N° 1343 - Avis de Mme Sandrine Mazetier sur , en nouvelle lecture, le projet de loi , modifié par le Sénat, relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (n°1293)




N
° 1343

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 septembre 2013.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES,
DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE,
EN NOUVELLE LECTURE, SUR LE PROJET DE LOI

relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
(n° 1293),

PAR Mme Sandrine MAZETIER,

Députée.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1011, 1125, 1130 et T.A. 163.

Commission mixte paritaire : 1296.

Nouvelle lecture : 1293.

Sénat : 690, 730, 738, 739 et T.A. 198 (2012-2013).

Commission mixte paritaire : 789 (2012-2013).

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI 11

TITRE IER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA POURSUITE ET LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS EN MATIÈRE DE DÉLINQUANCE ÉCONOMIQUE,
FINANCIÈRE ET FISCALE

Chapitre II
Blanchiment et fraude fiscale

Article 3 : Renforcement de la répression des fraudes fiscales complexes 11

Article 3 bis A : Modalités de contrôle par l’administration fiscale de l’attribution du numéro individuel d’identification en matière de TVA 15

Article 3 bis B : Création d’un registre public des trusts 16

Article 3 bis D : Modification de la composition de la Commission des infractions fiscales 16

Article 3 bis : Renforcement de la publicité des travaux de la Commission des infractions fiscales 17

Article 3 ter : Renforcement de la coopération et de l’information entre l’administration fiscale et l’autorité judiciaire 18

Article 3 sexies (nouveau) : Renforcement de la lutte contre la commercialisation et l’utilisation de logiciels de comptabilité permettant la dissimulation de recettes 19

TITRE IERBIS A

PRÉVENTION DE LA FRAUDE ET DE LA DÉLINQUANCE FISCALE ET FINANCIÈRE


(Division et intitulé nouveaux)

Article 9 septies C (nouveau) : Présentation d’un état des lieux annuel de la mise en œuvre des conventions de coopération judiciaire 20

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES FISCALES ET DOUANIÈRES

Article 10 : Autorisation pour l’administration fiscale d’exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine 21

Article 10 bis : Possibilité pour l’administration fiscale de procéder à une visite domiciliaire sur le fondement de toute information, quelle qu’en soit l’origine 22

Article 10 ter : Autorisation pour la douane d’exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine 23

Article 10 quater : Possibilité pour la douane de procéder à une visite domiciliaire sur le fondement de toute information, quelle qu’en soit l’origine 24

Article 10 quinquies A (nouveau) : Inscription dans la loi de la possibilité pour les douanes d’utiliser tout document transmis par des « aviseurs » et de les rémunérer 25

Article 10 quinquies : Soumission des caisses de règlement pécuniaire des avocats aux obligations de vigilance et de déclaration de soupçon 26

Article 11 bis AA (nouveau) : Obligation pour les grandes entreprises de fournir la comptabilité analytique de leurs implantations dans chaque État ou territoire 27

Article 11 bis B : Possibilité pour l’administration des douanes de recourir à des experts 28

Article 11 bis C : Possibilité pour l’administration fiscale de prendre copie de documents dans le cadre de procédures de contrôle 29

Article 11 bis DA (nouveau) : Facilitation de la caractérisation de l’abus de droit en matière fiscale 31

Article 11 bis D : Institution d’une obligation de transmission annuelle de documentation sur les prix de transfert 32

Article 11 bis G (nouveau) : Simplification du délai de recours en matière de contestation d’impositions fondée sur une erreur de droit révélée par une décision juridictionnelle ou par un avis rendu au contentieux 33

Article 11 bis : Modernisation de la procédure de droit de visite de la douane par des dispositions spécifiques aux perquisitions informatiques 33

Article 11 quinquies : Possibilité pour l’administration fiscale d’obtenir la communication de documents ou d’informations détenus par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou l’Autorité des marchés financiers dans le cadre de leurs missions 34

Article 11 sexies (supprimé) : Allongement de trois à six ans du délai pendant lequel l’administration fiscale peut déposer plainte pour fraude fiscale 38

Article 11 octies A (nouveau) : Retenue de documents en cas de manquement à l’obligation de déclaration de mouvements transfrontaliers de capitaux 39

Article 11 decies A (nouveau) : Fiscalisation des « marges arrières » des distributeurs 40

Article 11 decies (nouveau) : Possibilité d’examiner des relevés de compte de contribuables ayant omis de déclarer des comptes bancaires à l’étranger hors ESFP 40

Article 11 undecies (nouveau) : Allongement des délais de reprise de l’administration fiscale en cas d’évasion fiscale 41

Article 11 duodecies (nouveau) : Renforcement de la sanction du défaut de production de la déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune en cas d’actifs dissimulés à l’étranger 42

Article 11 terdecies (nouveau) : Renforcement des sanctions applicables en cas de manquement des entreprises à leurs obligations déclaratives 43

INTRODUCTION

Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, qui comportait initialement 21 articles, a été substantiellement enrichi lors de sa première lecture par l’Assemblée nationale, puisque le texte adopté le 25 juin dernier par notre Assemblée comptait 63 articles.

Le 18 juillet, le Sénat a adopté le projet de loi en introduisant à son tour de nombreux articles additionnels et en apportant de substantielles modifications à l’architecture du dispositif du procureur de la République financier ; il a par ailleurs rejeté le projet de loi organique relatif au procureur financier qui lui était lié. La commission mixte paritaire réunie le 23 juillet n’est donc pas parvenue à établir un texte commun sur les dispositions restant en discussion de ces deux textes.

L’Assemblée nationale se trouve donc saisie, en nouvelle lecture, de ce projet de loi dans le texte adopté par le Sénat. En première lecture, la commission des Finances s’était saisie pour avis de ce texte, renvoyé au fond à la commission des Lois ; compte tenu de la spécificité du projet de loi, la commission des Finances avait bénéficié d’une « délégation au fond » pour les articles 2, 3, 10 et 11. Au fil des travaux de l’Assemblée, en commission puis en séance publique, le nombre de dispositions portant sur des sujets relevant des finances publiques a beaucoup crû, compte tenu de l’adoption de nombreux articles additionnels, la majorité d’entre eux introduits d’ailleurs à l’initiative de la rapporteure (1). C’est la raison pour laquelle la commission des Finances a souhaité à nouveau se saisir pour avis, lors de la nouvelle lecture de ce texte, même si une telle procédure n’est pas usuelle. Il importe en effet que la Commission soit en mesure d’examiner les nouveaux articles introduits par le Sénat relevant de ses compétences, ainsi que les modifications apportées à des dispositions adoptées à l’initiative de l’Assemblée.

L’Assemblée et le Sénat se sont accordés sur un grand nombre de dispositions, puisque le Sénat a adopté conformes près de la moitié des articles du texte issu des travaux de l’Assemblée (soit 30 sur 63). Il a également apporté des modifications mineures ou des améliorations à un certain nombre d’articles. S’agissant des articles relevant des compétences de la commission des Finances, il convient de relever qu’ont été adoptés conformes l’article 2 relatif à l’extension des compétences de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF) et l’article 11 ouvrant la possibilité de réaliser des saisies sur les sommes rachetables des contrats d’assurance-vie. L’article 3 portant sur le renforcement des sanctions pénales applicables à la fraude fiscale n’a été modifié qu’à la marge.

Par ailleurs, de nombreux articles additionnels introduits à l’Assemblée nationale ont été adoptés par le Sénat, conformes ou avec des modifications s’inscrivant dans les mêmes orientations, notamment :

– les modalités de contrôle de la délivrance des numéros individuels d’identification de TVA intracommunautaire (article 3 bis A) ;

– la création d’un registre public des trusts (article 3 bis B) et l’alourdissement de l’amende applicable en cas de non déclaration de trust (article 3 bis C) ;

– la modification de la composition de la Commission des infractions fiscales (article 3 bis D) et du comité du contentieux fiscal, douanier et des changes (article 3 quater) ;

– l’encadrement de la politique transactionnelle de l’administration fiscale (article 3 bis F) ;

– le renforcement de l’efficacité des contrôles fiscaux inopinés (article 3 bis E) ;

– la possibilité pour l’administration des douanes de recourir à des experts (article 11 bis B) ;

– l’amélioration du contrôle des prix de transfert, par la modification des obligations de documentation incombant aux entreprises (article 11 bis D) ;

– la modernisation du droit de visite des douanes en matière de perquisitions informatiques (article 11 bis) ;

– l’extension de l’obligation de déclaration des « valeurs » supérieures à 10 000 euros, à l’or et aux cartes prépayées (article 11 septies) ;

– l’introduction de l’échange automatique d’informations comme critère d’inscription des pays sur la liste des États et territoires non coopératifs (article 11 nonies).

Enfin, le Sénat a complété le projet de loi par douze articles visant à améliorer les moyens et les procédures existantes en matière de lutte contre la fraude fiscale. Il a notamment introduit des dispositions relatives aux logiciels dits « permissifs » (article 3 sexies) et à la caractérisation de l’abus de droit (article 11 bis DA) ainsi qu’aux procédures applicables en matière de contrôle fiscal. Nombre de ces articles revêtent un réel intérêt et apportent d’utiles améliorations aux dispositifs applicables, et la rapporteure propose de conserver la majorité d’entre eux.

Toutefois, sur plusieurs points importants, des divergences sont apparues entre les deux assemblées ; elles portent principalement sur des sujets relevant davantage de la commission des Lois et sont détaillées dans le rapport réalisé par son rapporteur, M. Yann Galut. Figurent parmi ces divergences la suppression par le Sénat de la possibilité pour les associations de lutte contre la corruption de se constituer partie civile (article 1er), ainsi que la suppression de la création du procureur de la République financier (articles 12 à 20 bis) et de la possibilité de recourir aux techniques spéciales d’enquête en matière de fraude fiscale et de grande délinquance économique et financière (article 16).

S’agissant des sujets relevant de la commission des Finances, le Sénat et l’Assemblée ne sont pas parvenus à une position commune sur la possibilité pour l’administration fiscale et pour les douanes d’utiliser des informations et documents, quelle que soit leur origine, pour fonder des redressements ou des visites domiciliaires (articles 10, 10 bis, 10 ter et 10 quater). L’Assemblée nationale avait renforcé la portée de ces dispositions, introduisant une souplesse à l’exigence de transmission de ces preuves par la justice ou par le biais de la coopération internationale, en généralisant les modes de transmission de ces documents à l’ensemble des droits de communication à disposition de l’administration, enfin, en étendant le champ d’application de ces articles à l’administration des douanes et en élargissant la gamme des actes d’investigation que ces preuves pourront permettre d’accomplir. Le Sénat a souhaité fortement restreindre la portée du texte adopté par l’Assemblée nationale, au risque de le priver en grande partie de son efficacité. Sur ce point, la rapporteure propose de rétablir ces quatre articles dans la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

La Commission examine les articles du projet de loi au cours de sa séance du mardi 10 septembre 2013.

TITRE IER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA POURSUITE ET LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS EN MATIÈRE DE DÉLINQUANCE ÉCONOMIQUE, FINANCIÈRE ET FISCALE

Chapitre II
Blanchiment et fraude fiscale

Article 3
(art. 1741 du code général des impôts et art. L. 228
du livre des procédures fiscales)

Renforcement de la répression des fraudes fiscales complexes

Le présent article vise à alourdir substantiellement les peines encourues pour les délits de fraude fiscale, afin de mieux prendre en compte les moyens de réalisation de la fraude, et de mettre en adéquation les sanctions avec la gravité des délits commis, ainsi qu’avec l’importance des patrimoines dissimulés par des contribuables fraudeurs.

Si l’article ne modifie pas les peines applicables pour la fraude fiscale « commune », il étend en revanche sensiblement le champ des circonstances aggravantes prévues jusqu’alors, et durcit parallèlement les sanctions applicables. Alors que l’article 1741 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur, ne prévoit des circonstances aggravantes que lorsque la fraude a été réalisée en recourant à des comptes détenus directement ou indirectement dans des États ou des territoires non coopératifs, le présent article propose que soient considérés comme des circonstances aggravantes les cas suivants : faits commis en bande organisée, recours à des comptes détenus directement ou indirectement à l’étranger – et non seulement dans des États non coopératifs –, utilisation de faux documents, recours à une domiciliation fictive ou artificielle à l’étranger, recours à des actes fictifs ou artificiels.

Dans ces cas, par rapport aux dispositions en vigueur en cas de circonstances aggravantes, le plafond de l’amende est doublé, passant de un à deux millions d’euros, la peine de prison maximale restant de sept ans.

Par ailleurs, la notion de bande organisée permettra de recourir, pour les enquêtes sur les délits de fraude fiscale, aux techniques spéciales d’enquête applicables à la criminalité organisée et à la grande délinquance économique et financière, sur le fondement de l’article 16 du présent projet de loi. Ce dernier article a été supprimé par le Sénat mais un amendement déposé par le rapporteur de la commission des Lois saisie au fond prévoit son rétablissement.

Enfin, le présent article modifie l’article L. 228 du livre des procédures fiscales pour accroître le champ de l’enquête judiciaire fiscale et des compétences de la BNRDF.

À l’initiative de la rapporteure, l’Assemblée nationale a pour sa part modifié en séance publique cet article en introduisant la notion de « repenti fiscal » dans l’article 1741 du code général des impôts : la peine d’emprisonnement encourue par une personne qui, poursuivie pour fraude fiscale, permet d’identifier les autres auteurs et complices avait alors diminué de moitié.

En séance, en adoptant un amendement de M. Jacques Mézard, le Sénat a restreint le champ des circonstances aggravantes, s’agissant des comptes ou contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger, aux cas où les comptes ou contrats d’assurance-vie n’ont pas été déclarés. La rapporteure propose de revenir sur cette modification, qui restreindrait l’application des circonstances aggravantes de façon inopportune.

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La Commission examine l’amendement CF 8 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Dans le texte initial du Gouvernement, le recours à des comptes à l’étranger, qui contribuent à rendre la fraude fiscale plus opaque, constituait une circonstance aggravante ; le Sénat a restreint cette disposition aux comptes non déclarés, ce qui compromettrait les avancées du projet de loi en la matière. L’amendement vise donc à rétablir la rédaction initiale de l’Assemblée.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements CF 6 de M. Charles de Courson et CF 7 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. La mesure proposée ne vous surprendra sans doute pas, madame la rapporteure pour avis ; elle a d’ailleurs fait l’objet d’un amendement de M. Alain Anziani adopté en commission des Lois au Sénat. Nous ne comprenons toujours pas pourquoi l’Assemblée s’oppose à une telle mesure – Charles de Courson, à ma place, évoquerait sans doute le « verrou de Bercy ».

Afin de renforcer la lutte contre la fraude fiscale, il m’apparaît souhaitable que le procureur financier soit informé des procédures transactionnelles et les valide, au-delà du pouvoir discrétionnaire du ministre et du rôle de la CIF. Nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi le parquet n’est pas saisi d’office en ce domaine, malgré les avancées qui viennent d’être rappelées.

Cet amendement, sans affaiblir les pouvoirs de négociation de la direction générale des finances publiques (DGFiP), renforcerait les moyens du procureur financier, sur la création duquel notre groupe s’était par ailleurs abstenu car, placé sous l’autorité du procureur général de Paris, il exerce des compétences nationales. J’ajoute que Yann Galut s’était montré plutôt favorable à un tel amendement au début des travaux sur ce texte.

Mme la rapporteure pour avis. Je ne suis pas sûre que les sénateurs, en supprimant le procureur financier de la République, aient fait preuve d’efficacité.

En tout état de cause, le débat me semble caduc puisque, depuis 2008 et l’arrêt Talmon, tout magistrat peut engager des poursuites au titre du blanchiment de fraude fiscale. Pour d’autres délits, la victime et la nature des actes sont connues, mais il est parfois difficile de trouver l’auteur de ces derniers ; en matière de fraude fiscale, c’est l’inverse : les services doivent d’abord établir l’existence de la fraude, son caractère intentionnel et son ampleur. Le champ de référence n’est donc en rien analogue à celui qui est suggéré par l’amendement, sans compter que la justice ne dispose ni des compétences, ni des effectifs nécessaires pour assumer un tel rôle. Surtout, la fraude fiscale n’exige pas seulement une sanction, mais aussi une réparation. En redéposant cet amendement, ses auteurs font bien peu de cas des travaux de notre assemblée en première lecture. Je ne reviendrai pas, à cet égard, sur la communication des informations entre l’administration fiscale et la justice. Nous avons clairement précisé, je le rappelle, les conditions et les limites des transactions, et nous exercerons un contrôle en ce domaine par le biais du rapport qui sera remis au Parlement par le Gouvernement. Ces pratiques, jusqu’alors opaques et très différentes selon les territoires, relèvent en quelque sorte du plaider coupable ; elles permettent à l’administration fiscale de recouvrer les sommes impayées. Avis défavorable à cet amendement, comme à l’amendement CF 7, qui est de repli.

M. Henri Emmanuelli. Je suivrai Mme la rapporteure pour avis dans ses conclusions.

Le rapporteur du texte au Sénat, M. Anziani, m’a fait part de ses griefs contre la CIF, qui à ses yeux ne traite pas les contentieux les plus importants, lesquels supposent des procédures longues, complexes, et qui souvent n’aboutissent pas : l’administration fiscale préfère récupérer les sommes à travers des transactions. Ne pourrions-nous instituer un « taquet » pour l’obliger à agir, sans lui laisser opérer le filtrage par elle-même ? De fait, alors que j’entendais m’élever contre la position de M. Anziani, j’ai dû convenir qu’elle partait d’un bon sentiment, même si je n’approuve pas les conséquences juridiques qu’il en tire.

Mme la rapporteure pour avis. Nous avons institué un tel « taquet » en première lecture, en précisant les conditions de toute transaction pour l’administration fiscale, qui « ne peut transiger […] lorsqu’elle envisage de mettre en mouvement l’action publique pour les infractions mentionnées au code général des impôts […] ; lorsque le contribuable met en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle […]. Chaque année, le ministre chargé du budget publie un rapport sur l’application de la politique de remises et de transactions à titre gracieux par l’administration fiscale. Ce rapport peut faire l’objet d’un débat chaque année devant les commissions permanentes compétentes en matière de finances de l’Assemblée nationale et du Sénat […] ».

M. Henri Emmanuelli. Ces dispositions sont peu satisfaisantes : il serait préférable qu’elles visent des montants, et non des modalités.

L’administration fiscale, je puis en témoigner, peut être tentée de reculer devant les gros contentieux, au profit de transactions ; mais cette pratique fait hurler les « petits » contribuables. Il faudrait donc des « taquets » financiers.

Au reste, quand pourra-t-on dire qu’une manœuvre est « dilatoire » ? Qui en jugera ? Nous sommes dans un certain flou interprétatif, même si, encore une fois, je n’en fais pas un motif de blocage. Notre pays doit aussi se prémunir, s’agissant de la lutte contre la fraude fiscale, contre certaines tentations de sa propre administration.

M. Philippe Vigier. Il ne s’agit pas pour moi de « chercher la petite bête », mais d’aller au bout de la démarche du présent texte. Mon amendement de repli CF 7, d’ailleurs, ne prévoit qu’une simple information du procureur financier : cela ne changerait en rien les pouvoirs respectifs du ministre du Budget et de l’administration fiscale. Une telle disposition aurait une vraie résonance pour l’ensemble des contribuables.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure pour avis, la Commission rejette l’amendement CF 6, puis elle rejette l’amendement CF 7.

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Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 3 modifié.

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Article 3 bis A
(art. L. 10 BA [nouveau] du livre des procédures fiscales)

Modalités de contrôle par l’administration fiscale de l’attribution du numéro individuel d’identification en matière de TVA

Le présent article, introduit par l’Assemblée nationale à l’initiative de M. Nicolas Sansu, prévoit la possibilité pour l’administration fiscale de demander, préalablement à la délivrance du numéro individuel d’identification de TVA intracommunautaire, tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs à la réalité des opérations qui motivent la demande, ainsi que de procéder à des contrôles inopinés pour constater la réalité de ces opérations. Il vise ainsi à lutter contre une source majeure de pertes de recettes fiscales, la fraude dite de « carrousel à la TVA ».

Au Sénat, à l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des Finances, M. François Marc, la commission des Lois a modifié le dispositif prévu afin de le rendre plus opérationnel ; il prend en compte le fait que le numéro d’identification est attribué par le service des impôts des entreprises, et non par le centre de formalités des entreprises, et il prévoit un dispositif de contrôle applicable a priori, avant l’attribution du numéro, comme a posteriori. Il précise davantage les conditions d’exercice du contrôle par l’administration, avec la fixation de délais, ainsi que les cas de rejet ou d’invalidation de numéro. Enfin, l’article ainsi créé est placé dans le livre des procédures fiscales, au lieu du code général des impôts.

La rapporteure propose à la commission de conserver les modifications introduites par le Sénat, qui améliorent le dispositif initial.

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 18 de la rapporteure pour avis.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 bis A modifié.

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Article 3 bis B
(art. 1649 AB du code général des impôts)

Création d’un registre public des trusts

Le présent article introduit en séance à l’Assemblée à l’initiative de M. Éric Alauzet a pour objet d’instituer un registre public des trusts, recensant les trusts déclarés, les noms de l’administrateur, du constituant et des bénéficiaires, ainsi que la date de constitution du trust. L’article précise par ailleurs que le registre peut être consulté librement sur demande, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.

À l’initiative de son rapporteur M. Alain Anziani, la commission des Lois du Sénat a modifié cet article afin de renvoyer à des dispositions réglementaires les modalités de constitution de ce registre.

La rapporteure propose de rétablir cet article dans le texte de l’Assemblée nationale, afin de maintenir au niveau législatif ces dispositions relatives à la mise en place du registre.

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La Commission examine l’amendement CF 9 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Je propose, sur cet article instituant un registre public des trusts, de rétablir la rédaction initiale de l’Assemblée.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à l’adoption de l’article 3 bis B ainsi rédigé.

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Article 3 bis D
(art. 1741 A du code général des impôts)

Modification de la composition de la Commission des infractions fiscales

Le présent article, adopté à l’initiative de la rapporteure en séance publique, a pour objet de diversifier la composition de la Commission des infractions fiscales (CIF), en incluant des magistrats honoraires à la Cour de cassation ainsi que des personnalités qualifiées désignées par les présidents des deux Assemblées, qui viennent s’ajouter aux conseillers d’État et aux conseillers maîtres à la Cour des comptes qui sont aujourd’hui membres de la CIF. Il prévoit également que les conseillers d’État, les conseillers maîtres à la Cour des comptes et les magistrats honoraires à la Cour de cassation, au nombre de six pour chaque catégorie, sont élus par leur corps d’origine, et que la composition de l’ensemble de la CIF respecte le principe de la parité entre les femmes et les hommes.

Au Sénat, à l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des Finances, M. François Marc, la commission des Lois a augmenté le nombre de conseillers d’État, de conseillers maîtres à la Cour des comptes et de magistrats honoraires à la Cour de cassation, en le portant de six à huit, ce qui conduit à relever le nombre total de membres de la CIF de 22 à 28. Cette augmentation doit permettre un fonctionnement plus simple de la commission en quatre sections de sept personnes, alors que le nombre de vingt-deux membres initialement retenu par l’Assemblée nationale ne permettait pas une répartition en trois ou quatre sections ayant la même composition.

La rapporteure propose donc à la commission de conserver les modifications introduites par le Sénat.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 bis D sans modification.

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Article 3 bis
(art. L. 228 B [nouveau] du code général des impôts)

Renforcement de la publicité des travaux de la Commission des infractions fiscales

Le présent article, introduit en commission à l’Assemblée à l’initiative de la rapporteure, a pour objet d’accroître la publicité des travaux de la Commission des infractions fiscales en instaurant la publication d’un rapport d’activité annuel et en prévoyant chaque année la tenue d’un débat devant les commissions des Finances de chaque assemblée.

Au Sénat, un amendement rédactionnel du rapporteur de la commission des Lois, M. Alain Anziani, a été adopté, et la rapporteure propose de conserver cette modification.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 bis sans modification.

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Article 3 ter
(art. L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales)

Renforcement de la coopération et de l’information entre l’administration fiscale et l’autorité judiciaire

Issu de l’adoption en commission d’un amendement de la rapporteure, cet article vise à améliorer l’information de l’autorité judiciaire sur les suites données aux renseignements transmis à l’administration fiscale en application des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales.

À l’initiative de son rapporteur, M. Alain Anziani, la commission des Lois du Sénat a complété la liste des informations que doit comporter le rapport au Parlement détaillant le traitement des informations communiquées par l’autorité judiciaire, en ajoutant le nombre de signalements effectués à la justice par les agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) en application de l’article 40 du code de procédure pénale.

Cependant, la rapporteure considère que ce recensement, qui imposerait à l’auteur du signalement d’en faire part à son autorité hiérarchique, serait en réalité contre-productif et freinerait ces initiatives, d’ores et déjà peu nombreuses. Par ailleurs, la proposition n° 23 du rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France suggérait de « réfléchir à l'amélioration du régime de l'article 40 du code de procédure pénale » (2). La rapporteure considère qu’il serait en effet plus opportun de poursuivre les travaux sur l’ensemble du régime applicable aux signalements effectués en application de cet article, sans restreindre cette étude aux seuls agents de la DGFiP.

La rapporteure propose donc de rétablir cet article dans sa rédaction initialement adoptée par l’Assemblée nationale.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 ter sans modification.

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Article 3 sexies (nouveau)
(section I du chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales ; art. L. 96 J et L. 102 D [nouveaux] du livre des procédures fiscales ;
art. 1734 et 1770 undecies [nouveau] du code général des impôts ;
art. L. 2222-22 du code général de la propriété des personnes publiques)

Renforcement de la lutte contre la commercialisation et l’utilisation de logiciels de comptabilité permettant la dissimulation de recettes

Issu de l’adoption par le Sénat, lors de l’examen en séance publique, d’un amendement présenté par M. Éric Bocquet, l’article 3 sexies vise à lutter contre les logiciels dits « permissifs », qui permettent une comptabilité ou une gestion de caisse « fantôme » dans le but de dissimuler certaines recettes et d'échapper à l'impôt.

Pour permettre à l’administration fiscale de lutter efficacement contre ce type de fraude, cet article propose de permettre aux agents de l’administration fiscale d’avoir accès au code source et à la documentation des logiciels. Le délai de conservation de cette documentation est fixé à trois ans. Une sanction spécifique au manquement à l’obligation de communication ou de conservation est proposée à hauteur de 1 500 euros par logiciel ou système de caisse vendu.

Par ailleurs, le concepteur, l’éditeur, le distributeur d’un logiciel « permissif » ainsi que toute personne susceptible de manipuler un logiciel dans un but frauduleux sont passibles d’une amende égale à 15 % du chiffre d’affaires provenant de la commercialisation de ces logiciels ou des prestations frauduleuses déjà réalisées. Ces personnes sont en outre solidairement tenues au paiement des droits rappelés consécutivement aux fraudes commises au moyen de leur produit.

Cet article, issu d’un amendement adopté avec l’avis favorable de la commission et du Gouvernement, reprend pour partie la proposition n° 30 de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France. La rapporteure ne peut que se féliciter du dispositif proposé, ces logiciels permissifs pouvant permettre des soustractions de recettes très importantes pour l'administration fiscale. Elle propose donc de conserver cet article.

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La Commission adopte successivement trois amendements de la rapporteure pour avis : CF 19 de coordination, CF 20 rédactionnel et CF 21 rédactionnel.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sexies modifié.

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TITRE IERBIS A
PRÉVENTION DE LA FRAUDE ET DE LA DÉLINQUANCE
FISCALE ET FINANCIÈRE


(Division et intitulé nouveaux)

Article 9 septies C (nouveau)
Présentation d’un état des lieux annuel de la mise en œuvre des conventions de coopération judiciaire

Le présent article, issu de l’adoption en séance publique par le Sénat d’un amendement de M. Éric Bocquet, vise à faire figurer chaque année en annexe du projet de loi de finances un état des lieux de la mise en œuvre des conventions de coopération judiciaire. M. Thierry Foucaud, lorsqu’il a présenté cet amendement en séance au Sénat, n’a évoqué l’application de ces conventions de coopération qu’en matière fiscale. L’intention des auteurs de l’amendement de viser uniquement les conventions de coopération fiscale est confirmée par l’intitulé du Titre Ier bis A introduit par l’amendement, qui vise la « prévention de la fraude et de la délinquance fiscale et financière ». Toutefois, dans sa rédaction actuelle, l’article concerne l’ensemble des conventions d’entraide judiciaire, sans précision sur le champ d’application visé, notamment les crimes et délits concernés.

Il serait donc opportun de recentrer son objet sur la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, et ainsi de le mettre en conformité avec le titre Ierbis A. Par ailleurs, il semble judicieux de prévoir un rapport annuel du Gouvernement au Parlement, de préférence à une annexe au projet de loi de finances, que ce rapport n’aura pas pour effet d’éclairer particulièrement. La rapporteure propose une nouvelle rédaction de cet article en ce sens.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 10 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Je propose une autre rédaction de cet article, introduit au Sénat par amendement de M. Éric Bocquet. Il s’agit de demander au Gouvernement de remettre chaque année au Parlement un rapport sur la mise en œuvre des conventions de coopération judiciaire.

Tel qu’il a été adopté au Sénat, cet article imposerait un état des lieux de l’ensemble des conventions de coopération judiciaire en annexe des projets de loi de finances annuels ; or, notre intention, comme celle des sénateurs, est de ne viser que les conventions de coopération judiciaire relatives à la lutte contre la fraude fiscale.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à l’adoption de l’article 9 septies C ainsi rédigé.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES FISCALES ET DOUANIÈRES

Article 10
(art. L. 10-0-0 A [nouveau] du livre des procédures fiscales)

Autorisation pour l’administration fiscale d’exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine

Le présent article vise à permettre à l’administration fiscale d’exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine.

Le projet de loi initial prévoyait que seule une transmission à l’administration par l’autorité judiciaire ou la coopération internationale l’autorisait à agir sur le fondement de ces documents, sans que leur origine ne puisse faire obstacle à leur utilisation.

La portée de cette disposition a été renforcée par un amendement de la rapporteure adopté en séance, visant à compléter la liste de ces procédures par lesquelles l’administration peut régulièrement obtenir des documents, pièces ou informations, à l’ensemble des droits de communications conférés à l’administration par le livre des procédures fiscales.

Cet élargissement a été supprimé au Sénat à l’initiative du rapporteur de sa commission des Lois, M. Alain Anziani, au motif que la transmission par la seule autorité judiciaire serait une garantie essentielle, et permettrait d’éviter toute forme de « délation ».

La rapporteure estime au contraire que les droits de communication s’effectuant à la seule demande de l’administration, la crainte de dénonciations infondées ou calomnieuses peut être écartée. Par ailleurs, cet élargissement permettait de renforcer la portée du présent article, puisque le projet de loi initial excluait de son champ l’ensemble des droits de communications grâce auxquels l’administration peut obtenir des documents et informations.

En conséquence, la rapporteure propose de revenir au texte de l’Assemblée nationale.

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La Commission examine l’amendement CF 11 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement tend à rétablir le texte de l’Assemblée relativement à la liste des tiers susceptibles de transmettre à l’administration des documents utilisables dans le cadre des procédures visées.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à l’adoption de l’article 10 ainsi rédigé.

Article 10 bis
(art. L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales)

Possibilité pour l’administration fiscale de procéder à une visite domiciliaire sur le fondement de toute information, quelle qu’en soit l’origine

Le présent article, introduit à l’Assemblée nationale en commission, à l’initiative de la rapporteure, ouvre à l'administration fiscale la possibilité de demander au juge des libertés et de la détention des perquisitions sur le fondement de preuves d’origine illicite, si cette demande est proportionnée à l’objectif poursuivi. Afin d'encadrer juridiquement cette possibilité qui, dans le cas contraire, risquerait d'entrer en conflit avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, il est précisé que cette autorisation peut être donnée « à titre exceptionnel ».

Lors de l’examen du projet de loi par la commission des Lois du Sénat, un amendement de son rapporteur, M. Alain Anziani, a supprimé cette mention, que ce dernier considérait comme inutile.

La rapporteure estime au contraire que cette mention, déjà présente dans notre droit positif, permet de sécuriser l’ensemble de la disposition, tant au regard de la Constitution que de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle propose en conséquence son rétablissement.

Par ailleurs, un amendement de M. François Zocchetto, adopté par la commission des Lois du Sénat, a étendu aux perquisitions fiscales le bénéfice des dispositions de l’article L. 56-1 du code de procédure pénale. Cette disposition permet notamment au bâtonnier de l’ordre d’être présent lors d’une perquisition effectuée dans le cadre d’une procédure pénale lorsque la perquisition a lieu dans le cabinet ou le domicile d’un avocat, ou les locaux de l’ordre des avocats ou des caisses de règlement pécuniaire des avocats. Il peut s’opposer à la saisie de pièces qui seront alors mises sous scellé fermé et soumises à l’appréciation du juge des libertés et de la détention.

De nouveau, la rapporteure propose un retour à la rédaction du texte adopté par l’Assemblée nationale, l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales prévoyant d’ores et déjà que « l'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense ».

Par ailleurs, en matière de contestation des saisies, la procédure fiscale est même plus protectrice que ma procédure pénale. En effet, depuis l’arrêt « Ravon » de la Cour européenne des droits de l’homme (3), la saisie fiscale peut être contestée en amont, en son principe même. Suite à cette condamnation, la loi prévoit depuis le 4 août 2008, un recours contre l’ordonnance d’autorisation de la procédure de visite et de saisie par l’occupant des locaux visités et par l’auteur présumé des agissements. La perquisition pénale quant à elle ne sera contestée qu’a posteriori, à l’occasion d’un désaccord sur les pièces objets de la saisie.

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La Commission examine l’amendement CF 12 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Je propose de rétablir l’autorisation, à titre exceptionnel, des visites domiciliaires pour l’administration fiscale, sur le fondement de fichiers d’origine douteuse. L’amendement supprime en revanche l’obligation de présence du bâtonnier en cas de perquisition fiscale au cabinet ou au domicile d’un avocat.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à l’adoption de l’article 10 bis ainsi rédigé.

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Article 10 ter
(chapitre VI du titre II et art. 67 E [nouveaux] du code des douanes)

Autorisation pour la douane d’exploiter les informations qu’elle reçoit, quelle qu’en soit l’origine

Comme pour l’administration fiscale, cet article, adopté à l’initiative de la rapporteure en commission à l’Assemblée, vise à autoriser la douane à exploiter les informations qu’elle reçoit quelle qu’en soit l’origine. Dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, cette règle serait applicable – comme cela avait été également prévu pour l’administration fiscale à l’article 10 – dès lors que les informations ont été transmises à l’administration douanière en application d’un des droits de communication dont elle bénéficie.

À l’initiative de son rapporteur, M. Alain Anziani, la commission des Lois du Sénat a restreint la possibilité pour la douane de se fonder sur des informations d’origine illicite au cas où celles-ci lui ont été communiquées par l’autorité judiciaire ou dans le cadre de l’assistance administrative internationale.

Pour les mêmes raisons que celles énoncées à l’article 10, à savoir que la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale permet une meilleure efficacité dans l’utilisation des preuves que celle retenue par le Sénat, la rapporteure propose un retour au texte adopté par l’Assemblée nationale.

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La Commission examine l’amendement CF 13 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. L’amendement tend à rétablir le texte de l’Assemblée s’agissant de la possibilité, pour les douanes, d’exploiter des documents, quelle que soit leur origine.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à l’adoption de l’article 10 ter ainsi rédigé.

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Article 10 quater
(art. 64 du code des douanes)

Possibilité pour la douane de procéder à une visite domiciliaire sur le fondement de toute information, quelle qu’en soit l’origine

Issu de l’adoption en commission d’un amendement de la rapporteure, cet article a pour but d’autoriser l’administration des douanes à demander à pouvoir effectuer des visites domiciliaires sur le fondement de preuves d’origine illicite. Tout comme à l’article 10 bis, le Sénat a considéré la mention « à titre exceptionnel » comme inutile et l’a supprimée. De même, le Sénat a étendu aux perquisitions douanières le bénéfice des dispositions de l’article L. 56-1 du code de procédure pénale.

Pour les mêmes raisons que celle évoquées supra, la rapporteure propose un retour à la rédaction du texte adopté par l’Assemblée nationale.

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La Commission examine l’amendement CF 14 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Je propose de rétablir le texte de l’Assemblée.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à l’adoption de l’article 10 quater ainsi rédigé.

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Article 10 quinquies A (nouveau)
(art. 65 du code des douanes)

Inscription dans la loi de la possibilité pour les douanes d’utiliser tout document transmis par des « aviseurs » et de les rémunérer

Le présent article, issu d’un amendement de M. Éric Bocquet adopté en séance au Sénat, a pour vocation d'inscrire dans la loi une pratique maintenant habituelle de l'administration des douanes prévue par l’arrêté du 18 avril 1957 relatif aux modalités d'application de l'article 391 du code des douanes relatif à la répartition du produit des amendes et confiscations.

Précisément, l’article inscrit dans la loi la formulation suivante : « l’administration des douanes peut recevoir et utiliser les documents et renseignements qui lui sont transmis par toute personne étrangère aux administrations publiques et amenant directement soit la découverte d'infractions qu'elle est chargée de rechercher et de réprimer, soit l'identification des auteurs de ces infractions ». Or la rapporteure considère que cette rédaction est incompatible avec le dispositif crée par l’article 10 ter du présent projet de loi, puisqu’elle autorise l’utilisation de tout document, peu important son origine, apporté spontanément par un tiers, et sans la garantie d’une transmission par la justice ou d’une demande préalable de l’administration. Enfin, il ne paraît pas opportun d’élever au niveau législatif la possibilité offerte aux douanes de rémunérer leurs aviseurs.

Pour ces différentes raisons, la rapporteure propose la suppression de cet article.

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La Commission examine l’amendement CF 15 de la rapporteure pour avis, tendant à la suppression de l’article.

Mme la rapporteure pour avis. Le Sénat a institué une possibilité qui existe déjà pour les douanes, depuis un arrêté ministériel de 1957. Il n’est pas utile d’introduire ces dispositions dans la loi.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 10 quinquies A.

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Article 10 quinquies
(art. L. 561-2, L. 561-3, L. 561-17 et L. 561-36 du code monétaire et financier)

Soumission des caisses de règlement pécuniaire des avocats aux obligations de vigilance et de déclaration de soupçon

Issu de l’adoption par l’Assemblée nationale, en séance publique, d’un amendement de M. Pascal Cherki, l’article 10 quinquies vise à soumettre les caisses de règlement pécuniaire des avocats (CARPA) aux obligations du code monétaire et financier relatives à la lutte anti-blanchiment.

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de M. Thani Mohamed Soilihi qui exclut du champ des sommes pouvant faire l’objet d’une déclaration de soupçon celles qui émanent d’une procédure juridictionnelle ou d’une consultation juridique.

Cette restriction semble excessive. En effet, l’obligation introduite en séance à l’Assemblée nationale risque déjà de ne pas changer fondamentalement le comportement des responsables des CARPA. L’Union nationale des caisses d’avocats, l’UNCA, qui assiste les caisses de règlement pécuniaire des avocats dans la recherche des moyens nécessaires au respect des dispositions légales et réglementaires qui leur incombent, a indiqué en ce sens qu’il n’y aura pas de déclaration de soupçon par les CARPA, car les opérations traitées par elles auront bénéficié d’un contrôle préalable par le bâtonnier sur l’origine et la licéité des fonds. L’UNCA ajoute qu’à la moindre irrégularité, elles refuseront de traiter l’opération.

Par ailleurs, comme l’a rappelé la garde des Sceaux en séance publique au Sénat, ces sommes qui émanent d’une procédure juridictionnelle ou d’une consultation juridique constituent l’essentiel des fonds confiés aux CARPA. Les exclure du champ de l’obligation rendrait la mesure complètement inopérante. La rapporteure propose donc un retour au texte de l’Assemblée nationale.

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La Commission examine l’amendement CF 29 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Le Sénat a apporté des restrictions aux obligations déclaratives instituées par notre assemblée, pour les caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), via un amendement de M. Cherki. Je propose de rétablir le texte de l’Assemblée.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à l’adoption de l’article 10 quinquies ainsi rédigé.

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Article 11 bis AA (nouveau)
(art. L. 13 AA du livre des procédures fiscales)

Obligation pour les grandes entreprises de fournir la comptabilité analytique de leurs implantations dans chaque État ou territoire

Le présent article, introduit à l’initiative de M. Éric Bocquet par le Sénat en séance publique, a pour objet de modifier l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales relatif aux obligations de documentation incombant aux grandes entreprises afin de justifier de leur politique de prix de transfert dans le cadre de vérifications de comptabilité par l’administration fiscale.

L’article ajoute aux informations devant d’ores et déjà être mises à la disposition de l’administration fiscale la comptabilité analytique des implantations de l’entreprise dans chaque État ou territoire. En effet, la comptabilité analytique permet, mieux que la comptabilité générale, de retracer la chaîne de valeur de la production. Sa mise à disposition vise à permettre à l’administration fiscale de disposer de documents plus précis pour mener ses contrôles sur les prix de transfert, dont les manipulations sont, pour les entreprises multinationales, l’un des principaux vecteurs de l’évasion fiscale.

Cette initiative est bien évidemment très positive, et correspond d’ailleurs à l’une des principales propositions du rapport de la mission d’information rapportée par M. Pierre-Alain Muet et présidée par M. Éric Woerth sur l’optimisation fiscale des entreprises (4). La proposition n° 3 est en effet de « prévoir la mise à disposition de la comptabilité analytique et consolidée des entreprises soumises à l’obligation de documentation des prix de transfert en application de l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales ».

Toutefois, en l'état, la rédaction de cet article n'est pas suffisamment précise pour produire les effets attendus. La rapporteure estime préférable de proposer une mesure juridiquement plus aboutie dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, lequel sera examiné par notre commission dans quelques semaines, et propose dans l’intervalle de supprimer cet article.

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La Commission examine l’amendement CF 30 de la rapporteure pour avis, tendant à la suppression de l’article.

Mme la rapporteure pour avis. La première lecture a permis quelques avancées sur la question des prix de transfert, que vise aussi cet article introduit au Sénat à l’initiative de M. Éric Bocquet. Les prix de transfert, on le sait, sont l’un des principaux vecteurs d’évasion fiscale pour les entreprises multinationales. Cependant, la rédaction de l’article ne me semble pas assez précise. Je vous propose donc de revenir sur ce point lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014 : à n’en pas douter, la créativité des différents groupes pourra s’exprimer sur cet important sujet qu’est l’optimisation fiscale agressive de certains grands groupes.

Mme Karine Berger. Cet amendement de suppression ne laisse pas de m’étonner : si le mieux est parfois l’ennemi du bien, le bien est rarement l’ennemi du parfait. Pourquoi empêcher une avancée au motif de mieux faire à l’avenir ? Au demeurant, si l’article n’est pas assez clair, je me propose de déposer des amendements de précision d’ici à vendredi soir.

Mme la rapporteure pour avis. Je ne suis pas sûre qu’une insécurité juridique soit un bien, pour reprendre vos termes.

Mme Arlette Grosskost. Les prix de transfert sont soumis à une charte : des documents peuvent donc les justifier, qui sont visés par l’administration fiscale. En l’occurrence, la comptabilité analytique m’apparaît inutile.

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’article me semble juridiquement fragile, et des dispositions sur ce thème sont en cours d’élaboration dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, en lien avec les travaux de la mission d’information conduite par Pierre-Alain Muet et Éric Woerth. À moins de trouver une rédaction irréprochable d’ici à l’examen en séance, il me semble plus sage de suivre l’avis de notre rapporteure pour avis.

La Commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 11 bis AA.

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Article 11 bis B
(section 10 [nouvelle], art. 67 
quinquies A [nouveau] et art. 64 du code des douanes ; art. L. 103 B [nouveau] et L. 38 du livre des procédures fiscales)

Possibilité pour l’administration des douanes de recourir à des experts

Issu d’un amendement de la rapporteure adopté en séance publique à l’Assemblée nationale, cet article permet aux agents des douanes, dans le cadre de leurs missions, de se faire assister par des experts, afin de faire face à la complexité grandissante des affaires financières. L’expert ainsi requis serait chargé de rédiger un rapport qui serait annexé à la procédure ; en cas d’urgence, il donnerait ses conclusions aux agents des douanes, qui les noteraient au procès-verbal.

Une clarification de la codification a été effectuée au Sénat, par la création d’un titre dans le code des douanes intitulé « Emploi de personnes qualifiées ».

À l’initiative de M. François Marc, rapporteur pour avis, la commission des Lois du Sénat a également complété l’article afin de permettre aux agents de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), dans le cadre de leurs attributions en matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, de recourir à des experts lorsque l’accomplissement de leurs missions fiscales requiert des connaissances ou des compétences particulières. Selon l’exposé des motifs de l’amendement de M. François Marc, la rédaction retenue permet de ne pas exclure les agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) s’agissant des attributions qu’ils conservent en matière de contributions indirectes.

Ces précisions apparaissant pertinentes, la rapporteure propose de les conserver.

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 22 de la rapporteure pour avis.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 bis B ainsi modifié.

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Article 11 bis C
(art. 1734 du code général des impôts ;
art. L. 13 F [nouveau] du livre des procédures fiscales)

Possibilité pour l’administration fiscale de prendre copie de documents dans le cadre de procédures de contrôle

Le présent article, introduit en séance publique à l’initiative de la rapporteure, vise à permettre aux agents de l’administration fiscale de prendre des copies de documents dans le cadre d’opérations de contrôle, et à prévoir une amende en cas d’opposition par le contribuable à cette prise de copie, égale à 1 500 euros pour chaque document. Cette disposition vise à faciliter le travail des agents de contrôle, qui se trouvent parfois dans l’obligation de recopier à la main certains contrats ou documents comptables, face à des pratiques non coopératives d’entreprises refusant de fournir des copies ou du moins de les autoriser.

Cette mesure ne prive les contribuables d’aucune garantie puisqu’ils sont toujours en possession de l’original des documents. Il est prévu que les modalités de sécurisation des copies de documents sous forme dématérialisée soient précisées par un arrêté du ministre chargé du budget.

Un amendement déposé par le rapporteur M. Alain Anziani a été adopté en commission au Sénat afin de plafonner le montant total des amendes appliquées en cas d’opposition du contribuable à 10 000 euros. Ce montant s’avère toutefois limité et n’apparaît pas suffisamment dissuasif, notamment pour les grandes entreprises ; ces dernières pourraient ainsi s’opposer à la prise de copies de documents par les agents du contrôle fiscal pour un coût finalement faible. Un plafonnement proportionnel, fonction de la taille de l’entreprise, semble plus adapté, et la rapporteure estimerait souhaitable de compléter ce plafond forfaitaire de 10 000 euros par un plafond proportionnel au chiffre d’affaires ou au montant des recettes brutes.

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La Commission examine l’amendement CF 16 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Notre assemblée avait fixé à 1 500 euros par pièce le montant de l’amende due par les entreprises qui s’opposent à la prise de copies par l’administration fiscale lors d’un contrôle ; or, le Sénat a plafonné à 10 000 euros le montant total des amendes.

Un plafonnement est envisageable, mais les amendes doivent rester dissuasives. Je propose donc de fixer le plafond à 5 % du chiffre d’affaires.

M. le président Gilles Carrez. Vous n’avez pas la main légère !

Mme la rapporteure pour avis. De fait, certaines entreprises font obstruction aux contrôles ; mais le plafond proposé est si élevé que les amendes ne risquent guère de l’atteindre…

M. le président Gilles Carrez. La loi, si elle veut rester crédible, doit rester raisonnable.

Mme Arlette Grosskost. Si les documents ne sont pas transmis à l’administration fiscale, celle-ci n’est-elle pas en droit de rejeter la comptabilité de l’entreprise ?

Mme la rapporteure pour avis. La comptabilité des entreprises visées est souvent complexe, si bien que le contrôle prend du temps ; aussi les agents de l’administration fiscale préfèrent-ils prendre copie des pièces pour les examiner ultérieurement ; mais certaines entreprises s’y opposent.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 bis C sans modification.

Article 11 bis DA (nouveau)
(art. L. 64 du livre des procédures fiscales)

Facilitation de la caractérisation de l’abus de droit en matière fiscale

Issu de l’adoption par le Sénat d’un amendement de M. Éric Bocquet, l’article 11 bis DA a pour objet de faciliter la caractérisation de l’abus de droit en matière fiscale. Actuellement, l’article L. 64 du livre des procédures fiscales dispose que l’abus de droit est caractérisé lorsque les actes en cause « n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales » de l’intéressé. Ainsi, cette notion permet à l’administration fiscale de ne sanctionner que les actes dont l’apparente régularité juridique dissimule leur objet véritable et exclusif : l’évitement de l’impôt.

La modification introduite par le Sénat vise à assouplir cette définition de l’abus de droit en faisant du motif précité une condition non plus exclusive mais « essentielle » dans la démarche du contribuable. Autrement dit, l’abus de droit pourra être caractérisé même si le contribuable n’a pas agi dans le seul et unique but d’échapper à l’impôt. La formulation retenue prend en compte la jurisprudence communautaire, compte tenu de la décision « Halifax » rendue par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) le 21 février 2006 en matière de TVA, et portant sur la définition d’une pratique abusive. Pour la Cour, la constatation de l’existence d’une pratique abusive exige cumulativement que les manœuvres aient pour résultat l’obtention d’un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire à l’objectif de des dispositions légales et que les opérations en cause aient pour but essentiel l’obtention d’un avantage fiscal

Le Gouvernement avait émis un avis défavorable à l’amendement de M. Bocquet, au motif que l’article posait un problème juridique tenant à la nécessité de définir la notion de « motif essentiel » pour déterminer ce qui, dans des actes, relève de la volonté d’éluder ou d’atténuer des charges fiscales. Le Gouvernement souhaitait donc disposer d’un « tout petit délai pour accomplir ce travail de rigueur juridique, afin d’aboutir à un dispositif législatif parfaitement maîtrisé et parfaitement pertinent ».

Il convient de rappeler que l’abus de droit est lourdement sanctionné, le contribuable subissant :

– le rétablissement de l’impôt normalement dû ;

– le paiement d’intérêts de retard à hauteur de 0,40 % par mois ;

– une majoration égale à 80 % des sommes lorsqu’il est établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire (ramenée à 40 % lorsqu’une telle preuve n’a pu être apportée).

L’initiative sénatoriale va dans le sens du rapport d’information précité sur l’optimisation fiscale des entreprises dans un contexte international. Dans sa proposition n° 1, le rapport suggère en effet de « renforcer la portée de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales en précisant que les actes constitutifs d’un abus de droit n’ont pas « exclusivement » mais « principalement » pour but d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que le contribuable aurait normalement supportées ».

La rapporteure estime qu’il est essentiel, dès le présent projet de loi, de mettre en application cette recommandation et propose de conserver cet article.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 bis DA sans modification.

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Article 11 bis D
(art. 223 
quinquies B [nouveau] du code général des impôts)
Institution d’une obligation de transmission annuelle de documentation sur les prix de transfert

Le présent article, introduit par l’Assemblée nationale en séance publique par un amendement de Mme Karine Berger, sous-amendé par la rapporteure, a pour objet de renforcer les obligations des entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un certain seuil, en matière de documentation des prix de transfert. La mise à disposition de cette documentation auprès de l’administration fiscale lors d’une vérification de comptabilité, prévue par l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales, est ainsi transformée en transmission systématique de cette documentation, avec une périodicité annuelle.

Un amendement, déposé par M. François Marc, rapporteur pour avis de la commission des Finances, et adopté en séance publique au Sénat, vise à faire figurer cette nouvelle obligation déclarative au sein du code général des impôts. Le dispositif qui en résulte prévoit que les entreprises mentionnées à l’article L. 13 AA précité sont tenues de fournir chaque année différentes informations, notamment la description générale de leur politique de prix de transfert et un état récapitulatif des opérations réalisées avec d’autres entreprises associées lorsque le montant agrégé par nature de transactions est supérieur à 100 000 euros.

La rapporteure propose de conserver les modifications de précision et de codification introduites par le Sénat.

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 23 de la rapporteure pour avis.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 bis D modifié.

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Article 11 bis G (nouveau)
(art. L. 190 du livre des procédures fiscales)

Simplification du délai de recours en matière de contestation d’impositions fondée sur une erreur de droit révélée par une décision juridictionnelle ou par un avis rendu au contentieux

Issu d’un amendement du Gouvernement adopté en séance publique au Sénat, le présent article vise à préciser les dispositions réformant les actions en répétition de l’indu des créances fiscales, adoptées par le Parlement dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2012. Cette réforme avait permis d’unifier les délais contentieux des actions en restitution, remboursement d'impositions indues ou relatives à l'exercice de droits à déduction.

Afin d’éviter toute confusion entre les délais de réclamation, qui sont fixés par la voie réglementaire, et la période de prescription sur laquelle peut porter le remboursement, le présent article indique expressément dans l’article 190 du livre des procédures fiscales le délai de prescription de deux ans des actions en répétition de l’indu des créances d’origine fiscale, conformément à l’objectif de la réforme déjà validée par le Parlement. Cette précision ne modifie pas l’économie générale du dispositif adopté par le Parlement en 2012.

La rapporteure propose le maintien de cet article.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 bis G sans modification.

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Article 11 bis
(art. 64 et art. 413 et 416 [nouveaux] du code des douanes ; art. L. 38 du livre des procédures fiscales ; art. 1735 
quater du code général des impôts)
Modernisation de la procédure de droit de visite de la douane par des dispositions spécifiques aux perquisitions informatiques

Introduit à l’initiative de la rapporteure lors de l’examen en commission à l’Assemblée, le présent article a pour objet d’étendre aux douanes les dispositions que la dernière loi de finances rectificative pour 2012 (5) prévoit pour la direction générale des finances publiques en matière de modernisation de la procédure de droit de visite et de saisie. Ces dispositions permettent notamment aux agents d’avoir communication de données figurant sur des serveurs, et donc accessibles à partir du système informatique présent sur le lieu de la saisie sans être directement détenues sur le lieu de la visite.

Un amendement de M. François Marc, rapporteur pour avis, adopté en commission au Sénat est venu compléter cet article en introduisant dans le code des douanes les dispositions prévues dans le code général des impôts, à l’article 1735 quater, en matière de sanctions pour opposition aux opérations de contrôle.

La rapporteure propose de conserver ces modifications de coordination introduites par le Sénat.

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La Commission adopte les amendements rédactionnels CF 24, CF 25 et CF 26 de la rapporteure pour avis.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 bis modifié.

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Article 11 quinquies
(art. L. 84 D et L. 84 E [nouveaux] du livre des procédures fiscales)

Possibilité pour l’administration fiscale d’obtenir la communication de documents ou d’informations détenus par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou l’Autorité des marchés financiers dans le cadre de leurs missions

Le présent article est issu d'un amendement du rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, M. Christian Eckert, qui visait à prévoir la communication par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) à l'administration fiscale, sur sa demande, de toute information que l’ACPR pourrait détenir dans le cadre de ses missions.

L’article ainsi introduit en commission des Finances, puis des Lois, a été amendé en séance publique à l’initiative du Gouvernement, afin que l’ACPR soit tenue de procéder de façon spontanée, et non sur demande de l’administration fiscale, à la communication de tout document ou information qu'elle détient dans le cadre de ses missions. Cette communication serait toutefois limitée aux informations ou documents qu'elle a transmis à TRACFIN ou, par la voix de son président, au procureur de la République, en ce qu’ils concernent « les sommes ou opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une fraude fiscale lorsqu'il y a présence d'au moins un critère défini par décret », comme indiqué au II de l'article L. 561-15 du code monétaire et financier. Par ailleurs, ces informations ne peuvent pas concerner des documents ou des informations reçus d'une autorité étrangère chargée d'une mission similaire à celle de l'ACPR, sauf accord préalable de cette autorité.

Lors de l’examen en commission au Sénat, un amendement de M. François Marc a été adopté, afin de soumettre l'Autorité des marchés financiers (AMF) à un droit de communication de l'administration fiscale. Cette communication n’est cependant pas limitée aux informations transmises par l’AMF à TRACFIN ou à la justice, contrairement au dispositif adopté par l’Assemblée en séance pour l’ACPR. En revanche, comme pour l’ACPR, les informations transmises par les homologues étrangères de l'AMF sont exclues de son champ, sauf accord de celles-ci, afin de ne pas nuire aux échanges d'informations portant sur le contrôle des marchés financiers.

La rapporteure propose de conserver les dispositions relatives à l’AMF introduites par le Sénat.

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La Commission examine l’amendement CF 31 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. J’avais insisté, en première lecture, pour que l’administration fiscale puisse accéder aux informations recueillies par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR. Après discussion, il a été décidé de restreindre cette possibilité aux informations que l’ACPR est tenue de communiquer à la justice ou à Tracfin.

Or, le Sénat a complété cette partie du texte par un amendement relatif à l’Autorité des marchés financiers (AMF), sans apporter les mêmes restrictions. Je suggère donc de nous aligner sur cette disposition pour l’ACPR, qui peut à mon sens aider l’administration fiscale à mieux appréhender l’organisation de la fraude, que de récentes affaires ont révélée.

M. le président Gilles Carrez. Que pense le président de l’ACPR de cet amendement ?

M. le rapporteur général. Je dois rencontrer les représentants de cette autorité dans les prochains jours ; elle se conformera bien entendu à la loi. Sont exclues de l’obligation de transmission les informations reçues d’homologues étrangers, sauf accord de leur part, afin de respecter les conventions internationales, même si nous espérons tous la mise en place de procédures d’échanges automatiques d’informations en matière fiscale.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure pour avis, la Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Elle examine ensuite l’amendement CF 17 de la rapporteure pour avis.

Mme la rapporteure pour avis. Il s’agit d’un amendement d’harmonisation rédactionnelle.

La Commission adopte l’amendement CF 17.

La Commission en vient à l’examen de l’amendement CF 32 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement permettrait de clarifier les pouvoirs de contrôle et d’investigation des présidents et rapporteurs généraux des commissions des Finances de l’Assemblée et du Sénat.

Dans le cadre de mes investigations sur l’affaire UBS, j’ai demandé à l’ACPR de me transmettre les rapports d’inspection ; elle s’est alors montrée réticente, arguant notamment du secret professionnel et des procédures en cours. Je n’ai pas insisté, dans l’attente de la décision de la commission des sanctions qui a d’ailleurs condamné UBS à une amende de 10 millions d’euros. Depuis, les dirigeants d’UBS m’ont adressé deux lettres comminatoires pour se plaindre qu’un parlementaire s’intéresse à ces affaires, qu’ils considèrent comme couvertes par le secret professionnel. La démarche est pour le moins cavalière, surtout quand on connaît le sujet et que l’on a lu l’ouvrage qu’Antoine Peillon lui a consacré… Je n’ai bien entendu pas répondu à ces courriers. Quoi qu’il en soit, cet amendement permettrait de lever toute ambiguïté sur la possibilité, pour les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances parlementaires, d’obtenir des informations auprès de l’ACPR, notamment en matière de fraude fiscale.

Mme la rapporteure pour avis. Avis très favorable.

M. Charles de Courson. Je suis favorable à cet amendement, mais les quatre parlementaires visés sont-ils, pour leur part, tenus au secret ?

M. le rapporteur général. Oui, bien entendu.

M. Charles de Courson. Le fait que de telles informations ne puissent être mentionnées dans leurs rapports pose problème : ne faudrait-il pas compléter l’amendement pour qu’elles puissent l’être, non lorsqu’elles visent des cas individuels, bien sûr, mais lorsqu’elles portent sur des mécanismes généraux ?

M. le rapporteur général. La disposition se cale sur les usages en matière de secret fiscal. Le président Gilles Carrez et moi-même avons eu à examiner certains dossiers fiscaux ; nous en avons tiré des enseignements sans pour autant faire de révélations individuelles. Mon rapport sur la liste HSBC, par exemple, ne trahit jamais le secret fiscal…

M. le président Gilles Carrez. Ce point ne me semble effectivement pas poser de problème.

M. Yann Galut, rapporteur de la commission des Lois. Cet amendement nous permet de souligner le travail effectué en la matière par le rapporteur général. Il convient de tirer les enseignements législatifs des dysfonctionnements de l’AMF et de l’ACPR dans certaines affaires, et de réfléchir en particulier aux modalités de nomination.

On peut s’interroger sur le fonctionnement de ces organismes, comme, par exemple, sur le montant de l’amende – 10 millions d’euros – à laquelle a été condamnée UBS, notamment au regard d’autres affaires analogues, ayant donné lieu à des sanctions, à l’étranger.

M. Henri Emmanuelli. Je m’interroge beaucoup, moi aussi, sur les autorités dites « indépendantes », où la cooptation est parfois la règle. En tout cas, au regard des masses financières en jeu, la condamnation d’UBS à une amende de 10 millions d’euros peut prêter à sourire.

Les parlementaires qui ont accès à certaines informations, dans ce domaine comme dans d’autres – tels que le secret-défense –, sont astreints à la confidentialité. Je ne comprends donc pas, monsieur de Courson, votre réserve sur cet amendement.

M. Charles de Courson. Je le soutiens, mais souhaite seulement que les parlementaires concernés puissent transmettre, fût-ce dans des réunions à huis clos, les informations collectées. Certaines personnes, que j’ai auditionnées dans le cadre d’autres fonctions, m’ont déclaré que je n’avais pas le droit de rendre compte de certaines informations à la commission des Finances ; à quoi j’ai répondu que cette objection contrevenait à la Constitution française.

M. le rapporteur général. Je suis scandalisé par la lettre que m’ont adressée les dirigeants d’UBS, pour m’interroger sur les détails, le contenu et même la durée d’une conversation que j’ai pu avoir dans le cadre de mes fonctions de contrôle, avec des représentants de l’ACPR – j’ai publié ce courrier sur mon blog. Les mêmes dirigeants m’ont ensuite adressé un second courrier pour me reprocher d’avoir publié le montant de l’amende, 10 millions d’euros – je rappelle que le montant maximal était fixé à 50 millions, puisque la majoration à 100 millions n’est intervenue qu’après la commission des faits. Je serais en tout cas favorable à une majoration du montant de ces amendes.

UBS a bien entendu fait appel de cette sanction, nous verrons ce qu’il en advient. Reste que nous devons réfléchir aux missions de l’ACPR – je rencontrerai prochainement Mme Nouy, secrétaire générale de cette autorité, pour en parler –, qui incluent le contrôle de la liquidité, de la solvabilité et des ratios des banques : elle s’en acquitte bien, et sans doute mieux que certains de ses homologues de pays voisins, mais ses investigations devraient aller au-delà, car d’autres affaires montreront sans doute que les pratiques constatées chez UBS perdurent. Or, l’ACPR semble considérer que ce n’est pas son rôle. Ses personnels ont pourtant toutes les compétences requises, d’autant que leurs audits les conduisent nécessairement à observer certaines pratiques. Bref, il convient de préciser les missions de cette autorité, en complétant au besoin l’ordonnance qui les a initialement définies.

Mme Valérie Rabault. Je souscris pleinement à ces remarques. Pour détecter l’évasion fiscale, il faut s’intéresser aux moyens qu’elle utilise, notamment à travers des montages de produits dérivés ; or, l’ACPR est sans doute la seule à pouvoir le faire : l’administration fiscale n’est à mon avis pas armée pour le faire. La transmission des informations concernées, notamment via ses rapports de grande qualité, me semble un premier pas important.

M. Charles de Courson. Les personnels – dirigeants compris – de cette noble institution sont-ils tenus aux dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale ?

M. le rapporteur général. En tout état de cause, lorsque, dans le cadre de l’affaire UBS, l’ACPR a eu connaissance de faits délictueux, elle les a transmis à la justice : on ne peut rien lui reprocher sur ce point. Cependant, à côté de l’autorité judiciaire et de l’administration fiscale, elle constitue le troisième pilier de la lutte contre la fraude fiscale : elle doit donc jouer un rôle plus important en ce domaine, même si ce rôle n’est encore ni dans la loi, ni dans sa culture.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 quinquies modifié.

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Article 11 sexies (supprimé)
(art. L. 230 du livre des procédures fiscales)

Allongement de trois à six ans du délai pendant lequel l’administration fiscale peut déposer plainte pour fraude fiscale

Issu de l’adoption par la commission des Lois de l’Assemblée d’un amendement de M. Éric Alauzet, cet article avait pour objet d’allonger de trois à six ans le délai pendant lequel l’administration fiscale peut déposer plainte pour fraude fiscale. Il a été supprimé par le Sénat, à l’initiative du rapporteur de la commission des Lois du Sénat, M. Alain Anziani, au motif qu’il serait contraire à la cohérence des prescriptions de notre droit pénal, en donnant lieu à une dissociation entre les délais applicables à la fraude fiscale et ceux, inchangés, applicable aux délits qui lui sont connexes. Au regard de ces arguments, qui apparaissent pertinents, la rapporteure propose de ne pas revenir sur cette suppression.

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La Commission examine l’amendement CF 5 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je propose de rétablir cet article dans la rédaction votée par l’Assemblée sur le délai de prescription pour le délit de fraude fiscale, afin de le prolonger de trois à six ans.

Mme la rapporteure pour avis. Bien qu’ayant donné un avis favorable en première lecture, je suis obligée de faire part de ma réserve : le rapporteur de la commission des Lois, au Sénat, a observé que cet amendement créait un délai de prescription n’ayant pas d’analogie pour d’autres délits connexes, ce qui compromettrait la cohérence de notre système de prescription pénale.

M. le président Gilles Carrez. Cette réserve me semble tout à fait fondée.

M. Éric Alauzet. C’est la première fois que j’entends un tel argument. Les débats au Sénat ne contiennent aucune explication sur ce point : seule est mentionnée la suppression de l’article.

Évitons de fragiliser la lutte contre la fraude fiscale ; peut-être, s’il existe des divergences, faudrait-il aligner tous les régimes de prescription sur celui que je propose. Lorsqu’il y a dissimulation, il faut du temps pour établir les faits. J’aimerais donc avoir quelques éclaircissements d’ici à l’examen en séance.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 sexies sans modification.

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Article 11 octies A (nouveau)
(art. L. 152-4 du code monétaire et financier)

Retenue de documents en cas de manquement à l’obligation de déclaration de mouvements transfrontaliers de capitaux

Le présent article, introduit à l’initiative de M. François Marc, rapporteur pour avis, lors de l’examen en commission par le Sénat, vise à permettre aux agents des douanes, en cas de constatation d'un manquement à l'obligation de déclaration de mouvements transfrontaliers de capitaux, de retenir ou de prendre copie des documents relatifs aux sommes en infraction. De tels documents seront en effet utiles aux investigations qui pourront ensuite avoir lieu.

La rapporteure propose de conserver cet article introduit par le Sénat.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 octies A sans modification.

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Article 11 decies A (nouveau)
(art. 57 
bis [nouveau] du code général des impôts)
Fiscalisation des « marges arrières » des distributeurs

Le présent article, introduit par le Sénat à l’initiative de M. Jean Arthuis en séance publique, porte sur la fiscalisation des « marges arrière » concernant les relations commerciales entre les fournisseurs et les distributeurs, notamment dans le secteur de la grande distribution. Il vise à imposer en France ces paiements lorsqu’ils sont perçus sous forme de redevances à travers des entités situées à l’étranger. Cette disposition vise à remédier à un réel problème, d’une ampleur incontestable. Toutefois, elle pourrait se heurter à des difficultés de compatibilité avec le droit communautaire, en conduisant à traiter de manière défavorable les entreprises qui réalisent des opérations par le biais de filiales ou d’implantations à l’étranger par rapport à des situations strictement internes. De telles dispositions pourraient par ailleurs mieux trouver leur place en projet de loi de finances.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 decies A sans modification.

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Article 11 decies (nouveau)
(art. L. 10-0 A du livre des procédures fiscales)

Possibilité d’examiner des relevés de compte de contribuables ayant omis de déclarer des comptes bancaires à l’étranger hors ESFP

Le présent article, issu d'un amendement au Sénat, de M. François Marc, rapporteur pour avis, au Sénat adopté en commission, a pour objet de renforcer l'efficacité du dispositif prévu à l'article L. 10-0 A du livre des procédures fiscales, en permettant à l'administration d'examiner, en dehors d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle (ESFP) ou d'une vérification de comptabilité, les relevés de compte des contribuables ayant omis de déclarer des comptes bancaires ou des contrats d'assurance-vie souscrits à l'étranger.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 10-0 A précité prévoit que les relevés de compte sont demandés auprès de tiers. Le présent article l'élargit aux cas où les relevés de compte sont produits spontanément par des tiers (notamment par l'autorité judiciaire).

La rapporteure propose de conserver cet article, qui élargit opportunément la portée de l’article L. 10-0 A précité.

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 27 de la rapporteure pour avis.

Puis elle un avis favorable à l’adoption de l’article 11 decies modifié.

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Article 11 undecies (nouveau)
(art. L. 188 A du code général des impôts)

Allongement des délais de reprise de l’administration fiscale en cas d’évasion fiscale

Le présent article, également issu d'un amendement de M. François Marc, rapporteur pour avis, adopté en commission au Sénat, vise à modifier les règles relatives au délai de reprise dont dispose l’administration pour exercer son pouvoir de redressement des impôts. Actuellement, l’article L. 188 A du livre des procédures fiscales, prévoit que lorsque l’administration a, dans le délai initial de reprise, effectué une demande internationale de renseignements, elle peut réparer les insuffisances d’imposition, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réponse à la demande et au plus tard jusqu'à la fin de la cinquième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. Or, désormais, les délais de reprise peuvent aller jusqu’à dix ans pour les cas les plus frauduleux en matière d'évasion fiscale (comptes non déclarés à l'étranger, activités occultes, etc.). Le présent article supprime donc la limitation du délai de reprise à 5 ans et généralise l’application de l’article L. 188 A à tous les types de transactions et flux commerciaux ou financiers.

Cette dérogation aux règles de droit commun reste limitée dans sa portée, la prorogation du délai de reprise ne portant que sur les impôts afférents aux éléments faisant l'objet de la demande d'assistance administrative. La rapporteure propose de conserver cet article.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 undecies sans modification.

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Article 11 duodecies (nouveau)
(art. 1728, 1731 
bis et 1840 C du code général des impôts)
Renforcement de la sanction du défaut de production de la déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune en cas d’actifs dissimulés à l’étranger

Le présent article, introduit en commission au Sénat à l’initiative de M. François Marc, rapporteur pour avis, vise à renforcer les pénalités applicables en cas de défaut de déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) lorsque des avoirs ont été dissimulés à l’étranger, que ce soit sous la forme de comptes bancaires ou de contrats d’assurance-vie.

En l’état actuel du droit, lorsque la révélation d’actifs non déclarés à l’étranger rend le contribuable imposable à l’ISF, seule une majoration de 10 % sur le montant des sommes dont le paiement a été éludé trouve à s’appliquer, alors que cette majoration s’élève à 40 % quand le contribuable est d’ores et déjà assujetti à l’ISF. Le présent article vise à harmoniser ces pénalités, en portant la majoration applicable de 10 % à 40 % lorsque le dépôt de la déclaration d’ISF fait suite à la révélation d’avoirs dissimulés à l’étranger.

La rapporteure propose de conserver cet article introduit par le Sénat, qui assure une meilleure coordination des sanctions en matière de dissimulation d’actifs à l’étranger.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 duodecies sans modification.

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Article 11 terdecies (nouveau)
(art. 1763 et art. 1763 A [nouveau] du code général des impôts)

Renforcement des sanctions applicables en cas de manquement des entreprises à leurs obligations déclaratives

Adopté à l’initiative de M. François Marc, rapporteur pour avis, en commission au Sénat, le présent article vise à inciter les entreprises à respecter leurs obligations déclaratives à l’égard de l’administration fiscale. En l’état actuel du droit, les manquements à ces obligations ne font pas l’objet de sanctions véritablement dissuasives, puisqu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts, le défaut de production dans les délais prescrits d’un document qui doit être remis à l’administration fiscale est sanctionné par une amende de 150 euros, tandis qu’une amende de 15 euros est appliquée pour chaque omission ou inexactitude constatée dans un tel document.

Le présent article tend à créer la possibilité de mettre une entreprise en demeure de produire les éléments déclaratifs relatifs à ses actionnaires et à ses filiales et participations. Pour chaque manquement constaté après mise en demeure, une sanction de 1 500 euros ou de 10 % des droits rappelés, si ce dernier montant est plus élevé, s’appliquerait alors.

De même, est créée par le présent article une sanction spécifique applicable aux entreprises relevant de l’article 209 B du code général des impôts, c’est-à-dire les entreprises françaises dont, par exception au principe de territorialité de l’impôt sur les sociétés, les bénéfices réalisés hors de France peuvent être soumis à cet impôt en France, sous réserve que ces bénéfices soient réalisés dans un État ou territoire à fiscalité privilégié – l’application de l’article 209 B pouvant être écartée lorsque la société prouve que son implantation à l’étranger a principalement un objet et un effet autre que de permettre la localisation de bénéfices dans un État à fiscalité privilégiée. En cas de manquement après mise en demeure de produire les éléments relatifs aux sociétés étrangères contrôlées bénéficiant d’un régime fiscal privilégié, une amende de 1 500 euros par manquement constaté s’appliquerait ou, si le montant est supérieur, la majoration de 40 % ou 80 % prévue aux articles 1728 ou 1729 du code général des impôts.

La rapporteure propose là encore de conserver cet article introduit par le Sénat, qui doit permettre un meilleur respect par les entreprises de leurs obligations déclaratives.

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La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 terdecies sans modification.

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Enfin, elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle s’est saisie, modifiées.

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