N° 1400 - Rapport de M. Michel Issindou sur le projet de loi , après engagement de la procédure accélérée, garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (n°1376)



N° 1400

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 2 octobre 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI garantissant l’avenir et la justice du système de retraites,

(Procédure accélérée)

PAR M. Michel ISSINDOU,

Député.

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1376 et 1397.

INTRODUCTION 9

I. LES RÉFORMES DE 2003 ET 2010 ONT ÉCHOUÉ À GARANTIR L’ÉQUILIBRE DE NOS RÉGIMES DE RETRAITES EN 2020 11

A. LES RÉFORMES DE 2003 ET 2010 AVAIENT POUR OBJECTIF DE GARANTIR L’ÉQUILIBRE DES RÉGIMES À L’HORIZON 2020 11

B. LES PERSPECTIVES FINANCIÈRES PRÉSENTÉES PAR LE CONSEIL D’ORIENTATION DES RETRAITES EN DÉCEMBRE 2012 13

1. Les hypothèses démographiques et économiques 14

2. Un besoin de financement important à court terme 16

3. L’évolution du besoin de financement des retraites à long terme 18

4. Les conditions de l’équilibre présentées dans l’abaque du COR 18

C. UN SYSTÈME COMPLEXE QUI ENTRETIENT, VOIRE AGGRAVE, CERTAINES INÉGALITÉS 20

1. Un système extrêmement complexe 20

2. Un système redistributif… 22

3. … qui entretient cependant certaines inégalités 23

II. LA RÉFORME PROPOSÉE PERMET LE RETOUR À UN ÉQUILIBRE DURABLE 25

A. L’ÉQUILIBRE À COURT TERME (2020) REPOSE SUR UN EFFORT ÉQUITABLEMENT RÉPARTI ENTRE ACTIFS, RETRAITÉS ET EMPLOYEURS 25

1. Des mesures de recettes équitablement réparties 25

a) Une hausse modérée du taux des cotisations dues par les actifs et les employeurs 25

b) Un effort de solidarité raisonnable demandé aux retraités 26

c) Des économies de gestion demandées aux régimes de retraite 27

2. Des mesures de justice qui s’autofinancent à court terme 28

3. Le redressement des comptes du régime général 30

B. L’ÉQUILIBRE À LONG TERME (2040) REPOSE SUR UN ALLONGEMENT MODÉRÉ DE LA DURÉE D’ASSURANCE DANS TOUS LES RÉGIMES 30

1. Les perspectives démographiques 30

2. L’allongement de la durée d’assurance 31

III. UNE RÉFORME STRUCTURELLE QUI RENDRA NOTRE SYSTÈME DE RETRAITES PLUS JUSTE 35

A. LA PRÉVENTION ET LA COMPENSATION DE LA PÉNIBILITÉ 35

1. Les dispositifs actuels de prise en compte de la pénibilité 36

2. La loi portant réforme des retraites de 2010 a créé de nouveaux outils de prise en compte de la pénibilité, dont le bilan est en demi-teinte 37

3. Le projet de loi propose une disposition qui allie prévention et compensation de la pénibilité 40

B. LES MESURES DE SOLIDARITÉ EN FAVEUR DES FEMMES, DES JEUNES ACTIFS ET DES CARRIÈRES HEURTÉES 42

1. Améliorer la retraite des femmes 42

a) Les droits familiaux ne luttent pas assez efficacement contre les inégalités entre hommes et femmes face à la retraite 42

b) Les mesures en faveur des femmes proposées par le projet de loi 44

2. Faciliter l’acquisition de droits à la retraite pour les jeunes 46

a) Permettre aux apprentis de valider tous leurs trimestres 47

b) Encourager les rachats d’années d’études 47

c) Prendre en compte les stages ? 48

3. L’atténuation des conséquences sur la retraite des carrières heurtées 48

a) Étendre la validation des périodes de formation professionnelle et de chômage non indemnisé 48

b) L’élargissement des trimestres pris en compte dans le cadre du dispositif « carrière longue » 49

C. L’AMÉLIORATION DE LA RETRAITE DES EXPLOITANTS AGRICOLES 49

1. Des retraites agricoles encore faibles malgré une décennie d’efforts 49

2. Les leviers d’amélioration retenus 50

3. La pérennité du régime agricole 52

D. L’AMÉLIORATION DE LA RETRAITE DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS ET DES AIDANTS 52

1. Les pensions des personnes handicapées 52

a) Les droits actuels 52

b) Les dispositions du projet de loi 54

2. Les retraites des aidants familiaux 55

E. LES MESURES EN FAVEUR DE L’EMPLOI DES SENIORS 55

1. Bilan de la situation 56

2. Les mesures proposées par le projet de loi 57

a) L’extension de la retraite progressive 57

b) L’aménagement du cumul emploi-retraite 57

IV. UNE RÉFORME QUI POSE LES BASES D’UN PILOTAGE GLOBAL ET D’UNE SIMPLIFICATION DES RÉGIMES DE RETRAITE 59

A. LA MISE EN PLACE D’UN MÉCANISME DE PILOTAGE GLOBAL DU SYSTÈME DE RETRAITE 59

B. AMÉLIORER LA GOUVERNANCE DE CERTAINS RÉGIMES 60

C. VERS UNE SIMPLIFICATION DE L’ENSEMBLE DU SYSTÈME 62

1. L’amélioration du droit à l’information 62

2. L’amélioration des règles de calcul de la retraite des polypensionnés 63

3. La mise en place d’un GIP pour coordonner la simplification inter-régimes 64

a) Le pilotage de la simplification inter-régimes 65

b) Mutualiser le service des petites pensions 65

TRAVAUX DE LA COMMISSION 67

I.- AUDITIONS ORGANISÉES PAR LA COMMISSION 67

II.- AUDITION DU MINISTRE 117

III.- EXAMEN DES ARTICLES 147

Article 1er(art. L. 111-2-1 et L. 161-17 A du code de la sécurité sociale) : Principes et objectifs de l’assurance vieillesse 147

Après l’article 1er 157

TITRE IER : ASSURER LA PÉRENNITÉ DES RÉGIMES DE RETRAITE 161

Avant l’article 2 161

Article 2 (art. L. 161-17-3 [nouveau] du code de la sécurité sociale, art. 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, art. L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite et art. L 732-25 du code rural et de la pêche maritime) : Détermination de la durée d’assurance tous régimes 167

Après l’article 2. 182

Article 3 (art. L. 114-2, L. 114-4, L. 114-4-2, L. 114-4-3 et L. 135-6 du code de la sécurité sociale) : Mécanisme de pilotage du système de retraite 188

Après l’article 3 215

Article 4 (art. L. 161-23-1, L. 341-6 et L. 816-2 du code de la sécurité sociale et art. L. 28, L. 29, L. 30, L. 30 bis, L. 30 ter, L. 34 et L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite) : Report au 1er octobre de la revalorisation annuelle des pensions 223

Après l’article 4 244

Article 4 bis (nouveau) (art. L. 5552-20 du code des transports) : Modalités de revalorisation des pensions des marins 246

Après l’article 4 247

TITRE II RENDRE LE SYSTÈME PLUS JUSTE 254

Chapitre Ier : Mieux prendre en compte la pénibilité au travail 254

Avant l’article 5 254

Article 5 (art. L. 4161-1 [nouveau] du code du travail) : Fiche de prévention des expositions 255

Après l’article 5 : 269

Article 5 bis (nouveau) : Rapport du Gouvernement sur la pénibilité 270

Après l’article 5 : 271

Article 6 (art. L. 4162-1 à L. 4162-16 [nouveaux] du code du travail) : Compte personnel de prévention de la pénibilité 272

Article 6 bis (nouveau) (art. L. 1422 du code de la sécurité sociale et L. 2611 du code de l’organisation judiciaire) : Contentieux lié au dispositif de prise en compte de la pénibilité 306

Article 7 (art. L. 6111-1 du code du travail) : Abondement du compte personnel de formation par le compte personnel de prévention de la pénibilité 307

Article 8 (art. L. 4163-1 à L. 4163-4 [nouveaux] du code du travail) : Accords en faveur de la prévention de la pénibilité 309

Article 9 (art. L. 161-17-4 et L. 351-6-1 [nouveaux] du code de la sécurité sociale) : Majoration de la durée d’assurance au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité 310

Article 9 bis (nouveau) (loi n° 20101330 du 9 novembre 2010) : Requalification des mesures de la loi du 9 novembre 2010 relatives à la prise en compte d’une incapacité permanente 311

Article 10 (art. 86 et 88 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites) : Date d’entrée en vigueur des dispositions relatives à la prise en compte de la pénibilité 312

Chapitre II : Favoriser l’emploi des seniors 313

Article 11 (art. L. 351-15 du code de la sécurité sociale) : Extension de la retraite progressive 313

Article 12 (art. L. 161-22 ; L. 161-22-0-1 [nouveau] ; L. 634-6 et L. 643-6 ; L. 723-11-1 du code de la sécurité sociale et L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite) : Cumul emploi-retraite 315

Chapitre III : Améliorer les droits à la retraite des femmes, des jeunes actifs et des assurés à carrière heurtée 320

Article 13 : Préparation de la refonte des majorations de pension pour enfants 320

Après l’article 13 324

Article 13 bis (nouveau)  : Rapport sur les pensions de réversion 324

Article 14 (art. L. 351-2 du code de la sécurité sociale) : Modification des modalités d’acquisition de trimestres d’assurance vieillesse 325

Après l’article 14. 333

Article 15 (art. L. 351-1-1, L. 634-3-2, L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale et art. L. 732-18-1 du code rural et de la pêche maritime) : Élargissement des trimestres réputés cotisés pour le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue 335

Article 16 (art. L. 351-14-1, L. 634-2-2, L. 643-2 et L. 723-10-3 du code de la sécurité sociale, art. L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite et art. L. 732-27-1 du code rural et de la pêche maritime) : Aide au rachat d’années d’études à destination des jeunes actifs 340

Après l’article 16 344

Article 17 (art. L. 6243-2 et L. 6243-3 du code du travail et art. L 135-2 du code de la sécurité sociale) : Prise en compte des périodes d’apprentissage au titre de l’assurance vieillesse 352

Article 18 (art. L. 135-2 et L. 351-3 du code de la sécurité sociale) : Validation des périodes de formation des demandeurs d’emploi 356

Article 19 (art. L. 742-6 du code de la sécurité sociale et L. 722-17 du code rural et de la pêche maritime) : Amélioration des droits à pension des conjoints collaborateurs 358

Chapitre IV : Améliorer les petites pensions des non-salariés agricoles 360

Article 20 (art. L. 732-54-1 du code rural et de la pêche maritime) : Suppression de la condition de 17 ans et demi pour bénéficier de la pension majorée de référence au régime des non-salariés agricoles 360

Après l’article 20 361

Article 21 (art. L. 732-56, L. 732-60, L. 732.62 du code rural et de la pêche maritime) : Mesures relatives au régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles 362

Article 22 (art. L. 732-63 et L. 732-54-3-1 nouveaux du code rural et de la pêche maritime) : Mise en œuvre de la garantie « 75 % du SMIC » pour les exploitants agricoles 365

Après l’article 22 367

Chapitre V : Ouvrir des solidarités nouvelles en faveur des assurés handicapés et de leurs aidants 369

Article 23 (art. L. 351-1-3, L. 634-3-3, L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale, art. L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 24 du code des pensions civiles et militaires) : Élargir l’accès à la retraite anticipée pour les travailleurs handicapés 369

Article 24 (art. L. 351-8 du code de la sécurité sociale, art. L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite et art. 21 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites) : Extension de l’obtention de la retraite à taux plein dès l’âge légal pour les tous assurés justifiant de 50 % de taux d’incapacité permanent 372

Article 25 (art. L. 381-1, L. 753-6, L. 634-2, L. 643-1-1, L. 723-10-1-1 du code de la sécurité sociale, L. 732-38 du code rural et de la pêche maritime, art. L. 351-4-2 nouveau du code de la sécurité sociale) : Mieux reconnaître les droits à l’assurance vieillesse des aidants familiaux de personnes handicapées ou de personnes âgées dépendantes 374

TITRE III : SIMPLIFIER LE SYSTÈME ET RENFORCER SA GOUVERNANCE 375

Chapitre Ier : Simplifier l’accès des assurés à leurs droits 375

Article 26 (art. L. 161-17 du code de la sécurité sociale) : Création d’un compte individuel de retraite en ligne 375

Article 26 bis (nouveau) (art. L. 8157 du code de la sécurité sociale) : Amélioration de l’information des personnes éligibles à l’allocation de solidarité aux personnes âgées 379

Article 27 (art. L. 161-17-1, L. 161-1-6, L. 161-1-7, L. 161-17-1-1 [nouveau] et L. 161-17-1-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale) : Création d’une Union des institutions et services de retraite 381

Article 27 bis (nouveau) (art. L. 6, L. 7, L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite et article L. 161 17 2 du code de la sécurité sociale) : Réduction à deux ans de la durée des services effectifs nécessaire pour obtenir une pension militaire 386

Article 28 (art. L. 173-1-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale) : Calcul unifié de la retraite des polypensionnés des régimes alignés 388

Article 29 (art. L. 161-22-2 [nouveau], L. 173-1-3 [nouveau] et L. 351-9 du code de la sécurité sociale) : Mutualisation du service des petites pensions 392

Article 29 bis (nouveau) : Rapport sur l’application des conventions bilatérales en matière de retraites 395

Chapitre II : Améliorer la gouvernance et le pilotage des caisses de retraites 396

Article 30 : Organisation d’un débat annuel sur les orientations de la politique des retraites dans la fonction publique 396

Après l’article 30 398

Article 31 (art. L. 732-58, L. 732-59, L. 732-60 et L. 732-58-1, L. 732-60-1 nouveaux du code rural et de la pêche maritime) : Pilotage du régime complémentaire obligatoire du régime des non-salariés agricoles 398

Après l’article 31 400

Article 32 (art. L. 641-2, L. 641-5 du code de la sécurité sociale création des articles L. 641-3-1, L. 641-4-1 et L. 641-7 du code de la sécurité sociale) : Évolution des caisses des professions libérales 401

Article 33 (art. L. 137-11 du code de la sécurité sociale) : Externalisation des régimes à prestations définies mis en place par l’employeur 414

Après l’article 33 416

Article 34 : Habilitation à prendre par ordonnance les mesures d’harmonisation nécessaires à Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte 417

TABLEAU COMPARATIF 419

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 521

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 523

INTRODUCTION

Notre système de retraite par répartition connaît aujourd’hui un déséquilibre structurel qui met en péril sa pérennité.

Les réformes de 2003 et 2010, qui prétendaient garantir l’équilibre à l’horizon 2020, ont échoué, et la crise économique de ces dernières années a laissé des traces durables dans les comptes des régimes.

La conjugaison de l’arrivée à l’âge de la retraite des premières générations du baby-boom et de l’allongement de l’espérance de vie va sensiblement dégrader le rapport démographique entre actifs et retraités.

Face à cette situation, le rétablissement de l’équilibre des régimes est une exigence vis-à-vis des jeunes générations, à la fois pour ne pas reporter sur elles les déficits actuels et pour les assurer qu’elles bénéficieront elles aussi d’un taux de remplacement satisfaisant.

Pour conduire cette réforme, le Gouvernement a suivi une méthode en trois temps – le diagnostic, la concertation, la décision – gage de transparence et d’efficacité. La feuille de route arrêtée à l’issue de la grande conférence sociale de juillet 2012 a prévu une phase de diagnostic comprenant un état des lieux de notre système de retraite et de ses perspectives financières réalisé par le Conseil d’orientation des retraites (COR), puis un examen par une commission composée de personnalités qualifiées indépendantes chargée de formuler des propositions.

Le onzième rapport du COR publié en décembre 2012 présente les projections financières 2020, 2040 et 2060, et le douzième rapport de janvier 2013 dresse un état des lieux qualitatif de nos systèmes de retraites. Le rapport de la commission pour l’avenir des retraites, présidée par Yannick Moreau, formule un certain nombre de propositions visant à garantir la pérennité financière du système de retraites tout en le rendant plus juste.

Cette phase de diagnostic a permis de préparer la concertation avec les partenaires sociaux qui a eu lieu pendant l’été. Le Gouvernement a ensuite pris ses responsabilités et élaboré le projet de loi qui vous est soumis.

Ce texte poursuit trois objectifs : l’équilibre, l’équité et la simplification.

Il propose des mesures de recettes équitablement réparties, permettant de rétablir l’équilibre des régimes de retraite à court terme sans brutalité pour les générations proches de la retraite, et une correction de la trajectoire financière sur le long terme, grâce à un allongement de la durée d’assurance modéré et progressif. En outre, le projet de loi met en place un mécanisme de pilotage visant à alerter le Gouvernement et la représentation nationale en cas d’écarts par rapport à la trajectoire de redressement des comptes des régimes de retraite, et à proposer des mesures de correction au fil des ans. Il s’agit de mettre un terme à cette succession de grandes réformes anxiogènes, à chaque fois présentées comme définitives.

L’effort de redressement s’accompagne de mesures de justice visant notamment à améliorer les pensions des femmes et à faciliter l’acquisition de droits pour les jeunes générations.

Mesure phare du présent projet de loi, la prise en compte de la pénibilité, et non de l’invalidité, dans l’acquisition des droits à la retraite constitue une avancée majeure.

Enfin, parce que la confiance repose sur la transparence, le présent projet de loi vise aussi à simplifier le système, en particulier pour les polypensionnés, et à rapprocher les régimes à travers la mise en place d’une structure chargée de coordonner les projets de simplification.

Telles sont les lignes directrices de cette réforme responsable et équitable.

I. LES RÉFORMES DE 2003 ET 2010 ONT ÉCHOUÉ À GARANTIR L’ÉQUILIBRE DE NOS RÉGIMES DE RETRAITES EN 2020

La loi du 21 août 2003 (1) avait pour objectif de préserver l’équilibre de notre système de retraites jusqu’en 2020, par les mesures suivantes :

– alignement de la durée de cotisation de la fonction publique sur celle du régime général (2), de 37,5 à 40 annuités en 2008 ;

– augmentation progressive, à partir de 2008, de la durée de cotisation en fonction de l’allongement de l’espérance de vie, de façon à maintenir constant le rapport entre la durée de la vie active (deux tiers) et la durée moyenne de la retraite (un tiers), par génération (principe générationnel) : ainsi, la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein est passée de 160 trimestres (40 ans) pour la génération née en 1948, à 166 trimestres (41,5 ans) pour les générations nées en 1955 et 1956 ; ce mouvement devait se poursuivre jusqu’en 2020 avec la génération 1960 (à cette date, selon les projections disponibles, la durée d’assurance devrait atteindre 167 trimestres, soit 41,75 ans) ;

– indexation des pensions des fonctionnaires sur les prix, et non plus sur l’indice de la fonction publique ;

– incitations à l’emploi des seniors : instauration d’une surcote pour les personnes ayant atteint l’âge d’ouverture des droits et continuant à travailler au-delà de la durée d’assurance requise pour le taux plein, extension de la décote à la fonction publique pour les personnes liquidant leur retraite avant d’avoir rempli ces conditions, report de 60 à 65 ans de l’âge auquel un employeur peut mettre un salarié à la retraite d’office, limitation des préretraites.

Contrepartie de l’allongement de la durée de cotisation, la loi de 2003 a prévu un dispositif de prise en compte des carrières longues, permettant aux salariés ayant commencé à travailler entre 14 et 16 ans et ayant validé deux ans de plus que la durée de cotisation requise pour leur génération de liquider leur retraite à taux de plein de façon anticipée, avant 60 ans. Ce dispositif a connu un succès plus important que prévu, ce qui a atténué l’impact positif de la réforme sur les comptes des régimes de retraite, l’âge effectif moyen de départ en retraite diminuant dans le régime général après la réforme.

La réforme des régimes spéciaux de retraites a été conduite par le pouvoir réglementaire en 2008. Elle vise à aligner progressivement certains paramètres des régimes spéciaux (3) sur celui de la fonction publique. La durée d’assurance dans les régimes spéciaux est progressivement relevée de 37,5 à 40 ans en 2012, puis elle évolue comme celle des fonctionnaires, avec quelques années de décalage (166 trimestres en 2016). Le taux de cotisation est augmenté. À partir de 2009, les pensions sont indexées sur l’évolution des prix, et non plus des salaires des agents en activité. Enfin, sont instaurées la décote et la surcote. En revanche, l’âge d’ouverture des droits, propre aux régimes spéciaux, est maintenu. Si cette réforme conduit à ce que l’âge effectif moyen de départ recule peu à peu dans les régimes spéciaux, elle a un impact financier limité en raison des contreparties accordées aux salariés. Quoi qu’il en soit, le déficit de ces régimes s’explique essentiellement par leur déséquilibre démographique très important.

La réforme de 2003 n’a pas atteint son objectif d’équilibre en 2020. Le régime général est devenu déficitaire dès 2005, pour atteindre – 11 milliards d’euros en 2010. Dans son rapport d’avril 2010, élaboré dans le contexte de la crise économique et financière ayant débuté en 2008, le Conseil d’orientation des retraites (COR) estimait à 45 milliards d’euros en 2020 le besoin de financement de l’ensemble du système de retraites dans son scénario démographique et économique médian.

La loi du 9 novembre 2010 (4) était à nouveau censée garantir l’équilibre de l’ensemble du système de retraites en 2020 (et dès 2018), grâce à un ensemble de mesures d’économies et de recettes rapportant 45 milliards d’euros. En revanche, elle ne permettait pas de ramener le régime général à l’équilibre : déjà en 2010, on prévoyait un déficit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) de près de 4 milliards d’euros à cet horizon. Par ailleurs, elle ne visait pas à garantir l’équilibre du système au-delà de 2020.

La mesure phare de la loi de 2010 est le relèvement, sur une période assez courte et sans préavis, de l’âge d’ouverture des droits de 60 à 62 ans et de l’âge du taux plein de 65 à 67 ans à compter de la génération 1955, pour les salariés et non-salariés du secteur privé et pour la fonction publique (sauf pour les catégories actives, dont les bornes d’âge, plus basses, sont relevées de 2 ans, tout comme celles des régimes spéciaux à partir de 2017). Au total, en prenant en compte les conséquences pour les régimes complémentaires, les mesures d’âge de la réforme de 2010 devaient rapporter 20 milliards d’euros.

La réforme de 2010 a poursuivi, par ailleurs, la convergence entre la fonction publique et le régime général, à travers l’augmentation du taux de cotisation de fonctionnaires, la convergence du minimum garanti et du minimum contributif, la suppression de la possibilité de départ anticipé après 15 ans de services pour les mères de trois enfants. L’ensemble de ces mesures devait représenter une économie de 4,9 milliards d’euros en 2020.

La diversification des ressources du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devait permettre de rapporter 4,6 milliards d’euros en 2020 de nouvelles recettes fiscales et sociales.

Enfin, était organisé le transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) des dettes passées de la CNAV ainsi que de son déficit annuel jusqu’en 2018, année du retour à l’équilibre, moyennant le report à 2025 de l’amortissement total de la dette sociale. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a prévu le transfert courant 2011 d’un montant maximal de 68 milliards d’euros et le financement de la reprise progressive à compter de 2012 des déficits 2011 à 2018 de la branche vieillesse du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), dans la limite de 10 milliards d’euros par an et de 62 milliards d’euros au total.

Après deux années de reprise en 2010 et 2011, la croissance fut à nouveau nulle en 2012. L’augmentation du chômage pesant sur les comptes du FSV et réduisant l’assiette des cotisations vieillesse, il faudra finalement prendre de nouvelles mesures dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, qui prévoit une accélération du calendrier de report de l’âge légal de la retraite.

Les lois de finances rectificative du 16 août 2012 et de financement de la sécurité sociale pour 2013, ainsi que le décret du 2 juillet 2012 (5) ont apporté de nouvelles recettes substantielles au régime général et au FSV, permettant de redresser leurs comptes en 2012 et 2013.

Toutefois, les perspectives financières présentées par le Conseil d’orientation des retraites en décembre 2012 ont montré que, malgré la réforme de 2010 et les mesures d’urgence prises en 2012, le système ne s’équilibrerait pas à l’horizon 2020. La durée et l’ampleur de la crise déclenchée en 2008 pèsent fortement sur les comptes des régimes et viennent s’ajouter aux effets de l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom, rendant encore plus difficiles le retour à un équilibre durable – ce que ne cherchait déjà pas à atteindre la réforme de 2010.

Le rapport du COR de décembre 2012 (6) présente les perspectives financières actualisées pour 2020, 2040 et 2060, des régimes de retraite suivants.

Régimes de retraite participant à l’exercice de projections du COR en 2012

Régimes de salariés du secteur privé et de contractuels du secteur public

• Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV)

• Régime des salariés agricoles (MSA salariés)

• ARRCO, AGIRC, IRCANTEC

Régimes de fonctionnaires

• Fonction publique d’État : service des retraites de l’État (SRE)

• Fonction publique hospitalière et territoriale (CNRACL)

• Régime additionnel de la fonction publique (RAFP)

Régimes de non-salariés

• Artisans et commerçants : régime social des indépendants (RSI) et complémentaire des indépendants (RCI)

• Non-salariés agricoles : régime de base et complémentaire (MSA non-salariés)

• Professions libérales : régime de base (CNAVPL) et régimes complémentaires (CIPAV, CARPIMKO, CARMF, CARCDSF, CAV [partie en répartition], CAVEC, CAVAMAC, CARPV, CRN, CAVOM)

• Avocats : caisse nationale du barreau français (CNBF), base et complémentaire (présentés ensemble)

Régimes spéciaux

Banque de France, CNIEG (industries électriques et gazières), CRPCEN (clercs et employés de notaire), ENIM (marins), FSPOEIE (ouvriers de l’État), Retraite des mines, SNCF, RATP

Source : Conseil d’orientation des retraites.

Le COR prévoit une dégradation des comptes jusqu’en 2016, puis une stagnation à un niveau élevé de déficit, aux alentours de 21 milliards d’euros jusqu’en 2020, soit 0,9 point de PIB. Ensuite, les trajectoires divergent selon les hypothèses.

Les projections du COR reposent sur des hypothèses démographiques et économiques. Les premières sont celles du scénario central d’évolution de la population de l’INSEE. Une part des incertitudes est levée car les actifs de 2035 sont déjà nés ; pour la suite, l’INSEE retient un indice de fécondité constant de 1,95 enfant par femme à long terme. Restent le solde migratoire, supposé constant à 100 000 personnes par an par l’INSEE, et la mortalité. L’espérance de vie à la naissance en 2060 est estimée à 91 ans pour les femmes et 86 ans pour les hommes.

Les projections sont réalisées à législation inchangée : seules sont prises en compte les dispositions en vigueur. En particulier, il est supposé que la durée d’assurance requise pour une retraite à taux plein augmente, selon le principe défini en 2003, jusqu’à la génération 1960 en fonction des gains d’espérance de vie à 60 ans, et n’évolue plus au-delà. Compte tenu des projections de l’INSEE, la durée d’assurance est fixée à 41,75 ans pour la génération 1960 (en fait, dès la génération 1958) et donc pour toutes les générations suivantes.

Le COR estime ainsi que l’âge moyen de liquidation passerait de 62 ans pour les nouveaux retraités en 2011 régime général à 64 ans sur la période 2035-2060. Ces données, combinées à l’évolution prévisionnelle des salaires, permettent aussi d’établir l’évolution de la pension moyenne.

S’agissant des hypothèses économiques, le COR a établi cinq scénarios (A, A’, B, C, C’) plus ou moins optimistes. Le Gouvernement a choisi de retenir le scénario moyen, dit « scénario B », détaillé dans le tableau suivant. Si l’évaluation des besoins à court terme (2020) reste proche quel que soit le scénario retenu, les montants varient davantage à moyen et long terme.

Hypothèses économiques du scénario B

(taux de croissance moyen en % par an)

 

2011-2020

2020-2030

2030-2040

2040-2050

2050-2060

Population active

0,3

0,2

0,1

0,1

0,1

PIB volume

1,6

1,9

1,6

1,6

1,6

Productivité apparente du travail par tête

0,9

1,5

1,5

1,5

1,5

Salaire par tête réel

0,7

1,5

1,5

1,5

1,5

 

2020

2030

2040

2050

2060

Taux de chômage

7,6

4,8

4,5

4,5

4,5

Source : Conseil d’orientation des retraites.

Les hypothèses retenues sont réalistes. Le taux d’augmentation de la productivité de 1,5 % est plus faible que la productivité constatée avant la crise : entre 1997 et 2008, la productivité horaire du travail a progressé de 1,8 % en moyenne en France.

Sur la période 2013-2020, le taux de chômage recule pour atteindre 7,9 % en 2020. C’est un taux réaliste par rapport à la sortie de la crise économique actuelle, et qui doit traduire le résultat de la politique volontariste du Gouvernement.

Si l’hypothèse d’un taux de chômage à 4,5 % à long terme peut paraître optimiste à certains, il serait difficilement concevable que l’on se résigne à avoir 8 % ou 10 % de chômage à long terme ! Le redressement du système de retraites passe en partie par le redressement du taux d’emploi des actifs.

Il faut aussi rappeler que le taux de chômage influe beaucoup moins fortement que la productivité sur les comptes des régimes de retraite. En effet, une différence de taux de chômage ne joue que sur le niveau annuel des cotisations, tandis qu’une différence de productivité a des effets cumulatifs sur le niveau des salaires et donc des cotisations à moyen et long terme.

Néanmoins, pour 2013 et 2014, les hypothèses économiques du COR ont été actualisées par le Gouvernement pour prendre en compte la révision des perspectives de croissance du PIB et de la masse salariale présentées dans le cadre du programme de stabilité 2013-2017 en avril dernier. Cette dégradation produit des effets, non seulement sur la période considérée, mais également à moyen terme.

Selon le rapport de la commission Moreau, ces modifications conduiraient à une dégradation de la trajectoire de l’ordre de 1,5 milliard d’euros en 2013 à 2 milliards d’euros en 2020, en l’absence de rattrapage des points de croissance perdus.

Les projections sur la période 2014-2020 montrent que malgré une amélioration progressive du solde des régimes non équilibrés par une subvention (7), l’équilibre ne sera pas atteint en 2020.

Par rapport aux projections réalisées avant la réforme de 2010, ces perspectives apparaissent cependant moins dégradées. Le besoin de financement était alors estimé à entre 40 et 50 milliards d’euros en 2020 selon les scénarios retenus. L’amélioration du solde s’explique d’abord par les effets des mesures de la réforme de 2010, par l’accord AGIRC-ARRCO du 18 mars 2011, et par les nouvelles mesures de recettes prises en 2012. En outre, par convention, il a été décidé de figer le taux de cotisation implicite de l’État employeur à son niveau de 2011, et non plus à son niveau de 2000, ce qui minore de 0,7 point de PIB le besoin de financement des régimes de la fonction publique en 2020.

Toutefois, les régimes sont marqués par la crise qui s’est poursuivie entre 2011 et 2013. L’amélioration progressive escomptée jusqu’à la fin de la décennie ne permettra pas de rattraper les effets de la crise.

Par rapport aux estimations du COR publiées en décembre 2012 et mars 2013 (pour les projections détaillées par régime), il convient de tenir compte de l’accord national interprofessionnel du 13 mars 2013 qui aura pour effet de minorer le besoin de financement des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO de 4,2 milliards d’euros en 2020, à travers trois mesures :

– l’augmentation des taux de cotisation de 0,2 point ;

– la limitation des revalorisations des pensions en 2013, 2014 et 2015 ;

– la fixation de la valeur d’achat du point suivant les règles de la valeur de service du point en 2014 et 2015.

Le tableau ci-dessous présente les projections par régime du COR, réalisées en mars 2013 (avant accord AGIRC-ARRCO et avant révision des perspectives de croissance par le programme de stabilité).

Besoin de financement tous régimes d’ici 2020

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Régimes de base non équilibrés par l’État

Régime général (RG)

– 5,0

– 3,8

– 3,9

– 4,2

– 4,3

– 4,7

– 4,5

– 4,9

– 5,3

FSV

– 4,0

– 2,4

– 2,6

– 2,0

– 1,2

– 0,6

0,1

0,8

1,6

RG + FSV

– 9,0

– 6,2

– 6,5

– 6,2

– 5,5

– 5,2

– 4,4

– 4,1

– 3,7

CNRACL

03,

0,0

0,2

– 0,2

– 0,5

– 0,5

– 0,6

– 0,7

– 0,9

Exploitants agricoles

– 1,1

– 0,6

– 0,5

– 0,5

– 0,6

– 0,1

– 0,1

0,1

0,2

CNAVPL

– 0,3

– 0,2

– 0,1

– 0,2

– 0,2

– 0,1

– 0,2

– 0,2

– 0,2

RSI

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Autres régimes de base non équilibrés

– 0,2

– 0,2

– 0,3

– 0,4

– 0,4

0,3

– 0,3

– 0,3

– 0,2

Régimes de base équilibrés par subvention de l’État

Fonction publique d’État

– 2,4

– 3,8

– 4,7

– 5,4

– 6,0

– 6,4

– 6,8

– 7,0

7,0

SNCF

0,0

0,0

– 0,1

– 0,2

– 0,3

– 0,3

– 0,3

– 0,1

0,0

RATP

0,0

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Autres régimes équilibrés par l’État

– 0,4

– 0,7

– 1,0

– 1,2

– 1,3

– 1,3

– 1,4

– 1,4

– 1,5

Régimes complémentaires

AGIRC-ARRCO

– 4,7

– 4,6

– 5,8

– 6,2

– 7,0

– 7,1

– 7,7

– 8,1

– 8,3

IRCANTEC

0,1

0,1

0,2

0,3

0,3

0,4

0,3

0,3

0,3

RCI

0,4

0,4

0,3

0,3

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

CNAVPL complémentaire

0,5

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0,1

0,0

0,0

Autres régimes complémentaires

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

Tous régimes (Maquette COR)

– 15,8

– 15,0

– 17,7

– 19,3

– 20,8

– 20,2

– 21,0

– 21,3

– 20,9

Source : Rapport de la Commission pour l’avenir des retraites, d’après les projections du COR de mars 2013.

Compte tenu de la révision des projections consécutive à la présentation du programme de stabilité et à l’accord AGIRC-ARRCO de mars 2013, le besoin de financement total en 2020 s’élève à 20,7 milliards d’euros dont :

– 7,6 milliards pour le régime général, le FSV et les régimes de base non équilibrés par une subvention de l’État ;

– 4,4 milliards d’euros pour les régimes complémentaires qui sont gérés par les partenaires sociaux ;

– 8,7 milliards d’euros pour le régime de la fonction publique et les régimes spéciaux qui sont équilibrés par l’État.

À moyen et long terme, les scénarios divergent, d’un excédent de 0,5 % de PIB pour le scénario le plus optimiste (A’) à un déficit de 2,7 % de PIB pour le scénario le plus pessimiste (C’), avec des rendements AGIRC-ARRCO constants (8).

Dans le scénario B retenu par le Gouvernement, les déficits croissent jusqu’aux alentours de 2035 avant de s’infléchir, grâce à la fin du « papy-boom » et à l’augmentation de la population en âge de travailler. En proportion du PIB, ils se stabilisent entre 2030 et 2040 à -0,9 %, ce qui représenterait 29 milliards d’euros en 2040.

Au-delà de 2040, le scénario B conduit à une diminution progressive du déficit en proportion du PIB, sans arriver jusqu’à l’équilibre en 2060 (-0,6 % du PIB environ à cette date) – sauf en cas de rendements AGIRC-ARRCO décroissants (+0,2 % du PIB).

Ces hypothèses restent très incertaines. En effet, le système de retraite est très sensible au niveau de la croissance économique. Lorsque la croissance est soutenue, les pensions, revalorisées sur les prix, décrochent du niveau des salaires et des ressources des régimes. En revanche, en période de crise, les ressources des régimes stagnent voire diminuent alors que les pensions restent réévaluées de la même manière. Ainsi, selon les scénarios, les projections du COR à long terme divergent fortement.

À l’horizon 2020, dans le scénario B avec rendements constants des régimes complémentaires, si l’on choisit de ne jouer que sur un seul levier, l’équilibre peut être obtenu par une des mesures suivantes :

– augmentation des prélèvements obligatoires de 1,1 point par rapport au taux projeté en 2020, soit 1,8 point au-dessus du niveau de 2011 ;

– diminution du rapport entre pension moyenne nette et revenu moyen net de 5 % par rapport à 2011 ;

– augmentation de 9 mois de l’âge effectif moyen de départ à la retraite par rapport au processus en cours, soit 1 an et 9 mois par rapport à 2011.

Pour atteindre l’équilibre en 2040, si tout l’ajustement se faisait sur un seul des trois leviers, en tenant compte de la hausse projetée de deux ans de l’âge effectif moyen de départ par rapport à 2011, il faudrait :

– soit une hausse du taux de prélèvement global apparent de 5 points par rapport au taux projeté en 2040, ce qui le porterait à 34,4 % des salaires bruts ;

– soit une baisse du rapport entre la pension nette moyenne et le revenu d’activité net moyen de 20 % par rapport à 2011 ;

– soit un décalage supplémentaire de l’âge effectif moyen de départ à la retraite d’un peu plus de 4 ans, c’est-à-dire un décalage de 6 ans par rapport à 2011.

Enfin, pour 2060, si l’on ne joue que sur un seul paramètre, il faudrait, pour atteindre l’équilibre :

– soit une hausse du taux de prélèvement global apparent de 6,2 points par rapport au taux projeté en 2060, ce qui le porterait à 35,3 % des salaires bruts ;

– soit une baisse du rapport de la pension nette moyenne au revenu d’activité net moyen de 25,3 % ;

– soit un décalage supplémentaire de l’âge effectif moyen de départ à la retraite d’un peu plus de 5 ans, c’est-à-dire un décalage total d’environ 7 ans par rapport à 2011.

Ces résultats sont à nuancer dans la mesure où le décalage de l’âge indiqué correspond à l’hypothèse où le niveau relatif des pensions serait maintenu à son niveau de 2011, alors que les réformes passées vont contribuer à le diminuer par rapport à ce niveau en 2040 ou 2060. Si l’on tient compte de ce phénomène, les décalages de l’âge effectif moyen de départ nécessaires pour équilibrer le système en 2040 ou 2060 sont moindres.

Dans son rapport de janvier 2013 (9), répondant à la feuille de route arrêtée par le Gouvernement à la suite de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, le COR a dressé un état des lieux de notre système de retraites, à l’aune des objectifs qui lui ont été assignés.

Fruit de la construction progressive de la protection sociale en France, notre système obligatoire de retraites se caractérise par une multiplicité de régimes de base auxquels s’ajoutent des régimes complémentaires structurés en fonction de critères d’appartenance socioprofessionnelle et financés en répartition. Pourtant, l’ordonnance du 4 octobre 1945 instituant la sécurité sociale reposait sur les principes d’unité des institutions et d’universalité des risques (10).

Il existe une vingtaine de régimes de base (sans compter certains régimes comportant un nombre très limité d’assurés), qui peuvent être regroupés en trois ensembles :

– les régimes des salariés du secteur privé et des contractuels du secteur public, comprenant le régime général géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAV) et le régime des salariés agricoles, géré par la Mutualité sociale agricole (MSA) et aligné sur le régime général ;

– les régimes de non-salariés qui comptent 10 % des actifs : le Régime social des indépendants (RSI) qui gère la retraite des artisans et commerçants, le régime des non-salariés agricoles géré par la MSA, le régime des professions libérales géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), le régime des avocats géré par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) ; le COR y adjoint la Caisse d’assurance vieillesse des cultes (CAVIMAC) ;

– les régimes des trois fonctions publiques et les régimes spéciaux, auxquels appartiennent 20 % des actifs ; ce sont des régimes intégrés, qui ne distinguent pas retraite de base et retraite complémentaire (11).

Les régimes complémentaires obligatoires sont gérés par les partenaires sociaux.

Enfin, les retraites de base et complémentaires peuvent être complétées par l’épargne retraite individuelle ou collective, « étage » facultatif du système, qui s’ajoute aux deux premiers mais ne s’y substitue pas.

À la multiplicité des régimes s’ajoute la diversité des règles d’acquisition et de valorisation des droits à retraite et des paramètres de calcul de la pension. À l’exception des régimes de base des professions libérales et des non-salariés agricoles qui sont, en totalité ou pour partie, des régimes en points, les régimes de base français sont des régimes en annuités (12), alors que les régimes complémentaires sont tous des régimes en points (13).

Si la plupart des régimes de base sont en annuités, leurs paramètres diffèrent en ce qui concerne la durée requise pour avoir le taux plein et le décompte de cette durée, le salaire de référence (calculé sur les six derniers mois ou sur les vingt-cinq meilleures années), l’âge d’ouverture du droit de liquider sa retraite, le taux de liquidation, etc.

Les principales différences conduisent à distinguer, d’une part, les régimes des salariés et non-salariés du secteur privé et, d’autre part, les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux. Toutefois, les réformes récentes ont favorisé une tendance à la convergence des principaux paramètres des régimes.

Cette multiplicité des régimes et des règles d’acquisition des droits nuit à la compréhension du système et alimente un certain sentiment d’inégalité de traitement entre actifs selon le régime auquel ils appartiennent.

En outre, la complexité accroît l’incertitude des salariés qui, malgré les grands progrès déjà réalisés par les régimes dans le domaine de l’information des assurés, ont du mal à évaluer le montant de leurs droits à la retraite.

Enfin, ce système ne favorise pas la mobilité des travailleurs : les affiliés à plusieurs régimes, dits « polypensionnés », acquièrent généralement des droits inférieurs à des salariés qui auraient effectué la même carrière, en termes de durée et de salaires, dans un seul régime (mais ce n’est pas toujours le cas, certains polypensionnés sont avantagés par le système) (14).

Si notre système de retraites est contributif, dans la mesure où ce sont avant tout les cotisations versées qui créent des droits, il est en même temps très redistributif, surtout dans les régimes de base.

Ainsi, certains avantages sont attribués au titre de la solidarité, en fonction de certaines situations :

– trimestres validés pour des périodes d’inactivité (chômage, maladie, maternité, invalidité, service national, détention provisoire) ; ces trimestres sont validés sans qu’un salaire soit porté au compte de l’assuré, exception faite des indemnités journalières de maternité, prises en compte depuis 2012 ; dans la fonction publique, les congés de maternité, maladie et longue durée sont assimilés à des salaires effectifs ;

– départs anticipés à taux plein (pour carrières longues, invalidité, inaptitude, « pénibilité » selon le dispositif de 2010, handicap) ;

– droits familiaux : majoration de durée d’assurance, assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), majoration de pension pour trois enfants et bonifications, pensions de réversion ;

– minimum vieillesse (allocation de solidarité aux personnes âgées) sans contrepartie de cotisations ; le financement de ce dispositif ne relève cependant pas des régimes de retraite.

Par ailleurs, les pensions sont portées à un minimum pour les carrières complètes : minimum contributif dans le régime général, pension minimale de référence pour les non-salariés agricoles, minimum garanti dans la fonction publique.

Enfin, d’autres dispositifs permettent d’acquérir des trimestres en contrepartie du versement de cotisations – ils ne relèvent donc pas de la solidarité : il s’agit des possibilités de surcotisation (travail à temps partiel) ou de cotisations volontaires (expatriation, apprentis avant 1972, conjoints d’exploitant agricole, d’artisan ou de commerçant, rachat d’années d’études supérieures ou d’années incomplètes). Le tarif du trimestre n’est pas le même dans toutes les situations : par exemple, il est actuariellement neutre pour les rachats d’années d’études ou calculé sur un salaire forfaitaire pour les périodes d’apprentissage antérieures à 1972.

Au total, les dispositifs de solidarité (hors réversion et minimum vieillesse) représentent environ un cinquième de la masse des droits propres. Le COR estime qu’ils permettent de compenser une grande partie des interruptions dans les carrières et qu’ils contribuent à réduire fortement les inégalités entre retraités, au profit des femmes notamment.

Globalement, le montant moyen de la pension de droits propres (hors réversion et majorations pour enfants) s’élève à 1 256 euros par mois en 2011. Il progresse d’année en année plus vite que l’inflation, sous l’effet du renouvellement des générations, car les générations qui partent aujourd’hui à la retraite ont eu des salaires plus élevés que leurs aînées, c’est ce que l’on appelle « l’effet de noria ». L’ensemble des droits, y compris réversion et majorations familiales, s’élevait à 1 440 euros par mois en 2008 (dernière année d’exploitation de l’échantillon interrégimes).

Le niveau de vie moyen des retraités a fortement progressé depuis les années 1970 et est aujourd’hui proche de celui des actifs (environ 2 000 euros par mois et par unité de consommation). Le taux de pauvreté est le même chez les actifs et chez les retraités : 10,2 % en 2010.

Dans son rapport de janvier 2013, le COR s’est interrogé sur l’adéquation du système de retraites aux objectifs qui lui sont assignés par la loi : au-delà des principes fondamentaux de contributivité et d’équité, l’article L. 161-17-A du code de la sécurité sociale dispose que « le système de retraite par répartition poursuit les objectifs de maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités, de lisibilité, de transparence, d’équité intergénérationnelle, de solidarité intragénérationnelle, de pérennité financière, de progression du taux d’emploi des personnes de plus de cinquante-cinq ans et de réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes ».

Si, dans l’ensemble, les paramètres des régimes de retraite ainsi que des dispositifs de solidarité rendent le système fortement redistributif, le COR a montré, dans son rapport de janvier 2013, que le « cœur du système » (formules de calcul des pensions, définition du salaire de référence et de la durée cotisée, superposition des régimes de base et complémentaires, multiplicité des régimes et polypensionnés) opère, de manière implicite (car les règles de calcul n’ont pas été définies pour cela), des redistributions entre les assurés qui, prises dans leur ensemble, vont dans le sens d’un accroissement des inégalités en défaveur des assurés à carrière courte (souvent des assurés à bas salaires et souvent des femmes).

Ainsi, le salaire de référence du régime général, calculé sur les vingt-cinq meilleures années, favorise les salariés à carrière ascendante par rapport à ceux dont le salaire a peu évolué au court de la carrière. Une prise en compte du salaire moyen serait plus équitable (ce qui n’empêcherait pas de compenser une telle mesure par une amélioration du taux de liquidation, par exemple).

La nécessité de cotiser 200 heures au SMIC horaire pour valider un trimestre au régime général (15) est une règle relativement favorable puisqu’elle permet de valider un trimestre en à peine plus plus d’un mois de SMIC à temps plein, mais elle pénalise certains assurés comme les apprentis, dont les cotisations sont assises sur une assiette forfaitaire, ou les assurés à bas salaires qui partagent leur temps entre deux régimes (les saisonniers par exemple), car le plancher de 200 heures est calculé par régime (à l’inverse, un « polyaffilié » ayant un meilleur salaire peut valider plus de quatre trimestres par an).

Les avantages familiaux contribuent efficacement à combler les interruptions d’activité des femmes grâce à la majoration de durée d’assurance pour enfants (MDA) et à l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF). En revanche, la majoration de pension pour les parents ayant élevé trois enfants et plus tend à favoriser les pensions élevées par rapport aux pensions modestes, et par conséquent les pères par rapport aux mères. Au total, de trop grandes disparités perdurent entre les retraites des femmes et des hommes : les femmes qui ont liquidé leurs droits en 2011 perçoivent une pension en moyenne inférieure de 32 % à celle des hommes (1 749 euros pour les hommes y compris réversion et majorations familiales, contre 1 165 euros pour les femmes).

II. LA RÉFORME PROPOSÉE PERMET LE RETOUR À UN ÉQUILIBRE DURABLE

Le retour à l’équilibre à court terme est une exigence vis-à-vis des générations futures sur lesquelles on ne doit pas reporter la charge des dépenses courantes actuelles.

La réforme proposée vise donc à ramener à l’équilibre les régimes de retraite de base non équilibrés par subvention à l’horizon 2020 et à maintenir, par allongement de la durée d’assurance, cet équilibre jusqu’en 2040. Au-delà, la fin de la « bosse démographique » devrait permettre d’assurer cet équilibre à long terme.

Les taux de cotisation des actifs et des employeurs sur le salaire déplafonné aux régimes de base seront augmentés de 0,3 point chacun par décret d’ici 2017. Tous les régimes de base seront concernés par cette mesure, y compris la fonction publique et les régimes spéciaux (à l’exception de la fonction publique en ce qui concerne la cotisation employeur, puisque l’État ne cotise pas).

La hausse sera étalée sur quatre ans :

– pour les salariés, la hausse des cotisations salariales et employeur sera de 0,15 point pour chaque part en 2014, puis de 0,05 point chaque année entre 2015 et 2017 ;

– pour les fonctionnaires, le Gouvernement a annoncé un rythme différent (mais une hausse totale identique d’ici 2017) : 0,06 point en 2014 puis 0,08 point pour chacune des trois années suivantes.

Il s’agit d’une hausse modérée : par exemple, pour un temps plein de 35 heures rémunérées aux SMIC, l’augmentation de la cotisation salariale représentera de l’ordre de 2 euros par mois en 2014, et pour un salaire brut de 2 500 euros, environ 3,80 euros par mois.

Le Gouvernement évalue le montant de recettes supplémentaires pour l’ensemble des régimes de base à 2,2 milliards d’euros en 2014 (dont 1,7 milliard pour le seul régime général et 2,0 milliards d’euros pour les régimes non équilibrés par subvention), 4,6 milliards d’euros en 2020 et 6,8 milliards d’euros à l’horizon 2040, répartis en parts égales par les salariés et les employeurs.

Ces hausses s’ajoutent à celles instaurées par le décret du 2 juillet 2012 qui prévoit une hausse des taux de cotisation de 0,1 point au total chaque année entre 2014 et 2016, s’appliquant cette fois à l’assiette plafonnée, avec un partage égal entre salariés et employeurs.

Le Gouvernement a choisi de ne pas jouer sur le levier de la baisse relative des pensions pour financer le retour à l’équilibre des régimes. Toutefois, compte tenu du niveau de vie des retraités, comparable à celui des actifs, alors que les risques du marché du travail ne pèsent pas sur les retraités, il n’est pas illégitime de demander un effort de solidarité à ces derniers.

La contribution des retraités reposera sur deux mesures.

 La fiscalisation des majorations de pensions pour enfants

Les majorations de pensions des retraités ayant élevé trois enfants ou plus seront intégrées dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. Il s’agit de mettre un terme à une anomalie fiscale, puisqu’à pension égale, il n’y a pas de raison que certains bénéficient d’une exonération d’impôt. Cette mesure figure dans le projet de loi de finances pour 2014.

Cette fiscalisation devrait concerner 10 % des retraités. Une part bien plus importante des retraités (de l’ordre de 40 %) perçoit des majorations de pension pour enfants, mais tous ne sont pas imposables.

L’étude d’impact prend l’exemple d’un couple de retraités qui percevraient chacun 1 400 euros par mois de pension, dont chacun une majoration pour enfants. La réintégration de ces majorations dans l’assiette de l’impôt entraînera un prélèvement de 15 euros supplémentaires par mois pour chacun, soit 360 euros par an pour le ménage.

Le rendement de cette mesure est de 1,2 milliard d’euros en 2014, 1,3 milliard en 2020 et 1,7 milliard à l’horizon 2040. En 2014, cette recette supplémentaire restera dans le budget de l’État (16). À compter de 2015, elle sera reversée par l’État à la branche vieillesse.

 Le report au 1er octobre de la revalorisation annuelle des pensions

Par ailleurs, la revalorisation annuelle des pensions sera décalée du 1er avril au 1er octobre à compter de 2014. Les plus petites pensions seront préservées dans la mesure où la revalorisation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) interviendra toujours au 1er avril.

Il s’agit d’un effort temporaire, puisque dès 2015, le rythme annuel de revalorisation sera repris, chaque 1er octobre.

Tout en demandant un effort très modique à chacun, cette mesure devrait permettre d’économiser 800 millions d’euros en 2014 à l’ensemble des régimes (600 millions d’euros pour les régimes non équilibrés par subvention), et près du double en 2015 (extension en année pleine de la mesure). Au-delà, la mesure continue à produire des effets par rapport à la trajectoire établie par le COR en l’absence de réforme, dans la mesure où l’assiette de la revalorisation est moindre que prévu (17). Ainsi, la mesure rapporte 2,6 milliards d’euros à l’horizon 2040 par rapport aux projections du COR.

Des économies de gestion de la part des régimes de retraite sont attendues, à hauteur de 200 millions à l’horizon de 2016.

La répartition de cet effort entre les différents régimes n’est pas encore stabilisée mais tiendra compte à la fois :

– du poids relatif de chaque régime dans le montant total des dépenses de gestion ;

– de la capacité de chaque régime à réaliser ces économies au regard de ses gains de productivité, de sa charge de travail et de sa démographie ;

– des mesures de simplifications (dont celles portées dans le projet de loi) et des chantiers inter-régimes en cours de développement (notamment le répertoire de gestion des carrières unique) qui doivent à moyen terme dégager des gains d’efficience significatifs.

La négociation des prochaines conventions d’objectifs et de gestion de la CNAV et de la CNRACL (qui arrivent à échéance fin 2013) permettra de formaliser les objectifs assignés à ces deux organismes. L’association des autres régimes s’opérera dans le cadre du dialogue de gestion que mènent les ministères de tutelles avec les caisses nationales.

Répartition des mesures de recettes à court terme pour l’ensemble des régimes de base

(en milliards d’euros)

Retraités

2,0

3,2

3,7

4,2

Report indexation au 1/10

0,8

1,9

2,2

2,6

Fiscalisation des majorations de pension

1,2

1,3

1,5

1,7

Salariés : Hausse cotisations 0,15 % en 2014 et de 0,05 point de 2015 à 2017

1,1

2,3

2,8

3,4

Entreprises : Hausse cotisations 0,15 % en 2014 et de 0,05 point de 2015 à 2017

1,1

2,3

2,8

3,4

Économies de gestion

 

0,2

0,3

0,3

Total

4,1

8,0

9,6

11,3

Source : étude d’impact.

Les recettes supplémentaires en 2014 pour les régimes de base non équilibrés par subvention sont détaillées dans le tableau suivant.

Impact financier de la réforme en 2014 pour les régimes non équilibrés par subvention

(en milliards d’euros constants 2011)

Report de l’indexation des pensions au 1er octobre (1)

0,6

Cotisations salariés

1,0

Cotisations employeurs

1,0

Total hausse cotisations (2)

2,0

dont cotisations pures (3)

1,6

dont prise en charge par le FSV des cotisations pour les chômeurs (a)

0,2

dont prise en charge par la CNAF de l’AVPF (4)

0,1

dont cotisations CNRACL (5)

0,1

dont cotisations CNAVPL (6)

0,1

dont déficit FSV (5) = (b) – (a)

- 0,1

Travailleurs indépendants – RSI (b)

0,1

Total mesures recettes (7) = (1) + (2)

2,6

dont mesures affectant le RG (CNAV et FSV) (8) = (7) – (5) – (6)

2,4

Source : ACOSS.

 

2014

2020

Compte pénibilité

0

- 500

Cotisations pénibilité

0

+ 500

Extension de la retraite progressive (art. 11)

0

- 20

Cumul emploi retraite (art. 12)

0

+ 161

Validation du trimestre à 150 H SMIC (art. 14)

- 10

- 30

Élargissement du dispositif carrières longues (art. 15) *

0

- 285 *

Aide aux rachats années d’études (art. 16)

+ 150

+ 300

Prise en compte des périodes d’apprentissage (art. 17)

- 18

- 18

Validation des périodes de formation des chômeurs (art. 18)

0

- 57

Mesure en faveur des conjoints collaborateurs (art. 19)

0

0

Retraite anticipée des travailleurs handicapés (art. 23)

nd

nd

Retraite à taux plein à 50 % d’incapacité (art. 24) *

- 30

- 33

Mesures en faveur des aidants familiaux (art. 25)

- 1,6

nd

Calcul de la retraite des polypensionnés (art. 28)

0

nd

Mutualisation du service des petites pensions (art. 29)

0

0

Total

+ 90,4

+ 18,0

nd : chiffrage non disponible.

* certains coûts n’ont été évalués que pour le régime général.

Source : services de l’Assemblée nationale, à partir des informations données dans l’étude d’impact.

Les mesures concernant les retraites agricoles sont présentées à part, dans la mesure où elles doivent être financées par la suppression de certaines « niches sociales » prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

Impact financier des mesures concernant les retraites agricoles

(en millions d’euros)

 

2014

2020

Conditions pour la pension majorée de référence (art. 20)

- 0,15

- 0,3

Régime complémentaire des exploitants agricoles (art. 21)

- 160

- 142

Garantie 75 % SMIC (art. 22)

0

- 150

Recettes nouvelles du régime agricole (PLFSS)

+ 200

+ 200

Total

+ 39,85

- 92,3

 

2012

2013

2014

2014
sans réforme

2015

2016

2017

CNAV

-4,8

-3,3

-1,2

-3,7

-0,6

0,0

0,6

FSV

-4,1

-2,7

-3,2

-3,7

-3,0

-2,6

-1,9

Total

-8,9

-6

-4,4

-7,4

-3,6

-2,6

-1,3

Source : dossier de presse du PLFSS pour 2014.

Nos régimes de retraite doivent faire face à deux chocs démographiques qui se conjuguent :

– l’arrivée à l’âge de la retraite des premières générations du baby-boom (1945-1973) ;

– l’allongement de l’espérance de vie (un trimestre par an entre 1994 et 2009) ; aujourd’hui, l’espérance de vie à 60 ans s’élève à 22,2 ans pour les hommes et 27 ans pour les femmes, et l’INSEE estime qu’elle s’allonge d’un an tous les huit à dix ans.

La conséquence de ces deux phénomènes est la dégradation du rapport démographique entre les 20-59 ans et les plus de 60 ans. Ce ratio devrait passer de 2,6 en 2005 à 1,5 en 2035.

Cependant, la France bénéficie d’une natalité plus élevée que les autres pays européens, avec un indice de fécondité de 2 enfants par femme contre 1,59 en moyenne dans l’Union européenne. Grâce à cela, le rapport entre le nombre de personnes de plus de 60 ans et le nombre de personnes entre 20 et 59 ans devrait être plus faible en France (70 %) que dans beaucoup de pays de l’Union européenne en 2060 (89 % en Allemagne, 82 % en Espagne, 83 % en Italie, 94 % en Pologne).

L’article 2 du présent projet de loi prévoit d’augmenter la durée d’assurance nécessaire pour obtenir le taux plein d’un trimestre tous les trois ans (selon le principe générationnel) pour arriver à 43 ans pour la génération 1973 (soit une augmentation de seulement 1,25 an entre 2020 et 2035). Au-delà, pour les générations suivantes, la durée reste fixée à 43 ans, car la fin de la « bosse démographique » suffira à assurer le retour à l’équilibre.

Il s’agit d’un allongement mesuré et progressif, donc prévisible. C’est un effort raisonnable dans la mesure où les gains d’espérance de vie sont partagés entre vie active et vie à la retraite.

C’est aussi un effort équitable à l’aune des mesures d’accompagnement prévues pour compenser ses effets pour les personnes ayant des métiers pénibles, pour les personnes ayant commencé à travailler très jeunes, pour les carrières heurtées et pour les jeunes entrés tard dans la vie active.

L’impact sur le solde du système de retraite à l’horizon 2040 est estimé à :

– +5,6 milliards d’euros pour le régime général et les régimes non équilibrés par subvention ;

– +10,4 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes de retraite de base, y compris fonction publique et régimes spéciaux.

Impact financier de l’allongement de la durée d’assurance après 2020

(en milliards d’euros 2011)

 

2030

2040

Régime général + FSV (1)

2,2

4,9

Tous régimes de base non équilibrés et FSV * (2)

2,7

5,6

Tous régimes de base équilibrés ** (3)

0,7

1,5

dont fonction publique d’État

0,5

1,2

Total régimes de base (4)=(2)+(3)

3,4

7,1

     

AGIRC – ARRCO (5)

1,8

3,0

Total régimes complémentaires

2,0

3,3

     

Tous régimes (7)=(4)+(6)

5,4

10,4

* : CNRACL, Exploitants agricoles, CNAVPL, RSI, CNBF et CRPCEN

** : FPE, SNCF, RATP, ENIM, BDF, CANSSM, FSPOEIE

Source : direction de la sécurité sociale.

Compte tenu de l’estimation du coût à long terme des « mesures de justice » proposées dans le présent projet de loi, l’impact de la réforme des retraites sur l’ensemble des régimes obligatoires est présenté dans le tableau suivant.

Impact de la réforme des retraites sur l’ensemble des régimes

(en  milliards d’euros constants 2011)

 

2014

2020

2030

2040

Déficit de l’ensemble des régimes de retraite - projections du COR

-17,7

-20,9

-26,1

-28,9

Déficit après accord ARRCO - AGIRC de 2013 et révision des hypothèses économiques du programme de stabilité

-19,1

-20,7

-24,2

-26,6

Report de l’indexation au 1/10

0,8

1,9

2,2

2,6

Fiscalisation des majorations de pension

1,2

1,3

1,5

1,7

Salariés :
Hausse des cotisations de 0,15 pt en 2014 et de 0,05 pt de 2015 à 2017

1,1

2,3

2,8

3,4

Entreprises :
Hausse des cotisations de 0,15 pt en 2014 et de 0,05 pt de 2015 à 2017

1,1

2,3

2,8

3,4

Économies de gestion des régimes

-

0,2

0,3

0,3

Allongement de la durée d’assurance après 2020

 

0,0

5,4

10,4

Total des mesures de redressement à court et long terme

4,1

8,1

15,0

21,6

Mesures Jeunes, femmes, carrières heurtées et petites pensions

0,0

0,0

-0,4

-1,3

Mesures au profit des retraites agricoles

-0,2

-0,2

-0,3

-0,3

Mesure pénibilité

-

-0,5

-2,0

-2,5

Cotisation à la charge des entreprises exposant à la pénibilité

-

0,5

0,5

0,8

Financement mutualisé de la pénibilité (à déterminer)

       

Financement des mesures sur les retraites agricoles

0,2

0,2

0,3

0,3

Total des mesures de justice (net des financements spécifiques)

0,0

0,0

-1,9

-3,0

Impact net de la réforme

4,1

8,1

13,1

18,6

Déficit de l’ensemble des régimes de retraite après réforme et avant équilibrage des régimes de l’État ou équilibrés par subvention

-15,0

-12,7

-11,2

-7,9

Déficit de l’ensemble des régimes (hors AGIRC ARRCO) après réforme et équilibrage des régimes de l’État ou équilibrés par subvention

-5,1

-0,4

0,9

0

Déficit de l’ensemble des régimes (y.c. AGIRC ARRCO) après réforme et équilibrage des régimes de l’État ou équilibrés par subvention

-9,4

-4,8

-5,9

-5,8

Source : étude d’impact.

Il est aussi intéressant d’isoler l’impact de la réforme sur les régimes de base non équilibrés par subvention (régimes général et alignés, FSV, CNAVPL, CNRACL).

Impact de la réforme sur les régimes de base non équilibrés par subvention

(en milliards d’euros constants 2011)

 

2014

2020

2030

2040

Solde avant réforme

-8,8

-7,6

-8,7

-13,0

Solde après réforme

-5,0

-0,3

+0,9

0,0

Source : étude d’impact.

On constate ainsi que la réforme permet bien de ramener ces régimes à l’équilibre en 2020, et à le maintenir jusqu’en 2040.

Au-delà, la démographie devrait permettre au système de retraite de l’équilibrer sans nouvelle mesure.

III. UNE RÉFORME STRUCTURELLE
QUI RENDRA NOTRE SYSTÈME DE RETRAITES PLUS JUSTE

Si la réforme proposée vise à ramener les régimes de retraite à l’équilibre et à garantir leur pérennité, elle a aussi pour ambition de rendre le système plus juste. Plusieurs situations d’inéquité nécessitent une intervention correctrice :

– le prolongement de la vie active appelle des mesures d’accompagnement pour les personnes qui exercent des métiers pénibles qu’ils ne sont plus en mesure d’effectuer en fin de carrière ;

– l’allongement de la durée de cotisation impose de mieux prendre en compte les conditions de l’entrée des jeunes dans la vie active ;

– les effets antiredistributifs qui sont au cœur des règles de calcul de la retraite doivent être corrigés ;

– les disparités de pensions entre hommes et femmes justifient de revoir l’ensemble des droits familiaux de retraite ;

– les retraites des personnes handicapées et de leurs aidants doivent être améliorées.

Par ailleurs, le présent projet de loi comporte des mesures importantes en faveur des retraites agricoles.

Enfin, dans la mesure où le redressement des régimes de retraite dépend en grande partie de l’évolution de la masse salariale, des mesures doivent être prises en faveur de l’emploi des seniors.

Selon une étude menée en 2010 (18), les différences d’espérance de vie entre catégories socio-professionnelles sont très fortes, parmi les plus grandes d’Europe, et se traduisent par des différences dans la répartition entre années de vie en emploi et à la retraite, à durée de cotisation égale. Ainsi, l’espérance de vie à 35 ans pour les hommes cadres était plus élevée en moyenne de 6,8 années que pour les hommes ouvriers, dans les conditions de mortalité de 2000-2008 (19).

Par ailleurs, l’étude de l’espérance de vie en bonne santé (20) révèle l’inégalité des chances des individus au cours de la période de la retraite, mais aussi dans les dernières années de l’activité professionnelle. Ainsi les hommes occupant les professions les plus qualifiées ont, à 50 ans, une espérance de vie en bonne santé supérieure de 9 ans à celle des hommes ouvriers (contre 4,8 ans pour l’espérance de vie). Il est évident que les facteurs de risque professionnels ne sont pas à eux seuls responsables de la détérioration de la santé des individus. Mais selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), auditionnée par votre rapporteur, un tiers du différentiel d’espérance de vie pourrait leur être attribué, sans qu’il soit possible toutefois d’en apporter la preuve.

Enfin, la durée et l’intensité de l’exposition aux risques professionnels sont également marquées par de nettes inégalités sociales, les ouvriers étant en moyenne quatre fois plus exposés que les cadres, et 35 % des personnes âgées de 50 à 59 ans en 2008 déclaraient avoir été exposées pendant au moins quinze ans à la pénibilité (21). Il faut aussi noter que les personnes exposées sortent plus vite du marché du travail : 68 % des seniors exposés à la pénibilité étaient en emploi en 2008, contre 75 % n’y ayant jamais été exposés.

Le présent projet de loi vise à réduire ces inégalités par le biais d’une part et avant tout, de la prévention des risques professionnels liés à la pénibilité, d’autre part, de la réparation des séquelles qu’ils entraînent sur la santé des salariés. À la différence des dispositions adoptées en 2010, il ne s’agit pas de prendre en compte uniquement l’incapacité avérée des salariés ayant été soumis à un travail pénible, mais les risques pouvant entraîner des troubles qui ne se déclarent pas toujours immédiatement.

Des situations de pénibilité au travail sont pour partie prises en compte par l’intermédiaire de dispositifs de cessation anticipée d’activité qui ne leur sont pas destinés initialement : invalidité, incapacité, handicap, maladie longue durée, pensions AT/MP, retraites progressives, dispositif « longue carrière », préretraites d’entreprise.

Un dispositif spécial existe également pour les travailleurs de l’amiante : la cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (CAATA), qui permet aux salariés ou anciens salariés exposés à l’amiante de cesser leur activité de manière anticipée, tout en étant indemnisés. On dénombrait, fin 2011, 28 300 bénéficiaires de l’allocation correspondante.

En outre, dans les régimes de la fonction publique et les autres régimes spéciaux, les agents ayant effectué au moins 15 années de services en catégories actives peuvent bénéficier d’un départ à la retraite à 55 ans (57 ans après au moins 17 ans de services en catégories actives au terme du relèvement prévu par la réforme de 2010). Ces catégories incluent des emplois exposant à une activité pénible ou présentant un risque particulier. En 2011, hors invalidité et motifs familiaux, un quart des départs à la retraite dans la fonction publique d’État concernait des personnels de catégories actives, 8 % dans la fonction publique territoriale et deux tiers dans la fonction publique hospitalière, pour un âge effectif de liquidation des droits à la retraite de 57 ans en moyenne.

 Le suivi des salariés exposés à des risques

La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a créé l’obligation pour l’employeur d’établir une fiche individuelle de suivi de l’exposition du salarié à des risques professionnels pour pénibilité (article L. 4124-3-1 du code du travail).

La pénibilité y est définie comme étant lié à « un ou plusieurs facteurs de risques professionnels » eux-mêmes liés « à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail », « susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur la santé » du travailleur.

Cette fiche retrace :

– les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé (l’article D. 4121-5 du code du travail en définit dix) ;

– la période au cours de laquelle cette exposition est intervenue ;

– les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs de risque durant cette période.

● Les accords relatifs à la pénibilité

La loi de 2010 a instauré, à compter du 1er janvier 2012, une obligation de négociation sur la « pénibilité au travail », à l’instar de ce qui existe pour l’emploi des seniors.

Les entreprises d’au moins cinquante salariés ou appartenant à un groupe d’au moins cinquante salariés sont désormais tenues de négocier sur la prévention de la pénibilité au travail, sous peine de sanctions financières. La pénalité est égale au maximum à 1 % des sommes versées aux travailleurs concernées par la pénibilité, ce montant pouvant être modulé par l’autorité administrative en fonction des efforts constatés dans l’entreprise. Toutefois, cette obligation ne concerne que les entreprises qui emploient au moins 50 % de salariés exposés aux risques professionnels liés à la pénibilité.

Les entreprises concernées doivent être couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité d’une durée maximale de trois ans. L’accord doit comporter au moins un thème parmi la réduction des poly-expositions à la pénibilité et l’adaptation du poste de travail ; et deux thèmes parmi l’amélioration des conditions de travail ; le développement des compétences et qualifications ; l’aménagement des fins de carrière ; le maintien en activité des salariés exposés.

Au 31 août 2013, on dénombrait quinze accords de branche et plus de 4 800 accords d’entreprise ou plans d’action relatifs à prévention de la pénibilité :

– dix des accords de branche s’inscrivent dans le dispositif « 1 % pénibilité » : ils concernent les branches du BTP, du commerce du détail et de gros à prédominance alimentaire, des entreprises sociales pour l’habitat, de l’assainissement et maintenance industrielle, de la fabrication et du commerce de produits pharmaceutiques, ou encore de l’industrie pétrolière et du bois ;

– deux autres accords sont des accords spécifiques, qui ne s’inscrivent pas dans le cadre issu de la loi du 9 novembre 2010. Ils ont été conclus dans la branche du déménagement et des métiers portuaires ;

– trois derniers sont des accords de méthode visant soit à outiller les entreprises de la branche pour qu’elles construisent leurs propres accords (branche de la transformation laitière) soit à cadrer la future négociation de branche sur la pénibilité (remontées mécaniques et papiers cartons).

Le faible nombre d’accords de branche conclus s’explique pour partie par la division des partenaires sociaux sur la question de la réparation, certaines organisations syndicales plaidant par exemple pour la mise en place de dispositifs de préretraite comme condition à la conclusion d’un accord de prévention de la pénibilité. Une autre explication tient au fait que, par le passé, d’autres accords de branche ont abordé le sujet de la pénibilité, sous des angles divers : primes pour des métiers pénibles dans la branche port et manutention, par exemple, ou encore dans le cadre des accords pour l’emploi des seniors.

● La retraite anticipée pour invalidité

La loi de 2010 a ouvert un droit à la retraite anticipée pour les personnes atteintes dans leur état de santé pour des raisons imputables au travail à compter du 1er juillet 2011. Elle permet aux assurés âgés d’au moins 60 ans de liquider une retraite à taux plein, quelle que soit la durée d’assurance effectivement accomplie.

Ce nouveau droit est assorti de conditions strictes. La retraite à raison de la pénibilité ne concerne que les salariés du régime général, les salariés du régime agricole et les travailleurs non-salariés des professions agricoles. Les assurés relevant du régime social des indépendants en sont exclus. De plus, le droit à retraite à taux plein dès 60 ans est réservé aux assurés justifiant d’un taux d’incapacité permanente reconnu au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail « ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle ». La liste de référence de ces lésions consécutives à un accident du travail et identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle est fixée par un arrêté du 30 mars 2011. Pour les personnes victimes d’un accident du travail, l’identité des lésions doit être vérifiée par l’échelon régional du service médical.

Le fait de justifier d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 20 % au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail « ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle » ouvre droit au dispositif sans autres conditions. Le droit à retraite anticipée est ouvert à l’assuré présentant un taux d’incapacité permanente au moins égal à 10 % mais inférieur à 20 %. Mais le bénéfice de la retraite est subordonné :

– au fait que l’assuré puisse apporter la preuve qu’il a été exposé pendant au moins dix-sept ans à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels relevant de trois domaines : « des contraintes physiques marquées », un « environnement agressif » ou des « contraintes liées à certains rythmes de travail » ;

– l’avis favorable d’une commission pluridisciplinaire chargée d’apprécier la validité des modes de preuve et l’efficacité du lien entre incapacité permanente et exposition à des risques. À ce titre, constituent des modes de preuve « tout document à caractère individuel remis à l’assuré dans le cadre de son activité professionnelle et attestant de son activité (bulletins de paie, contrats de travail, fiches d’exposition, etc.) ».

Une possibilité de cumul de taux d’incapacité au titre de plusieurs sinistres professionnels est possible pour atteindre le taux de 20 %, si au moins un taux de 10 % est atteint au titre d’une même maladie professionnelle ou d’un même accident du travail. En revanche, le cumul de taux n’est pas ouvert si l’assuré a un taux d’incapacité compris entre 10 % et 20 %.

La caisse chargée de liquider la pension de retraite de l’assuré est chargée de recueillir la demande de retraite anticipée pour « pénibilité ». L’identité des lésions avec celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle est alors appréciée par le médecin-conseil du service médical.

Selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), fin août 2013, 9 238 demandes avaient été réceptionnées par les CARSAT, dont 5 408 au titre des accidents du travail, 3 023 au titre des maladies professionnelles, 348 au titre des deux et 303 au titre d’un motif non encore déterminé. 6 359 demandes avaient été acceptées, 1 515 rejetées et 1 218 étaient en cours d’instruction. Parmi les 6 359 attributions, 1 683 ont un taux d’incapacité compris entre 10 % et 20 % et 4 676 ont un taux d’incapacité supérieur à 20 %.

Le nombre de demandes a été nettement plus faible que ne l’indiquaient les prévisions gouvernementales ; le dispositif n’a pas achevé sa montée en charge et entre en concurrence avec d’autres plus connus tels que la retraite anticipée pour longue carrière.

Au-delà de ces chiffres et comme le souligne le rapport « Nos retraites demain : équilibre financier et justice » remis par Yannick Moreau au Premier ministre en juin 2013, ce dispositif a posé un problème d’orientation, qui a suscité des critiques. Censé prendre en compte la « pénibilité » du parcours passé, il en soumet l’appréciation à un constat d’ordre médical qui suppose un diagnostic de pathologie établi – qui plus est, dans une liste prédéterminée de pathologies, avec une origine professionnelle spécifique. Le choix a été fait de se limiter aux salariés dont l’état de santé est dégradé à la suite d’expositions à des facteurs de pénibilité, autrement dit s’ils sont physiquement usés au moment du départ à la retraite. Sont donc prises en compte les expositions à des risques qui ont un impact immédiat sur la santé des salariés, non un impact différé sur l’espérance de vie ; d’autre part, certains facteurs de pénibilité, non encore reconnus comme cause de pathologies spécifiques (comme le travail de nuit), sont absents du dispositif.

● La mise en place d’un fonds national de soutien relatif à la pénibilité

Outre la possibilité, à titre expérimental et jusqu’au 31 décembre 2013, pour un accord collectif de branche de créer un dispositif d’allégement ou de compensation de la charge de travail des salariés occupés à des emplois pénibles, la loi de 2010 crée un fonds national de soutien relatif à la pénibilité.

Ce fonds est destiné à contribuer aux actions mises en œuvre par les entreprises couvertes par un accord collectif de branche ou par des entreprises couvertes par un accord collectif d’entreprise ayant le même objet.

Les recettes de ce fonds placé auprès de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) sont constituées par une dotation de l’État et une dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

Au total, les dispositifs mis en place par la loi de 2010 ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Comme le souligne à juste titre le rapport du Conseil d’orientation des retraites de janvier 2013, « il ne revient pas au système de retraite de régler la totalité des questions liées à la pénibilité au travail par un système de compensation systématique et l’approche à privilégier est celle de la prévention et du traitement de ces situations de pénibilité au moment où elles se produisent. » Néanmoins, les inégalités d’espérance de vie dues aux conditions de travail pénibles génèrent des différences de durée passée en retraite. On peut concevoir comme légitime de compenser les traces irréversibles laissées sur la santé de ces personnes par l’exposition à des facteurs de risques professionnels.

Le chapitre premier du titre II du projet de loi s’inscrit dans une double logique : d’une part, la prévention et la réduction des risques, mais aussi l’incitation à la reconversion professionnelle, d’autre part, la compensation des conditions de travail réduisant l’espérance de vie, sous la forme de trimestres de retraite ou d’un passage à temps partiel en fin de carrière.

L’article 5 complète la fiche de prévention des risques professionnels créée en 2010 sur deux points. Il est tout d’abord prévu de définir par décret des seuils d’exposition aux risques professionnels, ce qui n’avait pas été prévu par la réforme de 2010 et avait en partie fait obstacle à la montée en charge des mesures relatives à la pénibilité. Par ailleurs, l’article instaure une obligation de transmission d’information aux entreprises de travail temporaire par les entreprises recourant à l’intérim, afin de faciliter les déclarations des expositions des travailleurs intérimaires.

Les articles 6 à 9 mettent en place un compte personnel de prévention de la pénibilité, effectif à compter de 2015. Ouvert pour tout salarié exposé à des conditions de travail réputées réduire l’espérance de vie en bonne santé, ce compte permettra de cumuler des points tout au long de sa carrière. Chaque trimestre d’exposition donnera lieu à un point, ou deux en cas de poly-exposition. Les points accumulés pourront être utilisés à trois effets :

– le suivi d’une formation en vue d’une réorientation professionnelle ;

– le maintien d’une rémunération en cas de passage à temps partiel tout au long de la vie ;

– le bénéfice de trimestres de retraites.

Selon le Gouvernement, le barème sera le suivant : dix points correspondent à un trimestre d’exposition, et ouvrent droit au compte pénibilité. Le nombre total de ces points sera plafonné à 100, ce qui correspond à deux années et demi de départ anticipé à la retraite. Cependant, pour les salariés qui ne sont pas proches de la retraite, les 20 premiers points seront obligatoirement consacrés à une formation, sauf pour les salariés âgés de plus de 52 ans, qui pourront bénéficier d’un aménagement du barème.

Le compte personnel de prévention de la pénibilité sera financé par les cotisations des employeurs : une cotisation minimale de toutes les entreprises, au nom de la solidarité interprofessionnelle, et une cotisation additionnelle appliquée aux seules entreprises exposantes, l’objectif de cette dernière étant d’inciter les entreprises à réduire le niveau d’exposition de leurs salariés par une meilleure protection et par un moindre recours. Le produit de ces cotisations sera affecté à un fonds dédié.

L’article 10 précise que le compte pénibilité s’appliquera aux expositions aux risques professionnels constatées à compter du 1er janvier 2015.

Comme on l’a montré précédemment, les écarts de pension entre les femmes et les hommes restent importants. Dans son douzième rapport, le COR a montré qu’à l’avenir, les écarts en termes de durée d’assurance en défaveur des femmes devraient tendre à disparaître avec la montée de l’activité féminine et le concours des droits familiaux ; en revanche, les écarts de salaire, y compris ceux liés au temps partiel, maintiendront des écarts de pension entre les femmes et les hommes.

Pourtant, les avantages familiaux occupent une place importante dans le système des retraites.

Les avantages familiaux et conjugaux sont de trois ordres :

– les majorations de durée d’assurance, qui permettent aux mères, et éventuellement aux pères, de valider des trimestres supplémentaires dans leur régime d’affiliation. À cette catégorie se rattachent : la majoration de durée d’assurance pour enfants (MDA), qui permet d’attribuer, sans condition de réduction d’activité dans le régime général, huit trimestres de durée d’assurance par enfant au titre de l’accouchement et de l’éducation ; l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) qui permet aux parents qui cessent leur activité pour élever leurs enfants, sous condition de ressources, de bénéficier en plus de trimestres d’assurance ;

– les majorations de montant de pensions pour les hommes et les femmes : une majoration de pension de 10 % est accordée à tous les parents ayant élevé trois enfants ou plus ; il existe aussi une majoration pour conjoint ou enfant à charge dans certains régimes, accordée au titulaire d’une pension si son conjoint a plus de 65 ans et ne dispose pas de ressources personnelles ou s’il a encore des enfants à charge à la date de la liquidation de sa pension ;

– la réversion, qui consiste à verser, parfois sous conditions de ressources, une fraction de la pension du conjoint décédé au survivant du couple, qui est de fait le plus souvent la femme.

L’ensemble des droits familiaux représente près de 8 % des droits propres des retraités. Le rapport de la commission Moreau indique que la majoration pour trois enfants représente 5,7 milliards d’euros de dépenses pour tous les régimes de base, la MDA représente de l’ordre de 5 milliards d’euros pour le seul régime général et l’AVPF est financées par 4,5 milliards d’euros de cotisations annuelles prises en charge par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), pour 2 millions de bénéficiaires (dont 92 % de femmes).

Les droits familiaux jouent un rôle majeur dans la réduction des écarts entre hommes et femmes en ce qui concerne la durée validée : les femmes qui ont liquidé leur pension en 2010 au régime général ont validé en moyenne 23 trimestres au titre de la MDA et 30 trimestres au titre de l’AVPF. Il convient de préciser toutefois que dans certains cas, les trimestres validés sont redondants, une même période pouvant donner lieu à l’attribution de deux avantages différents (AVPF et MDA notamment). Pour les femmes qui ont liquidé en 2010 au régime général, les avantages familiaux de retraite ont en moyenne représenté presque huit annuités.

Toutefois, les droits familiaux tendent à favoriser les revenus les plus élevés. Les majorations de durées d’assurance (MDA et AVPF) permettent de valider des trimestres, ce qui confère un avantage plus ou moins proportionnel au salaire de référence. Quant aux majorations de pensions pour enfants, elles sont doublement favorables aux pensions les plus élevées, en ce qu’elles sont proportionnelles à la pension (mais dans les régimes complémentaires, elles sont plafonnées à partir de la génération 1951) et non assujettie à l’impôt sur le revenu. Du même coup, elles profitent davantage aux hommes qui ont des pensions plus élevées en moyenne.

En définitive, l’écart entre les montants moyens des pensions des hommes et des femmes reste très important. Ainsi, le douzième rapport du COR indique que « fin 2008, parmi les retraités résidant en France, la pension de droit propre (hors réversion) des femmes ne représentait que 53 % de celle des hommes (879 euros par mois contre 1 657 euros). Ce ratio progresse au fil des générations, sous l’effet de l’accroissement de l’activité féminine et de la hausse des qualifications des femmes, passant de 44 % pour la génération 1924-1928 à 56 % pour la génération 1939-1943. Selon l’INSEE, il atteindrait 70 % pour les générations nées dans les années 1950, puis progresserait plus lentement, atteignant 80 % pour les générations nées dans les années 1970. » Ainsi, malgré un rapprochement progressif, il subsistera un écart lié aux écarts de salaires perçus pendant la carrière (y compris ceux liés aux temps partiels).

Ce problème renvoie aux politiques visant à réduire les écarts de salaires entre hommes et femmes tout au long de la carrière, mais aussi aux règles fondamentales des régimes de retraite (notamment la règle de validation d’un trimestre à partir de 200 heures de SMIC, et le salaire de référence calculé sur les vingt-cinq meilleures années au régime général), qui sont plutôt défavorables aux femmes, dont les carrières sont en moyenne plus courtes, et aux dispositifs de solidarité (MDA et majorations de pensions), qui pourraient davantage contribuer à réduire les écarts de pension entre les femmes et les hommes.

 Améliorer la prise en compte des congés de maternité

Le Gouvernement compte prendre un décret permettant de valider autant de trimestres que de périodes de 90 jours de congé de maternité, à compter du 1er janvier 2014. Actuellement, un seul trimestre par naissance est validé, quelle que soit la durée réelle du congé, ce qui pénalise notamment les femmes à partir du troisième enfant ainsi que les naissances multiples.

Par ailleurs, dans le cadre du dispositif carrières longues, l’article 15 prévoit que tous les trimestres de maternité (dans la limite d’un par enfant) seront réputés cotisés).

 Favoriser la validation des trimestres pour les petits temps partiels

Dans l’article 14 du présent projet de loi, il est proposé de faciliter l’acquisition de trimestres pour les assurés à faible rémunération et exerçant une activité à temps partiel réduit, qui sont essentiellement des femmes. Il s’agit de baisser le seuil de validation d’un trimestre à 150 heures de SMIC au lieu de 200 heures, et de permettre le report sur l’année suivante des cotisations non utilisées pour valider un trimestre.

En effet, certains assurés, qui se trouvent être ceux qui ont les plus faibles salaires, cotisent parfois « pour rien », lorsqu’ils n’atteignent pas les 200 heures de SMIC nécessaires pour valider un trimestre. Les cotisations qui n’ont pas permis de valider un trimestre dans l’année sont perdues.

Avec cette mesure, un mois de travail rémunéré au SMIC permettra de valider un trimestre, quatre mois permettant de valider une année. Une activité rémunérée au SMIC durant toute l’année permettra de valider quatre trimestres dès que le temps de travail dépasse 11,5 heures par semaine. Lorsqu’une année compte moins de quatre trimestres validés, les cotisations non utilisées pour la validation d’un trimestre pourront être reportées sur l’année suivante, ou sur la précédente si ces années comptent également moins de quatre trimestres validés.

Cette mesure profitera avant tout à des femmes, qui occupent la majorité des temps partiels, et à des jeunes qui effectuent des « petits boulots » de courte durée. Elle bénéficiera aussi à des saisonniers qui cotisent à plusieurs régimes et ne parviennent pas à atteindre 200 heures de SMIC dans chacun d’entre eux. Enfin, elle bénéficiera à des artisans et commerçants : en effet, un quart des affiliés du Régime social des indépendants (RSI) ne parviennent pas à valider quatre trimestres par an (soit un revenu de 800 heures de SMIC). 150 000 artisans, commerçants et auto-entrepreneurs bénéficieraient de la mesure.

 Réformer les avantages familiaux pour les rendre plus efficaces et plus justes

Comme on l’a montré précédemment, les droits familiaux, et en particulier les majorations pour trois enfants, sont mal ciblés et échouent de ce fait à résorber les inégalités entre hommes et femmes face à la retraite. Les majorations pour enfants sont plus favorables aux hauts revenus, elles ne bénéficient qu’aux familles de trois enfants et plus, écartant totalement les parents d’un ou deux enfants, et elles sont variables selon les régimes (plafonnées seulement dans les régimes complémentaires de l’AGIRC et l’ARRCO, parfois supérieures à 10 % au-delà de trois enfants dans certains régimes spéciaux, etc.). La MDA est de moins en moins utile à mesure que le taux d’activité des femmes augmente.

La commission Moreau pour l’avenir des retraites recommande ainsi de transformer très progressivement en tout ou partie des majorations de durée d’assurance et la majoration de pension de 10 % pour trois enfants en une majoration forfaitaire de pension par enfant, dès le premier enfant, susceptible de réduire les inégalités entre les hommes et les femmes.

Elle propose de remplacer la MDA, qui ne bénéficie pas aux femmes qui ont une carrière complète, en une assurance vieillesse des parents aux foyers (AVPF) simplifiée qui serait destinée à compenser les congés parentaux, et ne serait plus soumise à conditions de ressources.

Les pères ne seraient pas exclus du système : ils pourraient bénéficier de l’AVPF en cas de congé parental et de la nouvelle majoration pour adoption. Cependant, il sera nécessaire de s’assurer que la création d’une majoration de pension essentiellement dédiée aux femmes, puisque d’abord liée à l’accouchement, respecte le droit européen.

Une telle réforme est susceptible d’entraîner des transferts importants, non seulement des hommes vers les femmes, mais aussi entre femmes, selon les profils de carrière, c’est pourquoi il est préférable de ne pas modifier les règles pour les personnes qui liquideront leur retraite dans les années à venir. Par ailleurs, elle ne doit pas intervenir trop tôt, afin de ne pas dégrader la durée d’assurance des femmes avant que celle-ci n’ait effectivement convergé vers celle des hommes.

Dans un premier temps, une première anomalie sera corrigée avec la fiscalisation de ces majorations pour enfants – leur non-assujettissement à l’impôt sur le revenu ne se justifie pas.

Dans un second temps, le Gouvernement a annoncé une refonte des majorations de pension à compter de 2020, consistant à plafonner progressivement la majoration pour trois enfants et à la transformer en majoration forfaitaire par enfant, bénéficiant principalement aux femmes. Cette réforme de fond nécessite une importante préparation, aussi l’article 13 prévoit-il que le Gouvernement remettra un rapport au Parlement, préalable à la préparation des évolutions législatives et réglementaires nécessaires pour la mettre en œuvre.

À cette occasion, votre rapporteur souhaiterait que soit examinée la possibilité d’étendre le futur dispositif de majorations familiales au régime des professions libérales et au régime des avocats, qui sont actuellement les seuls à ne pas bénéficier des majorations pour enfants.

Cette réforme devrait aussi être l’occasion de faire converger les avantages familiaux des différents régimes. Cela suppose une concertation avec les régimes complémentaires et les fonctions publiques, ce qui prendra un certain temps.

Enfin, votre rapporteur souhaite que ce travail s’accompagne d’une réflexion sur les pensions de réversion, dans le but de faire converger les règles des différents régimes. Cela suppose également d’associer les régimes complémentaires à la réflexion.

Le rapport de Carole Bonnet, Antoine Bozio, Camille Landais et Simon Rabaté sur les droits familiaux et conjugaux (22) montre que la prise en charge du risque veuvage est aujourd’hui hétérogène. Si le système de réversion permet actuellement de maintenir en moyenne le niveau de vie des veuves suite au décès de leur conjoint, cette moyenne cache de nombreuses disparités avec des effets de surcompensation et, en parallèle, des pertes nettes de niveau de vie. Les auteurs considèrent aussi que les différences de conception et de règles des pensions de réversion entre régimes ne se justifient pas.

Ils étudient une réforme du dispositif de la pension de réversion visant à réduire ces disparités avec un objectif de garantie du maintien du niveau de vie en cas de veuvage. Par ailleurs, ils s’interrogent sur l’adaptation du système de réversion dans le contexte de la diversification des formes de vie conjugale et de la fréquence des divorces.

Le rapport Moreau indique que le nombre de trimestres validés avant 30 ans a diminué de onze trimestres entre la génération 1950 et la génération 1978, passant d’un peu plus de quarante trimestres validés à un peu plus de trente trimestres. Pour la génération 1978, l’âge moyen à partir duquel une année complète est validée (4 trimestres) est de 22,8 ans (23).

Ce phénomène s’explique à la fois par l’allongement de la durée des études et par les difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail.

De ce fait, le présent projet de loi comporte des mesures permettant d’améliorer les droits à la retraite des jeunes. Outre ces dispositifs qui leurs sont spécifiquement destinés, l’article 14 permettant de valider un trimestre à partir de 150 heures de SMIC leur profitera aussi – en particulier aux étudiants qui font des « petits boulots ».

Les apprentis n’acquièrent pas de droits à retraite proportionnés à leur rémunération. Leurs cotisations sont prises en charge par l’État et calculées sur une assiette forfaitaire correspondant à la rémunération minimale de l’apprenti (elle-même dérogatoire au droit commun, car inférieure au SMIC) abattue de 11 points de SMIC. Les apprentis valident ainsi entre six et onze trimestres selon leur âge sur un cycle d’apprentissage de trois ans.

Le rapport Moreau proposait de supprimer l’abattement de 11 points ainsi que l’assiette forfaitaire des cotisations. Il proposait en outre d’instaurer une assiette minimale pour la seule assurance vieillesse, qui corresponde à 200 heures de SMIC par trimestre.

L’article 17 vise à permettre aux apprentis de valider l’intégralité de leurs trimestres d’apprentissage, en supprimant l’abattement de 11 points et en introduisant un système de validation complémentaire de droits à la retraite pour les apprentis qui ne valideraient toujours pas autant de trimestres de retraite que de trimestre d’apprentissage sur une année civile. Cette mesure sera prise en charge par le Fonds de solidarité vieillesse, donc par la solidarité nationale, et non par les apprentis et leurs employeurs.

Le dispositif du rachat d’années d’études, introduit dans la loi du 21 août 2003, permet aux assurés de racheter jusqu’à douze trimestres d’assurance au titre des années d’études supérieures. Le tarif de ce rachat est actuariellement neutre, si bien qu’il varie selon l’âge et le niveau de revenu. Il reste cependant relativement élevé pour un jeune qui entre dans la vie active, et est très peu utilisé par les actifs de moins de 40 ans : seul 1 % des 2 500 rachats par an concerne des assurés de moins de quarante ans.

Afin de permettre aux jeunes générations qui font des études plus longues d’atteindre plus facilement la durée d’assurance requise, l’article 16 instaure un tarif préférentiel de rachat de trimestres d’études, valable dans les cinq ans suivant la fin des études, pour quatre trimestres au maximum.

Il s’agira d’un montant forfaitaire de 1 000 euros par trimestre au régime général, ce qui permettra d’aider davantage, en proportion, les assurés aux revenus les plus faibles. Des tarifs préférentiels sont également prévus pour les autres régimes.

Les stagiaires ne valident pas de trimestres d’assurance vieillesse, car les gratifications de stages sont totalement exemptées de cotisations sociales – sauf lorsqu’ils perçoivent une gratification supérieure à 75 % du SMIC.

Le rapport Moreau suggère de supprimer la franchise des cotisations sociales pour permettre la prise en compte de la gratification, soit 436 euros par mois minimum, comme assiette des cotisations. Cependant, une telle mesure renchérirait le coût des stages sans permettre aux stagiaires de valider autant de trimestres que de temps travaillé (il faudrait cinq mois de stage pour valider un trimestre). Si l’on ne soumettait la gratification qu’aux cotisations vieillesse, le surcoût pour l’employeur serait de 10 % de la gratification, soit 43,60 euros.

Lors de l’examen du présent projet de loi en commission, la ministre des affaires sociales a indiqué que le Gouvernement travaillait à la préparation d’une mesure permettant de valider des trimestres au titre des stages sans augmenter le coût de ces derniers pour les employeurs.

Il existe une différence de situation sociale pour les chômeurs effectuant un stage de formation professionnelle, selon qu’ils perçoivent des allocations d’assurance chômage ou qu’ils soient arrivés en fin de droits. Les premiers valident, au mieux, un trimestre dans l’année, tandis que les seconds valident un trimestre pour chaque totalisation de 50 jours d’indemnisation dans l’année civile.

Comme le suggérait le rapport Moreau, l’article 18 permet que soient considérées comme des périodes assimilées d’assurance vieillesse toutes les périodes de stages de formation professionnelle continue donnant lieu à cotisation, qu’elles soient rémunérées par l’État, la région ou non rémunérées mais faisant l’objet d’une prise en charge de cotisations par l’État. Chaque totalisation de cinquante jours de stage rémunéré par l’État, la région ou non rémunéré dans l’année civile ouvrira droit à un trimestre d’assurance vieillesse.

Cette mesure, dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2015, sera financée par le Fonds de solidarité vieillesse.

À cela s’ajoutera une mesure mise en œuvre par décret permettant d’élargir la prise en compte des périodes de chômage non indemnisé (article R. 351-12 du code de la sécurité sociale). Actuellement, les périodes de chômage non indemnisé peuvent donner droit à une validation gratuite des trimestres. La première période est validée pendant dans la limite de six trimestres. Ensuite, à chaque fois où au cours de sa carrière, un assuré arrive à l’expiration de ses droits à l’assurance chômage, il continue de valider des trimestres pendant un an. Cette durée est toutefois portée à cinq ans lorsque l’assuré est âgé d’au moins 55 ans à la date où il cesse de bénéficier des indemnités et a cotisé au moins 20 ans.

S’il reprend une activité avant l’expiration de ces délais, l’assuré cesse de bénéficier de trimestres de « périodes assimilées », et ce même si l’activité professionnelle retrouvée est insuffisante pour lui permettre de valider des trimestres d’assurance et qu’il reste en recherche d’emploi.

Afin d’éviter que l’alternance entre chômage non indemnisé et emploi ne réduise les droits à validation de trimestres, un décret devrait prévoir une possibilité de maintien des droits à validation de trimestres pour chômage non indemnisé, même en cas de reprise d’emploi, si l’assuré reste inscrit sur les listes de Pôle Emploi (chômeurs de catégorie B).

Les pensions agricoles reposent sur l’addition d’une retraite agricole forfaitaire, calculée en fonction du nombre de trimestres cotisés, et d’une retraite agricole proportionnelle calculée selon un système de points cotisés et ouverte aux aidants familiaux depuis 1994. S’y ajoute un étage complémentaire, également calculé selon un système de points, le régime de retraite obligatoire des non-salariés agricoles (RCO).

Le RCO a été conçu pour améliorer en priorité les petites retraites agricoles, d’abord au bénéfice des exploitants puis à celui de l’ensemble des non-salariés agricoles.

La loi du 4 mars 2002 instaurant un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition a organisé l’affiliation obligatoire au RCO des exploitants, les classant selon deux catégories :

– les chefs d’exploitations ou d’entreprises agricoles déjà retraités lors de la mise en œuvre du régime. Ils en ont bénéficié automatiquement au moyen de droits gratuits ;

– ceux dont la retraite a été liquidée après le 1er janvier 2003 : il s’agit alors également de droits gratuits, affectés sous conditions, ainsi qu’un complément de droits acquis par cotisations.

Le 1er janvier 2011, le RCO a été étendu aux collaborateurs d’exploitation ou d’entreprises agricoles et aux aides familiaux en métropole ainsi que dans les départements d’outre-mer (24). Les cotisations sont alors acquittées par le chef d’exploitation ou d’entreprise agricole au taux de 3 %, avec une assiette forfaitaire des cotisations égale à 1 200 fois le SMIC. En contrepartie à cette cotisation forfaitaire, le collaborateur d’exploitation ou l’aide familial acquiert 66 points de RCO par an. La montée en charge de ce dispositif devait permettre aux non-salariés de bénéficier d’une pension minimale garantie équivalente à 75 % du SMIC. En 2011, la cotisation minimale était de 515 euros pour 200 points portés au compte de l’assuré.

D’après le ministère de l’agriculture, les recettes des cotisations au RCO représentaient 338 millions d’euros en 2012, soit 62 % du total des charges du régime. 37 % des dépenses des dépenses étaient couvertes par l’affectation d’une fraction des droits sur la consommation des tabacs (202 millions d’euros en 2012).

Malgré ces efforts, les retraites des non-salariés demeurent faibles. Plusieurs facteurs structurels y concourent : le calcul de la retraite agricole s’effectue sur l’ensemble de la carrière (et non les 25 meilleures années) et il se fonde sur des revenus agricoles généralement faibles d’autant que la partie proportionnelle de la retraite agricole repose un barème de points fixé avant 1990 sur le revenu cadastral. À titre d’illustration, en 2011, les pensions moyennes de droit direct servies par le régime NSA étaient de 377 euros, soit des montants inférieurs de 40 % en moyenne à ceux du régime général. Le phénomène touche particulièrement les femmes.

Le projet de loi traduit l’engagement du Gouvernement de poursuivre ces améliorations. Outre les progrès généraux portant sur la pénibilité ou encore le statut des conjoints collaborateurs, il consacre trois articles à l’amélioration des pensions agricoles.

En premier lieu, les affiliés aux régimes agricoles bénéficieront des mesures générales de justice du projet de loi : maintien d’un droit à liquidation à 62 ans, facilitation du départ en retraite des polypensionnés, réduction du nombre d’heures cotisées pour la validation d’un trimestre. En outre, la prise en compte de la pénibilité concernera le monde agricole et notamment le secteur agro-alimentaire. Enfin, les mesures contenues à l’article 19 du projet de loi facilitant l’affiliation des conjoints collaborateurs en cas de décès du conjoint chef d’entreprise ou d’exploitation ou encore en cas de divorce représenteront certainement un progrès pour les conjoints d’exploitants.

Surtout, le texte apporte des mesures spécifiques au monde agricole. La réforme des retraites aura un impact très positif sur les petites retraites de ce régime. Elle octroie un complément de points au titre de la RCO afin de garantir un niveau de pension au moins équivalent à 75 % du SMIC, cet objectif, posé par la loi du 4 mars 2002 instaurant un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition, n’ayant jamais été atteint. Afin d’y remédier, le projet de loi met en place un système de complément permettant de garantir progressivement les 75 %.

Si l’affiliation au RCO a représenté un progrès indéniable, la situation des non-salariés non-exploitants (c’est-à-dire des collaborateurs et des aidants familiaux) demeure parfois relativement précaire. Leur affiliation tardive les conduit souvent à liquider des droits à pension avec un nombre de points insuffisant pour bénéficier d’un taux plein. C’est pourquoi le projet de loi attribue gratuitement 66 points par année d’assurance aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux ayant été affilié au moins 32,5 années au régime des non-salariés agricoles, qu’ils soient actifs ou retraités (article 21). Ces points supplémentaires portent sur les années précédant l’affiliation obligatoire (1er janvier 2011), pour un maximum de 17 annuités.

Cette mesure, qui s’applique aux personnes déjà retraitées ainsi qu’au nouveau flux, bénéficiera d’abord aux conjointes d’exploitants. Près de 557 000 personnes sont concernées, pour un coût qui devrait décroitre progressivement, de 160 millions d’euros en 2014 à 69 millions d’euros en 2040, avec un pic de consommation à 151 millions d’euros en 2017.

De leur côté, les assurés ne justifiant pas d’une affiliation suffisante voient également leurs droits renforcés (article 20). Ils bénéficieront désormais de la pension majorée de référence (PMR) quelle que soit leur durée de cotisation, la condition d’une cotisation minimale de 17,5 annuités étant supprimée à compter du 1er janvier 2014. Cela leur permettra de bénéficier d’une retraite au moins égale à 541,30 euros pour les conjoints collaborateurs et à 681,20 euros pour les exploitants.

Le financement de ces mesures nécessitera de nouvelles ressources. Elles reposeront sur un élargissement de l’assiette des cotisations à la caisse agricole qui interviendra en loi de financement de la sécurité sociale. Elles doivent être examinées par le Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Elles s’ajouteront aux mesures générales de redressement des comptes, avec la hausse des prélèvements à court terme et de la durée de cotisation à partir de 2020. Il s’agit de diminuer les besoins de financement d’un régime structurellement déficitaire (2,5 milliards d’euros par an), du fait notamment d’une démographie professionnelle particulière (498 000 cotisants pour 1,6 million de bénéficiaires).

Se posera également la question de la caisse en charge de liquider les pensions de retraites lorsque sera mise en œuvre la possibilité d’une demande unique pour les polypensionnés. Spécificité de ce régime, 75 % des salariés agricoles n’en relèvent plus au moment de la liquidation de leurs droits à pension. Dans l’hypothèse où la dernière caisse de cotisation serait reconnue pilote, la MSA risquerait de perdre une bonne part de son activité. Cette situation serait d’autant plus regrettable qu’elle dispose des outils permettant un suivi au plus près de ses assurés, par exemple au titre de l’AT-MP. Il est souhaitable que la traduction réglementaire de cette disposition en tienne compte le moment venu.

Le droit en vigueur tient compte des difficultés particulières que rencontrent les personnes handicapées pour liquider des droits à pension à taux plein. Le handicap a également pour conséquence statistique une diminution de l’espérance de vie à la retraite par rapport à la moyenne nationale. Le handicap crée donc une inégalité manifeste que la solidarité nationale compense encore timidement. Le projet de loi vise à mieux compenser ces contraintes.

Il concerne la possibilité de liquider une retraite anticipée à 55 ans d’une part, et celle de liquider la retraite à taux plein à l’âge légal d’autre part. En l’état, ils bénéficient d’un droit à liquidation de leur retraite à partir de 55 ans, pour un taux plein de 50 % :

– les personnes souffrant pendant leur période d’assurance d’un taux d’incapacité permanente de 80 % reconnu par la Commission des droits et de l’autonomie de la maison départementale des personnes handicapées ;

– ou celles reconnues comme travailleurs handicapés dans le cadre du dispositif dit « RQTH » (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé).

L’une ou l’autre de ces conditions bénéficie à une dizaine de milliers d’assurés chaque année.

Elles doivent en outre réunir une durée d’assurance suffisante et, durant celle-ci, avoir validé une période minimale de cotisation. Ces critères sont calculés à partir de la durée exigée des travailleurs valides pour liquider une retraite à taux plein, à savoir 160 trimestres cotisés. Les durées exigées d’assurance et de cotisations sont diminuées en fonction de l’âge de départ à la retraite, tel qu’illustré dans le tableau ci-après.

Pour un départ à
la retraite à :

Durée totale d’assurance

Durée cotisée

La durée nécessaire pour le taux plein est diminuée de :

55 ans

40 trimestres

60 trimestres

56 ans

50 trimestres

70 trimestres

57 ans

60 trimestres

80 trimestres

58 ans

70 trimestres

90 trimestres

59 ans

80 trimestres

100 trimestres

Source : CNAV

Ces conditions sont restrictives : le niveau de handicap est élevé et il doit avoir été reconnu au plus tard six trimestres après le début de la période de cotisation exigée.

Un dispositif spécifique existe dans la fonction publique. La loi du 11 février 2005 a en effet prévu d’un départ anticipé à la retraite avec majoration des droits de pension. Il peut obtenir une retraite à taux plein avant l’âge légal s’il réunit les conditions suivantes :

– Souffrir d’un taux d’incapacité permanente reconnu par la CDAPH au moins égal à 80 % ;

– d’un nombre suffisant de trimestres d’affiliation tous régimes confondus depuis la reconnaissance du handicap (par exemple de 126 trimestres cotisés pour une personne née après 1953 et liquidant ses droits à 55 ans) ;

– d’un nombre suffisant de trimestres cotisés tous régimes confondus depuis la reconnaissance du handicap (106 trimestres dans l’exemple précité) ;

– qu’une incapacité permanente au moins égale à 80 % ait été reconnue sur la période en question.

En dehors du dispositif de retraite anticipée, les personnes handicapées peuvent liquider de droit une retraite à taux plein à l’âge de 65 ans. La réforme des retraites de 2010 a entériné l’élévation de l’âge auquel tout assuré peut y prétendre, quelle que soit sa durée de cotisation, passant progressivement de 65 à 67 ans entre 2016 et 2023. Les personnes justifiant d’une incapacité d’au moins 50 % au sens de l’article L. 82-2 du code de la sécurité sociale, qui fixe les conditions d’obtention de l’allocation adulte handicapé (APA), en ont été préservées.

Elles concernent les pensions liquidées au titre du régime général et des régimes complémentaires.

En ce qui concerne les possibilités de liquidation des droits à la retraite avant l’âge légal, dans un souci de justice et de simplification, le projet de loi retiendrait désormais pour seul critère la reconnaissance du handicap celle d’un taux d’incapacité permanente de 50 %. La condition de RQTH, jugée complexe et peu revendiquée tombe au profit d’un abaissement du taux d’incapacité minimal. Ce dispositif concerne les personnes justifiant d’une durée d’assurance suffisante (cf. supra). L’impact budgétaire de la mesure est difficile à évaluer. En particulier, le constat de la complexité de la procédure RQTH laisse supposer que de nombreux assurés n’ont pas accompli les démarches de reconnaissance justifiant d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 50 %. C’est donc un quasi doublement des bénéficiaires du dispositif qui est envisagé au terme de la montée en charge de cette mesure, engendrant un coût supplémentaire d’environ 20 millions d’euros par an.

Pour les personnes ne justifiant pas d’une durée de cotisation suffisante, l’âge de liquidation d’une pension à taux plein sera garanti dès 62 ans, au lieu de 65 ans aujourd’hui au terme de la loi de 2010 portant réforme des retraites, et ce, quelle que soit la durée de cotisation, pourvu que les intéressés justifient d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 50 %. L’étude d’impact ne fournit pas d’évaluation précise du nombre de personnes supplémentaires qui en bénéficieraient, probablement quelques milliers. Le coût estimé devrait être de 30 millions d’euros chaque année pour le régime général, les besoins croissant jusqu’à atteindre 50 millions d’euros annuels à l’horizon 2040. On notera toutefois que les évaluations fournies dans l’étude d’impact à ce titre comme pour l’essentiel des mesures dites de justice semblent parfois approximatives.

Est reconnue « aidant familial » toute personne qui prend en charge de façon permanente une personne handicapée, qu’il soit enfant ou adulte, le taux de handicap étant fixé à 80 %. Cet investissement est souvent lourd, pénalisant généralement la carrière professionnelle des femmes. C’est pourquoi divers dispositifs existent afin de reconnaître et de compenser cette contrainte.

Depuis 1975, les aidants familiaux d’une personne lourdement handicapée bénéficient de l’affiliation gratuite et obligatoire à l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), régime qui tient compte des retraits ou réductions d’activité auxquels elles sont contraintes. Soumises à conditions de ressources, l 600 personnes bénéficient de l’AVPF.

Les aidants familiaux accompagnant des enfants lourdement handicapés bénéficient d’une bonification de leur durée d’assurance d’un trimestre par période de 30 mois de prise en charge.

Le projet de loi propose d’élargir le bénéfice de l’AVPF aux aidants familiaux d’adultes lourdement handicapés ou de personnes âgées dépendantes en supprimant la condition de ressources. En outre, il leur accorde également la même majoration de durée d’assurance, d’un trimestre par période de 30 mois. Le bénéfice de cette disposition est, là encore, ouvert à hauteur de huit trimestres. Aucune disposition du projet ne paraît exclure le cumul des dispositifs concernant l’aide à un enfant handicapé et celle à un adulte.

En outre, l’article 25 supprime la condition de ressources imposée aux aidants familiaux pour bénéficier de la validation au titre de la retraite des périodes d’aide auprès d’une personne handicapée.

L’impact financier de cette mesure est difficile à évaluer. L’étude d’impact relève qu’environ 1 600 assurés bénéficient de l’AVPF en qualité d’aidant familial d’un adulte handicapé. Elle retient l’hypothèse d’un flux annuel de 100 personnes bénéficiant dispositif en anticipant leur départ en retraite. Cette hypothèse se traduirait par un coût annuel de 1,6 million d’euros par an en 2014. Toutefois, la suppression de la condition de ressources va mécaniquement augmenter le nombre d’affiliés à l’AVPF et donc, progressivement, le flux de demande de liquidation. Au final, l’hypothèse retenue est donc celle d’un coût global de 100 millions d’euros à l’horizon 2040, une évaluation qu’il convient donc d’appréhender avec prudence.

Comme le souligne l’étude d’impact, les taux d’emploi des seniors en France sont croissants, mais demeurent inférieurs aux moyennes européennes. En 2011, le taux d’emploi des seniors âgés de 55 à 64 ans atteignait 41,5 %. Il était inférieur pour les femmes (39,1 %, contre 44,1 % pour les hommes). Bien qu’en augmentation, il reste inférieur à la moyenne européenne (47,4 %).

Comme en France, dans la grande majorité des pays de l’OCDE, l’âge effectif moyen auquel les seniors se retirent de l’activité a fortement diminué entre le début des années 1970 et le milieu des années 2000 (d’environ 5 ans en moyenne dans les pays de l’OCDE – de 68 ans à 63 ans pour les hommes et de 67 ans à 62 ans pour les femmes – et de près de 9 ans en France – de 68 ans à 59 ans tant pour les hommes que pour les femmes) et se situe encore aujourd’hui en deçà de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite.

Depuis le début des années 2000, les pouvoirs publics ont engagé des politiques d’encouragement de l’emploi des seniors, à rebours des politiques de sorties précoces du marché du travail menées dans les années 1970 et 1980. Par ailleurs, le décalage progressif de l’âge légal de départ à la retraite a un impact à la hausse sur le taux d’emploi des seniors. S’y ajoutent des mesures spécifiques visant à favoriser l’emploi des seniors, telles que le contrat de génération créé par la loi du 1er mars 2013. Ces politiques commencent à porter leurs fruits, mais l’âge de sortie d’emploi demeure inférieur à l’âge légal de départ à la retraite et les politiques de transition entre emploi et retraite sont encore trop complexes et parfois peu connues.

Ainsi, si l’objectif de l’élévation du taux d’activité des seniors et surtout, de leur taux d’emploi, ne saurait être remis en cause, il convient de ne pas mener une politique aveugle : on ne peut en effet pas nier le fait qu’il est extrêmement difficile de retrouver une activité après 55 ans ; et que l’objectif d’élévation de leur taux d’emploi ne peut valoir universellement, sans considération des conditions d’emploi, de la pénibilité, de l’âge auquel les personnes ont par ailleurs commencé à travailler, ce qui recoupe la problématique des conditions de travail et la prise en compte de la pénibilité par la réforme des retraites.

Dans le but de faciliter la transition entre emploi et retraite des seniors, le projet de loi mobilise deux instruments : l’extension de la retraite progressive et l’aménagement du cumul emploi-retraite.

Le caractère restrictif de la retraite progressive n’ouvre ce dispositif qu’à une fraction des assurés, qui sont du reste nombreux à l’ignorer du fait de sa complexité. Malgré son impact positif sur l’emploi des seniors et la transition emploi/retraite, la retraite progressive ne concerne ainsi aujourd’hui que 2 409 assurés.

C’est pourquoi il est proposé, à l’article 11, d’étendre son bénéfice, en :

– diminuant de deux ans l’âge d’ouverture du dispositif, le portant donc à 60 ans pour un âge légal de départ en retraite de 62 ans ;

– intégrant l’ensemble des régimes dans le calcul de la durée d’assurance requise de 150 trimestres, les trimestres cotisés au titre d’un régime spécial ou d’un régime de la fonction publique ne pouvant aujourd’hui être comptabilisés ;

– renvoyant à la voie réglementaire le soin, d’une part, d’abaisser la durée de cotisation minimale pour accéder au dispositif, d’autre part, de simplifier le barème fixant la fraction de pension versée en fonction de la durée du travail à temps partiel choisie, en veillant à ce que la somme en soit toujours proche de 100 %.

L’étude d’impact évalue le coût total de ces mesures à 50 millions d’euros d’ici 2017, dans l’hypothèse d’un quintuplement des bénéficiaires du dispositif.

Comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi, « la coexistence de différentes règles, associée à de nombreuses exceptions nuit à la compréhension globale du système ainsi qu’à un accès de tous au cumul emploi-retraite ».

C’est pourquoi il est proposé, à l’article 12, de supprimer toute forme d’iniquité entre les assurés grâce à :

– la fin de la notion de groupes de régimes. La liquidation d’une pension dans n’importe quel régime, supposera désormais de mettre fin obligatoirement à l’ensemble de ses activités ;

– la généralisation du principe de cotisations non génératrices de droits nouveaux à retraite quels que soient le régime de l’assuré et l’âge de liquidation de sa pension.

Selon l’étude d’impact, le rendement de la mesure atteindrait environ 30 millions d’euros de moindre dépense pour les régimes de base l’année de l’entrée en vigueur, soit 2015, et 450 millions d’euros au terme de la montée en charge.

Notons que le Gouvernement s’est engagé à mettre en place un mécanisme d’intéressement à la reprise d’une activité professionnelle pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Sera ainsi exclue du montant des ressources prises en compte pour calculer l’ASPA, une partie des revenus d’activité. Selon l’étude d’impact, la mesure entrerait en vigueur dès le 1er janvier 2014 et concernerait l’ensemble des régimes. Son coût est estimé à environ 10 millions d’euros par an pour le seul régime général.

IV. UNE RÉFORME QUI POSE LES BASES D’UN PILOTAGE GLOBAL ET D’UNE SIMPLIFICATION DES RÉGIMES DE RETRAITE

La succession de « grandes réformes » des retraites est de nature à casser la confiance des assurés, et en particulier des plus jeunes, en la pérennité de notre système de retraites. C’est pourquoi le présent projet de loi propose d’instaurer un mécanisme de pilotage de la trajectoire des régimes de retraite, visant à alerter le Gouvernement et la représentation nationale en cas d’écarts par rapport à la trajectoire de redressement des comptes des régimes de retraite, et à proposer des mesures de correction au fil des ans.

Parce que la confiance repose aussi sur la transparence et la lisibilité, le présent projet de loi vise aussi à simplifier le système, en particulier pour les polypensionnés, à améliorer la gouvernance des régimes et à les rapprocher à travers la mise en place d’une structure inter-régimes chargée de coordonner les projets de simplification.

L’article 3 met en place un mécanisme de pilotage annuel de l’ensemble du système de retraite, qui doit porter à la fois sur la trajectoire financière des régimes et sur leur adéquation aux objectifs fixés à l’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale (article 1er du présent projet de loi).

Il s’agit de mettre un terme aux réformes par à-coups et de renforcer la confiance des assurés, notamment des jeunes générations, dans la capacité du système à satisfaire les objectifs définis.

Un comité composé de cinq experts (comité de surveillance des retraites, renommé comité de suivi des retraites par votre commission) est chargé de rendre chaque année un avis sur l’adéquation du système de retraite à ses objectifs et sur la situation comparée des hommes et des femmes. Il s’appuie sur les travaux du COR et des administrations.

En cas d’écarts constatés par rapport aux objectifs, le comité doit formuler des recommandations en recettes et en dépenses. Il s’agit de :

– réajuster la trajectoire financière en cas de choc conjoncturel comme de choc structurel (baisse du taux de croissance potentiel, changement des perspectives démographiques par exemple) ;

– rectifier une situation qui ne serait pas conforme aux autres objectifs fixés par la loi (notamment par l’article L. 111-2-1 précité).

Parmi ces objectifs, on trouve l’équité entre générations. Jusqu’à présent, le système est resté assez équitable : la génération partie en retraite il y a 15 ans a moins cotisé mais a une espérance de vie plus courte que la génération qui part à la retraite actuellement. La question reste posée pour les générations à venir, auxquelles il faut garantir qu’elles seront traitées de façon équitable. Dans le contexte d’un fort déséquilibre démographique, ce point devra être surveillé par le comité.

L’article 3 dresse une liste non limitative du type de recommandations que pourra rendre le comité. Outre les leviers de la durée d’assurance, du taux de cotisations et d’autres types de ressources (cette dernière possibilité ayant été ajoutée par votre commission), le comité pourra proposer de mobiliser une partie du capital du Fonds de réserve pour les retraites (FRR). En revanche, le texte ne mentionne pas la possibilité de suggérer une modification de l’âge légal de liquidation – éventualité qui n’est cependant pas écartée, puisque la liste n’est pas limitative.

Afin de respecter un certain équilibre entre effort des actifs et effort des retraités, les recommandations du comité sont encadrées entre un « plancher » constitué par un taux de remplacement minimal et un plafond constitué par un taux de cotisations maximal.

Le comité jouera aussi un rôle d’observatoire des inégalités et de suivi des dispositifs mis en œuvre pour les corriger.

Le présent projet de loi propose des mesures devant améliorer la gouvernance des caisses agricole et libérale ainsi que le pilotage de la politique des retraites dans la fonction publique.

Le Gouvernement a souhaité accroitre l’implication de la caisse centrale de la mutualité agricole (CCMSA) dans le pilotage des retraites agricoles et notamment du régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles. L’article 31 du projet de loi traduit cette ambition en faisant de la CCMSA une véritable force de proposition qui serait désormais habilitée à décider de variations de trajectoires cibles ainsi que de variations de ressources au titre des droits sur les tabacs. Elle éclairera régulièrement le gouvernement sur l’évolution des principaux paramètres du régime des non-salariés agricoles et celle des valeurs de service et d’achat des points de retraites ainsi que des taux de cotisation. C’est à l’appui de ses avis que le Gouvernement décidera in fine de leurs évolutions, par arrêté.

Le projet de loi entend également réformer la gouvernance des caisses des professions libérales.

Le régime vieillesse des professions libérales

L’organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales (OAAVPL) rassemble près d’un million d’affiliés. Les cotisants sont au nombre de 800 000, dont 200 000 auto-entrepreneurs, et 200 000 pensionnés. Les pensions servies s’élèvent à 4 milliards d’euros dont : un milliard d’euros au titre du régime de base ; 2,2 milliards d’euros pour les régimes complémentaires et 800 millions d’euros pour les régimes sur-complémentaires dont bénéficient certaines professions médicales et paramédicales.

Depuis 2001, les assurés de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) relèvent d’un régime par points, dont les cotisations sont organisées selon un barème de cotisation proportionnel aux revenus comportant deux tranches. En outre, depuis la réforme de 2003, les pouvoirs publics ont engagé un processus d’harmonisation du fonctionnement de ces régimes avec le régime général, sur le périmètre du régime de base.

Si ces régimes présentent une démographie très favorable aujourd’hui, avec un ratio de trois cotisants pour un retraité, la Cour des comptes a relevé que l’arrivée à la retraite de la génération du baby-boom va sérieusement compliquer l’équation financière (passage à un ratio de trois pour deux en 2020 et de un pour deux en 2030), d’autant que l’affiliation des auto-entrepreneurs a représenté un coût important pour ce régime. Le besoin de financement atteindrait entre 500 et 600 millions d’euros par an à partir de la décennie 2030, malgré les solides réserves dont dispose le régime aujourd’hui. Autant d’arguments plaidant pour une préparation de l’avenir des plus rigoureuses et donc pour une optimisation de ses outils de pilotage.

La situation de la CNAVPL et de ses dix sections professionnelles (26) a été récemment l’objet de divers rapports qui ont mis en avant l’opportunité de poursuivre la convergence de cet ensemble avec les autres caisses sur le plan de la gouvernance. Il s’agit en effet du seul régime dont le directeur ne soit pas nommé par le Gouvernement mais par son propre conseil d’administration. Par ailleurs, la CNAVPL n’a pas réussi depuis 2003 à s’imposer comme un véritable chef de file, échouant à harmoniser les procédures de gestion ou encore la formation des personnels. À titre illustratif, la caisse nationale ne compte qu’une vingtaine d’employés quand les sections en rassemblent à peu près un millier.

Pour la Cour des comptes en particulier, « les réformes des régimes de retraite des professions libérales apparaissent aujourd’hui trop limitées pour faire face aux défis démographiques des prochaines décennies. Leur pérennité impose un pilotage global ». Elle ajoute que « la forte tradition d’autonomie des sections professionnelles et l’absence de pilotage d’ensemble des régimes n’ont [...] pas permis d’envisager jusqu’alors une approche en termes d’équilibre global » (27).

Or, le droit en vigueur n’est pas particulièrement contraignant. En particulier, l’article L. 641-2 qui définit les responsabilités de la CNAVPL est relativement souple : « la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales assure la gestion du régime d’assurance vieillesse de base des professionnels libéraux et la gestion des réserves du régime dans les conditions prévues au présent titre ».

Pour remédier à ces carences, et mieux accompagner la mise en cohérence de ce régime, l’article 32 comporte des dispositions précises visant à renforcer le rôle de la CNAVPL ainsi que les procédures de contrôle de l’OAAVPL. Ces mesures ne concernent que la gouvernance, l’organisation et les rapports avec l’État, en aucun cas les modes de calcul des pensions.

Ainsi, le projet de loi rappelle les compétences de la CNAVPL vis-à-vis des sections professionnelles. Elle doit en particulier s’assurer de la bonne gestion du régime d’assurance de base par les sections et piloter les évolutions des systèmes d’information et de communication.

Comme les autres caisses nationales, la CNAVPL devra conclure des contrats de gestion avec les sections et un contrat d’objectifs avec l’Etat, dans le droit fil des recommandations de la Cour, pour qui « La conclusion d’une telle convention semble [...] indispensable et serait de nature à inscrire l’organisation des retraites des professions libérales dans une démarche de modernisation de sa gestion et de pilotage global. Elle contraindrait la CNAVPL à s’engager sur des objectifs clairs et partagés et conforterait son rôle comme tête de réseau ». Aux termes du projet de loi, son directeur sera nommé par le Gouvernement, par voie de décret, le conseil d’administration de la caisse nationale conservant la faculté de s’opposer à une nomination.

Le présent projet de loi améliore également le pilotage de la politique des retraites des trois fonctions publiques. L’article 30 conduira le Gouvernement à organiser un débat annuel sur la politique des retraites dans les fonctions publiques avec les organisations syndicales de fonctionnaires. Les contours de ce débat sont peu contraignants, le projet de loi ne comportant pas de disposition particulière sur son contenu ou de calendrier précis. L’étude impact mentionne toutefois le suivi de grands indicateurs que sont le taux de remplacement, l’évolution moyenne des pensions, la situation financière des régimes ou encore la comparaison de l’évolution des pensions entre hommes et femmes. Ce débat permettra en outre de mieux informer l’ensemble du public sur la réalité et l’évolution des retraites dans les trois fonctions publiques.

La lisibilité et la transparence du système de retraite sont des éléments essentiels à la confiance et la compréhension des réformes engagées.

Des progrès considérables ont déjà été accomplis au cours des dix dernières années. Tout d’abord, la loi du 21 août 2003 avait pour ambition de fournir une information complète à tous les assurés, en englobant les régimes complémentaires obligatoires, et de permettre des échanges fluides d’informations entre les régimes, en coordonnant leurs bases de données. Elle a prévu :

– l’envoi automatique à partir de 35 ans, puis tous les cinq ans, ou sur demande de l’assuré, d’un relevé de situation individuelle au regard de l’ensemble des droits que l’assuré s’est constitué auprès des régimes de retraite obligatoires ;

– la fourniture automatique et périodique à partir de 55 ans, d’une estimation indicative globale du montant des pensions de retraite que l’assuré sera susceptible d’obtenir à son départ à la retraite de la part des régimes de retraite obligatoires ;

– la création d’un groupement d’intérêt public, le « GIP Info Retraite », composé de l’ensemble des régimes de retraite obligatoires, de base et complémentaires ; ce GIP doit combiner l’action de ses trente-six membres sans se substituer à eux, pour l’établissement des situations individuelles, l’échange des données entre les régimes et la fourniture des informations aux assurés. Ainsi, il vise à effacer aux yeux des assurés la complexité de l’architecture des régimes de retraite français.

La loi du 9 novembre 2010 a prévu que le relevé de situation individuelle (RIS) puisse être communiqué à tout moment, par voie électronique, à la demande de l’assuré. Elle a également ajouté le droit, sur demande, à un entretien avec un conseiller des caisses de retraite.

Le présent projet de loi propose de franchir une nouvelle étape dans l’amélioration du droit à l’information des assurés, en permettant la création d’un service en ligne donnant un accès permanent au dossier de chaque assuré.

L’article 26 prévoit que d’ici 2017, chaque assuré aura un compte individuel de retraite en ligne qui lui permettra de connaître les droits qu’il a acquis et de faire des simulations sur ses pensions. Au moment de liquider sa retraite, il n’aura plus qu’une seule demande à faire, avec une déclaration en ligne pré-remplie.

Au-delà du droit à l’information, la lisibilité peut passer par une simplification des modalités d’acquisition et de calcul des droits à retraite, voire de l’architecture même du système.

Le régime général et les régimes alignés calculent de manière indépendante, sur la base des droits acquis en leur sein, les pensions de leurs assurés. C’est seulement pour le calcul de la décote que la durée d’assurance est appréciée en prenant en compte la durée totale acquise dans l’ensemble des régimes de retraite. Cette situation conduit, à carrière identique, à des montants de pensions différents entre assurés monopensionnés et assurés polypensionnés.

Selon les cas, un polypensionné peut être avantagé ou désavantagé. Par exemple, s’il gagne la même année plus de 800 heures de SMIC dans deux régimes, il validera 4 trimestres dans chacun des régimes, soit 8 trimestres au total. À l’inverse, s’il gagne 800 heures de SMIC au total, réparties entre deux régimes, il n’atteindra pas 4 trimestres au total.

La règle de calcul du salaire annuel moyen est défavorable aux polypensionnés, car les meilleures années sont retenues régime par régime.

Enfin, l’ordre d’affiliation à plusieurs régimes n’est pas neutre sur le montant total de pension ; par exemple, les polypensionnés privé-public sont généralement désavantagés par rapport aux polypensionnés public-privé.

Même entre des régimes qui ont des règles identiques ou quasi-identiques, les polypensionnés ne sont pas dans la même situation que les monopensionnés, puisque chaque régime calcule la pension de façon indépendante.

L’article 28 propose, pour les assurés affiliés à plusieurs régimes alignés (régime général, RSI, salariés agricoles), de calculer la pension comme si l’assuré avait relevé d’un seul régime : ainsi, pour les années durant lesquelles l’assuré a relevé d’au moins deux régimes alignés, il sera procédé à la somme, d’une part, des revenus sur lesquels il a cotisé auprès des régimes alignés et, d’autre part, des trimestres qu’il a validés auprès de ces régimes. Le total de ces revenus sera retenu dans la limite du plafond de la sécurité sociale et celui des trimestres dans la limite de quatre trimestres.

L’assuré restera affilié à deux régimes, juridiquement, mais l’ensemble des droits ouverts seront calculés comme si l’assuré n’avait relevé que d’un régime. Par souci de simplification, le régime principal sera chargé de verser l’intégralité de la pension au polypensionné.

L’impact financier de cette mesure est difficile à évaluer dans la mesure où des effets favorables et défavorables pour les assurés se conjuguent. Le Gouvernement suppose que ces effets se neutraliseront.

Cette solution concernera 43 % des polypensionnés. Il n’est pas possible de le mettre en œuvre pour des régimes qui ont des règles de calcul des droits différentes.

Si le montant annuel de la retraite personnelle, y compris les avantages complémentaires, est inférieur à 156,09 euros par an, la retraite n’est pas servie mensuellement. Elle est payée en un versement forfaitaire unique (VFU) égal à 15 fois le montant annuel de la retraite.

L’article 29 supprime le versement forfaitaire unique (VFU), en le remplaçant par deux systèmes différents selon que le retraité est mono ou polypensionné :

– pour les monopensionnés, le VFU est remplacé par un remboursement de cotisations ;

– pour les polypensionnés, les pensions sont mutualisées afin que la pension donnant lieu à VFU soit servie en rente par le régime servant la pension la plus importante.

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Certains souhaiteraient – sans livrer le mode d’emploi d’un tel programme – que l’on aille jusqu’au bout du rapprochement des régimes des retraites, en créant un système unique. L’idée d’un système par points revient souvent.

Dans son septième rapport (28), le COR a procédé à une analyse comparée des caractéristiques des différentes modalités de calcul des droits dans un régime de retraite en répartition (annuités, points et comptes notionnels) au regard des objectifs du système.

Votre rapporteur estime que dans un contexte financier et démographique très déséquilibré, une telle réforme n’est pas souhaitable. Elle n’apporterait aucune solution aux déficits actuels.

La mise en œuvre d’une réforme systémique n’est pas un préalable à la poursuite d’un processus de simplification dans le cadre même du système actuel. Les mesures de coordination et de mutualisation entre régimes proposées par le présent projet de loi doivent déjà permettre d’aller vers une bien plus grande simplicité pour les assurés, en particuliers pour les polypensionnés. Votre rapporteur estime qu’il faut poursuivre dans ce sens, sans qu’il soit nécessaire de tout remettre à plat.

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.- AUDITIONS ORGANISÉES PAR LA COMMISSION

La Commission des affaires sociales entend des représentants des salariés (CGT, CGT-FO, CFDT, CFTC et CFE-CGC) sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites lors de sa première séance du mercredi 11 septembre 2013.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a pour ambition de pérenniser un système de solidarité intergénérationnel et de gommer les inégalités existantes entre les hommes et les femmes ainsi qu’en matière de pénibilité. Je remercie les intervenants pour leur présence malgré un agenda chargé.

M. Serge Lavagna, secrétaire national en charge de la protection sociale (CFE-CGC). Nous partageons l’idée qu’une réforme était nécessaire. Mais je consacrerai plutôt mon propos à vous faire part de nos critiques tant il est vrai que peu de choses nous conviennent dans ce projet de réforme.

De manière habile, la réforme comprend, d’une part, des mesures prenant effet immédiatement et, d’autre part, des mesures applicables à compter de 2020 – si une nouvelle réforme n’intervient pas d’ici là puisque cette réforme est la quatrième en dix ans.

S’agissant des mesures à long terme, l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans en 2035 est le principal instrument d’équilibre du système de retraite. Or cette mesure est profondément injuste. Les jeunes – les moins de quarante ans aujourd’hui – sont les grands perdants de la réforme. Alors que la génération âgée de trente ans aujourd’hui doit déjà cotiser trois années de plus que celle de ses parents, en augmentant encore la durée de cotisation, vous lui promettez une retraite à 67 ou 68 ans qui se traduira in fine par une retraite amputée tant l’objectif est inaccessible. Vous envoyez un signal négatif aux jeunes générations qu’il ne faut pourtant pas désespérer. C’est là le point le plus grave selon nous de cette réforme.

Nous souhaitons que l’allongement de la durée de cotisation s’accompagne d’une prise en compte de l’âge légal de départ à la retraite. Ce n’est pas la même chose de partir à la retraite avec 43 années de cotisation à 62 ou 67 ans, indépendamment des différences sociales, professionnelles ou sexuelles qui déterminent l’espérance de vie. Vous frappez les jeunes qui entrent tardivement sur le marché du travail et plus encore dans la vie active ainsi que les personnes aux carrières heurtées que sont souvent les femmes. Cela est profondément injuste.

À l’attention des jeunes, nous plaidons pour une prise en compte des années d’études par le biais d’un rachat d’une partie d’entre elles à un taux acceptable. Cette proposition est inspirée de la pratique belge qui permet ce rachat grâce à des cotisations sur la base du SMIC. Sur ce point, la mesure contenue dans la réforme est un leurre : la possibilité de racheter une année d’études avec un abattement modeste dans les cinq ou dix ans suivant la fin des études est inopérante et sera peu ou pas utilisée en pratique.

S’agissant du financement à court terme par l’augmentation des cotisations, les salariés seront les seuls à payer puisque la hausse de la part patronale sera compensée d’une manière ou d’une autre. Nous sommes opposés à une mesure qui ampute le pouvoir d’achat des salariés. En revanche, nous sommes favorables à l’instauration d’une cotisation sociale sur la consommation qui aurait vocation à financer, non pas les retraites – la retraite doit demeurer une prestation liée au salaire, financée à ce titre par les cotisations sociales –, mais la branche maladie ou la branche famille, qui, en tant que prestations universelles, doivent être financées par l’impôt.

Sur la question de la pénibilité qui n’a jusqu’à présent jamais trouvé de réponse satisfaisante, nous notons une petite avancée. Nous regrettons cependant que les critères retenus pour le compte personnel de prévention de la pénibilité correspondent aux dix critères du code du travail. Ces derniers sont en effet le reflet d’une société industrielle alors que le secteur tertiaire a aujourd’hui pris le pas sur l’industrie. Les effets des risques psychosociaux doivent être reconnus dans le code du travail et pris en considération au risque d’adopter une réforme déconnectée de la réalité du monde du travail.

Nous serons attentifs aux décrets d’application sur ce sujet comme sur les autres car chacun sait que le diable est dans les détails. Par exemple, à quel moment considère-t-on qu’un salarié est exposé à la pénibilité ? Malgré l’incertitude sur sa mise en œuvre, le compte personnel de prévention de la pénibilité doit être expérimenté afin d’évaluer sa pertinence. Faute de temps, j’arrête là mon exposé liminaire mais je pourrai revenir sur d’autres points de la réforme en réponse aux questions.

M. Jean-Louis Malys, secrétaire national en charge des retraites (CFDT). La CFDT travaille de longue date sur le dossier des retraites. À partir de la réforme de 1993– qui, je le rappelle à l’attention de certains, a créé l’écart entre salariés du privé et du public – et plus encore de 2003, la CFDT a défini sa doctrine sur les retraites. Nous sommes favorables à une évolution de notre système de retraite, fondée sur les réalités démographiques, à condition que les efforts demandés soient justes. Tel est notre leitmotiv depuis des années. Notre stratégie, arrêtée à l’issue d’intenses débats lors du Congrès de 2010, s’articule autour de plusieurs principes.

Dès lors qu’un effort est demandé, la durée de cotisation constitue la variable d’ajustement la plus juste à condition d’aider ceux qui ont des difficultés à valider les trimestres. L’augmentation de la durée de cotisation doit s’accompagner de mesures correctrices des inégalités d’un système bâti pendant les Trente Glorieuses. Ces inégalités touchent principalement les femmes, les jeunes et les salariés aux carrières longues et pénibles.

En matière de financement, il faut distinguer les mécanismes contributifs – dans lesquels les cotisations génèrent des droits, comme pour l’assurance chômage et l’assurance retraite – des mécanismes universels que sont les prestations familiales et l’assurance maladie. Un redéploiement financier doit être opéré entre les logiques assurantielles et solidaires même si les frontières entre les deux sont perméables.

Enfin, il faut rapprocher les divers régimes. Les différences ne sont pas supportables. Une réforme ne peut néanmoins pas être menée en stigmatisant certaines catégories. Je rappelle qu’en 2007, toutes les organisations représentatives des salariés avaient approuvé la réforme des régimes spéciaux.

La CFDT a pleinement pris part à la réforme, que ce soit au sein du Conseil d’orientation des retraites ou de la commission présidée par Mme Yannick Moreau. Nous essayons de juger le projet de loi à l’aune des objectifs que nous avons assignés à une réforme des retraites. Si la réforme proposée nécessite encore des améliorations, parfois importantes, elle répond à ces objectifs. Elle répartit ainsi l’effort à fournir entre tous les acteurs du système de retraites – actifs, retraités, entreprises. Toutefois, si les entreprises devaient être dispensées d’effort, nous demanderions à ce que les salariés soient également exonérés.

Une réforme plus globale de la protection sociale doit également être menée dans laquelle le pouvoir d’achat des salariés doit être préservé. Nous ne confondons pas la question du coût du travail, qui pose problème en France, et celle du niveau du salaire net. À cet égard, nous regrettons que le redéploiement du financement de la protection sociale n’ait pas abouti.

Le report de six mois de la revalorisation des pensions doit témoigner aussi d’un partage des efforts. Seuls les bénéficiaires du minimum vieillesse, soit un tiers des retraités vivant en dessous du seuil de pauvreté qui s’établit à 964 euros, sont épargnés par la mesure. Il importe que toutes les petites retraites soient dispensées de l’effort demandé.

L’augmentation des cotisations doit s’articuler avec le financement de la protection sociale. Nous serons attentifs à ce que les efforts soient justement répartis.

Plusieurs mesures nouvelles et importantes méritent d’être soulignées. L’abaissement du seuil de 200 à 150 heures nécessaires pour acquérir un trimestre de cotisation contribue à diminuer la précarité que subissent essentiellement les femmes à temps partiel. Cette mesure participe de l’amélioration des mécanismes d’acquisition des droits. Il en va de même de la prise en compte de toutes les périodes de formation professionnelle pour la validation de trimestres alors que ces périodes donnaient précédemment droit à la validation d’un seul trimestre par an. Pour les carrières longues, les mesures consolident le dispositif existant, mis en place à l’initiative de la CFDT. Le minimum contributif est amélioré de même que la situation des personnes handicapées et des aidants familiaux. Ce sont autant de pas importants en termes d’équité et de justice.

La prise en compte de la pénibilité est le résultat d’un très long combat mené par la CFDT et d’autres. La pire inégalité est celle qui veut que certaines catégories de salariés, notamment les ouvriers, aient une retraite d’une durée inférieure des deux tiers et une espérance de vie inférieure de six ans à la moyenne. Il est inacceptable de ne pas tenir compte de cette inégalité majeure dans un système de retraite par répartition. La création du compte personnel de prévention de la pénibilité est une conquête sociale. Au-delà des mesures de financement permettant de pérenniser le système de retraite, cette partie de la réforme va marquer durablement le paysage social tant en matière de réparation que de prévention de la pénibilité.

Les dix critères de pénibilité retenus sont récents puisqu’ils ont été reconnus par les partenaires sociaux en 2008 mais ils ont été définis dès 2003 dans un rapport remis par M. Yves Struillou au Conseil d’orientation des retraites. Ces critères permettent de toucher tous les salariés, y compris les emplois tertiaires. Je ne partage pas l’avis de mon collègue selon lequel ces critères ne s’appliqueraient qu’aux emplois industriels.

Certaines dispositions méritent cependant d’être précisées. Les seuils d’exposition à la pénibilité doivent être raisonnables. L’une des divergences avec le MEDEF dans la négociation de 2008 portait sur la définition de ces seuils, ce dernier souhaitant que des seuils légaux d’exposition soient mis en œuvre. Cela signifie que l’employeur devait être dans l’illégalité pour que la pénibilité soit reconnue… Aucun employeur ne l’aurait admis.

Nous serons attentifs à ces aspects. Nous considérons que la pénibilité ne peut être résumée aux dix critères retenus ; d’autres risques, notamment psychosociaux, existent mais ils ne doivent pas nécessairement être liés au régime de retraite. Par ailleurs, nous regrettons la non-rétroactivité du dispositif. La possibilité d’acquérir des droits à la retraite de manière accélérée sera ouverte aux salariés âgés de 59 ans et demi au 1er janvier 2015. Il faut sans doute permettre aux salariés de bénéficier du dispositif plus tôt.

Dans le mécanisme d’acquisition des droits en vitesse de croisière, le fait de consacrer obligatoirement les deux premiers trimestres acquis grâce au compte pénibilité à la formation professionnelle est utile car cela peut permettre à celles et ceux qui le veulent ou qui le peuvent de changer d’activité et donc de fuir la pénibilité. Mais cette franchise devrait être modulée en fonction de l’âge du salarié – il est trop tard à 58 ans pour envisager une formation professionnelle permettant de changer de métier.

D’autres mesures positives peuvent être améliorées.

En matière d’apprentissage, la validation de l’intégralité des trimestres travaillés – au lieu de huit ou neuf trimestres précédemment – est un signe important. Mais parallèlement, les périodes de stage étudiant devraient être mieux prises en compte, notamment au vu des abus constatés en la matière.

Quant à la refonte des droits familiaux, le système actuel est marqué par le modèle social et professionnel de la Libération – les droits sont attribués à l’homme puisque la femme n’a pas vocation à travailler. Or ce modèle n’est plus d’actualité. Malgré la progression des carrières féminines, le système de redistribution des avantages familiaux demeure aberrant. Ainsi, 70 % des avantages accordés aux familles ayant plus de trois enfants bénéficient encore à l’homme et aux familles aisées. Les règles actuelles interdisent à certaines femmes de prétendre à la majoration de pension pour enfant. Il est prévu de redéployer à compter de 2020 cette majoration en permettant notamment d’acquérir des droits dès le premier enfant. Il est selon nous souhaitable de ne pas attendre 2020 pour flécher davantage les avantages familiaux vers les femmes.

Le projet de loi apporte des solutions aux polypensionnés du secteur privé. En revanche, le problème des polypensionnés des secteurs privé et public reste entier. Le projet de loi n’y répond pas. Il faut pourtant favoriser une mobilité qui est aujourd’hui pénalisée par le système de retraite. Je rappelle que 40 % des personnes liquidant leur retraite sont poly-pensionnées.

Cette réforme comporte certes des limites mais aussi des avancées dont la moindre n’est pas de se dérouler sans heurts. La qualité d’une réforme ne se juge pas à l’émoi ou à la douleur qu’elle suscite. La justice sociale doit être au cœur d’une réforme intelligente en sollicitant des efforts justement répartis.

Mme Pascale Coton, secrétaire générale (CFTC). La CFTC a salué le rapport remis par Mme Yannick Moreau. Écrire certaines choses a permis d’apaiser la concertation. Je pense aux idées reçues sur les différences entre le secteur public et le secteur privé –s’agissant notamment du taux de remplacement prétendument meilleur dans le public – aux inégalités de retraite entre les hommes et les femmes – leurs causes et leurs conséquences – et à la pénibilité. À cet égard, le rapport reconnaît la pénibilité subie par certains salariés et la lourde responsabilité des entreprises mais aussi la capacité de l’État à demander des comptes aux entreprises.

La CFTC a émis plusieurs vœux lors de la concertation. En premier lieu, elle souhaitait qu’aucun changement n’intervienne avant 2020 en matière de reconstitution de carrière afin de ne pas déstabiliser les salariés qui ont déjà organisé leur départ à la retraite.

En second lieu, la durée de cotisation ne devait pas être portée au-delà de 43 ans. Nous sommes donc satisfaits du choix fait dans le projet de loi. La CFTC souhaitait parallèlement que tous les trimestres soient considérés comme du temps travaillé et cotisé, prenant ainsi en compte les congés de maternité, le temps partiel et l’apprentissage. De manière plus générale, la CFTC est favorable à une « retraite à la carte choisie » permettant à chacun de partir à la retraite quand il le souhaite dès lors qu’il estime avoir rempli sa mission envers la société.

En troisième lieu, la CTFC souhaitait la réactivation du Fonds de réserve pour les retraites afin de protéger le système de retraite en cas de nouvelle crise. Elle se félicite d’avoir été entendue.

Entre 2010 et 2013, 200 000 retraités ne sont plus comptabilisés dans les chiffres sur les retraites mais ils apparaissent dans les chiffres de Pôle emploi – ce qui n’est pas leur place – ou des entreprises. Si l’on souhaite laisser la place aux jeunes, il faut leur permettre de partir rapidement à la retraite et dans de bonnes conditions.

Les adhérents de la CTFC consultés étaient favorables à un passage de 6,6 à 7,5 % de la CSG sur leurs pensions de retraite, à condition de déduire les 0,3 % de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie. Malheureusement, cette mesure n’a pas été retenue dans le projet de loi.

En revanche, le report de la revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre est une mauvaise surprise. Cette sous-indexation, qui ne dit pas son nom, n’a au surplus jamais été évoquée lors de la concertation.

Autre point négatif : l’imposition des majorations de pensions de 10 % des retraités ayant élevé trois enfants ou plus, aura pour conséquence de rendre imposable des personnes qui ne l’étaient pas jusqu’à présent, les privant ainsi de certaines prestations sociales. Nous saluons néanmoins l’exonération des bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

Nous souhaitons que l’effort financier soit supporté par le plus grand nombre. À cet égard, les hausses de cotisations proposées nous conviennent. Toutefois, si une compensation devait être accordée aux entreprises, notre approbation serait conditionnée à l’octroi d’une compensation équivalente aux salariés.

La reconnaissance de la réalité de la pénibilité dans l’entreprise mais aussi du raccourcissement de la vie et du temps de retraite qu’elle occasionne tient à cœur à la CTFC. Nous avions proposé la mise en place d’un livret de santé pour tous les salariés. Nous soutenons le projet d’un compte personnel de prévention de la pénibilité qui n’est qu’un juste retour des choses. Mais tous les cas de pénibilité ne peuvent être traités de la même façon. Les points acquis doivent être différenciés selon les facteurs de pénibilité.

Depuis des années, nous citons ce chiffre effrayant : un tiers des femmes retraitées vivent en dessous du seuil de pauvreté. Comme je l’ai dit au Premier ministre, je ne sais plus quels mots employer pour faire comprendre ce que cela signifie. Le Gouvernement a complété récemment l’article 13 du projet de loi afin de prévoir la remise d’un rapport dans six mois sur la réforme des droits familiaux. Ce choix nous a inquiétés voire blessés. Cette question mérite mieux qu’un ajout de dernière minute dans une loi si importante. Nous espérons que ce rapport proposera des solutions avant 2020. Mais nous avons tant attendu que nous pouvons peut-être supporter dix années supplémentaires... Les femmes attendent mieux du Gouvernement et méritent mieux.

Il n’est pas normal que la société soit mise à contribution pour réparer les injustices créées par les entreprises, qu’elles concernent la pénibilité ou les femmes. Pourquoi préférer la sollicitation de la société à la sanction des entreprises ? Ne pourrait-on pas imaginer une surcotisation des entreprises qui abonderait un fonds social permettant de compléter les retraites des personnes victimes d’injustices ?

Les salariés demandent tous une meilleure lisibilité et visibilité du système de retraite, particulièrement les polypensionnés qui sont dans l’impossibilité de se projeter dans l’avenir.

Les modalités de pilotage prévues par le texte permettent de mesurer l’évolution du système qui, nous l’espérons, connaîtra des améliorations grâce à l’infléchissement de la courbe du chômage et à une plus grande place des jeunes dans l’entreprise. Ces modalités nous laissent également espérer qu’il sera possible d’alerter en temps utile et d’éviter que chaque élection nationale soit l’occasion de revenir sur les retraites au terme d’un débat imparfait. J’espère que ce pilotage permettra aussi de corriger le plus grand nombre d’injustices.

La CFTC continuera son combat sur la pénibilité et en faveur des femmes. Elle organise le 23 octobre sa journée de la femme avec pour thème la retraite au féminin afin de dénoncer l’inacceptable.

M. Philippe Pillet, secrétaire confédéral en charge des retraites (CGT-FO). Nous sommes attachés à la retraite par répartition qui est le reflet de la carrière active. On ne peut pas faire jouer à ce système un rôle qui n’est pas le sien : les inégalités dans le monde du travail se retrouvent malheureusement dans les retraites. Heureusement, environ 25 % de ces inégalités sont corrigées.

La mesure emblématique de cette réforme qui a justifié notre mobilisation est l’augmentation de la durée de cotisation. Elle fait fi de ce qu’un salarié sur deux, n’étant plus sur le marché du travail lors de la liquidation, n’est pas acteur de sa retraite.

Cet allongement de la durée de cotisation n’est pas admissible. Le Gouvernement adresse là un très mauvais message aux jeunes générations. À cet égard, les revendications de FO n’ont pas varié au gré des changements de majorité. En 1993 et plus encore en 2003, nous étions opposés à l’augmentation de la durée de cotisation. Nous le sommes encore.

L’utilisation de ce levier n’est pas nouvelle. Au début des années soixante-dix, la durée de cotisation du régime de base était de 120 trimestres et le taux de liquidation de 40 % du plafond. Ensuite, la durée est passée à 150 trimestres et le taux a été porté à 50 %. Déjà, l’exécutif et le législateur, conscients que nombre de salariés ne parviendraient pas à valider les 150 trimestres nécessaires, ont créé, pour les y aider, des majorations de durée d’activité. C’était le cas pour les femmes salariées auxquelles étaient attribués huit trimestres par enfant.

Aujourd’hui, la réforme obéit à la même logique schizophrénique : la durée d’activité augmente mais, face à l’impossibilité de l’atteindre, des trimestres gratuits sont attribués. Il serait plus simple d’arrêter d’allonger la durée de cotisation !

Quant au financement, nous assumons une hausse des cotisations salariales. En revanche, nous désapprouvons toute compensation de la hausse des cotisations patronales qui aurait pour conséquence de faire supporter aux seuls salariés le coût de la réforme.

Nous saluons les intentions affichées en matière de pénibilité. L’idée de substituer à l’approche individuelle et médicalisée de 2010 une approche collective et par métiers est intéressante. Nous suivrons avec attention les travaux parlementaires et les décrets d’application sur cette question.

S’agissant des femmes, nous sommes favorables à l’abaissement à 150 heures du seuil nécessaire pour valider un trimestre de cotisation. Néanmoins, il faut prendre garde à ne pas créer une trappe à précarité : 150 heures par trimestre, cela correspond à un contrat de travail de 12 heures par semaine. L’accord national interprofessionnel et sa traduction législative prévoient des dérogations pour autoriser de tels contrats. Nous devrons être vigilants. La mesure est bonne si le temps partiel est choisi, mais nous savons qu’il l’est rarement. En outre, même avec quatre trimestres validés par an grâce à ce dispositif, la faiblesse du salaire annuel moyen aura des conséquences sur le montant de la pension.

Nous sommes très déçus car la réforme ne comporte aucune mesure sur les majorations familiales. En guise de rattrapage, le projet rectificatif du Gouvernement prévoit la remise d’un rapport dans six mois. Il me semblait pourtant que le rapport remis par Mme Yannick Moreau proposait des solutions intéressantes et intelligentes – consistant à attribuer une majoration forfaitaire dès le premier enfant – qui pouvaient servir de base à une discussion…

Cela conforte notre analyse politique du projet : l’augmentation de la durée de cotisation n’est qu’un affichage en direction de la Commission européenne qui ne s’en satisfait d’ailleurs même pas.

Pour les jeunes, la mesure, au demeurant bienvenue, permettant aux apprentis de valider autant de trimestres de cotisation que de trimestres de formation n’est pas financée. Nous sommes réservés sur la possibilité offerte aux étudiants de racheter des années d’étude. À trente ans, la génération de 1974 a validé en moyenne douze trimestres de moins que la génération de 1950 – précisément, seize trimestres pour les salariés n’ayant pas fait d’études et huit pour ceux qui en ont fait. En dépit d’une intention généreuse, cette mesure favorise l’inégalité entre diplômés et non diplômés.

En matière de pilotage, il est heureux que le politique conserve la main sur les décisions : ce n’est là que la traduction des règles élémentaires de la démocratie. Le comité de surveillance des retraites peut néanmoins émettre des préconisations sur le taux de cotisation dans une limite fixée par décret.

Cette nouveauté risque d’introduire un changement majeur dans notre système de retraite par répartition en faisant d’un système à prestations définies – 50 % du salaire annuel moyen limité au plafond dans le régime général – un système à cotisations définies. Dans ce dernier, on s’interdit de modifier le taux de cotisation au profit d’un ajustement de la durée de cotisation ou du niveau des pensions. Cela n’est pas admissible pour nous. En outre, le comité de surveillance est compétent pour le régime obligatoire, c’est-à-dire pour le régime de base et le régime complémentaire. Cela préfigure une mise sous tutelle de l’ARRCO et de l’AGIRC que nous ne pouvons, non plus, accepter.

Si vous ajoutez au comité de surveillance en amont, l’union des institutions et services de retraite en aval – dont nous découvrons la création –, vous vous rapprochez d’un service universel et d’un régime de retraite unique que FO combat.

Enfin, FO souhaite attirer votre attention sur le besoin de stabilité du système de retraite par répartition. Une retraite dure 70 ans : quarante ans de cotisations, vingt ans de droits propres et dix ans de droits dérivés. Or, 70 ans, cela représente quatorze campagnes présidentielles mais combien de gages de stabilité ?

M. Eric Aubin, secrétaire confédéral en charge des retraites (CGT). Mon propos s’inscrit dans la critique constructive. Vous aurez peut-être noté que nous avons engagé un mouvement social. Nous sommes aussi au début des travaux parlementaires pour lesquels nous regrettons le recours à la procédure d’urgence qui laisse peu de temps au débat public.

Pour la CGT, la réforme des retraites doit tenir compte de la réalité de la situation de l’emploi et des politiques des entreprises. Or ce projet de réforme semble en décalage avec cette réalité.

La hausse de la durée de cotisation est le cœur de la réforme. Cette méthode, utilisée par les gouvernements précédents, est selon nous anti-jeunes et source d’injustice. L’objectif de quarante-trois années est inatteignable pour nombre de salariés. Il l’est pour la génération 1973 qui ne pourra bénéficier d’une retraite pleine avant 65 ans et demi, bien loin de l’âge légal de départ en retraite, comme l’ont souligné les organisations de jeunesse. Cette mesure est d’autant plus inacceptable au vu de la carrière de ces jeunes qui se caractérise par une entrée tardive sur le marché du travail et une stabilité de l’emploi qui l’est encore plus. Leur retraite s’en trouvera inévitablement amputée par l’application de décotes.

La première conséquence de l’allongement de la durée de cotisation est donc la baisse du niveau des pensions. Je vois une contradiction dans les propos du Premier ministre lorsqu’il affirme dans le même temps ne pas vouloir baisser le niveau de pensions mais vouloir allonger la durée de cotisation. Je rappelle que le faible niveau des pensions pose déjà problème ; selon le Conseil d’orientation des retraites, la moyenne s’établit à 1 246 euros.

Notre discours est constant quelles que soient les majorités politiques. La réforme de 2010 était selon nous injuste car elle était essentiellement supportée par les salariés. De la même manière, nous considérons que le financement de la réforme d’aujourd’hui repose exclusivement sur les salariés et les retraités. Mme Marisol Touraine prétend déconnecter la question des retraites et celle de la protection sociale tandis que dans le même temps, M. Pierre Moscovici annonce à l’université d’été du MEDEF le transfert des cotisations famille pour compenser la hausse des cotisations patronales pour les retraites. Cette perspective est inacceptable.

Le Premier ministre réfute une sous-indexation des retraites alors que le report de six mois de la revalorisation des pensions en est une. Cette mesure permettra d’économiser 1,4 milliard d’euros à l’horizon 2020. Elle ne sera donc pas neutre pour les retraités. Nous rejetons ce véritable tour de passe-passe, même si les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ne sont pas visés. Il faut arrêter de penser que les retraités ont un niveau de vie confortable. Une pension supérieure à 780 euros ne garantit pas aux retraités un revenu suffisant pour leur épargner des difficultés financières.

En matière de pénibilité, nous approuvons l’abandon de l’approche médicale du dispositif précédent. Sur les risques psychosociaux, je ne partage pas l’avis de mon collègue. Les travaux du Centre de recherches sur l’expérience, l’âge et les populations au travail, notamment de M. Serge Volkoff, montrent que trois types de pénibilité doivent être distingués appelant des solutions différentes. À titre d’exemple, pour les enseignants, la réponse au stress au travail ne peut pas être un départ anticipé puisque leur espérance de vie est plus longue. Le départ anticipé est en revanche approprié pour permettre aux travailleurs usés par leurs conditions de travail de bénéficier d’une retraite d’une durée équivalente aux autres salariés.

J’ai rencontré de nombreux directeurs des ressources humaines qui m’ont fait part de leurs difficultés. En l’absence de dispositif adapté pour les seniors usés prématurément, ils ont recours à la rupture conventionnelle. Cette lacune peut expliquer partiellement l’explosion du nombre de ruptures conventionnelles. Il convient d’encadrer la rupture conventionnelle et d’autoriser ces salariés à prendre une retraite anticipée.

Le dispositif sur la pénibilité appelle deux reproches : le premier, il oppose prévention et réparation de la pénibilité. Réserver vingt des cent points du compte personnel de prévention de la pénibilité à la formation est insuffisant pour quitter un métier pénible. J’insiste sur l’importance de la prévention et de la formation qui ne doit pas être une alternative à la possibilité de bénéficier d’un départ anticipé ou d’un aménagement de fin de carrière. Le salarié ne doit pas avoir à choisir entre les deux versants de la prise en charge de la pénibilité.

Second reproche, la question du « stock » n’est pas réglée. Aucune solution n’est proposée aux salariés qui ne peuvent plus aujourd’hui exercer leur métier. Les bonifications permettant un départ en retraite anticipé ne seront accordées qu’aux salariés âgés de 59 ans et demi au 1er janvier 2015 : c’est insuffisant. Cela ne tient pas compte du fait que la moitié des retraités ne sont plus en activité au moment de la liquidation de leur retraite. Nombre des salariés usés prématurément sont au chômage, en arrêt maladie ou en situation d’invalidité. Nous savons que le décrochage se produit à partir de 55 ans. La CGT demande que certains salariés puissent à partir de cet âge quitter leur activité pour réparer les dommages de la pénibilité.

Quant aux jeunes, le projet de loi ne répond pas à leur revendication d’une prise en compte des années d’études. Il permet le rachat de quatre trimestres seulement – une goutte d’eau au regard du nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein – à un coût très élevé de surcroît. Chacun sait que les jeunes peinent déjà à rembourser les emprunts contractés pour financer leurs études. Ils auront donc les plus grandes difficultés à racheter des trimestres même si cette possibilité leur est offerte pendant dix ans au lieu de cinq. La mesure proposée est illusoire.

Pour les femmes, notre appréciation est mitigée sur l’abaissement du seuil d’heures nécessaires pour valider un trimestre. La mesure peut apparaître comme une réponse positive mais elle revient à admettre que la précarité est une réalité. Or, il faut combattre la précarité et les inégalités entre les hommes et les femmes. La CGT propose de parvenir à l’égalité à l’horizon 2 023. La Caisse nationale d’assurance vieillesse en a estimé le gain pour les caisses de retraite à cinq milliards en 2015 et dix milliards en 2020 couvrant ainsi largement les besoins de financement estimés par le rapport remis par Mme Moreau à 7 milliards pour le régime général. Il nous semble préférable de combattre la précarité galopante dans la vie active plutôt que de corriger ces méfaits au moment de la retraite.

Il faut absolument compenser les écarts de pensions liées aux carrières pénalisantes que connaissent les femmes. Dès lors que les carrières et les traitements ne sont pas identiques, les compensations sont légitimes. Nous sommes satisfaits que le débat soit ouvert. Cependant, la forfaitisation envisagée de la majoration de 10 % pour les ménages de trois enfants et plus constitue une dénaturation du dispositif. Initialement, celui-ci avait pour objet de compenser le fait que ces familles ont plus de difficultés à constituer un patrimoine que les autres. La mesure envisagée en fait un instrument de compensation de l’inégalité entre hommes et femmes. Ce changement de nature n’est pas acceptable. C’est pourquoi nous sommes opposés à la forfaitisation de cette majoration. Il faut malgré tout améliorer la situation des familles avec un ou deux enfants.

La CGT propose une remise à plat du financement de la protection sociale qui s’appuierait sur les outils suivants : à court terme, l’égalité salariale entre hommes et femmes ; à long terme la contribution des revenus financiers des entreprises, la modulation des cotisations en fonction de la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée – les grandes entreprises et les PME ne peuvent pas être traitées de manière similaire – ainsi que l’élargissement de l’assiette des cotisations.

La CGT met en garde contre le pilotage proposé qui apparaît comme les prémices d’une réforme systémique. Elle est très attachée au système de retraite par répartition auquel elle assigne deux exigences supplémentaires : la solidarité et la garantie de prestations définies. Le pilotage proposé risque de nous conduire vers un régime à cotisations définies que nous désapprouvons.

En Suède, l’évolution vers un système à cotisations définies a fortement fait chuter le niveau des pensions, à tel point que le Gouvernement a dû intervenir. Dans ce système, le niveau des pensions varie en fonction de l’espérance de vie de la génération à laquelle on appartient. On ne sait jamais avec quelle pension et à quel âge on partira à la retraite. Cette incertitude qui caractérise une réforme systémique est contraire à l’objectif recherché de donner confiance aux jeunes.

Enfin, il n’appartient pas aux experts de faire la politique en matière de retraites en France. Il faut redonner leur place aux représentants des salariés et des assurés. C’est pourquoi la CGT propose la création d’une maison commune des régimes de retraite qui permettrait une coordination des régimes qui fait cruellement défaut aujourd’hui.

M. Michel Issindou. Je remercie l’ensemble des intervenants. Je relève un point d’accord dans les différentes interventions, la nécessité d’une réforme puisque la réforme de 2010 a fait long feu.

Je salue la méthode employée par le Gouvernement qui a choisi de réformer en douceur. Il n’est pas besoin de brutalité. On nous avait annoncé de la violence mais il n’en est rien à ce stade. Le rapport du Conseil d’orientation de retraites, le rapport de la commission présidée par Mme Yannick Moreau et la concertation permanente – aucun des partenaires sociaux n’a quitté la table – ont créé les conditions d’une réforme dans la sérénité retrouvée.

Sur le contenu de la réforme, vous faites état de nettes divergences d’appréciation. Sur l’augmentation des cotisations ou sur l’allongement de la durée de cotisation, vous exprimez des idées assez tranchées qui doivent être respectées.

La solution retenue par le Gouvernement est dans un premier temps une hausse des cotisations. Cet effort partagé par tous les Français est une nécessité pour rebâtir notre système sur des bases solides. Les employeurs et les actifs sont sollicités à parts égales. L’effort est modéré : 7 milliards d’euros au regard des 300 milliards versés annuellement par l’assurance vieillesse. Dans un second temps, l’allongement limité de la durée de cotisation prend le relais pour équilibrer le financement des retraites. Ces deux paramètres sont utilisés avec modération et permettent de préserver le montant des retraites qui est aujourd’hui convenable, bien que peu élevé, avec une moyenne de 1 256 euros.

La réforme contient des avancées sociales sans précédent. Contrairement aux réformes précédentes qui s’en tenaient à des mesures brutales avec un seul objectif, le recul de l’âge de départ à la retraite, elle fait la part belle aux mesures sociales : elle s’intéresse à la pénibilité, aux polypensionnés, aux femmes, aux jeunes, aux handicapés, aux retraités agricoles et aux aidant familiaux afin que la durée de cotisation puisse être atteinte plus facilement en cas de carrière heurtée.

Il s’agit d’une réforme progressiste, soucieuse de l’humain et attentive aux catégories particulièrement maltraitées par les réformes précédentes.

En matière de pilotage, un examen annuel de l’évolution du régime me paraît plus sage que de prétendre, chacun à son tour, avoir réalisé la réforme ultime. Enfin, le guichet unique contribue à la lisibilité du système.

En conclusion, je souhaiterais connaître votre avis sur le système unique, qui ne figure pas dans le projet de loi mais qui sera inévitablement débattu un jour.

M. Arnaud Robinet. Je comprends les inquiétudes que suscite l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans. On vous avait en effet promis lors de la campagne présidentielle, et même avant, de revenir sur l’allongement de la durée de cotisation décidé dans le cadre de la réforme Fillon et de rétablir la retraite à 60 ans pour tous les Français. Votre déception est donc compréhensible.

Ce projet de loi, car je me refuse à parler de réforme, est l’une des plus grandes supercheries du quinquennat de François Hollande. Il ne répond en aucun cas aux véritables enjeux. Alors que le COR et le rapport Moreau ont fait état d’un besoin de financement de 20 milliards d’euros en 2020, tous régimes confondus, le projet se concentre sur les 7,5 milliards dont a besoin le régime général. Il ne vise qu’à ouvrir de nouveaux droits, dont certains sont d’ailleurs justifiés : je pense aux femmes, aux polypensionnés, à la prévention et à la prise en compte de la pénibilité – même si pour ma part, je préfère parler de métiers physiques. Cela conduit à poser la question du financement. Sur ce point, j’estime comme vous que l’allongement de la durée de cotisation est une mesure hypocrite si elle ne s’accompagne pas d’un recul de l’âge du départ à la retraite : elle désavantage les jeunes générations, dont je fais partie, et entraînera inévitablement une baisse des pensions, puisque beaucoup partiront à la retraite sans pouvoir bénéficier d’une pension à taux plein.

Ce projet est aussi un choc fiscal déguisé. Les retraités, qui ont déjà été ponctionnés par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2013, verront leur pouvoir d’achat diminuer ; les salariés et les entreprises, qui l’ont été pour financer le décret de 2012 sur le retour de la retraite à soixante ans – qui a un impact majeur sur les finances de la CNAV, puisque la réforme de 2010 permettait d’assurer, comme nous l’a précisé M. Rivière, un retour à l’équilibre des régimes de base – sont mis à contribution.

Nous ne vous avons pas entendus sur l’enjeu majeur que sont les pistes de financement, ni sur la réforme structurelle – qui ne permettra certes pas de régler le problème financier, mais au moins d’assurer plus d’équité entre les Français. Nous souhaitons voir s’accélérer la convergence entre régimes engagée en 2003 et la réforme des régimes spéciaux.

J’en viens à la réforme systémique. Vous dénoncez le régime par points en vous référant à l’expérience suédoise, monsieur Aubin. Il semble cependant possible de mettre en place une réforme systémique et un régime par points à la française. Vous vous accommodez du reste très bien des régimes de retraite complémentaire par points de l’AGIRC et de l’ARRCO. Le projet ne traite pas de ces régimes, dont les besoins de financement pour les années à venir sont considérables.

M. Philippe Vigier. C’est pour moi un plaisir de revoir les représentants des salariés, que le groupe UDI a déjà rencontrés dans la perspective de cette réforme.

En dépit de l’autosatisfaction dont a fait preuve notre collègue Issindou, cette audition n’a pas vocation à être le lieu du débat politique. Il s’agit pour les partenaires sociaux de nous faire part de leurs attentes par rapport à la réforme des retraites. Pour notre part, nous avons déjà eu l’occasion de leur exposer la position de notre famille politique lors de l’échange que j’ai évoqué.

Vous dénoncez régulièrement « l’obsession » de la baisse du coût du travail, monsieur Aubin, pour lui opposer la nécessité d’une baisse de la rémunération du capital. Mais le déficit des régimes de retraite devrait atteindre 20 milliards d’euros en 2020. Quelles sont donc les pistes de financement envisageables ? Quelle appréciation portez-vous d’autre part sur la non-rétroactivité du compte personnel de prévention de la pénibilité ? Faut-il étendre ce dispositif à la fonction publique ?

Force ouvrière s’est montré critique vis-à-vis de l’allongement de la durée de cotisation proposée par le Gouvernement, allant jusqu’à qualifier le projet de « réforme anti-jeune ». La possibilité de rachat de trimestres d’études à un tarif préférentiel pour les jeunes entrant dans la vie active est-elle selon vous de nature à compenser l’effort demandé aux futures générations ?

Ne regrettez-vous pas que les 20 premiers points du compte pénibilité doivent obligatoirement être consacrés à la formation ? Les politiques de formation sont-elles suffisamment efficaces pour accompagner la pénibilité ?

La CFDT a évoqué à plusieurs reprises la désindexation, autrement dit la baisse des retraites. À nos yeux, l’essentiel est de maintenir le pouvoir d’achat. Vous me permettrez donc d’évoquer le report de la date de revalorisation des retraites du 1er avril au 1er octobre – même s’il y a eu un pas de deux du Gouvernement, puisque, à l’origine, les petites retraites et le minimum vieillesse étaient également concernés par cette mesure inacceptable. Faut-il en rester là, ou continuer à défendre le retour à une revalorisation au 1er avril ?

La CFTC s’est inquiétée de l’absence de mesures significatives en faveur des femmes dans le projet. Bien que nous ne partagions pas cet avis, pouvez-vous nous dire quelles mesures vous préconisez pour améliorer encore davantage le sort des femmes ?

La CFE-CGC est opposée à la réforme. Quelles sont donc ses préconisations en matière de financement ? Les mesures d’allongement de la durée de cotisation – qui sera portée à 43 années en 2035 – vous semblent-elles adaptées aux données démographiques et à l’espérance de vie ? Quels choix aurait-il fallu faire pour parvenir à cet équilibre ? Pour nous, la réalisation de l’équilibre financier le plus rapidement possible est le meilleur gage qui puisse être donné aux générations arrivant sur le marché du travail. Le drame de cette réforme est qu’elle ne permet pas de pérenniser le financement des retraites. La confiance vis-à-vis des dirigeants politiques s’en trouve sérieusement entamée.

Mme Véronique Massonneau. J’évoquerai d’abord le financement. Le choix de l’allongement de la durée de cotisation comme principal levier de la réforme a fait l’objet de nombreuses critiques. Alors qu’une véritable réflexion sur la répartition du temps de travail devrait être menée, la mesure phare du projet est l’allongement de ce temps de travail en termes d’annuités. M. Jean-Claude Mailly a annoncé qu’il s’efforcerait de peser dans le débat parlementaire pour revenir sur cette mesure. Quelles sont les propositions alternatives de Force ouvrière pour assurer la pérennité du système par répartition sans peser davantage sur les carrières des travailleurs ?

Les écologistes ne peuvent que souscrire à l’objectif affiché de réduire les inégalités entre les femmes et les hommes, et se féliciter que le Gouvernement manifeste sa volonté de se saisir de cette injustice. Les mesures proposées paraissent néanmoins bien faibles. La validation de tous les trimestres d’interruption au titre du congé de maternité va dans le bon sens, mais l’impact et le nombre de bénéficiaires de cette mesure seront assez réduits. Quant à l’abaissement du seuil de validation des trimestres de cotisation, il ne touchera que 4,4 % des femmes. Nous pourrions être plus ambitieux. La prise en compte des 100 meilleurs trimestres – au lieu des 25 meilleures années – ne serait-elle pas une avancée significative pour le calcul des pensions des femmes ? Avez-vous d’autres propositions sur le sujet ? Comment financer de nouvelles avancées sans remettre en question l’équilibre du système ? Quels leviers choisir ?

La création du compte personnel de prévention de la pénibilité est une mesure innovante et intelligente. Néanmoins, il appartiendra à l’employeur de gérer et transmettre les fiches personnelles donnant droit à des points de pénibilité. N’y a-t-il pas là un risque ? Certes, les employés recevront leur fiche personnelle chaque mois, et il existe une possibilité de protester auprès de l’employeur ; mais auront-ils réellement la capacité de le faire ? Comment concevez-vous votre rôle dans ce contexte ?

J’aimerais également vous interroger sur la possibilité de l’employeur de refuser un passage à temps partiel pour des raisons économiques. Le pré-projet de loi précise que « l’employeur peut refuser de faire droit à la demande du salarié » et que « ce refus doit être justifié par une impossibilité due à l’activité économique de l’entreprise. » Cette disposition vous paraît-elle suffisante pour éviter des refus dans le cas où la survie financière de l’entreprise ne serait pas menacée ?

M. Jean-Noël Carpentier. Le groupe RRDP se réjouit de cette rencontre qui nous permettra de progresser dans notre réflexion. Nous sommes désormais au pied du mur. Le dossier des retraites ne pourra cependant être réglé du jour au lendemain, et nous devrons y revenir régulièrement. Il n’y a d’ailleurs rien d’anormal à cela.

Notre groupe prendra bien sûr toute sa part dans le débat sur ce projet.

Le Gouvernement a écarté – et nous nous en félicitons – plusieurs suggestions du rapport Moreau, ainsi que celles de l’UMP – qui nous proposait avant tout du sang et des larmes.

Le groupe RRDP approuve un certain nombre de dispositions qui permettent un progrès social – qu’il s’agisse du compte pénibilité ou du sort des femmes. Mais le débat achoppe sur l’allongement de la durée de cotisation ; la question du financement est donc bien la clé du débat.

Trois des cinq syndicats que nous venons d’entendre semblent hostiles à la réforme, notamment à l’allongement de la durée de cotisation ; un autre est perplexe ; le dernier soutient le projet.

Au vu des masses concernées, à savoir plusieurs centaines de milliards d’euros chaque année, pensez-vous qu’il soit possible de faire une réforme des retraites et de sécuriser notre système par répartition sans modifier ses recettes ? Quelles sont vos propositions pour améliorer son financement, y compris – peut-être – en élargissant l’assiette des cotisations ? La question qui nous est posée est en effet celle du rapport entre financement public et financement privé des retraites. À terme, c’est une financiarisation croissante de notre système de retraites qui est à redouter. La question des pensions ne concerne d’ailleurs pas que la France ; le système par répartition a été mis en place dans nombre de pays occidentaux suite au krach de 1929, et consolidé au sortir de la guerre : il est inévitable que nos sociétés s’interrogent aujourd’hui sur son avenir.

Mme Jacqueline Fraysse. Je m’associe bien sûr à la question centrale que vient de soulever M. Carpentier. Le groupe GDR reste préoccupé par le contenu de la réforme, même si compte tenu des propositions du rapport Moreau, elle aurait pu être pire. Je me félicite que le texte comporte un certain nombre d’avancées, de la prise en compte de la pénibilité à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, en passant par le sort des jeunes et des apprentis, même s’il mérite d’être sensiblement précisé et amélioré.

Le texte pèche gravement sur au moins deux aspects. Tout d’abord, il est injuste que l’effort soit supporté par les seuls salariés et retraités, puisque celui des entreprises sera intégralement compensé, donc supporté par nos concitoyens. Que dire par ailleurs du projet de transfert des cotisations familiales patronales vers l’impôt des ménages, qui paieront donc deux fois ?

Ensuite, il ne modifie pas l’assiette des cotisations, alors même que certains revenus – notamment les revenus de placements financiers – ne contribuent pas du tout. Que pensez-vous de cette anomalie ?

Les représentants des salariés avaient obtenu que la question de l’emploi et des salaires – dont découle le financement de notre protection sociale – soit à l’ordre du jour de la dernière Conférence sociale. Estimez-vous avoir été entendus sur ce sujet essentiel ?

Concernant la méthode, il n’est pas anodin que la concertation ait remplacé la négociation. S’agit-il pour vous d’une minimisation du rôle des syndicats ?

Notre collègue Issindou nous assure qu’il veillera à protéger le montant des retraites. Mais l’allongement de la durée de cotisation ne revient-elle pas à accepter – de fait – une baisse des pensions ? Il faut parler franchement à nos concitoyens !

M. Christian Paul. La réforme du régime général passe par la recherche d’un compromis social. Nous en mesurons tous la difficulté en cette période de crise économique et sociale, mais nous nous y attachons dans un souci de progrès, en rupture avec la réforme de 2010, en particulier par la recherche opiniâtre de mesures d’équité et de justice.

Le temps du débat parlementaire doit être un temps de dialogue. Je tiens donc à redire à l’ensemble des partenaires sociaux, et singulièrement aux organisations syndicales, que nous sommes tout disposés à améliorer ce texte, notamment les mesures de justice qui demandent à être approfondies. Je pense bien sûr aux petites pensions, et pas seulement aux bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

Au-delà de la question de l’allongement de la durée du travail, la réforme doit permettre de mieux « personnaliser » les réponses en termes de retraite, que ce soit au début de la vie professionnelle, tout au long de celle-ci, notamment dans les phases de précarité et de chômage, ou par la prise en compte de la pénibilité, qui permettra un départ anticipé pouvant aller jusqu’à deux ans. Nous serons également attentifs au partage de l’effort. Le texte propose une hausse des cotisations salariales et patronales.

J’insiste par ailleurs sur la nécessité de ne pas « préempter » trop vite le débat sur l’avenir du financement de la protection sociale. À ce stade, nous n’avons pas de doctrine en la matière.

Enfin, nous avons tous le souci du sort des jeunes générations. J’ai entendu un certain nombre d’interrogations, voire de critiques sur le dispositif de rachat des trimestres d’études proposé par le texte. Quelles sont vos propositions sur ce point ?

M. Denis Jacquat. Ce projet n’est pas une réforme. Il se borne à donner de nouveaux droits, que nous approuvons pour certains – je pense notamment aux polypensionnés, aux apprentis ou aux jeunes en alternance. Or la vraie question reste celle du financement, qui n’est pas abordée. Il faudra donc y revenir d’ici deux ou trois ans.

Permettez-moi d’observer que la réforme de 2010 a tout de même permis que toutes les retraites soient versées pour le montant promis et au jour promis, malgré la crise économique. Cela n’a pas été le cas dans les autres pays. Cette réforme avait prévu des clauses de rendez-vous en 2018 et en 2013, afin entre autres de s’interroger sur l’opportunité d’une réforme systémique. Il aurait donc été opportun de débattre de la protection sociale avant de discuter de la santé et des retraites. Tout projet relatif aux retraites a besoin de lisibilité et de visibilité à long terme.

J’observe par ailleurs que l’inégalité des retraites entre les hommes et les femmes n’est que la conséquence des inégalités observées durant la vie professionnelle.

Quant au problème de la pénibilité, il renvoie à celui de la santé au travail, et donc de la prévention. Sa définition est particulièrement délicate.

Enfin, je fais mienne la question de Michel Issindou sur la convergence des régimes.

M. Pascal Terrasse. En tant que rapporteur pour avis du texte au nom de la commission des finances et ancien membre du Conseil d’orientation des retraites (COR), je note que le projet du Gouvernement se fonde sur un diagnostic largement partagé par les organisations syndicales et sur un dialogue qui a été conduit dans la sérénité. Je tiens d’autant plus à le dire que j’ai vécu les réformes de 2003 et 2010, qui ont abouti – surtout la seconde – à des injustices flagrantes, dénoncées comme telles par les organisations syndicales. Je pense au problème des carrières longues, qui a été réglé par le décret de juillet 2012, mais aussi aux avancées du texte concernant les femmes ou la prise en compte de la pénibilité. Nous aurons l’occasion de les approfondir d’ici à quelques semaines, notamment pour ce qui concerne les jeunes.

Le texte n’a cependant pas vocation à résoudre tous les problèmes. Un dialogue va être engagé sur la formation professionnelle dans les mois à venir ; vous aurez vraisemblablement à négocier avec Mme Lebranchu sur la fonction publique, sachant que le texte ne traite de la pénibilité que pour le secteur privé.

Il n’aborde pas davantage la question du financement de notre protection sociale. Sur ce point, les positions des uns et des autres sont contradictoires. Pour certains, il s’agit d’aller vers une fiscalisation de la protection sociale et un financement des retraites par des revenus du capital, donc de changer de paradigme. À titre personnel, je pense qu’il faudra un jour financer les retraites par de la fiscalité. J’aimerais donc vous entendre sur les avantages non contributifs. Pensez-vous qu’ils puissent être financés par la fiscalité ?

Mme Dominique Orliac. J’évoquerai brièvement les positions qui sont celles des radicaux de gauche sur la réforme des retraites. Au lieu de repousser l’âge de la retraite, pourquoi ne pas raisonner en termes de temps choisi d’activité et de retraite ? Dans cette hypothèse, le maintien de l’âge légal de la retraite à 62 ans paraît possible. Dans les faits, l’âge du départ à la retraite à taux plein est désormais de 67 ans pour les personnes nées à partir de 1955. Le maintien de l’âge légal à 62 ans éviterait de pénaliser les personnes ayant commencé à travailler tôt, qui seront contraintes de travailler plus longtemps que les autres. Un système d’incitation à travailler plus longtemps nous semblerait plus juste et plus efficace que les mesures autoritaires. Nous proposons donc d’encourager ceux qui souhaiteraient librement travailler après l’âge légal de la retraite, avec un système de bonus progressif permettant d’améliorer leurs droits. Il s’agirait de créer un système pour tous les jeunes qui commencent à travailler dès 16 ans, aussi bien pour des périodes de stage ou d’apprentissage que pour des périodes de formation longue.

Pour mieux prendre en compte la pénibilité du travail dans les secteurs public et privé, un tableau de la pénibilité pourrait être établi et revu tous les sept à dix ans. L’âge de la retraite n’a pas le même sens selon les activités exercées, puisque celles-ci entraînent des inégalités en termes d’espérance de vie.

La réforme des retraites ne doit-elle pas s’inscrire dans une politique de protection et de cohésion sociale tout au long de la vie ? N’est-elle pas indissociable d’une réflexion sur l’égalité entre les hommes et les femmes, l’entrée des jeunes dans la vie active, et l’allongement de la durée de vie ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. Vous avez salué les dispositions positives du projet, notamment les mesures de justice qu’il contient, sans pour autant dissimuler vos inquiétudes en ce qui concerne l’allongement de la durée de cotisation. Le débat parlementaire nous offrira bien sûr l’occasion d’apporter de nouvelles améliorations au texte.

Vous avez tous évoqué les jeunes, que la situation du marché du travail et l’allongement de la durée de cotisation confrontent à une difficile équation. Vous avez également souligné les insuffisances du dispositif de rachat de trimestres d’études prévu par le projet. Avez-vous des propositions précises à nous faire pour mieux prendre en compte les périodes de chômage et les parcours chaotiques que connaissent les jeunes dans leur insertion professionnelle ?

Ma seconde question concerne le pilotage du système. Le texte prévoit la remise d’un rapport annuel par le Comité de surveillance des retraites qu’il met en place. Quels indicateurs ce rapport annuel doit-il comporter pour être utile ? Doit-il faire des recommandations sur les choix à faire en termes de ressources nouvelles ?

Enfin, je vous remercie de nous avoir rappelé que la réforme des retraites doit nécessairement être abordée à travers le prisme global du financement de la protection sociale dans son ensemble. Les choix faits en la matière ne doivent pas avoir pour conséquence une diminution de la participation des entreprises à la solidarité nationale.

Mme Monique Iborra. Cette réforme intelligente, qui tranche avec les réformes purement comptables du passé, s’attache non seulement à assurer la pérennité du système de retraite par répartition, mais aussi à lutter contre les inégalités, sans pour autant perdre de vue la problématique de l’emploi. Je me bornerai donc à interroger M. Malys sur les petites retraites, car il ne s’est pas exprimé sur ce point.

M. Gérard Sebaoun. Chacun s’est félicité de l’avancée que constitue la création du compte pénibilité, que beaucoup d’organisations syndicales réclamaient de longue date. Nous sommes passés d’une logique restrictive de réparation médicale dans la loi de 2010 à une logique plus équilibrée de prévention et de réparation. Comment les organisations syndicales interviendront-elles aux côtés des salariés pour définir avec les employeurs ce qui devra être inscrit sur ce compte ? Nous pourrions par exemple nous référer au document d’évaluation des risques professionnels prévu par le code du travail.

En ce qui concerne les bonifications, qui ne prétendent pas traiter rétroactivement l’ensemble des salariés actifs en situation de pénibilité, quel seuil d’âge et quelles modalités vous paraîtraient les plus pertinents ?

L’article 23 du texte traite de l’accès à la retraite pour les travailleurs handicapés. La possibilité de liquider leur pension à taux plein leur est aujourd’hui offerte sous condition d’avoir un taux d’incapacité permanente de 80 % ou d’avoir obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Ce critère est remplacé par l’abaissement à 50 % du taux d’incapacité permanente requis, sans qu’il soit fait référence au RQTH. Or le nombre de personnes concernées est très différent dans les deux cas. Quel est votre avis sur cette disposition ?

Mme Isabelle Le Callennec. C’est parce que les majorités précédentes ont su engager des réformes sur les retraites et faire œuvre de pédagogie que les Français ont aujourd’hui conscience qu’il va falloir travailler plus longtemps et qu’il existe un problème de financement, monsieur Issindou. L’ouvrage n’en devra pas moins être remis régulièrement sur le métier.

Il ne faut pas attendre la fin de carrière pour traiter de la pénibilité, mais bien prévenir cette dernière. Quelles propositions concrètes pouvez-vous nous faire en faveur de la prévention dans l’entreprise ?

La pénibilité est extrêmement difficile à définir. L’un des intervenants a d’ailleurs évoqué trois niveaux de pénibilité. Comment sortir de cette difficulté de définition ?

Entre 150 000 et 300 000 offres d’emplois ne sont aujourd’hui pas pourvues dans notre pays, un certain nombre des emplois concernés étant considérés comme pénibles. Je pense en particulier aux métiers de l’industrie et du bâtiment, qui s’efforcent pourtant depuis des années d’améliorer les conditions de travail. Ne prend-on pas le risque de les pénaliser en mettant l’accent sur la pénibilité ?

Enfin, la médecine du travail manque de moyens. Comment la faire évoluer – alors même que sa réforme n’est pas si ancienne – pour l’adapter à la problématique de la pénibilité ?

M. Jérôme Guedj. Au-delà des divergences qui se sont exprimées, un point fait consensus, y compris parmi les parlementaires : la nécessité d’améliorer le texte. Tous les parlementaires, et surtout ceux de la majorité, doivent donc s’en emparer. Contrairement à la loi sur la sécurisation de l’emploi, ce texte ne fait pas suite à un accord entre les partenaires sociaux : les prérogatives du Parlement pourront donc pleinement s’exercer. Pour la transparence du débat, je souhaite d’ailleurs que tous les membres de notre commission puissent connaître les propositions d’amendements qui seront rédigées par les organisations syndicales.

Un point me pose problème : l’allongement de la durée de cotisation. L’article 2 du texte prévoit un allongement automatique d’un trimestre tous les trois ans, prolongeant ainsi les modes de calcul de la réforme Fillon. Avez-vous des propositions alternatives ? Pensez-vous que le Comité de surveillance des retraites devrait pouvoir revenir sur ce caractère automatique en cas de besoin ?

M. Éric Aubin, secrétaire confédéral en charge des retraites (CGT). Les questions que vous soulevez mériteraient un grand débat public, car la protection sociale intéresse l’ensemble des Français.

En ce qui concerne la méthode, nous aurions préféré la tenue de réunions plénières, qui nous aurait permis de négocier sur certains points. Ce n’est pas le choix qui a été fait : nous en prenons acte.

Nous sommes en effet en désaccord avec l’idée que seule la baisse du coût du travail permettrait de renforcer la compétitivité des entreprises. Celle-ci peut être améliorée en jouant sur la compétitivité hors coût, et notamment la qualification et la formation des salariés. Selon un rapport de la Cour des comptes, les entreprises allemandes restent compétitives dans un certain nombre de secteurs alors même que le coût du travail y est supérieur de 20 % à 30 %. C’est par exemple le cas de l’automobile. Il s’agit donc d’un faux problème.

Il convient en revanche de s’intéresser au coût du capital – dont on ne parle jamais. Or quand les salaires sont multipliés par deux, les dividendes sont multipliés par treize ! Il faut donc rééquilibrer ce rapport pour faire payer le capital. Nous souhaitons un débat sur ce point.

Nous avons beaucoup travaillé sur la question de la pénibilité. Il faut certes se féliciter qu’elle ne soit plus abordée sous le seul angle de la réparation médicale, mais bien des progrès restent à faire. Nous ne saurions en effet nous satisfaire du fait que seuls les employeurs définissent les salariés concernés : ces derniers ont leur mot à dire. Pourquoi ne pas donner un rôle aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ? Par ailleurs, le délai de deux ans prévu pour contester la décision de l’employeur est trop court.

Vous vous interrogez sur l’âge à partir duquel les salariés pourraient bénéficier du dispositif. Selon nos études, c’est dès 55 ans qu’un décrochage s’observe dans le BTP. Il faut donc faire en sorte qu’à partir de cet âge, les salariés puissent finir leur carrière dans de bonnes conditions, voire partir de façon anticipée.

La question de la pénibilité doit en effet être traitée dès l’entrée dans le poste. Selon un rapport du Docteur Lasfargues, les usures apparaissent dès 40 ans dans le BTP. Pour que les salariés puissent continuer à exercer leur métier jusqu’à l’âge de la retraite, il faut y oeuvrer dès l’entrée dans la vie active. La prévention est donc une question essentielle. Le dispositif prévu pour le compte pénibilité, qui prévoit que les 20 premiers points seront obligatoirement utilisés pour la formation, nous semble à cet égard très insuffisant.

En ce qui concerne la définition de la pénibilité, nous sommes tous d’accord sur celle qui avait été élaborée dans le cadre des négociations de 2005-2008 : il s’agit des conditions de travail ayant des effets irréversibles sur la santé au travail et des conséquences sur l’espérance de vie. Je rappelle qu’il existe des mesures de prise en compte de la pénibilité dans la fonction publique. Elles ont été supprimées dans la fonction publique hospitalière ; il serait souhaitable d’en rediscuter pour ce secteur, mais aussi pour l’ensemble des contractuels de la fonction publique.

S’agissant de la non-rétroactivité du compte, je réitère ce que j’ai dit lors de mon intervention liminaire : il faut absolument que le stock puisse être pris en compte.

Je terminerai par le financement. La CGT a fait des propositions concernant les 7 milliards d’euros à trouver d’ici à 2020, c’est-à-dire à court terme. Plusieurs dizaines des 200 milliards d’aides octroyés chaque année aux entreprises n’ont aucun effet sur l’emploi. M. Gattaz l’a lui-même reconnu dans un entretien avec M. Lepaon. De même, quelques milliards d’euros pourraient être trouvés en intensifiant la lutte contre la fraude fiscale. Enfin, le respect de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes suffirait à lui seul à faire rentrer quelque 10 milliards dans les caisses à l’horizon 2020.

Dans la mesure où nous défendons un financement assis sur les richesses créées dans l’entreprise, nous estimons que leurs revenus financiers – qui représentent 250 milliards – doivent être mis à contribution. Je vous renvoie à notre site internet pour plus de détails : les mesures que nous proposons permettraient à la fois d’assurer l’équilibre des régimes de retraite sur le long terme et de revenir sur les mesures injustes des précédentes réformes.

M. Philippe Pihet, secrétaire confédéral en charge des retraites (CGT-FO). Vous redoutez une confusion entre concertation et négociation, madame Fraysse. Lorsque Mme Touraine a annoncé – lors de la grande Conférence sociale de 2012 – qu’un projet de loi sur les retraites serait discuté fin 2013, elle nous a indiqué qu’il donnerait lieu à une concertation renforcée, qui ne serait pas une négociation. Pour nous, qui sommes viscéralement républicains, il était de toute façon exclu de négocier avec le Gouvernement sur un tel sujet. Les syndicats défendent les salariés, tandis que le législateur a en charge l’intérêt général : chacun est dans son rôle. C’est dans cet esprit que nous avons participé à la concertation, et nous nous en félicitons, puisque nous avons pu – grâce à un dialogue constructif – faire avancer les choses sur un certain nombre de points.

S’agissant du financement, nous avions demandé – lorsque nous avons été consultés par le cabinet de Mme Touraine sur la feuille de route de la commission pour l’avenir des retraites présidée par Mme Moreau – que tous les mécanismes de financement du système soient mis à plat. Cela ne rapportera rien, mais cela permettra de dire qui paye quoi pour qui. Prenons un exemple. Lorsque la compensation démographique a été mise en place en 1974, il s’agissait d’aller vers un régime sinon unique, du moins unifié. Les quatre premières années, de 1974 à 1978, elle a donc été financée par l’État. Depuis 1978, elle est à la charge des régimes. Je n’en déduis pas qu’il ne faut pas aider les exploitants agricoles – qui sont très directement concernés – mais je pose la question : est-il toujours raisonnable, en 2013, de faire financer la compensation démographique des exploitants agricoles par les seuls salariés ? Il nous semble que c’est à la Nation – donc à l’impôt – de faire cet effort. Vous l’aurez compris, Force ouvrière est favorable à une séparation claire entre le contributif, financé par les cotisations, dont relève à notre sens la retraite, et la solidarité nationale, qui doit être financée par l’impôt – qu’il s’agisse de la CSG, de la TVA ou d’une autre imposition.

En ce qui concerne le coût du travail, nous partageons largement l’analyse de la CGT. Je rappelle que vous avez instauré il y a peu le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), qui doit contribuer à alléger le coût du travail.

Au sujet du Haut conseil du financement de la protection sociale, nous avons dit au Gouvernement – pour faire court – que son prédécesseur avait mis en place l’ancien conseil pour nous faire accepter la TVA sociale, et qu’il s’agissait cette fois-ci de nous faire accepter un financement par la CSG. Nous ne voulons ni de l’un ni de l’autre. En revanche, nous sommes prêts à discuter du financement des allocations familiales par la solidarité nationale, celles-ci étant désormais – depuis 1978 – une prestation universelle. Nous avons eu l’occasion de le dire dans les négociations sur le financement de l’AGIRC et de l’ARRCO, qui manquent cruellement de ressources. Si on peut concevoir que les allocations familiales ne soient plus financées par les cotisations patronales, il est hors de question que ce « bonus » devienne un bonus de compétitivité pour les employeurs. Il devra être dévolu à l’AGIRC et à l’ARRCO, mais bien plus encore à l’assurance chômage.

Sur la pénibilité, je ne reviens pas sur les dix critères qui avaient été définis en 2008, avant que la négociation achoppe sur le problème du financement, le patronat n’ayant pas voulu sortir le porte-monnaie !

S’agissant de la convergence, vous aurez compris que Force ouvrière ne souhaite pas aller vers un système unique de retraite. La retraite par répartition est le fruit de l’histoire. Or même si nous sommes prêts à des adaptations, la sociologie n’a pas évolué au point que l’on puisse supprimer les régimes des trois fonctions publiques et les régimes spéciaux. En outre, ces derniers sont en train d’être réformés : en 2020, la durée d’activité devrait être la même pour tous. Il faut cesser d’entretenir le fantasme d’une prétendue possibilité de partir à la retraite à 52 ans !

Nous ne sommes pas opposés au dispositif de rachat de trimestres d’études prévu pour les jeunes. Mais nous craignons qu’à partir d’une idée généreuse, on ne crée de nouvelles injustices entre diplômés et non diplômés. Je profite de l’occasion pour préciser notre position sur les stages : il ne peut y avoir de stages que dans le cursus universitaire. Autrement, il s’agit de travail à bon compte – ce que nous refusons.

Le Comité de surveillance des retraites est un comité d’experts. Nous n’y siégerons pas. Nous tenons à insister sur le fait qu’il a vocation à éclairer la représentation nationale, et non à se substituer à elle pour prendre les décisions. C’est une question de démocratie.

Mme Pascale Coton, secrétaire générale (CFTC). Pour la CFTC, la période ne se prête pas à une réforme systémique. La première préoccupation des salariés est aujourd’hui de garder leur emploi, et il y a suffisamment d’anxiété en France pour ne pas ajouter une grande réforme du système de retraite à la négociation sur l’UNEDIC. Cette réforme pourra avoir lieu plus tard, mais il faut se donner le temps de la négociation.

De même, il serait dangereux d’instaurer dès maintenant un système unique. En tant qu’organisation syndicale représentant à la fois des salariés du secteur privé et des fonctionnaires sous statut, nous ne pouvons que constater que les mentalités n’y sont pas prêtes. Beaucoup de fausses idées et de mensonges ont circulé dans les six derniers mois. Il faudra donc faire œuvre de pédagogie avant d’envisager un régime unique. En revanche, nous ne sommes pas opposés à l’idée d’un guichet unique.

En ce qui concerne la concertation et la négociation, je rejoins mon collègue de Force ouvrière : à chacun son rôle. Il était clair que cette réforme donnait lieu à une concertation et non à une négociation, ce qui nous permet d’aller plus loin dans les propositions.

S’agissant du financement, nous estimons que le contributif doit impérativement relever de la cotisation, et la solidarité nationale de l’impôt. Nous réclamons depuis 2010 une véritable conférence sociale sur ce sujet, qui permette d’en discuter sans tabou. On peut ainsi s’interroger sur les 200 milliards d’aides octroyés aux entreprises, qui n’ont pas eu les résultats escomptés en termes d’emplois.

L’emploi reste le meilleur – et le plus pérenne – des financements pour la protection sociale. C’est pourquoi nous demandons au Gouvernement de mettre en œuvre une stratégie offensive sur ce front, notamment dans les métiers d’avenir tels que l’isolation des logements dans le bâtiment.

J’en viens à la pénibilité. Il est vrai que de nombreux emplois ne sont pas ou peu proposés aux jeunes car ils font peur. C’est par exemple le cas dans le BTP. Pour notre part, nous estimons qu’il faut adapter l’emploi à l’homme, et non le contraire. Cela relève de la responsabilité des entreprises, mais aussi du Gouvernement, qui doit exiger que les métiers et les outils soient adaptés aux individus, et non l’inverse. Avec de la volonté, il doit être possible de créer des emplois dans de bonnes conditions.

Nous devons veiller à ce que le compte pénibilité ne serve pas de prétexte aux entreprises pour renoncer à améliorer les conditions de travail. Il faut tenir compte des salariés qui travaillent aujourd’hui dans des conditions pénibles, et tout faire pour que celles-ci ne perdurent pas. C’est de la responsabilité des entreprises.

Comment promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes ? Nous essayons depuis longtemps de faire évoluer les mentalités, mais il n’est pas dit que nous y parviendrons un jour ! Néanmoins, les textes existent. Les entreprises peuvent désormais se voir infliger des sanctions équivalant à 1 % de leur masse salariale lorsqu’elles ne règlent pas les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. Mais si 300 entreprises se sont fait « épingler » depuis le début de l’année, seules 40 d’entre elles se sont vu infliger une telle sanction. Bref, il ne suffit pas de coller des affiches et d’annoncer des plans d’action ! Le Gouvernement doit faire en sorte que le droit s’applique et que les sanctions tombent.

La proposition de retenir les 100 meilleurs trimestres pour les femmes avait été faite par la CFTC. Il semble que la législation européenne s’y oppose. Mais les discriminations salariales envers les femmes n’ont jamais posé problème !

Pour en revenir à la pénibilité, nous nous inquiétons nous aussi que la déclaration du salarié en situation de pénibilité soit à la main des entreprises. Nous allons donc former nos militants syndicaux sur cette question, qu’il est possible de démystifier avec les entreprises, et pas nécessairement contre elles.

Enfin, les mesures qui touchent à la famille intéressent particulièrement la CFTC. J’espère donc que la suppression des cotisations familiales des employeurs ne se traduira pas par une augmentation de la CSG des familles. Il ne serait pas admissible de donner d’une main pour reprendre de l’autre.

M. Jean-Louis Malys, secrétaire national en charge des retraites (CFDT). La CFDT n’a jamais revendiqué un « big bang » des retraites. La réforme systémique consiste d’abord à rapprocher les différents régimes. Ce rapprochement doit rester un cap, sans pour autant stigmatiser les salariés qui bénéficient de régimes spéciaux hérités de l’histoire. L’alignement brutal de ces régimes spéciaux aboutirait d’ailleurs à créer d’autres inégalités en leur sein.

La réforme systémique a une deuxième dimension : il s’agit d’aller au cœur du système de retraite, et de ne pas se contenter d’agir sur les principaux paramètres – financement, âge de départ à la retraite, durée de cotisation – sans tenir compte de l’impact des mesures. Jusqu’à présent, les réformes ont été faites sans s’inquiéter de leurs effets sur les différents types de populations que sont par exemple les femmes, les salariés employés à des travaux pénibles ou ceux ayant eu des carrières longues. Or un certain nombre des points qui ont été discutés ont cette dimension systémique. Cela n’empêche pas qu’il faille également réfléchir à l’architecture du système.

J’en viens au pilotage de notre système de retraite. Nous ne sommes pas condamnés à des rendez-vous traumatisants : il faut trouver des règles de gouvernance qui ne s’inspirent pas d’une vision catastrophiste qui n’est pas vraiment justifiée, puisque, au-delà de 2030, les perspectives sont plutôt favorables. Il faut bien sûr un pilotage année après année, avec des indicateurs qualitatifs : il ne s’agit pas seulement d’équilibre financier, mais de savoir si les mesures prises produisent des effets sur l’égalité entre les hommes et les femmes, la pénibilité ou les validations de durées de cotisation, en particulier dans les premières années. On entend souvent observer qu’entre 1950 et 1970, la durée de cotisation a augmenté de 11 trimestres. Mais la première génération pour laquelle l’âge de la fin de la scolarité obligatoire a été porté de 14 à 16 ans est la génération née en 1953. Cela suffit à expliquer 8 des 11 trimestres d’allongement de la durée de cotisation !

S’agissant des jeunes, il convient de ne pas véhiculer d’idées nocives pour notre système de retraite. Certes, certains jeunes n’accèdent à un emploi stable qu’à 25 ou 26 ans ; mais l’âge moyen du premier emploi reste de 21 ou 22 ans, chiffre qui n’a pratiquement pas bougé depuis dix ou quinze ans. Ce monde où l’on fait des études jusqu’à 27 ans n’est pas celui que je connais. Il y a des gens qui font de longues études, mais il y en a d’autres qui se retrouvent très jeunes sur le marché du travail. Or les périodes de chômage indemnisées sont validées, et il suffit d’avoir travaillé 5 mois dans l’année – et bientôt 3 avec la réforme – pour valider quatre trimestres. Notre système comporte donc déjà des mécanismes de solidarité envers les jeunes.

Quant aux rachats des années d’études, je partage l’analyse de Philippe Pihet. La valeur d’un trimestre n’étant pas la même pour un salarié au SMIC et pour un salarié ayant effectué une brillante carrière, on aboutira tout bonnement à une redistribution à l’envers : c’est donner des primes aux seconds sur le dos des premiers. Bref, c’est une aberration.

L’idée d’une gestion des temps tout au long de la vie et d’une « retraite à la carte » a été abordée à plusieurs reprises. Nous vivons dans un système très stratifié : trente années d’éducation et de formation, une carrière professionnelle finalement très courte, menée sous pression, puis de longues années de retraite. On doit pouvoir « respirer » à certains moments de cette carrière sans que cela pénalise notre système de retraite. Il y a sans doute d’autres mécanismes à imaginer que la terrible « segmentation » qui est aujourd’hui de règle.

Mme Iborra m’a interrogé sur les petites retraites : 25 % des retraités touchant 50 % de la masse des retraites servies, 75 % des retraités en touchent 50 %. Il est donc possible de prendre des mesures de protection des petites pensions – au-delà de la seule allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) – sans plomber l’ensemble du système.

Pour les carrières précaires, l’idée de la trimestrialisation est bonne. Mais plutôt que de retenir les 100 meilleurs trimestres, il nous semble préférable d’effacer les trimestres non validés des années qui en comportent pour calculer les moyennes. Dans une année ne comportant que trois trimestres validés, on diviserait ainsi par trois et non par quatre. Cela pourrait constituer une mesure complémentaire en faveur des personnes en situation précaire et des femmes.

La pénibilité doit être renvoyée à la responsabilité de l’employeur, puisque c’est lui qui expose les salariés à ces conditions de travail. Le système sera complexe à mettre en place, et nécessitera sans doute quelques adaptations. Cela ne doit pas nous décourager : il est possible de trouver des systèmes intelligents. Il ne s’agit évidemment ni de plomber les entreprises, ni d’inciter les salariés à occuper des emplois pénibles. Tout cela devra donc être encadré. Quoi qu’il en soit, cela va constituer un excellent outil de prévention, même si la démarche est déjà entamée puisque nous avons signé des accords sur le sujet avec le MEDEF il y a quelques années.

J’en viens à l’articulation entre loi, négociation et concertation. L’accord national interprofessionnel (ANI) relevait de notre cœur de métier. Il était donc légitime que nous vous fassions des propositions et que l’esprit de l’ANI soit respecté – mais vous avez tout de même eu le dernier mot !

En revanche, le vieillissement de la population et les décisions qu’il appelle en matière de retraites sont de la responsabilité du Gouvernement, même si nous avons notre mot à dire. Contrairement à mon camarade de Force ouvrière, je n’opposerai cependant pas l’intérêt des salariés et l’intérêt général. Défendre l’intérêt des salariés sans avoir de vision général peut être contre-productif, y compris pour les salariés.

Je terminerai sur le financement de la protection sociale. Si l’assurance maladie relève principalement d’un régime contributif alors que le risque maladie est un risque universel, c’est parce qu’à l’origine, les indemnités journalières représentaient 80 % des dépenses de l’assurance maladie. Depuis, le rapport s’est inversé : les soins ont pris le pas sur les indemnités journalières, qui représentent désormais moins de 10 % des dépenses de l’assurance maladie. Dès lors, il est normal d’élargir sa base de financement. C’est pourquoi nous étions favorables dès l’origine à la CSG. Il est tout de même paradoxal de s’opposer à un financement par le CSG si l’on souhaite que tous les revenus – et pas seulement les revenus du travail – contribuent. Certes, 85 % de la CSG est payée par les salariés ; mais le travail représente 85 % des ressources d’un pays.

Nous sommes donc favorables à une mise à plat du financement de la protection sociale, qui permette de distinguer ce qui est du domaine du contributif et ce qui est du domaine de la solidarité. À terme, il faudra sans doute transférer le financement de la branche famille sur une assiette plus large : il n’est pas juste qu’il pèse sur les seules entreprises. Mais cela doit rester neutre pour les salariés. Des propositions précises ont été faites en ce sens.

Le système de retraites, il est marqué par une grande confusion dans les financements. Par exemple, les avantages familiaux sont pour partie financés par la branche famille. Il faut impérativement améliorer la lisibilité et la cohérence de ses modes de financement.

M. Serge Lavagna, secrétaire national en charge de la protection sociale (CFE-CGC). Permettez-moi d’observer que ce n’est pas parce qu’il n’y avait pas autant de monde dans la rue hier que les organisateurs l’auraient souhaité qu’il n’y a pas de mécontentement ! Une note commandée par la Fondation Jean Jaurès fait d’ailleurs état des inquiétudes et du mécontentement persistants des Français sur la question des retraites. Nous ne devons pas minimiser ces inquiétudes, notamment en ce qui concerne la durée de cotisation. Je note d’ailleurs que ce sont les jeunes et les catégories populaires qui sont les plus hostiles à l’allongement de la durée de cotisation, qui suppose des départs à la retraite à un âge avancé. Ils ont bien compris qu’il ne serait plus possible de prendre sa retraite à 62 ans !

Pour la CFE-CGC, l’allongement de la durée de cotisation doit se concilier avec le maintien d’un âge de départ à la retraite décent. Le rapport Moreau comporte une proposition qui permet d’y parvenir ; elle peut être adaptée.

En ce qui concerne le rachat des années d’études, il faut être clair avec les jeunes : soit on leur dit qu’ils partiront à la retraite à 68 ans, sauf à accepter une décote, soit on imagine une solution de rachat leur permettant de partir un peu plus tôt. Nous sommes favorables à la seconde solution ; ils semblent que les autres intervenants préfèrent la première. Le législateur doit donc trancher. En tout cas, ne nous moquons pas des jeunes : le dispositif proposé par le texte, qui consiste à racheter ces années à un prix très élevé et dans un délai très court, ne pourra être utilisé par personne. Pour notre part, nous avons fait des propositions ; nous pouvons vous les transmettre.

S’agissant du financement, nous estimons nous aussi qu’il faut distinguer ce qui relève du contributif et ce qui est universel. La retraite est typiquement une prestation contributive. Si fiscalisation de la protection sociale il y a, ce qui nous paraît inévitable, elle doit donc porter sur la maladie et sur la famille. Reste à savoir sur quel impôt – CSG ou taxe sur la consommation – asseoir ce financement. Aucune de ces perspectives n’est plaisante. Nous avions choisi la seconde dans notre proposition, d’une part parce qu’elle nous semblait moins néfaste pour les salariés, sachant que nous demandons à ce que la compensation se fasse non pas seulement sur les cotisations patronales, mais aussi sur les cotisations salariales, et d’autre part parce qu’elle ne déboucherait que sur une augmentation modérée des prix. Mais dans les deux cas, ce sont les salariés qui payeront.

Les modalités de mise en œuvre du compte pénibilité seront en effet déterminantes. Il me semble que l’on pourrait y associer le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le médecin du travail.

Quant au Comité de surveillance des retraites, il doit conserver un rôle consultatif.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame, messieurs, nous vous remercions d’avoir bien voulu répondre aux questions des membres de la Commission.

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La Commission entend des représentants des employeurs (CGPME, MEDEF, UPA) sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites lors de sa deuxième séance du mercredi 11 septembre 2013.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nos auditions sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites se poursuivent. Le débat sur ce texte constitue un moment important de cette législature. Il s’agit d’assurer la pérennité d’un dispositif de solidarité entre les générations, essentiel pour notre société.

Après les représentants des salariés, nous recevons à présent les représentants des employeurs. Nous sommes heureux d’accueillir M. Jean-François Pilliard, vice-président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et président de son pôle social ; Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), chargée des affaires sociales ; et M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale (UPA).

M. Jean-François Pilliard, vice-président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Le projet de loi sur les retraites a pour objectif de garantir l’avenir et la justice de notre système de retraite. Les enjeux sont considérables : il s’agit d’assurer la soutenabilité des régimes de retraite par répartition, auxquels nous sommes tous très attachés, et de rétablir la confiance des salariés, plus particulièrement celle des jeunes générations.

Étant donné l’état des comptes publics, celui des entreprises, la démographie et le changement de paradigme économique, il est impossible de garantir la pérennité des régimes et de la protection sociale en général sans soutenir, dans le même temps, la compétitivité des entreprises et sans maîtriser le niveau des dépenses de protection sociale. Je rappelle que le taux de marge des entreprises françaises est revenu à son niveau des années 1950 : 28 % tous secteurs confondus, 25 % pour les industries manufacturières, soit dix points de moins que dans la plupart des pays européens. Avec de telles marges, il n’est plus possible d’investir. Le manque d’investissement provoque une hausse du chômage, avec les drames humains que cela entraîne. Les conséquences ne sont pas moins catastrophiques sur le plan économique : lorsque les recettes baissent, c’est l’ensemble des équilibres du financement de la protection sociale qui est menacé.

Dans ce contexte, seule une réforme structurelle des régimes de retraite, fondée sur une perspective d’allongement de la durée de l’activité à l’horizon 2020, permettrait d’atteindre les objectifs qui sont les nôtres, y compris pour les régimes complémentaires. Aussi notre organisation a-t-elle avancé, dès la fin du mois de juillet, dans le cadre de la concertation, vingt-quatre propositions concrètes.

La réforme qui nous est présentée se fonde sur une erreur de diagnostic. On nous parle du seul régime général et d’un déficit de 7 milliards d’euros. Or, au-delà du régime général, il faut envisager les régimes complémentaires – bien mal nommés, puisque la retraite complémentaire AGIRC représente à peu près 60 % du revenu d’un cadre retraité. De même, la réforme ignore les régimes applicables dans la fonction publique et les régimes spéciaux qui font l’objet, chaque année, d’une subvention d’équilibre de plus de 7 milliards.

Les hypothèses économiques qui ont été retenues correspondent à un des scénarios du Conseil d’orientation des retraites (COR) qui, pour la période 2011-2020, table sur un taux de croissance annuelle de 1,6 % et un taux de chômage de 7,8 %. Sur la période 2011-2014, la croissance a été nulle. Pour tenir cet objectif, il faudrait donc une croissance supérieure à 2 % sur la période 2014-2020. On ne peut s’empêcher d’émettre un doute sérieux sur une telle ambition dans la mesure où tous les économistes s’accordent à penser que, dans le meilleur cas, le taux de croissance s’établira autour de 1,5 %.

En définitive, ce n’est pas une réforme structurelle qui a été présentée, mais un agrégat de dispositions disparates se caractérisant par des augmentations de charges, pour les salariés et les entreprises, et par des droits nouveaux qui entraîneront des dépenses supplémentaires au détriment du rééquilibrage de nos régimes.

Nous considérons que l’augmentation des cotisations n’est pas la bonne solution pour assurer la pérennité des régimes de retraite à court terme. Depuis trente ans, on nous explique qu’une augmentation des cotisations de 0,1 ou 0,2 point est anecdotique. Mais l’anecdotique devient dramatique pour l’emploi en raison des charges qui pèsent sur les entreprises françaises. La France se distingue en effet des autres pays européens et de ceux de l’OCDE par le financement de sa protection sociale, assuré à 63 % par les cotisations patronales et salariales, mais aussi par le niveau élevé des prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises. Je rappelle que la cotisation spécifique employeur représente 14,4 % du PIB, ce qui en fait un des plus hauts niveaux de dépense de protection sociale. Une fois de plus, notre pays se distingue par son exception : hélas, elle ne nous place pas en tête de la compétition internationale, mais a au contraire tendance à nous marginaliser. Chaque augmentation des cotisations sociales des entreprises de 0,1 point entraîne la destruction de 2 000 à 6 000 postes à court terme – à l’horizon 2015 – et de 6 000 à 12 000 emplois à long terme.

Certes, ces cotisations sont compensées, mais cela ne change rien à notre diagnostic, car, en définitive, cela contribue au déséquilibre global. Bien sûr, nous demandons cette compensation, mais nous y sommes obligés, puisque la mesure de départ est mauvaise.

On nous dit que l’objectif visé par le projet de loi est la justice et l’équité. Or nous considérons que le projet est loin du compte, en particulier s’agissant des jeunes générations vis-à-vis desquelles nous avons collectivement une responsabilité. Seul un allongement de la durée d’activité à un horizon rapproché permettrait d’atteindre cet objectif.

Est-il normal que le projet de loi n’envisage pas le rapprochement progressif des trente-six régimes existants ? Non seulement leur dispersion gonfle les frais de gestion – ces fonds seraient bien plus utiles pour maintenir, voire augmenter, le niveau des prestations pour les retraités –, mais elle fait apparaître des disparités, ce qui contredit le principe d’équité. Pour certains régimes spéciaux, on peut dire qu’il y a deux poids deux mesures, puisque, en dépit de conditions de travail parfois très proches de celles de nos entreprises, des départs anticipés sont financés par le contribuable.

Par ailleurs, comment un régime de retraite par répartition pourrait-il avoir pour vocation de corriger les inégalités de la vie professionnelle ? Certes, les parcours professionnels, notamment ceux des femmes, et la pénibilité sont des problématiques auxquelles nous attachons une grande importance, mais en quoi concernent-elles notre régime par répartition ?

Sur la pénibilité, notre position est claire. Contrairement à ce qui semblait se dessiner pendant la concertation, le dispositif proposé est un joyeux mélange entre, d’une part, la prévention et, d’autre part, la réparation. Paradoxalement, il amènera des salariés évoluant dans des environnements pénibles à s’orienter vers des solutions les gardant durablement dans la pénibilité au lieu de les en sortir.

Le financement du dispositif, tel qu’il est proposé, alourdira les charges des entreprises et, par conséquent, les graves difficultés en matière d’emploi.

Sans préjuger des améliorations qui seront apportées grâce au débat parlementaire et aux décrets d’application, la mise en œuvre opérationnelle du dispositif sera d’une extrême complexité, en particulier pour les petites et moyennes entreprises. Notre pays a une grande capacité à développer toutes sortes de systèmes dont la première caractéristique est d’être quasiment impossibles à mettre en œuvre dans les entreprises.

En outre, peut-on considérer que le fait, pour des salariés, d’évoluer dans un environnement de travail donné les place dans des conditions identiques ? En fait, chaque salarié voit sa santé évoluer en fonction d’autres paramètres. Or il nous semble important de prendre en compte ce croisement entre l’approche collective et la dimension individuelle sous l’angle médical.

Dans quelles conditions le nouveau système se substituera-t-il au système actuel ? Des dispositifs de pénibilité ont été développés dans les entreprises, en particulier par le biais de primes parfois importantes. Il existe également des dispositifs de retraite anticipée pour carrière longue, amiante et invalidité, dont bénéficie chaque année environ un quart d’une classe d’âge. Est-il légitime de cumuler le nouveau dispositif avec tous ceux-ci ?

En matière de gestion paritaire des régimes de retraite complémentaires, on fait très fort ! Ces régimes, gérés par les partenaires sociaux, sont autonomes. Toutefois, on nous a toujours interdit d’agir sur les paramètres structurels de la retraite. Ainsi, lors de la dernière négociation sur les régimes complémentaires, les organisations syndicales et patronales ont accepté – pour sauver les régimes complémentaires – une moindre revalorisation des retraites pendant trois ans et de légères augmentations de cotisations. Nous avons consenti ces efforts en espérant que la réforme du régime général serait structurelle et nous apporterait une visibilité sur le long terme. Nous nous sommes probablement trompés : les réserves de l’AGIRC seront épuisées en 2018 ; celles de l’ARRCO en 2020 ou 2022. Or le projet de loi prévoit que l’État pourra nous demander de remettre les régimes complémentaires à l’équilibre ! Cela nous paraît irréaliste en termes d’efficacité et, surtout, contradictoire avec le principe d’autonomie qui caractérise la gestion paritaire.

Notre organisation est profondément attachée au régime par répartition et à la notion d’équité. Nous pensons avoir une responsabilité vis-à-vis des nouvelles générations. Malheureusement, le texte qui nous est proposé est très loin de répondre aux objectifs qui figuraient dans les attendus de la concertation à laquelle nous avons participé.

Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). J’approuve totalement les propos de M. Pilliard sur plusieurs points, mais je voudrais insister sur certains aspects qui fragilisent particulièrement les TPE que nous représentons.

Cette réforme, qualifiée de « Canada Dry » par notre président Jean-François Roubaud, est très loin de garantir la pérennité des régimes, notamment celle du régime général des salariés du secteur privé. Au contraire, elle risque d’aggraver la situation, en particulier pour les régimes complémentaires.

Elle prévoit l’augmentation des prélèvements qui pèsent sur les salariés et les employeurs à travers un relèvement des cotisations de l’assurance vieillesse sur quatre ans, ce qui représente une charge supplémentaire de plus de 12 milliards, qui viendra s’ajouter aux 10 milliards de la réforme de 2012 sur les carrières longues. En définitive, en augmentant le coût du travail pour les employeurs et en diminuant le pouvoir d’achat des salariés, cet effet cumulatif nuira une fois de plus à l’emploi. Et, selon l’adage selon lequel trop d’impôt tue l’impôt, les recettes seront considérablement amoindries.

La mise en œuvre du compte individuel de pénibilité nous inquiète au plus haut point. À la cotisation de base de l’ensemble des entreprises, s’ajoutera une surcotisation pour celles concernées par des travaux reconnus pénibles. Le coût du dispositif est estimé par le Gouvernement à 600 millions d’euros au début de sa mise en œuvre, puis à 1 milliard en 2030 et enfin à 2,5 milliards en 2040. Cependant, faute de connaître le comportement futur des acteurs, il est à craindre que ce coût se révèle plus élevé à terme.

En pratique, les entreprises devront attribuer des points à leurs salariés en établissant tous les ans une fiche de poste. Non seulement cela alourdira les charges administratives des TPE-PME, mais cela créera des conflits avec les salariés qui pourront estimer leur travail plus pénible que ne le juge l’entreprise au regard des dix critères de pénibilité. Cette situation ouvrira une boîte à contentieux que nos entreprises seront dans l’incapacité de gérer. Par conséquent, elles refuseront d’assumer de telles charges. Un employeur pourra très bien refuser d’embaucher une personne pour un poste de nuit, le jugeant bien trop compliqué à gérer. Au final, cette situation risque d’engendrer de très importantes pertes d’emploi et de chiffre d’affaires.

Les vingt premiers points seront réservés à la formation. Mais que se passera-t-il si, après s’être formés, les salariés s’entendent dire par le chef d’entreprise qu’aucun poste ne peut leur être proposé ? L’employeur devra-t-il licencier, à sa charge, le salarié désireux de changer de poste ? Il s’agit là d’un vrai problème car vous ne pouvez pas imaginer ce que représentent pour une TPE-PME les obligations de reclassement en cas d’inaptitude !

Au surplus, cette réforme ne tient pas compte de tout ce que les employeurs ont mis en œuvre en termes de travail de nuit et de compensations horaires et salariales. Elle est en quelque sorte une deuxième peine. La CGPME est très attachée à la prévention. Les TPE-PME ont également fait d’énormes efforts en matière de prévention de manière à améliorer les conditions de travail, en particulier en ce qui concerne le port de charges lourdes.

Ainsi, même si l’idée de la pénibilité est plaisante, le dispositif sera source de multiples contentieux, il augmentera les charges administratives des TPE-PME et alourdira leur coût du travail. Notre pays est le seul en Europe dans cette situation. Ces difficultés s’ajouteront à celle que nous connaissons déjà en raison de la directive concernant le détachement des travailleurs, qui permet à des salariés de l’Union européenne de venir travailler en France sans que leur employeur ait à s’acquitter des charges françaises. Si cette pratique prend de l’ampleur, elle sera une grave menace pour nos emplois.

La pénibilité a déjà été traitée pour les carrières longues, et le Gouvernement a souhaité élargir le dispositif. Avec cette réforme, 20 % de salariés supplémentaires vont pouvoir partir à la retraite. Ainsi, 40 % d’une classe d’âge sera exonérée du régime de droit commun. Comment parler de justice et d’équité ? Certains ont choisi de travailler la nuit, comme les « disc jockey » : se verront-ils appliquer le doublement des points pénibilité ? Bref, la mise en œuvre du dispositif nous paraît totalement irréaliste dans les TPE-PME.

Enfin, nous regrettons que la convergence entre le public et le privé, à laquelle le président Roubaud est extrêmement attaché, n’ait pas été retenue par la réforme. Le déficit global des régimes de retraite devrait dépasser les 20 milliards en 2020, mais le Gouvernement limitera ses efforts à combler celui de 7 milliards du régime de base des salariés du privé. Si, comme on nous l’explique, il n’y a pas de différence entre le secteur privé, d’une part, et la fonction publique et les régimes spéciaux, d’autre part, pourquoi le déficit est tel pour ces deux derniers avec quatre fois moins de salariés ?

Pour nous, l’important est de relever les bornes d’âge afin d’envoyer un signal aux jeunes. Avec quarante-trois annuités de cotisations, les jeunes diplômés qui entreront sur le marché du travail à vingt-cinq ans ne pourront pas partir avec une retraite à taux plein à soixante-deux ans. Ce ne sont pas les jeunes qui ont créé les déficits, c’est ma génération. Il serait donc juste que celle-ci participe davantage à l’effort collectif par l’augmentation de l’âge d’ouverture de ses droits à la retraite.

Les annonces faites le 27 août et transcrites dans le projet de loi donnent l’impression d’une fuite en avant. Si notre pays ne prend pas ses responsabilités, le régime par répartition, auquel la CGPME est très attachée, disparaîtra purement et simplement. Si nous ne parvenons pas à prendre les bonnes mesures capables de mettre fin au déficit, nous devrons renoncer au régime par répartition au profit d’un système par capitalisation.

M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale (UPA). Nous partageons l’intégralité des propos de Jean-François Pilliard et de Geneviève Roy. Mon intervention sera donc brève.

Nous sommes très attachés au régime de retraite par répartition, pour tous les régimes et bien sûr pour le régime social des indépendants auquel sont affiliés un grand nombre de chefs d’entreprise. Toutefois, le projet de loi sur les retraites n’est pas une réforme structurelle, puisqu’il ne touche pas aux bornes d’âge. Étant donné le rythme auquel se sont succédé les réformes depuis vingt ans, on peut craindre qu’il faille rapidement revenir sur celle qui s’annonce. Pour l’instant, seule la hausse des cotisations paraît assurée, ce qui nous inquiète beaucoup, même si l’on nous promet qu’elle sera compensée. Plus grave est la création du compte pénibilité, d’abord parce qu’elle entraînera de nouvelles cotisations, mais surtout parce que ce dispositif constituera une véritable usine à gaz.

C’est une erreur, nous semble-t-il, de lier la question de la pénibilité, à laquelle les professions représentées par l’UPA sont loin d’être indifférentes, et celle des retraites, car la notion de pénibilité évolue au fil des années. Par ailleurs, les branches professionnelles ont déjà engagé des actions de prévention – ce ne sont pas nos entreprises, le plus souvent très petites, qui peuvent le faire, car la plupart ne comportent pas de service du personnel. Ainsi, le secteur de la boulangerie mène des actions très concrètes pour lutter contre l’asthme causé par les poussières de farine. Si nous avons pu organiser des actions collectives de prévention dans les branches qui ont mis en place des complémentaires santé, la décision du Conseil constitutionnel qui remet en cause la possibilité d’une mutualisation au sein des branches va poser un grave problème pour l’avenir.

La mise en œuvre du dispositif pénibilité nous préoccupe énormément. En effet, si le projet de loi était voté en l’état, il faudrait remplir des fiches pour chaque moment de la journée, sachant qu’un salarié travaillant dans une entreprise artisanale ou un commerce de proximité peut être exposé à des contraintes susceptibles d’être associées à des facteurs de pénibilité pendant deux heures, par exemple, mais pas pendant le reste de la journée. Comment nos entreprises qui, je le répète, n’ont pas de service du personnel, pourraient-elles faire ce travail ? Comme l’a dit Geneviève Roy, ce dispositif sera source de contentieux, sans compter que la directive Détachement est pour nous un très grand sujet de préoccupation. Nos entrepreneurs devront-ils se convertir en auto-entrepreneurs, statut sur lequel vous connaissez la position de l’UPA ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Madame, messieurs, vous avez exprimé très franchement vos inquiétudes sur le projet de loi, ce dont je vous remercie. Néanmoins, nous partageons un souci essentiel : la volonté de préserver notre système par répartition.

Monsieur Pilliard, nous avons montré par des mesures récentes, en particulier le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), combien nous sommes soucieux de la compétitivité des entreprises. Nous n’opposons pas compétitivité et modèle social français. Sans doute peut-on parler de particularité française. Faut-il pour autant s’aligner sur les moins-disants européens ? Nous sommes plutôt fiers de ce que nous avons réussi à faire pour le développement économique de notre pays et son modèle social.

Vous indiquez que nous ne nous attaquons qu’aux 7 milliards de déficit du régime général. N’opposons pas les travailleurs du secteur public à ceux du privé ! D’une part, malgré des règles différentes pour le calcul des pensions, les taux de remplacement du secteur privé et du secteur public sont proches. D’autre part, seule la fonction publique d’État est déficitaire. En outre, la réforme des régimes spéciaux de 2008 a constitué une première étape vers la convergence avec un allongement de la durée de cotisation. Ainsi, un conducteur de la SNCF qui souhaiterait partir à la retraite après trente ans d’activité toucherait une pension très faible du fait de l’application de la décote.

En ce qui concerne la pénibilité, nous avons des convictions. Certains métiers méritent la solidarité nationale, et ceux qui les ont exercés doivent pouvoir bénéficier d’une compensation – relativement modeste, vous en conviendrez, avec au maximum deux ans de réduction de leur temps de travail. La mise en œuvre du dispositif serait un enfer, nous expliquez-vous. Laissez-lui une chance d’exister à travers les décrets d’application ! Je ne doute pas que ce dispositif pourra être autre chose qu’une usine à gaz si nous parvenons à le faire vivre ensemble, si chacun y met de la bonne volonté. C’est une mesure de solidarité et de justice à laquelle nous tenons tout particulièrement.

M. Arnaud Robinet. Monsieur Pilliard, vos propos m’ont rassuré, car votre organisation m’avait semblé plutôt tiède à l’issue des concertations avec le Premier ministre. Certes, on vous a promis une baisse des charges pesant sur le travail, avec un transfert pour financer la politique familiale. Mais les mêmes, en 2003, avaient promis aux syndicats un retour à la retraite à soixante ans et une abrogation de la loi Fillon.

Madame, messieurs, vous avez raison : cette réforme n’en est pas une. C’est un projet de loi, plutôt synonyme de choc fiscal, qui va porter sur un financement à hauteur de 7,5 milliards d’euros sur les 20 milliards nécessaires à l’ensemble des régimes de retraite. Le plus grave est qu’il s’inscrit sous le signe de l’iniquité. Il ouvre de nouveaux droits, dont certains sont justifiés – je pense aux polypensionnés et aux femmes –, mais il crée aussi, en quelque sorte, de nouveaux régimes spéciaux. Or nos concitoyens espéraient une véritable convergence de l’ensemble des régimes. Cessons d’ailleurs d’associer travail et pénibilité. À force d’affirmer que les métiers du bâtiment sont pénibles, ce secteur ne parviendra plus à recruter. Parlons plutôt de métiers physiques.

L’opposition partage les inquiétudes des représentants des employeurs, notamment sur le choc de fiscalité pour les entreprises qui ont déjà été mises à contribution avec le décret de 2012 qui prévoit le rétablissement de la retraite à soixante ans pour certaines catégories de personnels. Sans ce décret, dont l’impact sur le déficit du régime de base des salariés est considérable, l’équilibre aurait pu être atteint en 2020. Comme vous l’avez également souligné, les retraités et les salariés subiront une baisse de leur pouvoir d’achat.

Il faut bien sûr préserver le régime par répartition. Néanmoins, un problème démographique appelle une solution démographique. C’est pourquoi nous aurions souhaité une augmentation de la durée de cotisation, mais également un recul de l’âge de départ à la retraite, ce paramètre ayant un impact rapide sur le financement des retraites.

Si nous laissons en l’état le système par répartition, nous risquons de provoquer sa disparition. Je crois donc souhaitable de l’adosser, non à un système par capitalisation – mot tabou dans notre pays –, mais à l’épargne retraite. Madame, messieurs, quel est votre avis sur ce que nous appelons l’acte II de l’épargne retraite ? Comment inciter les Français, notamment les jeunes générations, à s’orienter vers une retraite supplémentaire, en complément du système par répartition ?

Nos entreprises – PME, PMI, TPE, artisans et commerçants – sont confrontées à de grandes difficultés. On leur a promis monts et merveilles avec le CICE, dont le financement n’est pas assuré, et avec les contrats de génération. La compétitivité de nos entreprises et la création d’emplois appellent des réformes d’une autre envergure.

M. Philippe Vigier. Madame, messieurs, vous êtes quasiment à l’unisson dans vos critiques contre le texte gouvernemental. Le groupe UDI a eu l’occasion d’exprimer sa position sur le rapprochement entre le public et le privé, l’extinction progressive des régimes spéciaux, la prise en compte du problème des retraites complémentaires et la capitalisation. Il a également souligné son attachement au régime par répartition.

Monsieur Pilliard, j’ai été surpris de voir votre président plutôt satisfait de cette réforme, après avoir été reçu par le Premier ministre. Comme vous l’avez indiqué, le taux de marge, élément fondamental de la compétitivité des grandes, moyennes et petites entreprises, s’est effondré. Or nous savons tous qu’une hausse des cotisations est nuisible à la compétitivité. Le Monde a beau annoncer que la facture sera plus élevée pour les salariés et neutre pour les entreprises, le document de présentation gouvernementale indique que l’impact sera de 2,2 milliards pour les entreprises et de 2,2 milliards pour les salariés. Avez-vous obtenu des garanties sur une baisse des charges patronales lors de votre rencontre avec Jean-Marc Ayrault ?

S’agissant du compte pénibilité, dont le coût est estimé à 2,5 milliards en 2040, je suis favorable à la définition de critères. J’entends parfaitement votre inquiétude sur la complexité de la mise en œuvre du dispositif, madame Roy. Pour nous, la pénibilité implique un plan de prévention. Avez-vous des préconisations en la matière ? Avez-vous réalisé des études d’impact, sachant que le financement du dispositif sera assuré par les entreprises ? Enfin, comment mettre en place le compte pénibilité, qui sera plafonné à 100 points, sans risque de dérives ? Les représentants des salariés ont exprimé ces mêmes craintes ce matin.

Enfin, j’ai trouvé le représentant de l’UPA extrêmement sévère. Monsieur Burban, avez-vous mesuré l’impact de la directive Détachement, mais aussi de la hausse des cotisations vieillesse et de la création du compte pénibilité pour les professionnels relevant de votre organisation ?

Mme Véronique Massonneau. Le compte personnel de prévention de la pénibilité me semble une mesure essentielle, innovante et juste. Quelle solution alternative proposez-vous pour son financement ?

La réforme propose de réduire les inégalités entre hommes et femmes, ce dont on ne peut que se réjouir. Hélas, elles se perpétuent, malgré la loi qui exige que les entreprises mettent en place des dispositions pour les atténuer. Quelle mesure préconisez-vous pour mettre fin à cette situation ?

Enfin, les dispositions relatives aux apprentis leur permettent de valider des trimestres correspondant au nombre de trimestres travaillés. Pensez-vous que cet excellent dispositif pourrait être élargi aux stagiaires ?

Mme Jacqueline Fraysse. Le Gouvernement envisage de compenser l’effort demandé aux entreprises pour financer les retraites afin de ne pas alourdir le coût du travail et de ne pas pénaliser la compétitivité. Cela revient à faire payer seulement les salariés et les retraités, ce qui, à nos yeux, est injuste. Cette mesure nous préoccupe d’autant plus que les entreprises ont déjà bénéficié de 20 milliards d’euros au titre du CICE, qui s’ajoutent aux plus de 20 milliards d’exonérations de cotisations sociales existantes. Pour nous éclairer sur la pertinence de cette nouvelle subvention, pouvez-vous nous dire comment les entreprises ont utilisé le CICE ? Quels en sont les premiers effets ? A-t-il provoqué une augmentation des investissements ? Seriez-vous favorables à une plus grande transparence de l’utilisation de ces fonds ? Comment expliquez-vous que, malgré ces milliards d’argent public, le chômage, non seulement ne diminue pas, mais continue d’augmenter ?

Lors de l’université d’été du MEDEF, M. Pierre Moscovici a assuré aux entreprises que le CICE et le crédit d’impôt recherche (CIR) seraient sans contreparties ni contrôle fiscal. Cette déclaration nous a surpris. Comment la justifiez-vous dans un contexte où la part des salaires et des investissements dans la valeur ajoutée ne cesse de baisser au profit des dividendes et de la rémunération des dirigeants, et où les grandes entreprises françaises utilisent massivement ce qu’il est convenu d’appeler « l’optimisation fiscale », au détriment de l’État ? Selon une enquête d’Alternatives économiques, les entreprises du CAC 40 possèdent 1 470 filiales dans les paradis fiscaux ! Seriez-vous favorables à une plus grande transparence de l’utilisation des fonds publics ?

Quelle place envisagez-vous pour les représentants du personnel dans l’évaluation de la pénibilité ?

Aujourd’hui, les revenus financiers des entreprises ne sont pas investis pour créer des emplois et ne participent pas au financement de notre protection sociale ; cela nous paraît anormal, car ces revenus sont issus de la valeur ajoutée créée par le travail. Êtes-vous prêts à les soumettre à cotisation ?

Comment justifiez-vous la persistance des inégalités salariales entre les hommes et les femmes ? Il paraît choquant qu’à travail et compétences égaux, les salaires versés aux hommes et aux femmes ne soient pas identiques, alors que le problème est reconnu et que, comme, vient de le rappeler Mme Massonneau, nous avons adopté des lois afin d’y remédier.

Vous militez pour un recul de l’âge de départ à la retraite ; pourtant, le taux d’emploi des 55-64 ans n’est que de 37 %. N’est-ce pas contradictoire ? Comment expliquez-vous la frilosité des entreprises en matière d’embauche des seniors ?

M. Denis Jacquat. Il ne s’agit pas, à mes yeux, d’une véritable réforme, mais d’un texte aux ambitions bien plus modestes – qui contient par ailleurs des mesures, concernant notamment les polypensionnés, avec lesquelles nous sommes d’accord. Pourtant, en 2010, nous avions prévu deux rendez-vous : un en 2013, un en 2018. On est loin du compte !

En outre, le projet de loi prévoit de nouvelles charges, et cela malgré la crise économique.

Nous sommes viscéralement attachés au système de retraite par répartition. Le problème, c’est que, avec un tel texte, il est certain que nous serons contraints de nous retrouver ici même dans deux ou trois ans pour discuter du même sujet. La question est de savoir si nous devons, comme l’a fait M. Gerhard Schröder – membre du SPD – en Allemagne, mettre en place un système qui comprendrait plusieurs piliers, tout en restant fondé sur le principe de la répartition. Là-bas, cela a marché, puisque 13 millions d’Allemands ont désormais accès à l’épargne retraite.

La question de la pénibilité avait déjà été abordée en 2010, et même dès 2003, puisque le dispositif pour carrière longue a été mis en place à l’époque ; c’est la France qui, la première, a traité ce problème – l’Autriche avait essayé de le faire en son temps, avant de faire machine arrière. Je pense que, en ce domaine, il faut mener une politique basée sur la santé au travail et sur la prévention ; je suis partisan de conserver une approche médicale – bien que beaucoup y soient opposés –, car je crains les dérives ; et je crois qu’il convient d’éviter toute surenchère : en tant qu’élu local, je suis souvent sollicité par des personnes qui souhaitent travailler de nuit dans des hôpitaux.

M. Christian Paul. Merci d’avoir contribué à éclairer les décisions que nous aurons à prendre dans quelques semaines. Comme nous ne tenons pas un double langage, je répéterai ce que, ce matin, j’ai dit aux organisations syndicales au nom du groupe SRC.

La présente réforme du régime général répond à la recherche d’un compromis social, auquel nous souhaitons associer le maximum d’acteurs sociaux et syndicaux. Ce compromis, nous sommes en train de le construire, ce qui, en période de crise économique et sociale, n’est pas toujours aisé.

Cela passe par deux exigences. En premier lieu, nous devons avoir le souci du dialogue, afin d’améliorer le projet de loi avant son adoption ; c’est pourquoi nous avons été désireux de vous rencontrer aujourd’hui, tout comme nous le serons à chaque étape de l’examen du texte – notamment, dans quelques jours, dans le cadre de mon groupe.

D’autre part, il nous faut trouver un compromis de progrès. Nous n’envisageons pas qu’une réforme du régime général puisse se limiter à un simple ajustement budgétaire, comme celui tenté dans les années précédentes, avec un succès limité. Si les efforts consentis doivent permettre l’équilibre du régime, nous croyons possible de réaliser aussi un certain nombre de progrès à cette occasion.

Je suis un peu surpris par vos critiques à l’encontre des dispositions relatives à la pénibilité : je pensais que les organisations patronales portaient une plus grande attention à ces questions. Connaissant bien plusieurs branches ou professions que vous représentez – notamment à l’UPA –, j’avais le sentiment que la pénibilité du travail, qui est actuellement un obstacle au recrutement dans les entreprises, était mieux comprise. Nous souhaiterions poursuivre le dialogue avec vous sur ce sujet.

Mme Isabelle Le Callennec. Le compte individuel de pénibilité semble poser de sérieux problèmes de coût et de mise en œuvre ; les organisations syndicales que nous avons reçues ce matin s’en sont également fait l’écho – pour d’autres raisons.

Vous dites que, plutôt que d’établir un lien entre la pénibilité du travail et la retraite, il vaudrait mieux travailler sur les conditions de travail des personnes dès le premier jour de leur insertion professionnelle. La réforme de 2010 posait une obligation, pour les entreprises de cinquante salariés ou plus dont la moitié de l’effectif est exposée à un facteur de pénibilité, de négocier un accord ou d’élaborer un plan d’action et de prévention. Quelles conséquences a eu la mise en œuvre de cette disposition ?

Je crois savoir que certaines entreprises ayant des difficultés de recrutement ont fait de réels efforts pour améliorer les conditions de travail de leurs salariés. En 2010, nous avions décidé de mettre en place un Fonds national de soutien relatif à la pénibilité, doté de 20 millions d’euros, afin d’aider les entreprises à adapter les postes aux salariés. Je n’arrive pas à obtenir du ministère des informations sur son utilisation. Savez-vous ce qu’il en est ?

Pour définir la pénibilité, on a évoqué le dialogue entre l’employeur et le salarié, mais on pourrait aussi faire appel à d’autres acteurs – notamment à la médecine du travail. Quel devrait être selon vous le rôle de celle-ci et celui des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans la lutte contre la pénibilité au travail ?

Enfin, avez-vous discuté avec les organisations syndicales et le Gouvernement de la retraite progressive ?

M. Jean-Marc Germain. Évitons les faux débats : au fond, les critiques que vous émettez sont relativement douces – le président du MEDEF avait d’ailleurs fait une déclaration beaucoup plus positive sur le perron de Matignon.

On ne peut faire croire qu’il existe des solutions autres que l’augmentation à court terme des prélèvements obligatoires pour rééquilibrer les régimes de retraite. Disons les choses clairement : soit on diminue les pensions, soit on augmente les prélèvements sur les salariés, les employeurs ou les ménages ; mais le relèvement de l’âge de départ à la retraite et l’allongement de la durée de cotisation n’ont d’effets qu’à long terme, sous réserve que la croissance reprenne et que le chômage régresse – sinon, on transforme de jeunes retraités en vieux chômeurs.

D’autre part, il convient que les efforts soient partagés. Or ce qui me paraît important dans cette réforme, c’est précisément qu’on ne stigmatise personne : l’effort demandé sera le même pour les fonctionnaires et pour les salariés du privé, pour les retraités et pour les actifs. Il est essentiel que cette parité soit maintenue entre les salariés et les employeurs. Si je comprends que l’on débatte de la compensation de la hausse du coût du travail, il importe que, au bout du compte, l’ensemble des parties contribuent à l’effort collectif – y compris les employeurs. J’espère que les décisions prises dans le cadre des réformes du financement de la protection sociale et des allocations familiales le permettront, et que la partie patronale saura soutenir cet effort.

Mme Bérengère Poletti. Vous avez raison : il ne s’agit pas d’une réforme, tout au plus d’une série d’ajustements destinés à ne pas froisser les personnes concernées…

La pénibilité n’est pas un problème nouveau ; s’il a été rappelé qu’un fonds dédié a été créé en 2010, dès 2003, on avait demandé aux partenaires sociaux de faire des propositions sur le sujet. Qu’est-ce que cela a donné ?

M. Gérard Sebaoun. Si je récapitule, personne ne conteste que la pénibilité est un sujet d’actualité et les partenaires sociaux travaillent déjà ensemble à établir les facteurs de risque.

En outre, je souscrirais volontiers à la proposition n° 8 du MEDEF ; tout y est, ou presque : l’anticipation des carrières, l’amélioration des conditions de travail, la prévention des situations de pénibilité, le développement des qualifications, la formation, l’aménagement des fins de carrière, la transition entre activité et retraite.

Pourtant, quand j’entends votre argumentation, je m’inquiète : ce que vous mettez en avant, c’est plutôt la réparation médicalisée, qui concerne assez peu de personnes. Nous sommes loin de la réalité de ce qu’est la pénibilité !

Vous dites que des efforts de prévention ont été faits dans les petites entreprises. Dans ce cas, pourquoi les chiffres de la sinistralité ne s’améliorent-ils pas ?

De mon point de vue, il y a une double réalité : d’un côté, l’action menée au sein des entreprises par les partenaires sociaux, qui aboutit à des progrès que nous saluons tous ; de l’autre, une posture des organisations patronales, qui les conduit à rejeter dans sa globalité le texte présenté.

M. Lionel Tardy. D’aucuns évoquent une réforme équilibrée, fondée sur l’équité et le partage des efforts. Rappelons les chiffres : pour équilibrer les régimes de retraite, il faut trouver 20 milliards d’ici à 2020 – 7 milliards pour le régime général, 4 milliards pour les retraites complémentaires et 8,6 milliards pour les régimes publics ; si l’on ne tient pas compte du déficit de l’AGIRC et de l’ARRCO, qui sont gérées par les partenaires sociaux, ce sont donc 15 milliards que l’État doit trouver. Dans l’état actuel des choses, il manque toujours 8,6 milliards, et ce sont les salariés du privé qui vont devoir payer : voilà le vrai problème !

Avant de parler de la pénibilité, encore faudrait-il rétablir l’équilibre du régime. La moindre des choses eût été de présenter un projet de loi qui traite de tous les régimes, privé comme public. Ce n’est pas le cas !

M. Michel Liebgott. Force est de constater que nous sommes plus proches des positions du MEDEF, de la CGPME et de l’UPA que de celles de l’opposition, qui nous propose, par la voix de M. Robinet, l’acte II de l’épargne retraite – ce qui implique le passage à la capitalisation ! Je me félicite, madame, messieurs, que vous ayez rappelé que le système de répartition devait perdurer dans notre pays. Quant à la capitalisation, les Français y participent déjà largement, à commencer par la propriété immobilière – qui vient en déduction des dépenses lorsqu’on est retraité –, mais aussi en utilisant d’autres instruments, comme l’assurance-vie.

Puisqu’on doit trouver de l’argent, il faut bien augmenter les cotisations. C’est d’ailleurs ce que vous avez fait pour l’AGIRC : vous avez pris vos responsabilités ; alors, ne vous étonnez pas que nous prenions les nôtres afin d’assurer l’équilibre du système !

Pour ce qui est de la pénibilité, il me semble préférable qu’un salarié soit en formation ou travaille à temps partiel plutôt qu’il ne soit plus opérationnel : il est de l’intérêt de l’entreprise de reclasser les personnes en difficulté.

Enfin, les retraités sont aussi des consommateurs : il est là encore de l’intérêt de l’entreprise qu’ils aient un minimum de pouvoir d’achat.

Mme Monique Iborra. Votre réaction à ce projet de loi me surprend un peu. Je suis d’accord avec M. Pilliard : l’existence de trente-six régimes nuit à la lisibilité du système ; toutefois, je lui rappelle que l’indemnisation chômage est elle aussi très complexe, mais que, pour le moment, les partenaires sociaux ne veulent ou ne peuvent pas y toucher…

En outre, tenir compte de la pénibilité, c’est aussi aller vers une amélioration des conditions de travail, qui peut améliorer la productivité.

Une telle attitude défensive et négative, qui n’est qu’une posture, me préoccupe, car nous n’y arriverons que si nous travaillons ensemble. Je regrette que ce ne soit pas le cas pour le moment.

M. Jean-François Pilliard, vice-président du MEDEF. Je propose de regrouper vos nombreuses questions et observations en quelques grandes thématiques.

En premier lieu, il importe de clarifier la question de la compétitivité : quoiqu’elle dépasse le débat sur les retraites, elle explique en grande partie les positions de chacun.

Je le répète : depuis la Seconde Guerre mondiale, jamais les marges des entreprises françaises n’ont été aussi faibles. D’autre part, je pense que nous nous accorderons sur le fait que nous avons pour préoccupation commune de permettre à notre pays de se développer et de réduire le niveau actuel du chômage : c’est une question d’intérêt général. Or, avec des marges à ce niveau, les conditions d’une reprise durable ne sont pas réunies. Ce dont on nous parle aujourd’hui, ce ne sont que feux de paille ; si nous ne faisons rien, la France continuera à sombrer, lentement mais inexorablement, dans le déclin.

La principale explication de la baisse substantielle des marges des entreprises françaises réside, non pas dans l’action menée durant ces derniers mois, mais dans le fait que, depuis trente ans, chaque fois que l’on doit faire face à un problème sérieux, on cherche à l’éviter et on ne propose que des solutions provisoires.

Certains d’entre vous ont évoqué les exonérations de charges et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), mais pourquoi ces dispositifs ont-ils été inventés ? Précisément parce qu’à un aucun moment vous n’avez voulu – ou nous n’avons voulu – regarder la réalité en face et traiter le problème de fond, qui est de rendre le travail compétitif. Tant que nous n’aurons pas la volonté d’apporter une réponse à cette question, nous ne ferons que poser des pansements sur une plaie qui ne cesse de s’agrandir. Au-delà de nos divergences de sensibilité, nous devrions pouvoir nous accorder sur ce point.

Le CICE n’est pas un cadeau qui a été fait aux entreprises, mais une disposition que vous avez prise parce que, à un moment donné, vous avez considéré que la situation dans laquelle nous étions placés était intenable et nuisible à la croissance et à l’emploi. Si nous avons applaudi à sa mise en œuvre, nous estimons que l’on est encore loin du compte et qu’il faut continuer à travailler ensemble, selon des objectifs et des calendriers à définir ensemble. Je rappelle que si, dans nos comptes d’exploitation, il y a d’un côté le CICE, de l’autre, nous avons subi 30 milliards de prélèvements obligatoires supplémentaires durant les cinq dernières années !

Quant aux obligations de transparence, je rappelle que le dispositif prévoit que le chef d’entreprise doit rendre compte chaque année aux instances représentatives du personnel de l’utilisation du CICE – ce qui nous semble parfaitement légitime.

Mme Geneviève Roy, vice-présidente de la CGMPE. J’attire en outre votre attention sur le fait que la plupart des entreprises n’ont encore rien à inscrire dans leur compte d’exploitation, puisque le CICE sera calculé sur le bilan 2013. Certaines ont reçu des avances de trésorerie, mais elles sont peu nombreuses. Les autres n’ont rien eu.

M. Jean-François Pilliard. En revanche, elles ont déjà subi la hausse des prélèvements obligatoires !

Mme Geneviève Roy. D’autre part, l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 prévoit le contrôle de l’utilisation de ce crédit ; cette disposition a été reprise dans la loi.

M. Jean-François Pilliard. Un autre point qui mérite clarification, c’est la question de la pénibilité.

Aucune de nos organisations ne conteste qu’elle est d’importance et qu’elle doit trouver réponse majoritairement dans le champ de la prévention. Je souligne en passant que, concernant la sinistralité, les accidents du travail ont diminué de façon substantielle au cours des vingt dernières années. Nous pouvons tous nous en réjouir !

Quant aux positions que nous avons exprimées, qu’est-ce qui les justifie ? D’abord, il y a un ordre de priorité : quand un régime de retraite est aussi gravement malade, avant de dépenser de l’argent, il faut commencer par le remettre à l’équilibre ! Or, si la réforme proposée n’apporte aucune véritable réponse sur le court et le long terme, elle prévoit des dépenses supplémentaires – sur lesquelles une discussion eût été possible dans d’autres circonstances.

Ensuite, il faudrait arrêter d’accumuler les couches géologiques. Dans notre pays, nous passons notre temps – et vous y participez plus que largement ! – à empiler les textes, sans que soit jamais posée la question de la pertinence du nouveau dispositif. Ainsi, à une époque, on a introduit dans les entreprises des dispositifs de prime – ce qui, soit dit en passant, est probablement le meilleur moyen d’installer durablement une personne dans la pénibilité. Il nous paraît pertinent de chercher une autre solution, mais encore faudrait-il se poser la question des modalités de substitution du nouveau dispositif à l’ancien !

Même chose pour la réparation : il existe déjà un dispositif pour les carrières longues, qui s’adresse aux personnes entrées très jeunes dans la vie professionnelle ; en général, ces personnes ont des niveaux de qualification peu élevés et une proportion non négligeable d’entre elles travaillent dans des environnements dits de pénibilité. Puisque l’on met en place un nouveau système, posons-nous la question de l’opportunité de le faire cohabiter avec ce précédent dispositif.

Troisièmement, la complexité à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés dans le champ de la réglementation sociale nous amène – pour reprendre une formule facile – à faire du « Canada Dry » : nous nous donnons l’illusion que la législation sociale française protège les salariés, mais nous aboutissons à des résultats inversement proportionnels à la densité de cette législation, parce que les textes sont pour la moitié d’entre eux inapplicables ou, quand ils le sont, dépendent de l’interprétation des tribunaux, ce qui crée des zones d’insécurité préjudiciables à l’emploi. Travaillons donc sur la simplification – et c’est une conviction, non une posture !

Dernier point : nous considérons qu’il faut aussi tenir compte de la dimension individuelle du problème. Deux personnes peuvent exercer le même métier, si l’une fume depuis l’âge de quinze ans alors que l’autre n’a jamais touché à une cigarette, ou si l’une doit faire un trajet quotidien de deux heures tandis que l’autre habite à cinq minutes, ou encore si l’une souffre de pathologies familiales et l’autre non, au bout du compte on observera la conjonction de deux phénomènes : le fait qu’une personne aura travaillé dans un environnement pénible – ce que nous ne contestons pas –, et le fait que d’autres facteurs auront pesé sur cette situation. On ne peut s’en tenir aux aspects collectifs ; essayons de croiser les deux approches.

Si, ensemble, nous travaillons intelligemment sur ces différents points, nous saurons apporter des réponses en matière de financement. Comme certains d’entre vous l’ont noté, des négociations ont déjà été engagées, soit au niveau des entreprises, soit au niveau des branches, afin qu’une partie de la prime dite « de pénibilité » vienne alimenter des dispositifs d’épargne ; cela est également suggéré par le projet de loi. Nous ne sommes pas opposés au principe, mais à la façon dont le sujet est abordé dans le texte.

Mme Geneviève Roy. Je précise, madame Iborra, que notre réaction négative n’est pas une posture : nous sommes vraiment inquiets ! Prenez garde à la faisabilité du dispositif que vous allez adopter : le compte pénibilité sera très compliqué à mettre en œuvre dans les TPE-PME et cela nuira probablement aux embauches.

M. Pierre Burban, secrétaire général de l’UPA. Il s’agit en effet d’un problème majeur posé par cette réforme.

Les entreprises membres de l’UPA passent leur temps à essayer d’améliorer les conditions de travail, et cela pour des raisons d’attractivité ; cela ne nous pose donc aucun problème. D’autre part, comme je l’ai dit, des actions de prévention concrètes ont déjà été menées.

Après, il faudrait nous donner les moyens d’agir ! Or j’ai le sentiment – et cela ne fait qu’empirer – que l’on vote des lois en oubliant ce qu’est le monde entrepreneurial. Je rappelle que 53 % des salariés français travaillent dans des entreprises de moins de cinquante salariés et 37 % dans des entreprises de moins de vingt salariés ; ces chiffres ne sont pas appelés à s’inverser, bien au contraire ! Tant que l’on ne posera pas le problème différemment pour les grandes entreprises et pour les petites entreprises, on n’y arrivera pas.

Tout cela semble très généreux, et nous ne pouvons pas dire que nous nous désintéressons de la question de la pénibilité : mais il faudrait commencer par la définir. On vous demande de voter des dispositions dont la mise en œuvre concrète est laissée dans le vague, au prétexte qu’elle ne sera pas effective avant le 1er janvier 2015. Résultat : on ne sait rien des modalités d’attribution des points ou des conditions dans lesquelles une exposition à un facteur de pénibilité ouvrirait certains droits !

M. Michel Liebgott et Mme Monique Iborra. Il y aura un décret d’application !

M. Pierre Burban. Je vous invite quand même à vous mettre à la place d’un artisan qui aurait un, deux ou trois salariés : nous sommes vraiment inquiets – et ce n’est ni une posture, ni un parti pris idéologique !

M. Jean-François Pilliard. Ce qui peut vous apparaître comme un recul ou une position dogmatique est probablement lié à une forme d’exaspération par rapport à un discours en vigueur dans notre pays – et c’est malheureusement une fois de plus un cas unique en Europe – selon lequel tout travail serait pénible ; on l’entend jusqu’à des niveaux très élevés. Quand on présente comme une grande victoire le fait que 100 000 personnes par an – chiffre invérifiable faute d’étude d’impact – vont bénéficier chaque année d’un dispositif de pénibilité, je m’inquiète ! D’un côté, il y a des hommes et des femmes qui souffrent parce qu’ils ont perdu leur emploi ; de l’autre, des personnes qui travaillent, certaines étant placées dans des conditions difficiles : il faut garder une juste mesure ! Nous considérons pour notre part – sans nier les difficultés inhérentes à certains travaux – que le travail est la source du développement d’une société moderne et un facteur d’épanouissement individuel et collectif.

Nous sommes prêts à discuter ; mais il faut que vous ouvriez les bonnes portes, car, si l’on reste sur les propositions actuelles, le débat risque d’être difficile ! Une fois de plus, le Parlement votera une loi dont l’application ne sera que partielle, non parce que nous sommes des rebelles, mais parce que nous serons dans l’impossibilité de la mettre en œuvre correctement.

J’en viens à l’égalité entre les hommes et les femmes. Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, nous considérons qu’un système de retraite par répartition n’a pas pour objet de réparer les inégalités de la vie professionnelle. Nous n’évacuons pas pour autant de notre champ de réflexion et d’action ce sujet fondamental à la fois pour la société française et pour l’efficacité des entreprises – dans une entreprise, la diversité, de quelque nature qu’elle soit, est un facteur d’innovation et de progrès. Mais, chaque fois qu’on est confronté un problème, c’est la même chose : premièrement, on produit une loi, deuxièmement, on lui adjoint une réglementation – la plus légère se traduisant par un texte de 250 pages –, troisièmement, on se désintéresse de la mise en œuvre opérationnelle, tout en faisant de temps en temps un rappel à l’ordre et en agitant la menace d’une sanction et d’une pénalisation de l’employeur !

Au niveau de ma branche, qui représente 1,6 million de salariés, soit à peu près la moitié des effectifs de l’industrie française, nous avons signé un accord avec les organisations syndicales ; cela a permis de stopper les conversations de salon et de poser un diagnostic, avec l’aide d’experts, sur la question : dans ma branche, à emploi et formation équivalents, les écarts de rémunération se situent, dans la durée, dans des fourchettes de plus ou moins 5 % – ce qui est considéré par les experts comme non significatif. Le vrai problème, c’est le « plafond de verre » : comment se fait-il qu’un homme et une femme commençant dans le même emploi, avec le même niveau de formation, n’aient pas ensuite des parcours professionnels, non pas identiques – car l’entreprise n’est pas un lieu d’égalité, mais d’équité –, mais approchants ? Concrètement, cela a abouti à la mise en œuvre de programmes de sensibilisation et d’actions rectificatives.

Nous sommes prêts à continuer à travailler sur le sujet, mais dans un esprit différent, en commençant par demander à ceux qui sont concernés comment ils conçoivent les choses avant de les enfermer dans des lois successives. La France est le pays d’Europe qui détient le plus grand nombre de lois sur l’égalité entre les hommes et les femmes, mais nos progrès en ce domaine sont inversement proportionnels au nombre de textes !

Avons-nous d’autres solutions à proposer ? Certains d’entre vous estiment qu’une hausse des cotisations est inéluctable ; mais c’est ce qu’on nous répète depuis trente ans, et c’est pourquoi nous atteignons de tels niveaux de charges ! Et que dire de la méthode ? La concertation dure depuis près de six mois ; elle a donné lieu à des travaux de qualité, comme ceux du Conseil d’orientation des retraites (COR) ou le rapport de Yannick Moreau – qui ouvrait des pistes intéressantes, même si nous n’étions pas d’accord sur tout –, ainsi qu’à de multiples réunions avec les cabinets et avec le Premier ministre. Des propositions, nous en avons fait, mais nous n’avons jamais obtenu de retour et aucune étude d’impact n’a été lancée.

Une solution aurait été de croiser une action sur la durée de cotisation et une action sur l’âge de départ à la retraite. Que l’on soit d’accord ou non, on gagnerait, vis-à-vis de nos concitoyens, à expliquer en quoi une augmentation de la durée de cotisation à partir de 2020 serait de nature à mieux répondre aux problèmes actuels que ce que nous proposions ; personne ici n’ignore qu’une action relativement vigoureuse, mais progressive sur l’âge de départ à la retraite apporte en termes financiers des résultats bien plus rapides qu’une action sur la durée de cotisation. Pourquoi ne pas avoir accepté d’en débattre ? Répondre « Circulez, y’a rien à voir ! » dès que l’on aborde la question de l’âge nous paraît pour le coup une position dogmatique à la fois inacceptable et préjudiciable. Comme je l’entendais dire ce matin, vu l’âge auquel les jeunes entrent sur le marché du travail, une augmentation régulière de la durée de cotisation sera bien plus inéquitable sur le long terme. Ce que nous demandons, c’est qu’il y ait un débat sur le sujet.

Quand nous évoquons les différences entre le public et le privé, il ne s’agit pas d’opposer les salariés ; tous, quel que soit le secteur auquel ils appartiennent, sont respectables. Ce que nous fustigeons, ce sont les différences entre les systèmes et le traitement collectif du problème – qui est d’ailleurs contraire à la loi républicaine, puisque la loi de 2010 prévoyait que, en 2013, serait engagée une réflexion entre le Gouvernement et les parties prenantes sur ce qui avait été appelé une « réforme systémique ». Ce débat a été complètement évacué ! Pourquoi la loi n’a-t-elle pas été appliquée ?

Nous ne sommes pas de ceux qui ont demandé l’alignement en 2014 du régime des fonctionnaires sur celui des salariés du privé. Nous avons simplement souhaité que soit lancé un travail collectif, méthodique et rigoureux, afin d’arrêter une feuille de route, fondée sur la considération suivante : à long terme, ne serait-il pas plus simple et plus sain de disposer d’un socle commun à l’ensemble des salariés, qu’ils soient du secteur privé ou du secteur public, avec quatre régimes complémentaires : un pour le secteur privé, un pour la fonction publique, un pour les professions libérales et un pour l’agriculture ? Suivre une telle démarche ne nécessiterait pas un effort démesuré !

En outre, l’argent aujourd’hui dépensé pour financer la gestion dispersée des régimes de retraite pourrait être utilisé avec profit, soit pour éviter les augmentations de cotisation, soit pour améliorer des régimes de pension. L’argent du contribuable et des entreprises doit d’abord servir à verser une retraite décente aux personnes affiliées à ces régimes : je pense qu’on ne peut être que d’accord sur ce point !

S’agissant de la capitalisation et de l’épargne retraite, soyons clairs : nos trois organisations sont profondément attachées au régime de répartition. Si nous étions des tenants de la capitalisation pure et dure, il y a bien longtemps que nous aurions renoncé à participer à la gestion des régimes complémentaires de retraite ! Si, malgré les difficultés rencontrées, nous ne l’avons pas fait, c’est que nous avons la conviction que le système par répartition est bénéfique. Mais, là encore, tout est question d’équilibre ; à nous de le trouver ensemble. Dans des pays qualifiés de sociaux-démocrates, il a été considéré qu’il était sain d’ajouter au socle de la répartition quelques éléments d’épargne retraite, un régime par répartition étant soumis à des aléas. Nous avons fait des propositions dans ce domaine : permettre aux entreprises d’adapter leur effort de financement des retraites supplémentaires à leur situation économique, laisser une latitude suffisante au dialogue social pour la détermination des collèges de salariés éligibles à un dispositif collectif, ouvrir aux entreprises, en particulier aux PME, la possibilité d’alimenter les dispositifs de retraite supplémentaire individuels. Là aussi, notre propos est raisonnable et équilibré ; il ne s’agit pas de substituer la capitalisation à la répartition, mais de prévoir, parce que c’est une saine gestion, une épargne complémentaire pour les salariés que nous représentons.

Nous avons aussi suggéré de lancer, comme l’ont fait d’autres pays, une réflexion collective pour étudier comment réorienter l’épargne – qui atteint en France un niveau très élevé, ce qui n’est pas un signe de confiance –, afin que, au lieu de dormir sans être employée efficacement pour l’économie française, elle puisse renforcer la capitalisation des petites et moyennes entreprises ou favoriser des projets de développement, au service de l’emploi. Là encore, nous n’avons pas eu le moindre retour.

Voilà autant d’éléments qui démontrent que les trois organisations patronales que nous représentons souhaitent profondément, comme vous, le développement de notre pays, le retour à un niveau d’emploi plus favorable et la mise en place d’un système équitable. Nous voulons construire, non détruire – et l’énergie avec laquelle nous déployons nos arguments est à la hauteur de nos convictions.

Une dernière remarque, pour terminer, sur les expressions relevées à la sortie d’une certaine réunion : je trouve plutôt heureux que les responsables politiques et économiques conservent un certain sens de l’humour ! Plus sérieusement, j’ai participé à cet entretien ; aucun des membres de notre délégation n’imaginait que la concertation qui avait été engagée six mois auparavant allait s’achever dans de tels délais et dans les conditions qui nous ont été annoncées. On nous avait pourtant promis un temps de réflexion entre le résultat de la concertation et la prise de décision ; sans vouloir faire de procès d’intention, permettez-moi de dire qu’il est un peu surprenant de voir dégringoler une avalanche de décisions alors que le processus de concertation vient à peine de s’achever !

D’autre part, il est vrai que les propos qui nous avaient été tenus en matière de coût du travail étaient plutôt encourageants. Toutefois, qu’il n’y ait pas de malentendu à ce sujet : nous souhaitons que ce dossier soit retravaillé et que l’on adopte un calendrier et une méthode. Si les résultats sont bons, nous les saluerons et nous les encouragerons ; mais cela ne gommera en rien les critiques que nous venons d’émettre sur la réforme des retraites.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous proposez de reculer l’âge de départ à la retraite, mais, avec un taux d’inemployabilité des plus de cinquante-cinq ans aussi élevé – c’est une autre particularité de la France que de réaliser l’exploit d’avoir un taux d’inemployabilité aussi élevé chez les jeunes et chez les seniors, et ça ne date pas de ces dix-huit derniers mois ! –, cela n’aboutira qu’à appauvrir de plus en plus les retraités ; les gens prendront leur retraite à soixante-cinq ou soixante-six ans en touchant des pensions de misère : ce n’est pas l’objectif !

Intéressons-nous déjà à l’employabilité des seniors. Les ruptures conventionnelles touchent de manière très importante les plus de cinquante-cinq ans ; or je ne vois pas comment un salarié de cinquante-huit ou cinquante-neuf ans peut aller à la rupture conventionnelle alors qu’il sait pertinemment qu’il ne retrouvera pas de travail… Cela nous interpelle, et nous souhaiterions regarder ce qu’il se passe vraiment.

D’autre part, je tiens à vous rassurer : le Parlement a désormais les moyens de contrôler l’application des lois ; le Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) est spécifiquement chargé de cette mission et il existe des missions d’évaluation d’application de la loi – je viens d’en terminer une avec M. Robinet sur la mise en œuvre de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Ce n’est donc pas « Vogue la galère ! » !

Monsieur Burban, nous avons entendu vos interrogations. Tout comme les salariés, vous pourrez interpeller les parlementaires sur ce que vous trouvez contestable dans ce projet de loi. Le débat sera le moment de faire sortir du bois le Gouvernement : les propos tenus par les ministres dans l’hémicycle – qui sont enregistrés par la vidéo et transcrits par le compte rendu – peuvent avoir des conséquences importantes, y compris aux niveaux légal et réglementaire.

Madame, messieurs, je vous remercie d’avoir répondu à notre invitation.

II.- AUDITION DU MINISTRE

La Commission des affaires sociales entend Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur le présent projet de loi lors de sa séance du mercredi 18 septembre 2013.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous auditionnons aujourd’hui Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, qui a été présenté ce matin en conseil des ministres. Je ne ferai aucun commentaire sur le fond de ce texte mais uniquement sur la méthode retenue pour sa préparation, une méthode que n’a cessé d’utiliser François Hollande depuis le début de ce quinquennat : celle du dialogue avec les partenaires sociaux. Aussi ces derniers n’ont-ils pas été surpris lorsque le projet de loi a été rendu public, quelque appréciation qu’ils puissent porter par ailleurs sur ce texte. Nous les avons d’ailleurs auditionnés nous-mêmes le mercredi 11 septembre dernier – les organisations représentatives des salariés le matin, les syndicats patronaux l’après-midi – et s’ils ont parfois exprimé leur désaccord sur certains points, ils n’ont pas critiqué la méthode retenue par le Gouvernement, évoquant bien une « concertation ». Attendu ou non, ce rendez-vous était en tout cas indispensable pour pérenniser notre système de retraites.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Je suis très heureuse de pouvoir engager avec votre Commission le travail parlementaire qui va nous occuper jusqu’à l’adoption définitive de la loi. Et nous aurons bien sûr l’occasion de nous revoir pour débattre de façon plus précise encore de chacune des dispositions que comporte ce texte.

Comme vous l’avez dit, madame la présidente, le Gouvernement a eu la volonté d’engager une concertation approfondie. Lorsque le texte qui vous est présenté avait été annoncé, dès la campagne présidentielle et la conférence sociale de juin-juillet 2012, une double exigence avait d’emblée été posée : tout d’abord, celle de réparer rapidement les injustices les plus fortes résultant de la loi portant réforme des retraites, adoptée en 2010 et qui faisait reposer l’essentiel de l’effort sur les jeunes générations. Nous nous y sommes employés dès notre arrivée aux responsabilités en publiant le décret dit « soixante ans » qui permet à ceux qui ont commencé à travailler avant l’âge de vingt ans et qui ont déjà cotisé pendant une durée suffisante de partir à la retraite dès l’âge de soixante ans – donc sans attendre le nouvel âge légal de soixante-deux ans. Ensuite, il avait été indiqué que nous devrions aller au-delà de la loi de 2010 puisque, contrairement à ce qui nous avait été annoncé, nous nous trouvions confrontés à une urgence financière – mais aussi à une exigence sociale : pour le Gouvernement, en effet, la question des retraites est étroitement liée à celle du travail et on ne saurait par conséquent la réduire à un enjeu strictement comptable et financier.

L’ensemble des organisations syndicales et patronales reconnaissent que la concertation a eu lieu – concertation, et non négociation, car il ne leur était pas demandé d’apposer leur signature au bas d’un document mais bien de participer à un travail d’échange et d’élaboration. Ainsi, même celles qui ont marqué leurs distances à l’égard de ce texte – avant même qu’il soit connu, d’ailleurs – reconnaissent qu’il comporte des avancées sociales importantes.

Notre projet vise à relever un triple défi : le défi financier, tout d’abord, puisque la réforme de 2010, dont l’objectif était le « zéro déficit » en 2020, est un échec. Or nous ne pouvons accepter de financer nos pensions par l’emprunt, ce qui reviendrait à faire peser l’effort sur les générations futures. Nous affirmons donc cette exigence de responsabilité financière. Le deuxième défi est démographique : nous allons en effet devoir verser des retraites à des générations plus nombreuses et qui vivront plus longtemps. L’espérance de vie s’allonge et l’arrivée à la retraite des générations du baby-boom provoque de fortes tensions. J’insiste cependant sur l’atout remarquable que constitue la démographie pour notre pays. Certains nous comparent volontiers à l’Allemagne et sans doute celle-ci se trouve-t-elle aujourd’hui dans une situation plus aisée que la France pour financer les retraites, mais elle aura demain des difficultés plus grandes en raison d’une natalité qui est loin d’avoir le dynamisme de la nôtre. Le troisième défi consiste à combattre des injustices que nous ne saurions continuer à accepter : elles sont liées au niveau de pension des femmes, à la pénibilité au travail et à la pauvreté subie dans des secteurs comme l’agriculture.

C’est en ayant à l’esprit cette triple exigence que nous vous proposons aujourd’hui un texte de progrès, assurant le financement du système par répartition dans la durée tout en en réparant de nombreuses injustices.

Destinées à assurer un équilibre durable de nos régimes, les mesures de financement qu’il comporte répondent à une réelle urgence et visent à empêcher la privatisation rampante de notre système de solidarité. Nous souhaitons ainsi ériger un rempart contre cette privatisation, qui serait inéluctable si nous n’intervenions pas maintenant pour garantir aux générations futures qu’elles pourront continuer à compter sur une retraite par répartition.

Nous avons retenu un principe d’effort équilibré, c’est-à-dire équitablement réparti et proportionné. Chacun devant participer à cet effort – les entreprises, les actifs et les retraités –, les cotisations patronales et salariales augmenteront de manière modérée et progressive à partir de 2014 et jusqu’en 2017, pour répondre à notre besoin de financement à moyen terme – à l’horizon 2020 –, et ce, contrairement à ce qu’on a pu dire, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Cet effort sera mesuré : en 2014, la hausse de 0,15 % des cotisations se montera à 2,15 euros par mois pour une personne rémunérée au SMIC et à 3,75 euros par mois pour un salarié gagnant 2 500 euros par mois.

Je souhaite également lever toute ambiguïté au sujet des cotisations patronales : les entreprises contribueront bien à l’équilibre du système et à la prise en compte de la pénibilité. Les Français n’auraient pas compris qu’il en aille autrement car la sauvegarde de notre pacte social exige la mobilisation de tous.

Nous avons également demandé un effort aux retraités. Alors que des voix s’étaient élevées pour affirmer que la baisse des pensions était inévitable, nous l’avons refusée, tant il nous paraît nécessaire de garantir aux retraités le niveau de leur pension dans la durée. Pour autant, la solidarité entre les générations est indispensable car, jusqu’à présent, ce sont les actifs qui ont toujours supporté l’essentiel de l’effort exigé pour financer nos régimes de retraite. Dès lors qu’il s’agit de sauvegarder un élément du lien entre les générations, il est normal d’exiger de celles qui sont déjà à la retraite d’y contribuer de manière modérée.

Puisque nous avons refusé la baisse des pensions, celles-ci resteront indexées sur l’inflation mais, au lieu d’être revalorisées au 1er avril, elles le seront au 1er octobre. Cette mesure ne concernera cependant pas les bénéficiaires de l’allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA), l’ex-minimum vieillesse. Cet effort représentera six euros par mois pendant six mois pour une retraite de 1 500 euros – un effort réel mais mesuré et ponctuel, puisqu’il ne sera pas redemandé les années suivantes. D’autre part, la majoration de pension de 10 % dont bénéficient les retraités ayant eu trois enfants et plus sera fiscalisée. À partir de 2020, le relais sera pris par l’allongement de leur durée de cotisation.

En effet, afin de ne pas perturber les plans de ceux qui s’apprêtent à partir à la retraite, nous n’avons pas souhaité accélérer immédiatement l’allongement de la durée de cotisation. Cet allongement se poursuivra donc au rythme prévu jusqu’en 2020, puis, à compter de cette date, au rythme – inscrit dans la loi – d’un trimestre tous les trois ans, ce qui portera la durée de cotisation exigée à quarante-trois annuités à partir de 2035, soit pour les générations nées en 1973 et au-delà. Cet effort en termes de durée de cotisation est réel. Cela étant, l’allongement de l’espérance de vie l’est également. C’est pourquoi il nous paraît plus juste de retenir le critère de la durée de cotisation plutôt que celui de l’âge légal de départ à la retraite, qui était au cœur de la réforme de 2010 et que nous avons résolument écarté. En effet, tout en ayant cotisé quarante-trois annuités, les jeunes qui ont 25 ans aujourd’hui vivront en moyenne deux années de plus à la retraite que ceux qui s’apprêtent à partir dans les mois à venir, et ceux qui ont 35 ans, une année de plus. L’allongement de la durée de cotisation ne se fait donc pas au détriment du temps laissé à la retraite pour nos concitoyens.

Cependant, il est également nécessaire de moduler cette durée de cotisation afin de tenir compte de la réalité des situations et des parcours professionnels des salariés. En effet, nous ne sommes pas égaux en termes d’espérance de vie, du fait de la diversité des conditions de travail dont nous ne pouvons par conséquent faire abstraction lorsque nous traitons des retraites. Nous avons donc été amenés à instituer des droits nouveaux et à réparer des injustices.

Notre volonté de corriger les injustices nous a d’abord conduits à reconnaître la pénibilité au travail – les partenaires sociaux en avaient affirmé la nécessité dès 2008 sans parvenir pour autant à s’accorder sur les conséquences à en tirer en termes de prévention ou de réparation. La notion de conditions de travail pénibles renvoie à des situations concrètes telles que le travail de nuit – qui concerne beaucoup de femmes –, le port de charges lourdes ou encore l’exposition à des substances cancérigènes. Dix facteurs ont ainsi été identifiés. Un compte pénibilité sera mis en place pour chaque Français à partir du 1er janvier 2015 et chaque exposition à une situation pénible donnera droit à un point. Ces points seront doublés pendant la période transitoire afin que ceux qui s’apprêtent à partir à la retraite puissent bénéficier de ce nouveau dispositif favorable. Ces points pourront être convertis en trimestres de formation, en retraite anticipée ou en temps partiel.

La deuxième injustice à laquelle le projet de loi vise à remédier est celle qui touche les femmes. Le système de retraites ne peut corriger les inégalités de salaire ou les disparités de parcours professionnel, mais il ne doit ni les entretenir ni a fortiori les amplifier. C’est pourquoi nous proposons de prendre en compte l’ensemble des trimestres correspondant au congé de maternité et d’engager une réflexion sur l’affectation des majorations de pension, cela afin d’aboutir à une meilleure répartition des sommes aujourd’hui versées à tous les parents d’au moins trois enfants, à proportion de leur pension. Comme il n’existe pas de solution simple, le projet de loi ne comporte pas encore de dispositions précises à ce sujet, étant cependant entendu qu’il faudra faire en sorte que les femmes bénéficient davantage de ces majorations. Enfin, nous avons souhaité mieux prendre en compte le travail à temps partiel, qui touche essentiellement les femmes. À compter du 1er janvier 2014, il suffira d’avoir cotisé 150 heures rémunérées au SMIC pour valider un trimestre, contre 200 actuellement.

Une troisième avancée sera faite en faveur des jeunes. En effet, ceux pour qui la fin de la vie active est proche savent pouvoir compter sur une retraite même s’ils s’interrogent sur son niveau, mais les plus jeunes se demandent si, pour s’assurer une pension, ils ne seront pas réduits à cotiser à des systèmes par capitalisation. De cela, nous ne voulons pas car ce recours ne serait accessible qu’aux mieux rémunérés et nous proposons donc des mécanismes pour mieux prendre en compte les débuts dans la vie professionnelle. Ainsi l’ensemble des périodes d’apprentissage pourront-elles être validées pour la retraite – on dénombre actuellement quelque 400 000 apprentis – et les jeunes qui auront poursuivi leurs études après le baccalauréat auront la possibilité de racheter jusqu’à quatre trimestres de cotisations en bénéficiant d’une aide se montant à 1 000 euros par trimestre, à condition que ce rachat intervienne dans un délai que nous proposons de fixer à cinq ans après la fin de leurs études. Enfin, les « petits boulots », les emplois précaires et le chômage des jeunes seront mieux pris en compte ; les jeunes qui alternent contrats courts et périodes de chômage non indemnisées pourront valider ces dernières. Enfin, la règle des 150 heures rémunérées au SMIC, au lieu de 200, nécessaires pour faire valider un trimestre s’appliquera aussi à ceux qui exercent un emploi pendant un mois d’été.

La quatrième injustice que nous tentons de réparer concerne les pensions trop faibles : nous allons ainsi relever le seuil de versement du minimum contributif, actuellement fixé à 1 028 euros, pour le porter à 1 120 euros. Pour ceux qui ont eu une carrière précaire ou heurtée, à compter du 1er janvier 2015, toutes les périodes de formation professionnelle pourront être comptabilisées dans le calcul de la retraite. Conformément à l’engagement du Président de la République, nous avons aussi prévu des mesures en faveur des agriculteurs : nous leur garantirons une pension minimale égale à 75 % du SMIC s’ils ont accompli une carrière complète et nous accorderons des droits nouveaux à leurs conjoints et aides familiaux. Enfin, nous avons également prévu des mesures en faveur des travailleurs handicapés et des aidants familiaux. Pour les premiers, le taux d’incapacité requis pour bénéficier de la retraite anticipée à 55 ans sera abaissé à 50 % et nous supprimons le critère de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, qui s’est révélé inadapté. Par dérogation, le droit à une retraite à taux plein sera ouvert dès l’âge de soixante-deux ans, au lieu de soixante-cinq, aux personnes handicapées dont le taux d’incapacité est supérieur à 50 %. Pour les aidants familiaux, nous souhaitons assouplir les conditions d’affiliation à l’allocation vieillesse des parents au foyer en supprimant la condition de ressources. Nous instaurerons également une majoration de la durée d’assurance en faveur des aidants d’adultes handicapés.

Le troisième et dernier défi consiste à rendre notre système de retraite plus simple et plus lisible. D’aucuns ont défendu l’idée selon laquelle il serait nécessaire de s’orienter vers un régime unique par points : si, chez certains, il s’agissait d’une position ancienne et constante, d’autres ne l’ont adoptée que récemment – ils n’en soufflaient mot lors des débats de 2010. Quoi qu’il en soit, contrairement à ce que tous ceux-là imaginent, ce n’est pas en changeant l’architecture du système que nous résoudrons le problème de son financement. On peut toujours modifier la forme des thermomètres mais, lorsque la fièvre est là, l’important est de la faire baisser.

Le grand avantage des systèmes uniques est celui d’être lisibles et compréhensibles pour les usagers. Nous voulons donc introduire de la lisibilité et de la simplicité dans nos régimes en commençant par mettre un terme à des réformes à répétition qui sont sources d’angoisse. À cette fin, nous instituerons un comité de pilotage qui fera chaque année le point sur la situation et émettra des recommandations publiques, transmises au Parlement, ce qui permettra des ajustements en fonction de la conjoncture. La publicité du débat en garantira la transparence et contraindra les gouvernements successifs.

Afin de simplifier la vie des Français, en particulier celle des polypensionnés, nous créerons un compte retraite unique permettant à chacun de nos concitoyens de disposer, avant la liquidation de sa retraite, de l’ensemble des informations relatives à sa future pension – c’est-à-dire des informations provenant de tous les régimes auxquels il aura contribué, y compris les régimes complémentaires – alors qu’aujourd’hui, c’est à lui qu’il appartient d’aller chercher ces informations auprès des différentes caisses. Au moment de la liquidation, il lui sera possible de s’adresser à un guichet unique pour demander le versement de sa pension à l’aide d’une déclaration préremplie. La pension des polypensionnés des régimes alignés fera l’objet d’un calcul unique. Enfin, nous instaurerons un paiement simplifié des pensions.

Telles sont l’ambition et l’architecture de cette réforme, que nous voulons inscrire dans la durée. Si nous souhaitons prendre à bras-le-corps les enjeux financiers, ceux-ci ne sauraient être dissociés des enjeux sociaux. Un système de retraite doit en effet apporter une garantie de revenu pour la dernière période de la vie tout en prenant en considération l’évolution de la société et des conditions de travail. Or le nôtre a été conçu à un moment où l’enjeu était d’assurer par une règle unique une garantie unique à l’ensemble de nos concitoyens. Soixante-dix ans plus tard, nous sommes confrontés à la nécessité de davantage prendre en compte la spécificité de tout parcours professionnel. Cette réforme vise donc à adapter les conditions de départ à la retraite à la singularité de chaque carrière.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame la ministre, nous vous remercions pour cette présentation très complète. Réparer des injustices et rassurer les jeunes comme leurs aînés tout en garantissant la pérennité du système de retraites : toutes ces ambitions n’étaient pas faciles à concilier, mais il me semble que ce projet y parvient.

M. Michel Issindou, rapporteur. Je trouve de grandes vertus à ce texte. Tout d’abord en raison de la méthode utilisée, unanimement saluée et qui nous change de ce que nous avons connu sous la précédente législature : cette réforme a été anticipée et particulièrement bien menée depuis un an, selon une chronologie structurée et efficace. Ainsi la première feuille de route a-t-elle été définie en juillet 2012. Puis le Conseil d’orientation des retraites (COR) a établi un diagnostic, évaluant à 20 milliards d’euros notre besoin de financement à l’horizon de 2020. Ensuite, après la publication du rapport Moreau, est venue une phase de concertation avec les organisations syndicales. Si celles-ci maintiennent chacune sa position et ont parfois rejeté certains aspects du texte, aucune cependant n’a quitté la concertation. Cela montre que tout au long de cette année, les choses ont été dites clairement mais tranquillement. Ces organisations poursuivent d’ailleurs le débat avec les parlementaires : nous avons reçu ce matin quatre d’entre elles parmi les plus représentatives.

Cette réforme est absolument nécessaire. Certains se demandent si le moment est bien choisi, jugeant que les 7 milliards d’euros de déficit du régime général sont bien peu de chose au regard des 280 milliards d’euros versés chaque année, mais, dans la période actuelle, ces déficits sont insupportables. Et force est de constater que la réforme de 2010, comme la précédente, a été inefficace et insuffisante, comme en attestent les chiffres moins de trois ans plus tard. La crise économique n’excuse pas tout à cet égard : demeure, tenant en particulier à l’allongement de l’espérance de vie, un déficit structurel qui préexistait. Mais si nous avons combattu cette réforme, c’est aussi parce qu’elle repoussait l’âge légal de départ à la retraite et, surtout, parce que ce report brutal ne s’accompagnait pas des mesures sociales qui auraient pu la rendre plus acceptable – notamment de mesures tenant compte de la pénibilité.

S’il est par conséquent nécessaire de revenir sur la réforme de 2010, c’est de manière juste, équilibrée et sans brutalité excessive que vous le faites et nous ne pouvons que souscrire aux mesures que vous proposez. Parmi les trois éléments communément cités sur lesquels on peut jouer pour rétablir l’équilibre, vous avez immédiatement exclu la baisse des pensions. Vous avez donc décidé d’agir, de manière progressive et modérée, sur les deux autres, soit la hausse des cotisations et l’augmentation de la durée de cotisation. Les cotisations augmenteront ainsi de 0,3 % d’ici à 2017 et la durée de cotisation passera à quarante-trois annuités en 2035. Cette progression lente et mesurée permettra de préserver le pouvoir d’achat des actifs et des retraités. Un effort équilibré est en outre demandé à peu près à parts égales aux trois catégories parties prenantes du système : les actifs, les entreprises et les retraités.

Il s’agit donc d’une réforme de fond dont les mesures concernent chaque actif et dont les futurs retraités percevront tous les effets au moment de la liquidation de leur pension.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Nous revenons de loin ! C’est bien parce qu’en 2010, nous avions dénoncé le manque cruel de financements et l’injustice de la réforme proposée que nous sommes réunis en commission ce matin pour réformer nos retraites.

Manque de financements : tout le monde s’accorde aujourd’hui pour dire que la loi de 2010 s’est soldée par un véritable échec, puisque les régimes de retraite sont aujourd’hui largement déficitaires.

Injustice : le gouvernement précédent a négligé quantité de questions, justifiant aujourd’hui des mesures correctrices, qu’elles concernent la pénibilité, la situation des jeunes, l’égalité entre les hommes et les femmes ou encore la situation des travailleurs pauvres ayant accompli une carrière longue.

Je salue moi aussi la méthode retenue par le Gouvernement. C’est en effet dans la sérénité que ce travail a été mené. Tout d’abord, les travaux du COR, qui nous éclaire depuis de nombreuses années, ont permis à tous – patrons, salariés, experts et élus – de partager un diagnostic. Ces travaux ont ensuite été complétés à votre demande, madame la ministre, par le rapport de Mme Yannick Moreau. Celle-ci nous a indiqué hier qu’elle en retrouvait parfaitement les grandes orientations dans ce projet de loi, notamment en ceci que cette réforme est structurante. En effet, non seulement elle corrige plusieurs inégalités, mais elle s’inscrit dans la durée : même si des clauses de revoyure sont indispensables, nous pouvons ainsi savoir comment évolueront les durées de cotisation au cours des trente prochaines années. Enfin, la loi institue un comité de surveillance des retraites qui permettra de recourir à des stabilisateurs liés aux trois grands paramètres que sont l’allongement de la durée de cotisation, l’augmentation du montant de ces cotisations et le niveau des pensions. Ce comité pourra également éclairer la représentation nationale et le Gouvernement afin de corriger les éventuelles dérives.

Le texte m’apparaît donc tout à fait positif et équilibré. Deux points me paraissent cependant mériter des ajustements.

Le premier concerne l’article 32. Les professions libérales admettent la nécessité de faire converger leurs régimes et sont prêtes à conclure des contrats d’objectifs et de gestion. Il conviendrait donc de rassurer les sections de ces professions et de leur rappeler qu’il ne s’agit pas pour l’État de récupérer de l’argent, mais bien au contraire d’assurer la solvabilité de ces régimes en ménageant une possibilité de fongibilité entre ces régimes en cas de besoin.

Il conviendrait en second lieu de mieux prendre en compte les stages. Certes, des efforts considérables seront fournis en faveur des étudiants, qui pourront désormais racheter des années d’études et faire valider leurs années d’apprentissage, ou encore un trimestre sur la base de 150 heures de travail seulement. On pourrait cependant faire évoluer ce dispositif de rachat d’années d’études en transformant le système de financement par subvention unique en un mécanisme de financement sous forme de primes ou par prélèvements mensualisés, de telle sorte que la quote-part versée par les étudiants soit la plus faible possible.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. J’apprécie beaucoup que ce projet de loi comporte des mesures spécifiques en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Selon l’étude d’impact annexée au texte, qui résume parfaitement les problèmes posés à cet égard, « les projections réalisées par le Conseil d’orientation des retraites montrent que les écarts de niveau de pensions entre hommes et femmes ne se résorberont pas spontanément à politique inchangée : ils resteront de 20 % pour les générations nées dans les années 1970 », c’est-à-dire au moins jusqu’en 2040. En d’autres termes, sans une politique volontariste, nous ne réparerons pas cette inégalité majeure.

En matière de droits familiaux, la bonification de 10 % du montant des pensions pour le troisième enfant est plus favorable au père qu’à la mère, puisqu’elle est proportionnelle au salaire. Il s’agit là d’une mesure injuste puisqu’elle ne permet pas de corriger l’inégalité entre les femmes et les hommes. Or, s’il ne vous a pas été possible de la modifier dans ce projet de loi, le Gouvernement entend réviser ces droits familiaux d’ici juillet 2014. Dans quelles conditions le Parlement pourrait-il être associé à cette réflexion ? En ce qui concerne le temps très partiel, la diminution du nombre d’heures nécessaires pour valider un trimestre constitue une avancée, mais cette mesure ne peut-elle encore faire l’objet d’ajustements ?

S’agissant du compte pénibilité, nous cherchons aujourd’hui à faire valoir le principe selon lequel « à travail égal valeur égale ». Or, dans les conventions collectives, le travail dit « féminin » n’est pas comptabilisé de la même manière que le travail majoritairement masculin. Et si, selon le Conseil d’orientation des retraites, « les hommes sont plus exposés aux conditions de travail pénibles que les femmes », tout dépend en réalité de la manière dont on définit la pénibilité. Nous constatons en effet que les femmes subissent davantage d’accidents du travail et de maladies professionnelles que les hommes. Il conviendrait donc de mieux prendre en compte certains métiers dans la définition des dix facteurs de pénibilité. Ainsi considère-t-on par exemple qu’un homme qui soulève des sacs de sable ou de ciment d’une trentaine de kilos exerce un travail pénible, mais pas une aide-soignante qui soulève des malades de quatre-vingts kilos ou plus.

Mme la présidente Catherine Lemorton. J’entends ceux qui déplorent ne pas disposer de l’étude d’impact, je le regrette, comme vous. Mais vous la recevrez très bientôt.

Mme la ministre. Il nous a paru que cette étude pouvait être modifiée, ne serait-ce que dans sa présentation, jusqu’à ce que le conseil des ministres ait délibéré du projet de loi. C’est d’ailleurs après cette délibération que sont diffusés les documents liés aux textes examinés et je ne crois pas que, sur ce point, notre pratique diffère beaucoup de celle qui avait cours auparavant. Cela étant, cette étude d’impact devrait normalement vous être parvenue à l’heure qu’il est.

M. Christian Paul. Le groupe socialiste, républicain et citoyen partage avec le Gouvernement la conviction que cette réforme était nécessaire, pour des raisons que nous avons déjà exposées en 2010 et qui tiennent au fait que l’actuel système français de retraites est à la fois mal assuré financièrement et chroniquement injuste.

Nous connaissons aujourd’hui les termes dans lesquels se pose la question du financement, grâce aux rapports du COR et de Yannick Moreau. Il nous fallait trouver 20 milliards d’euros, dont un peu plus de 7 milliards pour le régime général. Les efforts à réaliser sont certes importants mais non hors de portée. J’observe d’ailleurs que ceux qui dramatisent le plus la situation sont justement ceux qui n’ont pas assuré la sécurité financière du système. Pour notre part, comme le Gouvernement, nous évaluons les besoins sans les dramatiser et entendons y répondre sérieusement.

Ce système est aussi source d’injustice chronique. Des générations ont été cassées par le travail sans qu’il leur soit possible de bénéficier d’avantages particuliers au moment de la retraite. Pour les femmes, les inégalités salariales se répercutent sur le niveau des pensions.

Nous saluons donc la volonté d’élaborer une réforme soutenable, acceptable, équitable et sans brutalité. Le temps est fini où l’on mesurait la qualité ou la pertinence d’une réforme à l’aune des protestations qu’elle suscitait. Et nous estimons comme vous que le courage n’est pas dans le saccage de la protection sociale.

Nous notons également que l’effort financier a été également réparti entre les salariés et les entreprises. Nous ne sommes guère favorables à une logique de compensation pour les entreprises de l’augmentation des cotisations et, si nous savons qu’il conviendra de trouver des équilibres dans le cadre d’une réforme globale du financement de la protection sociale, nous comprenons que ce projet traite avant tout du financement des retraites.

Nous saluons enfin la volonté de justice qui inspire et marque cette réforme réellement progressiste car, même par temps de crise, le progrès est possible. Rendre la justice effective n’est pas un problème philosophique, mais un problème très concret : comment assurer à la fois une plus grande égalité et des solutions plus personnalisées, plus adaptées à chacun ? C’est d’ailleurs la marque de fabrique de cette réforme que de prendre en compte la réalité de la vie au travail, le temps d’apprentissage ou d’études, le caractère souvent discontinu des carrières et la pénibilité.

Le travail parlementaire permettra d’améliorer encore ce projet de loi, car un bon texte appelle sans doute, encore plus qu’un autre, le débat. Nous veillerons en particulier à rendre réellement opérationnel le dispositif proposé en matière de pénibilité et à mieux prendre en compte la situation des salariés qui se trouvent à quelques années de la retraite. Feront également débat la question des petites pensions, celle des jeunes – sur laquelle les points de vue divergent –, celle des personnes en situation de handicap, celle du sort réservé aux avantages familiaux et enfin celle du pilotage du système, très importante pour l’avenir. Il nous faudra d’ailleurs, à ce dernier sujet, bien faire la part des mesures liées à la conjoncture économique, qui ne doivent pas être irréversibles. Au terme de ce travail, je suis convaincu que nous aurons, non pas une réforme « a minima », comme certains l’ont parfois dit trop rapidement ou par paresse, mais une réforme qui aura sa place dans l’histoire de la protection sociale de ce pays.

M. Arnaud Robinet. Nous avons bien du mal à qualifier ce projet de loi, car il ne s’agit pas pour nous d’une réforme – ne serait-ce qu’une réforme « Canada Dry » – mais de l’une des plus grandes supercheries du quinquennat de François Hollande. Il est loin le temps où vous promettiez à vos électeurs l’abrogation de la loi Fillon allongeant la durée de cotisation et le retour à soixante ans de l’âge légal de départ à la retraite ! En revanche, on pourrait à bon droit parler à propos de ce texte d’un bric-à-brac fiscal. Vous y réussissez l’exploit d’un triple alourdissement de la charge supportée par nos concitoyens : vous relevez les cotisations des salariés, vous relevez celles des entreprises, au détriment de leur compétitivité, et vous augmentez l’impôt des retraités – cela sans parler de la remise en cause des avantages accordés aux familles. Aussi je comprends votre gêne, madame la ministre, lorsque ce matin, sur un plateau de télévision, vous disiez les yeux dans les yeux au présentateur de l’émission qu’il n’y aurait pas d’augmentation d’impôts en 2014. Mais quelle différence cela fait-il pour les Français que vous augmentiez les impôts, les cotisations ou les taxes ? L’argent sort du même porte-monnaie !

Pour autant, votre projet de loi est sous-calibré par rapport aux enjeux. En effet, si les rapports du Conseil d’orientation des retraites et de Yannick Moreau évaluent notre besoin de financement, tous régimes confondus, à 20 milliards d’euros à l’horizon 2020, vous ne vous préoccupez ici que des 7,5 milliards d’euros nécessaires au financement du régime général.

Ce texte est en outre placé sous le signe de l’inégalité. Vous ne prenez pas la moindre mesure pour tirer de leur situation critique les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO, dont l’équilibre est menacé à court terme. Rien non plus pour poursuivre le mouvement de convergence entre public et privé que nous avons amorcé dès 2003 en relevant le taux de cotisation dans la fonction publique ; rien sur les régimes spéciaux dont nous avons engagé la réforme en 2008, ni sur le fameux régime unique dont nous attendons avec impatience la création, prévue par la loi du 9 novembre 2010 grâce à un amendement déposé à l’Assemblée nationale puis adopté par le Sénat. Vous vous attaquez en revanche au régime des professions libérales, et ce sans concertation ni dialogue puisque c’est par la presse que les responsables de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) ont découvert l’article 32 du projet de loi, qui revient à une étatisation de leur système de retraite.

Il s’agit également d’une réforme hypocrite car, en refusant de modifier l’âge de départ et en jouant uniquement sur la durée de cotisation, vous allez provoquer une baisse des pensions : les jeunes générations, qui commencent à travailler plus tard que leurs aînés, subiront une décote lors de leur départ à la retraite.

La réforme de 2010, dont vous mettez le prétendu échec en avant, a permis de réduire nos déficits de 30 milliards d’euros : sans elle, ce sont 50 milliards d’euros de déficit que nous aurions eus à l’horizon de 2020. Et les 20 milliards d’euros restant à trouver sont bien sûr dus à l’aggravation de la situation économique, à laquelle l’action du Gouvernement contribue grandement, et à l’impact financier du fameux décret ramenant l’âge légal de départ à la retraite à soixante ans.

Au cours du débat, nous aurons l’occasion de défendre nos conceptions et de formuler des propositions de nature à garantir, elles, la pérennité du système par répartition. Pour l’heure, je me bornerai à vous interroger sur deux points.

Certes, le projet de loi ouvre de nouveaux droits justifiés, que ce soit pour les polypensionnés, les agriculteurs ou les femmes. Mais ces droits ont un coût. Dès lors, atteint-on véritablement l’objectif de la réforme, qui est d’assurer l’équilibre financier du système ? Je ne le crois pas. Vous ouvrez en réalité la boîte de Pandore !

La question de la pénibilité avait été abordée dès 2003, avec la création du dispositif « carrières longues ». Puis, en 2010, un mécanisme de départ anticipé avait été mis en place pour les personnes ayant commencé à travailler avant dix-huit ans. Comment les mesures que vous prévoyez ici, aboutissant de fait à la création d’un nouveau régime spécial, vont-elles s’articuler avec celles que nous avons prises, et combien de salariés concerneront-elles ?

Mme Véronique Massonneau. Au-delà de son aspect comptable, la réforme proposée comporte des dispositions intéressantes comme la mise en place d’un guichet unique pour faciliter l’accès des assurés à leurs droits et plusieurs avancées sociales, en faveur de l’égalité femmes-hommes, des jeunes, des travailleurs soumis à la pénibilité et de ceux qui ont eu des carrières heurtées. Les écologistes souscrivent aux objectifs ainsi poursuivis : ces mesures vont pour la plupart dans le sens de combats qu’ils mènent de longue date.

La création du compte personnel de prévention de la pénibilité, en particulier, est une excellente initiative. Mais quels aménagements y aura-t-il pour les travailleurs exposés à la pénibilité qui, parce qu’ils sont proches de l’âge de la retraite, ne pourront accumuler suffisamment de points ? Le texte prévoit certes un doublement des points à partir de 59 ans et demi, mais quels avantages concrets les intéressés peuvent-ils en escompter à deux ans et demi de l’âge légal de départ ? Et qu’en sera-t-il pour les autres quinquagénaires ?

La prise en compte effective des trimestres d’apprentissage dans le calcul des pensions est également une très bonne proposition et une mesure de justice à l’égard des jeunes. Nous soutenons donc pleinement ces deux dispositions, de même que l’abaissement à 150 heures rémunérées au SMIC du temps de travail requis pour valider un trimestre et la prise en compte de tous les trimestres de congé maternité dans le dispositif « carrières longues ».

En revanche, pour les jeunes, le rachat de trimestres d’études ne nous paraît pas une bonne option. Cette mesure favorisera ceux qui ont eu la chance de faire des études longues, ce qui leur permet déjà de s’assurer un meilleur salaire. Les jeunes plus défavorisés n’auront pas les moyens, même avec une aide, de racheter un nombre significatif de trimestres. Bref, on aidera surtout ceux qui sont appelés à toucher de meilleures pensions, leurs études leur ayant permis d’occuper des emplois plus rémunérateurs ! Il faut améliorer le texte sur ce point.

Quant aux avancées en matière d’égalité femmes-hommes, elles se limitent pour l’instant à la prise en compte des trimestres de congé maternité dans le dispositif « carrières longues » et à l’abaissement du seuil exigé pour valider un trimestre – cette dernière disposition ne concernant d’ailleurs pas seulement les femmes. Combien ces dernières seront-elles à bénéficier de ces deux mesures, d’après l’étude d’impact ?

Si vos intentions sont louables, il nous faudra donc enrichir le texte pour que l’objectif d’égalité femmes-hommes, je l’espère partagé par tous, et l’objectif de justice sociale soient pleinement atteints.

En revanche, les modalités de financement prévues sont difficilement acceptables pour les écologistes, qui défendent une réduction du temps de travail et un meilleur équilibre entre temps de travail et temps de loisir. Nous ne vous demandons pas ici d’instaurer la semaine de 32 heures, mais de ne pas allonger la durée de cotisation requise pour percevoir une retraite à taux plein. On nous explique que l’allongement à quarante-trois annuités est rendu nécessaire par l’augmentation de l’espérance de vie, mais ce seul angle d’analyse est insuffisant : il faut aussi prendre en compte l’impact sur le taux de chômage des jeunes et des seniors. Socialement injuste, la mesure est de surcroît économiquement inefficace puisqu’elle ne commencera de produire ses effets qu’à partir de 2020.

Vous proposez de faire contribuer les retraités. On pourrait l’admettre si n’étaient concernés que les retraités les plus aisés, mais tel n’est pas le cas. Est-il envisageable, à tout le moins, que le report du 1er avril au 1er octobre de la revalorisation des pensions ne s’applique pas au million de retraités dont le montant de la pension, pour supérieur qu’il soit à celui de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, ne leur permet néanmoins pas de vivre au-dessus du seuil de pauvreté ?

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste n’a pas encore arrêté sa position sur ce projet de loi, qu’il essaiera d’améliorer par ses amendements, sa décision dépendant de ce que sera le texte final.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la ministre, vous jugez cette réforme juste et équilibrée. Nous ne partageons pas cette appréciation. En effet, l’allongement de la durée de cotisation privera un nombre important de nos concitoyens d’une retraite à taux plein et abaissera donc le niveau moyen des retraites perçues. De surcroît, cette mesure pénalisera les catégories déjà les plus en difficulté, en particulier les femmes, plus nombreuses à travailler à temps partiel ou à percevoir de bas salaires. À quand une égalité salariale effective entre les femmes et les hommes ? Des mesures contraignantes s’imposent. Ce serait là la politique volontariste que notre collègue Catherine Coutelle appelle de ses vœux. L’allongement de la durée de cotisation pénalisera également les jeunes, les salariés exerçant les métiers les plus exposés et les ouvriers, dont l’espérance de vie est pourtant inférieure de sept ans à celle des cadres.

Votre texte comporte certes quelques mesures pour atténuer ces injustices. Je pense à la prise en compte de la pénibilité, dont nous nous félicitons qu’elle soit désormais inscrite dans la loi même si nous nous interrogeons sur la portée réelle de ce dispositif. À ce sujet, accepterez-vous que les salariés participent à l’évaluation des facteurs de pénibilité dans les entreprises, comme le demande l’ensemble des syndicats ? La prise en compte des trimestres de congé maternité dans le calcul de la retraite des femmes et celle des trimestres de stage et d’apprentissage sont d’autres mesures intéressantes. Pour autant, beaucoup d’incertitudes demeurent quant à leur application. Espérons que le débat permettra de les dissiper et que des amendements seront adoptés pour améliorer le texte sur tous ces points.

L’allongement de la durée de cotisation obligera beaucoup de salariés à travailler bien au-delà de 62 ans, et ce alors même que le taux d’emploi des seniors n’est que de 37 % entre 55 et 64 ans. Beaucoup ne perçoivent plus que les minima sociaux lorsqu’ils liquident leur retraite. Ne craignez-vous pas d’aggraver cette situation ?

Quant aux modalités de financement prévues, elles aussi sont porteuses d’injustice. En effet, seuls les salariés et les retraités seront effectivement mis à contribution puisqu’il a déjà été annoncé que l’effort demandé aux entreprises leur serait intégralement compensé au nom de la compétitivité – argument déjà invoqué pour justifier les exonérations de cotisations sociales patronales, qui n’ont cessé d’augmenter au cours des trente dernières années jusqu’à atteindre près de trente milliards d’euros par an, ou encore le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) pour vingt autres milliards, le tout accordé sans contrôle ni contrepartie. Ces dispositions n’ont pourtant pas empêché les délocalisations et les fermetures d’usine de continuer – Sanofi, Mittal à Florange, Petroplus, Waterman, Reynolds…, j’arrête ici une liste qui serait encore longue – ni le chômage de progresser. Pourquoi, madame la ministre, continuez-vous dans cette voie, sans infléchir une politique qui ne règle rien et que vous dénonciez d’ailleurs, à juste titre, sous le précédent gouvernement ?

Il est évident que des moyens nouveaux sont nécessaires, vous l’avez dit vous-même. Or, tous les rapports le confirment, une part croissante de la richesse produite part en dividendes et alimente la spéculation, au détriment de la protection sociale, des salaires et de l’investissement. Pourquoi ne commencez-vous pas de corriger cette injustice flagrante, qui s’aggrave ? En même temps que cela handicape notre économie, il en résulte un manque à gagner considérable pour notre protection sociale.

Dans un esprit constructif, nous formulerons des propositions visant à dégager les moyens nouveaux qui seraient nécessaires. Je ne citerai ici que la modulation des cotisations sociales patronales en fonction de la priorité donnée par l’entreprise aux salaires et à l’investissement, ainsi que la suppression des exonérations de cotisations sociales accordées à l’aveugle. Êtes-vous prête, madame la ministre, à étudier ces propositions sérieusement et sans a priori ?

M. Philippe Vigier. Qu’il y a loin de votre présentation de ce texte, madame la ministre, aux déclarations enflammées de la campagne présidentielle ! Le 14 octobre 2011, vous déclariez à Libération : « François Hollande s’est engagé à revenir à la retraite à 60 ans et il le fera. »

Plusieurs commissaires socialistes. Et il l’a fait !

M. Philippe Vigier. Non. Sauf pour les 40 000 personnes ayant commencé à travailler tôt, vous ne remettez pas en question l’âge légal de départ fixé en 2010. Bien vous en prend d’ailleurs car le rapport du Conseil d’orientation des retraites établit que, sans cette réforme, le déficit se monterait non pas à vingt milliards d’euros, mais à quarante milliards.

Votre réforme est juste, dites-vous. Est-il juste de ponctionner le pouvoir d’achat des salariés en augmentant leurs cotisations sociales de 0,15 % ? Est-il juste d’aller chercher 0,15 % de plus du côté des entreprises ? Cette augmentation de charges sera-t-elle ou non compensée ? Le MEDEF s’interroge : en effet, la promesse faite sur le perron de Matignon ne semble pas suivie d’effet. Avec le niveau des cotisations, il en va pourtant de la compétitivité des entreprises, et donc de l’emploi. La somme en jeu est considérable : 2,2 milliards d’euros en année pleine, tant pour les salariés que pour les entreprises.

Alors que le besoin de financement doit atteindre 20 milliards d’euros à l’horizon 2020 et que le déficit du régime général est déjà de 7,6 milliards, cette réforme ne procurera que 7,3 milliards, pas davantage !

Vous avez préservé le niveau des retraites, dites-vous. Mais reporter du 1er avril au 1er octobre la revalorisation des pensions, ce qui fait économiser près d’un milliard d’euros, cela ne revient-il pas à les baisser ?

Pourquoi avoir d’emblée écarté l’hypothèse d’accélérer l’entrée en vigueur de la réforme de 2010 ? Le COR explique que si, en novembre 2011, on avait eu le courage d’augmenter d’un an et neuf mois la durée de cotisation, l’équilibre aurait pu être atteint.

Pourquoi passer sous silence le problème de la convergence entre public et privé ? D’importantes disparités demeurent, tant pour ce qui est du niveau des pensions que de l’âge d’ouverture des droits. En moyenne, les salariés du public partent en retraite quatre ans plus tôt que ceux du privé.

Pourquoi ne pas dire un seul mot, non plus, des régimes spéciaux ? En 2014, sept milliards d’euros devront pourtant être prélevés sur le budget général pour équilibrer leurs comptes, qui dérivent.

La pénibilité, sur les critères de laquelle les partenaires sociaux se sont accordés en 2008, sera prise en compte. Mais pourquoi, là encore, mettre en place un régime pour le privé différent de celui du public ? Enfin, pourquoi exiger que le salarié ait été exposé durant cinq ans au moins à des facteurs de pénibilité pour que cela lui ouvre droit à une formation ou à l’aménagement de son temps de travail ou de son départ en retraite ? Pour nous, la pénibilité s’apprécie et doit être prévenue pendant la vie de travail. Sa prise en compte ne doit pas avoir seulement une visée réparatrice.

Si votre texte comporte des avancées au profit des femmes, comme la prise en compte des trimestres de congé maternité, pourquoi pénaliser de suite les parents de trois enfants et plus en fiscalisant les majorations de retraite pour enfants et attendre 2020 pour engager la refonte du dispositif, en sorte que la future majoration forfaitaire par enfant bénéficie principalement aux femmes ? On aurait pu s’engager dans cette voie dès 2014 si vous aviez accéléré la mise en œuvre de la réforme de 2010 et suivi les préconisations du COR. Mais il eût fallu du courage !

Une dernière remarque sur la méthode. En 2010, le ministre, Éric Woerth, avait reçu tous les groupes parlementaires. Pourquoi cela n’a-t-il pas été le cas cette fois-ci, alors que le groupe UDI, par exemple, a auditionné l’ensemble des partenaires sociaux ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je salue tout particulièrement les dispositions en faveur des personnes en situation de handicap et, même si des améliorations sont encore possibles pour ces derniers, des aidants familiaux. Conformément à la circulaire du Premier ministre du 4 septembre 2012 qui prévoit qu’il en soit désormais ainsi de chaque texte, ce projet de loi comporte donc bien un volet handicap.

Les mesures prévues sont particulièrement nécessaires car les personnes en situation de handicap rencontrent d’importantes difficultés aussi bien pour accéder à l’emploi que pour s’y maintenir. En 2011, seulement mille d’entre elles ont pu bénéficier d’une retraite anticipée, ce qui montre que les trois conditions à réunir pour en bénéficier sont trop contraignantes. L’abaissement de 80 % à 50 % du taux d’incapacité permanente exigé pour prétendre à une retraite dès 55 ans constitue donc un grand pas en avant. La suppression prévue du critère de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), introduit par la loi du 9 novembre 2010 et dont finalement peu ont demandé le bénéfice pendant leur vie professionnelle, serait toutefois perçue par elles comme un recul, puisqu’elles peuvent en effet avoir compté sur ce critère pour partir en retraite anticipée. Des avancées seront-elles possibles sur ce point ?

Enfin, quelles mesures pourrait-on envisager pour les personnes dont le handicap ou l’invalidité est survenu en cours de carrière et qui ne peuvent bénéficier d’une retraite anticipée faute de satisfaire aux conditions cumulatives d’âge et de handicap ?

M. Denis Jacquat. Si certains, à commencer par le rapporteur, voient dans ce projet de loi une réforme, vous vous êtes bien gardée, vous, madame la ministre, d’employer ce terme, ne parlant à juste titre que de « texte ». Pourquoi cette divergence d’appréciation entre vous et le rapporteur ?

Lors de la réforme de 2010, porte-parole du groupe socialiste, vous n’avez cessé, madame la ministre, de répéter qu’aussitôt gagnées les élections présidentielle et législatives – vous sembliez certaine que tel serait le cas ! –, votre parti balaierait notre loi et rétablirait la retraite à 60 ans. Pourquoi ne tenez-vous pas aujourd’hui vos promesses d’alors ?

Votre texte prévoit la création d’un comité de surveillance des retraites, dont le rôle se superpose en grande partie à celui du COR, créé en son temps par Lionel Jospin – ce qui fut une excellente initiative. Pourriez-vous nous apporter des éclaircissements sur le rôle de ce comité ?

M. Gérard Sebaoun. Ce projet de loi comporte plusieurs avancées, au premier rang desquelles la création du compte personnel de prévention de la pénibilité. Lisible par tous, le nouveau dispositif rompt avec celui de 2010, qui n’instituait qu’une réparation très restrictive de l’exposition à la pénibilité, en raison de l’obligation de satisfaire à des critères médicaux. D’ailleurs, six mille dossiers seulement ont à ce jour été validés à ce titre. Ce projet de loi, comme celui de 2010, s’appuie sur les dix facteurs de pénibilité sur lesquels se sont accordés les partenaires sociaux. Mais ce socle n’a, semble-t-il, plus la même finalité, et c’est heureux. Il nous faut bien entendu continuer à lutter pour améliorer les conditions de travail en prenant en compte de nouveaux facteurs, en particulier, comme le demandent les partenaires sociaux, les risques psychosociaux.

Les points accumulés sur le compte pénibilité pourraient-ils être utilisés pour passer à temps partiel avant la cessation d’activité ? D’autre part, ne pensez-vous pas qu’il conviendrait de revenir sur la possibilité donnée à l’employeur d’opposer un refus sec en invoquant « une impossibilité due à l’activité économique de l’entreprise » ?

Enfin, la future cotisation pénibilité additionnelle sera-t-elle modulée en fonction des efforts que l’entreprise aura ou non engagés en vue de réduire la pénibilité, sur le modèle de ce qui se pratique en matière d’accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) ?

M. Christophe Cavard. Cette réforme est importante, avant tout en raison de son objet premier qui est de sauvegarder notre système de retraite par répartition. N’oublions pas que certains, aujourd’hui dans l’opposition, ont voulu par le passé y introduire une dose de capitalisation.

Les écologistes demeurent convaincus que c’est par la relance de l’emploi, grâce à la création de nouvelles filières et à un meilleur partage du travail, que l’on parviendra à équilibrer nos régimes de retraite.

Le financement de ceux-ci repose aujourd’hui exclusivement sur les salaires. Pourquoi ne pas en élargir l’assiette à d’autres revenus, comme les dividendes dont le montant ne cesse de progresser ? Ne pourrait-on au moins prévoir qu’une prochaine conférence sociale en débatte ? C’est en effet aux partenaires sociaux, et non à nous, qu’il revient de se saisir de cette question et de la trancher.

Le présent projet de loi comporte des avancées notables, en particulier la prise en compte de la pénibilité. C’est pourquoi nous espérons pouvoir, à l’issue du travail parlementaire, nous y retrouver.

Mme Sylviane Bulteau. Dans son allocution du 24 janvier dernier, le Premier ministre a annoncé le rétablissement partiel de l’allocation équivalent retraite (AER) sous la forme d’une allocation transitoire de solidarité (ATS) à laquelle peuvent désormais prétendre tous ceux qui, nés en 1952 et 1953, étaient inscrits à Pôle emploi au 31 décembre 2010 et justifient de toutes leurs annuités. Cependant, bien qu’ils remplissent ces trois conditions, certains ne peuvent aujourd’hui bénéficier de l’ATS. En effet, un décret du 4 mars 2013 exige d’avoir validé tous ses trimestres à la date d’expiration des droits à l’allocation chômage, clause limitative qui n’avait pas été mentionnée en janvier. Ainsi une personne justifiant des 165 trimestres exigés, voire de plus, mais ayant « basculé » sur les minima sociaux alors qu’elle n’en avait que 164, peut se voir refuser le bénéfice de l’ATS pour ce seul trimestre manquant. Dans un souci de cohérence mais aussi de respect de la parole donnée, il conviendrait, dans le cadre de la présente réforme, de revoir ce décret de mars 2013.

M. Jean-Pierre Door. Je serai bref, notre collègue Arnaud Robinet ayant parfaitement exposé la position de notre groupe.

Pour résorber d’ici à 2020 le déficit de 7,6 milliards d’euros du régime général, il est prévu de relever les cotisations vieillesse, salariales et patronales, de 0,15 point en 2014 puis de 0,05 point les trois années suivantes. Cette hausse doit être compensée pour les employeurs par une baisse du même ordre des cotisations famille. Mais comment sera assuré le financement de la branche famille si ses recettes sont ainsi amputées ?

L’article 32 du projet modifie la gouvernance de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL), que vous prévoyez en quelque sorte d’étatiser. L’autonomie et la pérennité des caisses professionnelles sont ainsi remises en question, au risque de dysfonctionnements dans le service rendu aux assurés. Inquiets, les professionnels libéraux attendent une réponse sur le sujet et souhaitent que cet article soit totalement revu.

M. Christophe Sirugue. Le texte comporte des avancées majeures au profit des femmes, des personnes dont le parcours professionnel a été haché, des personnes en situation de handicap, des agriculteurs ainsi que des jeunes – des titulaires de petites retraites, en général. Cependant, je m’inquiète du nombre de personnes qui ne demandent pas à bénéficier de l’ASPA alors que le faible niveau de leurs pensions les rend éligibles à ce mécanisme de solidarité : comment pourrait-on modifier les choses dans ce domaine ?

Il a été décidé de ne pas décaler du 1er avril au 1er octobre la revalorisation de l’ASPA, ce dont il faut se féliciter. Serait-il possible de renoncer également à ce décalage pour toutes les retraites inférieures au seuil de pauvreté – qui est supérieur au montant de l’ASPA ?

Des mesures intéressantes sont prévues pour les retraités agricoles. Mais d’après des représentants du secteur qui ont rencontré votre collègue ministre de l’agriculture, il semblerait que diverses restrictions limiteraient fortement le nombre de bénéficiaires potentiels. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

M. Bernard Perrut. Nous ne doutons pas de votre volontarisme, madame la ministre. Nous nous attendions donc à une réforme d’envergure. Celle que vous nous présentez est, hélas, bien éloignée des recommandations du rapport Moreau. Elle ne s’attache en effet qu’à combler le besoin de financement de 7,5 milliards d’euros du régime général alors qu’il aurait fallu bâtir un scénario macro-économique autrement plus vaste de manière à combler le déficit de 20 milliards d’euros tous régimes confondus. Déjà, des recettes s’émoussent et les syndicats réclament la compensation de la hausse des cotisations des actifs. Quant au plan de financement de l’important et coûteux « paquet social » que contient la réforme, il demeure flou.

La réforme prévue me paraît placée sous le signe de l’inégalité. Rien sur la situation, pourtant critique, de l’AGIRC et de l’ARCCO, rien sur les régimes spéciaux ni sur la convergence public-privé. Toutes les inégalités actuelles perdurent.

Vous choisissez hypocritement d’allonger la durée de cotisation plutôt que de relever l’âge légal de départ à la retraite. C’est faire le choix d’une baisse des pensions puisque les départs en retraite avec décote se multiplieront. C’est aussi désavantager les jeunes.

Cette réforme, enfin, se traduira par un choc fiscal car elle entraînera l’augmentation des cotisations des actifs ainsi que de l’impôt des retraités. On ne peut que s’inquiéter de la baisse du pouvoir d’achat et de la moindre compétitivité de nos entreprises qui en résultera.

Je terminerai par une question : comment seront financées les mesures annoncées au bénéfice des retraités agricoles ? Il semble qu’elles le seraient par la suppression ou la réduction de certains avantages dont bénéficiaient jusqu’à présent certains agriculteurs. Ne s’agit-il donc pas d’un tour de passe-passe ? Nous nous inquiétons donc aussi de l’incidence de ces mesures, si nécessaires qu’elles soient.

M. Denys Robiliard. Je me réjouis que, pour la première fois, une réforme des retraites – car, n’en déplaise à certains, il s’agit bien d’une réforme – ne se limite pas à des mesures comptables et de gestion, mais vise vraiment à améliorer le système.

L’article 6 dispose que « les salariés des employeurs de droit privé ainsi que le personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé » pourront acquérir des droits au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Qu’entend-on exactement par « personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé » ? S’agit-il des contractuels – mais à mes yeux, les contractuels sont employés dans les conditions du droit public puisqu’ils possèdent un contrat de droit public – ou d’une partie seulement d’entre eux ? Il faut éclaircir ce point.

Sauf erreur de ma part et à moins que des évolutions n’aient eu lieu depuis l’avant-projet, il ne semble pas prévu que les institutions représentatives du personnel – délégués du personnel, comités d’entreprise, comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – et, plus largement, les syndicats jouent un rôle dans la mise en œuvre des mesures relatives à la pénibilité ? Quelle pourrait être leur contribution ?

Mme Bérengère Poletti. Ce texte, que vous qualifiez de réforme mais qui en réalité n’en est pas une, appelle trois critiques majeures. Il alourdira les prélèvements ; au mieux il ne comblera pas, au pire il aggravera le déficit des différents régimes de retraite ; enfin, il créera de nouvelles injustices en suscitant de nouveaux régimes spéciaux.

Sans courage, sans cohérence avec vos prises de position passées, sans crédibilité, il ne répond pas aux enjeux. Justice, dites-vous : pourtant, aucune mesure de convergence entre le privé et le public n’est prévue. Et même la hausse des cotisations, certes identique pour tous, s’appliquera plus rapidement pour le privé. Le commissaire européen Olli Rehn, vice-président de la Commission, juge « décevante » cette prétendue réforme. « Plutôt qu’une augmentation des contributions, j’aurais préféré une augmentation plus rapide du nombre d’années de contribution ou un relèvement de l’âge de départ en retraite, qui est en France l’un des plus bas d’Europe, et une rationalisation des régimes spéciaux », a-t-il déclaré. Peut-on faire abstraction de l’avis de la Commission européenne qui, qu’on le veuille ou non, joue désormais un rôle clé dans les procédures budgétaires nationales, et a accordé un délai supplémentaire de deux ans à notre pays pour réduire son déficit et engager de véritables réformes ?

Bref, l’ouvrage devra être rapidement remis sur le métier. Les hypothèses retenues reposent sur des scénarios économiques trop optimistes. Seul le régime général devrait être renfloué, à hauteur de 7,6 milliards d’euros. L’État va donc devoir continuer d’éponger quelque huit milliards de déficit des régimes du secteur public, et les partenaires sociaux trouver quatre milliards pour les régimes complémentaires. Pourquoi n’avoir pas pris exemple sur vos amis politiques suédois, qui ont réussi leur réforme des retraites ? À bientôt donc, madame la ministre, pour une vraie réforme !

Mme Joëlle Huillier. Ce projet de loi a le double mérite d’assurer l’équilibre de notre système de retraite et de réparer des injustices. J’ai toutefois quelques interrogations.

Tout d’abord, si j’applaudis des deux mains à la prise en compte de la pénibilité au travail, je relève une crainte de la part des entreprises : elles redoutent que le recueil des données, dont les modalités seront fixées par décret, ne s’apparente à une usine à gaz.

En ce qui concerne les retraites des femmes, le Gouvernement entend refondre le système des majorations de pension pour enfants. Il faut s’en féliciter car, comme l’a montré le rapport Moreau, le système actuel favorise ceux qui ont les plus hauts revenus et, en définitive, plutôt les hommes. Pourquoi dès lors attendre 2020 pour instituer la majoration forfaitaire par enfant ?

Côté recettes, le Gouvernement propose de fiscaliser la majoration de 10 % des pensions dont bénéficient les parents de trois enfants ou plus, mais non d’aligner le taux de CSG appliqué aux retraités alors que, toujours selon le rapport Moreau, cela aurait rapporté davantage et que les associations n’étaient pas foncièrement hostiles à cette mesure. Cette piste pourrait-elle être de nouveau étudiée dans le cadre de la loi à venir sur l’adaptation de notre société au vieillissement, afin que les retraités les plus aisés participent au financement de la perte d’autonomie, comme le mouvement en a été amorcé l’an passé avec la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) ?

Il est à l’honneur du Gouvernement de proposer, conformément aux engagements du Président de la République, de revaloriser les pensions agricoles et d’ouvrir de nouveaux droits. Mais le financement de ces mesures reposera-t-il sur la solidarité nationale ou sur la suppression de certaines niches fiscales et sociales dont bénéficie la profession ?

M. Gilles Lurton. Tout l’enjeu est de préserver notre système de retraite par répartition, auquel nous sommes pour la plupart fortement attachés, et de rétablir la confiance des salariés, en particulier celle des jeunes générations. C’est sur ce point que votre projet de loi achoppe. Augmenter le nombre d’annuités requises sans toucher à l’âge légal de départ en retraite revient à protéger ceux qui ont aujourd’hui entre 58 et 63 ans. C’est un mauvais signal adressé aux jeunes qui devront cotiser quarante-deux, puis quarante-trois ans et qui, lorsqu’ils auront suivi des études longues, devront travailler jusqu’à 68 ou 70 ans pour percevoir une retraite leur permettant de vivre convenablement.

Votre texte n’est pas à la hauteur des enjeux. Le temps qui m’est imparti ne me permet hélas pas de développer plus avant ce point. Je me limiterai à deux questions.

L’article 32 modifie profondément la gouvernance des caisses de retraite des professions libérales. Pourquoi cette décision qui risque de compromettre la qualité du service rendu aux affiliés et surtout le paiement intégral des pensions pour lesquelles les professionnels libéraux ont cotisé ?

L’engagement du Président de la République de porter à 75 % du SMIC le montant des retraites agricoles déjà liquidées et à 85 % celui des futures retraites sera tenu, nous dit-on. À quelle date ? Vu la situation financière de nos agriculteurs, il serait inacceptable que ces mesures soient financées, comme on l’entend dire, par des charges nouvelles pesant sur les exploitations. Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet ?

Mme Kheira Bouziane. Je m’associe à l’ensemble des remarques formulées par les collègues qui m’ont précédée sur les avancées que comporte ce texte, qu’il s’agisse de l’ouverture de nouveaux droits ou du rétablissement de droits dans la justice. À la suite de Martine Carrillon-Couvreur, je souhaite aborder le cas des personnes en situation de handicap. En 2011, seulement mille d’entre elles ont pu bénéficier d’une retraite à 55 ans, tant sont difficiles à remplir les conditions exigées. Cela tient aussi à la disparité des modalités d’évaluation sur le territoire, les caisses d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ne se fondant pas toutes sur les mêmes critères pour l’ouverture des droits.

Il faut saluer la nouvelle possibilité ouverte aux étudiants de racheter des trimestres d’études. Mais certains stages, dont la durée peut aller jusqu’à six mois et qui peuvent être rétribués jusqu’à 2 600 euros, ne sont pas pris en compte au titre de la retraite, alors qu’il suffit d’avoir perçu une rémunération de 1 008 euros pour valider un trimestre. Pourrait-on remédier à cette différence de traitement et rassurer les jeunes, qui sont les plus inquiets de l’avenir des retraites ?

Ce projet de loi, dites-vous, madame la ministre, constituerait un rempart contre la privatisation de notre système par répartition, auquel nous sommes attachés. Pourrait-on envisager d’autres modes de financement des retraites ? Lesquels ? Quels seraient leurs inconvénients et leurs avantages respectifs ?

M. Rémi Delatte. Après vous avoir entendue, madame la ministre, on a vraiment le sentiment d’un rendez-vous manqué. Pour la première réforme des retraites issue de la gauche, qui a toujours voté contre les précédentes au motif qu’elles étaient conduites par la droite, nous attendions un texte d’envergure. En promettant une réforme systémique juste, équilibrée, durable, vous aviez suscité des espoirs chez nos concitoyens. Or votre réforme est tout l’inverse, comme l’ont d’ailleurs souligné la plupart des partenaires sociaux. On ne peut approuver la hausse des cotisations qui, une nouvelle fois, plombera le pouvoir d’achat des actifs, non plus que la mise à contribution des retraités, qui avaient toujours été épargnés jusqu’à présent. Le Premier ministre a assuré que l’augmentation des cotisations serait compensée pour les entreprises de façon à ne pas obérer leur compétitivité. Comment, pour votre part, voyez-vous les choses, madame la ministre ?

Ce projet de loi ne comporte aucune mesure de convergence entre le public et le privé. Il ne dit rien non plus des régimes spéciaux ni des régimes complémentaires. Autant de silences coupables, auxquels on peut ajouter le fait qu’allonger la durée de cotisation, c’est en réalité reculer l’âge de départ en retraite, mais sans le dire. De plus, les mesures prévues ne garantissent pas durablement les équilibres financiers : là où il faudrait trouver 20 milliards d’euros d’ici à 2020, elles ne rapporteront que 7,5 milliards.

Ce texte comporte néanmoins quelques points positifs, comme la revalorisation des retraites agricoles – reste à en connaître les modalités exactes –, la création d’un compte et d’un guichet uniques et la meilleure prise en compte du temps partiel.

Madame la ministre, vous devez regretter d’avoir tant combattu la loi Woerth de 2010 car si vous aviez été à l’époque plus encline à rechercher un consensus, vous n’auriez pas été obligée aujourd’hui de renier votre parole.

Mme Isabelle Le Callennec. Je ne reviens pas sur les critiques formulées par mes collègues à l’encontre de ce texte, critiques que je partage.

L’article 6 dispose que tous les salariés auront droit au compte personnel de prévention de la pénibilité, à l’exception de ceux dont le régime de retraite prend déjà en compte de manière spécifique la pénibilité. À qui précisément bénéficiera le nouveau dispositif ?

Que vont devenir les accords relatifs à la prévention de la pénibilité signés à la suite de la réforme de 2010 ?

Dès lors que dans les dix facteurs retenus de pénibilité figurent « les postures pénibles », il y aura sujet à interprétation. Des syndicats ont même parlé à ce sujet de nid à contentieux. Nul n’est dupe puisque le projet de loi lui-même anticipe les réclamations futures. Il est prévu que les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) effectuent des contrôles. Mais la médecine du travail aura-t-elle aussi un rôle à jouer ? Le projet de loi n’en dit rien.

Les salariés ayant acquis des points au titre de la pénibilité pourront les convertir en droit à une formation pour accéder à un emploi moins pénible : au sein ou à l’extérieur de l’entreprise ?

Pour ce qui est de la cotisation pénibilité, au socle dont s’acquitteraient l’ensemble des entreprises s’ajouterait une cotisation additionnelle pour celles dont les salariés sont exposés à des facteurs de pénibilité. Le coût du travail en sera augmenté, tout particulièrement dans l’industrie, au détriment de la compétitivité, et alors que ce secteur peine déjà à recruter des salariés, ses métiers risquent de perdre encore davantage de leur attrait.

M. Francis Vercamer. Le Gouvernement propose, à juste titre, diverses mesures en faveur des travailleurs handicapés, des femmes employées à temps partiel et des polypensionnés. Il est de même normal de tenir compte de la pénibilité des métiers exercés pour déterminer l’âge de départ en retraite, dans la mesure où elle occasionne une usure prématurée des salariés. La réforme de 2010 déjà comportait des mesures en ce sens, à l’élaboration desquelles le groupe centriste avait activement participé. Mais tout cela ne suffit pas à justifier l’intitulé du titre II : « Rendre le système plus juste ». Un tel programme eût exigé de supprimer les régimes spéciaux et d’instituer un régime unique par points – dans lequel auraient pu être pris en compte les points acquis au titre de la pénibilité.

D’une manière générale, le Nouveau Centre préfère la prévention à la réparation. Il ne suffit pas de dresser par décret la liste des métiers exposant à des facteurs de pénibilité. Cela doit s’accompagner de mesures d’amélioration des conditions de travail dans ces métiers mais, si ces conditions s’améliorent, ces métiers sortiront-ils de la liste ? Ceux qui y figureront ne seront-ils pas stigmatisés, au risque de rendre encore plus difficiles les recrutements ? Enfin, comment le compte pénibilité fonctionnera-t-il pour les salariés soumis à de multiples expositions, chacune pouvant être en deçà du seuil ? Pour les salariés à temps partiel ou en CDD et pour les intérimaires ? Il est à craindre une usine à gaz.

Dernière question : le déficit restant jusqu’en 2020 sera-t-il repris par la CADES ? Augmenterez-vous la CRDS pour le compenser ?

Mme Gisèle Biémouret. Le Gouvernement a eu le souci de mieux prendre en compte la situation des personnes au parcours professionnel haché. Quatre trimestres supplémentaires pourront être validés au titre d’éventuelles périodes de congé maladie, deux au titre d’éventuelles périodes de chômage. Les hommes pourront valider le temps passé au service militaire et les femmes l’ensemble des trimestres de congé maternité. Autant d’acquis dont il faut se féliciter.

Ma question concerne les migrants âgés. Beaucoup d’entre eux ont eu des carrières relativement courtes du fait de leur arrivée tardive dans notre pays et fragmentées du fait des difficultés d’insertion qu’ils rencontrent et de la pénibilité des emplois qu’ils occupent. Quelles dispositions particulières pourrait-on envisager pour eux ?

Mme Véronique Louwagie. Alors que nous attendions une véritable réforme des retraites, ce projet de loi serait mieux intitulé « projet de loi relatif à la prise en compte de la pénibilité au travail »…

Plusieurs commissaires socialistes. Ce ne serait déjà pas rien !

Mme Véronique Louwagie. … puisqu’il se résume finalement à cela. Il se traduira, hélas, aussi par un accroissement de dix milliards d’euros des prélèvements sur les Français et par la création de nouvelles injustices au travers des mécanismes liés à la pénibilité, sans remédier au déficit des régimes de retraite qui continuera de se creuser.

Parmi les avantages fiscaux qui auraient pu être révisés, le rapport Moreau citait la défiscalisation des majorations de pension accordées aux parents de trois enfants et plus ainsi que l’abattement fiscal de 10 % sur les pensions. Des deux, vous avez choisi de supprimer le premier, au risque de frapper de plein fouet les familles. Pourquoi les désavantager encore, alors qu’elles ont déjà été pénalisées par les modifications apportées au calcul des cotisations sur les emplois à domicile et par la baisse du quotient familial, et que leur est promise en 2014 la suppression des réductions d’impôt pour frais de scolarité ? Pourquoi mettre ainsi à mal la politique familiale de notre pays alors que notre démographie dynamique est l’un de nos atouts ?

Le projet de loi prévoit d’étatiser les caisses de retraite des professionnels libéraux et de modifier la gouvernance de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales. Les professionnels sont inquiets. Que pouvez-vous leur dire pour les rassurer ?

Mme Annie Le Houerou. Le rapport du Conseil d’orientation des retraites ainsi que celui de Mme Moreau ont démontré que, malgré des modes de calcul différents, le taux de remplacement était comparable pour les retraités du public et du privé. En outre, la convergence entre les deux secteurs a bien avancé depuis 2008. Un gros travail de pédagogie est donc nécessaire pour combattre l’idée reçue, encore colportée par certains ici, selon laquelle il subsisterait d’importantes disparités, source d’injustices. Merci, madame la ministre, d’avoir fait en sorte que cette réforme n’oppose pas les Français les uns aux autres. Les hausses de cotisations prévues s’appliqueront aux fonctionnaires comme aux salariés du privé.

Je souhaite appeler l’attention sur les petites retraites, en particulier sur celles des femmes qui ont eu une carrière hachée et ont parfois été employées à temps très partiel – elles sont nombreuses dans ce cas au sein de la fonction publique territoriale, je pense notamment à celles qui ont travaillé auprès des enfants ou assuré l’entretien dans les écoles. Elles bénéficient aujourd’hui d’un minimum garanti : je souhaiterais être sûre que ces plus petites pensions de la fonction publique ne seront pas concernées par le décalage du 1er avril au 1er octobre de la date de revalorisation et que l’évaluation du seuil sera identique pour tous les régimes.

Dans la fonction publique, la pénibilité est d’ores et déjà prise en compte au travers de ce qu’on appelle les catégories actives. Mais comment y sera évaluée la situation des contractuels occupant des emplois pénibles ? Je pense en particulier à ceux qui interviennent en milieu hospitalier.

M. Jean-Patrick Gille. La prise en compte de la pénibilité constitue une profonde novation, sans doute même une révolution, car elle induira une autre façon d’organiser les temps de travail tout au long de la vie professionnelle, donnant aux salariés la possibilité soit de partir en retraite de manière anticipée, soit de cesser progressivement leur activité, soit de suivre une formation pour une reconversion en milieu de carrière, soit encore de bénéficier d’un temps partiel. Cette dernière possibilité doit-elle d’ailleurs être ouverte seulement en fin de carrière ? Ne serait-il pas judicieux qu’elle puisse être accordée plus tôt ?

Toutes ces dispositions préfigurent en creux un système de retraite par points. De fait, on commence d’introduire dans notre système des éléments d’arbitrage personnel pour la détermination du moment de départ en retraite.

Cela étant, qu’il ait fallu créer une allocation équivalent retraite, puis lui substituer une allocation transitoire de solidarité quand on l’a supprimée montre bien que l’approche en durée de cotisation pose parfois des problèmes inextricables. Pourrions-nous travailler sur le sujet avec vos services, madame la ministre, d’ici à l’examen du texte ? En effet, si le décret « carrières longues » répond en partie au problème soulevé, tous les cas ne sont pas traités.

M. Jérôme Guedj. Je salue le travail préparatoire à cette réforme qui, dites-vous, madame la ministre, répartit de manière équilibrée les efforts nécessaires. Reste maintenant à trouver également un équilibre entre le travail du Gouvernement et celui du Parlement. Jusqu’où les parlementaires pourront-ils enrichir le texte ? Ainsi, pensez-vous que nous pourrions préciser utilement le rôle du comité de surveillance des retraites en lui demandant de confirmer le moment venu – soit au-delà de 2020 – le calendrier d’allongement de la durée de cotisations fixé à l’article 2 ? De même, pouvons-nous espérer améliorer le dispositif prévu pour la prise en compte de la pénibilité ?

Mme Luce Pane. Je félicite le Gouvernement d’avoir répondu présent au rendez-vous des retraites, car il importe de préserver notre système contributif et solidaire. La réforme proposée est équilibrée. L’effort demandé sera partagé par tous, les actifs au travers de l’allongement de la durée de cotisation, les retraités par le décalage de la date de revalorisation des pensions, les entreprises au travers de l’augmentation des cotisations. Concernant ces dernières, le Premier ministre a annoncé que la hausse serait compensée afin de ne pas alourdir le coût du travail. Comment sera assurée cette compensation ?

Afin de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes face à la retraite, le Gouvernement propose de faciliter la validation de trimestres pour les salariés à faible rémunération et de refondre la majoration de pension pour enfant. Celle-ci, dont ne bénéficient aujourd’hui que les parents de trois enfants et plus, semble favoriser les hommes et les foyers les plus riches. Le Gouvernement souhaitait qu’un avantage soit accordé dès le premier enfant mais y a finalement renoncé au motif que cela aurait eu pour conséquence, à dépense constante, d’en réduire le montant. Quelles sont les pistes de travail envisagées afin d’améliorer cet avantage et de faire en sorte qu’il bénéficie davantage aux femmes, qui en ont le plus besoin ?

Mme la ministre. Je remercie le rapporteur pour le travail qu’il a déjà mené et pour les propos qu’il vient de tenir. Ce texte de loi doit à la concertation avec les partenaires sociaux, mais également beaucoup aux échanges que nous avons eus avec les parlementaires. Il s’inscrit naturellement dans le droit fil des attentes qui étaient les nôtres lors de la réforme de 2010 et des positions que nous avions alors adoptées.

Je remercie l’ensemble des orateurs qui y ont apporté leur soutien. Comme l’a excellemment dit Christian Paul, le courage, ce n’est pas le saccage de la protection sociale. Il n’était pas mauvais de le rappeler car certains ici l’ont peut-être quelque peu oublié.

Vous avez rappelé combien j’avais été combative pour m’opposer à la réforme de 2010. Soyez assurés que je le serai tout autant aujourd’hui pour défendre la grande réforme d’avenir et de progrès que nous portons. Pour la première fois, une réforme des retraites combine mesures de rééquilibrage financier et mesures de justice sociale.

Monsieur Robinet, vous avez qualifié ce texte, qui pour vous ne serait pas une réforme, de « bric-à-brac ». La loi de 2010 constituait, elle, un « fric-frac » !

M. Arnaud Robinet. En tout cas, vous ne la remettez pas en question !

Mme la ministre. Elle était censée avoir réglé les problèmes au moins jusqu’en 2018, voire 2020, et il ne devait plus y avoir de déficit à cet horizon. Or, dès 2011, il était évident qu’il faudrait reprendre le travail, ce que nous avons fait dès notre arrivée aux affaires.

Nous avions en effet indiqué en 2010 que nous rétablirions le départ à soixante ans pour celles et ceux qui, ayant commencé à travailler jeunes et souvent connu les conditions de travail les plus difficiles, avaient été les premières victimes de cette réforme. Déjà alors, nous faisions valoir qu’il était plus juste d’allonger la durée de cotisation requise que de relever l’âge légal de départ. C’est très exactement ce que nous faisons aujourd’hui.

Comme l’a souligné Jean-Patrick Gille, nous engageons une réforme structurante qui commence d’introduire des éléments d’arbitrage personnel dans la détermination du moment de départ en retraite. Selon qu’on aura ou non travaillé dans des conditions pénibles, connu une carrière heurtée ou des périodes de chômage, on pourra organiser son départ dans des conditions différentes. Permettant cela, nous faisons franchir une nouvelle étape à notre système de protection sociale.

Quelques mots du pilotage, élément important de la réforme. Le COR, qui est une belle institution, que personne d’ailleurs ne conteste, a pour rôle de débattre et de produire des analyses, d’ailleurs d’autant plus riches et fructueuses qu’elles n’ont pas vocation à déboucher sur des propositions. Ses membres sont d’ailleurs très attachés à ce qu’il n’ait pas pour mission de fournir des solutions. Pour notre part, nous mettons en place un comité de surveillance des retraites. Le conseil d’orientation procédera chaque année à une évaluation des régimes de retraite – y sera notamment analysé si l’allongement de la durée de cotisation répond aux enjeux financiers. Les résultats de cette évaluation seront transmis au comité de pilotage qui formulera des recommandations opérationnelles. Il appartiendra ensuite au Gouvernement de décider de la suite à y donner.

M. Denis Jacquat. Faire des recommandations opérationnelles, c’est le travail du cabinet !

Mme la ministre. Non, ce n’est pas le travail d’un cabinet. Il est important que ces recommandations émanent d’une instance indépendante, de façon qu’on ne puisse pas leur reprocher une orientation partisane.

Plusieurs questions ont porté sur la situation particulière des femmes au regard de la retraite. Mme Coutelle a ainsi demandé pourquoi nous attendions 2020 pour mettre en place la majoration forfaitaire par enfant en lieu et place de l’actuelle majoration de pension pour les parents de trois enfants et plus. En cohérence avec le reste de la réforme, nous avons souhaité ne pas modifier les conditions de départ de ceux qui sont appelés à prendre leur retraite dans les toutes prochaines années. Une personne qui a prévu de partir en retraite dans trois ans et qui a eu trois enfants, escompte que sa pension sera majorée de 10 %, puisque telle est la règle aujourd’hui, et elle a pu faire des projets en conséquence. Il ne serait pas juste de revenir brutalement là-dessus. En revanche, nous sommes bien déterminés à aller de l’avant et à voir comment, après 2020, les sommes aujourd’hui affectées à cette majoration pourraient être réorientées de façon à bénéficier davantage aux femmes. En effet, elles profitent aujourd’hui à 70 % aux hommes, pour la simple raison que la majoration est proportionnelle et qu’ils touchent des retraites plus élevées que les femmes.

Les bénéficiaires de l’abaissement du plafond de 200 à 150 heures rémunérées au SMIC pour valider un trimestre seront à 70 % des femmes. Au total, cette mesure bénéficiera à 15 % des assurés qui gagneront ainsi en moyenne cinq trimestres, ce qui n’est pas négligeable.

Contrairement à une idée reçue, les femmes devraient constituer près de la moitié des bénéficiaires du compte personnel de prévention de la pénibilité. Une aide-soignante travaillant dans un établissement privé d’hébergement de personnes dépendantes – c’est l’exemple que vous avez pris, madame Coutelle – pourra bien sûr en bénéficier. La question de la prise en compte de la pénibilité se pose aujourd’hui en priorité pour les salariés du privé. En effet, dans la fonction publique, il existe déjà les catégories actives – ce qui ne signifie pas que l’on ne puisse pas envisager de nouvelles avancées. Tous les salariés possédant un contrat de droit privé seront concernés, même s’ils travaillent dans l’espace public – je réponds sur ce point à M. Robiliard. En revanche, le dispositif ne s’adresse bien qu’aux salariés, pas aux professions libérales.

Bien entendu, il ne remet pas en question les accords de prévention de la pénibilité qui ont pu être signés depuis 2010. Nous souhaitons au contraire que la mise en place du compte personnel soit un levier pour réduire la pénibilité au travail.

Le financement de ce compte reposera sur une contribution des entreprises, modulée selon qu’elles exposent ou non leurs salariés à des facteurs de pénibilité. Les entreprises auront donc tout intérêt à améliorer les conditions de travail de leurs salariés.

Je précise à l’intention de M. Vercamer que les organisations patronales et syndicales n’ont pas identifié des métiers pénibles, mais des situations d’exposition à la pénibilité. En aucun cas donc, nous ne recréons des régimes à part.

J’en viens à l’article 32 du texte, sur lequel plusieurs d’entre vous m’ont interrogée. En l’espèce, j’observe avec intérêt que ceux qui réclament avec le plus d’insistance la disparition des régimes spéciaux sont ceux-là même qui s’inquiètent ici pour ce qui n’est rien d’autre qu’un régime spécial ! Les régimes spéciaux sont multiples. Il n’y a pas que ceux de la SNCF ou de la RATP. Il y a aussi celui des danseurs de l’Opéra de Paris, celui des égoutiers, celui des pompiers, et bien d’autres encore, dont celui des professions libérales !

Quel est l’objet de cet article 32 ?

M. Jean-Pierre Door. D’étatiser les caisses de retraite des professions libérales.

Mme la ministre. Absolument pas. Des discussions ont lieu depuis plusieurs mois avec les responsables de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales. Elles ne portent pas sur l’affectation des fonds, mais sur l’organisation, la gestion et la gouvernance, comme l’ont d’ailleurs parfaitement compris les intéressés. Le régime de retraite des professions libérales est désormais le seul à n’avoir pas conclu de convention d’objectifs et de gestion. Il ne s’agit pas de l’étatiser, seulement de mettre en place des règles de fonctionnement plus transparentes et plus efficaces, à même d’ailleurs de garantir de manière plus sûre les pensions servies. Si vous avez des propositions d’amélioration dans l’esprit de l’objectif recherché, nous les examinerons.

Vous avez également été plusieurs à m’interroger sur les retraites agricoles. Le relèvement à 75 % du SMIC au minimum pour une carrière complète bénéficiera à 250 000 personnes, qui toucheront en moyenne 600 euros de plus par an. Quant à l’attribution de droits gratuits aux conjoints et aidants familiaux, elle bénéficiera à 560 000 d’entre eux pour une revalorisation moyenne d’environ 300 euros par an. Le financement de ces mesures sera prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Les retraites agricoles sont aujourd’hui largement financées par la solidarité nationale. Il n’est pas anormal de compléter ce financement – qui n’est pas remis en question – par la réduction de certaines niches qui ne profitent qu’aux agriculteurs les plus aisés. Vous n’ignorez pas les extrêmes disparités qui existent dans le monde agricole.

Je dis à Martine Carrillon-Couvreur et à tous ceux d’entre vous qui ont abordé la situation des personnes handicapées et de leurs aidants, que je suis tout à fait disposée à travailler encore sur les mesures proposées, à l’élaboration desquelles ont été associés les intéressés et leurs associations. Celles-ci souhaitaient que l’on supprime la condition exigée de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) qui est aujourd’hui l’obstacle principal à l’obtention d’une retraite anticipée pour les personnes handicapées.

En conclusion, il n’y a pas d’un côté ceux qui institueraient des prélèvements nouveaux, qui demanderaient des efforts aux Français et, de l’autre, ceux qui ne l’auraient jamais fait. La réforme de 2010 comportait huit milliards de prélèvements ! Simplement, il nous fallait faire des choix et nous les avons faits. Nous avons délibérément choisi d’écarter toute mesure brutale, comme le relèvement de l’âge de départ, qui pénalise ceux qui ont commencé à travailler jeunes et ceux qui sont sur le point de prendre leur retraite. J’entends les interrogations de certains, d’ailleurs peu nombreux, sur l’allongement de la durée de cotisation. Ce paramètre est le plus juste car il demande un effort équivalent à chacun. Mais pour qu’il soit parfaitement juste, il doit être mis en balance avec les conditions de travail. C’est pourquoi les deux volets de notre réforme ne doivent pas être considérés indépendamment l’un de l’autre : nous structurons de manière nouvelle la définition des droits à retraite, en intégrant de manière plus personnalisée les parcours professionnels et les conditions de travail, ouvrant la porte à un choix individuel. La durée de cotisation variera, comme il est juste, en fonction des conditions du parcours professionnel, au premier rang desquelles la pénibilité du travail. Sa prise en compte n’a pas vocation uniquement réparatrice, monsieur Vercamer, puisqu’il sera par exemple possible de convertir les points acquis en droits à formation. Et je tiens à rassurer M. Vigier : des aménagements sont prévus de façon que les salariés proches de l’âge de la retraite lors de la création du compte et qui ne pourraient donc accumuler assez de points puissent quand même bénéficier de la mesure. Je suis heureuse de l’intérêt marqué pour ce compte, y compris dans l’opposition.

Mesdames, messieurs les députés, je vous redis mon entière disponibilité à travailler avec vous sur ce texte, dont les dispositions ont été pesées au trébuchet pour parvenir à l’équilibre actuel. S’il peut bien entendu être enrichi et amélioré, je souhaite toutefois que cet équilibre soit respecté.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, madame la ministre, pour ces réponses. Le débat ne fait que commencer. Notre Commission vous est ouverte. Vous êtes cordialement invitée à participer, si vous le souhaitez, à l’examen des articles du texte que nous commencerons le 30 septembre.

III.- EXAMEN DES ARTICLES

La Commission des affaires sociales examine les articles du présent projet de loi au cours de ses séances des lundi 30 septembre, mardi 1er et mercredi 2 octobre 2013.

Article 1er

(art.
L. 111-2-1 et L. 161-17 A du code de la sécurité sociale)

Principes et objectifs de l’assurance vieillesse

Le présent article vise à réaffirmer les principes et objectifs du système de retraite, en les déplaçant dans le chapitre premier du titre premier du code de la sécurité sociale.

Dans la version proposée par le Gouvernement, il reprend la formulation de l’article L. 161-17 A du code de la sécurité sociale issue de la loi du 9 novembre 2010, en la replaçant à l’article L. 111-2-1 du même code relatif aux principes et objectifs de l’assurance maladie. Cet article est scindé en deux paragraphes, le I étant consacré à l’assurance maladie (1° du I), et le nouveau II aux principes et objectifs de l’assurance vieillesse (). L’article L. 161-17 A est abrogé par le II du présent article.

Votre commission a adopté un amendement modifiant le deuxième alinéa du II et disposant que le système de retraite par répartition assure aux retraités le versement de pensions en rapport avec les revenus qu’ils ont tirés de leur activité.

Le même amendement précise que les assurés bénéficient d’un traitement équitable au regard de différents critères : durée de la retraite, montant de la pension, sexe, activités et parcours professionnels passés, espérance de vie en bonne santé (29), régimes et génération.

Le troisième alinéa du II de l’article L. 111-2-1 est légèrement modifié par rapport au quatrième alinéa de l’article L. 161-17 A dont il est issu :

– les objectifs d’équité et de solidarité intergénérationnelle et intragénérationnelle sont placés en tête des objectifs que la Nation assigne au système de retraite ;

– les termes de lisibilité et transparence sont supprimés, n’étant pas vraiment des objectifs assignés au système de retraite lui-même mais des moyens au service de l’équité ; ils relèvent du droit à l’information des assurés, défini par l’article L. 161-17.

Les autres objectifs assignés au système de retraite sont :

– la réduction des écarts de pensions entre hommes et femmes ;

– le maintien d’un niveau de vie « satisfaisant » des retraités ; si cet adjectif peut sembler imprécis, l’objectif doit être compris à l’aune du mécanisme de pilotage proposé à l’article 3 du présent projet de loi, qui prévoit que les recommandations du Comité de suivi des retraites ne peuvent tendre à réduire le taux de remplacement assuré par les pensions en deçà de limites fixées par décret ;

– la pérennité financière ;

– l’amendement adopté par la commission a supprimé l’objectif d’un niveau élevé d’emploi des seniors.

Il a, en revanche, ajouté un dernier alinéa sur le financement des régimes, qui doit reposer sur des bases équitables, et qui « suppose de rechercher le plein emploi à tous les âges de la vie ».

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 321 de M. Jean-Marc Germain, qui fait l’objet du sous-amendement AS 452 du rapporteur.

M. Jean-Marc Germain. L’amendement AS 321, déposé par les commissaires du groupe socialiste, vise à récrire en partie l’article 1er, afin de clarifier les principes fondamentaux de notre système de retraites, dans l’esprit du texte présenté par le Gouvernement. Les deux premiers paragraphes introduits par l’amendement rappellent, d’une part, que notre système de retraites repose sur la répartition. Le troisième paragraphe assigne à ce même système, d’autre part, un objectif de solidarité. À ce titre, il doit notamment contribuer à l’égalité entre les femmes et les hommes, prendre en compte les périodes de privation involontaire d’emploi et garantir un niveau de vie satisfaisant à tous les retraités, en particulier à ceux qui touchent des pensions modestes. Enfin, le quatrième paragraphe énonce, dans l’esprit de la réforme proposée par le Gouvernement, que le financement du régime de retraites doit être assuré par des contributions équitablement réparties entre les actifs et les inactifs, entre les générations et, au sein de celles-ci, entre les différents niveaux de revenus, qu’ils soient tirés du travail ou du capital.

M. Denis Jacquat. Je salue votre présence pendant l’examen des articles, madame la ministre, qui montre l’importance que vous attachez à ce texte.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Le contraire vous aurait étonné, monsieur le député.

M. Arnaud Robinet. Nous sommes surpris par l’amendement déposé par M. Germain et ses collègues du groupe socialiste : il pose des exigences auxquelles le projet de loi ne répond pas. En effet, les mesures proposées par le Gouvernement ne permettront pas de sauver le système par répartition, qui va droit dans le mur. L’amendement n’est donc pas compatible avec le reste du projet de loi.

M. Christian Paul. Démontrez-le !

M. Arnaud Robinet. Nous aurons tout le temps de le faire au cours de nos débats.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous rappelle, monsieur Robinet, que la discussion générale est close et que nous en sommes à l’examen des articles.

M. Michel Issindou, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement déposé par M. Germain, mais souhaite néanmoins y apporter quelques modifications. Je propose de le sous-amender comme suit.

D’abord, dans le premier paragraphe introduit par l’amendement, mon sous-amendement propose de remplacer « pensions leur garantissant un niveau de vie en rapport avec celui de leur vie professionnelle » par « pensions en rapport avec les revenus tirés de leur activité ». Cela me paraît davantage correspondre à l’esprit du texte.

Ensuite, dans le deuxième paragraphe, il tend à supprimer « leur espérance de vie en bonne santé ». Je comprends tout l’intérêt de cette mention, mais est-elle pertinente à cet endroit du texte ?

Enfin, dans le troisième paragraphe, il suggère de substituer à l’expression « notamment par des mesures de compensation des inégalités entre les femmes et les hommes » la notion « d’égalité des pensions entre les hommes et les femmes ». Nous nous inscrivons ici en effet dans la durée et notre objectif doit être non pas de compenser les inégalités, mais de parvenir à une égalité parfaite entre les hommes et les femmes.

M. Christian Paul. L’amendement AS 321 vise à reformuler les principes posés à l’article 1er. Vous n’avez pas le droit de dire, monsieur Robinet, qu’il ne rend pas compte du texte proposé par le Gouvernement. D’ailleurs, vous ne l’avez pas démontré.

Les propositions du rapporteur méritent discussion. Cependant, il serait compliqué de revenir sur un amendement dont tous les termes ont été soigneusement pesés.

Concernant le sous-amendement proposé par le rapporteur, je ne suis pas favorable à la suppression de la référence à « l’espérance de vie en bonne santé » : elle me paraît avoir sa place dès l’article 1er.

En revanche, nous pourrions trouver une formulation qui insiste davantage sur l’égalité entre les femmes et les hommes, comme le souhaite le rapporteur, par exemple en remplaçant « les mesures de compensation des inégalités entre les femmes et les hommes » par « la recherche de l’égalité entre les femmes et les hommes ».

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. La délégation aux droits des femmes a adopté, le 25 septembre, un rapport d’information sur le présent projet de loi, dans lequel elle formule dix recommandations. Celles-ci sont reprises dans les amendements que j’ai déposés.

Je demande notamment, à l’article 1er, de substituer l’expression « égalité entre les femmes et les hommes » au terme « équité », dont la portée est plus limitée. C’est d’ailleurs également le cas de la formulation – « recherche de l’égalité » – proposée par M. Paul. La présente réforme du système de retraites, bien davantage que celles de 1993, 2003 et 2010, fait de l’égalité entre les femmes et les hommes une priorité. J’en sais gré au Gouvernement et l’opinion l’a également remarqué. Il convient donc de mentionner l’égalité entre les femmes et les hommes dès l’article 1er. Le sous-amendement du rapporteur va dans le sens de ma proposition.

M. Jean-Marc Germain. Il est important d’avoir des principes en matière de retraites. Si vos réformes ont échoué, chers collègues de l’opposition, c’est peut-être que vous en avez manqué.

M. Denis Jacquat. C’est de l’amnésie rétrograde !

M. Jean-Marc Germain. En outre, le rapporteur travaille au nom de l’Assemblée et il est normal que les groupes politiques aient chacun leur position.

S’agissant de l’égalité entre les femmes et les hommes, je comprends le point de vue de Mme Coutelle. Cependant, méfions-nous des termes : l’égalité entre les femmes et les hommes peut signifier l’égalité en termes de contributions au système de retraites. C’est pourquoi il conviendrait plutôt selon moi de compenser, grâce au régime de retraites, les inégalités nées au cours de la carrière professionnelle. Néanmoins, si le terme « égalité » vous paraît préférable, nous pourrions modifier le troisième paragraphe comme suit : « notamment en assurant l’égalité entre les femmes et les hommes ».

D’autre part, je suis d’accord pour préciser que l’équité doit être assurée au sein de « chaque » génération, comme le propose le rapporteur.

En revanche, nous ne souhaitons pas revenir sur un élément fondamental de notre amendement : pour nous, il ne doit pas être question que le retraité perçoive sous forme de pension l’équivalent des cotisations qu’il a versées au cours de sa vie active, comme dans un système par points ; c’est le régime de retraites qui doit garantir au retraité un niveau de vie en rapport avec celui qui était le sien pendant sa vie active. En particulier, les périodes de privation involontaire d’emploi doivent être prises en compte, soit dans le mode de calcul du nombre de trimestres, soit dans celui du salaire moyen sur les vingt-cinq dernières années.

Enfin, le système doit permettre au retraité de vivre correctement de sa pension pendant un certain temps, en fonction de l’effort qu’il a fourni au cours de sa vie active. Nous avions même envisagé de poser le principe que cette période soit au moins égale à la moitié de la durée de cotisation. Nous avons finalement retenu une formulation plus mesurée avec le critère de « l’espérance de vie en bonne santé ».

Sur ces deux derniers aspects, monsieur le rapporteur, votre sous-amendement va à l’encontre des objectifs de notre amendement.

M. Gilles Lurton. L’amendement déposé par M. Germain et ses collègues ne correspond en rien au texte présenté par le Gouvernement. Je propose néanmoins de le sous-amender en ajoutant, dans le troisième paragraphe, après « des périodes de privation involontaire d’emploi totale ou partielle », « ou des périodes sans emploi pour des raisons de formation ou pour effectuer des études prolongées ».

M. le rapporteur. J’ai entendu les arguments de M. Germain, mais je maintiens le premier point de mon sous-amendement : « pensions en rapport avec les revenus tirés de leur activité » me paraît préférable à « pensions leur garantissant un niveau de vie en rapport avec celui de leur vie professionnelle ». Cette dernière formulation manque en effet de précision : le niveau de vie d’un individu actif dépend non seulement de ses revenus d’activité propres, mais également, le cas échéant, de ceux de son conjoint ou d’autres sources de revenu.

Je souhaite également conserver la rédaction que je propose concernant l’égalité entre les femmes et les hommes.

En revanche, je suis prêt à revenir sur le deuxième point de mon sous-amendement et à accepter la référence à « l’espérance de vie en bonne santé » proposée dans l’amendement AS 321.

M. Arnaud Robinet. Les Français qui nous regardent peut-être en ce moment ne doivent rien comprendre à nos débats ! Les propos du rapporteur et de M. Germain sont des plus flous ! M. Germain parle notamment de système de retraite par points, alors que cela n’a aucun lien avec l’article 1er. Sans doute êtes-vous conscients, chers collègues, de la pauvreté du projet de loi et essayez-vous d’alimenter les débats. À moins que vous ne cherchiez à fatiguer l’opposition ? Mais rassurez-vous : nous serons là jusqu’au bout ! Au lieu de débattre du fond, vous faites de la sémantique depuis une demi-heure !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les questions de sémantique sont importantes. D’autre part, il est inutile de relancer la discussion générale : nous avons bien compris que vous ne voterez pas en faveur de ce projet de loi.

M. Philippe Vigier. Vous prétendez, monsieur Germain, que la précédente réforme faisait fi des principes fondamentaux. Pourtant, à tout le moins, elle rétablissait l’équilibre financier du système de retraites, alors que le présent projet de loi est loin du compte en la matière : tous les experts estiment que des mesures supplémentaires seront nécessaires.

À l’instar de M. Robinet, je suis surpris de la tournure que prend ce premier débat. Je m’interroge sur la cohérence tant du sous-amendement du rapporteur que de l’amendement de M. Germain. Par exemple, aux termes dudit amendement, « le système de retraite par répartition assure aux retraités le versement de pensions leur garantissant un niveau de vie en rapport avec celui de leur vie professionnelle ». Est-ce à dire qu’une personne qui a connu des accidents de parcours sérieux au cours de sa vie professionnelle est condamnée à percevoir une pension très faible ? Faites attention à ce que vous écrivez : les mots ont un sens ! Cette phrase sanctuarise des situations injustes, alors même que le projet de loi insiste, jusque dans son titre, sur l’idée de justice. Il semble nécessaire, madame la présidente, de recadrer le débat, afin d’aborder plus sereinement l’examen des amendements.

M. Christian Paul. Au nom du groupe socialiste, je propose que nous conservions le point du sous-amendement qui fait l’objet d’un accord avec le rapporteur – celui relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes – et que nous en restions là, à ce stade, sur les autres points. Nous échangerons avec le rapporteur d’ici à la séance publique afin de trouver une rédaction définitive. Nous n’en sommes d’ailleurs pas très loin.

Vous semblez, chers collègues de l’opposition, balayer le présent débat d’un revers de main. Pourtant, l’article 1er est très important : il s’agit d’une charte des principes qui doivent guider notre système de retraites. L’effort de réécriture qu’a fait le groupe socialiste est donc tout à fait louable.

M. Michel Liebgott. Nous avons pris l’habitude de passer beaucoup de temps sur les premiers articles des textes de loi. Or, dans le cas présent, nous risquons de passer trop rapidement sur des sujets importants en fin de débat. Je vous invite donc à nous concentrer sur l’essentiel.

Nous sommes nombreux à avoir cosigné l’amendement AS 321. Cependant, le rapporteur, qui a beaucoup travaillé sur la question des retraites, en a amélioré la rédaction sur plusieurs points. Le terme « activité », en particulier, tient mieux compte de la réalité, notamment des différentes périodes de la vie professionnelle où une personne en activité ne travaille pas à temps complet – formation, apprentissage, temps partiel ou chômage. Nous n’en sommes plus à l’époque où les salariés entraient à quatorze ans dans une usine pour la quitter à soixante ou soixante-cinq ans !

Je propose donc que nous passions au vote sur le sous-amendement du rapporteur et sur l’amendement AS 321. Si certains d’entre nous souhaitent revenir sur la rédaction, ils pourront le faire en séance publique. Ne perdons pas de temps et débattons des questions les plus importantes de ce projet de loi. Je pense en particulier aux aspects qui n’avaient pas été pris en compte dans la réforme dite « Fillon » : la pénibilité, la situation particulière des femmes, les périodes d’apprentissage.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement de Jean-Marc Germain introduit plusieurs notions qui donnent à l’article 1er un ton qui nous semble tout à fait positif. C’est pourquoi je suis préoccupée par les modifications proposées par le sous-amendement du rapporteur. D’une part, je tiens à ce que l’expression « leur espérance de vie en bonne santé » continue de figurer dans l’article. D’autre part, s’il était adopté, ce sous-amendement ferait disparaître la notion de période de privation involontaire d’emploi, totale ou partielle, à laquelle je tiens également. Autrement dit, gardons la rédaction de Jean-Marc Germain.

M. le rapporteur. Rassurez-vous, messieurs de l’opposition, chacun avec nos mots, nous voulons tous dire la même chose. En l’espèce, ces mots sont importants puisque l’article 1er restera gravé et figurera en bonne place dans le code de la sécurité sociale.

Je persiste à penser que le I du sous-amendement relatif aux revenus tirés de l’activité correspond davantage à une réalité. Les pensions ne peuvent pas, à elles seules, garantir le maintien d’un niveau de vie en rapport avec celui de la vie professionnelle, dans lequel la situation du ménage intervient aussi. Par exemple, si l’on a été marié à un conjoint à hauts revenus et que l’on est divorcé à la retraite, les revenus diminuent en conséquence. La formulation que je propose me semble donc plus fidèle : on a les revenus liés à son activité.

En revanche, je conviens tout à fait que la mention « espérance de vie en bonne santé » est à conserver.

Pour ce qui est de l’égalité entre hommes et femmes, c’est bien l’objectif vers lequel on tend. Mieux vaut affirmer carrément cet objectif dans l’article 1er plutôt que de parler de mesures de compensation.

Quant au IV, je persiste à préférer les mots « de chaque » génération, même si ce détail de rédaction est plutôt anecdotique.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Si, dans le III du sous-amendement, je suis d’accord quant à l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes, comme Mme Fraysse, je trouve regrettable que la nouvelle rédaction proposée fasse disparaître la notion de prise en compte des périodes de privation involontaire d’emploi, alors que nombre de dispositions du projet de loi et d’amendements portent sur des mesures visant précisément à une meilleure prise en compte de ces périodes.

M. Arnaud Richard. Madame la présidente, peut-être devriez-vous suspendre la séance pour que nos collègues de la majorité se mettent d’accord.

M. Philippe Vigier. Cette façon d’examiner à la découpe, quatre lignes par quatre lignes, n’a vraiment pas de sens. Vous avez encore quelques jours, d’ici à l’examen en séance, pour vous entendre sur vos amendements. Évitons de passer des heures sur le seul article 1er !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous avons compris qu’il y aurait une réécriture pour l’examen en séance. Pour l’heure, nous allons voter sur le sous-amendement dont le rapporteur est d’accord pour supprimer le II.

La commission adopte le sous-amendement AS 452 tel qu’il vient d’être rectifié.

M. Jean-Marc Germain. Je précise que le III conduit à supprimer la référence à la compensation des périodes de chômage. D’où le vote contre que certains ont pu exprimer.

M. le rapporteur. Je suis tout à fait d’accord pour la rétablir en séance.

Puis la commission adopte l’amendement AS 321 sous-amendé.

En conséquence, les amendements AS 220, AS 221, AS 273, AS 223, AS 328 (deuxième rectification), AS 173 et AS 99, les amendements identiques AS 79 et AS 353, les amendements AS 226, AS 229 et AS 274 tombent.

La commission est ensuite saisie de l’amendement AS 108 de Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Les femmes ont aujourd’hui une retraite de 30 % inférieure à celle des hommes, et le Conseil d’orientation des retraites (COR) a montré que cet écart ne se réduirait pas spontanément. La délégation aux droits des femmes souhaite donc qu’un décret fixe un objectif quantifié de réduction des inégalités.

M. le rapporteur. L’article 1er pose le grand principe de l’égalité entre hommes et femmes. Les dispositifs permettant d’atteindre cet objectif doivent être déclinés dans les dispositions du code relatif à l’assurance vieillesse. Il ne me semble donc pas utile de rajouter un objectif quantifié, ce qui, du reste, apparaît difficile. Mieux vaut s’en tenir à l’affirmation du grand principe de la suppression des inégalités entre hommes et femmes. Avis défavorable.

M. Bernard Accoyer. Cet objectif, que l’on ne peut que partager, comment sera-t-il financé ?

M. le rapporteur. Les choses se régleront à travers les carrières professionnelles, dès lors que sera supprimée l’insupportable ségrégation dont les femmes sont victimes et que seront modifiées les dispositions relatives aux périodes de maternité et d’éducation des enfants, de façon qu’il n’y ait pas de trous dans les carrières des femmes. Moyennant quoi, si les employeurs se comportent bien, il n’y aura plus de raison que les carrières, donc les retraites, des unes diffèrent de celles des autres. C’est l’objectif suprême affirmé dans l’article 1er, qui a plus de force que des objectifs quantifiés évoquant des tentatives de progression.

M. Bernard Accoyer. Comment reconnaît-on les employeurs qui se comportent bien ?

M. le rapporteur. Chacun a des exemples en tête. Les écarts de salaire qui existent aujourd’hui sont parfois dus à des choix de carrière de la part des femmes, mais ils sont souvent imputables aux employeurs qui ne promeuvent pas les femmes de la même façon que les hommes dans les entreprises. C’est un fait fréquemment constaté dans les rapports. C’est une véritable ségrégation qu’il faut s’attacher à faire disparaître à l’avenir pour parvenir à des retraites satisfaisantes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Nous souhaitons que les femmes aient plus de droits directs. C’est parce qu’elles auront des carrières égales qu’elles auront des retraites égales. Monsieur Accoyer, je peux vous dire qu’en dépit des lois sur l’égalité professionnelle votées depuis trente ans, on en est encore loin. Les salaires accusent toujours une différence de 27 %, mais en droits directs pour les retraites, le différentiel est de 40 %. Le fossé à franchir est vraiment très important, et c’est pourquoi nous demandions que cette résorption puisse être quantifiée. Les retraites des femmes sont améliorées par les droits indirects, et c’est une bonne chose. Mais il faudra bien arriver à l’égalité des retraites par l’acquisition de droits directs à égalité de carrières. Cela dit, j’entends votre argument, monsieur le rapporteur.

M. Denis Jacquat. Les inégalités constatées au niveau de la retraite sont celles qui ont existé au cours de la vie professionnelle. Le but est d’aller vers des droits directs, en sachant tout de même que la condition féminine dans notre pays a évolué. Alors que, pour les gens de ma génération, les femmes avaient un rôle plutôt familial, aujourd’hui, le développement du partage des tâches et des modes de garde leur permet d’acquérir plus de droits directs. Pour avoir l’égalité des retraites, nous devons mener bataille pour l’égalité pendant la vie professionnelle, et pas contre une quelconque ségrégation ou contre les patrons – dans toute catégorie, il y a des bons et des moins bons.

M. Bernard Accoyer. Mieux vaut d’ailleurs parler de discrimination plutôt que de ségrégation.

M. le rapporteur. Je veux bien, mais cela ne change rien au débat.

La commission rejette l’amendement AS 108.

Elle examine ensuite l’amendement AS 206 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Nos différentes auditions ont mis en évidence un fort déficit de confiance de nos concitoyens et des partenaires sociaux, tant les salariés que le patronat, envers le système de retraites. Il nous a donc paru important d’établir des règles de confiance. Ces règles pourraient s’articuler autour de trois points majeurs : un taux de cotisation plafond qui aurait pour vertu à la fois de protéger le pouvoir d’achat des salariés et surtout d’éviter d’entamer la compétitivité de nos entreprises ; un taux de remplacement minimal ; une pension de retraite minimale. Comment peut-on parler de pouvoir d’achat si l’on n’est pas capable de mettre en place un système de retraite garantissant à nos compatriotes un montant de pension minimum ? Ce n’est certes pas ce soir que ces montants vont être fixés. Nous souhaitons qu’ils puissent être définis en liaison étroite avec les partenaires sociaux. Faisons en sorte que cette réforme nous permette d’atteindre ces trois objectifs, seuls à même de rétablir la confiance envers la classe politique et la nation.

M. le rapporteur. Vous êtes en avance sur le débat. En effet, votre proposition n’a rien à faire à l’article 1er. Le sujet sera traité à l’article 3. Pour l’heure, je suis obligé d’émettre un avis défavorable.

M. Philippe Vigier. L’article 1er définit les principes fondateurs de la réforme. L’un de nos amendements est malheureusement tombé à la suite de l’adoption de l’amendement de M. Germain. Or il traitait de la pénibilité, dont nous aurions aimé qu’elle figure parmi les grands principes. Ce texte, nous expliquez-vous, parle de justice, d’ambition, de solidarité, d’équilibre : nous essayons précisément de l’accompagner en mettant des principes derrière des mots. Vous renvoyez à plus loin dans le projet les notions que vous voulons introduire, monsieur le rapporteur. Non ! Il est primordial d’envoyer, dès l’article 1er, à nos compatriotes le signal que nous avançons sur le sujet de la pénibilité, et que nous accordons de l’importance à un taux minimum garanti et à un niveau de cotisation maximum.

M. le rapporteur. L’article 1er fixe les grands objectifs d’un système de retraite par répartition. Or vous voudriez déjà traiter d’un taux de cotisation plafond, que vous vous dites d’ailleurs incapable de déterminer. Quel est l’intérêt de cela ? Du reste, par rapport à quoi seraient fixés ces taux de cotisation plafond et de remplacement plancher ?

Je répète que cet amendement n’a pas sa place à l’article 1er et confirme mon avis défavorable.

M. Philippe Vigier. Je veux bien entendre l’argumentation du rapporteur, mais qu’il accepte la mienne. « Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu’il a tirés de son activité », me semble une formule bien générale. Son argumentation ne m’a pas convaincu, tant s’en faut.

La commission rejette l’amendement AS 206.

Puis elle adopte l’amendement de coordination AS 398 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La commission est saisie de deux amendements portant articles additionnels après l’article 1er.

Elle examine tout d’abord l’amendement AS 205 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. À travers cet amendement, nous souhaitons traiter des régimes spéciaux, auxquels la majorité précédente avait eu le courage de s’attaquer. Sans user de la langue de bois, je lis ce qu’en dit la Cour des comptes : « L’importance des mesures compensatrices accordées amène ainsi à anticiper un bilan global négatif pour la présente décennie et sans doute légèrement positif pour les vingt ans qui viennent ». Cet acte courageux, il fallait donc le poser puisque les résultats seront ressentis sur la durée.

Selon la documentation du COR, les adhérents des professions libérales partent en moyenne à 63,7 ans quand les agents de la RATP partent plutôt à 54,4 ans. Le montant brut des pensions varie fortement entre les uns et les autres. Ces régimes spéciaux, ce ne sont pas moins de 6 milliards d’euros qu’il faut aller puiser dans le budget général pour en assurer l’équilibre – et Didier Migaud nous a expliqué mercredi dernier que ce montant avait tendance à augmenter fortement. J’ajoute que le rapport Moreau explicite très bien le coût global de ces régimes.

En appelant au principe d’égalité dans la République, nous souhaitons que soient mis en extinction progressive ces régimes spéciaux qui sont, à nos yeux, un facteur d’inégalité entre nos compatriotes. Bien sûr, il ne s’agit pas d’abattre le couperet du jour au lendemain. Cette extinction doit être discutée avec les partenaires sociaux dans la durée.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Peut-être souhaitiez-vous parler de convergence plutôt que d’extinction.

M. Arnaud Robinet. Le groupe UMP soutiendra avec force l’amendement de notre collègue Philippe Vigier qui participe à la poursuite de l’objectif, indiqué dans un amendement que vous avez précédemment adopté, visant à faire en sorte que les assurés bénéficient d’un traitement équitable. C’est du reste ce qu’attendent nos concitoyens. Dès 2008, et même dès 2003, la majorité précédente avait engagé une convergence entre l’ensemble des régimes de retraite, qu’il faut accentuer aujourd’hui pour des raisons de transparence mais également économiques et financières. La semaine dernière, la Cour des comptes a rappelé que 6 milliards d’euros sont ponctionnés dans le budget de l’État pour alimenter ces régimes spéciaux. Nous demandons également – n’ayons pas peur des mots – l’extinction de l’ensemble des régimes spéciaux pour une équité plus que parfaite entre nos concitoyens.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je maintiens que « convergence » est un terme plus approprié.

M. Bernard Accoyer. Comment le rapporteur, le Gouvernement et la majorité, pourraient-ils considérer que la réforme serait juste dès lors que l’espérance de vie d’un retraité ressortissant des régimes spéciaux est de 27,7 ans contre 17,7 ans pour un assujetti au régime général ? Peut-on parler de réforme juste quand on ne prend pas une seule mesure pour faire converger des régimes si différents ou abroger ces différences ? Certes, les régimes spéciaux ont eu leur justification au moment de leur création mais, aujourd’hui, chacun reconnaît que celle-ci n’existe plus. Nous avons amorcé le mouvement, mais il faut aller plus loin.

M. le rapporteur. Si, comme vous l’avez prétendu, vous avez réalisé la réforme des régimes spéciaux en 2008, nul besoin de la faire aujourd’hui ! Durant les dix ans où vous étiez au pouvoir, vous aviez toute latitude pour supprimer les régimes spéciaux ; pourquoi ne pas l’avoir fait à l’occasion de vos trois réformes des retraites successives – 2003, 2008, 2010 –, mais vous en souvenir une fois dans l’opposition ? Je vous renvoie donc à vos propres turpitudes.

Vous avez fortement rapproché les régimes spéciaux du régime général – et je vous en félicite. Aujourd’hui, cette convergence se poursuit, y compris en matière de taux de cotisation. Vous avez allongé la durée de cotisation à 41 annuités ; quant à la possibilité de partir dès 52 – et non plus 50 – ans, les conditions dont elle est désormais assortie – comme la décote et le calcul du montant de la pension au prorata du nombre de trimestres travaillés – en réduisent fortement l’attrait. Peu de salariés souhaitant partir à 52 ans avec une retraite de 1 000 euros, l’âge de départ se décale vers le haut.

Dans un futur lointain, lorsque les régimes spéciaux auront été davantage uniformisés, ces questions pourront être soulevées. Mais aujourd’hui, alors que nous souhaitons remettre à flot le régime des retraites, une telle réforme n’aurait pas de sens, d’autant que le contexte économique actuel ne s’y prête pas.

M. Arnaud Robinet. Monsieur le rapporteur, vous venez d’expliquer que certains bénéficiaires des régimes spéciaux peuvent encore partir à 52 ans, mais avec des retraites réduites – notamment à cause de l’allongement de la durée de cotisation. Vous remettez donc en cause le texte que vous présentez ce soir, puisque c’est précisément l’effet que produira – notamment pour les jeunes générations – l’augmentation de la durée de cotisation sans modification de l’âge légal du départ à la retraite. Vous critiquez le principe même de votre réforme !

M. Philippe Vigier. Monsieur Issindou, vous avez demandé pourquoi nous n’avions rien fait pendant les dix dernières années. J’avais pourtant bien précisé – citant même la Cour des comptes – que nous avions amorcé la réforme des régimes spéciaux. J’ai senti dans votre voix le regret de ne pas avoir accompagné les trois réformes des retraites que nous avions menées. Dans l’hémicycle, vous promettiez alors de revenir sur ces mesures ; qu’attendez-vous donc pour le faire ?

Ce projet de loi, madame la ministre, est censé être un texte de justice ; mais que représentent les dix ans d’écart d’espérance de vie entre un agent de la RATP et un salarié du secteur privé, sinon une injustice ? Celle-ci est tout aussi criante en matière de montant moyen de la pension – 1 750 euros pour les fonctionnaires des régimes spéciaux et seulement 1 166 euros pour les salariés du secteur privé.

La posture consistant à critiquer toutes les réformes antérieures ne tient pas puisque vous ne les démantelez pas ; vous ne revenez même pas sur celle de 2010, hormis le retour partiel, pour certains salariés, à un départ à 60 ans. Dire que dans un futur lointain, il faudra considérer la réforme des régimes spéciaux constitue d’ailleurs un aveu ; vous avez fait un pas ce soir, et je vous engage à aller plus loin dans l’hémicycle, car le système actuel est intenable. Nos concitoyens nous regardent ; le rapprochement entre le public et le privé, la convergence des différents régimes et l’extinction progressive des régimes spéciaux permettront de construire un système de confiance. Cet objectif ne suppose pas de tout gommer du jour au lendemain, mais de rapprocher les uns des autres.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Et non, espérons-le, de monter les uns contre les autres !

M. Gérard Sebaoun. Toute position peut être entendue, mais votre amendement apparaît trop globalisant puisqu’il met tous les régimes de retraite au même niveau, prévoyant de les aligner à l’horizon 2020. Souhaitez-vous, étant donné la difficulté de ce métier, que nos policiers travaillent sur la voie publique jusqu’à 65 ans ? Si n’importe quel régime de retraite peut – et doit – faire l’objet de discussions, votre amendement me semble dépourvu de sens.

M. Jean-Marc Germain. À travers les régimes spéciaux, un amendement sur deux de l’opposition s’attaque aux fonctionnaires de ce pays. Or la force de cette réforme est d’affronter les vrais problèmes des régimes de retraite, et d’abord les inégalités entre les femmes et les hommes. Il est insupportable que les hommes bénéficient de retraites de 50 % supérieures à celles des femmes, et ce texte apporte des réponses à cette situation, notamment par le biais d’une modification des modalités de validation des trimestres de cotisation, et de mesures de compensation.

Ce projet de loi aborde également un autre problème majeur : celui de la pénibilité du travail, responsable d’un écart de 10 ans entre l’espérance de vie en bonne santé d’un ouvrier et d’un cadre de 50 ans. Ce sont ces inégalités qu’il s’agit de corriger en priorité.

Enfin, s’agissant des fonctionnaires, le rapport Moreau montre que leur situation est identique à celle des salariés du privé : si l’on tient compte des régimes de retraite complémentaire, les uns comme les autres bénéficient d’une pension moyenne de 1 700 euros. Pourquoi tout bouleverser dans la fonction publique si c’est pour arriver in fine au même résultat ? Concentrons-nous sur les vrais problèmes : la pénibilité du travail, les inégalités entre les hommes et les femmes et l’équilibre financier du régime.

M. Philippe Vigier. Vous ne faites que conforter mes propos. Pourquoi ne pas avoir inscrit la pénibilité dans les principes fondateurs de l’article 1er ?

Mais si la pénibilité – sur laquelle vous ne faites que continuer ce qui avait déjà été amorcé – et la moindre rémunération des femmes constituent des problèmes dont personne ne conteste l’importance, la question des petites pensions, celle des modes de calcul et du rapprochement entre le public et le privé doivent également être abordées.

On a évoqué le cas des pompiers professionnels ou des gendarmes, mais la pénibilité est tout aussi importante dans les services d’urgence ; pourtant les médecins ne partent pas à la retraite à 52 ou à 55 ans.

N’essayez pas de nous focaliser uniquement sur les deux points qui présentent des avancées – que nous ne contestons pas, même si nous en discuterons les modalités. Parce qu’il ne prévoit ni équilibre global, ni rapprochement entre le public et le privé, ni mise en extinction progressive des régimes spéciaux, votre projet mettra à mal la solidarité nationale.

M. Bernard Accoyer. J’ai cru entendre le Gouvernement expliquer que cette pseudo-réforme devait éviter au déficit de la branche vieillesse – mise sous tension par la crise et le chômage – d’atteindre quelque 20 milliards d’euros d’ici à 2020. Il ne s’agit donc pas de l’inégalité entre les hommes et les femmes – que l’on ne peut au demeurant que déplorer. L’accumulation de la dette et la pression de l’Europe rendent la réforme des retraites nécessaire ; mais loin d’atteindre ces objectifs, ce projet de loi ne comblera qu’un tiers des déficits prévisibles, et ne le fera de surcroît qu’à travers la mise en place de prélèvements et de cotisations supplémentaires.

Il supprime par ailleurs des droits acquis ; ceux des familles sont en particulier mis à mal par la fiscalisation des suppléments accordés aux retraités ayant élevé au moins trois enfants et de certaines autres situations, ainsi que par l’augmentation des cotisations. En somme, la motivation du Gouvernement n’a par grand-chose à voir avec le souci de combler la différence entre les retraites des hommes et des femmes – d’autant que le rapporteur vient d’avouer que le texte ne le ferait pas, par manque de recettes. Soyons sérieux et abordons les problèmes tels qu’ils se présentent !

M. le rapporteur. Les 8 milliards de déficit des régimes spéciaux – y compris ceux des mineurs et des exploitants agricoles – sont essentiellement dus à des causes démographiques. En effet, ces régimes comptent aujourd’hui 500 000 actifs pour 1 100 000 retraités. Par ailleurs, ils seront bien concernés par la réforme, tant en ce qui concerne les taux que l’allongement de la durée de cotisation. Ces régimes sont progressivement alignés sur le régime général : vous avez commencé ce mouvement et nous le continuons. Que peut-on faire de plus aujourd’hui ?

La proratisation et la décote découragent les bénéficiaires des régimes spéciaux de partir à la retraite de façon précoce ; ces salariés travaillent donc désormais plus longtemps. Vos amendements visent les fonctionnaires qui assurent pourtant des services publics de qualité. Les régimes spéciaux, fruit de l’histoire, subissent des alignements successifs ; vous en avez impulsé une partie, et nous poursuivons ce cheminement. Mais ce n’est pas le moment d’y revenir dans cette grande réforme, celle que vous avez manquée en 2010.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 204 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Au nom de l’égalité entre nos concitoyens, nous demandons que chaque année, le Gouvernement fasse le point sur la mise en extinction progressive des régimes spéciaux.

Par ailleurs, le report du 1er avril au 1er octobre de la revalorisation annuelle des retraites représente un beau signal pour le pouvoir d’achat dans le cadre de cette réforme censée incarner la justice.

M. le rapporteur. Défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

TITRE IER

ASSURER LA PÉRENNITÉ DES RÉGIMES DE RETRAITE

Le titre premier est relatif à la pérennité financière des régimes de retraite, à court et long terme. Toutefois, un certain nombre de mesures de recettes présentées dans le cadre de l’actuelle réforme ne figurent pas dans le présent projet de loi, mais devraient se trouver dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014 qui doivent être présentés en Conseil des ministres fin septembre et début octobre.

Avant l’article 2

La Commission est saisie de six amendements portant articles additionnels avant l’article 2.

Elle examine tout d’abord l’amendement AS 231 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Notre groupe regrette l’absence, dans ce texte, de mesures ambitieuses nouvelles pour financer les retraites, en dehors des augmentations supportées par les retraités et les salariés. Nos cinq amendements formulent des propositions permettant à la fois d’augmenter les ressources des régimes de retraite et d’orienter l’activité économique vers un développement juste et efficace.

L’amendement AS 231 propose une modulation des cotisations patronales d’assurance vieillesse en fonction des choix des entreprises en matière de répartition des richesses produites. Les entreprises privilégiant le capital au détriment de l’emploi, des salaires et de la formation professionnelle seraient soumises à deux cotisations additionnelles. Il s’agit d’inciter les entreprises à revaloriser les salaires et à investir pour créer des emplois – deux leviers majeurs pour le financement de l’assurance vieillesse et de la protection sociale.

M. le rapporteur. Sans même aborder la question du coût du travail, le choix de passer par l’impôt va à l’encontre du principe contributif reposant sur les cotisations, qui constitue l’essence même de notre système de retraites dont cette réforme s’efforce de respecter l’esprit. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission étudie l’amendement AS 230 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement propose d’élargir l’assiette de cotisation, avec un triple objectif : apporter des recettes nouvelles, inciter les entreprises à investir plutôt qu’à spéculer et progresser dans la justice – aspiration que tout le monde dit partager. Nous proposons que les revenus financiers des sociétés financières ou non financières soient assujettis à une contribution d’assurance vieillesse, à un taux égal à la somme des taux de cotisation d’assurance vieillesse patronale et salariale du secteur privé. Il est légitime que l’ensemble des revenus participent à la solidarité nationale. Cette disposition permettrait de rapporter plus de 30 milliards d’euros – somme à la hauteur de l’ampleur des besoins.

M. le rapporteur. Défavorable, pour les mêmes raisons. Vous proposez de bâtir les recettes sur un schéma qui s’écarte du principe choisi dès l’origine des retraites par répartition. Un jour peut-être la question des autres voies possibles de financement devra-t-elle se poser ; mais aujourd’hui, le système contributif repose à 80 % sur des prélèvements liés aux salaires, et non au capital, encore moins aux revenus financiers. Non seulement les mesures que vous proposez s’opposent-elles à l’esprit de notre système de retraites, mais de plus, en adossant le financement à un seul secteur, elles risqueraient de condamner un grand nombre d’emplois.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 233 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement entend revenir sur les allégements généraux de cotisations sociales qui représentent plus des trois quarts des mesures d’exonération. Celles-ci étaient censées favoriser l’emploi ; or le chômage ne cesse d’augmenter, et l’on ne dispose d’aucune évaluation chiffrée sérieuse de l’efficacité de cette mesure en termes de création d’emplois. On en constate en revanche les effets négatifs sur le niveau des rémunérations, ces exonérations constituant une véritable trappe à bas salaires. L’intérêt général et la nécessité de financer les retraites exigent de revenir sur ces allégements de cotisations sociales qui coûtent cher à la société et qui n’ont pas apporté les résultats espérés.

M. le rapporteur. Madame Fraysse, sous la précédente législature, nous avions critiqué ces allégements ensemble ; à chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous ne manquions pas de rappeler nos doutes quant au lien entre le montant des exonérations et le nombre d’emplois préservés dont la fourchette très ample d’évaluation – entre 300 000 et un million – prouve la difficulté à cerner l’impact réel de la mesure. Mais dans cette période où le chômage est au cœur de nos préoccupations, on ne peut pas prendre le risque, en supprimant ces allégements, de supprimer en même temps les emplois à bas salaires qui en bénéficient. Le Gouvernement travaille à une réforme globale du financement de la protection sociale ; peut-être reprendra-t-il dans ce cadre les orientations que vous esquissez. Elles méritent d’être considérées, mais pas de manière aussi abrupte que dans cet amendement. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS 232 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement – à nouveau d’ordre financier – cherche à influer sur des situations que nous voulons corriger ensemble. Il propose de majorer de 10 % les cotisations d’assurance sociale employeur des entreprises de plus de 20 salariés comptant dans leurs effectifs au moins 20 % de salariés à temps partiel, afin de décourager le recours à cette pratique, très pénalisante pour les salariés concernés – majoritairement des femmes.

M. le rapporteur. Votre proposition s’écarte de la logique de cotisations sociales pour aller vers un système de pénalités fiscales en cas de manquement supposé par rapport à la qualité des emplois. Or c’est aux partenaires sociaux de déterminer la politique à adopter en matière de temps partiel. Nous souhaiterions évidemment le réduire autant que possible, mais je ne suis pas persuadé qu’il faille recourir pour cela à la mesure que vous proposez. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission étudie l’amendement AS 234 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement a pour objet de porter de 4,5 à 12 % le taux du prélèvement social sur les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values, en particulier ceux réalisés sur les marchés financiers ; il modifie également en conséquence la répartition du produit des prélèvements. Il s’agit de réduire des inégalités criantes tout en apportant des moyens nouveaux à la caisse des retraites.

M. le rapporteur. Défavorable. Les capitaux sont aujourd’hui largement taxés, et il faut éviter de mettre en place des mesures aussi abruptes – faisant passer le taux de 4,5 à 12 % –, voire s’abstenir, pour l’heure, de toute mesure nouvelle, sous peine de voir les prélèvements atteindre un niveau confiscatoire. Les capitaux relèvent des politiques fiscales ; quant aux retraites, elles doivent conserver un système contributif à base de cotisations. Si l’on veut que la retraite soit l’affaire de chacun, il ne faut pas ajouter en permanence des recettes qui n’ont plus rien à voir avec le travail.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur Issindou, vous allez trop loin. Une partie des revenus des entreprises est distribuée sous forme de salaires, une autre – trop réduite – est investie pour créer des emplois, le reste est utilisé pour la spéculation. Mais tous ces revenus constituent le fruit du travail des salariés et devraient être mieux répartis. Une part plus grande de la richesse produite devrait être consacrée à la solidarité nationale, selon des modalités dont nous sommes prêts à débattre. En tout état de cause, nos propositions restent bien dans le sujet.

M. le rapporteur. Madame Fraysse, ces derniers mois, nous avons fortement rapproché l’imposition des revenus du travail et de ceux du capital. Même si nos efforts ne sauraient vous paraître suffisants, vous devriez reconnaître que le capital, désormais taxé au même niveau que le travail, n’a pas échappé à nos réformes.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS 329 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. L’article 16 de la loi du 9 novembre 2010 prévoyait la mise en œuvre, au premier semestre 2013, d’une grande réflexion nationale sur une réforme en profondeur de notre système de retraites. Cette réflexion est aujourd’hui confisquée et, avec elle, la réforme systémique qu’elle laissait espérer. Notre amendement propose donc que, dès le premier semestre 2014, le comité de pilotage des régimes de retraite organise une grande réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse.

Plusieurs thèmes pourraient être retenus :

– Les conditions d’une plus grande équité entre les dix-huit régimes spéciaux de retraite, sachant qu’il ne s’agit pas de viser les fonctionnaires mais de tendre vers l’égalité entre tous les Français ;

– La mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition, au cœur du pacte social qui unit les générations ;

– Les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d’activité.

En s’appuyant sur un rapport préparé par le Conseil d’orientation des retraites, le comité de pilotage remettrait au Parlement et au Gouvernement les conclusions de cette réflexion, dans le respect des principes de pérennité financière, de lisibilité, de transparence, d’équité et de solidarité intergénérationnelles.

M. le rapporteur. Il est regrettable qu’en 2010, la majorité de l’époque n’ait pas voulu pousser plus loin cette réforme que vous portez aujourd’hui avec tant d’enthousiasme… Entre-temps, la conjoncture s’est fortement dégradée et nous oblige à une nouvelle réforme pour rétablir les comptes.

La réforme systémique que vous appelez de vos vœux ne nous rendra pas plus riches, et je rappelle qu’en Suède, elle a montré ses limites : l’État y est souvent obligé de mettre la main à la poche ou de diminuer les rentes versées aux retraités. Elle induirait par ailleurs une transition très complexe, malvenue dans une période où le régime est déjà très déséquilibré. Notre réforme entend donc, dans un premier temps, rétablir de manière sereine les grands équilibres. Avis défavorable.

M. Arnaud Robinet. Nous avons toujours dit que la réforme de 2010 n’était qu’une étape et qu’il convenait de poursuivre, à partir de 2013, la réflexion sur une réforme systémique, à laquelle étaient d’ailleurs favorables plusieurs de nos collègues de l’opposition d’alors.

Vous parlez sans cesse d’équité, mais ce projet de loi met à mal l’équité entre les jeunes générations et les retraités, comme entre les salariés du privé et ceux qui dépendent des régimes spéciaux. Vous prévoyez en outre de supprimer dans le projet de loi de finances le jour de carence que nous avions mis en place pour des raisons d’équité entre le public et le privé, ce qui ne fera qu’aggraver les inégalités entre les Français.

J’admets qu’à court terme, une réforme systémique n’améliorera pas le financement de notre système de retraites ; sur le long terme en revanche, elle permettrait de rationaliser les trente-six régimes existants. Or les études ont montré qu’un régime unique, par exemple par points, permettrait d’économiser entre 3 et 5 milliards d’euros.

M. Bernard Accoyer. Je m’étonne que le Gouvernement persiste à ne pas respecter l’article 16 de la loi de 2010. C’est d’autant plus préoccupant que cet article nous invite à réfléchir à l’avenir et à anticiper, ce qui n’a pas été fait en 1983, lorsqu’on a abaissé l’âge de la retraite de 65 à 60 ans, alors que tous les calculs actuariels indiquaient que cela porterait un coup terrible au système de retraites par répartition. Réfléchir à un système qui garantisse la solidarité, évaluer l’impact, notamment financier, des mesures prises, est notre devoir le plus élémentaire vis-à-vis de la jeunesse.

M. Denis Jacquat. Un système de retraites doit être lisible et pérenne. La réforme de 2010 prévoyait un retour à l’équilibre en 2018 et, dans l’intervalle, une réflexion sur la mise en place d’une réforme systémique, sachant qu’il faut entre huit et quinze ans pour quitter le système par répartition, auquel nous sommes très attachés mais pour lequel le nombre d’actifs ne suffit plus à financer les prestations, compte tenu de l’allongement de la durée de vie.

Si l’on veut préserver le montant des pensions, il faut donc trouver un autre système et réfléchir pour cela à un régime par points ou en comptes notionnels, comme cela fonctionne en Allemagne.

Mme Véronique Louwagie. C’est précisément parce que les temps changent, monsieur le rapporteur, qu’il nous faut mener une réflexion sur le long terme, sans se focaliser sur le présent, sachant – nous en sommes conscients – qu’une réforme systémique ne produirait aucune amélioration financière à court terme.

M. Philippe Vigier. En quoi est-il gênant de demander au Conseil d’orientation des retraites (COR) un rapport qui permettrait d’éclairer la représentation nationale et les partenaires sociaux sur un sujet aussi complexe et aussi sensible à la conjoncture économique ? Il permettrait d’étayer, monsieur le rapporteur, la réflexion que vous entendez mener, dans un lointain futur, sur la réforme des régimes spéciaux. L’amendement prévoit que, parmi les thèmes de la réflexion, figurent les conditions de mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations. Où sont les gros mots ?

M. le rapporteur. Un tel rapport a déjà été produit par le COR en 2010. Il en ressort, comme du récent rapport Moreau, que le mode de gestion a assez peu d’importance, et qu’un régime par points ou en comptes notionnels n’est pas nécessairement de meilleure qualité. Quant à la lisibilité, on peut l’améliorer sans changer de système.

La concertation avec les partenaires sociaux a montré par ailleurs qu’ils n’étaient pas particulièrement attachés à une réforme systémique. Ils privilégient davantage l’égalité entre les hommes et les femmes, ou la prise en compte de la pénibilité.

Quant aux acteurs du secteur privé – notamment certaines professions libérales – que nous avons rencontrés, ils ne sont pas non plus partisans d’un régime unique pour le public et le privé, et souhaitent plutôt qu’on améliore les dispositifs existants. Si la fusion des régimes ne pourra pas être éternellement éludée, notre objectif aujourd’hui est de rétablir les comptes dans le cadre du système existant. Lorsque notre système de retraites sera remis à flot, il sera temps alors d’envisager un autre mode de gestion.

M. Denis Jacquat. Les travaux du COR sont là pour alimenter notre réflexion et non pour se substituer à nos débats. Par ailleurs, votre projet de loi ne permet de réaliser que 7 milliards d’économies sur les 20 milliards nécessaires. Nous serons donc loin de l’équilibre.

Mme Véronique Louwagie. Avec cet amendement, nous ne demandons pas de réforme systémique immédiate, mais une réflexion sur cette réforme et un débat sur les conditions d’une plus grande équité de notre système. Nous souhaitons également faciliter le libre choix par les assurés du moment ou des conditions de leur cessation d’activité. Or, vous refusez cette réflexion par dogmatisme, ce qui n’est pas rendre service aux retraités ni à l’ensemble des Français.

M. le rapporteur. Je vous renvoie une fois encore au rapport du COR sur les réformes systémiques. Je n’écarte pas l’idée de réfléchir, mais notre objectif est d’inscrire dans la loi des mesures concrètes s’appliquant à notre système de retraites par répartition, tel qu’il existe aujourd’hui, car il nous paraît un mode de gestion plutôt satisfaisant. C’est aussi l’avis du COR, selon qui le système remplit globalement les objectifs qui lui sont assignés.

Il faut certes combler les déficits et corriger les inégalités, mais le COR n’a jamais dit que le système par points devait constituer l’alpha et l’oméga de la réforme. Si j’admets qu’un tel système est plus lisible, il ne réglera pas la question des inégalités entre les hommes et les femmes, ni le problème de la pénibilité. Ayant écouté les partenaires sociaux, nous avons donc choisi de conserver notre actuel mode de gestion.

La Commission rejette l’amendement.

Article 2

(art.
L. 161-17-3 [nouveau] du code de la sécurité sociale,
art. 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites,
art. L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite et
art. L 732-25 du code rural et de la pêche maritime)


Détermination de la durée d’assurance tous régimes

Le présent article propose d’allonger la durée d’assurance requise pour l’obtention d’une retraite à taux plein à compter de 2020, afin de garantir la pérennité financière du système de retraite à long terme, dans le contexte de l’augmentation de l’espérance de vie.

L’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 a prévu un allongement de la durée d’assurance parallèle à l’allongement de la durée moyenne de retraite jusqu’en 2020. Le principe était de répartir ces gains d’espérance de vie entre la durée d’assurance et la durée la moyenne de retraite afin de maintenir constant, jusqu’en 2020, le rapport entre ces deux durées constaté en 2003, soit 1,79.

L’allongement s’appliquait de la même manière à la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein dans le régime général et les régimes alignés et à la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d’une pension civile ou militaire de retraite dans la fonction publique, à partir de la convergence des durées de référence du secteur privé et de la fonction publique à quarante annuités en 2008.

L’article 5 de la loi prévoyait de majorer la durée d’assurance d’un trimestre par an entre 2009 et 2012 pour atteindre quarante et une annuités en 2012. Ensuite, il prévoyait des rendez-vous quadriennaux qui acteraient les allongements ultérieurs de la durée d’assurance.

L’article 17 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 a confirmé ce principe d’évolution de la durée d’assurance en fonction de l’espérance de vie. En revanche, elle a modifié son calendrier de mise en œuvre en prévoyant une procédure annuelle et non plus des rendez-vous quadriennaux, l’idée étant que les assurés sachent dès leurs 56 ans le nombre de trimestres qu’il leur faudra accumuler pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.

Ainsi, chaque année, la durée d’assurance pour la génération atteignant 60 ans l’année n+4 est fixée par décret, après avis du Conseil d’orientation des retraites (COR) (30). Le décret n° 2012-1487 du 27 décembre 2012 a fixé la durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes exigée pour l’ouverture du droit à pension au taux plein des assurés nés en 1956 à 166 trimestres (41,5 ans). À ce jour, la durée d’assurance pour la génération 1957 n’a pas encore été fixée. Un décret devrait être publié, après avis du COR, avant la fin de l’année 2013.

b) La garantie générationnelle et son aménagement pour les catégories actives de la fonction publique

Le principe de garantie générationnelle posé aux V et VI de l’article 5 la loi de 2003 consiste à garantir à tout assuré que la durée d’assurance n’est plus susceptible de varier dès lors qu’il a atteint 60 ans.

Cela revient à donner à l’assuré la certitude que, s’il choisit de travailler plus longtemps, les règles ne changeront pas en sa défaveur. Cette garantie vise à éviter que la perspective d’un allongement de la durée d’assurance n’incite certains assurés à liquider dès que possible leur pension et ce, alors qu’ils seraient disposés à poursuivre leur activité professionnelle.

Un aménagement est prévu pour les fonctionnaires des catégories actives, susceptibles de partir avant 60 ans. En effet, pour ces derniers, la durée d’assurance applicable à leur génération peut ne pas encore être fixée au moment où ils liquident leur retraite (31). Pour ceux-ci, la garantie fonctionne par référence à l’année d’ouverture des droits, et non par référence à leur génération. Ainsi, le VI de l’article 5 de la loi de 2003 prévoit que la durée des services et bonifications applicable pour les catégories actives est celle retenue pour les fonctionnaires qui atteignent 60 ans l’année où eux-mêmes peuvent liquider leur pension en vertu des règles qui leur sont applicables.

c) La question de la poursuite de ce mouvement au-delà de 2020

L’article 5 de la loi de 2003 ne s’applique que jusqu’en 2020. Au-delà, aucune évolution n’a été prévue, alors que l’espérance de vie à 60 ans devrait, selon les projections de l’INSEE, continuer à progresser d’une année tous les dix ans jusqu’en 2060.

La Commission pour l’avenir des retraites a étudié l’éventualité de la poursuite au-delà de 2020 de la règle, fixée par la loi de 2003, de partage des gains d’espérance de vie afin de maintenir constant le rapport entre durée d’activité et durée en retraite.

Le rapport de la Commission Moreau indique que cela conduirait à faire évoluer la durée d’assurance requise pour bénéficier du taux plein de 166 trimestres aujourd’hui (génération née en 1956) à 176 trimestres à terme pour les générations qui partiront en retraite dans les années 2050, à raison d’un trimestre supplémentaire tous les trois à quatre ans. La génération 1962 (qui commencera à partir en 2024) devrait cotiser 42 ans, la génération 1975, 43 ans et la génération 1989, 44 ans.

Cependant, le Gouvernement a écarté cette option. En effet, un tel prolongement conduirait à poursuivre l’augmentation de la durée d’assurance au-delà des besoins de financement du système de retraite.

C’est ainsi que le présent article propose d’arrêter en 2035, et à 43 annuités, l’augmentation de la durée d’assurance, et à fixer d’ores et déjà dans la loi le calendrier d’évolution.

2. Le dispositif proposé

Le I inscrit dans le code de la sécurité sociale le principe et le calendrier d’augmentation de la durée d’assurance. Jusqu’à présent, le code de la sécurité sociale ne faisait référence à la durée d’assurance que pour définir le mode de calcul des pensions, à l’article L. 351-1 pour le régime général. En revanche, la durée elle-même était fixée par décret, et le principe de l’augmentation par génération résultait de la loi du 21 août 2003, comme indiqué précédemment.

Le I crée donc un article L. 161-17-3 qui s’insère après l’article L. 161-17-2, lui-même relatif à l’âge d’ouverture du droit à pension. L’article L. 161-17-3 prévoit d’augmenter la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein (dans le régime général et les régimes alignés) et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d’une pension civile ou militaire de retraite, pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1958, à raison d’un trimestre supplémentaire tous les trois ans, pour atteindre 172 trimestres, soit 43 ans, pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1973.

Cela conduit à répartir de façon équilibrée les gains d’espérance de vie entre activité et retraite : entre 2013 et 2035, l’espérance de vie à 60 ans aura augmenté de plus de 2 ans, quand la durée d’assurance sera passée de 41,5 ans à 43 ans ; les retraités profiteront donc plus longtemps de leurs pensions.

Le tableau ci-dessous, issu de l’étude d’impact, présente le calendrier d’allongement de la durée d’assurance.

Évolution de la durée d’assurance tous régimes de base

Génération

Durée taux plein
en trimestres

Durée taux plein
en annuités

Date de liquidation de la pension (à 62 ans)

 

1956

166

41,5

2018

Durée connue

1957

166

41,5

2019

Décret prévu fin 2013, en application de la loi de 2003

1958

167

41,75

2020

Durée d’assurance qu’il est proposé de fixer à l’avance dans la loi.

1959

167

41,75

2021

1960

167

41,75

2022

1961

168

42

2023

1962

168

42

2024

1963

168

42

2025

1964

169

42,25

2026

1965

169

42,25

2027

1966

169

42,25

2028

1967

170

42,5

2029

1968

170

42,5

2030

1969

170

42,5

2031

1970

171

42,75

2032

1971

171

42,75

2033

1972

171

42,75

2034

1973 et après

172

43

2035

Source : étude d’impact.

Le champ du nouvel article L. 161-17-3 est le même que celui de l’article L. 161-17-2 : tous deux s’appliquent au régime général et aux régimes alignés (salariés agricoles, artisans et commerçants), au régime des exploitants agricoles, aux régimes de la fonction publique (fonctionnaires civils et militaires, agents des collectivités locales, ouvriers des établissements industriels de l’État) et, par renvois, aux régimes des professions libérales (32) et des avocats.

L’allongement de la durée d’assurance jusqu’à 172 trimestres sera appliqué aux régimes spéciaux par décret, de façon décalée, une fois que la convergence prévue par la réforme de 2008 sera terminée (166 trimestres, soit 41 ans et demi, en 2018).

L’inscription dans le code de la sécurité sociale d’un calendrier prévisible à long terme permet d’en finir avec l’incertitude liée à la fixation annuelle par décret de la durée d’assurance applicable à chaque génération. La règle est connue et fixée à l’avance, ce qui favorise la bonne information des assurés.

Au-delà de la génération 1973, la durée d’assurance reste fixée à 43 ans. En effet, à compter de 2035, le choc démographique lié au « papy boom » aura été dépassé, ce qui permet de maintenir un régime durablement équilibré sans hausse de la durée d’assurance.

Si d’ici-là l’espérance de vie recule, ou bien si les conditions économiques permettent un apport de ressources supérieur à la trajectoire anticipée, il sera toujours loisible au législateur de revoir ce calendrier d’allongement de l’âge, sur proposition du comité de suivi créé par l’article 3.

Une précision doit être apportée pour les assurés handicapés de la génération 1958 qui auraient déjà déposé un dossier pour liquider une retraite anticipée à 55 ans en 2013. L’examen de leurs droits est actuellement effectué sur la base d’une durée d’assurance de 166 trimestres, alors que la durée va passer à 167 trimestres pour leur génération dès janvier 2014. Une lettre ministérielle devrait prévoir que les personnes qui auront déjà reçu une attestation de leur caisse de retraite avec une durée d’assurance de 166 trimestres pourront conserver ce droit, même pour une liquidation début 2014.

Le II met fin au dispositif d’allongement de la durée d’assurance prévu par la loi du 21 août 2003 dès 2017 – au lieu de 2020. En effet, le dernier décret appliquant ce dispositif doit être pris pour la génération 1957, qui aura 60 ans en 2017.

Le III du présent article introduit le dispositif de l’allongement de la durée des services et bonifications dans le code des pensions civiles et militaires de retraite, à travers l’ajout d’un III dans l’article L. 13, renvoyant à l’article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale. L’exception au principe de garantie générationnelle, déjà prévue dans l’article 5 de la loi de 2003, est inscrite dans l’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite : la durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires des catégories actives est celle exigée des fonctionnaires qui atteignent 60 ans l’année où la liquidation peut intervenir pour ces catégories actives.

Le IV étend le III aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, ainsi qu’aux ouvriers des établissements industriels de l’État.

Le V précise que la durée d’assurance à laquelle il est fait référence dans l’article L. 732-25 du code rural et de la pêche maritime, pour la retraite à taux plein des exploitants agricoles, est celle mentionnée à l’article L.161-17-3 du code de la sécurité sociale – soit le nombre de trimestres prévu pour la génération de l’assuré qui demande la liquidation.

3. L’impact financier de la mesure pour les régimes de retraite

La hausse de la durée d’assurance nécessaire pour obtenir le taux plein devrait produire ses effets à partir du flux de départ de 2021 (soit les retraites anticipées pour carrière longue de la génération 1961). Cette hausse devrait provoquer des reculs de départs importants.

a) Impact pour le régime général

Ainsi, au régime général, les flux de départs entre 2021 et 2035 devraient être inférieurs de 10 000 à 20 000 assurés par an par rapport aux prévisions de départs avant réforme. De ce fait, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) estime que la population totale des pensionnés diminuerait progressivement sur la période pour atteindre
– 320 000 assurés à l’horizon 2050, soit une réduction de 1,5 % du nombre de retraités du régime général.

Effectifs de pensionnés du régime général.

Source : Caisse nationale d’assurance vieillesse.

Parallèlement, la hausse de la durée d’assurance, également utilisée pour la proratisation des pensions, engendrerait des baisses de pension d’environ 2 % en moyenne à l’horizon 2050.

Au total, à l’horizon 2050, l’économie sur la masse de prestations devrait atteindre près de 7 milliards d’euros par an.

Le report des départs a aussi un effet sur les cotisations perçues, un certain nombre d’assurés poursuivant leur activité. Ainsi, la CNAV estime que le nombre de cotisants devrait être supérieur d’environ 140 000 à celui du scénario de référence (scénario B du COR à réglementation inchangée).

En ajoutant les effets sur les masses de prestations et les effets sur les cotisations, l’incidence globale de l’allongement de la durée d’assurance pour le régime général serait d’environ 2 milliards d’euros en 2030 et de près de 8 milliards d’euros en 2050.

Impact sur le solde du régime général de la hausse de la durée d’assurance

(en millions d’euros)

 

2020

2025

2030

2035

2040

2045

2050

2055

2060

Prestations

– 5

– 517

– 1 581

– 2 647

– 3 760

– 5 151

– 6 613

– 7 233

– 8 133

Cotisations

1

131

387

562

704

951

1 237

1 249

1 418

Transferts FSV

0

2

2

10

10

0

– 27

– 31

– 42

Solde technique CNAV

6

650

1 970

3 220

4 474

6 102

7 823

8 452

9 510

Impact par rapport au scénario B du COR.

Source : CNAV.

b) Impact pour l’ensemble des régimes de base

L’étude d’impact indique les conséquences financières de la mesure d’allongement de la durée d’assurance pour l’ensemble des régimes obligatoires d’une part (y compris régimes complémentaires), et pour l’ensemble des régimes de base non équilibrés par une subvention (régime général et régimes alignés, CNAVPL, exploitants agricoles).

Impact sur le solde de tous les régimes obligatoires de la hausse de la durée d’assurance

(en millions d’euros 2011)

 

2020

2030

2040

Tous régimes de base et complémentaires

+ 5 400

+ 10 400

Tous régimes de bases non automatiquement équilibrés

+ 2 700

+ 5 600

Source : CNAV et, pour les autres régimes, direction de la sécurité sociale à partir des calculs du COR (sur la base du scénario B).

*

La Commission examine les amendements identiques AS 49 de Mme Véronique Massonneau, AS 80 de M. Arnaud Robinet et AS 236 de Mme Jacqueline Fraysse, visant à supprimer l’article 2.

Mme Véronique Massonneau. Alors que la crise accroît le chômage et pèse lourdement sur l’emploi des jeunes et des seniors, l’allongement de la durée de cotisation va à l’encontre du partage du temps de travail.

Allonger à 43 ans la durée de cotisation, alors que la durée moyenne d’assurance jusqu’à la liquidation est en moyenne de 35 ans pour les femmes et de 37 ans pour les hommes pourrait avoir pour conséquence d’augmenter le nombre de chômeurs chez les jeunes, les seniors, ainsi que le nombre de seniors inactifs éligibles aux minima sociaux.

D’après l’INSEE, seuls 59 % des salariés du secteur privé sont passés directement de l’emploi à la retraite, les autres ayant connu des périodes de chômage ou d’invalidité. L’UNEDIC, de son côté, a estimé que le premier relèvement de l’âge légal de quatre mois, au 1er juillet 2011, avait engendré chez les seniors neuf mille inscriptions supplémentaires à Pôle emploi en 2011 – trente mille en année pleine –, avec un surcoût évalué à 440 millions d’euros par an.

Cet amendement propose donc de supprimer une disposition financièrement inefficace et socialement injuste.

M. Arnaud Robinet. Si nous souhaitons, comme nos collègues écologistes, supprimer l’article 2, ce n’est évidemment pas au nom des mêmes arguments, car nous ne croyons pas à la théorie du partage du travail.

Dans le contexte de crise actuel, le choix d’allonger uniquement la durée de cotisation d’un trimestre toutes les trois générations à compter de 2020 est une mesure insuffisante, si elle n’est pas associée à un recul de l’âge de départ en retraite ; elle est également injuste, car elle va peser sur le pouvoir d’achat des retraités, et malhonnête à l’égard des jeunes générations.

Nous ne sommes pas contre l’allongement de la durée de cotisation et sommes heureux que vous validiez la réforme Fillon de 2003, mais allonger la durée de cotisation à 43 ans va appauvrir les retraités et les jeunes générations, puisque un salarié ayant commencé à travailler entre 23 et 25 ans devra attendre l’âge de 66 ans pour prétendre à une retraite complète, alors que l’âge légal de départ en retraite est de 62 ans. Les Français partant à la retraite dès l’âge légal subiront donc une décote et une baisse significative du niveau de leur pension.

Par ailleurs, le scénario privilégié par le Gouvernement n’est pas le plus efficace financièrement, puisqu’on évoque une économie de 2,7 milliards d’euros à l’horizon 2030, tandis qu’un recul d’un an de l’âge légal de départ à la retraite – à 63 ans pour la génération 62 – permettrait une économie de plus de 3 milliards d’euros pour le régime général et de 5,3 milliards d’euros, tous régimes confondus.

Nous demandons donc la suppression de l’article 2 pour des raisons d’équité.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous sommes farouchement opposés à l’article 2, qui vise à augmenter la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein.

Sachant que l’âge moyen de départ en retraite se situe déjà au-delà de l’âge légal en vigueur, cet objectif de 43 années de cotisations nous paraît inatteignable pour un nombre croissant de salariés, qui ne pourront donc pas bénéficier d’une retraite à taux plein à moins de travailler au-delà de l’âge légal. Cette mesure aura donc pour effet d’abaisser le niveau des pensions, ce qui est en contradiction avec le discours du Gouvernement.

Par ailleurs, c’est une mesure injuste, car cet allongement de la durée de cotisation pénalisera particulièrement les femmes et les jeunes, lesquels s’inquiètent beaucoup pour leurs retraites malgré les quelques mesures correctrices que propose le projet de loi.

M. le rapporteur. Ce projet de loi comporte trois piliers. Le premier est constitué de mesures à court terme, qui visent à préserver le niveau des pensions, grâce à une augmentation progressive et modérée des cotisations permettant de réaliser 7 milliards d’euros d’économies d’ici à 2020.

Le Gouvernement a ensuite fait le choix d’augmenter de 41,5 à 43 ans le nombre d’annuités, ce qui représente un effort non négligeable mais permettra de préserver un niveau de pension correct. Pour compenser cet effort, le projet de loi comporte toute une série de mesures de justice, comme l’abaissement de deux cents à cent cinquante du nombre d’heures nécessaires à la validation d’un trimestre ou la validation des trimestres d’apprentissage. Cela permettra à de nombreux salariés de partir plus tôt en retraite.

La prise en compte de la pénibilité bénéficiera à 3 millions de personnes environ.

L’allongement progressif permettra de maintenir ce qui est pour nous un impératif, c’est-à-dire un niveau de retraite correct. C’est pour cela que l’on demande aux jeunes de travailler un peu plus longtemps.

Nous assumons totalement notre choix, qui s’oppose au vôtre, avec notamment le report de l’âge légal. Nous laissons la porte ouverte aux personnes de 62 ans, qui peuvent sortir du dispositif. Le taux plein n’est, après tout, qu’un critère parmi d’autres, et nous défendons, comme en 2010, la liberté de choix. Reporter l’âge légal à 65 ans signifierait, pour un jeune qui a commencé à travailler à 18 ans, cotiser 47 annuités. Ce n’est pas juste.

J’émets donc un avis défavorable aux trois amendements.

M. Bernard Accoyer. L’article 2 est un complet reniement des grandes déclarations de ceux qui étaient mobilisés contre le texte de 2010. Dire une chose quand on est dans l’opposition et son contraire quand on est dans la majorité, c’est gênant surtout que le rendez-vous de 2013 vous offrait l’occasion de remédier à l’impasse de financement liée à la crise et au chômage. Vous décidez une augmentation tout à fait insuffisante de la durée de cotisation sans, parallèlement, ajuster l’âge légal. Il faut avoir le courage de dire que vous avez fait le choix de la baisse des pensions. Les mesures que vous présentez comme plus favorables conduiront à faire partir avant 62 ans un retraité sur deux et c’est un choix irresponsable pour le niveau des pensions et la pérennité de notre système de retraite par répartition.

M. Denis Jacquat. Pourquoi le Gouvernement renie-t-il ce que ceux qui le soutiennent promettaient de faire avant les élections ?

M. Jean-Marc Germain. Ces amendements posent une question de fond. Quelles sont les possibilités de rééquilibrage à court terme ?

Mme Véronique Louwagie. Le report de l’âge légal !

M. Jean-Marc Germain. Ce report de l’âge légal transforme de jeunes retraités en vieux chômeurs. Dès lors, il ne reste que deux solutions : soit trouver des ressources complémentaires, soit diminuer les pensions. Il est inutile de biaiser, on ne peut pas être contre la hausse des cotisations sans accepter une baisse des pensions.

Pourquoi défendons-nous l’allongement de la durée de cotisation ?

La réforme que le parti socialiste proposait en 2010 est tout entière dans ce texte. On ne peut donc pas parler de reniement.

Ensuite, nous comprenons les arguments de Mme Fraysse contre l’allongement de la durée de cotisation. Pour le rendre acceptable, nous avons décidé, premièrement, de prendre en compte la pénibilité pour ajuster la durée de cotisation en fonction de l’espérance de vie en bonne santé ; deuxièmement, de différer cet allongement dans le temps, jusqu’en 2020, à cause de l’impact sur le chômage. Il s’agit là d’un constat, et je pense que vous le partagez.

Reste l’option politique : à terme, faut-il augmenter la durée de cotisation en épargnant ceux qui ont eu des métiers pénibles, ou bien l’âge légal ? Qui a payé la réforme Sarkozy-Fillon ? Les ouvriers et les employés (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Regardez les chiffres ! Vous avez bouché – un peu – les trous de l’assurance vieillesse, mais creusé ceux de l’assurance chômage. Vous n’avez donc rien réglé.

Nous avons une différence philosophique sur ce qu’il faut faire après 2020, et, avant. Vous n’avez d’autre choix que d’augmenter les cotisations ou baisser les pensions.

Mme Véronique Louwagie. Cette réforme est hypocrite pour trois raisons.

Elle fait croire que l’on peut partir à 62 ans, mais ce système compliqué est un leurre.

Vous nous accusez de vouloir baisser les pensions, mais nombreux seront ceux qui ne pourront partir à 62 ans, à moins de subir une décote, ce qui veut dire que vous poussez à une forte baisse de pouvoir d’achat des retraités.

Vous déclarez régulièrement vous soucier des jeunes. Or ce sont eux qui seront touchés par les baisses de pension. Avec une durée de cotisation de 43 ans, les personnes nées en 1973, si elles veulent partir à 62 ans avec une retraite à taux plein, devront avoir commencé à travailler à 19 ans !

Voilà pourquoi il faut réécrire l’article 2.

M. Arnaud Robinet. Vous avez instrumentalisé la nouvelle génération en l’incitant à manifester dans la rue contre la réforme de 2010, mais les jeunes sont les dindons de la farce qu’est votre réforme.

Monsieur Germain, vous vous fourvoyez dans le dogmatisme le plus complet.

En 2010, vous n’aviez qu’un seul tabou, la retraite à 60 ans. Le nôtre, c’était le niveau des retraites. C’est la raison pour laquelle nous étions opposés à une augmentation de la CSG et des cotisations salariales.

M. Jean-Marc Germain. Et la TVA à 21,2 %, vous étiez contre ?

M. Arnaud Robinet. De fait, vous êtes la majorité de la baisse du pouvoir d’achat. Les pensions vont diminuer puisque vous reculez l’indexation des retraites du 1er avril au 1er octobre. Vous avez touché au pouvoir d’achat dans la loi de financement de la sécurité sociale 2013 avec la cotisation de 0,3 % sur les pensions pour financer la dépendance. Nous n’avons pas de leçon à recevoir.

Vous faites le choix d’une double peine pour les Français : baisse des pensions à court terme et à long terme, en ne jouant que sur la durée de cotisation. Le seul paramètre à avoir un impact immédiat, tous les experts sont d’accord, c’est l’âge. Alors, oui, nous revendiquons un recul de l’âge légal de départ à la retraite.

Et arrêtez de mettre en avant cette théorie du partage du travail qui ne s’est jamais vérifiée. Vous l’avez bien vu avec les 35 heures.

Monsieur Issindou, oui, nous demandons le recul de l’âge de départ à 65 ans à l’horizon 2023-2026, pour que les jeunes d’aujourd’hui partent à la retraite à 65 ans avec une retraite à taux plein. Avec vous, ils devront attendre d’avoir 67 ans ! Où est la justice ? Où est la politique en faveur de la jeunesse, sinon dans l’opposition !

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Qu’a fait l’UMP ces dernières années ? Et quelles sont ses propositions ? Son porte-parole Hervé Mariton préconise le report à 65 ans d’ici à 2022 et 44 annuités. Avec vous, c’est fromage et dessert !

Vous avez en plus lourdement frappé les retraités. Je citerai, entre autres, le gel du barème de l’IRPP qui a mis en situation de redevables 2 à 3 millions de personnes qui ne l’étaient pas ; et la suppression de la demi-part des veuves, qui a eu une très forte incidence. Nous proposerons vraisemblablement une décote pour les premiers et nous pourrions revenir sur un dispositif qui a pénalisé de nombreuses veuves. Voilà des mesures concrètes qui vont dans le sens du pouvoir d’achat des retraités là où les vôtres visaient à faire payer aux seuls actifs le prix de votre réforme. Et si nous discutons aujourd’hui, c’est parce qu’elle n’a pas abouti. Le rapport rendu par Yannick Moreau a mis en évidence que, depuis 2010, elle n’avait permis d’économiser que 3 milliards d’euros. Vous nous aviez promis le retour à l’équilibre en 2017 ; mais nous en serons très loin !

M. Philippe Vigier. Si la réforme de 2010 était une erreur gravissime, alors pourquoi ne pas être revenus dessus depuis votre arrivée au pouvoir, surtout avec l’augmentation sans précédent du chômage cette année ?

M. Jean-Marc Germain. Et le décret sur les carrières longues du 17 juillet 2012 ?

M. Philippe Vigier. Il est vrai, monsieur Germain, que vous avez conseillé une candidate aux primaires socialistes qui expliquait qu’il fallait revenir à la retraite à 60 ans, et que Mme Touraine déclarait le 14 octobre 2011 dans Libération que François Hollande s’y était engagé.

M. le rapporteur. Et il l’a fait.

M. Philippe Vigier. Ce soir, nous prenons acte du décès de la réforme annoncée.

Ensuite, monsieur Germain, le Conseil d’orientation des retraites constate que, sans la réforme de 2010, il manquerait 45 milliards dans les caisses. C’est vrai, nous ne sommes pas à l’équilibre, le trou est de 20 milliards, mais, avec la vôtre, vous récupérerez tout au plus 6 ou 7 milliards.

Pire, la compensation de l’allégement de 0,15 point des cotisations famille des entreprises, vous irez bien la prendre dans la poche des salariés. Des entreprises aussi, d’ailleurs, puisque, même si vous endormez la vigilance des entreprises en promettant une compensation, le patron du MEDEF a expliqué que le compte n’y était pas tout à fait. Ensuite, dans la loi de finances, vous avez chiffré à 1 milliard le gain pour le recul de la revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre. C’est donc vous qui appauvrissez les retraités.

Monsieur Terrasse, ce soir je prends date pour le rétablissement de la demi-part des veuves. J’étais de ceux qui la défendaient et je continuerai à le faire. Peut-être nous retrouverons-nous sur un amendement.

Enfin, comment osez-vous raconter qu’on cotisera plus longtemps mais que l’âge légal ne changera pas ? Pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour comprendre que la retraite sera plus faible !

M. Christian Paul. Votre véhémence, monsieur Vigier, ne rend pas plus crédible la fable selon laquelle nous serions différents entre hier et aujourd’hui. Mais les divergences entre vous et nous, elles, sont intactes.

Les Français qui suivent les débats ont compris que l’âge légal de départ ne coïncidait pas toujours avec l’âge effectif. Et c’est bien pour les rapprocher que nous avons conçu des mesures de personnalisation, notamment la pénibilité.

Nous avons un tabou, en effet. Nous pensons qu’il faut préserver la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler tôt. Le Gouvernement l’a d’ailleurs fait dès les premières semaines. Il n’y a pas de reniement.

Votre martingale, ce sont les bornes d’âge : il faudrait travailler le plus possible le plus longtemps possible. Cela ne correspond pas à l’aspiration collective des Français ; il suffit de voir leurs réactions à nos projets respectifs. Il faut donc trouver à l’horizon 2020 des solutions équilibrées entre les cotisations et la justice, au lieu de s’en tenir à votre projet, brutal et régressif.

M. Arnaud Robinet. Monsieur Terrasse, j’admire votre capacité à avaler des couleuvres.

Monsieur Paul la réforme de 2010 a permis de « récupérer » 30 milliards d’euros, et sans elle, le déficit serait de 50 milliards. Le président de la CNAV, M. Rivière, de Force Ouvrière, a montré qu’elle permettrait de retrouver un quasi-équilibre à l’horizon 2018-2020. L’effort était considérable, et il a précisé que les déficits ont été aggravés par la crise, mais aussi par votre fameux décret de 2012.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements AS 49, AS 80 et AS 236, visant à supprimer l’article 2.

Elle examine ensuite l’amendement AS 203 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Chacun a compris que la réforme de 2010 qui a relevé l’âge légal à 62 ans en 2018 et la durée de cotisation à 41,5 années en 2020 a permis de faire 25 ou 30 milliards d’économies. Vous avez fait un autre choix, qui s’est traduit par une baisse du pouvoir d’achat en 2012 de 0,9 % – du jamais vu depuis 1974. Or il y a déjà eu deux coups de canif dans les retraites en 2013 : les pensions AGIRC et ARRCO n’ont été revalorisées respectivement que de 0,5 % et 0,8 %. Et ne venez pas me dire que c’est une décision des partenaires sociaux, puisque le ministre du budget chiffre l’économie à 1 milliard d’euros. La hausse du prélèvement sur les retraites porté à 0,3 % en avril correspond lui aussi à une baisse de pouvoir d’achat.

Augmenter la durée de cotisation sans toucher à l’âge légal relève de l’hypocrisie absolue. La moitié du chemin avait été faite depuis 2010 mais, avec votre réforme qui n’en est pas une, il manquera encore entre 13 à 16 milliards, voire davantage, puisqu’on ne compte pas l’impact des nouveaux droits.

Pour reprendre votre expression, monsieur Germain, on a la chance de « vieillir plus longtemps », et, pour équilibrer enfin le régime des retraites, nous prônons d’accélérer la réforme de 2010, ce qui n’empêche pas de prendre en compte la pénibilité, d’agir en faveur des femmes, des polypensionnés, ni d’augmenter les petites retraites. C’est aussi une question de justice. Ces cinq dernières années, il aurait fallu, selon vous, jeter aux orties tout ce qui a été fait, y compris, sans doute, l’augmentation de 25 % des petites retraites. S’agissant de l’augmentation du minimum retraite, j’ai relevé les écarts entre les annonces de la ministre des affaires sociales – le 1er avril – et celles du Premier ministre – le 1er octobre. Je ne peux que me réjouir pour ceux qui n’ont qu’un peu plus de 760 euros de retraite par mois de la date finalement retenue.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Vigier, il serait préférable de ne pas s’écarter de l’exposé des motifs des amendements.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Je rejette la brutalité avec laquelle M. Vigier veut accélérer le rythme de l’augmentation des années de cotisation, une brutalité qui a marqué la réforme de 2010.

Nous avons souhaité que les plans de départ à la retraite à l’horizon de 2020 puissent être préservés.

Monsieur Vigier, il faut choisir entre jouer sur l’âge légal ou jouer sur les annuités. Si vous reportez l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, les quarante-quatre annuités ne sont même plus nécessaires : chacun partira à la retraite à 65 ans.

Nous, nous préférons jouer sur les annuités car cela nous paraît la solution la plus juste. Pourquoi ne pas envisager d’effacer un jour, si cela s’avère possible, l’âge légal de départ à la retraite ? Celui qui aurait quarante-trois annuités pourrait partir à la retraite.

M. Arnaud Robinet. Chiche pour les régimes spéciaux !

M. Gérard Sebaoun. Il faut au moins vous reconnaître, monsieur Vigier, la franchise de vos propositions, à savoir imposer ex abrupto, entre quatre et neuf trimestres supplémentaires à des salariés qui ont aujourd’hui entre 55 et 58 ans et qui, déjà, envisagent leur départ à la retraite. Ne faites pas le tour des entreprises avec votre amendement ! Vous n’emporterez pas le succès que vous escomptez.

Mme Monique Iborra. Déclamer et avoir raison sont deux choses différentes.

La réforme de 2010, strictement comptable, a été conduite, de plus, de manière brutale et n’a fait l’objet d’aucun dialogue. C’est pourquoi elle a mis des millions de Français dans la rue.

La nôtre, au contraire, repose sur le dialogue : elle a fait l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux. En outre, contrairement à la vôtre, elle crée des droits nouveaux. C’est la principale différence entre les deux réformes.

M. Arnaud Robinet. Vous n’avez pas le droit de dire cela !

Mme Monique Iborra. Je le dis quand même !

La Commission rejette l’amendement.

Puis la Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 395 à AS 397 du rapporteur.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 51 de Mme Eva Sas.

Mme Véronique Massonneau. L’amendement AS 51 vise à conditionner l’allongement de la durée de cotisation à la démonstration de sa neutralité sur la situation du chômage en France.

M. le rapporteur. Je comprends l’objet de cet amendement : l’amélioration de l’équilibre général des comptes sociaux passe par l’amélioration de l’emploi. Or il convient précisément de faire le pari collectif que celui-ci ne peut aller qu’en s’améliorant, surtout à partir de 2020.

C’est pourquoi il me paraît difficile de conditionner totalement l’allongement de la durée de cotisation à sa neutralité sur l’emploi. On ne saurait adapter la durée de cotisation au nombre des chômeurs : ce serait anxiogène pour les salariés, alors que le mérite de l’article 2 tient dans sa clarté. Une fois la loi adoptée, les générations nées à partir de 1973 sauront que leur durée de cotisation s’allongera progressivement jusqu’à quarante-trois annuités.

Vous avez toutefois raison : il est essentiel d’augmenter notamment le taux d’emploi des seniors.

Avis défavorable à l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle l’examine l’amendement AS 50 de Mme Eva Sas.

Mme Véronique Massonneau. L’amendement AS 50 est un amendement de repli.

Il prévoit que l’allongement de la durée de cotisation n’entrera en vigueur qu’après la présentation d’un rapport évaluant l’impact de la mesure sur le taux de chômage.

M. le rapporteur. L’Assemblée nationale pourra se saisir à tout moment de la situation de l’emploi et des régimes de retraite. Le comité de surveillance aura vocation à informer la représentation nationale sur le sujet.

Je ne vois donc pas l’intérêt de cet amendement, même si je comprends l’esprit dans lequel il a été rédigé.

M. Jean-Marc Germain. Madame Massonneau, votre amendement n’a plus d’objet puisque nous avons repoussé l’amendement AS 203 de M. Philippe Vigier, qui visait à augmenter d’ici à 2020 de deux ans et demi la durée de cotisation. Or, compte tenu de la situation actuelle du marché du travail, 6 % d’actifs supplémentaires se traduiraient par 1,5 million de chômeurs supplémentaires, ce qui serait désastreux.

Mme Véronique Massonneau. Mon amendement n’a rien à voir avec celui de M. Vigier : je ne veux pas qu’on les compare.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2.

La Commission est saisie d’une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 2.

Elle examine tout d’abord l’amendement AS 85 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. L’amendement AS 85 et ceux qui suivront visent à donner de la consistance au projet de loi en matière d’équité.

Il convient de mettre fin aux différences flagrantes de calcul des droits à pension entre le public et le privé.

Alors que la durée et les taux de cotisation sont en cours d’alignement grâce aux réformes engagées par la droite et le centre depuis 2003, il est aujourd’hui opportun de continuer d’harmoniser le système entre le public et le privé, s’agissant notamment des périodes de référence du calcul des pensions.

En effet la période de six mois, retenue pour les fonctionnaires, est devenue le marqueur d’une injustice majeure pour l’ensemble de nos concitoyens, les pensions du public restant globalement plus élevées que celles du privé – 1 757 euros en moyenne par mois dans le public contre 1 166 dans le privé.

Or cet écart risque de se creuser dans les années à venir au fur et à mesure que les salariés du privé, qui auront connu plusieurs crises économiques, aggravées par l’action du Gouvernement actuel, et des ruptures importantes dans leur parcours professionnel, arriveront à l’âge de la retraite.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Cet amendement repose sur un raisonnement malhonnête : comparer les moyennes du secteur public à celles du secteur privé, alors que les structures des carrières ne sont pas les mêmes. Dans la fonction publique, notamment avec les cohortes d’enseignants – ils sont aujourd’hui quelque 850 000 à 900 000 –, les catégories A sont beaucoup plus nombreuses que ne sont nombreux les cadres dans le privé. C’est notamment cette différence qui explique celle du montant moyen des pensions. De plus, les chiffres que vous avez donnés ne comprennent pas les retraites complémentaires.

Je vous renvoie aux études comparatives du Conseil d’orientation des retraites : elles montrent que le taux de remplacement des catégories C et B du public est de 75,2 % contre 74,5 % pour les catégories équivalentes du privé. S’agissant des cadres, le taux de remplacement tombe à 55 %, en raison du système de plafonnement de la sécurité sociale. Il n’existe donc pas d’écart significatif entre le secteur public et le secteur privé, en dépit d’un mode de calcul différent – il faut l’expliquer clairement aux Français.

Il y a de petites et de bonnes retraites dans les deux secteurs.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 86 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. L’amendement AS 86 est de repli.

Afin de ne pas brutaliser votre électorat, monsieur Issindou, cet amendement prévoit une harmonisation progressive des périodes de référence par le biais d’une augmentation de celle des fonctionnaires de deux ans pendant 12,5 ans à compter du 1er janvier 2014.

M. le rapporteur. Les fonctionnaires ne constituent pas l’électorat de la majorité : l’électorat ne s’appartient qu’à lui-même. Cette réforme, fondée sur des critères de justice, ne vise pas à satisfaire un électorat particulier.

Arrêtons de considérer qu’il y a d’un côté des fonctionnaires nantis et de l’autre des salariés du privé qui seraient seuls à peiner. Je respecte également les salariés des deux secteurs.

M. Arnaud Robinet. Je suis fonctionnaire, monsieur le rapporteur.

M. le rapporteur. Avis défavorable à l’amendement.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement de repli va dans le sens de l’harmonisation.

Cette disposition aurait l’intérêt non seulement de rendre plus lisibles les périodes de référence des deux secteurs mais également de favoriser la mobilité entre le privé et le public, une mobilité que les pertes de référence rendent aujourd’hui difficile.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je suis très surprise d’entendre comparer le montant, pour le privé, des seules retraites de base de la sécurité sociale avec le montant des retraites des fonctionnaires qui comprend à la fois la retraite de base et la retraite complémentaire. Il est malhonnête de comparer des choux et des carottes !

Monsieur Vigier, il y a beaucoup de petits salaires dans la fonction publique, s’agissant notamment des femmes, qui ont de petites retraites. La Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP) pensait trouver des sources d’économies considérables dans l’harmonisation des régimes public et privé : or ses études ont montré le contraire.

M. Jean-Marc Germain. Si vous n’avez pas réussi à réformer le pays durant la précédente décennie, c’est parce que vous n’avez cessé de désigner des boucs émissaires : 200 amendements sur les 400 que vous avez déposés concernent les fonctionnaires.

Le rapport Moreau sur l’avenir des retraites précise, page 31 – ce sont les chiffres du COR –, que le taux de remplacement pour les salariés du privé est de 74,5 % et pour les salariés civils du secteur public de 75,2 %. Les retraites sont donc les mêmes dans le privé et dans le public. Les durées de cotisation sont les mêmes. Les taux de cotisation convergent.

Nous n’examinons pas une réforme de gauche ou de droite mais une réforme qui concerne les quarante à soixante années à venir. Cessons d’opposer les salariés du public à ceux du privé, les retraités aux actifs ou les entreprises aux salariés. La grande force de cette réforme est de mettre chacun également à contribution pour redresser le pays, les fonctionnaires comme les autres, ni plus ni moins, parce qu’ils ont les mêmes retraites que les salariés du privé.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 82 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Monsieur Germain, étant moi-même fonctionnaire, je ne stigmatise pas mon propre corps.

Les chiffres sont têtus. Vous parlez de taux de remplacement : nous parlons, nous, du montant des pensions.

Madame Coutelle, tous les salariés du privé n’ont pas de complémentaire. De plus, les fonctionnaires bénéficient de la Préfon, du Corem ou de l’Ircantec.

Alors que le Gouvernement prévoit déjà de mettre à mal l’équité entre le public et le privé en remettant en cause la journée de carence instituée dans la fonction publique, le projet de loi crée une nouvelle rupture entre les salariés du privé et les agents publics puisque les hausses de cotisation de 0,3 point sur l’ensemble des salariés ne s’appliqueront pas aux agents publics au même rythme qu’aux salariés du privé, alors qu’un effort d’alignement est actuellement consenti par les fonctionnaires.

Il est certain que les choix du Gouvernement ne sont pas bons puisqu’ils tendent à grever le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises. Néanmoins, il est important de garder le cap des efforts déjà consentis.

Tel est l’objet de l’amendement AS 82.

M. le rapporteur. L’étalement des hausses de cotisation pour les agents publics sera le suivant : 0,06 point en 2014 au lieu de 0,15 pour le privé, puis 0,08 les trois années suivantes. En effet les fonctionnaires sont déjà actuellement sur un rythme d’augmentation de 0,27, en application de la réforme de 2010. Compte tenu, en outre, du gel de leur point d’indice depuis plusieurs années déjà, il n’a pas semblé possible de leur imposer en 2014 le même effort qu’aux salariés du privé – 0,15 puis trois fois 0,5. Toutefois, au bout du compte, les salariés du privé et les agents publics auront consenti à la même date le même effort de 0,3 point.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis la Commission examine l’amendement AS 81 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. La crise a un impact très négatif sur l’équilibre financier de notre système de retraite. Ainsi, en dépit de la réforme de 2010 – pour mémoire le COR prévoyait avant la réforme de 2010 un besoin de financement de 50 milliards d’euros à l’horizon de 2020 –, de nouveaux efforts doivent être fournis. En effet, les années de croissance quasi-nulle que nous traversons creusent le déficit du système qui devrait atteindre près de 20 milliards d’euros en 2020, tous régimes confondus.

En attendant une reprise durable, que nous espérons tous, et une hausse structurelle de l’emploi, nous devons, pour sauver notre système de retraite par répartition consentir un effort supplémentaire qui soit lisible, efficace et juste. Le paramètre le meilleur est l’augmentation de l’âge de départ à la retraite.

Le projet de loi commet une triple injustice : il augmente le coût du travail, il appauvrit les retraités et les actifs et il table à terme sur la multiplication des départs avec décote et donc sur une baisse des pensions.

C’est pourquoi l’amendement AS 81 propose de porter l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans d’ici à 2026 et de retourner ainsi à la situation qui prévalait avant les réformes de 1983 menées par le président Mitterrand.

Je tiens à rappeler que, depuis 1981, les femmes ont gagné cinq ans d’espérance de vie et les hommes huit ans.

Notre défi n’est pas de baisser sans cesse l’âge de la retraite mais de garantir un niveau de vie convenable et décent aux retraités et de soulager les jeunes générations de la dette qui s’accumule sur les comptes sociaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Deux conceptions différentes s’opposent. Nous ne choisissons pas la vôtre.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 202 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le rapporteur, le rapport Moreau propose que les pensions des fonctionnaires soient calculées sur le traitement des dix dernières années et non des six derniers mois : le rapprochement des modes de calcul n’est donc pas un fantasme de l’opposition.

L’amendement AS 202 vise à corriger les inégalités entre le public et le privé, touchant notamment les règles de calcul des pensions de réversion. Dans la fonction publique et la plupart des régimes spéciaux, le niveau de réversion atteint 50 % sans condition d’âge ni de ressource, alors que, dans le privé, le niveau de réversion est plus élevé – il atteint 54 %, voire 60 % –, mais il est assorti de conditions d’âge et de ressource.

L’amendement AS 202, en prévoyant un rapport sur le sujet, ne vise pas à stigmatiser mais à rapprocher le public et le privé.

M. le rapporteur. Si le rapport Moreau propose effectivement une modification du mode de calcul, il précise toutefois que la prise en compte des primes des fonctionnaires pourrait aboutir à l’effet inverse à celui recherché. Il convient donc de rester prudent.

Je vous rejoins sur l’amendement, notre système de réversion ayant été bâti à l’époque où les couples étaient plus stables et où l’homme mourait avant la femme.

Je déposerai un amendement, qui va dans le même sens, après l’article 13.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS 83 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Le rapport Moreau indique que le taux de remplacement médian est de 68 % dans le privé et de 75 % dans le public s’agissant des hommes ; pour les femmes, ils sont respectivement de 66 et 77 %.

Cet amendement tend à engager une réflexion sur les modalités d’application aux fonctionnaires recrutés à compter de 2015 des règles de constitution et de liquidation en vigueur dans le régime général. Il est indispensable de poursuivre le rapprochement des régimes afin de consolider le pacte social qui unit tous les Français : la multiplicité des régimes et la diversité des modes de calcul des droits contribuent au sentiment que tous ne sont pas égaux devant les modalités de constitution et de liquidation des retraites.

M. le rapporteur. Défavorable : il n’est pas question de soumettre les fonctionnaires aux règles de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Je me demande bien ce qui vous déplaît tant dans le statut de la fonction publique pour que vous vous acharniez ainsi à le démolir : le service public serait-il si honteux qu’il ne doive pas ouvrir droit à une pension équivalente à celles du privé, comme c’est le cas aujourd’hui ?

M. Denis Jacquat. Nous ne sommes pas les seuls à demander que les différents régimes de retraite convergent : c’est le souhait de tous les Français.

M. le rapporteur. On comprend pourquoi quand on voit comment on manipule les chiffres pour leur faire croire à de prétendues inégalités.

La Commission rejette cet amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 84 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Il s’agit d’un amendement de repli. Actuellement, l’État subventionne annuellement les pensions de ses agents. La création d’une caisse de retraite spécifique pour la fonction publique d’État permettra une meilleure lisibilité et une meilleure anticipation des besoins de financement.

Le projet de loi se concentre sur les sept milliards d’euros qui manqueront dans les caisses de la CNAV à l’horizon 2020, mais il passe sous silence la dizaine de milliards d’euros manquant au versement des pensions des agents de l’État. Il n’est pas normal que les pensions des fonctionnaires d’État soient entourées d’une telle opacité budgétaire et ne puissent faire l’objet d’une véritable gouvernance. Pour mémoire, les autres fonctions publiques fonctionnent déjà avec un tel dispositif.

M. le rapporteur. Comment pouvez-vous parler d’opacité alors que le rapport indique que ce régime est déficitaire de huit milliards d’euros ? Ce déficit est dû en grande partie à des causes démographiques et il est encore aggravé à chaque fois qu’on supprime des postes de fonctionnaire. En tout état de cause le Gouvernement veille à ce que les dépenses soient gelées en volume et ce régime de retraite est progressivement aligné sur le régime général en ce qui concerne la durée et les taux de cotisation. D’autres régimes sont déficitaires, tel celui des agriculteurs, sans que cela vous pose autant problème.

La Commission rejette cet amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 87.

M. Arnaud Robinet. L’alignement des taux de cotisation des régimes spéciaux sur ceux qui s’appliquent aux salariés du privé ne sera atteint qu’en 2026. Alors que les régimes spéciaux font l’objet d’une subvention d’équilibre toujours plus conséquente, il est normal que les assurés de ces régimes fassent un effort supplémentaire pour s’aligner sur les taux de cotisation du privé, au moins au même rythme que les fonctionnaires. Pour mémoire, pour chaque retraité de la SNCF et de la RATP, l’État donne au titre de la subvention d’équilibre 11 821 d’euros par an, contre 690 euros hors impôts et taxes affectés pour chaque retraité du régime général.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement : l’alignement des taux de cotisation est en cours et sera effectif en 2017. En outre, l’augmentation du taux de cotisation prévue par ce projet de loi s’applique à ces régimes.

La Commission rejette cet amendement.

Article 3

(art.
L. 114-2, L. 114-4, L. 114-4-2, L. 114-4-3 et L. 135-6
du code de la sécurité sociale)


Mécanisme de pilotage du système de retraite

Le présent article instaure un mécanisme de pilotage de l’ensemble du système de retraite, visant à garantir le respect de ses objectifs tels que définis à l’article 1er, au moyen de mesures correctrices si nécessaire.

L’idée de bâtir un mécanisme de pilotage à long terme vient du souhait d’en finir avec un pilotage à vue du système de retraite qui a conduit à de trop nombreuses réformes ces dernières années. Ces « grandes réformes » anxiogènes, présentées à chaque fois comme la « der des der », entament la confiance des assurés, et notamment des plus jeunes, en notre système de retraite.

Le mécanisme d’allongement de la durée d’assurance en fonction de l’espérance de vie, prévu à l’article 5 de la loi du 21 août 2003, était une forme de pilotage automatique, mais il ne portait que sur un seul paramètre (la durée d’assurance), ne visait qu’un seul objectif (maintenir constant le rapport entre vie active et vie à la retraite et s’éteignait en 2020).

La loi du 9 novembre 2010 a créé le Comité de pilotage des régimes de retraite (« Copilor »), chargé de « veiller au respect des objectifs du système de retraite par répartition » et de rendre chaque année, avant le 1er juin, un avis « sur la situation financière des régimes de retraite, sur les conditions dans lesquelles s’effectue le retour à l’équilibre du système de retraite à l’horizon 2018 et sur les perspectives financières au-delà de cette date. Lorsque le comité considère qu’il existe un risque sérieux que la pérennité financière du système de retraite ne soit pas assurée, il propose au Gouvernement et au Parlement les mesures de redressement qu’il estime nécessaires » (article L. 114-4-2 du code de la sécurité sociale). Cette instance ne s’est réunie qu’une fois en formation plénière (en 2011) et n’a jamais rendu d’avis. Sans doute ses objectifs n’étaient-ils pas suffisamment précis, et ses outils d’ajustement pas suffisamment encadrés. Le rapport de la commission pour l’avenir des retraites souligne aussi que le fait de mêler des acteurs disparates – le Copilor associait les administrations, les régimes de retraites, les partenaires sociaux et des parlementaires – interdit de facto l’élaboration de propositions concrètes.

De nombreux pays ont mis en place des systèmes de pilotage de leurs régimes de retraite. En Allemagne, le dispositif a une valeur contraignante, et se déclenche automatiquement quand certains seuils sont franchis, entraînant des mécanismes de rééquilibrage : i) le niveau de réserves de trésorerie doit être compris entre 0,2 et 0,5 mois (à défaut, adaptation des taux de cotisations) ; ii) le taux de cotisation (qui doit être inférieur à 20 % en 2020 et 22 % en 2030) ; iii) le taux de remplacement (qui ne doit pas être inférieur à 46 % en 2020 et 43 % en 2030). Ce mécanisme est susceptible de jouer dans les deux sens : c’est ainsi que ces dernières années, le taux de cotisation a été légèrement diminué car les autres objectifs étaient dépassés.

L’exemple canadien est plus proche de nous car il s’agit d’un régime en annuités, contrairement au régime allemand qui fonctionne en points. Il s’agit d’un régime par répartition partiellement provisionné. Les cotisations doivent financer les pensions, et des réserves existent afin d’assurer la viabilité du système à horizon de 75 ans. Lorsqu’un déséquilibre financier à long terme apparaît, le Parlement doit décider d’ajustements sur des leviers à définir. En l’absence de décision, un ajustement automatique intervient, qui consiste en un relèvement du taux de cotisation et un gel des pensions pendant trois ans, délai à l’issue duquel la situation est à nouveau examinée.

Le rapport Moreau formule certaines recommandations pour la mise en place d’un système de pilotage :

– une expertise technique et indépendante doit pouvoir s’exercer en amont du dialogue social et du débat parlementaire ; ce rôle ne peut être confié au COR, qui est une instance de dialogue créée pour dégager des diagnostics partagés mais qui ne peut endosser un rôle de proposition vis-à-vis des pouvoirs publics ; il doit donc être confié à un comité d’experts resserré, chargé de rendre un avis au Gouvernement ;

– le pilotage doit être annuel, car une périodicité trop longue entraîne des grands « rendez-vous » anxiogènes (comme les rendez-vous quadriennaux prévus par la loi du 21 août 2003) qui peuvent coïncider avec des échéances électorales et risquer d’être reportés ; ces points d’étape doivent permettre d’éviter que des réformes soient retardées ou prises à chaud ;

– le pilotage ne doit pas porter uniquement sur la trajectoire financière, mais surveiller aussi des indicateurs concernant le niveau des retraites, les équilibres entre hommes et femmes, l’emploi des seniors ou la lisibilité du système ;

– il faut distinguer le pilotage structurel (adéquation du système aux objectifs fixés par la loi) du pilotage conjoncturel (mode de rééquilibrage de la trajectoire financière en cas d’écarts liés à la conjoncture économique).

Enfin, la commission pour l’avenir des retraites ne préconise pas d’évoluer vers un système d’équilibrage totalement automatique, mais recommande que les instruments d’ajustement soient déterminés à l’avance : durée d’assurance dans l’esprit de la loi de 2003, règles d’indexation des pensions et des salaires portés au compte, etc. La décision d’appliquer les recommandations ou non (dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale) reviendrait au Gouvernement qui ne serait pas lié par l’avis du comité d’experts.

Le présent article reprend les grandes lignes des recommandations de la Commission pour l’avenir des retraites, à travers la mise en place d’un mécanisme en trois étapes dont le nouveau Comité de suivi des retraites constitue le cœur. La décision d’appliquer les mesures d’ajustement revient toujours au pouvoir politique (Gouvernement et Parlement).

Le II remplace la section 6 du chapitre IV du titre Ier du livre Ier, relative à la Commission de garantie des retraites, par une section 6 relative au « Comité de suivi des retraites ». Initialement intitulé « Comité de surveillance des retraites », votre commission l’a renommé « Comité de suivi des retraites ».

La Commission de garantie des retraites, créée par l’article 5 de la loi du 21 août 2003, n’a plus lieu d’être avec l’extinction du dispositif d’ajustement automatique de la durée d’assurance (cf. commentaire de l’article 2).

Le III du présent article abroge la section du code de la sécurité sociale relative au Comité de pilotage des régimes de retraite (Copilor), ce dernier étant supprimé.

Le présent article propose un mécanisme en trois étapes : un rapport préalable du Conseil d’orientation des retraites (COR) sur la situation et les perspectives du système de retraite au regard de certains indicateurs, un avis du Comité de suivi des retraites, éventuellement suivi de recommandations, enfin, le cas échéant, une présentation du Gouvernement au Parlement des suites qu’il entend donner à ces recommandations.

 Le rapport préalable du Conseil d’orientation des retraites (COR)

Le I du présent article modifie l’article L. 114-2 du code de la sécurité sociale relatif aux missions du COR. Il remplace l’avis prévu par l’article 5 de la loi du 21 août 2003, devenu inutile, par « un document annuel sur le système de retraite, fondé sur des indicateurs de suivi définis par décret au regard des objectifs énoncés au II de l’article L. 111-2-1 ».

Ce rapport annuel doit être rendu public au plus tard le 15 juin. Les indicateurs seront définis par décret en fonction des objectifs énoncés à l’article 1er du présent projet de loi : contributivité, équité entre les sexes, les professions et les régimes, équité et solidarité intergénérationnelles et intragénérationnelles, réduction des écarts de pensions entre hommes et femmes, niveau de vie satisfaisant des retraités, pérennité financière, niveau élevé d’emploi des seniors.

Une séance annuelle du COR sera consacrée au suivi de ces indicateurs. L’étude d’impact indique que cette nouvelle mission pourra s’intégrer sans difficulté à ses missions actuelles, autrement dit sans moyens supplémentaires.

 L’avis et les recommandations du Comité de suivi des retraites

Le I de l’article L. 114-4 du code de la sécurité sociale crée un comité d’experts appelé « Comité de suivi des retraites ».

Le II de l’article L. 114-4 prévoit que le Comité de suivi des retraites rende public chaque année, avant le 15 juillet, un avis sur l’adéquation du système de retraite à ses objectifs, s’appuyant sur le rapport du COR mentionné ci-dessus, ainsi que sur les projections quinquennales du COR (cette référence ayant été ajoutée au présent projet de loi par votre commission).

S’il considère que le système de retraite s’éloigne de façon significative des objectifs définis à l’article L. 111-2-1, le Comité émet des recommandations publiques qui s’adressent au Parlement, au Gouvernement et aux régimes de retraite, y compris complémentaires, destinées à corriger ces écarts.

 La réponse du Gouvernement au Parlement

Le V de l’article L. 114-4 prévoit que le Gouvernement, après consultation des partenaires sociaux, présente au Parlement les suites qu’il entend donner à ces recommandations.

Cette présentation peut se traduire concrètement par l’introduction de mesures d’ajustement dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Si le Gouvernement n’entend pas prendre de mesures législatives (soit qu’il ne prenne que des mesures réglementaires, soit qu’il ne prenne aucune mesure), le ministre chargé des affaires sociales devra s’en justifier devant les commissions des affaires sociales des assemblées lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Un an après avoir émis ses recommandations, le Comité de suivi rend un avis public sur leur suivi. Il jouera ainsi à la fois le rôle de surveillance financière, d’observatoire des inégalités générées par le système de retraite et de suivi des dispositifs mis en place pour les corriger.

 Organisation

Le I de l’article L. 114-4 précité trace les grandes lignes de l’organisation de ce nouveau comité.

Il est composé de cinq personnes : quatre personnalités compétentes en matière de retraite, deux femmes et deux hommes, nommées par décret pour cinq ans, et un président nommé en Conseil des ministres.

Le Comité sera rattaché directement au Premier ministre.

Le Comité de suivi pourra solliciter l’appui technique du COR, des différentes administrations et établissements publics de l’État, du nouveau fonds de financement du dispositif pénibilité créé à l’article 6, des organismes chargés de la gestion d’un régime de retraite, de Pôle Emploi : ces derniers devront communiquer au Comité les informations et les études dont ils disposent, celui-ci pouvant leur faire connaître ses besoins afin qu’ils soient pris en compte dans leurs travaux statistiques.

Le Comité sera évidemment aussi conduit à s’appuyer sur les projections économiques de moyen terme du Gouvernement et la trajectoire des comptes publics établie dans le Programme de stabilité.

Les missions, les modalités d’organisation et de fonctionnement du Comité seront précisées par un décret en Conseil d’État.

 Rôle

Le II de l’article L. 114-4 précise le rôle du Comité de suivi des retraites.

Chaque année avant le 15 juillet, en s’appuyant sur le rapport annuel du COR mentionné précédemment, le Comité rend un avis public qui porte :

– sur l’adéquation du système de retraite aux objectifs fixés au II de l’article L. 111-2-1 (article 1er du présent projet de loi) ; pour cela, il examine les indicateurs de suivi fournis par le COR ; il doit aussi suivre l’évolution des dispositifs de prise en compte de la pénibilité, de départ anticipés, et la situation comparée des droits dans les différents régimes de retraite ;

– sur la situation comparée des hommes et des femmes au regard de l’assurance vieillesse ; à ce titre, il pourra formuler des propositions de modification des avantages familiaux de vieillesse en adéquation avec les évolutions sociales.

Si le Comité constate que le système de retraite s’éloigne, de façon significative, de ses objectifs, il émet des recommandations destinées à ajuster le système afin qu’il retrouve une trajectoire financière saine, ou qu’il respecte ses objectifs sociaux. Ses recommandations s’adressent au Parlement, au Gouvernement et aux régimes de retraite obligatoires de base et complémentaires.

Le fait que les avis et recommandations du Comité de suivi concernent aussi les régimes de retraite complémentaires ne signifie pas qu’il soit porté atteinte à l’indépendance des partenaires sociaux chargés de la gestion de ces régimes. En effet, ces derniers auront toujours la faculté de suivre ou ne pas suivre les recommandations du Comité.

Enfin, un an après avoir adressé ses recommandations, le Comité rend public un avis sur la façon dont elles ont été suivies. Vraisemblablement, cet avis de suivi figurera dans l’avis annuel suivant.

Si les recommandations du Comité de suivi ne constituent pas une injonction au Gouvernement, elles s’imposeront, compte tenu de la composition et de l’importance des missions du comité, comme un élément essentiel du débat public, afin d’éviter que les réformes nécessaires ne soient ajournées.

Toutefois, ces recommandations sont étroitement encadrées par la loi.

 L’encadrement des recommandations du Comité de suivi

Les III et IV de l’article L. 114-4 encadrent les recommandations que peut formuler le Comité de suivi. Le III indique le type de recommandations que le Comité peut émettre, sans que cette liste soit limitative :

– l’évolution de la durée d’assurance requise pour une pension au taux plein, en tenant compte de l’espérance de vie et de la durée de la retraite ; votre commission a ajouté les critères de l’espérance de vie sans incapacité, du niveau de la population active et de la productivité ; le Comité pourra donc recommander de modifier le calendrier d’allongement de la durée d’assurance prévu à l’article 2 du présent projet de loi, dans un sens comme dans l’autre ;

– les transferts du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) vers les régimes de retraite au regard d’éventuels écarts de trajectoire financière ;

– le niveau des taux de cotisation d’assurance vieillesse de base et complémentaire, dans les conditions prévues au IV ;

– votre commission a ajouté la possibilité pour le Comité de recommander l’affectation d’autres ressources au système de retraites, notamment pour financer les prestations non contributives.

Elle a également prévu qu’en cas d’amélioration de la situation économique ou démographique, le Comité pourrait recommander de prendre des mesures renforçant la solidarité du système de retraite.

Les leviers de la durée d’assurance et du taux de cotisation répondent plutôt à des problèmes structurels, tandis que le recours aux réserves du FRR serait réservé à l’absorption d’écarts conjoncturels.

Le IV de l’article L. 114-4 fixe des bornes aux recommandations du Comité, qui seront limitées par un plafond et un plancher ; ainsi, elles ne pourront tendre à :

– augmenter les taux de cotisation d’assurance vieillesse, de base et complémentaires, au-delà de bornes déterminées par décret ; à ce stade, le Gouvernement n’a pas indiqué les limites qu’il entendait fixer ;

– réduire le taux de remplacement assuré par les pensions en deçà d’une limite fixée par décret. L’étude d’impact indique que le taux de remplacement de référence sera construit sur le fondement d’un ou plusieurs cas-types, inspirés en particulier des travaux du Conseil d’orientation des retraites. Le décret d’application devra clarifier ce que l’on entend par « taux de remplacement » : s’agit-il du rapport entre le montant moyen des pensions et le montant moyen des revenus des actifs ? Ou bien le dénominateur est-il le dernier salaire perçu avant liquidation de la pension ? S’agit-il d’un taux par régime ?

Ce « tunnel » à l’intérieur duquel évoluent les recommandations vise à assurer une répartition équitable de l’effort de redressement entre les actifs et les retraités.

Si la conjoncture économique s’améliorait au-delà de la prévision, et que de ce fait les régimes de retraite retrouvaient un niveau élevé de recettes, le Comité de suivi pourrait proposer des mesures favorables, par exemple une baisse du taux de cotisations ou une réindexation temporaire des pensions ou des salaires portés au compte sur les salaires.

Les recommandations du Comité de suivi des retraites pourront porter sur l’utilisation des réserves du FRR, si l’écart par rapport à la trajectoire de redressement financier est dû à une dégradation économique conjoncturelle.

En conséquence, le IV du présent article modifie l’article L. 135-6 du code de la sécurité sociale relatif aux missions du Fonds de réserve pour les retraites, en le scindant en trois paragraphes :

– le paragraphe I concerne la mission permanente du FRR de constitution de réserves au profit des régimes obligatoires de retraite et du Fonds de solidarité vieillesse, ainsi que les versements annuels de 2,1 milliards d’euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) prévus par la loi du 9 novembre 2010 en contrepartie de la reprise par cette caisse des déficits de la CNAV jusqu’en 2018 ; le principe et le rythme de ces décaissements ne sont pas modifiés par le présent projet de loi ;

– au paragraphe III sont précisées les conditions de la gestion par le FRR de la « soulte » due par les entreprises électriques et gazières à la CNAV en raison de l’adossement de la Caisse nationale des industries électriques et gazières au régime général ;

– il est créé un paragraphe II consacré au recours éventuel au FRR pour corriger les écarts conjoncturels : les engagements prévus au I sont sanctuarisés, mais les réserves qui les excèdent pourront être affectées par une loi de financement de la sécurité sociale pour corriger des déséquilibres conjoncturels des régimes obligatoires ou du FSV, notamment ceux qui auraient été identifiés par le Comité de suivi des retraites. De ce fait, le FRR retrouve sa mission principale de fonds d’équilibrage des régimes, telle que conçue par le législateur en 1999 (33).

Votre rapporteur souhaite que ces transferts des réserves du FRR soient limités et prévisibles, afin que le Fonds puisse continuer à effectuer des placements à long terme et faire fructifier le capital qui lui a été confié. Il conviendra donc que le décret d’application encadre strictement ces recours au FRR.

*

La Commission examine les amendements AS 88 de M. Arnaud Robinet, AS 240 de Mme Jacqueline Fraysse et AS 331 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l’article.

M. Arnaud Robinet. Au lieu de tirer le meilleur parti de celles qui existent déjà, cet article crée une nouvelle instance consultative dont rien ne justifie l’existence, le comité de surveillance des retraites dont la composition est en outre incomplète : elle devrait au moins faire une place aux représentants des régimes de retraite.

Mieux vaudrait donner une nouvelle impulsion au comité de pilotage des retraites (COPILOR), qui a le mérite d’associer l’ensemble des acteurs prenant en charge le risque vieillesse – il serait d’ailleurs possible d’élargir dans le même esprit les missions du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie, actuellement placé auprès de la Commission des comptes de la sécurité sociale, pour ajouter à ses compétences le suivi des dépenses d’assurance vieillesse : il lui reviendrait alors d’alerter le Gouvernement et le Parlement en cas d’évolution défavorable de ces comptes.

Faut-il aussi rappeler qu’en 2010, Mme la ministre s’opposait à la création de toute nouvelle instance de pilotage, pour préserver le Conseil d’orientation des retraites (COR) ?

Mme Jacqueline Fraysse. Le comité de surveillance des retraites qu’il nous est proposé de créer par cet article 3 sera une instance très technocratique : constitué d’experts nommés par le Gouvernement et dont l’indépendance sera donc toute relative, il sera principalement chargé d’édicter des recommandations à caractère technique en vue d’assurer ce que vous appelez la pérennité financière du système. Mais cette pérennité dépend en réalité de choix politiques, portant sur la durée d’assurance, sur le niveau des cotisations et sur le taux de remplacement. Aussi demandons-nous la suppression de cet article : nous disposons déjà de tous les outils utiles pour réfléchir à l’avenir des retraites et pour proposer le cas échéant des modifications du système.

M. Dominique Tian. Mon amendement est identique. Je reprends à mon compte les arguments développés par M. Robinet.

M. Michel Issindou, rapporteur. Le COPILOR a eu une existence éphémère si tant est qu’il ait existé : institué par la loi de 2010, il ne s’est réuni qu’une seule fois – en 2011 – et n’a rendu aucun avis. Je m’étonne donc que vous défendiez une instance que vous n’avez pas su ou pas voulu faire vivre.

Il faut dire que sa composition avait l’inconvénient de reproduire à peu de chose près celle du COR. Celle du comité de surveillance des retraites sera plus restreinte puisqu’il ne comprendra que des experts, à la différence du COR où siègent en outre, parmi ses 39 membres, des représentants des organisations de salariés et d’employeurs aussi bien que de l’administration. De plus, ce comité n’aura pas vocation à animer le débat. Même si celle des experts n’est pas toujours assurée, il jouira ainsi d’une indépendance lui permettant de se situer « au-dessus de la mêlée » et de porter un regard objectif sur la situation. Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression.

M. Jean-Pierre Door. Cet article n’est ni plus ni moins qu’une mesure de « détricotage » de la loi de 2010. On remplace un comité par un autre, alors qu’il serait bien plus simple d’élargir les missions de celui qui est déjà en place !

M. Bernard Accoyer. La création de ce comité de surveillance va-t-elle au moins de pair avec la suppression d’autres instances ? Nous avons trop tendance à multiplier les nouvelles structures sans supprimer celles qu’elles remplacent.

Mme Véronique Louwagie. Le Premier ministre a réuni cet été tous les membres du Gouvernement pour un nouveau comité interministériel consacré à la modernisation de l’action publique, dont l’objectif était de simplifier en vue de faire des économies. En décembre 2012, il avait annoncé la suppression de cent commissions administratives jugées inutiles. Bref, il prétendait « faire le ménage » dans le maquis des commissions, comités consultatifs et autres conseils stratégiques. La création du comité de surveillance va au rebours de ce discours !

J’avoue d’autre part ne pas comprendre la position du rapporteur, qui s’est opposé hier à un amendement qui proposait de mener une réflexion nationale sur un certain nombre de sujets allant des conditions d’une plus grande équité à la mise en place d’un régime universel ou encore à la facilitation du libre choix des assurés, réflexion qui aurait été portée par le COPILOR.

M. Denis Jacquat. Je siège au COR depuis sa création et j’ai siégé au COPILOR. En cette ère de la simplification, je pense sincèrement que la proposition de M. Robinet – qui consiste à donner de nouvelles prérogatives aux instances existantes – est la meilleure.

M. Dominique Dord. Comme l’a dit M. Accoyer, nous ne cessons de créer des autorités et des commissions en tout genre. Il m’avait pourtant semblé que l’on nous avait annoncé un choc de simplification. La session ordinaire commence mal !

M. le rapporteur. Le COR n’a pas vocation à rendre des arbitrages : sa mission est de poser un diagnostic. Les syndicats qui y siègent nous ont dit clairement qu’ils ne souhaitaient pas sortir de ce rôle pour prendre des décisions. C’est d’ailleurs pour cela que cette instance fonctionne bien.

Quant au COPILOR, il n’existe tout simplement pas ! Nous allons donc le remplacer par un comité de surveillance beaucoup plus réduit puisqu’il ne comportera que cinq membres, qui s’appuieront sur les travaux du COR ou de la direction de la sécurité sociale pour donner un avis – car il ne s’agit que d’un avis, madame Fraysse, et il serait tout de même dommage de se priver de l’expertise dont nous disposons dans notre pays. Cet avis pourra être suivi de recommandations, mais l’État gardera son pouvoir de décision. Il n’y a donc pas lieu de redouter la création de ce comité.

Encore une fois, le COPILOR n’a pas fonctionné : il ne s’est réuni qu’une seule fois en trois ans.

M. Denis Jacquat. Deux fois.

M. le rapporteur. Cela prouve en tout cas qu’il souffrait d’un vice de conception.

M. Christian Paul. Je suis surpris que l’opposition s’acharne à refuser tout pilotage. Si vous aviez fait une vraie réforme des retraites au lieu de vous contenter d’une adaptation financière de court terme qui révèle aujourd’hui son insuffisance, vous auriez certainement souhaité disposer d’une instance de suivi à même d’éclairer par ses conseils le Gouvernement et le Parlement sur l’ensemble des éléments et des paramètres à prendre en compte pour une saine gestion du système de retraites. C’est justement ce à quoi tend cet article. Il est légitime de poser la question de la place des « sages » dans une démocratie mais, en l’occurrence, le dernier mot reviendra au Parlement. N’ayez donc pas peur du pilotage !

M. Denis Jacquat. Si l’on vise la simplification, le COR et le cabinet du ministre devraient suffire.

M. le rapporteur. Nous ne supprimons pas seulement le COPILOR, mais aussi la commission de garantie des retraites, et cela pour créer une instance plus modeste. Il y a donc bien simplification !

La Commission rejette les amendements de suppression.

Puis elle examine, en discussion commune, l’amendement AS 201 de M. Philippe Vigier et les amendements identiques AS 89 de M. Arnaud Robinet et AS 360 de M. Dominique Tian.

M. Philippe Vigier. Il importe de tailler dans le maquis des agences, commissions, comités consultatifs et autres conseils stratégiques. Pourquoi ne pas renforcer le rôle et les attributions du COR, auteur de deux rapports – l’un en décembre 2012 et l’autre en janvier 2013 – qui ont permis d’alerter la représentation nationale et le Gouvernement sur la nécessité de mesures ? C’est ce que propose notre amendement AS 201, qui vise à supprimer au profit du COR le comité de surveillance que vous créez. Il ne s’agit pas de déposséder le Parlement, mais d’élargir les prérogatives du Conseil d’orientation et de lui assigner pour mission d’éclairer le Gouvernement et la représentation nationale. Cela permettrait de concilier simplification, efficacité et exigence de représentativité.

M. Arnaud Robinet. Comme aime à le rappeler la Garde des Sceaux, la loi doit être respectée. Or celle du 9 novembre 2010, portant réforme des retraites, a fixé à l’année 2013 le début de la réflexion sur les conditions d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse, permettant par exemple de passer à un régime par points. Le Gouvernement nous soumet aujourd’hui un nouveau texte au mépris du rendez-vous ainsi fixé. Nos concitoyens attendent pourtant, très légitimement, que nous réduisions le nombre des régimes ainsi que les différences dans les conditions d’acquisition et de liquidation des droits à pension. L’objectif de pérennité financière doit aller de pair avec un objectif d’équité et de transparence des droits acquis. Il est donc indispensable de poursuivre le rapprochement des régimes afin de consolider le pacte social.

M. Dominique Tian. Mon amendement AS 360, identique, se justifie par les mêmes arguments.

M. Bernard Perrut. Comme il vient d’être dit, le présent projet de loi ne reprend pas les termes de l’engagement de la loi de 2010, qui prévoyait l’organisation d’une réflexion nationale sur les objectifs, les caractéristiques et la possibilité d’une réforme systémique. Il serait pourtant salutaire de réfléchir aux conditions d’une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires, à la mise en place d’un régime universel, par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations, et enfin aux moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d’activité. Le texte aurait dû nous permettre d’avancer dans cette direction.

M. Denis Jacquat. L’amendement de M. Vigier est d’autant plus pertinent que le maintien du COR a toujours fait l’objet de votes unanimes en commission des affaires sociales. Le renforcement de son rôle serait la solution la plus judicieuse.

M. Michel Liebgott. Je note avec amusement que l’exposé sommaire de l’amendement de M. Robinet parle à propos de ce texte de « nouvelle réforme », alors que l’opposition n’a de cesse de lui dénier cette qualité. Oui, il s’agit bien d’une véritable réforme, qui se fonde sur un souci d’équité – contrairement à celle qui l’a précédée, qui ne prenait en compte que l’invalidité, et non la pénibilité.

Enfin, je fais observer que le COR ne disparaît pas, ce qui nous permet de lui adjoindre un dispositif qui le complétera utilement.

M. le rapporteur. Ne rouvrons pas le débat d’hier soir. Pour l’heure, nous avons le souci de rétablir les comptes et de procéder à une réforme juste et équitable. La réforme systémique viendra en son temps.

Laissons donc au COR, qui la remplit parfaitement aujourd’hui, sa mission qui est de poser un diagnostic, de dresser un état des lieux. Encore une fois, ses membres ne veulent pas prendre de décisions. Sa composition suffirait d’ailleurs à l’interdire, les syndicats ne souhaitant pas négocier la réforme des retraites. Le comité de surveillance remplira une autre mission, complémentaire en effet.

Mme Véronique Louwagie. L’article 3 assigne au comité de surveillance des retraites un quadruple rôle : un rôle de communication, un rôle d’information sur l’évolution du système, un rôle d’analyse – par exemple de la situation comparée des hommes et des femmes – et un rôle d’avis. Mais il ne va pas jusqu’au bout. Pourquoi ne pas conduire une réflexion plus globale, qui serait bien nécessaire pour assurer l’avenir de notre système de retraites ? Il est regrettable que ce ne soit pas le cas.

La Commission rejette successivement l’amendement AS 201 et les amendements identiques AS 89 et AS 360.

Elle est saisie de l’amendement AS 399 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement rédactionnel sert un objectif d’information.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 199 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Jean-Luc Préel, qui fut longtemps un membre très actif de notre Commission, proposait à chaque réforme des retraites de mettre en œuvre un régime universel par points. Avec cet amendement, nous nous inscrivons dans la continuité de cette démarche et je suis heureux de voir le groupe UMP nous rejoindre, après avoir accepté, en 2010, notre amendement visant à engager la réflexion sur une réforme systémique. J’espère qu’un jour la majorité se ralliera à son tour à cette position !

Notre amendement propose d’aller un peu plus loin que la loi de 2010, en chargeant le COR de réfléchir aux « conditions de mise en œuvre d’un régime universel à points ou à compte notionnel ».

M. le rapporteur. Le COR a émis en 2010 un avis sur les différents systèmes de la sorte existant en Europe. Il a donc fait son travail d’expertise et de diagnostic. Il appartiendra au politique de se prononcer un jour – mais certainement pas dans l’immédiat. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission en vient à l’amendement AS 40 de M. Gérard Cherpion.

M. Bernard Perrut. Nous avons déjà dans notre pays environ 700 commissions, comités, observatoires ou hauts conseils : on peut donc s’interroger sur l’opportunité de créer ce comité de surveillance des retraites. Nous préférerions que les missions que vous voulez lui confier le soient plutôt au COR, qui est « un lieu permanent d’études et de concertation entre les principaux acteurs du champ des retraites ». Nous proposons donc de supprimer les alinéas 3 à 28.

M. le rapporteur. Je répète que le COR ne peut être une instance de proposition. Laissons-le faire ce qu’il sait bien faire : diagnostics et état des lieux. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS 485 de la commission des finances et AS 282 et AS 283 de M. Gérard Sebaoun.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. L’amendement AS 485 tend à faire du comité de surveillance un « conseil d’évaluation et d’orientation stratégique ». Cet organisme aura en effet pour mission de suivre l’évolution financière de l’ensemble des régimes ainsi que l’évolution des inégalités et des dispositifs, et il aura à suggérer des orientations.

M. Gérard Sebaoun. Mes amendements visent à faire de cette instance un « comité de suivi », plutôt que de surveillance. Ce dernier terme suggère en effet, assez souvent, une notion d’activité secrète : on parle de télésurveillance, de vidéosurveillance, de surveillance électronique. La dénomination proposée est plus simple et correspond bien aux missions confiées au comité : suivre les régimes de retraite en s’aidant de toutes les compétences nécessaires, afin de formuler les meilleures propositions possibles.

M. Denis Jacquat. Je suis surpris par ces amendements : les compétences évoquées se superposent à certaines de celles du COR, ce qui pourrait annoncer le début de la fin pour ce dernier !

M. Dominique Dord. Je voterai en faveur des amendements de M. Sebaoun, qui me paraissent emporter la conviction.

M. Christian Paul. Merci de ce prompt renfort !

On peut partager certains attendus du rapporteur pour avis, mais la dénomination de comité de suivi nous paraît à la fois nécessaire et suffisante.

M. Arnaud Robinet. Je trouve l’amendement du rapporteur pour avis très intéressant, car il va dans le sens d’une rationalisation des comités et conseils. Il conduira en effet nécessairement à un moment donné à la mort du COR.

M. le rapporteur pour avis. Je ne peux retirer cet amendement, qui a été adopté par la commission des finances, mais, ayant entendu M. Paul, je me rallie à titre personnel à la proposition de M. Sebaoun.

M. Philippe Vigier. Nous soutiendrons l’amendement du rapporteur pour avis, qui nous semble aller dans le bon sens. Il faut mettre un terme à cet enchevêtrement de commissions – le comité de pilotage, le comité de surveillance, le COR… Si vous aviez accepté d’élargir les compétences du COR, vous n’en seriez pas maintenant à démêler ce que doit être votre position !

M. Arnaud Robinet. Nous voterons également l’amendement AS 485.

M. le rapporteur. Avis défavorable sur l’amendement du rapporteur pour avis, d’autant que lui-même n’y tient pas – et que vous le reprenez à votre compte ! Je suis en revanche favorable aux amendements de M. Sebaoun : l’appellation « comité de suivi » est pertinente.

M. Arnaud Richard. Nous pourrions profiter de la présence de Mme la ministre pour lui demander son avis.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Laissez la présidente présider !

M. Denis Jacquat. Si je comprends bien, tout ce que nous proposons est mauvais !

La Commission rejette l’amendement AS 485, puis adopte successivement les amendements AS 282 et AS 283.

Elle adopte l’amendement AS 400 rédactionnel du rapporteur.

M. Denis Jacquat. Vous avez beaucoup d’amendements rédactionnels, monsieur le rapporteur !

Mme la présidente Catherine Lemorton. On finirait presque par prendre les habitudes qui étaient les vôtres quand vous étiez dans la majorité !

L’adoption de l’amendement AS 400 a pour effet de faire tomber les amendements AS 129 de M. Jean-Noël Carpentier et AS 41 rectifié de M. Gérard Cherpion.

M. Jean-Noël Carpentier. Pourquoi ?

M. le rapporteur. L’adoption de l’amendement AS 400 prive le vôtre, ainsi que celui de M. Cherpion, de tout support. Je note en outre qu’à la place des mots « quatre personnalités », supprimés, vous souhaitiez écrire : « huit personnalités »…

Mme la présidente Catherine Lemorton. D’autre part, le décret d’application précisera les conditions de mise en œuvre de cette disposition.

M. Jean-Noël Carpentier. Je proposais un amendement de fond. Le comité de suivi sera amené à faire des recommandations. Or vous avez reconnu tout à l’heure, monsieur le rapporteur, que les experts n’étaient pas toujours indépendants : intégrons donc dans sa composition des membres de la représentation nationale ! Cela me paraît d’autant plus judicieux que, selon votre rapport, ces recommandations « s’imposeront (…) comme un élément essentiel du débat public ».

Mme la présidente Catherine Lemorton. On ne peut modifier deux fois la même phrase.

M. le rapporteur. En effet. De plus, on ne peut prétendre instituer un comité d’experts indépendants et nommer en son sein des politiques.

M. Dominique Dord. Je ne pense pas que l’amendement de M. Carpentier tombe ; il tend à améliorer la rédaction proposée par le rapporteur.

Je suis d’autre part choqué qu’on laisse entendre que nous ne serions ni experts ni indépendants : certains députés sont au moins autant experts que les experts attitrés et ils sont totalement indépendants ! L’amendement a tout son sens.

Mme Véronique Louwagie. Ces amendements tendent à regrouper, dans un esprit de consensus, des personnes d’origines différentes – dont, s’agissant du second, une nommée par le président de l’Assemblée nationale et une autre par celui du Sénat. Ils sont parfaitement justifiés.

M. Gérard Sebaoun. Le comité de suivi ne doit pas ressembler à une sorte de commission paritaire, où seraient représentés tous nos groupes politiques. Sa neutralité, qui lui est conférée par la présence d’experts indépendants, est la condition pour qu’il fasse les recommandations les plus objectives possibles.

M. Christian Paul. Il faut essayer de s’en tenir à des idées simples et claires et le projet du Gouvernement va d’ailleurs dans ce sens. Le travail de recommandation, de conseil et de suivi doit être mené par des experts, même si je ne crois pas à l’indépendance absolue de ceux-ci. Ce serait une confusion des genres d’ajouter à cette instance des parlementaires, qui sont engagés et font parfois des choix très tranchés – à l’image du dernier ouvrage de M. Robinet, intitulé La mort de l’État-providence, dont je viens de prendre connaissance. Cela étant, le dernier mot doit naturellement revenir au Parlement, comme défenseur de l’intérêt général.

M. Jean-Noël Carpentier. Je précise que mon amendement différait de celui de M. Cherpion, en ce que je ne proposais pas de supprimer les experts du comité, mais d’enrichir leur réflexion grâce à l’adjonction de deux parlementaires de chaque assemblée.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 332 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Il est choquant de renvoyer à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les missions du comité. Je pense que le texte doit affirmer expressément que celui-ci a pour fonction de s’assurer d’une réelle convergence des règles en vigueur dans les régimes de retraite – selon le principe : à contribution égale, retraite égale – ainsi que de l’équilibre financier, à terme, du système de retraite.

M. le rapporteur. Le comité de suivi aura bien évidemment pour mission de suivre l’évolution des retraites dans tous les régimes et de s’assurer des équilibres globaux de ceux-ci, ainsi que de l’équilibre financier à terme du système de retraite. Cela fait partie de ses attributions et il est inutile d’en rajouter.

M. Philippe Vigier. Je ne vous comprends pas : en quoi est-il gênant de préciser que ce comité s’assure de l’équilibre financier du système ? Vous dites qu’il ne faut pas retirer au Parlement ses prérogatives : or il nous revient de faire en sorte que cet organe soit exigeant dans son travail et rende des comptes à la représentation nationale.

Mme Véronique Louwagie. La définition des missions du comité, qui est l’élément le plus important, doit être précisée par le projet de loi. Renvoyer à un décret en Conseil d’État le soin de le faire ne me paraît pas pertinent, surtout quand on connaît les délais de publication de ces textes réglementaires.

La Commission rejette l’amendement AS 332.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 401 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AS 284 de Mme Linda Gourjade.

Mme Linda Gourjade. Cet amendement tend à rappeler la mission première du Conseil d’orientation des retraites, qui est notamment de prendre en considération les évolutions économiques dans ses projections financières.

M. le rapporteur. Avis favorable. Cette précision a tout son sens, le comité de suivi devant s’appuyer sur les perspectives financières et démographiques présentées par le COR.

M. Denis Jacquat. Cet amendement va « détricoter » le COR, instance de réflexion produisant à la fois des analyses et des suggestions qu’il convient de conserver comme telle. On aura finalement deux organismes qui se ressembleront et le comité de suivi semble créé pour faire plaisir à certains ou pour y placer ceux qui n’ont pu trouver place au Conseil d’orientation !

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Jacquat, vous connaissez bien le COR pour y avoir siégé quelques années, comme moi d’ailleurs – pendant près de dix ans. Il s’agit d’un organe ayant pour mission d’établir un diagnostic partagé, et où siègent des représentants des partenaires sociaux et des caisses, ainsi que des experts. Il rend un rapport annuel et des rapports intermédiaires, mais jamais on ne lui a demandé des recommandations – à une exception près : en 2010, vos amis de l’ancienne majorité l’ont sollicité pour qu’il formule des orientations pour une réforme, mais il s’y est refusé à l’unanimité, son directeur faisant valoir que cette instance n’avait pas vocation à se substituer à l’Assemblée nationale ou au Gouvernement. Il doit rester tel que l’a créé Lionel Jospin : un lieu de débat ouvert, à partir des données fournies par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), par l’INSEE ou par tout autre organisme.

Quant au comité de suivi, il sera composé de représentants des caisses et aura pour mission de nous éclairer sur les problématiques financières et sur les paramètres à prendre en compte en matière d’espérance de vie et d’équilibres financiers, ainsi que de faire des propositions. Ces deux structures sont donc bien distinctes : le pire serait de laisser croire qu’elles ont la même vocation. Et, de la même manière que vous avez salué la création du COR, je suis convaincu que dans quelques années, vous saluerez celle du comité de suivi !

M. Denis Jacquat. Monsieur le rapporteur pour avis, il est vrai que le COR a été sollicité pour qu’il se prononce sur la demi-part accordée aux veuves, mais le Gouvernement lui a également adressé l’année dernière, en vue de préparer le présent projet, une double commande pour faire le point sur la situation des retraites – ce dont personne ne s’est plaint. Les missions du COR peuvent donc très bien être élargies. Nous n’y sommes d’ailleurs pas opposés, mais nous refusons la création d’une nouvelle instance.

Mme Linda Gourjade. Je suis en désaccord avec vous. Cet amendement renforce le COR puisqu’il permet au comité de suivi de s’appuyer plus largement sur le diagnostic élaboré par ce dernier.

La Commission adopte l’amendement AS 284.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 402 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AS 24 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Le système français des retraites a fait régulièrement l’objet de réformes, et celles menées par les gouvernements de la droite et du centre ont permis d’économiser un peu plus de 120 milliards d’euros. Sans la réforme de 2010, le déficit ne serait pas de 20 milliards d’euros, mais de 50 !

Cela dit, ces réformes sont relativement anxiogènes pour nos concitoyens. Ils ont le sentiment que notre système de retraites est si opaque qu’ils ne peuvent en maîtriser les règles. De plus, la qualité du service rendu est très variable selon les organismes de retraite, alors qu’il est essentiel qu’elle soit identique pour tous. Tant qu’on n’aura pas le courage de procéder à une réforme systémique, cette opacité demeurera. Les différents régimes doivent offrir à chacun, tout au long de sa vie professionnelle, les moyens de prendre les bonnes décisions pour bénéficier de la meilleure retraite possible. Afin d’évaluer les progrès réalisés dans ce domaine, le comité de suivi devrait donc s’assurer de la qualité des services rendus aux usagers par les organismes chargés de la gestion des régimes de retraite légalement obligatoires, ainsi que par les services de l’État chargés de la liquidation des pensions.

M. le rapporteur. Ce n’est pas le rôle du comité de suivi. L’information de l’usager, qui est en effet importante, s’est fortement améliorée ces derniers temps. Le GIP Info Retraite a fait un excellent travail. Ceux qui ont atteint l’âge de 35 ans ont bénéficié de premières informations sur leur future retraite et ceux qui ont eu 55 ans ont reçu un décompte approximatif de leur pension à venir. Nous allons encore renforcer cette information des usagers par d’autres dispositions du projet de loi, notamment grâce à la création d’un GIP interrégimes, qui contribuera à lever les barrières entre nos 35 régimes.

Mme Véronique Louwagie. Les Français ont en effet des inquiétudes quant à leur retraite : on observe une méconnaissance des dispositifs et les évolutions législatives alimentent leurs craintes. Il serait donc important d’évaluer notre système d’information et de communication. Le refuser me paraît une erreur.

M. Philippe Vigier. Cet amendement est intéressant. Le rapporteur a insisté sur la nécessité d’avoir un système plus transparent et lisible : or il est vrai que le calcul de la retraite est assez anxiogène pour nos compatriotes. Comme on sait qu’avec ce texte, nous n’aurons pas le régime unifié que nous appelons de nos vœux, pourquoi ne pas accepter davantage de transparence et refuser de mesurer si l’indice de satisfaction de nos concitoyens s’améliore ? Vous vous privez d’une arme en refusant cet amendement ! Je rappelle que seulement 30 % des Français ont confiance dans le mode de calcul de leur pension et comprennent le fonctionnement du régime de retraite auquel ils sont rattachés.

M. le rapporteur. Le GIP Info Retraite est plébiscité par l’ensemble de nos concitoyens, qui trouvent les informations qu’il délivre tout à fait remarquables. En outre, je suis persuadé qu’il est capable de s’autoévaluer pour améliorer le cas échéant ce qui doit l’être.

La Commission rejette l’amendement AS 24.

Elle est saisie de l’amendement rédactionnel AS 403 du rapporteur.

M. le rapporteur. Mentionnons les femmes avant les hommes – pour respecter l’ordre alphabétique ! (Sourires.)

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 107 de M. Pouria Amirshahi.

M. Pouria Amirshahi. Il s’agit d’un amendement pédagogique, destiné à faire mieux comprendre – et mieux prendre en compte – les difficultés auxquelles se heurtent nos compatriotes établis hors de France. Ceux-ci peuvent avoir eu des activités dans différents pays : or, au moment de la retraite, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) refuse, pour le calcul de leur pension, d’appliquer cumulativement les droits ouverts par les conventions bilatérales de sécurité sociale passées avec la France. Il est donc nécessaire que, dans son rapport, le comité de suivi analyse aussi les raisons et les conséquences de cette impossibilité de bénéficier des droits résultant de la totalité des périodes d’activité à l’étranger. En général, le cumul est limité à deux périodes car la CNAV ne prend en compte que deux conventions au plus. Je précise que la situation diffère selon que nos compatriotes résidaient dans l’Union européenne ou au dehors, mais nous avons tenu, à plusieurs députés des Français établis hors de France, représentant ces deux catégories, à appeler votre attention sur cette question.

Je rappelle que 2,5 millions de Français vivent en dehors de notre pays, ce qui est exceptionnel – tous les pays ne peuvent se prévaloir d’une diaspora aussi importante. Ces expatriés sont loin d’être tous des « évadés fiscaux » et nous avons tout intérêt à les soutenir car ils contribuent à notre rayonnement international, qu’ils soient cadres dans une entreprise ou au service d’une administration. Il est nécessaire d’encourager cette mobilité en prenant en compte, le moment venu, la totalité de leur carrière professionnelle, même si les législations du travail diffèrent d’un pays à l’autre. Nous souhaitons donc réunir les conditions pour que la CNAV accepte le cumul des conventions bilatérales.

M. Denis Jacquat. Le problème soulevé dans cet amendement est réel mais renvoie à deux cas distincts, selon que les pays de résidence ont ou non signé des accords bilatéraux avec la France. Dans le premier cas, la difficulté – relevée par le conseil de surveillance de la CNAV lorsque j’y siégeais – vient de l’extrême diversité de ces conventions, d’où un imbroglio juridique qui conduit à ce que nos compatriotes ayant travaillé et cotisé à l’étranger se voient refuser, une fois de retour dans notre pays, le bénéfice de la retraite à laquelle ils ont droit, ou doivent attendre de longues années avant de l’obtenir. Dans le deuxième cas, le problème tient à ce que nos compatriotes qui ont travaillé dans des entreprises françaises situées à l’étranger se voient appliquer le droit social local. Quoi qu’il en soit, tous méritent toute notre attention car ils se sentent totalement abandonnés, d’autant qu’après avoir perçu un salaire tout à fait correct du fait de leur éloignement, ils se retrouvent dans la misère.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement et les précédents visent à étendre la liste des missions du comité de suivi telles qu’elles figurent déjà aux alinéas 9 à 11 de l’article 3. N’est-ce pas incohérent avec l’alinéa 8, qui renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser ces missions ?

M. le rapporteur pour avis. Il convient de laisser le comité de suivi travailler sur tous les sujets. La pire des choses serait que la loi, se substituant au règlement, précise l’essentiel de ce que doit contenir le décret. Cela étant, Pouria Amirshahi soulève ici un réel problème. La commission des finances a d’ailleurs adopté un amendement portant article additionnel après l’article 29 qui prévoit la remise d’un rapport au Parlement détaillant les conditions d’application des conventions bilatérales existantes en matière de retraite et évaluant leur mise en œuvre pour les Français ayants droit de systèmes étrangers dès lors qu’ils ne résident plus dans le pays concerné. Comme l’a très justement rappelé Denis Jacquat, la difficulté réside dans le fait que plusieurs États n’appliquent pas le principe de réciprocité pour l’accès aux droits à la retraite, certains allant jusqu’à ne pas verser de pension de retraite aux cotisants qui quittent leur territoire. Il nous faut donc disposer d’un rapport complet sur le sujet – comme le prévoit notre amendement – et faire en sorte que les États concernés appliquent le principe de réciprocité de telle sorte que chacun puisse bénéficier d’une pension de retraite quel que soit le lieu où il aura travaillé. Ce problème – qui ne touche pas les expatriés puisqu’ils relèvent du régime général – concerne 2,5 millions de Français partis travailler à l’étranger dans des entreprises privées mais aussi, pour certains, dans le secteur public – par exemple les Français ayant enseigné en Australie.

M. Dominique Tian. Le sujet est complexe : il importe en effet de connaître la réalité des montants cotisés et de déterminer pourquoi il reviendrait au système de retraites français de financer les pensions correspondantes. Nous avons d’ailleurs rédigé un rapport faisant état des fraudes documentaires et des problèmes d’identité et de reconstitution des carrières longues des Français ayant cotisé à l’étranger. À cette occasion, nous avons rencontré – chose étonnante – des personnes ayant commencé à cotiser à l’âge de deux ou quatre ans ! Si la question n’a pu être réglée jusqu’à présent, c’est qu’il est fort difficile de vérifier la véracité des versements effectués à l’étranger par les entreprises. Un tel système risquant d’alimenter la fraude, je vous incite à la prudence.

M. le rapporteur. M. Amirshahi soulève une vraie question : celle de la difficulté à faire valider le temps de travail effectué à l’étranger. Or il convient d’encourager les Français à aller travailler au-delà de nos frontières, et il faut par conséquent que nous disposions d’une véritable connaissance du sujet. Je suggère donc à notre collègue de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport à cet effet. Cela étant, le comité de suivi n’a pas à examiner des questions juridiques qui doivent plutôt être traitées dans des lois à venir, en sorte que ces Français qui nous représentent à l’étranger puissent faire valider leurs droits à retraite.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Si la question soulevée par Pouria Amirshahi est très importante, l’avis du rapporteur me paraît sage. En effet, on ne peut charger le comité de suivi d’examiner des situations particulières. Le sujet est complexe : il s’agit d’éviter que des conventions bilatérales ne se transforment en accords multilatéraux de fait. En effet, si la France a conclu des accords bilatéraux avec plusieurs pays, ces derniers ne souhaitent pas forcément se retrouver liés par un accord entre eux par l’intermédiaire de la France. Il nous appartient donc de voir comment simplifier la situation de nos ressortissants à l’étranger, alors même qu’aujourd’hui, c’est la convention la plus favorable qui leur est appliquée. Je serais donc favorable à ce que le COR consacre un rapport spécifique à cette question.

M. Denis Jacquat. Il me paraîtrait préférable d’adopter cet amendement comme un amendement d’appel, quitte à ce que la majorité le retire s’il s’avère que celui de la commission des finances après l’article 29 peut faire évoluer la situation plus rapidement.

Mme la ministre. J’ajoute que nous faisons en sorte de pouvoir signer le plus de conventions possible avec les pays où travaillent des ressortissants français – nous l’avons fait récemment avec le Brésil et avons engagé une concertation avec le Pérou – de manière à éviter que ceux-ci ne se retrouvent à travailler pendant de longues périodes dans des pays avec lesquels nous n’avons conclu aucun accord – ce qui est malheureusement encore le cas, y compris avec des pays très importants.

La Commission rejette l’amendement AS 107.

Elle adopte ensuite, successivement, les amendements rédactionnels AS 405 et AS 404 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AS 137 de Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Si le comité de suivi a pour mission de réfléchir aux prévisions de financement et aux paramètres d’évolution de notre système de retraite, il nous paraît important que le législateur affirme clairement l’orientation que doivent prendre certaines de ses recommandations, en particulier celles qui concernent l’évolution de la durée d’assurance. En effet, la rédaction actuelle de l’alinéa 16 revient à n’admettre que des évolutions à la hausse de cette durée – supérieures, par conséquent, à celle que prévoit l’article 2 adopté hier. Cela pose problème, non seulement pour les raisons évoquées hier dans le cadre du débat sur l’allongement de la durée de cotisation, mais aussi parce que l’espérance de vie sans invalidité n’a pas augmenté depuis 2006. Il importe donc de préciser que, si l’évolution de la durée d’assurance doit faire l’objet de recommandations du comité de suivi, celles-ci ne pourront être orientées qu’à la baisse, en fonction notamment des évolutions du contexte économique.

M. le rapporteur. Je comprends votre position. Cependant, dans la mesure où nous ignorons quelle sera la situation future, le comité de suivi doit être en mesure de réfléchir aussi bien à l’opportunité d’un allongement qu’à celle d’un raccourcissement de la durée d’assurance. Nous avons la certitude que, l’article 2 du projet de loi fixant la règle applicable jusqu’en 2035 – soit pendant une vingtaine d’années –, seul le législateur pourra la modifier. Le comité doit cependant conserver la possibilité d’émettre un avis sur le sujet. Il se peut d’ailleurs qu’en 2035 ou lorsque le comité aura à émettre un avis, nous ayons le choix, non seulement entre un allongement et une réduction de la durée d’assurance, mais aussi entre jouer sur cette durée et relever les petites pensions ou le taux de remplacement, ou encore diminuer le taux de cotisation. Il convient donc de faire en sorte que chacun puisse se prononcer à ce moment-là et non de restreindre la capacité du comité à réfléchir dans la durée. La précaution proposée me paraissant inutile, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Le comité de suivi étant censé rendre un rapport chaque année, j’imagine qu’il formulera des recommandations tous les ans, y compris sur la durée d’assurance et y compris entre 2020 et 2035. Mon amendement me semble donc utile à cet égard. Compte tenu des débats sur l’allongement de la durée de cotisation, si nous ne l’adoptons pas, nous maintiendrons dans le texte une ambiguïté préjudiciable à l’orientation que nous souhaitons donner à long terme à notre système de retraite. En outre, puisque le IV de l’article tend à encadrer par décret les recommandations formulées par le comité de suivi en matière de taux de remplacement et de cotisation, pourquoi ne pas en faire autant s’agissant de la durée d’assurance ?

Je vais néanmoins retirer cet amendement pour le redéposer en séance publique car je ne désespère pas de vous convaincre de sa pertinence.

M. le rapporteur. Cet amendement suscitant des débats, nous en rediscuterons d’ici la séance publique.

Mme Jacqueline Fraysse. Partageant les préoccupations de Mme Carrey-Conte, je regrette qu’elle ait retiré son amendement car je m’apprêtais à le voter. J’ajoute que l’avis défavorable émis par le rapporteur est loin de me rassurer.

L’amendement AS 137 est retiré.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS 237 de Mme Jacqueline Fraysse, AS 286 de Mme Linda Gourjade et AS 285 de M. Jean-Marc Germain.

Mme Jacqueline Fraysse. Je souhaite que les recommandations du comité de suivi tiennent compte, non pas de l’évolution de l’espérance de vie en général, mais de celle de l’espérance de vie sans incapacité, c’est-à-dire sans limitation des fonctions essentielles pour mener une vie autonome. L’Institut national d’études démographiques a en effet montré que la part de vie sans limitations fonctionnelles tendait plutôt à diminuer aujourd’hui.

Mme Linda Gourjade. L’amendement AS 286 dispose quant à lui que les recommandations du comité de suivi tiendront compte, non seulement de l’évolution de l’espérance de vie et de la durée de retraite, mais aussi de celle du niveau de la population active et de la productivité. Il s’agit ainsi de prendre en considération les politiques publiques menées en faveur de l’emploi, de l’innovation et des investissements d’avenir, et non seulement des évolutions de l’espérance de vie, consécutives au progrès scientifique.

M. Jean-Marc Germain. Tout en maintenant l’espérance de vie parmi les paramètres que doit prendre en compte le comité de suivi dans ses réflexions, notre amendement AS 285 vise, dans le même esprit que l’amendement AS 237 de Mme Fraysse, à y ajouter l’espérance de vie sans incapacité. C’est en effet à cet égard que l’on observe les inégalités les plus fortes : ainsi un cadre aujourd’hui âgé de soixante ans a la perspective de bénéficier de vingt-huit années de retraite en bonne santé, contre dix-huit seulement pour un ouvrier, soit un écart de dix ans ! Ce fait inacceptable doit alimenter les réflexions du comité.

M. Arnaud Robinet. Si le débat sur l’évolution de l’espérance de vie en bonne santé a déjà eu lieu en 2010, je souhaiterais cependant citer une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) qui montre que, dans l’Union européenne, en 2011, l’espérance de vie à soixante-cinq ans était de 18 ans pour les hommes et de 21,4 ans pour les femmes. Elle a donc augmenté. Plus intéressant encore, l’espérance de vie en bonne santé a elle aussi augmenté de façon significative depuis 2005, soit d’1,5 an pour les hommes et d’1,6 an pour les femmes.

M. le rapporteur. L’amendement AS 237 supprimant la référence à l’espérance de vie « tout court », je lui préfère l’amendement AS 285. Les deux me paraissant compatibles, j’émets également un avis favorable à l’amendement AS 286.

La Commission rejette l’amendement AS 237. Puis elle adopte successivement les amendements AS 286 et AS 285.

La Commission en vient ensuite à l’amendement AS 288 de M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Cet amendement vise à corriger la définition du rôle du comité de suivi, qui me paraît excessivement négative dans la mesure où y sont seulement envisagées, en filigrane, les hypothèses d’une dégradation de la situation. Il convient, dans l’esprit du projet de loi, de prendre également en compte la possibilité d’évolutions de la démographie, de la productivité ou de la croissance plus favorables que celles qui ont fondé les prévisions du COR. En cas de retour à meilleure fortune, nous souhaitons donc affirmer trois priorités, au profit du pouvoir d’achat des retraités les plus modestes, de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la prise en compte de la pénibilité.

M. Arnaud Robinet. Au risque de vous surprendre, je me déclarerai plutôt favorable à cet amendement. Le groupe UMP considère en effet que, si l’on recule l’âge de départ à la retraite à 65 ans à l’horizon 2026 et que l’on continue à augmenter la durée de cotisation comme le prévoit la loi de 2003, une fois que l’équilibre aura été atteint et si les caisses de retraite enregistrent des excédents, il conviendra de redonner du pouvoir d’achat aux retraités, notamment en diminuant les cotisations salariales ou patronales.

M. Philippe Vigier. Je trouve l’amendement de M. Germain très intéressant. Mais il signe un aveu de faiblesse considérable car il prévoit qu’en cas d’excédent, il conviendra de renforcer le pouvoir d’achat des retraités les plus modestes. Or, nous n’avons cessé depuis hier de dénoncer la menace que représente votre non-réforme à cet égard. Ainsi, lorsque vous reportez du 1er avril au 1er octobre la date de revalorisation des retraites, vous entamez le pouvoir d’achat des plus modestes. Et il est irréaliste d’envisager l’hypothèse qu’il puisse y avoir des excédents alors que les hypothèses de croissance retenues par le COR, d’1,6 % à partir de 2011, sont surestimées. Enfin, les propositions que nous avons formulées hier nous auraient permis non seulement de garantir l’équilibre des retraites beaucoup plus rapidement que vous ne le ferez – et vous savez très bien que le déficit ne sera pas comblé puisqu’il manquera 14 ou 15 milliards d’euros en 2020 – mais également de satisfaire à l’exigence d’améliorer le pouvoir d’achat des plus modestes.

M. Dominique Tian. Cet amendement est aussi très intéressant en ce qu’il révèle à quel point le système est peu solidaire et à quel point les inégalités sont fortes. Il conviendrait toutefois de le compléter afin d’y mentionner le plus grand déséquilibre – celui qui existe entre les secteurs public et privé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous en avons discuté pendant une grande partie de la soirée d’hier, mais vous n’étiez pas là. Nous n’allons pas relancer ce débat maintenant !

M. Christian Paul. Chers collègues de l’opposition, je comprends que cet amendement vous paraisse quelque peu surréaliste : comme vous avez subi dix ans de déficits chroniques, l’idée même d’un retour à meilleure fortune vous paraît sans doute impossible. Souffrez cependant que, sans méconnaître les difficultés de la période, nous adoptions un point de vue différent.

Je n’irai pas jusqu’à faire l’exégèse de la pensée de l’opposition, mais il me paraît que votre discours d’aujourd’hui tranche avec celui que vous avez tenu hier soir : vous avez tenté de faire croire à l’opinion que les Français allaient percevoir des pensions plus faibles au motif qu’ils partiraient à la retraite avant d’avoir cotisé suffisamment pour percevoir une retraite à taux plein. Or ce n’est pas du tout dans ce sens que vont nos propositions. Cet amendement traduit au contraire notre volonté constante d’améliorer la situation des retraités les plus modestes – débat que nous aurons d’ailleurs lorsque nous examinerons l’article 4. Et nous sommes très attachés, notamment en cas de retour à meilleure croissance, à faire progresser de façon très régulière le pouvoir d’achat de ces retraités. Il me semble donc qu’avec un peu de réflexion et de bonne volonté, vous pourriez même voter cet amendement.

M. Denis Jacquat. L’exposé sommaire de cet amendement fait effectivement mention d’une priorité en faveur de l’amélioration du pouvoir d’achat des retraités les plus modestes et les plus fragiles. Or, si je souscris entièrement à cet objectif, il nous faut porter une attention particulière aux causes de cette fragilité. Il existe en effet des gens qui, arrivés tardivement dans notre pays, n’y ont pas cotisé ou insuffisamment, et dont la retraite est par conséquent très faible. Il serait donc de bon ton que le Gouvernement reprenne à son compte les conclusions que nous avons tirées dans le rapport que nous avons consacré il y a quelques mois aux immigrés âgés.

En outre, puisque l’on évoque les plus modestes et les fragiles, il conviendrait que l’on parle aussi des quatre millions de veuves que compte notre pays. Ces personnes souhaiteraient que l’on fasse un geste à leur égard, soit en augmentant le niveau des pensions de réversion, soit en relevant le plafond du cumul entre pension de réversion et retraite. Il est en effet plus difficile pour une veuve de vivre seule que pour une personne divorcée.

M. Michel Liebgott. Si certains députés de l’opposition semblent prêts à rallier notre amendement et à soutenir une augmentation du pouvoir d’achat des retraités les plus modestes, ce serait à condition que l’âge de départ à la retraite soit fixé à soixante-cinq ans. Or, malheureusement, les personnes les plus défavorisées sont précisément celles dont l’espérance de vie est la plus réduite. Par conséquent, peu parmi elles jouiraient alors longtemps de cette augmentation, à supposer qu’elles parviennent à l’âge requis. Autant dire que nous devons absolument maintenir en l’état notre amendement. Il a le mérite d’être à la fois rassurant – parce que la réforme est structurante – et optimiste puisque, par rapport à des pays tels que l’Allemagne, nous bénéficions d’atouts considérables, qu’il s’agisse de notre démographie ou de ressources disponibles à terme pour l’ensemble de notre système de retraites. Cet amendement est porteur d’espoir pour l’avenir !

M. le rapporteur. Avis favorable à cet amendement, inspiré d’intentions tout à fait louables. Le véritable enjeu consistera en effet à nous assurer en permanence que la retraite de nos concitoyens se situe à un niveau décent. Si nous dégageons des excédents, cet objectif pourra être prioritaire. Il nous faudra certes effectuer un arbitrage, comme le soulignait Mme Carrey-Conte, entre amélioration du niveau de vie, réduction de la durée d’assurance et réduction du niveau des cotisations mais, si d’autres utilisations peuvent ainsi être envisagées, la priorité donnée au pouvoir d’achat me paraît parfaitement correspondre à l’objectif que nous poursuivons à travers cette réforme.

La Commission adopte l’amendement AS 288.

Elle examine ensuite l’amendement AS 25 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Régulièrement réformé, le système de retraites français reste d’une opacité rare. Des études ont d’ailleurs montré que plus de la moitié des Français en considère les règles comme très obscures. Mais il existe aussi des disparités dans la qualité du service rendu, selon les régimes et les organismes de retraite concernés. Or il est essentiel que nos concitoyens soient égaux à cet égard, quel que soit le régime auquel ils sont rattachés. Le comité de suivi que vous proposez de créer doit donc pouvoir formuler des recommandations sur la qualité du service rendu aux usagers par les organismes assurant la gestion des régimes de retraite légalement obligatoires, ainsi que par les services de l’État chargés de la liquidation des pensions.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Ce comité est réduit à cinq experts : ne l’accablons pas de missions.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 314 de Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi ne mentionne que trois leviers à propos desquels le comité de suivi peut formuler des recommandations : la durée d’assurance, les transferts du fonds de réserve des retraites et le niveau du taux de cotisation. Nous proposons d’y ajouter la faculté d’affecter au système de retraites d’autres ressources que les cotisations, notamment pour financer les prestations non contributives. Nous suivons en cela plusieurs préconisations du Haut conseil de financement de la protection sociale, qui nous a invités à une réflexion ouverte sur les sources de financement de notre protection sociale.

M. le rapporteur. Notre système de retraites s’appuie à 80 % sur des cotisations, mais cela signifie que, pour les 20 % restants, les sources de financement sont déjà d’une autre nature. J’émets un avis favorable à cet amendement, étant entendu qu’il ne doit pas conduire à dénaturer l’esprit de ce système, essentiellement contributif.

M. Denis Jacquat. Monsieur le rapporteur, si cet amendement avait été proposé par le groupe UMP, y auriez-vous été favorable ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Oui.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement AS 200 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. C’est à un débat irréel que cette Commission s’est livrée tout à l’heure, à propos du pouvoir d’achat des retraités et de l’équilibre général de notre système de retraites ! En effet, il ne s’agit pas uniquement pour nous de fixer la retraite à soixante-quatre ou à soixante-cinq ans ; en revanche, vous, en ne modifiant pas l’âge légal de départ à la retraite tout en augmentant la durée de cotisation, vous condamnez les gens à subir une décote. Ayez donc le courage de reconnaître que vous organisez la diminution du niveau des retraites. Chacun le sait, le COR l’a écrit, Mme Yannick Moreau aussi.

J’en viens à notre amendement AS 200. Hier, j’ai insisté sur la nécessité d’établir un pacte de confiance avec les Français. Pour y parvenir, et puisque nous ne sommes pas parvenus à supprimer le comité de suivi, pourquoi ne pas faire de celui-ci une force de propositions sur un champ beaucoup plus large que ne le prévoit le projet ? Pour nous, ses recommandations devraient reposer sur trois piliers : la fixation d’un taux de cotisation maximal, ce qui serait le meilleur moyen de protéger le pouvoir d’achat des retraités, l’assurance d’un taux de remplacement minimal – soit le niveau de retraite que les Français auront la garantie d’atteindre une fois achevée leur vie professionnelle – et celle d’un montant de retraite également minimal, cela pour apporter une réponse aux plus modestes.

M. le rapporteur. Nous partageons votre intention d’assurer un revenu minimum aux retraités. C’est pourquoi nous avons souhaité que les recommandations du comité de suivi ne puissent conduire ni à baisser le taux de remplacement des retraités en deçà d’un certain plancher, ni à augmenter les taux de cotisation des actifs au-delà d’un certain plafond. Il y aura donc, comme en Allemagne, un « tunnel » dont il ne sera pas possible de sortir : c’est la feuille de route que nous donnons au comité, et c’est un choix politique que nous assumons. Je suis donc défavorable à votre amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Les amendements AS 238 et AS 239 de Mme Jacqueline Fraysse sont retirés.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 406, AS 407 et AS 408 du rapporteur.

Elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 3.

Elle examine d’abord l’amendement AS 335 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. Je défendrai plusieurs amendements qui relèvent du même esprit. Le système de retraite doit non seulement reposer sur la solidarité, nous en sommes tous d’accord, mais aussi obéir au principe d’égalité. Or la présente réforme reste placée sous le signe des inégalités. Comment expliquer à nos concitoyens l’absence de remise à plat des régimes spéciaux ? Avec l’allongement de la durée de cotisation, un jeune né en 1973 entré dans le monde du travail à vingt-cinq ans ne pourra bénéficier d’une retraite à taux plein qu’à partir de soixante-huit ans, quand d’autres, bénéficiaires de régimes plus favorables, pourront partir beaucoup plus tôt.

Dans cette optique, l’amendement AS 335 tend à supprimer le deuxième alinéa de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires. En effet, les fonctionnaires affectés hors du continent européen bénéficient systématiquement d’une bonification de dépaysement. Ceux qui sont affectés en Afrique du Nord, par exemple, ont droit à une année gratuite tous les quatre ans, et ceux qui le sont aux États-Unis, au Japon ou dans la plupart des autres pays d’Afrique, gagnent une année gratuite tous les trois ans. Enfin, lorsqu’un fonctionnaire est appelé dans un pays ayant un lien historique fort avec la France, il bénéficie d’une année gratuite tous les deux ans.

Si de telles dispositions, instituées au milieu du XIXe siècle, ont pu avoir un sens, elles n’en ont plus aujourd’hui ; c’est pourquoi, dans un souci d’équité, nous proposons de les supprimer.

M. Michel Issindou, rapporteur. On peut en effet s’interroger sur ces disparités, mais il en sera question dans les négociations au sein de la fonction publique. Avis défavorable.

M. Denis Jacquat. Il y a quelques années, une disposition similaire, visant plus spécifiquement les départements et territoires d’outre-mer (DOM-TOM), avait été adoptée par notre assemblée, avant d’être « retoquée » par le Conseil constitutionnel. Ce point mérite que l’on y revienne.

Mme Sylviane Bulteau. Mme Louwagie a sans doute mal lu le projet de loi, qui prévoit des correctifs sur la question qu’elle soulève : prise en compte des trimestres d’apprentissage, validation des études post-baccalauréat, meilleure prise en compte des temps partiels pour les emplois saisonniers, extension de la validation de périodes de formation professionnelle ou meilleure prise en compte des périodes de maternité.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 337 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. Aux termes du onzième alinéa de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, les fonctionnaires dits « actifs » – agents de police, agents de la pénitentiaire ou aiguilleurs du ciel, par exemple –, qui peuvent liquider leur retraite dès l’âge de cinquante-deux ans, bénéficient d’une bonification du « cinquième » – en d’autres termes, une année gratuite leur est accordée tous les cinq ans. Au bout de vingt-cinq ans de service, leur compte retraite est ainsi crédité de trente annuités. Nous proposons, dans un souci de justice, de supprimer cette disposition.

M. le rapporteur. Même avis que précédemment, pour les mêmes raisons. On sent, chez les auteurs de ces amendements, un certain acharnement contre certaines catégories de fonctionnaires…

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique vient d’annoncer un agenda social qui devrait permettre d’aborder ces questions. Reste que l’amendement vise tout spécialement le régime de retraite des militaires : ceux qui se trouvent actuellement en Opex – opérations extérieures –, par exemple, apprécieront…

M. Philippe Vigier. Le groupe UDI soutient cet amendement. Il existe, au regard de ces bonifications, des disparités au sein même de la fonction publique. Le rapporteur renvoie le traitement de la question aux calendes grecques, mais il serait plus courageux et plus juste de lisser l’ensemble des régimes dans le temps, plutôt que de sanctuariser des spécificités qui n’ont plus de sens aujourd’hui.

Mme Véronique Louwagie. Le rapport de Mme Yannick Moreau, page 43, pointe des disparités entre public et privé, se référant explicitement aux militaires, lesquels « peuvent, comme dans les autres pays, partir à la retraite après dix-sept (sous-officiers) ou vingt-sept (officiers) années de service […] ». Ce régime est donc décrié.

M. Denis Jacquat. C’est au nom de la pénibilité que les fonctionnaires dits « actifs » peuvent partir en retraite plus tôt. Or les salariés visés par le compte personnel de pénibilité pourront, au mieux, partir à la retraite entre cinquante-huit et soixante ans, contre cinquante-deux ans pour les fonctionnaires dont nous parlons.

M. Dominique Dord. Ces amendements montrent que le présent texte n’est pas une vraie réforme. Avant de faire passer tous les salariés sous une même toise, le Gouvernement et la majorité oublient de gommer les disparités qui subsistent. Monsieur le rapporteur prétend que ces questions seront réglées à l’occasion d’une négociation : nous n’y croyons pas une seconde, mais admettons… Il aurait mieux valu, en tout état de cause, commencer par supprimer certains avantages, pour évaluer ensuite le besoin éventuel de dispositions plus générales. Vous ne cessez de vous prévaloir de l’équité, mais le calendrier lui-même n’est pas équitable.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous avons déjà largement entamé ce débat hier soir…

M. Arnaud Robinet. M. Sapin a déclaré ce matin que la suppression du jour de carence dans la fonction publique était une question d’équité : il n’a pas attendu d’éventuelles négociations… On a donc du mal à comprendre votre conception de l’équité.

M. Rémi Delatte. J’abonde dans le sens de mes collègues. Le Gouvernement dit, dans le titre du projet de loi, vouloir garantir « la justice du système de retraites » : voilà une belle occasion de le faire.

M. le rapporteur. La discussion annuelle au sein de la fonction publique permettra, je le répète, d’aborder ces questions. Je rappelle aussi que la pénibilité sera prise en compte pour les salariés du privé, qui verront ainsi leur régime se rapprocher de celui des catégories actives de la fonction publique. Reste qu’on imagine mal un militaire partir en Opex à soixante-deux ans, un pompier monter en haut de la grande échelle au même âge ou les égoutiers de la ville de Paris exercer leur métier très longtemps. Le système actuel n’est sans doute pas parfait, mais gardons-nous de lui imposer des changements brutaux par voie législative : la concertation permettra sans doute de le faire évoluer.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 338 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. Dans la fonction publique, les pensions sont calculées en fonction des six derniers mois d’activité, c’est-à-dire sur la base de la rémunération maximale. Dans le secteur privé, ce sont les vingt-cinq meilleures années qui sont prises en compte, dans les limites, il faut le rappeler, du plafond de la sécurité sociale, soit 3 086 euros par mois pour la pension de base. La justice et l’équité imposent que les pensions de retraite des fonctionnaires soient, elles aussi, calculées en fonction de la rémunération de l’ensemble de la carrière.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 340 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement tend à ce que soient prises en compte, pour le calcul des pensions des fonctionnaires, les vingt-cinq meilleures années, selon la règle en vigueur dans le secteur privé.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 341 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement de repli vise à ce que les six dernières années soient prises en compte pour le calcul des retraites des fonctionnaires. Cette mesure pourrait être transitoire, avant une éventuelle convergence avec le privé.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 343 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. Avec ce nouvel amendement de repli, je propose que les retraites des fonctionnaires soient calculées en fonction des trois dernières années de carrière.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 345 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. Je propose que « tout fonctionnaire civil ou militaire qui occupe un poste depuis au moins six mois et depuis moins de trente-six mois part[e] en retraite avec une pension calculée sur son traitement trente-six mois auparavant ».

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 334 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. Selon les dispositions actuelles, certains agents de la fonction publique peuvent liquider leurs droits dès cinquante-sept ans, ou même cinquante-deux ans. Il convient de mettre fin à cette faveur inéquitable.

Les fonctionnaires de l’État, des collectivités territoriales ou des hôpitaux sont classés, en vue de leur retraite, en deux catégories : les « sédentaires » et les « actifs ». À l’origine, le classement en catégorie active relevait de la loi, mais il s’opère aujourd’hui par voie réglementaire, sur le fondement d’« un risque particulier » ou de « fatigues exceptionnelles ».

L’administration opère elle-même sa propre gestion, ce qui génère des dérives évidentes. Ainsi, la Cour des comptes a relevé que certaines décisions de classement ou de maintien étaient irrégulières. Elle a en outre dénoncé avec vigueur le caractère arbitraire et inadapté de cette classification, dont le bénéfice relève ni plus ni moins des droits acquis.

La Cour des comptes a également relevé que les classements en services actifs se sont opérés par corps entiers, sans distinction entre les métiers réellement pénibles et les autres. Les aiguilleurs du ciel peuvent ainsi liquider leurs droits à cinquante-deux ans, et les douaniers à cinquante-sept.

Ces dispositions nous semblent archaïques, injustifiées et inéquitables.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 346 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. Le système de réversion profite à 4 millions de personnes, dont 90 % sont des femmes. Fonctionnaires et employés des entreprises publiques affiliés à des régimes spéciaux disposent en ce domaine de conditions avantageuses. Nous souhaitons, là encore, rétablir l’équité.

Les personnes veuves de fonctionnaires ont droit à une pension de réversion égale à 50 % de la pension que percevait ou aurait perçu leur conjoint, et ce sans condition d’âge ni de ressources. Nous proposons donc de modifier le premier alinéa de l’article L. 38 du code des pensions civiles et militaires.

M. le rapporteur. Le problème de la réversion est plus épineux qu’il y paraît, et mérite un examen attentif : nous y reviendrons à l’article 13. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 347 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit, là encore, d’appeler l’attention sur les différences entre le public et le privé s’agissant des réversions. La situation, monsieur le rapporteur, mérite en effet un examen. Dans le privé, la pension de réversion est accordée au conjoint survivant dont les ressources n’excèdent pas 2 080 fois le SMIC horaire, soit, en 2013, 19 614,40 euros par an. Aucun niveau de ressources n’est en revanche prévu dans le secteur public. Cette situation n’est pas équitable.

M. le rapporteur. C’est pourquoi je demande un rapport sur le sujet. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 119 de Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il s’agit de demander au Conseil d’orientation des retraites (COR) de « suivre l’évolution des écarts de pensions de droits directs et d’analyser les phénomènes pénalisant les retraites des femmes, dont les inégalités professionnelles […] ».

Malgré l’augmentation du taux d’activité des femmes, la multiplication des temps partiels, dans les années 90, a empêché la convergence en ce domaine. L’égalité entre les hommes et les femmes est une priorité de la présente réforme, comme le Gouvernement l’a précisé au Conseil de surveillance.

M. le rapporteur. Nous sommes d’accord sur l’objectif, mais le COR choisit lui-même son programme de travail. Il s’est souvent penché, d’ailleurs, sur la question de l’égalité entre les hommes et les femmes, comme sur celle des avantages familiaux. Nous pouvons aussi lui suggérer de le faire. Vos préoccupations seront donc suivies d’effets. Avis défavorable.

M. Francis Vercamer. J’approuve cet amendement, mais le sous-amenderais volontiers pour ajouter, après les mots : « des écarts de pensions de droits directs », les mots : « entre le privé et le public »…

M. Arnaud Robinet. Une réforme des retraites, a fortiori dans un système par répartition, ne peut pas tout régler : c’est d’abord au niveau des carrières professionnelles qu’il faut assurer l’égalité entre les hommes et les femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Je retire l’amendement.

L’amendement AS 119 est retiré.

L’amendement AS 117 de Mme Catherine Coutelle est également retiré.

La Commission en vient à l’amendement AS 339 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. M. le rapporteur a annoncé une négociation au sein de la fonction publique. Je propose, dans ce cadre, que le Gouvernement remette au Parlement « un rapport détaillant les dispositions qu’il compte prendre afin que soit prise en compte pour le calcul de la retraite des fonctionnaires la rémunération de l’ensemble de la carrière ».

M. le rapporteur. Le douzième rapport du COR et le rapport Moreau traitent déjà de cette question. Avis défavorable.

M. Philippe Vigier. Chaque fois que nous demandons ne fût-ce qu’un rapport, cela nous est refusé. Chaque fois que nous proposons de faire évoluer les choses, qu’il s’agisse de l’égalité entre les différents régimes ou de l’égalité entre les hommes et les femmes, le rapporteur ne veut rien entendre. Encore à l’instant, pour ce qui est des différences entre le public et le privé en matière de pension de réversion, vous nous dites que c’est intéressant mais qu’on verra plus tard. Vous qui n’avez pourtant que les mots démocratie, dialogue et participation à la bouche, faites preuve d’une totale fermeture ! Nous vous donnons donc rendez-vous à l’article 13.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 342 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. Par cet amendement, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 30 juin 2014, un rapport détaillant les dispositions envisagées afin que la retraite des fonctionnaires soit calculée non pas sur la base des six derniers mois d’activité, mais sur celle des six dernières années. Ce serait un premier pas avant un alignement sur le privé. La mesure pourrait être mise en œuvre de manière progressive.

M. le rapporteur. Même avis défavorable que pour l’amendement précédent.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS 344 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. Nous demandons ici au Gouvernement de remettre au Parlement, toujours avant le 30 juin 2014, un rapport détaillant les dispositions qu’il compte prendre afin de supprimer les « coups de chapeau » dans la fonction publique en allongeant la durée prise en compte dans le calcul des retraites des fonctionnaires. La Cour des comptes a fait état de ce système des « coups de chapeau » dans son rapport d’avril 2003 sur les pensions des fonctionnaires civils de l’État et révélé combien de fonctionnaires bénéficiaient de ces promotions de fin de carrière. Certains de ces « coups de chapeau » sont même entrés dans les règles. Il serait temps d’y mettre fin. De nouvelles dispositions pourraient d’ailleurs être favorables aux fonctionnaires, lesquels aujourd’hui n’obtiennent parfois une promotion qu’en toute fin de carrière, ce qui n’est pas sain.

M. le rapporteur. Je serais heureux, madame Louwagie, que vous portiez la même attention aux retraites chapeau du privé, beaucoup plus scandaleuses que les « coups de chapeau » dans la fonction publique. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 348 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. Par cet amendement, nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 31 mars 2014, un rapport détaillant les mesures qu’il compte prendre, et selon quel calendrier, pour aboutir à la suppression des bonifications prévues à l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires. Il existe en effet de multiples dispositifs permettant aux fonctionnaires d’acquérir gratuitement des trimestres supplémentaires : bonifications dites du « cinquième », bonifications de « dépaysement », bonifications « outre-mer », bonifications pour « services aériens »… Il conviendrait de dresser un état des lieux de ces avantages, dont la plupart n’ont plus aucune justification, et, dans un souci d’équité, d’en tirer toutes les conséquences.

M. le rapporteur pour avis. Je ne voudrais pas donner l’impression de jeter de l’huile sur le feu, mais cette question est sérieuse. Elle devra être revue avec la ministre chargée de la fonction publique. Autant certaines de ces bonifications se justifiaient par le passé, autant elles n’ont plus lieu d’être aujourd’hui. Les bonifications de dépaysement, par exemple, coûtent très cher à l’État. Bien entendu, il faudra distinguer le stock et le flux des bénéficiaires. Il est inévitable que les droits à retraite de ceux qui demain serviront l’État dans les départements et territoires d’outre-mer soient calculés de manière différente de ceux de leurs aînés.

M. le rapporteur. Tout en partageant la préoccupation du rapporteur pour avis, je renverrai sur le sujet aux discussions et négociations annuelles dans la fonction publique. Il serait fort étonnant qu’à cette occasion, la ministre et les organisations syndicales n’abordent pas le sujet. Il n’est pas exclu qu’une solution puisse être trouvée d’un commun accord. Les syndicats, parfaitement capables de reconnaître qu’il existe des injustices, ne seront certainement pas rigides sur ce point. Nous n’allons pas légiférer ici sans avoir une parfaite connaissance de toutes les situations. Soyez patiente, madame Louwagie.

La Commission rejette l’amendement.

Article 4

(art.
L. 161-23-1, L. 341-6 et L. 816-2 du code de la sécurité sociale et
art. L. 28, L. 29, L. 30, L. 30 bis, L. 30 ter, L. 34 et L. 50
du code des pensions civiles et militaires de retraite)


Report au 1er octobre de la revalorisation annuelle des pensions

Le présent article vise à décaler de six mois, du 1er avril au 1er octobre, la date de revalorisation annuelle des pensions de retraite de tous les régimes de base. Ce report ne concerne pas l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), les allocations du minimum vieillesse ni les allocations d’invalidité qui seront toujours revalorisées au 1er avril.

Depuis 1987, les pensions suivent l’évolution des prix à la consommation (et non plus du salaire moyen). Les règles actuelles de revalorisation ont été fixées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

L’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale prévoit que le coefficient annuel de revalorisation des pensions servies par le régime général et les régimes alignés est fixé au 1er avril de chaque année par la commission économique de la nation, conformément à l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac prévue pour l’année considérée.

Cette revalorisation, fondée sur une prévision d’inflation, peut être corrigée a posteriori : le deuxième alinéa de l’article L. 161-23-1 précise que si l’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac établie à titre définitif par l’INSEE est différente de celle qui avait été prévue, il est procédé à un ajustement du coefficient fixé au 1er avril de l’année suivante, égal à la différence entre cette évolution et celle initialement prévue.

Ce coefficient s’applique, par renvois, aux différents régimes de retraites de base, y compris les régimes spéciaux ; seul le régime des avocats établit le taux de revalorisation qui lui est applicable. Le taux de revalorisation s’applique aussi aux salaires annuels servant de base au calcul des pensions (dits « salaires portés au compte individuel ») (34), ainsi qu’à l’ensemble des allocations aux personnes âgées (pensions d’invalidité (35), rentes d’accidents du travail et maladies professionnelles (36), allocation de solidarité aux personnes âgées (37)).

Les régimes de retraite complémentaire définissent eux-mêmes les règles qui leur sont applicables. Ainsi, l’accord national interprofessionnel du 13 mars 2013 a prévu de sous-indexer les pensions de retraites de l’ARRCO et l’AGIRC dans durant trois années consécutives (2013 à 2015 inclus), alors que les régimes complémentaires des professions libérales ont appliqué indifféremment une revalorisation moindre ou plus importante selon les années.

2. Le dispositif proposé

a) Le décalage de six mois de la revalorisation des pensions.

Le I du présent article modifie l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale pour reporter du 1er avril au 1er octobre la date annuelle de revalorisation, sans changer le mode de calcul du coefficient.

Par ailleurs, l’inflation prévisionnelle de l’année N qui sert de base au calcul prévu en octobre N n’est plus celle qui est arrêtée par la Commission économique de la Nation (généralement en mars N) mais celle qui est indiquée par le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour N+1. Au 1er octobre, la fiabilité de la prévision pour l’année est bien plus importante, ce qui limitera les rattrapages, parfois négatifs, l’année suivante.

Enfin, le dernier alinéa de l’article L. 161-23-1 qui prévoyait un dispositif de correction du taux de revalorisation sur proposition du Comité de pilotage des régimes de retraite (Copilor) est supprimé.

b) Les petites pensions sont préservées de la mesure de report

Sont exclues de la mesure de report l’allocation de solidarité aux personnes âgées, les pensions d’invalidité et les rentes d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

En effet, l’ASPA constitue un minimum social garanti par la solidarité nationale sans contrepartie de cotisations, et non une pension de vieillesse. Quant aux pensions d’invalidité et aux rentes servies au titre des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), elles ne relèvent pas du système de retraite, il est donc juste de ne pas les inclure dans l’effort demandé aux retraités.

 Les pensions d’invalidité et les rentes AT-MP

Le II du présent article modifie l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale, relatif au mode de revalorisation des pensions d’invalidité.

Actuellement, l’article L. 341-6 aligne la revalorisation des pensions d’invalidité sur celle des salaires portés au compte individuel prévue à l’article L. 351-11, lui-même renvoyant à l’article L. 161-23-1 relatif à la revalorisation des pensions de retraite.

Le renvoi à l’article L. 351-11 est supprimé, pour inscrire dans l’article L. 341-6 un mode de revalorisation propre aux pensions d’invalidité : la revalorisation sera fixée chaque année au 1er avril en fonction de la prévision d’inflation établie par la Commission des comptes de la Nation, le cas échéant corrigée de la différence entre le taux prévisionnel de l’année précédente et le taux constaté.

La disposition touche également les rentes AT-MP qui sont revalorisées comme les pensions d’invalidité.

 L’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA)

Le III du présent article modifie l’article L. 816-2 relatif au mode de revalorisation de l’ASPA et de l’allocation supplémentaire d’invalidité, en remplaçant le renvoi à l’article L. 161-23-1 relatif à la revalorisation des pensions d’assurance vieillesse par un renvoi à l’article L. 341-6 relatif à la revalorisation des pensions d’invalidité. Ainsi, les personnes percevant une pension inférieure au minimum vieillesse continueront à voir leur allocation revalorisée au 1er avril.

Le IV prévoit une disposition particulière pour l’ensemble du système du minimum vieillesse : ASPA, anciennes allocations du minimum vieillesse (allocation aux vieux travailleurs salariés, allocation aux vieux travailleurs non salariés, secours viager, allocation aux mères de famille, allocation spéciale vieillesse et majoration prévue à l’article L. 814-2, allocation viagère des rapatriés, allocation de vieillesse agricole) et plafonds de ressources prévus pour ces allocations (38).

L’ASPA est une allocation différentielle : cela signifie qu’elle complète les revenus des allocataires pour leur permettre d’atteindre le minimum vieillesse (787,26 euros par mois pour une personne seule depuis le 1er avril 2013).

Concrètement, cette mesure va conduire à appliquer aux bénéficiaires de l’ASPA et de l’allocation supplémentaire d’invalidité deux revalorisations dans l’année avec des effets différents :

– une revalorisation au 1er avril des prestations différentielles (ASPA, ASI et allocation supplémentaire) avec effet financier visible pour le retraité ;

– une revalorisation au 1er octobre de la part de pension contributive (les revenus propres du retraité) sans effet financier pour le retraité. En effet, les plafonds de ressources opposables à ces bénéficiaires n’étant pas revalorisés une seconde fois dans l’année, la revalorisation de la prestation contributive sera neutralisée à due concurrence par le jeu du plafond qui conduira à écrêter la prestation différentielle.

 Les pensions d’invalidité de la fonction publique

Le V procède au même ajustement pour les pensions d’invalidité servies par les fonctions publiques, par modification du code des pensions civiles et militaires de retraite, les renvois à son article L. 16 (qui renvoie lui-même à l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale) étant remplacés par des renvois à l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale relatif à la revalorisation des pensions d’invalidité. Sont maintenues au 1er avril les revalorisations des dispositions prévues aux articles L. 27, L. 28, L. 29, L. 30, L. 30 bis, L. 30 ter, L. 34 et L. 50 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

Il convient de rappeler qu’un fonctionnaire atteint d’une invalidité dont le caractère permanent et stabilisé a été reconnu, qu’elle résulte ou non de l’exercice des fonctions, et qui se trouve dans l’incapacité d’exercer ses fonctions, peut être radié des cadres et mis à la retraite pour invalidité quel que soit son âge, son taux d’invalidité ou la durée de ses services. Il bénéficie alors d’une pension pour invalidité, imputable au service lorsqu’elle résulte de l’exercice des fonctions (article L. 27), ou non imputable lorsqu’elle n’en résulte pas (article L. 29).

La pension pour invalidité est équivalente à la pension rémunérant les services, c’est-à-dire la pension de droit commun. Elle est donc fonction du traitement détenu pendant les six derniers mois de l’activité (dernier traitement sans condition de durée en cas d’invalidité imputable au service) et de la durée des services et bonifications acquis par l’agent. Lorsque l’invalidité est d’un taux au moins égal à 60 %, le montant de la pension ne peut être inférieur à 50 % du dernier traitement indiciaire (article L. 30).

Dans le cas où l’invalidité résulte de l’exercice des fonctions, la pension civile d’invalidité peut être augmentée d’une rente viagère d’invalidité (article L. 28).

En outre, lorsque le fonctionnaire est dans l’obligation d’avoir recours d’une manière constante à l’assistance d’une tierce personne, il bénéficie d’une majoration spéciale de sa pension (article L. 30 bis).

L’article L. 34 traite quant à lui de la situation des militaires qui peuvent cumuler une pension militaire d’invalidité et la solde de réforme.

Enfin, l’article L. 50 expose les modalités de versement des pensions de réversion.

Le VI étend le V aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, ainsi qu’aux ouvriers des établissements industriels de l’État.

c) Un effort modéré demandé aux retraités

Les pensions resteront revalorisées en fonction de l’inflation, la garantie de pouvoir d’achat des retraites est donc maintenue. Toutefois, le décalage des revalorisations représente un effort demandé aux retraités, qui devront attendre six mois, en 2014, la revalorisation de leurs pensions.

L’étude d’impact précise que cet effort doit être nuancé, dans la mesure où la revalorisation d’avril 2013 a conduit, compte tenu de l’écart entre la prévision d’inflation pour 2013 et le tendanciel actuel, à sur-revaloriser les pensions. La revalorisation 2014 devrait donc, en l’état actuel des données macro-économiques, être minorée par un correctif pour 2013.

Les plus petites pensions seront exonérées de l’effort, via le maintien en avril de la revalorisation de l’ASPA.

Au-dessus du niveau de l’ASPA, l’effort consenti sera proportionnel à la pension de base.

Par exemple, pour une personne percevant 1 000 euros de retraite par mois en 2013, en posant comme hypothèse que la revalorisation d’octobre 2014 serait de 0,9 %, l’effort sera de 9 euros par mois pendant six mois.

Cette mesure est ponctuelle : les années suivantes, les pensions seront revalorisées, selon les règles habituelles, tous les 12 mois. L’effort demandé aux pensionnés est donc indéniable, mais limité dans le temps et dans ses effets.

Il s’agit d’un effort de solidarité demandé à l’ensemble des pensionnés, afin de participer au rééquilibrage à court terme de notre système de retraite. Cette mesure se justifie, comme le souligne le rapport de la Commission pour l’avenir des retraites, par le fait que « le niveau de vie des retraités est aujourd’hui comparable à celui des actifs, sans que pèsent sur les premiers les risques en matière d’emploi et de pouvoir d’achat auxquels sont confrontés les seconds, et notamment les plus jeunes d’entre eux en cette période de crise et de croissance du chômage ».

Votre rapporteur a étudié la possibilité d’exonérer les pensions juste supérieures au minimum vieillesse du report au 1er octobre de la revalorisation. Il s’avère toutefois que cela serait très compliqué à mettre en œuvre pour les régimes, d’autant qu’il faudrait tenir compte pour apprécier la pension totale des retraités, de l’ensemble des pensions versées aux polypensionnés. Par ailleurs, traiter différemment des pensions qui sont toutes fondées sur le principe de contributivité ne serait pas exempt de critique juridique, au regard du principe d’égalité, comme le souligne le rapport de la commission Moreau pour l’avenir des retraites.

3. Les économies générées par la mesure

a) Impact pour l’ensemble des régimes de base

Cette mesure a un rendement élevé pour un effort individuel limité car elle repose sur une assiette très large : elle concerne tous les retraités, soit 23,7 millions de pensions, exception faite du minimum vieillesse, représentant de l’ordre de 200 milliards d’euros de dépenses annuelles.

Elle permet en 2014 une économie de 800 millions d’euros pour l’ensemble des régimes de base obligatoires, dont 600 millions d’euros pour les régimes non équilibrés par une subvention. À l’horizon 2040, l’économie est estimée par l’étude d’impact à 2,6 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes de base.

Impact sur le solde des régimes du report de la revalorisation au 1er octobre

(en millions d’euros constants 2011)

 

2014

2020

2030

2040

Tous régimes de base (hors ASPA)

+ 800

+ 1 900

+ 2 200

+ 2 600

Tous régimes de base non équilibrés par subvention (hors ASPA)

+ 600

+ 1 400

+ 1 700

+ 2 000

Impact en droits constatés.

Source : étude d’impact.

L’impact en 2014 ne correspond pas à un impact en année pleine, c’est pourquoi le rendement de la mesure est plus élevé en 2015 (près du double), et se stabilise ensuite jusqu’en 2020. La mesure a un impact à long terme, qui ne signifie pas que la mesure soit réitérée, mais qui est lié au « rebasage » : le total des pensions servies en 2014 sera légèrement moins important que ce qu’il aurait été sans ce décalage de revalorisation, si bien que la courbe d’augmentation des prestations de retraite est légèrement décalée vers le bas par rapport au tendanciel avant réforme.

b) Impact pour le régime général

Afin de chiffrer les économies sur les masses de droits propres et de droits dérivés, la Caisse nationale d’assurance vieillesse a retenu les dernières hypothèses macroéconomiques connues, notamment les dernières prévisions d’inflation pour 2013 et 2014. Selon ces hypothèses, l’inflation s’établirait à 0,8 % en 2013 (contre 1,2 % prévu initialement) et à 1,3 % en 2014, entraînant une revalorisation en 2014 de 0,9 %.

Hypothèses d’inflation et de revalorisation des pensions

(en pourcentages)

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Hypothèses actuelles d’inflation

0,80

1,30

1,75

1,75

1,75

1,75

Taux de revalorisation au 1er avril/1er octobre

1,30

0,90

1,75

1,75

1,75

1,75

Revalorisation en moyenne annuelle avec revalorisation au 1er avril

1,50

1,00

1,54

1,75

1,75

1,75

Revalorisation en moyenne annuelle avec revalorisation au 1er octobre

1,50

0,55

1,11

1,75

1,75

1,75

Source : CNAV.

Calculée avec ces dernières hypothèses macroéconomiques, l’économie réalisée pour le régime général avec la revalorisation au 1er octobre atteindrait près de 0,5 milliard d’euros en 2014, puis environ un milliard d’euros par an de 2015 à 2020, et continuerait à augmenter doucement sur toute la période, jusqu’à atteindre près de 2,3 milliards d’euros en 2060.

Impact sur le solde du régime général d’un report au 1er octobre de la revalorisation des pensions

(en millions d’euros constants)

 

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2030

2040

2050

2060

Impact hors minimum vieillesse

– 460

– 910

– 930

– 950

– 970

– 990

– 1 010

– 1 280

– 1 550

– 1 890

– 2 250

Impact y compris minimum vieillesse

– 470

– 930

– 950

– 970

– 990

– 1 010

– 1 030

– 1 300

– 1 570

– 1 910

– 2 280

Droits propres et dérivés inclus.

Les masses de pension proviennent des projections du scénario B réalisées pour le COR fin 2012 et sont exprimées en euros constants valeur 2011.

Source : CNAV.

*

La Commission est saisie de cinq amendements identiques, AS 42 de M. Gérard Cherpion, AS 90 de M. Arnaud Robinet, AS 132 de Mme Jeanine Dubié, AS 198 de M. Philippe Vigier et AS 242 de Mme Jacqueline Fraysse, tendant à supprimer l’article 4.

M. Bernard Perrut. Nous demandons la suppression de l’article 4 qui aurait pour effet de taxer lourdement les retraités. Plutôt que de prendre des mesures courageuses sur l’allongement du temps de travail, la relance de l’emploi et la compétitivité des entreprises, vous choisissez de baisser le pouvoir d’achat des actifs, d’augmenter le coût du travail et de mettre lourdement à contribution les retraités. Le report du 1er avril au 1er octobre de la revalorisation annuelle du niveau des pensions rapportera seulement 600 millions d’euros en 2014, mais 1,4 milliard en 2020. Alors que le Gouvernement présente ce décalage comme « un effort ponctuel et mesuré », la mesure s’apparente à long terme à une sous-indexation des pensions, pour un rendement croissant qui atteindra 2,2 milliards d’euros à l’horizon 2030.

M. Arnaud Robinet. L’article 4 nous donne raison lorsque nous qualifions de « bric-à-brac fiscal » ce que vous appelez réforme des retraites. Vous augmentez les cotisations patronales, alors même que les entreprises ont déjà été sollicitées pour financer le rétablissement de la retraite à 60 ans au profit de certaines catégories de salariés, que vous avez décidé en juillet 2012. Vous augmentez les cotisations salariales, ce qui réduira d’autant le pouvoir d’achat des salariés. Et vous mettez à contribution les retraités.

Une question : les cotisations des fonctionnaires augmenteront-elles bien au même rythme que celles des salariés du privé ou, encore une fois les fonctionnaires – votre électorat, chacun l’aura bien compris – seront-ils protégés ?

M. Jean-Noël Carpentier. Pour des raisons bien évidemment différentes de celles de l’opposition, nous proposons nous aussi de supprimer l’article 4. En effet, la désindexation des pensions entraînera une diminution du pouvoir d’achat des petits retraités. Il y avait d’autres solutions pour trouver des recettes, comme l’élargissement de l’assiette des cotisations. Nous proposerons des amendements en ce sens.

M. Philippe Vigier. Il n’existe finalement que trois solutions pour une réforme des retraites : obliger les actifs à travailler plus longtemps, augmenter les prélèvements ou diminuer les pensions. Avec ce texte – je me garderai bien de parler de réforme –, vous réussissez l’exploit de faire les trois en même temps ! Non contents de cela, vous décidez de reporter du 1er avril au 1er octobre la revalorisation des pensions, injustice absolue. Le minimum vieillesse lui-même n’a échappé à ce décalage que grâce à un arbitrage ministériel rendu in extremis. Vous portez un mauvais coup aux retraités en allant ainsi leur faire les poches, et pour rien moins qu’un milliard d’euros ! Alors que le pouvoir d’achat a déjà diminué de 0,9 % en 2012 – il n’avait pas reculé depuis 1984 – vous allez encore l’amputer.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous avons aussi revalorisé le SMIC de 2,3 % en 2012. Cela n’était pas arrivé depuis dix ans !

M. Denis Jacquat. Ce n’est pas vrai. Il avait augmenté régulièrement.

Mme Jacqueline Fraysse. En théorie, les employeurs, les salariés et les retraités seront mis à contribution, mais de fait, seuls les salariés et les retraités le seront puisque le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé que l’effort financier demandé aux employeurs serait compensé sur les deniers publics.

Il existe d’autres moyens de financer l’assurance vieillesse que de faire encore et toujours contribuer les plus modestes. Il est anormal qu’une si grande partie des richesses échappe à tout prélèvement social. Avant de faire les comptes, il faudrait commencer par corriger cette anomalie. Ce n’est qu’au cas où il manquerait encore de l’argent après cela que l’on pourrait éventuellement revoir le niveau des cotisations. Vous procédez hélas à l’inverse.

Nos collègues de l’opposition semblent jubiler en notant que plusieurs groupes, de tendance opposée, demandent la suppression de cet article. Mais qu’ils ne se méprennent pas : il y a bien d’un côté ceux qui n’envisagent pour seuls leviers que l’augmentation de la durée de cotisation et le recul de l’âge légal de la retraite, et d’un autre côté ceux, dont je suis, qui recherchent d’autres solutions comme l’élargissement de l’assiette des cotisations. Je le dis à nos collègues de la majorité, il faudra bien finir par élargir cette assiette, au nom de l’équité et pour trouver des moyens supplémentaires. On ne réglera pas le problème des retraites en jouant sur les seuls paramètres de la durée de cotisation et de l’âge légal de départ. On ne pourra tout de même pas faire travailler les salariés jusqu’à soixante-quinze ans ni les faire cotiser indéfiniment ! Il est donc temps d’examiner sérieusement les propositions que d’autres, à gauche, formulent.

M. Jean-Pierre Barbier. Cet article porte un coup de canif au système de retraites par répartition puisque, pour la première fois, les retraites seront financées non plus uniquement par les actifs, mais aussi par les retraités. Il est particulièrement injuste de mettre ces derniers à contribution car ils sont nombreux à aider leurs enfants et petits-enfants dans la situation économique difficile d’aujourd’hui.

Le pouvoir d’achat perdu du fait du report de la revalorisation ne sera jamais rattrapé. Vous vous défendez en expliquant que le minimum vieillesse ne sera pas concerné, mais son montant n’est que de 787 euros par mois. Quid du petit retraité qui touche une pension de 800 euros ? Considérez-vous donc qu’il a, lui, assez de moyens pour être mis à contribution ?

M. Arnaud Robinet. Le moment est grave. Ce projet de loi porte atteinte au pacte républicain. Alors que le seul objectif devrait être de sauver notre système de retraites par répartition, fondé sur une solidarité intergénérationnelle où les actifs cotisent pour payer les pensions des retraités, vous créez de nouvelles inégalités, vous obstinant dans votre refus d’une convergence des différents régimes pour en venir à un régime unique. De surcroît, vous n’hésitez pas à ponctionner les retraités, comme vous l’aviez d’ailleurs déjà fait dans le cadre de la loi de financement pour la sécurité sociale de 2013. Nos concitoyens ne manqueront pas de s’en étonner de la part d’un gouvernement qui se dit de gauche !

Non contents de faire payer les retraités, vous pénalisez également les jeunes actifs qui non seulement cotiseront davantage, mais aussi toucheront des retraites plus faibles puisqu’ils seront de moins en moins nombreux à pouvoir partir à taux plein. D’une pierre, vous faites deux coups, pénalisant à la fois les retraités actuels et les retraités futurs.

Cet article 4 restera funestement gravé dans les annales de nos travaux.

M. le rapporteur. Ce sont plutôt les articles 5 et suivants relatifs à la prise en compte de la pénibilité qui resteront gravés dans l’histoire des réformes des retraites.

Celle-ci est équilibrée, l’effort étant partagé entre les actifs, les employeurs et les retraités. Pourquoi ne faudrait-il rien demander aux retraités ? Ils ont certes gagné leur retraite pour laquelle ils ont cotisé tout au long d’une vie de travail où, soit dit au passage, ils ont vraisemblablement rencontré moins de difficultés que beaucoup de jeunes aujourd’hui parce qu’il y avait plus de travail. Mais ils ont aussi un devoir de solidarité à l’égard des jeunes générations. Il n’est pas anormal qu’ils soient appelés à participer à l’effort. Pour une pension de 1 000 euros par mois, le report de la revalorisation représente une perte de neuf euros par mois sur six mois. Ce n’est pas rien, mais cela reste modeste. Il faut ajouter que ce décalage de six mois ne sera pas reproduit par la suite.

Au nom même de la solidarité qui doit exister entre les générations, je suis défavorable à ces amendements de suppression.

La Commission rejette les amendements AS 42, AS 90, AS 132, AS 198 et AS 242.

Puis elle examine l’amendement AS 197 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. La défense du pouvoir d’achat n’est pas l’apanage d’une famille politique. Nous aussi avons cette préoccupation ancrée dans nos gènes.

Il faut souligner que le financement du régime général ne repose qu’à 64 % sur les salaires. Cela traduit bien le problème de structuration de notre système de retraites et l’insuffisance de la solidarité entre générations.

Si nous dénonçons l’augmentation de 0,15 % des cotisations patronales – toujours non compensée à ce jour, en dépit de l’engagement pris par le Premier ministre – c’est que la France a le triste privilège d’un taux de prélèvement sur ses entreprises de cinq points supérieur à ce qu’il est dans les autres pays de l’Union européenne, qui sont nos concurrents. En augmentant les cotisations patronales, vous grevez la compétitivité. En augmentant les cotisations salariales, vous amputez le pouvoir d’achat. Et au final, vous n’apportez aucune réponse. Madame Fraysse, nous ne demandons pas que les salariés travaillent jusqu’à soixante-quinze ans. Mais avec ce texte, ils devront cotiser plus longtemps sans que l’âge légal ait été reculé, ce qui signifie qu’ils partiront avec des retraites toujours plus faibles. De cela, nous ne voulons pas.

Mme Isabelle Le Callennec. Le Gouvernement a-t-il évalué l’impact qu’aura cette ponction du pouvoir d’achat des salariés et des retraités sur la consommation ? La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires a eu une incidence négative immédiate sur celle-ci – on l’a vu dès les vacances, pour ceux qui ont pu en prendre.

M. le rapporteur. Avis défavorable à l’amendement.

Madame Le Callennec, à l’horizon 2020, ce sont 2,7 milliards d’euros qui auront été demandés aux retraités avec le report de la revalorisation des pensions et la fiscalisation des majorations de pension accordées aux parents de trois enfants et plus. Ce montant doit être rapporté aux 1 900 milliards d’euros de prestations que notre système de retraites aura servis dans le même temps – à raison de 270 milliards par an. L’effort demandé aux retraités, dont le niveau de vie est aujourd’hui en moyenne comparable à celui des actifs si on tient compte de leur patrimoine, ne risque donc pas de déstabiliser la consommation.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 194 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Élu de Roubaix, ville la plus pauvre de France, où le taux de chômage est très élevé et où beaucoup de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, je me vois mal expliquer aux petits retraités que je rencontre, qui ont du mal à joindre les deux bouts, qu’après le vote d’une loi visant prétendument à « garantir l’avenir et la justice du système de retraites », leur pouvoir d’achat sera encore amputé de 0,6 %. Comment ces personnes qui ont travaillé et cotisé pour leur retraite, hélas dans un système qui n’était pas toujours juste, pourraient-elles comprendre qu’elles doivent maintenant elles-mêmes contribuer au rééquilibrage du système ?

Comme plusieurs collègues l’ont déjà souligné, vous mettez à mal le système de retraites par répartition dans lequel les actifs cotisent pour les retraités. Accepter le report de la revalorisation des pensions que vous proposez serait mettre un doigt dans un engrenage dangereux où, pour assurer l’équilibre du système, on taillerait dans les pensions et, où encore une fois, ce sont les plus démunis qui trinqueraient.

Mme Véronique Louwagie. L’alinéa 2 de l’article 4, que l’amendement vise à supprimer, aura pour conséquence une perte importante de pouvoir d’achat, car même si une telle disposition n’est pas reconduite, le rattrapage perdurera dans le temps. Mais le message derrière cette mesure – à savoir que l’on peut modifier les règles en cours de jeu – est plus inquiétant encore pour les retraités d’aujourd’hui et de demain. L’incertitude qui en résultera mettra à mal la confiance dans le système, alors qu’en ce moment, nos concitoyens ont au contraire besoin d’être rassurés. Enfin, ce dispositif s’ajoute aux contributions qui pèsent déjà sur les retraités, notamment au prélèvement de 0,15 %, puis de 0,30 %, instauré cette année.

M. le rapporteur pour avis. Les retraites continueront à augmenter à leur rythme tous les ans. Quant à la nouvelle date de la revalorisation, elle aura l’avantage de coïncider avec la publication des données de l’INSEE au mois d’octobre. En effet, lors des exercices budgétaires précédents, on a souvent suspendu l’augmentation des pensions de retraite dans l’attente des chiffres de l’inflation, ce cafouillage brouillant la compréhension du système. À cet égard, le report me paraît donc pertinent.

À celles et ceux qui nous donnent des leçons, je rappelle que la baisse des pensions de retraite est liée au mode de calcul qui prend aujourd’hui pour référence les vingt-cinq meilleures années. À l’époque où cette mesure a été votée, je ne me souviens pas vous avoir entendu protester. Comme le montre le rapport du Conseil d’orientation des retraites, l’indexation sur les prix a coûté cher aux retraités dont les pensions ont fortement diminué ces dix dernières années. C’est en outre à l’unanimité que les membres de l’UDI et de l’UMP ont voté, il y a moins de trois ans, la suppression de la demi-part fiscale accordée aux veuves. Ils devraient donc faire preuve de retenue à un moment où le Gouvernement aborde la situation actuelle avec justesse, rigueur budgétaire et volonté de justice, assurant une augmentation des pensions de retraites pour tous les retraités et tous les ans.

M. Richard Ferrand. La réversibilité des arguments rend ceux-ci fragiles. Mme Louwagie a d’abord expliqué qu’il fallait changer toutes les règles relatives à la situation des fonctionnaires, pour ensuite déclarer que changer une règle angoisserait les retraités actuels et futurs. Ou bien on peut changer des règles lorsque c’est pertinent, ou bien on ne peut en changer aucune. Mais l’on ne peut pas s’acharner sur une profession pour ensuite critiquer toute volonté de changement. Défendre des principes à géométrie variable ne fait pas progresser le débat.

M. Denis Jacquat. Les réformes de 1993, 2003 et 2010 ont permis de payer les retraites à temps, en versant aux bénéficiaires le montant pour lequel ils avaient cotisé et auquel ils avaient droit. Si vous jugez ces réformes mauvaises, pourquoi le Gouvernement actuel ne revient-il pas dessus ?

M. Philippe Vigier. Monsieur Terrasse, vous devriez relire les débats parlementaires relatifs à la suppression de la demi-part pour les veufs. Si vous déposez en séance publique un amendement pour rétablir celle-ci, notre groupe le soutiendra de façon unanime.

Monsieur Ferrand, nous ne nous acharnons pas sur les fonctionnaires ; nous demandons simplement de rapprocher les modes de calcul des uns et des autres.

Par ailleurs, assumez devant les Français la responsabilité d’avoir décidé que la revalorisation de toutes les retraites aura désormais lieu le 1er octobre, et non plus le 1er avril, ce qui permettra de vous mettre dans les poches un milliard d’euros.

M. le rapporteur. Il ne s’agit pas de nos poches ; nous tentons ainsi de sauver un système en péril au travers d’un effort partagé. Si nous sommes obligés aujourd’hui de mener une nouvelle réforme des retraites, c’est que les précédentes ont été insuffisantes, sinon inefficaces. Avis défavorable à cet amendement.

M. Arnaud Robinet. Il fallait alors supprimer les réformes de 2003 et de 2010, et revenir sur celle de 1993 !

Deux visions s’opposent ici. En 2010, notre seul objectif avec nos amis centristes était de sauvegarder le pouvoir d’achat des retraités ; nous avions donc refusé d’augmenter la CSG, tout comme de désindexer les pensions. Quant à vous, uniquement attachés au seuil de 60 ans, vous préférez ponctionner les retraités plutôt que de faire face à la réalité – la nécessité de travailler plus longtemps pour répondre au problème démographique. Assumez donc votre vision des choses et reconnaissez que vous faites la poche des retraités pour financer une partie de la réforme des retraites.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame Le Callennec, les conclusions de l’étude d’impact sur l’article 4, qui figurent aux pages 37 à 41 du projet de loi, devraient vous rassurer.

La Commission rejette l’amendement AS 194.

Puis elle étudie l’amendement AS 128 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à la proposition de suppression de l’article 4. Le report de la date de revalorisation des pensions pèsera sur le pouvoir d’achat de certains retraités. Je propose donc d’en exempter les retraités les plus modestes, tous régimes confondus, dont la pension mensuelle est inférieure à 1 256 euros – la valeur de la pension médiane.

M. le rapporteur. Cette réforme repose sur une solidarité entre toutes les catégories de retraités. De plus, la mesure que vous proposez serait difficile à mettre en œuvre du point de vue technique ; elle supposerait, en effet, que chaque régime connaisse les autres sommes perçues par les poly-pensionnés. Or, aussi incroyable que cela puisse paraître, on ne sait pas aujourd’hui faire le total des différentes pensions – issues des régimes de base et des régimes complémentaires – perçues par les retraités qui ont enchaîné plusieurs emplois ; la réforme devrait d’ailleurs nous y aider.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS 52 de Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Je mène le même combat. Ne pas faire subir le report d’indexation des pensions aux personnes percevant l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) constitue une avancée par rapport aux annonces du Gouvernement. Mais la population des retraités en situation précaire excède celle des bénéficiaires de l’ASPA : d’après l’INSEE, 1,6 million de retraités vivent sous le seuil de pauvreté ; seuls 600 000 d’entre eux touchent cette allocation. Que fait-on pour le million de retraités modestes qui subiront cette mesure ?

Pour un retraité percevant une pension de 1 000 euros mensuels, sur la base d’une revalorisation au 1er avril 2014 de 1,3 %, le manque à gagner sur une année serait de 40 euros. Le report au 1er octobre y ajoutera 78 euros supplémentaires, pour un total de 118 euros. Cette mesure touchera donc les retraités aux petites pensions. Madame la ministre avait expliqué qu’il était difficile de prendre en compte le seuil de pauvreté ; pourtant l’article 56 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 utilise cet indicateur pour introduire une majoration du complément familial. Pourquoi ne pas appliquer la même définition pour les retraités ?

Notre amendement vise à exclure tous les retraités non imposables du dispositif de report de l’indexation au 1er octobre.

M. le rapporteur. Même observation que précédemment, pour les mêmes raisons. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie l’amendement AS 326 de Mme Jeanine Dubié.

M. Jean-Noël Carpentier. Notre amendement tend à protéger les retraités modestes en maintenant une revalorisation au 1er avril pour les bénéficiaires du minimum contributif et du minimum garanti dans les fonctions publiques.

M. le rapporteur. Défavorable, pour des raisons essentiellement techniques qu’il serait trop long d’exposer. Le minimum contributif – qui ne s’applique qu’au régime de base – et le minimum garanti, inclus dans les pensions, sont difficiles à repérer. Nous avons relevé le plafond des pensions permettant à un retraité de toucher le minimum contributif – devenu de fait une pension – à 1 120 euros ; cette mesure permettra aux intéressés de cumuler davantage de revenus. Plus généralement, j’insiste sur la nécessité d’une participation, même modeste, de tous.

M. Jean-Noël Carpentier. Il me semble que nous sommes d’accord sur le fond. Pour les retraités très modestes, 118 euros représentent un montant important ; s’ils doivent eux aussi marquer leur solidarité, on ne peut pas négliger leurs difficultés. C’est pourquoi plusieurs propositions émanant de groupes différents cherchent à les protéger des effets du report d’indexation. On devrait envisager la rédaction d’un nouvel amendement en ce sens, que vous ou l’ensemble de la majorité pourriez présenter en séance.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 78, AS 100 et AS 318 de M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Avec ces amendements d’appel, nous cherchons à exprimer notre préoccupation à l’égard des retraités qui, sans bénéficier de l’ASPA, ne perçoivent que des pensions de retraite très modestes.

La logique du projet de loi consiste à répartir l’effort entre les retraités et les actifs. Mais si les bénéficiaires de l’ASPA sont exonérés du report de la revalorisation des pensions au 1er octobre, les personnes qui perçoivent une pension de 800 à 1 100 euros vivent également des situations difficiles. Le seuil de pauvreté semblant difficile à définir, nous avons proposé de prendre pour repère l’assujettissement à la CSG, suivant votre position, madame la ministre, dans le débat sur la contribution annuelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), qui a eu lieu l’année dernière dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.

Ces amendements cherchent à faire entendre au Gouvernement notre préoccupation en matière de pouvoir d’achat des retraités modestes. Tout en comprenant la logique globale de la réforme, nous souhaitons que ces personnes – qui ne sont jamais concernées par les dispositifs destinés aux plus précaires – soient également considérées. Nous espérons, madame la ministre, que vous nous fournirez des éléments de réflexion qui nous permettront d’embrasser cette problématique.

À nos collègues de l’opposition qui nous assènent leurs remarques sur l’évolution du pouvoir d’achat des retraités, je rappelle que la suppression de la demi-part pour les veufs a eu un impact considérable sur les revenus de beaucoup de femmes. Vous l’avez pourtant votée ; ayez donc le courage de le reconnaître.

M. Philippe Vigier. Monsieur Sirugue, vous ne pourrez pas faire le même reproche aux centristes. En commission des finances, nous avions trouvé un compromis avec le Gouvernement, mais la commission des affaires sociales de l’époque s’y était ensuite opposée. Je suis heureux de compter en votre personne un nouveau défenseur de la demi-part pour les veufs ; nous pourrions former une nouvelle majorité !

Nous partageons ce combat ; mais nous sommes également d’accord sur la question des retraités modestes qui pâtiront eux aussi du report de la revalorisation du 1er avril au 1er octobre. C’est pourquoi nous avons essayé de supprimer ce dispositif. Le souci du pouvoir d’achat des retraités modestes est fédérateur.

M. Denis Jacquat. En matière de politique sociale, que l’on soit de droite ou de gauche, nous nous entendons sur certains points. Le débat sur la suppression de la demi-part pour les veufs s’était déroulé de manière différente en commission des finances et en commission des affaires sociales, mais un groupe de députés – dont je faisais partie – était opposé à une telle suppression. En séance publique, la majorité à laquelle j’appartenais a fini par la voter ; mais nous avons continué notre combat, et réussi, dans un deuxième temps, à obtenir une dégressivité pour les personnes concernées. Aussi vos propos, monsieur Sirugue, m’apparaissent-ils extrêmement choquants. On peut faire des erreurs et les assumer, mais je vous interdis de faire des amalgames : nous sommes plusieurs à nous être battus dans notre camp contre la suppression de la demi-part, et nous continuerons à nous battre pour son rétablissement.

M. Christophe Sirugue. Vous représentiez alors un avis minoritaire, mais c’est votre majorité qui a mis en place une réforme aboutissant à la suppression de la demi-part. Or les femmes subissent de plein fouet la précarité, car elles ont souvent des pensions de retraite très faibles. Les réformes votées par votre majorité vous interdisent de nous donner des leçons.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le député, je vous remercie pour ces amendements d’appel. J’entends la préoccupation que vous exprimez – tant personnellement qu’au nom de votre groupe – à l’égard des personnes aux petits revenus. Je suis sensible à votre présentation ; pourtant, l’on ne saurait concevoir de réforme des retraites qui préserverait et améliorerait notre système sans effort de la part de nos concitoyens. Au contraire des choix faits précédemment – en particulier en 2010 –, la réforme que je porte fait appel à la solidarité entre l’ensemble des catégories de la population et des générations. Notre système des retraites est au cœur du pacte social ; il est donc normal que nous en appelions, pour le sauver, à une mobilisation de l’ensemble du pays. L’effort demandé ne doit pas peser, en vertu d’on ne sait quel principe, sur les seuls actifs ou entreprises ; il doit concerner l’ensemble des forces de la Nation.

La préoccupation que vous exprimez ne concerne pas uniquement les retraités : il est légitime de porter une attention particulière à toutes les catégories modestes. C’est pourquoi ce Gouvernement a pris et continuera à prendre des mesures qui leur sont spécifiquement destinées. Dans le cadre du pacte de lutte contre la pauvreté et les exclusions, nous avons ainsi relevé le seuil d’accès à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et à l’aide à la complémentaire santé. Grâce à cette mesure, entrée en vigueur au 1er juillet 2013, 750 000 personnes de plus – dont 80 000 à 100 000 retraités – pourront bénéficier d’une couverture santé gratuite ou d’une aide de 500 euros pour acquérir une complémentaire santé.

Le présent texte de loi comporte également des mesures en faveur de ces populations : le report de la revalorisation des retraites ne concernera pas les bénéficiaires de l’ASPA ; les retraites agricoles profiteront également de dispositifs particuliers. Nous procéderons enfin, par décret, à un relèvement significatif – de 1 028 à 1 120 euros – du seuil d’écrêtement du minimum contributif, qui atteindra le niveau du SMIC. Il s’agit de mesures fortes en direction de la population à laquelle vous êtes particulièrement attentifs.

Ce n’est néanmoins pas dans le cadre de la réforme des retraites que nous pouvons apporter des réponses au problème du pouvoir d’achat des Français les plus modestes. Le débat budgétaire permettra d’adopter des dispositions qui répondront à vos préoccupations. Mais ce projet de loi repose sur un équilibre atteint au terme d’une longue concertation, qui doit être respecté.

En revanche, je ne me retrouve pas dans les propos tenus par l’opposition. À entendre certains, le principe même d’un report de revalorisation d’une prestation serait inenvisageable. Or lors du PLFSS 2009, vous aviez reporté la revalorisation des retraites de trois mois, sans que cet effort soit accompagné d’une réforme structurelle permettant de le justifier. Nous souhaitons sauver notre système de retraites alors que votre seule préoccupation était alors de tenter de colmater les brèches de la sécurité sociale.

Je vous rappelle, mesdames, messieurs de l’opposition, qu’il y a quelques jours le président de la Commission des finances et quelques députés du groupe UMP ont fait savoir qu’ils allaient proposer un contre-budget, nous expliquant qu’il fallait des réformes de fond, qui consistaient à économiser sur les dépenses sociales en gelant l’ensemble des prestations sociales. Vous n’êtes donc pas les mieux placés pour nous donner des leçons en matière sociale. Le Gouvernement, quoi qu’il en soit, est très attentif aux situations évoquées par le groupe SRC, et notre politique entend répondre aux attentes de nos concitoyens.

M. le rapporteur. J’ai cru comprendre que Christophe Sirugue était à prêt à retirer ses amendements, et je l’en remercie. Mme la ministre nous a en effet affirmé que le Gouvernement étudiait toutes les pistes possibles. Nous serons donc attentifs aux mesures proposées dans le prochain projet de loi de finances et le prochain PLFSS.

M. Christian Paul. Nous n’accepterons jamais de leçons de justice de la part de ceux qui ont laissé pendant dix ans les injustices croître dans ce pays de façon indécente, et moins encore de la part de M. Robinet, qui publie aujourd’hui un livre au titre évocateur : La mort de l’État-providence.

Le groupe SRC est extrêmement sensible à la situation des retraités qui perçoivent les pensions les plus faibles, et nous prenons acte de la volonté du Gouvernement de faire en sorte que ces retraités pauvres ne subissent pas de baisse de leur pouvoir d’achat. C’est un enjeu qui dépasse largement le système des retraites, et nous serons très attentifs à ce que figurent dans le PLF pour 2014 des mesures destinées aux Français les plus modestes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes. Au titre de la Délégation aux droits des femmes, je m’associe évidemment à cet amendement, puisque la quasi-totalité des retraités pauvres sont des femmes, qui vivent pour plus de 80 % d’entre elles sous le seuil de pauvreté.

Nous serons attentifs aux signaux envoyés par le Gouvernement en faveur des très petites retraites. Nous attendons un message clair à l’intention de ces catégories les plus fragiles, et notamment des veuves, lourdement touchées par la suppression de la demi-part fiscale.

M. Denis Jacquat. Dans la mesure où nous étions prêts à voter ces amendements s’ils sont retirés, nous les reprendrons.

Mme Isabelle Le Callennec. Je m’étonne que la ministre demande le retrait d’amendements consensuels qui visent à mettre sur le même plan les personnes qui bénéficient de l’ASPA et celles qui sont exonérées de CSG.

M. Jean-Pierre Barbier. À trop se préoccuper du passé, chers collègues de la majorité, on gaspille une énergie qui serait mieux consacrée au présent et à l’avenir. Vous avez le sentiment que l’on vous donne des leçons en matière sociale, mais chacun voit le monde à son image, et nous avons le droit d’exprimer ici nos opinions.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Depuis 1999, nous entendons parler des 35 heures, et il me semble donc que le passé vous intéresse aussi.

M. Jean-Noël Carpentier. Je ne doute pas de la volonté du Gouvernement et de la majorité de mettre en œuvre une réforme juste, et ce malgré les difficultés économiques que nous traversons. Néanmoins, les difficultés sont aujourd’hui une réalité quotidienne pour certaines familles qui ne peuvent plus honorer leurs factures. Face à cette paupérisation, la majorité doit agir, et ce que nous proposons, loin de déséquilibrer votre réforme, madame la ministre, soulagerait au moins les retraités les plus modestes. Nous sommes une cinquantaine de députés à vouloir franchir ce cap.

M. Christophe Sirugue. Mes amendements sont des amendements d’appel, ce qui signifie que nous attendions des assurances de la part du Gouvernement – assurances que vient de nous donner Mme la ministre.

Sans vouloir détricoter ce projet de loi, nous répétons qu’existe dans ce pays un problème de pouvoir d’achat, qui n’est pas uniquement un problème de retraites et doit pouvoir trouver des réponses dans le projet de loi de finances. Je retire donc mes trois amendements, dans l’attente du PLF.

M. Philippe Vigier. En 2009, le Gouvernement avait en effet décalé de trois mois la revalorisation des pensions, madame la ministre, suscitant de vives protestations dans les rangs de l’opposition de l’époque. Or aujourd’hui la peine est double – six mois – et la cohérence voudrait que vos protestations soient deux fois plus fortes.

Vous prétendez par ailleurs vouloir préserver le pouvoir d’achat, mais l’allocation logement est gelée pour 2014.

Quant au pouvoir d’achat des retraités, nul besoin d’attendre le PLF, monsieur Sirugue, puisque c’est ici et maintenant, dans ce projet de loi sur les retraites, qu’il se trouve amputé par l’article 4 qui prévoit de décaler du 1er avril au 1er octobre la revalorisation des pensions.

M. Denis Jacquat. Je confirme que je reprends ces amendements. Pourquoi en effet remettre à demain ce que l’on peut faire aujourd’hui ?

La Commission rejette successivement les amendements AS 78, AS 100 et AS 318.

Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements AS 453 à AS 457 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’amendements de précision visant à clarifier la rédaction du V de l’article 4 afin de prévoir expressément que la pension et la rente viagère d’invalidité servies au fonctionnaire dont l’invalidité résulte de l’exercice de ses fonctions sont revalorisées au 1er avril, à l’instar de la pension servie au fonctionnaire dont l’invalidité ne résulte pas de l’exercice de ses fonctions.

La Commission adopte successivement les amendements AS 453 à AS 457.

Puis elle examine l’amendement AS 196 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Cet amendement vise à relever les taux de contribution des employeurs au financement de la solidarité sur les retraites dites « chapeaux ».

En matière de taux de remplacement – la valeur de la retraite perçue par le retraité par rapport au salaire qu’il touchait –, la France se situe huit points en deçà de la moyenne de l’OCDE, le taux étant encore plus faible pour les bas salaires, puisqu’il avoisine les 56 % contre 72 % pour les autres pays de l’OCDE.

Nous proposons donc ici un élargissement d’assiette offrant de nouvelles ressources qui permettraient de revaloriser les retraites les plus faibles. C’est l’exemple même d’un effort partagé.

M. le rapporteur. Je m’étonne de voir M. Vigier s’intéresser aux retraites chapeaux pour trouver de nouvelles ressources. Ces retraites chapeaux ont connu ces dernières années une fiscalité mouvementée, et un peu de stabilité leur ferait du bien. Nous aurons l’occasion d’en reparler à l’article 33, car ces régimes, jusqu’à présent traités en interne, devront désormais être externalisés auprès d’assureurs. Il s’agit de se mettre en conformité avec une directive européenne et de garantir les droits acquis par les salariés en cas de liquidation de l’entreprise. L’épargne constituée sera désormais gérée par des assureurs privés. Ce n’est donc pas le moment de changer le régime fiscal de ces retraites chapeaux d’entreprise, au nombre de 300 aujourd’hui. Avis défavorable.

M. Denis Jacquat. Il faut prendre garde à ne pas confondre les retraites chapeaux du CAC 40, qui peuvent sans problème être taxées, avec celles qui concernent des salariés ayant peu de moyens. En Lorraine, par exemple, les salariés de la sidérurgie perçoivent une retraite de base, une retraite complémentaire, puis une retraite supplémentaire dite « retraite chapeau », qu’une précédente réforme a déjà rognée, alors qu’il s’agit de très petits montants.

M. Philippe Vigier. Après nous avoir renvoyés hier soir à l’article 13, le rapporteur nous renvoie au-delà de l’article 30, alors que la majorité répète à l’envi qu’il faut taxer les retraites chapeaux ou les parachutes dorés, stigmatisant leurs bénéficiaires. Je m’étonne que vous repoussiez ainsi une proposition équilibrée.

M. le rapporteur. C’est sans doute que nous ne sommes pas habitués à de telles propositions de votre part, monsieur Vigier.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 458 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement de précision vise à supprimer l’alinéa 19.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS 195 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Cet amendement vise à accroître la taxation des parachutes dorés. Actuellement en effet, en deçà de 363 000 euros, ces indemnités ne sont soumises ni à la CSG ni à la CRDS, ce qui est surprenant. Dans un souci d’effort partagé et pour sécuriser le financement des retraites, nous proposons donc de baisser ce seuil à 36 000 euros. Voilà un moyen d’élargir l’assiette de taxation et de dégager de nouvelles recettes pour pouvoir augmenter le pouvoir d’achat des petits retraités.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement s’inscrit dans notre souci de justice et d’équité, et j’espère qu’il recevra un avis favorable du rapporteur. Comment expliquer en effet à nos concitoyens qui, pour la plupart d’entre eux, ne percevront jamais de tels montants, qu’une somme de 363 720 euros ne soit pas assujettie à la CSG, à la CRDS et aux cotisations de sécurité sociale ?

M. le rapporteur. Monsieur Vigier, vous êtes décidément méconnaissable… Vous abordez un sujet qui mériterait d’être discuté au sein de la Commission des finances, dans le cadre du PLF ou du PLFSS. Votre proposition de diviser par dix le seuil d’assujettissement est intéressante, car elle offre la perspective de nouvelles recettes. Néanmoins, elle est presque trop belle pour être honnête et pour que je lui accorde un avis favorable. Même si cette piste mérite d’être creusée, nous assurons pour l’instant le financement des retraites par d’autres moyens.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce n’est pas la première fois que M. Vigier nous surprend : rappelons-nous sa proposition de loi sur la démographie médicale.

M. Philippe Vigier. En 2003, quel est le groupe parlementaire qui a déposé une proposition de loi sur la taxation des transactions financières, tandis que la proposition de loi socialiste de 2006 se bornait à proposer une taxation à zéro % ? Et n’est-ce pas le groupe UDF qui a déposé le premier projet de taxe Tobin au Parlement européen ?

C’est dans la droite ligne de ces positions que nous vous proposons les mesures dont vous repoussez l’examen à la lecture du PLF. Plusieurs députés ont plaidé cet après-midi avec le cœur pour que l’on revalorise les petites retraites. Nous vous offrons le moyen de financer cette revalorisation, mais vous refusez de nous entendre comme si, en proposant des mesures constructives, l’opposition commettait un crime de lèse-majesté. C’est une attitude regrettable lorsque l’on connaît l’état de nos finances publiques.

M. Michel Liebgott. On peut en effet s’étonner que ceux qui, à l’époque, faisaient la promotion de ces parachutes proposent aujourd’hui de les taxer. Sans doute sont-ils inspirés par les exemples étrangers comme celui de la Suisse, qui a voté à plus de 65 % une initiative populaire supprimant les parachutes dorés. Après cette votation, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait d’ailleurs indiqué qu’il faudrait sans doute s’inspirer de ce que faisaient les Suisses. Mais, à la différence de ces derniers, monsieur Vigier, vous souhaitez non pas supprimer les parachutes dorés, mais les taxer. C’est un sujet qui sort du cadre de notre débat sur ce texte, mais sur lequel il conviendra de se pencher à l’occasion des prochaines lois de finances, voire d’un projet de loi spécifique.

M. Philippe Vigier. Puisque vous en avez envie, supprimez donc les parachutes dorés ! Allez au bout de vos rêves ! Nous osons aller de l’avant et c’est ce qui vous embête : vous aimeriez tellement reprendre la main ! Mais nous ne vous laisserons pas ce plaisir !

M. le rapporteur pour avis. Je suis sensible à la proposition de M. Vigier. Cependant, elle concerne non seulement les parachutes dorés, mais toutes les indemnités versées par l’employeur en cas de rupture du contrat de travail. M. Vigier souhaite abaisser fortement le plafond au-delà duquel ces indemnités sont assujetties, dès le premier euro, à la CSG, à la CRDS et aux cotisations de sécurité sociale. Compte tenu des montants en question, l’idée ne me paraît pas absurde.

Néanmoins, je suis du même avis que le rapporteur : il n’est guère opportun d’introduire dans le présent projet de loi un dispositif qui n’a pas grand-chose à voir avec le système de retraites. La CSG et la CRDS sont des ressources propres au budget de la sécurité sociale. Cette discussion aura donc toute sa place dans le cadre de l’examen du PLFSS. À cette occasion, le groupe socialiste reprendra à son compte la proposition de M. Vigier.

La Commission rejette l’amendement AS 195.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

La Commission est saisie de sept amendements portant articles additionnels après l’article 4.

Elle examine d’abord l’amendement AS 125 de M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Je propose d’élargir l’assiette des contributions sociales pour équilibrer le financement du régime de retraites. Nous constatons en effet une dichotomie entre les revenus financiers et l’économie réelle. Tel était d’ailleurs l’objet de la loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel que nous avons adoptée aujourd’hui en séance publique. Le montant des dividendes versés par les entreprises a explosé depuis quelques années. Or les dividendes ne contribuent pas au financement de nos régimes de solidarité. Je propose donc de les taxer, en leur appliquant le même taux qu’aux salaires bruts acquittés par l’employeur, soit 8,4 %. Cela procurerait à la branche vieillesse une recette d’environ 20 milliards d’euros.

M. le rapporteur. Le financement du régime de retraites repose sur un principe contributif : ses ressources sont, à 80 %, des cotisations. Avec le présent projet de loi, nous équilibrons l’effort demandé entre les actifs, les retraités et les entreprises. De manière très louable, vous recherchez, monsieur Carpentier, des ressources additionnelles. Cependant, l’imposition que vous proposez ne serait guère efficace : elle procurerait des recettes variables d’une année sur l’autre, les revenus financiers étant par nature aléatoires. Il ne pourrait donc s’agir que de recettes d’appoint. Or nous devons bâtir un système solide, équilibré et pérenne. Avis défavorable.

M. Jean-Noël Carpentier. Je comprends l’argumentation du rapporteur. Toutefois, je ne propose pas d’équilibrer le financement du système de retraites de manière définitive au moyen de cette seule ressource. Il s’agirait simplement d’une recette supplémentaire dont le régime a bien besoin ! Je maintiens mon amendement et aborderai la question en séance publique. Je suis d’ailleurs ouvert à la discussion, notamment sur une éventuelle révision à la baisse du taux que je propose. Cette taxation serait un moyen de réinvestir les revenus financiers dans l’économie réelle et solidaire. Il convient d’imposer des limites à la financiarisation de l’économie. La majorité de gauche s’honorerait à étudier ce type de dispositifs. D’autres pays le font.

Mme Jacqueline Fraysse. Je souscris aux propos de M. Carpentier. Je précise à l’attention du rapporteur que les dividendes sont le fruit du travail des salariés. Nous sommes donc bien au cœur du sujet.

M. le rapporteur. Je vous remercie de ce rappel, madame Fraysse. Les dividendes sont en effet une partie de la valeur ajoutée créée par les entreprises. Cela dit, ils sont soumis à d’autres formes d’imposition. Il revient à la Commission des finances d’étudier cette question, les éventuelles recettes supplémentaires n’ayant d’ailleurs pas nécessairement vocation à financer le système de retraites.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS 181 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Cet amendement vise à concentrer les allégements de charges sociales sur les entreprises du secteur concurrentiel, en particulier les PME et les TPE, afin de favoriser l’emploi des jeunes et des seniors. Les allégements « Aubry » et « Fillon » coûtent pas moins de 23 milliards d’euros. Ils concernent toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et que leur environnement soit concurrentiel ou non. Ils s’appliquent sur les rémunérations versées par les employeurs jusqu’à 1,6 fois le SMIC. Nous proposons de ramener ce plafond à 1,5 fois le SMIC pour les entreprises qui ne se trouvent pas dans le secteur concurrentiel, c’est-à-dire les très grandes entreprises qui répondent aux critères précisés dans l’amendement. Cela permettrait une économie qui a été chiffrée à 1,2 ou 1,5 milliard d’euros par la Commission des finances.

M. le rapporteur. Nous appliquons nos propres mesures afin de favoriser l’emploi des jeunes et des seniors, en particulier le contrat de génération. Cela étant, je ne dénigre pas votre proposition. Elle aurait cependant davantage sa place dans le PLFSS que dans le présent projet de loi.

M. Philippe Vigier. Vous le savez comme moi, monsieur le rapporteur : les contrats de génération peinent à être signés, car l’apport financier de l’État n’est pas à la hauteur des enjeux. La mesure que je propose leur donnerait un coup de pouce.

J’ai déposé cet amendement plusieurs fois au cours de la précédente législature et il a été systématiquement rejeté par l’ancienne majorité. Je continue aujourd’hui à le défendre, car je crois à sa pertinence. D’ailleurs, accorder des dégrèvements de charges à des entreprises dont l’environnement n’est pas concurrentiel n’est pas nécessairement leur rendre service. Je vous invite à lire les études réalisées par la Cour des comptes à ce sujet.

M. le rapporteur. Les contrats de génération sont en train de monter en puissance.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le ministre du travail a en effet expliqué que le dispositif avait fait l’objet de négociations jusqu’au 15 septembre dernier et qu’il allait prendre de l’ampleur à partir du 1er octobre.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Article 4 bis (nouveau)
(art.
L. 5552-20 du code des transports)

Modalités de revalorisation des pensions des marins

Votre commission a adopté un amendement portant article additionnel, visant à découpler la revalorisation des pensions des marins de celle du salaire forfaitaire, en alignant la revalorisation des pensions des marins sur celle du régime général – ce qui est déjà le cas en pratique.

L’article L. 5552-20 du code des transports qui prévoit les règles de détermination des pensions des marins dispose que « les pensions concédées sont revalorisées lorsque le salaire forfaitaire est revalorisé », les pensions des marins étant en effet calculées sur une assiette de salaire forfaitaire. Or, cette formulation a pour effet de lier inutilement les règles de revalorisation des salaires forfaitaires avec celles des pensions et empêche toute modification des catégories de salaire forfaitaire qui se répercuterait automatiquement sur les pensions concédées.

En pratique, c’est d’ailleurs le pourcentage appliqué lors de la revalorisation générale des pensions par arrêté annuel au 1er avril qui s’applique également à la revalorisation du salaire forfaitaire.

*

Puis elle est saisie de l’amendement AS 459 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à découpler la revalorisation des pensions des marins de celle du salaire forfaitaire, en l’alignant sur celle des pensions du régime général. C’est déjà ce qui se fait en pratique, mais il convient d’asseoir juridiquement cet usage.

La Commission adopte l’amendement.

Après l’article 4

Puis elle examine l’amendement AS 178 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Le régime par répartition constitue le socle de notre système de retraites et un élément essentiel du pacte républicain. Pour autant, les fonctionnaires – avec la Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique, la Préfon – les agriculteurs et les élus peuvent adhérer à un régime complémentaire par capitalisation. Il ne faut donc pas opposer répartition et capitalisation. C’est pourquoi nous souhaitons rétablir la loi Thomas du 25 mars 1997 créant les plans épargne retraite. Tous les Français auraient ainsi la possibilité d’accéder à un régime par capitalisation en complément du système par répartition. Dans la mesure où les catégories socioprofessionnelles que j’ai citées bénéficient d’un tel avantage, au nom de quoi le refuserait-on à d’autres ?

En outre, nos concitoyens se constituent déjà, sur une base individuelle, une épargne retraite par capitalisation. À cet égard, un ancien ministre de l’économie socialiste avait déclaré : « Quoi qu’il en soit, l’inégalité qui résulterait de procédures de capitalisation gérées dans l’intérêt de l’épargnant est sans doute inférieure à celle qui découle des capitalisations individuelles. » Il conviendrait en effet de mieux encadrer la démarche spontanée de nos concitoyens pour la rendre plus efficace et transparente. La loi Thomas offrait un cadre adapté. Au besoin, il pourrait être encore amélioré.

M. Arnaud Robinet. C’est un sujet passionnant. Le débat entre le « tout répartition » et le « tout capitalisation » est aujourd’hui dépassé. Le choix du groupe UMP est clair : nous voulons sauvegarder le système par répartition. Mais nous sommes également favorables au développement des mécanismes de capitalisation. Le rétablissement de la loi Thomas irait dans le bon sens.

Par ailleurs, nous souhaitons améliorer les dispositifs existants. En particulier, nous souhaitons généraliser le plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO) à l’ensemble des entreprises. En effet, ce dispositif demeure facultatif, même si la loi Woerth de 2010 a obligé les entreprises proposant un plan d’épargne d’entreprise (PEE) à ouvrir des négociations avec les représentants du personnel en vue de la mise en place d’un PERCO. De plus, nous souhaitons – nous le dirons également en séance publique – que 50 % de la participation et de l’intéressement soient orientés par défaut sur le PERCO. La loi de 2010 a déjà instauré un fléchage automatique de la moitié de la participation sur le PERCO, sauf refus exprès du salarié. L’ajout de 50 % de l’intéressement créerait un flux de cotisations d’environ 5 milliards d’euros par an vers les PERCO. Il convient de donner la possibilité à l’ensemble des salariés français de se constituer une retraite par capitalisation, en complément du système par répartition.

M. le rapporteur pour avis. Je fais partie des députés qui ont contribué à l’abrogation de la loi Thomas en 1997. Nous ne disposons pas, en France, de fonds de pension classiques tels qu’il en existe dans les pays anglo-saxons, mais notre taux d’épargne est l’un des plus élevés d’Europe : près de 17 % du PIB. Cependant, notre épargne est peu dynamique et ne contribue pas suffisamment au développement de l’économie. L’essentiel des placements est constitué par les obligations qui servent à financer le déficit public de la France et de pays tels que l’Espagne ou l’Irlande. Il conviendrait de réorienter notre épargne, en particulier l’assurance-vie. Nous discutons de cette question – distincte du débat sur la réforme des retraites – au sein de la Commission des finances.

Quant aux mécanismes d’épargne retraite individuels et collectifs, ils existent déjà : plan d’épargne retraite populaire (PERP), plan partenarial d’épargne salariale volontaire (PPESV), PERCO. Ils offrent des possibilités de sortie en capital ou en rente.

D’une manière générale, l’efficacité d’un système par capitalisation est liée à la santé économique d’un pays : si les résultats des entreprises se dégradent, les pensions des retraités diminuent.

Mais notre choix et celui du Gouvernement n’est pas celui-là : c’est de renforcer, dans la durée, le système par répartition, qui a prouvé son efficacité, notamment au cours de la crise des années 2008, 2009 et 2010. Tel est le sens du présent de projet de loi.

Cela n’empêchera pas, ultérieurement, d’aborder la question d’un régime par points – qui existe déjà, de fait, en France – ou d’un étage surcomplémentaire.

M. le rapporteur. Notre choix est clair : la répartition avant tout. C’est le meilleur moyen d’assurer à tous les Français une retraite correcte, quel que soit leur niveau de revenus.

Nous n’ignorons pas les divers mécanismes d’épargne retraite par capitalisation. L’assurance-vie – dont l’encours s’élève à 1 400 milliards d’euros – est très souvent utilisée à cette fin. Les salariés ont également recours aux PERP ou aux PERCO dans les entreprises.

S’agissant du système que vous proposez, monsieur Vigier, son financement repose sur une exonération des cotisations sociales. Cela reviendrait donc à priver les régimes de retraite de base et complémentaires d’une partie de leurs ressources. Nous sommes opposés à un tel détournement des cotisations au profit des dispositifs de capitalisation.

Grâce à la présente réforme, nous sommes en mesure de sauver le système par répartition. Mais certains – je ne vous accuse nullement d’être de ceux-là, monsieur Vigier – sont toujours à l’affût et tirent argument de ses faiblesses pour tenter de le remplacer par un système par capitalisation. Méfions-nous des mécanismes qui favoriseraient trop la capitalisation au détriment de la répartition. Nous devons d’abord garantir à tous un bon système par répartition, solide, fiable, qui soit un peu la « sécurité sociale du pauvre ».

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS 179 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Vous avez de fait, chers collègues de la majorité, validé la réforme de 2010 : l’âge légal de départ à la retraite passera à soixante-deux ans en 2018 ; la durée de cotisation sera portée à 41,5 puis à 43 ans.

Cependant, la consolidation du régime par répartition n’est pas achevée : nous avons trouvé 25 milliards d’euros grâce à la réforme de 2010 ; il manque encore 20,5 ou 21 milliards pour financer le système de retraites à l’horizon 2020. Or nous devons adresser un message de confiance aux jeunes générations en répondant à leurs préoccupations : le système est-il solide dans le temps ? Est-il juste ? Fait-il appel aux contributions des uns et des autres de manière équilibrée ? Permet-il un rapprochement entre régimes du secteur public et du secteur privé ?

En outre, nous nous sommes tous émus de l’absence de moyens financiers qui permettraient de revaloriser les pensions les plus modestes. Quant aux mesures nouvelles que le Gouvernement a inscrites dans le présent projet de loi, elles ne sont pas financées.

Si l’on souhaite une réforme globale qui réduise les inégalités, il convient de dire la vérité aux Français. Ce n’est pas ce que vous faites, chers collègues de la majorité : certes, vous dites aux Français qu’ils devront cotiser plus longtemps, mais vous oubliez de préciser que, comme l’âge de départ à la retraite n’est pas repoussé, ils subiront une décote. Pour notre part, nous souhaitons accélérer la mise en œuvre de la réforme de 2010. Nous proposons que l’âge légal de départ à la retraite soit porté à soixante-deux ans en 2015, puis à soixante-quatre ans en 2020. C’est le seul moyen de revenir à l’équilibre. De plus, grâce aux économies ainsi réalisées, nous pourrons répondre aux attentes légitimes en matière de revalorisation des pensions les plus modestes, c’est-à-dire de pouvoir d’achat.

M. Arnaud Robinet. La majorité doit tenir un langage de vérité. Si vous jouez uniquement sur le paramètre de la durée de cotisation, vous allez défavoriser les jeunes générations : elles devront travailler jusqu’à soixante-sept ou soixante-huit ans pour percevoir une retraite à taux plein ; ceux qui partiront en retraite à l’âge légal – soixante-deux ans – subiront une décote.

Pour redresser rapidement le financement du régime de retraites, le plus judicieux est de reculer l’âge légal de départ à la retraite. Le groupe UMP est favorable à l’accélération de la mise en œuvre de la réforme de 2010. La proposition de M. Vigier – soixante-quatre ans en 2020 – correspond à la nôtre : soixante-cinq ans entre 2026 et 2030.

Le Président de la République et le Gouvernement reconnaissent que les Français seront obligés de partir à la retraite après soixante-deux ans du fait de l’allongement de la durée de cotisation. Alors, dites la vérité aux Français ! Assumez votre réforme en reculant l’âge légal de départ à la retraite ! Le bénéfice en termes de financement du système de retraites sera immédiat.

En 2010, François Hollande avait déclaré : « Nous reviendrons sur tous les paramètres des réformes de 2003 et de 2010. » Il a – heureusement – oublié ses promesses.

M. le rapporteur. N’allons pas reprendre un débat que nous avons déjà eu largement hier soir. Nous avons expliqué à maintes reprises notre choix de conserver l’âge légal et de jouer sur les annuités, ce qui permettra à ceux qui auront quarante-trois annuités – et il en existera – de partir à soixante-deux ans. Votre système, de dix-huit ans à soixante-quatre, est plus bloquant. Ce n’est pas notre choix.

Nous avons aussi décidé de ne pas brusquer ceux qui sont à quelques années de la retraite – 2020 c’est tout près. Ne pas perturber les travailleurs approchant la soixantaine qui ont des projets, c’est la marque de fabrique de cette réforme non violente. Vous espériez de la violence ; il n’y en aura pas. Des mesures de court terme et de moyen terme s’articulent pour rétablir progressivement l’équilibre sans braquer la société française et nos concitoyens.

Cet amendement ne s’inscrit pas dans nos choix. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Barbier. Depuis cet après-midi nous parlons beaucoup de pauvreté, nous inquiétant des prélèvements à venir qui risquent d’appauvrir plus encore nos compatriotes. Une retraite par capitalisation pour toutes les catégories de population pourrait être une solution à cet égard. Or le rapporteur a vanté tout à l’heure le bon système de répartition qui serait mis en place en parlant de « retraite du pauvre ». Est-ce offrir une perspective d’avenir à notre jeunesse que de lui promettre une retraite du pauvre ? L’expression est pour le moins malheureuse.

M. le rapporteur. La capitalisation concernerait essentiellement ceux qui peuvent capitaliser, excluant forcément ceux qui n’en ont pas les moyens. À ce système peu satisfaisant, nous préférons un système de cotisation tout au long de la carrière professionnelle pour que tous les salariés acquièrent, quitte à ce que ce soit malgré eux, des droits à la retraite. Tout le monde n’a pas les moyens d’épargner aussi conséquemment que vous le dites. Au-delà de la solidarité entre les générations, la répartition à ceci de magique qu’elle procure à chacun une retraite. Parler de « sécurité sociale du pauvre » n’était peut-être pas approprié, mais c’est l’expression qui m’est venue pour la mettre en regard de la capitalisation dont nous débattions. Je conviens qu’elle n’illustre pas la retraite décente, digne et correcte qui doit revenir à chacun, celle que j’avais à l’esprit.

La capitalisation, c’est pour ceux qui peuvent. Nous, c’est aux autres que nous nous intéressons. Une fois leurs impôts et leurs dépenses payés, ceux qui veulent capitaliser ont le droit de le faire en toute légitimité. Mais notre système n’est pas bâti dans cette optique, et nos inquiétudes se portent plutôt vers ceux qui ont de faibles revenus. N’ayez donc pas de doute sur ce que nous voulons faire.

En tout cas, nous ne voulons pas repousser l’âge légal à soixante-quatre ans. Mesurez bien ce que vous proposez : celui qui aura commencé à dix-huit ans et partira à soixante-quatre, aura cotisé quarante-six annuités. Est-ce plus juste que de pouvoir prendre sa retraite dès lors qu’on a effectué ses quarante-trois annuités ? Parmi les mesures de justice dont nous parlerons dès l’article 5, plusieurs possibilités seront offertes de partir autour de soixante-deux ans. Aujourd’hui, les départs à la retraite ont lieu aux alentours de soixante et un ans, ce qui n’est pas très éloigné de l’âge pivot de soixante-deux ans. Certains travailleront un peu plus, par choix, par goût, par volonté, mais parfois aussi par nécessité, convenons-en ; d’autres travailleront un peu moins pour les mêmes raisons. L’architecture que nous avons choisie pour cette réforme repose plus sur des choix individuels que sur des obligations.

M. Denis Jacquat. Permettez-moi de rappeler que, dans notre pays, l’âge moyen du premier CDD est de vingt et un ans et celui du premier CDI de vingt-sept ans.

Nous sommes tous très attachés au système par répartition. Seulement, lorsque ce système a été mis en place en 1946, il y avait sept cotisants pour un inactif, contre un peu plus d’un cotisant pour un pensionné aujourd’hui. Tout le problème est donc de trouver d’autres sources de financement. Dans le système allemand mis en place depuis plusieurs années par la grande coalisation du SPD et de la CDU, coexistent un fonds de répartition et un système d’épargne retraite par capitalisation soutenu par l’État : pour un euro placé par l’épargnant, l’État met un euro. L’épargne retraite n’est pas un gros mot si personne n’en est exclu. On ne peut pas la diaboliser et la prétendre impossible d’emblée sans engager une réflexion sur une éventuelle introduction dans notre système.

La commission rejette l’amendement AS 179.

Puis elle examine, en présentation commune, les amendements AS 186 de M. Philippe Vigier et AS 192 de M. Francis Vercamer.

M. Philippe Vigier. Nous avons demandé que le Comité de suivi, le Conseil d’orientation des retraites (COR) et différents autres organismes puissent se voir assigner des missions plus ciblées. Cela nous a été refusé. Vous le savez, nous sommes favorables à un système unique de retraite par points. Mon amendement tend à demander au Gouvernement un rapport sur la possibilité de mettre en place un tel système. Cela n’engagerait à rien, mais permettrait d’éclairer la représentation nationale sur certaines questions soulevées depuis le début de nos débats et qui méritent d’être affinées.

Tout l’art de ne pas faire étant d’attendre, le rapporteur risque de nous renvoyer à plus tard. Permettez-moi de vous rappeler que ce que vous appelez une réforme – et nous un replâtrage – est le fruit de rapports du COR et du rapport Moreau. Puisqu’il faut bien s’appuyer sur des documents, les partager avec la représentation nationale ne leur donnerait que plus de poids.

M. le rapporteur. Le débat a largement eu lieu. Nous parlons du système actuel, que nous avons pour ambition de rendre équitable, juste et pérenne. Ensuite, il n’est pas impossible que les choses évoluent, mais ce n’est pas à l’ordre du jour : je l’ai dit hier soir, je le répète aujourd’hui, je le redirai demain s’il le faut. Avis défavorable.

M. Michel Liebgott. M. Vigier nous fait faire un tour du monde fort instructif des systèmes de retraite, qu’ils soient par répartition ou par capitalisation. Ce pourrait, en effet, être l’objet d’un colloque. Toutefois, nous discutons aujourd’hui d’un texte précis dont le but est de rassurer les Français, à court terme, à moyen terme et jusqu’en 2035. S’il n’est pas interdit de réfléchir au-delà, le système français d’aujourd’hui est fondé sur la répartition. Il comporte une part de capitalisation sous forme d’assurance-vie, de livrets d’épargne ou même de propriété immobilière, pour éviter d’avoir à payer un loyer lorsque, une fois à la retraite, les revenus sont moindres, sans parler de la possibilité de revente si le domicile est devenu trop grand ou difficilement accessible.

On peut effectivement imaginer bien d’autres modèles. Amendement après amendement, vous présentez un panel de toutes les possibilités, mais il faudra bien que l’on finisse par voter. Vous avez adopté une réforme portant l’âge de la retraite de soixante-deux à soixante-sept ans. Aujourd’hui, on peut ouvrir des droits à soixante-deux ans, mais pour avoir un taux plein, il faut pousser jusqu’à soixante-sept ans. L’allongement de l’âge de la retraite ne permettrait pas la liberté dont parlait le rapporteur tout à l’heure.

M. Arnaud Robinet. L’amendement de M. Vigier n’a rien à voir avec la capitalisation. Un système par points a toujours pour base la répartition. La position de l’UMP est très claire : puisque la loi de 2010 n’est pas abrogée, nous demandons simplement qu’elle soit appliquée, c’est-à-dire qu’une réflexion soit lancée en 2013, avec la rédaction d’un rapport, sur la mise en place d’un système par points unique pour l’ensemble des salariés français.

M. Francis Vercamer. Puisque la loi de 2010 prévoyait que le Gouvernement engage une réflexion sur le système universel par points, mon amendement pourrait être considéré comme satisfait. Or il ne l’est pas puisque le Gouvernement ne respecte pas la loi et ne lance pas ce travail. Il est pourtant important de réfléchir dès maintenant à une réforme systémique. J’observe toutefois que, dans la partie suivante, le calcul de la pénibilité est un début de système par points, sans pour autant que l’ensemble du système de retraites soit réformé. Il faut maintenant réfléchir à un système universel pour atteindre l’équité entre tous les Français.

M. le rapporteur. Un système universel par points n’est pas une garantie d’équité, c’est un autre mode de gestion. Nous n’en sommes pas là aujourd’hui, notre réforme se concentre sur autre chose. Toutefois, je n’exclus pas que la réflexion fasse son chemin, les Français l’appelant de leurs vœux – parfois parce que certains insistent beaucoup sur le régime des fonctionnaires si exorbitant du droit commun, pratiquant ainsi une totale désinformation. Concentrons-nous sur la présente réforme : il est possible de rendre le système d’aujourd’hui juste, équitable et pérenne sans passer par la méthode par points. Avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Le relèvement de la durée de cotisation a été retenu pour ne pas perturber les retraités, a dit le rapporteur. Mais cet objectif ne sera pas atteint. Les retraités actuels verront en effet leurs pensions indexées au mois d’octobre au lieu du mois d’avril, ce qui contribuera à diminuer leur pouvoir d’achat. Quant aux retraités à venir, ils n’auront plus leur retraite à taux plein à soixante-deux ans et subiront une décote, donc une diminution de leur pouvoir d’achat, eux aussi.

À nouveau, vous nous refusez un rapport. C’est pour avancer dans la réflexion, pour faire évoluer les dispositifs et prendre en compte les disparités qui existent que nous vous demandons de tels rapports. Vous-même avez souligné les disparités – coups de chapeau, bonifications de dépaysement – sur lesquelles des discussions devaient s’ouvrir. Vous venez de dire que les Français appellent un autre système. Il est temps de les écouter, de réfléchir à la mise en place d’un autre dispositif et de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport en ce sens.

M. le rapporteur pour avis. D’un point de vue macro-économique, les dispositifs en matière de retraite sont nombreux, et il ne faudrait pas se tromper sur les choix à notre disposition. En France, nous avons un système mixte, à la fois par répartition et à points, notamment à travers les régimes complémentaires de retraite, qui sont obligatoires et fournissent aujourd’hui plus de 30 % des revenus des retraités de base et plus de 60 % des revenus pour les cadres. Certains pays européens offrent des systèmes au forfait, d’autres des systèmes mixtes intégrant de la capitalisation. Et puis, il y a la Suède, qui a mis en place des comptes notionnels – je vois bien que c’est de cela que vous voulez parler. Mais, à bien y regarder, les éléments de ces comptes notionnels sont les mêmes que ceux qui composent le système par répartition : âge de départ à la retraite, durée de cotisation, montant des cotisations. Au moment de la mise en place de leur système, en 1998, les Suédois se disaient convaincus que celui-ci serait équilibré, même avec le tuilage nécessaire entre les anciens et les nouveaux. Or, dès 2010, le gouvernement suédois a été obligé d’aller chercher des ressources pour combler les déficits massifs du système. On ne peut donc pas dire que les comptes notionnels constituent le système le plus performant en période de crise puisque la Suède est dans la même situation que nous : nous faisons des déficits, qui sont aujourd’hui contenus dans les caisses alors qu’en Suède le Gouvernement est appelé à renflouer ces dernières.

S’agissant de la demande de rapports, pour la loi de 2010, un rapport avait été demandé au Conseil d’orientation des retraites, qui avait donné lieu à un large débat en son sein, auquel j’avais moi-même participé aux côtés de Thomas Piketty et Antonio Bozio. Thomas Piketty, d’ailleurs, qui était parmi les plus farouches partisans de la capitalisation et des comptes notionnels, en revient, considérant que le système n’est pas complètement abouti et pose encore des difficultés. Le temps n’est donc pas encore venu d’envisager les comptes notionnels pour notre pays, d’autant que s’y ajouterait la difficulté du tuilage entre générations. J’invite ceux que cette question passionne à visiter le site internet du Sénat, qui propose un rapport très complet sur le sujet. Je ne doute pas que, comme moi qui ai défendu au sein du COR les comptes notionnels avec Thomas Piketty, ils en reviendront.

La commission rejette successivement les amendements AS 186 et AS 192.

TITRE II

RENDRE LE SYSTÈME PLUS JUSTE

Chapitre Ier

Mieux prendre en compte la pénibilité au travail

Avant l’article 5

La commission est saisie d’un amendement AS 177 de M. Francis Vercamer, portant article additionnel avant l’article 5.

M. Francis Vercamer. Si l’on voulait vraiment rendre le système plus juste, on s’arrangerait pour qu’il soit le même pour tous les Français. Or, entre public, privé et régimes spéciaux, les conditions sont très différentes en termes d’âge de départ, de durée de cotisation, de montant des pensions ou de modalités de calcul de celles-ci. Qui plus est, vous baissez les pensions de retraite, notamment les plus petites. Si l’on voulait être plus juste, on s’arrangerait pour qu’au moins celles-ci ne soient pas touchées par le dispositif. Vous l’avez aussi refusé.

Au chapitre de la pénibilité, en revanche, on va gagner en complexité, notamment avec les fiches de prévention des expositions. Alors que la médecine du travail est aujourd’hui en difficulté et qu’on manque de médecins du travail, la gestion des comptes et des points sera compliquée. Les mesures qui vont nous être présentées introduiront plutôt plus de complexité que de justice. C’est pourquoi plutôt que « Rendre le système plus juste », je propose d’intituler le titre II : « Rendre le système plus complexe ».

Sur l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Article 5

(art. L. 4161-1 [nouveau] du code du travail)


Fiche de prévention des expositions

Cet article introduit au I un nouveau titre IV au sein du livre Ier de la quatrième partie du code du travail, intitulé « Dispositions particulières à certains facteurs de risques professionnels et à la pénibilité ».

Il crée au II un nouvel article L. 4161-1 du code du travail instituant une « fiche de prévention des expositions », afin d’assurer la traçabilité des informations individuelles relatives à la pénibilité et des droits acquis à ce titre.

 La fiche d’exposition aux risques professionnels créée en 2010

En l’état actuel du droit, l’article L. 4121-3-1 du code du travail, issu de la loi du 9 novembre 2010, dispose que l’employeur doit consigner un certain nombre d’informations dans une fiche, pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels.

Les catégories suivantes doivent être renseignées :

– les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé ;

– la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ;

– les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période.

Cette fiche individuelle est établie en cohérence avec l’obligation d’évaluation des risques professionnels par l’employeur prévue à l’article L. 4121-3 du code du travail. Celle-ci porte notamment sur le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail.

La fiche est communiquée au service de santé au travail qui la transmet au médecin du travail. Elle complète le dossier médical en santé au travail de chaque travailleur.

Tout salarié a le droit de demander la rectification des informations contenues dans ce document. Une copie de cette fiche est remise au travailleur à son départ de l’établissement, en cas d’arrêt de travail excédant une durée fixée par décret ou de déclaration de maladie professionnelle. Les informations contenues dans ce document sont confidentielles et ne peuvent pas être communiquées à un autre employeur auprès duquel le travailleur sollicite un emploi. En cas de décès du travailleur, ses ayants droit peuvent obtenir une copie.

 Les novations apportées par la « fiche de prévention des expositions »

Le II du présent article complète ces dispositions au sein d’un nouvel article L. 4161-1 du code du travail consacré à la « fiche de prévention des expositions ».

Cette fiche devra être renseignée dès lors que le salarié est soumis à plusieurs facteurs de risques professionnels liés :

– à des contraintes physiques marquées ;

– à un environnement physique agressif ;

– à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé.

Le décret du 30 mars 2011 a défini 10 facteurs de risques professionnels, qui reprennent les risques identifiés par les partenaires sociaux lors de la négociation de 2008 relative à la pénibilité (cf. encadré ci-dessous).

Risques professionnels au sens de l’article D. 4121-5 du code du travail

1° Au titre des contraintes physiques marquées :

a) Les manutentions manuelles de charges ;

b) Les postures pénibles définies comme positions forcées des articulations ;

c) Les vibrations mécaniques.

2° Au titre de l’environnement physique agressif :

a) Les agents chimiques dangereux mentionnés aux articles R. 4412-3 et R. 4412-60 du même code, y compris les poussières et les fumées ;

b) Les activités exercées en milieu hyperbare (travail en milieu où la pression est supérieure à la pression atmosphérique) ;

c) Les températures extrêmes ;

d) Le bruit.

3° Au titre de certains rythmes de travail :

a) Le travail de nuit ;

b) Le travail en équipes successives alternantes ;

c) Le travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste, à une cadence contrainte, imposée ou non par le déplacement automatique d’une pièce ou par la rémunération à la pièce, avec un temps de cycle défini.

Le 1° a) de l’article précise que seuls les risques allant « au-delà d’un seuil d’exposition », qui sera défini par décret, seront pris en compte dans la fiche et dans le compte personnel de prévention de la pénibilité.

Cette précision est importante. L’absence de seuil de déclaration des risques n’a pas facilité le renseignement des fiches d’exposition établies en 2010, pour les employeurs et les représentants des salariés (les employeurs estimaient en effet seuls le degré d’exposition de leurs salariés).

Selon les informations transmises par le Gouvernement à votre rapporteur, les seuils en question seront définis dans le respect et en deçà des valeurs limites d’exposition professionnelle pour des facteurs tels que l’exposition au bruit et aux vibrations (39). En revanche, il sera plus difficile de les établir pour certains risques, comme les postures pénibles, pour lesquels il n’existe pas de valeur limite d’exposition professionnelle. En fonction de la durée, de la répétitivité des postures et du type d’activité, chacun perçoit les limites des postures qu’il adopte. La fixation de seuils pour ce type de risque pourra s’appuyer sur les tableaux de maladie professionnelle ou sur des normes établies au niveau international.

La fixation de seuils d’exposition a vocation à faciliter le renseignement de la fiche par l’employeur, mais aussi à limiter les litiges et le risque de contentieux. L’étude d’impact précise également que l’obligation de négocier des accords de prévention de la pénibilité sera, de la même façon, renforcée par l’objectivation des seuils et par la priorité donnée à la négociation par rapport aux plans d’action unilatéraux. Votre rapporteur estime que les seuils devront être fixés de sorte à encourager une réelle diminution des expositions des travailleurs à la pénibilité, par la réduction des risques à la source ou à défaut, par le recours aux moyens de prévention et de protection les plus adaptés.

Le Gouvernement devrait entamer une concertation avec les partenaires sociaux pour les fixer.

Le 1° b) de l’article prévoit que sont renseignés dans la fiche uniquement les facteurs pénibles auxquels le travailleur est « effectivement » exposé.

Il faut ici rappeler que c’est le risque qui est pris en compte alors que l’état de santé du salarié n’est pas encore affecté. Cependant, se pose la question de savoir si ces risques doivent être considérés en prenant ou non en compte les mesures prises par l’employeur pour les limiter. Dans la rédaction de l’article issue de la loi du 9 novembre 2010, la fiche devait mentionner les facteurs de pénibilité « nets », c’est-à-dire avant que ne soient prises en compte les mesures de prévention ou d’atténuation du risque. La précision apportée par le présent article permettra désormais la prise en compte des mesures prises par l’employeur pour limiter les risques.

Le 1° c) de l’article prévoit la fixation par décret des modalités mais aussi de la « périodicité » du renseignement de la fiche de prévention des expositions aux risques professionnels.

L’article D. 4121-7 du code du travail prévoit actuellement que la fiche est mise à jour lors de toute modification des conditions d’exposition pouvant avoir un impact sur la santé du travailleur. Cette mise à jour prend en compte l’évolution des connaissances sur les produits et méthodes utilisés et conserve les mentions relatives aux conditions antérieures d’exposition. La fiche mise à jour doit être communiquée au service de santé au travail. La définition d’une périodicité de mise à jour facilitera le renseignement des fiches par l’employeur.

La fiche, dans laquelle sont consignées les mesures de prévention, pourra ainsi, selon l’étude d’impact, « servir plus effectivement comme outil de gestion des parcours professionnels et de suivi de la santé des salariés ».

Pour que la mesure soit efficace, les employeurs mais aussi salariés doivent être informés, conseillés et accompagnés par la puissance publique. L’étude d’impact prévoit le déploiement « d’actions volontaristes des services et opérateurs concernés en matière de prévention, pour accompagner les entreprises dans leurs efforts visant à réduire au maximum le niveau des expositions des salariés, en agissant sur l’ensemble des leviers liés aux techniques et à l’organisation du travail ».

Le de l’article prévoit que la fiche de prévention des risques devra en outre être « tenue à disposition » du salarié « à tout moment ».

Enfin, il est prévu au que les entreprises ayant recours au travail temporaire « transmettent à l’entreprise de travail temporaire les informations nécessaires à l’établissement de la fiche par l’entreprise de travail temporaire », dans des conditions qui devront être définies par décret en Conseil d’État.

En effet, aux termes de l’article L. 1251-21 du code du travail, l’entreprise utilisatrice est responsable de la protection de la santé et de la garantie de la sécurité du travailleur intérimaire. Dès lors, selon l’étude d’impact, « l’établissement de la fiche relève d’une responsabilité partagée ». Il reviendra malgré tout à l’entreprise intérimaire d’établir la fiche à partir des informations qui lui auront été transmises.

La Commission a adopté un amendement prévoyant la remise d’un bilan annuel par l’employeur au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’application des nouvelles dispositions du code du travail relatives à la prévention et à la compensation de la pénibilité. Ce bilan présente notamment le nombre de fiches de prévention des expositions qu’il a établies, les conditions de pénibilité auxquelles les travailleurs sont exposés et les mesures de prévention, organisationnelles, collectives et individuelles que l’employeur a mises en œuvre. Elle a également précisé dans le texte l’intervention des délégués du personnel dans le dispositif pénibilité.

*

La Commission est saisie de deux amendements, AS 43 de M. Rémi Delatte et AS 176 de M. Francis Vercamer, tendant à la suppression de l’article.

M. Rémi Delatte. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que la pénibilité est un sujet de débat majeur et récurrent. Même si, à ce jour, cette notion n’a fait l’objet d’aucune définition consensuelle, le sujet n’en a pas moins été traité de manière globale dans les réformes de 2003 et de 2010. C’est ainsi que l’article 16 de la loi du 9 novembre 2010 prévoyait qu’une réflexion nationale sur une réforme systémique des régimes de retraites serait engagée durant le premier trimestre de 2013. C’eût été l’occasion de débattre de la prise en compte de la pénibilité au travail.

La pénibilité dépend, en premier lieu, des conditions de travail et ne peut donc pas figurer dans un projet de loi « garantissant l’avenir et la justice du système de retraites ». En outre, on ne peut non plus s’en remettre pour cela à des décrets pris en Conseil d’État, comme on nous le propose dans le présent projet de loi.

Enfin, il ne revient pas aux seuls régimes de retraite et employeurs d’assumer le coût des mesures de réparation pour les salariés en fin de carrière.

Cette question mérite donc mieux que le sort qui lui est ici réservé. Elle nécessite une négociation entre les partenaires sociaux, qui auront à définir par branche les critères de pénibilité. C’est la raison pour laquelle l’amendement AS 43 vise à supprimer l’article 5.

M. Philippe Vigier. Avec ce projet de loi, le Gouvernement entend mettre en œuvre un mécanisme de compensation de l’exposition des salariés à des facteurs de risques professionnels et de pénibilité. Si nous ne nions pas, loin de là, la nécessité de prendre en compte l’impact des facteurs de pénibilité sur la santé des salariés, il est regrettable que le compte pénibilité que vous proposez se superpose au dispositif « carrières longues », résultant de la loi du 21 août 2003, et à celui, inscrit dans la loi de 2010, qui permet à un salarié de partir à la retraite à 60 ans à partir d’un taux défini d’incapacité permanente partielle, médicalement constatée.

Nous considérons que le mécanisme prévu à l’article 5 ajoute de la complexité au dispositif existant, sans pour autant parvenir à plus d’équité. C’est pourquoi l’amendement AS 176 vise à maintenir le système actuel tout en laissant aux branches professionnelles la possibilité, via le dialogue social, de prendre en compte les effets de la pénibilité en se fondant sur les dix critères définis en 2008 par les partenaires sociaux.

D’autre part, monsieur le rapporteur, pourquoi le compte personnel de prévention de la pénibilité ne concerne-t-il que les salariés du privé ? L’existence d’un dispositif dit des carrières actives pour les agents du secteur public ne suffit pas à mes yeux à justifier une telle différence de traitement.

Prévenir est bien, mais il ne faut pas négliger pour autant la réparation. Que deviendront les dispositifs actuellement existants ?

M. Régis Juanico. Je suis très surpris de ces deux amendements de suppression déposés par l’opposition alors que cet article, qui traite de la pénibilité – mais ce n’est pas le seul –, renvoie à la fiche de prévention des risques instituée par la loi de 2010.

Mes chers collègues de l’opposition, vous vous contentez de parler du problème : nous, avec cette réforme, nous le résoudrons !

Comment prétendre qu’il n’est pas possible de définir de manière consensuelle la pénibilité ? L’article 12 de la loi de 2003 prévoyait l’ouverture dans un délai de trois ans d’une négociation interprofessionnelle visant précisément à la définir et à la prendre en compte. Les négociations, ouvertes seulement en 2005, ont duré plus de trois ans. Les partenaires sociaux, qui se sont réunis plus de vingt fois, sont toutefois parvenus à la fin de 2008 à un accord sur une définition et sur des critères. La pénibilité concerne tout « travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels […] susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur sa santé » et d’influer sur son espérance de vie. Quant aux trois facteurs qui ont été définis, ce sont les suivants : les « contraintes physiques marquées » – manutention de charges lourdes, vibrations mécaniques, postures pénibles – ; l’« environnement physique agressif » – agents chimiques dangereux, voire toxiques, températures extrêmes, bruit, activités en milieu hyperbare – ; « certains rythmes de travail » – travail répétitif, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes.

Alors que le cadre avait ainsi été fixé fin 2008, le dispositif figurant dans la loi de 2010 nous est apparu « malthusien et mesquin » car, s’il comportait bien un volet pour la prévention, c’est l’incapacité permanente, et non la pénibilité, qui ouvrait dans ce cadre la possibilité de partir plus tôt au salarié justifiant d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 10 %, reconnu au titre d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d’une maladie professionnelle. De fait, à la fin d’août dernier, sur 9 238 dossiers, ce sont seulement 6 359 salariés qui avaient pu partir avant l’âge légal.

Il est juste, à nos yeux, d’accorder des avantages spécifiques aux salariés qui sont exposés à des conditions de travail pénibles, car ils bénéficient moins longtemps de leur retraite que les autres retraités ou en bénéficient dans un état de santé plus dégradé – je pense notamment aux ouvriers. À trente-cinq ans, la différence d’espérance de vie entre un cadre et un ouvrier est de 6,8 années ; pour l’espérance de vie en bonne santé à cinquante ans, l’écart atteint neuf années ! On le sait en effet, les ouvriers sont soumis six à sept fois plus que les cadres à au moins une contrainte physique et dix fois plus à une exposition aux agents chimiques.

Le projet est donc porteur d’une vraie avancée sociale, qui profitera aux ouvriers et aux jeunes.

M. Denys Robiliard. Il est parfaitement inexact de prétendre, comme le font les auteurs de l’amendement AS 43, que la pénibilité est « une notion qui, à ce jour, n’a fait l’objet d’aucune définition consensuelle » puisque les partenaires sociaux ont été capables, en 2008, d’en définir et détailler les critères.

Il est vrai, en revanche, qu’ils ne sont pas parvenus à un accord sur les conséquences à en tirer : c’est pourquoi laisser aux branches professionnelles la possibilité de prendre en compte les effets de la pénibilité dans le cadre du dialogue social, c’est oublier de manière hypocrite que la négociation a précisément échoué sur ce point depuis des années, en raison du blocage patronal. Il convient donc de constater cet échec et de prendre nos responsabilités.

Monsieur Vigier, ces amendements de suppression ne visent qu’à différer la fin d’un très grand scandale, l’inégalité devant l’espérance de vie. Il est temps d’avancer en instituant un compte personnel de prévention de la pénibilité. La question, en effet, ne se pose pas seulement en termes de réparation : c’est pourquoi les vingt premiers points seront mobilisés pour des formations permettant de sortir de la pénibilité.

M. Arnaud Robinet. La question de la pénibilité est le cheval de bataille de la majorité car elle lui permet d’enrichir un texte sinon bien pauvre.

Ne caricaturez pas le débat ! L’opposition – l’UMP et l’UDI réunies – n’a pas de leçon à recevoir sur le sujet. Nous avons été les premiers à inscrire la pénibilité dans les réformes des retraites. En 2003, nous avons institué le dispositif « carrières longues », que nous avons renforcé en 2010 tout en ouvrant la possibilité de partir avant l’âge légal pour incapacité. Et je rappelle que l’opposition d’alors, c’est-à-dire la majorité actuelle, n’a voté aucun de ces différents dispositifs.

Si un nombre relativement peu important de salariés a jusqu’à présent bénéficié du dispositif « incapacité », monsieur Juanico, la raison en est simple : comme l’ont souligné plusieurs syndicats, ce dispositif est de fait incorporé dans celui des « carrières longues ». En effet, les salariés qui ont commencé de travailler dès quatorze ans sont généralement ceux qui ont exercé les métiers les plus pénibles, ou du moins les plus physiques. Le dispositif « carrières longues » permet donc d’assurer la prise en compte de la pénibilité.

Vous mettez en place une véritable usine à gaz. Alors que les petits entrepreneurs réclament plus de simplification administrative, ce dispositif ajoutera encore à la complexité. Comment voulez-vous qu’un artisan qui n’a qu’un ou deux salariés puisse établir une fiche précisant le nombre d’heures durant lequel, dans une journée, l’un ou l’autre de ses salariés aura été confronté à une activité pénible ? Ce dispositif sera ingérable, en particulier pour les PME et les PMI.

M. Francis Vercamer. Le groupe socialiste n’a voté aucun des amendements au projet de loi de 2010 que j’ai déposés sur la question de la pénibilité : nous n’avons donc aucune leçon à recevoir sur le sujet, en effet.

M. Gérard Sebaoun. Loin d’être pour nous un simple « cheval de bataille », la pénibilité est un des éléments cardinaux du projet, grâce à des dispositions que les organisations syndicales souhaitaient depuis longtemps.

Je vous invite à relire sur le sujet le rapport Moreau, qui s’inspire des études d’un de ses membres éminents, spécialiste du vieillissement et de la pénibilité, M. Serge Volkoff. Le fait que l’institution d’un compte pénibilité soit aujourd’hui inscrite dans un projet de loi est une avancée que vous ne pouvez pas contester, car ce compte permettra de passer de la notion d’incapacité médicalement constatée, qui ne prend en compte que les effets de la pénibilité sur le salarié, à une légitime prise en compte de la pénibilité au quotidien. Cela étant, il n’est évidemment pas question d’abolir le système très restrictif et médicalisé dans lequel sont entrés les salariés qui ont déposé des dossiers, mais la création du compte pénibilité bénéficiera à tous les salariés du privé.

Je regrette donc qu’aient été déposés des amendements visant à supprimer cette avancée fondamentale avant toute discussion.

M. Denis Jacquat. La question de la pénibilité nous préoccupe tous depuis de nombreuses années, comme le prouve la réforme de 2003, qui a institué le dispositif « carrières longues » ouvert, dans un premier temps, aux salariés ayant commencé de travailler entre treize et seize ans, puis, dans un deuxième temps, à ceux qui ont commencé entre seize et dix-huit ans – le Gouvernement a récemment élargi le dispositif à ceux qui ont commencé entre dix-huit et vingt ans. Nombreux sont les salariés qui ont profité de cette mesure qui a représenté un progrès extraordinaire. Souvent épuisés par des emplois manuels, ils ont pu partir plus tôt.

La loi de 2003 a également ouvert le droit à un départ à la retraite à 55 ans pour les assurés reconnus travailleurs handicapés ou ayant un taux d’incapacité permanente de 80 %.

Je mentionnerai aussi l’instauration en 2010 du dispositif « pénibilité », qui permet de partir à 60 ans aux salariés souffrant d’une incapacité de 10 % à 20 %, ainsi qu’un autre dispositif, moins connu, pour inaptitude. Il existe donc quatre grands dispositifs.

Je tiens aussi à rappeler qu’au cours des débats de 2003, il avait été précisé que les députés ne devaient pas se pencher sur la question de la pénibilité car il appartenait aux partenaires sociaux d’en discuter. C’est seulement parce que ces négociations n’ont pu aboutir qu’en 2010 la loi a instauré le dispositif « pénibilité ».

En matière de pénibilité, c’est vrai, nous assistons à une marche en avant ; qu’on continue de progresser, je ne puis qu’y souscrire. Toutefois, la notion de pénibilité étant très difficile à définir, il convient plutôt de réfléchir en termes de santé au travail, afin de prendre immédiatement en compte, dès qu’ils apparaissent, les problèmes de santé au travail du salarié. C’est seulement de cette façon qu’on arrivera à résoudre le problème.

Prenons d’autre part garde à ne pas trop diminuer le nombre des trimestres exigés : moins on aura de cotisations, moins le système par répartition sera viable.

Enfin, on ne saurait évaluer l’incapacité, l’inaptitude ou le handicap sans recourir à des critères médicaux. Ce serait sinon aller au-devant de graves désillusions : je rencontre de plus en plus fréquemment des personnes qui se plaignent des conditions pénibles de leur travail même lorsqu’elles exercent une profession où l’on vit le plus vieux.

M. Jean-Patrick Gille. La tonalité de l’intervention de M. Jacquat est positive, puisqu’il a reconnu qu’il y a, sur le sujet, une marche en avant.

En 2010, nous n’avons pas voté le dispositif sur la pénibilité parce qu’il était trop restrictif : il ne traitait la question qu’en termes d’invalidité ou d’incapacité. Il ne s’agit pas pour nous de le remettre en cause, mais d’aller plus loin. Faut-il inclure l’incapacité et l’invalidité dans la pénibilité ? C’est un débat d’ordre sémantique, alors que le texte que nous examinons permettra au contraire d’entrer au cœur de la question.

Il ne s’agit pas, je le répète, d’opposer la prévention à la réparation, d’autant que le dispositif prévu dans le texte est assez simple. De plus, il met clairement l’accent sur la formation – peut-être serons-nous critiqués sur ce point. Il ouvre même la possibilité de recourir au temps partiel – nous proposerons que cette possibilité ne soit pas simplement ouverte en fin de carrière mais au cours de celle-ci, afin de permettre au salarié d’alléger son exposition à la pénibilité.

Le dispositif est donc à la fois cohérent et relativement simple. Quant aux critères retenus, ils ne sauraient faire l’objet d’un débat puisque ce sont ceux que les partenaires sociaux ont arrêtés. Leur négociation pouvait-elle aboutir pour le reste ? Quoi qu’il en soit, le législateur ne fait que la reprendre à son point d’achoppement.

Je comprends que vous jouiez votre rôle d’opposition, mais notre démarche doit être constructive : elle doit rassembler.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Cet article constitue une avancée considérable et éminemment nécessaire dans la prise en compte de la pénibilité par notre système de retraite, mais des progrès comparables seraient souhaitables en faveur des travailleurs en situation de handicap, que ce handicap ait été connu dès l’embauche ou qu’il soit survenu dans le cours de leur carrière professionnelle – ce qui se solde souvent par une mise à l’écart. Il faudrait imaginer pour ces personnes des dispositifs d’aménagement et de réduction du temps de travail, sur le modèle de celui qui est mis en œuvre avec le soutien de l’AGEFIPH et qui permet aux intéressés de préparer leur départ à la retraite cinq années à l’avance. Mais on peut aussi penser à des formules de modulation du temps de travail ou de majoration de trimestres, et proposer des actions de reconversion.

M. Jean-Pierre Barbier. On peut craindre que ce dispositif ne constitue en raison de sa complexité un frein à l’embauche par les PME, notamment dans le secteur du bâtiment. Je suis d’autre part très surpris que la majorité, qui prétend défendre une réforme de justice, se soucie si peu d’harmoniser les régimes public et privé et qu’elle ne prévoit pas d’étendre ce dispositif au secteur public. Comment justifierez-vous auprès d’une infirmière, par exemple, qu’elle n’ait pas accès au compte de prévention de la pénibilité ? Cela confirme que ce texte ne fera qu’entretenir la machine à fabriquer des inégalités. Pour notre part, nous souhaitons un système qui s’applique à tous, dans la transparence.

M. Michel Issindou, rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements de suppression de l’article 5. Ce dispositif constitue la grande avancée sociale du texte, attendue depuis longtemps par les salariés. C’est ce qui nous permettra d’acquitter notre dette envers ceux de nos concitoyens qui exercent des métiers pénibles et dont l’espérance de vie est réduite de ce fait.

La Commission rejette les amendements de suppression.

Elle examine l’amendement AS 91 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Il est très compliqué de définir et d’évaluer la pénibilité, même si les réformes de 2003 et de 2010 ont permis de progresser considérablement dans sa prise en compte. On ne peut, en tout cas, en donner une définition fixe et uniforme, encadrée par des décrets pris en Conseil d’État, comme le propose le présent projet de loi. C’est la négociation qui doit prévaloir en ce domaine : c’est d’abord aux partenaires sociaux de définir des critères par branche. Une approche juste du sujet ne peut en effet reposer que sur une approche différenciée des conditions de travail.

Plutôt que de bâtir un nouveau dispositif, global, complexe et non financé – le Gouvernement lui-même en estime le coût à plus de 2,5 milliards d’euros à l’horizon 2030 et à seulement 800 millions les recettes censées couvrir cette dépense à la même date –, il vaut mieux redonner la main aux partenaires sociaux sur ce sujet. La loi ne devrait intervenir qu’en cas d’échec de la négociation dans une ou plusieurs branches.

M. Denis Jacquat. Je partage le point de vue de M. Robinet : moins il y a de décrets, mieux la volonté du législateur est respectée. Mais la reconnaissance de la pénibilité ne doit pas non plus devenir un moyen détourné de revenir à la retraite à soixante ans. La négociation est essentielle, pourvu qu’elle permette de nous doter d’un dispositif pérenne.

M. Régis Juanico. La négociation a déjà eu lieu : elle a permis de définir la notion et les facteurs de pénibilité, ainsi que des dispositifs de prévention. En revanche, elle a complètement échoué à assurer la réparation et la compensation de la pénibilité, également complètement absentes de la loi de 2010. Cela étant, il reviendra aux partenaires sociaux d’ouvrir la négociation sur les seuils d’exposition, le décret intervenant ensuite pour uniformiser les règles s’appliquant aux salariés exposés aux mêmes facteurs de pénibilité.

Ces dispositions ne constituent pas, comme le prétendent nos collègues de l’opposition, un alourdissement bureaucratique des obligations pesant sur les PME, puisque la loi de 2010 fait déjà obligation aux employeurs de constituer une fiche de prévention des expositions.

M. Denis Jacquat. C’est surtout le cas des salariés en fin de carrière qui posera problème – le problème de la réparation.

M. le rapporteur. L’approche par branche que vous proposez, monsieur Robinet, est tout à fait contraire à l’esprit du projet de loi et à ce que nous voulons mettre en place : nous considérons que la pénibilité doit s’apprécier à partir de l’exposition réelle et concrète aux facteurs qui ont été déjà identifiés par les partenaires sociaux. En revanche, la négociation a échoué à définir des modalités de réparation de la pénibilité. C’est pourquoi je préfère la démarche du projet de loi : une approche individuelle de la pénibilité à partir de critères incontestables, simples, voire rustiques, quitte à les affiner par la suite. Ce sera le contraire d’une usine à gaz, pourvu que chacun fasse preuve de bonne volonté.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS 53 de Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Au nombre des nombreuses missions des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) figure l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité. Cet amendement vise à associer les CHSCT à la définition des postes à caractère pénible, en amont de l’élaboration par l’employeur de la fiche de prévention des expositions. Cette mesure fera du compte personnel de pénibilité un dispositif parfaitement conforme aux exigences de la démocratie sociale en entreprise.

M. le rapporteur. L’intention est louable mais, dans sa rédaction actuelle, votre amendement conduirait à imposer la consultation du CHSCT pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs risques. C’est pourquoi j’y suis défavorable. Mais vous aurez, je pense, satisfaction un peu plus loin dans le texte.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 54, également de Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. L’association du médecin du travail à la définition des postes à caractère pénible permettra une reconnaissance objective et scientifique de l’exposition aux facteurs de pénibilité. Cet amendement a pour objectif d’intégrer a priori la médecine du travail au dispositif. Cela renforcera la transparence et la clarté du processus pour l’employeur et permettra au salarié de disposer d’une preuve incontestable de la pénibilité de son poste. Les risques de recours contentieux s’en trouveront réduits.

M. Gérard Sebaoun. La loi impose déjà à l’employeur l’obligation de transmettre la fiche de prévention au service de santé au travail.

M. le rapporteur. Ce n’est pas le rôle du médecin du travail d’apprécier la pénibilité. Avis défavorable.

M. Philippe Vigier. Associer le médecin du travail à la prévention de la pénibilité, comme le propose cet amendement, nous semble aller dans le bon sens. N’est-ce pas lui qui, déjà, signale à l’employeur la nécessité d’adapter tel ou tel poste ?

Mme Véronique Massonneau. L’objectif de l’amendement est d’associer la médecine du travail à l’élaboration des fiches de prévention, afin de lui permettre d’intervenir bien avant que le risque ne se concrétise.

M. Gérard Sebaoun. Le compte de pénibilité s’appuiera sur les dix facteurs de pénibilité déjà identifiés : ce n’est pas au médecin du travail de fixer ce qui est déjà défini par la loi. On risquerait sinon de retomber dans le travers que nous dénonçons dans le système actuel, celui de la médicalisation.

M. Arnaud Robinet. Cette distinction tranchée entre ce qui relève du préventif et ce qui relève du curatif trahit la vision excessivement théorique que je reproche à la majorité : le médecin du travail a évidemment un rôle à jouer en matière de prévention. C’est dans cette mesure que j’approuve la proposition de Mme Massonneau, même si sa mise en œuvre risque d’être bien difficile compte tenu de la situation actuelle de la médecine du travail.

M. le rapporteur. Je confirme mon avis défavorable : ce n’est pas au médecin du travail d’apprécier la réalité de l’exposition à des facteurs de pénibilité. L’intérêt du dispositif est précisément d’être général, et non pas soumis à l’aléa de l’appréciation individuelle. En revanche, le médecin du travail joue un rôle essentiel pour appeler l’attention de l’employeur sur la situation de tel ou tel salarié.

Mme Véronique Massonneau. La prévention est une des missions de la médecine du travail.

La Commission rejette l’amendement.

M. Christian Hutin, président. Présidant la séance, je ne défendrai pas ici mon amendement AS 139 sur lequel je reviendrai en séance publique.

La Commission examine l’amendement AS 496 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je propose que l’employeur transmette chaque année au CHSCT un bilan global de l’application des nouvelles dispositions du code du travail relatives à la prévention et à la compensation de la pénibilité.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il serait bon que ce bilan soit sexué, la pénibilité à laquelle les femmes sont exposées restant encore largement invisible.

M. Gérard Sebaoun. Je ne peux qu’approuver cet amendement puisqu’il est similaire à mon amendement AS 290, à la réserve près qu’il faudra préciser que ce bilan doit être transmis au délégué du personnel en l’absence de CHSCT.

M. Arnaud Robinet. L’obligation que cet amendement vise à imposer aux chefs d’entreprise ne pourra être respectée : c’est le contraire d’une simplification.

M. le rapporteur. Ce bilan ne sera que la sommation des fiches individuelles : je ne vois pas où est la difficulté.

M. Régis Juanico. Je soutiens d’autant plus cet amendement que j’ai proposé un amendement similaire à la commission des finances. Cette mesure n’alourdira en rien le dispositif de la fiche de prévention. Il assurera simplement un meilleur partage de l’information avec les institutions représentatives du personnel, qui y gagneront une meilleure connaissance de la pénibilité dans l’entreprise.

M. Philippe Vigier. Pour une définition précise des missions de la médecine du travail, je vous renvoie à la loi du 20 juillet 2011, relative à l’organisation de la médecine du travail : vous y verrez que le médecin du travail joue un rôle préventif en matière de pénibilité dans les entreprises.

Quant à cet amendement du rapporteur, il ne fait qu’ajouter une obligation supplémentaire à la charge des employeurs.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de coordination AS 461 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement AS 289 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Cet amendement tend à préciser que les délégués du personnel pourront faire connaître à l’employeur les réclamations individuelles des salariés en matière de pénibilité.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte cet amendement.

M. Gérard Sebaoun. Je retire mon amendement AS 290, satisfait par le vote de l’amendement AS 496, sous réserve de la précision concernant le délégué du personnel.

L’amendement AS 290 est retiré.

L’amendement AS 291 de M. Denys Robiliard tombe en raison de l’adoption de l’amendement AS 496.

La Commission examine l’amendement AS 298 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je souhaite que le CHSCT soit tenu d’émettre un avis sur la mise en œuvre du dispositif de prévention de la pénibilité, comme il le fait pour l’ensemble des rapports qui lui sont transmis.

M. le rapporteur. Est-il vraiment judicieux de solliciter l’avis du CHSCT sur ce point ? Le bilan qui lui sera présenté ne contiendra que des informations objectives, et le reste relève d’un accord entre les salariés et l’employeur : sur quoi le CHSCT aurait-il à se prononcer ?

M. Denys Robiliard. Vos propos, monsieur le rapporteur, me conduisent à penser que l’amendement AS 291 ne devait peut-être pas tomber… La transmission de l’information contenue dans les fiches ne suffit pas : il convient, sur la base des facteurs définis par la loi, d’identifier clairement les postes concernés, de façon que l’employeur et le CHSCT réfléchissent aux moyens d’en réduire la pénibilité.

M. Gérard Sebaoun. La solution est peut-être d’indiquer, à l’article L. 4612-17, que le CHSCT « émet un avis sur les rapports ».

M. le rapporteur. Il me paraît difficile d’effectuer cette rectification en cours de discussion.

M. Denys Robiliard. Je retire mon amendement, pour réfléchir à une nouvelle version que je soumettrai lors de la réunion tenue au titre de l’article 88.

L’amendement AS 298 est retiré.

La Commission examine l’amendement AS 292 de M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. En matière de conditions de travail, la compétence du CHSCT n’épuise pas celle du comité d’entreprise, qui doit donc être consulté lui aussi. Je renvoie, sur ce point, aux articles L. 2323-27 à L. 2323-32 du code du travail.

M. Denis Jacquat. Nous étions tous d’accord, en 2010, pour dire que le carnet individuel devait rester confidentiel. Je crains qu’avec un tel amendement, le compte personnel de pénibilité ne le soit plus.

M. le rapporteur. Le CHSCT me semble tout désigné pour recueillir des informations relatives à la pénibilité ; le comité d’entreprise, lui, a un rôle plus large. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5 :

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 5.

Elle examine d’abord l’amendement AS 175 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je souhaite, dans un souci d’équité, exclure des catégories dites « actives » les fonctionnaires détachés pour exercer les fonctions de membre du Gouvernement ou un mandat électif ou syndical, de même que les fonctionnaires détachés hors d’Europe, soit dans les administrations des territoires d’outre-mer, soit auprès d’un service français de coopération technique ou culturelle, soit auprès d’États étrangers ou d’organisations internationales. Je rappelle que les fonctionnaires en mission extérieure bénéficient déjà de rémunérations sensiblement plus élevées que ceux qui exercent en métropole. Cet amendement traduit aussi un souci de transparence.

M. le rapporteur. La création du compte de prévention de la pénibilité, au bénéfice des salariés du privé, permet déjà un rapprochement avec le secteur public, dont le régime, je le répète, fait l’objet d’une négociation annuelle. L’existence des catégories actives, qui manifestement vous irrite, est justifiée. Avis défavorable.

M. Philippe Vigier. Vous continuez d’œuvrer au creusement des inégalités. Comment, après avoir écrit le mot « justice » dans le titre de ce projet de loi, peut-on justifier le report de la date de revalorisation des pensions des retraités les plus modestes, l’augmentation des cotisations salariales et patronales de 0,15 % en 2014 et la fiscalisation de la bonification de 10 % pour les familles de trois enfants, alors que, dans le même temps, les fonctionnaires affectés outre-mer, non contents de bénéficier d’avantages pour leurs retraites et de rémunérations plus élevées, profitent également d’avantages liés à la pénibilité ?

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 293 de M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. La définition des facteurs de pénibilité doit se poursuivre dans le temps : cet amendement invite les partenaires sociaux à le faire, sans les y obliger. Néanmoins, puisque l’amendement AS 498 du rapporteur participe du même esprit, je retire le mien pour en revoir la rédaction d’ici à l’examen en article 88.

M. le rapporteur. Les partenaires sociaux, malgré la qualité de leur travail entre 2005 et 2008, ont pu oublier certains métiers quand ils ont établi la liste des facteurs de risques. Celle-ci doit être régulièrement revue, les partenaires sociaux étant à même de réévaluer, tous les cinq ans, la pénibilité de tel ou tel métier, dans le cadre d’un dialogue social renouvelé. C’est l’objet de mon amendement AS 498 que vient d’évoquer monsieur Sebaoun.

L’amendement AS 293 est retiré.

Article 5 bis (nouveau)

Rapport du Gouvernement sur la pénibilité

Cet article, adopté en Commission, propose la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement au plus tard le 31 décembre 2020, après avis du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, sur l’application des dispositions de la présente loi relatives à la pénibilité, et sur l’évolution de la liste des facteurs de risques professionnels auxquels les salariés sont exposés.

L’article précise en outre que toute proposition d’actualisation du décret visé à l’article L. 41611 du code du travail, notamment en fonction de l’évolution des métiers et des conditions de leur exercice, doit faire l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel.

*

La Commission en vient à l’amendement AS 498 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je viens de présenter cet amendement.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Le Conseil économique, social et environnemental, dans un rapport de 2010, indique que la pénibilité des gestes professionnels a été établie en fonction de critères essentiellement masculins, que les conséquences sur les conditions de travail restent peu visibles et méconnues, et que les études sur les emplois occupés majoritairement par des femmes sont rares. Seule l’enquête Sumer de 2003 prend en compte le genre ; elle montre que les troubles musculo-squelettiques concernent, pour 58 %, des femmes. Celles-ci sont également 28 % à éprouver du stress au travail, contre 20 % pour les hommes. Je souhaite donc que le COR présente, dans un rapport, une analyse différenciée des tâches, ainsi qu’une étude des secteurs employant majoritairement des femmes, assortie d’une identification des risques.

Les hommes et les femmes ne sont pas égaux face à la pénibilité des postures contraignantes : il n’est pas tenu compte des gestes répétitifs, des fonds sonores, des tâches morcelées, des temps partiels contraints ou du manque d’autonomie.

Enfin, comme chez les hommes, l’espérance de vie des femmes à trente-cinq ans varie selon les catégories socioprofessionnelles : 52 ans pour les cadres, contre 49 pour les ouvrières. Ces chiffres, qui sont de vrais indicateurs de la souffrance au travail, doivent être pris en compte : l’ANACT, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, a d’ailleurs fait des propositions en ce sens.

La Commission adopte l’amendement AS 498.

Après l’article 5 :

Puis elle examine l’amendement AS 174 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. En 2010, le Gouvernement et le groupe UMP avaient refusé de reconnaître les risques psychosociaux comme des facteurs de pénibilité. Je souhaite, à travers cet amendement, que le Gouvernement rédige un rapport sur le sujet. Ces risques, même s’ils ne sont pas aisés à cerner, tendent en effet à se multiplier : il convient d’engager une réflexion sur la manière de les prendre en compte, afin d’éviter certains drames.

M. Régis Juanico. Cet amendement ne laisse pas de m’étonner. L’opposition demandait la suppression de l’article 5 au motif que la définition de la pénibilité ne fait pas consensus ; et voici que M. Vercamer nous propose d’intégrer les risques psychosociaux dans les facteurs de pénibilité, alors même que les partenaires sociaux se sont mis d’accord, en 2008, pour définir la pénibilité comme le résultat de « sollicitations physiques et/ou psychiques ».

Le projet de loi vise la pénibilité physique ; la pénibilité psychique – qui recouvre l’ensemble des manifestations de mal-être au travail – est abordée dans le cadre d’une négociation interprofessionnelle. Un accord interprofessionnel sur le stress au travail a ainsi été conclu en 2009, et des plans de santé au travail traitent spécifiquement des risques psychosociaux.

M. Denis Jacquat. Je félicite M. Vercamer pour sa constance, puisqu’il avait déjà mené ce combat en 2010. Cependant, la pénibilité, déjà difficile à définir pour les risques physiques, l’est plus encore pour les risques psychosociaux. Aussi voterai-je contre l’amendement.

M. Arnaud Robinet. Je suis un peu surpris par cet amendement, cosigné par M. Vigier. On peut en effet saluer la constance de M. Vercamer, mais il semble être ici sur la même ligne que le parti socialiste… Pourquoi ne pas voter la retraite à cinquante ans pour tout le monde ? De tels amendements, monsieur Vercamer, n’ont pas de sens.

M. Michel Liebgott. La précédente majorité avait opposé une fin de non-recevoir aux propositions que nous avions formulées suite aux événements survenus à France Télécom. Comme l’a indiqué M. Juanico, les risques psychosociaux sont déjà pris en compte, dans le projet de loi et ailleurs. Ce sont là des questions d’une extrême complexité, qui associent des éléments familiaux, environnementaux, génétiques et professionnels. Force est néanmoins de constater que les malaises psychiques conduisent souvent à des drames – perte d’emploi ou incapacité à travailler, par exemple –, bien qu’ils soient moins faciles à quantifier que les atteintes physiques. Les exigences de nos sociétés libérales étant de plus en plus fortes, il est à craindre qu’ils ne se multiplient : il ne faut donc pas renoncer à les prendre en compte.

M. le rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons déjà indiquées.

M. Francis Vercamer. J’entends bien, monsieur Juanico, que les partenaires sociaux traiteront du sujet ; mais on vient justement de nous dire qu’ils ne parvenaient pas à se mettre d’accord : il faudrait savoir ! Quant à l’article 5, il s’apparente à du verbiage ; c’est pourquoi nous nous y opposons.

En tout état de cause, je ne suggère que de modifier l’article L. 4121-3-1 du code du travail, afin d’y inclure les risques psychosociaux. Je sais que M. Robinet s’y oppose, mais il me reste quelques jours pour le convaincre… C’était d’ailleurs l’une des préconisations de la mission d’information parlementaire sur les risques psychosociaux présidée par Marisol Touraine : pourquoi la ministre qu’elle est devenue aurait-elle changé d’avis ?

La Commission rejette l’amendement.

Article 6

(art. L. 4162-1 à L. 4162-16 [nouveaux] du code du travail)


Compte personnel de prévention de la pénibilité

Le présent article introduit un chapitre II au sein du nouveau titre du code du travail consacré aux dispositions particulières à certains facteurs de risques professionnels et à la pénibilité, qui institue le « compte personnel de prévention de la pénibilité ».

Ce chapitre fixe les modalités de fonctionnement et de financement du compte personnel de prévention de la pénibilité.

 Personnes concernées

Le nouvel article L. 4162-1 du code du travail prévoit que les salariés des employeurs de droit privé ainsi que le personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé peuvent acquérir des droits au titre d’un compte personnel de prévention de la pénibilité.

Toutefois, les salariés affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité des emplois occupés ne se constituent pas de droits au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Un décret devra préciser les régimes concernés.

Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, la fonction publique disposant déjà de mécanismes spécifiques de prise en compte de la pénibilité sur une base collective, qui seront revus à l’occasion de la concertation qui va s’ouvrir en 2014, ses agents ne sont pas dans le champ du nouveau compte, qui fonctionne sur une base individuelle.

Le compte sera donc ouvert à tous les salariés des entreprises du secteur privé, des établissements publics à caractère industriel et commercial, et aux contractuels de droit privé des employeurs publics.

Il convient de préciser enfin que la mesure ne s’applique qu’aux salariés exposés à compter du 1er janvier 2015, sachant que les salariés déjà exposés et proches de la retraite bénéficieront d’un système de majoration des points au titre du compte de prévention de la pénibilité (cf. infra).

Près d’un salarié sur cinq serait potentiellement bénéficiaire du compte de prévention de la pénibilité, soit 3,3 millions de salariés. Ce chiffrage s’appuie sur les enquêtes statistiques menées par le ministère du travail, notamment les enquêtes Surveillance Médicale des Expositions aux Risques professionnels (Sumer) (40) et Santé et Itinéraire Professionnel (SIP) (41).

Les secteurs les plus concernés sont ceux de l’industrie, où 36 % des salariés sont concernés soit 1,3 million de salariés, de l’agriculture (90 000 salariés pour un taux d’exposition de 32 %), des transports (420 000 salariés pour 30 % d’exposition), les activités de service administratif et de soutien (qui contiennent notamment les activités de nettoyage, 430 000 salariés pour un taux d’exposition de 26 %). Le secteur le moins exposé est celui des activités financières et de l’assurance, avec 6 % des salariés concernés, qui représentent 60 000 salariés.

Salariés exposés aux risques professionnels

 

Ensemble de la population

24 ans et moins

Entre 25 et 39 ans

Entre 40 et 49 ans

Entre 50 et 59 ans

60 ans et plus

Manutentions manuelles de charges

6,10 %

7,80 %

6,19 %

5,85 %

5,81 %

4,40 %

Vibrations mécaniques

1,10 %

1,15 %

1,12 %

1,05 %

1,08 %

0,38 %

Postures pénibles

6,50 %

6,95 %

6,31 %

7,02 %

6,39 %

3,41 %

Agents toxiques

1,10 %

1,37 %

0,95 %

1,18 %

1,30 %

0,45 %

Températures extrêmes

0,60 %

0,72 %

0,60 %

0,76 %

0,52 %

0,08 %

Bruit

1,20 %

1,47 %

1,06 %

1,23 %

1,35 %

0,62 %

Travail répétitif

2,80 %

4,07 %

2,46 %

2,60 %

3,08 %

2,25 %

Travail de nuit

2,20 %

2,06 %

2,37 %

2,26 %

1,96 %

2,31 %

Horaires alternants

2,90 %

1,77 %

3,22 %

3,14 %

2,50 %

1,23 %

Exposition à au moins l’un des facteurs

18,20 %

20,48 %

18,39 %

18,44 %

17,41 %

12,29 %

une exposition

13,40 %

14,62 %

13,78 %

13,40 %

12,55 %

9,93 %

deux expositions

3,70 %

5,00 %

3,53 %

3,85 %

3,48 %

1,94 %

trois expositions et plus

1,10 %

0,86 %

1,08 %

1,19 %

1,39 %

0,42 %

Source : Enquête Sumer 2010, Dares-DGT-DGAFP, calculs Dares.

Champ : Salariés du secteur privé

 Conditions d’ouverture des droits au compte personnel de prévention de la pénibilité et modalités de constitution des droits

Le nouvel article L. 4162-2 du code du travail dispose que le compte personnel de prévention de la pénibilité est ouvert pour chaque travailleur dès lors « qu’il s’est constitué des droits dans les conditions définies au présent chapitre ».

Il faut noter que les droits constitués sur le compte lui sont acquis jusqu’à leur liquidation ou son admission à la retraite.

Par ailleurs, c’est l’exposition effective d’un travailleur à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 du code de travail, et au-delà de seuils d’exposition définis par décret, qui sera consignée dans la fiche de prévention des expositions, et ouvre droit à l’attribution de points sur le compte personnel de prévention de la pénibilité.

Les facteurs de risques issus du protocole d’accord relatif à la pénibilité discuté par les partenaires sociaux en 2008 (cf. supra) serviront de référence à la détermination des risques auxquels le salarié est exposé et lui ouvriront des droits propres. Un relatif consensus avait été atteint sur cette question et la liste de ces facteurs se trouve aujourd’hui peu contestée. Conserver le périmètre aujourd’hui en vigueur pour l’obligation de renseigner la fiche de prévention des expositions et de conclure un accord ou d’adopter un plan d’action de prévention de la pénibilité présente l’avantage de simplifier l’appropriation du dispositif par les entreprises, dans un souci de stabilité juridique.

Concernant les seuils de pénibilité ouvrant droit au compte, l’étude d’impact note qu’il ne s’agit pas de « définir des nouvelles normes d’exposition en deçà desquelles l’activité serait considérée comme non pénible, ou encore des seuils d’innocuité, mais, en plus de conforter l’obligation de consigner l’ensemble des expositions, introduire de nouveaux droits associés au dépassement de certains seuils de pénibilité, par essence inférieurs aux limites d’exposition ».

Selon le Gouvernement, les seuils d’exposition, à savoir les durées, fréquence et intensité d’exposition, pour chacun des dix facteurs de pénibilité feront l’objet d’une concertation avec les acteurs sociaux avant d’être précisés par décret.

Un décret en Conseil d’État viendra en outre fixer :

– les modalités d’inscription des points sur le compte, c’est-à-dire le barème. D’après le Gouvernement, un minimum de 10 points devrait être nécessaire pour ouvrir droit à un compte personnel de prévention de la pénibilité ;

– le nombre maximum de points pouvant être acquis par le salarié au cours de sa carrière. Ce nombre devrait s’élever à 100 (donc 80 points pour la retraite, soit deux ans de retraite maximum), afin d’éviter que ne se développe une « préférence » pour les travaux pénibles ;

– le nombre de points auquel ouvrent droit les expositions simultanées à plusieurs facteurs de risques professionnels. D’après le Gouvernement, si le salarié est multi-exposé, ses points attribués au titre du compte seront doublés.

Pour les salariés proches de l’âge de la retraite, c’est-à-dire, selon le Gouvernement, âgés de plus de 59 ans et demi, qui ne pourraient accumuler suffisamment de points sur leur compte avant de quitter la vie active, et pour qui les périodes d’exposition passée ne pourront pas être prises en compte (car elles n’ont pas été documentées au fur et à mesure), les points acquis seront doublés et le minimum de 20 trimestres de formation ne s’appliquera pas.

 Renseignement de la fiche de prévention des expositions par l’employeur et gestion du compte de prévention de la pénibilité par les CARSAT

Le nouvel article L. 4162-3 du code du travail prévoit que les points au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité sont attribués sur le fondement de la fiche de prévention des expositions transmise chaque année par l’employeur. Il conviendra, pour limiter le risque de contentieux et faciliter les démarches des employeurs, de définir des critères suffisamment précis et des instructions détaillées quant au renseignement de cette fiche.

L’employeur doit transmettre annuellement ces informations aux caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), à la caisse d’assurance retraite pour l’Ile de France ou aux caisses de mutualité sociale agricole.

Simultanément à la transmission à la caisse, l’employeur communique une copie de la fiche au travailleur.

● Utilisations du compte personnel de prévention de la pénibilité

Le nouvel article L. 4162-4 du code du travail dispose que le titulaire du compte personnel de prévention de la pénibilité peut décider d’affecter en tout ou partie les points disponibles sur son compte à une ou plusieurs des trois utilisations suivantes :

– la prise en charge de tout ou partie des frais d’une action de formation professionnelle en vue d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé à des facteurs de pénibilité.

Comme évoqué précédemment, les 20 premiers points seront obligatoirement consacrés à la formation, sauf pour les salariés âgés de plus de 52 ans au 1er janvier 2015, la Commission ayant souhaité abaisser cet âge.

La demande d’utilisation des points à des fins de formation peut intervenir à tout moment de la carrière du titulaire du compte, que celui-ci soit salarié ou demandeur d’emploi, pour l’utilisation des points.

Le nouvel article L. 4162-5 du code du travail prévoit que lorsque le titulaire du compte personnel de prévention de la pénibilité décide de le mobiliser au titre de la formation, les points sont convertis en heures de formation qui abondent son compte personnel de formation, prévu à l’article L. 6111-1 du code du travail, qui doit être instauré pour chaque salarié en application de l’article 5 de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. Selon l’étude d’impact, « le compte personnel de prévention de la pénibilité facilitera ainsi le financement d’actions de formation professionnelle continue destinées à faciliter l’accès à des emplois non exposés ou moins exposés à des facteurs de pénibilité ».

– le financement du complément de sa rémunération et des cotisations et contributions sociales légales et conventionnelles en cas de réduction de sa durée de travail.

Dans le texte initial, les nouveaux articles L. 4162-6 à L. 4162-8 prévoyaient que tout salarié titulaire d’un compte personnel de prévention de la pénibilité a droit, selon certaines conditions et limites, à une réduction de sa durée de travail, à compter d’un âge fixé par décret. La Commission a souhaité que la demande de temps partiel puisse intervenir à tout moment de la carrière du salarié.

Le salarié pourra demander à l’employeur à bénéficier d’une réduction de sa durée de travail dans des conditions qui seront fixées par décret.

Il est précisé que l’employeur peut refuser de faire droit à la demande du salarié. Ce refus doit être justifié par une impossibilité « due à l’activité économique de l’entreprise ». En l’état actuel du droit, cette demande ne peut être refusée que si l’employeur justifie de l’absence d’emploi disponible relevant de la catégorie professionnelle du salarié ou de l’absence d’emploi équivalent ou s’il peut démontrer que le changement d’emploi demandé aurait des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise (article L. 3123-6 du code du travail). Votre rapporteur estime que cette formulation est insuffisamment précise. L’employeur devrait justifier tout refus d’accord d’un temps partiel. De plus, un salarié devrait obtenir de droit cette possibilité en cas de refus réitéré et non justifié de son employeur, c’est pourquoi ce point a été précisé en Commission.

Par ailleurs, le complément de rémunération mentionné à l’article L. 4162-4 du code du travail sera déterminé dans des conditions et limites qui seront fixées par décret. Il sera assujetti à l’ensemble des cotisations et contributions sociales légales et conventionnelles selon les modalités en vigueur à la date de son versement.

Selon l’étude d’impact, les parties détermineront librement l’importance de la réduction de la durée du travail. Les points dont disposera le travailleur seront convertibles en trimestres travaillés à 50 % de sa durée de travail ordinaire et rémunérés à 100 %. Ce complément de rémunération pourra être modulé pour s’adapter aux choix du bénéficiaire (quotité de travail et niveau de rémunération). Ainsi le travailleur aura la possibilité d’étaler le bénéfice de ce temps partiel sur-rémunéré, soit en optant pour un complément partiel de rémunération, soit en choisissant une quotité de travail plus élevée que 50 %. Il pourra également réduire son temps de travail en deçà de 50 % sur une durée moindre.

– le financement d’une majoration de durée d’assurance vieillesse.

Le nouvel article L. 4162-9 du code du travail prévoit que les titulaires du compte personnel de prévention de la pénibilité décidant, à compter de l’âge fixé par décret, d’affecter des points à cette fin bénéficient de la majoration de durée d’assurance mentionnée à l’article L. 351-6-1 du code de la sécurité sociale.

La personne pourra valider jusqu’à 8 trimestres. L’âge légal de départ à la retraite (62 ans en 2017) est abaissé à concurrence du nombre de trimestres de majoration de durée d’assurance générés par l’utilisation du compte personnel de prévention de la pénibilité. La majoration de durée d’assurance accordée dans ce cadre est également utilisée pour le calcul du taux plein de la pension de retraite. Enfin, les trimestres validés au titre de la majoration de durée d’assurance seront réputés « cotisés » et entreront dans la durée d’assurance cotisée exigée de l’assuré pour un départ anticipé au titre du dispositif « carrière longue ».

On peut s’interroger sur le devenir du solde du compte de prévention de la pénibilité en cas de décès de son titulaire. Il pourrait être utile d’en préciser soit la liquidation, soit la reprise par les ayants droit.

Un décret en Conseil d’État viendra déterminer les conditions d’utilisation des points inscrits au compte et fixer le barème des points spécifiques pour chaque utilisation ainsi que les conditions dans lesquelles les points acquis ne peuvent être affectés qu’à la formation. De même, pour les personnes âgées d’au moins 57 ans au 1er janvier 2015, le barème des points sera aménagé dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, afin de faciliter l’accès au temps partiel et à la majoration de durée d’assurance.

● Gestion du dispositif

Selon le nouvel article L. 4162-10 du code du travail, la gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité est assurée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés et le réseau des Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT).

Il est prévu que les caisses enregistrent au fur et à mesure sur le compte les points du salarié correspondant aux données déclarées par l’employeur et en informent annuellement le salarié.

Les organismes gestionnaires doivent, par ailleurs, mettre à disposition du travailleur un service d’information en ligne lui permettant de connaître le nombre de points qu’il a acquis ou consommés au cours de l’année civile précédente, ainsi que le nombre total de points inscrits sur son compte avec les diverses utilisations possibles.

Ils assurent le versement des fonds, en fonction de l’utilisation des points, aux organismes de formation (utilisation n° 1), aux employeurs (utilisation n° 2) ou aux régimes de retraite compétents (utilisation n° 3).

Un décret doit venir préciser les conditions d’application de ces dispositions.

Le nouvel article L. 4162-11 du même code prévoit que les organismes gestionnaires sont compétents pour contrôler, dans la limite des trois années postérieures à la déclaration de l’employeur, la réalité de l’exposition des salariés aux facteurs de risques, ainsi que l’exhaustivité des informations déclarées, sur pièce et sur place, ou déléguer ce contrôle à un organisme habilité dans des conditions définies par décret. Ils peuvent également se faire communiquer toute information utile à cet effet par les services de l’administration du travail, les caisses de mutualité sociale agricole, les services chargés de la gestion des accidents du travail et maladies professionnelles des CARSAT.

En cas de déclaration inexacte, le projet de loi précise que le montant des cotisations dues aux organismes de recouvrement et le nombre de points font l’objet d’une régularisation. Une pénalité peut être prononcée par le directeur de la Caisse, dans la limite de 50 % du plafond mensuel de sécurité sociale en vigueur, au titre de chaque salarié ou assimilé concerné par une inexactitude déclarative. Cette pénalité est recouvrée selon les mêmes modalités que les pénalités prononcées en cas de faute ou de fraude, conformément à l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale.

Les nouveaux articles L. 4162-12 à L. 4162-15 du code du travail précisent les conditions de règlement des différends liés au compte personnel de prévention de la pénibilité.

Il est tout d’abord précisé à l’article L. 4162-12, que les contestations relatives au compte relèvent du contentieux général de la sécurité sociale, à savoir les tribunaux administratifs de sécurité sociale.

Selon le nouvel article L. 4162-13, en cas de réclamation du salarié relative à l’ouverture du compte, concernant l’effectivité ou l’ampleur de son exposition, sa réclamation n’est recevable que s’il a préalablement porté cette contestation devant l’employeur, dans des conditions devant être précisées par décret en Conseil d’État. Une procédure précontentieuse est par ailleurs mise en place au sein des CARSAT. Celles-ci rendent leur décision après avis motivé d’une Commission ad hoc, dont la composition, le fonctionnement et le ressort territorial seront fixés par décret, et qui bénéficient de la mise à disposition de personnels des CARSAT. Elle peut aussi s’appuyer sur les services des CARSAT, de l’administration du travail et des caisses de mutualité sociale agricole.

Le nouvel article L. 4162-14 du même code prévoit qu’en cas de recours juridictionnel contre une décision de la Caisse, le salarié et l’employeur sont parties à la cause et mis en mesure de produire leurs observations à l’instance. Ces dispositions ne s’appliquent cependant pas aux employeurs soumis à pénalité pour non-respect de leurs obligations relatives à la mise en place du compte de pénibilité.

Le nouvel article L. 4162-15 du même code propose que l’action du salarié en vue de l’attribution de points se prescrive par deux ans à compter du 31 décembre de l’année au titre de laquelle les points sont demandés. Ce délai pourrait être allongé. La prescription est interrompue selon les règles de droit commun par une des causes citées par le code civil, comme une demande en justice, ou des mesures conservatoires. Elle peut aussi être initiée par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception à l’organisme gestionnaire.

 Financement du compte personnel de prévention de la pénibilité

Les nouveaux articles L. 4162-16 à L. 4162-18 du code du travail précisent les modalités de financement du compte de prévention de la pénibilité. Le financement des nouveaux droits repose sur les entreprises et distingue un premier étage entièrement mutualisé entre les employeurs chez qui les salariés peuvent acquérir des droits au titre du compte, et un second étage complémentaire visant les seuls employeurs qui exposent réellement les salariés à la pénibilité, en fonction de cette exposition.

Le nouvel article L. 4162-16 crée un fonds, établissement public d’État, en charge du financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité.

Son conseil d’administration comprend : des représentants de l’État ; des représentants des salariés désignés par les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ; des personnalités qualifiées, désignées par arrêté des ministres chargés du travail et de la sécurité sociale. Le mode de désignation et le fonctionnement du conseil d’administration sont déterminés par décret, de même que le régime comptable et financier du fonds et les organismes gestionnaires du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Le nouvel article L. 4162-17 du code du travail recense les dépenses du fonds relatives à la gestion du compte de pénibilité, que sont la prise en charge des dépenses liées aux trois utilisations potentielles du compte (frais liés à la formation ; compléments de rémunération, cotisations et contributions afférentes au temps partiel ; remboursement aux organismes d’assurance vieillesse des sommes correspondant à la prise en charge des trimestres liés à la majoration de durée d’assurance). S’y ajoute la prise en charge des dépenses liées aux frais d’expertise exposés par les commissions de conciliation des CARSAT, dans la limite d’une fraction des recettes du fonds. Il n’est pas précisé si les dépenses qui dépassent cette limite sont ou non à la charge de la CNAVTS. Enfin, le fonds doit aussi couvrir le remboursement aux CARSAT des frais exposés au titre de la gestion du compte de prévention de la pénibilité.

Selon le nouvel article L. 4162-18 du code du travail, les recettes du fonds seront constituées par :

– une cotisation due par tous les employeurs, au titre des salariés qu’ils emploient, entrant dans le champ d’application du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Le financement du fonds est de la sorte supporté à part égale par l’ensemble des entreprises dont les salariés entrent de droit dans le champ de la mesure. Ceci traduit la solidarité interprofessionnelle qui doit s’exercer au titre d’un risque qui, même concentré dans certains secteurs et types d’activité, reste inhérent à l’activité économique. Il s’agit en outre d’une cotisation à assiette très large puisqu’elle couvre l’ensemble de la masse salariale – dont le taux pourra être fixé à un niveau très faible afin de ne pas peser sur le coût du travail. Le projet de loi précise que cette cotisation est égale à un pourcentage fixé par décret dans la limite de 0,2 % des rémunérations perçues par les salariés entrant dans le champ d’application du compte personnel de prévention de la pénibilité ;

– une cotisation additionnelle assise sur les salaires, due par les employeurs ayant exposé au moins un de leurs salariés à au moins un facteur de pénibilité, égale à un pourcentage des rémunérations ou gains fixé par décret.

Son taux sera fixé par décret entre 0,3 % et 0,8 % pour les salariés exposés à un seul facteur de pénibilité, et entre 0,6 % et 1,6 % pour les salariés exposés à plusieurs facteurs.

Ce taux, nettement plus significatif que la cotisation qui s’applique à toutes les entreprises, a pour objectif de les inciter à prendre des dispositions en faveur de la prévention des risques professionnels pour leurs salariés. Il pourrait cependant être envisagé d’abaisser le plafond des cotisations dues au titre de l’exposition à plusieurs facteurs de pénibilité.

Le nouvel article L. 4162-20 du code du travail propose que pour la fixation des taux de cotisation et du barème de points spécifiques à chaque utilisation du compte de prévention de la pénibilité, il est tenu compte des prévisions financières du fonds pour les cinq prochaines années, et, le cas échéant, des recommandations du Comité de suivi mentionné à l’article L. 114-4 du code de la sécurité sociale.

Le recouvrement et le contrôle des cotisations sont confiés aux Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales et aux Caisses générales de sécurité sociale.

D’après l’estimation qui figure dans l’étude d’impact, vingt ans après l’entrée en vigueur du dispositif, 300 000 personnes utiliseraient chaque année les points accumulés sur leur compte personnel de prévention de la pénibilité. Le coût du dispositif est estimé à environ 500 millions d’euros en 2020, 2 milliards d’euros en 2030 et 2,5 milliards d’euros en 2040.

La Commission a adopté plusieurs modifications importantes à cet article, qui prévoient :

– d’abaisser l’âge à partir duquel un salarié pourra bénéficier d’un barème de points particulier, l’exemptant de l’obligation de consacrer les 20 premiers points à la formation ;

– d’accorder la possibilité d’une réduction de la durée de travail d’un salarié tout au long de sa vie active ;

– de préciser les modalités suivant lesquelles le salarié est informé des possibilités d’utilisation du compte pénibilité et de ses possibilités de recours contre la décision d’un employeur ;

– d’encadrer la demande de temps partiel au titre de la pénibilité, en limitant à deux années civiles la possibilité pour l’employeur de le refuser et en prévoyant que ce refus doit être motivé ;

– de préciser que le fonds de prévention de la pénibilité prend en charge les frais d’expertise exposés par les tribunaux des affaires de sécurité sociale, lors de la phase contentieuse ;

– de faire passer de deux à trois ans le délai de prescription au-delà duquel le travailleur ne peut plus réclamer de points au titre d’un désaccord avec son employeur sur l’effectivité ou l’ampleur de son exposition aux facteurs de pénibilité ;

– de préciser que seul le régime général peut attribuer des trimestres au titre de la pénibilité, quel que soit le régime dont le bénéficiaire relève lorsqu’il demande à bénéficier de sa majoration de durée d’assurance. Cette disposition est sans impact sur les droits ouverts ;

– de modifier l’intitulé du titre II du chapitre IV de la loi de réforme des retraites de 2010 portant le nom de Compensation de la pénibilité, afin de préciser qu’il s’agit d’une prise en compte de l’incapacité.

*

La Commission est saisie de deux amendements, AS 92 de M. Arnaud Robinet et AS 363 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l’article.

M. Arnaud Robinet. Mon amendement est de coordination.

M. Dominique Tian. Le mien aussi.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ces amendements.

Puis elle examine l’amendement AS 171 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Le projet de loi prévoit, au-delà d’un certain nombre de points accumulés sur le compte personnel de pénibilité, la possibilité d’une cessation anticipée d’activité. Nous souhaitons que les partenaires sociaux en définissent les conditions. Sans rien changer au cadre légal, cela permettrait une adaptation au plus près des réalités de l’entreprise.

M. le rapporteur. Les négociations au sein des branches ont parfois montré leurs limites ; nous souhaitons un dispositif national, qui garantisse les mêmes droits à tous les salariés sur l’ensemble du territoire et évite les différences d’interprétation. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Barbier. Le dispositif actuel de prise en compte de la pénibilité tel qu’il résulte de la loi du 9 novembre 2010 ne concerne que les entreprises de plus de cinquante salariés, dont au moins la moitié de l’effectif occupe un emploi considéré comme pénible. Vu leur taille, elles disposent des services nécessaires pour traiter les dossiers. Il n’en ira pas de même si, comme vous le proposez, le dispositif est généralisé à toutes les entreprises. Combien d’entre elles peuvent s’appuyer sur un CHSCT ? Aucun artisan du bâtiment, aucune petite entreprise ne pourra appliquer votre réforme. Rien n’avancera sur le terrain si nous votons des dispositions de fait inapplicables.

M. Philippe Vigier. Notre amendement non seulement répondrait à l’exigence de dialogue social mais faciliterait considérablement l’application du dispositif dans les petites et moyennes entreprises en prévoyant le passage par un accord collectif de branche. À défaut, la mise en œuvre de ce compte pénibilité sera si disparate que l’on ne percevra même pas l’avancée qu’il constitue.

M. le rapporteur. Le compte individuel de prévention de la pénibilité que nous instituons rompt totalement avec l’esprit de la loi de novembre 2010, laquelle n’avait d’ailleurs pas institué de compensation de la pénibilité à proprement parler, mais seulement de l’incapacité permanente au travail – ce qui était toutefois un premier pas dont nous vous donnons acte. À ce jour, d’ailleurs, six mille dossiers seulement ont été déposés à ce titre, alors que trois millions de salariés seraient potentiellement concernés par notre dispositif. Nous voulons, nous, que, quelle que soit la taille de l’entreprise, tous les salariés exposés à des facteurs de pénibilité bénéficient du même traitement. L’ouvrier d’une scierie de trois salariés doit avoir les mêmes droits en ce domaine que celui d’un grand groupe.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS 462, AS 463, AS 464 et AS 465 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 244 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à associer les salariés à l’élaboration de la fiche déclarative des expositions à la pénibilité, soit dans le cadre du CHSCT s’il en existe un dans l’entreprise, soit au travers des délégués du personnel. La qualité même des fiches y gagnerait en même temps que cela nourrirait le dialogue social. Tous les syndicats de salariés d’ailleurs le demandent.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Votre amendement est satisfait par celui, adopté à l’article 5, qui a précisé le rôle du CHSCT en ce domaine. L’employeur et son salarié rempliront ensemble la fiche individuelle dans le cadre de leur relation singulière.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 246 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous souhaitons que les instances représentatives du personnel reçoivent une copie des fiches individuelles de prévention de la pénibilité.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS 146 de M. Jean-Pierre Decool.

M. Rémi Delatte. Cet amendement vise à ce que la copie de la fiche individuelle transmise chaque année au salarié mentionne la possibilité d’une contestation.

M. le rapporteur. Cela introduirait inutilement de la complexité. Le salarié reçoit déjà de l’organisme gestionnaire du compte son relevé de points qui lui permet de prendre connaissance du fondement de la déclaration de son employeur. De plus, l’article L. 4162-13 prévoit expressément la possibilité pour le salarié de contester le calcul de son employeur.

M. Gérard Sebaoun. Que l’employeur informe le salarié de ses possibilités de contestation me paraît de bonne pratique.

M. Gilles Lurton. En quoi cet amendement poserait-il problème ? Sur toute notification à un tiers figure en bas de page la mention des possibilités de contestation.

M. le rapporteur. Vous m’avez convaincu. Même si je trouve cette mention superflue, je donne un avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 466 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 111 de Mme Éva Sas.

Mme Véronique Massonneau. En l’état actuel du texte, le salarié serait obligé d’utiliser les vingt premiers points de son compte pénibilité à des fins de formation – les modalités exactes restant à préciser par décret. Or tous les salariés concernés ne souhaiteront pas nécessairement se reconvertir. Il faut tenir compte des aspirations de tous et laisser la liberté de choix entre les trois possibilités offertes.

M. le rapporteur. L’affectation des vingt premiers points du compte à des actions de formation est au cœur de la réforme. Votre proposition en remettrait en question l’esprit. L’objectif premier du compte individuel de prévention de la pénibilité est que les salariés exposés à la pénibilité, dont la santé risque donc d’être altérée et l’espérance de vie réduite, puissent changer de métier. Il ne s’agit pas de leur permettre d’accumuler le maximum de points, quitte à se tuer au travail, de façon qu’ils puissent partir en retraite plus tôt. Au bout de vingt-cinq ans d’exercice d’un métier pénible, un salarié aura accumulé cent points. S’il ne souhaite pas se reconvertir, il pourra en utiliser quatre-vingts pour prendre un temps partiel ou partir en retraite de manière anticipée. Mais vingt points seront perdus.

Cela étant, l’amendement AS 299, à venir, de M. Sebaoun devrait vous donner en partie satisfaction, madame Massonneau. Pour l’heure, je ne puis qu’être défavorable à celui-ci.

Mme Véronique Massonneau. Après sa formation, le salarié ne trouvera pas nécessairement un emploi adapté dans son entreprise. D’éminents spécialistes de la pénibilité au travail, dont Serge Volkoff, nous ont expliqué lors de leur audition que, dans certaines entreprises, il n’y avait plus aucun métier « doux » et que tous exposaient à des facteurs de pénibilité. Comment en ce cas envisager une reconversion en interne ?

M. Jean-Patrick Gille. S’il est obligatoire que les premiers points du compte soient utilisés pour suivre une formation ouvrant la voie à une reconversion ou pour prendre un temps partiel réduisant l’exposition aux risques, c’est pour éviter que les salariés ne soient tentés d’accumuler les points dans le seul objectif d’écourter leur vie professionnelle. Si cette obligation peut sembler porter atteinte à leur liberté, elle vise en réalité à les protéger. L’objectif est d’inciter les salariés exposés à des facteurs de pénibilité à se reconvertir pour pouvoir occuper un autre type d’emploi.

Mme Isabelle Le Callennec. La reconversion devra-t-elle nécessairement s’opérer au sein de l’entreprise ou pourra-t-elle ouvrir à un nouvel emploi dans une autre entreprise ?

D’autre part, comment s’articuleront le compte individuel de prévention de la pénibilité et le compte individuel de formation, à la mise en place duquel travaillent les partenaires sociaux ?

M. Jean-Patrick Gille. Dans sa déclinaison formation, le compte pénibilité renverra bien entendu au compte individuel de formation, dont le principe figure dans l’accord national interprofessionnel et dont la future loi sur la formation professionnelle définira les modalités précises de fonctionnement.

Pour le reste, tout dépendra de la formation suivie, de la convention collective dont relève le salarié et de la possibilité effective d’occuper un nouvel emploi dans l’entreprise.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 295 rectifié de M. Jean-Marc Germain.

M. Gérard Sebaoun. Il va de soi que la majoration de durée d’assurance vieillesse à laquelle donneront droit les points du compte pénibilité doit permettre au salarié de partir à taux plein avant l’âge légal s’il possède tous les trimestres nécessaires. Mais cela va mieux en le disant. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le rapporteur. Avis favorable. C’est en effet tout à fait normal.

M. Bernard Accoyer. J’avais cru comprendre que le Gouvernement présentait ce texte pour restaurer l’équilibre de nos régimes de retraite. Il s’agit, hélas, plutôt d’une anti-réforme ne comportant que relèvements de cotisations, hausses d’impôts et réductions d’avantages familiaux. Non seulement les mesures prévues ne procureront, au mieux, que 7 milliards d’euros en 2020, alors que le déficit s’élève à 20 milliards, mais vous ne cessez de charger la barque. Avant même l’adoption de ces amendements, déjà un salarié sur deux pourrait partir avant 62 ans. C’est irresponsable. Monsieur le rapporteur, vous qui avez reçu la mission d’essayer de faire quelque chose pour sauvegarder notre système de retraites, comment pouvez-vous accepter tous ces amendements, certes généreux, mais qui vont à l’encontre de l’objectif recherché ?

M. le rapporteur. Que « j’essaie de faire quelque chose », la formule est savoureuse ! D’où tenez-vous ces chiffres selon lesquels un salarié sur deux partirait avant 62 ans ?

M. Bernard Accoyer. C’est Mme Touraine qui les a donnés.

M. le rapporteur. L’amendement dont nous discutons s’inscrit parfaitement dans l’esprit de cette réforme. Il est normal que puissent partir en retraite un peu plus tôt que les autres ceux qui ont occupé des emplois pénibles, de surcroît s’ils ont commencé à travailler jeunes puisque tel est nécessairement le cas s’ils possèdent tous leurs trimestres avant l’âge légal.

Mme Véronique Louwagie. Dans le document de présentation du projet de loi, il est dit qu’un salarié sur cinq pourrait bénéficier du compte pénibilité.

M. le rapporteur. Un sur cinq, ce n’est pas un sur deux !

M. Christian Paul. Monsieur Accoyer, l’allergie au progrès de votre groupe m’étonnera toujours.

M. Bernard Accoyer. Entendre cela de la part de ceux qui n’ont jamais fait aucune réforme !

M. Christian Paul. Celle que nous engageons aujourd’hui est historique. Contrairement à vous, nous pensons qu’il est possible de concilier mesures de progrès social et mesures de rééquilibrage financier. Il est incroyable de penser que la prise en compte de la pénibilité menace ipso facto l’équilibre financier de notre système de retraites.

La Commission adopte l’amendement AS 295 rectifié.

Elle en vient à l’amendement AS 149 de M. Jean-Pierre Decool.

M. Rémi Delatte. Cet amendement précise qu’en l’absence de choix du salarié entre les trois possibilités offertes, les points du compte pénibilité seront présumés utilisés pour la retraite.

M. le rapporteur. Non, il faut rester ferme sur le principe. Les vingt premiers points du compte ne peuvent être affectés qu’à de la formation.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 247 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Les trois utilisations possibles du compte pénibilité – formation, temps partiel ou départ anticipé en retraite – devraient pouvoir se cumuler. En effet, si, après avoir occupé un emploi pénible pendant vingt ans, un salarié peut utiliser son compte pour une formation-reconversion, les dégâts causés à sa santé n’en seront pas pour autant réparés. Il doit donc aussi, s’il le souhaite, pouvoir partir en retraite plus tôt parce que son espérance de vie restera réduite. En outre, comme l’a fort justement souligné Mme Massonneau, la formation suivie ne débouchera pas nécessairement sur un emploi dans l’entreprise.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Prévoir un décompte différent des points pour les trois utilisations possibles reviendrait à ne pas retirer du compte les points consommés, c’est-à-dire finalement à attribuer des points gratuits. Contraire à la philosophie même du compte pénibilité, votre proposition, dont j’avoue d’ailleurs ne pas très bien saisir le sens, en compromettrait l’équilibre financier.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce que nous proposons est très clair. Une fois de plus, nous ne sommes pas d’accord sur la façon de traiter les salariés qui occupent des emplois pénibles. Vous rendez-vous compte de ce que vivent au travail les ouvriers du bâtiment par exemple, qui tous les jours et par tous les temps manipulent des charges lourdes ?

M. Jean-Patrick Gille. Nous en sommes pleinement conscients. Mais nous ne comprenons pas le mécanisme que vous proposez. Chaque point attribué sur le compte devrait-il être comptabilisé trois fois ? Cela reviendrait alors à tripler les points !

Un salarié qui aura quatre-vingts points sur son compte devra en utiliser vingt pour envisager une reconversion – cela lui ouvrira droit à six mois de formation. Il sera ensuite libre d’utiliser les points restants comme il le souhaite. Vous proposez, vous, que, si la formation n’a débouché sur rien, vingt points lui soient recrédités. Bref, ce serait une sorte de crédit revolving !

Mme Jacqueline Fraysse. Ironisez si vous le voulez ! Je persiste à penser qu’il serait normal que, si la formation n’a pu conduire à un nouvel emploi, les points soient restitués sur le compte du salarié, de façon qu’il puisse partir plus tôt en retraite et ainsi bénéficier tout de même d’une compensation de la pénibilité à laquelle il a été exposé.

M. Arnaud Robinet. Les membres de la majorité ne sont pas d’accord entre eux !

Mme Jacqueline Fraysse. Nous confrontons des points de vue, il n’y a là rien d’anormal. Ne nous reprochez pas de formuler d’autres propositions au motif que nous sommes proches de la majorité !

M. Arnaud Robinet. Votre amendement illustre parfaitement ce que nous dénonçons depuis le début : avec l’usine à gaz que sera ce compte pénibilité, vous ouvrez une boîte de Pandore et allez recréer des régimes spéciaux. Vous-mêmes ne comprenez rien au fonctionnement de ce compte. Mettez-vous à la place de nos concitoyens !

M. Dominique Tian. Des dispositions particulières avaient été prises par le passé pour certains métiers alors pénibles. Mais bien que les conditions d’exercice de ces métiers aient évolué, on n’est jamais revenu sur ces avantages. Et c’est ainsi que les conducteurs de train par exemple continuent de partir en retraite à 50 ans alors qu’ils conduisent des TGV, qui n’ont que peu à voir avec les anciennes locomotives à charbon ! Au lieu de supprimer tous ces régimes spéciaux hérités du passé qui n’ont plus aucune justification, vous en créez de nouveaux ! Votre dispositif ne servira qu’à accorder des privilèges à certains, comme d’habitude les plus syndiqués et les mieux défendus. Et les dindons de la farce seront toujours les mêmes ! (Exclamations des commissaires du groupe SRC.)

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous ne pouvez pas répéter indéfiniment les mêmes arguments. Je propose de suspendre la séance quelques instants.

La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures dix.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je mets aux voix l’amendement AS 247.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS 296 de M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Le salarié qui exerce un métier pénible devrait pouvoir profiter d’une réduction de la durée de travail à n’importe quelle étape de sa vie active. En effet, l’étude d’impact montre que l’exposition à la pénibilité est surtout importante dans la tranche des 24 à 49 ans, donc chez des salariés relativement jeunes.

M. le rapporteur. L’idée est originale et j’y suis favorable. Au bout de dix ou quinze ans de travail pénible, on a accumulé beaucoup de fatigue et l’on peut avoir envie de bénéficier d’un temps partiel pour se reposer avant de reprendre une activité à temps plein. Les points utilisés ne se retrouveront plus en fin de carrière, mais tous ne souhaitent pas partir en préretraite à 58 ans. Laissons le choix au salarié ; lui permettre d’utiliser, sur ce point, son compte comme il l’entend n’entraînera ni difficulté particulière ni coût supplémentaire.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 61 de Mme Véronique Massonneau et AS 248 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Véronique Massonneau. Le compte personnel de prévention de la pénibilité constitue indéniablement une avancée. Mais son application effective repose sur un grand nombre de décrets ; c’est pourquoi le législateur doit fixer des garde-fous pour en encadrer les modalités concrètes.

Notre amendement définit ainsi les conditions de liquidation des points acquis pour le départ anticipé en retraite, rendant celui-ci possible dès trois ans avant l’âge légal, soit à 59 ans. Un décret devra préciser le nombre de points nécessaires.

Cet amendement prolonge celui, rejeté à l’instant par la Commission, qui prévoyait de ne pas obliger les salariés à utiliser vingt points en formation, les laissant libres de les cumuler.

M. le rapporteur. On pourrait accepter ce principe ; j’ai également déposé des amendements qui permettent, à partir d’un certain âge, de se dispenser de la formation.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons de fixer à 55 ans l’âge à partir duquel peut intervenir la demande d’utilisation des points pour les droits mentionnés au 2° et 3°. En effet, la majorité des métiers pénibles ne peuvent plus être exercés après 55 ans ; il est donc nécessaire de prévoir, pour les salariés les plus exposés à la pénibilité, la possibilité d’un départ anticipé à partir de cet âge.

M. Bernard Accoyer. De nombreux amendements témoignent du refus de regarder le problème en face. Nous devrions légiférer pour trouver des recettes susceptibles de sauver l’équilibre de la branche retraites ; mais, malgré tous les prélèvements que vous imposerez, nous n’arriverons pas à combler le déficit de 20 milliards qui se profile à l’horizon – pour 2020. On continue pourtant à proposer des dépenses supplémentaires : anticiper de trois ans le départ à la retraite, fixer l’âge du départ à 55 ans…

À confondre prévention de la pénibilité au travail et sauvetage de nos régimes de retraite, vous risquez fort de manquer votre but. Entachée dès le départ d’un manque cruel de mesures structurelles, cette réforme – qui se borne à prélever des cotisations et des impôts et à s’en prendre aux droits familiaux – accumule de surcroît les dépenses. Aucun de ces amendements n’apporte quoi que ce soit pour sécuriser l’avenir des retraites. C’est un coup de ciseaux dans le contrat entre les générations !

M. Jean-Noël Carpentier. M. Accoyer semble résolument opposé à l’idée de tenir compte de la pénibilité au travail. Or, quels que soient les efforts de prévention, certains métiers, comme la maçonnerie, ou certaines conditions de travail, comme le travail de nuit, resteront pénibles. La société réclame aujourd’hui une approche humaine de ces questions, qu’il est tout à notre honneur de promouvoir.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur Accoyer, mon groupe est cohérent et responsable : si nous suggérons des dispositions impliquant des dépenses, nous avons également soumis des propositions de recettes – que vous avez repoussées.

M. Arnaud Robinet. En effet, le parti communiste reste toujours cohérent dans ses positions : s’il défend certaines mesures relatives au compte pénibilité, il soumet en même temps des amendements concernant le financement de notre système de retraites. À l’inverse, le parti socialiste et ses alliés oublient que la réforme devrait permettre au système de retrouver l’équilibre. Le déficit prévu pour 2020 s’élève à 20 milliards d’euros ; le financement n’atteint pour sa part que 7 milliards. Alors qu’il reste 13 à 14 milliards d’euros à trouver, vous nous proposez de nouveaux droits non financés. Il faudra donc attendre le changement de majorité en 2017 pour qu’une véritable réforme des retraites voie le jour, ayant pour objectif de sauvegarder le système par répartition et de garantir des pensions aux futures générations.

M. le rapporteur. J’émettrai un avis défavorable à l’amendement de Mme Fraysse et favorable à celui de Mme Massonneau, qui me paraît pertinent. Il permettra à ceux qui ont accumulé suffisamment de points et effectué une carrière suffisamment longue de partir un an plus tôt. La disposition ne concernera donc que des salariés ayant commencé à travailler extrêmement tôt.

La Commission adopte l’amendement AS 61.

En conséquence, l’amendement AS 248 tombe.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 373 du rapporteur.

Puis elle étudie l’amendement AS 148 de M. Jean-Pierre Decool.

M. Rémi Delatte. Cet amendement vise à préciser les modalités selon lesquelles on informe le salarié des possibilités d’utilisation de son compte.

M. le rapporteur. Cet effort de pédagogie ne paraît pas forcément utile, mais je n’y vois pas d’inconvénient. Est-il nécessaire de préciser que l’information sera assurée par l’employeur et par les caisses chargées de la gestion du dispositif ? Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 163 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Le Gouvernement semble vouloir limiter le compte à cent points, ce qui – à raison d’un point par trimestre – correspond à vingt-cinq ans de carrière pénible. Pourquoi s’arrêter à cette durée ? Le reste de la carrière, entre la 25e et la 42e ou 43e année, ne pourrait-il pas se dérouler dans des conditions tout aussi pénibles ?

Ensuite, nous souhaitons simplifier le dispositif et le rendre plus souple. Pourquoi devoir atteindre dix points pour bénéficier de ses droits, et commencer forcément par la formation ? On devrait pouvoir choisir plus facilement entre le temps partiel, la formation et la retraite anticipée, un décret fixant le seuil – assez haut – à partir duquel on sera obligé de s’engager dans la formation. En l’état, les règles d’utilisation du compte ne me paraissent pas claires.

M. le rapporteur. Votre amendement non plus ! S’agissant du plafond de cent points, nous espérons que la plupart de salariés ne l’atteindront même pas, vingt-cinq ans de travail pénible représentant déjà beaucoup.

M. Jean-Patrick Gille. Le système n’est pas compliqué et les amendements déjà votés le simplifient encore davantage. Les points accumulés – un par trimestre – peuvent être utilisés soit pour la retraite anticipée – qui intervient forcément à la fin de la carrière professionnelle –, soit pour la formation – quand on le souhaite, tout au long de la carrière –, soit pour le temps partiel – désormais également quand on veut. Comment faire plus simple ?

Nous tenons en revanche à ce que le compte pénibilité ne se transforme pas en un système incitatif qui pousse à s’exposer à des situations pénibles. Le dispositif n’est donc borné que par le souci d’éviter cet aléa moral – d’où la limite des cent points –, et par l’obligation de consacrer les vingt premiers points à la formation.

M. Philippe Vigier. Les salariés apprécieront d’apprendre qu’ils font exprès de s’exposer aux métiers pénibles ! Je ne laisserai personne alléguer que l’on choisirait sciemment d’exercer un métier de ce type pendant trente ou quarante ans.

Avec votre raisonnement, le salarié doit rester exposé à la pénibilité durant deux ans et demi avant que l’on puisse commencer à adapter son poste. Or, même si vous tendez à amalgamer effet préventif et effet curatif, la prévention constitue un élément structurant. Il ne faut pas qu’un salarié reste en posture délicate pendant deux ans et demi, attendant d’accumuler les dix points qui lui permettent de s’engager dans une formation. Les adaptations devraient pouvoir intervenir dès les premiers points.

M. Dominique Tian. Le plafond des cent points servirait donc à éviter que le salarié ne s’expose volontairement à la pénibilité pour gagner davantage de points. Mais qui jugera du caractère volontaire ou non de l’exposition ? La médecine du travail ? L’inspection du travail ? Le CHSCT ? Le chef d’entreprise ? Ce système ne tient pas !

Mme Isabelle Le Callennec. Je suis consternée par la teneur des débats. Les partenaires sociaux que nous avions auditionnés étaient pour le moins circonspects sur la question du compte pénibilité. En cette matière, des règles existent déjà – au moins depuis la réforme de 2010 – et les entreprises ont de leur côté engagé un travail. Les dispositions de ce projet de loi préparent une usine à gaz que les partenaires sociaux sont les premiers à dénoncer, alors qu’il faudrait mobiliser toute notre énergie pour développer la prévention. Au bout du compte, les entreprises se verront imposer un texte inapplicable.

Monsieur Gille, je connais bien des salariés exerçant des métiers pénibles – il y en a autant dans ma circonscription que dans la vôtre –, mais aucun d’entre eux ne serait prêt à s’exposer au maximum pour gagner des points.

M. Gérard Sebaoun. Personne ne conteste la nécessité de la prévention et de l’amélioration des conditions de travail tout au long de la vie d’un salarié. Mais aujourd’hui nous créons un compte personnel de pénibilité qui donne accès à trois nouvelles possibilités. Cessez d’opposer prévention et réparation. Vous avez adopté un texte enfermant la pénibilité dans l’incapacité permanente ; acceptez que nous en sortions !

M. Jean-Patrick Gille. Évitons la caricature et la mauvaise foi. Les syndicats des salariés sont favorables au compte pénibilité, alors que leurs homologues patronaux freinent des quatre fers ; vous avez clairement choisi votre camp !

Oui, certains salariés s’exposent volontairement à la pénibilité. Le responsable des ressources humaines d’EADS nous a ainsi expliqué en audition que les salariés voulaient travailler en 3x8 – donc la nuit – parce qu’ils étaient payés davantage. Vous estimez d’ailleurs que ce type d’arbitrage relève de la liberté de chacun.

Monsieur Vigier, la question des retraites excède le seul sujet du financement ; il s’agit, plus globalement, de trouver la bonne articulation entre vie professionnelle et vie après le travail. C’est ainsi par exemple que nous proposons d’aménager la possibilité d’une sortie progressive de la vie active. Le compte pénibilité offre un nouveau droit aux salariés ; loin de rester formel, ce droit – que le salarié n’aura plus à négocier – se traduit en temps et éventuellement en argent pour se former. Mais il n’empêche pas les entreprises de travailler sur la prévention ; les deux se complètent au contraire dans une sorte de co-traitement de la pénibilité, de co-investissement entre l’entreprise et le salarié. Nous n’enlevons donc rien, nous créons un droit de plus.

M. Bernard Accoyer. Le travail de nuit peut correspondre à un souhait. Certaines mères de famille préfèrent travailler une nuit et demie par semaine pour pouvoir conduire leur vie personnelle et familiale autrement que si elles travaillaient le jour. Alors qu’on devrait s’attaquer au problème de financement des retraites, voilà qu’on veut borner la liberté des citoyens dans leur travail. Vous démontrez là avec éclat que ce texte fait tout sauf poursuivre l’objectif qui lui a été assigné par la Commission européenne : essayer de réduire les déficits abyssaux des comptes sociaux.

M. le rapporteur. Avis défavorable à l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 60 de Mme Véronique Massonneau, AS 143 de Mme Jeanine Dubié, AS 299 de M. Gérard Sebaoun et AS 112 de M. Jean-Marc Germain.

Mme Véronique Massonneau. À défaut de laisser tous les salariés libres de choisir comment liquider leurs points – comme le prévoyait l’amendement AS 111 –, l’amendement AS 60 propose d’offrir cette liberté aux employés âgés de plus de cinquante ans, les dispensant de l’obligation d’utiliser une partie des points pour la formation.

Mme Jeanine Dubié. L’instauration, en 2015, du compte de prévention de la pénibilité permettra aux salariés qui accomplissent des travaux pénibles d’acquérir des droits nouveaux. En complément, le projet de loi prévoit des mesures spécifiques pour les salariés en fin de carrière, âgés d’au moins 57 ans au 1er janvier 2015. Dans son format actuel, ce dispositif transitoire exclut les salariés âgés de 55 et 56 ans au 1er janvier 2015 alors même que ceux-ci ne pourront acquérir aucun droit dans le cadre du dispositif pérenne. L’amendement AS 143 propose donc de les faire profiter du mécanisme prévu à l’alinéa 23.

M. Gérard Sebaoun. Je défends l’amendement AS 299, mais j’aimerais que le rapporteur lève l’ambiguïté que me semble comporter la rédaction de l’alinéa 23. S’agit-il bien, comme nous le pensons, de formation ? Si c’est le cas, nous proposerons que la dispense d’obligation de formation soit possible à partir de 52 ans.

Mme Fanélie Carrey-Conte. L’amendement AS 112 est défendu.

M. le rapporteur. L’amendement AS 299 est celui qui a ma préférence.

Pour répondre à la demande de M. Sebaoun, l’alinéa 23 définit l’âge à partir duquel on peut déroger au barème normal. Le décret mentionné à l’alinéa prévoira deux âges distincts, pour permettre, d’une part, le doublement des points à partir de 59 ans et demi et, d’autre part, la suppression ou la réduction de l’obligation concernant l’affectation des vingt points à la formation à partir de 52 ans – je souhaite que l’amendement AS 299 soit modifié en ce sens. Nous estimons que, comme il est plus compliqué à cet âge de sortir de la pénibilité et de se reconvertir, il doit être possible d’utiliser ces points pour un départ anticipé.

M. Bernard Accoyer. Je veux soulever un point de constitutionnalité. Les amendements que nous examinons ici aggravent le coût de la réforme – ou de l’anti-réforme. S’ils sont adoptés par notre Commission, ils deviendront le texte examiné dans l’hémicycle, au mépris, me semble-t-il, du respect de l’article 40 de la Constitution.

M. le rapporteur. Si ces amendements arrivent en discussion, c’est sans doute qu’ils ne tombent pas sous le coup de l’article 40…

M. Christian Paul. Je voudrais qu’il soit inscrit au procès-verbal de cette réunion que nous assistons à une offensive réactionnaire contre la prise en compte de la pénibilité dans la loi portant réforme du système de retraites et que vous usez, monsieur Accoyer, de tous les artifices de procédure pour déstabiliser le rapporteur et la majorité. Il existe des procédures, et il n’y a pas à mettre en cause la façon dont l’article 40 est utilisé. Il est choquant que ce soit précisément sur la pénibilité, point fort de cette réforme, que vous fassiez de l’obstruction.

M. Dominique Tian. Sur un plan strictement comptable, nous sommes un peu perdus. Il s’agit de sauver le régime des retraites, or la facture s’alourdit de minute en minute. Nous aimerions donc obtenir un point comptable sur l’état des charges et des allégements.

M. Régis Juanico. Ces manœuvres de diversion ne doivent pas occulter le progrès que représente la mesure que nous examinons.

Le rapporteur propose que le compte personnel de prévention de la pénibilité puisse être utilisé de trois manières : pour des actions de formation, pour la réduction du temps de travail et le temps partiel, pour un départ à la retraite anticipé.

Si nous adoptons l’amendement AS 299, l’âge qui dispense de l’obligation d’affecter les vingt premiers points à de la formation pour bénéficier d’un temps partiel, puis d’un départ anticipé est porté à 52 ans. L’étude d’impact montre en effet, en s’appuyant sur une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), que les salariés exposés à des conditions de travail pénibles sortent plus rapidement du marché du travail que les autres. Parmi les seniors exposés au cours de leur carrière à au moins un facteur de pénibilité physique durant quinze ans, 68 % seulement étaient en emploi à la date de l’enquête, contre 75 % pour ceux qui ne sont pas exposés. L’enjeu est donc celui du maintien dans l’emploi des seniors.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Accoyer, cet amendement va être gagé par le Gouvernement. Toutes les entreprises paieront, mais celles dont l’activité comporte un ou plusieurs facteurs de pénibilité acquitteront une taxe additionnelle. L’étude d’impact indique que le dispositif montera en charge. Au cas où la ministre, qui n’a pu assister à nos débats de ce soir, ne serait pas d’accord avec cette disposition, elle saura nous le faire savoir dans l’hémicycle.

M. Philippe Vigier. Certains de mes amendements n’ont pas passé le cap de l’article 40 – notamment un qui prévoyait de supprimer une décote pour les femmes et que le Gouvernement n’a pas voulu gager. J’aimerais donc des explications à propos de celui-ci.

On peut modifier à l’envi les critères d’âge, mais attention au coût exponentiel pour les entreprises, dont il ne faudrait pas grever la compétitivité. Combien va coûter cet amendement ? Le Gouvernement s’engage-t-il à le gager ? Et où prendra-t-il l’argent ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Dans l’amendement AS 299, conformément à la demande du rapporteur, le chiffre « 52 » est substitué au chiffre « 55 ».

La Commission adopte l’amendement AS 299 ainsi rectifié.

En conséquence, les amendements AS 60, AS 143 et AS 112 tombent.

La Commission est saisie de l’amendement AS 300 de M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. L’amendement AS 299 ayant été rectifié par le rapporteur, l’amendement AS 300 est désormais sans objet.

L’amendement AS 300 est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 374 et AS 375 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 280 de M. Jean-Pierre Decool.

M. Rémi Delatte. Dans le cas d’un salarié souhaitant bénéficier d’un temps partiel issu d’un compte personnel de prévention de la pénibilité, il est utile de préciser que les dispositions de l’alinéa 29 ne sont toutefois pas applicables dès lors que l’exposition du salarié à un ou plusieurs facteurs de risque professionnel est survenue chez un autre employeur.

M. le rapporteur. Il va de soi que le compte personnel est portable. Le fait d’avoir été exposé à de la pénibilité ne s’efface pas parce que l’on change d’employeur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS 58 de Mme Véronique Massonneau, AS 16 et AS 15 de Mme Chantal Guittet, AS 252 de Mme Jacqueline Fraysse, AS 301 de M. Gérard Sebaoun, AS 150, AS 209 et AS 210 de M. Jean-Pierre Decool, AS 251 de Mme Jacqueline Fraysse et AS 59 de Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Le dispositif de départ anticipé pour un salarié ayant acquis suffisamment de points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité prévoit une clause de refus par l’employeur en cas d’impossibilité due à l’activité économique de l’entreprise. L’amendement AS 58 vise à supprimer cette clause. Un employeur a des obligations à l’égard de ses employés. Il doit notamment établir des mesures qui prennent en compte la prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Une entreprise au sein de laquelle des postes sont exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité doit savoir s’adapter à ses salariés, notamment lorsque ceux-ci sont en situation de passage à temps partiel.

En outre, une telle disposition pourrait engendrer des effets d’aubaine chez les employeurs, qui pourraient opposer de manière abusive l’argument économique à leurs employés souhaitant passer à temps partiel. Il convient donc de la supprimer pour privilégier la négociation et le dialogue au sein de l’entreprise.

Mme Chantal Guittet. L’utilisation du compte personnel pour passer à temps partiel est un droit. Dans le cas où l’employeur estime que cette réduction du temps de travail peut avoir des conséquences préjudiciables pour l’entreprise, l’amendement AS 15 propose que soient consultés le comité d’entreprise ou les délégués du personnel et qu’en cas de conflit, l’inspecteur du travail soit saisi.

L’amendement AS 16 précise que l’employeur ne peut opposer plus de deux refus successifs à son salarié. Au-delà, la réduction du temps de travail est de droit pour le salarié.

Mme Jacqueline Fraysse. En cas de pénibilité avérée, et donc de points accumulés, l’employeur ne devrait pas pouvoir refuser une demande de temps partiel, d’autant que, dans l’état actuel du texte, la notion d’impossibilité due à l’activité économique est large et floue. J’ajoute que cette possibilité de refus introduit une discrimination entre salariés ayant accumulé le même nombre de points, certains pouvant bénéficier du temps partiel, d’autres non, selon le bon vouloir de leur employeur. Nous proposons donc de rédiger ainsi l’alinéa 31 : « Cette réduction de durée de travail est de droit. »

M. Gérard Sebaoun. Afin de faciliter l’entretien entre le salarié et son employeur et pour tenir compte de la diversité des entreprises, l’amendement AS 301 propose que le refus de l’employeur soit motivé et qu’il soit encadré dans la limite de deux années civiles.

M. Rémi Delatte. L’amendement AS 150 propose également que le refus soit motivé et encadré par un délai limité.

L’amendement AS 209 précise que l’impossibilité susceptible d’être invoquée par l’employeur ne doit pas être « due », mais « liée » à l’activité économique de l’entreprise.

Enfin, l’amendement AS 210 complète la disposition selon laquelle le refus doit être justifié par une impossibilité liée à l’activité économique de l’entreprise.

Mme Jacqueline Fraysse. L’amendement AS 251 est un amendement de repli, qui dispose que le caractère réel et sérieux de la cause justifiant le refus de l’employeur de faire droit à la demande de passage à temps partiel d’un salarié soit attesté par le comité d’entreprise et par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). L’employeur ne doit pas être seul juge.

Mme Véronique Massonneau. L’amendement AS 59 est également un amendement de repli. Il propose d’associer le CHSCT, le comité d’entreprise ou les délégués du personnel à la décision de refus, afin de ne pas laisser le seul employeur décider, compte tenu du risque, que j’ai déjà évoqué, de créer un effet d’aubaine.

Cet amendement fixe également les conditions dans lesquelles le travailleur peut contester la décision de son employeur. S’il considère que le refus de ce dernier n’est pas justifié, il peut saisir la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), dans des conditions similaires à celles déjà prévues à l’article 6.

M. Bernard Accoyer. Il existe déjà des textes autorisant la médecine du travail à préconiser une réduction du temps de travail en cas d’incapacité partielle du salarié, et les amendements en discussion sont sans rapport avec ce projet de loi sur les retraites.

D’autre part, dans le cas où, l’employeur ayant été obligé d’accepter ces temps partiels, l’entreprise se retrouverait en difficulté et devrait être mise en liquidation, qui paierait les licenciements et les créanciers ?

M. Dominique Tian. Ce dispositif établit une discrimination entre les salariés des entreprises de moins de cinquante salariés et les autres. Selon que vous appartenez aux unes ou aux autres, la pénibilité de votre travail sera plus ou moins bien reconnue, quelle que soit votre condition personnelle. Si l’on applique vos mesures, certaines personnes deviendront inemployables, ce qui est juridiquement, voire constitutionnellement, contestable.

M. le rapporteur. Le temps partiel est un droit dont le salarié doit pouvoir user, même si l’employeur peut ne pas l’accorder immédiatement du fait de contraintes de production ou de la nécessité de développer son entreprise.

L’amendement le plus raisonnable est celui qui limite à deux les refus que peut opposer l’employeur à son salarié – à défaut de quoi le droit au temps partiel n’en serait plus vraiment un pour ce dernier. Cela étant, le pire n’est pas toujours sûr entre un employeur et son salarié ; si ce dernier anticipe sa demande, il donne à l’employeur le temps de s’organiser et de lui trouver un remplaçant.

Je donne donc un avis favorable à l’amendement AS 301, dont il conviendra toutefois de modifier la rédaction en séance pour préciser que l’employeur ne peut s’opposer deux années de suite à une telle demande. Les autres amendements reçoivent un avis défavorable.

Mme Jacqueline Fraysse. Si elle n’est pas limitée à deux refus successifs de la part de l’employeur, la mesure perd en effet son sens, mais le délai de deux ans me paraît trop long pour un salarié sur le point de prendre sa retraite.

M. le rapporteur. Si une demande de temps partiel à mi-carrière exige de l’employeur un peu d’organisation, elle est assez prévisible venant en fin de carrière, a fortiori si le salarié a indiqué par avance son souhait de « décrocher » progressivement.

Le dispositif doit rester souple pour permettre à l’employeur de se retourner et au salarié de bénéficier réellement d’un droit qui ne doit pas se transformer en coquille vide.

M. Gilles Lurton. Les seniors ont déjà beaucoup de difficultés pour s’insérer dans l’emploi ; je crains que la portabilité du compte de prévention de la pénibilité en cas de changement d’emploi ne fasse qu’empirer leur situation.

M. Rémi Delatte. Un employeur acceptera désormais difficilement de recruter un senior doté d’un compte de prévention bien abondé. Il redoutera en effet que celui-ci ne demande à brève échéance un temps partiel. On limite ainsi la chance pour les seniors de retrouver du travail.

La Commission rejette par un vote unique les amendements AS 58, AS 15, AS 16, AS 252, AS 150, AS 209, AS 210, AS 251 et AS 59.

Puis elle adopte l’amendement AS 301.

Elle adopte l’amendement de précision AS 482 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 211 de M. Jean-Pierre Decool.

M. Rémi Delatte. Il s’agit d’ouvrir la possibilité à un salarié d’exercer un recours pour contester le nombre de points acquis.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 376 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 212 de M. Jean-Pierre Decool.

M. Rémi Delatte. Cet amendement vise à garantir le respect de la procédure contradictoire.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait : le principe du contradictoire est un principe général du droit. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement de précision AS 380 et l’amendement rédactionnel AS 377 du rapporteur.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS 215 de M. Jean-Pierre Decool.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS 253 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à porter à dix ans le délai au cours duquel les organismes gestionnaires peuvent procéder au redressement d’un compte personnel de prévention de la pénibilité. Le délai de trois ans prévu par le projet de loi est trop court pour permettre à ces organismes d’effectuer leur travail de contrôle. Les éventuelles erreurs risquent de ne pas être corrigées, au détriment des salariés.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le délai de prescription de droit commun en matière de recouvrement des cotisations est de trois ans. Les preuves de l’exposition aux facteurs de pénibilité seront particulièrement difficiles à rassembler au-delà de cette durée. Allonger le délai compliquerait la gestion et ouvrirait la voix à des contentieux lourds.

En revanche, je donnerai un avis favorable à l’amendement AS 304 de M. Sebaoun, que nous allons étudier un peu plus tard, qui vise à porter de deux à trois ans le délai pendant lequel un travailleur peut réclamer l’inscription de points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS 213 de M. Jean-Pierre Decool.

Puis elle examine l’amendement AS 254 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous souhaitons renforcer le rôle des CHSCT de telle sorte qu’ils puissent garantir l’application du droit en matière de prise en compte de la pénibilité. Aux termes de cet amendement, les CHSCT auraient la possibilité de solliciter eux-mêmes les organismes gestionnaires afin que ceux-ci procèdent à des contrôles. Les instances représentatives du personnel doivent bénéficier d’un tel droit de saisine, en sus de l’autosaisine des organismes gestionnaires prévue par le texte.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 381 et AS 378 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 161 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Nous appelons à nouveau l’attention du rapporteur sur les difficultés que va susciter la création du compte personnel de prévention de la pénibilité pour les PME et les TPE. Compte tenu de la complexité du dispositif, nous proposons d’abaisser le plafond de la pénalité dont pourront faire l’objet les employeurs de moins de cinquante salariés lorsqu’ils ne se seront pas mis en conformité absolue avec les textes.

M. le rapporteur. Je comprends votre intention : ne pas accabler une PME qui aurait fait une erreur ou aurait mal renseigné la fiche pénibilité. Cependant, le projet de loi prévoit déjà un plafonnement de la pénalité, et le directeur de l’organisme gestionnaire peut la moduler en fonction de la taille de l’entreprise, de sa situation et de la bonne foi de l’employeur. Enfin, la pénalité est susceptible de recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), compétent pour tous les litiges en matière de cotisations sociales. Avis défavorable.

M. Philippe Vigier. Les recours sont compliqués, longs et coûteux. Il ne faut pas soumettre les PME à la règle de droit commun. En minorant les pénalités qui peuvent leur être infligées, le législateur serait pleinement dans son rôle. Faites un effort, monsieur le rapporteur : sous-amendez notre proposition !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 379 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 479 du rapporteur.

M. le rapporteur. Afin d’éviter, dans la mesure du possible, les contentieux, je propose de permettre à l’employeur de former un recours gracieux auprès du directeur de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), dans les conditions prévues au septième alinéa de l’article L. 114-7 du code de la sécurité sociale.

En cas de non-paiement de la pénalité, le directeur de la caisse pourrait mettre en demeure l’employeur, puis délivrer une contrainte, conformément au neuvième alinéa du même article.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 219 de M. Jean-Pierre Decool.

M. Rémi Delatte. Il s’agit là aussi de garantir le respect de la procédure contradictoire : avant la mise en œuvre de la pénalité, l’employeur doit avoir la possibilité de dialoguer oralement avec l’autorité qui a prononcé la sanction. En outre, il doit avoir la faculté de se faire assister d’un conseil de son choix au cours de cet échange.

M. le rapporteur. L’employeur peut contester devant le TASS la pénalité infligée par le directeur d’un organisme gestionnaire. Il est inutile d’alourdir la procédure de droit commun. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS 483 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les frais d’expertise exposés par les TASS dans le cadre des contentieux relatifs au fonctionnement du compte personnel de prévention de la pénibilité seront pris en charge par le fonds de prévention de la pénibilité.

M. Arnaud Robinet. Cet amendement ne crée-t-il pas une dépense supplémentaire ?

M. le rapporteur. Le projet de loi prévoit la création de ce fonds et établit la liste de ses dépenses. La prise en charge des frais d’expertise fera partie de ses missions.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 255 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons que le salarié puisse saisir directement l’organisme gestionnaire en cas de désaccord avec l’employeur sur l’effectivité ou l’ampleur de son exposition aux facteurs de pénibilité. Aux termes du projet de loi, le salarié doit porter cette contestation devant l’employeur préalablement à toute saisine de l’organisme gestionnaire. Or il risque de renoncer à le faire par crainte de représailles, voire d’un licenciement.

M. le rapporteur. La saisine préalable de l’employeur évite le passage immédiat à une procédure contentieuse ou précontentieuse. En cas de rejet de sa contestation par l’employeur, le salarié pourra saisir l’organisme gestionnaire. Il convient de privilégier le dialogue direct entre le salarié et l’employeur : ils devront de toute façon s’entendre sur l’aménagement des conditions de travail et sur la prise en compte de la pénibilité. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Fraysse. Je souhaite également que le salarié et l’employeur se parlent. Cependant, lorsque le dialogue est impossible ou que le salarié juge qu’il ne peut pas faire autrement, il doit avoir la possibilité de saisir directement l’organisme gestionnaire.

M. le rapporteur. Je comprends votre argument, mais maintiens néanmoins mon avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 303 de M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement vise à préciser que le salarié peut se faire représenter ou accompagner par un représentant du personnel lorsqu’il décide de contester auprès de son employeur l’effectivité ou l’ampleur de son exposition aux facteurs de pénibilité.

M. le rapporteur. Cette précision n’est pas nécessaire. Avis défavorable.

L’amendement est rejeté.

L’amendement AS 216 de M. Jean-Pierre Decool est retiré.

La Commission en vient à l’amendement AS 218 de M. Jean-Pierre Decool.

M. Rémi Delatte. Le projet loi ne prévoit pas le cas où l’employeur ne répond pas à la contestation du salarié. Aux termes de cet amendement, l’absence de réponse de l’employeur vaudrait acceptation de la contestation.

M. le rapporteur. En réalité, le cas est bien prévu par le droit : l’absence de réponse de l’employeur vaut refus. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS 217 de M. Jean-Pierre Decool.

L’amendement AS 77 de Mme Véronique Massonneau est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 382 du rapporteur.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 486 de la commission des finances.

M. Régis Juanico. Cet amendement vise à transposer les règles existant en matière de lutte contre la discrimination aux différends portant sur le fonctionnement du compte personnel de prévention de la pénibilité. En cas de contestation du nombre de points inscrits sur le compte, le salarié doit pouvoir bénéficier du soutien des organisations syndicales : celles-ci pourront exercer le recours en son lieu et place.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. Dominique Tian. Je suis surpris par la rédaction de l’amendement : « L’organisation syndicale n’a pas à justifier d’un mandat de l’intéressé. » Est-ce à dire qu’un salarié pourra être défendu contre son gré par une organisation syndicale qui se sera emparée de son cas ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous invite à lire la suite de l’amendement, monsieur Tian : « Il suffit que celui-ci ait été averti par écrit de cette action et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention d’agir. L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat. » Le syndicat ne pourra donc pas agir contre le gré du salarié.

M. Denys Robiliard. L’amendement reprend les dispositions de l’article L. 1134-2 du code du travail, qui s’appliquent en matière de lutte contre les discriminations. Des dispositions analogues existent d’ailleurs dans d’autres domaines. Elles permettent à l’organisation syndicale d’agir en justice au lieu et place du salarié. Le salarié doit être informé et peut s’y opposer.

Ces règles tiennent compte d’une réalité : dans une petite entreprise – et même parfois dans une grande –, il n’est pas simple à un salarié d’exercer un recours contre son employeur, compte tenu du lien de subordination auquel il est soumis dans le cadre du contrat de travail.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine les amendements identiques AS 304 de M. Gérard Sebaoun et AS 487 de la commission des finances.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement vise à porter de deux à trois ans le délai de prescription au-delà duquel le salarié ne peut plus réclamer l’inscription de points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité. Ce délai serait ainsi identique à celui accordé aux organismes gestionnaires pour procéder à un redressement.

M. Régis Juanico. Il convient en effet d’harmoniser les délais d’action des salariés et des organismes gestionnaires.

M. le rapporteur. Cette harmonisation est bienvenue. Avis favorable, comme je l’ai annoncé lors de l’examen de l’amendement AS 253 de Mme Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Le délai de prescription de droit commun est de cinq ans. De manière scandaleuse, l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 a réduit ce délai à trois ans pour les réclamations portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail. Je m’y suis opposée. Je regrette que l’on continue ainsi à fixer des délais de prescription trop brefs.

La Commission adopte les amendements identiques.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 383 du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS 256 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je propose de porter le délai de prescription qui s’applique aux réclamations des salariés, non pas à trois, mais à dix ans.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 384 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 481 du rapporteur.

M. le rapporteur. Afin d’assurer une meilleure coordination entre les régimes de retraite et de faciliter les transferts financiers, je propose que seule la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), qui gère le régime général, puisse attribuer des trimestres au titre de la pénibilité, quel que soit le régime dont relève le bénéficiaire lorsqu’il demande à bénéficier d’une majoration de sa durée d’assurance. Le régime général, auquel sont affiliés 11 millions de salariés, se verrait ainsi confier un rôle pivot.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 484 du rapporteur.

M. le rapporteur. En coordination avec l’amendement AS 483, cet amendement vise à inclure, parmi les dépenses du fonds de prévention de la pénibilité, la prise en charge des frais d’expertise exposés par les TASS. À défaut, ceux-ci devraient être pris en charge par la CNAVTS.

M. Denys Robiliard. Les frais d’expertise ne sont pas négligeables. Ils devraient faire partie des dépens récupérés auprès de la partie succombante. Si le salarié a gain de cause, il serait normal que l’employeur paie les frais d’expertise.

La Commission adopte l’amendement

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 385 et AS 386 du rapporteur.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 170 de M. Francis Vercamer.

M. Philippe Vigier. Le projet de loi ne prévoit aucune compensation aux charges supplémentaires qu’il crée pour les employeurs : ni à l’augmentation des cotisations – de 0,15 point en 2014, portée progressivement à 0,3 point en 2017 –, ni à la création des nouveaux prélèvements qui financeront le fonds de prévention de la pénibilité. Ces surcoûts vont porter atteinte à la compétitivité de nos entreprises. Or le Premier ministre s’était engagé solennellement auprès des partenaires sociaux, en particulier du MEDEF, à ce que la réforme des retraites soit financièrement neutre pour les entreprises. Où est la traduction de cet engagement ? L’enjeu est majeur ! Le présent amendement fixe le principe d’une compensation à due concurrence des charges supplémentaires incombant à l’employeur du fait de la création des cotisations qui alimenteront le fonds de prévention de la pénibilité.

M. le rapporteur. Il est logique que ces nouvelles cotisations soient à la charge de l’employeur. Si celui-ci souhaite payer des cotisations moins élevées, il peut réduire l’exposition de ses salariés aux facteurs de pénibilité. Le projet de loi ne prévoit aucune compensation à la création de ces prélèvements, pas plus d’ailleurs qu’à l’augmentation des cotisations destinée à financer le système de retraites. Mon rôle n’est pas d’interpréter les propos du Premier ministre. Tenons-nous en au texte qui nous est présenté. Tout le reste est pure politique. Je ne doute pas que vous vous exprimerez à nouveau sur ce sujet en séance publique. Avis défavorable.

M. Arnaud Robinet. Le Premier ministre a pris cet engagement au cours des consultations avec les partenaires sociaux. Je rappelle que trois prélèvements supplémentaires seront à la charge des employeurs : la cotisation qui sera due par toutes les entreprises pour financer le fonds de prévention de la pénibilité ; celle qui sera due par les entreprises exposant au moins un de leurs salariés à des facteurs de pénibilité ; l’augmentation des cotisations patronales qui financera une partie du déficit des régimes de retraite.

M. Philippe Vigier. Il convient d’envisager le projet de loi dans sa globalité, du point de vue des salariés, d’une part, et des employeurs, d’autre part. Nous faisons des propositions constructives et conformes à l’article 40 de la Constitution. Vous venez de dire, monsieur le rapporteur, que ce texte ne comportera aucune mesure d’accompagnement des entreprises. J’en prends acte. Pour ma part, je considère que les déclarations du Président de la République ou du Premier ministre sont dignes de confiance. Il en va du respect de la parole donnée par le Gouvernement.

M. Régis Juanico. J’ignore à quelle déclaration du Premier ministre vous faites allusion, monsieur Vigier. Le seul engagement pris par le Gouvernement concernait la compensation de la hausse des cotisations patronales par une baisse à due concurrence sur la branche famille. Le débat sur ce point aura lieu dans les prochaines semaines.

S’agissant des cotisations finançant le fonds de prévention de la pénibilité, il est exclu qu’elles soient compensées. La prévention de la pénibilité relève en effet de la responsabilité de l’employeur. Cette charge a d’ailleurs une vertu : elle incite les employeurs à mener des actions visant à réduire l’exposition des salariés aux facteurs de pénibilité. Dans la durée, le nombre de salariés ainsi exposés est appelé à diminuer, de même que le montant des cotisations versées par les employeurs.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2014 comporte des mesures exceptionnelles en faveur des entreprises : une réduction de leur imposition de dix milliards d’euros au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ainsi qu’un allègement d’un milliard d’euros sur leurs charges fiscales. N’en demandez pas davantage !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 387 et AS 388 du rapporteur.

L’amendement AS 257 de Mme Jacqueline Fraysse est retiré.

La Commission adopte l’article 6 modifié.

Article 6 bis (nouveau)

(art. L. 142
2 du code de la sécurité sociale et
L. 261
1 du code de l’organisation judiciaire)

Contentieux lié au dispositif de prise en compte de la pénibilité

Le présent article, introduit en Commission vise à préciser les compétences du tribunal des affaires de sécurité sociale pour les litiges relatifs aux décisions de l’organisme gestionnaire du compte personnel de prévention de la pénibilité.

L’article 6 introduit dans le code du travail des dispositions prévoyant que les recours relatifs aux décisions de l’organisme gestionnaire du compte personnel de prévention de la pénibilité sont du ressort du contentieux général de la sécurité sociale, avec des aménagements précontentieux spécifiques.

Le code de la sécurité sociale dispose que le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît des différends auxquels donne lieu l’application des législations et réglementations de la sécurité sociale. Par parallélisme des formes, il est donc nécessaire de préciser dans ce même code que le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît des litiges relatifs aux décisions de l’organisme gestionnaire du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Il est également proposé de préciser dans le code de l’organisation judiciaire que les dispositions relatives à la compétence, à l’organisation et au fonctionnement du tribunal des affaires de sécurité sociale sont énoncées le cas échéant, au code du travail.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 478 du rapporteur, portant article additionnel après l’article 6.

M. le rapporteur. Les dispositions introduites à l’article 6 obligent à préciser dans le code de la sécurité sociale que le TASS connaît des litiges relatifs aux décisions de l’organisme gestionnaire du compte personnel de prévention de la pénibilité.

La Commission adopte l’amendement AS 478.

Article 7

(art. L. 6111-1 du code du travail)


Abondement du compte personnel de formation par le compte personnel de prévention de la pénibilité

Le présent article modifie l’article L. 6111-1 du code du travail, afin de prévoir que les points acquis au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité peuvent alimenter le compte personnel de formation de chaque salarié.

Pour mémoire, le compte personnel de formation (CPF), qui a pris la suite du droit individuel à la formation (DIF), a été créé sur la base de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. C’est un droit individuel d’initiative de formation, ouvert à tous les actifs et défini en fonction de leurs besoins. Ce droit individuel se voit assorti de garanties collectives au nombre desquelles figure un dispositif d’accompagnement, le conseil en évolution professionnelle. Son objectif est de permettre « à chaque personne, indépendamment de son statut (…) de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle ».

L’étude d’impact apporte des précisions sur les modalités d’abondement du compte personnel de formation par le compte personnel de prévention de la pénibilité : dès lors que la personne souhaitera suivre une action de formation pour faire évoluer ses compétences, les points du compte pénibilité seront traduits en heures de formation, ces heures de formation venant s’ajouter à celles déjà acquises par le titulaire du compte de formation et pouvant être mobilisées dans ce cadre.

Il est également précisé que la négociation nationale interprofessionnelle sur la formation professionnelle et la concertation quadripartite État-Régions-partenaires sociaux relative au compte personnel de formation, qui ont démarré au début de cet automne, devront déterminer l’ensemble des modalités opérationnelles de mise en œuvre de ce compte.

Le projet de loi portant réforme de la formation professionnelle, dont le dépôt est prévu fin 2013 donnera une traduction législative à cette mise en œuvre opérationnelle.

*

La Commission est saisie des amendements AS 93 de M. Arnaud Robinet et AS 364 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l’article.

M. Arnaud Robinet. Je veux dénoncer les conditions dans lesquelles nous travaillons. Nous sommes là depuis onze heures du matin, après une séance de nuit hier, la buvette est fermée, l’Assemblée nationale est vide : les conditions ne sont pas optimales pour étudier un texte censé être d’une si haute importance.

Quant à mon amendement, il tend à supprimer l’article 7.

M. Christian Paul. Je remarque qu’à minuit quarante-sept, l’opposition considère que la fermeture de la buvette est un obstacle à l’examen des dispositions sur la pénibilité.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Quant à moi, je précise que du café, du thé et de l’eau sont à votre disposition au fond de la salle, ce qui offre, me semble-t-il, des conditions de survie acceptables.

M. Dominique Tian. Les conditions de travail que dénonçait mon collègue Arnaud Robinet, les collaborateurs de l’Assemblée nationale et des groupes les subissent aussi. Ce n’est pas acceptable. La fatigue, l’énervement, la désertion des bancs ne sont pas propices à un travail de qualité. Vous-même, madame la présidente, avez du mal à tenir la séance. La raison voudrait qu’on respecte la règle des huit heures entre séance de nuit et séance du matin, qui est en vigueur dans l’hémicycle et qui permet aux députés d’avoir un repos normal. Mais nous nous étonnons à peine que vous n’appliquiez pas les règles essentielles, même s’agissant d’un texte sur la pénibilité. Aussi allons-nous continuer à travailler dans des conditions que nous déplorons, qui sont tout simplement dues à l’impréparation du texte, à l’amateurisme de ceux qui l’ont rédigé, aux difficultés à fournir des explications valables. Je remarque également que le Gouvernement n’est pas présent, ce qui aura pour conséquence de rallonger les travaux dans l’hémicycle.

En tout état de cause, il faut supprimer l’article 7.

M. le rapporteur. Avis défavorable à ces deux amendements de suppression.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 7 sans modification.

Article 8

(art. L. 4163-1 à L. 4163-4 [nouveaux] du code du travail)


Accords en faveur de la prévention de la pénibilité

Le présent article modifie les dispositions, introduites par la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, relatives à l’obligation pour les entreprises dont les salariés sont exposés à des conditions de travail pénibles, de négocier des accords ou plan d’action relatifs à la prévention de la pénibilité.

Les entreprises d’au moins 50 salariés sont soumises à cette obligation dès lors que 50 % de leurs employés sont exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels fixés par décret (article L. 138-29 du code de la sécurité sociale). Les entreprises de 50 à 300 salariés sont dispensées de cette obligation si elles sont couvertes par un accord de branche étendu de prévention de la pénibilité. À défaut, elles encourent une pénalité égale à 1 % de la masse salariale des salariés exposés. Seules deux branches sont aujourd’hui couvertes par un tel accord et 4 800 accords d’entreprises ont été signés.

Le présent article codifie les dispositions instituant une obligation pour les employeurs de plus de 50 salariés d’être couverts par un accord ou un plan d’action en faveur de la prévention de la pénibilité aux articles L. 4163-2 à L. 4163-4 du code du travail.

Il modifie par ailleurs les dispositions adoptées en 2010 sur deux points :

– le projet de loi précise que la proportion de salariés exposés à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels fixés par décret (au minimum 50 % pour être assujetti) est déterminée en prenant comme référence l’exposition du salarié lorsqu’elle dépasse les seuils d’exposition à la pénibilité visés à l’article L. 4161-1 du code du travail, et qui seront définis par décret après concertation avec les partenaires sociaux.

Cette précision permettra de mieux définir le champ des entreprises concernées par l’obligation de négocier ;

– Par ailleurs, afin de privilégier les accords négociés, l’adoption d’un plan d’action en faveur de la prévention de la pénibilité ne pourra plus intervenir qu’après l’échec, attesté par un procès-verbal, des négociations en vue de la conclusion d’un accord.

*

La Commission adopte successivement les articles rédactionnels AS 389 et AS 497 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 8 ainsi modifié.

Article 9

(art. L. 161-17-4 et L. 351-6-1 [nouveaux] du code de la sécurité sociale)


Majoration de la durée d’assurance au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité

L’article 9 du présent projet de loi introduit au sein du code de la sécurité sociale deux nouveaux articles visant à préciser l’impact du compte personnel de prévention de la pénibilité sur les droits à retraite de l’assuré (majoration de durée d’assurance vieillesse et avancement de l’âge de départ à la retraite).

L’étude d’impact rappelle que le rapport de la commission présidée par Yannick Moreau évoquait, pour prendre en compte les effets différés de la pénibilité, la mise en place d’un « rachat de trimestres » permettant de partir plus tôt à la retraite. Cette option a toutefois été écartée : le rachat peut uniquement combler des « trous » de carrière : un rachat, même financé par la solidarité nationale, n’aurait pas permis à tous les assurés de bénéficier, au titre des périodes futures d’exposition à la pénibilité, d’un départ anticipé à la retraite.

Le I de l’article introduit un nouvel article L. 161-17-4 au sein du code de la sécurité sociale, afin de préciser que les points acquis sur le compte personnel de prévention de la pénibilité permettent d’avancer l’âge de départ en retraite, à due concurrence du nombre de trimestres attribués grâce au compte.

Le II introduit un nouvel article L. 351-61 au sein du code de la sécurité sociale, qui dispose que les assurés titulaires du compte personnel de prévention de la pénibilité peuvent bénéficier d’une majoration de durée d’assurance.

La majoration de durée d’assurance est accordée par le régime d’assurance vieillesse de base auquel était affilié le bénéficiaire lors de la dernière attribution de points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité.

La majoration de durée d’assurance au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité est par ailleurs prise en compte dans la détermination du taux de la pension (article L. 351-1 du code de la sécurité sociale).

Enfin, les trimestres de cette majoration sont réputés avoir donné lieu à cotisation pour le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue. Ces trimestres seront pris en compte y compris dans les autres régimes (travailleurs indépendants, fonctionnaires) lorsque l’assuré fera valoir un droit à retraite anticipée dans l’un de ces régimes.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 480 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement rédactionnel précise que les points acquis sur le compte personnel de prévention de la pénibilité pourront être convertis par le salarié en trimestres de retraite à compter de cinquante-cinq ans. Pour une meilleure coordination entre régimes de retraite, et afin de faciliter les différents transferts financiers, il est proposé que seul le régime général – la CNAV – puisse attribuer des trimestres au titre de la pénibilité, quel que soit le régime dont relève le bénéficiaire.

M. Dominique Tian. Cet amendement n’a rien de rédactionnel, il ne vise à rien moins qu’à réorganiser l’ensemble du dispositif en retirant certaines prérogatives aux régimes de retraite pour les donner à la CNAV. Pourquoi pas, mais qu’on nous donne des éléments supplémentaires s’agissant d’une mesure qui déclenchera probablement un grand séisme dans l’organisation actuelle, sans parler de ses implications juridiques. On ne peut voter cette disposition sans discussion !

M. Philippe Vigier. Monsieur le rapporteur, vous semblez gêné par ce premier pas vers l’unification. Depuis hier, nous vous invitons au big bang, au passage à un système unique qui aurait satisfait votre amendement. En empruntant le canal de la CNAV, vous reconnaissez que c’est le seul qui puisse marcher. Quel terrible constat d’échec pour vous !

Il aurait suffi d’enclencher le mouvement pour que tous ensemble nous puissions bâtir une grande réforme. Cela aurait été tout à notre honneur, comme ce fut le cas pour les Allemands lorsqu’ils ont adopté leur réforme des retraites.

La Commission adopte l’amendement AS 480.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 390 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 9 modifié.

Article 9 bis (nouveau)

(loi
n° 20101330 du 9 novembre 2010)
Requalification des mesures de la loi du 9 novembre 2010 relatives à la prise en compte d’une incapacité permanente

Cet article, introduit en Commission, vise à modifier l’intitulé du chapitre II du titre IV de la loi n° 20101330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, en faisant non pas référence à la pénibilité mais à la prise en compte d’une incapacité permanente.

*

La Commission est saisie des amendements identiques AS 488 de la commission des finances et AS 305 de M. Gérard Sebaoun, portant article additionnel après l’article 9.

M. Régis Juanico. Exerçant une sorte de droit de suite, la commission des finances souhaite modifier l’intitulé du chapitre II du titre IV de la loi du 9 novembre 2010 improprement intitulé « compensation de la pénibilité ». La précédente majorité avait, en effet, décidé de ne prendre en compte que les situations où l’altération de la santé des travailleurs s’était effectivement déclarée. Pour mettre l’intitulé du dispositif en conformité avec la réalité de son contenu, nous proposons de remplacer le terme « pénibilité » par « incapacité permanente ».

M. Gérard Sebaoun. Notre amendement est identique.

M. le rapporteur. Avis favorable. Les mots ont un sens et il est indéniable que la réforme de 2010 a porté sur l’incapacité et sur l’invalidité plutôt que sur la pénibilité telle que nous la concevons. C’est une avancée de la majorité de l’époque que nous n’avons pas contestée et qui bénéficie à 6 000 personnes aujourd’hui, mais en aucun cas elle n’a constitué un traitement de la pénibilité. Nous rendons leur valeur aux mots en renommant ce chapitre de votre réforme comme il aurait dû l’être dès l’origine : « Reconnaissance d’une incapacité permanente ».

La Commission adopte les amendements identiques.

Article 10

(art. 86 et 88 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites)


Date d’entrée en vigueur des dispositions relatives à la prise en compte de la pénibilité

Le I du présent article propose d’abroger le I de l’article 86 et l’article 88 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

L’article 86 de la loi de 2010 prévoyait la possibilité de négocier un accord collectif de branche pour créer un dispositif d’allègement ou de compensation de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles. Ce dispositif était destiné à s’éteindre le 31 décembre 2013. Dans la mesure où aucune branche n’a utilisé cette opportunité, cette abrogation est opérée dans un souci de simplification de la législation. Elle n’empêche toutefois pas les branches de négocier de tels accords sans cadre législatif spécifique.

L’article 88 de la loi de 2010 prévoyait la création d’un comité scientifique devant être constitué avant le 31 mars 2011. Il avait vocation à évaluer les conséquences de l’exposition aux facteurs de pénibilité sur l’espérance de vie avec et sans incapacité des travailleurs. Sa composition devait être fixée par décret. Ce comité n’a jamais été installé.

Le II précise que les articles 5 à 9 du projet de loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015, à l’exception des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 4162-3 du code du travail (transmission annuelle de la copie de la fiche de prévention de la pénibilité aux caisses chargées de la gestion du compte), qui entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, cinq ans après l’entrée en vigueur de l’article 6.

*

La Commission adopte l’article 10 sans modification.

Chapitre II

Favoriser l’emploi des seniors

Article 11

(art.
L. 351-15 du code de la sécurité sociale)

Extension de la retraite progressive

L’article 11 du projet de loi vise à étendre le bénéfice de la retraite progressive et à le rendre plus clair et compréhensible.

Pour mémoire, la retraite progressive permet de cumuler une activité à temps partiel et une pension de retraite. La retraite est servie sous forme de rente mensuelle jusqu’à la liquidation totale. Celle-ci entraîne un nouvel examen des droits à la retraite, prenant en compte les périodes cotisées depuis l’accession à la retraite progressive. Le montant final de la retraite ne peut être inférieur à celui qui a servi de base de calcul à la retraite progressive. Une reprise d’activité à temps complet ou l’exercice d’une autre activité à temps partiel entraîne la suppression du versement de la fraction de retraite.

Aux termes de l’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale, la retraite progressive est ouverte aux assurés relevant du régime général, du régime social des indépendants (RSI), de la mutualité sociale agricole (MSA), de la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et du régime des non-salariés agricoles. Les fonctionnaires n’y ont donc pas accès ; leur intégration au dispositif, suggérée par le rapport de la commission présidée par Yannick Moreau, n’a pas été retenue par le Gouvernement.

Trois conditions doivent par ailleurs être remplies pour en bénéficier :

– avoir atteint l’âge légal de départ en retraite ;

– justifier de 150 trimestres de durée validée dans tous les régimes qui appliquent la retraite progressive ;

– exercer une activité à temps partiel à titre exclusif pour les salariés, exercer une activité à temps réduite pour les non-salariés.

Pour les chefs d’exploitations ou d’entreprises agricoles, il convient de souscrire à un plan de cession progressive de l’exploitation (PCPEA) agréé par le préfet dans le cas d’une mise en valeur du foncier ou d’une exploitation de productions hors sol, de céder progressivement une partie des parts sociales détenues dans le cas d’une activité au sein d’une société.

Le temps partiel peut être modulé à la convenance de l’assuré et de son employeur. L’assuré peut ainsi travailler une partie de la journée, de la semaine, du mois, voire de l’année.

Ce dispositif est doublement bénéfique aux assurés. D’une part, il facilite la transition entre vie active et retraite sans induire de baisse du niveau de vie. D’autre part, il permet de poursuivre l’acquisition des droits à retraite, et ainsi de bénéficier à terme d’une pension majorée, d’autant qu’aux termes de l’article L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale, l’assuré peut surcotiser pendant la durée de son temps partiel.

La retraite progressive ne concerne pourtant aujourd’hui que 2 409 assurés. Si ce chiffre est en forte hausse par rapport à 2007 (+ 100 %), et continue à augmenter (+ 27 % entre janvier et juin 2013 par rapport à la même période en 2012), il reste bien en deçà des ambitions du dispositif.

Dans ce contexte, l’article 11 du projet de loi vise à étendre le bénéfice de la retraite progressive, en élargissant le dispositif d’une part, en le rendant plus attractif et compréhensible d’autre part.

Le de l’article modifie le deuxième alinéa de l’article L. 351-15, en abaissant l’âge d’ouverture du dispositif de deux ans, le portant donc à 60 ans pour un âge légal de départ à la retraite de 62 ans.

Ce changement modifie structurellement le dispositif. Il offre en effet la possibilité d’une réduction de la charge de travail avant toute possibilité de départ en retraite, ce sans diminution du niveau de vie. Ainsi la possibilité d’une cessation complète d’activité et d’une liquidation totale des droits ne viendrait-elle plus faire concurrence à la retraite progressive.

Par ailleurs, en l’état actuel du droit, les bénéficiaires du dispositif carrière longue ne sont pas susceptibles d’être intéressés par la retraite progressive, puisqu’ils devraient pour en bénéficier travailler deux ans de plus qu’on ne leur en reconnaît le droit. Le 1° met fin à cette mauvaise coordination des dispositifs.

Le de l’article modifie le troisième alinéa de l’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale, en intégrant l’ensemble des régimes dans le calcul de la durée d’assurance requise. En effet, les trimestres cotisés au titre d’un régime spécial ou d’un régime de la fonction publique ne peuvent aujourd’hui être comptabilisés.

La durée de cotisation minimale pour bénéficier d’une retraite progressive sera abaissée et fixée par décret en Conseil d’État.

Enfin, quelques ajustements réglementaires sont annoncés par l’étude d’impact. Il est tout d’abord prévu de simplifier la grille fixant le rapport entre temps travaillé et fraction de pension servie, aujourd’hui peu lisible. Un décret viendra donc simplifier le barème actuel, afin que la somme de la fraction de retraite versée et de la quotité travaillée soit toujours proche de 100 %.

Enfin, pour pallier le manque de notoriété du dispositif, les suggestions du rapport de Yannick Moreau mériteront d’être étudiées :

– renforcer l’information via le GIP info retraite ou le dispositif « Fonction conseil en entreprise » développé par la CNAVTS ;

– mener une campagne nationale d’information en l’articulant avec une documentation adaptée qui pourrait être transmise aux assurés au moment de l’envoi des estimations individuelles globales ;

– renommer le dispositif, comme l’étude d’impact en reconnaît la nécessité. Le rapport Moreau propose le terme de « temps partiel-retraite ».

L’assouplissement des conditions d’entrée dans le dispositif de retraite progressive est susceptible de produire des effets financiers non négligeables. Dans l’hypothèse d’un quintuplement des bénéficiaires du dispositif d’ici 2017, l’étude d’impact évalue le coût total de la mesure à 50 millions d’euros (pour 12,5 millions d’euros en 2012).

La Commission a adopté un amendement visant à préciser que le départ au titre de la retraite progressive ne pourra se faire avant 60 ans.

*

La Commission adopte l’amendement de précision AS 476 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 11 modifié.

Article 12

(art. L. 161-22 ; L. 161-22-0-1 [nouveau] ; L. 634-6 et L. 643-6 ; L. 723-11-1 du code de la sécurité sociale et L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite)


Cumul emploi-retraite

L’article 12 du présent projet de loi modifie le dispositif du cumul emploi-retraite en vue de le simplifier et d’en renforcer l’équité.

Si l’assuré doit cesser le travail chez son employeur pour liquider sa pension, il est autorisé à exercer après celle-ci, certaines activités à caractère accessoire et peut, sous certaines conditions, reprendre une activité professionnelle, en cumulant revenus professionnels et pension de retraite.

On distingue trois types de cumul emploi-retraite : le cumul emploi-retraite intra-régime plafonné, le cumul emploi-retraite intra-régime intégral et le cumul emploi-retraite inter-régimes. Les deux modes de cumul emploi-retraite intra-régime sont réglementés alors qu’il n’y a aucune restriction concernant le cumul emploi-retraite inter-régimes.

Le cumul emploi-retraite inter-régime concerne des retraités qui perçoivent une pension d’un régime et exercent une activité relevant d’un régime autre que celui qui verse la pension. Cette nouvelle activité n’est pas réglementée, et se trouve soumise aux cotisations sociales qui permettent à l’assuré de se constituer des nouveaux droits à retraite. Pour l’appréciation du cumul emploi-retraite, les régimes de retraite sont rassemblés en sept groupes présentés ci-dessous.

Groupe 1

Régime général, salariés agricoles, certains régimes spéciaux (IEG, SNCF, RATP, Mines, Banque de France, Clercs et employés de notaires, Opéra national de Paris, Comédie-Française, Personnel de la caisse autonome de sécurité sociale dans les mines, Port autonome de Strasbourg)

Groupe 2

Régime social des indépendants

Groupe 3

Professions libérales

Groupe 4

Avocats

Groupe 5

Exploitants agricoles

Groupe 6

Les trois fonctions publiques

Groupe 7

Autres régimes spéciaux

Le cumul emploi-retraite intra-régime concerne les retraités qui exercent une activité affiliée au même régime que celui qui leur verse une pension. Il prend deux formes :

– le cumul emploi-retraite intra-régime intégral permet de cumuler sa pension avec tous ses revenus d’activité, y compris sans changement d’activité, à condition d’avoir atteint l’âge légal de la retraite, d’avoir liquidé toutes ses pensions et de pouvoir bénéficier du taux plein ;

– à défaut de remplir ces conditions, le retraité peut exercer une activité dans le cadre du cumul intra-régime plafonné, qui implique un plafonnement des revenus d’activité ; pour les salariés il existe un délai de carence de six mois avant de pouvoir reprendre une activité chez le même employeur.

Synthèse du cumul emploi-retraite intra-régime

 

Cumul emploi retraite plafonné

(pensions liquidées à partir du 1er janvier 2004)

Cumul emploi retraite libéralisé

(pensions liquidées à partir du 1er janvier 2009)

Régime général et
MSA (salariés)

Oui

Limites : avoir plus de 55 ans ; la somme pension + revenus d’activité < 1,6 SMIC ou dernier salaire

Oui

Limites : avoir atteint l’âge légal (62 ans en 2017) ; avoir le taux plein (par l’âge ou la durée d’assurance) ; avoir liquidé l’intégralité des pensions de retraite

Régime social des indépendants

Oui

Limites : revenus annuels d’activité < plafond annuel de la sécurité sociale (soit 3 086 euros par mois) en zone urbaine sensible (ZUS) ou zone de revitalisation rurale (ZRR)

- Revenus annuels d’activité < moitié du 1/2 plafond annuel de la sécurité sociale (soit 1 543 euros par mois)

Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales

Oui

Limites : revenus annuels nets d’activité < plafond annuel de la sécurité sociale (et, jusqu’au 5 octobre 2016, 130 % du même plafond pour les médecins âgés de plus de 65 ans au moment de l’entrée en jouissance de la pension)

Fonction publique

Oui

Limites : revenus annuels d’activité < 1/3 de la pension perçue la même année

Caisse nationale des Barreaux français

Non

Non-salariés agricoles

Non

Oui

Limites : mêmes conditions que les autres régimes + conditions spécifiques favorisant l’installation des jeunes agriculteurs

Le nombre de bénéficiaires du cumul emploi-retraite est difficile à évaluer, mais on estime qu’il est en hausse et a atteint, en 2010, près de 500 000 retraités. Chez les professions libérales, les taux de recours au cumul emploi retraite, plus élevés que ceux observés dans les autres régimes, sont très divers selon les professions, en fonction des règles de cumul différentes selon les régimes complémentaires. En revanche, le cumul intra-régime est très peu développé dans les fonctions publiques en raison des règles générales d’emploi des fonctionnaires.

Par ailleurs, on estime à environ 100 000 personnes le nombre de retraités reprenant une activité sans qu’elle soit soumise à aucune réglementation, du fait de la complexité des dispositions précédemment évoquées.

Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de 2012 (42) souligne les conséquences négatives de cette situation :

– des inégalités d’accès au cumul emploi retraite, selon la situation des personnes pouvant liquider leur retraite, notamment en termes de durée d’assurance ;

– des inégalités qui s’appliquent également aux conditions d’exercice du cumul, puisque, dans le cumul emploi retraite inter-régime les cotisations versées au titre de la retraite dans le nouveau régime d’affiliation sont productrices de droit, alors que tel n’est pas le cas en cas de cumul dans le même régime ;

– une très grande complexité liée à l’application de ces différentes formes de cumuls, qui constitue une perte de droit pour les personnes les moins informées.

Pour ces raisons, le rapport de Yannick Moreau propose d’instaurer des règles identiques pour le cumul intra et inter-régimes, qui s’accompagnerait d’une obligation de liquider l’ensemble des pensions de retraite pour tous les régimes. Cette harmonisation requiert que chaque régime s’assure que l’ensemble des pensions de retraite légalement obligatoires soient liquidées par l’assuré avant la reprise d’une nouvelle activité. Elle répond à une logique d’équité entre pensionnés. Elle permettrait également une plus grande lisibilité du dispositif. Ces règles permettraient de limiter la préférence pour le présent dans la mesure où il ne sera plus possible pour les assurés de liquider tôt une pension pour exercer une autre activité dans le but de se constituer des droits dans un autre régime.

Le même rapport proposait d’envisager la possibilité pour les bénéficiaires de l’ASPA de reprendre une activité. Cette mesure pourrait se traduire par l’exclusion de ce revenu, totalement ou pour partie, de la base de ressources. En 2009, l’impact financier, sous hypothèse de comportement inchangé, d’un cumul intégral de l’ASPA et du revenu d’activité, dès lors que celui-ci n’excède pas un certain seuil, avait été estimé à moins de 10 millions d’euros pour le régime général.

Ces propositions sont reprises par le présent article.

2. La réforme propose de simplifier et d’améliorer l’équité du cumul emploi-retraite

Le I de l’article modifie l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale qui fixe les conditions générales de service des pensions et de reprise d’activité.

Le du I modifie le premier alinéa de l’article L. 161-22 afin de mettre fin à la notion de groupes de régimes, en faisant désormais référence à tous les régimes légalement obligatoires de retraite de base. Ainsi, la liquidation d’une pension, dans n’importe quel régime, supposera désormais de mettre fin à l’ensemble de ses activités professionnelles. Le cumul emploi-retraite non encadré disparaît.

Le modifie le deuxième alinéa de l’article L. 161-22 afin de viser plus précisément les salariés du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou d’un régime spécial, concernés par le cumul emploi-retraite plafonné. Le calcul du plafond prendra en compte l’ensemble des revenus professionnels, y compris ceux soumis à cotisation dans un autre régime.

Les et apportent des modifications de coordination à l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale.

Le II de l’article introduit un nouvel article L. 161-22-0-1 au sein du code de la sécurité sociale afin de généraliser le principe de la soumission de la reprise d’activité à des cotisations non génératrices de droits nouveaux à la retraite, quel que soit le régime dont est pensionné l’assuré et l’âge auquel il liquide sa pension.

Il dispose en effet que « la reprise d’activité par le bénéficiaire d’une pension de vieillesse personnelle servie par un régime légalement obligatoire de retraite de base n’ouvre droit à aucun avantage de vieillesse, de droit direct ou dérivé, auprès d’aucun régime légal ou rendu légalement obligatoire d’assurance vieillesse, de base ou complémentaire. »

Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas à l’assuré qui demande le bénéfice d’une pension au titre d’une retraite progressive prévue par des dispositions législatives ou réglementaires, notamment par l’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale.

Les III et IV du même article procèdent aux ajustements des textes applicables aux personnes relevant des régimes des professions artisanales, industrielles et commerciales (article L. 634-6 du code de la sécurité sociale) ; du régime des avocats (article L. 723-11-1 du même code) et de la fonction publique (articles L. 84 et L. 86 du code des pensions civiles et militaires), par un renvoi au premier alinéa de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale.

Notons que le IV prévoit le maintien d’une exception pour les bénéficiaires d’une pension militaire de retraite. En effet, selon l’étude d’impact, le statut des militaires leur permet d’ouvrir des droits à pension, parfois modestes (compte tenu d’une durée d’assurance réduite), dès 17 ans de service pour les simples soldats. Dans leur cas, le cumul emploi retraite correspond d’avantage à une seconde partie de carrière qu’à un moyen de bénéficier, pour une courte durée, d’un revenu d’activité et de la pension. C’est pourquoi ils ne seront pas soumis au principe selon lequel les activités d’un retraité ne génèrent pas de droit nouveau au titre de l’assurance vieillesse.

Enfin, le V précise que les dispositions du présent article sont applicables aux pensions liquidées à compter du 1er janvier 2015.

Selon l’étude d’impact, le rendement de la mesure atteindrait environ 30 millions d’euros de moindre dépense pour les régimes de base l’année de l’entrée en vigueur, soit 2015, et 450 millions d’euros au terme de la montée en charge.

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé, conformément aux préconisations du rapport de Yannick Moreau, son intention de mettre en place, par décret en Conseil d’État, un mécanisme d’intéressement à la reprise d’une activité professionnelle pour les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Sera ainsi exclue de la base ressources utilisée pour calculer l’ASPA, une partie des revenus d’activité. Selon l’étude d’impact, la mesure entrerait en vigueur dès le 1er janvier 2014 et concernerait l’ensemble des régimes. Son coût est estimé à environ 10 millions d’euros par an pour le seul régime général.

*

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 391 et AS 392, l’amendement de coordination AS 393 et l’amendement de précision AS 394, tous quatre du rapporteur.

M. Dominique Tian. Je m’élève contre ce travail d’abattage, surtout venant après l’escamotage d’une disposition importante sur laquelle la majorité n’était manifestement pas à l’aise.

La Commission adopte l’article 12 modifié.

Chapitre III

Améliorer les droits à la retraite des femmes, des jeunes actifs et des assurés à carrière heurtée

Article 13

Préparation de la refonte des majorations de pension pour enfants

Le présent article prévoit que le Gouvernement remettra un rapport au Parlement dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, en vue de la préparation des évolutions législatives et réglementaires nécessaires pour mettre en œuvre une réforme des droits familiaux visant à mieux compenser les effets de l’arrivée d’enfants au foyer sur la carrière et les pensions des femmes.

Comme on l’a exposé dans l’exposé général du présent rapport (partie III, B.), les droits familiaux, et plus particulièrement les majorations de pensions pour les personnes ayant élevé trois enfants ou plus, sont mal ciblés : ils permettent avant tout aux femmes de valider des trimestres, mais échouent à compenser les inégalités salariales entre hommes et femmes. Ils ne sont plus adaptés, dans le contexte d’une forte progression du taux d’emploi des femmes.

Le Gouvernement a annoncé une refonte des majorations de pension à compter de 2020, consistant à plafonner progressivement la majoration pour trois enfants et à la transformer en majoration forfaitaire par enfant, bénéficiant principalement aux femmes. L’objectif assigné aux avantages familiaux ne serait plus d’améliorer les durées d’assurance des femmes (qui à moyen terme devraient converger vers celles des hommes) mais de compenser les interruptions de carrière directement liées aux enfants d’une part, et l’impact sur les rémunérations (et donc sur les pensions) induit par l’éducation des enfants, assurée principalement par les femmes, d’autre part.

Cette réforme de fond nécessite une importante préparation. Si le rapport de la Commission pour l’avenir des retraites recommande une telle réforme, il estime toutefois que des travaux complémentaires importants sont encore nécessaires, d’autant que ces évolutions doivent s’inscrire dans un cadre inter-régimes, de base et complémentaires.

Votre rapporteur souhaite que cette réforme puisse être mise en œuvre dès 2016, et qu’on n’attende pas 2020 pour rendre le système plus juste.

À cette occasion, il souhaiterait que soit examinée la possibilité d’étendre le futur dispositif de majorations familiales aux régimes des professions libérales et des avocats, qui sont actuellement les seuls régimes à ne pas bénéficier des majorations pour enfants.

Votre commission a adopté un amendement étendant le champ de réflexion de ce rapport aux droits conjugaux – c’est-à-dire essentiellement l’allocation veuvage et les pensions de réversion.

*

La Commission est saisie des amendements AS 94 de M. Arnaud Robinet et AS 365 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l’article.

M. Arnaud Robinet. Faute de tenir sa promesse sur la refonte des droits familiaux de retraite, le Gouvernement propose au Parlement la remise d’un rapport sur le sujet en vue d’une éventuelle réforme à venir. Cette déclaration d’intention ne doit pas faire oublier que le Gouvernement s’est lancé, depuis son installation, dans une entreprise de destruction massive et méthodique de la politique familiale universelle, qui fait pourtant consensus en France depuis la Libération et qui permet à notre pays d’afficher un taux de fécondité élevé ne souffrant pas de la comparaison avec celui de l’Allemagne.

Avec la baisse du plafond du quotient familial à 2 000 euros, et bientôt à 1 500 euros, avec le détricotage annoncé de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), la suppression de la réduction d’impôt pour frais de scolarité et la fiscalisation des bonus pour trois enfants qui figure dans ce projet de loi, le Gouvernement lâche les familles. Nous tenons à le faire savoir. Ce climat d’instabilité fiscale et sociale pourrait peser lourd sur la démographie de demain, donc mécaniquement sur les déficits du système de retraite, tant il est vrai que nos retraites, nous les préparons avec nos enfants.

M. Dominique Tian. Arnaud Robinet a développé avec talent des arguments que je partage.

M. le rapporteur. Il convient de s’interroger sur la politique familiale, qui est parfois source d’inégalités. Ainsi, la majoration accordée aux parents ayant eu trois enfants bénéficie essentiellement aux hommes qui ont eu, a priori, les meilleures carrières et auront donc les meilleures retraites, alors qu’elle serait plus utile aux femmes. À défaut de la supprimer, nous l’avons fiscalisée : il y avait une injustice à percevoir une majoration de revenu bien longtemps après que les enfants avaient été élevés. Nous nous sommes préoccupés, cependant, de redistribuer ces sommes, et c’est ainsi qu’on pourrait envisager l’allocation d’un forfait dès le premier enfant.

L’éclatement des familles rend encore plus aigus les problèmes d’équité et de justice qu’a relevés le rapport Moreau qui, sans se prononcer sur ce qu’elle devrait être, fournit des éléments démontrant la nécessité d’une réforme de fond des avantages familiaux. Une première mesure a été prise mais, avant d’aller plus loin, il nous a paru utile de prendre le temps de la réflexion. D’où, à cet article 13, la demande d’un rapport par le Gouvernement au Parlement.

Il va de soi que j’émets un avis défavorable à la suppression de cet article puisqu’il prépare l’ouverture d’une réflexion à échéance aussi proche que possible.

M. Arnaud Robinet. Vous faites comme si seules les familles à hauts revenus étaient concernées par la majoration de 10 %. Or la majorité des familles de trois enfants se situent dans les classes moyennes. Laissez donc de côté les arguments fallacieux, ayez le courage de reconnaître que vous vous attaquez à la politique familiale de notre pays !

M. Philippe Vigier. Comme la plupart d’entre nous, monsieur le rapporteur, vous avez dû lire le rapport Gallois qui range la démographie de notre pays parmi les éléments de sa compétitivité. Vous êtes pourtant en train d’engager une lutte contre les familles qui ont la chance de pouvoir accueillir trois enfants. Pourquoi tenez-vous tant à les pénaliser ?

D’autre part, il est faux de prétendre que la branche famille serait déficitaire en France : ce déficit est artificiellement créé par une ponction de 9,5 milliards d’euros opérée pour financer les retraites.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous traiterons de ces points quand nous en viendrons à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale : pour l’heure, le sujet est une demande de rapport que vous voulez supprimer alors que vous n’avez cessé d’en présenter à longueur de débat.

M. Philippe Vigier. Ne vous faites pas les chantres de la démocratie si vous refusez le dialogue ! M. Issindou vient de nous expliquer qu’il fallait taxer les familles qui bénéficiaient d’une majoration de retraite ; moi, je dis que la branche famille n’est déficitaire qu’artificiellement. Nous ne comprenons pas pourquoi le rapporteur se focalise sur ces familles qui sont un atout pour notre démographie et pour notre compétitivité. Je suis prêt à admettre que j’ai tort, mais encore faudrait-il me le démontrer, budget à l’appui.

La Commission rejette les amendements de suppression.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 409 rectifié du rapporteur.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 166 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Par cet amendement, nous demandons que ce soit le COR, le Conseil d’orientation des retraites, qui éclaire le Parlement sur l’évolution des droits familiaux.

Nous souhaitons connaître la politique familiale que le Gouvernement entend mener. Arnaud Robinet a rappelé les mesures qui ont déjà été prises sous votre responsabilité, et moi-même j’ai cité le gel de l’allocation logement. Ces dispositions, nous ne pouvons les approuver. S’agissant des avantages familiaux, notamment des revalorisations de pension en fonction du nombre d’enfants, nous estimons que le COR a toute capacité pour éclairer le Parlement, compte tenu de la ponction de 9,5 milliards d’euros que j’évoquais à l’instant – et qui est un fait incontestable !

M. le rapporteur. Nul doute que le Gouvernement s’appuiera sur les travaux du COR, mais comme c’est de lui que relèvera la réforme de la politique familiale, ce sera à lui de réaliser ce rapport. Le COR a une mission de diagnostic, son rôle n’est en aucun cas de faire des choix politiques. Avis défavorable.

M. Dominique Tian. Puisque, selon vous, le Gouvernement s’appuiera sur les travaux du COR, pourquoi ne pas accepter cet amendement de bon sens ?

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 471 et AS 472 du rapporteur.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 306 de M. Jean-Patrick Gille.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Il est essentiel que le rapport traite également de l’évolution des droits conjugaux.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 13 modifié.

Après l’article 13

La Commission est saisie de l’amendement AS 168 rectifié de M. Philippe Vigier, portant article additionnel après l’article 13.

M. Philippe Vigier. Vous souhaitez placer cette réforme sous le signe de la justice. Voilà qui tombe bien : la justice, nous l’avons chevillée au corps ! Essayons donc d’en mettre un peu dans votre réforme ! Vous avez reconnu, hier, que le niveau des pensions de réversion n’était pas le même entre secteur public et secteur privé, les uns étant soumis à conditions de ressources et d’âge, et pas les autres. Ne pourrions-nous esquisser une avancée, au moins sur ce sujet ?

Demandant un rapport, nous ne visons pas telle ou telle catégorie de salariés : nous voulons simplement montrer à nos concitoyens notre volonté de revenir sur des dispositions qui ont perdu leur raison d’être.

M. le rapporteur. Votre amendement sera satisfait dans un instant puisque j’en ai déposé un similaire – et je préfère l’original à la copie.

S’agissant de la réversion, il existe bien un problème, je l’ai dit hier, et nous nous emploierons, n’en doutez pas, à identifier les différences entre régimes qui, en effet, ne sont peut-être plus justifiées, et nous étudierons la possibilité d’avancer vers une harmonisation.

M. Philippe Vigier. Sur ce sujet, monsieur le rapporteur, vous progressez à mesure que je vous interroge. C’est la troisième fois que je le fais et j’ai bon espoir d’arriver à vous convaincre avant l’examen du texte dans l’hémicycle !

M. le rapporteur. Il y a fort longtemps que je suis convaincu de la nécessité d’un rapport sur la réversion, peut-être même avant vous.

M. Dominique Tian. Les deux amendements ne sont pas du tout les mêmes. M. Vigier évoque les disparités entre privé et public et le rapporteur l’égalité entre hommes et femmes.

La Commission rejette l’amendement AS 168 rectifié.

Article 13 bis (nouveau)

Rapport sur les pensions de réversion

À l’initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant les possibilités de faire évoluer les règles relatives aux pensions de réversion dans le sens d’une meilleure prise en compte du niveau de vie des conjoints survivants et d’une harmonisation entre les régimes.

Les règles relatives aux pensions sont très diverses selon les régimes. Leur plafonnement au régime général désavantage les femmes qui ont acquis des droits propres en travaillant, et peut provoquer une importante baisse du niveau de vie du survivant au décès de son conjoint.

À l’inverse, elles ne sont pas plafonnées dans la fonction publique ni dans les régimes complémentaires AGIRC-ARRCO. Dans les régimes privés, elles ne sont versées qu’à partir des 55 ans du conjoint survivant, alors qu’il n’y a pas de condition d’âge dans la fonction publique. En revanche, le taux de réversion est supérieur dans le régime général : 54 %, contre 50 % dans la plupart des autres régimes.

Enfin, les règles de partage entre conjoints survivants d’un même défunt, ou les conditions posées par rapport au remariage du survivant diffèrent d’un régime à l’autre.

Votre rapporteur souhaite que le Gouvernement examine les possibilités de refondre ces dispositifs dans le sens d’une harmonisation entre régimes qui n’entraîne pas un coût supplémentaire trop important pour le système de retraite. Cela supposera d’associer les régimes complémentaires à la réflexion.

Il souhaite que la réflexion porte aussi sur l’amélioration de la prise en compte du niveau de vie des conjoints survivants par rapport à leur niveau antérieur.

*

Puis elle examine l’amendement AS 460 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement devrait satisfaire M. Vigier : j’y demande – dans l’année, il est vrai, et non comme lui dans les six mois – un rapport étudiant les possibilités de faire évoluer les règles relatives aux pensions de réversion.

La Commission adopte l’amendement AS 460.

Article 14

(art. L. 351-2 du code de la sécurité sociale)


Modification des modalités d’acquisition de trimestres d’assurance vieillesse

Le présent article précise les conditions d’acquisition des trimestres d’assurance au régime général et dans les régimes alignés, permettant un report de cotisations d’une année civile vers l’année suivante, lorsqu’un assuré n’a pas validé quatre trimestres d’assurance vieillesse lors de chacune de ces deux années. Il instaure également un plafond spécifique de revenu pris en compte pour le calcul de la durée d’assurance afin de limiter les effets d’aubaine liés à la mesure principale qui sera prise par décret : l’assouplissement de la condition d’acquisition d’un trimestre d’assurance vieillesse, qui passera de 200 heures à 150 heures de SMIC.

La durée d’assurance au régime général et dans les régimes alignés est exprimée en trimestres, dont le nombre est déterminé en fonction de la rémunération soumise à cotisations, dans la limite du plafond de la sécurité sociale.

L’article L. 351-2 du code de la sécurité sociale laisse une grande latitude au pouvoir réglementaire pour définir la durée d’assurance, indiquant seulement que « les périodes d’assurance ne peuvent être retenues, pour la détermination du droit à pension ou rente, que si elles ont donné lieu au versement d’un minimum de cotisations ».

L’article R. 351-9 précise (43) qu’il y a lieu de retenir autant de trimestres que le salaire annuel correspondant aux retenus subies par l’assuré sur sa rémunération représente de fois le montant du SMIC calculé sur la base de 200 heures, avec un maximum de quatre trimestres par année civile.

Autrement dit, il faut avoir cotisé l’équivalent de 200 heures de SMIC (1 886 euros bruts) pour valider un trimestre. Ainsi, la durée cotisée ne correspond pas à la durée effective d’emploi. Les assurés qui ont un emploi stable valident facilement quatre trimestres : par exemple, pour un salarié occupant un poste à temps plein de 35 heures rémunérées au SMIC, il est possible de valider une année entière en moins de 5 mois et demi ; pour un salarié à mi-temps rémunéré au SMIC, les quatre trimestres seront validés en un peu plus de dix mois et demi. Un salarié percevant une rémunération mensuelle brute égale au plafond de la sécurité sociale valide quatre trimestres en moins de deux mois et demi d’activité. Ce phénomène est lié au décompte annuel de la durée d’assurance, les régimes ne disposant pas des données trimestrielles.

En revanche, les assurés qui perçoivent dans l’année un salaire inférieur à 800 fois le SMIC horaire, du fait d’emplois à faible durée de travail ou très faibles revenus, ou du fait de périodes d’interruption, valident moins de quatre trimestres dans l’année. Par exemple, un artisan à très faibles revenus, bien que travaillant à temps complet, ne validera pas quatre trimestres si son revenu annuel est inférieur à 800 fois le SMIC horaire.

Ainsi, comme l’a montré le Conseil d’orientation des retraites dans son douzième rapport, la règle des 200 heures au SMIC horaire, combinée avec les règles de calcul du salaire annuel moyen, avantage les salariés à carrière plutôt longue et pénalise les assurés à carrière courte et précaire. Pour des assurés ayant plus de 25 années d’activité complète, la règle des 200 heures au SMIC horaire peut s’avérer favorable car une année d’activité réduite leur permet de valider facilement des trimestres supplémentaires, sans pour autant dégrader leur salaire annuel moyen.

Au contraire, pour des carrières de moins de 25 ans, une année d’activité très réduite désavantage l’assuré à la fois en termes de durée cotisée et de salaire de référence puisque la durée validée peut être inférieure à quatre trimestres et que le salaire annuel moyen est tiré vers le bas par le salaire annuel très faible de l’année d’activité réduite. Le COR a même montré que dans certains cas, une année supplémentaire d’activité réduite peut entraîner une diminution de la pension.

2. Le dispositif proposé

Le présent article modifie l’article L. 351-2 du code de la sécurité sociale pour préciser les modalités d’acquisition des trimestres au régime général et dans les régimes alignés sur lui (régime social des indépendants, régime des salariés agricoles). Il conduira le Gouvernement à définir trois paramètres de validation des trimestres par décret :

– le salaire minimum permettant d’acquérir un trimestre sera abaissé de 200 heures rémunérées au SMIC à 150 heures ;

– les reliquats de cotisations non utilisées pourront être affectés entre deux années successives lorsque ces années n’auront pas permis de valider 4 trimestres ;

– le salaire mensuel sera pris en compte dans la limite d’un plafond, afin d’éviter les effets d’aubaine.

a) L’abaissement du seuil de validation d’un trimestre à 150 heures de SMIC

Cette mesure phare de la réforme proposée est de niveau réglementaire, mais elle est étroitement liée aux deux autres dispositions rendues possibles par l’adaptation législative proposée.

La mention « déterminé par décret » est ajoutée dans la première phrase du premier alinéa de l’article L. 351-2 du code de la sécurité sociale, mais elle n’est pas indispensable. L’article R. 351-9 sera modifié : l’étude d’impact indique que le seuil de 150 heures de SMIC résultera d’un décret simple, mais il sera en fait nécessaire de prendre un décret en Conseil d’État pour modifier l’article R. 351-9 qui fixe actuellement le minimum à 200 heures.

En conséquence, un mois de travail rémunéré au SMIC permettra de valider un trimestre. Une activité rémunérée au SMIC durant toute l’année permettra de valider quatre trimestres dès que le temps de travail dépasse 11,5 heures par semaine. Un assuré à temps très partiel (tiers temps) au SMIC pourra désormais valider quatre trimestres par an grâce à son activité soumise à cotisation. Aujourd’hui, ce même assuré ne valide que trois trimestres, alors même qu’il est en activité toute l’année. Cette mesure est particulièrement profitable aux assurés à bas salaires et à faible quotité de travail – qui sont en majorité des femmes.

Seront aussi concernés par cette modification réglementaire tous les reports au compte qui aujourd’hui sont valorisés sur la base de 200 heures de SMIC, soit : l’assurance vieillesse des parents au foyer, l’assurance volontaire, la retraite de base des artistes-auteurs, les apprentis (assiette forfaitaire), les activités économiques réduites à fin d’insertion.

Alternativement, le décompte des trimestres d’assurance vieillesse aurait pu être effectué en fonction du nombre d’heures de travail dans l’année civile, en supprimant toute référence à la rémunération. Toutefois, un tel dispositif supposerait que les caisses de retraite disposent des quotités de travail et des périodes d’activité des salariés, ce qui est le cas de la CNAV mais pas des régimes alignés. Une telle évolution serait particulièrement longue et complexe à mettre en place (en particulier pour les travailleurs indépendants).

b) La possibilité de reporter des cotisations d’une année sur l’autre

Lorsqu’un assuré validera moins de quatre trimestres sur une année, il pourra reporter les cotisations non utilisées sur l’année suivante ou sur la précédente, si ces années comptent également moins de quatre trimestres validés dans l’ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires. Cela signifie que cette possibilité de report ne permettra pas aux polypensionnés de valider plus de quatre trimestres.

Par exemple, si un assuré cotise à hauteur de 550 fois le SMIC horaire en 2015, 450 heures sont conservées pour valider trois trimestres en 2015, et 100 heures peuvent être transférées vers l’année suivante si ce transfert permet de valider un trimestre supplémentaire l’année suivante – ce qui sera le cas s’il cotise à nouveau 550 heures l’année suivante.

Le report n’est possible qu’entre deux années successives : le reliquat ne peut pas venir s’ajouter par répercussion à une année plus lointaine.

Un décret déterminera les modalités d’affectation des cotisations et des droits entre les deux années civiles considérées. Le transfert devrait être automatique en cas d’utilité, sans que l’assuré n’ait besoin d’en faire la demande.

L’article n’indique pas si le transfert du reliquat de cotisations s’effectuera automatiquement ou à la demande de l’assuré. L’absence de précision porte à croire que ce transfert sera automatique.

c) Le plafonnement du salaire pris en compte à 1,5 SMIC

Afin de limiter l’effet d’aubaine lié à la baisse du seuil de validation d’un trimestre, ne seront prises en compte pour le calcul de la durée d’assurance que les cotisations portant sur un revenu mensuel inférieur à 1,5 SMIC. Ce plafond sera défini par décret.

Ainsi, un alinéa est ajouté après le premier alinéa de l’article L. 351-2, indiquant qu’« un décret détermine le plafond mensuel de cotisations retenues pour le décompte des périodes d’assurance mentionnées au premier alinéa ».

Actuellement, le salaire pris en compte correspond à la totalité du salaire « reporté au compte », dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale (44). Il convient de préciser que le plafonnement ne jouera que sur la durée validée mais n’aura pas d’incidence sur la détermination du salaire annuel moyen (qui reflète la contribution de l’assuré), la totalité du salaire reporté restant prise en compte.

Cette mesure permettra d’éviter qu’un assuré rémunéré au plafond de la sécurité sociale ne puisse valider quatre trimestres au régime général en quelques semaines d’activité salariée – sachant que ce système bénéficie surtout à ceux qui touchent un salaire en plus d’une activité principale relevant d’un autre régime qui leur procure déjà quatre trimestres (45). Avec cet ajustement, un assuré rémunéré au plafond validera, comme aujourd’hui, quatre trimestres en un peu moins de trois mois, et non en moins de deux mois si cet ajustement n’était pas proposé.

3. La mise en œuvre du dispositif

Le projet de loi ne fixe pas de date d’entrée en vigueur pour le présent article, qui devrait donc s’appliquer dès la publication du décret.

Les reports au compte afférents à des périodes antérieures à 2014 ne seront pas concernés et aucun calcul de l’acquisition des trimestres acquis jusqu’en 2013 ne sera nécessaire.

La CNAV estime que l’abaissement du seuil à 150 heures de SMIC ne peut être mise en œuvre dès 2014 que dans le cadre d’instructions manuelles. Son automatisation est en cours d’évaluation et pourrait intervenir en fin d’année 2014 ou au début de l’année 2015.

La mesure consistant à reporter le reliquat des cotisations non utilisées ne jouant que pour l’avenir, la première année incomplète pourra être l’année 2014, la première année bénéficiant d’un report étant alors l’année 2015. Le mécanisme ne produirait alors ses premiers effets en gestion qu’en 2016.

La CNAV indique que cette mesure implique d’importants aménagements en gestion, liés aux « recalculs » consécutifs à l’intégration de ces reliquats de cotisations.

Quant au plafonnement à 1,5 SMIC, il nécessite de connaître les périodes réelles d’activité par mois et le salaire mensuel correspondant. En l’état des normes déclaratives de la CNAV, les périodes d’activité sont connues mais le salaire reste un salaire annuel non rapporté à chaque période d’activité. Il n’est donc pas possible de déterminer à partir de ces données le salaire mensuel et donc d’appliquer le plafonnement. La mise en œuvre de la déclaration sociale nominative (DSN) permettra de collecter les données déclaratives mensuelles permettant de calculer le plafonnement.

Pour ne pas retarder le bénéfice d’une mesure d’équité pour les assurés, il pourrait être envisagé de prévoir une entrée en vigueur échelonnée des mesures : l’abaissement à 150 heures de SMIC courant ou fin 2014, puis le report du reliquat de cotisations et le plafonnement du salaire mensuel avec la généralisation de la DSN en 2016.

4. Le coût du dispositif

La Caisse nationale d’assurance vieillesse indique que les simulations qu’elle a effectuées sont à prendre avec précaution, car les petits salaires et temps partiels ne sont pas recensés et leur nombre dépend des hypothèses macroéconomiques et du marché du travail. S’agissant du report du reliquat de cotisations, la Caisse n’a retenu que des reports sur l’année suivante, pas sur l’année précédente. Enfin, elle a considéré que les nouvelles mesures s’appliquaient dès les salaires 2014.

La montée en charge du dispositif est très lente, mais a un coût d’un milliard d’euros pour la CNAV en 2055.

Le tableau suivant présente l’évolution du coût des deux premières mesures : abaissement du seuil de 200 à 150 heures de SMIC et possibilité de reporter des cotisations d’une année sur l’autre. Les 918 millions d’euros de prestations supplémentaires versées en 2055 s’expliquent à la fois par des départs avancés et par des pensions plus élevées (du fait de l’amélioration de la proratisation).

Coût de la validation à 150 heures de smic et des reports de cotisations
sur l’année suivante

(en millions d’euros 2010)

Effets sur les masses financières

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2030

2040

2050

2055

Prestations

0

0

3

10

14

21

111

287

605

918

Cotisations

0

0

0

-2

-2

-3

- 9

-13

-35

-75

Transferts FSV

0

0

0

-1

-1

- 2

1

5

10

11

Solde technique CNAV

0

0

-4

-13

-17

-25

-119

-295

-630

-982

Source : CNAV.

Quant à la mesure de plafonnement du salaire mensuel pris en compte à 1,5 SMIC, elle touche peu d’assurés également. En 2010, 36 % des assurés percevant un salaire touchaient un salaire mensuel supérieur à 1,5 SMIC. Les assurés touchés par la mesure sont ceux ayant travaillé seulement deux ou trois mois civils. Or, parmi les assurés dont le salaire est supérieur à 1,5 SMIC, 89 % ont travaillé au cours des douze mois civils et seulement 1,5 % ont travaillé deux ou trois mois. Ainsi, en 2010, la part des assurés touchés par la mesure est très faible, de l’ordre de 0,3 %.

Les simulations de la DREES (46), réalisées pour l’ensemble des régimes de base concernés par la mesure (régime général et régimes alignés) et reprises dans l’étude d’impact, sont fondées sur une méthode différente. Elles traduisent une montée en charge plus rapide et plus forte, comme le montre le tableau suivant.

Impact financier en droits constates

(en millions d’euros constants 2011)

 

2014

2020

2030

2040

Ensemble des régimes de base non équilibrés par subvention

– 10

– 30

– 180

– 496

Source : étude d’impact.

Dans la génération 1982, selon la DREES, environ 15 % des assurés bénéficieraient de la mesure et gagneraient en moyenne plus de cinq trimestres. Pour les 85 % d’assurés restants, la mesure serait neutre.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 262 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Si vous le voulez bien, madame la présidente, je défendrai ensemble les amendements AS 262, AS 370 et AS 371.

Ils tendent tout d’abord à revenir sur l’introduction d’un second plafond de la sécurité sociale pour le calcul des trimestres, mesure préjudiciable à certains salariés tels que les intérimaires, les saisonniers et les intermittents du spectacle, qui risquent de ne plus pouvoir valider quatre trimestres.

Les intermittents du spectacle, par exemple, ne parviennent à valider leurs quatre trimestres sur quelques mois de travail que parce la totalité de leur salaire – toujours dans la limite incontournable du plafond de la sécurité sociale – est prise en compte. Si un plafonnement supplémentaire – à 1,5 SMIC ou autre – est introduit, ils ne parviendront plus à valider quatre trimestres par an.

Ces amendements visent également à préciser la portée du report de cotisations, pour éviter de faire baisser le salaire annuel moyen pris en compte pour le calcul des pensions et donc de faire baisser le niveau de la pension elle-même.

M. le rapporteur. S’agissant des amendements AS 262 et AS 371, je préciserai que passer de 200 à 150 heures rémunérées au SMIC permettra de valider davantage de trimestres et donc d’arriver plus facilement à quarante-trois annuités.

Le nouveau plafond mensuel fixé à 1,5 SMIC est une contrepartie nécessaire à ce nouveau seuil des 150 heures. Il permet de maintenir la durée minimale de travail nécessaire à la validation d’un trimestre : pouvoir valider quatre trimestres en trois mois est déjà généreux.

Je rappelle à l’opposition qu’un tel régime n’existe pas dans la fonction publique.

M. Dominique Tian. Heureusement !

M. le rapporteur. L’amendement AS 370 me semble sans objet. En effet, l’étude d’impact précise que le report de cotisation n’aura pas de conséquence sur le calcul du salaire moyen.

Toutes ces mesures auront des conséquences bénéfiques pour tous ceux qui liquideront leur retraite dans quelques années. Je pense notamment aux étudiants qui, travaillant l’été ou durant l’année à raison d’un sur deux pour payer leurs études, valident des trimestres – sans le savoir – pour leur retraite. Il s’agit de nouveautés majeures mais peu spectaculaires, car ces règles sont généralement mal connues du grand public : il conviendra de l’en informer.

Avis défavorable aux trois amendements.

Mme Jacqueline Fraysse. Je peux donc rassurer les intermittents du spectacle, qui nous ont sollicités…

M. le rapporteur. Oui, madame Fraysse. Le texte ne pourra qu’améliorer leur situation puisqu’il exige moins d’heures encore qu’aujourd’hui. Je rappelle que les intermittents ont un régime particulier.

M. Dominique Tian. Ils ont un régime tellement particulier qu’il est placé sous la responsabilité directe de l’UNEDIC et qu’il coûte un milliard par an !

Le rapport que M. Jean-Patrick Gille a rendu dans le cadre d’une mission d’information parlementaire présidée par M. Christian Kert a révélé que la situation du régime d’indemnisation des intermittents n’était plus tenable. En effet, la durée de cotisation a été divisée par deux puisqu’elle est passée de 1 200 heures à 550. L’UNEDIC s’est engagée à reprendre les négociations de branches pour aboutir à un meilleur équilibre de ce régime, l’objectif étant d’en réduire le coût de 300 millions d’euros.

Ce régime est déjà très favorable aux intermittents : comment pouvez-vous affirmer, monsieur le rapporteur, qu’il sera encore plus avantageux par la suite ? Il sera forcément moins avantageux puisqu’il est déjà déraisonnable. Il faut dire la vérité à Mme Fraysse : les avantages acquis des intermittents sont voués, sinon à disparaître, du moins à devenir plus raisonnables.

La Commission rejette successivement les trois amendements.

Puis elle adopte l’amendement de coordination AS 410 du rapporteur.

Elle adopte ensuite l’article 14 modifié.

Après l’article 14.

La Commission est saisie de deux amendements portant articles additionnels après l’article 14.

Elle examine tout d’abord l’amendement AS 267 rectifié de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. La loi de sécurisation de l’emploi dispose qu’aucun temps partiel ne doit être inférieur à vingt-quatre heures hebdomadaires, tout en assortissant cette disposition de nombreuses dérogations, ce qui pénalise des salariés dont 80 % sont des femmes.

Pour remédier à cette discrimination, l’amendement AS 267 rectifié prévoit qu’en cas de temps partiel hebdomadaire inférieur à vingt-quatre heures, l’employeur cotise à l’assurance vieillesse à hauteur du SMIC : ce sera de nature à dissuader l’employeur de recourir à un tel temps partiel tout en assurant aux femmes le même droit à la retraite.

M. le rapporteur. Il ne convient pas de détricoter la loi de sécurisation de l’emploi, adoptée il y a six mois et qui reprend l’accord national interprofessionnel (ANI).

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 268 rectifié de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Trop souvent, les femmes ont des salaires inférieurs à ceux des hommes parce que leurs compétences ne sont pas reconnues.

L’amendement AS 268 rectifié pose donc une obligation de renégocier les classifications. Il vise de plus à rétablir un délai pour mettre fin aux discriminations.

Comme l’a dit Mme Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, les discriminations ne tendent pas à régresser et une politique volontariste s’impose donc pour y remédier.

M. le rapporteur. Bien que je souscrive sans réserve à l’objectif, avis défavorable. En effet, ces mesures concernent davantage la carrière professionnelle que les retraites.

D’autre part, outre qu’il existe déjà une pénalité pour les entreprises qui n’ont pas conclu un accord d’égalité ou élaboré un plan d’action, le Sénat examine actuellement un texte sur l’égalité entre les femmes et les hommes dont un article fait obligation d’analyser les grilles de classification à travers le prisme de l’égalité dans la négociation annuelle obligatoire (NAO). Je vous invite à faire valoir vos arguments lors de l’examen de ce texte par l’Assemblée : il est le véhicule législatif approprié.

La Commission rejette l’amendement.

Article 15

(art. L. 351-1-1, L. 634-3-2, L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale et art. L. 732-18-1 du code rural et de la pêche maritime)


Élargissement des trimestres réputés cotisés
pour le bénéfice de la retraite anticipée pour carrière longue

Le présent article vise à élargir la prise en compte de trimestres non cotisés pour le bénéfice d’un départ anticipé pour carrière longue.

a) Rappel de l’évolution du dispositif

L’article 23 de la loi du 21 août 2003 (article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale) a ouvert aux assurés qui ont commencé à travailler jeunes et ont effectué une longue carrière (le nombre de trimestres cotisés requis dépendant de la génération), la possibilité de bénéficier d’un départ à la retraite avant l’âge légal d’ouverture des droits. Ce droit est soumis à trois conditions cumulatives expressément fixées aux articles D. 351-1-1 à D. 351-1-3 du même code.

Lors de la mise en œuvre de ce dispositif, l’assuré devait justifier :

– d’une durée totale d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes tous régimes de base confondus, égale à la durée d’assurance requise pour le taux plein, majorée de huit trimestres ;

– d’une durée d’assurance ayant donné lieu à cotisations à sa charge. Cette durée variait en fonction de l’âge de l’assuré à la date d’effet de sa pension. Elle était égale à la durée totale d’assurance pour un départ à 56 ou 57 ans, à la durée totale minorée de quatre trimestres pour un départ à 58 ans et à la durée nécessaire pour le taux plein pour un départ à 59 ans ;

– d’un début d’activité avant 16 ans pour un départ à 56, 57 ou 58 ans et avant 17 ans pour un départ à 59 ans.

La pension des assurés bénéficiant du dispositif de départ anticipé pour carrière longue est calculée selon les règles de droit commun. Étant donné le nombre de trimestres cotisés dont ils doivent justifier, ils bénéficient tous d’une pension à taux plein.

Du fait du relèvement de l’âge légal prévu par la loi du 9 novembre 2010, les âges d’ouverture du droit à retraite anticipée ont été décalés et la possibilité d’un départ à compter de 60 ans a été introduite pour les assurés ayant débuté leur activité avant 18 ans.

Répondant à un engagement du président de la République, le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 a permis le départ à 60 ans aux assurés ayant commencé à travailler avant 20 ans.

En outre, il a supprimé la condition de durée d’assurance totale : seule une « durée d’assurance cotisée » est exigée pour bénéficier du dispositif. Enfin, il a modifié la notion de « trimestres réputés cotisés ».

b) Les conditions fixées par le décret du 2 juillet 2012

Le droit à retraite anticipée pour carrière longue est désormais soumis à deux conditions cumulatives (47) :

– un début d’activité avant un âge donné : pour un départ avant 60 ans, l’assuré doit avoir débuté son activité avant 16 ans ou 17 ans selon son année de naissance et l’âge de départ fixé pour sa génération ; pour un départ à partir de 60 ans, la borne est portée à 20 ans ; les assurés doivent totaliser, selon le cas, cinq trimestres à la fin de l’année civile au cours de laquelle est survenu leur 16ème, 17ème ou 20ème anniversaire (48;

– une durée d’assurance cotisée tous régimes de base confondus : cette durée est fonction de la génération de l’assuré et de son âge à la date d’effet de sa retraite ; pour un départ à partir de 60 ans, elle correspond à la durée requise pour obtenir une retraite à taux plein ; pour un départ avant 60 ans, cette durée est, selon la génération et l’âge à la liquidation, égale à celle du taux plein ou majorée de quatre ou huit trimestres.

● Les périodes cotisées

La notion de durée d’assurance cotisée correspond aux trimestres acquis par les cotisations de l’assuré, c’est-à-dire par ses périodes d’activité.

Sont retenues (49) les périodes de cotisations à l’assurance vieillesse obligatoire, d’assurance volontaire vieillesse, de rachats de cotisations, de validation de carrière au titre de la loi du 26 décembre 1964, de congé de formation, de stage de la formation professionnelle, de cotisations arriérées.

Sont exclues : les périodes d’assurance vieillesse des parents au foyer, les périodes reconnues équivalentes, les majorations de durée d’assurance pour enfant ou pour congé parental, les périodes de volontariat associatif. S’agissant des versements pour la retraite (rachats d’années d’études), sont exclus les versements demandés à compter du 13 octobre 2008.

Les « périodes assimilées à des périodes d’assurance » sont en principes exclues, à l’exception des « périodes réputées cotisées ».

● Les trimestres réputés cotisés

Depuis la mise en œuvre du dispositif en 2004, il a été admis que certains trimestres validés (c’est-à-dire acquis sans contrepartie de cotisations à la charge de l’assuré et financés par la solidarité nationale) soient considérés comme cotisés, à savoir quatre trimestres de service national et quatre trimestres de maladie/maternité/accident du travail ou maladie professionnelle (AT-MP).

Le décret du 2 juillet 2012 a élargi les trimestres réputés cotisés pouvant être retenu en incluant deux trimestres validés au titre du chômage (50) et deux trimestres supplémentaires au titre de la maternité (toujours un trimestre par naissance). Le décret prévoit ainsi que le nombre maximum des trimestres à retenir au titre de la maladie, maternité et accident de travail est porté à six, sans que le nombre total des périodes maladie et accident de travail ne puisse excéder quatre trimestres.

2. Davantage de trimestres réputés cotisés à compter de 2014

Les assurés qui ont connu des périodes de chômage plus longues restent exclus du bénéfice du dispositif. Pour remédier à cette difficulté, le Gouvernement a annoncé qu’il ajouterait par décret, dans la liste des trimestres réputés cotisés, deux trimestres de chômage supplémentaires, deux trimestres de perception d’une pension d’invalidité ainsi que l’ensemble des trimestres de maternité (dans la limite d’un par enfant).

Jusqu’à présent et depuis 2003, l’article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale prévoyait seulement qu’une partie des périodes de service national pouvait être réputée cotisée. Le présent article vise à donner une base légale à l’ensemble des périodes d’assurance validées et réputées cotisées.

Le I modifie l’article L. 351-1-1 relatif au dispositif carrières longues du régime général et le régime des salariés agricoles, ainsi que les articles L. 634-3-2 pour le régime social des indépendants, L. 643-3 pour les professions libérales et L. 723-10-1 pour le régime des avocats : il élargit le champ des trimestres qui peuvent être réputés cotisés à l’ensemble des « périodes assimilées », c’est-à-dire les périodes validées par la solidarité nationale recensées à l’article L. 351-3 du même code.

Le II procède au même élargissement pour le régime des exploitants agricoles à l’article L. 732-18-1 du code rural et de la pêche maritime.

En revanche, aucune modification de l’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite n’est nécessaire, cet article prévoyant déjà la possibilité de considérer comme réputés cotisés des trimestres de maladie, maternité et invalidité.

Dans un second temps, le Gouvernement élargira par décret les périodes réputées cotisées prévues à l’article D. 351-1-2 du code de la sécurité sociale ainsi qu’aux articles réglementaires prévoyant les périodes réputées cotisées pour les autres régimes.

L’étude d’impact indique que ces nouvelles dispositions devraient s’appliquer dès le 1er janvier 2014, ce qui implique que le décret soit pris très rapidement après la promulgation de la loi.

Tableau récapitulatif des trimestres réputés cotisés

Avant 2012

Depuis juillet 2012

À compter de 2014

0 trimestre maternité

2 trimestres maternité

Tous les trimestres maternité

0 trimestre de chômage

2 trimestres de chômage

4 trimestres de chômage

0 trimestre invalidité

0 trimestre invalidité

2 trimestres invalidité

4 trimestres de service national

4 trimestres de service national

4 trimestres de service national

Bloc de 4 trimestres maladie / maternité / invalidité / AT-MP

Bloc de 4 trimestres maladie / maternité / invalidité / AT-MP

Bloc de 4 trimestres maladie / maternité / invalidité / AT-MP

Source : étude d’impact.

Cet élargissement corrige une inégalité entre hommes et femmes. Précédemment, une femme pouvait au maximum se voir accorder huit trimestres : deux au titre du chômage, quatre au titre de l’ensemble maladie-maternité-rente AT/MP et deux supplémentaires pour la maternité, alors qu’un homme qui avait effectué son service militaire pouvait bénéficier de dix trimestres réputés cotisés (quatre au titre du service national, quatre au titre de la maladie et deux au titre du chômage).

Par ailleurs, cette mesure bénéficiera aux carrières heurtées : par exemple, un assuré qui aura commencé à travailler jeune, mais aura eu une fin de carrière difficile, avec un an de chômage et 18 mois d’invalidité, pourra quand même partir à taux plein à 60 ans.

3. Le coût de la mesure

Cette mesure concerne la plupart des régimes obligatoires de base. Toutefois, l’étude d’impact ne présente le coût de la mesure que pour le régime général : de l’ordre de 285 millions d’euros en 2020, 228 millions d’euros en 2030 et 62 millions d’euros en 2040 (le nombre de bénéficiaires potentiels diminue à mesure que la durée d’assurance nécessaire pour obtenir le taux plein augmente).

Une présentation plus détaillée de la montée en charge du dispositif a été présentée à votre rapporteur par la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

Coût de l’élargissement des trimestres réputés cotisés au titre du dispositif carrière longue pour le régime général

(en millions d’euros constants 2011)

Effets sur les masses

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2030

2040

2050

2055

Prestations

2

5

63

148

223

225

171

37

133

133

Cotisations

0

-2

-9

-20

-34

-38

-45

-20

-41

-45

Transferts FSV

0

0

-2

-8

-13

-16

-7

-4

-7

-6

Solde technique

-3

-7

-73

-177

-270

-279

-223

-61

-181

-184

Coût estimé par rapport au scénario B du COR.

Source : CNAV.

*

La Commission est saisie des amendements AS 95 de M. Arnaud Robinet et AS 366 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l’article.

M. Arnaud Robinet. Le dispositif « carrières longues », institué par la loi de 2003 et conforté par la loi de 2010, est une mesure de justice qui ne doit pas être remise en cause. Cependant, en juillet 2012, un décret a procédé à une extension qui en dénature l’objectif initial, qui était de contrebalancer le recul de l’âge légal pour les jeunes ayant commencé à travailler avant dix-huit ans. En effet, pour ne pas aggraver fortement le déficit du régime général, le Gouvernement a compensé par une hausse des cotisations des actifs et des employeurs le retour de la retraite à soixante ans pour ceux qui ont commencé à travailler avant vingt ans. Sans cette compensation, le décret du 2 juillet 2012 aurait fortement aggravé le déficit du régime général.

De même que les parlementaires de l’UMP étaient opposés au décret de juillet 2012, ils restent opposés à une continuelle extension du dispositif, dont le coût est évalué à près de trois cents millions d’euros à l’horizon 2020.

M. Dominique Tian. L’amendement AS 366 est défendu.

M. le rapporteur. Je ne peux qu’être défavorable à la suppression d’une des mesures de justice de ce projet de loi. En effet, l’article 15 vise à élargir la prise en compte de trimestres non cotisés pour bénéficier d’un départ anticipé au titre des carrières longues. Pourront désormais être pris en compte deux trimestres validés au titre du chômage, deux trimestres de perception d’une pension d’invalidité, ainsi que l’ensemble des trimestres validés au titre de la maternité, dans la limite d’un par enfant. L’objectif est de mieux prendre en compte les carrières heurtées, aujourd’hui pénalisées par l’allongement de la durée d’assurance.

La Commission rejette ces amendements.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 411 du rapporteur.

La Commission adopte l’article 15 modifié.

Article 16

(art. L. 351-14-1, L. 634-2-2, L. 643-2 et L. 723-10-3 du code de la sécurité sociale,
art. L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite et
art. L. 732-27-1 du code rural et de la pêche maritime)


Aide au rachat d’années d’études à destination des jeunes actifs

Le présent article instaure un tarif préférentiel de rachat de trimestres d’études pour certains assurés, dans des conditions fixées par décret. Il s’agit de permettre aux jeunes actifs de racheter jusqu’à quatre trimestres d’assurance vieillesse, correspondant à des périodes d’études supérieures, grâce à une aide forfaitaire.

L’article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les assurés peuvent racheter jusqu’à douze trimestres d’assurance au titre des années d’études supérieures ou des années incomplètes, à un tarif actuariellement neutre (qui revient à faire payer à l’assuré le coût que représentera, pour le régime, le supplément de pension induit par le versement).

Cette possibilité est ouverte aux personnes d’au moins 20 ans et de moins de 67 ans à la date de la demande, dont la retraite du régime général n’est pas attribuée. Un mécanisme équivalent existe dans l’ensemble des régimes de retraite obligatoire.

Les études doivent avoir été accomplies dans des établissements d’enseignement supérieur, des écoles techniques supérieures, des grandes écoles et des classes préparatoires à ces écoles et ne pas avoir donné lieu à affiliation à un régime d’assurance vieillesse. Les études doivent avoir permis l’obtention d’un diplôme français ou d’un diplôme équivalent dans un État de l’Espace économique européen, en Suisse ou dans un pays lié à la France par une convention internationale de sécurité sociale.

L’assuré peut opter pour un versement soit au titre du taux seul (qui permet de réduire seulement la décote), soit au titre du taux et de l’augmentation de la durée d’assurance. Les années qui comportent un versement pour la retraite ne sont pas retenues pour le calcul du salaire annuel moyen.

Le tarif du rachat varie selon l’âge et le niveau de revenu. Il reste cependant relativement élevé pour des jeunes entrant dans la vie active. Il est, de fait, très peu utilisé par ces derniers. L’âge moyen au moment du rachat tous régimes confondus est de 55 ans, et seul 1 % des 2 500 rachats par an concerne des assurés de moins de quarante ans.

Au régime général, un rachat valable pour le taux et la proratisation coûte de 1 500 à 2 000 euros le trimestre s’il est effectué à 20 ans, et de 2 050 à 2 700 euros à 28 ans, comme le montre le tableau suivant.

Barème 2013 des versements pour la retraite
au titre du taux et de la proratisation

Âge

Coût unitaire en euro

Salaire ou revenu < à 0,75 % du PSS

Salaire ou revenu de 0,75 à 1 PSS *

Salaire ou revenu > 1 PSS

20

1 564

5,63 %

2 085

21

1 594

5,74 %

2 126

22

1 625

5,85 %

2 167

23

1 657

5,96 %

2 209

24

1 731

6,23 %

2 308

25

1 806

6,50 %

2 408

26

1 883

6,78 %

2 511

27

1 961

7,06 %

2 615

28

2 041

7,35 %

2 721

29

2 122

7,64 %

2 829

30

2 204

7,93 %

2 938

31

2 286

8,23 %

3 048

32

2 370

8,53 %

3 160

33

2 454

8,84 %

3 272

34

2 539

9,14 %

3 385

35

2 624

9,45 %

3 499

PSS = plafond de la sécurité sociale.

* En % du salaire ou revenu annuel.

Source : CNAV.

Compte tenu de l’entrée de plus en plus tardive des jeunes sur le marché du travail (d’après le rapport de la Commission pour l’avenir des retraites, la durée d’assurance validée avant 30 ans a diminué de onze trimestres entre la génération 1950 et la génération 1978), un dispositif visant à faciliter le rachat d’années d’études et permettant ainsi aux jeunes générations d’atteindre plus facilement la durée d’assurance requise est proposé.

2. Le dispositif proposé : un barème avantageux pour les jeunes actifs

Le présent article prévoit que le tarif de rachat des versements correspondant à des périodes d’études supérieures peut être abaissé par décret, dans un délai limité et pour un nombre de trimestres maximum déterminé.

Dans le code de la sécurité sociale, sont modifiés les articles L. 351-14-1 pour le régime général et la Caisse d’assurance vieillesse des cultes (I), L. 634-2-2 pour le régime social des indépendants, L. 643-2 pour les professions libérales, L. 723-10-3 pour le régime des avocats (II) ; sont modifiés dans le même sens l’article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite pour la fonction publique (III), ainsi que l’article L. 732-27-1 du code rural et de la pêche maritime pour les exploitants agricoles (IV).

À l’initiative de votre rapporteur, la commission a adopté un amendement rédactionnel fusionnant le I et le II, les modifications apportées à l’article L. 351-14-1 et aux articles L. 634-2-2, L. 643-2 et L. 723-10-3 étant exactement les mêmes.

L’étude d’impact indique que le nombre de trimestres rachetables au tarif préférentiel devrait être fixé à quatre. Quant au délai dans lequel ces rachats devraient avoir lieu, il n’est pas précisé dans l’étude d’impact. Votre rapporteur souhaite qu’il s’agisse d’une période de dix ans à compter de la fin des études.

Le barème de rachat des trimestres devrait être abaissé d’un montant forfaitaire identique pour tous les assurés, quel que soit le tarif de rachat total qui leur est appliqué. Ainsi, les actifs les plus jeunes et aux revenus les plus faibles seront davantage aidés en proportion du versement.

On déduit des exemples présentés dans l’étude d’impact que le montant de l’aide forfaitaire devrait être de l’ordre de 1 000 euros, à retrancher des tarifs indiqués dans le tableau présenté précédemment.

Votre rapporteur souhaiterait que le versement des cotisations par les assurés puisse être étalé sur une période de dix ans, afin de rendre le dispositif plus accessible pour les jeunes actifs qui n’ont pas encore pu constituer d’épargne.

Par dérogation au principe de neutralité actuarielle prévu au I l’article L. 351-14-1, l’aide forfaitaire restera à la charge des régimes.

3. L’impact de la mesure : des recettes à court terme, un coût à long terme

Le dispositif représente un coût à long terme pour les régimes de retraite, puisque le barème n’est pas actuariellement neutre. En revanche, à court terme, il devrait induire des recettes supplémentaires.

L’étude d’impact présente une estimation pour l’ensemble des régimes de base. Le dispositif procurerait une recette aux régimes jusqu’aux environs de 2050, dans la mesure où il ferait augmenter le nombre de versements pour la retraite et que les actifs auxquels le dispositif est destiné n’auront pas encore liquidé leur retraite. À long terme, les bénéficiaires pourront liquider leur retraite plus tôt, ce qui constituera un coût pour les régimes.

L’étude d’impact retient l’hypothèse d’un taux de recours de 10 % au dispositif : le rachat aidé bénéficierait à 30 000 bénéficiaires par an, pour 120 000 trimestres rachetés au total. Il est cependant très difficile de prévoir le comportement des personnes auxquelles la mesure est destinée.

Impact financier de l’article 16 pour l’ensemble des régimes de base

(en millions d’euros constants 2011)

 

2014

2020

2030

2040

Tous régimes de base

+ 150

+ 300

+ 350

+ 250

Source : étude d’impact.

*

La Commission est saisie des amendements AS 68 de Mme Véronique Massonneau, AS 96 de M. Arnaud Robinet et AS 263 Mme Jacqueline Fraysse, tendant à la suppression de l’article.

Mme Véronique Massonneau. Présentée comme un outil pour redonner confiance aux jeunes dans notre système de retraite, cette mesure est en réalité injuste et inopérante. Ce type de dispositif existe déjà et n’a rencontré que peu de succès. Pour un salarié de vingt-trois ans gagnant 1,2 SMIC, chaque trimestre racheté coûtera 657 euros, soit près de 2 800 euros pour racheter une année d’études. Une telle solution n’a d’ailleurs pas vocation à être beaucoup utilisée puisque l’étude d’impact ne prévoit que 30 000 bénéficiaires par an.

M. Arnaud Robinet. Les partenaires sociaux comme les associations d’étudiants dénoncent le caractère parfaitement inopérant de ce dispositif d’aide, censé permettre aux jeunes entrant dans la vie active de racheter à un tarif préférentiel quatre trimestres d’études supérieures au plus. Il s’agit en réalité d’une simple mesure d’affichage dont le rendement est en outre fortement surévalué.

Si l’étude d’impact du Gouvernement était réaliste, les trois cents millions d’euros qu’il en attend d’ici 2020 contribueraient fortement à compenser l’ensemble des dépenses en faveur des femmes, des jeunes et d’une revalorisation des carrières heurtées inscrites dans ce projet de loi. Malheureusement, comme il est peu probable que 10 % de jeunes recourent effectivement au dispositif, il est à craindre que l’ensemble du paquet social ne soit pas intégralement financé.

Mme Jacqueline Fraysse. Le dispositif proposé par le Gouvernement à l’article 16 est injuste si on le compare aux dispositifs de validation de trimestres prévus pour les stagiaires de la formation professionnelle et les apprentis. Les capacités de rachat étant très faibles chez les jeunes de moins de trente ans, il ne profitera qu’aux plus fortunés. Il sera en outre inopérant puisque la possibilité de rachat est limitée à quatre trimestres, ce qui ne compense pas la durée moyenne des études supérieures. Enfin, l’étude d’impact prévoit seulement 30 000 bénéficiaires, soit moins de 5 % d’une génération.

Autant de raisons de demander la suppression de cet article.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à la suppression de ce dispositif, même s’il n’est pas extrêmement convaincant dans son état actuel : les organisations étudiantes elles-mêmes nous ont fait savoir qu’elles n’étaient pas très intéressées par la faculté de racheter des trimestres à des tarifs élevés en début de vie professionnelle. Nous aborderons demain l’examen de l’ensemble des mesures destinées aux jeunes et j’espère qu’à cette occasion des propositions nouvelles nous seront soumises.

M. Philippe Vigier. Quand les représentants des groupes politiques autres que le vôtre plaident tous pour la suppression de cet article, et pour les mêmes motifs, cela devrait vous interpeller, monsieur le rapporteur !

La Commission rejette les amendements de suppression.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AS 412 du rapporteur.

En conséquence, l’amendement AS 315 de Mme Martine Pinville tombe.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 448 du rapporteur.

Elle adopte l’article 16 modifié.

Après l’article 16

La Commission est saisie d’une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 16.

Elle examine tout d’abord l’amendement AS 153 rectifié de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Cet amendement vise à prendre en compte les trimestres de stages en milieu professionnel au titre de la durée d’assurance. Ce serait un signal fort adressé aux jeunes qui, très nombreux, sont tenus d’accomplir des stages au cours de leur formation, pour certains pendant quatre ou cinq ans.

M. Michel Issindou, rapporteur. Les stages permettent aux étudiants de mettre un pied dans l’entreprise ; un stage n’est pas vraiment un travail, mais il y ressemble. Aujourd’hui, la gratification que reçoit le stagiaire est exonérée de charges sociales. La question de savoir si les périodes de stages peuvent donner lieu à validation dans le calcul de la pension de retraite fait l’objet de débats intenses. Aussi aimerais-je connaître l’avis de la ministre sur ce point.

M. Dominique Dord. L’amendement est excellent, la gêne avouée du rapporteur en atteste. Vous avez été les premiers, chers collègues du groupe socialiste, à demander que les stages soient strictement encadrés afin que les entreprises n’en abusent pas, et vous avez eu raison. Par notre volonté commune, la vôtre en particulier, les stages ont été dotés d’un statut comparable à celui d’un début de carrière professionnelle et ils marquent désormais une véritable entrée sur le marché du travail. Dans ce contexte, le fait que les périodes de stage soient omises du calcul de la durée d’assurance retraite pose une difficulté réelle. Certes, le sujet complique l’équation posée dans le projet de loi, qui n’en fait pas mention ; mais ce serait une incohérence de ne pas le faire. Nous partageons votre embarras, monsieur le rapporteur ; il n’en reste pas moins que cet amendement a été présenté, qu’il doit être mis aux voix et qu’il nous faut connaître votre avis.

M. Arnaud Robinet. Dans un souci d’équité, les stagiaires devraient alors être concernés par le fameux compte de pénibilité. Ce serait logique si l’on considère que les stages constituent le départ d’une carrière professionnelle.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Nous sommes nombreux à souhaiter connaître la position du Gouvernement sur ce sujet particulier et, plus largement, sur les conséquences du texte pour les jeunes générations. Des inquiétudes légitimes s’expriment, dont plusieurs de nos amendements se font l’écho. Elles sont dues à la conjonction de trois facteurs : l’allongement de la durée moyenne des études ; les difficultés d’insertion dans la vie active ; les conséquences de l’allongement de la durée de cotisation envisagée dans la présente réforme. Pour ces raisons, il faut aller plus loin en faveur des jeunes. Il a été question hier d’un dispositif de rachat de cotisations correspondant aux trimestres d’études, dont on a vu les lacunes. Il conviendrait de le compléter par des mesures permettant aux jeunes d’acquérir des droits à la retraite plus précocement mais il reste à en déterminer le moyen. L’enjeu est capital puisqu’il s’agit de préserver la confiance de la jeunesse dans la retraite par répartition ; la proposition contenue dans cet amendement peut être une première réponse. Cependant, le dispositif général doit être conçu avec soin : il ne s’agit en aucun cas d’assimiler les stages à des emplois ; par ailleurs, tous les étudiants ne sont pas tenus aux mêmes périodes de stage. C’est pourquoi nous proposerons des amendements tendant à favoriser le rachat plafonné de trimestres d’études, pour ne pas favoriser ceux qui font des études longues.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Chers collègues, je vous appelle à la concision.

Mme Fanélie Carrey-Conte. C’est, madame la présidente, que j’ai par mon intervention défendu par avance plusieurs amendements.

M. Denis Jacquat. Comme nul ne l’ignore, il est de plus en plus difficile de trouver des stages ; la proposition avancée risque d’aggraver encore la situation. D’autre part, la question concerne bien davantage le ministre du travail que la ministre de la santé.

M. Fernand Siré. Le cursus des étudiants en médecine est long d’au moins neuf ans et plutôt dix. Au cours de leurs études, ils effectuent de quatre à cinq années de stages à l’hôpital, où ils rendent de considérables services. Si la durée de cotisation est portée à 43 ans mais que les périodes de stage ne sont pas prises en compte dans le calcul de la retraite, les futurs médecins, qui auront commencé à travailler à 27 ans au minimum, ne pourront prendre leur retraite avant d’avoir atteint l’âge de 70 ans, voire 72. Il y a là un réel problème.

Mme la présidente Catherine Lemorton. On s’écarte du cas général ; la problématique est un peu différente pour les étudiants en médecine.

M. Dominique Tian. Il est paradoxal de tenter de sauver le système de retraite par répartition et de multiplier, au long du débat, les charges supplémentaires. Nous n’avons malheureusement pas les moyens de prendre en compte les périodes de stage au titre de la durée d’assurance. De plus, mon collègue Denis Jacquat l’a souligné, il est déjà difficile de trouver des stages alors que les gratifications sont exonérées de cotisations sociales ; la mesure aggraverait cette difficulté. Enfin, les stages sont un atout pour la carrière professionnelle. Tous ces facteurs devraient inciter à ne pas durcir la législation.

M. Philippe Vigier. L’amendement tend à adresser un signal à la jeunesse. La pratique des stages pendant les études s’est généralisée, nul ne le conteste, et il suffit de compter le nombre de stagiaires de l’Institut d’études politiques accueillis à l’Assemblée nationale pour se le rappeler. Faut-il continuer de ne pas prendre en compte dans le calcul des retraites cette période pendant laquelle les jeunes gens sont très actifs, au moment où on leur demande de travailler plus longtemps sans leur assurer une pension plus élevée ? Ou faudrait-il interdire les stages, qui ont l’intérêt puissant de faire découvrir les métiers aux étudiants, et dont on sait combien ils sont répandus partout en Europe et notamment en Allemagne ? Exclure les périodes de stage du calcul des retraites, c’est passer à côté du sujet.

Mme Bérengère Poletti. Je puis témoigner, pour les avoir vécues à l’hôpital, que les périodes de stage sont des périodes de formation. Il me paraîtrait donc plus sage de favoriser le rachat des trimestres d’études que de valider les périodes de stage qui participent, je le redis, à la formation.

M. le rapporteur. Il n’y a aucune honte à reconnaître que le sujet, difficile, suscite des interrogations, un débat et un trouble sur l’ensemble de nos bancs. Non seulement la durée des stages n’est pas la même pour tous les étudiants, mais cotiser sur une gratification mensuelle de 430 euros ne permettrait pas de valider les périodes correspondantes. Pour ces raisons, je porte un avis défavorable sur l’amendement dans sa rédaction actuelle, mais je ne ferme pas la porte à l’éventuelle validation des durées de stage.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. La préoccupation légitime s’est exprimée de savoir comment répondre au défi de l’entrée dans la vie active. La réforme qui vous est soumise tend, en le consolidant, à renforcer la confiance de la jeunesse dans le système de retraite par répartition : les jeunes gens doivent savoir qu’ils pourront compter sur un système solide pour ne pas se laisser happer par le système de capitalisation qui prend de l’ampleur.

Vous proposez, madame Poletti, de favoriser le rachat des trimestres d’études ; je rappelle que le texte prévoit déjà cette disposition. Je ne sais si vous vous exprimiez à titre personnel ou au nom de votre groupe, mais nous pourrons donc nous retrouver sur ce point, et nous aurons votre soutien. En revanche, il n’est pas envisageable pour moi d’aller vers la validation de périodes de stage sans demander une contrepartie financière aux étudiants considérés. Ce serait inéquitable au regard des jeunes qui, ayant un emploi, cotisent pour leur retraite, et ce le serait d’autant plus que, le plus souvent, les jeunes gens qui font des études s’insèrent plus facilement et mieux sur le marché du travail.

Je suis favorable, madame Carrey-Conte, à ce que la réflexion collective se poursuive, d’ici à l’examen du texte en séance publique, sur la manière de prendre en compte plus spécifiquement les périodes de stage, aux conditions suivantes : que les stages aient lieu dans le cadre de la formation ; qu’il n’y ait pas de validation sans cotisation ; que la période de stage ne soit pas banalisée. On ne peut pas faire comme si un stage était une période de travail comme une autre ; ce serait créer un « sous-statut » inacceptable, avec des emplois rémunérés 430 euros par mois, sans plus pouvoir lutter contre les dérives constatées dans certains secteurs qui emploient des stagiaires à la place de salariés, et où à une année de stage succède une année en contrat à durée déterminée suivi, si l’intéressé a de la chance, par un contrat à durée indéterminée. Si les conditions dites sont respectées, nous verrons comment articuler un tel dispositif avec celui du rachat aidé des trimestres d’études déjà prévu dans le texte.

M. Arnaud Robinet. Nous approuvons l’ensemble de vos propos, madame la ministre, et nous nous félicitons de constater que le Gouvernement, qui comprenait déjà un ministre UMP en la personne de M. Manuel Valls, en compte un autre – vous.

Mme la ministre. Vous voterez donc le texte ?

M. Arnaud Robinet. Non. La question qui nous est posée est de savoir comment sauver et financer notre système de retraite ; or, le financement n’étant pas précisé, le système sera mis à mal. Quant à vous, madame Carrey-Conte, au nom de qui pensiez-vous parler ? La retraite est peut-être la priorité des jeunes apparatchiks du parti socialiste mais ce n’est pas celle de la jeunesse française : elle veut trouver du boulot et définir un projet personnel et professionnel.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Robinet, vos provocations stériles n’ont pas lieu d’être.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS 153 rectifié.

M. Christian Paul. Étant donné l’obstruction permanente à laquelle se livre l’opposition, j’aimerais vous entendre rappeler, madame la présidente, les règles relatives aux prises de parole en commission.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je me limiterai à dire que les orateurs peuvent s’exprimer pour autant qu’ils ne versent pas dans la provocation, et que s’il en va autrement, ils ne le pourront plus.

La Commission est saisie de l’amendement AS 71 rectifié de Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. L’amendement vise à intégrer les conventions de stage au registre unique du personnel. Ainsi saura-t-on au moins le nombre des stagiaires au sein d’une entreprise donnée. Cette mesure s’inscrit dans la logique de validation des trimestres de stage au titre des annuités de retraite et contribue à repérer plus facilement les entreprises abusant de stages qui sont en réalité des emplois déguisés.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Nous avons entamé un travail important à ce sujet. Le législateur a déjà interdit les stages pratiqués en dehors d’un cursus de formation. En outre, la conférence sociale de juin prévoit une initiative législative sur l’encadrement des stages et le droit des stagiaires, initiative à laquelle je vous renvoie. Il serait cavalier, c’est le cas de le dire, de prendre une telle mesure dans un projet de loi consacré aux retraites.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 157 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Les périodes de stage, on le sait, sont souvent imposées aux étudiants entrant dans la vie professionnelle. Vous venez de dire, madame la ministre, qu’il n’était pas possible d’intégrer ces périodes dans le système de retraites si elles ne donnaient pas lieu à cotisations sociales. Cet amendement qui prévoit d’introduire dans l’assiette des cotisations sociales la gratification versée à compter du troisième mois de stage répond donc à votre souhait.

M. le rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai énoncées au sujet de votre premier amendement. Soumettre ces rémunérations à cotisations n’est pas forcément le sujet de la réflexion.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS 154 du même auteur.

M. Philippe Vigier. Cet amendement a le même objet, mais il prévoit que la gratification ne puisse être introduite dans l’assiette des cotisations sociales qu’à condition que le stage soit validé.

Nous sommes tous d’accord pour considérer que le dispositif de rachat d’années d’études fonctionne mal – moins de 10 % des étudiants y ont recours – et qu’il faudrait l’encourager. Dès lors que la validation atteste que le stage s’inscrit bien dans le cadre d’une formation qualifiante, il serait normal que la gratification entre dans l’assiette. Ce signal conviendrait parfaitement au « contrat de confiance » que vous voulez passer avec les nouvelles générations, madame la ministre.

M. Jean-Marc Germain. Je souscris en grande partie aux propos de M. Vigier. Nous devons trouver des solutions au recul effrayant du nombre de trimestres cotisés par les personnes ayant atteint l’âge de trente ans – on a perdu trois ans au cours des vingt dernières années. Le Gouvernement a réalisé des avancées importantes en matière de formation professionnelle et d’apprentissage, mais la question des stages reste à régler. Il me semble souhaitable que l’on puisse commencer à accumuler des droits dès lors que l’on est dans l’entreprise.

Cela étant, la question relève de l’initiative législative qui mettra de l’ordre dans le domaine des stages. Notre volonté est de favoriser les stages en début de cursus, afin que les jeunes découvrent l’entreprise, mais de privilégier ensuite les contrats de travail dès lors que l’étudiant a atteint un certain niveau d’études, par exemple dans le cas des années de césure et des années postérieures au master, et d’assimiler les stages abusifs à du travail dissimulé.

J’espère que nous avancerons d’ici à la séance publique afin de donner ce signe de confiance à la jeunesse.

M. le rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Bernard Accoyer. Comme d’autres, l’amendement contribue à augmenter non seulement les charges des entreprises, mais aussi celles des collectivités publiques. Il se traduit donc par un accroissement de la dépense publique. Je soulève la question une nouvelle fois : ces amendements ont-ils été soumis au président de la commission des finances pour qu’il en vérifie la recevabilité financière ? Si tel n’était pas le cas, nous serions mis dans une situation délicate d’un point de vue constitutionnel !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il ne vous a pas échappé que les amendements de M. Vigier prévoient la compensation de la perte de recettes et, par conséquent, ne tombent donc pas sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Par ailleurs, le Règlement précise bien que c’est le président de la commission qui apprécie la recevabilité financière des amendements déposés en commission.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements AS 490 de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, et AS 134 de Mme Fanélie Carrey-Conte, pouvant faire l’objet d’une discussion commune.

M. Régis Juanico. Depuis 1995, l’âge moyen de sortie des études est resté de 21,5, mais cette stabilité recouvre de grandes différences : alors qu’il s’élève à 24 ans pour les diplômés de l’enseignement supérieur, il n’est que de 17 ans pour les jeunes non diplômés. À 21 ans, 50 % d’une classe d’âge continue des études, 10 % à 25 ans.

Le problème n’est pas tant celui de l’emploi immédiatement après la formation initiale que celui du délai pour obtenir un emploi stable. Bien souvent, le jeune n’obtient un CDI que cinq ans après la sortie des études. Du fait de l’allongement de la durée des études et de l’augmentation du chômage des jeunes de moins de trente ans, on est passé de quarante trimestres validés avant trente ans pour la génération née entre 1934 et 1943 à trente seulement pour la génération entre 1964 et 1973.

Nous devons donc réfléchir à la prise en compte des périodes d’instabilité sur le plan de l’emploi. Le texte apporte des solutions concernant le temps partiel. S’agissant du service civique, la loi de 2010 prévoit déjà des droits à la retraite. Reste la question des « petits boulots » et des stages, objet de l’amendement AS 490. La commission des finances souhaite que, six mois après l’adoption de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant la possibilité d’intégrer les périodes de stage à la durée d’assurance.

M. Dominique Tian. Il serait plus simple de préciser que le rachat peut être effectué tout au long de la vie de la vie professionnelle et non, comme il est prévu, dans un délai de cinq ans.

M. le rapporteur. Il conviendrait en effet, monsieur Juanico, de mesurer l’impact de ces rachats. Un rapport pourrait être utile pour nous éclairer et faire avancer la réflexion.

M. Jean-Pierre Barbier. Je partage l’avis du rapporteur. Le dispositif proposé est inefficace : aucun jeune ne rachètera des trimestres dans les cinq premières années de sa vie professionnelle. Quand on entre dans la vie active, on a bien d’autres sujets de préoccupation que celui de la retraite !

M. Dominique Tian. C’est le troisième ou le quatrième rapport que nous demandons depuis hier soir. Il vaudrait mieux prendre des décisions !

Le dispositif, nous le savons, ne fonctionne pas à cause de la brièveté du délai de cinq ans. Dans cette période, les jeunes se soucient d’autres choses que de leur retraite et ils n’ont pas les moyens financiers de ces rachats. Le rapporteur l’a lui-même reconnu : si le système était plus souple, les gens y adhéreraient plus facilement. La solution, nous l’avons à portée de main : porter le délai à toute la durée de la vie professionnelle.

M. le rapporteur. Le coût serait sans doute beaucoup plus élevé et je crains que cette disposition ne soit rejetée au titre de l’article 40 de la Constitution.

J’invite M. Juanico à retirer son amendement en attendant la discussion que nous aurons sur le sujet dans les prochains jours. Peut-être trouverons-nous une solution acceptable qui nous évitera un rapport supplémentaire.

M. Régis Juanico. Je retire l’amendement.

L’amendement AS 490 est retiré.

Mme Fanélie Carrey-Conte. L’amendement AS 134 est un amendement de repli par rapport à une proposition, repoussée au titre de l’article 40, sur la validation des années d’études. Je vais le retirer – de même que les amendements suivants AS 317 et AS 323 deuxième rectification, qui demandent également la remise de rapports – afin que nous poursuivions la discussion avant la séance publique. Je comprends les propos de Mme la ministre comme une invitation à continuer à travailler à des propositions concrètes, concernant notamment le niveau auquel les périodes d’études ou de stage pourront être prises en charge.

Cela étant, mes chers collègues de l’opposition, il est absurde d’opposer les préoccupations des jeunes en matière d’emploi et en matière de retraite. Les deux questions sont évidemment liées. Un système de retraite par répartition financièrement pérenne et garantissant aux retraités un niveau de vie décent passe forcément par un effort intense en direction du plein-emploi.

L’amendement AS 134 est retiré.

La Commission en vient aux amendements AS 489 de la commission des finances, et AS 317 et AS 323 deuxième rectification de Mme Fanélie Carrey-Conte, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. Régis Juanico. Pour les raisons de recevabilité financière que vient d’exposer Mme Carrey-Conte, la commission des finances s’est contentée, dans l’amendement AS 489, de demander la remise d’un rapport sur la question de l’amélioration de la prise en compte des périodes de stage. Je retire cet amendement au bénéfice de la discussion collective que nous aurons à ce sujet.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je retire également mes deux amendements.

Les amendements AS 489, AS 317 et AS 323 deuxième rectification sont retirés.

Article 17

(art. L. 6243-2 et L. 6243-3 du code du travail et
art. L 135-2 du code de la sécurité sociale)


Prise en compte des périodes d’apprentissage
au titre de l’assurance vieillesse

Le présent article vise à permettre aux apprentis de valider autant de trimestres d’assurance vieillesse que n’en compte leur période d’apprentissage.

Depuis le 1er juillet 1972, l’apprenti a droit à un salaire minimal légal progressif déterminé en pourcentage du SMIC compte tenu de son âge, de l’année d’exécution du contrat et du diplôme préparé (51).

En application de l’article L. 6243-2 du code du travail et de l’arrêté du 5 juin 1979 modifié, les cotisations sociales sont calculées au taux de droit commun sur une assiette forfaitaire déterminée à partir de la rémunération minimale due à l’apprenti après abattement de 11 points (52). Lorsque l’employeur rémunère l’apprenti au-delà du montant minimal, la cotisation reste assise sur cette même assiette. Depuis le 1er janvier 1979, l’État prend en charge l’intégralité des cotisations salariales et patronales pour les employeurs inscrits au répertoire des métiers et pour les entreprises de moins de 10 salariés non compris les apprentis. Cette disposition a été étendue aux entreprises de plus de 10 salariés à compter du 1er janvier 1989.

Rémunération et assiette sociale des apprentis

 

Avant 18 ans

De 18 à 20 ans

21 ans et plus

1re année d’apprentissage

Rémunération

25 % du SMIC

41 % du SMIC

53 % du SMIC

Assiette des cotisations

14 % du SMIC

30 % du SMIC

42 % du SMIC

2e année d’apprentissage

Rémunération

37 % du SMIC

49 % du SMIC

61 % du SMIC

Assiette des cotisations

26 % du SMIC

38 % du SMIC

50 % du SMIC

3e année d’apprentissage

Rémunération

53 % du SMIC

65 % du SMIC

78 % du SMIC

Assiette des cotisations

42 % du SMIC

54 % du SMIC

67 % du SMIC

Ces montants peuvent être majorés dans certains secteurs (secteur public) ou en fonction de la nature du diplôme préparé.

Source : CNAV.

Ces règles, qui visent à encourager l’apprentissage, pénalisent néanmoins les apprentis pour leurs droits à retraite car ils cotisent sur une assiette trop faible pour leur permettre de valider une durée d’assurance vieillesse égale à celle de leur contrat. En effet, comme pour les autres assurés, le nombre de trimestres d’assurance vieillesse validés au titre d’une année civile est établi sur la seule base du montant de la rémunération soumise à cotisations : sont validés autant de trimestres que le salaire annuel représente de fois 200 heures de travail rémunérées au SMIC.

Ainsi, pour valider quatre trimestres par an, l’assiette abattue doit être supérieure à 44 % du SMIC. Les apprentis ne peuvent donc valider une année entière qu’à la troisième année de leur apprentissage s’ils ont plus de 18 ans et la deuxième et la troisième année de leur apprentissage s’ils ont plus de 21 ans.

Le tableau suivant, présenté dans l’étude d’impact, indique pour chacune des situations le nombre de trimestres de retraite validés pour une année complète d’apprentissage.

Nombre de trimestres d’assurance vieillesse validés par un apprenti

Nombre de trimestres validés sur un an

Avant 18 ans

De 18 à 20 ans

21 ans et plus

1re année

1

2

3

2e année

2

3

4

3e année

3

4

4

Source : étude d’impact.

2. Garantir aux apprentis la validation de tous leurs trimestres d’apprentissage

Le 1° du I remplace le titre de la section 2 du chapitre III du titre IV (« Financement de l’apprentissage ») du livre II de la sixième partie du code du travail : actuellement intitulée « Exonération de charges salariales », elle est renommée « Cotisations dues au titre de l’emploi des apprentis ». En effet, il est prévu de supprimer l’assiette forfaitaire pour le calcul de la cotisation vieillesse de base – mais de la maintenir pour les autres cotisations et contributions sociales.

Le modifie l’article L. 6243-2 du même code pour supprimer, uniquement pour les cotisations finançant le risque vieillesse de base, l’abattement de cotisations sociales prévu pour les apprentis (abattement fixé par décret à 11 % du SMIC). La cotisation vieillesse de base sera donc désormais calculée sur une assiette réelle qui devrait ainsi permettre aux apprentis de valider des trimestres correspondant à leur période d’activité.

La prise en charge des cotisations et contributions sociales calculées sur une assiette forfaitaire restera assurée par l’État, conformément à l’article L. 6243-3 du même code. En revanche, le financement de la nouvelle mesure sera assuré par la sécurité sociale, pour un montant de 140 millions d’euros (53), et devra faire l’objet d’une mesure prévoyant sa non-compensation dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

La suppression de l’abattement permettra, dans le contexte d’un passage de la règle de validation de trimestres de 200 heures à 150 heures de SMIC, l’obtention de quatre trimestres dès que la rémunération dépassera 33 % du SMIC, c’est-à-dire pour la quasi-totalité des apprentis à l’exception de ceux en 1ère année de formation et âgés de moins de 18 ans (qui valideront trois trimestres).

Pour ces derniers, le complète l’article L. 6243-3 du même code pour introduire un système de validation complémentaire de droits à retraite, à la charge du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), pour les apprentis qui ne valideraient toujours pas autant de trimestres de retraite que de trimestres d’apprentissage sur une année civile, du fait de leur faible rémunération.

Par coordination, le II ajoute un alinéa à l’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale qui prévoit la liste des dépenses prises en charge par le FSV.

Une cotisation sera ainsi versée par le FSV en appliquant le taux de cotisation vieillesse de droit commun (soit 16,85 %) au différentiel d’assiette (écart entre l’assiette cotisée au titre de la rémunération et l’assiette fixée par décret pour l’acquisition du trimestre (54)). Cela conduira à un transfert de 18 millions d’euros du FSV vers les régimes vieillesse de base.

L’étude d’impact prévoit un coût constant pour le FSV de 18 millions d’euros jusqu’en 2040, sur la base d’un effectif constant d’apprentis de l’ordre de 435 000.

La question de l’inclusion des contrats en alternance (ou de professionnalisation) dans la mesure a été posée. Il s’avère qu’une telle mesure serait inutile, car l’abaissement à 150 heures de SMIC du seuil de validation d’un trimestre suffit à permettre aux personnes en contrat de professionnalisation de valider autant de trimestres d’assurance retraite que de périodes d’alternance.

En revanche, votre rapporteur souhaiterait que soit examinée la possibilité de permettre aux personnes ayant effectué un apprentissage avant 1972 d’obtenir une validation d’une partie de leurs trimestres d’apprentissage.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 307 de M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. L’article 17 vise à assurer aux apprentis la validation de l’ensemble de la durée de leur apprentissage pour la retraite. Je propose d’étendre cette garantie à l’ensemble des contrats en alternance, qu’ils soient d’apprentissage ou de professionnalisation.

M. le rapporteur. L’intention est excellente mais il semble bien que les 150 heures de SMIC effectuées au titre des contrats que vous mentionnez suffisent pour valider ces activités. L’amendement est satisfait par le projet de loi.

M. Jean-Patrick Gille. Mais les personnes en contrat d’alternance, notamment les plus jeunes, ne sont rémunérées qu’à 50 % du SMIC.

M. le rapporteur. Même dans ce cas, elles bénéficieront du dispositif.

M. Jean-Patrick Gille. Je retire mon amendement

M. le rapporteur. Je veux soulever à cette occasion la question des personnes ayant effectué leur apprentissage avant 1972, ainsi que celle des assistantes maternelles et des travailleurs indépendants, qui se demandent comment récupérer des années incomplètes. Les assistantes maternelles, en particulier, effectuent peu d’heures. Leur permettre de valider ces heures qui ne relèvent ni du stage ni de l’alternance constituerait une mesure favorable aux femmes.

Mme la ministre. Je confirme à M. Gille que les situations qu’il évoque sont d’ores et déjà couvertes par le texte.

Pour le reste, monsieur le rapporteur, le Gouvernement travaille pour présenter d’ici à la séance publique des propositions permettant de répondre à la situation des assistantes maternelles ou des conjoints collaborateurs. Toute contribution des députés sera examinée avec attention, de même que, en matière d’apprentissage, toute disposition sur des situations qui n’entreraient pas dans le champ du projet de loi.

M. Dominique Tian. On ne peut prendre des dispositions en faveur des seules assistantes maternelles sans créer une rupture d’égalité. Cette catégorie professionnelle a réclamé des mesures – c’est son droit –, mais est-on certain d’avoir demandé aux autres ce qu’elles en pensaient ?

Mme Linda Gourjade. Précisons que les assistantes maternelles sont payées l’équivalent de trois heures de SMIC pour une journée de travail. Abaisser le seuil de 200 à 150 heures de SMIC permettrait de reconnaître un temps de travail effectif qui ne correspond pas au temps de travail rémunéré.

M. le rapporteur. Cet argument mérite d’être pris en considération.

Par ailleurs, monsieur Tian, j’ai également mentionné les indépendants et les conjoints collaborateurs. Nous examinerons l’ensemble de ces situations.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte l’article 17 sans modification.

Article 18

(art. L. 135-2 et L. 351-3 du code de la sécurité sociale)


Validation des périodes de formation des demandeurs d’emploi

Le présent article propose que soient considérées comme des « périodes assimilées » d’assurance vieillesse (trimestres validés sans contrepartie de cotisations) toutes les périodes de stages de formation professionnelle continue donnant lieu à cotisation, qu’elles soient rémunérées par l’État, la région ou non rémunérées mais faisant l’objet d’une prise en charge de cotisations par l’État.

Les demandeurs d’emploi en fin de droits peuvent bénéficier, pendant leurs périodes de stages de formation professionnelle, d’une rémunération dont le financement est assuré par l’État ou les régions, ou a minima d’une prise en charge forfaitaire de leurs cotisations sociales.

En vertu de l’article L. 6342-3 du code du travail, les cotisations de sécurité sociale d’un stagiaire qui est rémunéré par l’État ou par la région ou qui ne bénéficie d’aucune rémunération sont intégralement prises en charge au même titre que le financement de l’action de formation, selon le cas, par l’État ou la région.

Ces cotisations sont calculées sur la base de taux forfaitaires très faibles (un sixième du SMIC), fixés par voie réglementaire. Les stagiaires valident ainsi, au mieux, un trimestre de retraite dans l’année au titre de ces périodes, alors qu’une période de chômage peut donner lieu à la validation de quatre trimestres.

Ces assurés sont souvent éligibles à la validation gratuite de trimestres accordée aux chômeurs non indemnisés (article R. 351-12 du code de la sécurité sociale), mais, en devenant stagiaires de la formation professionnelle, ils perdent ce statut.

Ils se trouvent donc souvent dans une situation plus défavorable au regard de la retraite que s’ils étaient chômeurs, indemnisés ou non. Cette inégalité de traitement constitue une injustice (55) et un frein à la formation.

2. Le dispositif proposé

Le présent article propose que les périodes de stage de formation professionnelle soient désormais validées comme périodes assimilées.

Le I modifie l’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale, relatif aux dépenses prises en charge par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), pour prévoir le financement de cette nouvelle mesure par le FSV – qui prend déjà en charge, sur la base d’une assiette forfaitaire égale à 90 % du SMIC, les autres validations de trimestres sans contrepartie de cotisations (dites périodes assimilées).

Le II complète l’article L. 351-3 du même code qui dresse la liste des périodes assimilées, pour y ajouter, dans un 8°, les périodes de stages de formation professionnelle mentionnés à l’article L. 6342-3 du code du travail, c’est-à-dire les stages pour lesquels les cotisations sont prises en charge par l’État ou la région.

Le décompte de ces périodes assimilées sera identique à celui des périodes de chômage : chaque totalisation de 50 jours de stage ouvrira droit à un trimestre d’assurance vieillesse.

L’article L. 6342-3 du code du travail n’ayant pas été modifié, des cotisations de sécurité sociale seront toujours versées pour le compte des stagiaires, pour l’ensemble des risques, calculées sur l’assiette forfaitaire. Cette solution paraît plus simple, pour ne pas faire de dissociation d’assiette selon les risques. Les cotisations donneront donc lieu à report au compte carrière de l’assuré. Toutefois, il sera tenu compte de ces cotisations pour le calcul de la compensation globale versée à la CNAV par le FSV.

Le III prévoit une entrée en vigueur différée de cette mesure, au 1er janvier 2015 (pour les périodes de stage postérieures au 31 décembre 2014), afin de préparer les échanges d’information entre les caisses de retraite et l’agence de services et de paiement en charge des opérations de protection sociale des chômeurs non indemnisés par Pôle Emploi.

3. Le coût de la mesure

On dénombre environ 300 000 stagiaires de la formation professionnelle. La durée moyenne des stages étant de 3 mois, le nombre total de trimestres devrait être de l’ordre d’un par assuré.

Le montant d’une compensation forfaitaire par le FSV aurait coûté environ 222 millions d’euros au titre de l’année 2013 (56).

L’étude d’impact indique qu’il est difficile d’évaluer l’impact en masses de prestations pour le régime général, faute d’indication sur la répartition par âge des stagiaires. Le tableau ci-dessous présente une montée en charge calculée à partir de la pension moyenne CNAV de droits directs (654 euros mensuels en 2012) et repose sur l’hypothèse que cette population est hétérogène en termes de tranches d’âge.

Impact financier en droits constatés

(en millions d’euros constants 2011)

 

2016

2020

2030

2040

2050

2060

Ensemble des régimes

- 10

- 57

- 248

- 357

- 415

- 480

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 277 de M. Jean-Pierre Decool.

M. Rémi Delatte. Nous sommes au point de rencontre entre le souhaitable et le raisonnable. La sagesse voudrait que la contrainte financière l’emporte : je rappelle que l’objectif est l’équilibre du système, pour lequel nous devons trouver 20 milliards d’euros.

Pour autant, la possibilité de rachat ultérieur de trimestres par le stagiaire peut apparaître comme une bonne réponse, en dépit des difficultés de mise en œuvre. Je retire donc mon amendement.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission adopte l’article 18 sans modification.

Article 19

(
art. L. 742-6 du code de la sécurité sociale et L. 722-17 du code rural
et de la pêche maritime)


Amélioration des droits à pension des conjoints collaborateurs

Définie par décret en Conseil d’État aux termes du V de l’article L. 121-4, la qualité de conjoint collaborateur est reconnue aux conjoints de chefs d’entreprise commerciale, artisanale ou libérale, sous réserve qu’ils répondent aux conditions cumulatives suivantes :

– qu’ils exercent une activité professionnelle régulière et non rémunérée dans l’entreprise ;

– qu’ils ne répondent pas à la qualité d’associé du chef d’entreprise, au sens de l’article 1832 du code civil ;

– qu’ils n’exercent pas à l’extérieur de l’entreprise une autre activité salariée ou non salariée, à l’exception d’une activité salariée dont la durée serait inférieure à un emploi à mi-temps.

Les conjoints collaborateurs sont obligatoirement affiliés au régime vieillesse du chef d’entreprise dans les conditions définies par l’article 622-8 du code de la sécurité sociale. Si cette assurance est personnelle, l’affiliation du conjoint est néanmoins conditionnée à celle du chef d’entreprise. En d’autres termes, l’affiliation du conjoint collaborateur est remise en cause en cas de divorce, de décès ou de départ à la retraite du chef d’entreprise.

Pour y remédier et assurer une continuité d’assurance, le I du présent article ajoute un 5° à l’article L. 742-6 du code de la sécurité sociale. Les conjoints collaborateurs tels que définis par l’article L. 121-4 et bénéficiant de l’affiliation au régime de retraite du chef d’entreprise sont libérés de leur obligation d’affiliation à la caisse des professions artisanales, libérales ou industrielles et commerciales. Cette disposition permettra aux conjoints collaborateurs perdant le droit d’affiliation au régime d’assurance vieillesse du chef d’entreprise de s’affilier au régime d’assurance volontaire des non-salariés.

De façon symétrique, le II modifie l’article L. 722-17 du code rural et de la pêche maritime : après le premier alinéa dans la rédaction en vigueur, le présent article insère un deuxième alinéa ouvrant des droits similaires aux collaborateurs d’exploitation ou d’entreprise agricole, dont la qualité est définie à l’article L. 321-5 du même code. Ceux-ci pourront adhérer volontairement au régime des non salariés agricoles, tel que défini à l’article L. 722-4. Pour mémoire, cet article ouvre l’assurance vieillesse aux non-salariés occupés dans les exploitations ou entreprises agricoles, sous réserve qu’ils répondent aux conditions fixées au 1° de l’article L. 722-4 (chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole), à l’article L. 722-5 (justifiant d’une taille d’exploitation ou d’une activité minimales) et à l’article L. 722-7 (affiliés au régime des non-salariés agricoles avant le 7 juillet 1980 quelle que soit la taille de l’exploitation ou le volume d’activité).

En l’état, le deuxième et dernier alinéa de l’article L. 722-17 indique qu’un décret d’application détermine les modalités d’application du premier alinéa. Le 2° en tient compte en modifiant sa rédaction afin de renvoyer au même décret la définition des modalités d’application non plus seulement du premier alinéa mais de l’ensemble de l’article.

*

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 413 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 19 ainsi modifié.

Chapitre IV

Améliorer les petites pensions des non-salariés agricoles

Article 20

(art. L. 732-54-1 du code rural et de la pêche maritime)


Suppression de la condition de 17 ans et demi pour bénéficier de la pension majorée de référence au régime des non-salariés agricoles

Depuis le 1er janvier 2009, le régime d’assurance vieillesse des non-salariés agricoles verse une pension minimale à ses assurés appelée pension majorée de référence (PMR). Elle permet de leur servir un montant minimum de retraite égal à 681,20 euros pour les anciens chefs d’exploitation et leurs conjoints survivants et de 541,30 euros pour les conjoints collaborateurs, les anciens conjoints participant aux travaux et les aides familiaux à la condition, notamment, qu’ils aient cotisé au moins 17 ans et demi au régime, une condition que le projet de loi entend lever.

C’est l’article L. 732-54-1 du code rural et de la pêche maritime qui définit les conditions dans lesquelles des assurés du régime agricole peuvent en bénéficier.

Son 1° couvre les cas des personnes dont les pensions ont pris effet avant le 1er janvier 2002 : elles doivent justifier d’une durée minimale de cotisation fixée par décret. Il précise en particulier que pour l’appréciation de cette durée, les périodes accomplies à titre exclusif ou principal dans le régime d’assurance vieillesse des personnes non-salariées des professions agricoles et les périodes d’affiliation obligatoire à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale sont comptabilisées.

Le présent article modifie le 2° de l’article L. 732-54-1 en supprimant pour l’avenir l’une de deux conditions cumulatives ouvrant droit au bénéfice de la PMR pour les non-salariés agricoles ayant liquidé leurs droits à pension depuis le 1er janvier 2002. Aujourd’hui, ces conditions cumulatives sont :

a) que les demandeurs relèvent de l’une des catégories suivantes : souffrant d’une incapacité permanente (article L. 732-18-3), reconnus inaptes au travail (article L. 732-23), ou encore ne justifiant pas d’une durée de cotisation suffisante lors de la demande de liquidation des droits à retraite (article L. 732-25) ;

b) qu’ils remplissent des conditions de durée minimale d’assurance dans ce régime, ces conditions étant fixées par décret.

Le projet de loi supprime la seconde condition : à compter du 1er janvier 2014, tous les assurés relevant des catégories décrites en a) seront éligibles à la PMR.

Le 1° insère les mots « et avant le 1er janvier 2014 » au troisième alinéa afin de définir la date jusqu’à laquelle les assurés devront remplir les deux conditions.

Après ce troisième alinéa, le 2° du présent article insère un 3° au même article L. 732-54-1 qui définit le régime applicable à compter du 1er janvier 2014. Sa rédaction reprend les critères du 2° à l’exception de la durée minimale de cotisation, sur laquelle le nouvel alinéa devient donc silencieux.

Le dernier alinéa de l’article L. 732-54-1 s’applique donc également au 3° nouveau, à savoir que ces personnes « ne peuvent bénéficier de la majoration que si elles ont fait valoir l’intégralité des droits en matière d’avantage de vieillesse auxquels elles peuvent prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires ».

*

La Commission adopte l’article 20 sans modification.

Après l’article 20

La Commission est saisie de l’amendement AS 276 de M. Jean-Louis Dumont, portant article additionnel après l’article 20.

Mme Annie Le Houérou. Il s’agit de résoudre les difficultés que rencontrent les exploitants agricoles lorsqu’ils veulent faire procéder au versement de cotisations au titre d’années accomplies en qualité d’aide familial. Aujourd’hui, en effet, il leur faut recueillir des témoignages de cette activité auprès de personnes ayant elles-mêmes exercé leur activité dans une exploitation agricole de la même commune. Du fait de l’organisation et de la taille actuelles des exploitations, il est souvent difficile d’obtenir ces témoignages dans le seul territoire de la commune. Nous proposons donc d’élargir le périmètre aux communes limitrophes ou à la communauté de communes.

M. Denis Jacquat. C’est à l’occasion d’un précédent texte sur les retraites que nous avions retenu le principe du témoignage pour permettre de valider des années d’activité dont il ne restait pas de trace écrite. Mais les dérives constatées ont donné lieu à de nombreuses instances devant les tribunaux et nous avons dû revenir en arrière en ce qui concerne les témoignages. Je crains que l’amendement ne se traduise par de nouvelles dérives.

M. le rapporteur. Bien que j’en comprenne l’intention, je donnerai un avis défavorable à l’amendement. Pourquoi définir un rayon de vingt kilomètres alors que ce dont on a besoin, c’est de témoignages oculaires ? Le système a déjà donné lieu à des dérives. Pour éviter d’introduire des inégalités, il me semble préférable de limiter le recours à des témoignages facilement obtenus par les uns, inaccessibles pour les autres. En outre, les dispositions proposées sont à la limite de la recevabilité financière.

Mme Annie Le Houérou. J’entends vos craintes au sujet d’éventuelles dérives, mais il arrive bien souvent qu’une exploitation s’étende à l’ensemble du territoire d’une commune. L’extension du périmètre aux communes limitrophes faciliterait, j’insiste, la prise en compte de droits.

M. Christian Paul. Je trouve le rapporteur un peu sévère. Dès lors que l’on admet que le recours au témoignage est parfois nécessaire pour faire reconnaître ces droits, il n’est pas incohérent de retenir les intercommunalités rurales, qui sont aujourd’hui des espaces de vie. Ne pourrions-nous en rediscuter avant l’examen en séance publique ?

M. le rapporteur. Soit. Essayons d’y travailler encore.

La Commission rejette l’amendement.

Article 21

(art. L. 732-56, L. 732-60, L. 732.62 du code rural et de la pêche maritime)


Mesures relatives au régime complémentaire obligatoire
des non-salariés agricoles

Les conjoints de chefs d’exploitation bénéficient généralement de retraites faibles. Il s’agit le plus souvent des femmes de chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole. Afin d’en améliorer le montant moyen, le projet de loi mobilise trois leviers. Il attribue des points gratuits au titre du régime obligatoire de retraite complémentaire (RCO) pour les périodes accomplies en qualité de membre de la famille ou de « petit chef » d’exploitation agricole (c’est-à-dire ayant accumulé peu de points), avant l’obligation d’affiliation à ce régime, c’est-à-dire le 1er janvier 2011.

Il s’agit d’une mesure de justice. Lorsque l’affiliation obligatoire des collaborateurs d’exploitation et des aides familiaux est intervenue, aucun droit gratuit ne leur avait été attribué pour « rattraper » les années précédant l’affiliation obligatoire. Cela avait pourtant été le cas s’agissant des chefs d’exploitation pour les années précédant leur affiliation obligatoire en 2002. C’est l’objet des I et II du présent article. Le III comporte les dispositions relatives à la réversion des droits à pensions au titre du RCO. Il permet également l’attribution d’une réversion des points de RCO aux conjoints survivants de chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole décédés à compter du 1er janvier 2003 sans avoir procédé à la liquidation de leurs droits à pension dans le régime des non-salariés agricoles. Il ouvre enfin aux conjoints survivants la possibilité de bénéficier des points de RCO de l’assuré décédé dans le cadre du dispositif des droits combinés.

Le I du présent article complète l’article L. 732-56 du code rural et de la pêche. En l’état, il organise le bénéfice de l’assurance vieillesse complémentaire obligatoire pour certaines catégories d’actifs (I, II de l’article L. 732-56), de retraités (III) ainsi que d’aidants familiaux et de collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole (IV). Le I du présent article adjoint à l’article L. 732-56 un V et un VI nouveaux.

Le V élargit le champ des bénéficiaires de ce régime. Il vise certaines catégories dont les cotisations auraient été insuffisantes pour y être éligibles :

– les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole n’ayant pas cotisé suffisamment longtemps en cette qualité, au titre des périodes antérieures au 1er janvier 2003 ;

– les aidants familiaux (tels que définis à l’article L. 732-34), les conjoints participant aux travaux (catégorie également définie à l’article L. 732-34), ainsi que les collaborateurs d’exploitation ou d’entreprise agricole (article L. 732-35) compte tenu de leurs cotisations « à titre exclusif ou principal », s’agissant des cotisations antérieures au 1er janvier 2011.

Dans des limites qui seront fixées par décret, ils bénéficient, en tant que retraités, de droits nouveaux au titre de la retraite complémentaire, pour peu qu’ils satisfassent aux conditions minimales de cotisation.

Le 1° du V couvre les cas où leur retraite est intervenue avant le 1er janvier 1997 et où ils justifient d’un minimum de périodes d’assurance en tant que non-salariés agricoles (ce seuil étant défini par décret), les périodes en question étant accomplies à titre exclusif ou principal

Le 2° couvre la période suivante, entre le 1er janvier 1997 et le 1er janvier 2014. Il ouvre le droit au régime complémentaire aux personnes ayant majoritairement cotisé dans le régime général (article L. 732-25) mais ayant également cotisé un minimum en tant que non salarié agricole, à titre exclusif ou principal.

Le second alinéa du 2° renvoie également la définition des minimas à la publication d’un décret.

Le VI nouveau complète le dispositif décrit au 2° du V s’agissant des personnes liquidant leur pension après le 31 décembre 2013. Dès lors qu’elles remplissent les conditions mentionnées au 2°, les droits sont ouverts à toutes les catégories mentionnées dans le V, pour leurs périodes accomplies à titre exclusif ou principal, en tant que : chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, aide familial, conjoint participant aux travaux et collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole.

Le II du présent article modifie pour sa part l’article L. 732-62 du code rural et de la pêche maritime qui organise la comptabilité en point des retraites de base et complémentaire des exploitants agricoles (à compter du 1er avril 2003), ainsi que des aides familiaux et des collaborateurs d’exploitation ou d’entreprise agricole (à partir du 1er janvier 2011).

Son 1° le complète afin de tenir compte des dispositions nouvelles de l’article L. 732-56 s’agissant du calcul du nombre de points portés au compte des bénéficiaires en distinguant, d’une part, les droits nouveaux accordés aux personnes effectivement en retraite avant le 1er janvier 2014, c’est-à-dire « les personnes mentionnées au V de l’article L. 732-56 », ainsi que, d’autre part, les retraités à venir, à partir du 1er janvier 2014 et tels que décrits dans le VI du même article.

Pour les mêmes raisons, le 2° assujettit les catégories mentionnées en V et VI au nombre d’années maximum susceptibles de donner lieu à une attribution de points.

Le III modifie l’ensemble de la rédaction de l’article L. 732-62 afin d’élargir les droits des salariés non agricoles à la pension de réversion.

Dans sa nouvelle rédaction, le I pose le droit du conjoint survivant d’un non-salarié agricole à une pension de réversion du régime complémentaire. Deux conditions sont posées : que le survivant soit âgé d’au moins 55 ans et, à moins qu’un enfant en soit issu, que leur mariage ait duré au moins deux ans. Cela exclut donc les personnes unies par un PACS ou vivant en concubinage.

L’alinéa suivant examine les cas où le conjoint survivant peut bénéficier de la pension de réversion sans condition d’âge : si le conjoint survivant est reconnu au moment du décès de son conjoint ou bien ultérieurement, ou bien s’il a au moins deux enfants à charge (issus ou non d’un mariage avec le défunt).

Le troisième alinéa du I nouveau garantit un niveau minimal de pension de réversion, fixé à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont bénéficierait ou aurait bénéficié l’assuré au moment de son décès, soit un taux similaire à celui du régime général.

L’alinéa 4 confère des droits comparables aux conjoints de non-salariés déjà décédés. Ce droit, également garanti à un niveau de 54 %, concerne les décès intervenus depuis le 1er janvier 2003, date de la mise en place du régime obligatoire de retraite complémentaire (RCO). Cet alinéa prévoit notamment la validation au titre de la réversion des points gratuits qui auraient pu être validés au titre du régime complémentaire, dispositif de rattrapage mis en place pour les assurés effectivement affilié à l’assurance vieillesse entre 1997 et la date de création du RCO.

Le II de la nouvelle rédaction permet au conjoint survivant de demander l’addition à ses annuités propres de celles cotisées par un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole décédé avant d’avoir demandé la liquidation de sa pension. Cela ouvre au conjoint survivant, le plus souvent l’épouse d’un exploitant, la possibilité d’un choix novateur entre le bénéfice de la pension de réversion au titre du RCO et celui des annuités cotisées par le défunt sur son propre compte.

Le second alinéa du II renvoie la définition des modalités d’application de cette disposition à la publication d’un décret.

*

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 414, AS 415, AS 416, AS 417, AS 418, AS 419, AS 420, AS 421 et AS 422 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 21 ainsi modifié.

Article 22

(art. L. 732-63 et L. 732-54-3-1 nouveaux du code rural et de la pêche maritime)


Mise en œuvre de la garantie « 75 % du SMIC » pour les exploitants agricoles

Institué par la loi n° 2002-308 du 4 mars 2002, le RCO visait explicitement à élever le niveau des petites pensions agricoles afin de garantir un versement minimal équivalent à 75 % du SMIC. Cet objectif n’ayant pas été atteint à ce jour, le projet de réforme doit attribuer aux retraités anciens chefs d’exploitation agricole, quelle que soit la date de liquidation de leur pension, un complément différentiel de points de RCO.

Afin d’intégrer ce droit nouveau, l’article 22 insère un article L. 732-63 à la suite de l’article L. 732-62 du code rural et de la pêche maritime.

Le I du présent article définit le champ des bénéficiaires du complément différentiel. Son 1° concerne les exploitants ayant liquidé leurs droits à pension avant le 1er janvier 1997 qui doivent avoir justifié de périodes minimum d’activité non salariée agricole et d’assurance en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, ces périodes étant accomplies à titre exclusif ou principal.

Le 2° concerne quant à lui les retraités ayant fait valoir leurs droits à compter du 1er janvier 1997. Ils doivent avoir justifié ou justifier d’une durée d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes « au moins égales à celles requises par l’article L. 732-25, dans sa rédaction en vigueur à la date d’effet de la pension de retraite », l’article L. 732-25 portant sur les règles de calcul des retraites intervenant avant l’âge légal de liquidation.

Ces périodes peuvent avoir été validées dans un ou plusieurs régimes obligatoires et doivent permettre l’ouverture des droits à une pension à taux plein du régime d’assurance vieillesse de base des personnes non salariées des professions agricoles et correspondre aux périodes minimum d’assurance accomplies en tant que chef d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre exclusif ou principal.

Le premier alinéa du II définit l’objectif du complément différentiel, à savoir de porter les retraites des exploitants agricoles à un montant minimum. Ces retraites sont appréhendées globalement, c’est-à-dire en additionnant le régime de base au RCO. Il lui donne effet à compter du 1er janvier 2015, pour les pensions liquidées avant cette date comme pour celles qui le seront à compter de cette date.

Le deuxième alinéa du II précise la date de calcul du montant minimal. Elle correspond à la date de revalorisation des pensions envisagée par le projet de loi, à savoir le 1er octobre. Pour les pensions liquidées avant l’entrée en vigueur du dispositif, c’est-à-dire le 1er janvier 2015, le montant minimum est calculé au plus tôt le 1er octobre 2015. Pour celle prenant effet à partir du 1er janvier 2015, le montant minimal est calculé au plus tôt le 1er octobre de l’année civile au cours de laquelle la pension de retraite prend effet. Dans le cas où la pension prend effet entre le 2 octobre et le 31 décembre, la référence est la date d’effet de la liquidation.

La détermination du montant minimum est l’objet du III. Il est fonction de la durée d’assurance des intéressés dans les régimes d’assurance vieillesse de base des non-salariés agricoles. Sont prises en compte la durée d’assurance en tant que non-salarié agricole et les périodes d’assurance validées en tant que chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, accomplies à titre exclusif ou principal.

Le IV traduit concrètement l’objectif d’un équivalent de 75 % du SMIC. Il prend ainsi comme base de calcul du montant minimal annuel, pour une carrière complète, un pourcentage de 1 820 fois le SMIC horaire, déductions faites des contributions et cotisations obligatoires dues au titre des régimes de base et complémentaires. Ce montant de 1 820 fois le SMIC correspond depuis 2003 à l’assiette minimale de cotisation des retraites agricoles. Le taux horaire de référence est celui en vigueur au 1er janvier 2015 pour les pensions ayant pris effet avant cette date, et, pour les pensions liquidées postérieurement, celui en vigueur au 1er janvier de l’année civile de liquidation.

Afin d’assurer une montée en charge progressive du dispositif, le pourcentage de référence évoluera par paliers d’un point supplémentaire chaque année, passant de 73 % au 1er janvier 2015 (c’est-à-dire un montant équivalent à la pension agricole moyenne des exploitants constatée aujourd’hui) à 75 % au 1er janvier 2017.

L’alinéa suivant renvoie la définition des modalités d’application de l’article à la publication d’un décret. Il doit notamment préciser le mode de calcul du complément différentiel de points, les modalités de prise en compte des modalités d’assurance RCO ainsi que celles d’appréciation de la carrière complète.

L’article 22 du projet de loi comporte également un II qui insère un article L. 732-54-3-1 nouveau à la suite de l’article L. 732-54-3 du code rural et de la pêche maritime. Son unique alinéa précise que dans le cas où un assuré peut prétendre au bénéfice de la pension majorée de référence (PMR) comme à celui du complément différentiel de RCO, c’est la PMR qui sera versée en priorité.

Le III tire les conséquences de l’instauration du complément différentiel de RCO en supprimant le second alinéa de l’article 1er de la loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création d’un RCO pour les non-salariés agricoles. Le complément différentiel visant désormais à garantir que les retraites agricoles équivalent au minimum à 75 % du SMIC, l’objet de l’alinéa en question, « Ce régime a pour objectif de garantir, après une carrière complète en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, un montant total de pension de retraite de base et de retraite complémentaire obligatoire au moins égal à 75 % du salaire minimum de croissance net » devient en effet caduc.

*

M. Jean-Pierre Barbier. Je voudrais faire remarquer à la Commission que le niveau de pension garanti pour la profession agricole – 75 % du SMIC – est inférieur au seuil de pauvreté. Les organisations professionnelles revendiquent une revalorisation de ce minimum à hauteur de 85 % du SMIC : il me semble que, pour des gens qui ont travaillé dur toute leur vie, ce n’est pas indécent ! J’aurais souhaité déposer un amendement en ce sens, mais cela n’a pas été possible en raison de l’article 40 de la Constitution. Il serait quand même souhaitable que notre société se préoccupe un peu plus des retraites agricoles !

M. Jean-Louis Costes. Un retraité agricole ne perçoit en effet que 680 euros par mois, alors que le seuil de pauvreté est de 964 euros. En outre, le montant de la pension est calculé sur la base d’une carrière entière, et non des 25 meilleures années, comme pour les salariés du privé, ou des 6 derniers mois, comme pour les fonctionnaires. Il faudrait remédier à ces distorsions flagrantes ! Augmenter de 10 % le niveau de pension garanti ne me semble pas insurmontable ; j’avais déposé un amendement en ce sens, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS 423, AS 424, AS 425 et AS 426 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 22 ainsi modifié.

Après l’article 22

La Commission est saisie de deux amendements portant articles additionnels après l’article 22.

Elle examine tout d’abord l’amendement AS 74 de Mme Brigitte Allain.

Mme Véronique Massonneau. Cet amendement vise à rendre plus juste le système de cotisations pour l’assurance vieillesse agricole. Le dispositif actuel fonctionne par paliers ; conçu initialement pour faire jouer la solidarité entre agriculteurs, il est devenu une source d’évasion fiscale, car il incite les agriculteurs à sous-déclarer une partie de leurs revenus. Il est nécessaire de s’adapter aux pratiques et d’instaurer une cotisation proportionnelle aux revenus.

M. le rapporteur. Avis défavorable : une telle mesure relève du pouvoir réglementaire. En outre, elle risquerait de provoquer une augmentation brutale du taux de cotisation de nombreux exploitants agricoles.

D’autre part, l’article 31 du présent projet de loi ouvre la possibilité de créer des tranches de cotisation différenciées dans le régime complémentaire des non-salariés agricoles ; votre amendement est donc satisfait sur ce point.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 75 de Mme Brigitte Allain.

Mme Véronique Massonneau. Actuellement, 74 % des cotisants agricoles, bien qu’ils aient un revenu inférieur au SMIC annuel, doivent acquitter une cotisation calculée sur la base de ce dernier. Nous proposons de supprimer cette assiette minimale et de rééquilibrer le dispositif en réajustant les taux de cotisation pour les revenus les plus élevés.

Dans l’état actuel du texte, la revalorisation des retraites agricoles est financée par une mise à contribution des montages sociétaires, qui sont de véritables lieux d’évasion sociale – 2,2 milliards échappent aux prélèvements sociaux via les dividendes versés aux membres de sociétés agricoles hors GAEC –, mais aussi par l’augmentation des cotisations à la retraite complémentaire obligatoire (RCO), dispositif pourtant injuste et inéquitable. Cela ne nous semble pas souhaitable.

M. le rapporteur. Avis défavorable : les cotisations de sécurité sociale sont déjà progressives et proportionnelles, puisqu’elles sont assises sur les rémunérations et plafonnées.

M. Gérard Bapt. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit une revalorisation du minimum retraite des agriculteurs. Pourquoi ne pas renvoyer cette discussion à son examen ?

La Commission rejette l’amendement.

Chapitre V

Ouvrir des solidarités nouvelles en faveur des assurés handicapés
et de leurs aidants

Article 23

(art. L. 351-1-3, L. 634-3-3, L. 643-3 et L. 723-10-1 du code de la sécurité sociale, art. L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 24 du code des pensions civiles et militaires)


Élargir l’accès à la retraite anticipée pour les travailleurs handicapés

La définition de la qualité de travailleur handicapé est donnée par l’article L. 5213-1 du code du travail aux termes duquel « est considérée comme travailleur handicapé au sens de la présente section toute personne dont les possibilités d’obtenir ou de conserver un emploi sont effectivement réduites par suite de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physique, sensorielle, mentale ou psychique. ». Cependant, la reconnaissance du handicap au travail relève de deux procédures distinctes : la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) ou la reconnaissance d’un taux d’incapacité permanente.

La première étape d’une demande de RQTH consiste d’adresser un dossier à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) du département. La demande est examinée par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (l’ancienne Cotorep) au regard de l’incapacité physique, psychologique ou mentale à exercer une activité professionnelle. Cette commission notifie sa décision au demandeur, un silence dans les quatre mois suivants le dépôt de la demande valant refus. L’obtention de la RQTH offre certains avantages, portant notamment sur l’accompagnement sur le marché du travail, ainsi que la jouissance de droits à la retraite anticipée. 830 000 personnes en bénéficiaient en 2012.

La reconnaissance d’un taux d’incapacité permanente relève d’une procédure distincte. Elle est encadrée par le code de l’action sociale et des familles. L’examen du guide-barème annexé à ce code montre qu’un taux d’incapacité de 50 % correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable, la fourchette 50 à 75 % correspondant à une « forme importante » d’incapacité. Si l’autonomie de la personne est conservée pour les actes de la vie quotidienne, son incapacité représente une entrave importante dans la vie professionnelle ou quotidienne qui nécessite une compensation spécifique. La seule fourchette de taux actuellement prise en compte, allant de 80 à 95 % correspond quant à elle à une « forme sévère ou majeure ».

En l’état du droit, la RQTH ou une incapacité permanente au moins égale à 80 % peuvent ouvrir des droits particuliers de pension. Depuis la loi de 2003 portant réforme des retraites et sous réserve d’une durée de cotisation suffisante, les personnes handicapées peuvent liquider leur pension à taux plein jusqu’à sept ans avant l’âge légal, c’est-à-dire à compter de 55 ans. Leur pension fait en outre l’objet d’une majoration. Le présent article élargit le nombre de bénéficiaire de ce dispositif en abaissant le seuil de handicap exigé. Il propose de remplacer les critères actuels (RQTH ou reconnaissance d’un taux d’incapacité permanente de 80 %) par le seul taux d’incapacité permanente dont le seuil serait abaissé à 50 %.

Le I modifie les articles du code de la sécurité sociale et du code rural et de la pêche maritime qui faisaient référence aux critères alternatifs de la RQTH ou d’un taux d’incapacité de 80 % pour les remplacer par le seul critère d’une « incapacité permanente d’au moins 50 % ». Il s’agit :

– de l’article L. 351-1-3 du code de la sécurité sociale, qui permet aux personnes handicapées de liquider leur droit à la retraite avant l’âge légal et de bénéficier d’une majoration de pension au titre des périodes cotisées en cette qualité dans le régime général ;

– de l’article 634-3-3 du même code qui traite quant à lui de l’âge de départ en retraite des personnes affiliées au régime des professions artisanales, industrielles et commerciales, ainsi que des majorations auxquelles elles peuvent prétendre ;

– du III de l’article L. 634-3 du même code pour les personnes relevant du régime des professions libérales ;

– du III de l’article L. 723-10-1 du même code en ce qui concerne le régime des avocats ;

– et, enfin, de l’article L. 732-18-2 du code rural et de la pêche maritime pour le régime des non-salariés des professions agricoles.

Dans la nouvelle rédaction, la référence à l’article L. 5213-1 du code du travail, devenue caduque, est supprimée. Elle comportait une approche large de la notion de travailleur handicapé rappelée au début du commentaire du présent article.

Le II couvre les agents de la fonction publique. Il opère symétriquement au I s’agissant de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires qui porte sur les conditions de liquidation des pensions civiles et militaires. Il modifie son 5° qui, en l’état, dispose qu’un « décret fixe les conditions dans lesquelles l’âge d’ouverture du droit à pension est abaissé, par rapport à un âge de référence de soixante ans, pour les fonctionnaires handicapés qui totalisent, alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente d’au moins 80 % ou qu’ils avaient la qualité de travailleur handicapé au sens de l’article L. 5213-1 du code du travail, une durée d’assurance au moins égale à une limite fixée par ce décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à versement de retenues pour pensions » pour lui appliquer la condition unique « d’une incapacité permanente d’au moins 50 % » au lieu de la RQTH ou du taux d’incapacité de 80 %.

Le III détermine quant à lui la date de prise d’effet de ces dispositions, fixée au 1er janvier 2014.

Votre commission a adopté un amendement défendu par Mme Martine Carrillon-Couvreur. Il crée un IV prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant l’opportunité de mettre en place un compte handicap/travail, et ce dans un délai d’un an à compter de la publication du présent projet de loi.

Aux termes de l’exposé sommaire de l’amendement, ce rapport s’intéresserait notamment à la possibilité de mobiliser les outils suivants : action de reconversion, recours à la formation professionnelle, modulation du temps de travail, majoration des trimestres et départ anticipé en retraite.

*

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 427 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 319 de Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Mon amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, un rapport étudiant l’éventuelle mise en œuvre d’un compte handicap/travail.

Je voudrais à cette occasion attirer l’attention des collègues et de la ministre sur le fait que la surexposition des personnes en situation de handicap à des facteurs d’usure de l’organisme, de vieillissement prématuré et de fatigabilité accrue est insuffisamment prise en compte par le projet de loi – même si celui-ci comporte des avancées intéressantes. Nous pensons qu’un compte handicap/travail, conçu sur le modèle du compte pénibilité, permettrait de prêter une plus grande attention aux situations individuelles.

M. Denis Jacquat. Je trouve cette proposition extrêmement intéressante. Nous avions retenu à l’époque 55 ans comme âge minimum pour pouvoir bénéficier d’une retraite anticipée pour cause de handicap, mais, pour certaines personnes dont l’incapacité est importante et qui sont particulièrement usées, c’est un âge beaucoup trop élevé. Le dispositif proposé me semble à la fois bienvenu et logique, puisqu’il serait le symétrique du compte pénibilité que vous souhaitez instaurer.

M. le rapporteur. Avis favorable : il serait bon de regarder comment pourrait fonctionner un compte pénibilité qui s’appuierait sur un compte handicap/travail, et un rapport permettrait de le faire efficacement.

À l’occasion de la préparation de l’examen de cet article, plusieurs associations de handicapés m’ont fait part de leur émotion face à ce qu’ils ont interprété comme une suppression de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) – alors que son remplacement par le critère d’une incapacité permanent d’un 50 % constitue a priori un progrès par rapport aux exigences précédentes. Pourriez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet, madame la ministre ?

Mme la ministre. Madame la députée, j’entends votre préoccupation : nous allons regarder comment aller de l’avant tout en maintenant le critère de la RQTH pendant une période transitoire, de manière à répondre aux préoccupations de ceux qui sont sur le point de partir en retraite.

Néanmoins, le critère de la RQTH permet d’apprécier l’insertion dans la vie professionnelle ; si l’on s’en sert pour déterminer les conditions de départ en retraite, on le transforme en mécanisme d’aide sociale, ce qui n’est pas son objectif. C’est pourquoi nous proposons d’abaisser de 80 à 50 % le taux d’invalidité exigé pour pouvoir bénéficier des conditions de départ en retraite anticipée – critère plus juste et de nature à tenir compte de certaines situations de handicap justifiant un départ en retraite anticipée.

Toutefois, je comprends que cela risque de bouleverser des projets de départ en retraite ; conformément à la méthode que nous avons suivie jusqu’à présent, nous serons donc attentifs à votre suggestion, en veillant à ce que le double critère puisse s’appliquer de manière transitoire, par exemple jusqu’au 31 décembre 2015. Le Gouvernement examinera avec intérêt tout amendement en ce sens.

M. Denis Jacquat. Il faudrait également réduire la durée d’assurance minimale exigée pour pouvoir partir à 55 ans.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Même si cette mesure ne concerne qu’un petit nombre de personnes, on ne peut pas tout changer brutalement.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 23 modifié.

Article 24

(art. L. 351-8 du code de la sécurité sociale,
art. L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite et
art. 21 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites)


Extension de l’obtention de la retraite à taux plein dès l’âge légal pour les tous assurés justifiant de 50 % de taux d’incapacité permanent

Depuis la loi portant réforme des retraites de 2010, les personnes justifiant d’un taux d’incapacité permanente au moins égal à 50 % peuvent partir à taux plein à 65 ans, soit deux ans avant l’âge légal.

Le présent article vise à accorder le bénéfice d’une retraite à taux plein à 62 ans, neutralisant toute décote ou coefficient de minoration dans la fonction publique.

Ainsi, le I substitue une nouvelle rédaction au 1° ter de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale. Celui-ci était rédigé comme suit « Les assurés handicapés qui atteignent l’âge de soixante-cinq ans ». Tel que modifié, les bénéficiaires devront justifier d’un taux d’incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret, annoncé à 50 % par l’étude d’impact, et atteindre l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du même code, c’est-à-dire « soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 ».

Le II modifie l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires et porte plus particulièrement sur les conditions de neutralisation du coefficient de minoration des pensions de retraites dans la fonction publique. La neutralisation était acquise aux personnes handicapées touchées par une incapacité permanente de 80 %. Cet alinéa remplace ce seuil par un « taux fixé par décret », également annoncé à 50 %.

Le III modifie le VI de l’article 21 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites en substituant à la condition d’âge de « 65 ans pour les assurés handicapés » l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, sous réserve de « justifier d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret » (c’est-à-dire de 50 %). Cet âge est fixé à « soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955 ». Cet âge est fixé par décret « dans la limite de l’âge mentionné au premier alinéa pour les assurés nés avant le 1er janvier 1955 » et, pour ceux nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1954, de manière croissante à raison de :

– quatre mois par génération pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1951 ;

– cinq mois par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1952 et le 31 décembre 1954.

L’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale renvoie au code rural et de la pêche maritime, rendant ces dispositions applicables au régime des non-salariés agricoles.

Enfin, le IV détermine la date de prise d’effet de ces dispositions, fixée au 1er janvier 2014.

*

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 428 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 24 ainsi modifié.

Article 25

(art. L. 381-1, L. 753-6, L. 634-2, L. 643-1-1, L. 723-10-1-1 du code de la sécurité sociale, L. 732-38 du code rural et de la pêche maritime, art. L. 351-4-2 nouveau du code de la sécurité sociale)


Mieux reconnaître les droits à l’assurance vieillesse des aidants familiaux de personnes handicapées ou de personnes âgées dépendantes

Le soutien aux aidants familiaux repose sur la suppression de la condition de ressources posée au bénéfice de l’affiliation gratuite et obligatoire à l’assurance vieillesse de parents au foyer ainsi que l’extension aux aidants familiaux de personnes lourdement handicapées de la majoration de durée d’assurance accordée aux parents d’enfants handicapés.

Au 1er alinéa, le I modifie l’article L. 381-1 du code de la sécurité sociale. Son 1° supprime la condition de ressources inscrite au troisième alinéa de l’article L. 381-1. Le 2° la supprime également aux quatrième, cinquième et sixième alinéas afin d’inclure tous les cas où une personne est conduite à prendre en charge une personne handicapée.

Le II propose une nouvelle rédaction à l’article L. 753-6 du même code, déclinée à l’alinéa suivant. Il étend l’affiliation obligatoire des personnes décrites en 1° « résidant dans les départements mentionnés à l’article L. 751-1 », c’est-à-dire en Guadeloupe, Guyane, Martinique et sur l’île de la Réunion.

Le III modifie le code de la sécurité sociale. Son 1° introduit un article L. 351-4-2 nouveau. Il organise l’attribution d’une majoration de durée d’assurance d’un trimestre par période de trente mois lorsqu’un assuré social assume au foyer familial la prise en charge permanente d’un adulte handicapé. Son incapacité permanente doit être supérieure à un taux fixé en décret, a priori de 80 %, soit un taux équivalent à celui ouvrant le droit à versement de la prestation de compensation du handicap. Ce droit est ouvert aux conjoint et concubin, à la personne avec laquelle la personne handicapée aurait conclu un PACS, son ascendant, descendant, collatéral de l’ascendant et du descendant ou bien au collatéral de l’un des membres du couple. Ces dispositions suivent l’article L. 351-4-2 qui porte sur l’attribution d’une bonification comparable pour les personnes prenant en charge un enfant lourdement handicapé.

Le 2° modifie la rédaction de l’article L. 634-2 qui porte sur les conditions de calcul des prestations des régimes d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales afin d’y intégrer les droits nouveaux ouverts en 1°. Il substitue les références aux mots « L. 351-4, L. 351-4-1 » les mots « L. 351-4 à L. 351-4-2 » ce qui permet d’intégrer un renvoi aux dispositions existantes ainsi qu’à l’article nouvellement créé au 1° de ce paragraphe III.

À la même fin et de la même manière, le 3° de l’alinéa suivant modifie l’article L. 643-1-1 portant sur les conditions de liquidation des retraites de bases servies par le régime d’assurance vieillesse des professions libérales et l’article L. 723-10-1-1 qui porte sur la fixation des retraites de base du régime des avocats.

Le IV du présent article modifie l’article L. 732-38 du code rural et de la pêche maritime dans le même sens afin d’étendre le bénéfice de ce dispositif aux non-salariés agricoles.

Au dernier alinéa, le V définit le calendrier de mise en œuvre de ces dispositions : 1er janvier 2014 pour les dispositions des I et III et le 1er janvier 2015 pour le II.

*

La Commission adopte l’amendement rédactionnel AS 429 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 25 ainsi modifié.

TITRE III

SIMPLIFIER LE SYSTÈME ET RENFORCER SA GOUVERNANCE

Chapitre Ier

Simplifier l’accès des assurés à leurs droits

Article 26

(art.
L. 161-17 du code de la sécurité sociale)

Création d’un compte individuel de retraite en ligne

Le présent article vise à renforcer le droit à l’information des assurés en créant un nouveau service en ligne leur donnant accès à tout moment à leurs informations retraite.

La loi du 21 août 2003 a introduit le droit à l’information des assurés à l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale. Dans un premier temps, il s’est traduit concrètement par :

– la fourniture, à la demande de l’assuré, d’un relevé de situation individuelle (RIS) l’informant des droits acquis et trimestres cotisés auprès des régimes de retraite légalement obligatoires. Ce relevé est automatiquement envoyé dès l’âge de 35 ans et tous les cinq ans par la suite ;

– la fourniture à l’assuré, à partir de ses 55 ans, d’une estimation indicative globale (EIG) du montant de la pension qu’il pourrait percevoir (article D. 161-2-1-7 du code de la sécurité sociale).

La mise en œuvre du droit à l’information est coordonnée par le GIP Info retraite, groupement d’intérêt public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière composé de l’ensemble des organismes et services chargés de la liquidation des pensions de retraites soumises au droit à l’information.

La loi du 9 novembre 2010 a complété l’article L. 161-17 pour prévoir trois nouvelles mesures :

– l’envoi, dès la constitution des premiers droits à la retraite, d’une information générale sur le système de retraite par répartition, notamment sur les règles d’acquisition de droits à pension et l’incidence sur ces derniers des événements susceptibles d’affecter la carrière ;

– l’envoi électronique du relevé de situation individuelle à la demande de l’assuré ;

– la mise en place d’un entretien personnalisé avec un agent des caisses de retraite à 45 ans.

Le développement du droit à l’information a permis d’améliorer considérablement pour les assurés la lisibilité de leurs droits à retraite et a, dans le même temps, conduit tous les régimes à organiser des échanges lourds de données, comme à construire des documents d’information mutualisés.

Malgré cela, les enquêtes de la CNAV montrent que les assurés sont souvent peu informés des règles qui leur sont applicables (ils ont souvent liquidé leur pension sans même connaître le « taux plein ») ainsi que des articulations entre emploi et retraite, pourtant essentielles pour développer l’emploi des seniors et faciliter les transitions de fin de carrière.

Le rapport Moreau préconisait ainsi de prolonger cette démarche, en proposant un projet ambitieux, dont le présent article reprend la trame.

Le I modifie l’article L. 161-17 précité.

Le crée un I en tête de l’article L. 161-17, afin de consacrer le droit à l’information des assurés sur le système de retraite par répartition.

Le supprime les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 161-17, relatifs à l’information des futurs expatriés, pour les déplacer à la fin de l’article.

L’article L. 161-17 est réorganisé en six parties :

– le I pose donc le principe du droit à l’information ;

– le II est relatif à l’information générale sur le système de retraite des jeunes actifs, et à l’entretien individuel à 45 ans ;

– le III traite du relevé individuel de situation ; il est modifié pour créer un compte individuel retraite en ligne, tous régimes, interface unique entre l’assuré et ses régimes ;

– le IV traite de l’estimation indicative globale (EIG) ; la phrase prévoyant que l’EIG est effectuée quel que soit l’âge de l’assuré lorsque celui-ci est engagé dans une procédure de divorce est supprimée : en effet, lorsque l’assuré est encore jeune, cette estimation n’a pas beaucoup de sens ;

– le V reprend les dispositions relatives à l’information des personnes qui envisagent une expatriation ;

– le VI regroupe les dispositions relatives à la mise en œuvre du droit à l’information et au GIP Info Retraite. À l’initiative de votre rapporteur, la commission a adopté un amendement supprimant les dispositions relatives à ce groupement d’intérêt public, afin que ses compétences soient reprises par le GIP créé à l’article 27 et rassemblant les mêmes membres.

Le compte de retraite individuel en ligne, créé au III, donnera aux assurés un accès à tout moment aux informations relatives à leur régime et aux droits qu’ils ont acquis. Ils pourront faire des simulations sur leurs pensions, et échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés.

Certaines démarches administratives pourront être effectuées en ligne, notamment au moment de la liquidation : l’étude d’impact indique que l’assuré n’aura qu’une seule demande à faire, via une déclaration en ligne pré-remplie.

Le II du présent article dispose que le service en ligne entrera en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard au 1er janvier 2017.

La mise en œuvre de ce compte en ligne interviendra par voie réglementaire, mais également conventionnelle ; elle sera pilotée par le GIP Info-retraite. Ce compte en ligne sera fortement appuyé, à terme, sur le projet de répertoire général des carrières unique (RGCU), qui doit regrouper toutes les données élémentaires de carrière éventuellement mobilisables pour ouvrir des droits à l’assurance retraite.

L’étude d’impact indique que la simplification liée à la mise en place du compte et des démarches en ligne permettra de dégager des économies, estimées à 200 millions d’euros à l’horizon 2020.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 27 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. La construction progressive de notre système de retraite a introduit une grande complexité de gestion : aujourd’hui, 35 régimes différents gèrent la retraite de base et plusieurs centaines d’institutions sont impliquées, à un titre ou un autre, dans la gestion du système. Cette atomisation du paysage présente un double inconvénient : elle complexifie la délivrance du service et elle est coûteuse, sans pour autant apporter une qualité de service supérieure aux autres pays européens.

Pour simplifier le système, la loi prévoit la création d’« un service en ligne », un guichet unique des retraites qui permettra aux usagers d’entrer en contact avec l’ensemble des régimes et à ces derniers de se concentrer sur leur cœur de mission, la liquidation des pensions et le conseil, sans pour autant perdre leur autonomie de gestion. On réalisera ainsi des économies significatives, en limitant le volume des démarches nécessaires.

Dans son discours du 27 août, le Premier ministre appelait ce service en ligne le « compte retraite unique ». Cet amendement vise à reprendre cette dénomination dans le projet de loi.

M. Philippe Vigier. On cherche dans ce texte à faire des économies et à accroître la transparence : cette proposition va dans le même sens. En plus, il s’agit d’une idée du Premier ministre : autant la relayer ! Pour les polypensionnés, le texte prévoit un calcul unique, avec un guichet unique ; nous ne proposons finalement qu’une extension de cette disposition…

M. le rapporteur. Avis défavorable : la dénomination du GIP ne relève pas de la loi !

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette également l’amendement AS 28 de M. Arnaud Robinet.

Elle en vient l’amendement AS 29, du même auteur.

M. Arnaud Robinet. Toujours dans son discours du 27 août, le Premier ministre annonçait « la création d’un simulateur de retraite en ligne », afin de donner à nos concitoyens une meilleure visibilité sur leur future retraite. Cet amendement vise à introduire cette disposition dans le projet de loi.

M. le rapporteur. Avis défavorable : vous compliquez à dessein le texte, en y introduisant des choses qui n’ont pas à y être ! Le simulateur sera mis en place le plus vite possible – un premier outil devrait être disponible dès 2015.

M. Jean-Pierre Door. Je ne comprends pas que l’on refuse ces amendements, alors que le texte prétend simplifier l’accès des assurés à leurs droits. À la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), nous avions fait il y a plusieurs années un rapport sur les coûts de gestion et d’organisation des branches de la sécurité sociale, dans lequel nous recommandions déjà la mise en place de ce genre d’outils ! Pourquoi la refuser aujourd’hui ?

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 467 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement tend à supprimer les dispositions relatives au groupement d’intérêt public (GIP) « Info Retraite ». En effet, même s’il fonctionne bien, celui-ci est appelé à être absorbé par un nouveau GIP, qui comprendra les mêmes membres – à savoir l’ensemble des régimes obligatoires de base et complémentaires –, et qui reprendra les missions relatives à la mise en œuvre du droit à l’information des assurés.

M. Arnaud Robinet. Pourtant, vous aviez déclaré ces mêmes arguments irrecevables lorsque nous avions demandé une simplification du système à l’article 3… Que d’incohérence !

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 26 modifié.

Article 26 bis (nouveau)

(art.
L. 8157 du code de la sécurité sociale)

Amélioration de l’information des personnes éligibles à l’allocation de solidarité aux personnes âgées

Adopté par votre commission, le présent article additionnel a pour objet de lutter contre le non-recours à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Il prévoit que les caisses de retraite doivent informer les bénéficiaires potentiels de l’ASPA du fait qu’ils sont potentiellement éligibles dispositif.

Une partie des personnes éligibles à l’ASPA sont dissuadées d’y recourir par le risque de récupération sur succession. Les sommes versées peuvent en effet être récupérées par l’aide sociale quand l’actif net successoral dépasse la somme de 39 000 euros.

Néanmoins, il existe un mécanisme de sanctuarisation du capital d’exploitation agricole pour éviter un recours sur un patrimoine qui constitue également un instrument de travail. Il est donc vraisemblable que le risque de recours sur succession ne suffise pas à expliquer le taux de recours faible à l’ASPA.

La mesure proposée devrait permettre d’améliorer la connaissance du dispositif et d’augmenter le taux de recours à cette allocation.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 310 de M. Christophe Sirugue, portant article additionnel après l’article 26.

M. Christophe Sirugue. Nous nous sommes aperçus en travaillant sur le projet de loi que le taux de recours à l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) était particulièrement faible. On aurait pu penser que c’était parce que cette aide sociale pouvait faire l’objet d’un recours sur succession, mais ce cas de figure semble relativement rare et la véritable cause est plus vraisemblablement une mauvaise connaissance du dispositif.

Pour y remédier, le présent amendement tend à inverser la charge de la sollicitation : ce sera à l’administration de faire savoir aux bénéficiaires potentiels de l’ASPA qu’ils sont éligibles au dispositif. Une telle mesure permettrait d’améliorer le niveau de vie de retraités dont les pensions sont inférieures à 787,26 euros par mois.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un vrai problème : la Cour des comptes a relevé que l’ASPA n’était pas utilisée comme elle le pourrait.

Avis favorable donc, sous réserve de supprimer le terme « impérative », afin d’éviter tout risque de contentieux.

M. Christophe Sirugue. J’en suis d’accord.

M. Arnaud Robinet. Cet amendement n’introduit-il pas une charge supplémentaire ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous nous contentons d’appliquer le droit, monsieur Robinet : l’ASPA a été évaluée au départ.

M. Arnaud Robinet. Comme le RSA, dont le coût dépasse aujourd’hui largement l’évaluation initiale !

M. le rapporteur. Monsieur Robinet, nous avons fait des lois pour permettre à ceux qui se trouvent à l’âge de 65 ans en grande difficulté financière de survivre dignement. Et vous, vous dites : « S’ils ne savent pas qu’ils peuvent bénéficier de cette aide, qu’ils se débrouillent autrement » ? J’ai du mal à vous suivre !

M. Arnaud Robinet. Ne caricaturez pas mes propos !

M. le rapporteur. En tout cas, ce n’est pas notre conception de la loi, ni de notre rôle. La loi prévoit des droits, à nous d’en informer les bénéficiaires potentiels !

M. Christophe Sirugue. Contrairement à ce que d’aucuns prétendent, les droits sociaux sont peu sollicités. Faire en sorte que celles et ceux qui étaient visés par ces dispositifs puissent en bénéficier, ce n’est pas créer une charge supplémentaire ! Je suis moi aussi surpris par la remarque de M. Robinet – mais il est vrai qu’il n’y a pas si longtemps, on se contentait de noter que les taux de recours étaient insuffisants, sans rien faire pour les améliorer.

La Commission adopte l’amendement rectifié.

Article 27

(art.
L. 161-17-1, L. 161-1-6, L. 161-1-7, L. 161-17-1-1 [nouveau]
et L. 161-17-1-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale)


Création d’une Union des institutions et services de retraite

Le présent article crée une nouvelle instance de pilotage regroupant l’ensemble des régimes légalement obligatoires, dénommée « union des institutions et services de retraite », sous forme de groupement d’intérêt public.

Elle sera chargée du pilotage et de la coordination des projets de mutualisation et de simplification entre régimes.

Le I modifie le titre du paragraphe relatif à l’information des assurés, au sein des dispositions relatives aux prestations d’assurance vieillesse du code de la sécurité sociale, qui devient : « Information et simplification des démarches des assurés ».

Le II réécrit l’article L. 161-17-1 du même code, abrogeant les dispositions relatives au répertoire national des retraites et des pensions (RNR), créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Ce répertoire, géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), avait été créé afin d’améliorer la connaissance statistique sur les effectifs des retraités et les montants des retraites et de faciliter la coordination entre les régimes de retraites.

L’article L. 161-17-1 tel que proposé crée l’Union des institutions et services de retraites, groupement d’intérêt public (GIP) répondant au statut visé par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 (57), qui précise notamment que le GIP est une personne morale de droit public dotée de l’autonomie administrative et financière, constituée par convention approuvée par l’État soit entre plusieurs personnes morales de droit public, soit entre l’une ou plusieurs d’entre elles et une ou plusieurs personnes morales de droit privé. Ces personnes « y exercent ensemble des activités d’intérêt général à but non lucratif, en mettant en commun les moyens nécessaires à leur exercice ».

Le nouveau GIP regroupe, au sein de son assemblée générale, l’ensemble des régimes obligatoires, de base et complémentaires. À l’initiative de la commission des Finances, votre commission a adopté un amendement intégrant la Caisse des dépôts et consignations parmi les membres du GIP. En effet, la Caisse des dépôts gère un grand nombre de régimes de retraite (58) et a, à ce titre, acquis une certaine expertise de la mutualisation entre régimes. Il est doté d’un conseil d’administration au sein duquel devraient siéger les représentants des principaux régimes. La gouvernance du GIP sera précisée par ses propres membres dans sa convention constitutive.

Dans le projet de loi du Gouvernement, le GIP Info Retraite coexiste avec ce nouveau GIP, bien que les membres en soient les mêmes. À l’initiative de votre rapporteur, la commission a adopté un amendement prévoyant que le nouveau GIP reprenne les compétences du GIP Info Retraite. L’absorption du premier par le nouveau devrait avoir lieu avant le 1er juillet 2014.

3. Les missions de l’Union des institutions et services de retraite

Le deuxième alinéa de l’article L. 161-17-1 dispose que « L’Union assure le pilotage stratégique de l’ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation ayant pour objet d’améliorer les relations des régimes avec leurs usagers dans lesquels plusieurs de ses membres sont engagés et veille à leur mise en œuvre ». Ainsi, elle peut être amenée à piloter des projets qui ne concernent qu’une partie des régimes. Ce sera le cas du calcul et du service uniques de la pension des polypensionnés prévu à l’article 28 du présent projet de loi ou de la mutualisation du service des petites pensions (article 29).

Le texte précise qu’elle assure « notamment » le pilotage des projets prévus aux nouveaux articles L. 161-17-1-1 et L. 161-17-1-2 (actuellement articles L. 161-1-6 et L. 161-1-7), c’est-à-dire :

– le projet d’échanges inter-régimes de retraites (EIRR), qui permettent aux organismes utilisateurs de déterminer, sans interroger l’assuré le montant des droits à majoration de pension de réversion et à minimum contributif tous régimes, la pension de réversion, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI) et les anciennes allocations du minimum vieillesse (59) ;

– le projet de répertoire de gestion des carrières unique (RGCU), créé par l’article 9 de la loi du 9 novembre 2010, qui doit rassembler l’ensemble des informations concernant la carrière des assurés de chacun des régimes concernés ; géré par la CNAV, ce répertoire doit être alimenté régulièrement par l’ensemble des régimes de base. Le 1° du IV l’étend aux régimes complémentaires. Le prévoit qu’il enregistrera également les points acquis par les salariés sur leur compte personnel de prévention de la pénibilité.

Votre rapporteur souligne que depuis la loi du 9 novembre 2010, les décrets prévus pour l’application des articles L. 161-1-6 et L. 161-1-7 n’ont toujours pas été pris.

Le III du présent article « recodifie » les dispositions concernant l’EIRR et le RGCU dans le paragraphe « Information et simplification des démarches », aux articles L. 161-17-1-1 et L. 161-17-1-2.

Le troisième alinéa de l’article L. 161-17-1, dans la rédaction proposée par le présent article (II), dispose que les relations du GIP avec l’État seront précisées dans le cadre d’un contrat d’objectifs pluriannuel conclu pour une période minimale de quatre ans.

Ce contrat sera accompagné d’un schéma directeur des systèmes d’information de l’assurance vieillesse.

Les projets de mutualisation seront sous la responsabilité opérationnelle des principaux régimes, mais le GIP leur apportera une réelle efficacité dans la réalisation des nouveaux outils communs. Les régimes continueront à assurer le financement des projets.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 491 de la Commission des finances.

M. Pascal Terrasse, rapporteur pour avis de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cet amendement répond à une demande de la Caisse des dépôts et consignations, notamment des parlementaires qui siègent au sein du conseil de surveillance, et en particulier du président Henri Emmanuelli.

Le pilotage de la démarche de simplification voulue par le Gouvernement est confié à une structure interrégimes, le GIP « Union des institutions et services de retraites ». Or la Caisse des dépôts et consignations gère des régimes de retraite qui seront membres du GIP, sans que la Caisse des dépôts y soit elle-même représentée. Le présent amendement tend à combler cette lacune.

M. le rapporteur. Bien qu’elle ne soit pas un organisme de retraite à proprement parler, la Caisse des dépôts et consignations joue en effet un grand rôle dans la gestion des régimes de retraite. Il serait bon qu’elle soit représentée afin de faire bénéficier le GIP de son expertise en la matière. Avis favorable, donc.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 30 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Il s’agit d’un amendement rédactionnel : l’objectif de cette loi étant une mutualisation sur l’ensemble du périmètre et, à défaut, sur une partie, il vaut mieux utiliser « tout ou partie » plutôt que « plusieurs ».

M. le rapporteur. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS 468 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le GIP « Union des institutions et services de retraites » doit reprendre les compétences du GIP « Info Retraite » relatives à la mise en œuvre du droit à l’information des assurés.

M. Denis Jacquat. Cela signe la disparition du GIP « Info Retraite » qui fonctionnait pourtant très bien.

M. le rapporteur. Les membres de l’ancien dispositif sont intégrés à une structure plus vaste qui aura une vocation plus large.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS 32 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec la rédaction de l’alinéa précédent qui utilise les termes « projets de coordination, de simplification et de mutualisation »

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le terme « projets » est plus restrictif que le mot « objectifs ».

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS 33 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. L’expression « organismes assurant la gestion des régimes de retraite légalement obligatoires ainsi que les services de l’État chargés de la liquidation des pensions » est utilisée à l’article 3, puis reprise aux articles 26 et 27. Elle est plus précise et moins ambiguë que les termes « assurance vieillesse ». Je vous propose d’harmoniser le texte en ce sens.

M. le rapporteur. Avis défavorable. La formulation proposée me paraît trop longue et trop lourde.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS 34 du même auteur.

M. Arnaud Robinet. Le délai standard des conventions d’objectifs et de gestion (COG) est de quatre ans. Le contrat défini dans cet article doit être cohérent avec le cadre classique des COG.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement AS 35 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Dans le cadre du PLFSS, le Gouvernement doit être tenu informé de l’état d’avancement des travaux des différents projets de simplification, de coordination et de mutualisation.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le programme de qualité et d’efficience de la branche retraite, annexé au PLFSS, comporte déjà des indicateurs relatifs au droit à l’information. Cette disposition inutile n’a donc pas sa place dans le texte.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS 36 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Le GIP Union des institutions et services de retraites assure le pilotage stratégique et la mise en œuvre des projets de coordination, et simplification et de mutualisation. Le comité de surveillance des retraites a pour but de s’assurer de la viabilité du système et de tirer la sonnette d’alarme si besoin. Ses membres devront émettre chaque année leurs recommandations visant à pérenniser le système de retraite. On mesure l’ampleur de la tâche !

Afin que l’avis du comité de surveillance des retraites soit aussi informé et complet que possible, le GIP « Union des institutions et services de retraites » devrait lui communiquer l’ensemble des informations dont il dispose.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Monsieur Robinet, pourquoi charger le GIP d’une mission supplémentaire alors que vous reconnaissez vous-même « l’ampleur de la tâche » qui lui incombe ?

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de précision AS 473 du rapporteur.

Puis elle en vient à l’amendement AS 474 du même auteur.

M. le rapporteur. Un délai de six mois est nécessaire pour la création du nouveau GIP et sa fusion avec le GIP Info Retraite.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 27 modifié.

Article 27 bis (nouveau)

(art.
L. 6, L. 7, L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite et
article
L. 161 17 2 du code de la sécurité sociale)

Réduction à deux ans de la durée des services effectifs nécessaire pour obtenir une pension militaire

Issu d’un amendement présenté par le Gouvernement, le présent article vise à permettre aux militaires quittant l’armée avant 15 ans de service, mais en ayant accompli deux ans de service, de pouvoir prétendre à une pension du code des pensions civiles et militaires de retraite.

En vertu de l’article L. 65 du code des pensions civiles et militaires de retraite (CPCMR), les militaires et les fonctionnaires qui quittent le service sans pouvoir obtenir un droit à pension de ce code sont rétablis à titre rétroactif à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale et à l’institution de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC). Ils bénéficient des retraites de ces régimes, selon leurs règles propres, comme s’ils y avaient toujours été affiliés.

La loi du 9 novembre 2010 a abaissé la « clause de stage » de quinze ans à deux ans pour les fonctionnaires civils, supprimant de ce fait toute affiliation rétroactive au régime général et à l’IRCANTEC pour les fonctionnaires justifiant d’au moins deux ans de service. Les militaires n’ont pas bénéficié de cette modification de la clause de stage à cette occasion.

À court terme, cette mesure se traduit par une perte de recettes pour le régime général et l’IRCANTEC. À long terme, cette mesure aboutit à un transfert de charge du régime général et de l’IRCANTEC vers le régime des pensions civiles et militaires de retraite, qui n’engendra toutefois pas de surcoût significatif.

Cette modification ne change ni l’âge d’ouverture des droits à la retraite, ni la durée d’assurance requise pour le taux plein.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 495 du Gouvernement, portant article additionnel après l’article 27.

Mme la ministre. Lors de la réforme des retraites de 2010, la durée de service minimale des fonctionnaires civils pour obtenir un droit à pension, dite « clause de stage », a été ramenée de quinze à deux ans. Cet amendement vise à étendre cette disposition aux militaires.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. le rapporteur pour avis. Madame la ministre, en tant que vice-président de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC), je souhaite en savoir plus sur les conséquences financières de cette mesure pour ce régime.

Mme la ministre. Nous avons pour objectif de ne pas générer de surcoût : dans un premier temps, les recettes de l’IRCANTEC diminueront mais, dans un second temps, ce sera aussi le cas du montant total des pensions versées.

M. Philippe Vigier. L’exposé sommaire de l’amendement comporte une phrase ainsi rédigée : « À long terme, cette mesure aboutit à un transfert de charge du régime général et de l’IRCANTEC vers le régime des pensions civiles et militaires de retraite, qui n’engendra toutefois pas de surcoût significatif. » Madame la ministre, comment définissez-vous le « long terme » ? Par ailleurs, le coût de cette mesure a-t-il été calculé ?

Je note que ce dispositif va à nouveau à l’encontre du rapprochement entre secteur public et secteur privé que nous appelions de nos vœux. Vous créez même, en quelque sorte, une niche supplémentaire, ce qui ne va pas dans le sens d’une harmonisation entre les régimes, qu’ils soient spéciaux ou pas.

M. Denis Jacquat. Madame la ministre, la question de M. Pascal Terrasse laisse supposer que l’IRCANTEC n’a pas été consultée, ou très peu.

Mme la ministre. Cette disposition résulte d’un engagement à l’égard des militaires pris lundi dernier, à Cherbourg, par le Président de la République. Il a souhaité que les règles appliquées aux militaires ne diffèrent pas de celles applicables aux fonctionnaires civils. Même lorsque le temps passé sous les drapeaux n’atteint pas quinze ans, il semble juste de reconnaître l’engagement et le travail de ces personnels en leur permettant de bénéficier d’une pension – étant donné la nature des contrats proposés, ils sont assez nombreux dans ce cas.

Monsieur Vigier, les prestations à long terme seront servies par l’État au fur et à mesure des liquidations. Nous opérons seulement un transfert entre régimes, ce qui n’est pas coûteux pour les finances publiques. Les sommes en jeu sont évaluées à environ 50 millions d’euros.

M. Philippe Vigier. Pour ma part, je ne suis pas convaincu. Il y a bien un surcoût que vous venez d’évaluer. Il sera financé par les régimes spéciaux dont nous savons déjà qu’ils sont déficitaires. J’entends ce que vous dites sur la spécificité du cas des militaires contractuels qui n’effectuent pas quinze ans de service. À ma connaissance, ils bénéficient déjà toutefois d’avantages spécifiques du fait même des responsabilités liées à leurs missions.

Votre amendement crée de nouvelles inégalités. Nous espérions que votre réforme permettrait une certaine convergence entre le public et le privé ; il est clair que ce n’est pas le cas. Elle accroît même les divergences, et vous créez un régime spécial à l’intérieur d’un régime spécial.

Pourquoi ne pas rétablir le bénéfice de la retraite anticipée dont bénéficiaient les personnels de l’éducation nationale ayant élevé plusieurs enfants ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Vigier, la mesure défendue par le Gouvernement ne fait que prolonger celle que vous avez voulue en 2010. Quant à la disposition concernant les femmes ayant élevé trois enfants, c’est vous qui l’avez supprimée !

M. Bernard Accoyer. Malheureusement, la défense nationale est devenue la variable d’ajustement du déficit budgétaire. Aujourd’hui, il me semble nécessaire de soutenir les militaires qu’inquiète, à juste titre, le traitement que fait subir le Gouvernement à leur budget. Je ne m’opposerai pas à cet amendement.

M. le rapporteur pour avis. Les arguments de la ministre sont pertinents. Je rappelle que l’IRCANTEC ne constitue pas un régime spécial mais un régime complémentaire.

Le montant de la soulte appelé par l’État restant comparativement modeste, je suis très favorable à l’amendement.

La Commission adopte l’amendement.

Article 28

(art.
L. 173-1-2 [nouveau] du code de la sécurité sociale)

Calcul unifié de la retraite des polypensionnés des régimes alignés

Le présent article propose, pour les assurés affiliés successivement ou simultanément à plusieurs régimes alignés (régime général, régime social des indépendants, régime des salariés agricoles), de calculer la pension comme si l’assuré avait relevé d’un seul régime. Cette mesure permettra de soumettre au même traitement les polypensionnés et monopensionnés, dès lors qu’ils relèvent de régimes à règles comparables.

Le neuvième rapport du Conseil d’orientation des retraites (2011) était consacré à la question des polypensionnés. Il a montré que cette situation était à la fois source de complexité pour les assurés, et d’injustices.

Lorsqu’un assuré a relevé de plusieurs régimes au cours de sa carrière, chaque régime liquide sa pension en la calculant sur la base des cotisations versées dans ce régime, quand bien même ces régimes auraient des règles de calcul quasi-identiques (ce qui est le cas des régimes alignés).

Seul le taux applicable au salaire annuel moyen (décote / surcote) est déterminé en totalisant les trimestres validés dans tous les régimes, dans la limite de quatre trimestres par an. Sont aussi pris en considération de manière coordonnée :

– les vingt-cinq meilleures années du salaire annuel moyen (SAM), réparties entre régimes au prorata temporis (si un assuré a relevé dix ans du régime général et trente ans du régime social des indépendants, le régime général calculera un SAM fondé sur un quart de vingt-cinq meilleures années, soit six ans) ;

– les mécanismes non contributifs incluant un écrêtement tous régimes (par exemple le minimum contributif).

Cette situation conduit, à effort contributif égal, à des montants de pensions différents entre monopensionnés et polypensionnés. Cependant, contrairement à ce que l’on entend souvent les polypensionnés ne sont pas désavantagés sur tous les plans :

– la règle de validation d’un trimestre avantage généralement les polypensionnés affiliés en même temps dans plusieurs régimes, car ils peuvent valider quatre trimestres dans chaque régime, soit huit par an – toutefois, ceux qui perçoivent de faibles rémunérations, par exemple des saisonniers, peuvent ne pas parvenir à valider au total quatre trimestres dans l’année, alors que la somme de leurs salaires leur permettrait de les valider s’ils relevaient d’un seul régime ;

– le calcul du salaire annuel moyen sur les vingt-cinq meilleures années peut conduire à ne pas retenir les vingt-cinq meilleures années de l’ensemble de sa carrière, car sont retenues les meilleures années régime par régime ; les salaires de début de carrière dans un premier régime peuvent avoir été beaucoup plus bas que les salaires dans la suite de la carrière ;

– inversement, les polypensionnés sont avantagés par le coefficient de proratisation (qui rapporte, dans chaque régime, la durée d’assurance effective dans le régime à la durée d’assurance requise pour le taux plein) : le coefficient de proratisation est plafonné à 1 par régime (même si un assuré dépasse le nombre de trimestre requis) ; lorsqu’un assuré relève de plusieurs régimes, la somme de ses coefficients de proratisation peut dépasser 1.

Le I du présent article crée dans le code de la sécurité sociale un article L. 173-1-2 au sein des dispositions relatives à la coordination entre régimes en matière d’assurance vieillesse.

Le premier alinéa du I de l’article L. 173-1-2 dispose qu’une demande de liquidation dans un des régimes alignés entraîne la liquidation de toutes les pensions de droit personnel dans tous les régimes alignés. Cette mesure de simplification est en cohérence avec les nouvelles règles du cumul emploi retraite proposées par l’article 12 du présent projet de loi : les assurés n’auront de toute manière plus intérêt à liquider leurs pensions de façon décalée puisqu’ils ne pourront plus acquérir de droit dans un régime, dès lors qu’ils auront liquidé leurs pensions dans un autre régime.

Le deuxième alinéa indique que pour chaque année civile d’affiliation, sont additionnés l’ensemble des rémunérations, l’ensemble des périodes d’assurance, et l’ensemble des salaires de base dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale. Le total des trimestres sera retenu dans la limite de quatre trimestres par an.

L’assuré restera affilié à plusieurs régimes, juridiquement, mais l’ensemble des droits ouverts seront calculés comme si l’assuré n’avait relevé que d’un régime.

Le II de l’article L. 173-1-2 prévoit que la pension est calculée par un seul régime, le régime de référence, en fonction de ses propres règles de liquidation. Ce régime sera le seul interlocuteur de l’assuré. Le régime interlocuteur unique de l’assuré sera déterminé par décret en Conseil d’État, afin de veiller à ne pas déséquilibrer les régimes en termes de charge administrative, tout en permettant des économies de gestion.

Votre rapporteur souligne que même entre régimes alignés, il subsiste des différences de règles entrant dans le champ d’application de la mesure. Par exemple, le régime des salariés agricoles et le RSI effectuent un calcul de salaire annuel moyen et revenu annuel moyen (60) trimestriel alors que le régime général le calcule annuellement. Le RSI exclut du revenu annuel moyen les années ayant un report de deux périodes assimilées, ce qui n’est pas le cas du régime général. Enfin, les conventions bilatérales de sécurité sociale, passées entre la France et certains pays pour prendre en compte les carrières effectuées en France et à l’étranger, ne sont pas toutes applicables au RSI. Ainsi, selon le régime désigné compétent, pour un assuré qui aura effectué une partie de sa carrière à l’étranger, la pension pourra être calculée avec ou sans les périodes à l’étranger.

Ces différences ne posent pas de problème pour l’application du nouveau dispositif, puisque c’est le régime de référence qui appliquera ses propres règles, mais elles rendent souhaitable de poursuivre l’alignement entre régimes.

Les III et IV de l’article L. 173-1-2 prévoient un mécanisme de paiement pour compte de tiers et de remboursement entre régimes.

Votre rapporteur estime qu’un tel mécanisme, s’il vise à neutraliser les déséquilibres que pourrait entraîner la règle du régime de référence, risque cependant d’entraîner beaucoup de lourdeur dans la gestion comptable et financière du nouveau dispositif. À son initiative, la commission a donc adopté un amendement supprimant le versement « pour le compte » d’un autre régime et renvoyant à un décret la mise en place d’un mécanisme de compensation globale.

Le II du présent article prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier 2016, pour les « pensions prenant effet » à compter de cette date. La mesure implique en effet d’adapter les outils de gestion des caisses aux nouveaux modes de calcul et de mettre en place des échanges d’informations.

3. L’impact financier de la mesure

Compte tenu des avantages et des inconvénients attachés au statut de polypensionné, l’annulation de ces effets induisant respectivement une économie et un coût, la CNAV n’a pas pu chiffrer le coût de la mesure.

*

La Commission examine l’amendement AS 281 de M. Jean-Pierre Decool.

M. Rémi Delatte. Cet amendement vise à prévoir le droit à l’information des intéressés.

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’assuré sera nécessairement informé par le premier organisme auquel il demandera la liquidation de sa pension. Ce travail d’information est d’ores et déjà assuré de façon satisfaisante.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS 469 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer le principe du remboursement entre régimes des pensions versées pour le compte d’un autre régime au bénéfice des polypensionnés. En effet, ce mécanisme serait extrêmement lourd à gérer pour les caisses. La compensation entre caisses doit être organisée de façon globale.

M. Denis Jacquat. Les polypensionnés seront de plus en plus nombreux et une approche globale est nécessaire.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 28 modifié.

Article 29

(art.
L. 161-22-2 [nouveau], L. 173-1-3 [nouveau] et
L. 351-9 du code de la sécurité sociale)


Mutualisation du service des petites pensions

Le versement en capital des très petites pensions, dit versement forfaitaire unique (VFU), est supprimé selon les modalités suivantes :

– pour les monopensionnés, il est remplacé par un remboursement de cotisations ;

– pour les polypensionnés, les pensions sont mutualisées afin que la pension donnant lieu à VFU soit servie en rente (et non plus en capital) par le régime servant la pension la plus importante.

À la différence de nombreux pays européens et des régimes complémentaires, les régimes obligatoires de base ne prévoient pas de remboursement des cotisations pour des assurés qui n’auraient été affiliés que très brièvement à l’assurance vieillesse.

Lorsque le montant annuel de la retraite personnelle est inférieur à un certain montant (156,09 euros au 1er avril 2013), la retraite est versée en capital : le versement forfaitaire unique est égal à 15 fois le montant annuel de la pension.

Cette durée de 15 ans s’est éloignée progressivement de la durée effective moyenne de service de la pension, aujourd’hui sensiblement supérieure à 20 ans. C’est dans le régime des salariés agricoles qu’il y a la plus grande proportion de VFU : 22 % des retraités salariés agricoles ont perçu un VFU en 2010 (en général pour des travaux saisonniers).

Le versement en VFU correspond à des activités réduites : deux ans au SMIC en début de carrière conduisent à percevoir à ce titre un VFU. Une très large majorité des assurés percevant un VFU a une pension de retraite plus importante dans au moins un autre régime (94 % des assurés percevant un VFU au régime général sont polypensionnés). Ce système conduit de facto à réduire leur rente mensuelle totale.

Le III supprime l’article L. 351-9 du code de la sécurité sociale relatif au versement forfaitaire unique.

Le présent article instaure de nouvelles règles qui distinguent la situation des monopensionnés (I) de celles des polypensionnés (II).

a) Pour les monopensionnés

Le I crée un nouvel article L. 161-22-2 dans le code de la sécurité sociale, qui s’insère à la suite des articles relatifs au service des pensions.

Pour les assurés qui ont relevé d’un seul régime, une condition de durée d’assurance est instaurée, déterminée par décret en Conseil d’État : si elle n’est pas remplie, l’assuré perçoit, à sa demande (de même qu’une liquidation de pension se fait sur demande), au plus tôt à l’âge d’ouverture des droits, un versement égal au montant des cotisations versées à son régime, « auxquelles sont appliqués les coefficients de revalorisation en vigueur à la date du versement, applicables aux salaires et cotisations servant de base au calcul des pensions ».

Les régimes concernés sont le régime général, le régime social des indépendants, le régime des salariés agricoles, et le régime des ministres des cultes.

Il conviendrait de préciser si les cotisations versées correspondent aux seules cotisations salariales qui ont été à la charge du salarié ou aux cotisations salariales et patronales. Il conviendrait également de préciser si les cotisations qui n’étaient pas à la charge de l’assuré sont concernées par le remboursement (cotisations prises en charge par l’État).

D’un point de vue fiscal, le remboursement des cotisations sera traité comme le versement forfaitaire unique, c’est dire qu’il devra être déclaré comme les autres types de revenus. Toutefois, ce revenu exceptionnel pourra faire l’objet du système du quotient sous conditions.

La principale différence avec le VFU est juridique : ce remboursement de cotisations ne constitue pas une pension et son calcul est très simple à établir par la caisse.

b) Pour les polypensionnés

Le II crée un nouvel article L. 173-1-3, à la suite de l’article L. 173-1-2 créé par l’article 28 pour les polypensionnés des régimes alignés.

La mesure concerne l’ensemble des régimes obligatoires de base. L’article prévoit, pour les polypensionnés, une mutualisation des pensions afin que les pensions inférieures à un seuil défini par décret soient servies en rente (et non plus en capital) par le régime servant la pension la plus élevée. Le seuil fixé par décret pourrait, dans un premier temps, correspondre à celui du VFU, soit 13 euros par mois.

Pour simplifier la gestion du dispositif, il pourrait être envisagé de retenir le critère de la plus longue durée d’assurance, critère qui peut être connu bien avant la liquidation de la pension.

Le versement par le régime principal s’effectue pour le compte du régime dans lequel les droits à pension sont inférieurs au seuil. Un décret précisera les modalités de mise en œuvre du remboursement entre régimes.

À l’initiative de votre rapporteur, la commission a adopté un amendement étendant ce système de versement unique aux personnes qui perçoivent plusieurs pensions de réversion de différents régimes.

Compte tenu des délais de mise en œuvre, le IV propose une entrée en vigueur différée, au 1er janvier 2016.

S’agissant de l’impact financier de ces mesures :

– le premier dispositif (remboursement de cotisations) devrait concerner quelques centaines d’assurés par an ;

– le second (mutualisation des petites pensions pour les polypensionnés) serait susceptible de bénéficier à 35 000 nouveaux liquidants par an. Si le service en rente est légèrement plus coûteux, pour les régimes, qu’un service en capital (fondé sur 15 ans de service), compte tenu de l’espérance de vie à 60 ans, ce léger coût sera plus que compensé par les économies de gestion permises par cette simplification.

*

La Commission est saisie d’un amendement AS 475 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement de précision permettra de simplifier la gestion des dossiers.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS 470 du même auteur.

M. le rapporteur. Il est proposé d’étendre la mesure de simplification de l’article L. 173-1-3 aux pensions de réversion. Un veuf ou une veuve qui bénéficierait de plusieurs réversions, certaines modestes, pourrait ainsi bénéficier d’un interlocuteur unique.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS 477 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement précise le champ dapplication de la mesure afin que les assurés polypensionnés qui auront déjà obtenu la liquidation d’une première pension avant le 1er janvier 2016 ne soient pas concernés.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 37 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Le principe d’un paiement unique pour les petites pensions constitue un progrès indéniable qui doit devenir la règle générale pour l’ensemble des pensions. Nous proposons d’intégrer cette ambition dans la loi ainsi qu’une une date crédible de réalisation au 1er janvier 2020.

Il s’agira aussi d’une source non négligeable d’économies compte tenu des montants importants des frais bancaires engendrés par le paiement de multiples pensions.

Enfin, le rapport entre coût et investissements liés à la mutualisation des petites retraites pourrait servir, avec un surcoût marginal négligeable, à mutualiser tous les paiements.

M. le rapporteur. Avis défavorable. L’article 29 ne s’applique qu’aux très petites pensions – le versement forfaitaire unique (VFU) –, et l’article 28 a déjà résolu le problème des polypensionnés. Il serait pour l’instant prématuré d’aller plus loin.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 29 amendé.

Article 29 bis (nouveau)

Rapport sur l’application des conventions bilatérales en matière de retraites

Votre commission a adopté un amendement présenté par la commission des Finances, demandant un rapport du Gouvernement au Parlement sur les conditions d’application des conventions bilatérales existantes en matière de retraite et sur les conséquences de leur mise en œuvre pour les Français ayants droit de systèmes étrangers dès lors qu’ils ne résident plus dans le pays concerné.

En effet, pour les expatriés, l’application des conventions bilatérales en matière de retraite est parfois difficile, surtout lorsque le pays partenaire pose une condition de résidence à toute perception de retraite. Ainsi, selon le pays où il a travaillé, un Français ayant travaillé et cotisé à l’étranger peut perdre tous ses avantages retraite s’il décide de revenir en France à l’issue de sa période d’activité professionnelle. Cela apparaît d’autant plus surprenant quand la France n’applique pas les mêmes conditions aux ressortissants dudit pays et ayant cotisé en France.

*

La Commission est saisie de l’amendement AS 492 de la commission des finances portant article additionnel après l’article 29.

M. le rapporteur pour avis. Suite aux débats qui se sont déroulés hier matin sur les amendements de M. Pouria Amirshahi, il me semble utile qu’un rapport évalue les conditions d’application des conventions bilatérales existantes en matière de retraite. Utilisant la seule voie permise par l’application de l’article 40 de la Constitution, cet amendement vise essentiellement à demander des précisions au Gouvernement, et non à rédiger un énième rapport.

M. le rapporteur. Avis favorable. Il faut mettre la situation au clair avant d’améliorer la situation des Français qui passent une grande partie de leur carrière à l’étranger et souhaitent percevoir sur le territoire national la retraite pour laquelle ils ont cotisé dans un autre pays.

M. Denis Jacquat. Je suis extrêmement favorable à cet amendement issu des riches débats qui se sont tenus hier matin dans notre Commission.

La Commission adopte l’amendement.

Chapitre II

Améliorer la gouvernance et le pilotage des caisses de retraites

Article 30

Organisation d’un débat annuel sur les orientations de la politique des retraites dans la fonction publique

Cet article prévoit que le Gouvernement organise un débat annuel sur la politique des retraites dans la fonction publique avec les organisations syndicales de fonctionnaires. S’il concerne les trois fonctions publiques : d’État, hospitalière et territoriale, il ne comporte pas de disposition particulière sur le contenu ou le calendrier précis de ce débat.

L’étude impact mentionne le suivi de grands indicateurs que sont le taux de remplacement, l’évolution moyenne des pensions, la situation financière des régimes ou encore la comparaison de l’évolution des pensions entre hommes et femmes. L’autre objectif recherché par cette disposition est de mettre à disposition du public une meilleure information sur les retraites de la fonction publique.

*

La Commission est saisie de l’amendement de suppression de l’article AS 97 de M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Il est choquant que le Gouvernement se cache une nouvelle fois derrière un rapport pour justifier son manque de courage sur la retraite des fonctionnaires.

Doit-on rappeler que ce projet de loi fait l’impasse sur les 7 milliards d’euros qui manqueront à l’horizon 2020 pour financer les retraites des fonctionnaires, et qu’aucune mesure de financement spécifique n’est prévue ? Doit-on rappeler qu’au lieu de prendre des mesures de convergence, le Gouvernement met en place des dispositifs qui entretiennent la rupture entre les fonctionnaires et les salariés du privé, en prévoyant d’ores et déjà un étalement dans la durée des hausses de cotisation supplémentaires prévues par cette réforme ?

Deux scandales sont à relever dans l’étude d’impact dont fait l’objet le projet de loi. D’une part, assurer que le besoin de financement des régimes spéciaux serait garanti par les efforts de maîtrise de dépenses de l’État, c’est avancer une source de financement opaque pour se dispenser d’une réforme structurelle. D’autre part, le Gouvernement écarte certains scénarios, comme le prolongement de la règle de 2003 en matière d’allongement de la durée de cotisation, ou certaines des pistes du rapport Moreau, au motif qu’ils « dépasseraient les besoins de financement requis », alors qu’au moment de l’entrée en vigueur de l’allongement de la durée de cotisation prévue par le projet de loi, en 2020, il manquera toujours 13 milliards d’euros dans les caisses des régimes !

Cet amendement de suppression dénonce une mesure d’affichage et le manque de courage et de responsabilité du Gouvernement sur la retraite des agents de l’État.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Je réfute tous les arguments de M. Robinet.

Le Gouvernement organisera annuellement un débat sur les orientations de la politique des retraites dans la fonction publique qui permettra à partir de données objectives d’informer l’ensemble de la population sur la situation de ce régime. Il faut maintenir l’article pour que le débat ait lieu sous une autre forme que celle de l’invective et de la démagogie permanente dominée par une idéologie « anti-fonctionnaires » dont vos propos, monsieur Robinet, sont une parfaite illustration.

Mme Isabelle Le Callennec. Le débat prévu à l’article 30 doit concerner « la fonction publique ». Portera-t-il sur la fonction publique hospitalière et celle des collectivités territoriales comme sur celle de l’État ?

M. le rapporteur. L’étude d’impact précise que le débat portera sur les trois fonctions publiques.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 30 sans modification.

Après l’article 30

La Commission est saisie de l’amendement AS 333 de M. Dominique Tian portant article additionnel après l’article 30.

M. Fernand Siré. Nul ne doit pouvoir siéger au conseil d’administration d’un régime de retraite s’il n’y est affilié. À l’heure actuelle, il n’existe pas de règles claires de représentativité. Les organismes paritaires liés à la retraite peuvent ainsi voir leur conseil d’administration composé d’individus non affiliés à leur régime.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Il est important de maintenir un maximum de souplesse dans la représentation des organisations syndicales.

La Commission rejette l’amendement.

Article 31

(art. L. 732-58, L. 732-59, L. 732-60 et L. 732-58-1, L. 732-60-1 nouveaux du code rural et de la pêche maritime)


Pilotage du régime complémentaire obligatoire du régime des non-salariés agricoles

L’amélioration du pilotage de ce régime complémentaire passe d’abord par une plus grande association de la caisse centrale de la mutualité agricole (CCMSA) dans la détermination de la stratégie de pilotage du régime agricole. La CCMSA deviendra force de proposition quant à l’évolution des grands paramètres du régime. Elle aurait en outre la faculté d’autoriser des marges de variation sur des trajectoires cibles, définies sur trois ans, ainsi que sur les ressources affectées au titre des droits sur les tabacs. Elle pourra également assortir ses propositions relatives au financement du régime de taux de cotisation différenciés en fonction des tranches de revenu ou de différentes valeurs d’achat des points.

Cet objectif suppose certaines modifications législatives qui reposent notamment sur un article L. 732-60-1 nouveau. Si sa création intervient à l’alinéa 13, les dispositions du présent article y font référence dès l’alinéa 8.

C’est d’abord le code rural qui est modifié. Le 1° supprime le dernier alinéa de l’article L. 732-58 selon lequel « Le taux de la cotisation et la valeur de service du point de retraite, fixés par les décrets cités aux articles L. 732-59 et L. 732-60, sont déterminés dans le respect de l’équilibre entre les ressources et les charges du régime ». Cela ouvre la possibilité d’insérer un nouvel article, plus dense, qui codifie les nouvelles compétences de la CCMSA.

Ainsi, le 2° insère un article L. 732-58-1 qui confie au conseil d’administration de la CCMSA la responsabilité de suivre l’équilibre financier du régime et d’en rapporter aux ministres chargés de l’agriculture, de la sécurité sociale et du budget en leur adressant un rapport tous les trois mois. Sous réserve des précisions que devra apporter un décret en Conseil d’État, ce rapport portera sur la situation financière du régime, ses perspectives d’équilibre de long terme ainsi que les risques auquel il est exposé.

L’alinéa suivant du nouvel article lui permet d’adresser aux mêmes ministres des propositions portant sur les règles d’évolution des paramètres du régime sur les trois années à venir afin de garantir son équilibre sur le long terme. Ce rapport doit être remis pour la première fois au plus tard le 1er septembre 2015.

Le 3° remplace le dernier alinéa de l’article L. 732-59 qui porte sur les modalités de fixation de l’assiette des cotisations agricoles. Dans la rédaction en vigueur, le dernier alinéa de l’article L. 732-59 prévoit qu’un décret fixe le taux de cotisation. Ce taux pourra désormais être fixé de façon plus souple, dans le cadre de l’arrêté mentionné à l’article L. 732-60-1 (qui est créé à l’alinéa 13 du présent article) ou bien, à défaut, dans le cadre du décret auquel renvoient les autres dispositions de l’article L. 732-59. La nouvelle rédaction ouvre également la possibilité que les taux soient multiples.

Le 4° modifie l’article L. 732-60 du même code. Le projet de loi modifie tout d’abord en a) son deuxième alinéa en introduisant deux changements. En premier lieu, il renvoie les modalités de détermination du nombre de points cotisés en fonction non seulement de celles déterminées à l’article L. 732-59 (état du droit), mais aussi, désormais, de la ou des valeurs d’achat fixées par l’arrêté ou le décret mentionnés à l’article L. 732-60-1, mentionné à l’alinéa 7 du présent article. Il remplace en outre les mots « le même décret » par le mot « Un décret » afin d’en dissocier les modalités d’attribution des points qui avaient été crédités au 1er janvier 2003, ce décret ayant déjà été pris par ailleurs.

À l’alinéa suivant, en b), c’est le dernier alinéa de l’article L. 732-60 qui est modifié. Comme pour le a), il insère les références à l’arrêté ou au décret mentionnés à l’article L. 732-60-1, s’agissant cette fois des valeurs de service et de rachat des points de retraite.

Le 5° crée un article L. 732-60-1, dont les dispositions sont déclinées dans les quatre alinéas suivants. Il porte sur les modalités d’association de la CCMSA au pilotage de la politique des retraites agricoles.

Au premier alinéa de l’article L. 732-60-1 nouveau, le conseil d’administration de la CCMSA propose désormais aux ministres chargés de l’agriculture, de la sécurité sociale et du budget une évolution des valeurs de service et d’achat des points de retraite ainsi que du ou des taux de cotisations. La CCMSA doit évaluer l’impact de ces mesures à l’occasion du rapport qu’elle rend aux ministres, tel que défini à l’article L. 732-58-1. Puis, c’est sur le fondement de la proposition de la CCMSA que les ministres décident des évolutions des paramètres en question par arrêté.

L’alinéa suivant recouvre l’hypothèse où, au cours du plan triennal, le conseil d’administration constate que l’évolution des paramètres ne permettra pas d’assurer la pérennité financière du régime. Il propose alors des mesures de correction aux mêmes ministres, à l’appui d’études actuarielles tenant compte de l’ensemble des paramètres de calcul des cotisations et des prestations en fonction des évolutions démographiques et économiques, qu’elles soient générales ou spécifiques au régime.

Le Gouvernement ayant annoncé son souhait que la CCMSA puisse proposer des variations limitées des paramètres, l’alinéa suivant prévoit que les modifications proposées ne puissent excéder des plafonds de variations annuelles par ailleurs définies par décret en Conseil d’État.

Le dernier alinéa de l’article 31 envisage le cas où ne serait pas produit de plan triennal permettant de garantir l’équilibre à long terme du régime. Dans cette hypothèse, c’est par décret que le Gouvernement modifie les valeurs de service et d’achat du point de retraite ainsi que les taux de cotisation.

*

La Commission adopte successivement les amendements AS 449, AS 430, AS 433, AS 432, AS 431, AS 435, AS 434, AS 436, et AS 450 du rapporteur.

Puis la Commission adopte l’article 31 modifié.

Après l’article 31

La Commission examine l’amendement AS 3 de M. Jean-Pierre Barbier portant article additionnel après l’article 31.

M. Jean-Pierre Barbier. Notre pays compte aujourd’hui plus de 15 millions de retraités, soit 23 % de la population. Dans les prochaines années, le poids des retraités s’accroîtra non seulement en termes démographiques, mais aussi sur le plan économique et social.

La réforme dont nous discutons constitue un fait majeur car le système de répartition tel que nous l’avons connu est remis en cause. Pour la première fois de notre histoire, les retraités cotiseront pour leur propre retraite. Il est d’ores et déjà prévu que la nouvelle contribution sur les pensions passe de 0,15 % à 0,3 %, et l’on sait trop bien qu’une fois mise en place une cotisation de cette nature ne régressera jamais. À partir du moment où l’on demande aux retraités de payer leur propre retraite, il me semble légitime qu’une place leur soit donnée, par l’intermédiaire de la Confédération française des retraités, au sein des organismes et instances qui réfléchissent à l’avenir des retraites.

M. Denis Jacquat. Cette demande ancienne de la Confédération française des retraités a parfois été adoptée à l’unanimité en commission des affaires sociales, avant d’être rejetée en séance publique – quel que soit le gouvernement au pouvoir. Elle mérite aujourd’hui d’être satisfaite, puisque les retraités vont devoir cotiser.

M. le rapporteur. Les retraités ne vont pas cotiser, monsieur Jacquat. L’effort qui leur est demandé repose sur deux mesures : le décalage de six mois de la revalorisation des pensions et l’inclusion des majorations de pensions des retraités ayant élevé trois enfants ou plus dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. Nous avons tous été sollicités par la Confédération française des retraités, association très active sur le terrain, qui revendique 1,5 million d’adhérents. Vous avez dit que sa demande avait toujours été rejetée en séance publique, mais reconnaissez qu’elle est constante : vous auriez donc pu la satisfaire plus tôt si elle vous semblait légitime.

La participation des retraités aux instances de concertation et de dialogue social est déjà assurée. Le Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA) représente les retraités auprès des pouvoirs publics ; il siège notamment au conseil d’administration de la CNAV. Quatre des seize organisations que compte le CNRPA sont aussi membres de la Confédération française des retraités. Enfin, il a un représentant au Conseil d’orientation des retraites. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Article 32

(art. L. 641-2, L. 641-5 du code de la sécurité sociale création des articles L. 641-3-1, L. 641-4-1 et L. 641-7 du code de la sécurité sociale)


Évolution des caisses des professions libérales

L’organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales (OAAVPL) rassemble la caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et ses dix sections professionnelles. Depuis 2003, elle est organisée en un régime unique à point géré par la CNAVPL.

Le projet de loi entend améliorer la gouvernance de ce régime en renforçant le rôle de la CNAVPL en tant que tête de réseau et en harmonisant avec les autres caisses son mode de gouvernance. La CNAVPL pourra notamment conduire un contrôle plus efficient de la gestion des caisses. Elle disposera des moyens juridiques lui permettant de veiller à la cohérence d’ensemble des sections professionnelles. La conclusion d’un contrat pluriannuel de gestion entre la CNAVPL et l’État, ainsi que sa déclinaison entre la CNAVPL et les sections conduira à la définition d’objectifs précis et à une clarification des responsabilités de chacun.

En aucun cas la réforme proposée par cet article ne permet le transfert des réserves constituées par les sections professionnelles, que ce soit au profit des régimes de retraite des professions libérales ou au profit d’autres régimes.

Le présent article modifie le code de la sécurité sociale dans ce sens (alinéa 1).

Le 1° modifie l’article L. 641-2, dont la rédaction est déclinée aux alinéas 3 à 12.

Le rôle de la CNAVPL est décliné en sept points qui rappellent systématiquement ses compétences de gestions propres comme ses pouvoirs vis-à-vis des sections. Le 1° la charge d’assurer la gestion du régime d’assurance de base des professionnels libéraux ainsi que la gestion des réserves du régime. Elle établit pour ce faire le règlement du régime de base, approuvé par arrêté du ministre en charge de la sécurité sociale.

Elle anime, coordonne et contrôle l’action des sections professionnelles (2°), est compétente en matière d’action sociale, y compris pour coordonner celle des sections (3°), peut négocier et conclure des conventions collectives intéressant son personnel comme celui des sections. Elle peut créer « tout service d’intérêt commun à l’ensemble des sections professionnelles ou à certaines d’entre elles » (5°). Dans le domaine du contrôle, la CNAVPL doit s’assurer de la bonne gestion du régime de base par les sections professionnelles (6°). Elle arrête le schéma directeur des systèmes d’information de l’OAAVPL (7°), une disposition qui devrait nettement renforcer la mise en cohérence de la caisse et des sections avec l’ensemble du système de retraite.

L’alinéa 11 complète les prérogatives du conseil d’administration de la CNAVPL énoncées dans les sept points précédents. Elle se voit dévolue une compétence générale de contrôle des « caisses de base », c’est-à-dire de l’activité non complémentaire des sections. En outre, le conseil d’administration sera saisi pour avis de tout projet législatif ou réglementaire ayant des incidences sur l’équilibre financier des régimes des professions libérales, qu’il s’agisse de l’assurance vieillesse de base, des régimes de retraite complémentaire et des régimes d’invalidité décès. Les conditions de cette consultation sont celles énoncées à l’article L. 200-3 du code de la sécurité sociale qui organise la consultation des caisses de sécurité sociale du régime général. Cet article prévoit notamment que les avis rendus sur les projets de loi sont transmis au Parlement, que les conseils d’administration peuvent formuler toutes propositions de modification législative ou réglementaire dans leur domaine de compétence, les propositions de nature législative étant transmises au Parlement. Par ailleurs, ils sont habilités à soumettre des projets de réforme au Gouvernement. Les modalités d’application de l’article L. 200-3 sont fixées par décret en Conseil d’État.

En précisant ses attributions, cette nouvelle rédaction renforce donc considérablement les pouvoirs de la caisse nationale, l’ancienne rédaction de l’article L. 641-2 étant moins précise : « la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales assure la gestion du régime d’assurance vieillesse de base des professionnels libéraux et la gestion des réserves du régime dans les conditions prévues au présent titre ».

Le 2° du présent article créé un article L. 641-3-1, dont le contenu est décliné dans les trois alinéas suivants.

Le I du futur article L. 641-3-1 prévoit la nomination du directeur de la CNAVPL par le Gouvernement. Elle doit intervenir par décret, après avis du conseil d’administration de la caisse et pour six ans. Le conseil d’administration peut s’opposer au projet de nomination, sous réserve de réunir une majorité des deux tiers des membres.

Le II consolide les pouvoirs du directeur, qui dirige la caisse, recrute son personnel et a autorité sur lui. En complément, le III dispose que l’agent comptable est nommé par le conseil d’administration de la caisse nationale.

Le 3° du présent article créé un article L. 641-4-1.

Le I du futur article L. 641-1-3 prévoit la conclusion d’un contrat pluriannuel entre l’État et la caisse nationale. D’une durée minimale de quatre ans, il comporte des engagements réciproques des signataires.

L’alinéa suivant précise les contours du contrat, qui engage l’ensemble de l’OAAVPL, c’est-à-dire la caisse nationale et les sections, et dont le périmètre inclut la gestion des réserves, détermine notamment les objectifs pluriannuels de gestion. Ce contrat concernera également, pour le seul régime de base des professions libérales, les moyens de fonctionnement de la caisse nationale et des sections, ainsi que les actions mises en œuvre par chacun des signataires pour atteindre ces objectifs.

Le II de l’alinéa 20 décline la mise en œuvre du contrat pluriannuel en contrats de gestion liant la caisse nationale aux sections.

Le III de l’alinéa 21 précise que la périodicité, le contenu et les signataires du contrat pluriannuel et des contrats de gestion sont déterminés par décret en Conseil d’État.

Le 4° modifie l’article L. 641-5, dont les deux derniers alinéas sont remplacés. En premier lieu, la nouvelle rédaction encadre plus strictement l’action sociale des sections, au profit notamment de la caisse nationale. En l’état du droit, elles ont la faculté d’exercer cette action sociale selon les modalités prévues dans les statuts des sections. La rédaction du présent alinéa subordonne désormais cette faculté au règlement élaboré par la caisse nationale et approuvé par décret. L’alinéa suivant soumet la validité des statuts des sections professionnelles à une double condition de conformité aux statuts types approuvés par décret et d’approbation du conseil d’administration de la caisse nationale.

Dans une optique de simplification et compte tenu de l’autonomie de la caisse nationale, la nouvelle rédaction dispose que la décision est réputée approuvée à défaut d’une opposition manifestée par le ministre en charge de la sécurité sociale dans un délai d’un mois à compter de la réception du projet.

Le 5° de l’article 32 insère un article L. 641-7.

Le I du futur article L. 641-7 permet aux sections professionnelles de se grouper pour réaliser des missions communes sur le fondement d’une convention constitutive. Cette création doit être approuvée par les conseils d’administration des sections concernées et par l’autorité compétente de l’État. Si cette disposition atténue l’autonomie des sections, elle devrait permettre une plus grande cohérence de leurs actions.

L’alinéa suivant précise que la convention constitutive du groupement organise notamment la composition de son conseil d’administration ainsi que ses règles de fonctionnement. Le directeur du groupement est désigné parmi les directeurs de sections intéressées, son agent comptable étant également choisi parmi elles.

Enfin, le II du futur article L. 641-7 prévoit que, sauf exception retenue par décret en Conseil d’État, le droit applicable aux groupements soit celui appliqué aux sections, tel que défini dans le code de la sécurité sociale.

*

La Commission examine les amendements de suppression identiques AS 4 de M. Jean-Pierre Barbier, AS 39 de M. Gérard Cherpion, AS 98 de M. Arnaud Robinet et AS 151 de M. Philippe Vigier.

M. Jean-Pierre Barbier. Vous l’avez dit vous-même en début de séance, madame la présidente, nous ne reviendrons pas sur le débat entre régimes publics et régimes privés. Il n’y aura donc pas de rapprochement entre les deux, pas de convergence, ni même de débat sur le sujet. Nous le regrettons.

Nous sommes donc d’autant plus surpris de la volonté de « reprise en main » des régimes de retraite des professions libérales dont témoigne l’article 32. Ces professions ont consenti de vrais efforts en termes de cotisations, de durée du temps de travail et d’âge légal de départ à la retraite. Pour prendre un exemple que je connais bien, l’âge légal de départ à la retraite des pharmaciens est désormais de 67 ans.

Si convergence il y a, elle doit concerner tous les régimes. Nous ne pouvons accepter une telle mainmise de l’État sur des caisses qui participent déjà largement aux efforts demandés au titre de la solidarité nationale.

Mme Véronique Louwagie. On comprend que cet article suscite des émois, car la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) fonctionne sans difficulté depuis plusieurs années.

La nomination par décret de son directeur – pour une durée de six ans – prévue par cet article est pour le moins choquante : l’État agit seul et décide seul, sans concertation ni dialogue avec les principaux intéressés. Il n’est pas inutile de rappeler en quoi consiste la mission du directeur de la Caisse : organiser sa gestion et établir un partenariat fort avec l’organe d’administration qui décline les orientations décidées par la gouvernance, c’est-à-dire le président du conseil d’administration. La limitation à un seul mandat de six ans risque également d’être source de difficultés.

Quant à la signature d’une convention de gestion, il me semble que nous devrions tirer les enseignements de l’expérience du régime social des indépendants (RSI). Aujourd’hui encore, des assurés reçoivent des avis comportant des montants qui ne correspondent en rien à la réalité de leur situation ; d’autres attendent jusqu’à dix-huit, voire vingt-quatre mois après leur inscription pour recevoir un premier appel de cotisations. Le regroupement des trois branches – maladie, famille et retraites – est également source de difficultés.

Enfin, organiser l’étatisation des caisses des professions libérales sans envisager de convergence entre les régimes n’a pas de sens. Si convergence il y a, elle doit se faire à tous les niveaux et concerner tous les régimes !

M. Arnaud Robinet. Avouez-le, vous n’aimez pas les professions libérales ! Si vous voulez vraiment parler de convergence, poussons la démarche à son terme : parlons de la convergence entre régimes publics et régimes privés. On voit mal au nom de quoi cette convergence ne devrait concerner que les caisses des professions libérales !

Ayez donc le courage de préciser la réalité de vos intentions : sous couvert de modernisation de la CNAVPL, c’est bien une mainmise de l’État sur ses réserves qui est à craindre. Nous ne pouvons accepter ce hold-up. La réforme de la gouvernance de la Caisse et l’instauration de contrats pluriannuels de gestion ne doivent pas conduire à déséquilibrer son modèle de fonctionnement, ni à menacer son autonomie et sa pérennité financière.

M. Philippe Vigier. Comment cet article 32 a-t-il pu se retrouver dans le texte ? Vous serez décidément passés à côté de tout dans cette réforme. Loin d’établir un pacte de confiance, elle pourrait être qualifiée de réforme de défiance, voire d’anti-réforme. Que vous a donc fait la CNAVPL pour que vous jugiez tout à coup qu’il est nécessaire de prendre la main sur son fonctionnement, alors même que depuis deux jours, vous rejetez toutes nos propositions tendant à harmoniser les régimes publics et privés, à mettre en œuvre la convergence ou à mettre en extinction des régimes spéciaux ?

Sont-ce des problèmes de gestion qui vous poussent à vouloir mettre la main sur un « trésor de guerre » de 15 milliards d’euros ? Dois-je rappeler que vous venez de recréer un régime spécial pour une catégorie de fonctionnaires particulière ? C’est profondément incohérent. De même, nous n’avons fait aucun geste en faveur de la jeunesse – vous avez encore balayé d’un revers de main l’une de nos propositions ce matin.

Notre collègue a invoqué à juste titre l’exemple du RSI. Nous n’avons eu de cesse d’alerter le gouvernement précédent sur les dysfonctionnements que nous constations dans nos circonscriptions. Souhaitez-vous que cela se reproduise pour la CNAVPL ? Pensez-vous vraiment que la présence d’un représentant de l’État au conseil d’administration et la nomination du directeur par décret suffiront à empêcher toute dérive ?

Encore une fois, pourquoi prendre la main sur le fonctionnement d’une structure privée qui a fait ses preuves ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous avez des éléments de réponse dans l’étude d’impact.

M. Denis Jacquat. Cet article a de quoi étonner. La CNAVPL regroupe un ensemble de régimes qui fonctionnent, et vous voulez sa casse – à moins que vous ne cherchiez à « faire un casse » ! Serait ainsi rendue juridiquement possible la spoliation des ressources qui ont été constituées au prix de constants efforts. Aucune concertation préalable n’a pourtant eu lieu. En outre, je rappelle que ces régimes n’ont jamais rien coûté à la collectivité nationale, et qu’ils participent largement aux mécanismes de solidarité. Cette mainmise de l’État sur la CNAVPL n’est rien d’autre qu’une étatisation. Pourquoi tant de haine ?

M. Jean-Pierre Door. Cet article pose des questions majeures. Vous prévoyez une modification en profondeur des règles de gouvernance de la CNAVPL, qui entraînera ipso facto de graves conséquences sur le fonctionnement de l’organisation et la qualité du service rendu aux assurés. Ainsi que cela a été dit, vous vous apprêtez à reproduire le modèle désastreux du RSI, dont les méthodes de gestion ont été dénoncées par la Cour des comptes. Car cette modification de la gouvernance entraînera la perte d’autonomie des caisses professionnelles, une mutualisation des moyens et une mainmise de l’État sur leurs réserves financières.

Il ne faut pas souffler en permanence le chaud et le froid sur les professions libérales, madame la ministre. Un jour vous leur dites que tout va bien, et le lendemain vous écrivez autre chose : c’est l’exemple même de ce qui s’est passé avec cet article auquel nous nous opposerons.

M. Bernard Accoyer. Nous ne pouvons que déplorer cette stigmatisation des professions libérales, qui ne demandent rien à l’État ni à la branche vieillesse, et sont déjà l’objet de contrôles particulièrement sévères de la part des caisses. Quelle injustice, alors que ce texte se targue justement d’avoir reçu l’onction du principe de justice ! Quelle différence avec l’attitude du Gouvernement à l’égard des régimes de la fonction publique, en particulier de la fonction publique d’État, ou les régimes spéciaux ! Bref, cet article est l’expression d’un sectarisme qui ne peut que susciter malaise et anxiété chez nos compatriotes.

Mme Bérengère Poletti. En modifiant la gouvernance, l’article 32 orchestre l’étatisation des caisses de retraite des professions libérales, et cela sans concertation, alors que par ailleurs, on renonce à toute évolution sur la convergence entre régimes publics et régimes privés. Pour le Gouvernement, il y a visiblement deux poids et deux mesures !

L’État veut mettre la main sur l’argent des caisses des professions libérales. Cette mesure est choquante. Il est vrai qu’en période de disette budgétaire, les 21 milliards de réserves de ces caisses – soit l’équivalent de 10 à 11 ans de prestations – peuvent faire rêver. Mais ils sont aussi le fruit des efforts consentis par les professionnels concernés, notamment sur l’âge du départ à la retraite et la durée du travail, qui va souvent bien au-delà des 35 heures hebdomadaires. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Gérard Sebaoun. Beaucoup d’entre nous ont été interpellés par les représentants des différentes caisses des professions libérales au sujet de cet article 32. Revenons donc à la réalité, et gardons-nous de toute réaction corporatiste. Il n’y a dans ce texte aucune volonté de stigmatiser les professions libérales. L’Union nationale des professions libérales (UNAPL) a fait entendre sa voix lors de la grande Conférence sociale de juin, dans le cadre d’une table ronde consacrée à l’avenir de nos retraites et à la protection sociale. Elle était représentée par deux vice-présidents délégués. Il est vrai que le président Chassang aurait souhaité être reçu par le Premier ministre dans le cadre des auditions des organisations dites hors champ sur le projet de loi sur les retraites, et que cela n’a pu se faire. Mais quoi qu’il en soit, la Confédération nationale des retraités des professions libérales (CNRPL) a réaffirmé son attachement aux systèmes de retraite par répartition et par points existants. Reste un problème, qui a été abordé franchement lors d’une audition de la CNAVPL : le rapport extrêmement sévère de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur la gestion de l’une des grandes caisses que fédère la CNAVPL, la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), qui compte 124 000 cotisants et plus de 42 000 allocataires.

Contrairement à ce que laissent supposer les communiqués « incendiaires » de la CNAVPL, qui évoquent une « étatisation » des caisses des professions libérales, cet article n’a rien d’abusif. Il se borne à prévoir la désignation par décret du futur directeur de la Caisse et la signature d’un contrat pluriannuel entre l’État et la Caisse – ce qui se pratique dans bien d’autres domaines. Sachons donc raison garder. Compte tenu des outrances et des accusations que nous venons d’entendre, il serait bon que Mme la ministre nous donne son sentiment.

Mme Isabelle Le Callennec. Existe-t-il des caisses dont le directeur ne soit pas nommé par le Gouvernement ?

M. le rapporteur pour avis. Je défendrai tout à l’heure un amendement de la commission des finances sur la nomination du directeur de la CNAVPL. Avant cela, j’aimerais intervenir de manière plus générale sur la justification de cet article 32.

Il est indéniable que la CNAVPL a rencontré des difficultés. Il faut rappeler que cette caisse dite pivot regroupe des caisses autonomes, appelées sections – par exemple la section des pharmaciens, celle des médecins, ou encore celle des architectes. La caisse pivot a vocation à travailler en étroite collaboration avec les sections, chacune de celles-ci gérant à la fois le régime de base et le régime complémentaire. En 2003, la loi Fillon a chargé la caisse pivot de mettre en place un régime à points complémentaire, ainsi que de mieux coordonner l’ensemble des sections.

Depuis, deux rapports – l’un de l’IGAS et l’autre de la Cour des comptes – ont porté une appréciation sévère sur la façon dont cet objectif avait été mis en œuvre, et jugé qu’il n’avait pas été atteint. Ils ont donc suggéré d’améliorer le dispositif. Contrairement à ce que nous avons pu entendre, il ne s’agit pas de l’étatiser ou d’en contrôler le fonctionnement. Certains ont dit que ce dispositif fonctionnait bien : c’est le cas dans certaines sections, mais pas dans toutes. Est-il normal, par exemple, que le directeur d’une section – dont le nombre d’assurés est très faible – soit rémunéré plus de 300 000 euros par an ? C’est notre rôle de parlementaires de soulever ces questions.

Dès lors, quelles orientations prendre ? Il faut que la CNAVPL puisse jouer pleinement son rôle de caisse centrale, en exerçant un contrôle sur la gestion des sections. Il faut également mettre en œuvre une convergence entre les conventions collectives et les systèmes d’information des différentes sections. Enfin, il faut un contrat d’objectifs et de gestion avec l’État, comme c’est le cas pour les autres caisses.

Reste le point délicat de la nomination du directeur. J’ai cru comprendre que des discussions étaient en cours avec la Caisse et que son président, M. Chassang, souhaitait avancer. Nous devons trouver une solution qui réponde aux exigences exprimées par la Cour des comptes et l’IGAS tout en préservant l’indépendance de la Caisse. Il n’est évidemment pas question de prendre les 17 milliards d’euros de la Caisse ! Les discussions en cours doivent permettre d’avancer sereinement.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à ces amendements de suppression, pour les raisons que M. Sebaoun et M. Terrasse viennent d’exposer en toute honnêteté. La CNAVPL a connu des difficultés, qui ont été identifiées aussi bien par l’IGAS que par la Cour des comptes. M. Migaud les a d’ailleurs évoquées ici même il y a quelques semaines. Les missions qui avaient été assignées à la caisse centrale n’ont pas été remplies de manière satisfaisante. Il ne s’agit pas de « faire un casse », monsieur Jacquat, mais de prévoir la nomination du directeur de la Caisse par l’État, comme c’est le cas pour tous les autres grands régimes de retraite. Dès lors qu’il s’agit d’argent public, il n’y a rien de scandaleux à ce que l’État ait un droit de regard.

Par ailleurs, je pense que la discussion a eu lieu. Nous avons reçu de nombreuses sections de la CNAVPL. La Caisse a besoin d’harmonie, d’unité et d’une saine gestion. Les mesures proposées devraient permettre d’aller dans ce sens.

Mme la ministre. M. Sebaoun a parfaitement exposé la situation. Les difficultés de la CNAVPL sont maintenant bien connues. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, cet article n’est pas arrivé par hasard dans le texte. Voilà un an que nous avons engagé des discussions avec les intéressés ; elles se poursuivent aujourd’hui pour envisager des aménagements aux dispositions proposées, en particulier sur les conditions de nomination du directeur.

Pour répondre à Mme Le Callennec, toutes les caisses ont aujourd’hui un directeur nommé par l’État, à l’exception de celle des avocats, pour laquelle c’est un agrément qui est prévu. Nous essayons de rapprocher les modes de gouvernance de la CNAVPL pour garantir aux assurés qui en relèvent que leurs cotisations seront bien utilisées et qu’ils pourront compter sur des conditions de départ à la retraite satisfaisantes. L’objectif n’est pas de faire entrer cette Caisse dans un ensemble qui n’existe pas à ce jour, mais de garantir son bon fonctionnement. J’ai rencontré toutes les personnes concernées, ainsi que le président Chassang. Dans la mesure où les discussions sont encore en cours, je souhaiterais d’ailleurs que M. Terrasse retire son amendement AS 493.

M. Arnaud Robinet. Si j’ai bien compris, madame la ministre, vous estimez que le régime fonctionne bien mais qu’il suscite des inquiétudes ! Or, quand on compare les caisses de retraite gérées par l’État et la CNAVPL, qui est excédentaire, et que l’on constate la mobilisation des professions libérales pour défendre leur caisse, on voit mal où sont leurs inquiétudes.

Il serait intéressant que certains membres de la majorité, notamment des parlementaires, osent s’exprimer car, quand on est avec eux sur des tribunes lors de congrès de médecins, de pharmaciens ou de professions libérales, leur discours est différent. Il faudrait éviter ce double langage !

M. Philippe Vigier. Dans une structure de droit privé, le directeur est nommé par le conseil d’administration. En l’occurrence, les membres de celui-ci sont issus des professions libérales.

Comment, avec un excédent de 15 milliards d’euros, le régime serait-il si mal géré ? Y a-t-il eu des fraudes avérées, des détournements ou des malversations organisées ? Auquel cas, j’espère que vous allez porter plainte madame la ministre !

Nous savons que d’ici à 2020, il manquera, selon le Conseil d’orientation des retraites, 15 milliards d’euros et que certains régimes, spéciaux notamment, sont structurellement déficitaires. Considère-t-on pour autant qu’ils sont mal gérés ? Non. Et s’ils restent spéciaux, c’est parce que le Gouvernement l’a souhaité !

M. Christian Paul. L’histoire retiendra de ce débat en commission que vous avez lutté pendant des heures jusqu’au bout de la nuit contre la prise en compte de la pénibilité dans le système de retraite et que, dès le lendemain matin, vous avez continué sur le mode du lobbying pour essayer de perpétuer des organisations qui, sans être en tous points condamnables, paraissent échapper à la rigueur normale qu’on attend d’une caisse de retraite, que ce soit au travers des modes de désignation de sa direction générale ou des conventions de gestion. Vous avez des indignations bien sélectives !

M. Gérard Sebaoun. Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) est très sévère : déplacements hasardeux, absence de contrôle, directeur faisant ce qu’il veut, conflits d’intérêt. Une caisse ne peut être gérée ainsi ; il faut mettre fin à ces dérives.

M. Jean-Pierre Barbier. Ce débat est ubuesque. Cette caisse est globalement excédentaire et on la dénonce comme un modèle de mauvaise gestion, au contraire des régimes déficitaires dont on a parlé tout le reste du temps !

M. Gérard Sebaoun. On ne fait que rappeler le constat de l’IGAS !

M. Jean-Pierre Barbier. Je ne le conteste pas mais le régime est excédentaire !

Mme Véronique Louwagie. Madame la ministre, vous avez invoqué un objectif de cohérence et d’harmonisation. Or, depuis le début du débat, chaque fois que nous avons fait valoir cet argument, on nous a répondu que cet aspect devait être traité plus tard. Il y a deux poids et deux mesures, selon ce qui vous arrange.

Nous voulons bien entendre les difficultés constatées, mais la caisse fonctionne bien : ses résultats en termes de gestion le montrent. S’il y a des problèmes administratifs, on ne les résoudra pas en supprimant le lien étroit entre le président du conseil d’administration, les administrateurs et le directeur. Il faut au contraire que celui-ci soit en phase avec le président de ce conseil.

En outre, vous ne nous avez pas dit pourquoi vous vouliez étatiser cette caisse.

M. Philippe Vigier. L’absence de réforme proposée par le Gouvernement devrait aboutir, selon le Conseil d’orientation des retraites, au déficit que j’évoquais tout à l’heure, lequel, compte tenu des hypothèses de croissance erronées qui ont été retenues – 1,6 point depuis 2011 –, pourrait atteindre 23 milliards ! Et vous stigmatisez cette caisse ! Si son directeur a mal travaillé, pensez-vous que les administrateurs ne sont pas capables de s’en rendre compte ? Pourquoi s’attaquer en urgence à ce sujet, alors que sur tous les autres, notamment la convergence, vous opposez une table rase, et que, par cette réforme totalement injuste, vous sanctuarisez la baisse des retraites sans rien toucher aux autres régimes spéciaux ? Mettons tout sur la table, y compris le fonctionnement de ces derniers !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Votre intervention, monsieur Vigier, n’apporte aucun élément nouveau !

Mme la ministre. L’enjeu de cet article n’est pas de toucher aux paramètres de calcul des pensions, mais de s’occuper des modes de fonctionnement et de gouvernance de cette caisse. Les deux sujets sont distincts et nous ne modifions en rien les règles applicables aux assurés pour le versement de leur retraite.

Pour ce qui est de la gouvernance, tous les autres régimes spéciaux ont adopté des règles nouvelles avec, notamment, des conventions d’objectifs et de gestion (COG). La CNAVPL exerce des missions de service public comme les autres caisses : on lui applique donc les mêmes règles, sans que cela change quoi que ce soit aux paramètres que j’évoquais. D’autant que nous avons été alertés sur plusieurs points justifiant notre intervention. Quand on sait que certains assurés doivent attendre plus d’un an pour bénéficier du versement de leur retraite, on se dit qu’il y a peut-être des améliorations à apporter.

La Commission rejette les amendements AS 4, AS 39, AS 98 et AS 151.

Elle en vient à l’amendement AS 187 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Il s’agit de préciser que la CNAVPL est un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public, sans but lucratif.

M. le rapporteur. Il n’est pas nécessaire d’apporter cette précision dans la loi. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 193 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Cet amendement vise à supprimer la tutelle du ministre chargé de la sécurité sociale sur la gestion du régime de base des professions libérales.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 191 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Il s’agit de donner au conseil d’administration de la CNAVPL la capacité de fixer la valeur de liquidation du point.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS 190 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Cet amendement vise à doter la CNAVPL d’un pouvoir de recommandation vis-à-vis des pouvoirs publics.

M. le rapporteur. Cette intention n’a rien de choquant, mais il vaut mieux attendre le compromis qui est en train de se dessiner avec le Gouvernement sur ce sujet. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte les amendements AS 437, AS 438 et AS 439 rédactionnels du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 188 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Il s’agit de rendre obligatoire la saisine du conseil d’administration de la CNAVPL pour tout projet gouvernemental modifiant l’organisation et le fonctionnement de la caisse.

M. le rapporteur. Il vaut mieux là encore attendre la nouvelle rédaction de l’article. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement AS 440 rédactionnel du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS 493 de la commission des finances.

M. le rapporteur pour avis. Il ne s’agit pas de remettre en cause le travail des administrateurs ou des présidents de section, qui font globalement un très bon travail, ni d’opposer les régimes entre eux – comme cela vient d’être fait à l’instant. Il ne faut pas non plus mettre de l’huile sur le feu : des négociations sont en cours entre le Gouvernement et l’Union nationale des professions libérales et une nouvelle rédaction de l’article nous sera proposée.

Compte tenu de la forte volonté du Gouvernement d’améliorer le dispositif pour les uns et les autres, je retire mon amendement en attendant le débat en séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 185 rectifié de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. J’observe que l’amendement du rapporteur pour avis opère un recul, puisqu’il prévoit que le directeur serait désigné sur une liste de cinq noms proposés par le conseil d’administration.

Cela dit, il est surréaliste de retirer à ce conseil le pouvoir de nommer le directeur de la caisse, qui est une structure de droit privé. Cet amendement tend à rétablir ce pouvoir.

On pourrait d’ailleurs faire un parallèle avec d’autres organismes de droit privé : monsieur le rapporteur, lors du débat en séance publique, je vous ferai une proposition qui pourra peut-être vous surprendre.

M. le rapporteur. J’attends avec impatience la surprise !

En attendant, je répète que l’article va être reformulé. Le fait que l’État nomme le directeur d’une caisse gérant des retraites obligatoires ne me choque pas. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte les amendements AS 441 et AS 442 rédactionnels du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 184 rectifié de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Quel jugement portez-vous, monsieur le rapporteur, sur la gestion des autres régimes au regard du respect des COG ? Et quels critères d’appréciation retenez-vous ?

M. le rapporteur. M. Vigier voudrait qu’on rende les COG facultatifs, mais ils constituent un cadre de gestion dans lequel on se met d’accord, un partenariat dont on vérifie régulièrement la bonne application : s’ils ne donnent pas toujours lieu à un mode de gestion parfait, ils produisent des résultats globalement satisfaisants. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement AS 443 rédactionnel du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS 183 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Même objet que l’amendement AS 184 rectifié.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 182 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Il s’agit d’alléger le contrôle du Gouvernement sur les actions exercées par les sections professionnelles.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement AS 444 rédactionnel du rapporteur.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS 180 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je m’étonne que la ministre ait préféré être présente à nos débats sur cet article plutôt que de participer au conseil des ministres !

Cet amendement vise à supprimer l’obligation de soumettre la convention de groupement de sections professionnelles à l’approbation de l’autorité compétente de l’État.

M. le rapporteur. La ministre est venue montrer tout l’intérêt qu’elle vous portait, monsieur Vigier ! Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite les amendements AS 445 et AS 446 rédactionnels du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 32 modifié.

Article 33

(art.
L. 137-11 du code de la sécurité sociale)

Externalisation des régimes à prestations définies mis en place par l’employeur

Afin de sécuriser les droits à rente constitués par les salariés, le présent article contraint les entreprises qui gèrent encore des régimes de retraite à prestations définies en interne à les externaliser auprès d’un assureur.

Les régimes visés sont les régimes relevant de l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, ceux que l’on appelle le plus souvent les « retraites chapeaux » (61). Il s’agit de régimes exclusivement financés par l’employeur et dont le droit à pension est conditionné par la présence du salarié dans l’entreprise jusqu’au moment du départ en retraite. Du fait de cet aléa, les versements réalisés par l’employeur sont réputés non individualisables.

La plupart de ces régimes ont été externalisés auprès d’organismes assureurs, mais certains restent gérés en interne. À la différence de la protection offerte dans le cadre des contrats d’assurance, en cas de liquidation de l’entreprise, les anciens salariés bénéficiaires de pensions de retraite supplémentaire gérées en interne ne sont pas protégés :

– les pensions échues, non encore versées par l’entreprise à la date de liquidation ne sont pas protégées par un privilège spécial ;

– aucune norme n’oblige les entreprises qui n’ont pas fait le choix de l’externalisation de préfinancer leurs engagements retraite. Les normes comptables internationales leur imposent uniquement de reconnaître ces engagements dans leur bilan comptable. Quand bien même ces entreprises auraient constitué des provisions, la contrepartie à l’actif n’est pas toujours constituée d’actifs liquides.

Cette situation contrevient aux dispositions de la directive 2008/94/CE relative à la protection des travailleurs salariés (article 8) en cas d’insolvabilité de l’employeur. La Commission européenne a mis la France en demeure de se mettre en conformité avec la directive précitée. Cette procédure précontentieuse est l’ultime étape avant un contentieux communautaire dont l’issue serait probablement défavorable à la France.

Des mesures ont été prises pour inciter à l’externalisation, mais les régimes internes existants n’ont pas été interdits. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 a interdit de créer de nouveaux régimes à prestations définies en gestion interne à compter du 1er janvier 2010 et sollicité la remise d’un rapport afin d’appréhender précisément la cartographie des régimes existants. Il ressort de cette étude que le nombre de régimes ainsi gérés en interne est relativement faible (de l’ordre de trois cents, soit environ 3 % de l’ensemble des régimes de retraites chapeaux). Il s’agit principalement de régimes de retraite « maison » instaurés par des PME.

Par ailleurs, les lois de finances et de financement de la sécurité sociale de ces dernières années ont dissuadé de créer ou maintenir des régimes internes par un alourdissement progressif des prélèvements sociaux. La loi de finances rectificative de juillet 2012 a porté le taux de la contribution spécifique patronale prévue à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale à 48 % de la dotation aux provisions au bilan de l’entreprise si le régime est géré en interne.

Il est temps maintenant de contraindre les entreprises à externaliser ces régimes, dans l’intérêt des salariés.

2. Une externalisation planifiée sur cinq ans

Le I du présent article complète l’article L. 137-11 précité par un VI qui dispose que les rentes versées au titre des régimes à prestations définies dont le droit à pension est conditionné par la présence du salarié dans l’entreprise au moment de la retraite sont gérées exclusivement par une institution de prévoyance, une mutuelle ou un assureur.

Concrètement, les employeurs devront souscrire un contrat d’assurance auprès d’un de ces organismes afin de lui transférer la gestion de deux types de rentes : les rentes en cours de service et les futures rentes. L’organisme assureur portera les engagements (rentes viagères et revalorisation) et assurera le versement des rentes aux bénéficiaires. En contrepartie, l’employeur lui versera les capitaux constitutifs de ces rentes à chaque nouvelle liquidation. Ainsi, l’organisme assureur portera le risque du versement des rentes, protégeant ainsi les retraités du risque d’insolvabilité de leur dernier employeur.

Le II prévoit d’accorder aux entreprises un délai de cinq ans pour le transfert des rentes en cours de service. En effet, le transfert des provisions représentatives des rentes en cours de service peut être problématique pour le bilan de l’entreprise, notamment quand la contrepartie à l’actif n’est pas liquide.

*

La Commission adopte l’article sans modification.

Après l’article 33

La Commission est saisie de l’amendement AS 494 de la commission des finances portant article additionnel après l’article 33.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à faire en sorte que le régime de retraite complémentaire IRCANTEC puisse trouver une solution à sa situation d’insécurité juridique provoquée par la loi du 8 août 1994, qui l’avait oublié. Il s’agit de lui donner un fondement légal, de manière à le sécuriser juridiquement.

M. le rapporteur. Vous soulevez une bonne question. Mais la réponse que vous y apportez pourrait être améliorée. Je vous propose donc que nous travaillions à une autre rédaction en vue du débat en séance publique.

M. le rapporteur pour avis. Je suis ouvert à toutes les améliorations et retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

Article 34

Habilitation à prendre par ordonnance les mesures d’harmonisation nécessaires à Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte

Les régimes de retraite du département d’outre-mer de Mayotte et de la collectivité d’outre-mer de Saint-Pierre-et-Miquelon sont régis par des dispositions spécifiques. Cet article vise à permettre l’application de la réforme à ces territoires, tout en tenant compte de leurs spécificités.

Le I autorise pour ce faire le Gouvernement à légiférer par ordonnances, en distinguant entre Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le régime de retraite de base obligatoire mahorais a été créé le 27 mars 2002 par l’ordonnance n° 2002-411. Il s’applique aux résidents mahorais salariés et assimilés de droit privé et à certains agents publics. Par l’ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011, les mesures de la loi portant réforme des retraites de 2010 lui ont été intégrées.

Cependant, des spécificités du régime de retraite mahorais nécessitent une adaptation de la réforme sur certains points, notamment en termes de progressivité, afin de répondre à la montée en charge progressive des paramètres du système. Dans le cadre de la réforme de l’indemnité temporaire de retraite, le plafonnement de la majoration doit diminuer par paliers d’ici 2027.

Pour Mayotte, l’objectif des ordonnances est ainsi d’étendre et d’adapter la législation métropolitaine en matière d’assurance vieillesse. Le caractère encore récent de l’assurance vieillesse mahoraise est au nombre des spécificités qui devront être prises en compte.

Depuis la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987, l’assurance vieillesse de Saint-Pierre-et-Miquelon est prise en charge par le régime de sécurité social propre à cette collectivité, créé par l’ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977. Ce régime couvre l’ensemble de la population. Si elle laissait place à certaines spécificités, la loi du 17 juillet 1987 prévoyait un rapprochement entre le régime général métropolitain et le régime général de Saint-Pierre-et-Miquelon. Au contraire de cette ambition, les spécificités du régime de la collectivité se sont accentuées avec le temps, les nombreuses évolutions métropolitaines depuis les années 1990 n’ayant pas été transposées. De ce fait, de nombreuses mesures prévues du présent projet de loi ne peuvent lui être appliquées en l’état.

Pour cette raison, la législation par ordonnance du Gouvernement pour Saint-Pierre-et-Miquelon doit servir l’objectif plus ambitieux d’un rapprochement des deux régimes.

Le II de l’article limite l’autorisation à légiférer par ordonnance à une période de 18 mois suivant la promulgation de la présente loi.

*

La Commission adopte l’article sans modification.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

* *

En conséquence, la Commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter le présent projet de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF (62)

___

Dispositions en vigueur

___

Texte du projet de loi

___

Texte adopté par la Commission

___

 

Projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites

Projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites

Code de la sécurité sociale

Article 1er

Article 1er

 

I. – L’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

 

Art. L. 111-2-1. – L’organisation de la sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale.

Elle garantit les travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain. Elle couvre également les charges de maternité, de paternité et les charges de famille.

Elle assure, pour toute autre personne et pour les membres de sa famille résidant sur le territoire français, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille.

Cette garantie s’exerce par l’affiliation des intéressés et le rattachement de leurs ayants droit à un (ou plusieurs) régime(s) obligatoire(s).

Elle assure le service des prestations d’assurances sociales, d’accidents du travail et maladies professionnelles, des allocations de vieillesse ainsi que le service des prestations familiales dans le cadre des dispositions fixées par le présent code.

1° Au début du premier alinéa, il est ajouté la mention : « I. – » ;

 
 

2° Il est complété par un II ainsi rédigé :

 
 

« II. – La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations.

« II. – La …

… générations. Le système de retraite par répartition assure aux retraités le versement de pensions en rapport avec les revenus qu’ils ont tirés de leur activité

 

« Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu’il a tirés de son activité.

« Les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leur sexe, leurs activités profes-sionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent.

« Les assurés bénéficient d’un traitement équitable au regard de la durée de la retraite comme du montant de leur pension, quels que soient leur sexe, leurs activités et parcours professionnels passés, leur espérance de vie en bonne santé, les régimes dont ils relèvent et la génération à laquelle ils appartiennent

 

« La Nation assigne au système de retraite par répartition les objectifs d’équité et de solidarité entre les générations et au sein des générations, de réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes, de maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités, de pérennité financière et d’un niveau élevé d’emploi des salariés âgés. »

« La …

… répartition un objectif de solidarité entre les générations et au sein de chaque génération, d’égalité des pensions entre les femmes et les hommes, de garantie d’un niveau de vie satisfaisant pour tous les retraités et de pérennité financière.

   

« Le financement du régime de retraite par répartition est assuré par des contributions réparties équitablement entre les générations et, au sein de chaque génération, entre les différents niveaux de revenus et entre les revenus tirés du travail et du capital. Il suppose de rechercher le plein emploi à tous les âges de la vie. »

Amendement AS231 et sous-Amendement AS452

Art. L. 161-17 A. – La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations.

Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu’il a tirés de son activité.

Les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leur sexe, leurs activités profes-sionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent.

Le système de retraite par répartition poursuit les objectifs de maintien d’un niveau de vie satisfaisant des retraités, de lisibilité, de transparence, d’équité intergéné-rationnelle, de solidarité intragéné-rationnelle, de pérennité financière, de progression du taux d’emploi des personnes de plus de cinquante-cinq ans et de réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes.

II. – L’article L. 161-17 A du code de la sécurité sociale est abrogé.

 

Code de la santé publique

   

Art. L. 1431-1. – Dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse, une agence régionale de santé a pour mission de définir et de mettre en œuvre un ensemble coordonné de programmes et d’actions concourant à la réalisation, à l’échelon régional et infrarégional :

- des objectifs de la politique nationale de santé définie à l’article L. 1411-1 du présent code ;

- des principes de l’action sociale et médico-sociale énoncés aux articles L. 116-1 et L. 116-2 du code de l’action sociale et des familles ;

- des principes fondamentaux affirmés à l’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale.

………………………………………….

 

III. – Au quatrième alinéa de l’article L. 14311 du code de la santé publique, le mot : « à » est remplacé par la référence : « au I de ».

Amendement AS398

 

TITRE IER

TITRE IER

 

ASSURER LA PÉRENNITÉ DES RÉGIMES DE RETRAITE

ASSURER LA PÉRENNITÉ DES RÉGIMES DE RETRAITE

 

Article 2

Article 2

Code de la sécurité sociale

I. – I. – Après l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, il est créé un article L. 161-17-3 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 161-17-3. – Pour les assurés des régimes auxquels s’applique l’article L. 161-17-2, la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d’une pension civile ou militaire de retraite sont fixées :

 
 

« 1° À 167 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1958 et le 31 décembre 1960 inclus ;

« 1° …

… 1960 ;

 

« 2° À 168 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1961 et le 31 décembre 1963 inclus ;

« 2° …

… 1963 ;

 

« 3° À 169 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1964 et le 31 décembre 1966 inclus ;

«3° …

… 1966 ;

 

« 4° À 170 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1967 et le 31 décembre 1969 inclus ;

« 4° …

… 1969 ;

 

« 5° À 171 trimestres, pour les assurés nés entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1972 inclus ;

« 5° …

… 1972 ;

 

« 6° À 172 trimestres, pour les assurés nés à partir du 1er janvier 1973. »

Amendement AS395

Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites

   

Art. 5 – I. – La durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d’une pension civile ou militaire de retraite applicables, respectivement, aux personnes mentionnées aux V et VI évoluent de manière à maintenir constant, jusqu’en 2020, le rapport constaté, à la date de publication de la présente loi, entre ces durées et la durée moyenne de retraite.

Pour le calcul du rapport entre la durée d’assurance ou de services et bonifications et la durée moyenne de retraite des années 2003 à 2007, la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d’une pension civile ou militaire de retraite sont fixées à cent soixante trimestres.

La durée moyenne de retraite s’entend, pour une année civile donnée, de l’espérance de vie à l’âge de soixante ans telle qu’estimée cinq ans auparavant, dont est retranché l’écart existant entre la durée d’assurance ou la durée des services et bonifications mentionnée à l’alinéa précédent pour l’année considérée et celle de cent soixante trimestres résultant des dispositions de la présente loi pour l’année 2008.

…………………………………………

II. – Au I de l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, la date : « 2020 » est remplacée par la date : « 2017 ».

 

Code des pensions civiles et militaires de retraite

III. – À l’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, il est ajouté un III ainsi rédigé :

 

Art. L. 13 – I. – La durée des services et bonifications admissibles en liquidation s’exprime en trimestres. Le nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de la pension civile ou militaire est fixé à cent soixante trimestres.

Ce pourcentage maximum est fixé à 75 % du traitement ou de la solde mentionné à l’article L. 15.

Chaque trimestre est rémunéré en rapportant le pourcentage maximum défini au deuxième alinéa au nombre de trimestres mentionné au premier alinéa.

II. – Le nombre de trimestres mentionné au premier alinéa du I évolue dans les conditions définies, pour la durée d’assurance ou de services, à l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

   
 

« III. – Pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1958, la durée des services et bonifications évolue dans les conditions prévues à l’article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale. Par dérogation, la durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires de l’État et des militaires qui remplissent les conditions de liquidation d’une pension avant l’âge de 60 ans est celle exigée des fonctionnaires atteignant cet âge l’année à compter de laquelle la liquidation peut intervenir. »

 
 

IV. – Le III s’applique aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et aux ouvriers des établissements industriels de l’État.

IV. – Le III de l’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite s’applique…

… l’État.

Amendement AS396

Code rural et de la pêche maritime

   

Art. L. 732-25. – Pour les assurés qui demandent la liquidation de leurs droits à retraite avant l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale augmenté de cinq années et qui ne justifient pas, tant dans le régime institué par le présent chapitre que dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, d’une durée minimale d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes, il est appliqué un coefficient de minoration au montant de la pension de retraite forfaitaire et de la pension de retraite proportionnelle. Ce coefficient n’est pas applicable au montant de la pension de retraite forfaitaire et de la pension de retraite proportionnelle liquidées en application de l’article L. 732-23.

V. – À l’article L. 732-25 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « ou de périodes reconnues équivalentes », sont ajoutés les mots : « égale à celle mentionnée à l’article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale ».

V. – …

… « égale à la durée mentionnée …

… sociale. »

Amendement AS397

Code de la sécurité sociale

Article 3

Article 3

 

I. – Le 4° de l’article L. 114-2 du code de la sécurité sociale est remplacé par les dispositions suivantes :

I. – L’article L. 1142 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

   

1° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

Art. L. 114-2 – Le Conseil d’ori-entation des retraites a pour missions :

1° De décrire les évolutions et les perspectives à moyen et long terme des régimes de retraite légalement obligatoires, au regard des évolutions économiques, sociales et démo-graphiques, et d’élaborer, au moins tous les cinq ans, des projections de leur situation financière ;

2° D’apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes ;

3° De mener une réflexion sur le financement des régimes de retraite susmentionnés et de suivre l’évolution de ce financement ;

   

4° De formuler les avis prévus aux III et IV de l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;

5° De participer à l’information sur le système de retraite et les effets des réformes conduites pour garantir son financement ;

6° De suivre la mise en œuvre des principes communs aux régimes de retraite et l’évolution des niveaux de vie des actifs et des retraités, ainsi que de l’ensemble des indicateurs des régimes de retraite, dont les taux de remplacement.

« 4° De produire et rendre public, au plus tard le 15 juin, un document annuel sur le système de retraite, fondé sur des indicateurs de suivi définis par décret au regard des objectifs énoncés au II de l’article L. 111-2-1 ; ».

 

Le conseil formule toutes recommandations ou propositions de réforme qui lui paraissent de nature à faciliter la mise en œuvre des objectifs et principes énoncés aux articles 1er à 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée ainsi qu’aux huit premiers alinéas de l’article L. 161-17.

Le Conseil d’orientation des retraites est composé, outre son président nommé en conseil des ministres, notamment de représentants des assemblées parlementaires, des organisations professionnelles, syndi-cales, familiales et sociales les plus représentatives et des départements ministériels intéressés, ainsi que de personnalités qualifiées.

Les administrations de l’État, les établissements publics de l’État et les organismes chargés de la gestion d’un régime de retraite légalement obligatoire ou du régime d’assurance chômage sont tenus de communiquer au Conseil d’orientation des retraites les éléments d’information et les études dont ils disposent et qui sont nécessaires au conseil pour l’exercice de ses missions. Le conseil fait connaître ses besoins afin qu’ils soient pris en compte dans les programmes de travaux statistiques et d’études de ces administrations, organismes et établissements.

Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret.

 

2° Au huitième alinéa, le mot : « précitée » est remplacé par les mots : « portant réforme des retraites ».

Amendement AS399

Livre Ier

Généralités - Dispositions communes à tout ou partie des régimes de base

Titre Ier –Généralités

Chapitre IV

Commissions et conseils

II. – La section 6 du chapitre IV du titre Ier du livre Ier est remplacée par une section 6 ainsi rédigée :

 

Section 6

Commission de garantie des retraites.

« Section 6

« Comité de surveillance des retraites

« Section 6

« Comité de suivi des retraites

Amendement AS282

Art. L. 114-4. – Il est créé une Commission de garantie des retraites, chargée de veiller à la mise en oeuvre des dispositions de l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée.

« Art. L. 114-4. – I. – Le comité de surveillance des retraites est composé de quatre personnalités, deux femmes et deux hommes, désignées en raison de leurs compétences en matière de retraite, nommées pour cinq ans par décret, et d’un président nommé en conseil des ministres.

« Art. L. 114- Le comité de suivi des retraites est composé de deux femmes et deux hommes désignés en raison de leurs compétences en matière de retraite, nommés pour …

Amendements AS283 et AS400

La commission est composée du vice-président du Conseil d’Etat, président, du président du Conseil économique, social et environnemental, du premier président de la Cour des comptes et du président du Conseil d’orientation des retraites.

La commission constate l’évolution respective des durées d’assurance ou de services nécessaires pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein ou obtenir le pourcentage maximum d’une pension civile ou militaire de retraite ainsi que l’évolution de la durée moyenne de retraite. Elle propose, dans un avis rendu public, les conséquences qu’il y a lieu d’en tirer au regard de l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée.

« Le conseil d’orientation des retraites, les administrations de l’État, les établissements publics de l’État, le fonds mentionné à l’article L. 4162-16 du code du travail et les organismes chargés de la gestion d’un régime de retraite légalement obligatoire ou du régime d’assurance chômage sont tenus de communiquer au comité les éléments d’information et les études dont ils disposent et qui sont nécessaires au comité pour l’exercice de ses missions. Le comité de surveillance des retraites fait connaître ses besoins afin qu’ils soient pris en compte dans les programmes de travaux statistiques et d’études de ces administrations, organismes et établissements.

« Le…

… missions. Le comité de suivi des retraites …

… établissements.

Amendement AS283

Les règles de fonctionnement de la commission sont fixées par décret.

« Un décret en Conseil d’État précise les missions du comité ainsi que ses modalités d’organisation et de fonctionnement.

 
 

« II. – Le comité rend, au plus tard le 15 juillet, en s’appuyant notamment sur le rapport du conseil d’orientation des retraites mentionné au 4° de l’article L. 114-2, un avis annuel et public :

« II. –  …

… sur le document du conseil d’orientation des retraites mentionné aux 1° et 4° de l’article L. 114-2, un avis annuel et public .

Amendements AS401 et AS284

 

« 1° Indiquant s’il considère que le système de retraite s’éloigne, de façon significative, des objectifs définis au II de l’article L. 111-2-1. Il prend en compte les indicateurs de suivi mentionnés à l’article L. 114-2 et examine la situation du système de retraite au regard en particulier de la prise en considération de la pénibilité au travail, de la situation comparée des droits à pension dans les différents régimes de retraite et des dispositifs de départs en retraite anticipée ;

« 1° …

… mentionnés au 4° de l’article …

… dispositifs de départ en retraite anticipée ;

Amendement AS402

 

« 2° Analysant la situation comparée des hommes et des femmes au regard de l’assurance vieillesse, en tenant compte des différences de montants de pension, de la durée d’assurance respective et de l’impact des avantages familiaux de vieillesse sur les écarts de pensions.

« 2° Analysant la situation comparée des femmes et des hommes au regard …

… pensions.

Amendement AS403

 

« Dans le cas prévu au 1° :

« Dans le cas prévu au 1°, le comité :

Amendement AS405

 

« a) Il adresse au Parlement, au Gouvernement, aux caisses nationales des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse, aux services de l’État chargés de la liquidation des pensions et aux institutions de retraite complémentaire mentionnées à l’article L. 922-1 des recommandations rendues publiques, destinées à garantir le respect de ces objectifs, dans les conditions prévues au III et au IV ;

« a) adresse …

… respect des objectifs mentionnés au 1° , dans …

… IV ;

Amendements AS405 et AS 404

 

« b) Il remet, au plus tard un an après avoir adressé les recommandations prévues au a, un avis public relatif à leur suivi.

« b) remet …

… suivi.

Amendement AS405

 

« III. – Les recommandations mentionnées au II portent notamment sur :

 
 

« 1° L’évolution de la durée d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension sans décote, au regard notamment de l’évolution de l’espérance de vie et de la durée de retraite ;

« 1° …

… vie, de l’espérance de vie sans incapacité, de la durée de retraite, du niveau de la population active et de la productivité ;

Amendements AS285 et 286 

 

« 2° Les transferts du Fonds de réserve pour les retraites vers les régimes de retraite tenant compte de l’ampleur et de la nature d’éventuels écarts avec les prévisions financières de l’assurance retraite ;

 
   

« 2° bis  En cas d’évolutions économiques ou démographiques plus favorables que celles retenues pour fonder les prévisions d’équilibre du régime de retraite par répartition, des mesures permettant de renforcer notamment la solidarité du régime, prioritairement au profit du pouvoir d’achat des retraités les plus modestes, de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la prise en compte de la pénibilité et des accidents de la vie professionnelle ; ».

Amendement AS288

 

« 3° Le niveau du taux de cotisation d’assurance vieillesse, de base et complémentaire.

 
   

« 4° L’affectation d’autres ressources au système de retraites, notamment pour financer les prestations non contributives. ».

Amendement AS314

 

« IV. – Les recommandations mentionnées au II ne peuvent tendre à :

 
 

« 1° Augmenter le taux de cotisation d’assurance vieillesse, de base et complémentaire, au-delà de limites fixées par décret ;

 
 

« 2° Réduire le taux de remplacement assuré par les pensions, tel que défini par décret, en deçà de limites fixées par décret.

« 2° …

… pensions en deçà …

… décret.

Amendement AS406

 

« V. – Le Gouvernement, après consultation des partenaires sociaux, présente au Parlement les suites qu’il entend donner aux recommandations prévues au II. »

« V. – …

… consultation des organisations représentatives des employeurs et des salariés , présente …

… au II. »

Amendement AS407

Section 8

Comité de pilotage des régimes de retraite

III. – La section VIII du chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est abrogée.

 

Art. L. 114-4-2. – I. – Le Comité de pilotage des régimes de retraite veille au respect des objectifs du système de retraite par répartition définis au dernier alinéa de l’article L. 161-17 A.

II. – Chaque année, au plus tard le 1er juin, le comité rend au Gouvernement et au Parlement un avis sur la situation financière des régimes de retraite, sur les conditions dans lesquelles s’effectue le retour à l’équilibre du système de retraite à l’horizon 2018 et sur les perspectives financières au-delà de cette date.

Lorsque le comité considère qu’il existe un risque sérieux que la pérennité financière du système de retraite ne soit pas assurée, il propose au Gouvernement et au Parlement les mesures de redressement qu’il estime nécessaires.

   

Art. L. 114-4-3. – Le Comité de pilotage des régimes de retraite est composé de représentants de l’État, des députés et des sénateurs membres du Conseil d’orientation des retraites, de représentants des régimes de retraite légalement obligatoires, de repré-sentants des organisations d’employeurs les plus représentatives au plan national, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national interprofessionnel et de personnalités qualifiées.

Un décret définit la composition et les modalités d’organisation de ce comité. Il précise les conditions dans lesquelles sont représentés les régimes de retraite dont le nombre de cotisants est inférieur à un seuil qu’il détermine.

Le comité s’appuie sur les travaux du Conseil d’orientation des retraites. Les organismes chargés de la gestion d’un régime de retraite légalement obligatoire ou du régime d’assurance chômage communiquent au comité les éléments d’information et les études dont ils disposent et qui sont nécessaires au comité pour l’exercice de ses missions.

   
 

IV. – L’article L. 135-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

 

Art. L. 135-6. – Il est créé un établissement public de l’État à caractère administratif, dénommé « Fonds de réserve pour les retraites », placé sous la tutelle de l’État.

   

Ce fonds a pour mission principale de gérer les sommes qui lui sont affectées afin de constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes de retraite.

Les réserves sont constituées au profit des régimes obligatoires d’assurance vieillesse visés à l’article L. 222-1 et aux 1° et 2° de l’article L. 621-3 ainsi que du fonds mentionné à l’article L. 135-1.

Les sommes affectées au fonds sont mises en réserve jusqu’au 1er janvier 2011. À compter de cette date et jusqu’en 2024, le fonds verse chaque année, au plus tard le 31 octobre, 2,1 milliards d’euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale afin de participer au financement des déficits, au titre des exercices 2011 à 2018, des organismes mentionnés à l’alinéa précédent. Le calendrier et les modalités de ces versements sont fixés par convention entre les deux établissements.

Le Fonds de réserve pour les retraites assure également la gestion financière d’une partie de la contribution exceptionnelle, forfaitaire et libératoire due à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés en application du 3° de l’article 19 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

1° Au début dudeuxième alinéa, il est ajouté la mention : « I. – » ;

 
 

2° Après lequatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 
 

« II. – Les réserves qui excèdent la couverture des engagements mentionnés au dernier alinéa du I peuvent être affectées par la loi de financement de la sécurité sociale pour financer, le cas échéant, la correction de déséquilibres financiers conjoncturels des régimes ou du fonds mentionnés au deuxième alinéa du I, notamment ceux identifiés dans le cadre des dispositions prévues à l’article L. 114-4. » ;

« II. – …

… sociale au financement, le cas échéant, de la correction de déséquilibres financiers conjoncturels des régimes de retraite ou du fonds mentionnés au deuxième alinéa du I, notamment ceux identifiés dans les conditions prévues à l’article L. 114-4. » ;

Amendement AS408

Les conditions et les résultats de la gestion de cette partie de la contribution sont retracés chaque année dans l’annexe des comptes du fonds. Cette partie de la contribution et ses produits financiers, nets des frais engagés par le fonds, sont rétrocédés à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés à compter de 2020, dans des conditions fixées par convention entre la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés et le Fonds de réserve pour les retraites.

3° Au début ducinquièmealinéa, devenu lesixième, il est ajouté la mention : « III. – ».

 
 

Article 4

Article 4

 

I. – L’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

 

Art. L. 161-23-1. – Le coefficient annuel de revalorisation des pensions de vieillesse servies par le régime général et les régimes alignés sur lui est fixé, au 1er avril de chaque année, conformément à l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac prévue, pour l’année considérée, par une commission dont la composition et les modalités d’organisation sont fixées par décret.

1° Au premier et au deuxième alinéa, les mots : « 1er avril » sont remplacés par les mots : « 1er octobre » ;

2° Au premier alinéa, les mots : « , par une commission dont la composition et les modalités d’organisation sont fixées par décret » sont remplacés par les mots : « dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances » ;

 

Si l’évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac de l’année considérée établie à titre définitif par l’Institut national de la statistique et des études économiques est différente de celle qui avait été initialement prévue, il est procédé à un ajustement du coefficient fixé au 1er avril de l’année suivante, égal à la différence entre cette évolution et celle initialement prévue.

   

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa et sur proposition du Comité de pilotage des régimes de retraite, une correction au taux de revalorisation de l’année suivante peut être proposée au Parlement dans le cadre du plus prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

3° Le dernier alinéa est supprimé.

 

Art. L. 341-6. – Les salaires servant de base au calcul des pensions et les pensions déjà liquidées sont revalorisés dans les conditions fixées à l’article L. 351-11.

II. – À l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale, les mots : « dans les conditions fixées à l’article L. 351-11 » sont remplacés par les mots : « au 1er avril de chaque année par application d’un coefficient de revalorisation égal à l’évolution prévisionnelle en moyenne annuelle des prix à la consommation hors tabac, prévue pour l’année en cours, le cas échéant corrigée de la différence entre le taux d’évolution retenu pour fixer le coefficient de l’année précédente et le taux d’évolution de cette même année. »

 

Art. L. 816-2. – Les montants des allocations définies au présent titre et des plafonds de ressources prévus pour leur attribution sont revalorisés aux mêmes dates et selon les mêmes conditions que celles prévues pour les pensions de vieillesse de base par l’article L. 161-23-1.

III. – À l’article L. 816-2 du même code, les mots : « prévues pour les pensions de vieillesse de base par l’article L. 161-23-1 » sont remplacés par les mots : « applicables aux pensions d’invalidité prévues à l’article L. 341-6 ».

 
 

IV. – Les montants de l’allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l’article L. 815-1 du même code et des prestations prévues à l’article 2 de l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse, ainsi que les plafonds de ressources prévus pour le service de ces allocations et prestations, sont revalorisés dans les conditions prévues à l’article L. 816-2 du code de la sécurité sociale.

 

Code des pensions civiles et militaires de retraite

V. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

 
   

 1 A° L’article L. 27 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Art. L. 27. – Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l’incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d’infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d’une ou plusieurs personnes et qui n’a pu être reclassé dans un autre corps en application de l’article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d’office à l’expiration d’un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l’article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article.

   
   

« L’intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l’article L. 24 du présent code. Par dérogation à l’article L. 16, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. »

Amendement AS453

 

1° L’article L. 28 est ainsi modifié :

 

Art. L. 28. – Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l’article L. 27 a droit à une rente viagère d’invalidité cumulable, selon les modalités définies à l’article L. 30 ter, avec la pension rémunérant les services.

Le droit à cette rente est également ouvert au fonctionnaire retraité qui est atteint d’une maladie professionnelle dont l’imputabilité au service est reconnue par la commission de réforme postérieurement à la date de la radiation des cadres, dans les conditions définies à l’article L. 31. Dans ce cas, la jouissance de la rente prend effet à la date du dépôt de la demande de l’intéressé, sans pouvoir être antérieure à la date de publication de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Il en est également ainsi lorsque l’entrée en jouissance de la pension est différée en application de l’article L. 25 du présent code.

   

Le montant de la rente d’invalidité est fixé à la fraction du traitement ou de la solde de base définis à l’article L. 15 égale au pourcentage d’invalidité. Si le montant de ce traitement ou de cette solde de base dépasse un montant correspondant à la valeur de l’indice majoré 681 au 1er janvier 2004, revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 16, la fraction dépassant cette limite n’est comptée que pour le tiers. Toutefois, il n’est pas tenu compte de la fraction excédant dix fois ce montant brut.

Le taux d’invalidité est déterminé compte tenu d’un barème indicatif fixé par décret.

a) À la deuxième phrase du troisième alinéa, les mots : « l’article L. 16 » sont remplacés par les mots : « l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale » ;

 

La rente d’invalidité est liquidée, concédée et payée dans les mêmes conditions et suivant les mêmes modalités que la pension.

b) Au cinquième alinéa, les mots : « liquidée, concédée et payée » sont remplacés par les mots : « liquidée, concédée, payée et revalorisée » ;

b) Au …

… revalorisée dans les mêmes conditions que la pension prévue à l’article L. 27 ».

Amendement AS454

Le total de la pension et de la rente d’invalidité est élevé au produit du pourcentage maximum prévu à l’article L. 13 par le traitement mentionné à l’article L. 15 et revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 16 lorsque le fonctionnaire civil est mis à la retraite à la suite d’un attentat ou d’une lutte dans l’exercice de ses fonctions ou d’un acte de dévouement dans un intérêt public ou pour avoir exposé ses jours pour sauver la vie d’une ou plusieurs personnes. Toutefois, le taux de l’invalidité rémunérable doit être au moins égal à 60 %.

c) À la première phrase du sixième alinéa, les mots : « l’article L. 16 » sont remplacés par les mots : « l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale » ;

 
   

2° L’article L. 29 est ainsi modifié :

Art. L. 29. – Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l’incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d’une invalidité ne résultant pas du service et qui n’a pu être reclassé dans un autre corps en application de l’article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d’office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l’inaptitude résulte d’une maladie ou d’une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l’expiration d’un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l’article 36 (2°) de l’ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l’article 36 (3°) de ladite ordonnance. L’intéressé a droit à la pension rémunérant les services, sous réserve que ses blessures ou maladies aient été contractées ou aggravées au cours d’une période durant laquelle il acquérait des droits à pension.

2° Après la deuxième phrase de l’article L. 29, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation à l’article L. 16, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. » ;

a) À la seconde phrase, après le mots: « services » sont insérés les mots: « prévue  au 2° du I de l’article L. 24 ».

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Par …

… sociale. » ;

Amendement AS455

Art. L. 30. – Lorsque le fonction-naire est atteint d’une invalidité d’un taux au moins égal à 60 %, le montant de la pension prévue aux articles L. 28 et L. 29 ne peut être inférieur à 50 % du traitement mentionné à l’article L. 15 et revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 16.

3° À l’article L. 30, les mots : « l’article L. 16 » sont remplacés par les mots : « l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale » ;

3° À la fin de l’article L. 30, et de la première phrase des articles L. 30 bis et L. 30 ter, les mots …

… sociale » ; 

Amendement AS456

Art. L. 30 bis. – Lorsque le fonctionnaire est dans l’obligation d’avoir recours d’une manière constante à l’assistance d’une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie, il a droit à une majoration spéciale d’un montant correspondant à la valeur de l’indice majoré 227 au 1er janvier 2004, revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 16. Le droit à cette majoration est également ouvert au fonctionnaire relevant du deuxième alinéa de l’article L. 28.

4° À la première phrase de l’article L. 30 bis, les mots : « l’article L. 16 » sont remplacés par les mots : « l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale » ;

Alinéa supprimé

Art. L. 30 ter. – Sans préjudice du plafond fixé au V de l’article L. 18, le montant total des prestations accordées au fonctionnaire invalide, à l’exclusion des majorations prévues aux articles L. 18 et L. 30 bis, ne peut excéder le montant du traitement mentionné à l’article L. 15 et revalorisé dans les conditions prévues à l’article L. 16. En cas de dépassement, le montant de chaque prestation est réduit à due proportion.

5° À la première phrase de l’article L. 30 ter, les mots : « l’article L. 16 » sont remplacés par les mots : « l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale » ;

Alinéa supprimé

Amendement AS456

Art. L. 34. – Les militaires qui ont été atteints en service d’infirmités susceptibles d’ouvrir droit à pension au titre du code des pensions militaires d’invalidité reçoivent la pension dudit code afférente à leur grade à laquelle s’ajoute, le cas échéant, la pension ou la solde de réforme susceptible de leur être allouée en application des dispositions des articles L. 6 et L. 7.

6° À la fin de l’article L. 34, il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation à l’article L. 16, la pension versée en application du 2° de l’article L. 6 est revalorisée dans les conditions fixées à l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale. » ;

 

Art. L. 50. – I. - En cas de décès d’un fonctionnaire civil ou militaire par suite d’un attentat, d’une lutte dans l’exercice de ses fonctions, d’un acte de dévouement dans un intérêt public ou pour sauver la vie d’une ou plusieurs personnes, une pension de réversion est concédée aux conjoints.A cette pension de réversion s’ajoute soit la moitié de la rente viagère d’invalidité dont aurait pu bénéficier le fonctionnaire, soit la pension prévue au code des pensions militaires d’invalidité, de manière à ce que le total ne soit pas inférieur à un montant correspondant à la valeur de l’indice majoré 227 au 1er janvier 2004, revalorisé dans les conditions de l’article L. 16.

…………………………………………

7° Au premier alinéa de l’article L. 50, les mots : « l’article L. 16 » sont remplacés par les mots : « l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale ».

7° Au …

… L. 16 de » sont remplacés par les mots : « prévues à l’article L. 341-6 du code de la sécurité sociale ».

Amendement AS457

 

VI. – Le V du présent article s’applique aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et aux ouvriers des établissements industriels de l’État.

Alinéa supprimé

Amendement AS458

Code des transports

 

Article 4 bis

   

L’article L.5552-20 du code des transports est ainsi rédigé:

Art. L. 5552-20. – Les pensions concédées sont revalorisées lorsque le salaire forfaitaire est revalorisé.

 

« Art. L. 5552-20. – Les pen-sions sont revalorisées dans les conditions fixées à l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale ».

 

TITRE II

TITRE II

 

RENDRE LE SYSTÈME PLUS JUSTE

RENDRE LE SYSTÈME PLUS JUSTE

 

Chapitre Ier

Chapitre Ier

 

Mieux prendre en compte la pénibilité du travail

Mieux prendre en compte la pénibilité du travail

Code du travail

Article 5

Article 5

 

I. – Il est créé au sein du livre Ier de la quatrième partie du code du travail un titre VI intitulé : « Dispositions particulières à certains facteurs de risques professionnels et à la pénibilité ».

 
 

II. – Il est créé au sein de ce titre VI un chapitre Ier intitulé : « Fiche de prévention des expositions ». Ce chapitre Ier comprend l’article L. 4121-3-1 du code du travail, qui devient l’article L. 4161-1, et est ainsi modifié :

 

Art. L. 4121-3-1. – Pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels déterminés par décret et liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé, l’employeur consigne dans une fiche, selon des modalités déterminées par décret, les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé, la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période. Cette fiche individuelle est établie en cohérence avec l’évaluation des risques prévue à l’article L. 4121-3. Elle est communiquée au service de santé au travail qui la transmet au médecin du travail. Elle complète le dossier médical en santé au travail de chaque travailleur. Elle précise de manière apparente et claire le droit pour tout salarié de demander la rectification des informations contenues dans ce document. Le modèle de cette fiche est fixé par arrêté du ministre chargé du travail après avis du Conseil d’orientation sur les conditions de travail.

1° Au premier alinéa :

a) Après les mots : « pour chaque travailleur exposé », sont insérés les mots : « , au-delà de certains seuils, » et les mots : « déterminés par décret et » ainsi que les mots : « , selon des modalités déterminées par décret » sont supprimés ;

b) Après les mots : « les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est », est inséré le mot : « effectivement » ;

c) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Les facteurs de risques professionnels et les seuils d’exposition, ainsi que les modalités et la périodicité selon lesquelles la fiche individuelle est renseignée par l’employeur, sont déterminés par décret. » ;

 

Une copie de cette fiche est remise au travailleur à son départ de l’établissement, en cas d’arrêt de travail excédant une durée fixée par décret ou de déclaration de maladie profes-sionnelle. Les informations contenues dans ce document sont confidentielles et ne peuvent pas être communiquées à un autre employeur auprès duquel le travailleur sollicite un emploi. En cas de décès du travailleur, ses ayants droit peuvent obtenir cette copie.

2° Au deuxième alinéa, après les mots : « déclaration de maladie professionnelle. », il est inséré la phrase : « Elle est tenue à sa disposition à tout moment. » ;

 
 

3° Il est ajouté un troisième alinéa ainsi rédigé :

 
 

« Les entreprises utilisatrices mentionnées à l’article L. 1251-1 transmettent à l’entreprise de travail temporaire les informations nécessaires à l’établissement par cette dernière de la fiche individuelle, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. »

 
   

« L’employeur remet chaque année au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail un bilan de l’application des dispositions du présent article. Ce bilan présente notamment le nombre de fiches de prévention des expositions qu’il a établies, les conditions de pénibilité auxquelles les travailleurs sont exposés et les mesures de prévention, organisationnelles, collectives et individuelles que l’employeur a mises en œuvre.

Amendement AS496

Code de la sécurité sociale

   

Art. L. 351-1-4. –  III. ― Les I et II sont également applicables à l’assuré justifiant d’une incapacité permanente d’un taux inférieur à celui mentionné au I, sous réserve :

1° Que le taux d’incapacité permanente de l’assuré soit au moins égal à un taux déterminé par décret ;

2° Que l’assuré ait été exposé, pendant un nombre d’années déterminé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail.

 

« III. –  Au 2°  du III des articles L. 35114 du code de la sécurité sociale et L. 732-18-3 du code rural et de la pêche maritime, la référence : « L. 4121-31 » est remplacée par la référence : « L. 41611 »

Amendement AS461

Code rural et de la pêche maritime

   

Art. L. 732-18-3 – III. – Les I et II sont également applicables à l’assuré justifiant d’une incapacité permanente d’un taux inférieur à celui mentionné au I, sous réserve :

1° Que le taux d’incapacité permanente de l’assuré soit au moins égal à un taux déterminé par décret ;

2° Que l’assuré ait été exposé, pendant un nombre d’années déterminé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail

   

Code du travail

Art. L. 2313-1. – Les délégués du personnel ont pour mission :

1° De présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives aux salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant la protection sociale, la santé et la sécurité, ainsi que des conventions et accords applicables dans l’entreprise ;

2° De saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l’application des dispositions légales dont elle est chargée d’assurer le contrôle.

 

IV. – Au 1° de l’article L. 2313-1 du code du travail, après le mot : « concernant », sont insérés les mots : « la pénibilité, ».

Amendement AS289

   

Article 5 bis

   

Le Gouvernement présente au Parlement, après avis du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, et avant le 31 décembre 2020, un rapport sur l’évolution des conditions de pénibilité auxquelles les salariés sont exposés et sur l’application du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail. Tout projet d’actualisation du décret mentionné à l’article L. 41611 du code du travail, notamment en fonction de l’évolution des métiers et des conditions de leur exercice, doit faire l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel aux fins d’une éventuelle négociation.

Amendement AS498

 

Article 6

Article 6

 

Au titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail, il est ajouté un chapitre II ainsi rédigé :

 
 

« Chapitre II

 
 

« Compte personnel de prévention de la pénibilité

 
 

« Section 1

« Ouverture et abondement du compte personnel de prévention de la pénibilité

 
 

« Art. L. 4162-1. – Les salariés des employeurs de droit privé ainsi que le personnel des personnes publiques employé dans les conditions du droit privé peuvent acquérir des droits au titre d’un compte personnel de prévention de la pénibilité dans les conditions définies au présent chapitre.

 
 

« Toutefois, les salariés affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité des emplois occupés ne se constituent pas de droits au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Un décret précise les régimes concernés.

« « Les salariés affiliés à un régime spécial de retraite comportant un dispositif spécifique de reconnaissance et de compensation de la pénibilité n’acquièrent pas de droits au titre du compte personnel de prévention de la pénibilité. Un décret fixe la liste des régimes concernés.

Amendements AS462 et AS 463

 

« Art. L. 4162-2. – Le compte personnel de prévention de la pénibilité est ouvert pour un travailleur dès lors que celui-ci a acquis des droits dans les conditions définies au présent chapitre. Les droits constitués sur le compte lui restent acquis jusqu’à leur liquidation ou à son admission à la retraite.

« Art. L. 4162-2. – …

… ouvert dès lors qu’un salarié a acquis … 

… retraite.

Amendement AS464

 

« L’exposition effective d’un travailleur à un ou plusieurs des facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1 au-delà des seuils d’ex-position définis par décret, consignée dans la fiche individuelle prévue au même article, ouvre droit à l’attribution de points sur le compte personnel de prévention de la pénibilité.

« L’exposition …

… droit à l’acquisition de points …

… pénibilité.

Amendement AS465

 

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’inscription des points sur le compte. Il précise le nombre maximum de points pouvant être acquis par un salarié au cours de sa carrière et définit le nombre de points auquel ouvrent droit les expositions simultanées à plusieurs facteurs de risques professionnels.

 
 

« Art. L. 4162-3. – Les points sont attribués au vu des expositions du salarié déclarées par l’employeur, sur la base de la fiche mentionnée à l’article L. 4161-1, auprès de la caisse mentionnée à l’article L. 215-1, à l’article L. 222-1-1 du code de la sécurité sociale ou à l’article L. 723-2 du code rural et de la pêche maritime dont il relève.

 
 

« Chaque année, l’employeur transmet au salarié une copie de la fiche mentionnée à l’article L. 4161-1.

« Chaque …

… L. 4161-1 en lui indiquant ses éventuelles possibilités de contestation.

Amendement AS146

 

« Selon la même périodicité, l’employeur transmet une copie de cette fiche à la caisse mentionnée au premier alinéa.

« Chaque année, l’employeur …

… alinéa.

Amendement AS466

 

« Section 2

« Utilisations du compte personnel de prévention de la pénibilité

 
 

« Art. L. 4162-4. – I. – Le titulaire du compte personnel de prévention de la pénibilité peut décider d’affecter en tout ou partie les points inscrits sur son compte à une ou plusieurs des trois utilisations suivantes :

 
 

« 1° La prise en charge de tout ou partie des frais d’une action de formation professionnelle continue en vue d’accéder à un emploi non exposé ou moins exposé à des facteurs de pénibilité ;

 
 

« 2° Le financement du complément de sa rémunération et des cotisations et contributions sociales légales et conventionnelles en cas de réduction de sa durée de travail ;

 
 

« 3° Le financement d’une majoration de durée d’assurance vieillesse.

« 3° …

… vieillesse et d’un départ en retraite avant l’âge légal de départ en retraite de droit commun.

Amendement AS295

 

« II. – La demande d’utilisation des points peut intervenir à tout moment de la carrière du titulaire du compte, que celui-ci soit salarié ou demandeur d’emploi, pour l’utilisation mentionnée au 1°. Pour les droits mentionnés aux 2° et 3°, elle peut intervenir à compter d’âges fixés par décret.

« II. – …

… mentionnée aux 1°  et 2° du I. Pour les droits mentionnés au 3° du même I, la liquidation des points acquis, sous réserve d’un nombre suffisant, peut intervenir à partir de trois années avant l’âge défini à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale.

Amendements AS296 et AS61

 

« Les droits mentionnés aux 1° et 2° du I ne peuvent être exercés que lorsque le salarié relève, à la date de sa demande, du champ d’application défini à l’article L. 4162-1.

« Les …

… demande, des catégories définies au premier alinéa de l’article L. 4162-1.

Amendement AS373

 

« III. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’utilisation des points inscrits au compte. Il fixe le barème de points spécifique à chaque utilisation du compte. Il précise les conditions et limites dans lesquelles les points acquis ne peuvent être affectés qu’à l’utilisation mentionnée au 1° du I.

« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les modalités suivant lesquelles le salarié est informé des possibilités d’utilisation du compte et détermine …

… du I.

Amendement AS148

 

« IV. – Pour les personnes âgées d’au moins 57 ans au 1er janvier 2015, le barème d’acquisition des points portés au compte personnel de prévention de la pénibilité et les conditions d’utilisation des points acquis peuvent être aménagés par décret en Conseil d’État afin de faciliter le recours aux utilisations prévues au 2° et au 3° du I.

« IV. – Pour les personnes âgées d’au moins 52 ans …

… du I.

Amendement AS299

 

« Sous-section 1

« Utilisation du compte pour la formation

« Sous-section 1

« Utilisation du compte pour la formation professionnelle

Amendement AS374

 

« Art. L. 4162-5. – Lorsque le titulaire du compte personnel de prévention de la pénibilité décide de mobiliser tout ou partie des points inscrits sur le compte pour l’utilisation mentionnée au 1° du I de l’article L. 4162-4, ces points sont convertis en heures de formation pour abonder son compte personnel de formation, prévu à l’article L. 6111-1.

 
 

« Sous-section 2

« Utilisation du compte pour le passage à temps partiel

 
 

« Art. L. 4162-6. – Tout salarié titulaire d’un compte personnel de prévention de la pénibilité a droit, dans les conditions et limites prévues aux articles L. 4162-2 et L. 4162-4, à une réduction de sa durée de travail, à compter de l’âge fixé en application du II de l’article L. 4162-4.

« Art. L. 4162-6. – Le salarié …

… L. 4162-4.

Amendement AS375

 

« Art. L. 4162-7. – Le salarié demande à l’employeur à bénéficier d’une réduction de sa durée de travail dans des conditions fixées par décret.

 
 

« L’employeur peut refuser de faire droit à la demande du salarié. Ce refus doit être justifié par une impossibilité due à l’activité économique de l’entreprise.

« L’employeur peut refuser de faire droit à la demande du salarié dans la limite de deux années civiles et ce refus doit être motivé. Ce …

… l’entreprise.

Amendement AS301

 

« Art. L. 4162-8. – Le complé-ment de rémunération mentionné au 2° du I de l’article L. 4162-4 est déterminé dans des conditions et limites fixées par décret. Il est assujetti à l’ensemble des cotisations et contributions sociales légales et conventionnelles selon les modalités en vigueur à la date de son versement.

 
 

« Sous-section 3

« Utilisation du compte pour la retraite

 
 

« Art. L. 4162-9. – Les titulaires du compte personnel de prévention de la pénibilité décidant, à compter de l’âge fixé en application du II de l’article L. 4162-4, d’affecter des points à l’utilisation mentionnée au 3° du I du même article bénéficient de la majoration de durée d’assurance mentionnée à l’article L. 351-6-1 du code de la sécurité sociale.

 
 

« Section 3

« Gestion des comptes, contrôle et réclamations

 
 

« Art. L. 4162-10. – La gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité est assurée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés et le réseau des organismes régionaux chargés du service des prestations d’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale.

 
 

« Les organismes gestionnaires enregistrent sur le compte les points correspondant aux données déclarées par l’employeur en application de l’article L. 4162-3 et notifient annuellement au travailleur les points acquis au titre de l’année écoulée. Ils mettent à la disposition du travailleur un service d’information en ligne lui permettant de connaître le nombre de points qu’il a acquis et consommés au cours de l’année civile précédente, le nombre total de points inscrits sur son compte ainsi que les utilisations possibles de ces points.

« Les …

… L. 4162-3 et portent annuellement à la connaissance du travailleur les points acquis au titre de l’année écoulée en indiquant les possibilités de recours. Ils mettent à la disposition du travailleur un service d’information sur internet lui …

… points.

Amendements AS482, AS211 et AS376

 

« Ils versent les sommes représentatives des points que le travailleur souhaite affecter aux utilisations mentionnées aux 1°, 2° et 3° du I de l’article L. 4162-4 respectivement aux financeurs des actions de formation professionnelle suivies, aux employeurs concernés ou au régime de retraite compétent.

 
 

« Un décret fixe les conditions d’application du présent article.

 
 

« Art. L. 4162-11. – Dans des conditions définies par décret, les organismes gestionnaires peuvent procéder à des contrôles de l’effectivité et de l’ampleur de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que de l’exhaustivité des données déclarées, sur pièces et sur place, ou faire procéder à ces contrôles par des organismes habilités dans des conditions définies par décret. Ils peuvent demander aux services de l’administration du travail, aux personnes chargées des missions mentionnées au 2° de l’article L. 215-1 du code de la sécurité sociale et aux caisses de mutualité sociale agricole de leur communiquer toute information utile. Le cas échéant, ils notifient à l’employeur et au salarié les modifications qu’ils souhaitent apporter aux éléments ayant conduit à la détermination du nombre de points enregistrés sur le compte du salarié. Ce redressement ne peut intervenir qu’au cours des trois années civiles suivant la fin de l’année au titre de laquelle des points ont été ou auraient dû être portés au compte.

« Art. L. 4162-11. – …

… gestionnaires mentionnés à l’article L. 416210 peuvent …

… points inscrits sur le …

… être inscrits au compte.

Amendements AS380 et AS377

 

« En cas de déclaration inexacte, le montant des cotisations mentionnées à l’article L. 4162-19 et le nombre de points sont régularisés. L’employeur peut faire l’objet d’une pénalité prononcée par le directeur de l’organisme gestionnaire, dans la limite de 50 % du plafond mensuel de sécurité sociale en vigueur, au titre de chaque salarié ou assimilé pour lequel l’inexactitude est constatée. L’entreprise utilisatrice, au sens de l’article L. 1251-1, peut, dans les mêmes conditions, faire l’objet d’une pénalité lorsque la déclaration inexacte de l’employeur trouve sa cause dans la méconnaissance de l’obligation mise à sa charge par l’article L. 4161-1. La pénalité est recouvrée selon les modalités définies aux sixième et onzième alinéas de l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale.

« En …

… mensuel mentionné à l’article L. 2413 du code de la sécurité sociale, au titre …

… l’employeur résulte d’une méconnaissance

… sixième, septième, neuvième et onzième …

… sociale.

Amendements AS381, AS378, AS379 et AS 479

 

« Art. L. 4162-12. – Sous réserve des dispositions des articles L. 4162-13 à L. 4162-15, les différends relatifs aux décisions de l’organisme gestionnaire pris en application des sections 1 et 3 du présent chapitre sont réglés suivant les dispositions régissant le contentieux général de la sécurité sociale.

« Art. L. 4162-12. – …

… sociale. Par dérogation à l’article L. 144-5 du code de la sécurité sociale, les dépenses liées aux frais des expertises demandées par les juridictions dans le cadre de ce contentieux sont prises en charge par le fonds mentionné à l’article L. 4162-17 du code du travail.

Amendement AS483

 

« Art. L. 4162-13. – Lorsque le différend est lié à un désaccord avec son employeur sur l’effectivité ou l’ampleur de son exposition aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4161-1, le salarié ne peut saisir la caisse d’une réclamation relative à l’ouverture du compte personnel de prévention de la pénibilité ou au nombre de points enregistrés sur celui-ci que s’il a préalablement porté cette contestation devant l’employeur, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État.

 
 

« En cas de rejet de cette contestation par l’employeur, l’organisme gestionnaire se prononce sur la réclamation du salarié après avis motivé d’une commission dont la composition, le fonctionnement et le ressort territorial sont fixés par décret en Conseil d’État. Cette commission dispose de personnels mis à disposition par ces caisses. Elle peut demander aux services de l’administration du travail, aux personnes chargées des missions mentionnées au 2° de l’article L. 215-1 du code de la sécurité sociale et aux caisses de mutualité sociale agricole de lui communiquer toute information utile.

 
 

« Art. L. 4162-14. – En cas de recours juridictionnel contre une décision de l’organisme gestionnaire, le salarié et l’employeur sont parties à la cause. Ils sont mis en mesure, l’un et l’autre, de produire leurs observations à l’instance. Ces dispositions ne sont pas applicables aux recours dirigés contre les pénalités mentionnées à l’article L. 4162-11.

« Art. L. 4162-14. – …

… l’instance. Le présent article n’est pas applicable aux …

… L. 4162-11.

Amendement AS382

   

« Les organisations syndicales représentatives au niveau national, départemental, d’un département d’outre-mer ou à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin, d’une collectivité ou d’une entreprise peuvent exercer les recours prévus à l’article L. 4126-13 ou à l’alinéa précédent.

   

« L’organisation syndicale n’a pas à justifier d’un mandat de l’intéressé. Il suffit que celui-ci ait été averti par écrit de cette action et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention d’agir. L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat. »

Amendement AS486

 

« Art. L. 4162-15. – L’action du travailleur en vue de l’attribution de points se prescrit par deux ans à compter du 31 décembre de l’année au titre de laquelle les points sont demandés. La prescription est interrompue par une des causes prévues par le code civil. L’interruption de la prescription peut, en outre, résulter de l’envoi à l’organisme gestionnaire d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, quels qu’en aient été les modes de délivrance.

« Art. L. 4162-15. – L’action du salarié

… points ne peut intervenir qu’au cours des trois années civiles suivant la fin de l’année au titre de laquelle des points ont été ou auraient dû être portés au compte. La prescription …

… délivrance.

Amendements AS383, AS304 et AS487

 

« Section 4

« Financement

 
 

« Art. L. 4162-16. – I. – Il est institué un fonds chargé du financement des droits liés au compte personnel de prévention de la pénibilité.

 
 

« Ce fonds est un établissement public de l’État.

 
 

« II. – Son conseil d’administration comprend :

« II. – Le conseil d’administration du fonds comprend :

Amendement AS384

 

« 1° Des représentants de l’État ;

 
 

« 2° Des représentants des salariés désignés par les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel ;

 
 

« 3° Des représentants des employeurs désignés par les organisations professionnelles d’emplo-yeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ;

 
 

« 4° Des personnalités qualifiées, désignées par arrêté des ministres chargés du travail et de la sécurité sociale.

 
 

« La composition, les modes de désignation des membres et les modalités de fonctionnement du conseil d’administration sont fixés par décret.

 
 

« III. – Un décret définit le régime comptable et financier du fonds. Il précise les relations financières et comptables entre le fonds et les organismes gestionnaires du compte personnel de prévention de la pénibilité.

 
 

« Art. L. 4162-17. – Les dépenses du fonds sont constituées par :

 
 

« 1° La prise en charge de tout ou partie des sommes exposées par les financeurs des actions de formation professionnelle suivies dans le cadre de l’utilisation mentionnée au 1° du I de l’article L. 4162-4, dans des conditions fixées par décret ;

 
 

« 2° La prise en charge des compléments de rémunération et des cotisations et contributions légales et conventionnelles correspondantes mention-nés au 2° du I de l’article L. 4162-4, selon des modalités fixées par décret ;

 
 

« 3° Le remboursement aux organismes gestionnaires des régimes d’assurance vieillesse obligatoire de base, dans des conditions fixées par décret, des sommes représentatives de la prise en charge des majorations de durée d’assurance mentionnées au 3° du I de l’article L. 4162-4, calculées sur une base forfaitaire ;

« 3° Le remboursement au régime général de sécurité sociale , dans …

… forfaitaire ;

Amendement AS481

 

« 4° La prise en charge des dépenses liées aux frais d’expertise exposés par les commissions mentionnées à l’article L. 4162-13, dans la limite d’une fraction, fixée par décret, du total des recettes du fonds ;

« 4° …

… fonds ainsi que la prise en charge des dépenses liées aux frais des expertises mentionnées à l’article L. 416212 du code du travail.

Amendement AS484

 

« 5° Le remboursement aux caisses mentionnées au premier alinéa de l’article L. 4162-10 des frais exposés au titre de la gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité.

 
 

« Art. L. 4162-18. – Les recettes du fonds sont constituées par :

 
 

« 1° Une cotisation due par les employeurs au titre des salariés qu’ils emploient entrant dans le champ d’application du compte personnel de prévention de la pénibilité défini à l’article L. 4162-1, dans les conditions définies au I de l’article L. 4162-19 ;

« 1° …

… emploient qui entrent dans …

… L. 4162-19 ;

Amendement AS385

 

« 2° Une cotisation additionnelle due par les employeurs ayant exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité au sens du deuxième alinéa de l’article L. 4162-2, dans les conditions définies au II de l’article L. 4162-19 ;

 
 

« 3° Toute autre recette autorisée par les lois et règlements en vigueur.

« 3° Toute autre recette autorisée par les lois et règlements.

Amendement AS386

 

« Art. L. 4162-19. – I. – La cotisation mentionnée au 1° de l’article L. 4162-18 est égale à un pourcentage, fixé par décret dans la limite de 0,2 % des rémunérations ou gains, au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, des salariés entrant dans le champ d’application du compte personnel de prévention de la pénibilité défini à l’article L. 4162-1.

« Art. L. 4162-19. –  …

… sociale, perçus par les salariés …

… L. 4162-1.

Amendement AS387

 

« II. – La cotisation additionnelle mentionnée au 2° de l’article L. 4162-18 est égale à un pourcentage, fixé par décret et compris entre 0,3 et 0,8 % des rémunérations ou gains mentionnés au I perçus par les salariés effectivement exposés à la pénibilité au sens du deuxième alinéa de l’article L. 4162-2 au cours de chaque période. Un taux spécifique, compris entre 0,6 et 1,6 %, est appliqué au titre des salariés ayant été exposés simultanément à plusieurs facteurs de pénibilité.

 
 

« III. – Les dispositions des articles L. 137-3 et L. 137-4 du code de la sécurité sociale sont applicables à la cotisation définie au I et à la cotisation additionnelle définie au II.

« III. – La section 1 du chapitre VII du titre III du livre Ier est applicable à …

… II.

Amendement AS388

 

« Art. L. 4162-20. – Pour la fixation du taux des cotisations définies au 1° et 2° de l’article L. 4162-18 et du barème de points spécifique à chaque utilisation du compte défini à l’article L. 4162-4, il est tenu compte des prévisions financières du fonds pour les cinq prochaines années et, le cas échéant, des recommandations du comité de surveillance mentionné à l’article L. 114-4 du code de la sécurité sociale.

 
 

« Section 5

« Dispositions d’application

 
 

« Art. L. 4162-21. – Sauf dispo-sitions contraires, les modalités d’application du présent titre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

 
   

Article 6 bis

Code de la sécurité sociale

   

Art. L. 142-2. – Le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale ainsi que de ceux relatifs au recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L. 143-11-6, L. 1233-66, L. 1233-69, L. 351-3-1 et L. 351-14 du code du travail.

La cour d’appel statue sur les appels interjetés contre les décisions rendues par le tribunal des affaires de sécurité sociale.

 

I. – Au premier alinéa de l’article L. 142-2 du code de la sécurité sociale, après la deuxième occurrence du mot : « sociale », sont insérés les mots : « , de ceux relatifs à l’application de l’article L. 4162-12 du code du travail ».

Amendement AS478

Code de l’organisation judiciaire

Art. L. 261-1 – Les dispositions particulières relatives à l’institution, la compétence, l’organisation et au fonctionnement des autres juridictions d’attribution sont énoncées :

………………………………………….

7° Au code de la sécurité sociale en ce qui concerne le tribunal des affaires de sécurité sociale, le tribunal du contentieux de l’incapacité et la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail ;

8° Au code du travail en ce qui concerne le conseil de prud’hommes ;

9° Au décret du 19 novembre 1859 sur la police de la pêche côtière dans le cinquième arrondissement maritime en ce qui concerne les prud’homies de pêche.

 

II. – Au 7° de l’article L. 261-1 du code de l’organisation judiciaire, après la première occurrence du mot : « sociale », sont insérés les mots : « et, le cas échéant, au code du travail ».

Amendement AS478

 

Article 7

Article 7

 

À l’article L. 6111-1 du code du travail, après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

(Sans modification)

Art. L. 6111-1. – La formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. Elle constitue un élément déterminant de sécurisation des parcours professionnels et de la promotion des salariés. Une stratégie nationale coordonnée est définie et mise en œuvre par l’Etat, les régions et les partenaires sociaux.

Elle comporte une formation initiale, comprenant notamment l’apprentissage, et des formations ultérieures, qui constituent la formation professionnelle continue, destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s’y engagent.

En outre, toute personne engagée dans la vie active est en droit de faire valider les acquis de son expérience, notamment professionnelle ou liée à l’exercice de responsabilités syndicales.

Afin de favoriser son accès à la formation professionnelle tout au long de la vie, chaque personne dispose dès son entrée sur le marché du travail, indépendamment de son statut, d’un compte personnel de formation. Le compte personnel de formation est comptabilisé en heures et mobilisé par la personne lorsqu’elle accède à une formation à titre individuel, qu’elle soit salariée ou demandeuse d’emploi. Il est intégralement transférable en cas de changement ou de perte d’emploi et ne peut en aucun cas être débité sans l’accord exprès de son titulaire. Le service public de l’orientation mentionné à l’article L. 6111-3 est organisé pour assurer l’information, le conseil et l’accompagnement des personnes qui envisagent de mobiliser leur compte personnel de formation. Le compte est alimenté :

1° Chaque année selon les modalités prévues aux articles L. 6323-1 à L. 6323-5 ;

2° Par des abondements complémentaires, notamment par l’Etat ou la région, en vue de favoriser l’accès à l’une des qualifications mentionnées à l’article L. 6314-1, en particulier pour les personnes qui ont quitté le système scolaire de manière précoce ou qui, à l’issue de leur formation initiale, n’ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue.

   
 

« 3° En cas d’utilisation des points inscrits sur le compte personnel de prévention de la pénibilité, dans les conditions prévues à l’article L. 4162-5. »

 

Peuvent être mobilisés en complément du compte les autres dispositifs de formation auxquels son titulaire peut prétendre.

   
 

Article 8

Article 8

Code du travail

I. – Au titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code du travail, il est créé un chapitre III intitulé : « Accords en faveur de la prévention de la pénibilité », qui comporte les articles L. 4163-1 à L. 4163-4.

 
 

II. – L’article L. 4163-1 est ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 4163-1. – Le présent chapitre est applicable aux employeurs de droit privé, aux établissements publics à caractère industriel et commercial et aux établissements publics administratifs lorsqu’ils emploient des personnels dans les conditions du droit privé. »

 

Code de la sécurité sociale

III. – Les articles L. 138-29 à L. 138-31 du code de la sécurité sociale deviennent les articles L. 4163-2 à L. 4163-4 du code du travail et sont ainsi modifiés :

 
 

1° L’article L. 4163-2 est ainsi modifié :

 

Art. L. 138-29. – Pour les salariés exposés aux facteurs de risques professionnels mentionnés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail, les entreprises employant une proportion minimale fixée par décret de ces salariés, y compris les établissements publics, mentionnées aux articles L. 2211-1 et L. 2233-1 du même code employant au moins cinquante salariés, ou appartenant à un groupe au sens de l’article L. 2331-1 du même code dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés, sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.

a) Au premier alinéa, les mots : « à l’article L. 4121-3-1 du code du travail » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 4161-1 au-delà des seuils d’exposition définis par décret » et les mots : « du même code » sont supprimés ;

b) Au même alinéa, après les mots : « pas couvertes par un accord ou », sont insérés les mots : « , à défaut d’accord attesté par un procès-verbal de désaccord dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux ou dans lesquelles une négociation a été engagée dans les conditions prévues à l’article L. 2232-21, par » ;

b) Au …

… les mots : « , en cas de désaccord attesté par un procès-verbal dans …

… L. 2232-21, par » ;

Amendement AS389

Le montant de cette pénalité est fixé à 1 % au maximum des rémunérations ou gains, au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du présent code et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés concernés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action mentionné au premier alinéa du présent article.

Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière de prévention de la pénibilité.

Le produit de cette pénalité est affecté à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale.

c) Aux deuxième et quatrième alinéas, les mots : « du présent code » sont remplacés par les mots : « du code de la sécurité sociale » ;

 

Les articles L. 137-3 et L. 137-4 du présent code sont applicables à cette pénalité.

   

Art. L. 138-30. – L’accord d’en-treprise ou de groupe portant sur la prévention de la pénibilité mentionné à l’article L. 138-29 est conclu pour une durée maximale de trois ans. Une liste de thèmes obligatoires devant figurer dans ces accords est fixée par décret.

2° À l’article L. 4163-3, la référence : « L. 138-29 » est remplacée par la référence : « L. 4163-2 » ;

 

Art. L. 138-31. – Les entreprises mentionnées au premier alinéa de l’article L. 138-29 ne sont pas soumises à la pénalité lorsque, en l’absence d’accord d’entreprise ou de groupe, elles ont élaboré, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, un plan d’action établi au niveau de l’entreprise ou du groupe relatif à la prévention de la pénibilité dont le contenu est conforme à celui mentionné à l’article L. 138-30. La durée maximale de ce plan d’action est de trois ans. Il fait l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative.

En outre, les entreprises dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés et est inférieur à trois cents salariés ou appartenant à un groupe dont l’effectif comprend au moins cinquante salariés et est inférieur à trois cents salariés ne sont pas soumises à cette pénalité lorsqu’elles sont couvertes par un accord de branche étendu dont le contenu est conforme au décret mentionné à l’article L. 138-30.

3° À l’article L. 4163-4, les références : « L. 138-29, L. 138-30 » sont remplacées par les références : « L. 4163-2, L. 4163-3 ».

 

Art. L. 241-5. – Les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles sont à la charge exclusive des employeurs. Elles sont assises sur les rémunérations ou gains des salariés.

Des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par arrêté ministériel pour certaines catégories de salariés ou assimilés.

Les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles ne peuvent faire l’objet d’une exonération totale, y compris lorsque celle-ci ne porte que sur une partie de la rémunération.

Les ressources de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles sont en outre constituées par le produit de la pénalité prévue à l’article L. 138-29.

 

IV. – A la fin du dernier alinéa de l’article L. 241-5 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 138-29 » est remplacée par la référence : « L.4163-2 du code du travail ».

Amendement AS497

 

Article 9

Article 9

 

I. – Après l’article L. 161-17-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-17-4 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 161-17-4. – L’âge pré-vu à l’article L. 161-17-2 est abaissé, à due concurrence du nombre de trimestres attribués au titre de la majoration de durée d’assurance prévue à l’article L. 351-6-1, dans des conditions et limites fixées par décret. »

 
 

II. – La sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre cinquième du livre III du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 351-6-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 351-6-1. – I. – Les assurés titulaires d’un compte personnel de prévention de la pénibilité prévu à l’article L. 4162-2 du code du travail bénéficient, dans les conditions prévues à l’article L. 4162-4 du même code, d’une majoration de durée d’assurance.

 
 

« Cette majoration est accordée par le régime d’assurance vieillesse de base auquel était affilié le bénéficiaire lors de la dernière année d’attribution de points sur son compte personnel de prévention de la pénibilité.

« Cette majoration est accordée par le régime général de sécurité sociale.

Amendement AS480

 

« II. – La majoration prévue au I est utilisée pour la détermination du taux défini au deuxième alinéa de l’article L. 351-1 du présent code.

 
 

« Les trimestres de cette majoration sont, en outre, réputés avoir donné lieu à cotisation pour le bénéfice des dispositions des articles L. 351-1-1 et L. 634-3-2 du présent code, des II des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du même code, de l’article L. 732-18-1 du code rural et de la pêche maritime et de l’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite. »

« Les trimestres acquis au titre de cette …

… retraite. »

Amendement AS390

Loi n° 20101330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites

 

Article 9 bis

Titre IV

Pénibilité du parcours professionnel

Chapitre II

Compensation de la pénibilité

 

À l’intitulé du chapitre II du titre IV de la loi n° 20101330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, les mots :« de la pénibilité », sont remplacés par les mots :« d’une incapacité permanente ».

Amendements AS305 et AS488

 

Article 10

Article 10

Art. 86. – I. – À titre expéri-mental, jusqu’au 31 décembre 2013, un accord collectif de branche peut créer un dispositif d’allègement ou de compensation de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles.

Les salariés peuvent bénéficier de ce dispositif s’ils ont été exposés pendant une durée minimale définie par l’accord à un des facteurs de pénibilité définis à l’article L. 4121-3-1 du code du travail et ont cumulé pendant une durée définie par le même accord deux de ces facteurs. Ils doivent ne pas remplir les conditions pour liquider leur retraite à taux plein.

L’allègement de la charge de travail peut prendre la forme :

– d’un passage à temps partiel pour toute la durée restant à courir jusqu’à ce que le salarié puisse faire valoir ses droits à retraite, durée pendant laquelle le salarié bénéficie d’une indemnité complémentaire fixée par l’accord ;

– de l’exercice d’une mission de tutorat au sein de l’entreprise du salarié, mission au titre de laquelle le salarié bénéficie d’une indemnité complémentaire fixée par l’accord.

La compensation de la charge de travail peut prendre la forme :

– du versement d’une prime ;

– de l’attribution de journées supplémentaires de repos ou de congés.
Les droits attribués au titre de la compensation de la charge de travail peuvent être versés sous la forme d’un abondement au compte épargne-temps du salarié, dans les conditions prévues à l’article L. 3152-2 du code du travail.

L’accord définit les conditions dans lesquelles il est créé, au sein de la branche concernée, un fonds dédié à la prise en charge des dispositifs d’allègement ou de compensation de la pénibilité. Il fixe aussi les modalités de l’institution, au profit de ce fonds, d’une contribution à la charge des entreprises de la branche et les modalités de la mutualisation du montant de la collecte ainsi réalisée entre les entreprises de la branche. L’accord prévoit, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, une exonération de la contribution à ce fonds pour les entreprises de la branche couvertes par un accord collectif d’entreprise mentionné au II. Les entreprises ainsi exonérées ne peuvent bénéficier de la prise en charge des dispositifs d’allègement ou de compensation de la pénibilité par le fonds dédié de la branche.

L’accord prévoit également les conditions d’application du dispositif d’allègement ou de compensation de la charge de travail des salariés temporaires occupés à des travaux pénibles.

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 septembre 2013, un rapport procédant à l’évaluation de ce dispositif.

………………………………………….

I. – I. – Le I de l’article 86 et l’article 88 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites sont abrogés.

(Sans modification)

Art. 88. – Un comité scientifique constitué avant le 31 mars 2011 a pour mission d’évaluer les conséquences de l’exposition aux facteurs de pénibilité sur l’espérance de vie avec et sans incapacité des travailleurs. La composition de ce comité est fixée par décret.

   
 

II. – Les articles 5 à 9 de la présente loi entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2015, à l’exception des dispositions du troisième alinéa de l’article L. 4162-3 du code du travail, qui entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État et, au plus tard, cinq ans après l’entrée en vigueur de l’article 6.

 
 

Chapitre II

Chapitre II

 

Favoriser l’emploi des séniors

Favoriser l’emploi des séniors

Code de la sécurité sociale

Article 11

Article 11

 

L’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

 

Art. L. 351-15. – L’assuré qui exerce une activité à temps partiel au sens de l’article L. 3123-1 du code du travail peut demander la liquidation de sa pension de vieillesse et le service d’une fraction de celle-ci à condition :

1° D’avoir atteint l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1 ;

1° Au 1°, sont ajoutés les mots : « diminué de deux années » ;

1° Au 1°, sont ajoutés les mots : « diminué de deux années, sans pouvoir être inférieur à 60 ans  » ;

Amendement AS476

2° De justifier d’une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes dans un ou plusieurs des régimes d’assurance vieillesse dont relèvent respectivement les salariés du régime général, les salariés agricoles et les personnes non salariées des professions artisanales, industrielles et commerciales, des professions libérales et des professions agricoles fixée à 150 trimestres.

Cette demande entraîne la liquidation provisoire et le service de la même fraction de pension dans chacun des régimes mentionnés au 2°.

La fraction de pension qui est servie varie dans des conditions fixées par voie réglementaire en fonction de la durée du travail à temps partiel ; en cas de modification de son temps de travail, l’assuré peut obtenir la modification de cette fraction de pension au terme d’un délai déterminé.

L’assuré est informé des conditions d’application de l’article L. 241-3-1.

2° Au 2°, les mots : « dans un ou plusieurs des régimes d’assurance vieillesse dont relèvent respectivement les salariés du régime général, les salariés agricoles et les personnes non salariées des professions artisanales, industrielles et commerciales, des professions libérales et des professions agricoles fixée à 150 trimestres » sont remplacés par les mots : « fixées par décret en Conseil d’État ».

 
 

Article 12

Article 12

 

I. – L’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

 

Art. L. 161-22. – Le service d’une pension de vieillesse prenant effet postérieurement au 31 mars 1983, liquidée au titre du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou d’un régime spécial de retraite au sens de l’article L. 711-1 et dont l’entrée en jouissance intervient à compter d’un âge fixé par décret en Conseil d’État, ou ultérieurement, est subordonné à la rupture de tout lien professionnel avec l’employeur ou, pour les assurés exerçant une activité non salariée relevant du ou desdits régimes, à la cessation de cette activité.

1° Au premier alinéa, les mots : « du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles ou d’un régime spécial de retraite au sens de l’article L. 711-1 » sont remplacés par les mots : « d’un régime légalement obligatoire de retraite de base » ;

1° Au …

… les mots : « d’un régime de retraite de base légalement obligatoire » ;

Amendement AS391

Les dispositions du premier alinéa ne font pas obstacle à la reprise d’une activité procurant des revenus qui, ajoutés aux pensions servies par les régimes mentionnés au premier alinéa ainsi que par les régimes complémentaires légalement obliga-toires régis par le livre IX, sont inférieurs à 160 % du salaire minimum de croissance ou au dernier salaire d’activité perçu avant la liquidation de la ou desdites pensions et sous réserve que cette reprise d’activité, lorsqu’elle a lieu chez le dernier employeur, intervienne au plus tôt six mois après la date d’entrée en jouissance de la pension.

2° Au deuxième alinéa, avant les mots : « les dispositions », sont ajoutés les mots : « par dérogation, » et les mots : « les régimes mentionnés au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « le régime général de sécurité sociale, le régime des salariés agricoles ou l’un des régimes spéciaux de retraite au sens de l’article L. 711-1 » ;

 

Lorsque l’assuré reprend une activité lui procurant des revenus qui, ajoutés aux pensions servies par les régimes mentionnés au premier alinéa ainsi que par les régimes complémentaires légalement obliga-toires régis par le livre IX, sont supérieurs au plafond mentionné à l’alinéa précédent, il en informe la ou les caisses compétentes et le service de ces pensions est suspendu.

3° Au troisième alinéa, les mots : « au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « à l’alinéa précédent » ;

 

Par dérogation aux deux précédents alinéas, et sous réserve que l’assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :

a) À partir de l’âge prévu au 1° de l’article L. 351-8 ;

b) À partir de l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1, lorsque l’assuré justifie d’une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa.

   

Les dispositions du premier alinéa ne font pas obstacle à l’exercice des activités suivantes :

1° activités entraînant affiliation au régime général de la sécurité sociale en application du 15° de l’article L. 311-3 et de l’article L. 382-1 ainsi que les activités exercées par les artistes-interprètes rattachés au régime mentionné au premier alinéa de l’article L. 622-5 ;

2° activités à caractère artistique, littéraire ou scientifique, exercées accessoirement avant la liquidation de la pension de retraite ;

3° participation aux activités juridictionnelles ou assimilées, consultations données occasionnellement, participation à des jurys de concours publics ou à des instances consultatives ou délibératives réunies en vertu d’un texte législatif ou réglementaire ;

4° activités exercées par des per-sonnes bénéficiant de l’article L. 634-6-1 ;

5° activités d’hébergement en milieu rural réalisées avec des biens patrimoniaux ;

6° des activités de parrainage définies à l’article L. 811-2 du code du travail ;

7° activités correspondant à des vacations accomplies dans des établissements de santé ou dans des établissements ou services sociaux et médico-sociaux et à leur demande par des médecins ou infirmiers en retraite, dans la limite d’une durée et d’un plafond prévus par décret en Conseil d’État. Le dépassement du plafond entraîne une réduction à due concurrence de la pension de retraite. Cette possibilité de cumul n’est ouverte qu’à compter de l’âge légal ou réglementaire de départ à la retraite ;

8° activités de tutorat d’un ou de plusieurs salariés par un ancien salarié de l’entreprise exerçant, après la liquidation de sa pension, cette activité, à titre exclusif, auprès du même employeur sous le régime d’un contrat de travail à durée déterminée pour une durée maximale et dans la limite d’un montant de cumul fixés par décret. Ce décret détermine également les conditions d’ancienneté acquise dans l’entreprise que doit remplir l’intéressé ainsi que le délai maximum séparant son départ de l’entreprise et son retour dans celle-ci.

Les dispositions du premier alinéa ne sont pas opposables à l’assuré qui demande le bénéfice d’une pension au titre d’une retraite progressive prévue par des dispositions législatives ou réglementaires, notamment par les articles L. 351-15 du présent code et L. 732-29 du code rural et de la pêche maritime.

4° Au septième alinéa, les mots : « du premier alinéa » sont remplacés par les mots : « des trois premiers alinéas ».

 
 

II. – II. – Au paragraphe 3 de la sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du même code, il est créé un article L. 161-22-0-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 161-22-0-1. – La reprise d’activité par le bénéficiaire d’une pension de vieillesse personnelle servie par un régime légalement obligatoire de retraite de base n’ouvre droit à aucun avantage de vieillesse, de droit direct ou dérivé, auprès d’aucun régime légal ou rendu légalement obligatoire d’assurance vieillesse, de base ou complémentaire.

« Art. L. 161-22-0-1. – …

… régime de retraite de base légalement obligatoire n’ouvre …

… complémentaire.

Amendement AS392

 

« Les dispositions du premier alinéa ne sont pas opposables à l’assuré qui demande le bénéfice d’une pension au titre d’une retraite progressive prévue par des dispositions législatives ou réglementaires, notamment par l’article L. 351-15. »

 
 

III. – Les articles L. 634-6 et L. 643-6 du même code sont ainsi modifiés :

 

Art. L. 634-6. – Le service d’une pension de vieillesse liquidée au titre des régimes d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales et dont l’entrée en jouissance intervient à compter d’un âge fixé par décret en Conseil d’État est subordonné à la cessation définitive des activités relevant du ou desdits régimes.

1° Les premiers alinéas sont supprimés et aux quatrièmes alinéas, les mots : « trois précédents » sont remplacés par les mots : « deux précédents » ;

 

Les dispositions du premier alinéa ne font pas obstacle à l’exercice par l’assuré d’une activité procurant des revenus inférieurs à des seuils adaptés selon les zones géographiques concernées et déterminés dans des conditions fixées par décret.

Lorsque l’assuré reprend une activité lui procurant des revenus supérieurs à ceux prévus à l’alinéa précédent, il en informe la caisse compétente et le service de la pension est suspendu.

Par dérogation aux trois précédents alinéas, et sous réserve que l’assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :

a) À partir de l’âge prévu au 1° de l’article L. 351-8 ;

b) À partir de l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1, lorsque l’assuré justifie d’une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa.

Les dispositions du premier alinéa ne sont pas opposables à l’assuré qui demande le bénéfice de sa pension au titre de l’article L. 634-3-1.

2° Aux deuxième et septième alinéas de l’article L. 634-6 et au deuxième alinéa de l’article L. 643-6, après les mots : « du premier alinéa », sont ajoutés les mots : « de l’article L. 161-22 ».

 

Art. L. 643-6. – L’attribution de la pension de retraite est subordonnée à la cessation de l’activité libérale.

Les dispositions du premier alinéa ne font pas obstacle à l’exercice d’une activité procurant des revenus inférieurs à un seuil déterminé dans des conditions fixées par décret.

Lorsque l’assuré reprend une activité lui procurant des revenus supérieurs à ceux prévus à l’alinéa précédent, il en informe la section professionnelle compétente et le service de sa pension est suspendu.

Par dérogation aux trois précédents alinéas, et sous réserve que l’assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :

a) À partir de l’âge prévu au 1° de l’article L. 351-8 ;

b) À partir de l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1, lorsque l’assuré justifie d’une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa.

   
 

IV. – L’article L. 723-11-1 du même code est ainsi modifié :

 

Art. L.723-11-1 – L’attribution de la pension de retraite est subordonnée à la cessation de l’activité d’avocat.

1° Le premier alinéa est supprimé ;

 

Par dérogation au précédent alinéa, et sous réserve que l’assuré ait liquidé ses pensions de vieillesse personnelles auprès de la totalité des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales dont il a relevé, une pension de vieillesse peut être entièrement cumulée avec une activité professionnelle :

a) À partir de l’âge prévu au 1° de l’article L. 351-8 ;

b) À partir de l’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1, lorsque l’assuré justifie d’une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes mentionnée au deuxième alinéa du même article au moins égale à la limite mentionnée au même alinéa.

2° Au deuxième alinéa, les mots : « au précédent alinéa » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa de l’article L. 161-22 ».

 

Code des pensions civiles et militaires de retraite

V. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

 
 

1° Le premier alinéa de l’article L. 84 est ainsi modifié :

 

Art. L. 84. – L’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale n’est pas applicable aux personnes régies par le présent code.

a) Après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « , à l’exception de son premier alinéa, » ;

 
 

b) Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, les articles L. 161-22 et L. 161-22-0-1 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables aux bénéficiaires d’une pension militaire. » ;

 

Si, à compter de la mise en paiement d’une pension civile ou militaire, son titulaire perçoit des revenus d’activité de l’un des employeurs mentionnés à l’article L. 86-1, il peut cumuler sa pension dans les conditions fixées aux articles L. 85, L. 86 et L. 86-1.

…………………………………………

2° Au deuxième alinéa de l’article L. 84, après les mots : « mentionnés à l’article L. 86-1, », sont insérés les mots : « ou de tout autre employeur pour les fonctionnaires civils, » ;

 

Art. L. 86. – I. – Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 84 et de l’article L. 85, les revenus perçus à l’occasion de l’exercice des activités suivantes peuvent être entièrement cumulés avec la pension :

1° Activités entraînant affiliation au régime général de la sécurité sociale en application du 15° de l’article L. 311-3 et de l’article L. 382-1 du code de la sécurité sociale ainsi que les activités exercées par les artistes interprètes rattachés au régime mentionné au premier alinéa de l’article L. 622-5 du même code ;

2° Activités entraînant la production d’oeuvres de l’esprit au sens des articles L. 112-2 et L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle ;

3° Participation aux activités juridictionnelles ou assimilées, ou à des instances consultatives ou délibératives réunies en vertu d’un texte législatif ou réglementaire.

………………………………………….

3° Au premier alinéa de l’article L. 86, les mots : « Par dérogation aux » sont remplacés par les mots : « Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale, ainsi qu’aux ».

 

Code rural et de la pêche maritime

Art. L. 732-39. – Le service d’une pension de retraite, prenant effet postérieurement au 1er janvier 1986, liquidée par le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et dont l’entrée en jouissance intervient à compter d’un âge fixé par voie réglementaire, est subordonné à la cessation définitive de l’activité non salariée agricole.

Le service d’une pension de retraite liquidée par le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles est suspendu dès lors que l’assuré reprend une activité non salariée agricole.

Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables aux assurés ayant obtenu, avant le 1er janvier 1986, le service d’une pension de vieillesse liquidée postérieurement au 31 mars 1983 dans un des régimes énumérés au premier alinéa de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale ou d’une pension de vieillesse liquidée postérieurement au 30 juin 1984 dans un des régimes énumérés au premier alinéa de l’article L. 634-6 du code de la sécurité sociale.

……………………………...…………..

 

V bis. - Après l’année : « 1984 », la fin du troisième alinéa de l’article L. 732-39 du code rural et de la pêche est ainsi rédigé :« dans un régime d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et com-merciales ».

Amendement AS393

 

VI. – Les dispositions du présent article sont applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2015.

 
 

Chapitre III

Chapitre III

 

Améliorer les droits à retraite des femmes, des jeunes actifs et des assurés à carrière heurtée

Améliorer les droits à retraite des femmes, des jeunes actifs et des assurés à carrière heurtée

 

Article 13

Article 13

 

Dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évolution des droits familiaux afin de mieux compenser les effets sur la carrière et les pensions des femmes de l’arrivée d’enfants au foyer.

Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évolution des droits familiaux afin de mieux compenser les effets de l’arrivée d’enfants au foyer sur la carrière et les pensions des femmes, ainsi que sur l’évolution des droits conjugaux.

Amendements AS409, AS471, AS472 et AS306

   

Article 13 bis

   

Dans l’année suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant les possibilités de faire évoluer les règles relatives aux pensions de réversion dans le sens d’une meilleure prise en compte du niveau de vie des conjoints survivants et d’une harmonisation entre les régimes.

Amendement AS460

Code de la sécurité sociale

Article 14

Article 14

 

L’article L. 351-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

 

Art. L. 351-2. – Les périodes d’assurance ne peuvent être retenues, pour la détermination du droit à pension ou rente que si elles ont donné lieu au versement d’un minimum de cotisations. En cas de force majeure ou d’impossibilité manifeste pour l’assuré d’apporter la preuve du versement de cotisations, celle-ci peut l’être à l’aide de documents probants ou de présomptions concordantes. Lorsque la possibilité d’effectuer un versement de cotisations est ouverte en application de dispositions réglementaires au-delà du délai d’exigibilité mentionné à l’article L. 244-3 et à défaut de production de documents prouvant l’activité rémunérée, ce versement ne peut avoir pour effet d’augmenter la durée d’assurance de plus de quatre trimestres.

1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « au titre de l’année civile au cours de laquelle ces périodes d’assurance ont été acquises, déterminé par décret. Par dérogation à ce minimum, un décret détermine les modalités d’affectation des cotisations d’assurance vieillesse et des droits afférents, entre deux années civiles successives, lorsqu’un assuré ne justifie pas, au cours de chacune des années civiles considérées, de quatre trimestres d’assurance vieillesse dans l’ensemble des régimes de retraite légalement obligatoires. » ;

 
 

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 
 

« Un décret détermine le plafond mensuel de cotisations retenues pour le décompte des périodes d’assurance mentionnées au premier alinéa. »

 

L’assuré qui pendant tout ou partie d’un congé formation n’a reçu aucune rémunération de son employeur est réputé, par dérogation à l’alinéa précédent, avoir subi, au titre de cette période, des retenues égales à celles qu’il a effectivement subies au titre de la période immédiatement antérieure de même durée pendant laquelle il a perçu la rémunération prévue par son contrat de travail..

 

3° Au second alinéa, la référence : « à l’alinéa précédent » est remplacée par la référence : « au premier alinéa »

Amendement AS410

 

Article 15

Article 15

Art. L. 351-1-1. – L’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1 est abaissé, pour les assurés qui ont commencé leur activité avant un âge et dans des conditions déterminés par décret et ont accompli une durée totale d’assurance et de périodes reconnues équivalentes dans le régime général et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée totale ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré. Un décret précise les modalités d’application du présent article et, notamment, les conditions dans lesquelles, le cas échéant, une partie des périodes de service national peut être réputée avoir donné lieu au versement de cotisations.

I. – Aux articles L. 351-1-1 et L. 634-3-2 du code de la sécurité sociale, aux II des articles L. 643-3 et L. 723-10-1 du même code, les mots : « une partie des périodes de service national peut être réputée avoir donné lieu au versement de cotisations » sont remplacés par les mots : « peuvent être réputées avoir donné lieu au versement de cotisations certaines périodes d’assurance validées au titre des dispositions de l’article L. 351-3 ou de dispositions légales ou réglementaires ayant le même objet, applicables à des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse, selon les conditions propres à chacun de ces régimes. »

I. – …

… validées en application des dispositions …

… régimes. »

Amendement AS411

Art. L. 634-3-2. – L’âge prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1 est abaissé, pour les assurés qui ont commencé leur activité avant un âge et dans des conditions déterminés par décret et ont accompli une durée totale d’assurance et de périodes reconnues équivalentes dans les régimes d’assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales, industrielles et commerciales et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée totale ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré. Un décret précise les modalités d’application du présent article et, notamment, les conditions dans lesquelles, le cas échéant, une partie des périodes de service national peut être réputée avoir donné lieu au versement de cotisations.

   

Art. L. 643-3. – II. – L’âge prévu au premier alinéa du I est abaissé pour les assurés qui ont commencé leur activité avant un âge et dans des conditions déterminés par décret et ont accompli une durée totale d’assurance et de périodes reconnues équivalentes dans le régime d’assurance vieillesse de base des professions libérales et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée totale ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré. Un décret précise les modalités d’application du présent II et notamment les conditions dans lesquelles, le cas échéant, une partie des périodes de service national peut être réputée avoir donné lieu au versement de cotisations.

   

Art. L. 723-10-1. – II. – L’âge prévu au premier alinéa du I est abaissé pour les assurés qui ont commencé leur activité avant un âge et dans des conditions déterminés par décret et ont accompli une durée totale d’assurance et de périodes reconnues équivalentes dans le régime d’assurance vieillesse de base des avocats et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée totale ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré. Un décret précise les modalités d’application du présent II, et notamment les conditions dans lesquelles, le cas échéant, une partie des périodes de service national peut être réputée avoir donné lieu au versement de cotisations.

   

Code rural et de la pêche maritime

   

Art. L732-18-1. – L’âge prévu à l’article L. 732-18 est abaissé pour les personnes ayant exercé une activité non salariée agricole qui ont commencé leur activité avant un âge et dans des conditions déterminées par décret et ont accompli une durée totale d’assurance et de périodes reconnues équivalentes dans le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, au moins égale à un seuil défini par décret, tout ou partie de cette durée totale ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré. Un décret précise les modalités d’application du présent article.

II. – L’article L. 732-18-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il indique notamment les modalités selon lesquelles peuvent être réputées avoir donné lieu au versement de cotisations une partie des périodes de service national et certaines périodes d’assurance validées au titre des dispositions de l’article L. 351-3 ou de dispositions légales ou réglementaires ayant le même objet, applicables à des régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse selon les conditions propres à chacun de ces régimes. »

II. – …

… validées en application de l’article …

… régimes. »

Amendement AS411

 

Article 16

Article 16

Code de la sécurité sociale

I. – L’article L. 351-14-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

I. – Supprimé

Amendement AS412

Art. L. 351-14-1. – Sont également prises en compte par le régime général de sécurité sociale, pour l’assurance vieillesse, sous réserve du versement de cotisations fixées dans des conditions définies par décret garantissant la neutralité actuarielle et dans la limite totale de douze trimestres d’assurance :

1° Les périodes d’études accomplies dans les établissements, écoles et classes mentionnés à l’article L. 381-4 et n’ayant pas donné lieu à affiliation à un régime d’assurance vieillesse lorsque le régime général est le premier régime d’affiliation à l’assurance vieillesse après lesdites études ; ces périodes d’études doivent avoir donné lieu à l’obtention d’un diplôme, l’admission dans les grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles étant assimilée à l’obtention d’un diplôme ; les périodes d’études ayant permis l’obtention d’un diplôme équivalent délivré par un État membre de l’Union européenne peuvent également être prises en compte ;

2° Les années civiles ayant donné lieu à affiliation à l’assurance vieillesse du régime général à quelque titre que ce soit, au titre desquelles il est retenu, en application du deuxième alinéa de l’article L. 351-1, un nombre de trimestres inférieur à quatre.

1° Au début de l’article, il est ajouté la mention : « I. – » ;

 
 

2° Il est complété par un II ainsi rédigé :

 
 

« II. – Par dérogation aux conditions prévues au I, le montant du versement de cotisations prévu pour la prise en compte des périodes mentionnées au 1° du même I peut être abaissé par décret pour les périodes de formation initiale dans des conditions et limites, tenant notamment au délai de présentation de la demande et au nombre de trimestres éligibles à ce montant spécifique. »

 
 

II. – Les articles L. 634-2-2, L. 643-2 et L. 723-10-3 du code de la sécurité sociale sont ainsi modifiés :

II. – Les articles L. 351141*, L. 634-2-2, …

… modifiés :

Amendement AS448

Art. L. 634-2-2. – Sont prises en compte par les régimes d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales, pour l’assurance vieillesse, sous réserve du versement de cotisations fixées dans des conditions définies par décret garantissant la neutralité actuarielle et dans la limite totale de douze trimestres d’assurance :

1° Les périodes d’études accomplies dans les établissements, écoles et classes mentionnés à l’article L. 381-4 et n’ayant pas donné lieu à affiliation à un régime d’assurance vieillesse lorsque le régime d’assurance vieillesse des professions artisanales ou celui des professions industrielles et commerciales est le premier régime d’affiliation à l’assurance vieillesse après lesdites études ; ces périodes d’études doivent avoir donné lieu à l’obtention d’un diplôme, l’admission dans les grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles étant assimilée à l’obtention d’un diplôme ; les périodes d’études ayant permis l’obtention d’un diplôme équivalent délivré par un Etat membre de l’Union européenne peuvent également être prises en compte ;

2° Les années civiles ayant donné lieu à affiliation à l’assurance vieillesse du régime des professions artisanales ou à celui des professions industrielles et commerciales à quelque titre que ce soit, au titre desquelles il est retenu, en application du deuxième alinéa de l’article L. 351-1, un nombre de trimestres inférieur à quatre.

1° Au début de ces articles, il est ajouté la mention : « I. – » ;

 
 

2° Ils sont complétés par un II ainsi rédigé :

 
 

« II. – Par dérogation aux conditions prévues au I, le montant du versement de cotisations prévu pour la prise en compte des périodes mentionnées au 1° du même I peut être abaissé par décret pour les périodes de formation initiale dans des conditions et limites, tenant notamment au délai de présentation de la demande et au nombre de trimestres éligibles à ce montant spécifique. »

 

Art. L. 643-2. – Sont prises en compte par le régime d’assurance vieillesse de base des professions libérales, pour l’assurance vieillesse, sous réserve du versement de cotisations fixées dans des conditions, définies par décret, garantissant la neutralité actuarielle et dans la limite totale de douze trimestres d’assurance :

1° Les périodes d’études accomplies dans les écoles et classes visées à l’article L. 381-4 et n’ayant pas donné lieu à affiliation à un régime d’assurance vieillesse lorsque le régime d’assurance vieillesse de base des professions libérales est le premier régime d’affiliation à l’assurance vieillesse après lesdites études ; ces périodes d’études doivent avoir donné lieu à l’obtention d’un diplôme, l’admission dans les grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles étant assimilée à l’obtention d’un diplôme ; les périodes d’études ayant permis l’obtention d’un diplôme équivalent délivré par un État membre de l’Union européenne peuvent également être prises en compte ;

2° Les années civiles ayant donné lieu à affiliation au régime d’assurance vieillesse de base des professions libérales à quelque titre que ce soit, au titre desquelles il est retenu un nombre de trimestres inférieur à quatre.

   

Art. L. 723-10-3. – Sont prises en compte par le régime d’assurance vieillesse de base des avocats, pour l’assurance vieillesse, sous réserve du versement de cotisations fixées dans des conditions définies par décret garantissant la neutralité actuarielle et dans la limite totale de douze trimestres d’assurance :

1° Les périodes d’études accomplies dans les établissements, écoles et classes mentionnés à l’article L. 381-4 et n’ayant pas donné lieu à affiliation à un régime d’assurance vieillesse lorsque le régime d’assurance vieillesse de base des avocats est le premier régime d’affiliation à l’assurance vieillesse après lesdites études ; ces périodes d’études doivent avoir donné lieu à l’obtention d’un diplôme, l’admission dans les grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles étant assimilée à l’obtention d’un diplôme ; les périodes d’études ayant permis l’obtention d’un diplôme équivalent délivré par un Etat membre de l’Union européenne peuvent également être prises en compte ;

2° Les années civiles ayant donné lieu à affiliation au régime d’assurance vieillesse de base des avocats à quelque titre que ce soit, au titre desquelles il est retenu un nombre de trimestres inférieur à quatre.

   

Code des pensions civiles et militaires de retraite

III. – Après le cinquième alinéa de l’article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 

Art. L. 9 bis. – Les périodes d’études accomplies dans les établis-sements, écoles et classes mentionnés à l’article L. 381-4 du code de la sécurité sociale sont prises en compte :

– soit au titre de l’article L. 13 ;

– soit au titre du I ou du II de l’article L. 14 ;

– soit pour obtenir un supplément de liquidation au titre de l’article L. 13 sans que ce supplément soit pris en compte dans la durée d’assurance définie à l’article L. 14.

Cette prise en compte peut concerner au plus douze trimestres, sous réserve de l’obtention du diplôme et du versement des cotisations nécessaires dans des conditions de neutralité actuarielle pour le régime selon un barème et des modalités de paiement définis par décret.

   
 

« Par dérogation aux conditions prévues au cinquième alinéa, le montant du versement de cotisations prévue au cinquième alinéa peut être abaissé par décret pour les périodes de formation initiale dans des conditions et limites, tenant notamment au délai de présentation de la demande et au nombre de trimestres éligibles à ce montant spécifique. »

 

Les périodes d’études ayant permis l’obtention d’un diplôme équivalent délivré par un Etat membre de l’Union européenne peuvent également être prises en compte.

L’admission dans les grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles est assimilée à l’obtention d’un diplôme.

Ces trimestres ne doivent pas avoir donné lieu à une affiliation à un régime de retraite de base obligatoire.

Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.

   

Code rural et de la pêche maritime

IV. – L’article L. 732-27-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :

 

Art. L. 732-27-1. – Sont prises en compte par le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles, pour l’assurance vieillesse, sous réserve du versement de cotisations fixées dans des conditions définies par décret garantissant la neutralité actuarielle et dans la limite totale de douze trimestres d’assurance, les périodes d’études accomplies dans les établissements, écoles et classes mentionnés à l’article L. 381-4 et n’ayant pas donné lieu à affiliation à un régime d’assurance vieillesse, lorsque le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles est le premier régime d’affiliation à l’assurance vieillesse après lesdites études. Ces périodes d’études doivent avoir donné lieu à l’obtention d’un diplôme, l’admission dans les grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles étant assimilée à l’obtention d’un diplôme. Les périodes d’études ayant perrnis l’obtention d’un diplôme équivalent délivré par un Etat membre de l’Union européenne peuvent également être prises en compte.

   
 

« Par dérogation aux conditions prévues au premier alinéa, le montant du versement de cotisations prévu au même alinéa peut être abaissé par décret pour les périodes de formation initiale, dans des conditions et limites, tenant notamment au délai de présentation de la demande et au nombre de trimestres éligibles à ce montant spécifique. »

 
 

Article 17

Article 17

Code du travail

Sixième partie

La formation professionnelle tout au long de la vie

Livre II – L’apprentissage

Titre IV

Financement de l’apprentissage

Chapitre III

Aides à l’apprentissaage

Section 2

Exonérations de charges salariales

I. – La section 2 du chapitre III du titre IV du livre II de la sixième partie du code du travail est ainsi modifiée :

1° Son intitulé est remplacé par l’intitulé suivant : « Section 2 – Cotisations dues au titre de l’emploi des apprentis » ;

(Sans modification)

 

2° L’article L. 6243-2 est ainsi modifié :

 

Art. L. 6243-2. – L’assiette des cotisations sociales dues sur le salaire versé aux apprentis est égale à la rémunération après abattement d’un pourcentage, déterminé par décret, du salaire minimum de croissance.

a) Au premier alinéa, les mots : « L’assiette des cotisations sociales » sont remplacés par les mots : « I. – À l’exception des cotisations d’assurance vieillesse et veuvage de base, l’assiette des cotisations et contributions sociales » ;

 

Pour les employeurs inscrits au répertoire des métiers, ainsi que pour ceux employant moins de onze salariés au 31 décembre précédant la date de conclusion du contrat, non compris les apprentis, l’État prend en charge la totalité des cotisations sociales patronales et salariales d’origine légale et conventionnelle, à l’exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

b) Le deuxième alinéa est précédé d’un : « II. – » et les mots : « l’État prend en charge » sont remplacés par les mots : « l’employeur est exonéré de » ;

 

Pour les employeurs autres que ceux mentionnés au deuxième alinéa, l’État prend en charge uniquement les cotisations patronales de sécurité sociale, à l’exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, et les cotisations salariales d’origine légale et conventionnelle.

c) Au troisième alinéa, les mots : « l’État prend en charge uniquement les » sont remplacés par les mots : « l’employeur est exonéré uniquement des » ;

 
 

3° L’article L. 6243-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

 

Art. L. 6243-3. – La prise en charge par l’Etat mentionnée à l’article L. 6243-2 s’effectue dans les conditions suivantes :

1° La prise en compte des droits validables à l’assurance vieillesse ouverts pendant la période d’apprentissage s’opère sur une base forfaitaire suivant des modalités déterminées ou approuvées par décret tant en ce qui concerne les régimes de base que les régimes complémentaires ;

2° La prise en compte des cotisations dues au titre des articles L. 3253-14, L. 5423-3 et L. 5424-15 s’opère sur une base forfaitaire globale ;

3° La prise en charge par l’État du versement pour les transports prévu par les articles L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales et dû au titre des salaires versés aux apprentis par les employeurs mentionnés à l’article L. 6243-2 s’opère sur la base d’un taux forfaitaire déterminé par décret.

   
 

« Le fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale prend à sa charge, dans des conditions fixées par décret, le versement d’un complément de cotisations d’assurance vieillesse afin de valider auprès des régimes de base un nombre de trimestres correspondant à la durée du contrat d’apprentissage. »

 

Code de la sécurité sociale

II. – Après le 10° de l’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 11° ainsi rédigé :

 

Art. L. 135-2. – Les dépenses prises en charge par le fonds de solidarité vieillesse au titre du premier alinéa de l’article L. 135-1 sont les suivantes :

………………………………………….

   

10° Les sommes représentatives de la prise en compte par les régimes d’assurance vieillesse de base, dans le salaire de base mentionné à l’article L. 351-1, des indemnités journalières mentionnées au même article.

   
 

« 11° Les sommes correspondant à la prise en charge mentionnée au dernier alinéa de l’article L. 6243-3 du code du travail. »

 

Les sommes mentionnées aux a, b, d, e et f du 4°, au 7° et au 10° sont calculées sur une base forfaitaire dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Les sommes mentionnées au c du 4° sont calculées sur une base forfaitaire déterminée par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget, après avis du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés.

   
 

Article 18

Article 18

 

I. – L’article L. 135-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

(Sans modification)

Art. L. 135-2. – Les dépenses prises en charge par le fonds de solidarité vieillesse au titre du premier alinéa de l’article L. 135-1 sont les suivantes :

………………………………………….

   
 

1° Le 4° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

 

4° Les sommes représentatives de la prise en compte par les régimes d’assurance vieillesse de base mentionnés au titre V du livre III, aux 1° et 2° de l’article L. 621-3 du présent code et à l’article 1024 du code rural, dans la durée d’assurance :

………………………………………….

f) Des périodes mentionnées au 1° de l’article L. 351-3 ;

   
 

« g) Des périodes mentionnées au 8° de l’article L. 351-3 ; »

 

………………………………………….

Les sommes mentionnées aux a, b, d, e et f du 4°, au 7° et au 10° sont calculées sur une base forfaitaire dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Les sommes mentionnées au c du 4° sont calculées sur une base forfaitaire déterminée par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget, après avis du conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés.

2° À l’avant-dernier alinéa, les mots : « e et f » sont remplacés par les mots : « e, f et g ».

 
 

II. – L’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

 

Art. L. 351-3. – Sont prises en considération en vue de l’ouverture du droit à pension, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État :

………………………………………….

7° Dans des conditions et limites d’âge, de ressources et de nombre total de trimestres validés à ce titre, fixées par le décret prévu au présent article, et sans condition d’affiliation préalable, les périodes n’ayant pas donné lieu à validation à un autre titre dans un régime de base pendant lesquelles une personne a été inscrite en tant que sportif de haut niveau sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2 du code du sport.

   
 

« 8° Les périodes de stage mentionnées à l’article L. 6342-3 du code du travail. »

 
 

III. – Les dispositions du I et du II sont applicables aux périodes de stage postérieures au 31 décembre 2014.

 
 

Article 19

Article 19

Art. L. 742-6. – Peuvent adhérer volontairement à l’assurance vieillesse des travailleurs non-salariés :

1°) les personnes ayant été à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire français d’assurance maladie pendant une durée déterminée, exerçant une des activités professionnelles énumérées aux articles L. 622-3 à L. 622-5 et résidant hors du territoire français. Les modalités d’application de cette disposition sont déterminées par un décret qui précise notamment les délais dans lesquels les intéressés doivent demander leur affiliation ;

2°) les personnes qui, ayant exercé en dernier lieu une des activités énumérées aux articles L. 622-3 à L. 622-5 et ne pouvant prétendre en raison de leur âge aux prestations de vieillesse, n’exercent aucune activité professionnelle susceptible de les assujettir à un régime de sécurité sociale ;

3°) les personnes qui ont exercé une profession artisanale ou une profession industrielle ou commerciale au sens des articles L. 622-3 et L. 622-4 et qui cessent d’exercer directement cette activité en raison de la mise en location-gérance de leur fonds dont elles conservent la propriété ;

4°) les personnes ne bénéficiant pas d’un régime obligatoire d’assurance vieillesse et qui participent à l’exercice d’une activité professionnelle non-salariée non-agricole mentionnée aux 1° et 2° de l’article L. 621-3 ;

I. – L’article L. 742-6 du code de la sécurité sociale est complété par un 5° ainsi rédigé :

 
 

« 5° Les conjoints collaborateurs mentionnés à l’article L. 121-4 du code de commerce qui, ayant été affiliés à titre obligatoire au régime d’assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions soit artisanales, soit industrielles et commerciales, soit libérales en application de l’article L. 622-8, cessent de remplir les conditions de l’affiliation obligatoire. Les modalités d’application de cette disposition, notamment les délais dans lesquels les intéressés doivent demander leur affiliation, sont déterminées par décret ».

 

Code rural et de la pêche maritime

II. – L’article L. 722-17 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

 
 

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 

Art. L. 722-17. – Peuvent adhérer volontairement à l’assurance vieillesse mentionnée à l’article L. 722-15 les personnes non salariées qui, ayant été occupées en dernier lieu dans les exploitations ou entreprises ne remplissant les conditions fixées au 1° de l’article L. 722-4 et aux articles L. 722-5 à L. 722-7 et ne réunissant pas la durée minimale d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes mentionnée à l’article L. 732-25, n’exercent aucune activité professionnelle susceptible de les assujettir à un régime de sécurité sociale.

   
 

« Les collaborateurs d’exploi-tation ou d’entreprise agricole définis au premier alinéa de l’article L. 321-5 peuvent adhérer volontairement à l’assurance vieillesse mentionnée à l’article L. 722-15, dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. » ;

« Les conjoints collaborateurs d’exploitation …

… précédent. » ;

Amendement AS413

Un décret détermine les modalités d’application du premier alinéa et précise notamment les délais dans lesquels les intéressés doivent demander leur affiliation et le mode de calcul des cotisations.

2° Au dernier alinéa, les mots : « du premier alinéa » sont remplacés par les mots : « du présent article ».

 
 

Chapitre IV

Chapitre IV

 

Améliorer les petites pensions des non salariés agricoles

Améliorer les petites pensions des non salariés agricoles

 

Article 20

Article 20

 

L’article L. 732-54-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

(Sans modification)

Art. L. 732-54-1. – Peuvent bénéficier d’une majoration de la pension de retraite servie à titre personnel les personnes dont cette pension a pris effet :

1° Avant le 1er janvier 2002 lorsqu’elles justifient d’une durée minimale d’assurance fixée par décret ; pour l’appréciation de cette durée, sont prises en compte les périodes accomplies à titre exclusif ou principal dans le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et les périodes d’affiliation obligatoire à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale en application de l’article L. 381-1 du code de la sécurité sociale ;

   

2° À compter du 1er janvier 2002 lorsqu’elles justifient des conditions prévues par les articles L. 732-18-3, L. 732-23 et L. 732-25 du présent code, dans leur rédaction en vigueur à la date d’effet de la pension de retraite, pour ouvrir droit à une pension à taux plein dans le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et qu’elles remplissent des conditions fixées par décret de durées minimales d’assurance accomplies à titre exclusif ou principal dans ce régime.

1° Au troisième alinéa, après les mots : « du 1er janvier 2002 », sont ajoutés les mots : « et avant le 1er janvier 2014, » ;

 
 

2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 
 

« 3° À compter du 1er janvier 2014 lorsqu’elles justifient des conditions prévues par les articles L. 732-18-3, L. 732-23 et L. 732-25 du présent code, dans leur rédaction en vigueur à la date d’effet de la pension de retraite, pour ouvrir droit à une pension à taux plein dans le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles. »

 

Les personnes mentionnées ci-dessus ne peuvent bénéficier de la majoration que si elles ont fait valoir l’intégralité des droits en matière d’avantage de vieillesse auxquels elles peuvent prétendre auprès des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi qu’auprès des régimes des organisations internationales.

   
 

Article 21

Article 21

 

I. – L’article L. 732-56 du code rural et de la pêche maritime est complété par un V et un VI ainsi rédigés :

 

Art. L. 732-56. – I. – Sont affiliées au régime de l’assurance vieillesse complémentaire obligatoire les personnes occupées au 1er janvier 2003, ou postérieurement à cette date, en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, aux activités ou dans les exploitations, entreprises ou établissements visés aux 1° à 5° de l’article L. 722-1.

………………………………………….

IV. – Sont affiliées au régime de l’assurance vieillesse complémentaire obligatoire les personnes ayant, à compter du 1er janvier 2011 ou postérieurement à cette date, la qualité d’aide familial telle que définie au 2° de l’article L. 722-10 ou la qualité de collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole telle que définie à l’article L. 321-5.

   
 

« V. – Bénéficient également du présent régime les personnes ayant, pour les périodes antérieures au 1er janvier 2003, exercé à titre exclusif ou principal en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole lorsque l’assuré ne justifie pas d’une durée minimum d’assurance à ce titre et les personnes ayant, pour les périodes antérieures au 1er janvier 2011, exercé à titre exclusif ou principal en qualité d’aide familial défini à l’article L. 732-34, en qualité de conjoint participant aux travaux défini à l’article L. 732-34 ou en qualité de collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole défini à l’article L. 732-35 dont la retraite servie à titre personnel a pris effet :

« V. – Sont également affiliées au présent régime …

… effet :

Amendement AS414

 

« 1° Avant le 1er janvier 1997 et qui justifient d’un minimum de périodes d’assurance non salariées agricoles accomplies à titre exclusif ou principal ;

« 1° …

… d’assurance au titre d’activités non salariées agricoles accomplies à titre exclusif ou principal ;

Amendement AS415

 

« 2° Entre le 1er janvier 1997 et le 1er janvier 2014 et qui justifient, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, d’une durée d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes au moins égale à celle requise par l’article L. 732-25 pour ouvrir droit à une pension à taux plein du régime d’assurance vieillesse des professions non salariées agricoles, et d’un minimum de périodes d’assurance non salariées agricoles accomplies à titre exclusif ou principal.

« 2° …

… égale à la durée requise par …

… d’assurance au titre d’activités non salariées agricoles accomplies à titre exclusif ou principal.

Amendements AS416 et AS417

 

« Un décret détermine le nombre d’années maximum retenues pour le bénéfice du régime et les durées minimum d’assurance requises.

« Un décret détermine le nombre maximal d’années retenues …

… requises.

Amendement AS418

 

« VI. – Les personnes dont la retraite servie à titre personnel prend effet postérieurement au 31 décembre 2013 et qui remplissent les conditions de durée d’assurance mentionnées au 2° du V bénéficient du présent régime pour les périodes accomplies à titre exclusif ou principal en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, d’aide familial, de conjoint participant aux travaux ou de collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole définies au V. »

« VI. – …

… effet après le 31 décembre …

… du V sont affiliés au présent régime …

… au V. »

Amendements AS419 et AS420

 

II. – La deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article L. 732-60 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifiée :

 

Art. L. 732-60. – Les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole affiliés au présent régime bénéficient, à compter de la date d’effet de leur retraite mentionnée à l’article L. 732-24 et au plus tôt au 1er avril 2003, d’une retraite exprimée en points de retraite complémentaire. Les aides familiaux et les collaborateurs d’exploitation ou d’entreprise agricole affiliés au présent régime bénéficient, à compter de la date d’effet de leur retraite mentionnée aux articles L. 732-34 et L. 732-35, et au plus tôt au 1er janvier 2011, d’une retraite exprimée en points de retraite complémentaire. Les pensions dues au titre de l’assurance vieillesse complémentaire obligatoire par répartition sont payées mensuellement.

   

Le nombre annuel de points est déterminé selon des modalités fixées par décret, en fonction de l’assiette retenue pour le calcul des cotisations prévue à l’article L. 732-59. Le même décret détermine le nombre annuel de points portés à la date du 1er janvier 2003 au compte des personnes visées au II de l’article L. 732-56, à la date d’effet de la retraite au compte des personnes visées au III de l’article L. 732-56, ainsi que le nombre maximum d’années susceptibles de donner lieu à attribution de points pour les personnes mentionnées aux II et III de l’article L. 732-56.

1° Après les mots : « visés au III de l’article L. 732-56 », sont insérés les mots : « à la date du 1er janvier 2014 au compte des personnes mentionnées au V de l’article L. 732-56, à la date d’effet de la retraite au compte des personnes mentionnées au VI de l’article L. 732-56, » ;

 
 

2° Les mots : « mentionnées aux II et III » sont remplacés par les mots : « mentionnés aux II, III, V et VI. »

 
 

III. – L’article L. 732-62 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

 

Art. L. 732-62. – En cas de décès d’un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole dont la pension de retraite a été liquidée après le 1er janvier 2003, son conjoint survivant a droit au plus tôt au 1er avril 2003 à une pension de réversion du régime complémentaire s’il est âgé d’au moins cinquante-cinq ans et si le mariage a duré au moins deux ans. Toutefois, lorsqu’au moins un enfant est issu du mariage, aucune condition de durée du mariage n’est exigée.

« Art. L. 732-62. – I. – En cas de décès d’une personne non salariée agricole, son conjoint survivant a droit à une pension de réversion du régime complémentaire s’il est âgé d’au moins cinquante-cinq ans et si le mariage a duré au moins deux ans. Toutefois, lorsqu’au moins un enfant est issu du mariage, aucune condition de durée du mariage n’est exigée.

 
 

« Lorsque la pension de retraite n’a pas été liquidée au jour du décès de l’assuré, la pension de réversion est versée sans condition d’âge si le conjoint survivant est invalide au moment du décès ou le devient ultérieurement, ou s’il a au moins deux enfants à charge au moment du décès de l’assuré.

 

Cette pension de réversion est d’un montant égal à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont bénéficiait l’assuré ou aurait, au 1er avril 2003, bénéficié l’assuré décédé entre le 1er janvier 2003 et le 31 mars 2003.

« La pension de réversion est d’un montant égal à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont bénéficiait ou aurait bénéficié l’assuré à la date de son décès.

 

En cas de décès, à compter du 1er janvier 2003, d’un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole dont la pension de retraite de base a été liquidée au plus tard le 1er janvier 2003, son conjoint survivant a droit, au plus tôt au 1er janvier 2010, à une pension de réversion du régime complémentaire s’il remplit les conditions personnelles prévues au premier alinéa. Cette pension de réversion est d’un montant égal à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont bénéficiait l’assuré.

« En cas de décès, à compter du 1er janvier 2003, d’un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole dont la pension de retraite de base n’a pas été liquidée au jour de son décès, son conjoint survivant, s’il remplit les conditions personnelles prévues au premier alinéa ou au deuxième alinéa du présent article, a droit, au plus tôt au 1er janvier 2014, à une pension de réversion du régime complémentaire, au titre des points gratuits dont aurait pu bénéficier le chef d’exploitation ou d’entreprise agricole s’il remplissait au jour de son décès des conditions prévues au 2° du II de l’article L. 732-56. Cette pension est d’un montant égal à 54 % des droits dont aurait bénéficié l’assuré.

« En cas …

… conditions prévues au …

… décès les conditions …

… l’assuré.

Amendement AS421 et 422

En cas de décès d’un chef d’exploitation ou d’entreprise agricole dont la pension de retraite de base n’a pas été liquidée au jour de son décès, son conjoint survivant a droit au plus tôt au 1er avril 2003 à une pension de réversion du régime complémentaire au titre des points cotisés s’il remplit les conditions personnelles prévues au premier alinéa. Toutefois, cette pension de réversion est versée sans condition d’âge si le conjoint survivant est invalide au moment du décès ou ultérieurement, ou s’il a au moins deux enfants à charge au moment du décès du chef d’exploitation ou d’entreprise agricole.

La pension de réversion prévue à l’alinéa précédent est d’un montant égal à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont aurait bénéficié l’assuré décédé au regard des points acquis par cotisation au jour de son décès.

« II. – Si le chef d’exploitation ou d’entreprise agricole est décédé avant d’avoir demandé la liquidation de sa pension de retraite, le conjoint survivant qui continue l’exploitation sans avoir demandé la liquidation de sa pension de réversion peut, pour le calcul de sa pension de retraite complémentaire obligatoire, ajouter à ses annuités propres celles qui ont été acquises par le défunt.

 

En cas de décès d’un aide familial ou d’un collaborateur d’exploitation ou d’entreprise agricole après le 31 décembre 2010, son conjoint survivant a droit au plus tôt au 1er janvier 2011 à une pension de réversion du régime complémentaire s’il remplit les conditions personnelles prévues au premier alinéa. Cette pension de réversion est d’un montant égal à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont bénéficiait ou aurait bénéficié l’assuré. Toutefois, lorsque la pension de retraite n’a pas été liquidée au jour du décès de l’assuré, cette pension de réversion est versée sans condition d’âge si le conjoint survivant est invalide au moment du décès ou ultérieurement, ou s’il a au moins deux enfants à charge au moment du décès de l’assuré.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. »

 
 

Article 22

Article 22

 

I. – Après l’article L. 732-62 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 732-63 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 732-63. – I. – Peuvent bénéficier d’un complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire, les personnes dont la pension de retraite de base servie à titre personnel, prend effet :

 
 

« 1° Avant le 1er janvier 1997 et qui justifient de périodes minimum d’activité non salariée agricole et d’assurance en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole accomplies à titre exclusif ou principal ;

 
 

« 2° À compter du 1er janvier 1997 et qui justifient, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, d’une durée d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes au moins égale à celle requise par l’article L. 732-25, dans sa rédaction en vigueur à la date d’effet de la pension de retraite, pour ouvrir droit à une pension à taux plein du régime d’assurance vieillesse de base des personnes non salariées des professions agricoles, et de périodes minimum d’assurance accomplies en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre exclusif ou principal.

« 2° …

… égale à la durée requise …

… d’effet de liquidation de la …

… principal.

Amendement AS423

 

« II. – Ce complément différentiel a pour objet de porter, au 1er janvier 2015 pour les pensions de retraite prenant effet avant le 1er janvier 2015 ou lors de la liquidation de la pension de retraite pour les pensions de retraite prenant effet à compter du 1er janvier 2015, les droits propres servis à l’assuré par le régime d’assurance vieillesse de base et par le régime de retraite complémentaire obligatoire des personnes non salariées des professions agricoles à un montant minimum.

 
 

« Pour les pensions liquidées avant le 1er janvier 2015, ce montant minimal est calculé au plus tôt au 1er octobre 2015 et, pour les pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2015, au 1er octobre de l’année civile au cours de laquelle la pension de retraite prend effet ou à la date d’effet de la pension de retraite lorsque celle-ci est postérieure au 1er octobre.

 
 

« III. – Ce montant minimum est déterminé en fonction de la durée d’assurance non salariée agricole et des périodes d’assurance en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, accomplies à titre exclusif ou principal par l’assuré dans le régime d’assurance vieillesse de base des personnes non salariées des professions agricoles.

« III. – …

… d’assurance au titre d’une activité non salariée …

… agricoles.

Amendement AS424

 

« IV. – Pour une carrière complète de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole accomplie à titre exclusif ou principal, ce montant minimum annuel est égal à un pourcentage de 1 820 fois le montant du salaire minimum de croissance retenu après déduction des contributions et cotisations obligatoires dues au titre des régimes de base et complémentaire légalement obligatoire des salariés agricoles. Ce pourcentage est égal à 73 % au 1er janvier 2015, à 74 % au 1er janvier 2016, à 75 % au 1er janvier 2017 de la valeur du SMIC en vigueur au 1er janvier de l’exercice du versement. Le montant du salaire minimum de croissance net est celui en vigueur au 1er janvier 2015 pour les pensions de retraite ayant pris effet avant le 1er janvier 2015 ou celui en vigueur au 1er janvier de l’année civile au cours de laquelle la pension de retraite prend effet pour les pensions de retraite prenant effet à compter du 1er janvier 2015.

« IV. – 

… salaire minimum inter-professionnel de croissance …

… à 75 % à compter du 1er janvier …

… salaire minimum inter-professionnel de croissance …

… 2015.

Amendements AS425 et AS426

 

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article et précise notamment le mode de calcul du complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire et les conditions suivant lesquelles les durées d’assurance mentionnées aux précédents alinéas sont prises en compte pour le calcul du montant minimum annuel, les modalités d’appréciation de la carrière complète et les modalités selon lesquelles sont appréciés les droits propres servis à l’assuré. »

 
 

II. – Après l’article L. 732-54-3 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 732-54-3-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 732-54-3-1. – Dans le cas où un assuré peut prétendre à la fois à la majoration mentionnée à l’article L. 732-54-1 et au complément différentiel de retraite complémentaire obligatoire mentionné à l’article L. 732-63, la majoration mentionnée à l’article L. 732-54-1 est servie en priorité. »

 

Loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création d’un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non-salariés agricoles

   

Art. 1er. – Il est institué un régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire par répartition au bénéfice des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole dans les conditions déterminées par la présente loi.

Ce régime a pour objectif de garantir, après une carrière complète en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, un montant total de pension de retraite de base et de retraite complémentaire obligatoire au moins égal à 75 % du salaire minimum de croissance net.

III. – Le second alinéa de l’article 1er de la loi n° 2002-308 du 4 mars 2002 tendant à la création d’un régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) pour les non-salariés agricoles est supprimé.

 
 

Chapitre V

Chapitre V

 

Ouvrir des solidarités nouvelles en faveur des assurés handicapés et de leurs aidants

Ouvrir des solidarités nouvelles en faveur des assurés handicapés et de leurs aidants

 

Article 23

Article 23

Code de la sécurité sociale

   

Art. L. 351-1-3. – La condition d’âge prévue au premier alinéa de l’article L. 351-1 est abaissée dans des conditions fixées par décret pour les assurés handicapés qui ont accompli, alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l’article L. 5213-1 du code du travail, une durée d’assurance dans le régime général et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré.

La pension des intéressés est majorée en fonction de la durée ayant donné lieu à cotisations considérée, dans des conditions précisées par décret.

I. – À l’article L. 351-1-3, à l’article L. 634-3-3*, au III de l’article L. 643-3* et au III de l’article L. 723-10-1* du code de la sécurité sociale et à l’article L. 732-18-2* du code rural et de la pêche maritime, les mots : « alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l’article L. 5213-1 du code du travail » sont remplacés par les mots : « alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente d’au moins 50 % ».

 

Code des pensions civiles et militaires

   

Art. L. 24. – I. – La liquidation de la pension intervient :

………………………………………….

5° Un décret fixe les conditions dans lesquelles l’âge d’ouverture du droit à pension est abaissé, par rapport à un âge de référence de soixante ans, pour les fonctionnaires handicapés qui totalisent, alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente d’au moins 80 % ou qu’ils avaient la qualité de travailleur handicapé au sens de l’article L. 5213-1 du code du travail, une durée d’assurance au moins égale à une limite fixée par ce décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à versement de retenues pour pensions.

Une majoration de pension est accordée aux fonctionnaires handicapés visés à l’alinéa précédent, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.

II. – Au 5° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires, les mots : « alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente d’au moins 80 % ou qu’ils avaient la qualité de travailleur handicapé au sens de l’article L. 5213-1 du code du travail » sont remplacés par les mots : « alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente d’au moins 50 % ».

 
 

III. – Les dispositions du présent article sont applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2014.

III. – …

… pensions liquidées à compter du 1er janvier 2014.

Amendement AS427

   

IV. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport permettant d’explorer la mise en place d’un compte handicap-travail.

Amendement AS319

 

Article 24

Article 24

Code de la sécurité sociale

I. – Le 1° ter de l’article L. 351-8 du code de la sécurité sociale est remplacé par les dispositions suivantes :

 

Art. L. 351-8. – Bénéficient du taux plein même s’ils ne justifient pas de la durée requise d’assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires :

………………………………………….

   

1° ter Les assurés handicapés qui atteignent l’âge de soixante-cinq ans ;

………………………………………….

« 1° ter Les assurés justifiant d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret, qui atteignent l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 ; ».

 

Code des pensions civiles et militaires de retraite

   

Art. L. 14. – I. – La durée d’assurance totalise la durée des services et bonifications admissibles en liquidation prévue à l’article L. 13, augmentée, le cas échéant, de la durée d’assurance et des périodes reconnues équivalentes validées dans un ou plusieurs autres régimes de retraite de base obligatoires.

Lorsque la durée d’assurance est inférieure au nombre de trimestres nécessaire pour obtenir le pourcentage de la pension mentionné à l’article L. 13, un coefficient de minoration de 1,25 % par trimestre s’applique au montant de la pension liquidée en application des articles L. 13 et L. 15 dans la limite de vingt trimestres.

Le nombre de trimestres pris en compte pour ce calcul est égal :

1° Soit au nombre de trimestres correspondant à la durée qui sépare l’âge auquel la pension est liquidée de la limite d’âge du grade détenu par le pensionné ;

2° Soit au nombre de trimestres supplémentaires qui serait nécessaire, à la date de liquidation de la pension, pour atteindre le nombre de trimestres permettant d’obtenir le pourcentage maximum mentionné à l’article L. 13.

Le nombre de trimestres correspondant est arrondi à l’entier supérieur dans des conditions définies par décret. Le plus petit des deux nombres de trimestres résultant des dispositions du 1° et du 2° du présent I est pris en considération.

   

Le coefficient de minoration n’est pas applicable aux fonctionnaires handicapés dont l’incapacité permanente est au moins égale à 80 % ou mis à la retraite pour invalidité ainsi qu’aux fonctionnaires âgés d’au moins soixante-cinq ans qui bénéficient d’un nombre minimum de trimestres fixé par décret au titre de la majoration de durée d’assurance prévue à l’article L. 12 ter ou qui, pendant une durée et dans des conditions fixées par décret, ont apporté une aide effective à leur enfant bénéficiaire de l’élément de la prestation relevant du 1° de l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles.

Le coefficient de minoration n’est pas applicable aux pensions de réversion lorsque la liquidation de la pension dont le fonctionnaire aurait pu bénéficier intervient après son décès.

Pour le calcul de la durée d’assurance, les périodes de services accomplis à temps partiel telles que définies à l’article L. 5 sont décomptées comme des périodes de services à temps complet.

…..…..…………………………………

I. – Au septième alinéa du I de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, après les mots : « Le coefficient de minoration n’est pas applicable aux fonctionnaires handicapés dont l’incapacité permanente est au moins égale », les mots : « à 80 % » sont remplacés par les mots : « à un taux fixé par décret ».

 

Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites

   

Art. 21. – ……………………….

VI. – Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du même code, l’âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés handicapés.

III. – Au VI de l’article 21 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, les mots : « est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés handicapés » sont remplacés par les mots : « est, pour les assurés justifiant d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret, celui prévu à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale ».

 
 

IV. – Les dispositions du présent article sont applicables aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2014.

IV. – …

… pensions liquidées à compter du 1er janvier 2014.

Amendement AS428

 

Article 25

Article 25

Code de la sécurité sociale

I. – L’article L. 381-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

 

Art. L. 381-1. – La personne isolée et, pour un couple, l’un ou l’autre de ses membres n’exerçant pas d’activité professionnelle, bénéficiaire du complément familial, de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant ou du complément de libre choix d’activité de cette prestation, est affilié obligatoirement à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale sous réserve que ses ressources ou celles du ménage soient inférieures à un plafond fixé par décret et que les enfants dont il assume la charge remplissent les conditions d’âge et de nombre qui sont fixées par le même décret.

La personne isolée ou chacun des membres d’un couple exerçant une activité professionnelle à temps partiel, bénéficiaire du complément de libre choix d’activité à taux partiel, est affilié obligatoirement à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale sous réserve que ses ressources ou celles du ménage soient inférieures à un plafond fixé par décret et que les enfants dont il assume la charge remplissent les conditions d’âge et de nombre qui sont fixées par décret.

La personne bénéficiaire de l’allocation journalière de présence parentale est affiliée à l’assurance vieillesse du régime général, sous réserve que ses ressources ou celles du ménage soient inférieures à un plafond fixé par décret.

1° Au troisième alinéa, les mots : « , sous réserve que ses ressources ou celles du ménage soient inférieures à un plafond fixé par décret » sont supprimés ;

 

Est également affiliée obligatoirement à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale, pour autant que ses ressources ou celles du ménage ne dépassent pas le plafond du complément familial, la personne bénéficiaire du congé de soutien familial prévu à l’article L. 225-20 du code du travail. Cette affiliation est subordonnée à la production de justificatifs, définis par décret.

Le travailleur non salarié mentionné aux articles L. 611-1 ou L. 722-1 du présent code, à l’article L. 722-4 du code rural et de la pêche maritime ou au 2° de l’article L. 722-10 du même code, ainsi que le conjoint collaborateur mentionné à l’article L. 622-8 du présent code ou aux articles L. 321-5 et L. 732-34 du code rural, qui interrompt son activité professionnelle pour s’occuper de son conjoint, de son concubin, de la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité, d’un ascendant, d’un descendant, de l’enfant dont il assume la charge au sens de l’article L. 512-1 du présent code, d’un collatéral jusqu’au quatrième degré ou de l’ascendant, du descendant ou du collatéral jusqu’au quatrième degré de son conjoint, de son concubin ou de la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité, présentant un handicap ou une perte d’autonomie d’une particulière gravité, est affilié obligatoirement, pour une durée de trois mois, à l’assurance vieillesse du régime général, pour autant que ses ressources ou celles du ménage ne dépassent pas le plafond du complément familial. Cette affiliation peut être renouvelée, dans la limite d’une durée maximale d’une année. Elle n’est pas subordonnée à la radiation du travailleur non salarié du centre de formalités des entreprises dont il relève. Elle est subordonnée à la production de justificatifs, définis par décret.

En outre, est affilié obligatoirement à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale, pour autant que ses ressources ou celles du ménage ne dépassent pas le plafond du complément familial et qu’elle n’exerce aucune activité professionnelle ou seulement une activité à temps partiel la personne et, pour un couple, l’un ou l’autre de ses membres :

………………………………………….

2° Aux quatrième, cinquième et sixième alinéas, les mots : « , pour autant que ses ressources ou celles du ménage ne dépassent pas le plafond du complément familial, » sont supprimés.

 
 

II. – L’article L. 753-6 du code de la sécurité sociale est remplacé par les dispositions suivantes :

 

Art. L. 753-6. – Les personnes résidant dans les départements mentionnés à l’article L. 751-1, qui ont la charge d’un enfant handicapé ou d’un handicapé adulte dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 381-1, sont affiliées obligatoirement à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale, pour autant que cette affiliation ne soit pas acquise à un autre titre et que leurs ressources ou celles du ménage ne dépassent pas le plafond du complément familial applicable dans les départements mentionnés ci-dessus.

« Art. L. 753-6. – Les personnes résidant dans les départements mentionnés à l’article L. 751-1, qui ont la charge d’un enfant, d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée dépendante, dans les conditions prévues aux quatrième, cinquième et sixième alinéas de l’article L. 381-1, sont affiliées obligatoirement à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale. »

« Art. L. 753-6. – …

… quatrième à huitième alinéas …

… sécurité sociale. »

Amendement AS429

 

III. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

 
 

1° Après l’article L. 351-4-1, il est inséré un article L. 351-4-2 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 351-4-2. – L’assuré social assumant, au foyer familial, la prise en charge permanente d’un adulte handicapé dont l’incapacité permanente est supérieure à un taux fixé par décret, qui est son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité ou son ascendant, descendant ou collatéral ou l’ascendant, descendant ou collatéral d’un des membres du couple, bénéficie d’une majoration de durée d’assurance d’un trimestre par période de trente mois dans la limite de huit trimestres. » ;

 

Art. L. 634-2. – Sous réserve d’adaptation par décret, les prestations des régimes d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales sont calculées, liquidées et servies dans les conditions définies au deuxième alinéa de l’article L. 341-15, du premier au quatrième alinéas de l’article L. 351-1, à l’article L. 351-1-2, au premier alinéa de l’article L. 351-2, à l’article L. 351-3 à l’exception du 7°, aux articles L. 351-4, L. 351-4-1, L. 351-6, L. 351-7 à L. 351-10-1, L. 351-12, L. 351-13, L. 353-1 à L. 353-6, au deuxième alinéa de l’article L. 355-1 et à l’article L. 355-2.

Lorsqu’il est fait application des dispositions du 2° de l’article L. 633-10, les dispositions de l’article L. 351-10 s’appliquent au total des droits acquis par les deux conjoints.

2° À l’article L. 634-2, les mots : « L. 351-4, L. 351-4-1 » sont remplacées par les mots : « L. 351-4 à L. 351-4-2 » ;

 

Art. L. 643-1-1. – Les assurés du présent régime bénéficient des dispositions prévues aux articles L. 351-4 et L. 351-4-1, adaptées en tant que de besoin par décret pour tenir compte des modalités particulières de calcul de la pension de ce régime.

Art. L. 723-10-1-1. – Les assurés du présent régime bénéficient des dispositions prévues aux articles L. 351-4 et L. 351-4-1, adaptées en tant que de besoin par décret pour tenir compte des modalités particulières de calcul de la pension de ce régime.

3° Aux articles L. 643-1-1 et L. 723-10-1-1, les mots : « L. 351-4 et L. 351-4-1 » sont remplacés par les mots : « L. 351-4 à L. 351-4-2 ».

 

Code rural et de la pêche maritime

   

Art. L. 732-38. – Des décrets fixent les conditions dans lesquelles les dispositions des articles L. 351-4 et L. 351-12 du code de la sécurité sociale peuvent être étendues au régime d’assurance vieillesse des non-salariés des professions agricoles.

   

Les dispositions prévues à l’article L. 351-4-1 du même code sont rendues applicables à ce régime.

IV. – À l’article L. 732-38 du code rural et de la pêche maritime, les mots : « à l’article L. 351-4-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 351-4-1 et L. 351-4-2 ».

 
 

V. – Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2014, celles du II à compter du 1er janvier 2015 et celles du III aux périodes de prise en charge intervenues à compter du 1er janvier 2014.

 
 

TITRE III

TITRE III

 

SIMPLIFIER LE SYSTÈME ET RENFORCER SA GOUVERNANCE

SIMPLIFIER LE SYSTÈME ET RENFORCER SA GOUVERNANCE

 

Chapitre Ier

Chapitre Ier

 

Simplifier l’accès des assurés à leurs droits

Simplifier l’accès des assurés à leurs droits

 

Article 26

Article 26

Code de la sécurité sociale

I. – L’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

 

Art. L. 161-17. – 

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 
 

« I. – Les assurés bénéficient d’un droit à l’information sur le système de retraite par répartition, qui est assuré selon les modalités suivantes. » ;

 

Dans l’année qui suit la première année au cours de laquelle il a validé une durée d’assurance d’au moins deux trimestres dans un des régimes de retraite légalement obligatoires, l’assuré bénéficie d’une information générale sur le système de retraite par répartition, notamment sur les règles d’acquisition de droits à pension et l’incidence sur ces derniers des modalités d’exercice de son activité et des événements susceptibles d’affecter sa carrière. Cette information rappelle la possibilité, prévue par l’article L. 241-3-1, en cas d’emploi à temps partiel ou en cas d’emploi dont la rémunération ne peut être déterminée selon un nombre d’heures travaillées, de maintenir à la hauteur du salaire correspondant au même emploi exercé à temps plein l’assiette des cotisations destinées à financer l’assurance vieillesse. Les conditions d’application du présent alinéa sont définies par décret.

Les assurés, qu’ils résident en France ou à l’étranger, bénéficient à leur demande, à partir de quarante-cinq ans et dans des conditions fixées par décret, d’un entretien portant notamment sur les droits qu’ils se sont constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires, sur les perspectives d’évolution de ces droits, compte tenu des choix et des aléas de carrière éventuels, sur les possibilités de cumuler un emploi et une retraite, tels que des périodes d’étude ou de formation, de chômage, de travail pénible, d’emploi à temps partiel, de maladie, d’accident du travail ou de maladie professionnelle ou de congé maternité, ainsi que sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite.

2° Le premier alinéa est précédé de la mention : « II. – » ;

 

Cet entretien s’appuie sur les éléments d’information permettant d’éclairer les conséquences, en matière de retraite, des choix professionnels, en particulier en cas d’expatriation.

En amont de tout projet d’expatriation, l’assuré bénéficie à sa demande d’une information, par le biais d’un entretien, sur les règles d’acquisition de droits à pension, l’incidence sur ces derniers de l’exercice de son activité à l’étranger et sur les dispositifs lui permettant d’améliorer le montant futur de sa pension de retraite. Une information est également apportée au conjoint du futur expatrié. Les conditions d’application du présent alinéa sont définies par décret.

Lors de cet entretien, l’assuré se voit communiquer des simulations du montant potentiel de sa future pension, selon qu’il décide de partir en retraite à l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite mentionné à l’article L. 161-17-2 ou à l’âge du taux plein mentionné au 1° de l’article L. 351-8. Ces simulations sont réalisées à législation constante et sur la base d’hypothèses économiques et d’évolution salariale fixées chaque année par le groupement d’intérêt public mentionné au neuvième alinéa du présent article. Les informations et données transmises aux assurés lors de l’entretien n’engagent pas la responsabilité des organismes et services en charge de les délivrer.

3° Les troisième et quatrième alinéas sont supprimés ;

 

Toute personne a le droit d’obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l’ensemble des droits qu’elle s’est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires.

4° Le sixième alinéa est précédé de la mention : « III. – » ;

 

Les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l’État chargés de la liquidation des pensions sont tenus d’adresser périodiquement, à titre de renseignement, un relevé de la situation individuelle de l’assuré au regard de l’ensemble des droits qu’il s’est constitués dans ces régimes. Un relevé actualisé est communiqué à tout moment à l’assuré par voie électronique, lorsque celui-ci en fait la demande. Les conditions d’application du présent alinéa sont définies par décret.

5° Au septième alinéa, la phrase : « Un relevé actualisé est communiqué à tout moment à l’assuré par voie électronique, lorsque celui-ci en fait la demande. » est remplacée par la phrase : « L’assuré bénéficie d’un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l’informant sur les régimes dont il relève, lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d’échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés. » ;

 

Dans des conditions fixées par décret, à partir d’un certain âge et selon une périodicité déterminée par le décret susmentionné, chaque personne reçoit, d’un des régimes auquel elle est ou a été affiliée, une estimation indicative globale du montant des pensions de retraite auxquelles les durées d’assurance, de services ou les points qu’elle totalise lui donnent droit, à la date à laquelle la liquidation pourra intervenir, eu égard aux dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles en vigueur. Cette estimation indicative globale est accompagnée d’une information sur les dispositifs mentionnés aux articles L. 161-22, L. 351-15 et L. 241-3-1. Cette estimation est effectuée quel que soit l’âge de l’assuré si celui-ci est engagé dans une procédure de divorce ou de séparation de corps.

6° Le huitième alinéa est précédé de la mention : « IV. – » et sa dernière phrase est supprimée ;

 
 

7° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

 
 

« V. – En amont de tout projet d’expatriation, l’assuré bénéficie à sa demande d’une information, par le biais d’un entretien, sur les règles d’acquisition de droits à pension, l’incidence sur ces derniers de l’exercice de son activité à l’étranger et sur les dispositifs lui permettant d’améliorer le montant futur de sa pension de retraite. Une information est également apportée au conjoint du futur expatrié. Les conditions d’application du présent alinéa sont définies par décret. » ;

 

Afin d’assurer les droits prévus aux alinéas précédents aux futurs retraités, il est institué un groupement d’intérêt public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière composé de l’ensemble des organismes assurant la gestion des régimes mentionnés au premier alinéa ainsi que des services de l’État chargés de la liquidation des pensions en application du code des pensions civiles et militaires de retraite. Les dispositions du chapitre II de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit sont applicables à ce groupement d’intérêt public. La mise en œuvre progressive des obligations définies par le présent article sera effectuée selon un calendrier défini par décret en Conseil d’État.

Pour la mise en œuvre des droits prévus aux huit premiers alinéas, les membres du groupement mettent notamment à la disposition de celui-ci, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, les durées d’assurance et périodes correspondantes, les salaires ou revenus non salariés et le nombre de points pris en compte pour la détermination des droits à pension de la personne intéressée.

Pour assurer les services définis au présent article, les organismes mentionnés au présent article sont autorisés à collecter et conserver le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques des personnes concernées, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

8° Le neuvième alinéa est précédé d’un : « VI. – ».

8° Le neuvième alinéa est ainsi modifié :

a) Au début, est ajoutée la mention : : « VI. – » ;

b) Les deux premières phrases sont supprimées.

Amendement AS467

 

II. – Les dispositions du 5° du I entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard au 1er janvier 2017.

II. – Leet le b du 8°

… tard, respectivement, au 1er janvier 2017 et au 1er juillet 2014

Amendement AS467

   

Article 26 bis

Art. L. 815-7. – L’allocation de solidarité aux personnes âgées est liquidée et servie par les organismes ou services débiteurs d’un avantage de vieillesse de base résultant de dispositions législatives ou réglemen-taires, sur demande expresse des intéressés.

Pour les personnes qui ne relèvent d’aucun régime de base obligatoire d’assurance vieillesse, l’organisme compétent est le service de l’allocation de solidarité aux personnes âgées géré par la Caisse des dépôts et consignations sous la surveillance d’une commission dont la composition est fixée par décret.

Les conditions d’organisation du service de l’allocation de solidarité aux personnes âgées sont fixées par décret.

 

Après le mot : « réglemen-
taires », la fin du premier alinéa de l’article L. 815-7 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée : « sur proposition de ces organismes aux intéressés et demande expresse de ces derniers. ».

Amendement AS310

 

Article 27

Article 27

Livre Ier

Généralités – Dispositions communes à tout ou partie des régimes de base

Titre VI

Dispositions relatives aux prestations et aux soins – Contrôle médical – Tutelle aux prestations sociales

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux prestations

Section 1

Bénéficiaires

Sous-section 4

Assurance vieillesse

Paragraphe 1

Information des assurés

I. – Dans le titre du paragraphe 1 de la sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, après le mot : « Information », sont ajoutés les mots : « et simplification des démarches ».

 
 

II. – L’article L. 161-17-1 du code de la sécurité sociale est remplacé par les dispositions suivantes :

 

Art. L. 161-17-1. – En vue d’améliorer la connaissance statistique sur les effectifs de retraités et les montants des retraites et de faciliter la coordination entre les régimes de retraite en matière de service des prestations, notamment au regard des cotisations et contributions sociales, il est créé un répertoire national des retraites et des pensions.

« Art. L. 161-17-1. – L’Union des institutions et services de retraites est un groupement d’intérêt public créé dans les conditions prévues au chapitre II de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, regroupant l’ensemble des organismes assurant la gestion des régimes de retraite légalement obligatoires ainsi que les services de l’État chargés de la liquidation des pensions, en application du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans le cadre de son assemblée générale. Elle est dotée d’un conseil d’administration.

« Art. L. 161-17-1. – …

… obligatoires, la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que …

… d’administration.

Amendement AS491

À cette fin, les organismes gérant les régimes de retraite mentionnés au présent titre et au titre II du livre IX, les débiteurs d’avantages de vieillesse non contributifs ou d’avantages gérés au titre des articles L. 381-1 et L. 742-1 du présent code et les organismes gérant les régimes d’assurance invalidité communiquent à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés lors de la liquidation des avantages de retraite, les informations sur la nature des avantages servis, ainsi que les informations strictement nécessaires à l’identification des assurés et de leurs ayants droit, et à la détermination de leurs droits.

« L’Union assure le pilotage stratégique de l’ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation ayant pour objet d’améliorer les relations des régimes avec leurs usagers dans lesquels plusieurs de ses membres sont engagés et veille à leur mise en œuvre. Elle assure notamment le pilotage des projets prévus aux articles L. 161-17-1-1 et L. 161-17-1-2.

« L’Union …

… lesquels tout ou partie de ses membres …

… L. 161-17-1-2 ainsi que les droits prévus à l’article L. 161-17.

Amendements AS30 et AS468

Le numéro d’identification au répertoire national d’identification des personnes physiques est utilisé dans les traitements et les échanges d’informations nécessaires à l’application de ces dispositions par les organismes débiteurs des avantages mentionnés au deuxième alinéa du présent article.

Le contenu et les modalités de gestion et d’utilisation de ce répertoire ainsi que les dispositions prévues pour assurer la sécurité des informations sont fixés par décret en Conseil d’État après consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« L’autorité compétente de l’État conclut avec l’Union des institutions et services de retraites un contrat qui détermine les objectifs pluriannuels de simplification et de mutualisation de l’assurance vieillesse ; il comprend un schéma directeur des systèmes d’information. Ce contrat est conclu pour une période minimale de quatre ans. »

Les modalités d’application du présent article sont précisées en tant que de besoin par décret en Conseil d’État.

Amendement AS473

 

III. – Au sein du paragraphe 1 de la sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier, les articles L. 161-1-6 et L. 161-1-7 du code de la sécurité sociale deviennent respectivement les articles L. 161-17-1-1 et L. 161-17-1-2.

 
 

IV. – L’article L. 161-17-1-2 du même code est ainsi modifié :

 

Art. L. 161-1-7. – Il est créé un répertoire de gestion des carrières unique pour lequel les régimes de retraite de base légalement obligatoires et les services de l’État chargés de la liquidation des pensions adressent de manière régulière à la caisse nationale mentionnée à l’article L. 222-1 l’ensemble des informations concernant la carrière de leurs assurés. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

1° Après les mots : « de base », sont insérés les mots : « et complémentaires » ;

2° Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Ce répertoire contient également les points acquis au titre du compte prévu à l’article L. 4162-1 du code du travail. »

 
   

V. – Les dispositions des I et II entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard au 1er juillet 2014.

Amendement AS474

Code des pensions civiles et militaires de retraite

 

Article 27 bis

Art. L. 6. – Le droit à pension est acquis :

1° Aux officiers et aux militaires non officiers qui ont accompli quinze ans de services civils et militaires effectifs ;

2° Sans condition de durée de service aux officiers et aux militaires non officiers radiés des cadres par suite d’infirmités.

Art. L. 7. – Le droit à solde de réforme est acquis aux officiers et aux sous-officiers de carrière comptant moins de quinze ans de services civils et militaires radiés des cadres par mesure disciplinaire.

Art. L. 24. – I. – La liquidation de la pension intervient :

………………………………………….

II. – La liquidation de la pension militaire intervient :

………………………………………….

2° Lorsqu’un militaire non officier est radié des cadres par limite d’âge ou par limite de durée de services, ou par suite d’infirmités, ou encore s’il réunit, à la date de son admission à la retraite, dix-sept ans de services effectifs ;

………………………………………….

Art. L. 25. – La liquidation de la pension ne peut intervenir :

1° Pour les fonctionnaires civils autres que ceux mentionnés à l’article L. 24 avant l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou avant l’âge de cinquante-sept ans s’ils ont accompli dix-sept ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active ;

2° Par dérogation à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, pour les officiers de carrière autres que ceux mentionnés à l’article L. 24 avant l’âge de cinquante-deux ans ou, pour un officier radié des cadres par mesure disciplinaire avant d’avoir accompli vingt-sept ans de services effectifs, avant la date à laquelle il aurait atteint la limite d’âge en vigueur à la date de cette radiation et sans que la liquidation puisse être antérieure à l’âge de cinquante-deux ans ;

3° Par dérogation à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, pour les officiers sous contrat radiés des cadres sans avoir atteint les limites de durée de services, avant l’âge de cinquante-deux ans ;

4° Par dérogation à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, pour les non-officiers autres que ceux mentionnés à l’article L. 24, avant l’âge de cinquante-deux ans.

……………………………………….

 

I. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :

1° Après la seconde occurrence du mot : « officiers », la fin du 1° de l’article L. 6 est ainsi rédigée : « après la durée fixée par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L 4 ; » ;

2° A l’article L. 7, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « deux » ;

3° Au 2° du II de l’article L. 24, les mots : « ou par limite de durée de services » sont supprimés ;

4° L’article L. 25 est ainsi modifié :

a) Au 2°, après la référence : « L. 24 », sont insérés les mots : « , sous réserve qu’ils réunissent quinze ans de services effectifs à la date de leur radiation des cadres, » ;

b) Au 3°, les mots : « radiés des cadres sans avoir » sont remplacés par les mots : « , réunissant quinze ans de services effectifs à la date de leur radiation des contrôles et n’ayant pas » ;

c) Au 4°, après la référence : « L. 24, », sont insérés les mots : « sous réserve qu’ils réunissent quinze ans de services effectifs à la date de leur radiation des cadres ou des contrôles, » ;

d) Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :

« 5° Avant l’âge mentionné à l’article L. 161172 du code de la sécurité sociale, pour les militaires autres que ceux mentionnés à l’article L. 24, lorsqu’ils réunissent à la date de leur radiation des cadres ou des contrôles moins de quinze ans de services effectifs. ».

II. - Les dispositions du présent article sont applicables aux militaires dont le premier engagement a été conclu à compter du 1er janvier 2014.

Amendement AS495

 

Article 28

Article 28

Code de la sécurité sociale

I. – À la sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre VII du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est ajouté un article L. 173-1-2 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 173-1-2. – I. – Lorsqu’un assuré relève ou a relevé successivement, alternativement ou simultanément du régime général de sécurité sociale, du régime des salariés agricoles et des régimes d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales et demande à liquider l’un de ses droits à pension de vieillesse auprès d’un des régimes concernés, il est réputé avoir demandé à liquider l’ensemble de ses pensions de droit direct auprès desdits régimes. Le total de ses droits à pension dans ces régimes est déterminé selon les modalités suivantes.

 
 

« Pour le calcul du total des droits à pension, sont additionnés, pour chaque année civile ayant donné lieu à affiliation à l’assurance vieillesse auprès d’un des régimes concernés :

 
 

« 1° L’ensemble des rémunérations ayant donné lieu à cotisation d’assurance vieillesse, afin de déterminer annuellement le nombre de trimestres d’assurance pour l’ensemble des régimes concernés ;

 
 

« 2° L’ensemble des périodes d’assurance retenues pour la détermination du droit à pension dans l’un de ces régimes ;

 
 

« 3° Les salaires et revenus annuels de base de chacun des régimes, sans que leur somme ne puisse excéder le montant du plafond annuel défini au premier alinéa de l’article L. 241-3 en vigueur au cours de cette année.

 
 

« Le nombre de trimestres validés qui résulte de la somme du 1° et du 2° ne peut être supérieur à quatre par an.

 
 

« II. – La pension est calculée, en fonction des paramètres prévus au I, par un seul des régimes concernés, en fonction de ses modalités et règles de liquidation. Un décret en Conseil d’État détermine la règle de priorité permettant de désigner le régime compétent pour liquider la pension.

 
 

« III. – Le régime qui verse à l’assuré les pensions dues par les autres régimes les verse pour le compte de ces derniers. Il est remboursé par eux des sommes versées à ce titre dans des conditions fixées par décret.

« III. – Le régime qui a calculé et qui sert la pension en supporte intégralement la charge. Un décret précise les modalités de compensation financière forfaitaire entre les régimes concernés.

 

« IV. – La pension due par chacun des régimes mentionnés au I est calculée en appliquant au total des droits à pension un coefficient correspondant au prorata des durées d’assurance validées dans ce régime.

« IV. – Supprimé

Amendement AS469

 

« V. – Sauf disposition contraire, un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »

 
 

II. – Les dispositions du I s’appliquent aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2016.

 
 

Article 29

Article 29

 

I. – Au paragraphe 3 de la sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est ajouté un article L. 161-22-2 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 161-22-2. – Lorsqu’un assuré n’a relevé au cours de sa carrière que d’un seul régime de retraite de base et ne justifie pas d’une durée d’assurance au sens du deuxième alinéa de l’article L. 351-1 au moins égale à un nombre de trimestres fixé par décret en Conseil d’État, il perçoit à sa demande, au plus tôt à l’âge fixé à l’article L. 161-17-2, un versement égal au montant des cotisations versées à son régime de retraite, auxquelles sont appliqués les coefficients de revalorisation en vigueur à la date du versement, applicables aux salaires et cotisations servant de base au calcul des pensions. »

« Art. L. 161-22-2. – …

… vigueur au 1er janvier de l’année de la demande, applicables …

… pensions. »

Amendement AS475

 

II. – À la sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre VII du livre Ier du code de la sécurité sociale, il est ajouté un article L. 173-1-3 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 173-1-3. – Lorsque les droits à pension d’un assuré établis dans un régime d’assurance vieillesse de base légalement obligatoire sont inférieurs à un seuil fixé par décret et que l’assuré relève ou a relevé alternativement, successivement ou simultanément de plusieurs desdits régimes de base, le régime servant la pension de retraite la plus élevée peut assurer, pour le compte de ce régime, le versement de la pension due. Un décret précise les modalités de mise en œuvre de cet article, notamment les modalités de remboursement entre les régimes concernés. »

 
   

« Les dispositions du premier alinéa peuvent s’appliquer aux pensions de réversion ; un décret en Conseil d’État établit les adaptations nécessaires, liées notamment aux évolutions dans le temps des pensions de réversion servies. »

Amendement AS470

Art. L. 351-9. – Lorsque le montant de la pension est inférieur à un minimum, un versement forfaitaire unique est substitué à la pension, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État.

III. – L’article L. 351-9 du code de la sécurité sociale est abrogé.

 
 

IV. – Les dispositions du présent article s’appliquent aux pensions prenant effet à compter du 1er janvier 2016.

IV. – …

… s’appliquent aux assurés dont l’ensemble des pensions prennent effet à compter du 1er janvier 2016.

Amendement AS477

   

Article 29 bis

   

Avant le 1er juillet 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillant les conditions d’application des conventions bilatérales existantes en matière de retraite et évaluant les conséquences de leur mise en œuvre pour les Français ayants droit de systèmes étrangers dès lors qu’ils ne résident plus dans le pays concerné.

Amendement AS492

 

Chapitre II

Chapitre II

 

Améliorer la gouvernance et le pilotage des caisses de retraite

Améliorer la gouvernance et le pilotage des caisses de retraite

 

Article 30

Article 30

 

Tous les ans, le Gouvernement organise avec les organisations syndicales de fonctionnaires un débat sur les orientations de la politique des retraites dans la fonction publique.

(Sans modification)

 

Article 31

Article 31

Code rural et de la pêche maritime

Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

 

Art. L. 732-58. – Le régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire est financé :

………………………………………….

Le taux de la cotisation et la valeur de service du point de retraite, fixés par les décrets cités aux articles L. 732-59 et L. 732-60, sont déterminés dans le respect de l’équilibre entre les ressources et les charges du régime.

1° Le dernier alinéa de l’article L. 732-58 est supprimé ;

 
 

2° Il est créé un article L. 732-58-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 732-58-1. – Le conseil d’administration de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole assure le suivi de l’équilibre financier du régime. Il adresse tous les trois ans aux ministres chargés de l’agriculture, de la sécurité sociale et du budget un rapport détaillant la situation financière du régime, ses perspectives d’équilibre de long terme, ainsi que les risques auxquels il est exposé. Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent alinéa.

 
 

« Sur la base du rapport mentionné à l’alinéa précédent, le conseil d’administration de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole propose aux ministres chargés de l’agriculture, de la sécurité sociale et du budget les règles d’évolution des paramètres du régime sur les trois années à venir. Ces propositions permettent de garantir l’équilibre de long terme du régime.

 
 

« Le rapport mentionné au premier alinéa est remis pour la première fois au plus tard le 1er septembre 2015. » ;

Alinéa supprimé

Amendement AS449

 

3° Le dernier alinéa de l’article L. 732-59 est remplacé par les dispositions suivantes :

 

Art. L. 732-59. – Les cotisations visées à l’article L. 732-58 sont calculées sur la totalité des revenus professionnels ou de l’assiette forfaitaire obligatoire des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole, tels que pris en compte aux articles L. 731-14 à L. 731-21, sans que l’assiette puisse être inférieure à un minimum fixé par décret.

………………………………………….

   

Un décret fixe le taux de la cotisation.

« L’arrêté mentionné à l’article L. 732-60-1 ou, à défaut, le décret mentionné au même article, fixe le ou les taux de cotisations. » ;

« L’arrêté …

… mentionné au dernier alinéa du même article, fixe le ou les taux de cotisations. » ;

Amendement AS430

 

4° L’article L. 732-60 est ainsi modifié :

 

Art. L. 732-60. – Les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole affiliés au présent régime bénéficient, à compter de la date d’effet de leur retraite mentionnée à l’article L. 732-24 et au plus tôt au 1er avril 2003, d’une retraite exprimée en points de retraite complémentaire. Les aides familiaux et les collaborateurs d’exploitation ou d’entreprise agricole affiliés au présent régime bénéficient, à compter de la date d’effet de leur retraite mentionnée aux articles L. 732-34 et L. 732-35, et au plus tôt au 1er janvier 2011, d’une retraite exprimée en points de retraite complémentaire. Les pensions dues au titre de l’assurance vieillesse complémentaire obligatoire par répartition sont payées mensuellement.

   

Le nombre annuel de points est déterminé selon des modalités fixées par décret, en fonction de l’assiette retenue pour le calcul des cotisations prévue à l’article L. 732-59. Le même décret détermine le nombre annuel de points portés à la date du 1er janvier 2003 au compte des personnes visées au II de l’article L. 732-56, à la date d’effet de la retraite au compte des personnes visées au III de l’article L. 732-56, ainsi que le nombre maximum d’années susceptibles de donner lieu à attribution de points pour les personnes mentionnées aux II et III de l’article L. 732-56.

Le montant annuel de la prestation du régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire alloué au bénéficiaire est obtenu par le produit du nombre total de points de retraite porté au compte de l’intéressé par la valeur de service du point de retraite.

a) Au deuxième alinéa, les mots : « Le nombre annuel de points est déterminé selon des modalités fixées par décret, en fonction de l’assiette retenue pour le calcul des cotisations prévue à l’article L. 732-59. Le même » sont remplacés par les mots : « Le nombre annuel de points est déterminé en fonction de l’assiette retenue pour le calcul des cotisations prévue à l’article L. 732-59 et de la ou des valeurs d’achat fixées par l’arrêté mentionné à l’article L. 732-60-1 ou, à défaut, par le décret mentionné au même article. Un » ;

a) …

… L. 732-59 et des valeurs …

… mentionné au dernier alinéa du même article. Un » ;

Amendements AS433 et AS432

 

b) Le dernier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

 

Un décret fixe annuellement la valeur de service du point de retraite.

« L’arrêté mentionné à l’article L. 732-60-1 ou, à défaut, le décret mentionné au même article, fixe la ou les valeurs de service et la ou les valeurs d’achat du point de retraite. » ;

« L’arrêté …

… mentionné au dernier alinéa du même article, fixe les valeurs de service et les valeurs d’achat du point de retraite. » ;

Amendements AS431 et AS435

 

5° Il est créé un article L. 732-60-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 732-60-1. – Dans le cadre du plan triennal défini à l’article L. 732-58-1, le conseil d’administration de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole propose aux ministres chargés de l’agriculture, de la sécurité sociale et du budget une évolution triennale de la ou des valeurs de service du point de retraite, de la ou des valeurs d’achat du point de retraite ainsi que du ou des taux de cotisations. L’impact de ces évolutions doit être chiffré dans le rapport mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 732-58-1. Au vu de cette proposition, les ministres chargés de l’agriculture, de la sécurité sociale et du budget arrêtent les évolutions des paramètres précités.

« Art. L. 732-60-1. –  …

… triennale des valeurs de service du point de retraite, des valeurs d’achat ainsi que des taux de cotisations. L’impact …

… être évalué dans le …

… précités.

Amendements AS434 et AS436

 

« Si au cours du plan triennal, sur la base d’études actuarielles, le conseil d’administration de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole considère que l’évolution des paramètres n’est plus de nature à assurer la pérennité financière du régime, il propose aux ministres chargés de l’agriculture, de la sécurité sociale et du budget des corrections de ces paramètres sur cette période. Au vu de cette proposition, les ministres chargés de l’agriculture, de la sécurité sociale et du budget arrêtent les évolutions des paramètres précités.

 
 

« Les modifications proposées ne peuvent excéder des plafonds de variations annuelles définis par décret en Conseil d’État.

 
 

« À défaut de plan triennal permettant de garantir l’équilibre de long terme du régime, la ou les valeurs de service du point de retraite, la ou les valeurs d’achat du point de retraite et le ou les taux de cotisation sont modifiés par décret. »

« À …

… régime, les valeurs de service du point de retraite, les valeurs d’achat du point de retraite et les taux de cotisation sont modifiés par décret. »

Amendement AS434

   

II. – Le rapport mentionné au premier alinéa de l’article L. 732581 du code rural et de la pêche maritime est remis pour la première fois au plus tard le 1erseptembre 2015.

Amendement AS450

 

Article 32

Article 32

Code de la sécurité sociale

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

 
 

1° L’article L. 641-2 est remplacé par les dispositions suivantes :

 

Art. L. 641-2. – La Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales assure la gestion du régime d’assurance vieillesse de base des professionnels libéraux et la gestion des réserves du régime dans les conditions prévues au présent titre.

« Art. L. 641-2. – I. – La Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales a pour rôle :

 
 

« 1° D’assurer la gestion du régime d’assurance vieillesse de base des professionnels libéraux et la gestion des réserves du régime dans les conditions prévues au présent titre. Elle établit à cette fin le règlement du régime de base qui est approuvé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ;

 
 

« 2° D’animer, de coordonner et de contrôler l’action des sections professionnelles ;

 
 

« 3° D’exercer une action sociale et de coordonner l’action sociale des sections professionnelles ;

 
 

« 4° De négocier et de conclure toute convention collective intéressant son personnel et celui des sections professionnelles et d’assurer leur formation technique ;

 
 

« 5° De créer tout service d’intérêt commun à l’ensemble des sections professionnelles ou à certaines d’entre elles ;

 
 

« 6° De s’assurer de la bonne gestion du régime de base par les sections professionnelles ;

 
 

« 7° D’arrêter le schéma directeur des systèmes d’information de l’organisme mentionné à l’article L. 641-1.

 
 

« Le conseil d’administration de la caisse nationale exerce, au titre des attributions énoncées ci-dessus, un pouvoir de contrôle sur les caisses de base. Il est saisi pour avis et dans le cadre de ses compétences, de tout projet de mesure législative ou règlementaire ayant des incidences sur l’équilibre financier du régime d’assurance vieillesse de base, des régimes de retraite complémentaires et des régimes invalidité décès des professions libérales dans les conditions de l’article L. 200-3.

« Le conseil …

… énoncées aux 1° à 7°, un pouvoir …

… avis dans le …

… régimes d’assurance invalidité décès des professions libérales dans les conditions prévues à l’article L. 200-3.

Amendements AS437, AS438, AS439 et AS440

 

« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article. » ;

 
 

2° Après l’article L. 641-3, il est créé un article L. 641-3-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 641-3-1. – I. – Le directeur est nommé par décret pour une durée de six ans après avis du conseil d’administration de la caisse nationale. Toutefois, le conseil peut, à la majorité des deux tiers de ses membres, s’opposer à la proposition de nomination présentée.

« Art. L. 641-3-1. – I. – …

… conseil d’administration peut,

Amendement AS441

 

« II. – Le directeur dirige la caisse nationale. Il recrute le personnel de la caisse et a autorité sur lui.

« II. – …

… caisse nationale et a autorité sur lui.

Amendement AS442

 

« III. – L’agent comptable est nommé par le conseil d’administration de la caisse nationale. » ;

 
 

« III. – L’agent comptable est nommé par le conseil d’administration de la caisse nationale. » ;

 
 

3° Après l’article L. 641-4, il est créé un article L. 641-4-1 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 641-4-1. – I. – L’État conclut avec la caisse nationale, pour une période minimale de quatre ans, un contrat pluriannuel comportant des engagements réciproques des signataires.

« Art. L. 641-4-1. – I. – …

… réciproques.

Amendement AS443

 

« Ce contrat détermine notamment, pour le régime de base des professions libérales et les régimes mentionnés aux articles L. 644-1 et L. 644-2, les objectifs pluriannuels de gestion et, pour le seul régime de base des professions libérales, les moyens de fonctionnement dont disposent la caisse nationale et les sections professionnelles pour les atteindre ainsi que les actions mises en œuvre à ces fins par chacun des signataires.

 
 

« II. – La mise en œuvre du contrat pluriannuel fait l’objet de contrats de gestion conclus entre la caisse nationale et chacune des sections professionnelles.

 
 

« III. – Un décret en Conseil d’État détermine la périodicité, le contenu et les signataires du contrat pluriannuel et des contrats de gestion. » ;

 
 

4° Les deux derniers alinéas de l’article L. 641-5 sont remplacés par les dispositions suivantes :

 

Art. L. 641-5. – Les sections professionnelles sont instituées par décret en Conseil d’État.

   

Elles peuvent, dans les conditions prévues par leurs statuts, exercer une action sociale.

« Elles peuvent, dans les conditions prévues par un règlement élaboré par la caisse nationale et approuvé par décret, exercer une action sociale.

 

Les statuts des sections professionnelles sont approuvés par arrêté ministériel.

« Les statuts des sections professionnelles, conformes aux statuts types approuvés par décret, sont soumis à l’approbation du conseil d’administration de la caisse nationale.

 
 

« Cette décision est réputée approuvée à défaut d’opposition par le ministre chargé de la sécurité sociale dans un délai d’un mois à compter de sa réception. » ;

« Ils sont réputés approuvés à défaut …

… réception. » ;

Amendement AS444

 

5° Après l’article L. 641-6, il est ajouté un article L. 641-7 ainsi rédigé :

 
 

« Art. L. 641-7. – I. – Les sections professionnelles peuvent se grouper pour réaliser des missions communes. La création d’un groupement fait l’objet d’une convention constitutive, qui doit être approuvée par les conseils d’administration des sections concernées et par l’autorité compétente de l’État.

 
 

« Le groupement est doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Il est administré par un conseil d’administration dont la composition et les règles de fonctionnement sont définies par la convention constitutive. Il est dirigé par un directeur choisi parmi les directeurs des sections concernées par le groupement et est doté d’un agent comptable choisi parmi les agents comptables des sections concernées.

« Le groupement …

… concernées et est doté …

… concernées.

Amendement AS445

 

« II. – Sous réserve d’adaptations prévues par décret en Conseil d’État, les dispositions du présent code applicables aux sections sont applicables à leurs groupements. »

« II. – …

… sections professionnelles sont applicables à leurs groupements. »

Amendement AS446

 

Article 33

Article 33

 

I. – L’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale est complété par un VI ainsi rédigé :

(Sans modification)

Art. L. 137-11. – I. – Dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies gérés soit par l’un des organismes visés au a du 2° du présent I, soit par une entreprise, conditionnant la constitution de droits à prestations à l’achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l’entreprise et dont le financement par l’employeur n’est pas individualisable par salarié, il est institué une contribution assise, sur option de l’employeur :

………………………………………….

V. – Les régimes de retraite à prestations définies, mentionnés au I, créés à compter du 1er janvier 2010 sont gérés exclusivement par l’un des organismes régis par le titre III du livre IX du présent code, le livre II du code de la mutualité ou le code des assurances.

   
 

« VI. – Les rentes versées au titre des régimes de retraite à prestations définies, mentionnés au I, sont gérées exclusivement par l’un des organismes régis par le titre III du livre IX du présent code, le livre II du code de la mutualité ou le code des assurances. Les modalités d’externalisation des engagements transférés sont fixées par décret en Conseil d’État. »

 
 

II. – Pour les rentes en cours de service mentionnées à l’article L. 137-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la présente loi, les entreprises disposent d’un délai de cinq ans à compter de la publication de la présente loi pour se mettre en conformité avec les dispositions prévues au I.

 
 

Article 34

Article 34

 

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi tendant :

(Sans modification)

 

1° Pour Mayotte, à étendre et adapter la législation en matière d’assurance vieillesse applicable en métropole ;

 
 

2° Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, à rapprocher les dispositions de la loi n° 87-563 du 17 juillet 1987 portant réforme du régime d’assurance vieillesse applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon de la législation applicable en métropole.

 
 

II. – Les ordonnances sont publiées au plus tard le dernier jour du dix-huitième mois suivant celui de la publication de la présente loi.

 
 

Les projets de loi portant ratification de ces ordonnances sont déposés devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de leur publication.

 

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code de la sécurité sociale

Art. L. 351-14-1. – Sont également prises en compte par le régime général de sécurité sociale, pour l’assurance vieillesse, sous réserve du versement de cotisations fixées dans des conditions définies par décret garantissant la neutralité actuarielle et dans la limite totale de douze trimestres d’assurance :

1° Les périodes d’études accomplies dans les établissements, écoles et classes mentionnés à l’article L. 381-4 et n’ayant pas donné lieu à affiliation à un régime d’assurance vieillesse lorsque le régime général est le premier régime d’affiliation à l’assurance vieillesse après lesdites études ; ces périodes d’études doivent avoir donné lieu à l’obtention d’un diplôme, l’admission dans les grandes écoles et classes du second degré préparatoires à ces écoles étant assimilée à l’obtention d’un diplôme ; les périodes d’études ayant permis l’obtention d’un diplôme équivalent délivré par un Etat membre de l’Union européenne peuvent également être prises en compte ;

2° Les années civiles ayant donné lieu à affiliation à l’assurance vieillesse du régime général à quelque titre que ce soit, au titre desquelles il est retenu, en application du deuxième alinéa de l’article L. 351-1, un nombre de trimestres inférieur à quatre.

Art. L. 634-3-3. – La condition d’âge prévue au premier alinéa de l’article L. 351-1 est abaissée dans des conditions fixées par décret pour les assurés handicapés qui ont accompli, alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l’article L. 5213-1 du code du travail, une durée d’assurance dans les régimes d’assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales, industrielles et commerciales et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré.

La pension des intéressés est majorée en fonction de la durée ayant donné lieu à cotisations considérée, dans des conditions précisées par décret.

Art. L. 643-3. – III. – La condition d’âge prévue au premier alinéa du I est abaissée, dans des conditions fixées par décret, pour les assurés handicapés qui ont accompli, alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l’article L. 5213-1 du code du travail, une durée d’assurance dans le régime d’assurance vieillesse de base des professions libérales et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré.

La pension des intéressés est majorée en fonction de la durée ayant donné lieu à cotisations considérée, dans des conditions précisées par décret.

Art. L. 723-10-1. – III. – La condition d’âge prévue au premier alinéa du I est abaissée, dans des conditions fixées par décret, pour les assurés handicapés qui ont accompli, alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l’article L. 5213-1 du code du travail, une durée d’assurance dans le régime d’assurance vieillesse de base des avocats et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré.

La pension des intéressés est majorée en fonction de la durée ayant donné lieu à cotisations considérée, dans des conditions précisées par décret.

Code rural et de la pêche maritime

Art. L. 732-18-2. – La condition d’âge prévue à l’article L. 732-18 est abaissée dans des conditions fixées par décret pour les assurés handicapés qui ont accompli, alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente au moins égale à un taux fixé par décret ou qu’ils bénéficiaient de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé mentionnée à l’article L. 5213-1 du code du travail, une durée d’assurance dans le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré.

La pension des intéressés est majorée en fonction de la durée ayant donné lieu à cotisations considérée, dans des conditions précisées par décret.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH) – MM. Arnaud De Broca, secrétaire général, et Karim Felissi, conseiller national

Ø Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) – MM. Gérard Pelhate, président, Michel Brault, directeur général, Franck Duclos, directeur délégué aux politiques sociales, Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

Ø Fonds de réserve pour les retraites (FRR) – MM. Yves Chevalier et Olivier Rousseau, membres du directoire

Ø Direction de la sécurité sociale – M. Thomas Fatome, directeur, et Mme Marie Daudé, sous-directrice des retraites et des institutions de protection sociale complémentaire

Ø Association générale des institutions de retraite des cadres – Association des régimes de retraite complémentaire (AGIRC-ARRCO) – MM. Philippe Vivien, président de l’AGIRC, Philippe Pihet, président de l’ARRCO, Jean-Jacques Marette, directeur général de l’AGIRC et de l’ARRCO, Gérard Meneroud, vice-président de l’ARRCO et Jean-Paul Bouchet, vice-président de l’AGIRC

Ø Confédération française des retraités (CFR) – MM. François Bellanger, président, Roger Barrot, vice-président de la Fédération nationale des associations de retraités, et Christian Bourreau, président de l’Union française des retraités (branche régime général)

Ø Comité national des retraites et des personnes âgées (CNRPA) –MM. Sylvain Denis, vice-président, Benoît Jayez et Mme Christiane Journeau, membres du bureau

Ø Direction générale du travail – M. Jean-Denis Combrexelle, directeur

Ø Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) – MM. Gérard Rivière, président et Pierre Mayeur, directeur

Ø Union syndicale Solidaires – MM. Denis Turbet-Delof et Éric Beynel, secrétaires nationaux

Ø Union nationale des étudiants de France (UNEF) – M. Emmanuel Zemmour, président

Ø Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) – MM. Antoine Magnier, directeur, et Sébastien Roux, sous-directeur chargé des salaires, du travail et des relations professionnelles

Ø Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) – MM. Jacques Escourrou, président, et Jean-Marie Saunier, directeur

Ø Régime social des indépendants (RSI) – MM. Philippe Magrin, président de la commission de la protection sociale et des études techniques, Stéphane Seiller, directeur général, Mmes Micheline Lemignon, directrice du cabinet de la présidence, et Stéphanie Deschaume, directrice du cabinet du directeur général

Ø Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) – MM. Luc Bérille, secrétaire général, Guy Barbier, secrétaire national et secrétaire général de l’UNSA Fonction publique, Dominique Corona, secrétaire national, et François Joliclerc, secrétaire national

Ø Fédération des associations de conjoints survivants et parents d’orphelins (FAVEC) – Mmes Christiane Poirier, présidente, et Laure-Anne Bardinet, secrétaire générale adjointe

Ø Fédération syndicale unitaire (FSU) – Mmes Bernadette Groison, secrétaire générale, Anne Feray, secrétaire nationale responsable du secteur « salaires, retraites, fonction publique », et Edwige Friso, du secteur « situation des personnels »

Ø Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) – MM. Stéphane Dedeyan, président de la Commission plénière des assurances de personnes, Gilles Cossic, directeur des assurances de personnes, Mme Véronique Cazals, conseillère sociale, M. Jean-Paul Laborde, directeur des affaires parlementaires, et Mme Viviana Mitrache, attachée parlementaire

Ø Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) –MM. Jean Bernard Bayard, vice-président et président de la commission sociale et fiscale, Clément Faurax, directeur département affaires sociales, Mmes Aude Fernandez, chargée de mission, et Nadine Normand, chargée des relations avec le Parlement

Ø Union Nationale des Professions Libérales (UNAPL) – MM. Michel Chassang, président et Romain Mifsud, délégué général

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

2 () La durée d’assurance avait été portée de 150 à 160 trimestres dans le régime général et les régimes alignés par la réforme de 1993, à raison d’un trimestre supplémentaire par génération.

3 () Les régimes concernés sont les régimes des établissements publics à caractère industriel et commercial gérant un service public (EDF, GDF, SNCF, RATP, Banque de France, Opéra national de Paris, Comédie française) et certaines professions à statut (clercs et employés de notaires).

4 () Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

5 () Décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse, permettant aux personnes ayant commencé à travailler avant 20 ans et cotisé une carrière complète de partir en retraite à 60 ans.

6 () Onzième rapport du Conseil d’orientation des retraites, « Retraites : perspectives 2020, 204 et 2060 », décembre 2012.

7 () Cette catégorie couvre les régimes de salariés du secteur privé et de contractuels du secteur public, les régimes de non salariés ainsi que les fonctions publiques territoriale et hospitalière.

8 () Les hypothèses sur le rendement des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO sont déterminantes : des rendements décroissants conduisent à ralentir l’augmentation au fil des générations des pensions versées aux nouveaux retraités.

9 () Douzième rapport du Conseil d’orientation des retraites, « Retraites : un état des lieux du système français », janvier 2013.

10 () Ainsi, l’article 17 de l’ordonnance ne prévoyait le maintien de régimes spéciaux que de façon provisoire.

11 () Les fonctionnaires sont affiliés à la Retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) mais, contrairement aux autres régimes complémentaires, ses cotisations ne sont pas assises sur la rémunération principale mais sur les primes (dans la limite de 20 % du traitement indiciaire).

12 () Dans un régime de retraite par annuités, la pension est calculée à partir de la durée d’assurance validée dans le régime concerné et d’un salaire de référence qui dépend des revenus d’activité de l’assuré. Le montant de la pension ne dépend pas de l’effort contributif réalisé, mais uniquement de la durée d’assurance validée par le régime, du taux d’annuité, paramètre constant et indépendant des cotisations versées, et du salaire de référence (qui peut être le dernier salaire, ou bien un salaire plafonné, ou encore un salaire moyen sur une certaine période).

13 () Dans un régime en points, la retraite à la liquidation est le produit du nombre de points total acquis par l’assuré au moment du départ à la retraite et la valeur de service du point à cette date. Chaque année, le nombre de points acquis par l’assuré est obtenu en divisant les cotisations versées par la valeur d’achat du point cette année-là.

14 () Sur les polypensionnés, voir le commentaire de l’article 28.

15 () Se reporter au commentaire de l’article 14.

16 () Cf. article 39 du projet de loi de finances pour 2014.

17 () Se reporter au commentaire de l’article 4.

18 () « Espérances de vie, espérances de vie en santé et âges de départ à la retraite : des inégalités selon la profession en France », E. Cambois, T. Barnay, J.-M. Robine, Retraite et Société, n° 49, août 2010.

19 () « L’espérance de vie s’accroît, les inégalités sociales face à la mort demeurent », Insee Première n° 1372, octobre 2011.

20 () Selon l’INSEE, une bonne santé est définie par l’absence de limitations d’activités (dans les gestes de la vie quotidienne) et l’absence d’incapacités.

21 () « Emploi et santé des séniors durablement exposés à des pénibilités physiques au cours de leur carrière : l’apport de l’enquête ‘Santé et Itinéraire Professionnel’ », T. Coutrot, C. Rouxel, Dares-Analyses, n° 2011-20, mars 2011.

22 () « Réformer le système de retraite : les droits familiaux et conjugaux », Institut des politiques publiques (IPP), juin 2013.

23 () Études et résultats n° 842, juin 2013 : « Les durées d’assurance validées par les actifs pour leur retraite ».

24 () Article 90 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

25 () La pension majorée est égale au tiers du quotient obtenu en divisant la durée de service assuré avec un taux d’incapacité d’au moins 80 % par la durée de service admise en liquidation.

26 () La caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers masseurs-kinésithérapeute ;, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes ; la caisse autonome de retraite des médecins de France ; la caisse autonome des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes ; la caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens, la caisse d’allocation vieillesse des experts comptables et des commissaires aux comptes ; la caisse d’allocation vieillesse des agents généraux d’assurance ; la caisse autonome de retraite et de prévoyance des vétérinaires et la caisse de retraite des notaires.

27 () Cour des comptes, Rapport public annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2013.

28 () Septième rapport du Conseil d’orientation des retraites : « Retraites : annuités, points ou comptes notionnels ? Options et modalités techniques », janvier 2010.

29 () Selon la définition qu’en donne l’INSEE, l’espérance de vie en bonne santé à la naissance représente le nombre d’années en bonne santé qu’une personne peut s’attendre à vivre. Une bonne santé est définie par l’absence de limitations d’activités (dans les gestes de la vie quotidienne) et l’absence d’incapacités. Les informations utilisées pour son calcul sont des mesures de prévalence de la population d’un âge spécifique étant dans des conditions de bonne ou mauvaise santé et des informations de mortalité par âge. Elle est aussi appelée « espérance de vie sans incapacité ».

30 () Un dispositif transitoire a été prévu pour les générations nées en 1953 et 1954 qui avaient déjà dépassé leur 56ème année en 2010. Leur durée d’assurance ou de services nécessaire a été fixée par le décret n° 2010-1734 du 30 décembre 2010.

31 () Entre 2011 et 2018, l’âge d’ouverture des droits pour un égoutier, un policier des services actifs ou un surveillant de l’administration pénitentiaire passe de 50 à 52 ans.

32 () Art. L. 643-3 du code de la sécurité sociale.

33 () Le Fonds de réserve pour les retraites a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, d’abord comme section comptable du Fonds de solidarité vieillesse. La loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 en a fait un établissement autonome.

34 () Article L. 351-11 du code de la sécurité sociale.

35 () Article L. 341-6 du même code.

36 () Article L. 434-17 du même code.

37 () Article L. 816-2 du même code.

38 () Le dispositif du minimum vieillesse est composé de deux volets :

– les anciennes allocations du minimum vieillesse qui continuent à être versées aux bénéficiaires s’étant vu attribuer celles-ci avant 2007 ;

– l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), créées par l’ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse, qui ont vocation à remplacer l’ensemble des anciennes prestations.

39 () Les valeurs d’exposition qui ne peuvent être dépassées, compte tenu des protections individuelles contre le bruit, sont fixées à une exposition quotidienne maximale de huit heures à 87 décibels (A).

40 () L’enquête Surveillance Médicale des Expositions aux Risques professionnels (Sumer), réalisée par l’Inspection médicale du travail et la DARES, permet d’avoir une photographie détaillée des expositions auxquels les individus sont confrontés (et de leurs évolutions entre 1994 et 2010). Les informations concernent les expositions observées au cours de la semaine précédant la visite médicale du travail, à l’occasion de laquelle elles sont collectées par les médecins du travail.

41 () L’enquête Santé et Itinéraire Professionnel, conduite en 2008 par la Dares et la Drees, apporte des informations sur une base rétrospective et fondée sur la déclaration des individus. La mesure des expositions est moins détaillée que dans l’enquête Sumer et est limitée à 4 facteurs : le travail de nuit, le travail physiquement exigeant, le travail répétitif et l’exposition aux produits nocifs. Elle apporte une information unique sur les durées d’exposition aux différents facteurs pris en compte, qui correspond souvent à la durée d’occupation des emplois exposés à la pénibilité.

42 () « Évaluation du cumul emploi-retraite », rapport de l’Inspection générale des affaires sociales n° RM2012-067P, juin 2012.

43 () Pour les périodes postérieures au 1er janvier 1972 uniquement ; pour les périodes antérieures, la référence n’est pas le SMIC mais l’allocation aux vieux travailleurs salariés.

44 () Le plafond mensuel de la sécurité sociale s’élève à 3 086 euros bruts par mois en 2013.

45 () La mesure sur les polypensionnés de l’article 28 ne vise que les polypensionnés des régimes alignés, un tel cas pourra donc continuer à se présenter même après son entrée en vigueur.

46 () Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques.

47 () L’ensemble du dispositif est détaillé dans la circulaire CNAV n° 2012-60 du 4 septembre 2012.

48 () Les assurés nés au cours du 4ème trimestre doivent justifier de 4 trimestres avant la fin de l’année civile de leur 16ème, 17ème ou 20ème anniversaire.

49 () Circulaire CNAV n° 2003/46 du 18 novembre 2003.

50 () Deux trimestres assimilés chômage relatifs à des périodes de chômage involontaire constaté pour les périodes antérieures au 1er janvier 1980 et à des périodes de chômage indemnisé pour les périodes à compter du 1er janvier 1980.

51 () Sous réserve de dispositions contractuelles ou conventionnelles plus favorables.

52 () Abattement de 20 points dans les DOM.

53 () L’assiette des cotisations de sécurité sociale augmente d’environ 30 % en moyenne, passant de 2 430 millions d’euros à 3 240 millions d’euros.

54 () Sur la base de l’assiette retenue pour le service civique, soit 50 % du plafond de la sécurité sociale.

55 () Injustice sur laquelle le Défenseur des droits a alerté le gouvernement à de nombreuses reprises.

56 () Taux de cotisations de 16,85 % × 9,43 (smic horaire) x 169 h × 90 % x 306 846 (effectif SFP) × 3 mois.

57 () Chapitre II, articles 98 à 122.

58 () Parmi ces régimes : la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), l’IRCANTEC, la retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), le régime de retraite des Mines.

59 () Loi du 9 novembre 2010 – en attente du décret d’application.

60 () Le salaire annuel moyen et le revenu annuel moyen sont de nature différente : le salaire pris en compte au régime général et au régime des salariés agricoles est le salaire soumis à cotisations sociales vieillesse dans la limite du plafond annuel de sécurité sociale, sans référence à un critère fiscal. Au RSI, « Le revenu d’activité pris en compte est déterminé par référence à celui retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu ».

61 () L’expression peut aussi être utilisée pour définir l’ensemble des retraites supplémentaires à prestations définies.

62 () Les dispositions suivies d’un astérisque sont détaillées en annexe.