations.

Les secteurs suivants constituent les priorités de notre coopération avec l’Indonésie : la recherche (développement rural, aquaculture, vulcanologie, géophysique, archéologie), les échanges universitaires (principalement dans les domaines de la technologie et des sciences biologiques), la formation professionnelle, l’appui au renforcement de l’État de droit et de la gouvernance démocratique (assistance technique législative, lutte contre le terrorisme et la corruption, décentralisation, formation aux droits de l’Homme) et la mise en œuvre d’une action culturelle de qualité (festival culturel «le Printemps français «, politique audio-visuelle).

La liste des accords adossés à cette Déclaration est la suivante :

- l’accord intergouvernemental sur l’énergie et les ressources minérales (signé le 1er juillet 2011) est destiné à favoriser la coopération institutionnelle et entre les secteurs privés ainsi que les investissements. Il permet de développer la coopération scientifique et technique, y compris en termes de formation et d’échange d’informations, dans des projets relatifs à l’énergie et aux ressources minérales ;

- l’accord intergouvernemental sur le tourisme (signé le 1er juillet 2011) vise à renforcer la coopération en matière touristique, à promouvoir les deux pays comme destinations, à augmenter les flux de visiteurs et à promouvoir le développement des ressources humaines et du tourisme durable ;

- l’accord intergouvernemental relatif à la coopération dans le domaine des musées, de la muséologie et des projets scientifiques et culturels afférents (signé le 1er juillet 2011) permet de renforcer la coopération en matière de formation des personnels et d’organisation d’expositions. Le musée Guimet est étroitement associé à cette coopération ;

- la lettre d’intention relative à la coopération industrielle et commerciale dans le domaine spatial (signé le 1er juillet 2011) marque le soutien des autorités françaises et indonésiennes à la proposition des entreprises des deux pays de mettre en œuvre un projet dans le domaine des télécommunications spatiales ;

- l’accord intergouvernemental relatif à la coopération en matière de programmes d’enseignement supérieur (signé le 1er juillet 2011) formalise la décision d’ouvrir le programme INDOTECH, qui permettra à une soixantaine d’étudiants d’accomplir la deuxième année de leur diplôme de master en France. Il confirme la mise en place d’un programme de cotutelle de thèse et de publications conjointes et la poursuite du plan d’action de modernisation des laboratoires de recherche indonésiens.

Le volet éducation et recherche du partenariat franco-indonésien appelle des commentaires particuliers car le Ministre de l’Éducation nationale et de la Culture, Muhammad Nuh, ancien boursier du gouvernement français, a exprimé très clairement la volonté de rapprochement avec la France. Le Gouvernement indonésien investit fortement pour moderniser son système éducatif et mise sur la coopération internationale pour l’accompagner dans cet effort, tout en cherchant à diversifier ses partenariats face à la forte influence anglo-saxonne, notamment de l’Australie.

La France se situe au dixième rang des pays d’accueil des étudiants indonésiens, derrière des pays anglo-saxons ou asiatiques, mais aussi derrière l’Allemagne et les Pays-Bas. Le nombre d’étudiants indonésiens en France progresse cependant régulièrement et a plus que doublé entre 2005 et 2011-2012 (542 étudiants). En 2011, 230 Indonésiens bénéficiaient d’une bourse du gouvernement français, dont 13 bourses d’Excellence Eiffel, essentiellement aux niveaux master et doctorat. Les autorités indonésiennes ont cofinancé en 2011 environ cent nouvelles bourses. Le programme de cofinancement public-privé « Quai d’Orsay-Entreprises » a été lancé à la rentrée 2012 avec l’entreprise Total (une boursière). La création de 3 nouveaux espaces Campus France en 2012 (Bandung, Surabaya et Yogyakarta) a permis de multiplier les évènements de promotion de l’enseignement supérieur français sur l’ensemble du territoire.

Les performances de l’Indonésie en matière de recherche et d’innovation technologique sont relativement faibles avec 0.08 % de son PNB consacré aux dépenses de R&D en 2009, provenant essentiellement du secteur public. Un Comité national pour l’innovation (KIN) créé en 2010 est chargé de prendre des mesures pour améliorer la compétitivité de l’Indonésie basée sur une économie de la connaissance et promouvoir les partenariats public-privé. Les coopérations scientifiques franco-indonésiennes s’appuient sur les organismes de recherche français présents en Indonésie (CIRAD, IRD, Ecole Française d’Extrême-Orient, Institut de recherche sur l’Asie du Sud-est contemporaine) et développant des partenariats actifs (CNRS, Commissariat à l’Energie Atomique, Bureau de Recherches Géologiques et Minières, Muséum national d’histoire naturelle, Ifremer). Le Ministère des Affaires étrangères cofinance avec les administrations indonésiennes des programmes incitatifs aux échanges scientifiques franco-indonésiens : « Joint Research packages INDOSTAR « (20 nouveaux projets soutenus en 2012 pour 65.000 €) ; « Partenariat Hubert Curien Nusantara » (16 projets soutenus depuis 2008) ; et les programmes régionaux Bio-Asie et STIC-Asie (participation d’équipes indonésiennes à 4 projets Bio-Asie et 3 projets STIC-Asie depuis 2004).

Il faut y ajouter à l’ensemble de ces accords la Lettre d’intention concernant la coopération en matière de défense du 29 mars 2012, qui a permis d’établir une relation de confiance entre les deux ministères de la défense. Elle a conduit à l’instauration d’un dialogue bilatéral en matière de défense (IFDD - Indonesia France Defense Dialogue) dont la première édition s’est tenue en avril dernier à Jakarta.

Sur le plan économique, l’évolution de nos échanges avec l’Indonésie conduit en 2012 à une réduction de 45 %, à 400,9 millions d’euros, de notre déficit commercial, son niveau de 2009, grâce à une forte progression de nos exportations (+28,1 %) et à une légère baisse des importations (-2,6 %). Les ventes d’Airbus sont le principal facteur de cette évolution, l’aéronautique représentant 42,3 % de nos flux vers l’Indonésie. Nos exportations vers l’Indonésie atteignent ainsi en 2012 1, 34 milliards d’euros, dont 43,1% pour la seule catégorie des matériels de transport. Elles sont principalement positionnées dans l’industrie secondaire à forte valeur-ajoutée. Nos importations en provenance d’Indonésie atteignent en 2012 1,74 milliards d’euros. La France importe principalement des biens d’équipement et appareils électriques et électroniques (30,4%), suivis des produits textiles et de l’industrie agro-alimentaire (huile de palme). L’Indonésie est ainsi notre 44e client sur l’ensemble des transactions 2012 (50e en 2011) et devient notre 41e fournisseur (gagnant deux places).

Une centaine d’entreprises françaises sont implantées en Indonésie, pour la plupart de grands groupes (Total, Alstom, Schneider Electric, France Télécom, Aventis, Suez, Lafarge…). Des implantations plus récentes sont à noter dans le tourisme (Accor), l'agro-alimentaire (Danone), la chimie (Air Liquide), les assurances (AXA) et la grande distribution (Carrefour).

La comparaison avec les autres États membres de l’Union européenne, sur la base des données 2011, est intéressante. Les échanges commerciaux entre l’Allemagne et l’Indonésie se sont élevés à 5,6 milliards d’euros en 2011. L’Allemagne devance les Pays-Bas (3,3 milliards), la France (2,3 milliards) et le Royaume-Uni (2,1 milliards).

Les flux d’investissements directs français à destination de l’Indonésie se sont élevés en 2011 à 539 millions d’euros, portant la France au rang de deuxième investisseur de l’UE dans le pays. Le Royaume-Uni a été le principal investisseur européen en Indonésie en 2011 avec 3,81 milliards d’euros de flux d’investissements directs. L’Allemagne arrive en troisième position avec des flux d’investissements estimés à 508 millions d’euros en 2011. (1)

L’Union européenne a souhaité, dans les années 1990, inscrire sa relation avec les États tiers dans un cadre global et engager la négociation d’accords portant à la fois sur les domaines politique, économique et sectoriel. En 2004, l’Union européenne a proposé aux six membres fondateurs de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (Brunei, Malaisie, Indonésie, Philippines, Thaïlande, Singapour) de conclure des accords de ce type. Par décision du Conseil du 14 mai 2007, ce mandat a été étendu au Vietnam.

L’Accord de partenariat et de coopération (ACP) constitue le premier cadre de coopération global entre l’UE et l’Indonésie et le premier de ce type avec conclu avec un pays d’Asie. Il porte sur tous les aspects des relations bilatérales : politiques, économiques, sectoriels. Les relations entre les deux parties n’étaient jusqu’alors régies que par l’accord de coopération UE-ASEAN de 1980, essentiellement consacré à l’économie, au commerce et au développement comme indiqué précédemment.

En ce sens, l’accord-cadre conclu en 2009 renouvelle la relation UE-Indonésie en étendant de façon significative les secteurs de coopération. Il répond à la volonté de l’UE de s’engager avec les pays tiers dans une relation plus globale, par l’insertion de clauses politiques.

Les accords de partenariat et de coopération conclus par l’UE avec les États tiers sont pour l’essentiel similaires. L’APC conclu entre l’UE et l’Indonésie ne se distingue pas des accords conclus ou en négociation avec les autres États de la région.

Ces textes comportent des dispositions en matière politique, économique et sectorielle : lutte contre la prolifération des armes de destruction massive ; lutte contre la criminalité et le terrorisme transnationaux ; coopération dans les instances régionales et internationales ; développement du commerce et des investissements ; coopération sectorielle : tourisme, société de l’information, science et technologies, énergie, transports, éducation, culture, environnement, ressources naturelles, agriculture, pêche, santé, sécurité alimentaire, statistiques, protection des données à caractère personnel, modernisation de l’administration publique ; coopération sur les questions de migrations et de trafic d’êtres humains ; dans le domaine des droits de l’Homme et de la justice ; promotion des liens entre les peuples.

S’agissant du présent accord-cadre, on notera que le respect des principes démocratiques et des droits de l’Homme est présenté comme un « élément essentiel », de même que la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et la lutte contre la criminalité organisée et la corruption.

Par anticipation, de nouveaux dialogues se sont ouverts avec la signature de l’accord-cadre. Ces différents échanges, prévus par l’accord de partenariat et de coopération, manifestent une volonté partagée de développer une réelle coopération en matière politique. Ils devraient servir de modèle à la coopération qui pourra être engagée avec les autres États de la région.

Un dialogue bilatéral annuel sur les droits de l’Homme a été mis en place en 2010. La quatrième session doit se tenir à Bruxelles au cours du second semestre 2013. Parmi les dossiers évoqués en 2012, figuraient la lutte contre le radicalisme, les droits de prisonniers, les droits des femmes et la liberté de la presse.

De même, dans le cadre du dialogue politique organisé en décembre 2012, les deux parties sont convenues de renforcer leurs échanges dans les domaines du maintien de la paix, de la gestion des crises, de la lutte contre la piraterie, de la gestion des catastrophes naturelles, des dossiers régionaux.

Enfin, l’UE et l’Indonésie ont décidé, en novembre 2011, de mettre en place, de façon anticipée, un dialogue annuel sur la lutte contre le terrorisme.

Le Conseil de l’Union européenne a, en novembre 2004, autorisé la Commission européenne à négocier des accords-cadres de partenariat et de coopération (APC) avec les États membres de l’Association des Nations d’Asie du Sud-est (ANASE).

Les négociations avec l’Indonésie ont été engagées en 2005 et se sont déroulées sans difficultés majeures. Finalisées en 2007, l’accord n’a été signé qu’en 2009. Plus précisément, il a été paraphé par l’UE en juillet 2007 et par l’Indonésie en juillet 2009. Ce report est lié à l’interdiction de l’espace européen aux 51 compagnies aériennes indonésiennes entre 2007 et 2009.

Concernant les autres États de l’ASEAN, l’Union européenne a signé des accords de partenariat et de coopération avec le Vietnam (2012) et les Philippines (2012). Des négociations ont été engagées avec quatre autres pays :

- la Malaisie : les négociations, interrompues pendant plusieurs mois du fait des élections générales organisées dans le pays en mai 2013, devraient reprendre prochainement),

- la Thaïlande : après plusieurs années de blocage, l’accord pourrait être prochainement finalisé si l’on en croit la volonté marquée par le Premier ministre lors de sa visite à Bruxelles en mars 2013, alors que les accords de ce type – et la négociation d’accords de libre-échange - se développent dans la région,

- Singapour : les négociations ont été finalisées en 2013 ;

- Brunei : les négociations ont été engagées en 2013.

L’APC UE-Indonésie a été ratifié par 25 États membres de l’UE. À ce jour, la Grèce et la France sont les seuls États membres à ne pas avoir finalisé leur procédure de ratification.

L’accord-cadre est divisé en sept titres. Le titre I fixe le cadre général de la coopération : principes généraux (article 1, cf. infra), objectifs de la coopération (article 2) et dispositions détaillées sur trois de ces objectifs que sont la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, la coopération juridique et la coopération dans la lutte contre le terrorisme.

Les objectifs de l’accord sont les suivants :

- la coopération UE-Indonésie dans toutes les instances et organisations régionales et internationales ;

- le développement du commerce et des investissements ;

- la coopération dans les autres secteurs d’intérêt commun ;

- la coopération sur les questions de migrations et de trafic d’êtres humains ;

- la coopération dans le domaine des droits de l’homme et de la justice ;

- la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive ;

- la lutte contre la criminalité et le terrorisme transnationaux ;

- la promotion des liens entre les peuples.

Les titres suivants portent respectivement sur la coopération dans les organisations régionales et internationales (titre II), la coopération bilatérale et régionale (titre III), la coopération en matière de commerce et d’investissement (titre IV), la coopération dans les autres domaines (titre V), le cadre institutionnel (titre VI), les dispositions finales (titre VII).

● Concernant les questions liées à l’État de droit et aux droits de l’homme, d’abord, parmi les principes généraux de l’accord mentionné à son article 1er, figurent :

- le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l’homme inscrits dans les instruments internationaux applicables aux deux parties. Il est précisé que cette disposition constitue un aspect essentiel de l’accord-cadre ;

- l’indépendance du pouvoir judiciaire et la lutte contre la corruption.

L’article 4 prévoit que les deux parties coopèreront sur les questions ayant trait à leurs systèmes juridiques, lois et institutions judiciaires et qu’elles s’efforceront de se fournir une assistance juridique mutuelle en matière pénale et d’extradition. Les deux pays, s’engagent également à coopérer à la mise en œuvre du plan national d’action indonésien pour les droits de l’Homme, et notamment aux travaux préparatoires engagés par l’Indonésie pour la ratification et l’application des instruments internationaux de défense des droits de l’Homme tels que la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et le statut de Rome de la cour pénale internationale. L’objectif d’une adhésion au statut de Rome est repris dans le plan national d’action indonésien pour les droits de l’Homme 2011-2014.

L’article 26 de l’accord-cadre prévoit encore que l’UE et l’Indonésie s’engagent à promouvoir et à protéger les droits de l’Homme. Cela se traduit par le soutien à la mise en œuvre du plan national d’action indonésien, au renforcement des institutions œuvrant dans ce domaine, au renforcement du dialogue sur ces questions. Comme indiqué précédemment, un dialogue UE-Indonésie sur les droits de l’Homme a été mis en place de façon anticipée en 2010.

● La promotion du développement durable et la contribution à la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement figurent parmi les principes généraux de l’accord mentionnés à son article 1er.

Les articles 27 et 28 concernent la coopération en matière de développement durable et de protection de l’environnement. L’Union européenne et l’Indonésie conviennent en effet de prendre en considération les accords multilatéraux sur l’environnement dans les activités engagées dans le cadre de l’accord-cadre. Les deux parties poursuivront leur coopération dans les domaines de la sensibilisation à l’environnement, du renforcement des capacités en matière de lutte contre le changement climatique et d’efficacité énergétique, de mise en œuvre des accords multilatéraux sur l’environnement, de prévention des mouvements transfrontaliers clandestins de substances et déchets dangereux, de contrôle de la conservation, de la pollution et de la dégradation de l’environnement. Des dispositions spécifiques visent la protection, la conservation et la gestion durable des ressources forestières.

● Concernant la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, elle fait l’objet de l’article 3 qui énonce que cette lutte passe par la ratification de tous les accords internationaux y afférents, et la mise en place de systèmes nationaux de contrôle efficaces. Il convient de rappeler que l'Indonésie est partie aux principaux instruments en matière de désarmement et de non-prolifération nucléaires.

● L’article 5 vise la coopération dans la lutte contre le terrorisme et fait référence aux conventions internationales, y compris les instruments en matière de droit de l’homme et le droit humanitaire international, ainsi qu’aux résolutions pertinentes de l’Onu. Cette coopération prend la forme d’un échange d’informations sur les groupes terroristes et leurs réseaux de soutien, d’un échange de vues sur les moyens et méthodes, y compris par des échanges d’expériences dans le domaine de la prévention du terrorisme, d’une coopération en matière de cadre juridique et de son application, et d’une coopération en matière de contrôle et gestion des frontières et de renforcement des capacités par la mise en place de réseaux, de programmes de formation, des échanges de hauts fonctionnaires, d’universitaires, d’analystes et d’opérateurs de terrain et l’organisation de séminaires et de conférence.

● L’article 6 (qui constitue à lui seul le Titre II) énonce que l’UE et l’Indonésie s’engagent à coopérer dans les instances et organisations régionales et internationales, notamment les Nations Unies, le dialogue UE-ANASE, le forum régional de l’ANASE, le sommet Asie Europe, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, l’Organisation mondiale du commerce.

L’article 7, constitue à lui seul le Titre III de l’accord porte sur l’articulation de la coopération bilatérale et régionale. Les deux parties s’engagent mettre en œuvre les activités visées par l’accord-cadre au niveau bilatéral (UE-Indonésie) ou régional (UE-ANASE, ASEM, notamment), ou en combinant les deux cadres, en utilisant au mieux les ressources disponibles et avec la possibilité d’étendre le soutien financier à ces activités (formations, ateliers, séminaires, échanges d’experts, études etc.).

● En matière économique et commerciale, conformément au titre IV de l’accord-cadre, l’UE et l’Indonésie s’engagent – de façon non contraignante – à promouvoir le développement et la diversification de leurs échanges commerciaux, avec plusieurs domaines spécifiques visés : les questions sanitaires et phytosanitaires, les obstacles techniques au commerce, la protection des droits de propriété intellectuelle, la facilitation des échanges, la coopération douanière, l’investissement, la politique de la concurrence et les services. Il n’est en revanche pas prévu de dispositions relatives à l’accès au marché.

● Le titre V (articles 25 à 40) couvre la coopération dans les autres secteurs d’intérêt commun, à savoir : tourisme, services financiers, dialogue sur la politique économique, politique industrielle et coopération entre PME, société de l’information, science et technologies, transports, éducation et culture, droits de l’Homme, environnement et ressources naturelles, sylviculture, agriculture et développement rural, pêche et milieu marin, santé, statistiques, protection des données à caractère personnel, migrations, lutte contre la criminalité organisée et la corruption, coopération dans la lutte contre les drogues illicites, coopération contre le blanchiment de capitaux, société civile, coopération en matière de modernisation de l’État et de l’administration publique.

Quelques exemples peuvent être donnés :

- dans le domaine de la santé, l’article 31 prévoit une coopération dans les domaines d’intérêt commun : recherche, gestion du système de santé, nutrition, pharmacologie, médecine préventive et maladies contagieuses. Cette coopération se concrétisera par des échanges d’informations, un renforcement des capacités, le soutien des services de santé – avec un accent particulier mis sur les activités visant à réduire les taux de mortalité infantile et maternelle ;

- l’article 25 prévoit quant à lui une coopération dans le domaine de l’éducation et de la culture, notamment s’agissant de la mise en œuvre de la convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, à laquelle l’UE, la France et l’Indonésie, depuis le 12 janvier 2012, sont parties ;

- l’article 33 traite de la question des données personnelles. L’accord stipule expressément que « La coopération en matière de protection des données à caractère personnel peut comporter, entre autres, une assistance technique sous la forme d’échange d’informations et de savoir-faire, compte tenu de la législation et de la réglementation des parties. » L’Indonésie n’étant pas membre de l’Union européenne, elle ne peut se voir transférer des données à caractère personnel que si elle assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l’égard du traitement dont ces données font l’objet, comme le prévoit l’article 68 de la loi n°78-17 précitée. Par ailleurs, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) estime que l’Indonésie ne dispose pas d’une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel. De plus, l’Indonésie n’a, à ce jour, pas fait l’objet d’une reconnaissance de protection adéquate par la Commission européenne Dès lors, l’accord permettra pour le moment de développer l’échange d’informations autres que les données à caractère personnel ;

- les articles 34 à 36 prévoient le renforcement de la coopération sur les migrations, notamment le trafic d’êtres humains, la lutte contre la criminalité organisée et la corruption, et la lutte contre les drogues illicites ;

- l’article 38 traite de la promotion du dialogue avec la société civile.

L’article 40 précise que les parties mettent à disposition, dans les limites de leurs ressources et conformément à leurs réglementations, des moyens appropriés, financiers et autres, pour réaliser les objectifs de coopération annoncés, et encouragent la Banque européenne d’investissement (BEI) à poursuivre ses opérations en Indonésie.

Conformément au 6 de l’article 1 du titre I, la mise en œuvre de l’accord est fondée sur les principes d’égalité et de bénéfice mutuel.

L’article 41, qui constitue à lui seul le titre IV de l’accord, prévoit un comité mixte, composé de représentants des deux parties au plus haut niveau possible, sera mis en place. Il sera chargé de veiller à la bonne mise en œuvre de l’accord-cadre, de définir les priorités, de résoudre les différends liés à l’application ou l’interprétation de l’accord-cadre et de faire des recommandations afin de promouvoir les objectifs de l’accord ou de résoudre les éventuels différends. Il se réunira au moins une fois tous les deux ans et pourra créer, pour l’assister, des groupes de travail spécialisés.

Le titre VII (articles 42 à 50) regroupe les dispositions finales.

L’article 42 prévoit la possibilité par consentement mutuel de modifier, revoir ou étendre l’accord pour renforcer la coopération, au moyen notamment d’accord ou de protocoles, et d’émettre des suggestions au regard de l’expérience acquise au cours de sa mise en œuvre.

L’article 43 précise que les dispositions de l’accord-cadre n’affectent pas le pouvoir des États membres d’entreprendre des actions de coopération bilatérales avec l’Indonésie ou de négocier et conclure des accords de partenariat et de coopération avec ce pays.

L’article 44 précise les dispositions relatives au mécanisme de règlement des différends. Si l’une des parties considère que l’autre n’a pas satisfait à l’une des obligations au titre du présent accord, elle peut « prendre des mesures appropriées » et n’a pas à saisir de façon préalable le comité mixte en cas de violation substantielle de l’accord, laquelle consiste en :

- une dénonciation de l’accord non sanctionnée par les règles générales du droit international ;

- une violation grave d’un élément essentiel de l’accord : dispositions relatives aux droits de l’Homme (article 1, paragraphe1), aux obligations internationales en matière de non-prolifération (article 3, paragraphe 2) ou à la lutte contre la criminalité organisée et la corruption (article 35).

L’article 45 prévoit l’octroi des facilités nécessaires à l’accomplissement des tâches des experts et des fonctionnaires.

Les accords 46 et 47 précisent l’application territoriale et la définition des parties, l’article 49 la procédure de notification et l’article 50 les langues du texte faisant foi.

L’article 48 prévoit l’entrée en vigueur et la durée de l’accord. Celui-ci entre en vigueur le premier jour du mois suivant la dernière notification d’achèvement des procédures internes. L’accord-cadre est conclu pour une période de cinq ans. Il est automatiquement prorogé pour des périodes successives d’un an – sauf notification écrite d’une partie, six mois avant la fin de toute période ultérieure d’un an. Chaque partie peut mettre fin à l’application de l’accord cadre par notification écrite de dénonciation. L’accord-cadre cesse d’être applicable six mois après réception de cette notification.

CONCLUSION

L’accord-cadre global de partenariat et de coopération conclu avec l’Indonésie renforce le partenariat économique tout en élargissant le champ de la coopération, notamment en intégrant des questions politiques. Il accompagne ainsi une transformation positive de l’Indonésie sur le chemin du développement humain, de l’État de droit et de la responsabilité collective. On ne saurait donc trouver argument pour en contester l’opportunité.

Bien au contraire, l’intérêt manifesté par l’Union européenne pour ce grand pays, qui est un acteur-clé de la région Asie et une puissance politique montante sur la scène internationale, devrait nous conduire à nous interroger plus avant sur la relation bilatérale, trop timide, que la France développe. C’est en formulant cet appel à une politique plus clairvoyante et plus ambitieuse que votre rapporteur vous suggère d’autoriser la ratification de l’accord-cadre.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine, sur le rapport de M. Avi Assouly, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord-cadre global de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Indonésie, d’autre part (n° 1097).

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Noël Mamère. Au risque de contrarier notre collègue rapporteur, je ne voterai pas la ratification du présent accord, et ce pour plusieurs raisons. L’esprit de cette loi ne correspond pas à la réalité sur le terrain. Une société française, Eramet, qui est spécialisée dans l’exploitation du nickel, un minerai dont nous avons extrêmement besoin pour alimenter les portables et les ordinateurs, et dont la société Areva est actionnaire à hauteur de 26 % – l’Etat français a donc à voir avec Eramet – a procédé à une opération publique d’achat sur une société qui s’appelle Weda Bay Nickel. Cette société est en train de lancer une grande exploitation dans une forêt primaire qui est une réserve de biodiversité. Cette forêt était considérée comme protégée mais, sous la pression de Weda Bay et d’Eramet, Mme Megawati, l’ancienne Présidente d’Indonésie, a fini par céder. Cette forêt, dont vivent des peuples premiers, les Sawaï et les Togutil, est aujourd’hui menacée de destruction. Nous ne pouvons pas accepter que la France, qui réclame la lutte contre l’effet de serre et la déforestation, participe à cette entreprise de déforestation et, par voie de conséquence, de destruction de peuples premiers qui vivent de ces forêts.

Par ailleurs, l’Indonésie est le champion de l’huile de palme et l’un des pays qui procèdent le plus à l’accaparement des terres en Afrique, en particulier en Ethiopie et au Libéria. Cela est contraire aux engagements de la France en matière de défense de l’environnement. Je ne peux que voter contre cette ratification.

M. Jean-Jacques Guillet. Je voterai sans aucun problème ce projet de loi car l’accord-cadre en question, qui est assez général, est particulièrement justifié. L’Indonésie est un très grand pays, le cinquième du monde, c’est une démocratie qui s’est confirmée incontestablement depuis la chute de Suharto. Les élections – j’ai pu le voir – se déroulent de façon absolument normale. C’est un archipel difficile à gouverner mais, malgré cela, le gouvernement et les institutions exercent leurs fonctions normalement. La crise du Timor oriental est désormais largement dépassée, et la coopération entre Timor oriental et l’Indonésie se passe bien.

Il est particulièrement important que nous développions la coopération avec ce pays qui est la clef de l’Asie du Sud-Est. Son importance ira croissante dans les années à venir. Le taux de croissance important du pays est à relier à l’importance du marché intérieur. Les exportations – particulièrement de gaz – se font essentiellement vers la Chine et le Japon. Total est la principale entreprise mondiale présente en Indonésie.

Il est vrai que la déforestation est réelle, notamment à Sumatra et à Bornéo, et c’est regrettable. Le gouvernement indonésien lutte contre cela et il a besoin d’une aide, notamment celle de la France, qui est présente en Indonésie y compris en matière de biodiversité. Je comprends les interrogations de Monsieur Mamère, en particulier sur le projet Eramet, mais ce dernier est aujourd’hui mis en œuvre en essayant d’assurer le plus grand respect de la biodiversité locale. Les Moluques du Nord, où se déroule ce projet, ont besoin de développement. Il ne faut donc pas sous-estimer son importance pour la France et pour l’Indonésie. C’est un projet qui a été long à mettre en œuvre.

La diplomatie française est un peu plus réactive aujourd’hui à l’égard de l’Indonésie, après un certain attentisme. Le Premier Ministre du précédent gouvernement, Monsieur Fillon, s’est rendu en Indonésie en 2009 ; c’était la première visite d’un premier ministre. Le Président Mitterrand, qui avait souhaité développer nos relations avec ce pays dans une vision stratégique, y était allé, mais c’était à l’époque de Suharto. Nos liens se sont altérés, alors que l’on avait une coopération dense, notamment sur le plan militaire. Je me souviens d’avoir rencontré des généraux indonésiens qui parlaient couramment français car ils avaient reçu une formation en France. Je pense qu’on a intérêt à renouveler notre coopération avec ce pays, et cet accord est bienvenu.

M. Avi Assouly, rapporteur. Tout d’abord, je tiens à dire à Noël Mamère que l’accord permettra l’intensification du dialogue sur le développement durable. C’est justement un cadre utile pour soutenir le changement de politique indonésienne concernant notamment la gestion de ses forêts. Il est en revanche possible d’attirer l’attention du gouvernement sur le projet Eramet pour que ce dossier soit aussi évoqué lors des visites bilatérales. Je rappelle que Mme Bricq était en Indonésie il y a moins d’un mois.

M. Noël Mamère. Oui, elle y était avec le Medef international ! J’entends votre explication mais ça ne changera pas mon avis.

M. Avi Assouly, rapporteur. C’est dommage, car il y a un consensus sur l’opportunité d’une plus grande coopération avec l’Indonésie. Je remercie à cet égard M. Guillet d’avoir « apporté de l’eau au moulin » de l’Indonésie en soulignant l’importance de ce pays et ses évolutions positives.

Mme la présidente Elisabeth Guigou. L’échange de ce matin vous aura permis de constater qu’à l’issue des travaux de la mission d’information sur la Chine, il sera opportun de s’intéresser à l’Asie du Sud et ces pays que nous avons jusqu’à présent trop négligés.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1097).

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord-cadre global de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République d’Indonésie, d’autre part, signé à Djakarta, le 9 novembre 2009, et dont le texte est annexé à la présente loi.

NB : Le texte de l’accord-cadre figure en annexe au projet de loi (n°1097).

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