N° 1470 tome I - Rapport de M. Gérard Bapt sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (n°1412)



N° 1470

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2014 (n° 1412),

TOME I

RECETTES ET EQUILIBRE GÉNÉRAL

Par M. GÉrard BAPT,

Député.

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Les commentaires et les débats en commission sur les articles 1 à 3, 6, 8 à 26, et 63 à 68 figurent dans le rapport de M. Gérard Bapt, sur les recettes et l’équilibre général (n° 1470, tome I).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 4, 5, 7, 27 à 46, et 48 à 50 figurent dans le rapport de M. Christian Paul, sur l’assurance maladie (n° 1470, tome II).

Le commentaire et les débats en commission sur l’article 47 figurent dans le rapport de Mme Martine Pinville, sur le secteur médico-social (n° 1470, tome III).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 51, 61 et 62 figurent dans le rapport de M. Michel Issindou, sur l’assurance vieillesse (n° 1470, tome IV).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 52 à 54 figurent dans le rapport de M. Laurent Marcangeli, sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (n° 1470, tome V).

Les commentaires et les débats en commission sur les articles 55 à 60 figurent dans le rapport de Mme Marie-Françoise Clergeau, sur la famille (n° 1470, tome VI).

Le tableau comparatif figure dans le fascicule n° 1470, tome VII.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

TRAVAUX DE LA COMMISSION 15

I. AUDITIONS 15

A. AUDITION DE M. DIDIER MIGAUD, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES 15

B. AUDITION DES MINISTRES 41

II.- EXAMEN DES ARTICLES RELATIFS AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL 67

PREMIÈRE PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2012 67

Article 1er  : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2012 67

Article 2 : Approbation du rapport annexé sur la couverture des déficits de l’exercice 2012 et le tableau patrimonial (annexe A) 76

DEUXIÈME PARTIE DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2013 79

Article 3 : Mobilisation des excédents du fonds pour l’emploi hospitalier 79

Article 6 (loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013) : Rectification des prévisions et objectifs relatifs à 2013 81

TROISIÈME PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2014 90

Section 1 : Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement 90

Article 8 (art. L. 136-7 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale ; art. L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles ; art. 1600-0 S du code général des impôts ; ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ; ordonnance
n° 96-1122 du 20 décembre 1996) : Refonte des prélèvements sociaux sur les produits de placement
90

Article 9 (art. 731-14 et L. 731-17 du code rural et de la pêche maritime, art. 136-7 du code de la sécurité sociale) : Financement des mesures prises en matière de retraites complémentaires agricoles 106

Article 10 (art. L. 613-1 et L. 633-10 du code de la sécurité sociale) : Création d’une cotisation déplafonnée d’assurance vieillesse de base pour le Régime social des indépendants 112

Après l’article 10 117

Article 11 (art. L-161-45, L. 165-11, L. 241-2, L. 245-1 et L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale, art. L. 5123-5 et L. 5123-5-1 du code de la santé publique, art. 1635 bis AF à 1635 bis AH [nouveaux] du code général des impôts et art. L. 166 D du livre des procédures fiscales) : Réforme des modalités de financement de la Haute Autorité de santé 118

Après l’article 11 127

Article 12 (art. L. 162-1-8 du code de la sécurité sociale) : Fusion de la taxe sur le chiffre d’affaires des laboratoires et de la taxe sur les premières ventes de médicaments 128

Article 13 : Fixation du taux K 134

Article 14 (art. 4 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996) : Intégration des déficits de la CNAMTS et de la CNAF dans le champ des reprises de la CADES 137

Article 15 (art. L. 131-8, L. 135-3, L. 137-13, L. 136-8, L. 137-14, L. 137-16, L. 137-18, L. 137-19, L. 137-24, L. 139-1, L. 241-6 et L. 245-16 du code de la sécurité sociale, art. L. 731-2 du code rural et de la pêche maritime, lois n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 et n° 2012-1404 du 17 décembre 2012) : Mesures de transferts de recettes 147

Article additionnel après l’article 15 (art. 520 B [nouveau] du code général des impôts) : Mise en place d’une taxe spécifique sur les boissons énergisantes 171

Article additionnel après l’article 15 (art. 1001 du code général des impôts et art. L. 3332-2-1 du code général des collectivités territoriales) : Majoration du taux de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) applicable aux contrats complémentaires santé dits « non responsables » 173

Article 16 (art. L. 6243-3 du code du travail et art. L. 120-26 et L. 120-28 du code du service national) : Reconfiguration des exonérations en faveur de l’apprentissage, des contrats de service civique et des chantiers d’insertion 181

Article 17 : Approbation du montant de la compensation des exonérations, réductions ou abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale 190

Après l’article 17 195

Section 2 : Prévisions de recettes et tableaux d’équilibre 201

Article 18 : Approbation du tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires pour 2014 201

Article 19 : Approbation du tableau d’équilibre du régime général pour 2014 204

Article 20 : Approbation du tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (FSV), détermination de l’objectif d’amortissement de la dette sociale et des prévisions de recettes du FRR et de la section 2 du FSV pour 2014 210

Article 21 : Approbation du rapport sur l’évolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale (annexe B) 216

Section 3 : Dispositions relatives au recouvrement, à la trésorerie et à la comptabilité 221

Article 22 (art. L. 131-6-2 et L. 722-4 du code de la sécurité sociale) : Simplifications du mode de calcul des cotisations dues par les travailleurs indépendants 221

Article 23 (art. L. 133-5-5 [nouveau], L. 133-6-7-2 [nouveau], L. 241-10, L. 612-10, L. 623-1 et L. 722-5 du code de la sécurité sociale, art. L. 1221-121, L. 1522-1 et L. 1522-4 du code du travail, art. 725-22 du code rural et de la pêche maritime) : Promotion de la déclaration sociale nominative, du chèque emploi service universel dans les DOM et de la dématérialisation 229

Article 24 Affectation à la Caisse nationale d’assurance maladie des excédents de la Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières 238

Article 25 (art. 38 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013) : Reconduction pour la période 2014-2017 de l’avance consentie par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines 240

Article 26 : Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à l’emprunt 243

QUATRIÈME PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2014 250

Section 6 : Dispositions relatives à la gestion des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement ainsi qu’au contrôle et à la lutte contre la fraude 250

Article 63 (art. L. 221-1 et L. 767-1 du code de la sécurité sociale) : Recouvrement des dettes et créances européennes et internationales 250

Article 64 (art. L. 222-14, L. 723-43, L. 725-1, L. 725-1, L. 725-4, L. 725-7, L. 725-8, L. 725-12, L. 725-23, L. 725-25, L. 726-2, L. 726-3, L. 731-10, L. 731-30, L. 731-31 à L. 731-34, L. 731-35-1, L. 732-6-1, L. 732-7, L. 752-4, L. 752-12, L. 752-13, L. 752-14, L. 752-15, L. 752-17, L. 752-20, L. 752-23, L. 752-25, L. 752-26, L. 752-29, L. 762-15, L. 762-25 du code rural et de la pêche maritime) : Unification de la gestion des prestations maladie et accidents du travail des exploitants agricoles 255

Article 65 (art. L. 8222-6 du code du travail) : Exemplarité des donneurs d’ordre publics 261

Article 66 (art. L. 751-37 du code rural et de la pêche maritime ; art. L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale) : Renforcement des compétences des caisses du régime agricole en matière de fraude aux AT-MP et de travail dissimulé 265

Article 67 (art. L. 351-2-1 du code de la construction et de l’habitation, art. L. 542-2 et L. 831-1 du Code de la sécurité sociale) : Perception frauduleuse d’aides au logement via des sociétés écrans 268

Article 68 (art. L. 312-2 et 441-6 du code pénal, art. L. 114-13, L. 162-36, L. 382-29, L. 481-2, L. 593-3, L. 623-1, L. 821-5 et L. 831-7 du code de la sécurité sociale, art. L. 351-12 et L. 351-13 du code de la construction et de l’habitation, art. L. 751-40 et L. 752-28 du code rural et de la pêche maritime, art. L. 232-27 et L. 262-50 du code de l’action sociale et des familles, art. L. 5124-1, L. 5429-1, L. 5413-1 et L. 5429-3 du code du travail) : Harmonisation des sanctions en matière de fraude aux prestations sociales 272

Article additionnel après l’article 68 (Art. L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale) : Intégration à la déclaration sociale nominative (DSN) des indemnités journalières complémentaires versées par l’employeur 276

Article additionnel après l’article 68 (Art. L. 315-1 du code de la sécurité sociale) : Exclusion des jours non ouvrables du délai maximal de 48 heures imparti au médecin contrôleur d’un arrêt de travail pour transmettre son rapport au service du contrôle médical 277

Après l’article 68 278

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 287

INTRODUCTION

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s’inscrit résolument dans le prolongement des textes financiers votés à partir de l’été 2012 : il poursuit en particulier le mouvement de résorption des déficits de la sécurité sociale qu’ont initié la loi de finances rectificative d’août 2012 et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Dès son entrée en fonctions, le Gouvernement a en effet engagé une réforme en profondeur du champ de la sécurité sociale. Les mesures prises ont été assorties des financements le cas échéant nécessaires à leur mise en œuvre, tandis qu’a été fixé l’objectif de redressement des comptes et surtout, de retour à l’équilibre de la sécurité sociale à la fin de la législature, alors même que de 2002 à 2012, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a atteint 160 milliards d’euros.

● Les premiers jalons

La loi de finances rectificative d’août 2012 a, dans un premier temps, permis de dégager 1,5 milliard d’euros de recettes nouvelles au profit de la sécurité sociale et a assuré le financement de plusieurs mesures de justice correspondant à des engagements pris par la Président de la République : la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) pour les familles modestes, ainsi que le rétablissement, par le décret du 2 juillet 2012, de la possibilité de départ en retraite à soixante ans pour les assurés ayant commencé à travailler tôt.

En matière de recettes, cette loi est revenue sur l’exonération de cotisations sociales dont bénéficiaient les heures supplémentaires, celle-ci n’étant maintenue que pour les cotisations patronales des entreprises de moins de vingt salariés ; elle a également assujetti aux prélèvements sociaux sur le capital les revenus immobiliers des non-résidents ; elle a enfin augmenté les contributions, patronale et salariale, sur les stock-options et les attributions gratuites d’actions et a relevé de 8 à 20 % le taux du forfait social applicable aux éléments de rémunération exemptés de l’assiette des cotisations sociales (participation, intéressement, jetons de présence, etc.).

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a confirmé l’esprit des mesures initiales prises par le Gouvernement. En matière de cotisations, la loi a déplafonné la cotisation d’assurance maladie des travailleurs indépendants en contrepartie de l’instauration d’une réduction de cotisations pour les plus petits revenus de ces professions ; elle a supprimé le principe des cotisations au forfait pour les particuliers employeurs, tout en aménageant une réduction de 0,75 euros par heure au titre des cotisations déclarées sur le salaire réellement versé ; enfin, elle a soumis aux cotisations sociales les indemnités des élus locaux supérieures à 18 000 euros par an.

Dans le champ de la vieillesse et de la dépendance, la loi de financement pour 2013 a anticipé deux réformes phares qui marqueront cette législature : la réforme des retraites, actuellement discutée au Parlement, et la réforme du financement de la dépendance, dont le Premier Ministre a confirmé qu’elle interviendrait au courant de l’année 2014, avec la mise en place de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) sur les pensions de retraite et d’invalidité au taux de 0,3 % destinée – dès lors que la réforme de la dépendance sera enclenchée - à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), et la hausse des cotisations vieillesse du régime général (pour 0,2 point) ainsi que de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL).

La loi de financement pour 2013 a également procédé à l’élargissement de l’assiette de la taxe sur les salaires et à un renforcement de sa progressivité ; elle a réaménagé l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) afin de mieux appréhender son assiette dans le secteur des assurances. Elle a également élargi l’assiette du forfait social aux indemnités versées dans le cadre d’une rupture conventionnelle pour leur part inférieure au montant minimal conventionnel ou légal, qui n’étaient jusqu’alors assujetties à aucune cotisation ou contribution. Elle a soumis les carried interest à CSG et CRDS, ainsi qu’au forfait social.

Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a poursuivi le mouvement de hausse de la fiscalité applicable aux tabacs et aux alcools, confirmant ainsi la volonté de renforcer l’outil de la fiscalité comportementale.

L’effort important réalisé pour maîtriser les dépenses de santé en 2013 - avec 2,4 milliards d’euros d’économies réalisées à ce titre – conjugué à l’apport total de 8 milliards d’euros de recettes nouvelles à la sécurité sociale, permettent in fine de réduire de 1,3 milliard d’euros le déficit du régime général et du FSV. On rappellera que cette amélioration est opérée dans un contexte particulièrement défavorable, puisque la croissance du PIB devrait au final rester limitée à 0,1 % sur l’année, alors que la masse salariale ne progresserait que de 1,3 %, contre une prévision initiale de 2,3 % en loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

● Le PLFSS pour 2014 : un texte en résonance avec de nombreuses autres réformes initiées par le Gouvernement

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 s’inscrit dans la droite ligne des réformes engagées par le Gouvernement depuis son entrée en fonctions.

Il ne peut être lu qu’en cohérence avec les réformes parallèlement menées ou à venir : la poursuite de l’objectif d’équité fiscale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 ; l’avenir et la justice de notre système de retraites, dans le cadre de la réforme actuellement discutée par le Parlement ; la réforme de la politique familiale ; la réforme de la prévention et de la prise en charge de la dépendance, qui interviendra au cours de l’année 2014 ; et enfin, la grande loi santé publique, tant attendue, qui devrait également intervenir l’an prochain et dont les grands jalons sont d’ores et déjà posés à travers la stratégie nationale de santé (SNS).

Le projet de loi de finances pour 2014 porte plusieurs mesures qui auront un impact direct sur les comptes de la sécurité sociale. L’abaissement du plafond du quotient familial et l’intégration dans l’assiette de l’impôt sur le revenu de la participation de l’employeur au financement des contrats collectifs complémentaires de santé doivent générer un surplus de recettes au titre de l’impôt sur le revenu, dont le produit doit être affecté à la sécurité sociale, en l’occurrence respectivement à la branche famille et à la branche maladie. En outre, l’État s’est engagé, dans le cadre du PLF pour 2014, à compenser à la branche famille la perte de recettes qu’elle doit enregistrer en raison de la diminution de 0,15 point de la cotisation patronale « famille », elle-même destinée à compenser la hausse dans les mêmes proportions des cotisations patronales vieillesse décidée dans le cadre de la réforme des retraites. Enfin, le projet de loi de finances pour 2014 supprime l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de pensions de retraite ou de pensions pour charges de famille : la recette supplémentaire de 1,2 milliard d’euros issue de cette mesure doit être affectée à la branche vieillesse du régime général d’ici 2015. Il convient donc de rester vigilant et de veiller, en vue du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, à ce que cette somme bénéficie bien à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) à cette échéance.

Le présent projet s’inscrit également dans le sillage du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites : celui-ci prévoit en effet l’augmentation de 0,15 point des cotisations vieillesse patronale et salariale dès 2014, puis une augmentation de 0,05 point pour les trois années suivantes, ce qui, à l’horizon 2017, aura conduit à un accroissement de 0,3 point pour les salariés et de 0,3 point pour les employeurs. La première hausse de cotisation patronale est, on l’a dit, compensée en réalité par l’État, via la branche famille, qui voit son financement par les cotisations se réduire dans les mêmes proportions. Le report au 1er octobre de l’indexation des pensions et la suppression de l’avantage fiscal à l’impôt sur le revenu des majorations de pensions pour charges de famille constituent quant à elles les deux mesures de mise à contribution des retraités. Compte tenu du fait que le produit de la dernière mesure ne sera affecté à la branche vieillesse qu’à compter de 2015, l’amélioration des comptes des régimes de retraite de base pour 2014 s’établit à un peu plus de 2,5 milliards d’euros.

Ce projet de loi de financement traduit également un certain nombre de mesures relevant de la réforme de la politique familiale : outre la diminution du plafond du quotient familial, déjà évoquée, et qui figure dans le projet de loi de finances, mais dont la totalité du produit bénéficiera bien à la branche famille, ce PLFSS prévoit la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) selon le niveau de ressources des familles, la majoration du complément familial et de l’allocation de soutien familial pour les familles sous le seuil de pauvreté, la suppression du complément majoré libre choix de mode d’activité (CLCA) et la modification des conditions d’accès au CLCA à taux partiel des non-salariés, le plafonnement du complément libre choix de mode de garde (CMG) structure et la suppression de condition de revenu minimal d’activité pour le CMG. Enfin, on rappellera que la diminution de 0,15 point des cotisations patronales « famille » est entièrement compensée à la branche famille par l’État.

La réforme de la dépendance sera à l’ordre du jour du Parlement en 2014. Le Gouvernement l’a confirmé : cette réforme prendra place en deux temps, à travers une loi d’orientation et de programmation, avec une première étape consacrée dès la mi-2014 à la question du maintien à domicile et de la prévention de la perte d’autonomie ; et une seconde étape, de programmation, davantage axée sur l’accompagnement et la prise en charge en établissement, avec des mesures destinées à réduire le reste à charge des résidents en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). C’est à la faveur de cette première étape, pour laquelle une entrée en vigueur du nouveau dispositif est envisagée au 1er janvier 2015, que le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), ira bien définitivement à son bénéficiaire naturel, la CNSA, sans que par ailleurs une fraction de CSG affectée à la Caisse ne lui soit reprise pour alimenter le FSV, comme c’est encore le cas pour 2014.

Enfin, ce PLFSS permet d’engager le déploiement de la stratégie nationale de santé qui préfigure la future loi de santé publique, par des mesures contribuant à mieux structurer l’offre de soins par le renforcement des soins de premier recours, par l’adaptation des modalités de financement des établissements de santé, et par la fixation claire de l’objectif de généralisation de l’accès à une couverture complémentaire santé, par la promotion de la santé publique et la mise en place d’une politique du médicament efficiente et favorable à l’innovation. C’est d’ailleurs la première fois que l’examen du PLFSS aura préalablement été éclairé par les orientations de la stratégie nationale de santé (SNS), dans lesquelles il s’inscrit par plusieurs et importantes mesures.

● La poursuite résolue de l’objectif de redressement des comptes

L’ensemble des mesures portées par ce projet de loi de financement de la sécurité sociale permet de poursuivre la trajectoire de redressement des comptes, avec un effort consenti de 8,7 milliards d’euros s’agissant du régime général et du FSV.

En effet, en l’absence de mesures, les déficits du régime général et du FSV auraient atteint 21,5 milliards d’euros en 2014, d’après les chiffres donnés par la commission des comptes de la sécurité sociale en septembre dernier, soit une dégradation tendancielle de 5,3 milliards d’euros. Le présent projet de loi permet de ramener ce déficit à 12,8 milliards d’euros : autrement dit, l’amélioration nette des comptes par rapport à 2013 est de 3,4 milliards d’euros.

Ces prévisions reposent sur l’hypothèse d’une croissance du PIB de 0,9 % et d’une progression de la masse salariale de 2,2 % en 2014.

Ce sont près de 4 milliards d’euros d’économies qui seraient réalisées en 2014, grâce en premier lieu à la fixation de l’ONDAM à 2,4 %, un niveau historiquement bas au vu des évolutions constatées ces quinze dernières années. Des mesures d’économies sont également générées par la réforme des retraites et la réforme de la politique familiale. Enfin, il est espéré un montant d’économies de gestion sur les caisses de sécurité sociale équivalent à 500 millions d’euros pour 2014, dont 200 millions d’euros correspondant à des efforts déjà consentis en 2013.

S’agissant des recettes, qui sont plus largement commentées dans le cadre du présent rapport, ce PLFSS permet un apport net de l’ordre de 2,2 milliards d’euros à la sécurité sociale, avec d’une part 1,77 milliard d’euros supplémentaires à la branche vieillesse au titre de l’augmentation des cotisations prévue dans le cadre de la réforme des retraites, et d’autre part, le rendement de la suppression de l’application des « taux historiques » pour l’assujettissement aux prélèvements sociaux des produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu. Il procède également à un transfert de recettes de l’État vers la sécurité sociale pour un gain net de l’ordre de 2 milliards d’euros pour cette dernière, pour un peu moins de la moitié au bénéfice de la branche maladie et pour un peu plus de la moitié au bénéfice de la branche vieillesse.

La réforme du mode de calcul des prélèvements sociaux sur les produits de placement vise essentiellement à harmoniser et simplifier le régime applicable à ces différents produits, dont certains, exonérés d’impôt sur le revenu, bénéficient aujourd’hui de modalités d’assujettissement aux prélèvements sociaux selon la méthode des « taux historiques » alors que les mêmes produits, soumis à l’impôt sur le revenu, sont assujettis aux prélèvements sociaux au taux de 15,5 % sur la totalité de l’assiette.

Le projet de loi comporte également des mesures destinées à financer les améliorations apportées par la réforme des retraites en matière de retraites agricoles : il s’agit en l’occurrence de réintégrer dans l’assiette des cotisations sociales les revenus mobiliers et les bénéfices réalisés par les exploitants agricoles sous forme sociétaire lorsque ces revenus et bénéfices sont perçus par l’exploitant et sa famille. En outre, une partie des réserves financières accumulées par la Mutualité sociale agricole (MSA) est affectée au régime complémentaire obligatoire de retraite des exploitants agricoles.

À l’instar de la mesure prise l’an passé de déplafonnement de la cotisation maladie des travailleurs indépendants, il est proposé cette année de déplafonner partiellement l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse de base des artisans et commerçants affiliés au régime social des indépendants (RSI) : il s’agit également d’une mesure d’équité destinée à aligner le régime des cotisations des indépendants sur celui du régime général.

Le PLFSS pour 2014 procède en outre à un vaste mouvement de transferts de recettes entre organismes de la sécurité sociale. L’objectif vise essentiellement à clarifier le financement des régimes d’assurance maladie en recentrant leurs recettes sur la CSG, le prélèvement social sur les revenus du capital et la fiscalité comportementale, en particulier les droits tabacs. Le produit du forfait social est ainsi entièrement réaffecté à la branche vieillesse et au FSV. Ce dernier bénéficie en outre d’une part du transfert à son profit des excédents de C3S antérieurs à 2011, aujourd’hui en dormance sur le compte de dépôt du RSI, et d’autre part, de la reconduction, pour une seule et unique année supplémentaire, du mécanisme consistant à le faire bénéficier de l’équivalent du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), dans l’attente de la mise en œuvre effective de la réforme du financement de la dépendance.

Si l’on ne peut que saluer la volonté de clarifier et simplifier les mécanismes de financement de la sécurité sociale, force est de constater qu’une marge de progression demeure en la matière. Nul doute qu’à l’issue de cette opération de transferts de recettes, la « tuyauterie » de la sécurité sociale sera clarifiée ; néanmoins, l’opération en elle-même est extrêmement complexe, puisqu’elle engage également les transferts de l’État vers la sécurité sociale, à travers l’affectation d’une fraction de TVA, elle-même recalibrée pour compenser une diminution de recettes au titre de la branche famille, elle-même destinée à compenser l’augmentation des cotisations au titre de la branche vieillesse ! Le moins que l’on puisse dire est qu’un financement « clair comme de l’eau de roche » de la sécurité sociale n’est pas pour demain…

Concernant la gestion des déficits et le portage de la dette sociale, le projet de loi avance résolument dans la voie préconisée sans relâche au fil des ans par la Cour des comptes : celle de soulager la trésorerie de l’ACOSS en transférant les déficits cumulés du régime général vers la CADES. Mais contrairement à la précédente opération de transfert de dette, prise dans l’urgence alors que le plafond de trésorerie de l’ACOSS atteignait 65 milliards d’euros, et qui avait conduit à allonger de trois années la durée de la vie de la Caisse, faisant ainsi porter le poids d’une partie des déficits hérités transférés sur les générations futures, la présente opération de reprise s’inscrit dans le cadre strict existant des opérations annuelles de reprise programmée de dette jusqu’à 2017 : la Caisse pourra reprendre non seulement les déficits de la branche vieillesse et du FSV, mais également ceux de la branche maladie et de la branche famille, dans la limite du plafond annuel inchangé de 10 milliards d’euros et dans celui, global, de 62 milliards d’euros à l’horizon 2017.

L’ensemble de ces mesures de recettes et d’économies, ainsi que l’intégration des déficits maladie et famille dans le champ de la reprise programmée de dette par la CADES d’ici 2017, conduisent à fixer le plafond d’emprunt de l’ACOSS pour 2014 à 34,5 milliards d’euros. Ce niveau reste supérieur à celui fixé pour 2013, à hauteur de 29,5 milliards d’euros : il conviendra donc de rester vigilant dans les années à venir sur la soutenabilité des déficits portés par l’ACOSS.

La majorité de notre commission des affaires sociales a pris acte avec satisfaction de l’ensemble de ces mesures.

Elle a néanmoins souhaité pouvoir revenir sur l’affectation au FSV de l’équivalent du produit de la CASA, estimé à 645 millions d’euros pour 2014. En effet, pour la seconde année consécutive, le produit de cette contribution n’ira pas à son bénéficiaire naturel, le CNSA. La commission a souhaité pouvoir réaffecter une partie de ce produit à la Caisse, à hauteur de 130 millions d’euros, tout en prenant acte de la nécessité de compenser au FSV la perte de recettes afférente.

La commission a également adopté le principe de la création d’une taxe sur les boissons énergisantes, au taux de 100 euros par hectolitre, pour un rendement estimé à 60 millions d’euros, compte tenu d’une hypothèse de consommation de ces boissons de l’ordre de 60 millions de litre par an.

Elle a souhaité renforcer le taux de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) applicable aux contrats complémentaires santé qui n’entrent pas dans la catégorie des contrats dits « responsables », en portant ce taux de 9 à 14 %, pour un rendement supplémentaire estimé à 80 millions d’euros.

Afin de réparer un oubli, elle a également prévu d’étendre à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon la déduction majorée de cotisations et contributions sociales d’origine légale et conventionnelle des particuliers employeurs applicable aux départements d’outre-mer, cette mesure n’ayant pu être prise au moment de l’adoption de ce dispositif, en raison des obligations de consultations préalables à sa mise en œuvre dans ces territoires.

Enfin, s’agissant du contrôle des arrêts de travail et des indemnités journalières versées à ce titre, elle a souhaité, d’une part, intégrer au dispositif de la déclaration sociale nominative (DSN) les données relatives aux indemnités journalières complémentaires versées par l’employeur ; et d’autre part, prévoir que le délai de quarante-huit heures imparti au médecin ayant effectué un contrôle d’un arrêt maladie à la demande de l’employeur pour transmettre son rapport au service du contrôle médical exclue bien le samedi, le dimanche et les jours fériés.

●  Des prévisions pluriannuelles qui confirment le volontarisme du Gouvernement dans l’effort de résorption des déficits

Au-delà de l’exercice 2014, le PLFSS confirme la volonté indéfectible du Gouvernement de poursuivre le redressement des comptes de la sécurité sociale.

Grâce à l’ensemble des réformes qui seront menées sur le quinquennat, en particulier avec la réforme des retraites et le déploiement de la stratégie nationale de santé, la réduction des déficits devrait se poursuivre, avec des comptes du régime général qui renoueraient avec un quasi équilibre à l’horizon 2017.

Le déficit du régime général s’établirait à 2,1 milliards d’euros en 2017, essentiellement à mettre au compte de la branche maladie, dont le solde serait de -2,6 milliards d’euros à cette échéance. En effet, la résorption du déficit de la branche maladie est celui pour lequel le rythme serait le plus lent. La branche vieillesse serait quant à elle en léger excédent, de 0,6 milliard d’euros, grâce aux effets positifs de la réforme des retraites. La branche famille continuerait d’accuser un déficit de un milliard d’euros, et la branche accidents du travail et maladies professionnelles continuerait, comme c’est d’ores et déjà le cas, à être à l’équilibre.

Seule la situation du FSV resterait à cette échéance relativement préoccupante, avec un déficit de l’ordre de 2 milliards d’euros à l’horizon 2017, avec surtout une succession de déficits restant élevés sur toute la période, puisqu’ils représenteraient toujours 3,2 milliards d’euros en 2014, 3,1 milliards d’euros en 2015 et 2,6 milliards d’euros en 2016.

S’agissant des régimes obligatoires de base, le même mouvement de résorption des déficits s’observerait que pour le régime général : le déficit s’établirait à 3,3 milliards d’euros pour 2017 ; ce résultat un peu plus dégradé s’expliquerait essentiellement par le solde global des régimes de retraite de base, qui resterait encore légèrement déficitaire à l’horizon 2017, à hauteur de 0,6 milliard d’euros.

Au terme de l’opération de reprise des déficits du régime général et du FSV par la CADES en 2017, l’ensemble des déficits de la branche vieillesse et du FSV jusqu’en 2017 auront pu être repris, de même que la totalité des déficits 2012 et 2013 des branches maladie et famille auront pu être repris. La quasi-totalité des déficits 2014 de la branche maladie auront pu être intégrés au schéma de reprise : seuls subsisteraient donc les déficits 2014 à 2017 de la branche famille, les déficits 2015 à 2017 de la branche maladie, ainsi qu’un reliquat de 100 millions d’euros du déficit 2014 de cette même branche, pour un total de 18,9 milliards d’euros.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires sociales a entendu M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, sur le rapport de la Cour relatif à l’application des lois de financement de la sécurité sociale, au cours de sa séance du 17 septembre 2013.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous accueillons M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, pour la présentation du rapport annuel de la Cour sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, rapport qui fournit un « tour d’horizon » complet sur la situation de la sécurité sociale en même temps qu’un éclairage sur certains thèmes précis.

Monsieur le Premier président, vous êtes accompagné de M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre, et de M. Jean-Pierre Laboureix, rapporteur général. Votre audition se déroule le jour même où ce rapport est rendu public et nous nous trouvons donc en pleine actualité, ce dont nous nous réjouissons. Elle s’inscrit dans le cadre des travaux de notre Commission sur les lois de financement de la Sécurité sociale, et les éléments que vous nous apporterez nous seront particulièrement utiles pour préparer les débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014, que nous examinerons pour notre part au cours de la semaine du 14 octobre.

Cependant, le fait de bénéficier de la primeur de la présentation de ce travail ne va pas sans inconvénients : la Commission n’a reçu ce rapport que ce matin, alors même qu’à la suite de fuites, il faisait l’objet d’articles de presse dès hier soir… Sans doute cela vous conduira-t-il d’ailleurs à faire certaines mises au point, concernant en particulier la prise en charge des dépenses d’optique corrective. Quoi qu’il en soit, tous les commissaires ont reçu le document sous forme dématérialisée ce matin et une synthèse imprimée est à leur disposition dans cette salle !

Ce rapport, extrêmement riche, nourrira notre réflexion pour œuvrer au rétablissement des comptes sociaux et à une plus grande efficacité de notre système de soins afin d’en garantir l’accès à tous. Face à la perspective d’un déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) au mieux stabilisé en 2013 à son niveau de 2012 – soit 17,4 milliards d’euros – et d’une faible marge d’augmentation des ressources, la Cour insiste sur la nécessité de concentrer l’essentiel de l’effort sur la maîtrise des dépenses. Vous tracez plusieurs pistes en ce sens, monsieur le Premier président, comme la réorganisation du système hospitalier et la conduite d’économies sur certaines dépenses de soins, comme les dépenses de biologie médicale ; vous reposez également la question des pratiques des mutuelles de fonctionnaires et d’étudiants, s’agissant du remboursement des prestations ou du service rendu à leurs usagers. Mais ce ne sont là que quelques exemples des sujets complexes et sensibles abordés dans ce rapport et sur lesquels nous vous écouterons avec la plus grande attention.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Je suis heureux de répondre à l’invitation de votre Commission pour la présentation de notre rapport 2013 sur la sécurité sociale, élaboré comme chaque année en application de notre mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et au Gouvernement pour le contrôle de l’application des lois de financement de la Sécurité sociale. Destiné à accompagner le PLFSS pour 2014, ce rapport s’adresse également aux citoyens, car la sécurité sociale, l’une des expressions majeures de la République « démocratique et sociale » que proclame l’article premier de notre Constitution, est l’affaire de tous, chacun la finançant et en bénéficiant à un moment de sa vie. En outre, dans une conjoncture économique difficile, son rôle de protection des plus fragiles est plus que jamais essentiel.

Cependant, la permanence de déficits entraîne une montée constante de la dette sociale, dont la charge croissante peut ébranler la solidité de la sécurité sociale et ruiner sa légitimité auprès des nouvelles générations. Ce rapport véhicule donc un message principal : il convient d’enrayer sans délai ces déficits pour revenir rapidement à l’équilibre des comptes sociaux et casser la spirale de la dette. Réussir cette entreprise est à notre portée : pour toutes les dépenses sociales, il est possible de réaliser des économies sans remettre en cause notre modèle social ni appliquer les mesures drastiques d’austérité que d’autres pays ont pu décider. Mais il y faut la contribution de tous – professionnels de santé, assurés sociaux, caisses de sécurité sociale – pour conduire un effort rapide et continu afin d’éliminer les dépenses inutiles ou improductives et faire en sorte que chaque euro affecté à la sécurité sociale soit dépensé le plus justement au regard de l’intérêt général.

Nos analyses et nos recommandations se veulent une contribution pour relever ce défi collectif majeur. La Cour des comptes énonce de nouvelles propositions sur les sujets qu’elle a étudiés cette année ; il vous appartiendra bien entendu, représentants du suffrage universel, d’effectuer les choix en fonction de vos objectifs et de vos priorités.

Je souhaite vous présenter les grands axes autour desquels s’organisent nos analyses, à partir de quatre constats.

Premier constat : le déséquilibre persistant des comptes sociaux appelle de nouvelles mesures. Depuis 2011, notre pays a engagé l’indispensable effort de redressement de nos finances publiques et s’est fixé une trajectoire de retour à l’équilibre à laquelle l’État, les collectivités territoriales et les organismes de protection sociale doivent contribuer. De premiers résultats ont été obtenus dans la réduction des déficits sociaux : celui des régimes obligatoires de base et du FSV, qui avait atteint en 2010 un niveau sans précédent – 29,6 milliards d’euros, soit 1,5 point de PIB –, a diminué de 7 milliards en 2011, puis de 3,5 milliards en 2012 pour s’établir à 19,1 milliards d’euros, soit 0,9 point de PIB.

Cependant, il apparaît que l’essentiel de l’effort financier reste à effectuer, d’autant que ce déficit a été réduit entre 2011 et 2012 à un rythme moitié moindre qu’au cours de l’exercice précédent. Il demeure massif puisque son montant est comparable à celui du budget de la recherche et de l’enseignement supérieur. Sa part structurelle – celle qui est indépendante de la conjoncture – reste très importante : pour le régime général, elle s’élève à environ 70 %. Or, en 2013, alors que la loi de financement prévoyait une diminution du déficit de 3 milliards d’euros, le redressement des comptes du régime général et du FSV connaîtra un véritable coup d’arrêt puisque le découvert devrait au mieux, comme vous l’avez dit, madame la présidente, se stabiliser au niveau très élevé de 2012, qui représente le double de celui des années 2006 à 2008. Pour la seule branche maladie, il pourrait augmenter de 2 milliards d’euros pour atteindre près de 8 milliards.

Même si elle résulte largement de l’atonie de la croissance et de la moindre progression des recettes qui en découle, cette interruption du mouvement de réduction du déficit du régime général est préoccupante. Elle conduit à entretenir une spirale anormale et dangereuse de la dette sociale, dont l’encours global devrait passer de 147 milliards à 159 milliards d’euros entre 2011 et 2013. Notre pays reporte ainsi sur les générations à venir la charge de régler une part sans cesse croissante de ses dépenses quotidiennes – consultations médicales, prestations familiales ou pensions de retraite. Il s’agit d’un mal spécifiquement français, aucun de nos voisins n’acceptant que son système de protection sociale reste aussi durablement déficitaire. Les comptes sociaux au sens large – incluant la sécurité sociale, l’assurance chômage et les régimes complémentaires obligatoires de retraite – sont revenus à l’équilibre dans la zone euro en trois ans – et dégagent même un excédent de 0,6 point de PIB en Allemagne –, alors que ceux de la France affichent un passif de 0,6 point de PIB en 2012. Seules la Grèce et l’Espagne ont connu l’an dernier un déficit des administrations sociales supérieur au nôtre.

Enrayer la spirale de la dette sociale entretenue par l’accumulation des déficits nous apparaît donc indispensable. Le Gouvernement a récemment annoncé des mesures pour rétablir la situation des régimes de retraite ; elles apporteront une contribution indispensable au redressement des comptes de l’assurance vieillesse et du FSV, dont le déficit cumulé en 2018 se monterait sinon, d’après nos projections, à 70 milliards d’euros – montant supérieur aux 62 milliards d’euros repris par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) à la fin de 2010. Cela étant, si aucune mesure nouvelle n’était prise, près de 72 milliards d’euros de dette supplémentaire s’accumuleraient d’ici à 2018 du seul fait des déficits des branches maladie et famille – même en prenant compte les décisions relatives à la politique familiale de juin dernier, qui n’auront d’impact que progressivement.

Contrairement à ce que la Cour avait préconisé, tous les déficits constatés au titre de 2011 et de 2012 n’ont pas été repris par la CADES, qui n’a intégré que le seul découvert de la branche vieillesse, conformément à la loi de financement pour 2011 ; dès lors, les déficits de l’assurance maladie et de la branche famille s’accumulent dans les comptes de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui a pourtant pour vocation d’assurer la trésorerie quotidienne de la sécurité sociale et non de préfinancer durablement des déficits massifs. Les découverts que l’ACOSS doit financer par des billets de trésorerie à moins de trois mois atteindront 26 milliards d’euros à la fin de 2013 et devraient approcher 40 milliards un an plus tard. Cette banalisation du financement à très court terme des déficits sociaux est anormale, car elle crée vis-à-vis de la liquidité disponible sur les marchés financiers une situation de dépendance qui peut s’avérer dangereuse pour la sécurité sociale, en particulier si les taux d’intérêt actuellement très bas venaient à remonter – les mouvements des dernières semaines donnent d’ailleurs du crédit à cette hypothèse. Différer ces transferts de dette inéluctables alourdirait en outre le coût de l’amortissement et de la charge d’intérêt, qui s’élève à 15 milliards d’euros par an ; le terme de la CADES se rapprochant – il interviendra d’ici une dizaine d’années –, une attitude dilatoire reviendrait à faire financer encore davantage les transferts sociaux actuels par la génération suivante. Risquerait alors de se poser la question de la légitimité même d’une sécurité sociale dont le financement effectif ne cesserait d’être différé et qui reposerait de plus en plus sur des personnes n’ayant pas bénéficié des dépenses engagées. La résorption rapide du découvert de la sécurité sociale constitue donc un enjeu crucial, le déficit d’aujourd’hui représentant les prélèvements de demain.

Deuxième constat : la voie du redressement des comptes par la mobilisation de recettes supplémentaires atteint des limites ; de nombreuses recettes nouvelles ont été créées en 2011 et en 2012 – pour des montants de 7 et de 6 milliards d’euros respectivement – et cette mobilisation de ressources complémentaires s’est poursuivie en 2013. Indépendamment même de la question du niveau atteint par les prélèvements obligatoires, l’affectation de recettes supplémentaires peut difficilement passer par de nouvelles augmentations de la contribution sociale généralisée (CSG). Celle-ci a permis d’élargir très substantiellement les ressources de la sécurité sociale et de financer depuis vingt ans la progression soutenue de ses dépenses, mais cette contribution ne constitue plus une recette miracle dont le dynamisme permettrait de différer des choix structurants pour la maîtrise de ces dernières. Il subsiste certes encore quelques possibilités d’élargir son assiette, mais les contraintes juridiques résultant de la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 tendent à restreindre les possibilités d’augmentation générale de ses taux, en particulier sur les revenus du capital.

Si des ressources nouvelles devaient être affectées à la sécurité sociale, la Cour recommande qu’elles soient avant tout consacrées au financement de la dette sociale et qu’elles proviennent prioritairement d’une réduction des niches sociales, ces mesures dérogatoires au versement des prélèvements finançant la sécurité sociale. La Cour a critiqué à plusieurs reprises l’opacité et le coût croissant de ces niches ; elle constate que des remises en cause ciblées ainsi que l’augmentation du forfait social ont d’ores et déjà permis d’apporter des recettes supplémentaires significatives – de l’ordre de 4 milliards d’euros en moyenne par an de 2011 à 2013 –, mais ces mesures n’ont pas permis de maîtriser le coût de ces niches, qui n’a que très légèrement diminué en raison de la dynamique propre à chacun des dispositifs qui les constituent. La Cour appelle à les répertorier précisément – même si vous avez déjà beaucoup travaillé sur ce sujet – et à engager au cours des cinq prochaines années l’évaluation de leur coût et de leur efficacité prévue par la loi de programmation des finances publiques pour la période 2012-2017.

Dans un contexte où les perspectives d’augmentation des recettes sont faibles, c’est essentiellement en pesant sur la dépense qu’on peut hâter le retour à l’équilibre. Cela étant, contrairement à ce que l’on peut lire ici ou là, la Cour ne préconise nullement une baisse des dépenses sociales, mais elle considère indispensable de ralentir leur croissance. Cette modération pourra être obtenue par la mobilisation de tous les acteurs dans le cadre d’efforts justement partagés, la protection sociale recelant dans toutes ses composantes des marges considérables d’économies, en particulier dans le domaine de l’assurance maladie.

Troisième constat : des économies considérables peuvent être faites sans compromettre, bien au contraire, la qualité des soins, la sécurité ou l’égalité d’accès au système de santé.

L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) a été tenu en 2012 pour la troisième année consécutive, bien que son taux de progression ait été ramené à 2,5 % – contre 3 % en 2010 et 2,9 % en 2011 –, soit le taux le plus volontariste depuis 1998. Ce résultat très positif témoigne des progrès effectués dans le pilotage de la dépense et dans la réalisation des économies prévues ; pour autant, la croissance de l’ONDAM au cours des quatre dernières années s’est élevée à près de 18 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 11,4 % des dépenses, soit un rythme bien plus soutenu que celui de l’augmentation de la richesse nationale, le PIB ne s’étant accru que de 5,1 % au cours de cette période. La Cour a acquis la conviction que des mesures de maîtrise de la dépense permettraient d’intensifier encore l’effort ; elle a donc proposé de diminuer d’au moins 0,2 point chaque année le taux de progression de l’ONDAM par rapport à celui qui est affiché dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2012 et 2017, soit de la fixer à 2,4 % pour 2014 et à 2,3 % pour 2015 et 2016.

Comme les rapports des années précédentes, celui de cette année identifie de nombreuses pistes de réorganisation à même de dégager des gains d’efficience et d’améliorer la qualité des prises en charge. Cette action devrait concerner en tout premier lieu le système hospitalier, qui recèle des gisements considérables d’économies. La Cour a consacré cette année des travaux approfondis à la dépense hospitalière, qui représente plus de 75 milliards d’euros, soit 44 % de la dépense d’assurance maladie. Les contraintes d’économies auxquelles ont été soumis les hôpitaux ces dernières années ont été relativement modestes, comme le montre l’analyse détaillée des modalités de fixation de leur objectif annuel de dépenses. Les économies affichées pour 2012 ne représentaient que 0,7 % de l’enveloppe de dépenses allouée, soit 550 millions d’euros, dont un cinquième n’était qu’une économie de constatation sur un fonds de modernisation, alors que celles demandées au secteur ambulatoire s’élevaient à 2,15 milliards d’euros, soit 2,7 % de son enveloppe. L’ONDAM hospitalier – déterminé de façon peu transparente – est élaboré de telle sorte que les établissements ne sont pas soumis au même effort que le secteur des soins de ville ; en particulier, les tarifs ne sont pas ajustés de manière à réguler l’activité. Les hôpitaux ne sont ainsi pas suffisamment incités à mener les réformes structurelles indispensables au redressement durable de leurs comptes. Il conviendrait donc d’amplifier les réorganisations, pour consolider leur situation financière et pour mieux maîtriser la progression de la charge que supporte l’assurance maladie.

Après plusieurs années de déficit et un doublement de la dette hospitalière en six ans – elle a atteint 28 milliards d’euros –, le retour à l’équilibre des hôpitaux publics en 2012 apparaît encore fragile et largement circonstanciel, car imputable en bonne partie à des recettes exceptionnelles et à des ajustements comptables. Les efforts de meilleure gestion et de réorganisation doivent donc être accrus. Le centre hospitalier de Digne a ainsi adopté cinq plans de retour à l’équilibre financier en cinq ans sans effet sur son déficit structurel et le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, issu d’une fusion intervenue en 1997, a accumulé en quinze ans des déficits d’exploitation et accru sa dette sans parvenir à un projet médical permettant de rationaliser son activité.

Le retard considérable et persistant dans notre pays de la chirurgie ambulatoire – celle qui permet au patient de rentrer à son domicile le soir même du jour de l’opération – apparaît emblématique des lenteurs affectant la modernisation des pratiques hospitalières. Son développement rejoint pourtant l’intérêt des patients, qui peuvent ainsi rester moins longtemps à l’hôpital, comme celui de l’assurance maladie, qui en retirerait des économies majeures. En France, quatre interventions seulement sur dix sont pratiquées en ambulatoire, alors que cette proportion atteint jusqu’à huit sur dix dans certains pays comparables au nôtre, et le secteur public accuse à cet égard un très net retard sur le secteur privé. Grâce à une tarification incitative, le nombre de places en chirurgie ambulatoire a certes nettement progressé depuis quelques années, mais elles restent fortement sous-utilisées et sont souvent réservées à de la petite chirurgie – opérations des varices ou de la cataracte –, alors que tous les types d’opérations, même lourdes, sont concernés dans d’autres pays. Cependant, le nombre de lits de chirurgie conventionnelle n’a pratiquement plus diminué depuis près de dix ans et leur taux d’occupation de seulement 67 % se révèle très insuffisant ; selon certaines estimations, jusqu’à 5 milliards d’euros d’économies – soit près de 7 % de la dépense hospitalière financée par l’assurance maladie – seraient possibles en utilisant mieux les capacités de chirurgie ambulatoire existantes et en fermant en conséquence les lits de chirurgie conventionnelle inoccupés. Afin d’accélérer cette indispensable substitution, la Cour propose que la tarification des actes de chirurgie conventionnelle soit désormais alignée sur les coûts de la chirurgie ambulatoire pour des actes identiques ; cette nouvelle stratégie engendrerait des économies qui, sur la durée, deviendraient très importantes et, comme le souligne souvent la Cour, améliorerait en même temps la qualité des soins.

À une autre échelle, puisqu’elle ne représente que moins de 1 % des dépenses hospitalières, l’hospitalisation à domicile fournit un autre exemple de prise en charge moins onéreuse qu’en établissement des pathologies lourdes et complexes comme les cancers. Un pilotage plus ferme du ministère de la santé, des référentiels d’activité plus nombreux, la rénovation d’un modèle tarifaire obsolète et des évaluations médico-économiques rigoureuses devraient permettre de la développer au-delà de l’objectif actuel, encore quatre fois inférieur au niveau atteint dans certains pays étrangers.

Il faut que tous les acteurs du système hospitalier s’engagent dans cet effort de modernisation et de réorganisation, qu’ils travaillent dans les centres hospitaliers universitaires, objets d’une étude de la Cour en 2011, ou dans d’autres établissements plus modestes, que nous étudions cette année – il s’agit des établissements de santé privés à but non lucratif, dits désormais d’intérêt collectif, gérés le plus souvent par des associations, des fondations ou des mutuelles et qui regroupent 14 % des capacités d’hospitalisation, ainsi que des anciens hôpitaux locaux, qui représentent le tiers des établissements publics mais n’assurent qu’une faible part de l’activité hospitalière. Ces structures doivent amplifier leur mutation en utilisant, pour les premiers, les atouts d’un statut original qui leur confère de la souplesse et en s’appuyant, pour les seconds, sur la spécificité que constitue leur recours à des professionnels libéraux, en particulier dans certains territoires menacés par la désertification médicale.

S’il convient d’accélérer la réorganisation des hôpitaux, les autres acteurs du système de soins ne sauraient rester à l’écart du surcroît d’efforts indispensable pour hâter le retour des comptes de l’assurance maladie à l’équilibre. La Cour des comptes a déjà identifié de nombreux secteurs sur lesquels cet effort pourrait porter : l’imagerie médicale, les soins dentaires, les médicaments, les transports sanitaires – pour lesquels la Cour a évalué l’an dernier à 450 millions d’euros les économies possibles. L’examen, cette année, de la réforme de la permanence des soins ambulatoires, opérée il y a dix ans, montre qu’une augmentation des dépenses n’est en rien garante d’un meilleur service pour la population. Cette permanence, la nuit, les week-ends et les jours fériés, a longtemps reposé sur un tour de garde de médecins libéraux répondant à une obligation déontologique et n’entraînant pas de rémunération spécifique ; elle repose désormais sur un dispositif de volontariat rémunéré qui a entraîné un quasi-triplement des dépenses depuis 2001 : celles-ci atteignent près de 700 millions d’euros, sans que les urgences hospitalières s’en trouvent désengorgées. Le dispositif s’avère parfois exagérément onéreux : ainsi, dans le seul secteur sarthois du Grand-Lucé, les quelque dix interventions réalisées au cours de l’année 2009 ont chacune coûté à l’assurance maladie plus de 3 700 euros. De même, dans des villes comme Toulon, Grenoble, Le Mans ou Le Havre, la superposition au dispositif de droit commun de l’intervention d’associations libérales comme SOS Médecins semble plutôt se traduire par une augmentation de la dépense. La Cour recommande donc une réorganisation des secteurs de garde ainsi que la recherche d’une meilleure articulation entre les interventions des différents acteurs – associations, professionnels de santé libéraux, hôpitaux. Les agences régionales de santé (ARS) devraient en outre coordonner bien plus rigoureusement l’organisation de la permanence des soins, dans le cadre d’enveloppes fermées regroupant l’ensemble des financements que l’assurance maladie y consacre, rémunération des actes médicaux comprise.

Des économies notables nous paraissent également possibles sur les dépenses d’analyses médicales. Celles-ci s’élèvent à près de 6 milliards d’euros pour l’assurance maladie et ont fortement progressé, le nombre d’actes ayant augmenté de 80 % en quinze ans. À titre d’exemple, les remboursements du dosage de la vitamine D ont septuplé en cinq ans et représentent désormais une dépense annuelle de près de 100 millions d’euros, sans que l’utilité clinique de cet acte ait jamais été évaluée. L’obligation d’accréditation imposée depuis 2010 aux laboratoires – au nombre de 3 600 dans le secteur privé et de 500 environ au sein des établissements de santé – n’a pas encore conduit à une rationalisation de leur implantation. Certains ajustements tarifaires limités et tardifs n’ont permis que des économies très inférieures à ce qu’autoriseraient les constants progrès techniques des automates d’analyse, entretenant parfois des situations de rente dont le coût est supporté par l’assurance maladie.

Une action tenant réellement compte des gains considérables de productivité du secteur permettrait de dégager rapidement 500 millions d’euros d’économies, portant pour moitié sur les dépenses de ville – où il faudrait baisser d’au moins deux centimes la valeur de l’unité de tarification, tout en modernisant la nomenclature – et pour l’autre moitié sur les dépenses de biologie hospitalière.

Si l’on néglige ces pistes de réformes, qui permettent de faire porter l’effort sur les actes moins utiles, on risque le déremboursement rampant des soins courants, pénalisant les assurés sociaux qui ne sont pas pris en charge à 100 % dans le cadre d’une affection de longue durée. Mieux cibler les économies sur les dépenses les moins justifiées est donc dans l’intérêt des patients comme des professionnels de santé.

L’exemple de la prise en charge de l’optique correctrice, qui représente à elle seule une consommation de soins totale de 5,3 milliards d’euros, révèle a contrario tous les dangers d’une absence de pilotage sur le long terme, par les pouvoirs publics et par l’assurance maladie, d’une dépense qui concerne pourtant la très grande majorité des assurés sociaux. Tout se passe comme si l’on ne considérait pas l’optique comme un vrai enjeu de santé publique.

Dans ce secteur, la dépense par habitant est en France plus du double de la dépense moyenne dans les quatre grands pays voisins – l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne. L’assurance maladie n’en prend plus en charge qu’une fraction dérisoire – 3,6 % en moyenne, 2 % pour les seuls adultes. La Cour ne propose en aucune façon un déremboursement de ces frais, du reste déjà effectif ; elle considère au contraire ce désengagement comme un grave échec d’une sécurité sociale solidaire. Les organismes d’assurance maladie complémentaire ont certes pris le relais, mais dans des conditions inégales selon les situations et les contrats des assurés ; selon les derniers chiffres des comptes de la santé, ils ont remboursé, en 2012, 71,5 % de la dépense d’optique. Le dernier quart de celle-ci reste donc à la charge des ménages, son poids pouvant conduire au renoncement à un achat ou à un renouvellement médicalement nécessaire.

Le fonctionnement du marché de l’optique apparaît peu concurrentiel. Dans ce domaine, la dépense s’est accrue de 39 %, hors inflation, entre 2000 et 2012, l’essentiel de cette dérive s’expliquant par le fonctionnement de la chaîne de fabrication et de distribution. Le nombre des points de vente a augmenté de 43 % depuis 2000 et celui des opticiens a plus que doublé, sans que la satisfaction des consommateurs ait progressé pour autant. La concurrence non plus ne s’en est pas trouvée accrue et les prix n’ont pas baissé car les charges fixes d’un point de vente se répercutent sur un volume moindre de lunettes vendues. En effet, le niveau élevé des marges permet à un point de vente d’atteindre l’équilibre économique à partir de deux ou trois paires de lunettes vendues par jour ouvré. Alors que le renvoi de responsabilités entre acteurs empêche la baisse des prix, les assurés en supportent les conséquences – soit indirectement, du fait de l’augmentation des tarifs des organismes complémentaires, soit directement, du fait d’un reste à charge très élevé quand ils ne disposent pas d’une couverture complémentaire – et, de ce fait, renoncent bien souvent à s’équiper convenablement.

Le rôle désormais résiduel de l’assurance maladie l’a conduite à se désintéresser de la gestion du secteur. Les assurances complémentaires – qui ne disposent pas encore de tous les outils nécessaires à une réelle gestion du risque – voient dans l’optique un produit d’appel et consentent des remboursements importants et assez fréquents, dont les opticiens parviennent souvent à tirer parti.

La Cour appelle à un rééquilibrage dans le fonctionnement du marché, afin de maîtriser ce qui représente à la fois un poste de lourdes dépenses pour les Français et un enjeu de santé publique. Il faudrait rendre le marché beaucoup plus transparent, mettre les organismes complémentaires en situation de faire jouer beaucoup plus activement la concurrence entre les distributeurs et redéfinir plus strictement le contenu des contrats responsables – qui bénéficient d’aides publiques importantes que la Cour a analysées il y a deux ans – pour peser plus fortement sur les prix. La Cour fait des constats et des recommandations similaires pour les dépenses d’appareils d’audition – les audioprothèses.

J’ai bien noté que plusieurs d’entre vous avaient été interpellés à propos d’une recommandation que nous n’avons pas faite. Loin de prôner un désengagement de la sécurité sociale, la Cour propose plutôt de mettre de l’ordre dans certains domaines afin d’y réaliser des économies – non pour dérembourser, mais pour mieux rembourser les dépenses. D’ailleurs, l’optique ne fait pas partie des domaines que nous avons identifiés comme porteurs d’économies considérables pour l’assurance maladie.

Enfin, comme les établissements de santé et les professionnels libéraux, les différents gestionnaires de l’assurance maladie doivent davantage contribuer au retour à l’équilibre des comptes sociaux en dégageant des gains de productivité et des économies de gestion. Dans le prolongement des analyses de son rapport de 2011 sur les différentes branches du régime général, la Cour est revenue cette année sur la gestion par les mutuelles de fonctionnaires et les mutuelles étudiantes de l’assurance maladie obligatoire. Ce sont en effet ces mutuelles – et non les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) – qui assurent pour le compte de la branche maladie du régime général le remboursement des prestations au titre de l’assurance maladie obligatoire pour 7,7 millions de fonctionnaires et d’étudiants et leurs familles, soit 13,3 % des ressortissants du régime général.

Dans la continuité d’une enquête remontant à 2006, la Cour a constaté une qualité de service toujours inégale, mais souvent insuffisante des mutuelles de fonctionnaires ; ainsi, l’accueil téléphonique de la mutuelle complémentaire de la Ville de Paris n’était assuré en 2012 que quatre heures par jour et ne répondait qu’une fois sur trois. Malgré quelques efforts de réorganisation, les coûts de fonctionnement de ces mutuelles demeurent importants ; même si elle a baissé, leur rémunération – qui s’élève à 270 millions d’euros – est calculée de façon très favorable et reste nettement supérieure aux coûts de gestion des CPAM. Fidèle à ses préconisations antérieures, la Cour recommande de reconsidérer la délégation à des mutuelles de l’assurance maladie obligatoire des agents publics ou, à tout le moins, d’offrir aux fonctionnaires d’État la liberté de choisir entre rattachement à la CPAM de leur domicile et gestion par la mutuelle dont dépend leur administration.

La qualité de service des onze mutuelles étudiantes est également très inégale et souvent insuffisante, qu’il s’agisse de l’envoi des cartes Vitale, du remboursement des actes ou des relations avec les étudiants. C’est notamment le cas de La Mutuelle des étudiants (LMDE), qui couvre 54 % d’entre eux : en 2012, un étudiant n’avait ainsi qu’une chance sur quatorze de pouvoir la joindre au téléphone. La rémunération de ces mutuelles, fixée dans des conditions particulièrement avantageuses et peu transparentes, a pourtant sensiblement augmenté. La reprise de la gestion de l’assurance maladie obligatoire des étudiants par les caisses d’assurance maladie améliorerait la qualité de service et permettrait une économie de près de 70 millions d’euros. À défaut, il apparaît nécessaire de laisser aux étudiants le choix entre l’affiliation à la sécurité sociale étudiante et le maintien de leur rattachement au régime de leurs parents.

Notre dernier constat concerne non plus l’assurance maladie, mais certains régimes particuliers de retraite. Après les régimes spéciaux de la RATP et de la SNCF analysés l’an dernier, la Cour a plus spécifiquement étudié cette année ceux des exploitants agricoles et des professions libérales. Leur soutenabilité, qui nécessite un pilotage attentif et précis de la part des pouvoirs publics, exigera rapidement des efforts supplémentaires de la part des professions concernées.

Les régimes de retraite des exploitants agricoles comptent moins de 500 000 cotisants pour 1,6 million de bénéficiaires ; les cotisations ne couvrent ainsi que moins de 13 % des charges du régime de base. Malgré la modestie des pensions servies et un apport de 6,7 milliards d’euros de financements complémentaires en provenance des autres régimes et de l’État, le déficit, financé par emprunt bancaire à court terme, devrait approcher 1 milliard d’euros en 2013. Un redressement de l’effort contributif de la profession apparaît nécessaire, comportant notamment le réexamen de multiples dispositifs entraînant une perte de cotisations, tels que l’assiette forfaitaire ou l’optimisation sociale autorisée par les formes sociétaires d’exploitation, en fort développement.

Avec 800 000 cotisants – dont 200 000 auto-entrepreneurs – pour un peu plus de 200 000 pensionnés, les régimes de retraite des professions libérales ne connaissent pas, eux, de difficultés d’ordre démographique. Mais le régime de base unique de ces professions est confronté à des perspectives de déficit à court terme qui exigent d’aller au-delà de l’augmentation récente des cotisations. Les risques démographiques et financiers d’ici 2040 imposent un pilotage plus attentif par les pouvoirs publics et, sans doute, la mise en œuvre de mécanismes de solidarité interprofessionnelle, propres à assurer la pérennité de l’ensemble des régimes. Plus ces efforts tarderont, plus ils seront douloureux.

Dans la période de difficultés économiques que traverse notre pays, la sécurité sociale apparaît plus que jamais garante de la cohésion sociale et de la solidarité entre les générations. La persistance, depuis plus de vingt ans, d’un déficit structurel – indépendant des fluctuations conjoncturelles – fragilise les fondements mêmes de ce système. Le retour à l’équilibre des comptes n’est pas un enjeu comptable, mais un enjeu national qui justifie un effort à la hauteur de l’objectif : celui de maintenir un haut degré de protection sociale dans notre pays.

Cet effort a été engagé et porte ses premiers fruits, qui vont bien au-delà de la diminution des déficits déjà enregistrée. Il ne peut être relâché. Les réformes réalisées et celles à venir fournissent l’occasion d’une modernisation en profondeur de notre protection sociale. Elle en sortira plus juste, plus solidaire, plus responsable, plus efficiente : en un mot, plus forte et plus légitime.

En 2014, nous célébrerons le soixante-dixième anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance. La Cour espère que son rapport contribuera utilement en cette année symbolique à affermir la sécurité sociale qui en est directement issue.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur le Premier président, je vous remercie pour votre exposé. Une mission sur la permanence des soins en France – dont la constitution a été votée à l’unanimité de notre bureau – commencera ses travaux à partir du mois de novembre ou de décembre. Elle s’intéressera aux problèmes et aux frais qu’engendre l’absence d’une vraie coordination entre différents acteurs de la santé, y compris les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Le travail que vous avez effectué sur ce point dans le rapport que vous nous avez présenté fournira aux membres de cette mission une précieuse base de réflexion.

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Monsieur le Premier président, votre première recommandation est de ramener l’évolution effective des dépenses de l’ONDAM, en 2013, à un taux de 2,7 %, soit un niveau inférieur de 500 millions d’euros à celui fixé par la loi de financement de la sécurité sociale. Souhaitez-vous, à travers cette mesure, tenir compte de la sous-exécution constatée pour l’année précédente ?

Le document de synthèse ne comporte aucune proposition précise pour mettre fin au sous-financement structurel du Fonds de solidarité vieillesse. La Cour a-t-elle des suggestions à faire dans ce domaine ?

Vous soulignez que la CSG – qui contribue au financement de la sécurité sociale – atteint un niveau de complexité important mais, surtout, vous avez insisté sur le fait qu’une récente décision du Conseil constitutionnel contraint très fortement toute augmentation générale éventuelle de ses taux. Est-ce à dire que cette décision exclut toute possibilité de rendre la CSG progressive ?

Est-il réaliste selon vous d’introduire dans le prochain PLFSS 500 millions d’euros d’économies de gestion, alors que la branche famille subit de plein fouet le contexte économique et social difficile ?

Enfin, vous proposez de permettre aux étudiants et aux fonctionnaires de choisir entre affiliation à leur mutuelle spécifique et rattachement aux CPAM. En attendez-vous une amélioration de la qualité de service, voire du niveau de couverture ? Dès lors que les couvertures complémentaires de ces différentes mutuelles fonctionnent sur la base de négociations et d’appels d’offre, comment organiser le transfert de cette fonction aux CPAM ?

M. Christian Paul, rapporteur pour l’assurance maladie. Au moment du vote du PLFSS pour 2013, notre majorité avait été soupçonnée de laisser filer sans discernement les dépenses de santé. Aussi faut-il souligner fortement la bonne maîtrise de l’ONDAM, en 2012 comme en 2013, qui nous permet de constater que les difficultés s’expliquent essentiellement par un manque de ressources.

La recherche de la bonne articulation entre le régime obligatoire et les complémentaires santé apparaît comme un des points clés de votre rapport ; nous souhaitons progresser en ce sens, sans envisager le désengagement de la sécurité sociale – que vous ne préconisez d’ailleurs pas, contrairement à ce que nous avons lu et entendu depuis hier soir. Nous estimons même qu’il faut réfléchir aux zones qui pourraient faire l’objet d’une reconquête sélective par le régime obligatoire de l’assurance maladie, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie étant chargé de penser ces redéploiements.

Avec l’aide de la Cour, nous souhaitons travailler sur la régulation des complémentaires santé. Pour y parvenir, il faut trouver les moyens d’exercer une pression sur les prix dans des domaines aujourd’hui insuffisamment couverts par l’assurance maladie obligatoire et pour lesquels les régimes complémentaires assurent le remboursement à des niveaux parfois indécents. Une proposition de loi, actuellement en discussion, devrait permettre d’agir en ce sens à travers les réseaux de soins. La fiscalité – qui avantage les complémentaires santé, en particulier pour les contrats collectifs – devra devenir un puissant instrument de régulation de ces organismes. La possibilité de solvabiliser les dépassements d’honoraires au-delà de 150 % doit être rigoureusement bannie.

Pouvez-vous préciser davantage vos propositions en ce qui concerne la nécessaire réorganisation du secteur hospitalier – que nous espérons voir figurer dans la stratégie nationale de santé que la ministre rendra publique la semaine prochaine ? Il faudra travailler sur les parcours de santé qui supposent le décloisonnement et la coopération entre hôpitaux et médecine de ville. Après qu’on a longtemps privilégié les restructurations aveugles au détriment des modernisations négociées, comment organiser cette collaboration, en particulier entre hôpitaux de proximité et maisons pluridisciplinaires de santé ?

Mme Martine Pinville, rapporteure pour le secteur médico-social. Monsieur le Premier président, cette audition annuelle est pour nous un moment à part, mais qui peut être quelque peu cruel.

Vous proposez d’ajuster l’ONDAM médico-social, en le baissant de 2,6 à 2,4 %. Or il faut nous attendre, dans les années qui viennent, à une forte augmentation du nombre de personnes âgées – un projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement de la population est d’ailleurs en préparation. Il faut donc réfléchir à l’évolution de cet ONDAM médico-social avec toute la prudence nécessaire.

Vous avez évoqué la nécessité de clarifier les conditions d’affectation de la CSG dont 1,5 % des recettes – soit une part non négligeable – alimente la Caisse nationale de solidarité à l’autonomie (CNSA), organisme qui attribue des fonds aux projets destinés aux personnes âgées et handicapées. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’évolution possible des affectations de ce prélèvement ?

M. Michel Issindou, rapporteur pour l’assurance vieillesse. Les retraites agricoles et la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) feront objet de débats dans les prochains jours puisqu’il en est question dans le projet de loi réformant le système de retraite que le Gouvernement présentera demain.

Certes, la contribution des agriculteurs à leur régime de retraite – 13 % des recettes – est faible ; mais à l’instar des revenus agricoles en général, les retraites des agriculteurs sont plutôt basses. Comme vous le soulignez, monsieur le Premier président, cette situation ne procède pas d’un simple déséquilibre démographique, mais d’un manque de recettes structurel. Comment augmenter les ressources des régimes agricoles sans trop peser sur le pouvoir d’achat des agriculteurs ?

Les mesures nouvelles en faveur des retraites des exploitants agricoles, contenues dans le projet de loi qui sera présenté demain, sont financées par la suppression de niches dont bénéficient les agriculteurs. En effet, le Gouvernement chiffrerait à 200 millions tant les besoins nécessaires que les niches que l’on pourrait supprimer. Vous évoquez également la possibilité de réorienter les aides publiques au secteur agricole vers le régime de retraite ; à quelles aides pensez-vous en particulier ?

En accord avec vos recommandations, l’article 32 du projet de loi renforcera la tutelle de l’État sur la CNAVPL, une administration plus rigoureuse des dix caisses autonomes qui y sont rattachées devant permettre des économies de gestion. Faut-il, comme le propose ce texte, aller jusqu’à la nomination du directeur par décret, conformément à la pratique des autres grandes caisses ? Le Gouvernement justifie cette mesure par les dysfonctionnements de la CNAVPL ; les avez-vous également constatés ? Cette reprise en main vous paraît-elle souhaitable ?

M. Laurent Marcangeli, rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP). Dans ce rapport, la Cour souligne que les déficits de nos comptes sociaux sont de plus en plus financés par des emprunts à court terme, ce qui pose un grave problème d’équité entre les générations. Or la branche AT-MP présente aujourd’hui un déficit cumulé de près de 2,5 milliards d’euros, conséquence du choc sur les recettes subi en 2008.

Le fait que cette dette soit entièrement portée par l’ACOSS peut, comme vous l’avez montré, se révéler déresponsabilisant dès lors que l’endettement n’est ni apparent ni financé par une ressource affectée. Cette situation n’est pas non plus sans risques, une remontée des taux d’intérêt pouvant fragiliser l’ACOSS. Quelle pourrait être, pour la branche AT-MP, la trajectoire de remboursement de ces déficits cumulés ? Faudrait-il y affecter une ressource spécifique ?

Vous soulignez également la fragilité d’un redressement des comptes entièrement assuré par des augmentations de recettes, à l’image de la hausse des cotisations AT-MP décidée l’an passé. Quelles pistes d’économies envisagez-vous pour cette branche ?

En juin dernier, dans le rapport sur la certification des comptes de la sécurité sociale, la Cour a estimé qu’il lui était impossible d’exprimer une opinion sur les comptes de la branche AT-MP en raison du manque de fiabilité des données prises en compte par la CNAM pour évaluer les provisions au titre des contentieux relatifs à l’application de la législation AT-MP. Ces contentieux, qui peuvent se dénouer dans un sens défavorable à la branche, concernent souvent des montants importants : au 31 décembre 2012, la CNAM a évalué le montant des provisions nécessaires à 667 millions d’euros. Que préconisez-vous pour améliorer cette évaluation ?

Enfin – pour faire suite aux recommandations plus anciennes de la Cour –, le rapport de 2008 incitait à réformer la procédure de révision des tableaux des maladies professionnelles en distinguant mieux la phase d’expertise scientifique – collégiale et pluridisciplinaire – et la consultation des partenaires sociaux. Le rapport pointait également les insuffisances de la procédure complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles. Quels ajustements faut-il apporter en priorité aux procédures actuelles ?

Le rapport de la Cour de 2005 relatif au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA) constatait le caractère inégalitaire de ce dispositif de préretraite, qui concerne essentiellement les travailleurs de quelques grandes entreprises figurant sur des listes établies par arrêtés. Depuis lors, la représentation nationale a demandé, par l’article 90 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur les modalités de création d’une nouvelle voie d’accès au FCAATA. Ce rapport devait être déposé au plus tard le 1er juillet, et je déplore que cela n’ait pas été fait ; une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) serait en cours.

Dans le cadre du suivi de ses préconisations de 2005 ou de ses différents travaux relatifs à l’amiante, la Cour a-t-elle, de son côté, évalué les effets de la création d’une nouvelle voie d’accès au dispositif de la préretraite amiante ? Il s’agirait de mieux tenir compte des parcours individuels, notamment pour les intérimaires, les sous-traitants ou encore les artisans isolés, en s’appuyant sur un faisceau d’indices tels que le secteur d’activité, la durée d’exposition, la période d’activité ou les conditions d’exercice.

Mme Linda Gourjade, suppléant Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. Je vous prie d’excuser Mme Clergeau, retenue par une réunion de questure.

La Cour des comptes relève qu’une part substantielle des ressources de la branche famille n’a pas de caractère durable : son financement a été fortement fragilisé par l’attribution, en remplacement de la part de CSG affectée à la CADES en 2011, d’impôts et de taxes nettement moins dynamiques, et même de recettes appelées à s’éteindre. Une telle situation est profondément anormale, car une politique de long terme telle que la politique familiale doit être assise sur des recettes pérennes et clairement identifiées.

Parmi les pistes évoquées pour réformer le financement de cette branche, il est souvent envisagé de conjuguer une fiscalisation croissante à une baisse, plus ou moins prononcée, de la participation des employeurs. La Cour peut-elle préciser les contraintes que présentent les différents scénarios de cette diversification des ressources de la branche ?

Dans son rapport sur la sécurité sociale pour 2012, la Cour avait relevé la trop grande dispersion des structures et des moyens informatiques de la CNAF, source de coûts élevés ainsi que de retards dans la mise en œuvre de projets importants. On sait l’importance d’un système d’information efficace : c’est un instrument de gestion des risques et de service des prestations à bon droit, un moyen de mieux connaître l’évolution des besoins des allocataires et l’outil de travail quotidien des agents des caisses, qui doivent répondre à des demandes très diverses.

La Cour avait appelé à axer la prochaine convention d’objectifs et de gestion (COG) sur un petit nombre de priorités hiérarchisées et à rationaliser les structures informatiques de la CNAF. Pouvez-vous nous dire si ces recommandations ont trouvé leur traduction dans la COG 2013-2017, conclue en juillet entre l’État et la CNAF, ainsi que dans le nouveau schéma directeur des systèmes d’information ?

Dans son référé du 22 mars sur l’action sociale de la branche famille à destination de la jeunesse – c’est-à-dire des enfants de plus de trois ans, des adolescents et des jeunes adultes –, la Cour constatait le caractère peu redistributif de cette politique et l’importance des disparités entre départements. Elle préconisait d’améliorer le ciblage des aides en faveur des familles et des territoires les plus défavorisés. Elle soulignait également la nécessité d’une meilleure gouvernance du dispositif des aides à la parentalité.

La nouvelle COG 2013-2017 devrait remédier à ces lacunes. Outre l’accompagnement de la réforme des rythmes éducatifs, qui va démocratiser l’accès aux activités périscolaires de qualité, des interventions spécifiques sont prévues dans des territoires périurbains et ruraux dépourvus d’une offre en direction de la jeunesse. De même, les moyens consacrés aux mesures d’accompagnement à la parentalité seront doublés, dans le but de développer ces services sur l’ensemble du territoire.

La Cour peut-elle apporter des précisions sur les voies à emprunter pour rendre les aides plus sélectives et sur le pilotage d’une politique qui se donnerait enfin pour objectif de réduire les inégalités territoriales ?

Ma dernière question concerne les associations familiales. Dans son rapport public de 2005, la Cour avait noté que l’attribution de fonds publics à l’Union nationale des associations familiales (UNAF) devrait être subordonnée à une meilleure représentativité de l’association. Or, dans une insertion au rapport public de 2007, elle a constaté que sa préconisation n’avait pas été suivie d’effets lors de la réforme, en loi de financement pour 2005, du fonds spécial qui finance l’UNAF et les unions départementales. La situation vous semble-t-elle avoir évolué depuis lors ? Quels critères de représentativité pourrait-on retenir ?

M. Jean-Pierre Door. Il est important, monsieur le Premier président, de pouvoir chaque année vous recevoir dans cette Commission afin de débattre du financement de la sécurité sociale.

Selon vos propres termes, la dette sociale est entrée dans une spirale « anormale et dangereuse ». Les recommandations de la Cour des comptes n’ont donc pas été suivies, l’an dernier – non plus que celles de l’opposition –, dans la mesure où le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a été élaboré à partir de chiffres insincères, qu’il s’agisse de la croissance, de l’évolution de la masse salariale ou de l’ONDAM. Cela explique le déficit de 8 milliards d’euros que connaît actuellement l’assurance maladie, supérieur de plus de 2,5 milliards aux prévisions.

Vous constatez pourtant que la médecine de ville s’est montrée économe : la maîtrise médicalisée a été au rendez-vous. Il convenait de le rappeler, les médecins étant trop souvent pris pour boucs émissaires. Et je suis par conséquent d’accord avec vous pour affirmer le caractère indispensable d’une maîtrise des dépenses hospitalières. Vous estimez à 5 milliards d’euros les économies possibles grâce au développement de la chirurgie ambulatoire, mais on pourrait obtenir des résultats encore meilleurs en poussant plus loin la restructuration des établissements, notamment par la constitution de communautés hospitalières de territoire ou de groupements de coopération sanitaire.

Toutefois, vous ne dites rien de la décision apparemment prise de mettre fin à la convergence tarifaire. Quel est votre avis sur le sujet ?

S’agissant de l’ONDAM, où se situe le bon seuil ? M. Bertrand Fragonard le fixait à 1 % au-dessus du PIB, ce qui paraissait raisonnable. Quant au comité de pilotage de l’ONDAM issu des préconisations de M. Raoul Briet, il évoquait, en 2009-2010, et compte tenu des difficultés économiques, un taux situé entre 1,9 et 2,1 %.

Il conviendrait par ailleurs que la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) se saisisse de la question des services de garde en ville.

Vous parlez de reporter les déficits sur la CADES ; cela implique d’augmenter la CRDS, la contribution au redressement de la dette sociale. Mais vous n’évoquez aucune nouvelle piste de financement de la protection sociale. Je sais qu’un comité travaille sur ce sujet, mais quelles seraient vos propres propositions ?

Vous avez fait allusion à des gisements considérables d’économies. Pouvez-vous en donner des exemples ?

La réorganisation territoriale des différentes caisses d’assurance maladie est-elle suffisamment engagée ? Vous avez observé des progrès en ce domaine, mais ne pourrait-on pas faire mieux et plus vite ?

À combien évaluez-vous le montant total des exonérations de charges sociales liées aux 35 heures ou aux « allégements Fillon » ? Certains évoquent une somme de 18 à 20 milliards d’euros par an : si c’est le cas, c’est autant de moins pour l’assurance maladie.

Enfin, vous ne dites mot des dérives financières que connaissent l’aide médicale d’État – a fortiori depuis la suppression de la franchise – et la couverture maladie universelle.

M. Gérard Sebaoun. La sécurité sociale est un bien commun auquel personne, j’imagine, ne veut renoncer. La protection sociale a un coût, mais il convient de le rapporter au service rendu aux Français. S’il est nécessaire de prendre des mesures structurelles et conjoncturelles, aujourd’hui et demain, pour conforter le système, nous restons évidemment attachés à l’universalité des prestations et, s’agissant des retraites, au système par répartition.

En ce qui concerne l’assurance maladie, et bien que la construction d’un ONDAM ne soit jamais simple, l’objectif fixé pour 2012 a été atteint. Quant au PLFSS pour 2013, il ne s’est pas réduit à un simple exercice budgétaire, mais a introduit plusieurs mesures fortes, dont la plus emblématique est sans doute la fin de la convergence tarifaire, aux effets délétères pour l’hôpital public. Le rôle de service public joué par ce dernier a ainsi été réaffirmé. En outre, le redressement financier opéré par nos hôpitaux en 2012 est réel, même si vous en soulignez la fragilité.

J’insisterai pour finir sur quatre thèmes traités dans le présent rapport de la Cour.

Le premier est la nécessité de développer la chirurgie ambulatoire, sur le modèle de ce que font les pays voisins. Cela ne répond pas seulement à des exigences budgétaires, mais constitue un moyen d’assurer un surcroît de bien-être à nos concitoyens en leur évitant des complications.

En deuxième lieu, il convient en effet de valoriser les hôpitaux locaux, notamment en les rapprochant, dans les zones sous-denses, des maisons pluridisciplinaires. L’introduction d’une plus grande part de forfaitisation dans la rémunération des médecins libéraux exerçant dans ces hôpitaux est également une idée intéressante.

Troisièmement, vous notez que l’organisation de la permanence des soins en ville reste insatisfaisante, alors que les coûts ont augmenté. C’est donc un chantier auquel il faut s’atteler sans tarder.

Enfin, vous relevez que les dépenses d’optique correctrice sont supportées avant tout par les assurances maladies complémentaires et par les assurés eux-mêmes, la participation des régimes obligatoires étant très résiduelle. Nous devons agir pour faire baisser les prix, aujourd’hui excessifs, car la lunetterie ne saurait être un produit de luxe. Dans ce domaine comme dans celui des soins dentaires, les régimes obligatoires doivent jouer leur rôle, voire se préparer à la reconquête, pour reprendre l’expression de Christian Paul.

Le groupe socialiste est très attentif aux recommandations de la Cour. Nous entendons travailler au retour progressif de nos comptes sociaux à l’équilibre et améliorer l’efficience du système, mais sans jamais sacrifier aucun des acquis qui fondent aujourd’hui notre pacte social et auxquels, je crois, les Français restent très attachés.

M. Dominique Tian. Votre rapport évoque la situation financière fragile des établissements de santé privés d’intérêt collectif – ESPIC –, qui enregistrent un déficit cumulé d’environ 24 millions d’euros. Ils sont pourtant très utiles au système de santé français. Il est donc nécessaire que, comme vous le demandez, les pouvoirs publics se mobilisent en leur faveur.

Vous appelez les hôpitaux à réaliser davantage d’actes ambulatoires, ce qui conduira bien entendu à supprimer un certain nombre de lits non utilisés. Cela signifie qu’il est possible de réaliser des économies assez importantes en développant cette activité dans le privé et dans le public. À ce propos, n’est-il pas anormal que sept opérations sur dix soient aujourd’hui réalisées dans le privé ? D’autre part, votre analyse ne revient-elle pas à valider la convergence tarifaire et la tarification à l’activité, dans la mesure où les opérations ambulatoires sont facilement comparables et où il est plus facile de mesurer les résultats ? Vous évaluez à environ 200 millions d’euros le coût des actes inutiles pratiqués dans les hôpitaux, ce qui est une somme considérable.

En ce qui concerne l’amélioration de la situation financière des hôpitaux, vous soulignez à quel point elle est circonstancielle, car elle « s’explique en grande partie par l’augmentation des plus-values sur cessions d’actifs » et « par l’attribution ainsi que la comptabilisation en résultat d’aides d’urgences ». Cela signifie-t-il que l’on facture mieux les actes réalisés aux urgences, ou bien que l’aide médicale d’État, après les modifications que l’on sait, vient assurer aux hôpitaux un financement supplémentaire ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. Il me paraît important de revenir sur la prise en charge des dépenses d’optique et d’audioprothèse dans la mesure où les insuffisances visuelles et auditives concernent près des deux tiers des Français et où ce sujet s’inscrit dans le débat récurrent sur l’articulation entre l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire.

Vous confirmez le rôle positif que peuvent jouer les réseaux de soins sur la régulation des prix, un rôle déjà souligné lors de l’examen de la proposition de loi visant à permettre aux mutuelles de mettre en place de tels réseaux. Mais vos préconisations en matière de régulation concernent surtout le développement de la concurrence chez les professionnels. Vous n’évoquez pas une possible limitation du nombre de points de vente en fonction de la démographie, ni la limitation des prix de vente ou des tarifs de remboursement, dans les contrats responsables par exemple. Pourquoi ?

Vous avez clarifié certains points afin d’éviter les faux débats sur un éventuel désengagement de l’assurance maladie. Mais il est important de rappeler que, si la généralisation de la complémentaire santé doit être poursuivie jusqu’à son terme, notamment après la signature de l’accord national interprofessionnel, ce processus ne doit pas se traduire par un désengagement de l’assurance maladie obligatoire, qu’il faut au contraire renforcer. Nous devons tenir les deux bouts : une sécurité sociale forte et une protection complémentaire régulée et accessible à tous.

Mme Isabelle Le Callennec. Pour expliquer la persistance des déficits sociaux, vous invoquez, à raison, l’atonie de la croissance. Or, dans ce domaine, les prévisions pour 2014 varient. Quel taux de croissance retenez-vous pour votre part, et quelles seront ses conséquences sur les déficits sociaux ?

D’autres pays de la zone euro – l’Allemagne en particulier – connaissent un retour à l’équilibre de leurs comptes sociaux. Quelles mesures, probablement drastiques, ces pays ont-ils prises pour parvenir à ce résultat ?

Pour assurer l’avenir des hôpitaux locaux, vous suggérez de mettre en œuvre un financement mixte articulant une tarification à l’activité, « à titre principal », et un financement forfaitaire. Qu’entendez-vous par cette expression : « à titre principal » ? Quelle part doit prendre la tarification à l’activité dans le financement : 80 % ? 90 % ?

Les Français sont étonnés par la très médiocre prise en charge de l’optique correctrice par la sécurité sociale. Vous prônez un réexamen de l’articulation entre assurance maladie et assurance complémentaire « dès lors que cette dernière aurait été généralisée ». Or cette généralisation n’est prévue que pour janvier 2016. En attendant, que peut-on faire pour mieux rembourser les frais d’optique correctrice ?

Enfin, nous aimerions être, comme vous, convaincus de l’existence de gisements d’économies considérables. Quelles priorités devrait, selon vous, se donner le Gouvernement dans l’élaboration du budget de la sécurité sociale pour 2014 ?

Mme Véronique Louwagie. La Cour suggère de transférer à la CADES les déficits des années 2012 et 2013 des branches famille et maladie et préconise un relèvement de la CRDS, dont le produit ferait l’objet d’un fléchage vers cette caisse. D’autre part, vous estimez que le recours à la CSG pour accroître les ressources est un procédé qui a atteint ses limites, le taux marginal d’imposition des revenus du capital, 64,5 %, laissant peu de marges de manœuvre dans la mesure où le Conseil d’État a conclu de la décision du Conseil constitutionnel « qu’au-delà d’un taux marginal d’imposition des deux tiers, une mesure fiscale risque d’être considérée comme confiscatoire ». Est-ce à dire qu’un relèvement de la CRDS devrait impérativement s’accompagner de la diminution d’un autre prélèvement, sous peine d’être considéré comme une mesure fiscale confiscatoire ?

M. Bernard Perrut. J’aimerais connaître l’avis de la Cour des comptes sur l’institution d’objectifs régionaux des dépenses d’assurance maladie, ORDAM, sujet d’une proposition de loi déposée par plusieurs d’entre nous. Notre objectif, vous l’avez dit, doit être de dépenser mieux et, si possible, de dépenser moins. Or le cloisonnement des circuits du financement public de la sécurité sociale empêche parfois de soutenir des innovations susceptibles de procurer des économies durables. Ne pourrions-nous améliorer la fongibilité des crédits du budget de la sécurité sociale en distinguant au sein de l’ONDAM la part nationale des parts régionales ? Le Parlement voterait chaque année les ORDAM, dont le montant s’imposerait aux Agences régionales de santé (ARS). La ventilation en sous-objectifs ne serait qu’indicative, mais pourrait garantir aux agences la fongibilité des crédits au niveau régional.

En ce qui concerne l’hospitalisation à domicile, qui mériterait en effet d’être développée dans notre pays, vous formulez un certain nombre de recommandations. Avons-nous suffisamment d’éléments, notamment d’études, pour savoir quel serait l’impact d’un développement de cette forme d’hospitalisation, qui ne représente aujourd’hui qu’une part infime des dépenses d’assurance maladie, mais pourrait contribuer à répondre à certaines de nos préoccupations ?

M. Didier Migaud. Je vais, avec le président Antoine Durrleman, m’efforcer de répondre aux nombreuses questions posées, en commençant par celles des différents rapporteurs.

En ce qui concerne l’ONDAM et la maîtrise des dépenses de santé, nous constatons qu’un effort a été consenti ces dernières années. L’ONDAM est en effet respecté pour la troisième année consécutive, ce qui va dans le bon sens. Cela étant, compte tenu de l’importance du déficit et de sa dimension structurelle, nous insistons beaucoup sur la nécessité de poursuivre cet effort, d’autant que des économies sont possibles, en particulier dans le secteur de l’assurance maladie. Je précise qu’aux yeux de la Cour, un ONDAM doit être respecté en taux et en enveloppe.

Bien que nous ne le préconisions pas, si des prélèvements supplémentaires devaient être votés, nous estimons que leur produit devrait être affecté au financement de la dette sociale. Cette dette résulte en effet de dépenses quotidiennes, courantes, qu’il est anormal et dangereux de faire financer par les générations futures. En reportant sans cesse les échéances, on ne fait que reculer le moment où la facture devra être réglée – moment où, en raison de l’accumulation des déficits, les prélèvements nécessaires seront encore plus importants.

L’ACOSS n’a pas pour rôle de financer une telle dette. Ce sont pourtant 26 milliards d’euros que l’Agence devra, à la fin de l’année 2013, prendre en charge via l’émission de bons de trésorerie à court terme. Si aucune décision n’est prise, cette somme atteindra même 40 milliards d’euros à la fin de 2014. Au vu des évolutions possibles des taux d’intérêt sur les marchés financiers, une telle pratique ne peut qu’être qualifiée de dangereuse. C’est pourquoi nous insistons tant sur ce point.

Nos recommandations principales portent plutôt sur la maîtrise de la dépense et sur les économies qu’il est possible de réaliser. Mais, dans l’hypothèse où le travail de limitation des niches sociales serait poursuivi, le surcroît de recettes obtenu devrait donc être affecté en priorité au financement de la dette sociale et, au-delà, au Fonds de solidarité vieillesse, qui exige des ressources complémentaires.

Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur l’intérêt de rendre la CSG progressive, disposition qui relève d’une décision politique. Nous avons simplement observé qu’une telle mesure devrait s’inscrire à l’intérieur des limites posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel plafonnant le montant global des prélèvements sur les revenus. Il semble toutefois que la décision du Conseil laisse des marges de manœuvre.

Vous me donnez l’occasion de préciser encore la position de la Cour relativement à la prise en charge des dépenses d’optique. Tout ce que nous disons, c’est qu’il serait bon, une fois la couverture complémentaire généralisée, de réexaminer l’articulation entre ce qui, dans ce domaine, devrait relever du régime obligatoire et ce qui relèverait de l’assurance maladie complémentaire. Ce ne sont pas les 200 millions d’euros pris en charge par le régime obligatoire que nous remettons en cause : nous pensons simplement qu’il conviendrait de mieux employer cette dépense en ciblant tel ou tel public. En tout état de cause, il y a déjà désengagement de fait de l’assurance maladie obligatoire : sur le prix d’une paire de lunettes ordinaire, ne sont remboursés que 9 euros, de surcroît au prix d’une longue procédure. Loin de prôner une diminution de la prise en charge, nous mettons le doigt sur l’insuffisance et sur le caractère très inégalitaire de la couverture des frais d’optique. C’est à vous qu’il revient de résoudre ce problème et de trouver les moyens de mieux réguler ce marché. On peut imaginer un encadrement des contrats collectifs, d’autant que ceux-ci bénéficient d’avantages fiscaux. En vérité, la sécurité sociale s’est tellement désengagée qu’elle est incapable de peser pour rendre ce marché plus transparent et plus concurrentiel. Quant aux mutuelles, elles ne s’en soucient pas, préférant faire du remboursement des frais d’optique un produit d’appel. Tout concourt ainsi au mauvais fonctionnement de ce secteur.

En ce qui concerne le régime de retraite des exploitants agricoles, monsieur Issindou, nous ne proposons pas d’augmenter l’ensemble des cotisations, mais de réexaminer certains avantages, tels que la forfaitisation du bénéfice agricole ou les possibilités d’optimisation sociale via le recours aux formes sociétaires d’exploitation, qui sont facteurs d’iniquités et ont pour conséquence de réduire le taux de couverture par les cotisations. Nous préconisons aussi de réorienter vers la protection sociale agricole une partie des impôts et taxes affectés, les ITAF, finançant les chambres d’agriculture et l’action de différents établissements publics et centres techniques œuvrant dans le secteur agricole.

Le renforcement de la tutelle de l’État sur la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, la CNAVPL, prévu par le projet de loi de réforme des retraites, à travers notamment la mise en place de contrats pluriannuels de gestion, est conforme aux recommandations de la Cour. Il nous est apparu en effet que les caisses de ce secteur manquaient à la fois d’une gouvernance centralisée et de l’exercice d’une tutelle qui soit à la hauteur des enjeux.

M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes. Il est exact que le déficit enregistré depuis 2009 par la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), d’un montant de 2,5 milliards d’euros, n’a pas été transféré à la CADES. Le PLFSS pour 2013 prévoit que cette branche dégagera un excédent de 250 millions d’euros – hypothèse confirmée en juin dernier par la Commission des comptes de la sécurité sociale – et qu’il continuera d’être excédentaire en 2014, 2015 et 2016, de sorte que ce déficit sera résorbé. Il n’est pas nécessaire dans ces conditions de prévoir une reprise de cette dette par la CADES.

Si nous avons été, cette année, dans l’impossibilité de certifier les comptes de la branche AT-MP, c’est faute d’avoir pu vérifier la fiabilité des données relatives aux litiges nés de l’application de la législation AT-MP, prises en compte par la branche pour déterminer les provisions que nous avions préconisées l’année précédente. Le recueil de telles informations est souvent difficile, d’autant que le nombre de contentieux en cause est considérable. Cela étant, cette situation marque un progrès par rapport à l’an passé, où nous avions refusé de certifier ces comptes. La branche AT-MP est en train de se doter d’un système informatisé de recueil de ces données et devrait pouvoir garantir une remontée exhaustive et fiable de ces informations d’ici à la fin de l’année 2014 ou au début de l’année 2015.

S’agissant du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, nous attendons les conclusions de l’enquête que nous avons lancée sur son fonctionnement et sur sa gestion.

En ce qui concerne l’actualisation des tableaux des maladies professionnelles, nous avons constaté des progrès dans le champ des troubles musculo-squelettiques, en particulier des pathologies de l’épaule. Nous avions recommandé dans notre rapport public annuel de février que la branche AT-MP consente le même effort pour d’autres types de pathologies.

Le financement de la branche famille a fait l’objet cette année de deux rapports de la Cour à la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de votre assemblée. Si le premier dresse un état des lieux, le second propose plusieurs scénarios pour le transfert de la part de financement restant à la charge des entreprises – la cotisation famille représente aujourd’hui 5,4 % de la masse salariale – sur d’autres prélèvements : TVA, CSG, fiscalité environnementale, ou un élargissement de l’assiette de ces cotisations à d’autres éléments, telle qu’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

La convention d’objectifs et de gestion signée le 17 juillet dernier entre l’État et la Caisse nationale des allocations familiales a pris en compte certaines de nos recommandations, par exemple en ce qui concerne le pilotage des systèmes informatiques ou la nécessité de concentrer l’effort sur les zones fragiles ou en difficulté. Tout est maintenant affaire d’exécution.

Nous avions indiqué dans notre rapport de 2011 que le coût de gestion des caisses pouvait être réduit d’un milliard d’euros, à condition d’intensifier le travail de dématérialisation des relations avec les assurés et avec les entreprises, qui avait connu une pause, et d’améliorer la communication entre les administrations, en particulier au bénéfice de la branche famille aujourd’hui obligée de demander aux assurés sociaux des informations déjà disponibles ailleurs. L’an dernier, à propos des indemnités journalières, nous avons montré qu’il y avait là des gains notables à réaliser.

D’autres gains d’efficacité sont attendus de la réorganisation du réseau des caisses, qui s’achèvera avec la régionalisation de l’ensemble des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) au 1er janvier 2014. Nous projetons de mener une enquête sur le sujet dans quelques mois.

Vous avez été nombreux à évoquer la question des hôpitaux locaux. Ceux-ci peuvent contribuer à la lutte contre les déserts médicaux s’ils sont adossés à des maisons de santé pluridisciplinaires. Il faudrait d’autre part améliorer la rémunération des médecins libéraux qui y exercent et resserrer, dans le cadre du parcours de soins, les liens entre ces établissements et les centres hospitaliers généraux, dotés, eux, d’un plateau technique.

L’hospitalisation à domicile est génératrice d’économies, mais son développement est entravé par la petite taille des structures et par la quasi-inexistence de tout référentiel de prise en charge. La possibilité d’articuler ce mode d’hospitalisation et l’organisation de certains professionnels libéraux en réseaux de soins mériterait aussi d’être mieux documentée.

Même si nous n’avons pas étudié dans le détail le financement de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), nous avons noté une surévaluation systématique de la contribution de l’assurance maladie aux prestations médico-sociales. Elle est manifestement due à un engorgement du dispositif d’allocation de moyens de la CNSA, dont l’étude excède le cadre de ce rapport. Nous avons toutefois noté que le financement de cette caisse, établissement public administratif, par une fraction de la CSG contrevenait au principe selon lequel ce prélèvement est affecté directement à un régime de sécurité sociale – à la branche famille à l’origine et à l’assurance maladie depuis 1998.

Relevant une amélioration des comptes des hôpitaux publics, nous avons souligné qu’elle était due en partie au fait que des établissements ont bénéficié de subventions d’équilibre très conséquentes en 2012. L’exemple le plus significatif de ce point de vue est celui du CHU de Fort-de-France, qui a reçu une dotation de soixante-trois millions d’euros à ce titre. Ces « aides d’urgence » ont amélioré substantiellement la situation financière de certains établissements.

Nous comptons inscrire à notre programme de travail la question de la fixation d’objectifs régionaux de dépense. D’ores et déjà, les fonds d’intervention régionaux, financés majoritairement par des crédits de l’assurance maladie, devraient devenir un outil de décloisonnement extrêmement efficace. Ils devraient notamment permettre aux ARS d’organiser de véritables parcours de soins dans des territoires de santé pertinents. Cela constituerait pour les patients un progrès considérable.

M. Didier Migaud. Je voudrais préciser enfin qu’il n’appartient pas à la Cour de proposer une hypothèse de croissance pour 2014 : cela ne relève pas de ses missions. Il reviendra au Haut conseil des finances publiques, que vous avez institué, de se prononcer sur les hypothèses de croissance du Gouvernement. Son avis devrait être connu la semaine prochaine.

L’addition des gisements d’économies que la Cour a identifiés depuis plusieurs années dans de nombreux domaines – le médicament, les dépenses dentaires, le transport sanitaire, la chirurgie ambulatoire, la biologie médicale, les indemnités journalières, les frais de gestion, etc. – représente un montant supérieur au déficit actuel de l’assurance maladie. Cela prouve bien qu’il existe des marges de manœuvre.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous remercie, monsieur le Premier président. Vos diagnostics ne sont pas toujours agréables à entendre, mais ils sont toujours utiles pour nous aider à réformer notre système de soins, en dépit des corporatismes et des résistances de toutes sortes. Ce sont des incitations au courage, sans lequel il ne saurait y avoir de bonne politique.

La commission des affaires sociales a entendu Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, de M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministère de l’économie et des finances chargé du budget, et de Mmes Michèle Delaunay, Dominique Bertinotti et Marie-Arlette Carlotti, ministres déléguées auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, respectivement chargées des personnes âgées et de l’autonomie, de la famille, des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, au cours de sa séance du 9 octobre 2013.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous auditionnons aujourd’hui Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministère de l’économie et des finances chargé du budget, et Mmes Michèle Delaunay, Dominique Bertinotti et Marie-Arlette Carlotti, ministres déléguées auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, respectivement chargées des personnes âgées et de l’autonomie, de la famille, des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014.

Tout en les remerciant de leur présence, je soulignerai néanmoins les conditions très difficiles dans lesquelles la Commission des affaires sociales est contrainte de travailler. Je m’exprime ici en tant que présidente, au nom de la majorité et de l’opposition. Une fois de plus, les contraintes découlant de l’ordre du jour et de l’agenda des ministres nous obligent à nous réunir à l’heure du déjeuner : je ne souhaite pas qu’une telle exception devienne la règle, alors que beaucoup des parlementaires ici présents ont passé une partie de la nuit dans l’hémicycle et qu’ils s’apprêtent à y retourner cet après-midi, ce soir et les deux prochains jours. Je conçois que le Gouvernement ait des contraintes et des priorités – d’ailleurs partagées par la majorité parlementaire. Mais j’insiste sur la nécessité de permettre aux députés de travailler correctement sur des sujets aussi importants et complexes. Si nous nous réunissons à cette heure, c’est que M. Bernard Cazeneuve ne pouvait se libérer plus tôt, ayant dû assister à un Conseil de défense et de sécurité nationale juste après le Conseil des ministres. En outre, Mme Marie-Arlette Carlotti sera contrainte de nous quitter à treize heures et nous transmettra par courrier une explication des principaux points dont elle est chargée au titre du PLFSS.

En outre, notre commission n’a pas reçu le texte du PLFSS pour 2014 suffisamment à temps pour qu’il puisse être mis en distribution et je prie mes collègues de m’en excuser.

J’ajoute qu’il est difficilement acceptable que les ministres ne répondent pas, ou peu, aux questionnaires budgétaires qui leur ont été adressés par les rapporteurs en juillet dernier. Le rapporteur pour la branche maladie, M. Christian Paul, dispose ainsi d’à peine 25 % des réponses à son questionnaire. Sept réponses supplémentaires sur cinquante-huit lui sont certes parvenues ce matin, mais cela ne fait toujours pas le compte. Concernant les recettes, on pourrait presque se réjouir que le taux de réponses soit de 55 %, soit cinq réponses pour neuf questions, sauf que deux d’entre elles ne nous sont parvenues que ce matin. Il est également anormal que certains documents ne soient pas remis au Parlement comme le prévoit la loi, ou qu’ils ne le soient qu’avec beaucoup de retard. Ainsi, le rapport annuel sur les franchises médicales – que nous n’avons cessé de réclamer lorsque nous étions dans l’opposition – ne nous a pas été remis l’année dernière et ne nous l’est toujours pas cette année alors qu’il aurait dû l’être avant le 30 septembre. Cet état de fait empêchant le Parlement de travailler correctement, je me devais d’exprimer à l’attention des services des ministères concernés une insatisfaction partagée par l’ensemble des membres de cette commission.

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, vous semblez avoir le don d’ubiquité, passant du débat de la nuit dernière sur la réforme des retraites à celui d’aujourd’hui sur le PLFSS. Cela vous est peut-être aisé mais ce ne l’est pas pour les parlementaires. Lorsque vous étiez dans l’opposition, vous ne manquiez d’ailleurs pas de formuler ce type d’observations. Et s’il est agréable que vous nous offriez des gâteaux, nous aurions préféré disposer du projet de loi. Ce texte nous faisant défaut, comment pourrions-nous l’étudier puis vous interroger dessus ? Malgré tout le respect que nous vous devons, nous avons songé à ne pas venir siéger ce matin. Si nous sommes là c’est par respect pour votre travail.

En outre, cinq ministres vont s’exprimer, suivis de six rapporteurs – soit onze personnes au total – de telle sorte que les autres parlementaires ne pourront pas prendre la parole avant quatorze heures. Or, les députés de mon groupe souhaitent être dans l’hémicycle pour les questions d’actualité à quinze heures. C’est pourquoi nous serons extrêmement brefs aujourd’hui, ce qui ne veut pas dire que nous n’ayons pas de questions à vous poser.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Tous les ministres ne prendront pas d’emblée la parole. S’exprimeront tout d’abord Mme la ministre des affaires sociales et de la santé et M. le ministre délégué chargé du budget. Puis les rapporteurs poseront leurs questions et les ministres déléguées répondront.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Je suis la première à regretter de devoir travailler dans des conditions aussi difficiles. Et ne voyez pas malice dans le fait que je vous aie apporté des sucreries, car il s’agissait en réalité de compenser quelque peu la contrainte de l’horaire. Je regrette également que le texte du projet de loi ne vous ait pas été adressé. Il aurait déjà dû l’être depuis un certain temps puisqu’il a été examiné par la Commission des comptes de la sécurité sociale. Et je reste à l’entière disposition des parlementaires qui souhaiteraient poursuivre notre échange avant que le PLFSS ne soit examiné en séance publique. Madame la présidente, les rapports que vous êtes en droit d’attendre – et notamment celui sur les franchises – vous seront remis dans les tout prochains jours.

Compte tenu des contraintes horaires, je mettrai l’accent sur les grandes orientations retenues dans le PLFSS pour 2014 et insisterai sur les mesures qui me semblent devoir être portées plus particulièrement à votre connaissance.

J’insisterai tout d’abord sur notre choix résolu de redresser les comptes sociaux. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, la dette sociale accumulée au cours des dix années précédentes s’élevait à 160 milliards d’euros, dont 90 milliards au titre du seul dernier quinquennat, et le déficit de la sécurité sociale – régime général et Fonds de solidarité vieillesse confondus – s’élevait à 21 milliards d’euros. Dès notre arrivée, nous avons adopté des mesures correctrices et ramené ce déficit à 17,5 milliards d’euros en 2012, et à 16 milliards cette année – selon le chiffre que nous a fourni la Commission des comptes de la Sécurité sociale il y a une quinzaine de jours – malgré un début d’année morose en termes de rentrées de cotisations et une forte épidémie grippale aux conséquences financières importantes. Et nous avons l’ambition de ramener ce déficit à moins de 13 milliards en 2014, ce qui représente un effort important.

Si nous obtenons de tels résultats, c’est notamment grâce à notre politique de maîtrise des dépenses. Ainsi nous sommes-nous fixé un Objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM) ambitieux – en progression maîtrisée de 2,4 % – pour l’an prochain, nous conduisant à réaliser 2,4 milliards d’euros d’économies sur la branche assurance-maladie, s’ajoutant aux 500 millions d’euros de sous-exécution de l’ONDAM en 2013.

Le PLFSS pour 2014 traduit les trajectoires financières résultant des réformes de fond que nous avons engagées en matière de protection sociale. S’il ne contient pas de mesures nouvelles concernant la branche vieillesse, il tire cependant les conséquences financières du projet de loi portant réforme des retraites dont nous débattons actuellement dans l’hémicycle. De même, la restructuration de notre politique familiale, annoncée avant l’été, trouve sa concrétisation financière dans ce PLFSS, même si des mesures telles que l’abaissement du plafond du quotient familial figurent dans le projet de loi de finances et si les mesures relatives à l’ouverture de places supplémentaires pour les enfants de moins de trois ans sont inscrites dans la Convention d’objectifs et de gestion de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF). C’est donc d’abord dans le secteur de l’assurance-maladie que s’inscrit la refondation de notre politique de santé.

L’ONDAM de 2,4% se décline en un sous-ONDAM hospitalier à 2,3 %, un sous-ONDAM de médecine de ville à 2,4 %, un sous-ONDAM médicosocial à 3 % – cela traduit notre engagement résolu en la matière – et un nouveau sous-ONDAM – que nous créons après consultation de votre commission – visant à faire apparaître les ressources allouées aux fonds d’intervention régionaux dont disposent les agences régionales de santé et à nous permettre de définir des politiques mieux adaptées aux territoires auxquels elles s’appliquent.

Le volet santé du PLFSS est marqué par quatre priorités, et d’abord, par l’inscription des premières orientations résultant de la stratégie nationale de santé annoncée il y a deux semaines. Il s’agit ainsi de réorganiser la médecine ambulatoire autour d’équipes pluridisciplinaires, de confier un rôle de pivot au médecin traitant et de restructurer cette médecine ambulatoire autour du parcours de soins. Cette réorganisation se traduit concrètement par des mesures de financement nouvelles au profit d’équipes pluriprofessionnelles, par la poursuite de mesures déjà engagées et par la reconnaissance d’actions de télémédecine afin d’expérimenter des modes de financement de ces actes.

De même, nous engageons la réforme du financement de l’hôpital public afin de tourner la page de la loi « HPST » qui avait fait de la tarification à l’activité l’alpha et l’oméga de toute la politique de financement de l’hôpital : nous introduisons des correctifs afin de tenir compte des parcours de soins au sein de l’hôpital, avec des rémunérations forfaitaires. Nous prendrons également en compte, dans le financement des hôpitaux, leur éventuelle situation d’isolement géographique ainsi que leur niveau d’activité afin d’éviter l’inflation des actes que l’on constate à certains endroits.

Afin de faciliter la prise en charge d’activités de prévention et d’actions médicosociales, les agences régionales de santé seront désormais autorisées – dans une limite préétablie – à procéder à des transferts entre enveloppes. En effet, cette fongibilité, souvent évoquée, n’avait pas encore été instaurée jusqu’à présent.

La deuxième priorité du Gouvernement consiste à renforcer l’accès aux soins de tous dans le cadre de la généralisation de la complémentaire santé. Après avoir prévu, dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi, la garantie d’une couverture pour l’ensemble des salariés, puis relevé le plafond de ressources pour l’obtention de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l’aide pour une complémentaire santé (ACS) le 1er juillet dernier, nous allons franchir une nouvelle étape. Le relèvement du plafond de ressources permettra à 750 000 personnes supplémentaires d’accéder à une couverture complémentaire. Rappelons qu’une aide à la complémentaire santé pour une personne de plus de soixante ans représente 500 euros par an, soit un soutien significatif du pouvoir d’achat. Mais il s’agit d’aller plus loin en simplifiant le recours à l’ACS. C’est pourquoi nous organiserons un appel d’offres national afin de sélectionner plusieurs contrats d’un bon rapport qualité-prix l’an prochain, ce qui facilitera l’accès à cette aide de personnes plus vulnérables. Dans le même temps, nous instaurons dans ce PLFSS de nouveaux critères de détermination, plus stricts, de la notion de « contrats responsables et solidaires » s’appuyant à la fois sur la définition d’un panier de soins de référence permettant de couvrir l’ensemble des soins fondamentaux, sur l’extension des garanties dans les secteurs de l’hôpital et sur la régulation des dérives constatées en termes de dépassements d’honoraires ou de tarifs abusifs – notamment dans le secteur de l’optique.

Notre troisième priorité consiste à privilégier deux axes pour la santé publique : la lutte contre le tabagisme, qui se traduira par un triplement de la prise en charge des substituts nicotiniques pour les jeunes, et la poursuite de l’amélioration de l’accès à la contraception pour les mineurs qui pourront bénéficier du tiers payant pour les actes associés à la prescription de contraceptifs.

Enfin, nous nous fixons comme quatrième priorité de mener une politique du médicament qui soit plus efficiente : nous souhaitons en effet mieux réguler la consommation de médicaments en favorisant le développement des génériques et en rendant plus transparente la politique des génériques. Nous allons également ouvrir un répertoire des biosimilaires, qui sont la copie des médicaments biologiques, afin de favoriser la substitution de ces produits lors de l’attribution d’un traitement, et allons engager l’expérimentation de la délivrance à l’unité de certains médicaments – à commencer par les antibiotiques – par les pharmacies d’officine.

Le PLFSS pour 2014 traduit ainsi nos priorités en matière de réforme structurelle de notre protection sociale.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Afin de permettre aux autres ministres ici présentes de s’exprimer et aux parlementaires de les interroger, j’irai à l’essentiel en rappelant quelques chiffres ainsi que l’esprit qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi.

Nous avons tout d’abord eu la volonté de faire de ce texte un instrument de maîtrise de nos comptes sociaux en cohérence avec notre stratégie en matière de finances publiques. Nous nous sommes en effet inscrits dans une trajectoire de réduction de nos déficits, conformément à l’engagement pris par le Président de la République devant les Français et les institutions de l’Union européenne. Je rappellerai quelques chiffres afin que chacun ait la garantie que les efforts exigés aboutissent aux résultats escomptés : lors de notre arrivée en 2012, le déficit nominal s’élevait à 5,3 % du PIB. Or, au terme des mesures que nous avons prises dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2012, ce chiffre a été ramené à 4,8 %. Il sera de 4,1 % en 2013 et nous l’évaluons à 3,6 % pour 2014 – ce qui correspond bien à une trajectoire de diminution continue. Je vous le confirme donc : nos déficits diminuent. Quant à notre effort structurel, il est passé de 1,2 % en 2012 à 1,7 % en 2013 et sera de 1 % en 2014. Nous nous conformons donc bien à la volonté de respecter cette trajectoire de rétablissement de nos comptes.

Quant à nos comptes sociaux, la situation que le Gouvernement a trouvée à son arrivée était préoccupante, avec près de 160 milliards d’euros de déficits accumulés entre 2002 et 2012 et un record de déficit de 28 milliards d’euros atteint en 2010 malgré une croissance de 1,6%. Or, en 2013, le déficit de la sécurité sociale sera réduit de 1,3 milliard. L’ONDAM a été sous-exécuté à hauteur de 1 milliard d’euros en 2012 et il le sera de 500 millions en 2013, ce qui nous permet de projeter une économie de 3 milliards pour 2014. Nous visons donc l’an prochain à consolider cette stratégie de réduction des déficits publics et de maîtrise des comptes sociaux. Et nous pouvons nous appuyer pour cela sur les résultats enregistrés en 2012 ainsi que sur les premiers résultats de 2013.

J’insisterai sur la cohérence de la trajectoire que nous poursuivrons d’ici à la fin du quinquennat et que traduit le PLFSS pour 2014. Notre premier objectif consiste à assurer la soutenabilité et la pérennité de notre système de protection sociale en poursuivant la maîtrise de nos comptes. Le deuxième vise à faire en sorte que cette stratégie n’obère pas la croissance et l’emploi. Enfin, le troisième objectif consiste à nous permettre d’afficher une ambition de progrès social et de renforcement des politiques de solidarité à l’égard des plus démunis.

Première idée : assurer la soutenabilité et la pérennité du système. C’est l’objectif que nous nous fixons pour 2014 en accentuant la maîtrise de nos comptes sociaux. Notre effort global sera ainsi l’an prochain de 8,5 milliards d’euros, ce qui permettra une diminution de l’ordre de 3,4 milliards du déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse et portera le déficit global à 12,8 milliards. Nous y parviendrons en réalisant une économie de 3 milliards d’euros sur l’ONDAM grâce à une sous-exécution de 500 millions en 2012 et à une économie de 2,5 milliards résultant de la maîtrise du taux de croissance de l’ONDAM – 2,4 %. Nous réalisons également une économie sur la branche famille afin d’en combler le déficit, laissé à hauteur de 2,5 milliards, par une modification du quotient familial ainsi que par des économies à hauteur de 760 millions, dont 200 millions sont inscrits dans le PLFSS pour 2014. Certaines économies résulteront en outre de la modernisation des caisses dans le cadre des contrats d’objectifs et de gestion et de la réforme des retraites – à hauteur de 1 milliard d’euros, grâce au différé d’indexation de six mois des retraites du régime général, et d’un autre milliard au terme de la négociation entre les partenaires sociaux dans le cadre du régime AGIRC-ARRCO.

Quant à la modification du quotient familial, non seulement elle contribue au rétablissement des comptes de la branche famille, mais elle permet de financer des politiques prioritaires en faveur des plus démunis : augmentation de 50 % du complément familial et de 25 % de l’allocation de soutien familial sur la durée du quinquennat, création de 270 000 places d’accueil pour les jeunes enfants. Des mesures de cotisation sont aussi prévues pour rétablir les comptes de la branche vieillesse. Quant à la fiscalisation de la contribution des entreprises au financement de la complémentaire santé, elle permettra de relever le plafond de ressources pour l’obtention de la CMU-C – 750 000 personnes supplémentaires pourront ainsi accéder à une couverture complémentaire – et d’assurer la généralisation de ces complémentaires dans le cadre d’accords collectifs avec la volonté de développer les contrats responsables.

Deuxième objectif : faire en sorte que ces mesures favorisent la croissance et l’emploi. Lorsque nous décidons de compenser la cotisation patronale destinée au financement des retraites, il s’agit de faire en sorte que la diminution du coût du travail visée par l’instauration du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ne soit pas remise en cause par la réforme de rétablissement des comptes des régimes de retraite que nous avons engagée. Lorsque nous décidons, par le biais de la branche famille, de développer les conditions d’accueil des jeunes enfants, c’est afin d’aider au travail des Français ne trouvant pas toujours de solutions de garde qui répondent à leurs attentes. Et si nous prenons les mesures précitées d’économie et de rétablissement des comptes publics, c’est afin d’assurer notre souveraineté face aux marchés, c’est-à-dire d’éviter un dérapage des taux d’intérêt qui aurait des effets récessifs au moins aussi importants que des mesures drastiques de rétablissement des comptes.

Enfin, troisième objectif : le progrès social. Les dispositions que nous proposons visent à financer des mesures de solidarité dans le cadre du plan de lutte contre la grande pauvreté, à trouver des solutions d’accueil qui n’existaient pas jusqu’à présent, à mieux prendre en compte la pénibilité dans le cadre de la réforme des retraites et à développer le recours aux complémentaires santé.

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Je salue ce projet de loi volontariste non seulement parce qu’il vise au rétablissement de l’équilibre des comptes sociaux, mais aussi parce qu’il traduit l’engagement de réformes structurelles. En effet, si la question de la réforme du financement de la protection sociale reste posée – le Haut conseil pour le financement de la protection sociale ayant d’ailleurs engagé une réflexion sur le sujet –, les mesures significatives prises dès cette année dans le cadre de la réforme des retraites et de la branche famille nous permettront d’enregistrer une diminution de nos déficits. Il est vrai que pour la première année, ces mesures consistent surtout en des recettes supplémentaires, mais elles portent aussi sur les dépenses dans la mesure où elles prévoient l’ajustement aux besoins de certaines prestations. Des dispositions sont aussi prévues pour lutter contre la grande pauvreté.

S’agissant de la branche maladie, aucune mesure de déremboursement ou de forfait supplémentaire n’est prévue. Il n’empêche que certains s’interrogent quant à la réalité de l’accès à la complémentaire santé des catégories les plus modestes. Quelle sera, madame la ministre, la définition de ce contrat complémentaire responsable ? Nos compatriotes les plus modestes pourront-ils accéder à des contrats couvrant suffisamment leurs besoins en matière d’assurance maladie ?

Il conviendrait par ailleurs de faciliter l’accès de nos compatriotes aux prestations dentaires, à l’optique et aux prothèses auditives, dont le coût excessif dissuade certains d’y recourir.

Nous avons par ailleurs largement évoqué l’an dernier la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) : j’avais notamment déposé un amendement ayant pour objet d’en affecter le produit au financement de la prise en charge de la dépendance et donc à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Si vous comptez maintenir les modalités actuelles d’affectation en 2014, pourriez-vous nous assurer que les réserves supplémentaires dont vous avez constaté l’existence au sein de la CNSA seront bien destinées à la prise en charge de la dépendance ?

S’il est vrai que les réformes que vous avez engagées faciliteront la gestion de la dette des branches famille et vieillesse, une revendication subsiste quant à la dette du régime agricole : pourrait-on envisager à l’avenir d’étendre à ce régime la reprise de dette confiée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) dans la limite de 10 milliards d’euros par an ?

Enfin, l’an dernier, le Parlement avait adopté avec votre accord une mesure de taxation des boissons énergisantes qui a été censurée par le Conseil constitutionnel. Or, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) a depuis lors publié des données nouvelles sur le sujet : quelle serait votre position si nous redéposions un nouvel amendement, à visée comportementale et sanitaire, tendant à taxer ce produit de consommation ?

M. Christian Paul, rapporteur pour l’assurance maladie. Je constate tout d’abord que les comptes sociaux seront tenus en 2014, que la stratégie nationale de santé est désormais en application et que nous entrons dans le vif des réformes. Et si l’ONDAM est fixé à 2,4 % pour 2014, c’est au prix d’un effort d’économie considérable : comment faire en sorte que ces baisses de coût – notamment en ce qui concerne le secteur des médicaments – soient justement ciblées et aient des effets soutenables ?

Tout en étant favorable à l’adoption de ce PLFSS, je souhaiterais vous poser quelques questions d’ordre technique. S’agissant, tout d’abord, de la stratégie nationale de santé, serait-il possible d’accorder un financement dérogatoire aux protocoles de coopération entre les professionnels de santé afin d’assurer la viabilité de leur modèle économique – en particulier en ville ? Pourrait-on insérer par voie d’amendement une référence aux pharmaciens d’officine dans le cadre des expérimentations de télémédecine ?

Le tiers payant sera désormais intégral pour les consultations concernant la contraception des femmes mineures et bientôt tous les ménages bénéficiaires de l’ACS. Plus globalement, quels seront le calendrier et les modalités de mise en œuvre de la généralisation du tiers payant ? J’insiste sur la nécessité d’établir un système simple et sécurisant pour les professionnels de santé, d’une part, et pour l’assurance maladie et les complémentaires, d’autre part.

Je soulignerai la continuité de l’action menée par Mme la ministre pour favoriser les formes d’exercice regroupé et le travail en équipe – mesure très importante dans le cadre du nouveau modèle des maisons et centres de santé pluridisciplinaires. L’article 45 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2013 renvoyait à un accord conventionnel interprofessionnel le soin de définir la rémunération du travail en équipe. Or, ces négociations ayant tardé, vous proposez de compléter cet article pour prévoir la possibilité d’édicter un règlement arbitral en cas d’échec de celles-ci. Une telle mesure me paraît bienvenue pour mobiliser les partenaires sociaux et les inciter à négocier au plus vite. Plus généralement, dans tous les domaines relevant de la stratégie nationale de santé, il nous faut à la fois respecter le cadre conventionnel et faire avancer les réformes à bon rythme.

Le financement des centres de santé entre dans le champ de cet accord, mais la participation de ces derniers aux négociations n’est pas totalement garantie : seriez-vous favorable à ce qu’elle soit obligatoire ? Seriez-vous en outre favorable – comme le recommande l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) – à l’instauration d’une équité de rémunération avec les médecins libéraux, par la transposition de dispositions applicables à ces derniers, à une renégociation de l’accord de 2003 entre les centres de santé et l’assurance maladie, et à l’édiction d’un règlement arbitral en cas d’échec ? En effet, l’option de coordination est trop complexe à utiliser dans les faits.

Ce PLFSS amorce également une réforme fondamentale de la protection sociale complémentaire visant à en faire bénéficier plus de 2,5 millions de Français, dont les plus démunis. Il conviendra cependant de préciser plusieurs points du texte. Ainsi, la limitation de la prise en charge par les complémentaires, en cas de dépassement d’honoraires, devra-t-elle tenir compte, d’une part, de l’avenant 8 signé l’an dernier, qui tend à exercer un effet de régulation sur les complémentaires, et, d’autre part, du contrat d’accès aux soins ? En outre, le panier de soins garantis devra prendre en compte les dépenses de santé dans des domaines insuffisamment remboursés aujourd’hui. Il est fait mention dans le texte des soins dentaires, mais pas des soins d’optique et des audioprothèses alors que le renoncement à ce type de soins est très fréquent : seront-ils intégrés à ce panier de soins ? Seront-ils par exemple assimilés aux « dispositifs médicaux » mentionnés dans le texte ou faudra-t-il les y ajouter par voie d’amendement ? Afin d’améliorer la qualité des contrats proposés aux bénéficiaires de l’ACS, vous avez proposé de recourir à des appels d’offre : nous sommes favorables à cette méthode puisque la labellisation a échoué au cours des années précédentes. Cependant, la manière dont ces appels d’offre seront lancés devra permettre de continuer à garantir le choix d’un prestataire de proximité aux bénéficiaires des complémentaires.

Enfin, si chacun s’accorde à dire que la fiscalité des complémentaires doit être revue, la loi de finances ne prévoit à ce jour que l’intégration des cotisations patronales dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. Nous souhaitons donc connaître, avant tout vote sur le sujet, le schéma global retenu par le Gouvernement, qu’il s’agisse de l’usage des ressources ainsi dégagées ou plus généralement de la fiscalité des complémentaires. Nous souhaiterions notamment instaurer un traitement nettement distinct entre la fiscalité des contrats responsables et celle des autres types de contrat, en diminuant la première et en augmentant la seconde. S’agissant des établissements de santé et des hôpitaux, il convient de mettre fin au plus vite aux excès de la tarification à l’activité. Le Gouvernement propose de rendre les tarifs dégressifs au-delà d’un certain volume d’activité. Si cette approche est intéressante, elle ne saurait être déconnectée d’une analyse de la pertinence des actes exécutés. Enfin, quel rôle les agences régionales de santé auront-elles à jouer dans ce cadre ?

Mme Martine Pinville, rapporteure pour le secteur médico-social. Si nous partageons le souci du Gouvernement de maîtriser les dépenses et de redresser nos comptes, je me félicite que, dans le même temps, l’ONDAM médicosocial ait été maintenu à hauteur de 3 %.

S’agissant des personnes âgées, nous avons instauré au 1er avril dernier une contribution de solidarité pour l’autonomie (CASA). Quelles seront les grandes lignes du futur projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement et à la perte d’autonomie ? Par ailleurs, peut-on envisager des projections pluriannuelles sur l’évolution attendue de la part de la CNSA dans le financement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) – part qui décroît chaque année – afin d’offrir une plus grande visibilité aux co-financeurs de cette allocation ? Enfin, qu’en est-il de la réforme de la tarification des soins à domicile actuellement en cours ?

En ce qui concerne les personnes handicapées, quelles sont les perspectives du troisième plan autisme lancé cette année ? Quelles mesures comptez-vous prendre en 2014 à la suite de la réunion, pour la première fois il y a quelques jours, du Comité interministériel du handicap ?

M. Michel Issindou, rapporteur pour l’assurance vieillesse. On ne peut que souscrire à l’objectif de réduction des déficits poursuivi par le Gouvernement. L’essentiel des enjeux de la branche vieillesse se trouvant dans le projet de loi portant réforme des retraites actuellement débattu en séance publique, je me contenterai ici de relever les quelques éléments figurant dans le PLFSS.

En termes de recettes, le texte prévoit la réintégration dans l’assiette des prélèvements sociaux de la part des dividendes excédant 10 % du capital social perçus par des travailleurs agricoles – ce qui permettra d’améliorer sensiblement le niveau de retraite des agriculteurs et de le porter à 75 % du SMIC. Le PLFSS instaure par ailleurs une cotisation déplafonnée pour le régime social des indépendants (RSI), permettant son alignement sur le régime général. Il s’agit d’une mesure de justice – souvent réclamée par l’opposition – puisque le RSI, le régime de la Mutualité sociale agricole (MSA) et le régime général sont aujourd’hui alignés en matière de retraites. Quant aux transferts de recettes, le PLFSS prévoit l’affectation au FSV de la réserve existant au titre de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S).

S’agissant des dépenses, si l’essentiel se trouve dans le projet de loi portant réforme des retraites actuellement en cours d’examen, le PLFSS comprend néanmoins quelques mesures de tuyauterie telles que les contributions du régime général, du régime agricole et du RSI à la réduction des déficits du Fonds de solidarité vieillesse.

M. Laurent Marcangeli, rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP). Je tiens tout d’abord à souligner le caractère déplorable de nos conditions de travail : nous n’avons en effet pu consulter les documents nécessaires à un examen serein du PLFSS. Nous avons cependant choisi d’agir de façon responsable en participant malgré tout à cette réunion. Je vous transmettrai donc les enseignements que j’ai tirés des auditions que j’ai menées sur ce texte pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

La loi ayant institué le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) – qui permet une indemnisation intégrale et rapide des dommages subis par les personnes atteintes d’une affection causée par l’amiante – prévoit le financement de celui-ci par une dotation annuelle de l’État en loi de finances ainsi que par un transfert de la branche AT-MP voté chaque année en loi de financement de la sécurité sociale. Ce double financement reflète l’existence d’une double responsabilité dans le drame de l’amiante : d’une part, celle des acteurs économiques ayant utilisé ce matériau peu coûteux mais dangereux – raison pour laquelle la branche AT-MP participe à une très grande part du financement du fonds – ; d’autre part, celle de l’État qui a longtemps failli à ses obligations en matière de santé publique et qui a également tiré profit de l’amiante en tant que maître d’ouvrage ou acteur industriel. Or, pour la deuxième année consécutive, l’État n’a prévu aucun financement du FIVA en loi de finances alors même que la contribution demandée à la branche AT-MP dans le PLFSS passe de 115 à 435 millions d’euros. Un tel désengagement de l’État est totalement inhabituel. Envisageriez-vous de reconsidérer votre position et de prévoir un financement de l’État en loi de finances, ce qui permettrait de diminuer d’autant celui de la branche AT-MP ?

Par ailleurs, nous débattons actuellement en séance publique de la création du compte de prévention de la pénibilité. Or, lors des auditions que j’ai conduites, les partenaires sociaux les plus impliqués en matière de risques professionnels ont souligné leur incompréhension du mécanisme proposé. Il conviendrait donc de renvoyer à la négociation entre les partenaires sociaux le soin de revoir ce dispositif mal conçu. Les acteurs de la branche AT-MP s’inquiètent en outre des effets de la création de ce compte sur le fonctionnement de leurs services dans les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT). En effet, vous prévoyez de confier sa gestion à la branche vieillesse. Or, on voit mal comment un sujet concernant aussi intimement la garantie des risques professionnels n’aurait aucune d’incidence sur le travail des ingénieurs conseil et des contrôleurs de sécurité des CARSAT. Les caisses pourraient alors se retrouver condamnées à ne plus faire que de la gestion de compte et du contentieux, au détriment de leur mission de prévention.

Enfin, il conviendrait de garantir l’effectivité des recours engagés par les entreprises contre les décisions des caisses fixant des tarifs AT-MP erronés. De fait, la procédure de rectification de ces tarifs par les tribunaux étant souvent fort longue, l’URSAFF tend à opposer aux demandes de remboursement fondées sur une décision de justice la prescription triennale prévue par l’article L. 243-6 du code de la sécurité sociale si bien que certaines sommes indûment versées ne sont jamais remboursées, fragilisant ainsi la légitimité de notre système ainsi que sa légalité au regard du droit européen. Dans son dernier rapport annuel, la Cour de cassation a donc invité le législateur à conférer aux actions engagées en matière de tarification un effet interruptif de la prescription applicable aux cotisations, en spécifiant expressément que dans ce cas, le remboursement peut porter sur l’ensemble de la période à laquelle s’appliquent les bases de cotisations rectifiées. Quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour la famille. Ce projet de loi confirme la détermination du Gouvernement à pérenniser le financement de notre politique familiale et, pour la première fois depuis 2007, les comptes de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) seront améliorés de façon significative l’an prochain.

Ce redressement se fonde d’abord sur l’apport de recettes nouvelles, au premier rang desquelles figure l’affectation à la branche famille du produit de la baisse du plafond de l’avantage tiré du quotient familial. Dire que cette mesure frappera les familles des classes moyennes c’est donner une définition particulièrement extensive de ces familles, qui engloberait la presque totalité des deux déciles de revenus les plus élevés. Afin de clarifier le débat, pourriez-vous nous rappeler quels seront les niveaux de revenus effectivement mis à contribution ?

Quant au panier de recettes fiscales supplémentaires apportées à la CNAF, outre le produit issu de la réforme du quotient familial, la branche famille se verra également compenser la baisse de 0,15 point des cotisations « famille » payées par les entreprises, dont l’objectif est d’éviter une hausse du coût du travail. Je rappelle que le financement de la branche famille fut fortement fragilisé en 2011, à l’initiative du précédent gouvernement, lorsque, en remplacement de 0,28 point de CSG affecté à la CADES, la CNAF se vit attribuer les recettes d’impôts et taxes nettement moins dynamiques, voire des recettes appelées à s’éteindre, comme le préciput d’assurance-vie dont le rendement baisse de 200 millions d’euros par an et disparaîtra en 2020. Compte tenu de ce précédent regrettable, pourriez-vous nous confirmer que le panier de recettes affecté à la CNAF sera constitué de taxes pérennes dont l’assiette et le rendement seront aussi dynamiques que ceux des recettes qu’elles remplacent ?

Enfin, s’agissant de l’amélioration du caractère redistributif des prestations familiales, chacun s’accordera sur le fait que la diminution du taux de pauvreté des enfants est un objectif de justice impérieux se trouvant au cœur de notre politique familiale. En effet, l’expérience de la pauvreté dans l’enfance expose à des risques accrus de précarité au cours de la vie d’adulte. En soutenant le revenu des familles les plus modestes, on poursuit donc un objectif éminemment républicain d’égalité des chances entre les enfants. Une telle action suppose que les prestations familiales soient suffisamment ciblées sur les familles pauvres élevant des enfants pour que ceux-ci soient socialisés de façon précoce grâce à un placement en établissement collectif et puissent accéder à des dispositifs d’accompagnement périscolaire et à des structures de loisir de qualité.

Sur l’ensemble de ces aspects, quel est l’effet attendu des mesures du PLFSS et de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion de la CNAF ?

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. En 2014, l’ONDAM médicosocial augmentera de 3 % pour les personnes handicapées comme pour les personnes âgées. Nous poursuivrons ainsi la politique, entamée en 2009, de rattrapage du secteur médicosocial sur le secteur sanitaire.

L’ONDAM spécifique aux personnes en situation de handicap augmentera de 3,1 % car, au-delà de l’ONDAM médicosocial, nous sommes parvenus à dégager deux autres sources de financement. La première, d’un montant équivalent à celui de l’an dernier – soit 1 milliard d’euros –, provient de la CASA. La seconde consiste en un prélèvement sur les réserves de la CNSA à hauteur de 70 millions d’euros dont 35 millions d’euros au profit des personnes handicapées. Nous disposerons donc au total de 2,3 milliards d’euros – soit une hausse de 3,45 % des crédits à destination des personnes handicapées, par rapport à 2013.

Ces recettes permettront tout d’abord la reconduction de la hausse de la masse salariale des établissements médicosociaux – à hauteur de 1,1 %, soit une hausse moindre que celle de 1,4% de l’an dernier qui visait à donner un coup de pouce à des professions sur le point de perdre énormément de pouvoir d’achat. En accordant à ces établissements une somme de 86 millions d’euros supplémentaires en 2014, nous continuerons à soutenir le glissement vieillissement technicité (GVT), l’augmentation du SMIC et l’ensemble de nos obligations dans ce secteur.

Nous continuons également à créer des places en établissement médicosocial, comme cela fut engagé lors des plans précédents. Cette année, 3 000 places ont été créées. En 2014, en rythme de croisière, nous devrions en créer 3 000 ou 4 000 même si nous ne pouvons prévoir ce chiffre avec exactitude dans la mesure où il dépend des propositions qui sont adressées aux agences régionales de santé. Nous portons donc les crédits de cette politique de 150 millions en 2013 à 200 millions d’euros en 2014.

Comme promis, nous engageons dès 2014 la première partie du plan autisme auquel nous affectons 8 millions d’euros. Ces crédits seront notifiés aux ARS de manière à lancer l’opération de scolarisation en maternelle et à renforcer le réseau des centres d’action médicosociale sur l’ensemble du territoire. Nous consacrerons à ce plan 21,4 millions d’euros en 2015, 60,4 millions d’euros en 2016 et 105,4 millions d’euros en 2017.

En outre, l’investissement continue d’être une priorité pour le Gouvernement : nous affectons ainsi 50 millions d’euros au plan d’aide à l’investissement de la CNSA, dont la majeure partie est destinée aux personnes âgées mais dont 30 % seront affectés aux personnes en situation de handicap.

Nous portons également une attention spécifique à des handicaps particuliers tels que le handicap psychique et les traumatismes crâniens : nous financerons ainsi les groupes d’entraide mutuelle à hauteur de 29 millions d’euros en 2014, soit davantage que les 27 millions accordés en 2013. Il ne s’agit certes pas d’établissements médicosociaux, mais ces structures accompagnent des personnes extrêmement soutenues par les associations.

Cela dit, l’essentiel de la politique menée en faveur du handicap ne saurait se résumer au PLFSS qui vous est proposé aujourd’hui car les financements sont multiples. Et la réunion récente du Comité interministériel sur le handicap (CIH) illustre bien le fait que ce sont tous les ministres dans leur ensemble qui, à l’intérieur de leur champ de compétences, financent cette politique – comme il se doit dans une société inclusive. De nombreux aspects relèvent en outre de la négociation entre les partenaires sociaux, à qui nous avons notamment demandé de faire en sorte que les parents découvrant que leur enfant est atteint d’un handicap puissent bénéficier d’un nouveau droit à une formation adaptée de trois à six jours pendant trois ans. Nous instaurerons également la gratuité totale des transports pour les enfants pris en charge par les centres d’action médicosociale (CAMS) et les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), quelle que soit la distance qu’ils auront à parcourir. Plus généralement, je suis tout à fait disposée à vous apporter des réponses complémentaires par écrit sur le CIH dont l’objet dépasse notre débat d’aujourd’hui.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Je commencerai par vous rassurer : le produit issu de l’abaissement du plafond du quotient familial sera intégralement affecté à la branche famille. Et seulement 13 % des foyers fiscaux ayant des enfants mineurs à charge ou des majeurs rattachés seront concernés par l’abaissement du plafond du quotient familial. Ainsi, une famille de deux enfants ne sera affectée par la mesure que si son revenu est supérieur à 5 800 euros par mois. En outre, une famille de deux enfants dont le revenu est de 6 500 euros par mois bénéficiera de 3 000 euros de réduction d’impôt au titre du quotient familial, contre 4 000 euros actuellement. Cela représente une baisse de 83 euros par mois. Et une famille dont le revenu est de 6 000 euros par mois verra sa réduction d’impôt diminuer de 250 euros, soit de 21 euros par mois. N’oublions pas qu’avant que nous n’abaissions ce plafond, la politique familiale rapportait 342 euros par mois à un couple bi-actif qui gagnait un peu moins de 2 000 euros par mois, mais 516 euros par mois à un couple bi-actif qui gagnait 8 000 euros par mois. La réforme illustre donc bien notre volonté de rendre le système plus redistributif et plus juste.

La CNAF percevra la totalité des gains de cette mesure et se verra également compenser par l’État l’intégralité de la baisse de la cotisation patronale affectée à la branche famille. Et la pérennité des ressources finançant cette compensation est indubitable.

Enfin, afin de renforcer le caractère redistributif des prestations familiales, nous proposons de revaloriser de 50 % le montant du complément familial dont bénéficient les familles de trois enfants et plus – l’objectif étant d’aider les familles modestes et les plus démunies. Il a également été fait référence à l’augmentation de l’allocation de soutien familiale qui concerne les familles monoparentales, de plus en plus nombreuses aujourd’hui et dont le niveau de vie est inférieur à la moyenne. Je citerai également, comme autre mesure traduisant notre volonté de mener une politique familiale plus juste, la possibilité pour les familles faisant appel à une assistante maternelle de bénéficier désormais du tiers payant. Toutes ces dispositions visent à aider financièrement l’ensemble des familles modestes et à apporter une solution au problème du trop important taux de pauvreté des enfants en France. Nous souhaitons mener une politique familiale qui soit plus redistributive et plus juste tout en fournissant simultanément un effort substantiel en faveur des services à la famille, notamment avec la création sur cinq ans de 275 000 places d’accueil pour les enfants de 0 à 3 ans – mesure qui concerne cette fois l’ensemble des familles, quel que soit leur niveau de ressources.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Dans un objectif de maîtrise des comptes sociaux, une part du produit de la CASA sera affectée au FSV. Pour autant nous respecterons les engagements pris par le Président de la République en janvier et réaffirmés il y a peu par le Premier ministre : le projet de loi sur l’autonomie des personnes âgées sera rédigé d’ici à la fin de l’année et soumis à l’examen du Parlement dans le courant de l’année 2014 ; la CASA permettra de financer la montée en charge progressive du dispositif en dépit d’un contexte budgétaire extrêmement contraint.

Avec une contribution qui a augmenté cette année de 2,7 points, les concours de la CNSA aux départements restent stables, à hauteur de 30,7 %. C’est la modification des règles de péréquation qui peut donner l’impression d’une réduction de ces concours, les départements les plus riches bénéficiant d’une moindre contribution. En plus de cette contribution, une dotation de l’État, d’un montant de 827 millions d’euros, prévue par le pacte de confiance et de responsabilité, doit permettre de pallier les difficultés de financement de la prestation de compensation du handicap (PCH), du RSA et de l’APA. À cela s’ajoute la faculté d’augmenter les droits de mutation pour les départements qui le jugeraient nécessaire.

Comme vous le savez, une réforme de la tarification des soins à domicile est engagée depuis 2007. L’entreprise est complexe, s’agissant de mettre en place des outils de tarification et des référentiels permettant de mieux définir les missions et les prestations des services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD. Ces travaux doivent désormais s’inscrire dans la refonte de l’aide à domicile que nous avons engagée avec les départements. Dans ce domaine, le ministère en est pour l’instant au stade de la proposition, de l’expérimentation et de l’évaluation.

M. le ministre délégué. Vous n’ignorez pas que la CASA est, depuis son institution par la loi de financement de la sécurité sociale de 2013, affectée à la CNSA. Son affectation restera inchangée en 2014, cette recette ayant vocation à financer la prise en charge de la perte d’autonomie et l’adaptation de la société au vieillissement. Le Président de la République et le Gouvernement ont fixé des échéances claires : le projet de loi sur la dépendance doit être élaboré d’ici à la fin de l’année pour être voté au cours de l’année 2014. Il y aura donc peu, voire aucune nouvelle dépense en 2014 au titre de cette réforme : un accroissement des réserves de la CNSA en 2014 n’aurait aucun sens, à un moment où le financement de la sécurité sociale connaît des difficultés. Les dépenses qui pourraient être générées par la mise en œuvre de la réforme à la fin de l’année 2014 pourront être financées par les réserves de la CNSA. Je tiens à vous rassurer : il n’y a pas, contrairement à ce que certains articles de presse affirment, une volonté du Gouvernement de détourner vers d’autres budgets des fonds ayant vocation à servir au financement de la dépendance. Ces réserves ne financeront rien d’autre que le dispositif qui doit être adopté par le Parlement dans les mois à venir, sinon certaines mesures relatives au troisième âge – tel le financement de maisons de retraite.

Les réformes que nous engageons, monsieur Bapt, ainsi que les mesures d’économie que nous vous proposons rendent inutile une mesure globale de reprise d’une partie significative de la dette sociale. La réduction du déficit de la branche vieillesse via la réforme des retraites, en particulier, permettra de réduire la dette de la branche famille et de l’assurance maladie à hauteur de 4 milliards, ce qui n’est pas négligeable.

S’agissant de la fiscalisation de la participation de l’employeur aux contrats complémentaires santé collectifs, notre volonté est de nous inscrire dans un dispositif global de généralisation de l’accès à la couverture complémentaire. Ce dispositif fiscal doit notamment permettre de favoriser les contrats responsables via l’alourdissement de la fiscalité pesant sur les autres contrats.

Je reconnais que le projet de loi ne traite pas de la dette du régime agricole, la priorité étant accordé au financement de l’ACOSS, dont les besoins de trésorerie dépasseront 31 milliards d’euros en 2014, contre 3,5 milliards pour la mutualité sociale agricole. Sortir la dette des comptes de la MSA supposerait de l’intégrer dans le champ de la reprise des déficits vieillesse votée en 2010, comme nous vous le proposons pour les déficits maladie et famille. Cela réduirait d’autant la possibilité de transférer à la CADES une partie du déficit de la CNAMTS et de la CNAF et accroîtrait encore les besoins de financement de l’ACOSS.

Plus généralement, les dispositions relatives aux retraites agricoles sont financées par une mesure inscrite en PLFSS et par un relèvement à venir de la cotisation au régime complémentaire agricole.

Mme la ministre Marisol Touraine. C’est précisément parce que les tarifs actuels des soins d’optique ne sont pas acceptables, monsieur Bapt, que j’ai engagé la mise en place d’un plan d’encadrement de ces prix.

S’agissant du médicament, monsieur Paul, les mesures d’économie que nous proposons ne risquent pas de compromettre l’innovation, les deux tiers d’entre elles portant sur des produits ayant perdu leur brevet. Elles s’inscrivent dans le cadre de la politique conventionnelle ; elles concernent principalement la médecine de ville, et l’hôpital via le dispositif de la liste en sus.

Je ne suis pas a priori opposée à ce que le PLFSS aille plus loin dans la réorganisation de la médecine ambulatoire dans le cadre de la stratégie nationale de santé, notamment en élargissant le champ d’expérimentation de la télé-médecine aux pharmaciens.

J’ai indiqué souhaiter que les négociations conventionnelles interprofessionnelles s’engagent dès le début de l’année 2014, les professionnels de santé s’étant désormais approprié les nouveaux modes de rémunération, dont il s’agit désormais d’assurer l’extension. Il va de soi qu’en cas de carence, les pouvoirs publics assumeraient leurs responsabilités.

Je souhaite que le tiers payant soit généralisé à l’ensemble des bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé avant la fin de l’année prochaine, et à l’ensemble de nos concitoyens au plus tard en 2017. Nous pourrions même, selon certains de nos interlocuteurs, envisager d’aller plus vite. En tout état de cause, j’annoncerai avant la fin de l’année un plan de déploiement précis, avec l’établissement d’une feuille de route et la nomination d’un chef de projet.

J’ai dit la semaine dernière, devant le Congrès national des centres de santé, qu’il me semblait nécessaire que les centres de santé soient intégrés à la négociation interprofessionnelle sur les rémunérations d’équipes, et plus généralement qu’ils soient associés à la définition de la politique de rémunération des professionnels de santé. On peut envisager que la loi prévoie expressément cette possibilité, même si cela n’est pas nécessaire.

L’extension aux centres de santé de l’ensemble des éléments de rémunération applicables aux professionnels me semble aller dans le sens souhaité : celui d’une transformation des modes de rémunération ayant pour but de valoriser la rémunération sur objectifs de santé publique et celle d’équipes pluriprofessionnelles. À partir du moment où les centres de santé s’inscrivent dans cette perspective, il est logique qu’ils perçoivent les rémunérations liées à ce type d’activités.

La modification du cahier des charges des complémentaires santé « responsables » vise à permettre une meilleure régulation des dépenses de santé. Ainsi, les dépassements d’honoraires définis comme abusifs par l’avenant n° 8 n’ont pas vocation à être couverts dans le cadre de contrats complémentaires. La loi fixera les critères, et sur cette base un décret, pris après négociation avec l’ensemble des partenaires concernés au premier trimestre de l’année prochaine, définira les règles applicables.

Je rappelle que les bénéficiaires de l’ASPA ont déjà droit à l’aide à la complémentaire santé : le texte vise simplement à leur faciliter le recours à ce dispositif. De la même façon, le projet de loi tend à simplifier l’accès de certains publics, notamment des étudiants isolés, à la couverture maladie universelle complémentaire. Ce sont là des avancées significatives.

L’impact du compte pénibilité, qui doit être mis en place dans le cadre de la réforme des retraites, sur les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) sera examiné dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion de la branche AT-MP. Ce sujet donnera lieu à une concertation avec les partenaires sociaux dans le courant de l’année 2014. Je vous rappelle que ce dispositif doit être mis en place en 2014 afin d’être opérationnel au 1er janvier 2015.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Le groupe socialiste souhaite faire trois observations.

Premièrement l’effort de maîtrise des comptes sociaux, qui doit permettre de ramener le déficit de la sécurité sociale au niveau qui était le sien avant la crise, est couplé à un choix politique clair, celui de préserver les droits des assurés, qui contraste avec les politiques menées ces dix dernières années. Il n’y aura donc pas de nouvelles mesures de déremboursement, mais au contraire une reconquête sélective de l’assurance maladie.

Deuxièmement, ce PLFSS est une première étape dans la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé, comportant des mesures très fortes qui s’inscrivent dans une vision de long terme d’une politique de santé, de l’organisation de notre système de soins et des objectifs de réduction des inégalités en matière d’accès aux soins : la poursuite des expérimentations des nouveaux modes de rémunération, la généralisation du tiers payant, la réforme de la T2A, la généralisation de la complémentaire santé, etc.

Troisièmement, ce PLFSS s’inscrit dans une réflexion globale sur le financement de notre protection sociale, que vous avez entamée en commandant un rapport sur ce sujet au Haut Conseil de financement de la protection sociale.

Les interrogations du groupe socialiste portent sur trois points qui lui semblent fondamentaux.

Nous souhaiterions disposer d’une plus grande visibilité sur le futur projet de loi sur l’autonomie. Nous voudrions notamment que vous nous confirmiez que la CNSA sera bien abondée à hauteur de 600 millions d’euros en 2014 et que ces réserves ne seront pas affectées à d’autres fins qu’au financement de cette loi.

Nous souhaitons par ailleurs plus d’informations sur la généralisation du tiers payant au-delà des bénéficiaires de l’ACS.

S’agissant enfin de la généralisation de la complémentaire santé, il conviendrait de communiquer davantage sur le relèvement au 1er juillet du plafond de ressources à ne pas dépasser pour bénéficier de la CMU-C et de l’ACS, qui permettra à 750 000 personnes supplémentaires de bénéficier d’une complémentaire santé. Nous voudrions également souligner la nécessité de réfléchir dès à présent aux modalités d’une généralisation de la couverture complémentaire au-delà des bénéficiaires de l’ACS.

M. Jean-Pierre Door. Ce débat est ubuesque : cela fait plus d’une heure et demie que nous sommes réunis, et nous ne disposons toujours pas du texte du projet, contrairement à ce que vous nous aviez annoncé, madame la présidente.

Mme la présidente Catherine Lemorton. J’ai au contraire exprimé mon insatisfaction sur ce point, monsieur Door.

M. Jean-Pierre Door. Avec vous, mesdames et monsieur les ministres, la sécurité sociale n’a pas fini d’être malade. Ce PLFSS laisse entier le problème du déficit de l’assurance maladie, en dépit des recommandations pressantes de la Cour des comptes qui vous indiquait pourtant des gisements d’économies potentielles, surtout dans la gestion des hôpitaux. Ce PLFSS souffre d’un encéphalogramme plat, très éloigné des beaux discours que vous teniez quand vous étiez dans l’opposition, madame la ministre, madame la présidente. Même la Mutualité française a fait connaître hier sa déception. Vos remèdes sont toujours les mêmes. Il s’agit encore une fois de s’attaquer aux laboratoires, aux radiologues, aux biologistes, alors que l’hôpital est à peine sollicité. Vous faites peser encore de nouvelles charges sur les ménages, qu’il s’agisse de la hausse des cotisations aux régimes de retraite ou de l’aggravation de la fiscalité pesant sur les placements préférés des Français. À cela s’ajoute le déplafonnement des cotisations pour le RSI : c’est encore une fois charger la barque des artisans et des professions libérales. Vous vous attaquez à la famille via la baisse du plafond du quotient familial. Enfin, vous fiscalisez les contrats collectifs. Les seules innovations sont celles votées sous la législature précédente : je pense par exemple aux nouveaux modes de rémunération ou aux maisons de santé.

Je voudrais par ailleurs vous rappeler, madame la ministre, que la majorité précédente avait exécuté un ONDAM à 2,5%, puis à 2,4%, dégageant ainsi des économies. Vous ne pouvez donc pas continuer à prétendre que nous n’avons rien fait.

M. Bernard Accoyer. Voilà bientôt deux heures que nous écoutons cinq ministres sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, sans pouvoir disposer du texte budgétaire le plus important dont nous ayons à traiter dans l’année : la Commission n’a jamais connu de conditions de travail aussi indignes.

Quant au fond, ce PLFSS engage notre pays dans un changement historique puisqu’il ne procède rien moins qu’à l’étatisation de notre système de soins.

M. Christian Paul, rapporteur pour la branche maladie. Les chars russes sont aux portes de nos établissements de santé !

M. Arnaud Richard. C’est la première fois, depuis que les lois de financement de la sécurité sociale existent, que la Commission n’a pas accès au texte du projet de loi.

Certes, tout n’est pas à jeter dans ce texte – cela dit avec toute la prudence que m’impose une information que j’ai dû aller chercher sur Internet. Peuvent ainsi être retenues les mesures en faveur des investissements des établissements de santé, via le renforcement des stratégies de territoire et des partenariats avec la Banque européenne d’investissement et la Caisse des dépôts et consignations. Ce sont là des orientations dont nous pourrons discuter dans un esprit constructif quand nous aurons une base de travail.

Ce qui apparaît clairement, c’est qu’une nouvelle fois, à rebours de vos promesses les plus récentes, vous alourdissez le plat amer de la charge fiscale avec une nouvelle hausse des prélèvements sociaux sur les gains issus des placements tels que l’assurance-vie ou l’épargne logement. À cela s’ajoutent une réduction des prestations familiales à destination des classes moyennes et le gel de la revalorisation des pensions de retraite. On n’ose imaginer ce que ç’aurait été si vous n’aviez pas annoncé une pause fiscale !

Ce qui nous frappe, c’est que faute de choix vraiment structurants, vous n’élaborez pas la démarche durable de refondation de la sécurité sociale dont les Français ont besoin. C’est vrai du financement de notre protection sociale : on continue d’alourdir le coût du travail et on racle les fonds de tiroir sans discernement ; on siphonne les fonds affectés à la dépendance au bénéfice du FSV. Cela se vérifie aussi pour le financement de la branche vieillesse et de nos régimes de retraite. Au lieu de véritables économies, vous ne proposez que des mesures de gestion ponctuelle. Loin d’engager un véritable projet alternatif, vous ne proposez que des économies marginales.

Vous êtes allés au plus facile en pilonnant le médicament : on attend près d’un milliard d’euros d’économies d’un secteur qui représente 15 % des dépenses de santé et supporte 56 % de l’effort d’économie. Les expérimentations que vous proposez ou que vous reconduisez ne laissent pas de poser question, notamment la dispensation des médicaments à l’unité : comment assurer l’information du patient sur les modalités d’utilisation et les contre-indications éventuelles ? Comment estimer l’impact d’une telle mesure sur les volumes vendus par les industriels et leur activité ? Cette expérimentation pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

S’agissant du parcours de soins, vos propositions de réforme restent au stade des balbutiements, alors qu’il est temps de passer à une autre étape. De même, le volontarisme affiché par le Gouvernement en matière de modernisation des établissements de santé pose question en termes de gouvernance et d’autonomie des hôpitaux, s’agissant de projets importants pour les territoires. On ne trouve aucune mesure susceptible de remédier aux déserts médicaux, aucune proposition de nouvelles synergies entre la médecine de ville et les hôpitaux, aucune solution globale susceptible d’éviter aux établissements de santé de devenir les otages d’une offre médicale fragilisée par l’absence de coordination.

S’agissant enfin de la réforme des rythmes scolaires, madame la ministre, les CAF bénéficieront-elles de nouveaux financements propres à assurer aux élèves des communes qui ont engagé la réforme dès cette année  des activités pédagogiques de qualité ?

M. Jean-Louis Roumegas.  Nous sommes conscients des contraintes budgétaires et nous mesurons la difficulté d’assurer le financement de notre protection sociale, à court terme mais surtout à long terme. Tout en approuvant en conséquence la volonté du Gouvernement de maîtriser le déficit des comptes de la sécurité sociale, en particulier de l’assurance maladie, nous ne pouvons pas nous contenter d’une approche strictement comptable. On ne peut pas séparer la question du financement d’une vision à long terme de la politique de santé publique. La crise budgétaire n’est que la conséquence d’une crise sanitaire. Dans le domaine de la santé comme dans celui du financement, il est grand temps de passer d’une logique curative à une logique de prévention. L’Organisation mondiale de la santé a souligné à quel point l’épidémie de maladies chroniques qui frappe les pays développés – cancers, maladies cardiovasculaires, obésité, diabète, allergies, pathologies respiratoires, maladies du système nerveux et maladies psychiatriques – mettait en danger leurs systèmes de santé. C’est à cela qu’il faut s’attaquer si on veut sortir tant de la crise sanitaire que de celle du financement. Songez que si le taux de maladies chroniques était resté inchangé depuis quinze ans, le déficit de l’assurance maladie serait nul. Une politique de prévention, seule à même d’endiguer cette épidémie, devra reposer sur deux piliers : l’éducation à la santé et une véritable politique de santé environnementale. Je rappelle que l’accord signé entre EELV et le parti socialiste en vue de la dernière élection présidentielle prévoyait que 1 % du budget des soins serait consacré à la prévention : on en est bien loin.

Le groupe Écologiste proposera par voie d’amendements des pistes pour financer la prévention des maladies liées à la pollution de l’air, ou encore pour dissuader la consommation de produits tels que l’huile de palme ou l’aspartame.

Les mesures proposées par ce PLFSS pour rationaliser la politique du médicament restent timides. Il est inacceptable que des médicaments jugés sans utilité thérapeutique par la Haute Autorité de santé ne soient pas déremboursés, d’autant qu’ils coûtent souvent plus chers que les médicaments référents. Il faut que l’État reprenne la main sur une politique du médicament qui reste soumise aux logiques propres à l’industrie pharmaceutique.

Enfin, nous approuvons bien sûr les mesures que vous proposez pour favoriser l’accès aux soins, telles que l’extension du tiers payant. Le PLFSS gagnerait cependant à s’inspirer des conclusions du rapport de la sénatrice Aline Archimbaud sur l’accès aux soins des plus démunis.

Mme Dominique Orliac.  Ce PLFSS 2014 ressemble au précédent, tout du moins en ce qui concerne le volet maladie. Les économies visent, cette année encore, le médicament, ce dernier constituant depuis longtemps la variable d’ajustement facile : alors que ce domaine représente 15 % du budget de la santé, il supporte plus de 50 % des économies des différents PLFSS. On en attendrait une recette de près d’un milliard d’euros : pouvez-vous nous le confirmer, madame la ministre ? Ces chiffres font de l’industrie pharmaceutique le premier contributeur aux économies de la branche maladie, alors que d’autres pistes d’économies auraient pu être explorées. À titre d’exemple, le décret d’application concernant la recommandation temporaire d’utilisation économique pour l’Avastin, qui coûte quarante fois moins cher que le Lucentis, premier poste de dépense de médicament en médecine de ville, aurait, après avis de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), permis à l’assurance maladie de ne pas gaspiller 400 millions d’euros en 2012.

Pour le groupe RRDP, la politique de santé ne se limite pas à la gestion des crises sanitaires, à la surveillance des dépenses, voire à la limitation des dépassements d’honoraires ou à une réforme de l’hôpital, qui n’a d’ailleurs toujours pas abouti : il faut avoir le courage d’une refondation nouvelle car les paramètres classiques de la santé ont changé. Cela s’impose d’autant plus dans le domaine du médicament que l’industrie du médicament est entrée en récession depuis 2012 : ce qui était déjà difficilement supportable pour un marché en croissance est devenu insupportable pour un marché en recul.

L’industrie de santé doit redevenir créatrice d’emplois et exportatrice et doit, d’après le Premier ministre, bénéficier d’une meilleure coordination entre les politiques publiques et les stratégies industrielles pour éviter un décalage de compétitivité dommageable sur le plan économique et scientifique.

La baisse du prix des génériques devrait être impérativement couplée au déplafonnement de la remise à 17 % afin qu’elle ne soit pas supportée uniquement par l’officine. Je rappelle le rôle important que jouent les pharmacies d’officine en matière de santé publique par leur maillage du territoire, notamment rural, et l’importance de la télé-médecine pour les pharmacies. Les mesures d’efficience à l’hôpital contribueront à l’effort financier tandis que l’ONDAM est fixé au taux historiquement bas de 2,4%, ce qui suppose 2,5 milliards d’euros d’économie par rapport à l’évolution spontanée des dépenses.

Quant à la fixation d’un objectif national de dépenses à 3% pour le médico-social, inférieur à celui de l’an passé, on peut se demander si cela permettra de couvrir l’augmentation des salaires et des prix.

Le groupe RRDP constate par ailleurs que le renforcement des soins de premier recours est affiché comme un élément important au regard de la stratégie nationale de santé. Le financement facilité des coopérations libérales, la généralisation des rémunérations des équipes pluriprofessionnelles et l’amélioration de la couverture maternité des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés seront donc des points clés pour le recentrage sur les soins primaires que vous proposez. Je me demande cependant, madame la ministre, si un engagement financier de 20 millions d’euros, ce qui représente un investissement relativement modeste, permettra de réaliser une restructuration de fond.

La réforme de la tarification à l’activité (T2A) annoncée de longue date et qui doit mettre fin au « tout T2A » contribuera, par l’évolution du financement des hôpitaux, à la définition d’un véritable service public territorial de santé, selon un mécanisme de dégressivité tarifaire que nous vous demandons de préciser.

Nous attendons de voir le tour que prendra l’examen de ce PLFSS, en espérant qu’il permettra à des réformes structurelles de voir le jour. D’ores et déjà nous saluons les mesures prises concernant l’aide au sevrage tabagique des jeunes et à la contraception des mineurs. Ne pensez-vous pas cependant que les mesures du projet de loi relatif à la consommation qui concernent directement la santé auraient dû être intégrées à ce PLFSS ?

Mme Jacqueline Fraysse. Je voudrais avant tout dire qu’il est impératif que le Gouvernement veille à créer les conditions d’un travail de qualité en commission, particulièrement lorsqu’il s’agit de textes de cette importance.

Au terme d’une analyse du projet de loi nécessairement incomplète, vu les circonstances, je voudrais souligner la présence de quelques mesures intéressantes, notamment en ce qui concerne les nouveaux modes de rémunération, la prévention – l’aide au sevrage tabagique ou la mise en œuvre du tiers payant pour les actes en lien avec la prescription d’un contraceptif à une mineure de plus de quinze ans par exemple – ou l’expérimentation de nouveaux modes de financement. Je m’étonne cependant que la T2A ne soit remise en cause qu’à la marge, bien en deçà des recommandations du rapport Couty, qui faisait pourtant consensus. J’aimerais savoir, madame la ministre, quelle suite vous comptez donner à ces recommandations, élaborées après une large concertation.

Je m’étonne aussi que l’industrie pharmaceutique passe entre les gouttes, en dépit de la publication, il y a quelques mois, du rapport de la députée européenne Michèle Rivasi. Celui-ci révèle que la sécurité sociale française économiserait 10 milliards d’euros si les prix des médicaments étaient alignés sur ceux pratiqués dans le reste de l’Union européenne. Pouvez-vous nous dire pour quelles raisons vous n’exploitez pas un tel gisement d’économies ?

Enfin, je ne vous cache pas les inquiétudes que suscite chez nous l’évolution de l’ONDAM, notamment hospitalier, qui ne devrait progresser que de 3 % en 2014. Je note que le respect de l’ONDAM n’a pas empêché l’aggravation du déficit de la branche maladie en 2013 : cela prouve bien les limites de la maîtrise comptable des dépenses. Au regard des besoins en matière d’accès aux soins ou de la situation des hôpitaux publics, je m’étonne à cet égard de la sous-utilisation de 500 millions d’euros. Pouvez-vous nous éclairer, madame la ministre, sur les raisons de cet excédent pour le moins surprenant au regard de l’immensité des besoins ?

M. le ministre délégué. Dois-je rappeler à MM. Door et Accoyer les 160 milliards d’euros de déficits cumulés au titre des années 2002-2012  que nous avons trouvés à notre arrivée aux responsabilités ? Dois-je leur rappeler qu’au cours de la seule année 2010, en dépit d’une croissance de 1,5 %, le déficit s’était creusé de 4,5 milliards d’euros pour atteindre 28 milliards ?

Nous engageons une tout autre stratégie, celle d’un redressement des comptes sociaux que nous considérons comme la condition de la pérennisation et de la réinvention du modèle social français. En 2013, nous avons diminué le déficit de 1,3 milliard d’euros et nous prévoyons de le réduire de 3,4 milliards en 2014. La réforme des retraites et les mesures de politique familiale que nous vous proposons traduisent notre volonté de redresser les comptes sociaux. Je veux dire à l’opposition que nous n’aurions pas à modifier le plafond du quotient familial si nous n’avions pas trouvé à notre arrivée aux responsabilités un déficit de la branche famille de 2,5 milliards d’euros. De même, nous n’aurions pas à vous proposer des mesures pour réduire les dépenses de l’assurance maladie si l’ONDAM n’avait pas augmenté de 4 % en moyenne au cours des dix dernières années, alors que nous affichons un niveau de progression de l’ONDAM de 2,4 %, soit près de la moitié. Si nous poursuivons cette trajectoire de réduction des déficits, nous aboutirons à un déficit de 4 milliards d’euros en 2017, alors qu’il dépassait 20 milliards à notre arrivée : cela signifie qu’en un quinquennat nous aurons divisé par cinq le niveau de déficit du régime général et du FSV. Voilà la réalité des chiffres, au-delà des polémiques et des jeux de rôle partisans. L’effort d’économie prévu pour 2014 est très substantiel puisqu’il doit s’élever à 3,4 milliards d’euros. Il doit nous permettre de ramener le déficit à 12,8 milliards, alors que l’absence de croissance rend l’exercice plus difficile.

Telles sont l’équation que nous avons à affronter et la stratégie qui est la nôtre.

Mme la ministre déléguée chargée de la famille. S’agissant de la réforme des rythmes scolaires, il faudrait sortir de la caricature : la nouvelle convention d’objectifs et de gestion permettra d’affecter 850 millions d’euros sur cinq ans à la réforme des rythmes scolaires. Par ailleurs, des crédits sont disponibles dès cette année pour les communes qui se sont engagées dans cette réforme : celles-ci bénéficient d’ores et déjà, par enfant, de cinquante euros en provenance du budget de l’État et de cinquante-quatre euros de la Caisse nationale des allocations familiales, auxquels s’ajoutent quarante euros pour les zones spécifiques. Si je comprends qu’il y ait des inquiétudes sur le financement, celles-ci ne doivent pas servir de prétexte pour refuser la réforme.

Mme la ministre. M. Door devra choisir sur quel terrain porter sa critique : soit notre projet de loi souffre d’un encéphalogramme plat, soit il se limite à reprendre les mesures mises en place par la droite ! Je n’ai pas souvenir que la droite se soit résolument engagée dans une politique de réorganisation de la médecine ambulatoire. Celle que nous proposons n’est en rien une étatisation ; c’est une restructuration autour des principes qui orientent la stratégie nationale de santé. La prévention, monsieur Roumegas, sera bien un axe fort de cette stratégie. Ainsi, la rémunération des professionnels de santé tiendra compte de deux priorités : les objectifs de santé publique et le travail en équipe.

Nous mesurons combien le financement de la protection sociale constitue un enjeu essentiel, madame Carrey-Conte. Il faut approfondir la réflexion pour trouver les moyens de maintenir un niveau élevé de protection sociale qui soit financièrement soutenable sans peser sur le seul coût du travail.

En ce qui concerne la T2A, madame Fraysse, les mesures proposées ne sont pas pour solde de tout compte : elles permettront l’engagement d’un processus, sur la base des premières recommandations du comité mis en place dans le cadre du pacte de confiance. Nous comptons bien poursuivre ce travail, notamment en approfondissant tout ce qui a trait à la rémunération forfaitaire de parcours de soins au sein de l’hôpital. Nous nous sommes concentrés cette année sur l’insuffisance rénale chronique, mais d’autres pathologies devront être prises en considération.

L’expérimentation de la dispensation à l’unité du médicament, monsieur Richard, vise précisément à trouver les moyens non seulement d’optimiser les dépenses, mais également de mieux réguler la consommation de médicaments, via notamment une meilleure information du patient. Si nous mettons le médicament à contribution, c’est que nos dépenses dans ce domaine restent supérieures à celles de la plupart de nos voisins européens. Il s’agit non pas de le faire contribuer de manière aveugle, mais d’avancer sur la voie d’une régulation.

Si nous ne pouvons pas encore aller plus loin dans la réduction de la dépense de médicament, madame Fraysse, c’est que son caractère excessif est dû à plusieurs facteurs. Premièrement, il y a en France moins de médicaments génériques, et c’est la raison pour laquelle nous vous proposons de créer un répertoire des biosimilaires. Deuxièmement, la France souffre d’une surconsommation de médicaments liée au comportement tant des prescripteurs que des assurés : ce sont des habitudes qu’il faut changer via notamment la formation des professionnels et l’information des patients. Troisièmement, les professionnels ont tendance en France à prescrire plus systématiquement de nouvelles molécules en première intention, même lorsque leur avantage thérapeutique n’est pas prouvé. On l’a vu pour les pilules de troisième et quatrième générations ; on le voit aujourd’hui pour les anticoagulants.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Encore une fois, je regrette, mes chers collègues, que nous ayons dû travailler dans de telles conditions.

II.- EXAMEN DES ARTICLES RELATIFS AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

La Commission a procédé à l’examen des articles du présent projet de loi au cours de ses séances des mardi 15 et mercredi 16 octobre 2013.

PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2012

Article 1er
Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2012

Conformément aux dispositions organiques, le présent article tend à approuver les tableaux d’équilibre par branche du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes, les dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) constatées lors de cet exercice ainsi que les montants correspondants aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et ceux correspondant à l’amortissement de leur dette, c’est-à-dire les recettes affectées respectivement au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ainsi que le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES).

En vertu de ces mêmes dispositions, la Cour des comptes a pour mission de présenter un avis sur les tableaux d’équilibre et de certifier les comptes des régimes et branches.

L’avis de la Cour des comptes sur la cohérence des tableaux d’équilibre relatifs au dernier exercice clos est présenté chaque année dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS). Comme pour les exercices précédents, elle estime que les tableaux d’équilibre pour 2012 « fournissent une image cohérente du résultat (« solde ») et des produits (« recettes ») et des charges (« dépenses ») » des organismes concernés, sous cinq réserves :

– l’information donnée par les tableaux d’équilibre reste partielle, en raison de la présentation distincte des résultats du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) de ceux des régimes obligatoires de base et du régime général ;

– l’information du Parlement reste insuffisante s’agissant de l’évolution, d’un exercice sur l’autre, des produits et des charges, ce qui rend impossible toute comparaison de ces derniers d’une année sur l’autre ;

– le principe de non-compensation des produits et des charges n’est toujours pas pleinement respecté par les tableaux d’équilibre qui procèdent à de telles contractions ;

– malgré la prise de connaissance, par la Cour, de l’essentiel des retraitements opérés par la direction de la sécurité sociale pour établir les tableaux d’équilibre, la Cour est dans l’impossibilité de garantir l’absence de toute anomalie ;

– dans le cadre de sa mission de certification des comptes au titre de l’exercice 2012, la Cour considère que le solde du régime général est de -13,5 milliards d’euros au lieu de -13,3 milliards d’euros et le solde du FSV de -4,2 milliards d’euros au lieu de -4,1 milliards d’euros.

Conformément aux dispositions organiques, la Cour des comptes a arrêté le 1er juillet dernier son rapport de certification des comptes du régime général. Parallèlement, les autres régimes et organismes ont fait certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes, dont les rapports sont remis au plus tard le 1er juin. La Cour dispose ainsi, pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, d’une vision complète de la qualité des comptes sociaux.

Comme chaque année, elle se prononce sur les comptes des quatre établissements publics nationaux du régime général (CNAMTS, CNAF, CNAV, ACOSS), des quatre branches (maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, famille, vieillesse) et de l’activité de recouvrement.

Pour la première fois depuis 2006, la Cour n’oppose aucun refus de certifier : elle s’estime dans l’impossibilité de certifier les comptes de la branche AT-MP et certifie avec réserves les comptes de l’ensemble des autres organismes et branches.

S’agissant de l’activité de recouvrement et de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), la Cour certifie leurs comptes, en assortissant respectivement ses conclusions de six et trois réserves, contre huit et trois réserves pour l’exercice 2011. La Cour juge notamment que la rupture de la piste d’audit des enregistrements comptables est de mieux en mieux compensée et que les charges relatives à la plupart des frais prélevés par les administrations de l’État sont désormais présentées de manière distincte des produits d’impôts et de taxes que ces administrations recouvrent et affectent à la sécurité sociale. Toutefois, la Cour constate toujours un mauvais traitement comptable des prélèvements sociaux sur les travailleurs indépendants ainsi que des impôts et taxes recouvrés par l’État. Elle estime également que le contrôle interne reste insuffisant en matière de gestion des cotisations et contributions sociales auto-liquidées, et de cotisations AT-MP et de prélèvements sociaux des travailleurs indépendants, en particulier des artisans et commerçants relevant de l’interlocuteur social unique (ISU).

S’agissant de la branche maladie et de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), la Cour certifie leurs comptes avec respectivement quatre et trois réserves, contre cinq et trois réserves pour les comptes 2011. Si elle constate que des progrès ont été réalisés concernant les enregistrements comptables des prises en charge de cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC), elle déplore en revanche que des pièces justificatives soient fréquemment manquantes pour les prestations en nature qui font en outre l’objet d’erreurs fréquentes de liquidation. Les charges hospitalières supportées par le régime général sont également excessives par rapport à ce qu’il devrait normalement prendre en charge. Les indemnités journalières font également l’objet d’erreurs de liquidation, tandis que le contrôle en matière de pensions d’invalidité reste insuffisant.

Surtout, la Cour estime que deux éléments conduisent à améliorer de manière erronée les comptes de la branche maladie : il s’agit d’une part des provisions pour charge de prestations légales relatives aux remboursements aux organismes étrangers de soins délivrés à l’étranger à des résidents en France, qui sont minorées de 200 millions d’euros ; et d’autre part, du montant des produits à recevoir au titre du forfait social qui, d’après la Cour, doit être minoré de 24 millions d’euros.

Enfin, la Cour juge que des progrès peuvent encore être accomplis en matière d’évaluation des dépréciations de créances sur les recours contre tiers, les prestations et les participations forfaitaires et franchises.

Concernant la branche AT-MP, la Cour se voit dans l’impossibilité de certifier ses comptes au titre de l’exercice 2012, après deux années successives de refus de certification (pour les comptes 2010 et 2011). Le refus de certifier de la Cour était précisément lié à l’absence de provisionnement des conséquences sur les produits de cotisations des contentieux intentés par les employeurs encore pendants à la clôture de l’exercice - en effet, en cas de dénouement du litige en faveur de l’employeur, celui-ci voit son taux de cotisation réduit de manière rétroactive. C’est désormais chose faite en 2012, puisque la branche a comptabilisé une provision à ce titre de 667 millions d’euros. La Cour considère toutefois que les données utilisées pour déterminer le montant de la provision à ce titre manquent encore cruellement de fiabilité. La Cour note également que la contribution à la branche vieillesse, enregistrée comme une charge pour la branche AT-MP, au titre du financement des retraites pour pénibilité, à hauteur de 110 millions d’euros, excède très largement le montant des charges réelles de la CNAV à ce titre.

S’agissant de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), la Cour certifie leurs comptes avec respectivement quatre et deux réserves, alors que les comptes 2011 s’étaient vu opposer un refus de certification. Cette évolution est à mettre au compte de la forte diminution de l’incidence financière des anomalies et erreurs affectant les prestations légales servies par la branche, qui est passée de 1,54 milliard d’euros en 2011 à 1,15 milliard d’euros en 2012. En dépit de ces améliorations, la Cour estime que le contrôle interne de la branche reste encore largement insuffisant tant pour les prestations légales que pour les prestations d’action sociale, avec par exemple un référentiel de contrôle qui ne couvre qu’une fraction minoritaire des prestations. Les prestations familiales déléguées à des tiers (régime agricole, entreprises publiques et outre-mer) ne font pas l’objet de contrôles suffisants d’assiette pour s’assurer de l’exhaustivité des cotisations déclarées par ces tiers. En outre, la Cour est toujours insatisfaite de l’insuffisante justification des variations de charges de prestations d’une année sur l’autre ; de la méthode d’évaluation des dépréciations de créances de la branche, qui conduit à surévaluer son actif ; et des incertitudes relatives aux charges à payer de cotisations d’assurance vieillesse des parents au foyer que la branche famille verse à la branche vieillesse.

Enfin, les comptes de la branche vieillesse et de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) sont tous deux certifiés par la Cour, avec six réserves pour la branche vieillesse et trois réserves pour la CNAVTS, soit le même nombre que pour les comptes 2011. Malgré les efforts déployés, la Cour constate que le contrôle interne reste insuffisant en matière de report des données de carrière aux comptes des assurés sociaux, tandis que les révisions de droits et de services continuent d’être partielles. Surtout, la Cour estime que certains problèmes se sont aggravés par rapport à l’exercice 2011 : les erreurs de liquidation des pensions de retraite touchent plus de 9 % de pensions, contre 7,5 % en 2011. Les risques de fraude interne mis en évidence par un audit effectué par la Caisse n’ont pas encore trouvé de solutions en termes de renforcement du dispositif de contrôle interne. Les produits 2012 intègrent la contribution de 110 millions d’euros de la branche AT-MP au titre du financement des retraites pour pénibilité, montant qui apparaît très excessif au regard de la réalité du coût actuel du dispositif. Enfin, la Cour déplore la non-intégration des comptes du FSV dans le périmètre des comptes du régime général : la branche vieillesse intègre ainsi dans ses produits des prises en charge de cotisations et de prestations par le FSV qui ne correspondent en réalité qu’à des produits de l’exercice suivant pour le Fonds. Ceci a pour effet de minorer artificiellement le déficit de la branche vieillesse de 600 millions d’euros, à hauteur de 3,9 milliards d’euros au lieu de 4,5 milliards d’euros.

● Le tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale

Le du présent article porte approbation du tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base, excluant donc les résultats des organismes concourant à leur financement, en l’occurrence le FSV.

Le tableau suivant rapproche les montants que le présent article 1er soumet à l’approbation du Parlement de ceux des prévisions initiales (article 32 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012) ou révisées (article 5 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013).

TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2012 DE L’ENSEMBLE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales
(LFSS 2012)

Prévisions révisées
(LFSS 2013)

Réalisé
(PLFSS 2014)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

180,4

186,2

– 5,8

179,4

184,9

– 5,5

178,8

184,7

– 5,9

Vieillesse

202,6

210,4

– 7,8

202,8

210

– 7,1

203,4

209,5

– 6,1

Famille

54,4

56,5

– 2

54,3

56,9

– 2,5

54,1

56,6

– 2,5

AT-MP

13,4

13,3

+ 0,1

13,3

13,3

– 0,1

13,1

13,7

– 0,6

Total

440,2

455,8

– 15,6

439,4

454,7

– 15,3

436,3

451,4

– 15,1

Le résultat définitif pour 2012 fait apparaître un déficit de 15,1 milliards d’euros pour 2012, contre 19,1 milliards d’euros en 2011 et 25,5 milliards d’euros en 2010. Si le mouvement de redressement des comptes se confirme, le rythme de résorption du déficit décélère : en effet, la croissance de la masse salariale s’est limitée à +2,2 % en 2012 contre une prévision initiale de 3 %, qui explique la relative détérioration des comptes par rapport aux prévisions initiales s’agissant des branches maladie et famille en particulier.

Le déficit du régime général et du FSV constitue en réalité la quasi-totalité du déficit des régimes obligatoires de base (93 %) : cette situation s’explique par le fait que le régime général contribue à la réduction des déficits de nombreux autres régimes, soit par le biais de la compensation démographique généralisée, soit parce qu’il finance intégralement la compensation (compensations bilatérales maladie et AT-MP), voire prend en charge l’intégralité des déficits de certains régimes (comme celui des salariés agricoles et de la branche maladie du régime des exploitants agricoles). En outre, il existe des mécanismes de rééquilibrage des résultats, en l’occurrence pour le régime social des indépendants (RSI).

Pour 2012, le déficit de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, qui s’est établi à 982 millions d’euros, a constitué une part prépondérante des déficits des régimes autres que le régime général et qui ne sont pas équilibrés ou intégrés à lui. Son déficit s’est néanmoins réduit en 2012, grâce à l’apport de 250 millions d’euros de recettes nouvelles et la reprise d’une fraction de sa dette par la CADES.

Bien que structurellement déficitaire, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a quasiment atteint l’équilibre en 2012 grâce à son abondement par des excédents sur des fonds sociaux gérés par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à hauteur de 690 millions d’euros.

● Le tableau d’équilibre du régime général

Le du présent article porte approbation du tableau d’équilibre du seul régime général ; comme pour l’ensemble des régimes, le tableau suivant rapproche les montants que le présent article 1er soumet à l’approbation du Parlement de ceux des prévisions initiales de la loi de financement pour 2012 ou rectifiées par la loi de financement pour 2013.

TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2012 DE L’ENSEMBLE DU RÉGIME GÉNÉRAL

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales
(LFSS 2012)

Prévisions révisées
(LFSS 2013)

Réalisé
(PLFSS 2014)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

155,7

161,6

– 5,9

155

160,5

– 5,5

154,9

160,8

– 5,9

Vieillesse

104,7

110,6

– 5,9

105,2

110,4

– 5,2

105,4

110,2

– 4,8

Famille

53,9

56

– 2

53,9

56,4

– 2,5

53,8

56,3

– 2,5

AT-MP

12

11,9

0

11,8

11,9

– 0,1

11,5

11,7

– 0,2

Total

316,7

330,5

– 13,8

316,3

329,7

– 13,3

314

327,3

– 13,3

Le déficit du régime général s’établit à 13,3 milliards d’euros en 2012, contre 17,4 milliards d’euros en 2011 et 23,9 milliards d’euros en 2010. Malgré la dégradation de la conjoncture économique, la trajectoire de redressement des comptes est donc confirmée.

L’adoption de mesures de recettes nouvelles dans le cadre de la loi de finances rectificative d’août 2012 a permis de garder ce cap, malgré une détérioration plus forte que prévu qui avait été annoncée par la commission des comptes de la sécurité sociale en juin.

L’ensemble des branches voient leur solde s’améliorer : en particulier, la branche maladie, dont le déficit passe de 8,6 milliards d’euros en 2011 à 5,9 milliards d’euros en 2012, en raison principalement du niveau des dépenses d’assurance maladie qui se révèlent inférieures de près d’un milliard à l’objectif initialement voté. L’amélioration des comptes de la branche famille est plus modeste : son déficit se réduit de seulement 100 millions d’euros, tandis que le déficit de la branche vieillesse est ramené de 6 milliards d’euros en 2011 à 4,8 milliards d’euros en 2012. Le déficit de la branche AT-MP reste stable, à hauteur de 200 millions d’euros.

D’après la Cour des comptes, en l’absence des mesures prises dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, puis de la loi de finances rectificative pour 2012, le déficit total du régime général et du FSV aurait non pas baissé de 3,4 milliards d’euros, mais augmenté de 2,8 milliards d’euros. Il s’agit en particulier des hausses successives des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, qui ont été portés successivement de 2,2 % à 3,4 %, puis à 5,4 % ; de l’augmentation de 3,5 % à 7 % de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) sur les contrats dits « solidaires et responsables », de la réduction de l’abattement sur l’assiette de la CSG au titre des frais professionnels, des hausses successives du forfait social, de 6 à 8 %, puis à 20 %, ainsi que de la réintégration des heures supplémentaires dans le calcul des allègements généraux et de la révision des abattements appliqués aux plus-values immobilières.

● Le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base

Le du présent article porte approbation du tableau d’équilibre du seul Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Depuis 2009, le Fonds est largement déficitaire : son déficit s’établissait à 3,2 milliards d’euros à cette date ; il est passé à 4,1 milliards d’euros en 2010, s’est ensuite réduit à 3,4 milliards d’euros en 2011, avant d’enregistrer une nouvelle détérioration de ses comptes en 2012, avec un déficit qui retrouve son niveau de 2010.

Trois facteurs expliquent l’accroissement du déséquilibre des comptes du Fonds :

– en 2012, le FSV a vu augmenter le montant de la prise en charge du minimum contributif qu’il finance : son coût est passé de 3,5 milliards d’euros en 2011 à 3,9 milliards d’euros en 2012 ;

– le Fonds a également vu ses concours à la branche vieillesse augmenter au titre du chômage indemnisé et du chômage non indemnisé, compte tenu de la dégradation de l’emploi, pour un coût final supplémentaire de 800 millions d’euros ;

– enfin, le produit de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) dont bénéficie le Fonds après équilibrage du RSI s’est révélé très inférieur en 2012 au montant perçu en 2011, de 300 millions d’euros.

● L’objectif national de dépenses d’assurance maladie

Le du présent article porte approbation du montant des dépenses constatées en 2012 entrant dans le champ de l’ONDAM. Ce montant s’élève à 170,1 milliards d’euros, pour un objectif initialement fixé à 171,2 milliards d’euros.

Il correspond à un objectif de 2,5 %, inférieur de 0,4 point à celui voté en 2011, qui s’établissait à 2,9 % : il s’agit du taux d’évolution de l’ONDAM le plus faible voté depuis 1998. La sous-exécution représente 865 millions d’euros, mais la Cour des comptes note néanmoins que pour la troisième année consécutive (qui correspond également à la troisième année de respect de l’ONDAM), l’ONDAM 2012 a bénéficié d’un effet de base encore plus favorable que les exercices précédents. Autrement dit, les dépenses au titre de l’ONDAM 2011 se sont en réalité révélées plus faibles que la « base » prise comme référence pour calculer la progression de l’ONDAM 2012. La Cour estime donc que le respect de l’ONDAM devrait être estimé sur le fondement de la construction actualisée de l’ONDAM de l’exercice précédent, une fois celui-ci connu.

● Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites

Le du présent article porte approbation du montant de la dotation au FRR, qui est nul depuis 2011. En effet, en application de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le Fonds a été mis en extinction : aucune recette ne lui est plus affectée, tandis que le Fonds décaisse chaque année 2,1 milliards d’euros au profit de la CADES.

Au 31 décembre 2012, la valeur des actifs du FRR était de 36,6 milliards d’euros, contre 35,1 milliards d’euros un an auparavant. Ce montant tient compte du deuxième versement de 2,1 milliards d’euros effectué vers la CADES.

En 2012, le FRR a dégagé un résultat financier en hausse, à hauteur de 1,35 milliard d’euros, sa performance moyenne globale annuelle s’étant élevée à 10,5 %.

Conformément à la nouvelle allocation stratégique définie par le conseil de surveillance du Fonds, son portefeuille se composait, au 31 décembre 2012, de 41,4 % d’actifs de performance (actions, matières premières, immobilier, dette des pays émergents) et de 58,6 % d’actifs de couverture (actifs obligataires et de trésorerie).

● Les recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse

Le du présent article porte approbation du montant des recettes mises en réserve par le FSV, conformément à la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites qui a créé, au sein du Fonds, une section 2 dédiée à la mise en réserve de recettes qui seront affectées, à compter de 2016 au financement du maintien à 65 ans de l’âge de départ à la retraite des parents de trois enfants ou plus ou, sous certaines conditions, des parents d’enfant handicapé. Ces recettes se sont élevées à 0,4 milliard d’euros, conformément aux prévisions initiales de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

● La dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale

Le du présent article porte approbation du montant de la dette amortie par la CADES en 2012, à savoir 11,9 milliards d’euros.

Au cours de l’année 2012, la CADES a repris 6,6 milliards d’euros de dette correspondant aux déficits de la branche vieillesse et du FSV au titre de 2011, soit 9,7 milliards d’euros, desquels ont été déduits 3,1 milliards d’euros au titre de la régularisation du transfert intervenu en 2011.

La Caisse a bénéficié de 16,6 milliards d’euros de recettes en 2012 pour des « dépenses » de 4,7 milliards d’euros. La CADES est désormais affectataire non plus seulement du produit des contributions pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) qui a représenté 6,5 milliards d’euros en 2012 et d’une fraction de 0,48 point de CSG pour des recettes de 5,8 milliards d’euros en 2012, mais également, depuis 2011, du produit de 1,3 point du prélèvement social sur les revenus du capital, qui a généré un rendement de 1,6 milliard d’euros en 2012, et du versement annuel par le FRR de 2,1 milliards d’euros.

À la fin 2012, il restait à la Caisse 137,5 milliards d’euros de dette sociale à rembourser pour un montant total de dette reprise depuis sa création de 209 milliards d’euros.

*

* *

La Commission adopte l’article 1ersans modification.

Article 2
Approbation du rapport annexé sur la couverture des déficits
de l’exercice 2012 et le tableau patrimonial (annexe A)

En application des dispositions organiques applicables aux lois de financement de la sécurité sociale, le présent article porte approbation du rapport figurant à l’annexe A qui, d’une part, décrit les mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés au titre de l’exercice 2012 et d’autre part, présente un tableau retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit.

Ce dernier élément a été introduit par la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale, afin d’améliorer l’information du Parlement en lui restituant une vision globale de la situation de l’ensemble des actifs et passifs des organismes entrant dans le champ de la loi de financement : comme pour les tableaux d’équilibre présentés à l’article 1er, la Cour des comptes produit un avis sur la cohérence de ce tableau patrimonial.

Dans son rapport consacré à l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2013, la Cour des comptes juge, comme l’an passé, que le tableau patrimonial figurant à l’annexe A au présent projet « fournit une image cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2012 ».

Elle formule néanmoins quatre observations, toutes déjà été exprimées à propos du tableau patrimonial de l’exercice précédent.

En premier lieu la Cour réitère sa recommandation de présenter par groupes d’entités les éléments relatifs aux actifs et aux passifs circulants : une telle présentation permettrait en effet de procurer une information plus cohérente au regard des enjeux financiers en permettant de faire apparaître de manière distincte non seulement les actifs et les passifs circulants relatifs au régime général, aux autres régimes, au Fonds de solidarité vieillesse (FSV), au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), mais aussi ceux qui se rapportent à des entités tierces pour le compte desquelles les URSSAF recouvrent des prélèvements sociaux, par exemple l’Unédic, l’association pour la gestion des créances des salariés (AGS), les autorités organisatrices de transports (AOT) ou encore la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).

La Cour estime également, comme l’an passé, que demeurent insuffisants les éléments d’information communiqués respectivement par le Régime social des indépendants (RSI) et la mutualité sociale agricole pour justifier les montants pris en compte au titre des régimes de base qu’ils gèrent, qui entrent seuls dans le champ du tableau patrimonial, à l’exclusion donc des régimes complémentaires dont ces deux organismes assurent par ailleurs la gestion.

La Cour relève la persistance d’écarts entre les actifs et les passifs d’une partie des entités relevant du périmètre du tableau patrimonial : si certains sont imputables à des différences de règles comptables entre organismes, d’autres continuent de relever d’une compensation entre des actifs et des passifs ou d’une comptabilisation sur l’exercice suivant d’opérations se rattachant au dernier exercice clos.

Enfin, la Cour continue de souligner la qualité perfectible des comptes des régimes de sécurité sociale intégrés au tableau patrimonial, en raison de la persistance des insuffisances des dispositifs de contrôle interne des difficultés comptables relevées par elle pour le régime général comme par les commissaires au compte pour les autres régimes de base de sécurité sociale.

Au 31 décembre 2012, les régimes et organismes de sécurité sociale concernés par ce tableau patrimonial ont vu leur passif financier augmenter, de 3,9 milliards d’euros en brut et de 5 milliards d’euros en net, autrement dit, après déduction de l’actif financier. Cette dégradation est le résultat d’évolutions de sens opposé, avec d’une part, une réduction de l’endettement brut de la CADES – en raison du remboursement d’une partie de la dette sociale et d’une réduction du préfinancement en fin d’année de remboursements ultérieurs –, et d’autre part, une augmentation de l’endettement brut du régime général porté par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) en raison du non financement à la date du 31 décembre 2012 des déficits 2012 de la branche vieillesse et du FSV, puisque ces déficits n’ont été transférés qu’en 2013, et de la non reprise, à ce jour, des déficits 2012 des branches maladie et famille.

Les déficits du régime général et du FSV se sont respectivement établis à 13,3 milliards d’euros et à 4,1 milliards d’euros en 2012.

Si les déficits 2011 des branches maladie et famille ont été transférés dès 2011 à la CADES, les déficits 2011 de la branche vieillesse et du FSV ont, quant à eux, été transférés en 2012 à la Caisse, qui dispose pour amortir ces nouvelles dettes, de ressources nouvelles.

Le portage par l’ACOSS des déficits du régime général non transférés à la CADES a conduit à la fixation d’un plafond d’emprunt de 22 milliards d’euros pour l’exercice 2012, plafond qui a été respecté avec un point bas qui s’est établi à –18,4 milliards d’euros le 14 décembre 2012.

S’agissant des autres régimes de base, la plupart d’entre eux présentent par construction des résultats annuels équilibrés comme il a déjà été indiqué. Toutefois, quatre régimes ne bénéficiant pas de tels mécanismes d’équilibrage ont enregistré en 2012 des résultats déficitaires.

La branche retraite des exploitants agricoles, structurellement déficitaire, avait vu ses déficits 2009 et 2010 repris par la CADES : son déficit s’est établi à 1 milliard d’euros en 2012, après avoir représenté 1,2 milliard d’euros en 2011. Le portage de ces déficits est assuré par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), qui a été autorisée à financer ses besoins de trésorerie dans la limite de 2,9 milliards d’euros par l’article 44 de la loi de financement pour 2012.

La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a vu son déficit 2012 se réduire sensiblement grâce aux prélèvements exceptionnels opérés pour cet exercice sur les réserves du Fonds d’allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales et du Fonds de compensation de la cessation progressive d’activité, pour un montant total de 690 millions d’euros. La Caisse a ainsi pu largement respecter son plafond d’emprunt fixé à 1,45 milliard d’euros pour 2013. Une augmentation des cotisations doit a priori permettre de rétablir l’équilibre du régime pour l’avenir, celui-ci étant en effet structurellement déficitaire depuis 2010.

La Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) a accusé un déficit de 0,1 milliard d’euros en 2012 : compte tenu de l’épuisement de ses réserves, une augmentation des ressources du régime est intervenue pour 2013. Pour 2012, le déficit a été financé dans la limite de l’autorisation de recours à l’emprunt qui avait fixé à la Caisse à hauteur de 600 millions d’euros.

Enfin, le déficit du régime de vieillesse de base des professions libérales s’est établi à 0,1 milliard d’euros en 2012 : il a été couvert par les réserves de ce régime.

*

* *

La Commission adopte l’article 2 sans modification.

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* *

Puis elle adopte la première partie du projet de loi.

DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2013

Article 3
Mobilisation des excédents du fonds pour l’emploi hospitalier

Le présent article permet le prélèvement de 200 millions d’euros sur les réserves du fonds pour l’emploi hospitalier (FEH) au profit de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), deux organismes gérés par la Caisse des dépôts et consignations (CdC).

La CNRACL présente un solde structurellement déficitaire depuis 2010. Cette situation s’explique par la dégradation continue de son ratio démographique, le montant des prestations versées connaissant une croissance supérieure à celle des cotisations recouvrées. De surcroît, la caisse verse une importante contribution au titre de la solidarité inter-régimes. Celle-ci s’est élevée à 1,7 milliard d’euros en 2011 et à 1,4 milliard d’euros en 2012. En outre, l’adoption de l’article 59 de la loi de finances pour 2010 a induit une charge pour la caisse. Il prévoit en effet la neutralisation financière des conséquences de « l’acte II de la décentralisation », disposant au sujet des fonctionnaires transférés de l’État aux collectivités territoriales, que « la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales reverse à l’État, pour ces fonctionnaires, les cotisations perçues. En contrepartie, l’État rembourse à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales le montant brut des pensions versées à ces agents ainsi que les charges supplémentaires afférentes ». Ce n’est donc qu’à l’horizon 2020 que ce dispositif aura des effets bénéfiques sur les finances de la caisse.

Pour faire face à ses difficultés, le Gouvernement a adopté un plan de redressement visant à garantir le paiement des pensions. Il couvre la période 2012-2015. Il a notamment prévu de relever la contribution employeur, qui a ainsi augmenté de 1,45 point en 2013 et 1,35 en 2014, ainsi que de transférer à la fin 2012 les excédents du fonds de l’allocation temporaire d’invalidité des collectivités territoriales (FATIACL) et du fonds de compensation de la cessation progressive d’activité (FCCPA). Tous deux disposaient d’excédents importants, leurs ressources étant surdimensionnées par rapport aux prestations servies.

Pour 2013, le besoin de financement devrait s’élever à 710 millions d’euros en fin d’année, abondés par des prêts et avances qui arriveront à échéance.

La LFSS pour 2014 autorisera la CNRACL à recourir à l’emprunt pour faire face à des besoins de trésorerie évalués à 800 millions d’euros dès février 2014. En complément, il est proposé de limiter ces besoins de trésorerie en prélevant 200 millions d’euros des réserves du FEH. Ce dernier, créé par l’article 14 de la loi n° 94-628 du 25 juillet 1994, a pour objet de prendre en charge des surcoûts financiers supportés par les établissements hospitaliers au titre du temps partiel, de la cessation anticipée d’activité, de certaines formations et aides à la mobilité et du compte épargne-temps accordé aux personnels titulaires et contractuels.

Il est financé par une contribution de 1 % à la charge des employeurs hospitaliers. Structurellement excédentaire, le niveau de réserve de la FEH s’élevait à plus de 233 millions d’euros à la fin 2012. L’opération de transfert envisagée n’affectera donc pas la capacité du fonds à assumer ses engagements mais prélèvera l’essentiel de ses réserves. L’opération ne pourra donc pas être reproduite l’année prochaine.

L’unique alinéa du présent article précise que la mesure est prise à titre exceptionnel : le prélèvement est en effet de 200 millions d’euros sur des réserves constatées au 31 décembre 2012 de 233 millions. La mesure interviendra pour alimenter le seul exercice 2014.

Le prélèvement doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2013. Cette mesure permettra de reconstituer une partie du fonds de roulement de la CNRACL afin de minorer les emprunts que la CdC doit contracter pour équilibrer le budget de cette caisse.

Les règles applicables en matière de taxes sur le chiffre d’affaires régiront le recouvrement, le contentieux et les garanties concernant ce prélèvement.

*

* *

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 6
(loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013)

Rectification des prévisions et objectifs relatifs à 2013

Conformément aux dispositions organiques, le présent article propose de rectifier les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses, et les tableaux d’équilibre pour 2013, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base et du régime général, ainsi que les prévisions de recettes, les objectifs de dépenses et le tableau d’équilibre du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Il arrête par ailleurs l’objectif assigné aux organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et les prévisions de recettes affectées aux fins de mise en réserve à leur profit. Il s’agit respectivement de l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), des prévisions de recettes du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), et des prévisions de recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Au titre des prévisions de recettes et des tableaux d’équilibre, l’article 6 rectifie ainsi quatre articles de la loi de financement pour 2013 : l’article 31, fixant les prévisions de recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base, du régime général et des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base ; l’article 32, approuvant le tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base ; l’article 33, approuvant le tableau d’équilibre du régime général ; et l’article 34, approuvant le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base, c’est-à-dire le seul FSV.

S’agissant des objectifs de dépenses, sont modifiés, outre les articles 32 et 33 pour les tableaux d’équilibre, les articles 75 (branche maladie, maternité, invalidité et décès), 84 (branche vieillesse), 91 (branche accidents du travail et maladies professionnelles) et 95 (branche famille) de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Concernant l’objectif d’amortissement de la CADES et des prévisions de recettes mises en réserve par le FRR et du FSV, le présent article porte modification de l’article 35 de la loi de financement pour 2013.

 

Prévisions initiales
(LFSS 2013)

Prévisions révisées
(PLFSS 2014)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

185,0

190,1

– 5,1

181,7

189,5

– 7,8

Vieillesse

213,1

218,6

– 5,5

212,1

216,2

– 4,3

Famille

55,9

58,6

– 2,6

55,2

58,0

– 2,8

AT-MP

13,7

13,3

+ 0,4

13,2

12,9

+ 0,4

Total (*)

457,0

469,9

– 12,8

449,4

463,7

– 14,3

(*)Hors transferts entre branches

Sources : LFSS 2013 et PLFSS 2014.

a. Les recettes

Pour l’ensemble des administrations de sécurité sociale (ASSO) au sens de la comptabilité nationale, intégrant par conséquent l’assurance chômage et les régimes complémentaires obligatoires, le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2014 indique que le taux de prélèvements obligatoires devrait progresser moins vite qu’en 2012 (+ 0,3 % au lieu de + 0,4 %), pour atteindre 24,6 % du PIB.

L’augmentation des prélèvements obligatoires s’explique par les transferts et les mesures nouvelles adoptées en loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, et notamment la hausse de la fiscalité sur les bières (impact estimé à 470 millions d’euros), la hausse de la fiscalité sur le tabac (140 millions d’euros), la création d’une tranche additionnelle de la taxe sur les salaires (470 millions d’euros), l’assujettissement des indemnités de rupture conventionnelle au forfait social (330 millions d’euros), l’élargissement de la taxe sur la promotion des produits de santé (10 millions d’euros), et l’alignement des prélèvements sociaux à la charge des travailleurs indépendants (440 millions d’euros).

À ces mesures nouvelles s’ajoute l’incidence en année pleine des mesures prises en cours d’année 2012 : hausse de la cotisation retraite, relèvement du forfait social et des prélèvements sur les revenus du capital, suppression de l’exonération fiscale des heures supplémentaires.

Tout en conservant une croissance relativement soutenue en 2013 (+ 2,9 %), les recettes des ASSO devraient ralentir par rapport à 2012 (+ 3,5 %) et 2011 (+ 5,5 %). Cette évolution s’explique essentiellement par le dynamisme moins marqué de la masse salariale privée (+ 1,3 % en 2013 contre + 2,1 % en 2012). Néanmoins, cette évolution ne s’observe pas directement au niveau des cotisations sociales qui resteraient dynamiques (+ 3,2 % après + 3,0 %), en raison des mesures de la loi de finances rectificatives d’août 2012 et de la LFSS 2013, évoquées précédemment (principalement, la suppression de l’exonération fiscale des heures supplémentaires et la hausse des cotisations payées par les indépendants).

Pour ce qui est de l’évolution par rapport aux montants fixés par la loi de financement pour 2013, les recettes se montrent néanmoins inférieures de plus de 7 milliards d’euros à celles initialement prévues. Ce différentiel s’explique notamment par la dégradation de la conjoncture macroéconomique par rapport aux hypothèses de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui tablait sur une croissance de 0,8 % (contre 0,1 % constaté en septembre 2013) et une évolution de la masse salariale de 2,3 % (contre 1,3 %).

b. Les dépenses

Le tableau ci-après permet de mesurer l’évolution des objectifs de dépenses, pour chaque branche, depuis le vote de la loi de financement initiale pour 2013.

OBJECTIFS DE DÉPENSES 2013 DE L’ENSEMBLE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales
(LFSS 2013)

Prévisions révisées
(PLFSS 2014)

Évolution
PLFSS 2014/LFSS 2013

(en montant)

(en %)

Maladie

190,1

189,5

– 0,6

– 0,3

Vieillesse

218,6

216,2

– 2,4

– 1,1

Famille

58,6

58,0

– 0,6

– 1,0

AT-MP

13,3

12,9

– 0,4

– 3,0

Total (*)

469,9

463,7

– 6,2

– 1,3

(*)Hors transferts entre branches

Sources : LFSS 2013 et PLFSS 2014.

Le montant total des dépenses de l’ensemble des régimes est révisé à la baisse en 2013 (– 1,3 %). La révision à la baisse porte sur toutes les branches, et est particulièrement élevée pour la branche vieillesse. On devrait en effet constater sur l’année 2013 un ralentissement des dépenses de pensions (+ 3,5 % après + 4,1 % en 2012) en raison de la montée en charge des réformes passées et d’une revalorisation plus faible des pensions (+ 1,5 % après + 2,1 % en moyenne annuelle), en lien avec le repli de l’inflation.

Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2014, pour le champ des administrations de sécurité sociale – plus large que celui de la loi de financement –, indique que la croissance des dépenses conserverait en 2013 un rythme de progression proche de celui de 2012 (+ 3,1 % contre + 3,2 %), malgré l’accélération de la progression des prestations au titre du chômage (+ 7,1 % après + 5,2 % en 2012) en raison d’un environnement conjoncturel toujours dégradé.

Enfin, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) devrait être à nouveau respecté en 2013 avec une révision à la baisse de l’objectif voté en LFSS pour 2013 à hauteur de 500 millions d’euros.

c. Le tableau d’équilibre

Le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base se détériorerait, à hauteur de 1,5 milliard d’euros, par rapport au montant fixé par la loi de financement pour 2013, pour s’établir à 14,3 milliards d’euros, en recul de 800 millions d’euros par rapport à 2012.

Par branche, les évolutions sont très diverses :

– le déficit de la branche AT-MP est celui prévu en LFSS pour 2013, et le déficit de la branche famille ne dépasse les prévisions que de 200 millions d’euros ;

– atteignant 7,8 milliards d’euros, le déficit de la branche maladie est significativement aggravé par rapport aux prévisions, qui le situaient à 5,1 milliards d’euros ;

– a contrario, le déficit de la branche vieillesse s’élève à 4,3 milliards d’euros, au lieu des 5,5 milliards d’euros initialement prévus.

 

Prévisions initiales
(LFSS 2013)

Prévisions révisées
(PLFSS 2014)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

198,8

165,0

– 5,1

157,5

165,2

– 7,7

Vieillesse

111,3

115,3

– 4,0

111,3

114,6

– 3,3

Famille

55,5

58,1

– 2,6

54,8

57,6

– 2,8

AT-MP

12,2

11,9

+ 0,3

11,8

11,5

+ 0,3

Total (*)

329,0

340,5

– 11,4

323,5

337,0

– 13,5

(*) Hors transferts entre branches

Source : LFSS 2013 et PLFSS 2014.

a. Les dépenses

Les principales tendances décrites pour les dépenses de l’ensemble des régimes valent évidemment aussi pour celles du régime général. Le tableau ci-après permet de mesurer l’évolution des objectifs de dépenses, pour chaque branche, par rapport aux montants fixés par la loi de financement pour 2013.

OBJECTIFS DE DÉPENSES 2013 DU RÉGIME GÉNÉRAL

(en milliards d’euros)

 

Prévisions initiales
(LFSS 2013)

Prévisions révisées
(PLFSS 2014)

Évolution
PLFSS 2014/LFSS 2013

(en montant)

(en %)

Maladie

165,0

165,2

+ 0,2

+ 0,1

Vieillesse

115,3

114,6

- 0,7

- 0,6

Famille

58,1

57,6

- 0,5

- 0,9

AT-MP

11,9

11,5

- 0,4

- 3,4

Total (*)

340,5

337,0

- 3,5

- 1,0

(*) Hors transferts entre branches

Source : LFSS 2013 et PLFSS 2014.

Les principales évolutions d’une branche à l’autre sont les suivantes :

– pour la branche vieillesse, en dépit d’une revalorisation moindre qu’en 2012, les prestations nettes resteraient à leur niveau de 2012 (+ 4 %), du fait d’un rebond du nombre de départs en retraite. Ce rebond s’explique d’une part par la montée en charge irrégulière de la réforme de 2010 (relèvement de l’âge légal de départ en retraite de neuf mois pour la génération née en 1952, puis de cinq mois pour les générations suivantes), d’autre part par l’assouplissement des conditions d’accès à la retraite anticipée ;

– pour la branche famille, les prestations retrouveraient une évolution modérée par rapport à 2012 (+ 3 %), recouvrant des revalorisations de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) de l’ordre de 1 %, et une tendance faiblement positive en volume. Le ralentissement concernerait les prestations d’entretien comme les prestations d’accueil du jeune enfant.

b. Le tableau d’équilibre

La réduction du déficit du régime général amorcée en 2011 et 2012 connaît un coup d’arrêt en 2013, puisqu’il augmenterait de 0,2 milliard d’euros pour s’établir à 13,5 milliards d’euros.

Le déficit dépasserait donc de 2,1 milliards celui fixé par la loi de financement pour 2013. L’exécution se révélerait meilleure pour la branche vieillesse, à hauteur de 700 millions d’euros, mais moins favorable pour les branches famille et maladie, à hauteur respectivement de 200 millions d’euros et de 2,6 milliards d’euros de déficit.

Par rapport à 2012, les évolutions par branches sont très contrastées. Les déficits de la branche maladie et de la branche famille se creuseraient respectivement de 1,8 milliard d’euros et de 300 millions d’euros, mais celui de la branche vieillesse se réduirait de 1,4 milliard d’euros.

 

Prévisions initiales
(LFSS 2013)

Prévisions révisées
(PLFSS 2014)

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

FSV

16,8

19,3

– 2,5

16,9

19,7

– 2,7

Source : LFSS 2013 et PLFSS 2014.

Le déficit du FSV en 2013 serait de 200 millions d’euros supérieur à l’objectif fixé en loi de financement pour 2013. L’évolution des dépenses liées au chômage serait plus forte que prévue de 0,6 milliard d’euros, mais serait en partie compensée principalement par une diminution de la prise en charge des prestations (-0,1 milliard d’euros au titre du minimum vieillesse) et des autres charges techniques et par une augmentation de recettes à hauteur de +0,2 milliard d’euros, résultant principalement de la hausse du rendement de la CSG, de la taxe sur les salaires et de l’affectation de C3S.

Le déficit s’élèverait ainsi à 2,7 milliards d’euros, soit une réduction de 1,4 milliard d’euros par rapport à 2012 (2,7 milliards d’euros contre 4,1 milliards d’euros).

Cette forte réduction s’explique par le moindre dynamisme des prises en charge de prestations et par la pleine montée en charge des recettes nouvelles affectées au fonds (recettes pérennes tel le forfait social, ou ponctuelles telle la C3S).

Notons enfin qu’en 2013, ce sont 4,1 milliards d’euros de déficits 2012 qui ont été repris par la CADES dans le cadre de la LFSS pour 2011 qui prévoit que chaque année de 2011 à 2018 (et dans la limite globale de 62 milliards d’euros), la dette de la branche retraite du régime général et du FSV sera transférée à la CADES dans la limite de 10 milliards d’euros.

● 200 millions de fonds mis en réserve

Le III confirme la prévision de recettes mises en réserve par le FSV fixée par la loi de financement pour 2013, à savoir 200 millions d’euros.

Il s’agit d’alimenter la seconde section du fonds, dédiée à la mise en réserve des recettes affectées, à compter de 2016, au financement du maintien à 65 ans du départ à la retraite pour les parents de trois enfants ou parents d’enfant handicapé.

b. La Caisse d’amortissement de la dette sociale : 12,6 milliards de dette amortie

Le du présent article prévoit que l’objectif 2013 d’amortissement initialement fixé pour la CADES, soit 12,4 milliards d’euros, serait dépassé en 2013, puisqu’il atteindrait finalement 12,6 milliards d’euros.

Cette évolution favorable s’explique à la fois par la bonne tenue des recettes et par la modération des taux d’intérêt : l’amortissement réalisé correspondant à la différence entre les ressources de la caisse et ses frais financiers, il s’est donc révélé légèrement supérieur à ce qui était prévu.

En 2013, les recettes diminueraient légèrement, de 600 millions d’euros pour atteindre 16 milliards d’euros, mais les intérêts diminueraient de 1 milliard d’euros pour s’élever à 3,5 milliards d’euros, soit un amortissement de 12,6 milliards d’euros. L’amortissement cumulé s’élèverait ainsi, fin 2013, à 84,1 milliards d’euros. L’ensemble des dettes sociales reprises par la CADES depuis sa création en 1996 se montant, à la même date, à 216,7 milliards d’euros, 132,6 milliards d’euros resteraient donc à amortir (contre 137,3 milliards d’euros fin 2012).

L’annexe 8 au présent projet de loi indique que, pour 2013, le programme de financement de la CADES devrait atteindre un montant de 30 millions d’euros, dont 20 millions d’euros d’émissions à moyen et long terme et 10 millions d’euros d’encours au 31 décembre d’émissions à court terme, de nature à assurer les reprises de dette prévues par le législateur. Pour les deux tiers, il fait appel au marché de l’euro, le reste étant réalisé en devises étrangères (très majoritairement en dollar américain, mais aussi, dans une stratégie de diversification géographique, en dollar australien par exemple).

Dans un contexte exceptionnellement favorable, le taux global de refinancement de la CADES est historiquement bas, à 2,49 %.

c. Le Fonds de réserve pour les retraites : aucune recette affectée

Depuis que la loi de novembre 2010 portant réforme des retraites a transformé le FRR en fonds fermé, dont la mission est de verser à la CADES, en avril de chaque année, 2,1 milliards d’euros (en nominal), de 2011 à 2024, soit un total (non actualisé) de 29,4 milliards d’euros, aucune recette ne lui est affectée, ce que confirme le du présent article.

L’annexe 8 précise qu’au 31 juillet dernier, la valeur de marché du portefeuille du FRR s’élevait à 35,2 milliards d’euros, déduction faite du troisième versement de 2,1 milliards d’euros à la CADES effectué le 25 avril 2012, portant la performance nominale annualisée depuis l’origine du fonds à 3,6 %. En application de la nouvelle allocation définie en décembre 2010, le portefeuille se décompose désormais en 57,5 % d’actifs obligataires et de trésorerie (actifs de couverture) et en 42,3 % d’actifs de performance (actions, matières premières, immobilier, dette des pays émergents). Le versement à la CADES s’est opéré par prélèvement, de 50 % du flux sur poche de performance et de 50 % sur poche de couverture.

Le comité stratégique d’investissement du fonds s’attache à maintenir son ratio de financement, c’est-à-dire le rapport entre son actif net et son passif, dans une fourchette comprise entre 130 % et 160 %. Au 31 juillet, ce ratio était ainsi de 141 %. Autrement dit, l’actif pourrait couvrir le passif même si les actions subissaient une baisse de 66 % de leur valeur.

En 2013, une forte baisse des charges financières, et une légère augmentation des produits financiers, devraient se traduire par une progression de l’excédent financier, qui passerait de 1 349 millions d’euros à 2 134 millions d’euros.

La consolidation des chiffres rectifiés de l’ensemble des régimes obligatoires de base avec ceux des recettes et dépenses des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base permet d’appréhender la situation financière prévisionnelle pour l’exercice 2013 de l’ensemble de la sécurité sociale au sens de la loi de financement. Si les dispositions organiques ne rendent pas obligatoire le calcul de ce total, le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale ne manque pas de le présenter.

La somme du solde de l’ensemble des régimes (– 14,5 milliards d’euros) et de celui du FSV (– 2,7 milliards d’euros) révèle un déficit total de 17,3 milliards d’euros en 2013, à comparer à 11,1 milliards d’euros en 2007, 11,2 milliards d’euros en 2008, 24,9 milliards d’euros en 2009, 29,6 milliards d’euros en 2010, 22,6 milliards d’euros en 2011 et 19,2 milliards d’euros en 2012. Mesurée selon les agrégats de la loi de financement, l’amélioration globale par rapport à 2012 s’élève donc à 1,9 milliard d’euros : inférieure à celle constatée entre 2011 et 2012 (3,3 milliards d’euros), elle traduit essentiellement la réduction du déficit du FSV et des régimes autres que le régime général, le déficit du régime général restant quant à lui stable.

*

* *

La Commission adopte un amendement rédactionnel AS351 de M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR L’EXERCICE 2014

Section 1
Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement

Article 8
(art. L. 136-7 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale ; art. L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles ; art. 1600-0 S du code général des impôts ; ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ; ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996)

Refonte des prélèvements sociaux sur les produits de placement

Le présent article entend répondre au problème de l’assujettissement hétérogène aux prélèvements sociaux des produits de placement, selon qu’ils sont ou non par ailleurs soumis à l’impôt sur le revenu, et selon qu’ils font l’objet d’un prélèvement « au fil de l’eau » ou « à la sortie ». En effet, si certains produits de placement, considérés comme acquis, sont taxés « au fil de l’eau », d’autres ne sont taxés qu’à la sortie, autrement dit lors du dénouement du contrat, du retrait des sommes, voire du décès de l’assuré dans le cas de l’assurance-vie. Cette dichotomie est tout à fait légitime : on ne taxe à la sortie que les gains considérés comme « potentiels » ou « incertains ».

En revanche, apparaît moins légitime le traitement différencié des produits de placement soumis à prélèvements à la sortie, selon que ces produits sont ou non soumis par ailleurs à l’impôt sur le revenu : alors que les produits soumis à l’impôt sont taxés au taux applicable au moment de la clôture, les produits exonérés d’impôt se voient taxés à la sortie aux « taux historiques », en fonction des périodes auxquelles les gains sont supposés avoir été acquis ou constatés.

Il en découle d’une part un traitement différencié injustifié entre des produits de placement dont la profondeur historique est la même et d’autre part, une complexité de gestion très importante pour les établissements financiers redevables.

Le présent article entend mettre fin à l’application du principe des « taux historiques » pour les produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu qui bénéficient de ce régime de prélèvement lors du dénouement, du retrait ou de la clôture du produit concerné.

Il existe aujourd’hui cinq prélèvements sociaux applicables aux produits de placement :

– la contribution sociale généralisée (CSG) prévue à l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, au taux de 8,2 % ;

– la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), prévue à l’article 16 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, au taux de 0,5 % ;

– le prélèvement social prévu à l’article L. 245-15 du code de la sécurité sociale au taux de 4,5 %. Rappelons que le taux du prélèvement social a connu deux hausses successives : il est d’abord passé de 2,2 % à 3,4 % pour les produits de placement acquis ou constatés à compter du 1er octobre 2011 (loi de finances rectificative pour 2011). Il a ensuite été porté par la loi de finances rectificative pour 2012 de 3,4 % à 4,5 % pour les produits de placement acquis ou constatés à compter du 1er juillet 2012 ;

– le prélèvement de solidarité mentionné à l’article 1600-0 S du code général des impôts, au taux de 2 %. Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, ce prélèvement s’est en réalité substitué à la contribution additionnelle au prélèvement social, dite contribution « RSA », dont le taux s’établissait à 1,1 % ;

– et enfin, la contribution de solidarité pour l’autonomie prévue à l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles, au taux de 0,3 %.

Historique des prélèvements sociaux sur les produits de placement

Après l’institution d’un premier prélèvement social sur les revenus du capital par la loi de finances pour 1984 à un taux de 1 %, complété par un deuxième prélèvement similaire au même taux en 1987, la contribution sociale généralisée (CSG) a été instaurée par la loi de finances pour 1991. Son taux, originellement de 1,1 %, a été successivement porté à 2,4 % en 1993, 3,4 % en 1997, 7,5 % en 1998 et 8,2 % pour les seuls revenus du capital en 2005. Son assiette, initialement limitée aux produits soumis au prélèvement forfaitaire libératoire, a été étendue en 1997 à l’ensemble des revenus du patrimoine et des produits de placement (hors livrets d’épargne réglementés).

Des contributions sociales additionnelles spécifiques ont aussi été créées : contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 % en 1996, contribution de solidarité pour l’autonomie (CSA) au taux de 0,3 % en 2004 et contribution pour le revenu de solidarité active (RSA) au taux de 1,1 % en 2009.

Enfin, le taux du prélèvement social sur le capital a été porté de 2 % à 2,2 % au 1er janvier 2011, puis à 3,4 % au 1er octobre 2011 et enfin à 5,4 % depuis le 1er juillet 2012.

Au total, l’ensemble des prélèvements sociaux sur les revenus du capital représente aujourd’hui 15,5 %.

Le taux global des prélèvements sociaux actuellement applicable aux produits de placement est donc de 15,5 %.

Le tableau suivant retrace l’évolution du taux et du produit de l’ensemble des prélèvements sociaux sur les produits de placement depuis 2010.

PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX SUR LES PRODUITS DE PLACEMENT

(en pourcentage et en milliards d’euros)

 

2010

2011

2012

2013 (p)

Taux du prélèvement

12,1 %

12,3 %

13,5 %

15,5 %

Rendement

7,5

10,5

12,3

12,2

Source : commission des comptes de la sécurité sociale.

2. L’assiette et les modalités d’imposition aux prélèvements sociaux des différents produits de placement

Par un jeu de renvois à chaque article concerné, l’assiette, les modalités de recouvrement et le contrôle de l’ensemble de ces prélèvements est le même, en l’occurrence celui applicable pour la CSG sur les produits de placement (article L. 136-7 du code de la sécurité sociale).

Les produits de placement entrant dans l’assiette de ces prélèvements sociaux recouvrent la plupart des revenus mobiliers, qu’ils soient ou non soumis à l’impôt sur le revenu : il s’agit, d’une part, des produits de placement à revenu fixe et des produits de bons ou contrats de capitalisation et d’assurance-vie souscrits auprès d’entreprises établies en France (qu’ils soient soumis à l’impôt sur le revenu au prélèvement forfaitaire libératoire ou au barème progressif), et, d’autre part, des dividendes et distributions assimilées payés par une personne établie en France, qui sont obligatoirement imposées au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Toutefois, les modalités d’imposition des produits de placement diffèrent selon le régime qui est le leur au regard de l’impôt sur le revenu.

a. Le régime d’assujettissement aux prélèvements sociaux des produits de placement soumis à l’impôt sur le revenu

Les produits de placement qui sont imposables à l’impôt sur le revenu sont soumis aux prélèvements sociaux aux taux en vigueur au moment de la réalisation du fait générateur, et cela, quelle que soit l’ancienneté de ces produits ou la nature du fait générateur, autrement dit, que ces produits soient taxés « au fil de l’eau » ou lors du dénouement ou du retrait.

Ce régime s’applique aux produits de placement à revenu fixe, soumis au barème de l’impôt avec prélèvement à la source obligatoire de 24 %, c’est-à-dire à l’ensemble des produits tirés de fonds d’État, obligations, titres participatifs, bons et autres titres de créances, dépôts, cautionnements et comptes courants, intérêts versés au titre des sommes mises à la disposition de la société dont elles sont associées ou actionnaires et portées sur un compte bloqué individuel, ainsi qu’aux produits soumis au prélèvement forfaitaire libératoire tels que les bons anonymes, les produits d’épargne solidaire, ou encore les produits versés dans un État ou territoire non coopératif (ETNC). Il s’applique également aux produits attachés aux bons ou contrats d’assurance-vie et de capitalisation dès lors qu’ils sont soumis à l’impôt sur le revenu, et cela qu’ils soient soumis au barème ou que le contribuable opte pour le prélèvement forfaitaire libératoire.

Ce régime applicable aux produits de placement imposables à l’impôt sur le revenu figure au I de l’article L. 136-7.

b. Le régime d’assujettissement aux prélèvements sociaux des produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu

Les produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu sont pour l’heure soumis aux prélèvements sociaux soit au fil de l’eau aux taux alors en vigueur, soit au dénouement, lors de leur clôture ou de leur retrait selon leurs taux historiques.

Ce régime applicable aux produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu figure au II de l’article L. 136-7. Les modalités d’assujettissement sont les suivantes, pour chaque catégorie de produits de placement, pour la part acquise à compter du 1er janvier 1997 ou constatée à cette date :

– Les intérêts et primes des comptes d’épargne-logement (CEL) sont respectivement soumis aux prélèvements sociaux lors de leur inscription et lors du dénouement du contrat (1° du II).

– Si les primes des plans d’épargne-logement (PEL) sont dans tous les cas imposées lors de leur versement (2° bis du II), les intérêts sont, quant à eux, taxés, conformément au 2° du II :

Ø pour les plans ouverts avant le 1er avril 1992, à la date d’échéance du plan ou au dénouement s’il est antérieur ;

Ø pour les plans ouverts entre le 1er avril 1992 et le 28 février 2011, soit à la date du dixième anniversaire du plan, puis annuellement lors de l’inscription en compte, soit lors du dénouement s’il intervient avant dix ans ;

Ø pour les plans ouverts à compter du 1er mars 2011, lors de chaque inscription en compte.

– Les produits attachés aux bons et contrats de capitalisation et contrats d’assurance-vie sont soumis aux prélèvements sociaux, même s’ils ont été souscrits avant le 1er janvier 1983, ces derniers étant en effet exonérés d’impôt sur le revenu. La taxation s’effectue lors de l’inscription en compte des contrats en euros ou devises et des produits du compartiment en euros ou devises de contrats multi-supports pour les produits inscrits à compter du 1er juillet 2011  (1) ; lors du dénouement du contrat (ou lors de son rachat partiel) ou du décès de l’assuré pour les autres produits. En revanche, les produits attachés aux contrats d’épargne-handicap sont exonérés (3° du II).

– Les produits des plans d’épargne populaire (PEP), sont soumis à prélèvement lors de leur inscription en compte ; les rentes viagères et primes d’épargne versées au titre de ces plans le sont en revanche lors du versement (4° du II).

– Sont soumis aux prélèvements sociaux le gain net réalisé ou la rente viagère versée lors du retrait ou de la clôture d’un plan d’épargne en actions (PEA) après cinq ans. Est toutefois exclue la fraction du gain net correspondant aux produits et plus-values afférents aux titres de fonds communs placements à risque (FCPR) et de sociétés de capital-risque (SCR) détenus dans le plan (5° du II).

– Sont également soumis aux prélèvements sociaux les produits de l’épargne salariale acquise au titre de la participation aux résultats de l’entreprise ou dans le cadre d’un plan d’épargne (plan d’épargne entreprise – PEE – , plan d’épargne inter-entreprises – PEI – et plan d’épargne pour la retraite collectif
– PERCO – ), lorsque les bénéficiaires demandent la délivrance de leurs droits, titre ou valeurs. On notera qu’en cas de réinvestissement bloqué de ces produits d’épargne, dès lors exonérés d’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux sont précomptés au moment de la délivrance des droits sur la différence entre le montant de ces droits et celui des sommes résultant de la répartition de la réserve spéciale de participation, ou, pour les plans d’épargne, sur la différence entre le montant des sommes ou valeurs provenant du plan et celui des sommes qui y ont été versées (6° et 7° du II).

– Les répartitions et distributions effectuées par les FCPR, les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI), les SCR et les sociétés unipersonnelles d’investissement à risques (SUIR) font l’objet d’un prélèvement lors de leur versement ; sont également soumises aux prélèvements sociaux les plus-values de cession après cinq ans de parts de FCPR et d’actions de SCR acquises ou souscrites depuis le 1er janvier 2001 (8° du II).

– La fraction exonérée des prélèvements (libératoires ou non) des revenus de capitaux mobiliers de source étrangère versés à des impatriés est assujettie aux prélèvements sociaux lors de la perception des revenus (8 bis du II).

– Les gains et produits de placement effectués en vertu d’un engagement d’épargne à long terme (CELT) sont soumis aux prélèvements sociaux à l’expiration du contrat (9° du II).

– Enfin, les intérêts des comptes épargne d’assurance pour la forêt exonérés d’impôt sur le revenu, sont assujettis aux prélèvements sociaux lors de leur inscription en compte (10° du II).

*

Au total, les conditions d’assujettissement aux prélèvements sociaux des différents produits de placement apparaissent très hétérogènes, y compris pour des produits similaires, comme le montre le tableau suivant.

Source : étude d’impact du PLFSS 2014.

Ainsi, alors que la clôture d’un PEA de plus de cinq ans conduit à appliquer des prélèvements sociaux « aux taux historiques », les revenus tirés d’un PEA de moins de cinq ans sont, eux, soumis aux prélèvements sociaux au taux applicable au moment de la clôture : dans le premier cas, en effet, les gains issus d’un PEA de plus de cinq ans sont exonérés d’impôt sur le revenu, alors qu’y sont soumis les gains réalisés sur un PEA de moins de cinq ans.

De la même manière, les intérêts afférents à un PEL ouvert depuis le 1er mars 2011 se voient appliquer les taux de prélèvements sociaux au fil de l’eau, alors que les intérêts acquis sur un PEL ouvert avant cette date bénéficient de l’application des taux de prélèvements sociaux « historiques » lors de la clôture du plan si celle-ci intervient avant dix ans.

La problématique est encore plus évidente s’agissant des contrats d’assurance-vie : les intérêts acquis avant 2011 sur le compartiment en euros d’un contrat multi-supports pour des primes versées avant 1997 bénéficient de l’application des taux historiques au regard des prélèvements sociaux, alors que les intérêts acquis avant 2011 pour des primes versées après 1997 sont prélevées « à la sortie » au taux applicable au moment où cette sortie s’effectue, et que les mêmes intérêts acquis depuis le 1er janvier 2011 sont prélevés « au fil de l’eau ».

Enfin, on notera que certains produits de placement restent exonérés tant d’impôt sur le revenu que des prélèvements sociaux.

Les produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu
et de prélèvements sociaux

– les intérêts des sommes inscrites sur le livret A ;

– les intérêts des sommes inscrites sur le livret jeune ;

– la rémunération des sommes déposées sur le livret d’épargne populaire (LEP) ;

– le produit des dépôts effectués sur un livret de développement durable (LDD) ;

– les intérêts des sommes inscrites sur un livret d’épargne-entreprise ;

– les lots et primes de remboursement attachés aux bons et obligations émis en France avant le 1er juin 1985, à ceux émis entre le 1er juin 1985 et le 1er juin 1991 dont le montant n’excède pas 5 % du nominal ; ainsi que les lots et primes répartis ou distribués depuis le 1er janvier 1989 par une Sicav ou un FCP, lorsqu’ils n’excèdent pas 10 % du montant de la distribution et sont attachés à des obligations émises avant le 1er janvier 1992 ou à des emprunts ou titres de même nature démembrés avant le 1er juin 1991 ;

– enfin, les produits capitalisés des avoirs gérés dans un plan d’épargne retraite populaire (Perp).

3. Le problème de l’application des taux historiques

Les modalités d’assujettissement des produits de placement aux prélèvements sociaux sont donc actuellement très hétérogènes, selon qu’ils sont ou non soumis à l’impôt sur le revenu d’abord, et ensuite selon que les prélèvements sociaux s’appliquent « au fil de l’eau » ou au moment du dénouement, du retrait ou de la clôture de leur support.

Cette grande hétérogénéité est liée aux modalités spécifiques d’imposition des produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu et assujettis aux prélèvements sociaux au dénouement, au retrait ou à la clôture du support concerné. Pour ces produits, en effet, le principe de l’application des prélèvements sociaux « aux taux historiques » s’applique, autrement dit, à chaque création d’un nouveau prélèvement ou à chaque augmentation du taux des prélèvements existants, la loi a prévu que le nouveau prélèvement ou le nouveau taux ne s’appliquerait qu’à la part de ces produits supposées acquise ou constatée au moment de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

Concrètement, cela signifie par exemple que lors du dénouement, en 2013, d’une assurance-vie en unités de compte ouverte en 1998, les prélèvements sociaux sont appliqués sur les intérêts selon les périodes auxquelles ils sont supposés avoir été acquis, c’est-à-dire que l’assiette taxable est segmentée en fractions pour le calcul des taux de prélèvements applicables à chacune d’entre elle. Pour simplifier, les produits attachés au contrat au titre des années 1998 à 2004 sont soumis aux prélèvements sociaux au taux de 10 % (niveau atteint à l’époque) ; ceux acquis au titre des années 2005 à 2008 sont taxés à hauteur de 11 % ; les intérêts pour 2009 à hauteur de 12,1 %, etc. jusqu’à atteindre un taux de prélèvement de 15,5 % pour les produits attachés au contrat depuis le 1er juillet 2012.

La légitimité de l’application du principe des « taux historiques » est tout à fait discutable, et cela à trois titres.

– Tout d’abord, il existe une certaine contradiction à considérer que des produits doivent être taxés « à la sortie », c’est-à-dire au dénouement ou à la clôture d’un contrat, ou encore lors du retrait des sommes, et de reconsidérer l’assiette taxable « au fil de l’eau » en opérant des prélèvement sur des taux successivement applicables au fil du temps. La logique voudrait en effet que l’on prélève soit lors de l’inscription en compte en appliquant donc à chaque fois le taux en vigueur, soit au dénouement en appliquant le taux en vigueur au moment où a lieu ce dénouement. Soit les gains sont latents et c’est pour cette raison qu’on ne les taxe qu’au dénouement, soit les gains sont considérés comme réalisés ou définitivement acquis, et alors, il serait normal d’appliquer une taxation au fil de l’eau.

– Ensuite, l’application de « taux historiques » à toute une série de produits de placement crée une distorsion de traitement au regard d’autres produits de nature pourtant tout à fait similaire. Ainsi, les plus-values immobilières imposables à l’impôt sur le revenu sont-elles assujetties aux prélèvements sociaux au taux applicable au moment de leur réalisation – c’est le cas également pour les plus-values mobilières soumises au régime applicable en matière de revenus du patrimoine. À ancienneté identique, des produits de placement peuvent donc être soumis à des régimes de prélèvements très différents.

– Troisièmement, comme l’indique l’étude d’impact associée au présent projet de loi, la méthode des « taux historiques », qui conduit à fractionner l’assiette taxable d’un produit en fonction des évolutions des taux des prélèvements sociaux, a également deux conséquences négatives : elle s’avère très lourde en gestion pour les établissements financiers qui doivent conserver l’historique des produits générés pour chaque contrat et multiplier les lignes dans les déclarations fiscales ; elle présente, d’autre part, un facteur possible de minoration de taxation, dans la mesure où les moins-values dites « intercalaires » constatées sur certains compartiments historiques peuvent s’imputer sur des plus-values taxées à des taux supérieurs, conduisant donc à un traitement in fine plus avantageux encore pour le détenteur du produit, sans qu’une raison objective fonde ce traitement plus favorable par rapport à d’autres produits de placement de même type.

Pour l’ensemble de ces raisons, le présent article propose de revenir sur le principe de l’application de la méthode des taux historiques aux produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu qui se voient appliquer ce régime de prélèvement.

B. LE PRINCIPE D’UNE HARMONISATION DES MODALITÉS D’ASSUJETTISSEMENT AUX PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX DES PRODUITS DE PLACEMENT

Le présent article ne revient pas sur la distinction entre l’assujettissement aux prélèvements sociaux soit « au fil de l’eau », soit au dénouement, à la clôture ou au retrait, en fonction de la nature du fait générateur, c’est-à-dire classiquement « au fil de l’eau » pour les intérêts acquis annuellement et au dénouement pour les produits versés ou les gains à la clôture du produit.

Il souhaite en revanche revenir sur le traitement favorable au regard des prélèvements sociaux dont bénéficient certains produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu et qui sont soumis aux prélèvements sociaux à la clôture ou au dénouement selon leurs taux « historiques », autrement dit, par application, pour chaque fraction de l’assiette taxable, du taux de prélèvements sociaux alors en vigueur.

1. Le « toilettage » préalable de l’article L. 136-7 destiné à tenir compte de l’intégration au barème de l’impôt sur le revenu de la plupart des revenus de capitaux mobiliers depuis le 1er janvier 2013

Au préalable, est opérée une mise en cohérence de l’article L. 136-7 relatif à la CSG sur les produits de placement avec les modifications introduites en loi de finances pour 2013 et qui ont conduit à la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire de 24 % et à la réintégration de la plupart de ces produits au barème de l’impôt sur le revenu avec prélèvement à la source obligatoire de 24 %.

Cette mise en cohérence est opérée au du A du I du présent article. Le I de l’article L. 136-7 énumère en effet les catégories de produits de placement en fonction de leurs modalités d’assujettissement à l’impôt sur le revenu, que ce soit au barème de l’impôt ou par l’application d’un prélèvement forfaitaire libératoire.

La distinction désormais opérée entre les différents produits de placement est la suivante :

– d’une part, les produits de placement qui bénéficient de l’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire, en l’occurrence les produits attachés aux contrats d’assurance-vie (II de l’article 125-0 A du code général des impôts) ainsi que les produits soumis obligatoirement au prélèvement forfaitaire libératoire, en l’occurrence, les produits des bons anonymes mentionnés au III bis de l’article 125 A du code général des impôts (au taux de 60 %), les produits d’épargne solidaire mentionnés au II du même article (au taux de 5 %), ainsi que les produits versés dans un État ou territoire non coopératif mentionnés au III du même article (au taux de 75 %).

– d’autre part, les produits de placement soumis au barème de l’impôt sur le revenu, soit parce que le contribuable n’a pas fait le choix du prélèvement libératoire, en l’occurrence pour les contrats d’assurance-vie ; soit parce que ces produits sont désormais soumis au barème de l’impôt sur le revenu avec prélèvement à la source obligatoire conçu comme un acompte d’impôt sur le revenu, généralement de 24 %, alors qu’ils bénéficiaient auparavant du prélèvement forfaitaire libératoire sur option au même taux : il s’agit de l’ensemble des autres produits de placement.

Il est proposé au a du du A du I d’y ajouter la référence aux produits de placement de source européenne soumis au prélèvement à la source obligatoire, mentionnés à l’article 125 D, qui étaient également auparavant régis par le prélèvement libératoire optionnel, mais pour lesquels la rédaction actuelle nécessite de les mentionner précisément.

Le b du du A du I complète quant à lui le 1° de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, qui prévoit l’assujettissement aux prélèvements sociaux de l’ensemble des revenus mobiliers assujettis au barème de l’impôt sur le revenu, en y intégrant expressément les dividendes (article 117 quater du code général des impôts) soumis, depuis le 1er janvier 2013, à un prélèvement à la source obligatoire non libératoire. Dans la mesure où ce nouveau prélèvement se substitue à l’ancien prélèvement forfaitaire libératoire, il est proposé de le mentionner expressément à l’article L. 136-7.

2. La simplification et la rationalisation des règles de déclaration et d’acompte au titre des prélèvements sociaux sur les produits de placement

Le du a du I du présent article modifie les règles de déclaration et d’acompte des produits de placement soumis aux contributions et aux prélèvements sociaux, qui est assuré par les établissements payeurs pour le compte des redevables.

En effet, à l’heure actuelle, les prélèvements sociaux, à l’exception de la CRDS, dus au titre des mois de décembre et janvier sur l’ensemble des produits de placement, à l’exception des dividendes et distributions assimilées et des plus-values immobilières, font l’objet d’un versement provisionnel, calculé sur la totalité de ces produits des mois de décembre et janvier de l’année précédente. Il est acquitté en deux fractions, la première le 25 septembre pour 80 % de son montant et la seconde le 25 novembre pour les 20 % restants. La régularisation s’effectue respectivement en janvier et février.

En outre, ce système d’acompte n’intègre pas aujourd’hui la CRDS, ce qui conduit à multiplier en aval les opérations de régularisation, qu’elles soient de restitution ou d’imputation de trop versé, ainsi que les opérations de réaffectation entre les organismes lors des échéances de solde, autrement dit en janvier et février.

Afin de simplifier le mécanisme du recouvrement, le présent article propose de ne plus retenir qu’une seule et unique date d’acompte en octobre, et de faire coïncider cette échéance avec l’échéance de droit commun du mois considéré, soit le 15 octobre en lieu et place des deux échéances actuelles d’acompte au 25 septembre et au 25 novembre. Il propose également d’élargir le champ de l’acompte à la CRDS : afin de neutraliser en trésorerie cet élargissement de périmètre et réduire substantiellement les cas de trop versé d’acompte, il est également proposé de ramener l’assiette de l’acompte de 100 % actuellement à 97 % des produits déclarés au titre de décembre et janvier.

Ainsi, le dernier alinéa du 1° du IV de l’article L. 136-7 qui détaille les conditions du recouvrement est modifié pour intégrer le principe d’un versement provisionnel unique au 15 octobre pour 97 % du montant de la contribution. En conséquence, le du IV du présent article, relatif à la CRDS, prévoit expressément l’application du IV de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale à la CRDS, autrement dit, le mécanisme du recouvrement par le biais de l’acompte unique provisionnel au 15 octobre.

3. L’alignement des autres contributions et prélèvements sociaux sur l’assiette de la CSG

Le B du I, ainsi que les II, III et du IV du présent article procèdent à l’alignement de l’assiette de l’ensemble des autres contributions et prélèvements sociaux sur l’assiette de la CSG sur les produits de placement, autrement dit sur les produits acquis depuis le 1er janvier 1997 pour l’ensemble des produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu.

Le B du I de cet article modifie l’article L. 245-15 relatif au prélèvement social sur les produits de placement. Il précise que l’assiette de ce prélèvement est celle de la CSG sur les produits de placement telle que définie à l’article L. 136-7.

Le II de l’article 8 modifie l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et de familles, qui concerne la contribution additionnelle au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et la contribution additionnelle au prélèvement social sur les produits de placement, dites « contribution de solidarité pour l’autonomie », pour préciser que l’assiette de ces deux contributions additionnelles est celle définie respectivement aux articles L. 245-14 pour les revenus du patrimoine et L. 245-15 pour les produits de placement.

Le III du présent article modifie l’article 1600-0 S du code général des impôts, relatif au prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement. S’agissant de ce dernier, il est précisé, de même que pour les autres contributions, que son assiette est celle définie à l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, autrement dit de la CSG sur les produits de placement.

Le du IV du présent article modifie l’article 16 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, qui institue la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) sur les produits de placement. La modification proposée consiste à aligner purement et simplement son assiette sur celle de la CSG sur les produits de placement. Or, la CRDS est applicable aux produits de placement acquis au 1er février 1996 : l’alignement sur l’assiette de la CSG conduit à réduire l’assiette de la CRDS aux produits acquis à compter du 1er janvier 1997 : ce choix a néanmoins été fait afin de permettre une réelle simplification de l’application des prélèvements sociaux.

4. La suppression de l’application des « taux historiques »

Le V, pour bref qu’il soit, constitue le cœur du présent article : il procède à la suppression de l’application des « taux historiques » aux produits de placement qui en bénéficient actuellement.

Juridiquement, seul le renvoi à la CSG et au prélèvement social sur les produits de placement est nécessaire, dans la mesure où ce sont les deux seuls prélèvements sociaux dont le taux ait évolué au cours du temps. Pour les trois autres contributions, leur taux unique s’appliquera mécaniquement à la totalité de l’assiette unifiée, sans qu’une disposition particulière soit nécessaire, à partir du moment où sont neutralisés, par le B du VI du présent article, les dispositions législatives ayant écarté l’application du nouveau prélèvement aux produits acquis ou constatés avant la mise en place dudit prélèvement.

Votre rapporteur tient à souligner que la suppression de l’application des « taux historiques » ne consiste pas à opérer un traitement rétroactif sur les produits de placement concernés : en effet, la modification des modalités d’assujettissement aux prélèvements sociaux porte bien sur des prélèvements qui n’ont pas encore été payés, car portant sur des produits non encore clôturés.

5. Les modalités d’entrée en vigueur des nouvelles règles

Le VI du présent article prévoit l’entrée en vigueur au 1er janvier 2014 :

– du « toilettage » opéré par le A du I du présent article et qui vise uniquement à mettre le dispositif de la CSG sur les produits de placement en cohérence avec les modifications apportées au 1er janvier 2013 en matière d’imposition des produits de placement, par la suppression de l’option au prélèvement forfaitaire libératoire, l’intégration au barème de l’impôt sur le revenu de ces produits, et la mise en place d’un prélèvement à la source obligatoire et non libératoire ;

– de la rationalisation du mécanisme de versement de l’acompte provisionnel pour le paiement des prélèvements sociaux par les établissements financiers redevables tiers-déclarants, et de son élargissement à la CRDS.

Il prévoit en revanche d’appliquer au 26 septembre 2013, date de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 devant la commission des comptes de la sécurité sociale, les autres modifications apportées par le présent article, autrement dit, la suppression de l’application des « taux historiques » aux produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu et dont le fait générateur est constitué par le dénouement ou le retrait (ou le décès pour l’assurance-vie). Il s’agit en effet par-là de se prémunir contre tout risque de déstabilisation des encours de l’épargne financière par des comportements d’anticipation.

Ce faisant, afin de rendre applicable l’assujettissement aux prélèvements sociaux au taux actuel de 15,5 % sur la totalité de l’assiette, le texte se voit dans l’obligation d’énumérer l’ensemble des textes législatifs successifs qui ont créé ou relevé le taux d’un prélèvement social ou d’une contribution sociale en excluant de l’application de ce nouveau prélèvement ou de cette augmentation de taux les produits réputés acquis ou constatés avant l’entrée en vigueur de la nouvelle règle. Ces textes sont retracés dans l’encadré suivant.

Les dispositions législatives d’entrée en vigueur des créations ou augmentations des taux des prélèvements sociaux applicables aux produits de placement

● Articles 5 et 9 de la loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998 :

– augmentation de la CSG sur les produits de placement de 3,4 % à 7,5 %, applicable aux produits de placement soumis à l’IR (du I) à partir du 1er janvier 1998 et aux produits de placement exonérés d’IR (du II) au taux de 7,5 % « à la part acquise à compter du 1er janvier 1998 et, le cas échéant, constatée à partir de cette même date » ;

– création du prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital, applicable aux produits de placement soumis à l’IR à partir du 1er janvier 1998, et aux produits exonérés d’IR à cette même date, mais seulement pour la part acquise à compter du 1er janvier 1998 et, le cas échéant, constatée à cette date.

● Article 19 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées : création, par l’article 11, de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie de 0,3 %, applicable aux produits de placement soumis à l’IR à compter du 1er juillet 2004 ; aux produits exonérés d’IR à cette même date, mais seulement pour la part acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er juillet 2004.

● Article 72 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie : augmentation du taux de CSG sur les produits de placement de 7,5 % à 8,2 %, applicable aux produits de placement soumis à l’IR à partir du 1er janvier 2005 et aux produits exonérés d’IR pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er janvier 2005.

● Article 28 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion : création, par l’article 3, de la contribution additionnelle dite « RSA » au taux de 1,1 %, applicable aux produits de placement soumis à l’IR au 1er janvier 2009 et aux produits exonérés d’IR pour la part de ces produits acquise, et le cas échéant constatée à compter du 1er janvier 2009.

● Article 6 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 : augmentation du taux du prélèvement social sur les revenus du capital de 2 % à 2,2 %, applicable aux produits de placement soumis à l’IR au 1er janvier 2011 et aux produits exonérés d’IR pour la part acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er janvier 2011.

● Article 10 de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : augmentation de 2,2 % à 3,4 % du taux du prélèvement social sur les revenus du capital, applicable aux produits de placement soumis à l’IR à compter du 1er octobre 2011 et aux produits exonérés d’IR pour la part acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er octobre 2011.

● Article 2 de la loi n° 2012-354 de finances rectificative pour 2012 : augmentation de 3,4 % à 5,4 % du taux du prélèvement social sur les revenus du capital, applicable aux produits de placement soumis à l’IR payés ou réalisés à compter du 1er juillet 2012 et aux produits exonérés d’IR pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er juillet 2012.

● Article 3 de la loi n° 2012-1404 de financement de la sécurité sociale pour 2013 : taux du prélèvement social sur les revenus du capital ramené de 5,4 % à 4,5 %, suppression de la contribution additionnelle dite « RSA » et institution, en contrepartie, d’un prélèvement social de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, au taux de 2 %, ces dispositions s’appliquant aux produits de placement soumis à l’IR payés ou réalisés, selon le cas, à compter du 1er janvier 2013, et pour les produits exonérés d’IR, pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er janvier 2013.

Enfin, le VIII propose l’entrée en vigueur à Mayotte des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Ces dispositions n’ont pas pu être intégrées dans l’ordonnance n° 2013-837 du 19 septembre 2013 relative à l’adaptation du code des douanes, du code général des impôts, du livre des procédures fiscales et d’autres dispositions législatives fiscales et douanières applicables à Mayotte, pour des raisons tenant aux obligations de consultation en la matière.

Le A du VIII rend ainsi applicables à Mayotte l’ensemble des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine à compter de l’imposition intervenant en 2014 des revenus perçus en 2013.

Le B du VIII rend applicables à Mayotte l’ensemble des prélèvements sociaux sur les produits de placement au 1er janvier 2014.

Le C du VIII supprime en conséquence la contribution sociale de 2 % sur les revenus du capital recouvrée par la sécurité sociale de Mayotte et qui avait été instituée par l’ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique, à l’assurance maladie, maternité, invalidité et décès, au financement de la sécurité sociale à Mayotte et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte.

*

Au total, la suppression de l’application des « taux historiques » et l’alignement de l’assiette de l’ensemble des prélèvements sociaux sur celle de la CSG, généreraient des recettes supplémentaires à hauteur de 600 millions d’euros au total pour 2014, dont 450 millions d’euros pour les organismes dans le champ de la sécurité sociale.

Ce gain aurait, d’après l’étude d’impact, tendance à diminuer avec le temps au fur et à mesure de l’extinction, par dénouement ou retrait, de la part des produits taxés antérieurement aux taux historiques. Dans l’hypothèse d’une extinction linéaire sur dix ans, le gain de 450 millions d’euros en 2014 serait ramené à 405 millions d’euros en 2015, 360 millions d’euros en 2016 et 315 millions d’euros en 2017.

L’étude d’impact présente la ventilation du gain supplémentaire entre les différentes branches du régime général et organismes affectataires des prélèvements sociaux. Toutefois, cette présentation ne tient pas compte de la nouvelle clé de répartition des prélèvements sociaux opérée par l’article 15 du présent projet de loi. En outre, d’après les informations transmises à votre rapporteur, et qui sont confirmées par les éléments fournis par l’annexe 9 C au présent projet de loi, l’ensemble de la recette supplémentaire au titre des organismes de sécurité sociale sera en réalité affectée à la branche maladie du régime général.

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* *

La Commission est saisie de deux amendements de suppression, AS80 de M. Francis Vercamer et AS213 de M. Jean-Pierre Door.

M. Francis Vercamer. Le Président de la République et le Gouvernement ont promis aux Français de ne pas alourdir les impôts et les charges sociales des ménages. En proposant une « refonte des prélèvements sociaux sur les produits de placement », qui porte notamment sur l’épargne logement, l’article 8 du PLFSS est contraire à cet engagement. De plus, alors que le secteur du logement rencontre de nombreux problèmes dont nous débattions ici même il y a encore quelques semaines, cet article me semble contre-productif.

M. Jean-Pierre Door. Les plans d’épargne logement (PEL), les plans d’épargne en action (PEA) ou les contrats d’assurance-vie sont des placements privilégiés par de nombreuses familles modestes de notre pays. Pourquoi imposer encore des taxes et des impôts aux Français qui cherchent seulement à améliorer leur future retraite ou qui veulent aider leurs enfants ou leurs petits-enfants ?

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Avis défavorable. Mesure d’harmonisation, l’article 8 prévoit des prélèvements sur l’épargne. Pourquoi cette dernière ne serait-elle pas soumise aux prélèvements sociaux et de solidarité que nous avons votés ?

M. Francis Vercamer. L’allégement de la fiscalité de l’épargne logement correspondait à la volonté politique d’inciter les ménages à préparer un investissement. Malgré l’acuité du problème du logement dans notre pays, il semble que ce sujet ne constitue plus une priorité pour le Gouvernement.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’essentiel du rendement de l’harmonisation proposée provient des PEA et des contrats d’assurance-vie ; le PEL ne rapportera que très peu.

Mme Bérengère Poletti. Pourquoi alors ne pas le supprimer de l’article 8 ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Libre à vous de déposer un amendement en ce sens !

La Commission rejette les amendements de suppression

Elle est saisie d’un amendement AS29 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. En modifiant le régime fiscal des contrats déjà signés, vous créez une véritable rupture de la confiance accordée par les Français au système. Les banquiers et les assureurs leur ont fourni des informations que vous invalidez. Ils vont se détourner des placements en question. Ce n’est ni sérieux ni juste à l’égard de nos concitoyens. Les dispositions de l’article 8 ne devraient s’appliquer qu’aux contrats passés à partir du 1er janvier 2014.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. En adoptant cet amendement, nous supprimerions le rendement de la mesure : la sécurité sociale ne peut guère se passer des 640 millions d’euros attendus !

Dans le passé, il y a déjà eu des variations du taux des rendements financiers du PEA ou de l’assurance-vie ; elles se sont toujours appliquées aux contrats déjà signés.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte l’article 8 sans modification.

Article 9
(art. 731-14 et L. 731-17 du code rural et de la pêche maritime,
art. 136-7 du code de la sécurité sociale)

Financement des mesures prises
en matière de retraites complémentaires agricoles

Le présent article vise à réintégrer dans l’assiette des prélèvements sociaux la part des dividendes excédant 10 % du capital social lorsqu’ils sont perçus par l’exploitant agricole, son conjoint ou ses enfants. Cette mesure doit permettre de financer les mesures en faveur des retraites des exploitants agricoles proposées par le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

En dehors des groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), il existe plusieurs types de sociétés agricoles. Certaines relèvent de l’impôt sur le revenu (IR), d’autres de l’impôt sur les sociétés (IS). Elles rassemblent des associés dont la définition de la qualité au sein de la société est relativement libre (c’est dans le seul cas des EURL que les associés exploitants doivent détenir ensemble plus de 50 % des parts représentatives du capital). Il s’en suit que les sociétés agricoles sont généralement composées d’associés participant aux travaux agricoles et d’associés qui n’y participent pas, la répartition du capital agricole entre eux étant très variable.

Dans ce contexte, les exploitants souhaitant s’installer en société ont le choix entre de nombreuses configurations quant au montage sociétaire. Ainsi, par exemple, il peut arriver que certains exploitants s’installent en société en s’attribuant 51 % des revenus issus de la société, le solde revenant à leur époux ou leur épouse, ou encore à un enfant mineur, déclaré(e) non participant aux travaux, l’ensemble des dividendes demeurant circonscrits à un même foyer.

Or, du point de vue social, le fait d’être enregistré comme associé participant aux travaux ou non participant aux travaux n’est pas sans incidence : l’assiette des cotisations sociales ne porte en effet que sur la part revenant aux associés participants. Le reste n’est fiscalisé qu’au titre des prélèvements sociaux sur le capital (le taux global étant de 15,5 %).

En outre, élément supplémentaire de complexité, les associés de sociétés relevant de l’IS peuvent percevoir deux types de revenus. Tous les associés peuvent percevoir des revenus de capitaux mobiliers (RCM). Cependant, leur qualité au sein de la société a une incidence fiscale. En effet, certains des associés participants aux travaux peuvent percevoir en complément des revenus, connus comme « rémunérations article 62 », notion qui recouvre notamment les rémunérations des gérants majoritaires de SARL, des associés en nom des sociétés de personnes ainsi que des associés uniques des EURL ou EARL. Ces personnes cumulent donc, potentiellement, RCM et rémunérations article 62. Dès lors, le calcul de l’assiette sociale des associés participant aux travaux s’organise de la façon suivante :

– sur la base d’une assiette forfaitaire pour les non-salariés percevant uniquement des RCM (assiette elle-même variable selon que les revenus dépassent ou non 2 028 SMIC horaires sur l’année) ;

– sur celle d’une assiette assise sur les seules rémunérations article 62 dans le cas où le non-salarié agricole perçoit à la fois des  rémunérations article 62 et des RCM, les RCM échappant alors à l’assiette sociale.

Le dispositif décrit en b peut donc inciter certains non-salariés agricoles à se verser de faibles rémunérations au titre de l’article 62 et d’importants RCM afin de soustraire ces derniers de l’assiette sociale.

Ces dispositifs permettent une forme d’optimisation fiscale. Or, les mesures de justice contenues dans le projet de loi bénéficient à l’ensemble des non-salariés agricoles, notamment ceux dont l’assiette de cotisation sociale ne permet pas de liquider une retraite suffisamment élevée. Il semble donc logique de modifier ces dispositifs fiscaux afin de financer les mesures de justice.

Conformément aux engagements du Président de la République, l’article 37 de la loi de financement pour 2013 a garanti un financement pérenne de la Mutualité sociale agricole (MSA). À compter du 1er janvier 2014 en effet, ses dépenses de gestion, définies dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion qui la lie à l’État, ne sont plus couvertes par des cotisations complémentaires de gestion mais par un prélèvement direct sur les ressources des différents régimes. Cette évolution met fin au mode de financement assis sur les cotisations sociales, une ressource évoluant en fonction des revenus agricoles et non des frais réels de gestion, ce qui a permis la constitution de réserves. Ces ressources, dont la propriété avait été transmise à la Caisse centrale de la mutualité agricole (CCMSA) par le III de l’article 37 de la loi de financement pour 2013, sont ainsi devenues obsolètes et peuvent aujourd’hui être mobilisées à d’autres fins.

Cet article prévoit d’intégrer dans l’assiette des cotisations sociales des non-salariés agricoles la part des RCM perçues par le non-salarié agricole, son conjoint, son partenaire PACS ou ses enfants mineurs non émancipés, ainsi que les bénéfices agricoles, industriels et commerciaux et les bénéfices non-commerciaux perçus par son conjoint, son partenaire PACS ou ses enfants mineurs non émancipés en leur qualité d’associé non participant aux travaux de la société. Cette mesure porte ainsi sur les associés familiaux, les revenus étant consolidés au niveau du foyer.

L’évaluation de l’impact financier de la mesure n’est pas aisée. Toutefois, on peut noter que le montant des bénéfices revenant aux associés non participants aux travaux était évalué à 1,17 milliard d’euros en 2011. Sur les 126 711 exploitations sociétaires hors GAEC, qui rassemblent 170 464 associés, 39 % incluent au moins un associé non exploitant agricole. L’étude d’impact calcule l’assiette possible ouverte par la réforme en tenant notamment compte de la proportion des associés conjoints ou pacsés non participant aux travaux dans ces sociétés, ainsi que des parts moyennes qu’ils détiennent. Le calcul proposé conduit à un gain supplémentaire de 207 millions d’euros (sur la base des déclarations de l’année 2011). L’étude pose en outre l’hypothèse d’une croissance des revenus distribués de 6,5 à 7 % entre 2011 et 2014. Sur cette base, le rendement brut de la mesure est estimé à 251 millions d’euros en 2014. Il faut ensuite en déduire les prélèvements sociaux ainsi que le seuil de 10 % du capital social en deçà duquel il n’y a pas de réintégration à l’assiette. Au final, le gain annoncé est de 168 millions d’euros, dont 18 millions abonderont directement le régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) des non-salariés agricoles, qui est le vecteur des mesures de justice dans ce régime, et de 150 millions d’euros les autres branches du régime et qui seront réaffectés au RCO.

La montée en charge du dispositif est progressive : prise en compte de 75 % de l’assiette nouvelle en 2014 (pour un gain de 110 millions d’euros), puis de 100 % à compter de 2015 (pour un gain de 168 millions d’euros en 2015).

En outre, l’obsolescence des réserves de gestion de la MSA permet leur affectation en complément du financement du régime agricole en général et des mesures de justice en particulier. Aux termes du présent projet de loi, elles seront ainsi mobilisées pour moitié (160 millions d’euros) afin de combler les manques de recettes liées à la montée en charge par étapes des mesures de réintégration des dividendes dans l’assiette sociale. Ce prélèvement sera directement affecté au financement des dépenses techniques de la RCO. La somme sera ventilée par tranches de 40 millions d’euros chaque année en 2014, 2015, 2016 et 2017.

Le tableau ci-après illustre le coût des mesures de justice du projet de réforme.

Source : étude d’impact.

Symétriquement, le tableau suivant décrit les gains générés par les deux mesures du présent article.


Source : étude d’impact.

Les deux tableaux montrent que les mesures nouvelles seront financées par des mesures d’équité au sein de la fiscalité agricole. L’engagement du Président de la République sera ainsi tenu dès 2014.

Le A du I du présent article modifie l’article L. 731-14 du code rural et de la pêche maritime. Après son quatrième alinéa, il insère trois alinéas nouveaux qui élargissent l’assiette, selon les dispositions décrites ci-dessus aux revenus suivants : RCM, bénéfices agricoles, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non-commerciaux. Afin de ne pas pénaliser les plus petits associés, il maintient un seuil d’exonération de la mesure à 10 % du capital social. Le B du I organise la montée en charge progressive de la mesure : prise en compte de 75 % de l’assiette nouvelle pour les cotisations versées en 2014, puis à 100 % pour celles versées à compter de 2015. Le C abroge l’article 731-17 qui porte sur la détermination de l’assiette forfaitaire des gérants ou associés non-salariés agricoles, devenu caduc par l’insertion des dispositions précédentes.

Le II modifie le I de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale afin de sortir ces revenus soumis aux charges de l’assiette de la contribution sociale sur les produits de placement.

Le III autorise la mobilisation des réserves mentionnées à l’article 37 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013. Elles seront affectées à hauteur de 160 millions d’euros à la RCO.

Le IV prévoit quant à lui que la Caisse nationale des allocations familiales ainsi que les branches maladie, invalidité et maternité, vieillesse et veuvage, accidents du travail et maladies professionnelles du régime agricole restituent une quote-part des recettes fiscales dont ils sont attributaires afin de financer le RCO agricole. Le montant est fixé par arrêté des ministres chargés du budget, de la sécurité sociale et de l’agriculture et le versement intervient en début d’exercice.

*

* *

La Commission est saisie de deux amendements de suppression AS31 de M. Jean-Louis Costes et AS81 de M. Francis Vercamer.

M. Jean-Louis Costes. L’article 9 vient une nouvelle fois accroître la pression fiscale sur les exploitations agricoles. Plus de 168 millions d’euros vont être ponctionnés aux agriculteurs. La revalorisation nécessaire des pensions ne peut passer par une énième taxation des bénéfices agricoles ; elle devrait s’appuyer sur la solidarité nationale, comme le Président de la République l’avait promis.

Cet article fait entrer dans l’assiette des cotisations sociales des revenus du capital qui ne sont pas liés à l’activité. Cela n’avait jamais été fait depuis 1945 !

M. Arnaud Richard. Si l’objectif poursuivi par le Gouvernement, d’améliorer les retraites complémentaires agricoles est louable et partagé par tous, les dispositions de cet article reviennent à assurer le financement de cette mesure par une hausse des prélèvements sociaux opérés sur les travailleurs indépendants agricoles exerçant dans le cadre sociétaire. Au regard de la grande disparité de l’évolution du revenu agricole tant entre filières que sur le plan individuel, cette disposition entraîne un alourdissement des charges qui est contestable.

Par ailleurs, le transfert de 160 millions d’euros des excédents de la mutualité sociale agricole vers le régime complémentaire obligatoire de retraite des exploitants agricoles est une mesure de gestion qui ne permet pas de régler les difficultés structurelles de financement de ce régime.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. L’article 9 est cohérent avec la réforme des retraites que nous venons d’adopter…

Mme Bérengère Poletti. De justesse ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Les mesures proposées permettront de revaloriser les petites pensions agricoles en faisant appel à la solidarité de ceux qui ont des parts dans des sociétés du secteur agricole sans les exploiter toujours eux-mêmes. Les dirigeants de la mutualité sociale agricole que j’ai rencontrés ont considéré que cette mesure de justice était acceptable.

La Commission rejette les amendements de suppression.

Puis elle adopte l’article 9 sans modification.

Article 10
(art. L. 613-1 et L. 633-10 du code de la sécurité sociale)

Création d’une cotisation déplafonnée d’assurance vieillesse de base
pour le Régime social des indépendants

Le présent article vise à créer une cotisation d’assurance vieillesse de base assise sur la totalité de la rémunération des indépendants, en sus de la cotisation plafonnée existante.

Les artisans, industriels et commerçants sont affiliés au Régime social des indépendants (RSI).

Le taux de la cotisation d’assurance vieillesse de base est fixé, par renvoi, au niveau du taux global (parts salariale et employeur) du régime général (16,85 % en 2013) assis sur le revenu d’activité dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 37 032 euros en 2013. La cotisation minimale est calculée sur une assiette égale à 5,25 % du plafond annuel de la sécurité sociale (1 910 euros). La cotisation minimale est donc égale à 318 euros et la cotisation maximale à 6 056 euros.

Une cotisation forfaitaire est prévue pour les deux premières années : 1 151 euros la première année et 1 750 euros la deuxième année.

Définie à l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, l’assiette est constituée par le revenu net fiscal, incluant un abattement de 10 % pour frais professionnels. Plusieurs éléments fiscalement déductibles sont cependant réintégrés dans l’assiette sociale : primes souscrites dans le cadre de la « loi Madelin » (épargne retraite facultative), certaines exonérations d’impôt, reports déficitaires et amortissements réputés différés, provisions pour investissement ou mise en conformité, revenu tiré de la location d’un fonds de commerce. Afin de mettre un terme à la double déduction des frais professionnels, du fait de l’abattement de 10 %, l’article 11 de la loi de financement pour 2013 a réintégré dans l’assiette sociale les déductions à effectuer, pour la détermination du revenu fiscal, du chef des frais professionnels et des frais, droits et intérêts d’emprunt versés pour acquérir ou souscrire des parts ou des actions d’une société.

Les cotisations sont assises sur le revenu de l’année n–2, à titre provisionnel, puis régularisées durant l’année n+1. Deux exceptions sont toutefois prévues pour rapprocher le montant des cotisations payées durant une année n du revenu effectivement perçu durant cette année : d’une part, l’assuré peut demander que les cotisations appelées durant cette année soient calculées à partir d’un revenu estimé pour ladite année, une majoration de 10 % étant cependant prévue si l’estimation du revenu a été inférieure au revenu réel ; d’autre part, les cotisations des micro-entreprises peuvent être appelées durant l’année sur la base du revenu effectivement réalisé pendant cette année.

Au régime général, l’assiette de la cotisation d’assurance vieillesse est partiellement déplafonnée car la cotisation est assise, d’une part, sur la rémunération dans la limite du plafond de la sécurité sociale (au taux de 6,75 % pour les salariés et 8,40 % pour les employeurs en 2013) et, d’autre part, sur la totalité de la rémunération (au taux de 0,1 % pour les salariés et 1,6 % pour les employeurs en 2013).

Or, depuis 1973, les pensions de retraite sont calculées selon des paramètres similaires dans ces deux régimes.

Dans le cadre du financement de la réforme des retraites en cours d’examen, a été annoncé un relèvement des cotisations retraite déplafonnées pour l’ensemble des régimes de 0,3 point pour chacune des parts salariale et employeur, étalé entre 2014 et 2017. La mesure proposée au présent article vise à permettre l’application de ce relèvement au RSI.

Le 1° du I corrige une erreur matérielle. L’article L. 613-1 du code de la sécurité sociale prévoit actuellement que sont obligatoirement affiliés au régime d’assurance maladie et d’assurance maternité des travailleurs indépendants des professions non agricoles les personnes exerçant une activité de location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés à titre professionnel, au sens du VII de l’article 151 septies du code général des impôts.

Or, le VII de l’article 151 septies du code général des impôts ne définit pas ce qui est considéré comme une activité de location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés à titre professionnel, contrairement au IV de l’article 155 du même code (2). Le présent article remplace donc le renvoi au VII de l’article 151 septies du code général des impôts par le renvoi au IV de l’article 155.

Le 2° du I modifie l’article L. 633-10 du code de la sécurité sociale afin de supprimer le plafonnement intégral de la cotisation d’assurance vieillesse de base due par les artisans et commerçants affiliés au RSI.

Il prévoit que cette cotisation est désormais assise pour partie sur le revenu d’activité dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale et pour partie sur la totalité du revenu d’activité.

Les deux taux seront fixés par décret, la somme de ces deux taux étant égale à la somme des taux applicables aux rémunérations inférieures au plafond de la sécurité sociale dans le régime général (soit 16,95 % en 2014). Un décret devra donc être publié avant la fin de l’année 2013 pour fixer ces deux taux.

Ainsi, ce déplafonnement sera limité : l’étude d’impact indique que le taux de la cotisation déplafonnée ne sera pas égal au taux global de la cotisation déplafonnée du régime général. Il devrait correspondre à la hausse générale de cotisation déplafonnée (parts salariale et employeur) décidée dans le cadre de la réforme des retraites, soit 0,6 point entre 2014 et 2017.

L’augmentation sera étalée entre 2014 et 2017 comme l’indique le tableau suivant.

MONTÉE EN CHARGE DES TAUX DES COTISATIONS D’ASSURANCE VIEILLESSE

(en pourcentage)

 

Régime général

RSI artisans et commerçants

Sous le plafond

Sur la totalité des rémunérations

Sous le plafond

Sur la totalité des revenus

Salariale

Patronale

Salariale

Patronale

2013

6,75

8,40

0,10

1,60

16,85

-

2014

6,80

8,45

0,25

1,75

16,95

0,30

2015

6,85

8,50

0,30

1,80

17,05

0,40

2016

6,90

8,55

0,35

1,85

17,15

0,50

2017

6,90

8,55

0,40

1,90

17,15

0,60

Source : (étude d’impact)

S’agissant des auto-entrepreneurs, qui cotisent sur des assiettes spécifiques (en fonction du chiffre d’affaires et du secteur d’activité), l’étude d’impact indique qu’une mesure réglementaire sera prise pour procéder à une augmentation de leur niveau de cotisations au titre de l’assurance vieillesse.

Le II prévoit que le I est applicable aux cotisations « dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2014 ». Cette formulation permet d’exclure la régularisation des cotisations 2013 due en 2014.

3. Impact financier de la mesure

Le rendement de cette mesure pour le RSI est évalué à 22,5 millions d’euros en 2014 (sur un montant total de recettes de cotisations vieillesse de 2,2 milliards d’euros prévus en 2014) et 45 millions d’euros par an à la fin de sa montée en charge, c’est-à-dire en 2017.

En ce qui concerne l’impact pour les indépendants, le déplafonnement touchera les artisans et les commerçants ayant un revenu supérieur au plafond annuel de la sécurité sociale, soit environ 24 % des artisans (162 000) et 22 % des commerçants (190 000). Le tableau suivant présente le supplément de cotisation dû en fonction du revenu de l’indépendant.

(en euros)

Pour un revenu égal à …

… le supplément de cotisation résultant du déplafonnement, par rapport au montant de la cotisation due en 2013, sera égal à …

2014

2015

2016

2017

50 000 €

37

50

62

75

100 000 €

187

250

312

375

500 000 €

1 387

1 850

2 312

2 775

1 000 000 €

2887

3 850

4 812

5 775

Source : étude d’impact.

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* *

La Commission est saisie de deux amendements de suppression, AS33 de M. Dominique Tian et AS214 de M. Jean-Pierre Door.

M. Dominique Tian. L’article 10 instaure une nouvelle cotisation vieillesse assise sur la totalité des revenus des indépendants sur laquelle sera appliquée la hausse décidée par la réforme des retraites. Les artisans, les commerçants et les entrepreneurs seront soumis à une double peine puisqu’ils subiront une nouvelle cotisation de 0,10 % à laquelle sera appliquée la hausse de 0,15 % pour 2014, soit une cotisation totale de 0,25 % sur l’ensemble de leurs revenus. C’est inacceptable !

Mme Véronique Louwagie. L’article 10 vise à créer une cotisation vieillesse déplafonnée pour les travailleurs indépendants. En plus de la cotisation vieillesse de base plafonnée qui augmentera de 0,10 point en 2014, les artisans, commerçants et patrons de petites et moyennes entreprises (PME) seront soumis à une nouvelle cotisation sur l’ensemble de leurs revenus d’activité. Cette hausse de cotisation devait être progressive sur quatre ans : 0,15 point pour les actifs en 2014, puis 0,05 point les années suivantes.

Pourtant, l’année derrière, le Gouvernement avait déjà procédé à une augmentation des cotisations sociales du régime social des indépendants. Dans un contexte économiquement très difficile, plutôt que de prendre de telles mesures, nous ferions mieux de soutenir les PME et les très petites entreprises (TPE) qui constituent l’indispensable maillage de notre territoire.

M. Gérard Bapt, rapporteur. En instituant une cotisation d’assurance vieillesse assise sur la totalité de la rémunération, cet article est conforme à l’esprit de la réforme des retraites. Ce déplafonnement ne concerne que la part correspondant à l’augmentation des cotisations prévue dans le cadre de la réforme des retraites.

Il convient par ailleurs de ramener l’augmentation du prélèvement à ses justes proportions : cela représentera trente-sept euros à partir d’un revenu de 50 000 euros, et 187 euros à partir de 100 000 euros.

La Commission rejette ces amendements.

La Commission adopte l’article 10 sans modification.

Après l’article 10

La Commission examine l’amendement AS160 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à rétablir la possibilité pour les particuliers employeurs d’opter pour le régime de la déclaration au forfait des travailleurs à domicile, supprimée par le projet de loi de finances 2013. En effet, la suppression de cette possibilité a provoqué un repli de 4,4 % de l’emploi salarié à domicile au premier trimestre 2013 et le développement du travail clandestin. Entre le premier trimestre 2012 et le premier trimestre 2013, le volume horaire déclaré a chuté de 7,9 %.

M. Gérard Bapt, rapporteur. La suppression du forfait s’est accompagnée de la mise en place d’un allégement de charges de 0,75 euro par heure. En outre, l’activité dans ce secteur des services à la personne avait commencé à baisser dès 2011, peut-être sous l’effet de mesures prises par la majorité de l’époque. En outre, votre amendement propose de modifier un article abrogé. Pour toutes ces raisons, je demande le rejet de cet amendement.

M. Gérard Sebaoun. Je rappelle que cette suppression avait pour but d’améliorer les droits sociaux de très nombreux salariés, notamment des femmes.

M. Francis Vercamer. Je constate qu’encore une fois le Gouvernement ne tient pas ses promesses, puisqu’il s’était engagé, en réponse à une question d’actualité du président Borloo, à réviser ce dispositif.

La Commission rejette cet amendement.

Article 11
(art. L-161-45, L. 165-11, L. 241-2, L. 245-1 et L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale, art. L. 5123-5 et L. 5123-5-1 du code de la santé publique, art. 1635 bis AF à 1635 bis AH [nouveaux] du code général des impôts et art. L. 166 D du livre des procédures fiscales)

Réforme des modalités de financement de la Haute Autorité de santé

● Les missions et le budget de la HAS aujourd’hui

La Haute Autorité de santé (HAS) est une autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale ayant pour mission de contribuer à la régulation du système de santé par l’amélioration de la qualité. Elle est chargée, d’une part, d’une activité d’évaluation et de recommandation et, d’autre part, d’une activité d’accréditation et de certification. Son champ d’intervention couvre aussi bien les produits de santé que les pratiques professionnelles, l’organisation des soins et la santé publique.

Ainsi, la HAS est notamment chargée d’évaluer d’un point de vue médical et économique les produits, actes, prestations et technologies de santé, en vue de leur remboursement. Aux termes de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, la HAS procède à l’évaluation périodique du service attendu des produits, actes ou prestations de santé et du service qu’ils rendent, et contribue par ses avis à l’élaboration des décisions relatives à l’inscription, au remboursement et à la prise en charge par l’assurance maladie de ces produits, actes ou prestations. À cet effet, la Haute Autorité émet un avis sur leurs conditions de prescription, de réalisation ou d’emploi et réalise ou valide des études d’évaluation des technologies de santé.

Les ressources de la Haute Autorité sont déterminées par l’article L. 161-45 du code la sécurité sociale. En font ainsi partie :

– des subventions de l’État ;

– une dotation des régimes obligatoires d’assurance maladie ;

– le produit des redevances pour services rendus (3) ;

– une fraction du produit des contributions acquittées par les entreprises sur les dépenses de promotion des médicaments (10 %) et des dispositifs médicaux (44 %) ;

– le produit des taxes prélevées sur les entreprises à l’occasion du dépôt d’une demande d’inscription, de renouvellement d’inscription ou de modification d’inscription d’un médicament sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables, d’une demande d’inscription d’un dispositif médical sur la liste des dispositifs médicaux remboursables ou d’une demande d’inscription d’un dispositif médical sur la liste des dispositifs médicaux hospitaliers pris en charge dans le cadre des groupes homogènes de séjours (GHS). Ces taxes sont directement recouvrées par la HAS pour son propre compte ;

– des produits divers, dons et legs.

D’après les informations figurant sur le site internet de la Haute Autorité, les ressources de la HAS se sont élevées à 62,25 millions d’euros en 2012. Comme l’indique le schéma ci-après, ces ressources sont constituées à hauteur de 42 % par des subventions de l’État et de l’assurance maladie ; 2 % du financement correspondant aux ressources propres, c’est donc 56 % du budget de la Haute Autorité qui provient de taxes affectées. Celles recouvrées directement par l’Agence représentent 5 % de ces ressources et les autres – 51 % – transitent par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

Répartition des ressources de la HAS

recette 2012

Source : Budget et sources de financement (juin 2013), www.has-sante.fr

● Une évolution souhaitable du financement sur le modèle de l’agence nationale de sécurité du médicament

Comme indiqué précédemment, la Haute Autorité de Santé est amenée à se prononcer sur la pertinence du remboursement par l’assurance maladie des produits de santé, alors même qu’elle est financée par une taxe prélevée sur les entreprises qui produisent médicaments et dispositifs médicaux. Les membres de la HAS sont évidemment soumis à de strictes obligations déontologiques, dont le contenu a par ailleurs été consolidé par la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et le décret du 9 mai 2012 relatif à la déclaration publique d’intérêts et à la transparence en matière de santé publique et de sécurité sanitaire. Il n’en demeure pas moins que la mise en place d’un financement totalement indépendant de la HAS serait souhaitable, comme cela est le cas, par exemple de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

La réforme du financement de l’agence du médicament

Avant l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), devenue ensuite l’ANSM, était financée, comme la HAS, par :

– des subventions (des collectivités publiques, de leurs établissements publics, des organismes de sécurité sociale, de l’Union européenne ou des organisations internationales) ;

– des taxes prévues à son bénéfice ;

– des redevances pour services rendus ;

– et des produits divers, des dons et legs et des emprunts.

En 2010, les taxes et redevances des laboratoires perçues par l’AFSSAPS représentaient 76 % de son budget annuel.

En lien avec la réforme du cadre général du dispositif du médicament, l’article 26 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 a mis fin, à compter du 1er janvier 2012, à la perception par l’AFSSAPS des taxes et redevances versées par les laboratoires pharmaceutiques et l’industrie des dispositifs médicaux. La perception de ces taxes et redevances a été transférée à l’État et les recettes afférentes affectées à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

La mise en œuvre de cette réforme a permis de rompre tout lien financier entre l’AFSSAPS et les industries concernées, garantissant ainsi son indépendance, alors que, parallèlement, la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament prévoyait pour la nouvelle agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) un mode de financement reposant essentiellement sur une subvention de l’État, au montant réévalué afin, non seulement, de compenser la perte des recettes issues de la perception des taxes sur les industriels, mais également de tenir compte des nouvelles missions de l’agence, par exemple en matière de pharmacovigilance ou de contrôle de la publicité sur les produits de santé.

Ainsi que le souligne l’étude d’impact du projet de loi, « ce financement [de la HAS] par les industries de santé, qui plus est majoritaire, n’apparaît pas approprié s’agissant du financement d’une autorité indépendante qui rend des avis pouvant avoir des conséquences financières importantes sur ces mêmes industriels ». Cette analyse s’appuie sur les conclusions du rapport de la mission conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) d’octobre 2012 sur « La fiscalité spécifique applicable aux produits de santé et à l’industrie qui les fabrique », qui souligne que le mouvement initié avec la réforme du financement de l’AFSSAPS n’a pas été achevé. Estimant que « certaines situations semblables n’ont pas évolué, alors qu’il aurait été logique qu’elles reçoivent le même traitement », le rapport vise précisément l’affectation de taxes à la HAS qu’il juge « tout aussi contestable qu’en ce qui concerne l’ex-AFSSAPS ». Les Inspections considèrent en effet que les arguments utilisés pour souligner la nécessité de rompre le lien direct entre l’ex-AFSSAPS et les entreprises industrielles sont transposables au cas de la HAS. Elles jugent en outre problématique le cas précis du financement de la Haute Autorité par une fraction du produit des taxes sur les dépenses de promotion du médicament, qui portent, entre autres, sur les activités de démarchage, alors même que la HAS est précisément chargée d’élaborer une procédure de certification de la visite médicale dans les établissements de santé. Le rapport indique que, même si ce lien est indirect, la HAS n’en reste pas moins financée à près de 40 % par des taxes issues d’une activité qu’elle contribue à réguler.

Enfin, d’une manière plus générale, plusieurs rapports, tel le rapport d’information de 2010 du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale sur les autorités administratives indépendantes ou le rapport de l’Inspection Générale des Finances de 2011 sur les agences de l’État, ont mis en évidence les risques inhérents au financement d’établissements publics par le biais de taxes affectées dont le produit dépend de phénomènes conjoncturels et dont le rendement annuel, variable, peut fragiliser le fonctionnement de ces institutions, voire remettre en cause l’exercice de leurs missions.

2. Un financement indépendant reposant uniquement sur des contributions de l’État et de l’assurance maladie

Le présent article vise en conséquence à transférer à la caisse nationale d’assurance maladie (CNAMTS) les fractions des contributions sur les dépenses de promotion des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux) actuellement affectées à la HAS ainsi que les diverses taxes perçues directement par la Haute Autorité. D’après l’étude d’impact du projet de loi, le montant des taxes transférées de la HAS vers la CNAMTS est estimé à 30,9 millions d’euros.

Ce même montant doit donc être reversé à la HAS, par le biais de la subvention de l’État et de la dotation de l’assurance maladie. Selon la clé de répartition déjà applicable aujourd’hui (un tiers pour l’État, deux tiers pour l’assurance maladie), la HAS devrait donc recevoir une subvention de l’État en hausse de 10,3 millions d’euros et une dotation de l’assurance maladie en hausse de 20,6 millions d’euros. Afin, toutefois, que l’opération demeure financièrement neutre pour les trois acteurs, la CNAMTS, qui perçoit la totalité des taxes auparavant affectées à la HAS, doit donc restituer à l’État un montant équivalent à la hausse de sa dotation, soit 10,3 millions d’euros. Pour ce faire, il est prévu que l’assurance maladie verse à l’État une fraction de TVA nette qu’elle perçoit (opération prévue par l’article 39 du projet de loi de finances pour 2014).

 

Taxes

TVA nette

∆ subvention État

∆ dotation AM

Total

HAS

-30,9

 

10,3

20,6

0,0

État

 

10,3

-10,3

 

0,0

CNAMTS

30,9

-10,3

 

-20,6

0,0

Total

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Source : Étude d’impact du projet de loi.

Afin de mettre en œuvre cette réforme du financement de la HAS, le présent article modifie successivement le code de la sécurité sociale (I), le code de la santé publique (II), le code général des impôts (III) et le livre des procédures fiscales (IV).

● Sont tout d’abord supprimées, au sein de l’article L. 161-45 du code de la sécurité sociale les références aux taxes actuellement perçues par la HAS n’ayant plus vocation à l’être, qui sont visées aux 4° à 5° de cet article (I A et B), c’est-à-dire :

– une fraction de 10 % du produit de la contribution acquittée par les entreprises sur les dépenses de promotion des médicaments en application de l’article L. 245-1 du code de la sécurité sociale () ;

– une fraction égale à 44 % du produit de la contribution acquittée par les entreprises sur les dépenses de promotion des dispositifs médicaux en application de l’article L. 245-5-1 du code de la sécurité sociale (4° bis) ;

– le montant des taxes d’enregistrement prélevées sur les entreprises à l’occasion du dépôt d’une demande d’inscription, de renouvellement d’inscription ou de modification d’inscription d’un dispositif médical sur la liste des dispositifs médicaux hospitaliers pris en charge dans les groupes homogènes de séjours en application de l’article L. 165-11 du code de la sécurité sociale, d’une demande d’inscription, de renouvellement d’inscription ou de modification d’inscription d’un médicament sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables (article L. 5123-5 du code de la santé publique) ou d’une demande d’inscription d’un dispositif médical sur la liste des dispositifs médicaux remboursables (article L. 5211-5-1 du même code) ().

● L’affectation du produit de ces taxes à la CNAMTS nécessite ensuite plusieurs séries de modification :

Ä s’agissant des taxes d’enregistrement prélevées à l’occasion du dépôt d’une demande d’inscription d’un produit de santé sur une liste de produits remboursables, les références à ces taxes dans les codes de la sécurité sociale et de la santé publique sont tout d’abord supprimées :

– le IV bis de l’article L. 165-11 du code de la sécurité sociale qui dispose que « toute demande d’inscription, de renouvellement d’inscription ou de modification d’inscription d’un produit de santé sur la liste prévue au I (4)est accompagnée du versement d’une taxe dont le barème est fixé par décret dans la limite de 5 580 euros » est ainsi supprimé (I C),

– les articles L. 5123-5 et L. 5211-5-1 du code de la santé publique qui prévoyaient, respectivement la perception d’une taxe d’un montant « fixé, dans la limite de 5 600 euros par arrêté des ministres chargés du budget, de l’économie et des finances, de la santé et de la sécurité sociale » pour les médicaments et d’une taxe « dont le barème est fixé par décret dans la limite de 5 580 euros » pour les dispositifs médicaux, le sont également (II).

La perception de ces taxes au profit de l’assurance maladie sera ensuite réintroduite dans le code général des impôts, au sein des articles 1635 bis AF à 1635 bis AH (III).

Ä en ce qui concerne les taxes prélevées sur les dépenses de promotion, dont le produit est aujourd’hui partagé entre l’assurance maladie et la HAS, le texte prévoit leur affectation exclusive à l’assurance maladie :

– tout d’abord, l’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, qui dresse la liste des ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès est complété afin, d’une part, de mentionner, au sein d’un , les taxes sur les dépenses de promotion prévues aux articles L. 245-1 et L. 245-5-1 (5) (I D 1°) et, d’autre part, de rectifier les références au code général des impôts prévues au , qui énumère les recettes fiscales affectées à l’assurance maladie, afin de tenir compte des modifications introduites au III du présent article ainsi qu’à l’article 12 du présent projet de loi (D 2°). Ainsi les références aux articles 1635 bis AF à 1635 bis AH, qui correspondent aux trois nouvelles taxes qui seront affectées à l’assurance maladie, sont insérées et la référence à l’article 1600-0 N du code général des impôts, qui définit le régime de la taxe annexe à la TVA due par les entreprises qui effectuent la première vente des médicaments ayant fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché, est supprimée, cet article étant abrogé à l’article 12 ;

– ensuite, au sein même des articles L. 245-1 et L. 245-5-1, la référence à la Haute Autorité permettant l’affectation à celle-ci d’une fraction du produit de ces taxes est supprimée (E).

● Le texte prévoit ensuite la création de trois nouvelles taxes au profit de l’assurance maladie, correspondant aux trois taxes d’enregistrement mentionnées à l’article L. 165-11 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5123-5 et L. 5211-5-1 du code de la santé publique affectées actuellement à la HAS. Trois nouveaux articles sont ainsi insérés au sein de la section V quinquies « Droits perçus au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés » du chapitre III « Enregistrement, publicité foncière et timbre » du titre III « Impositions perçues au profit de certains établissements publics et d’organismes divers » de la deuxième partie « Impositions perçues au profit des collectivités locales et de divers organismes » du livre Ier du code général des impôts (III A) :

– l’article 1635 bis AF reprend les dispositions de l’actuel article L. 5123-5 du code de la santé publique relatif au paiement d’une taxe lors du dépôt de toute demande d’inscription, de renouvellement d’inscription ou de modification d’inscription d’un médicament sur la liste des spécialités pharmaceutiques remboursables. Le montant de la taxe n’est pas modifié. Les conditions de mise en recouvrement sont en revanche adaptées dans la mesure où il ne s’agit plus d’une taxe perçue par un établissement public. Comme le précise l’exposé des motifs du projet de loi, cette taxe, comme les deux autres, sera désormais recouvrée par les services de la direction générale des finances publiques ;

– l’article 1635 bis AG reprend quant à lui les dispositions du IV bis de l’article L. 165-11 du code de la sécurité sociale soumettant toute demande d’inscription, de renouvellement d’inscription ou de modification d’inscription d’un dispositif médical sur la liste des dispositifs médicaux hospitaliers pris en charge dans le cadre des groupes homogènes de séjours au paiement d’une taxe, dont le montant reste le même qu’aujourd’hui. Comme précédemment, les modalités de recouvrement sont modifiées afin de tenir compte du changement d’affectataire ;

– enfin, l’article 1635 bis AH reprend les dispositions de l’article L. 5211-5-1 relatives au paiement d’une taxe lors du dépôt d’une demande d’inscription d’un dispositif médical à usage individuel sur la liste des dispositifs médicaux remboursables, à l’exception de celles relatives aux modalités de recouvrement pour les mêmes raisons qu’évoquées précédemment.

● Par coordination, les dispositions du III bis de l’article 1647 du code général des impôts sont modifiées afin de prévoir un prélèvement par l’État de 0,5 % du montant de ces trois taxes pour frais d’assiette et de recouvrement (III B 2°). La référence à l’article 1600-0 N figurant à cet article est en revanche supprimée par coordination avec l’article 12 (III).

● Enfin, les dispositions relatives aux dérogations en matière de secret professionnel en matière fiscale prévues par le livre des procédures fiscales dans le cadre du contrôle de l’impôt sont modifiées afin de prévoir la possibilité pour la Haute Autorité de Santé et les autorités chargées du recouvrement des trois taxes nouvellement créées de se transmettre « spontanément ou sur demande les informations » relatives à ces taxes.

Les dispositions du livre des procédures fiscales qui prévoient déjà de telles dispositions concernant l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sont étendues à la HAS. Tout d’abord l’intitulé de la division afférente du livre est modifié afin de viser expressément la Haute Autorité de Santé (IV). Ensuite, l’article L. 166 D du code des procédures fiscales, qui prévoit déjà un échange d’informations entre l’ANSM et les services de la direction générale des finances publiques sur les taxes annexes à la TVA dues par les entreprises qui effectuent la première vente des médicaments et des dispositifs médicaux ayant fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (articles 1600-0 N et 1600-0 O du code général des impôts) est complété afin d’introduire des dispositions similaires s’agissant de la HAS et des trois taxes d’enregistrement prévues aux articles 1635 bis AF à 1635 bis AH. Les destinataires de ces informations sont en revanche astreints au secret professionnel (6).

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement AS83 de suppression de l’article de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. En enlevant à la Haute Autorité de santé (HAS) le bénéfice des taxes versées par le secteur des produits de santé sous le prétexte d’éventuels conflits d’intérêt, cet article met en cause la déontologie de cette autorité indépendante, ce qui ne nous paraît pas de nature à renforcer son crédit. En outre, l’exposé des motifs de l’article affirme que ces taxes représenteraient la moitié des ressources de la Haute Autorité, alors qu’elles n’en représentent en réalité que 5 % d’après le site de cette institution.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je m’étonne que vous proposiez la suppression d’une mesure en tous points similaire à celle que votre majorité avait votée concernant l’Agence nationale du médicament et des produits de santé, l’ANSM, désormais financée par une dotation d’État. Dans les deux cas, il s’agit de renforcer l’indépendance de ces agences par rapport à l’industrie.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je rappelle en outre que notre groupe a constamment défendu cette proposition dès le début de la législature précédente, avant même que n’éclate le scandale du Médiator.

La Commission rejette cet amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS282 du rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

La Commission adopte cet amendement.

Elle examine l’amendement AS283 du rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est un amendement de précision.

La Commission adopte cet amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS82 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Il s’agit de préciser que la déclaration accompagnant le versement de la taxe devra être conforme à un modèle prescrit par voie réglementaire, et non pas par l’administration.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne comprends pas très bien l’intérêt d’une disposition qui ne ferait qu’alourdir la procédure.

M. Francis Vercamer. Je reste fidèle à une conception démocratique qui veut que ce soit aux politiques de décider, et non pas à l’administration.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Dans tous les cas ce ne sera pas à nous de décider.

La Commission rejette cet amendement.

La Commission adopte l’article 11 modifié.

Après l’article 11

La Commission examine ensuite les amendements AS34 et AS147 de M. Dominique Tian portant articles additionnels après l’article 11.

M. Dominique Tian. Ces amendements visent à prendre en compte le souhait exprimé par Gérard Bapt de voir appliquer l’article 10 de la LFSS 2012, qui prévoyait la communication annuelle aux assurés des frais de gestion des organismes complémentaires, selon des modalités précisées par un arrêté qui n’a jamais été pris.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il vous a apparemment échappé que l’arrêté relatif à la transparence des frais de gestion a été publié le 8 juillet 2013.

M. Dominique Tian. Dans ce cas je retire mes amendements.

Article 12
(art. L. 162-1-8 du code de la sécurité sociale)

Fusion de la taxe sur le chiffre d’affaires des laboratoires
et de la taxe sur les premières ventes de médicaments

Le présent article vise, dans un souci de simplification pour les entreprises, à fusionner la taxe sur le chiffre d’affaires des laboratoires et la taxe sur les premières ventes de médicaments.

En l’état actuel du droit, l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale prévoit que la contribution sur le chiffre d’affaires des industries pharmaceutiques est assise sur le chiffre d’affaires hors taxes des médicaments bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché, remboursables ou pris en charge par l’assurance maladie, des laboratoires pharmaceutiques au cours d’une année civile, après déduction du chiffre d’affaires des spécialités génériques et du chiffre d’affaires des médicaments orphelins sous réserve que le chiffre d’affaires remboursable de chaque médicament orphelin ne soit pas supérieur à 20 millions d’euros. Il faut noter que le chiffre d’affaires s’entend déduction faite des remises commerciales accordées par les entreprises aux professionnels de santé.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 a fixé le taux de cette contribution à 1,6 % pour 2012, 2013 et 2014. Cette contribution est non déductible du résultat imposable à l’impôt sur les sociétés. Son rendement est d’environ 364 millions d’euros en 2012. La taxe est affectée à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. Son recouvrement est assuré par deux URSSAF.

L’article 1600-0 N du code général des impôts prévoit que la taxe sur les premières ventes de médicaments est assise sur le montant total des ventes hors TVA réalisée au cours de l’année civile précédente de chaque spécialité pharmaceutique bénéficiant d’un enregistrement, d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation d’importation parallèle.

Elle est calculée sur la base d’un barème forfaitaire par tranche. La taxe n’est pas exigible pour les médicaments orphelins désignés comme tels en application des dispositions du règlement CE 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999. Le montant des ventes réalisé à l’exportation n’est pas pris en compte pour le calcul de l’assiette de la contribution. Enfin, la taxe est déductible. Cette taxe est affectée à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés. Son rendement est d’environ 33 millions d’euros en 2012. Son recouvrement est assuré par la Direction générale des finances publiques.

Comme l’indique l’étude d’impact, ces deux prélèvements, dont les assiettes sont proches, ont des règles de déductibilité différentes et sont par ailleurs recouvrés par deux directions différentes, ce qui contribue au manque de lisibilité d’ensemble de la fiscalité spécifique des produits de santé. C’est pourquoi il a été proposé dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé de fusionner ces deux taxes.

Par ailleurs le présent article aligne les conditions fiscales des groupes de génériques dans lesquels le prix de vente au public des spécialités de référence est identique à celui des génériques de leur groupe sur celles applicables aux spécialités génériques sous tarif forfaitaire de responsabilité.

Il est donc institué une contribution des entreprises assurant l’exploitation en France, au sens de l’article L. 5124-1 du code de la santé publique, d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques.

Le présent article prévoit que cette contribution est assise sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer au cours d’une année civile au titre des médicaments bénéficiant :

1° d’un enregistrement au sens des articles L. 5121-13 et L. 5121-14-1 du code de la santé publique ;

2° d’une autorisation de mise sur le marché ;

3° d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Union européenne au sens du titre II du règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments ;

4° d’une autorisation d’importation parallèle en application de l’article L. 5124-13 du même code.

Il est précisé que sont exclus de l’assiette :

– les spécialités génériques définies à l’article L. 5121-1 du même code, hormis celles qui sont remboursées sur la base d’un tarif fixé en application de l’article L. 162-16 du présent code ou celles pour lesquelles, en l’absence de tarif forfaitaire de responsabilité, le prix de vente au public des spécialités de référence définies au a du 5° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique est identique à celui des autres spécialités appartenant au même groupe générique ;

– les médicaments orphelins désignés comme tels en application des dispositions du règlement (CE) n° 141/2000 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1999 concernant les médicaments orphelins, dans la limite de l’indication ou des indications au titre de laquelle ou desquelles la désignation comme médicament orphelin a été accordée par la Commission européenne et sous réserve que le chiffre d’affaires remboursable ne soit pas supérieur à 20 millions d’euros.

Le chiffre d’affaires servant d’assiette à cette contribution s’entend déduction faite des remises accordées par les entreprises et des ventes ou reventes à destination de l’étranger. Les revendeurs indiquent à l’exploitant de l’autorisation de mise sur le marché les quantités revendues ou destinées à être revendues en dehors du territoire national pour une liste de produits fixée par arrêté et dans des conditions définies par une convention tripartite passée entre l’État, un ou plusieurs syndicats ou organisations représentant les entreprises fabriquant ou exploitant des médicaments et un ou plusieurs syndicats ou organisations représentant les grossistes-répartiteurs.

Le taux de la contribution de base est fixé à 0,2 %.

Par ailleurs, il est institué une contribution additionnelle à la contribution prévue au I du présent article pour les seules entreprises assurant l’exploitation en France, au sens de l’article L. 5124-1 du code de la santé publique, d’une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d’assurance maladie en application des premier et deuxième alinéas de l’article L. 162-17 du présent code ou des spécialités inscrites sur la liste des médicaments agréés à l’usage des collectivités.

La contribution additionnelle est assise sur le chiffre d’affaires hors taxe réalisé en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer au cours d’une année civile au titre des spécialités pharmaceutiques répondant aux conditions prévues aux II, III et IV du présent article et inscrites sur les listes mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 162-17 ou sur la liste mentionnée à l’article L. 5123-2 du code de la santé publique.

Le taux de la contribution additionnelle est de 1,6 %.

Il est précisé que les contributions de base et additionnelle sont exclues des charges déductibles pour l’assiette de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés.

Il est proposé que les nouvelles contributions soient affectées à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. Elles sont versées de manière provisionnelle le 1er juin de l’année au titre de laquelle elles sont dues, pour un montant correspondant à 95 % du produit du chiffre d’affaires défini pour chacune d’elles et réalisé au cours de l’année civile précédente par leur taux respectif. Une régularisation intervient au 1er mars de l’année suivant celle au titre de laquelle les contributions sont dues.

Il est enfin précisé que les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. 

La nouvelle contribution entre en vigueur le 1er janvier 2014.

*

* *

La Commission examine l’amendement AS357 du rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le présent amendement vise à fixer un seuil minimum de perception des taxes dues sur la première vente de dispositifs médicaux et de produits cosmétiques. Cette mesure de simplification du recouvrement de ces deux taxes s’avère en outre favorable aux très petites entreprises de ce secteur d’activité. D’après les données de la direction générale des finances publiques, l’institution d’un tel minimum de perception permettrait d’exclure 442 déclarants de l’exigibilité de la taxe, pour une diminution de recettes de l’ordre de 54 000 euros seulement.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle adopte successivement les trois amendements de cohérence AS285, AS286 et AS284 du rapporteur.

La Commission examine les quatre amendements identiques AS3 de M. Jean-Pierre Barbier, AS36 de M. Dominique Tian, AS215 de M. Jean-Pierre Door et AS264 de Mme Dominique Orliac.

M. Jean-Pierre Barbier. L’article 12 vise à mettre en œuvre la dix-septième préconisation du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), soit la fusion de la contribution sur le chiffre d’affaires et de la taxe annuelle sur les spécialités pharmaceutiques. Cette nouvelle contribution sera composée d’une contribution de base, correspondant à l’ancienne taxe annuelle sur les spécialités pharmaceutiques, fixée à 0,2 % du chiffre d’affaires réalisé au titre des médicaments et d’une contribution additionnelle fixée à 1,6 % du chiffre d’affaires réalisé au titre des seuls médicaments pris en charge. Or la contribution de base de 0,2 % n’étant pas fiscalement déductible, la charge fiscale pesant sur les entreprises du secteur sera accrue de 16 millions d’euros, ce qui est contraire à la préconisation du CSIS, pour lequel cette mesure de fusion devait être « conduite à rendement constant ». Pour que le rendement de cette taxe soit constant, il faudrait, comme nous le proposons à travers ces amendements, que le taux de la contribution de base soit porté de 0,2 à 0,13 %.

Alors que l’industrie pharmaceutique traverse de graves difficultés, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 demande à ce secteur 56 % de l’effort d’économie de la branche maladie, alors même qu’il ne contribue qu’à hauteur de 15 % aux dépenses d’assurance maladie, au risque d’aggraver encore la situation de l’emploi dans ce pays.

M. le rapporteur. Je vous signale que nous venons d’adopter un amendement qui dispense les petites entreprises du paiement de cette taxe. Il est légitime par ailleurs de chercher à limiter une dépense de médicament qui est, par habitant, la plus élevée de l’Union européenne. En outre, j’ai soigneusement vérifié auprès du Gouvernement que cette fusion se ferait à rendement constant.

Cette taxe est composée de deux éléments : une taxe socle de 0,2 % sur le chiffre d’affaires réalisé au titre de la vente de tous les médicaments, et une contribution additionnelle de 1,6 % sur le chiffre d’affaires réalisé au titre des seuls médicaments pris en charge. Le taux de la contribution de base a été fixé de façon que son rendement soit le même que celui de la taxe sur les premières ventes de médicaments. Cette fusion générera une perte de recettes pour la sécurité sociale de dix millions d’euros, le rendement de la taxe socle étant ramené de quarante-trois à trente-trois millions d’euros, et un gain de dix millions d’euros pour les caisses de l’État au titre de l’impôt sur les sociétés. L’opération est donc neutre pour les entreprises du secteur.

M. Dominique Tian. L’amendement AS36 est défendu.

M. Jean-Pierre Door. Les quarante-quatre propositions formulées à l’issue du CSIS du 5 juillet, toutes validées par le Premier ministre et le ministre du redressement productif, constituaient un pacte de confiance entre l’industrie pharmaceutique et le Gouvernement. Cet article rompt ce pacte de confiance en prélevant seize millions d’euros supplémentaires sur ce secteur, ce qui est contraire aux propositions du CSIS.

Le taux de 0,13 % que nous proposons permettra de ne pas pénaliser encore davantage un secteur sur lequel le PLFSS prévoit déjà de prélever près de un milliard d’euros.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce milliard d’économies sera réalisé sur toute la chaîne du médicament, et non sur la seule industrie.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est le syndicat des entreprises du médicament, le LEEM, qui prétend que cette mesure générera un rendement supplémentaire de seize millions d’euros. Ce n’est pas l’avis de l’administration de la sécurité sociale, qui m’a certifié la neutralité de l’opération. Cette fusion de deux taxes est conforme à la simplification recommandée par le CSIS.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il convient, pour avoir une vision globale de la question, de ne pas oublier qu’à elle seule SANOFI, première entreprise pharmaceutique française, touchera quarante millions d’euros au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

M. Jean-Noël Carpentier. L’amendement AS264 est défendu.

M. Denis Jacquat. Je vous mets en garde contre la tentation d’accabler de taxes une industrie qui est un fleuron de notre économie et un secteur stratégique pour notre pays, notamment sur le plan de la recherche scientifique.

Mme la présidente Catherine Lemorton. C’est aussi la seule industrie solvabilisée par la sécurité sociale !

Mme Véronique Louwagie. On ne peut pas parler de simplification alors que ce nouveau dispositif accroît la complexité de la règle fiscale. En outre, l’absence de déductibilité est un mauvais signal envoyé aux acteurs européens du secteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est une simplification au contraire puisqu’on passe de deux taxes à une seule. Par ailleurs, je vous invite à vérifier auprès des responsables de la sécurité sociale le bien-fondé des chiffres que je vous ai indiqués.

La Commission rejette ces amendements.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

Article 13
Fixation du taux K

Le présent article tend à fixer le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde (dit « taux K ») à 0,4 % pour l’année 2014.

L’article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, dont les dispositions sont codifiées au I de l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, a assujetti les entreprises exploitant des médicaments remboursables dispensés en officine à une contribution au titre de l’accroissement du chiffre d’affaires qu’elles réalisent au titre de ces médicaments. Les entreprises pharmaceutiques participent ainsi à la régulation des dépenses de l’assurance maladie.

En application de ces dispositions, chaque entreprise n’est redevable de cette contribution que lorsque le chiffre d’affaires hors taxes réalisé au titre des spécialités pharmaceutiques remboursées – à l’exception des médicaments orphelins sauf ceux dont le chiffre d’affaires dépasse 30 millions d’euros – au cours d’une année civile, en France, par l’ensemble des entreprises assurant l’exploitation de ces spécialités, s’est accru par rapport à l’année précédente d’un pourcentage excédant le taux déterminé, appelé « taux K ».

Le montant de cette contribution est calculé à partir d’une comparaison entre le taux d’accroissement du chiffre d’affaires de l’ensemble des entreprises redevables (appelé « taux T » à l’article L. 138-10) et le taux K.

L’assiette de la contribution correspond ainsi à la part du chiffre d’affaires de l’ensemble des entreprises redevables, qui résulte d’une croissance du produit de leurs ventes de médicaments remboursables plus rapide que le rythme de progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

Le taux de cette contribution est progressif par tranches. Ces tranches sont définies en fonction du niveau de dépassement du « taux K » par le « taux T », comme l’indique le tableau ci-après.

CALCUL DE LA CONTRIBUTION INSTITUÉE PAR L’ARTICLE L. 138-10
DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Taux d’accroissement du chiffre d’affaires T de l’ensemble des entreprises redevables

Taux de la contribution globale exprimé en pourcentage de la tranche du chiffre d’affaires déclaré par l’ensemble des entreprises redevables

T supérieur à K et/ou égal à K + 0,5 point

50 %

T supérieur à K + 0,5 point et inférieur ou égal à K + 1 point

60 %

T supérieur à K + 1 point et plus

70 %

Selon l’article L. 138-11 du code de la sécurité sociale, le montant de la contribution tel que calculé en application de l’article L. 138-10 précité, est ensuite réparti entre les entreprises redevables selon trois critères :

– à concurrence de 30 %, le niveau brut de leur chiffre d’affaires ;

– à concurrence de 40 %, la progression de leur chiffre d’affaires ;

– à concurrence de 30 %, leurs dépenses de publicité.

Toutefois, les entreprises créées depuis moins de deux ans ne sont pas redevables de la part de la contribution calculée en fonction de la progression de leur chiffre d’affaires, sauf si leur création résulte d’une scission ou d’une fusion d’une entreprise ou d’un groupe.

En outre, l’article L. 138-12 du code de la sécurité sociale limite le montant de la contribution versée par chaque entreprise assujettie à 10 % de son chiffre d’affaires hors taxes.

On soulignera aussi que l’article L. 138-10 précité exonère de cette contribution les entreprises qui ont conclu avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) une convention comportant des engagements sur leur chiffre d’affaires réalisé au titre des médicaments concernés, et dont le non-respect entraîne soit un ajustement des prix, soit le versement d’une remise conventionnelle au bénéfice des régimes obligatoires d’assurance maladie.

Le dispositif de l’article L. 138-10 précité constitue ainsi une clause permanente de sauvegarde, qui compense une partie des charges qui résultent pour ces régimes d’une progression incompatible avec l’ONDAM du chiffre d’affaires des entreprises qui exploitent des médicaments remboursés, sans être engagées dans un processus de maîtrise des dépenses par voie de convention avec le CEPS.

Le champ d’application de ce mécanisme a été étendu à deux reprises :

– l’article 21 de la loi de financement pour 2006, dont les dispositions sont codifiées au II de l’article L. 138-10, a créé un mécanisme identique pour les médicaments rétrocédés, c’est-à-dire les spécialités pharmaceutiques vendues au détail et au public par certains établissements de santé en application de l’article L. 5126-4 du code de la santé publique ;

– le 1° du I de l’article 15 de la loi de financement pour 2009 a étendu le champ de la clause de sauvegarde prévue au I de l’article L. 138-10 aux spécialités prises en charge par l’assurance maladie en sus des tarifs hospitaliers.

En pratique, le produit des contributions instituées par l’article L. 138-10 est quasiment nul. Le mécanisme de cet article est, en effet, repris dans l’accord-cadre sectoriel conclu entre le CEPS et Les entreprises du médicament (LEEM) pour déterminer le montant des remises conventionnelles dues par les laboratoires.

En principe, le « taux K » constituant le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde correspond, selon l’article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, au taux de progression de l’ONDAM.

Toutefois, depuis 2000, la valeur du « taux K » a été fixée directement par les lois de financement successives, par dérogation aux dispositions de l’article L. 138-10 précité, à des niveaux inférieurs au taux de progression de l’ONDAM.

Le présent article prévoit que pour le calcul des contributions dues par les entreprises pharmaceutiques au titre de l’année 2014 en application de la « clause de sauvegarde », le taux de 0,4 % sera substitué au taux K mentionné dans les deux tableaux figurant à l’article L. 138-10.

Votre rapporteur se félicite de la baisse du taux K à 0,4 %. Dans la mesure où l’industrie pharmaceutique est en grande partie solvabilisée par la solidarité nationale, il convenait de doter le CEPS d’un outil plus performant de négociation des prix à la baisse.

Le rendement du taux K anticipé sur 2014 serait de 10 millions d’euros, sous forme de remises.

*

* *

La Commission examine l’amendement AS183 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à rendre publiques les remises consenties par les laboratoires pharmaceutiques dans le cadre des conventions conclues avec le Comité économique des produits de santé, le CEPS, et qui leur permettent d’échapper à la contribution prévue dans cet article.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Même si je comprends l’objectif de votre proposition, je pense qu’on ne peut pas accepter un amendement qui tend à limiter la liberté de négociation de ces conventions et à porter atteinte au secret des affaires. J’aurais pu vous rejoindre si votre amendement avait visé à rendre public le montant des remboursements des laboratoires à l’assurance maladie fixé dans le cadre de ces conventions : cette information contribuerait grandement à la transparence des dépenses de médicament.

Mme la présidente Catherine Lemorton. L’audition par notre commission de M. Giorgi, président du CEPS, permettra d’éclairer la représentation nationale sur un mécanisme qui échappe souvent au législateur.

La Commission rejette cet amendement.

Elle adopte ensuite l’article 13 sans modification.

Article 14
(art. 4 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996)

Intégration des déficits de la CNAMTS et de la CNAF
dans le champ des reprises de la CADES

À la faveur de la réforme des retraites initiée par le Gouvernement, qui permet d’amorcer une trajectoire de résorption durable des déficits de la branche vieillesse, une marge de manœuvre tout à fait importante se dessine s’agissant du financement des déficits globaux à venir du régime général. Le présent article s’attache à utiliser cette marge de manœuvre, pour élargir le périmètre de la dette sociale dont le transfert à la CADES est programmé jusqu’en 2018 : alors que le schéma initial de reprise fixé en 2010 se limitait aux seuls déficits de la branche vieillesse et du FSV, qui devaient s’établir à 62 milliards d’euros sur la période, il devient possible, grâce à la réforme d’ampleur menée par le Gouvernement, d’envisager d’y inclure tout ou partie des déficits constatés et futurs des branches maladie et vieillesse, sans revenir sur ce plafond.

 

2009

2010

Cumul

Branche maladie

10 571

11 480

22 051

Branche AT-MP

713

490

1 203

Branche vieillesse

7 233

8 577

15 810

Branche famille

1 830

2 642

4 472

FSV

3 162

4 253

7 415

Total

23 509

27 442

50 951

La dégradation de la conjoncture macroéconomique liée à la crise financière de 2008 a donc conduit à engager une nouvelle opération de reprise de dette à la fin 2010. Pour la première fois, cette opération a porté non seulement sur les déficits cumulés constatés, mais également sur deux séries de déficits prévisionnels :

– les déficits prévisionnels 2011 des branches maladie et famille du régime général, à hauteur respectivement de 11,5 milliards d’euros et de 3 milliards d’euros, soit 14,5 milliards d’euros ;

– et les déficits prévisionnels sur la période 2011 à 2018 de la branche vieillesse du régime général et du FSV, dont les sommes sont retracées dans le tableau suivant.

DÉFICITS DE LA BRANCHE VIEILLESSE ET DU FSV (2011-2018)

(en milliards d’euros)

 

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Total

Branche vieillesse

6,9

7,4

8

7,7

6,7

4,6

3,4

1

45,7

FSV

3,8

3,6

3,1

2,4

1,8

1,1

0,5

16,3

Total

10,7

11

11,1

10,1

8,5

5,7

3,9

1

62

Au total, c’étaient donc plus de 127 milliards d’euros de déficits constatés et prévisionnels qu’il s’agissait de transférer progressivement à la CADES. Le schéma de reprise de dette a été initié dans le cadre de la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale et de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011. Ces deux textes ont aménagé les conditions de la reprise de 130 milliards d’euros au total, décomposés en 68 milliards d’euros au titre des déficits cumulés au 30 décembre 2010 du régime général et du FSV, ainsi que des déficits prévisionnels 2011 de la branche maladie et de la branche famille, et 62 milliards d’euros au titre des déficits prévisionnels 2011 à 2018 de la branche vieillesse et du FSV.

D’une part, la loi organique a autorisé l’allongement de la durée d’amortissement de la CADES, dans la limite de quatre années, ce qui devait permettre le financement de 34 milliards d’euros de dette, correspondant à ce qui avait été identifié par le Gouvernement d’alors comme la « dette de crise ». Cet allongement conduisait, toutes choses égales par ailleurs, la CADES à envisager un report de son extinction à 2025, au lieu de 2021.

D’autre part, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a organisé le transfert à la CADES de 0,28 point de CSG en provenance de la branche famille, cette dernière se voyant, en contrepartie, affecter le produit de trois nouvelles recettes instituées dans le cadre de la loi de finances pour 2011, dont deux présentaient d’ailleurs un caractère non pérenne. Ces recettes nouvelles devaient permettre la reprise des 34 milliards d’euros considérés comme relevant de la « dette structurelle », et qui incluaient les déficits prévisionnels pour 2011 des branches maladie et famille.

Enfin, la reprise par la CADES des 62 milliards d’euros de déficits prévisionnels de la branche vieillesse et du FSV sur la période 2011-2018 est passée par la mobilisation du Fonds de réserve des retraites (FRR) de deux manières. Tout d’abord, par le biais du transfert à la CADES de la ressource quasi exclusive du Fonds, à savoir la fraction de 65 % du prélèvement social, alors de 2 %, sur les revenus du capital, pour un rendement de 1,5 milliard d’euros. Ensuite, par le versement annuel à la Caisse du produit de la réalisation d’une partie des actifs du FRR, à hauteur de 2,1 milliards d’euros par an sur quatorze ans, soit un versement global à terme de 29,4 milliards d’euros.

2. Le problème persistant des déficits non repris

Le schéma de reprise initié à la fin 2010 a eu pour mérite de soulager la trésorerie de l’ACOSS, pour laquelle un plafond d’emprunt historique a été atteint en 2010 à hauteur de 65 milliards d’euros : la fixation de tels montants ne pouvait évidemment être répétée, au risque de jouer les apprentis sorciers. Elle n’a toutefois pas été dénuée de défauts, pour certains majeurs.

Le premier regret que l’on peut avoir s’agissant de cette reprise de dette concerne bien sûr le report sur les générations futures du poids de notre dette sociale, par l’allongement de quatre années de la durée de vie de la CADES.

Le deuxième défaut de ce schéma de transfert de dette est lié aux modalités de financement qui ont été choisies pour le financer : d’une part, le choix a été fait de « ponctionner » le FRR dès 2011, alors que celui-ci avait pourtant vocation à faire fructifier ses réserves jusqu’en 2020, afin de servir à cet horizon de soupape dans la perspective d’une confrontation de nos régimes de retraite par répartition à l’obstacle de la « bosse démographique » ; d’autre part, les recettes mises en place pour financer une partie de la reprise de dette, in fine échues à la branche famille en raison de l’impératif de confier à la CADES des recettes suffisamment sûres pour ne pas occasionner un report de sa durée de vie, étaient des recettes non pérennes - en l’occurrence un prélèvement exceptionnel sur les sommes placées sur la réserve de capitalisation des entreprises d’assurance, qui n’assurait de rendement que pour les exercices 2011 et 2012, et un aménagement des règles d’imposition aux prélèvements sociaux du compartiment en euros des contrats d’assurance-vie multi-supports, qui occasionne un produit supplémentaire dégressif qui s’annulera à partir de 2020. Dans un tel contexte, on ne pouvait que favoriser le creusement du déficit de la branche famille, autrement dit, l’accroissement de la dette sociale future.

Enfin, le dernier défaut de cette opération de transfert de dette réside dans la non prise en charge des déficits futurs – ultérieurs à 2011 – de la branche maladie et de la branche famille : il s’agissait donc certes d’une réforme d’ampleur, mais en tout état de cause d’une réforme inaboutie.

Les déficits de ces deux branches n’ont en effet pas manqué de réapparaître. En l’absence de mesures nouvelles, ces déficits continueront de se creuser en 2014. Ils sont retracés par le tableau suivant.

ÉVOLUTION DES DÉFICITS « MALADIE » ET « FAMILLE » 2012-2014
EN L’ABSENCE DE MESURES

(en milliards d’euros)

 

2012

2013

2014

2012-2014

Branche maladie

–5,9

–7,7

–10,9

–24,5

Branche famille

–2,5

–2,8

–3,3

–8,6

Total

–8,4

–10,5

–14,2

–33,1

Source : commission des comptes de la sécurité sociale.

Au total, ce sont donc 33,1 milliards d’euros de déficits cumulés des deux branches qui pèseraient sur la trésorerie de l’ACOSS à la fin 2014. D’après les estimations de la Cour des comptes, ce seraient même 72 milliards d’euros de déficits qui s’accumuleraient à l’horizon 2018 du seul fait des branches maladie et famille, en l’absence de mesures de redressement des comptes.

On notera toutefois qu’en vertu de l’annexe B au présent projet de loi, la trajectoire de redressement des comptes initiée par ce PLFSS devrait permettre de réduire fortement les déficits sur la période 2014-2017 : le solde des branches maladie et famille devraient ainsi être ramenés respectivement à –6,2 milliards d’euros et –2,3 milliards d’euros en 2014, soit –8,5 milliards d’euros au total pour les deux branches, au lieu de 14,2 milliards d’euros en tendanciel.

Le tableau suivant retrace la trajectoire de redressement des comptes des branches maladie et famille telle qu’elle est présentée dans le cadre de l’annexe B.

PRÉVISIONS DE DÉFICITS 2014-2017 DES BRANCHES MALADIE ET FAMILLE
APRÈS MESURES DU PLFSS POUR 2014

(en milliards d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

Total 2014-2017

Branche maladie

–6,2

–5,4

–4

–2,6

–18,2

Branche famille

–2,3

–1,9

–1,6

–1

–6,8

Total

–8,5

–7,3

–5,6

–3,6

–25

Source : annexe B au PLFSS pour 2014.

En tenant compte des déficits cumulés 2012 et 2013 de ces deux branches, qui s’élèvent à 18,9 milliards d’euros, ce seraient au total 43,9 milliards d’euros de déficits des branches maladie et famille qui s’accumuleraient néanmoins à horizon 2017.

Une solution doit donc impérativement être trouvée, et plus cette solution intervient tôt, moins elle sera coûteuse pour les finances publiques. En effet, comme l’a indiqué M. Patrice Ract-Madoux, président de la CADES, à votre rapporteur, plus la dette transférée à la Caisse l’est tardivement, plus le coût de la reprise est important : en effet, au fil des ans, la durée de vie de la Caisse se réduit, son horizon d’amortissement se réduisant mécaniquement dans les mêmes proportions. Ainsi, le tarif de reprise de 10 milliards d’euros de dette s’établit-il à 0,07 point de CRDS en 2014 ; il passe, pour le même montant, à 0,076 point de CRDS en 2015, et s’établirait à 0,096 point de CRDS en 2017.

3. L’élargissement aux déficits des branches maladie et famille du périmètre de la dette reprise par la CADES, dans la limite inchangée du plafond de 62 milliards d’euros

La réforme des retraites initiée par le Gouvernement permet d’améliorer sensiblement les soldes de la branche vieillesse pour les années futures.

SOLDE DES RÉGIMES DE RETRAITE AVANT ET APRÈS RÉFORME

(en milliards d’euros constants 2011)

 

2014

2020

2030

2040

Déficit des régimes de base (CNAV, FSV, régimes non équilibrés par subvention) avant réforme

-8,8

-7,6

-8,7

-13,0

Déficit des régimes de base CNAV, FSV, et autres régimes non équilibrés par subvention après réforme

-5,0

-0,3

+0,9

0,0

Source : étude d’impact du projet de loi n° 1376 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

S’agissant du seul régime général et du FSV, le tableau suivant retrace l’impact du redressement des comptes porté par la réforme des retraites entre 2014 et 2017, conformément aux projections présentées par l’annexe B au présent projet de loi.

SOLDES 2014-2017 DE LA BRANCHE VIEILLESSE ET DU FSV
APRÈS RÉFORME DES RETRAITES

(en milliards d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

2014-2017

Branche vieillesse

–1,2

–0,6

0,1

0,6

–1,1

FSV

–3,2

–3,1

–2,6

–2

–10,9

Total

–4,4

–3,7

–2,5

–1,4

–12

Source : annexe B au PLFSS pour 2014.

Ainsi, à l’horizon 2020, les régimes de base de retraite seraient quasiment à l’équilibre, contre un déficit de 7,6 milliards d’euros avant réforme.

Il apparaît dans ce cadre plus qu’opportun de revoir le schéma de reprise par la CADES des déficits de la branche vieillesse et du FSV pour la période allant de 2011 à 2018. Cette reprise est, on l’a dit, initialement programmée dans la limite d’un plafond global de 62 milliards d’euros sur la période, et d’un plafond annuel de 10 milliards d’euros par an. À partir du moment où les déficits vieillesse seront sensiblement inférieurs à 10 milliards d’euros par an, il est de bonne gestion de prévoir l’intégration dans le schéma de reprise de dette des déficits des branches maladie et famille, une telle mesure permettant d’éviter de faire durablement supporter à l’ACOSS le poids d’un financement qui excède la couverture des besoins de financement non permanents du régime général, autrement dit les besoins de trésorerie infra-annuels.

Ainsi, en tenant compte des déficits 2013 « vieillesse » qui s’établissent à 6 milliards d’euros, il deviendrait possible de transférer vers la CADES une dette supplémentaire de 4 milliards d’euros au titre des autres branches en 2014, de 5,6 milliards d’euros en 2015, de 6,3 milliards d’euros en 2016, de 7,5 milliards d’euros en 2017 et de 8,6 milliards d’euros en 2017, soit au total sur la période, une dette de 23,4 milliards d’euros au titre de ces deux branches.

Cette démarche répond pleinement aux recommandations régulièrement émises par la Cour des comptes, et que son premier président a eu l’occasion de réitérer devant notre commission lors de son audition sur le rapport annuel de la Cour sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. S’agissant de la persistance des déficits maladie et famille non transférés à la CADES et qui pèsent donc sur la trésorerie de l’ACOSS, la Cour juge que « cette situation particulièrement anormale et dangereuse en cas de remontée des taux d’intérêt rend indispensable la reprise sans délai par la CADES de ces déficits, accompagnée des ressources nécessaires à l’amortissement de cette dette supplémentaire. Tout attentisme alourdirait encore le poids de son remboursement à mesure que la CADES se rapproche de son terme, d’ici une dizaine d’années, sauf à reporter sur la génération montante, en le décalant une nouvelle fois, la charge des transferts sociaux dont ont bénéficié celles qui l’ont précédée. Ce serait la cohésion sociale de notre pays et la légitimité même de la sécurité sociale qui seraient alors gravement mises en cause ».

L’intégration des déficits maladie et famille au schéma de reprise de dette par la CADES permet non seulement de maintenir la durée de vie de la CADES, mais également les plafonds globaux qui ont été fixés pour cette opération de reprise. Dans l’hypothèse où l’ensemble des déficits du régime général et du FSV seraient supérieurs à 10 milliards d’euros, la modification introduite par le présent article permet de conserver la priorité donnée à la reprise de la dette « vieillesse » sur les déficits maladie et famille. Il n’y a donc aucune remise en cause des fondamentaux de l’opération de reprise initiée en 2010.

Le présent article porte modification du II quinquies de l’article 4 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, qui porte sur le transfert de dette programmé jusqu’à l’échéance de 2018.

Le du présent article modifie le périmètre de la dette transférable sur trois points :

– En premier lieu, il prévoit la possibilité de transférer à la CADES non seulement les déficits de la branche vieillesse du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), mais également des branches maladie et famille de ce même régime, respectivement mentionnées aux 1° et 3° de l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale.

– En deuxième lieu, il réduit l’horizon de ce transfert programmé, en en fixant l’échéance à 2017 au lieu de 2018 tel que prévu à ce jour. En effet, compte tenu des transferts d’ores et déjà opérés à ce titre – soit 6,6 milliards d’euros en 2012 et 7,7 milliards d’euros en 2013 -, et du niveau des déficits cumulés des branches maladie et famille, le plafond de 62 milliards d’euros sera vraisemblablement atteint dès 2017.

– Enfin, il précise que le champ des déficits transférables s’opère après déduction des montants mentionnés au II quater, autrement dit, des déficits des branches maladie et famille au titre de 2011, qui ont d’ores et déjà été repris par la CADES dans le cadre du schéma de reprise de dette opéré au cours de l’exercice.

Le du présent article modifie les modalités des versements annuels effectués dans le cadre du transfert de dette à la CADES : pour l’heure, en effet, le texte prévoit que ces versements interviennent au plus tard le 30 juin de chaque année, les dates et montants étant précisés par décret. Cette procédure s’avère lourde, en particulier pour l’ACOSS, dont la trésorerie est confrontée à des pics infra-annuels très importants et qui peut donc être très sensiblement fragilisée par un éventuel retard dans le programme de reprise, ne serait-il que de quelques jours. C’est pourquoi le présent article prévoit d’une part que les montants et les dates de versements de la dette transférée sont fixés par arrêté, ce type de texte pouvant être pris dans des délais plus courts qu’un décret ministériel ; et d’autre part, que les versements effectués, pour lesquels l’échéance du 30 juin demeure inchangée, peuvent néanmoins faire l’objet d’acomptes provisionnels. Autrement dit, les versements peuvent concrètement intervenir à compter du mois de mars après clôture définitive des comptes de l’Agence au titre de l’exercice précédent, et jusqu’au 30 juin, en plusieurs opérations. Cette possibilité de fragmenter les opérations de transferts de dette doit permettre de soulager la trésorerie de l’ACOSS, sans pour autant qu’elle ne pose de difficulté à la CADES, qui gère ses emprunts sur un horizon lui permettant sans difficulté de recevoir la dette qu’il est prévu de lui transférer en plusieurs versements.

Le du présent article modifie l’ordre de priorité du transfert des déficits, à l’intérieur du nouveau périmètre fixé. En effet, pour l’heure, le texte prévoit que dans le cas où les déficits de la branche vieillesse et du FSV, qui sont actuellement les seuls figurant dans le champ du transfert de dette programmé, dépassent le plafond de 62 milliards d’euros au total sur la période, la reprise de dette porte en priorité les déficits les plus anciens, et, pour le dernier exercice, en priorité sur le déficit de la branche vieillesse.

Outre que l’élargissement du schéma de transfert de dette suppose une réécriture de cet alinéa, on notera que la rédaction actuelle n’est guère satisfaisante : elle n’aurait de sens que dans l’hypothèse où ne serait pas adopté un rythme annuel de transfert de déficits. En effet, si aucun transfert n’était effectué pendant deux ou trois ans, et que les déficits cumulés représentaient plus de 62 milliards d’euros la quatrième année, une reprise de dette devrait d’abord porter sur les montants de déficits les plus anciens. Néanmoins, cette rédaction ne permet pas de savoir quel ordre de priorité respecter dès lors qu’on se trouve confronté à l’autre plafond prévu par le texte, à savoir celui de 10 milliards d’euros par an. On pourrait dès lors supposer que la branche vieillesse verrait ses déficits repris en priorité par rapport au FSV, sans que la rédaction actuelle n’offre pourtant les garanties suffisantes en ce sens.

Une refonte de la rédaction de cet alinéa était donc bienvenue : le du présent article propose :

– de préciser que l’ordre de priorité des déficits transférables vaut autant pour le plafond global de 62 milliards d’euros que pour le plafond annuel de 10 milliards d’euros ;

– de fixer l’ordre de priorité suivant pour la reprise de dette : la branche vieillesse en premier lieu ; le FSV ensuite ; la branche maladie en troisième position ; et enfin, en dernier lieu, la branche famille ;

– s’agissant des branches maladie et famille, de prévoir la reprise, en premier lieu, des déficits les plus anciens. Cette précision est indispensable compte tenu de l’existence des déficits non repris à ce stade de ces deux branches sur les exercices 2012 et 2013.

Votre rapporteur considère que cet ordre de priorité est le plus adapté : en effet, il est logique de prévoir que la reprise portera d’abord sur les déficits « vieillesse », dans la mesure où c’était là l’esprit de la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale et de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011, qui venaient, l’une comme l’autre, tirer les conséquences de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. Il est donc, de ce point de vue, pertinent que la reprise des déficits de la branche maladie et de la branche famille du régime général n’intervienne que dans la mesure où les déficits de la branche vieillesse et du FSV seraient inférieurs à 10 milliards d’euros.

Compte tenu des déficits constatés au titre des exercices 2012 et 2013 et des prévisions pluriannuelles jointes au présent projet de loi, le schéma de reprise de dette sur la période 2014-2017 serait le suivant.

PROJECTION DE REPRISE DES DÉFICITS DU RÉGIME GÉNÉRAL ET DU FSV DANS LA LIMITE DU PLAFOND DE 10 MILLIARDS D’EUROS PAR AN

(en milliards d’euros)

Déficits repris

Année de reprise

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Total

Assurance maladie 2012

   

–4

–1,9

     

–5,9

Assurance maladie 2013

     

–1,2

–6,4

–0,1

 

–7,7

Assurance maladie 2014

         

–4,5

–1,6

–6,1

Famille 2012

     

–2,5

     

–2,5

Famille 2013

         

–2,8

 

–2,8

Vieillesse N-1

–6

–4,8

–3,3

–1,2

–0,6

   

–15,8

FSV N-1

–3,4

–4,1

–2,7

–3,2

–3,1

–2,6

–2

–21,2

Total régime général et FSV

–9,5

–8,9

–10

–10

–10

–10

–3,6

–62

Source : ministère de l’Économie et des finances.

Au total, à l’horizon 2018, seraient repris 15,8 milliards d’euros au titre des déficits cumulés de la branche vieillesse 2011 à 2017, 21,2 milliards d’euros au titre des déficits cumulés du FSV sur la même période, les déficits 2012 et 2013 des branches maladie et famille, ainsi que la quasi-totalité des déficits 2014 de la branche maladie (à hauteur de 6,1 milliards d’euros sur un total de 6,2 milliards d’euros).

Resteraient donc hors du schéma de reprise :

– 100 millions d’euros de déficit 2014 de la branche maladie, puis l’ensemble des déficits 2015 à 2017, à hauteur de 12 milliards d’euros ;

– les déficits 2014 à 2017 de la branche famille, à hauteur de 6,8 milliards d’euros au total.

S’agissant de l’ensemble du régime général, ce seraient donc 18,9 milliards d’euros de déficits cumulés entre 2014 et 2017 pour lesquels une solution devra forcément être trouvée.

On peut en outre s’interroger sur la non-intégration des déficits de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles au schéma prévisionnel de reprise de dette d’ici à 2017. On se souvient en effet que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 avait programmé la reprise des déficits vieillesse 2009 et 2010 de ce régime, qui est d’ailleurs intervenu peu avant la fin de l’année 2011, pour un montant 2,47 milliards d’euros, alors que la dette prévisionnelle cumulée du régime devait s’établir à 5,2 milliards d’euros à la fin 2012. Cette reprise de dette avait été initiée à la faveur d’un surplus de recettes prévu pour la CADES, grâce à l’effet de deux mesures ayant un impact positif sur les recettes de CSG et de CRDS, en l’occurrence la réforme du régime d’imposition des plus-values et la modification des règles d’abattement pour frais professionnels. Ce transfert n’avait pour autant pas permis d’éponger la dette du régime des exploitants agricoles : celle-ci devrait avoisiner les 3,29 milliards d’euros à la fin 2014.

Dans la mesure où ce régime est en déficit structurel au regard du déséquilibre démographique qui le caractérise, un élargissement du périmètre de la reprise de dette à ses déficits aurait donc semblé opportun. A minima, devrait-on envisager de faire figurer les déficits du régime des non-salariés agricoles dans le périmètre de la reprise, quitte à ce que ces déficits ne soient repris qu’en dernière analyse, dans l’hypothèse où les déficits du régime général et du FSV se révéleraient inférieurs à 10 milliards d’euros, si l’on considère que la priorité doit être donnée au régime général.

*

* *

La Commission adopte l’article 14 sans modification.

Article 15
(art. L. 131-8, L. 135-3, L. 137-13, L. 136-8, L. 137-14, L. 137-16, L. 137-18, L. 137-19, L. 137-24, L. 139-1, L. 241-6 et L. 245-16 du code de la sécurité sociale, art. L. 731-2 du code rural et de la pêche maritime, lois n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 et n° 2012-1404 du 17 décembre 2012)

Mesures de transferts de recettes

Le présent article n’a d’autre finalité que de procéder à un vaste mouvement de transferts de recettes au sein du périmètre des organismes entrant dans le champ de la loi de financement, tout en tirant les conséquences des mesures d’affectation aux organismes concernés des nouvelles recettes liées à la réduction de dépenses fiscales intervenant dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, en l’espèce la baisse du plafond du quotient familial et la soumission à l’impôt sur le revenu de la contribution de l’employeur aux contrats collectifs complémentaires « santé », pour un gain net pour la sécurité sociale de 2 milliards d’euros.

Le présent article tire les conséquences, au sein du périmètre de la loi de financement, des recettes nouvelles créées par le projet de loi de finances pour 2014, et dont le produit a vocation à être affecté aux organismes de sécurité sociale.

Les mesures afférentes prévues par l’article 39 du projet de loi de finances pour 2014

L’article 39 du projet de loi de finances pour 2014 prévoit, entre autres mesures, d’affecter à la branche maladie du régime général une fraction supplémentaire de TVA de 1,99 point, portant ce taux de 5,88 % à 7,87 %, pour un montant évalué à 3,03 milliards d’euros au total.

Le choix du transfert d’une fraction supplémentaire de TVA à la CNAMTS répond au souci de préserver la lisibilité des relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Ces sommes recouvrent en réalité :

– le produit supplémentaire d’impôt sur le revenu tiré de la diminution de l’avantage fiscal au titre du quotient familial avec un plafond ramené de 2 000 euros à 1 500 euros par demi-part, pour un montant total de 1,03 milliard d’euros pour 2014 ;

– le rendement de l’assujettissement à l’impôt sur le revenu des cotisations patronales aux régimes de prévoyance santé d’entreprise, pour un montant estimé à 960 millions d’euros pour 2014 ;

– et enfin, la compensation – in fine à la branche famille –, pour un montant de 1,05 milliard d’euros, de la diminution de 0,15 point des cotisations patronales au titre de la branche famille, elle-même destinée à assurer la neutralité de l’augmentation des cotisations patronales au titre de la branche vieillesse décidée dans le cadre de la réforme des retraites telle que votée par l’Assemblée nationale le 15 octobre dernier.

Le rendement des première et troisième mesures font l’objet d’une réaffectation à la branche famille dans le cadre du présent article, la seconde mesure étant logiquement destinée à rester affectée à l’assurance maladie.

Au total, sur 3,03 milliards d’euros, la branche famille doit être destinataire de 2,08 milliards d’euros, respectivement 1,03 milliard d’euros au titre de la baisse du plafond du quotient familial et 1,05 milliard d’euros en guise de compensation de la baisse de 0,15 point des cotisations patronales « famille » : le gain net pour la branche est donc de 1,03 milliard d’euros.

La branche maladie est, quant à elle, affectataire du produit de l’intégration dans l’assiette de l’impôt sur le revenu des cotisations patronales aux régimes de prévoyance santé d’entreprise, qui représente un gain net pour elle de 960 millions d’euros.

Au terme du vaste mouvement de transferts de recettes opéré par le présent article, la branche famille recevrait au total 2,18 milliards d’euros supplémentaires en 2014 : la différence de 100 millions d’euros est liée au fait que la compensation initiale de l’État à la sécurité sociale de la baisse des cotisations patronales « famille » n’intègre pas les cotisations au titre des fonctionnaires. Si la branche famille récupère in fine cette somme, cet écart est en réalité supporté par la CNAM. Votre rapporteur s’est interrogé sur cette série de transferts qui conduisent à faire peser sur la CNAM le poids d’une perte de recettes en réalité liée aux cotisations patronales « famille » : le Gouvernement juge toutefois que la baisse des cotisations « famille » de la fonction publique lui bénéficiera en partie, par le biais de la fonction publique hospitalière.

Le présent article opère une série de modifications de la clé de répartition de plusieurs recettes affectées à des organismes de sécurité sociale.

C’est, d’abord, la branche famille qui doit, au terme de cette opération de réaffectations successives de recettes, bénéficier, on l’a dit, d’un gain net de 2,18 milliards d’euros.

Ensuite, la nouvelle clé de répartition de plusieurs recettes qui intervient dans le cadre du présent article a pour principal objectif de clarifier les modalités de financement des différents organismes et branches de la sécurité sociale, ainsi que de procéder à une rationalisation de ces recettes, en tenant compte des dynamiques respectives des recettes et des prestations de chacun des organismes et caisses concernés.

C’est, enfin, le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui est concerné, avec l’affectation à son profit d’un stock de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) en dormance sur le compte de dépôt du régime social des indépendants (RSI), mais également la reconduction de l’opération menée l’an passé afin de lui faire bénéficier de l’équivalent en CSG du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA).

– Les II et III du présent article organisent le transfert à la CNAF du produit, aujourd’hui affecté aux régimes obligatoires d’assurance maladie, des contributions patronale et salariale sur les attributions d’options de souscription ou d’achat d’actions et sur les attributions d’actions gratuites, respectivement prévues aux articles L. 137-13 et L. 137-14 du code de la sécurité sociale.

D’après les estimations de la commission des comptes de la sécurité sociale, le rendement de ces contributions s’établirait à 486 millions d’euros en 2013 et 489 millions d’euros en 2014, qui viendraient donc alimenter la branche famille à compter de 2014, occasionnant une perte de recettes à due concurrence pour les organismes d’assurance maladie qui en bénéficient actuellement : d’après les informations transmises à votre rapporteur, l’essentiel du produit de ces contributions bénéficie en réalité à la branche maladie du régime général, ce qui a conduit à neutraliser la part des autres régimes d’assurance maladie.

– Le IV du présent article propose de transférer à la CNAF le produit, aujourd’hui affecté aux régimes obligatoires d’assurance maladie, de la contribution salariale sur les carried interest, autrement dit, sur les gains réalisés par les salariés ou dirigeants des sociétés de capital-risque (SCR), des sociétés de gestion de fonds communs de placement à risques (FCPR) ou de SCR ou de sociétés qui réalisent des prestations de services liées à la gestion des FCPR ou des SCR, lors de la cession ou du rachat de parts de FCPR ou d’actions de SCR donnant lieu à des droits sur l’actif ou les produits. Cette contribution sociale libératoire, prévue à l’article L. 137-18, s’établit à 30 % des distributions et gains nets. D’après le document annexé au projet de loi de finances pour 2012 : « Voies et moyens », le produit de cette contribution salariale s’établirait à 2 millions d’euros.

De la même manière que pour les contributions sur les stock-options, la perte de recettes afférente aux régimes d’assurance maladie autres que le régime général a été neutralisée.

– Le V du présent article propose d’affecter à la CNAF le produit, aujourd’hui perçu par la branche maladie du régime général, du prélèvement sur le produit des appels à des numéros surtaxés effectués dans le cadre des programmes télévisés et radiodiffusés comportant des jeux et concours, au taux de 9,5 %. Ce prélèvement, codifié à l’article L. 137-19, a été mis en place dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Le rendement de prélèvement est estimé à 3 millions d’euros par les « Voies et moyens » annexés au projet de loi de finances pour 2014.

– Le VI du présent article propose de transférer à la CNAF le reliquat, aujourd’hui affecté aux régimes obligatoires d’assurance maladie, du produit des trois prélèvements sur les jeux, concours et paris, institués par la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, en l’occurrence :

– le prélèvement sur les paris hippiques ;

– le prélèvement sur les paris sportifs ;

– et le prélèvement sur les jeux de cercle en ligne.

Le taux des prélèvements sur les paris hippiques et les paris sportifs est fixé à 1,8 % des sommes engagées par les parieurs au titre de chacun de ces types de paris ; il s’établit à 0,2 % des sommes engagées par les parieurs au titre des jeux de cercle en ligne. Aux termes de l’article L. 137-24 du code de la sécurité sociale, le produit de ces prélèvements est aujourd’hui affecté à concurrence de 5 % et dans la limite du plafond, fixé par l’article 46 de la loi de finances pour 2012, à 5 millions d’euros, à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). Le reliquat du produit de ces prélèvements va à l’assurance maladie pour permettre notamment la prise en charge des joueurs pathologiques : c’est donc désormais à la branche famille que sera transféré ce surplus. D’après les informations fournies à votre rapporteur, dans les faits, l’intégralité de ces prélèvements va aujourd’hui à l’assurance maladie du régime général, d’où le fait que n’aient pas été estimées de pertes de recettes pour les autres régimes obligatoires d’assurance maladie.

Par coordination, le VII du présent article supprime la référence à ces trois prélèvements à l’article L. 139-1, qui laissait jusqu’alors à l’ACOSS le soin de répartir le produit de ces prélèvements entre les différents régimes obligatoires d’assurance maladie.

D’après les « Voies et moyens » jointes au projet de loi de finances pour 2014, le produit de ces prélèvements s’établirait à 226 millions d’euros pour 2014, soit, après déduction des 5 millions d’euros au profit de l’INPES, de 221 millions d’euros à destination de la CNAF.

– Le du IX du présent article affecte à la CNAF le produit de la taxe sur les véhicules des sociétés (TVS) prévue à l’article 1010 du code général des impôts et dont le produit bénéficie pour l’heure au régime d’assurance maladie des exploitants agricoles. Son rendement est estimé pour 2014 à 893 millions d’euros.

Par coordination, le VIII du présent article supprime la référence à l’article 1010 au 9° de l’article L. 731-2 du code rural et de la pêche maritime, article qui retrace l’ensemble des recettes affectées au financement des prestations d’assurance maladie, invalidité et maternité du régime de protection sociale des non-salariés agricoles.

À noter que le régime agricole se voit, en contrepartie, affecter par le du même IX une fraction supplémentaire, à hauteur de 8,14 points des droits sur les tabacs, pour un montant que l’on peut estimer à 869 millions d’euros, somme qui compense en quasi-intégralité la perte de recettes au titre de la taxe sur les véhicules des sociétés (TVS), avec un léger écart au détriment de la CCMSA, à hauteur de 24 millions d’euros.

– Enfin, le   du IX du présent article augmente la fraction de la taxe sur les salaires affectée à la branche famille pour un gain supplémentaire de l’ordre de 52,4 millions d’euros en 2014 ; le III du XI supprime la part du prélèvement social sur les revenus du capital dont bénéficie actuellement la CNAF, la perte afférente étant estimée à 470 millions d’euros pour 2014 ; le du A du XII augmente la part de la CSG affectée à la CNAF, la portant à 0,87 %, ce qui générerait un gain supplémentaire pour elle de 791 millions d’euros d’après l’étude d’impact associée au présent projet de loi. Ces trois mesures, qui sont les conséquences de la modification de la clé de répartition d’une série de recettes, sont commentées de manière plus approfondie infra.

Au total, la branche famille enregistre un gain net de 2,18 milliards d’euros pour 2014, à l’issue de l’opération de transferts de recettes organisée par le présent article. En effet, il convient d’ajouter à l’ensemble de ces transferts une mesure qui interviendra par arrêté, et qui consiste à revoir la clé de répartition du coût des allègements de cotisations sociales pour chaque branche : en effet, avec la future répartition des cotisations entre les branches – et en particulier, la diminution du financement de la branche famille par des cotisations sociales –, la clé de répartition actuelle n’apparaît plus adaptée, et conduirait, toutes choses égales par ailleurs, la CNAF à financer une part des exonérations relativement plus importante que sa nouvelle part dans les cotisations. La révision de cette clé de répartition permettrait à la branche famille d’enregistrer un gain supplémentaire de 791 millions d’euros.

IMPACT DES TRANSFERTS DE RECETTES SUR LA BRANCHE FAMILLE

(en millions d’euros)

 

Gain / Perte

Contributions sur les stock-options

+ 489

Contribution sur les carried interest

+ 2

Prélèvement sur le produit des appels surtaxés

+ 3

Prélèvements sur les jeux et paris

+ 221

Taxe sur les véhicules des sociétés (TVS)

+ 893

Taxe sur les salaires

+ 52,4

Prélèvement social sur les revenus du capital

– 470

CSG

+ 791

Sous-total

1 981,4

Modification de la clé de répartition du coût des allègements généraux

+ 194

Total

+ 2 175,4

Par coordination, le 4° du IX rétablit un alinéa à l’article L. 131-8 pour préciser que le produit de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance relative aux contrats complémentaires « santé » dits responsables et solidaires, est affectée à parts égales entre la CNAM et la CNAF, conformément à la répartition prévue à l’article 1001 du code général des impôts.

Toujours par coordination avec l’affectation à la branche maladie de l’ensemble de ces recettes, le du IX rétablit un alinéa à l’article L. 131-8, qui retrace l’ensemble des impôts et taxes affectés aux organismes et fonds de sécurité sociale, par branche, pour préciser que la branche famille est désormais affectataire des prélèvements mentionnés aux articles L. 137-13, L. 137-14, L. 137-18, L. 137-19 et L. 137-24.

b. Une nouvelle clé de répartition pour plusieurs recettes

Le présent article opère également une série de modifications de la clé de répartition de plusieurs recettes affectées aux organismes de sécurité sociale et au FSV, en l’occurrence :

– la taxe sur les salaires ;

– le droit de consommation sur les tabacs ;

– le forfait social ;

– le prélèvement social sur les revenus du capital ;

– ainsi que la contribution sociale généralisée (CSG).

● Le du IX du présent article modifie la clé de répartition, prévue au 1° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, de la taxe sur les salaires dont bénéficient les branches vieillesse et famille du régime général ainsi que le Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Le tableau suivant retrace les modifications proposées.

Le produit global prévisionnel au titre de la taxe sur les salaires devrait s’établir à 13,14 milliards d’euros, d’après l’annexe : « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2014. Au total, après opération de transfert, la branche vieillesse perdrait près de 434 millions d’euros, tandis que le FSV enregistrerait un gain de 381 millions d’euros et la branche famille de plus de 52 millions d’euros.

MODIFICATION DE LA CLÉ DE RÉPARTITION DE LA TAXE SUR LES SALAIRES

(en pourcentage et en millions d’euros)

 

Clé de répartition actuelle

Produit (sur la base du rendement 2014)

Nouvelle clé de répartition

Nouveau produit

Gain / Perte

Vieillesse

56,8 %

7 464,6

53,5 %

7 031

–433,6

Famille

27,1 %

3 561,6

27,5 %

3 614

+52,4

FSV

16,1 %

2 115,9

19 %

2 497

+381,1

Total

100 %

13 142

100 %

13 142

0

● Le du IX du présent article modifie la clé de répartition du droit de consommation sur les tabacs prévu à l’article 575 du code général des impôts, qui bénéficie aujourd’hui à un très grand nombre d’affectataires dans le champ de la sécurité sociale. Seules sont modifiées, à due concurrence, les fractions respectives du produit du droit de consommation sur les tabacs dont bénéficient la branche maladie du régime général et la branche maladie du régime des exploitants agricoles :

– la CNAMTS voit la part du produit des « droits tabacs » dont elle bénéficie passer de 68,14 % à 60 % ;

– en contrepartie, la mutualité sociale agricole se voit affecter une fraction de ces droits qui passerait de 9,46 % à 17,6 % au profit de la branche maladie des non-salariés agricoles.

Le rendement global du droit de consommation sur les tabacs est estimé à 10,673 milliards d’euros pour 2014 : dans cette hypothèse, le « swap » de 8,14 points prévu par le présent article générerait un rendement supplémentaire de 868,8 millions d’euros pour la CCMSA et une perte de recettes équivalente pour la CNAMTS.

● Le X du présent article modifie la clé de répartition du produit du forfait social mentionné à l’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale. Le forfait social est une contribution versée par l’employeur et prélevée sur les rémunérations ou gains non soumis aux cotisations sociales mais assujettis à la contribution sociale généralisée (CSG). Son taux a été porté de 8 à 20 % par la loi de finances rectificative pour 2012 ; il reste néanmoins fixé à 8 % pour les contributions des employeurs au financement des prestations complémentaires de prévoyance d’une part, et pour les sommes affectées par les sociétés coopératives ouvrières de production (SCOP) à la réserve spéciale de participation.

Le tableau suivant retrace les modifications de la clé de répartition du forfait social portées par le présent article.

MODIFICATION DE LA CLÉ DE RÉPARTITION DU FORFAIT SOCIAL

(en pourcentage et en millions d’euros)

 

Pour les rémunérations ou gains soumis à la contribution au taux de 20 %

Pour les rémunérations ou gains soumis à la contribution au taux de 8 %

Produit

 

Clé de répartition actuelle

Nouvelle clé de répartition

Clé de répartition actuelle

Nouvelle clé de répartition

Produit actuel (sur la base du rendement 2014)

Nouveau produit (sur la base du rendement 2014)

CNAMTS

6,1 points

0 point

5 points

0 point

1 800

0

CNAV

5,6 points

16 points

0 point

6,4 points

1 187

4 041

FSV

8,3 points

4 points

3 points

1,6 point

2 064

1 010

dont section 2

0,5 point

0,5 point

0,5 point

0,5 point

157

157

Total

20 points

20 points

8 points

8 points

5 051

5 051

Le produit du forfait social est essentiellement réorienté vers la branche vieillesse du régime général : en effet, la branche maladie n’en sera plus destinataire, alors qu’elle bénéficiait jusqu’alors d’environ un tiers des recettes à ce titre. La part du rendement du forfait social affectée au FSV diminue de moitié : elle passe de 40 % à 20 % du total des recettes au titre de cette contribution. Enfin, la branche vieillesse voit sa part augmenter fortement : alors qu’elle ne bénéficiait que d’environ 20 % du rendement du forfait social, elle recevra désormais de l’ordre de 80 % de son produit.

Le rendement global du forfait social pour 2014 est estimé à 5,051 milliards d’euros. D’après les informations fournies par l’étude d’impact jointe au présent projet de loi, la perte de recettes pour la branche maladie s’établirait à 1,8 milliard d’euros et celle du FSV à 1,08 milliard, tandis que la CNAV bénéficierait donc logiquement de 2,88 milliards d’euros supplémentaires à ce titre. Les estimations faites par votre rapporteur sont très légèrement différentes : une perte de recettes de 1,8 milliard d’euros donc pour l’assurance maladie, un rendement supplémentaire pour la branche vieillesse de 2,85 milliards d’euros et une perte sèche de 1,05 milliard d’euros pour le FSV.

● Le XI du présent article modifie la clé de répartition du prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement mentionné aux articles L. 245-14 à L. 245-16 du code de la sécurité sociale. Le taux du prélèvement social a connu deux hausses successives : il est d’abord passé de 2,2 % à 3,4 % en 2011 (loi de finances rectificative pour 2011). Il a ensuite été porté de 3,4 % à 4,5 % en 2012 par la loi de finances rectificative pour 2012.

À taux global inchangé – à hauteur de 4,5 % -, le FSV et la CNAF se voient retirer la fraction du prélèvement social dont ils bénéficiaient ( et du XI), respectivement de 0,1 % et de 0,35 %. La fraction affectée à la CADES demeure inchangée, tandis que celle de la branche vieillesse diminue de plus de moitié ( du XI). La branche maladie devient désormais le principal bénéficiaire du prélèvement social avec un peu moins de 50 % du produit global qui lui est affecté ( du XI).

Le produit global du prélèvement social de 4,5 % s’établirait à 6,04 milliards d’euros, d’après les prévisions de l’annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2014. À ce montant, il convient d’ajouter environ 350 millions d’euros liés à l’impact, pour 2014, de la refonte des prélèvements sociaux sur les produits de placement prévue à l’article 8 du présent projet, et qui conduit à la suppression de l’application des « taux historiques » pour certains des produits qui bénéficiaient encore de cette modalité de calcul des prélèvements sociaux. Le produit global du prélèvement social de 4,5 % serait donc réévalué à 6,4 milliards d’euros.

Le tableau suivant retrace la modification de la clé de répartition du prélèvement portée par le présent article.

MODIFICATION DE LA CLÉ DE RÉPARTITION DU PRÉLÈVEMENT SOCIAL SUR LES REVENUS DU PATRIMOINE ET LES PRODUITS DE PLACEMENT

(en pourcentage et en millions d’euros)

 

Clé de répartition actuelle

Produit actuel (sur la base du rendement 2014)

Nouvelle clé de répartition

Nouveau produit prévisionnel (sur la base du rendement 2014)

Gain / Perte

FSV

0,1 %

142

0 %

– 142

CADES

1,3 %

1 846

1,3 %

1 846

0

CNAVTS

2,75 %

3 905

1,15 %

1 633

– 2 272

CNAF

0,35 %

497

0 %

– 497

CNAMTS

0 %

2,05 %

2 911

+ 2 911

Total

4,5 %

6 390

4,5 %

6 390

0

● Le A du XII du présent article modifie la clé de répartition, prévue à l’article L. 136-8, de la contribution sociale généralisée (CSG).

Le tableau suivant retrace la répartition actuelle de la CSG entre ses différents attributaires que sont les régimes obligatoires d’assurance maladie, la branche famille, le FSV, la CADES et la CNSA.

CLÉ DE RÉPARTITION DE LA CSG POUR 2013

(en pourcentage et en millions d’euros)

 

CNAF

FSV

CNSA

Régimes maladie

CADES

Total

CSG sur les salaires et préretraites

0,8 %

0,866 %

0,064 %

5,29 %

0,48 %

7,5 %

CSG sur les revenus d’activité des travailleurs indépendants

0,82 %

0,886 %

5,25 %

7,5 %

CSG sur les revenus du capital

5,95 %

8,2 %

CSG sur les allocations chômage et les indemnités journalières

3,95 %

6,2 %

CSG sur les pensions de retraite et d’invalidité

4,35 %

6,6 %

CSG sur les jeux (Française des Jeux)

4,85 %

0,28 %

6,9 %

CSG sur les jeux de casinos

1,71 %

1,33 %

0,19 %

6,27 %

9,5 %

Produit de CSG net (sur la base du rendement prévisionnel 2014)

10 057,4

10 384,7

1 257,7

65 117,3

5 996,1

92 492,75(1)

(1) Ce total tient compte de la consolidation de la CSG prise en charge dans le cadre de la PAJE.

Le tableau suivant retrace la nouvelle clé de répartition de la CSG ainsi que le produit afférent pour chaque attributaire pour 2014, compte tenu des modifications opérées par le XII et le XIII du présent article.

NOUVELLE CLÉ DE RÉPARTITION DE LA CSG POUR 2014

(en pourcentage)

 

CNAF

FSV

CNSA

Régimes maladie

CADES

Total

CSG sur les revenus d’activité et de remplacement

0,87 %

0,85 %

(0,90 % pour 2014)

0,064 %

(0,05 % pour 2014)

5,20 %

0,48 %

7,5 %

CSG sur les revenus du capital

5,90 %

8,2 %

CSG sur les allocations chômage et les indemnités journalières

3,90 %

6,2 %

CGS sur les pensions de retraite et d’invalidité

4,30 %

6,6 %

CSG sur les jeux (Française des Jeux)

4,80 %

0,28 %

6,9 %

CSG sur les jeux de casinos

1,71 %

1,33 %

0,19 %

6,27 %

9,5 %

Produit de CSG net (sur la base du rendement prévisionnel 2014)

10848,4

11175,7

630,7

64206,3

5996,1

92857,2

Au total, d’après l’étude d’impact associée au présent projet de loi, l’opération de réaffectation de la CSG aurait les effets suivants :

– un gain de 791 millions d’euros respectivement pour le FSV et la branche famille ;

– une perte, en revanche, de 911 millions d’euros pour la branche maladie et de 627 millions d’euros pour la CNSA.

Le B du XII du présent article apporte plusieurs précisions relatives au recouvrement de la CSG :

– le précise qu’il incombe à l’ACOSS de centraliser et répartir le produit de la CSG, conformément à la clé de répartition prévue à l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale ;

– le apporte cette précision pour la CSG sur les revenus du capital (revenus du patrimoine et produits de placement, respectivement concernés par les articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale) : cette disposition est inutile à partir du moment où le 1° couvre déjà l’ensemble du chapitre 6 relatif à la CSG.

c. Des recettes affectées au FSV

● Le I du présent article propose d’affecter au FSV le stock de contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) aujourd’hui en dormance sur le compte de dépôt du régime social des indépendants (RSI).

Depuis 2011, cette contribution est affectée :

– à hauteur de 30,89 % de son produit à la branche maladie du régime des exploitants agricoles, en contrepartie de la suppression du transfert de la compensation généralisée maladie ;

– au RSI à hauteur des déficits comptables des trois régimes de base qu’il gère (maladie, retraite des artisans, retraite des commerçants), ainsi que pour la retraite complémentaire des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics. Autrement dit, la C3S vient équilibrer ce régime ;

– enfin, au FSV pour la totalité du produit de la C3S additionnelle, et pour le solde du produit de C3S de base. Autrement dit, la part de C3S affectée au FSV est variable, et dépend très étroitement des déficits du RSI qui sont comblés par cette recette.

À partir de 2011, la comptabilisation de la C3S a été effectuée conformément aux principes de droits constatés : désormais, la totalité du produit de C3S de l’année est répartie entre les attributaires, ce qui n’était pas le cas auparavant ; d’autre part, les restes à recouvrer et les provisions sont notifiés par le RSI au régime des exploitants agricoles et au FSV.

A contrario, les reliquats des encaissements antérieurs à 2011 ne sont retracés en produits dans aucun compte. Ils constituent donc autant de réserves immobilisées sur le compte de dépôt du régime : c’est pourquoi le I propose d’affecter cette somme, qui s’établit à 1,3 milliard d’euros, au FSV, pour 800 millions d’euros en 2014, 300 millions d’euros en 2015 et 200 millions d’euros en 2016.

● Le XIII de l’article 15 propose de reconduire le mécanisme d’affectation de la contribution additionnelle de 0,3 % sur les pensions de retraite et d’invalidité votée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Cette contribution devait initialement et provisoirement être affectée au FSV dans l’attente de la réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie, avant d’être attribuée de manière définitive à son bénéficiaire naturel, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Votre rapporteur avait, l’an passé, souhaité que cette contribution, dont le produit était alors estimé à 350 millions d’euros pour 2013 et 700 millions d’euros pour 2014, soit affectée ab initio à la CNSA ; compte tenu des difficultés financières du FSV, il avait proposé une telle affectation tout en compensant cette perte de nouvelles recettes pour le Fonds par l’affectation d’une fraction supplémentaire de CSG et la diminution, à due concurrence, de la fraction dévolue à la CNSA.

Pour 2013, la fraction de CSG dont bénéficie la CNSA est donc passée provisoirement de 0,1 % à 0,064 % et la fraction de CSG affectée au FSV a été portée de 0,85 % à 0,886 % – et de 0,83 % à 0,866 % s’agissant de la CSG sur les salaires et les préretraites.

Le du XIII du présent article propose de prolonger d’une année supplémentaire ce mécanisme d’affectation de la contribution additionnelle de 0,3 % à la CNSA, compensé par un basculement à due concurrence d’une fraction de CSG de la CNSA vers le FSV.

Le tire les conséquences de cette prolongation, en prévoyant, pour 2014, que la fraction de CSG affectée à la CNSA soit ramenée de 0,064 % en 2013 à 0,05 % en 2014 et que la fraction de CSG bénéficiant au FSV soit quant à elle portée de 0,85 % – taux envisagé dans le cadre de la réaffectation globale de la CSG opérée par le présent article – à 0,90 %.

À noter que le rendement de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie est estimé à 645 millions d’euros pour 2014.

Votre rapporteur estime que dans l’attente de la réforme de la dépendance et dans la mesure où la CNSA continue d’enregistrer des excédents, il est légitime d’affecter l’équivalent du produit de cette contribution au FSV. Cette affectation ne saurait toutefois bien sûr qu’être provisoire.

S’agissant de cette affectation au FSV du produit de la CASA, votre commission a néanmoins souhaité qu’une partie de cette somme puisse bénéficier à la CNSA en 2014, à hauteur de 130 millions d’euros, afin de mettre en mesure la Caisse de financer dès l’année prochaine, un certain nombre des mesures qui auront été prises dans le cadre du premier volet de la loi d’orientation de programmation relative à la dépendance, en particulier en matière de maintien à domicile et de prévention de la dépendance, tout en ayant conscience que la perte de recettes pour le FSV devra impérativement pouvoir lui être compensée par l’affectation de recettes nouvelles.

*

Le XIV de l’article 15 modifie l’article L. 241-6 du code de la sécurité sociale, qui énumère les ressources affectées à la branche famille.

Le supprime de cette liste la référence à la CSG et au prélèvement social sur les revenus du capital. En effet, d’une part, en vertu des dispositions du présent article, la branche famille ne se verra plus attribuer de recettes au titre du prélèvement social sur les revenus du capital ; d’autre part, l’article L. 241-6 énumère les « cotisations, ressources et contributions centralisées par la caisse nationale des allocations familiales » : or, le B du XII du présent article confie à l’ACOSS la mission de centralisation et de répartition du produit de la CSG, à charge donc pour elle de verser à chaque caisse ou fonds le produit qui lui revient. Ce même B du XII précise que l’ACOSS procède de même pour les « produits recouvrés simultanément » à la CSG sur les produits de placement.

Le du XIV supprime de même la mention de la taxe spéciale sur les contrats de complémentaire santé « solidaires et responsables » prévue au 2° bis de l’article 1001 du code général des impôts comme recette directement couverte par la CNAF : cette taxe, dont le produit est affecté, par parts égales, entre la CNAF et la CNAMTS, qui n’est d’ailleurs pas directement recouvrée par la CNAF, figure désormais à l’article L. 131-8 qui énumère l’ensemble des impôts et taxes affectés aux organismes et fonds de sécurité sociale, conformément au 4° du IX évoqué précédemment.

Le XV du présent article est relatif aux modalités d’affectation à la branche famille du surplus de produit de prélèvements sociaux issu de l’assujettissement des compartiments en euros des contrats d’assurance-vie multi-supports initié en loi de finances pour 2011. Cette mesure conduit concrètement à prélever chaque année une fraction du produit de ces prélèvements depuis chaque organisme affectataire de ces prélèvements au profit de la CNAF. Le VI de l’article 22 de la loi de finances pour 2011 présente, d’ici 2019, la part afférente à chacun des prélèvements qui a vocation à être affectée à la branche famille. Une convention répartissait ensuite ce surplus entre les différents attributaires des prélèvements sociaux, au prorata de la part que chacun recevait sur les différents prélèvements en 2011. Le XV du présent article modifie ce VI pour introduire une forme de fongibilité entre les différents prélèvements : les sommes dues par les différents affectataires au titre du « surplus » de produit resteraient calculées au prorata de leur part dans les prélèvements en 2011. En revanche, le preciput pourrait être imputé en moindre recette sur n’importe que prélèvement de la liste dont bénéficie un affectataire.

Cette mesure est destinée à tenir compte de l’opération de réaffectation à laquelle il est procédé dans le présent article : ainsi, le FSV, qui était attributaire en 2011 de 0,3 point de prélèvement social, n’en recevra plus en 2014. Grâce à cette mesure, il sera toutefois possible de déduire le montant de son preciput des produits de CSG sur les revenus du capital dont il reste affectataire, en l’occurrence à hauteur de 0,9 point.

Le XVI précise les modalités d’application du présent article : les nouvelles dispositions ont vocation à s’appliquer aux opérations dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2014, sauf pour les contributions assises sur les revenus du patrimoine, pour lesquelles les nouvelles dispositions s’appliquent aux revenus perçus en 2013 et assujettis en 2014.

*

Le résultat de l’ensemble des transferts de recettes opérés par le présent article pour la branche famille du régime général est présenté ci-après.

Source : ACOSS

Sur le plan financier, le résultat des mesures de transferts de recettes et d’affectation de recettes nouvelles est retracé dans le tableau suivant.

On remarquera que celui-ci intègre également les effets de la mesure qui interviendra par voie d’arrêté et qui vise à modifier la clé de répartition du coût des allègements généraux de cotisations sociales, afin de tenir compte des hausses de taux de cotisations vieillesse prévues, pour 2017, dans le cadre du décret du 2 juillet 2012 relatif aux retraites anticipées pour carrières longues, ainsi que de la nouvelle augmentation, à hauteur de 0,15 point de ces cotisations, prévue dans le cadre de la réforme des retraites, qui conduit également à une diminution de même ampleur, des cotisations patronales « famille ».

Ces mesures ont pour effet de modifier la part prise par chacune des branches dans le coût global des allègements généraux. En effet, la part des allègements généraux passerait de 46 % en 2013 à 45 % en 2014 pour la branche maladie ; de 19,5 % à 18,5 % pour la branche famille ; et de 34,5 % à 36,5 % pour la branche vieillesse. Dès lors que le coût global des allègements généraux est estimé à 19,4 milliards d’euros pour 2014, l’impact de la modification des clés de répartition est estimé à 388 millions d’euros de coût supplémentaire pour la branche vieillesse, et de 194 millions d’euros d’économies à ce titre pour la branche maladie et la branche famille.

Enfin, le tableau intègre une somme de 14 millions d’euros au titre de l’effet estimé de la suppression des modalités d’imposition aux taux historiques de certains produits de placement en matière de contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie : ce gain bénéficie à la CNSA.

Par rapport au tableau présenté par l’étude d’impact, le résultat global de l’opération de transfert de recettes du présent article conduit à une estimation d’un gain net pour la sécurité sociale de l’ordre de 3 733 millions d’euros, contre une estimation de 3 980 millions d’euros dans l’étude d’impact, cet écart étant essentiellement à mettre au compte de la réaffectation du prélèvement social sur les revenus du capital, pour lequel votre rapporteur chiffre la perte de recettes pour la CNAV à 2 272 millions d’euros, contre 2 067 millions d’euros par l’étude d’impact.

BILAN GLOBAL DU TRANSFERT DE RECETTES PAR ORGANISME

(en millions d’euros)

 

CNAF

CNAM

FSV

CNAV

MSA

CNSA

Taxe sur les véhicules des sociétés (TVS)

+893

-

-

-

–893

-

Fraction de CSG

+791

–911

+791

-

-

–627

Prélèvement social sur les revenus du capital

–497

+2 911

–142

-2 272

   

Prélèvements sur les jeux et paris

+221

–221

       

Taxe sur les salaires

+52,4

 

+381,1

–433,6

   

Contribution sur les stock-options

+489

–489

       

Contribution sur les carried interest

+2

–2

       

Contribution sociale sur les appels surtaxés

+3

–3

       

Droits tabacs

-

–869

   

869

 

Forfait social

-

–1 800

–1 054

+2 854

   

Nouvelle fraction de TVA

-

3 030

       

Clé de répartition allègements généraux

+194

+194

 

–388

   

CASA

         

+645

Effet de la mesure « taux historiques » sur la CSA

         

+14

Gain / Perte

+2 148,4

+1 840

–23,9

–239,6

–24

+32

Réduction de 0,15 point des cotisations patronales famille

–1 158

         

Gain net / Perte nette

+990,4

+1 840

–23,9

–239,6

–24

+32

*

* *

La Commission examine l’amendement AS217 de Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. L’objectif affiché de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, la CASA, créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 au bénéfice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, était de financer la mise en œuvre d’un texte à venir sur l’autonomie des personnes âgées. Or les recettes de la CNSA, issues de la CSG, ont diminué d’un montant équivalent à celui de la CASA, au bénéfice du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et pour la deuxième année consécutive, le Gouvernement s’apprête à affecter le produit de cette taxe au FSV.

Cet amendement vise à réaffecter le produit de cette taxe à la CNSA, afin qu’il serve à couvrir les importants besoins de financement générés par la dépendance, conformément au vœu du législateur. Nous ne voulons pas d’une nouvelle vignette automobile.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Votre amendement ne concerne pas la CASA, dont le produit, conformément à la volonté de la majorité, reste affecté à la CNSA, mais la modification de la répartition de la CSG proposée par le Gouvernement et dont nous aurons l’occasion de reparler. Pour le moment, les réserves de la CNSA sont suffisantes pour couvrir les dépenses que vous avez évoquées. Elles sont d’ores et déjà ponctionnées à hauteur de soixante-dix millions d’euros au bénéfice des établissements médico-sociaux.

Dans l’état actuel de la question, je vous propose, mes chers collègues, de repousser cet amendement.

M. Denis Jacquat. Lorsque la CASA fut créée – à la suite des méfaits occasionnés par la canicule –, il fut entendu que l’ensemble des recettes tirées de cette contribution devait être affecté au financement de la politique liée à la perte d’autonomie. C’est pourquoi, même si les réserves de la CNSA sont importantes, il convient à tout prix de faire en sorte que ces recettes ne soient pas affectées ailleurs qu’à la Caisse, compte tenu du nombre de demandes de financement qui sont enregistrées, en établissement comme à domicile.

L’an dernier, il nous a été expliqué que c’était à titre tout à fait exceptionnel que cette nouvelle taxation de 0,3 % sur les retraités qu’est la CASA serait affectée au FSV mais que l’année d’après, elle le serait de nouveau à la perte d’autonomie. Et même si le projet de loi sur l’autonomie est reporté à 2014, rien n’interdit au Gouvernement de jouer les écureuils en mettant de l’argent de côté pour les années à venir. Ce, d’autant plus que le plan annoncé par le Premier ministre sera appliqué en deux temps : il traitera d’abord du maintien à domicile puis, dans un second temps, de l’aspect institutionnel de la question. Or, sur ce dernier point, le véritable enjeu est celui du reste à charge, plus lourd à financer qu’en cas de maintien à domicile. Il convient donc que ces réserves demeurent au sein de la CNSA, qu’elles soient affectées le plus rapidement possible et que la réforme soit instituée en une seule étape, et plus rapidement que ne le prévoit le Gouvernement.

M. Bernard Perrut. Vous ne respectez pas vos engagements dans la mesure où vous détournez les fonds tirés de cette contribution, censés être affectés au traitement de la question de la dépendance, dans la perspective d’une réforme de cette politique. Alors même que les associations de soins et d’aides à domicile et les établissements d’accueil ont de réels besoins financiers pour réaliser leurs projets et qu’ils n’obtiennent pas les aides attendues pour les concrétiser, je suis surpris d’entendre le rapporteur expliquer que la CNSA dispose de trop de moyens et qu’elle ne saurait qu’en faire ! Car dans ce cas, pourquoi la CNSA ne répond-elle pas aux demandes d’aide qui lui sont adressées ? Au niveau local, nous ne partageons pas la vision qui est la vôtre au niveau national – lorsque vous prétendez que l’on n’a pas besoin de ces ressources.

M. Christian Paul. Lorsque j’entends les propos tenus par mes collègues de l’opposition, je finis par me demander s’ils ne devraient pas suivre une thérapie contre l’amnésie ! Et s’il est tout à fait positif que M. Jacquat soutienne aujourd’hui Mme Poletti, il eût été plus efficace d’appuyer Mme Bachelot lorsqu’elle fut maintenue au Gouvernement, dans le but précis qu’elle propose une loi d’accompagnement des personnes âgées dépendantes – ce qu’elle n’a pas fait, ni d’ailleurs Mme Montchamp. Car en ce domaine, ni Nicolas Sarkozy ni la majorité de l’époque n’ont tenu leurs promesses. C’est pourquoi il nous faudra nous-mêmes procéder à cette réforme. Et le Premier ministre a pris hier matin sur ce sujet des engagements précis, qu’il a réitérés devant vous. J’ai d’ailleurs observé qu’au cours de cette intervention, Mme Poletti avait l’air pétrie de doutes. Nous prendrons donc bien du plaisir à vous infliger un ferme démenti en votant cette loi en 2014 et à faire en sorte que dès l’an prochain, une partie des recettes de la CASA soit affectée au financement de dépenses d’aide à domicile ou de modernisation des maisons de retraite, ainsi que le prévoit l’amendement suivant.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Jacquat, l’engagement que les recettes de la CASA soient affectées à la CNSA est bel et bien tenu et nous discutons en réalité ici d’un autre sujet : celui de la clef de répartition de la CSG. Or, compte tenu des arguments que j’ai développés précédemment et du fait que nous allons débattre d’autres amendements portant sur le même thème par la suite, je vous propose de rejeter cet amendement-ci.

La Commission rejette l’amendement AS217.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS262 de M. Christian Paul, rapporteur.

M. Christian Paul. Cet amendement s’inscrit dans le prolongement du débat qui précède. Comme l’a souligné Gérard Bapt, il fut tout à fait positif d’instituer la CASA dès 2013, soit avant le vote de la loi sur l’autonomie en 2014. Le Premier ministre s’est d’ailleurs engagé à ce que dès l’adoption de ce texte, cette ressource soit entièrement dédiée au financement des actions en faveur de l’autonomie et de l’adaptation de la société française au vieillissement.

Mme Bérengère Poletti. Le texte ne sera voté qu’à la fin de 2014 : nous aurions préféré qu’il le soit plus tôt …

M. Christian Paul. Il eût fallu le dire il y a cinq ans, madame Poletti ! Mais comme vous étiez seule à le faire, vous n’avez pas été entendue. Je conçois que vous le regrettiez.

Toujours est-il que cet amendement vise à assurer le maintien des recettes de la CNSA à hauteur d’au moins 130 millions d’euros afin de financer des actions préfigurant la réforme de l’an prochain, sachant qu’en 2015, l’intégralité des recettes issues de la taxe leur sera attribuée. Nous avons par ailleurs prévu de dégager les recettes correspondantes à cet objectif de telle sorte que cet amendement puisse être adopté par la Commission puis en séance publique.

Mme Martine Pinville, rapporteure pour le secteur médico-social. Le Premier ministre s’est effectivement engagé à faire voter l’an prochain une loi d’orientation et de programmation en faveur de l’adaptation de la société au vieillissement. Nous procéderons en deux temps. Dans un premier temps, nous évoquerons l’aide aux personnes âgées (APA) et le maintien à domicile dans le cadre d’un projet de loi qui sera débattu en 2014 et sans doute adopté définitivement au début de l’automne prochain. La deuxième étape de la réforme sera plus spécifiquement consacrée aux établissements assurant l’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), et notamment à la question du reste à charge de leurs résidents. Nous souhaitons pour ce faire qu’une partie des recettes de la CASA soit affectée au financement de cette loi.

M. Jérôme Guedj. Cet amendement illustre notre volonté d’anticiper dès 2014 l’adoption de cette future loi. Christian Paul a d’ailleurs eu raison de souligner à quel point les leçons que nous donnent certains membres de l’opposition sont cocasses, tant la procrastination fut leur vertu principale tout au long du quinquennat précédent, dès qu’il était question de perte d’autonomie.

S’agissant des actions que nous entendons mener par anticipation, nous proposons de moderniser les EHPAD, d’apporter un soutien aux services d’aide à domicile et de renforcer les formations. C’est pourquoi il convient d’affecter au financement de ces actions une partie du produit de la CASA ainsi qu’une partie des réserves de la CNSA.

Martine Pinville et moi-même sortons d’une réunion de la CNSA. Outre le fait que nous venons d’y élire présidente notre ancienne collègue Paulette Guinchard – ce dont nous la félicitons –, nous avons fait le point sur les réserves de la Caisse : celles-ci devant s’élever à plus de 300 millions d’euros à la fin de l’année 2013, nous pourrons en mobiliser une partie et ainsi disposer de crédits suffisants pour prendre dès 2014 des mesures d’anticipation de la loi d’orientation et répondre aux besoins du vieillissement. Cet amendement traduit donc notre volonté d’aller de l’avant dans un domaine où vous avez hier fait du surplace !

M. Gérard Bapt, rapporteur. M. Guedj vient de nous fournir une information importante : la CNSA disposerait donc de 300 millions d’euros d’ici à la fin de 2013 ?

M. Jérôme Guedj. Tout à fait.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Reste à confirmer l’hypothèse de 350 à 400 millions à la fin de 2014.

Pour en revenir à l’amendement dont nous débattons, Christian Paul indique qu’il est en partie gagé sur des recettes issues de deux mesures que nous n’avons pas encore examinées et dont il préempte le produit pour financer sa proposition. Il a également ajouté que celle-ci sera rediscutée en séance publique : sans doute pourrons-nous alors bénéficier d’indications plus précises quant au montant des réserves de la CNSA. C’est pourquoi je m’en remets à la sagesse de la Commission sur cet amendement.

M. Christian Paul. À ce stade de l’histoire de la CNSA, il est impératif que ses réserves soient affectées à l’objet qui est le sien.

M. Denis Jacquat. Tout à fait !

M. Christian Paul. Je m’attendais effectivement à ce qu’une telle affirmation fasse l’unanimité. Il ne s’agit pas aujourd’hui de savoir de quelle manière on utilisera précisément ces réserves ni d’affecter les recettes de la CASA à d’autres dépenses comme on l’entend dire parfois. Nous souhaitons pour notre part que les réserves de la CNSA soient affectées au financement d’actions correspondant à son objet et disposer de 130 millions d’euros supplémentaires pour financer des mesures préfigurant les dispositions de la loi d’orientation et de programmation. Je me réjouis d’ailleurs moi aussi que Paulette Guinchard ait été nommée présidente de la Caisse : je pense qu’elle y fournira un excellent travail, elle qui fut à l’origine de la loi sur l’APA, dernier grand acte de politique sociale accompli en faveur des personnes âgées en situation de perte d’autonomie.

Afin de compenser la dépense induite par cet amendement, nous proposons effectivement de tirer profit de deux mesures : la première, que nous devons à notre rapporteur et à laquelle notre groupe est favorable, consiste en l’instauration d’une contribution perçue sur les boissons énergisantes, et la seconde, en l’augmentation de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance pour les contrats dits « non responsables » – mesure de régulation du secteur des complémentaires santé. Si l’on fait le total de ces recettes, il me semble même que l’on dépasse les 130 millions d’euros prévus. Cela étant, si dans le délai qui nous sépare de l’examen du PLFSS en séance publique, le Gouvernement propose de compenser cet amendement à due concurrence par d’autres recettes, nous pourrons en rediscuter. Il importe cependant d’adopter cet amendement en l’état afin d’envoyer un signal politique fort à nos concitoyens. Je remercie donc le rapporteur de s’en être remis à notre sagesse.

M. Jean-Pierre Door. Certes, la philosophie générale du dispositif me semble acceptable : nous essayons tous en effet d’améliorer les finances de la CNSA. Le problème, c’est que l’on met la charrue avant les bœufs ! Car non seulement nous n’avons pas encore voté l’amendement instaurant une contribution sur les boissons énergisantes mais de surcroît, je suis défavorable à toute augmentation de la taxation des contrats d’assurance dits « non responsables ». Car malheureusement, la hausse de 9 à 14 % que vous instaurez affectera tous nos concitoyens, y compris les Français moyens ! Recourez plutôt à une autre solution : par exemple, pourquoi ne pas augmenter les droits sur les tabacs puisqu’il s’agit d’une mesure voulue par tous ? N’allons pas si vite en besogne et attendons de voir quelles seront les mesures proposées dans quelques mois à peine par le Gouvernement dans son projet de loi sur la dépendance.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

M. Francis Vercamer. Sur la forme, je suis surpris que cet amendement ait été déclaré recevable alors qu’il n’est pas gagé. Sur le fond, je crois me souvenir que dans le cadre du projet de loi de réforme des retraites, nous avons débattu d’un article opérant un prélèvement sur la CASA ou la CNSA afin d’assurer l’équilibre financier du système des retraites. Je me souviens aussi que nous avons discuté d’amendements de suppression de cette disposition, visant précisément à s’opposer à de tels transferts de fonds de la Caisse vers la branche vieillesse. Et voilà que l’on examine à présent un amendement pour renflouer la Caisse ! J’accepte néanmoins que ma mémoire puisse me faire défaut et j’ose espérer que M. Issindou viendra à ma rescousse. En tout état de cause, je vérifierai ce point d’ici à la séance publique si jamais cet amendement est adopté.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je précise que cet amendement n’a pas besoin d’être gagé dans la mesure où il vise au maintien du droit existant.

M. Dominique Tian. M. Paul nous a indiqué qu’une partie des recettes permettant de financer son amendement seraient issues de l’instauration d’une contribution sur les boissons énergisantes. Or l’amendement qui l’instaure me semble mal rédigé et risque de subir le même sort que l’an dernier : le Conseil constitutionnel avait alors déclaré non conforme à la Constitution une disposition rédigée en termes parfaitement identiques, considérant que le motif de lutte contre l’alcoolisme des jeunes ne pouvait justifier l’instauration d’une taxe sur les boissons énergisantes. Ainsi avait-il indiqué qu’« en taxant des boissons ne contenant pas d’alcool à des fins de lutte contre la consommation alcoolique, le législateur a établi une imposition qui n’est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l’objectif poursuivi. »

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce n’est pas là l’amendement dont nous discutons !

M. Dominique Tian. Il reste que M. Paul vient de l’évoquer. Il a d’ailleurs eu l’intelligence de préciser qu’il attendait de cette mesure des recettes supplémentaires, et non pas une amélioration de la santé publique – ce qui n’est absolument pas sa préoccupation ni la vôtre d’ailleurs ! Cette taxe sera annulée par le Conseil constitutionnel, comme elle le fut l’an dernier.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Tian, c’est en 2009 que vous auriez dû vous occuper de la santé publique !

Mme Bérengère Poletti. La loi ayant institué la CNSA prévoyait la sanctuarisation de ses crédits. Or, vous remarquerez que vous allez chercher ailleurs des crédits pour les affecter à la Caisse, alors que parallèlement, l’ONDAM médicosocial a été construit au départ en affectant à cette branche 70 millions d’euros de crédits non consommés de la CNSA. Par conséquent, avant d’instituer de nouvelles taxes au profit de la Caisse, sans doute aurait-on pu commencer par laisser ces 70 millions d’euros à la CNSA. J’avais d’ailleurs déposé un amendement en ce sens et je m’étonne qu’il ait été déclaré irrecevable.

M. Christian Paul. Monsieur Tian, Gérard Bapt aura à cœur de démontrer que c’est avant tout un objectif de santé publique qu’il poursuit et que son amendement n’instaure pas le même dispositif que celui de l’an dernier. En effet, des études ont été réalisées depuis lors sur la dangerosité des boissons énergisantes – nocives y compris lorsqu’elles sont consommées sans alcool.

Quant à M. Door, il juge la mesure intéressante mais estime nécessaire d’attendre encore avant de l’adopter. Et il est vrai qu’il n’a cessé de procrastiner pendant des années alors que nous, nous agissons ! Je l’invite donc à voter cet amendement !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mme Poletti aurait sans doute pu elle-même proposer ce dispositif comme amendement de repli dans la mesure où elle souhaitait réaffecter à la CNSA tout le rendement de la CASA et que le présent amendement permet d’en récupérer une partie.

Quant à M. Paul, il a eu la délicatesse d’indiquer que son amendement était gagé sur deux mesures – bien que ce gage soit superflu d’ailleurs. Je préciserai cependant, puisque je suis aussi rapporteur pour l’équilibre général, que le Gouvernement n’a pas encore arbitré sur ma proposition de contribution. La discussion reprendra donc en séance publique et la ministre pourra notamment nous apporter des précisions s’agissant tant de l’affectation des réserves de la CNSA que de leur montant.

Cela étant, tout en m’en remettant à la sagesse de la Commission, je soutiendrai cet amendement à titre personnel.

La Commission adopte l’amendement AS262.

Elle adopte ensuite l’article 15 modifié.

Article additionnel après l’article 15
(art. 520 B [nouveau] du code général des impôts)

Mise en place d’une taxe spécifique sur les boissons énergisantes

Cet article additionnel propose de mettre en place une taxe spécifique sur les boissons énergisantes contenant plus de 150 mg de caféine pour 1 000 ml ou 300 mg de taurine pour 1 000 ml.

Dans son avis rendu public le 6 septembre 2013, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) recommande d’éviter la consommation de boissons dites énergisantes (BDE) en association avec l’alcool ou lors d’un exercice physique. Compte tenu des pratiques de consommation constatées, elle appelle également à la mise en œuvre de mesures visant à encadrer la promotion de ces boissons envers les publics sensibles (enfants et adolescents) et dans des contextes de consommation à risques, qu’ils soient sportifs ou festifs.

Dans le cadre du dispositif de nutrivigilance qu’elle a mis en place, l’Agence a recueilli les effets indésirables suspectés d’être liés à la consommation de ces produits : depuis juin 2012, plus de 200 cas lui ont ainsi été signalés.

Pour 12 % des signalements effectués, l’imputabilité de la consommation de boissons dites énergisantes dans la survenue de ces événements indésirables a été jugée très vraisemblable ou vraisemblable. Les principaux symptômes observés sont essentiellement cardiovasculaires (arrêt cardiaque, sensations d’oppression ou de douleurs thoraciques, tachycardie, hypertension), psycho-comportementaux ou neurologiques (irritabilité, nervosité, anxiété, crises de panique, hallucinations, épilepsie). Les arrêts cardiaques signalés surviennent très vraisemblablement chez des sujets génétiquement prédisposés, ces prédispositions étant souvent asymptomatiques et généralement non diagnostiquées ; ils résulteraient de la consommation de ces boissons associées à certains facteurs de risque supplémentaires comme l’exercice physique, l’hypokaliémie, certains médicaments, une forte consommation d’alcool ou encore une sensibilité individuelle à la caféine. Les autres effets étudiés (cardiovasculaires, psycho-comportementaux ou neurologiques) correspondent à des effets souvent étudiés après une prise de caféine en quantité élevée.

L’Agence note que, s’agissant de la consommation de caféine par la population française, 41 % des consommateurs de boissons dites énergisantes sont des consommateurs de café, ajoutant donc une nouvelle source de caféine à leur alimentation, même si une substitution partielle n’est pas à exclure. Par ailleurs, 30 % de la population est en dépassement du seuil retenu comme générateur d’anxiété ; près de 7 % de la population excède le seuil au-delà duquel une toxicité chronique plus générale est suspectée ; et enfin, 11 % des 3 à 10 ans et 7 % des 11 à 14 % dépassent le seuil de développement d’une tolérance à la caféine et du déclenchement de symptômes de sevrage (qui est atteint à moins d’une demi-canette standard de boissons dites énergisantes ou d’une canette de soda au cola pour un enfant de 35 kg).

En outre, un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) du 6 mars 2013 a analysé des données concernant la consommation de boissons dites énergisantes dans des groupes de population donnés, y compris les enfants et les adolescents et en a tiré les conclusions suivantes :

– Environ 30 % des adultes interrogés sont consommateurs de ce type de boissons. 12 % d’entre eux en consomment quatre à cinq jours par semaine, avec une moyenne de 4,5 litres par mois. Environ 11 % boivent au moins un litre par prise.

– Environ 68 % des adolescents (tranche des 10-18 ans) interrogés sont des consommateurs de ce type de boissons. 12 % d’entre eux en consomment en moyenne sept litres par mois. Environ 12 % d’entre eux boivent au moins un litre par prise.

– Enfin, s’agissant des enfants entre 3 et 10 ans, environ 18 % des enfants interrogés sont des consommateurs de ce type de boissons. 16 % d’entre eux en consomment presque quatre litres par mois.

Ces chiffres démontrent clairement l’accoutumance progressive à ces boissons très sucrées et caféinées.

Pour des raisons évidentes de santé publique – afin de modérer la consommation de ces boissons contenant de la caféine ou de la taurine par la population générale, mais aussi par les publics sensibles (sportifs, enfants et adolescents, ainsi que femmes enceintes) -, il est donc proposé d’instaurer une telle taxe sur les boissons dites énergisantes. Le taux de cette contribution serait fixé à un euro par litre.

D’après les informations fournies par la direction de la sécurité sociale, de l’ordre de 35 millions de litre de boissons énergisantes seraient vendus chaque année en France. Votre rapporteur considère que cette estimation peut être majorée, dans la mesure où les chiffres de la DSS ne concerneraient que les quantités de ces boissons vendues en supermarché et hypermarché, à l’exclusion des autres points de vente sur le territoire : une hypothèse de 60 millions de litres vendus chaque année semble tout à fait plausible, au vu des données dont dispose par ailleurs votre rapporteur et qui retracent les ventes effectuées dans les hôtels-cafés-restaurants, les distributeurs automatiques, les petits points de vente, la restauration rapide, mais également les grossistes et les petits commerces de proximité. Dès lors, si l’on considère que 60 millions de litres de boissons dites énergisantes seraient consommés chaque année en France, le rendement de la contribution instaurée par l’amendement adopté par votre commission s’établirait à 60 millions d’euros.

Article additionnel après l’article 15
(art. 1001 du code général des impôts et art. L. 3332-2-1 du code général
des collectivités territoriales)

Majoration du taux de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) applicable aux contrats complémentaires santé dits « non responsables »

Cet article additionnel propose de majorer le taux de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) applicable aux contrats complémentaires santé dits « non responsables », pour le porter de 9 à 14 %.

Il s’agit par cette mesure de rétablir une véritable incitation financière en faveur des contrats solidaires et responsables, qui sont aujourd’hui soumis à la TSCA au taux de 7 %, en créant un écart plus important entre la taxation respective de ces deux types de contrats complémentaires santé.

Pour rappel, sont considérés comme des contrats « solidaires et responsables » les contrats complémentaires santé au titre desquels l’organisme assureur ne recueille pas d’informations médicales auprès de l’assuré ou des personnes souhaitant bénéficier de cette couverture et que les cotisations ou les primes ne soient pas fixées en fonction de l’état de santé de l’assuré (contrats solidaires). En outre, les garanties du contrat doivent respecter un certain nombre de conditions, formulées à l’article L. 871-1 du code de la sécurité sociale.

Les contrats « responsables »

L’article L. 871-1 du code de la sécurité sociale réserve le bénéfice de l’exemption de l’assiette des cotisations sociales aux contrats qui :

– ne prennent pas en charge la participation forfaitaire de 1 euro sur les consultations, les actes médicaux et les actes de biologie médicale, pas plus que la franchise annuelle de 0,5 euro par boîte de médicaments, 0,5 euro par acte paramédical pratiqué hors de l’hôpital et 2 euros par recours au transport sanitaire, sauf transport d’urgence ;

– excluent la prise en charge de la majoration de participation des assurés en cas de non-respect du parcours de soins, et qui est égale à 20 % du ticket modérateur dans la limite de 5 euros par acte pour les actes supérieurs à 25 euros, ainsi que les dépassements d’honoraires sur les actes cliniques et techniques des spécialistes consultés hors parcours de soins à hauteur au moins du montant du dépassement autorisé sur les actes cliniques ;

– prennent en charge au moins 30 % du tarif opposable des consultations du médecin traitant, au moins 30 % des médicaments à vignette blanche (remboursés à 65 % par l’assurance maladie obligatoire), au moins 35 % du tarif de base de l’assurance maladie obligatoire pour les frais d’analyses ou de laboratoire, ainsi que 100 % du ticket modérateur d’au moins deux prestations de prévention à choisir sur la liste établie par le ministère chargé de la santé.

À ces conditions, s’applique le taux de 7 % prévu au 2° bis de l’article 1001 du code général des impôts. L’ensemble des autres contrats complémentaires santé sont soumis à la TSCA au taux de 9 % (6° de l’article 1001).

Considérant que l’écart de taxation entre ces deux types de contrats n’est aujourd’hui pas assez important – et dans la perspective d’une redéfinition, plus rigoureuse, des critères applicables aux contrats dits « responsables et solidaires » -, votre commission a souhaité majorer de cinq points le taux de la TSCA au titre des contrats non responsables.

Le rendement de cette augmentation du prélèvement serait entièrement affecté à l’assurance maladie du régime général. On rappellera en effet que ce sont aujourd’hui les départements qui perçoivent le rendement de la TSCA, hors produit de la taxe afférent aux contrats solidaires et responsables : ils le resteront.

Selon le rapport du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) publié le 18 juillet 2013, appliqué aux cotisations constatées en 2012, ce taux majoré apporterait près de 90 millions d’euros de recettes supplémentaires. Il est fait l’hypothèse d’une diminution du rendement de 25 % en 2015 et 50 % en 2016, compte tenu notamment des effets de la loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 qui impose au 1er janvier 2016, pour les garanties relative à la protection maladie, une couverture complémentaire collective en entreprise qui respecte les critères du contrat responsable. Pour 2014, le rendement supplémentaire pourrait s’établir autour de 80 millions d’euros.

*

* *

La Commission en vient à trois amendements portant articles additionnels après l’article 15.

Elle examine d’abord, en discussion commune, les amendements AS281 de M. Gérard Bapt et AS180 rectifié de M. Gérard Sebaoun. 

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement AS281 instaure donc une contribution sur les boissons énergisantes. L’an dernier, nous avions effectivement adopté un amendement du même type mais d’un rendement moindre et ce, pour deux raisons : d’une part, parce que le taux du prélèvement était inférieur, et, d’autre part, parce que le volume de boissons énergisantes vendu dans notre pays a considérablement augmenté depuis l’an dernier – de 20 à 25 % environ. En outre, 35 % de ce volume sont distribués dans les hard discounts.

Si le Conseil constitutionnel a effectivement annulé la mesure votée l’an dernier par le Parlement avec l’accord du Gouvernement, c’est parce qu’à l’époque, nos connaissances sanitaires portaient avant tout sur la dangerosité du mélange de ces substances avec l’alcool ou les stupéfiants. Or, un élément d’information nouveau nous est parvenu depuis : l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES) vient en effet de publier un rapport – commandé naguère par Mme Bachelot, qui essayait alors de s’opposer à la mise sur le marché de ces boissons. L’agence y précise que dans 60 % des cas où de graves effets indésirables lui ont été signalés, il n’y a pas eu de mélange mais consommation isolée de ladite boisson, entraînant parfois des effets cardiovasculaires – tels l’augmentation du rythme cardiaque – ou neuropsychiques. Ainsi le décès de plusieurs sportifs – coureurs à pied ou cyclistes – survenu à quelques dizaines de minutes d’un effort prolongé intense pourrait-il être lié à la consommation de boissons énergisantes.

Quant aux effets neuropsychiques, ils sont de plusieurs ordres, sachant que l’on relève des phénomènes d’addiction à la caféine liée à une consommation régulière chez des enfants de moins de dix ans.

Il s’agit donc d’un problème de santé publique d’autant plus grave que la consommation est en forte progression, jusqu’à devenir parfois une consommation familiale.

La ministre de la santé a annoncé un plan d’encadrement comportant des mesures d’information et de prévention, à destination notamment de la femme enceinte et des très jeunes enfants, ainsi éventuellement qu’une interdiction de la vente aux mineurs, sachant qu’une réglementation de l’Union européenne va imposer, à partir de décembre 2014, que figure sur les contenants de ces boissons un étiquetage informatif, preuve que la Commission européenne a commencé à se soucier de cette question de santé publique.

Sur la base de ces éléments nouveaux, je vous propose d’adopter cet amendement. Il diffère de celui que j’avais proposé l’an dernier, qui affectait le produit de la taxe au régime agricole, tandis qu’il est affecté cette année à l’assurance maladie.

M. Gérard Sebaoun. L’amendement 180 rectifié déposé par notre groupe va dans le même sens que celui de Gérard Bapt. M. Tian nous a lu la décision du Conseil constitutionnel sur l’amendement déposé l’an dernier, mais la différence, c’est le rapport de l’ANSES, élaboré à partir de deux cents cas, et que l’on ne peut plus ignorer.

Ce n’est pas parce que le leader mondial du marché fait courir de formidables bolides sur tous les circuits du monde que cela doit nous détourner de notre seul objectif, qui est la santé publique de nos concitoyens.

Bien que l’ancienne ministre de la santé ait tenté d’empêcher leur introduction en France, ces boissons énergisantes existent aujourd’hui en France et leur consommation augmente de 10 à 15 % par an…

M. Dominique Tian. Elles plaisent aux jeunes !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le cannabis aussi !

M. Gérard Sebaoun. En matière de santé publique, il n’est pas indispensable de faire du jeunisme, monsieur Tian. Notre amendement s’appuie sur des éléments incontournables fournis par l’ANSES, qui pointe un vrai risque, notamment pour les plus jeunes et lorsque ces boissons sont consommées avec de l’alcool.

M. Denis Jacquat. Pendant des années, on a vu arriver dans les PLFSS des mesures de taxation de la bière ou du tabac. Aujourd’hui, ce sont les boissons énergisantes qui sont touchées, comme d’autres produits agroalimentaires, visés dans le cadre de la lutte contre l’obésité infantile.

Je réclame depuis longtemps une grande loi sur la santé publique, mais on ne voit rien venir. À défaut d’une action globale, j’ai l’impression que les mesures que vous proposez sont davantage destinées à générer des recettes de poche permettant d’équilibrer le budget de la sécurité sociale qu’à poursuivre un objectif de santé publique.

Je comprends les problèmes posés par les boissons énergisantes et si, comme l’a mentionné Gérard Bapt, elles sont à l’origine de décès accidentels, il faut tout simplement les interdire. Au lieu de quoi et au lieu de s’atteler à une grande loi de santé publique qui traite aussi du tabagisme, de l’alcoolisme, ou encore de l’usage de l’huile de palme, on se contente, sous couvert de visées sanitaires, d’imaginer de nouvelles sources de recettes. Ce saupoudrage n’est pas sérieux.

Mme la présidente Catherine Lemorton. La loi de santé publique a pris cinq ans de retard mais elle est programmée pour 2014.

M. Michel Liebgott. Puisque ces mesures sont susceptibles de s’intégrer dans une grande loi de santé publique, c’est précisément qu’elles ne sont pas uniquement vouées à fournir des recettes de poche.

Dans le sport, chacun sait qu’il y a les drogues de riches et les drogues du pauvre qui, comme le Solupred, permettent à un cycliste de gagner deux ou trois kilomètres par heure. Tous les coureurs ont un jour pris du Guronsan, qui se vend même dans les magasins de sport et pour lequel, au-delà de 150 milligrammes, en cas de prises répétées, on peut parler d’addiction à la caféine. Il y a là un véritable risque pour les jeunes, d’autant qu’il s’agit d’un médicament très accessible. Le Red Bull me paraît tout aussi dangereux, quand il est utilisé comme un produit dopant. C’est selon le même processus que, dans certains quartiers défavorisés, on commence par fumer de l’herbe avant de passer à des drogues plus dures.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Évitons de citer des marques et parlons plutôt de médicaments génériques : je décommande fortement à ceux qui veulent améliorer leurs performances sportives de prendre de la prednisolone 20 mg, limitée à un milligramme par kilo et par jour. D’autre part, je ne crois pas que l’on puisse affirmer que le cannabis est la première marche vers des drogues plus dures. C’est en tout cas ce qui ressort d’un colloque auquel je viens d’assister.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous nous sommes longtemps focalisés, sans doute à juste titre, sur le tabac et l’alcool, mais on connaît aujourd’hui les effets désastreux sur la santé de la junk food produite par l’industrie agroalimentaire.

Les maladies chroniques qui plombent les comptes de la sécurité sociale ne sont pas uniquement dues à l’alcool et au tabac mais également à d’autres produits néfastes, développés pour servir les intérêts privés de l’agro-industrie. Ces amendements me paraissent donc envoyer un signal important, et nous proposerons plus loin dans le texte des amendements similaires concernant des produits dont les effets néfastes ont également été prouvés par des études scientifiques.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI avait déposé un amendement sur la prévention de la consommation des boissons énergisantes, mais il a malheureusement été déclaré irrecevable. Cela étant, je conteste la présence de ces amendements dans le PLFSS, d’autant qu’on avait l’an dernier opposé aux écologistes qui défendaient des amendements identiques le fait que ceux-ci n’y avaient pas leur place mais devaient s’intégrer dans une grande loi sur la santé publique. Si de telles mesures participent de la Stratégie nationale de santé, c’est dans ce cadre qu’elles doivent être discutées.

Il me semble par ailleurs que le produit de la taxe comportementale que vous souhaitez mettre en œuvre devrait être affecté à la prévention et à l’information, notamment de plus jeunes, par exemple par des actions conjointes avec l’éducation nationale. Élu d’une région transfrontalière, je n’en reste pas moins circonspect sur ce type de fiscalité, car je sais que, lorsque certains produits sont taxés, les gens vont se servir de l’autre côté de la frontière.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement confond étiquetage et taxe folle. Une taxe n’est en aucun cas un moyen d’informer le consommateur ou de l’éduquer. Loin d’avoir un quelconque effet sur la santé des jeunes, taxer les boissons énergisantes n’aboutira qu’à augmenter les prix.

Il faut donc avant tout agir dans le cadre d’une loi de santé publique sur la question de l’étiquetage. Il faut une volonté du Gouvernement pour agir au niveau de l’Union européenne et auprès de l’industrie pharmaceutique pour faire en sorte que figurent sur les contenants les informations relatives aux dosages en caféine, en sucre et autres composants ayant des incidences sur la santé.

Par ailleurs, je ne crois pas à l’utilité de taxer ponctuellement tel ou tel type de produit, en voulant les discréditer. Soit on taxe systématiquement le sucre ou la caféine présents dans les boissons et les aliments, en leur appliquant un taux variant selon les dosages, soit on arrête de se cacher derrière son petit doigt en prenant prétexte de la santé publique pour augmenter les impôts.

M. Gérard Sebaoun. Chaque augmentation substantielle des taxes sur le tabac a fait baisser la consommation, notamment chez les jeunes, et l’effet prix est indéniable. Il ne faut donc pas hésiter à y avoir recours lorsque la santé publique est en jeu.

M. Jean-Pierre Door. Un consensus est indispensable au niveau européen, sans quoi risquent de se développer un marché noir et une économie souterraine alimentés par ces produits.

Je jugerais pour ma part préférable de faire interdire la publicité pour les boissons énergisantes dans toutes les compétitions sportives. Claude Évin l’a fait avec le tabac et l’alcool, et cela a fonctionné.

M. Dominique Tian. Les recettes escomptées sont très hypothétiques si l’on se réfère, je le répète, à la décision du Conseil constitutionnel. De tels amendements n’ont rien à faire dans une loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, le groupe UMP ne partage pas l’opinion de la présidente, selon qui le shit n’est pas une porte d’entrée vers des drogues plus dures. Nous ne partageons pas non plus ses opinions sur les salles de shoot.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je regrette de ne pas vous avoir emmené avec moi au colloque sur la réduction des risques.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je répète que Mme Marisol Touraine a annoncé la mise en place d’un plan de santé publique. J’ai également dit que la Commission européenne qui s’est saisie de cette question a prévu, à partir de décembre 2014, un étiquetage indiquant la composition de ces boissons. Reste en suspens la question de l’interdiction de la vente aux mineurs. Quoi qu’il en soit, il faut prendre sans attendre des mesures de précaution à l’attention des femmes enceintes et de la petite enfance, comme nous l’avons fait pour les contenants alimentaires contenant du bisphénol.

Seule la moitié des quantités consommées est commercialisée sous la marque principale, à laquelle chacun se réfère et qui fait beaucoup parler d’elle en sponsorisant des événements sportifs majeurs. Mais ne nous faisons pas d’illusions sur la publicité. Si Claude Évin est parvenu à interdire la publicité sur l’alcool, voyez comment la H Cup contourne aujourd’hui l’interdiction.

Vous parlez enfin de recettes de poche, ce qui est une manière pour la majorité précédente de faire son autocritique, puisqu’elle a fait voter, pour des raisons de santé publique, une taxe sur les boissons sucrées, dont les effets ont d’ailleurs été quasi nuls sur la consommation, puis une taxe sur les boissons à base d’édulcorants, ces deux taxes ayant surtout pour vocation de fournir des recettes de poche…

C’est bien grâce à des taxes d’importance que mon prédécesseur Yves Bur a contribué à freiner la consommation des prémix. On ne peut donc contester l’efficacité des taxes comportementales. J’en veux également pour preuve la politique de taxation du tabac menée par Jacques Chirac dans le cadre de son plan Cancer.

Nous ne devons pas attendre une loi de santé publique pour agir, car la consommation de boissons énergisantes connaît une progression fulgurante. Il y a donc urgence à protéger l’enfance en danger.

Quant aux sportifs qui pratiquent un exercice physique prolongé et intense, et consomment ce type de boissons, ils sont pris dans un cercle vicieux, car ces boissons ont un effet diurétique que l’on compense en buvant davantage. Cela peut expliquer pour partie les décès qui ont été constatés et sur lesquels il conviendra de mieux se documenter. Je continue donc d’être intimement persuadé du bien-fondé de cette proposition.

M. Francis Vercamer. Que va-t-il se passer avec les boissons énergétiques fabriquées à l’étranger et commercialisées en France ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La taxe porte sur la consommation et non sur la production.

M. Olivier Véran. Puisqu’il ne s’agit pas de taxer pour le plaisir mais de faire de la prévention sanitaire, nous pourrions envisager, au travers d’un sous-amendement déposé en séance, d’affecter une part de cette contribution à l’INPES au titre d’une campagne de prévention nationale auprès des jeunes.

M. Denis Jacquat. M. Bapt a raison d’évoquer les prémix mais, à l’époque, la Commission avait auditionné des experts sur le sujet, ce qui nous avait permis de nous accorder à l’unanimité sur une taxation de ces produits.

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’ai auditionné les experts de l’ANSES.

La Commission adopte l’amendement AS281.

En conséquence, l’amendement AS180 rectifié tombe.

La Commission examine ensuite l’amendement AS277 du rapporteur portant article additionnel après l’article 15.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Dans la perspective de la stratégie nationale de santé, la réforme de l’accès aux contrats complémentaires de santé doit être initiée par un article de ce PLFSS, qui définit le contenu d’un contrat responsable. L’amendement que je vous propose ici vise à pénaliser les contrats non responsables, soit 2 % de l’ensemble des contrats complémentaires. Ce sont ces contrats qui génèrent les mécanismes les plus pervers, puisque ce sont ceux qui offrent la couverture maximale, sans limitation de prise en charge des dépassements d’honoraires ou des dispositifs optiques, dentaires ou auditifs. Ce faisant, ils tirent vers le haut les dépassements d’honoraires et le prix des dispositifs médicaux, rendant plus difficile encore pour la plus grande masse de nos concitoyens l’accès aux soins.

Je propose donc de rétablir l’écart qui existait autrefois entre la taxe sur les contrats responsables et la taxe sur les contrats non responsables, en augmentant cette dernière de 9 à 14 %.

Il s’agit, d’une part, d’anticiper sur la réforme des contrats complémentaires et, d’autre part, de dégager les ressources qui permettront de favoriser l’accès de nos compatriotes les plus modestes aux soins et à la santé.

La Commission adopte l’amendement AS277.

Article 16
(art. L. 6243-3 du code du travail et art. L. 120-26 et L. 120-28 du code du service national)

Reconfiguration des exonérations en faveur de l’apprentissage, des contrats de service civique et des chantiers d’insertion

Le présent article modifie les exonérations ou les modalités de leur prise en charge par l’État pour trois catégories d’assurés percevant des rémunérations peu élevées : les apprentis, les volontaires ayant souscrit un contrat de service civique et les personnes travaillant sur des chantiers d’insertion.

Depuis 1972, les apprentis ont droit à un salaire minimal légal progressif déterminé en pourcentage du SMIC compte tenu de leur âge, de l’année d’exécution du contrat et du diplôme préparé.

L’article L. 6243-2 du code du travail et l’arrêté du 5 juin 1979 modifié disposent que les cotisations sociales sont calculées au taux de droit commun sur une assiette forfaitaire déterminée à partir de la rémunération minimale due à l’apprenti après un abattement de 11 points (7). Lorsque l’employeur rémunère l’apprenti au-delà du montant minimal, la cotisation reste assise sur cette même assiette.

Depuis 1979, l’État prend en charge l’intégralité des cotisations salariales et patronales pour les employeurs inscrits au répertoire des métiers et pour les entreprises de moins de 10 salariés non compris les apprentis. Cette disposition a été étendue aux entreprises de plus de 10 salariés à compter de 1989.

Ces règles, qui visent à encourager l’apprentissage, pénalisent néanmoins les apprentis pour leurs droits à retraite car ils cotisent sur une assiette trop faible pour leur permettre de valider une durée d’assurance vieillesse égale à celle de leur contrat.

L’article 17 du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraite propose des modifications visant à permettre aux apprentis de valider autant de trimestres d’assurance vieillesse que n’en compte leur période d’apprentissage.

b. La prise en charge par l’État

L’article L. 6243-3 du code du travail prévoit que les cotisations et contributions sociales des apprentis sont prises en charge par l’État, sur la base de cette rémunération abattue. Le transfert depuis le programme Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi (n° 103) de la mission Travail est estimé à 1,0 milliard d’euros en 2013 et 2014 (annexe 5).

En revanche, le non-assujettissement à la CSG et la CRDS n’est pas compensé.

c. Les modifications apportées par l’article 17 du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraite

L’article 17 du projet de loi précité modifie l’article L. 6243-2 du code du travail pour supprimer, uniquement pour les cotisations finançant le risque vieillesse de base, l’abattement de cotisations sociales prévu pour les apprentis. La cotisation vieillesse de base devrait donc être désormais calculée sur une assiette réelle qui permettrait aux apprentis de valider des trimestres correspondant à leur période d’activité.

Il complète aussi l’article L. 6243-3 du même code pour introduire un système de validation complémentaire de droits à retraite, à la charge du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), pour les apprentis qui ne valideraient toujours pas autant de trimestres de retraite que de trimestres d’apprentissage sur une année civile, du fait de leur faible rémunération. Une cotisation sera ainsi versée par le FSV en appliquant le taux de cotisation vieillesse de droit commun (soit 16,85 %) au différentiel d’assiette (écart entre l’assiette cotisée au titre de la rémunération et l’assiette fixée par décret pour l’acquisition du trimestre). L’étude d’impact du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraite indique que cela devrait conduire à un transfert de 18 millions d’euros du FSV vers les régimes vieillesse de base.

d. Le dispositif proposé

La mesure proposée à l’article 17 précité a été envisagée à coût constant pour l’État et pour les employeurs. C’est donc la sécurité sociale qui prend en charge le différentiel.

Le présent article prévoit de maintenir les modalités actuelles de calcul de la compensation des exonérations de cotisations sociales des apprentis, c’est-à-dire que la nouvelle part de cotisations vieillesse afférente à la différence entre la rémunération réelle et la rémunération abattue ne sera pas compensée par l’État à la sécurité sociale.

Cependant, à court terme, l’ensemble de ces mesures devrait être neutre pour la sécurité sociale, l’élargissement de l’assiette des cotisations vieillesse prévue dans le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraite neutralisant financièrement la non-compensation de l’exonération prévue au présent article.

Le I réécrit l’article L. 6243-3 du code du travail (à l’exception du dernier alinéa, issu de l’article 17 du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraite, qui porte sur la prise en charge par le FSV), distinguant trois catégories d’exonérations de cotisations et contributions sur la rémunération des apprentis prises en charge par l’État ; les deux premières catégories ne changent pas :

– les cotisations à des assurances couvrant divers risques de privation d’emploi – l’assurance contre le risque de non-paiement (AGS), l’assurance contre le risque de privation d’emploi pour certains salariés engagés à titre temporaire qui relèvent des professions de la production cinématographique, de l’audiovisuel ou du spectacle et l’assurance contre le risque de cessation de travail pour cause d’intempéries dans le BTP – sont prises en charge sur une base forfaitaire globale ;

– le versement transport est pris en charge sur la base d’un taux forfaitaire déterminé par décret ;

– la prise en charge des autres cotisations (maladie-maternité, famille, vieillesse, AT-MP) et contributions s’effectue sur une base forfaitaire suivant des modalités déterminées par décret.

L’étude d’impact indique que l’exonération de cotisations sociales portera sur l’ensemble de la cotisation vieillesse veuvage : la majoration de l’assiette de cette cotisation ne conduira donc pas à majorer le coût pour l’employeur.

Le II précise que la compensation due par l’État à la sécurité sociale en vertu de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale restera calculée sur la base forfaitaire, à savoir l’assiette abattue de 11 points de SMIC. L’extension de l’assiette de cotisation sur laquelle porte l’exonération représentera pour la sécurité sociale un coût non compensé de 140 millions d’euros en année pleine, et de 105 millions d’euros pour 2014 (annexe 5).

2. L’alignement sur le droit commun des prélèvements sociaux sur les contrats de service civique

Le service civique offre à toute personne volontaire de 16 à 25 ans la possibilité de s’engager en faveur d’un projet collectif en effectuant une mission d’intérêt général auprès d’une personne morale agréée : association, collectivité territoriale ou établissement public (dont les établissements d’enseignement primaire et secondaire).

Indemnisé 573 euros nets par mois, il peut être effectué sur une période de 6 à 12 mois en France ou à l’étranger, pour au moins 24 heures par semaine.

a. Le statut social des contrats de service civique

Lorsque le service civique est accompli en France, la couverture des risques maladie, maternité, invalidité, décès et accidents du travail et maladies professionnelles est assurée par le versement, par la personne morale agréée ou l’Agence de service et de paiement (ASP), de cotisations forfaitaires.

Les volontaires bénéficient de la couverture complète des risques maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), vieillesse et famille.

La prise en charge financière de cette couverture se décompose ainsi :

– la couverture des risques maladie, maternité, invalidité, décès et AT-MP est prise en charge par l’Agence du service civique (ASC), par des cotisations forfaitaires égales à 2,24 % du plafond mensuel de la sécurité sociale et une cotisation AT-MP égale à 0,05 % du salaire minimum des rentes ;

– les cotisations vieillesse (salariales et patronales) (8) et la CSG-CRDS (9) restent dues dans les conditions de droit commun ; l’ASC prend en charge les cotisations vieillesse ; en outre, pour la couverture du risque vieillesse, l’État assure le versement à l’ACOSS de cotisations complémentaires forfaitaires afin de valider auprès du régime général un nombre de trimestres correspondant à la durée du service civique (10) ;

– les cotisations d’allocations familiales et toutes les autres cotisations et contributions d’origine légales ou conventionnelles rendues obligatoires par la loi sont totalement exonérées ; l’exonération de cotisations d’allocations familiales donne lieu au versement d’une compensation par l’État auprès de l’ACOSS en application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Or, l’article 14 du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraite abaisse le seuil de validation d’un trimestre de 200 heures à 150 heures de SMIC, ce qui permettra désormais aux volontaires de valider un nombre de trimestres égal à la durée d’activité : l’assiette de cotisation nécessaire pour valider un trimestre, dorénavant de 1 414,50 euros bruts, sera en effet inférieure aux 1 521,60 euros de rémunération brute trimestrielle du service civique.

Dès lors, le présent article propose de simplifier et rapprocher du droit commun le statut social des volontaires en service civique pour l’ensemble des risques.

b. La simplification proposée

Le III du présent article procède à un alignement des règles de cotisation sur le droit commun, pour le taux comme pour l’assiette.

Le A du III remplace les deux premiers alinéas de l’article L. 120-26 du code de la sécurité sociale.

Désormais, lorsque le service est accompli en France, l’assiette des cotisations couvrant les risques maladie, maternité, invalidité et décès, AT-MP, vieillesse et allocations familiales, et l’assiette de la CSG et la CRDS correspondent à l’indemnité prévue par le code du service national.

Les cotisations sociales et la CSG-CRDS seront donc désormais calculées sur le montant de l’indemnité brute versée au volontaire (actuellement 507,20 euros), non comprise l’indemnité dite « de subsistance » de 106,31 euros. Cette assiette sera désormais très proche de la rémunération brute des salariés. Elle continuera cependant d’en différer en partie : alors que les 7,5 points de cotisations salariales vieillesse et maladie sont normalement inclus dans l’assiette brute des cotisations, l’ASC les prendra à sa charge.

L’exonération de cotisations familiales est supprimée, ce qui entraînera la fin de la compensation due par l’État au titre ce celle-ci.

Les taux sont ceux prévus par le droit commun, sauf pour les AT-MP, pour lesquels un taux forfaitaire s’applique, fixé par arrêté. L’étude d’impact indique que pour les AT-MP, le taux moyen de 2,43 % sera retenu par souci de simplification (11).

Les cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle autres que la CSG et la CRDS ne sont pas dues.

Le B du III supprime le mécanisme de cotisation complémentaire, institué en 2010 pour permettre aux jeunes effectuant un service civique de valider des droits à retraite proportionnés à la durée de leur service (ce dispositif n’étant plus nécessaire, grâce à l’abaissement à 150 heures SMIC du seuil de validation d’un trimestre).

Cet alignement sur le droit commun maintient donc le niveau de protection des volontaires.

La réforme proposée permet à l’État de réaliser une économie mensuelle de 180 euros par volontaire, ce qui correspond à un montant global de 25 millions d’euros, compte tenu du nombre de mois-jeune évalué à 139 175 en 2014.

Pour la sécurité sociale, le nouveau dispositif conduira à supprimer la compensation due au titre de l’exonération de la cotisation d’allocations familiales et du mécanisme de validation des droits à l’assurance vieillesse, soit une moindre recette de 25 millions d’euros en 2014. La normalisation de l’assiette des cotisations et l’augmentation du taux de la cotisation AT-MP apporteront toutefois une recette de 9 millions d’euros. Au total, le coût pour la sécurité sociale est estimé à 14 millions d’euros.

3. La création d’une nouvelle exonération pour les contrats dans les ateliers et chantiers d’insertion

L’insertion par l’activité économique permet à des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières de bénéficier de contrats de travail dans des structures spécialisées en insertion sociale et professionnelle.

Les bénéficiaires sont agréés par Pôle emploi pour une durée maximale initiale de 24 mois (à l’exception des salariés mis à disposition chez des particuliers ou auprès d’entreprise pour des durées de moins de 16 heures par les associations intermédiaires).

Les structures d’insertion par l’activité économique (entreprises d’insertion, associations intermédiaires, entreprises de travail temporaire d’insertion, ateliers et chantiers d’insertion) signent des conventions avec l’État leur permettant d’accueillir et d’accompagner ces travailleurs en contrepartie d’une aide financière de l’État cumulée, selon la structure, avec un dispositif d’exonération de cotisations sociales patronales.

Il existe environ 4 000 structures d’insertion par l’activité économique ; en 2010, 159 000 personnes ont été embauchées ou renouvelées dans une telle structure (12).

Parmi ces structures pouvant conclure des conventions avec l’État, les ateliers et chantiers d’insertion (ACI) ont pour objet l’embauche de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières. Les ACI peuvent être portés par un organisme de droit privé à but non lucratif, une collectivité territoriale, un centre communal d’action sociale (CCAS), un établissement d’enseignement agricole de l’État, une chambre départementale d’agriculture ou par l’Office national des forêts (ONF). Cette liste est déterminée par décret.

Les ACI mènent prioritairement des activités dites d’utilité sociale, c’est-à-dire visant à répondre à des besoins collectifs émergents ou non satisfaits (environnement, rénovation de bâtiment ancien…), mais peuvent également exercer des activités de production de biens et de services (13).

Ils peuvent conclure avec les personnes en difficultés :

– des contrats à durée déterminée en application de l’article L. 1242-3 du code du travail. Ces contrats à durée déterminée dits « d’insertion » (CDDI) sont régis par l’article L. 5132-15-1 du code du travail ; ils sont encadrés dans leur durée minimale (4 mois) et maximale (2 ans) ; bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler de contrats aidés, ils peuvent éventuellement être assortis d’une aide financière (14;

– des contrats uniques d’insertion – contrats d’accompagnement de l’emploi (CUI-CAE), qui sont des contrats aidés relevant des articles L. 5134-19-1 et suivants du code du travail ; ils peuvent être à durée déterminée ou indéterminée ; les salariés en insertion perçoivent une rémunération au moins égale au SMIC.

Les CUI-CAE ouvrent droit à un régime social très favorable pour l’employeur puisque les cotisations patronales de sécurité sociale et d’allocations familiales sont totalement exonérées sur la partie de la rémunération égale à une fois le SMIC. Cette exonération n’est pas compensée à la sécurité sociale. Le taux de cotisations AT-MP est fixé forfaitairement à 1,5 %. Ils bénéficient également d’une exonération de la taxe sur les salaires, de la taxe d’apprentissage et de la participation de l’employeur à l’effort de construction sur la totalité des salaires (article L. 5134-31 du code du travail).

Les ACI bénéficient en outre d’une aide à l’insertion de l’État, au plus égale à 105 % du SMIC, dans le cadre des embauches réalisées en contrats aidés.

De ce fait, en réalité, les ateliers et chantiers d’insertion recourent assez peu au CDD d’insertion, contrairement aux autres structures d’insertion par l’activité économique qui bénéficient d’aides au poste, puisqu’ils peuvent compter sur l’aide financière des contrats aidés.

Le Premier ministre a annoncé le 31 juillet 2013 une réforme de simplification du financement de l’insertion par l’activité économique. Cette réforme se traduit par la généralisation en 2014 d’une seule modalité de financement : l’aide au poste.

Les embauches financées par aide au poste seront réalisées sous la forme de CDD d’insertion courant 2014. Les ACI ne pourront alors plus recruter en CUI-CAE.

Afin de ne pas augmenter le coût du travail pour ces structures, le présent article maintient le dispositif d’exonérations sous la même forme que celle dont les ACI bénéficient actuellement, à savoir une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale et d’allocations familiales sur la partie de la rémunération n’excédant pas une fois le SMIC.

Le A du IV dispose que les CDD d’insertion ouvrant droit au versement de l’aide pour les ateliers et chantiers d’insertion prévue à l’article L. 5132-2 du code du travail donnent lieu, sur la part de la rémunération n’excédant pas une fois le SMIC, à une exonération totale des cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales, de la taxe sur les salaires, de la taxe d’apprentissage et de la participation due par les employeurs au titre de l’effort de construction.

L’exonération actuelle pour les CUI-CAE dont la mesure s’inspire est non-compensée. C’est pourquoi le B du IV prévoit la non-compensation des exonérations précitées.

Sur la base de 32 974 « équivalents plein temps » (ETP) correspondant à la conversion en aides au poste de 92 327 CUI-CAE dans les ateliers et chantiers d’insertion en 2012, le coût de l’exonération représenterait 163 millions d’euros.

*

* *

La Commission examine l’amendement AS37 de M. Dominique Tian. 

Mme Véronique Louwagie. Le service civique, qui a séduit 42 000 jeunes, permet un engagement volontaire au service de l’intérêt général. Il est ouvert à tous les jeunes de 16 à 25 ans, sans conditions de diplôme et donne droit à une indemnisation de 573 euros nets par mois. Un récent sondage a montré un vif intérêt pour ce dispositif qui permet aux jeunes de faire de cette expérience un tremplin professionnel.

Jusqu’à présent, les indemnités et les diverses prestations allouées bénéficiaient d’une exonération d’impôt sur le revenu. Or, le III de l’article 16 procède à un alignement du prélèvement au titre de la protection sociale sur le droit commun pour les jeunes ayant souscrit un contrat de service civique.

Cette disposition risque de fragiliser le dispositif en atténuant son attrait.

M. Gérard Bapt, rapporteur. La disposition que vous critiquez s’inscrit dans la démarche de simplification administrative qui est unanimement souhaitée. Elle supprime un dispositif très dérogatoire dont la mise en œuvre est compliquée. Mais cette suppression sera sans répercussion conséquente pour les intéressés car les cotisations seront prises en charge par l’Agence du service civique. Le niveau des droits à la retraite sera ainsi maintenu.

Il s’agit donc d’une mesure de simplification sans incidence pour les volontaires du service civique.

Mme Véronique Louwagie. J’entends votre argument sur la simplification administrative mais je m’étonne qu’il ne vaille pas en toute occasion. Nous avons précédemment défendu en effet des amendements luttant contre les lourdeurs administratives sur lesquels vous n’avez pas retenu cet argument.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte l’article 16 sans modification.

Article 17
Approbation du montant de la compensation des exonérations, réductions ou abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale

Conformément aux dispositions organiques, le présent article approuve le montant, figurant dans l’annexe 5 au présent projet de loi, de la compensation par l’État des pertes de recettes résultant, pour les organismes sociaux, des différents mécanismes d’exonération, de réduction ou d’abattement d’assiette en matière de cotisations et contributions sociales.

Ce montant ne porte que sur les exonérations ciblées, et non sur les allégements généraux (« Fillon » et heures supplémentaires) ni sur les exemptions d’assiette.

2009

2010

2011

2012

2013

2014

4 051

3 958

3 362

3 301

3 067

3 120

Sources : annexe 5 des PLFSS 2011, 2012, 2013 et 2014.

Parmi ces plus de 3 milliards d’euros, la place la plus importante revient aux exonérations en faveur des entreprises et des travailleurs indépendants implantés en outre-mer (plus de 1,1 milliard d’euros), du contrat d’apprentissage (1,0 milliard d’euros) et des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (365 millions d’euros). Ces trois mesures constituent à elles seules les quatre cinquièmes du coût des exonérations ciblées compensées.

En 2013 et 2014, le dynamisme des exonérations ciblées compensées résulte principalement de la mise en œuvre en 2012 du nouveau dispositif de déduction forfaitaire pour les services à la personne (150 millions d’euros en 2013 et 198 millions d’euros en 2014), compensés par une part de TVA nette (190 millions d’euros en 2013 et 199 millions d’euros en 2014).

b. Les exonérations ciblées non compensées

Soit qu’elles aient été instaurées avant les obligations de compensation posées en 1994 et étendues en 2004 et 2005, soit qu’elles aient été instaurées postérieurement mais assorties d’un refus explicite de compensation, plusieurs exonérations ciblées ne sont pas compensées, pour un montant qui, à la différence de celui des exonérations compensées, augmente :

COÛT DES EXONÉRATIONS CIBLÉES NON COMPENSÉES (2009-2014)

(en millions d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2 969

3 061

3 049

3 184

3 398

3 829

Sources : annexe 5 des PLFSS 2011, 2012, 2013 et 2014.

Comme pour les exonérations compensées, les trois principales mesures (aide à domicile des personnes fragiles sous le régime du particulier employeur ou bien par le biais d’une association ou d’une entreprise, contrat unique d’insertion), constituent à elles seules les quatre cinquièmes du coût.

En 2014, le dynamisme de ces exonérations tiendrait principalement à l’aide à domicile intervenant auprès de personnes fragiles et au développement des emplois d’avenir.

2. La quasi-disparition des « paniers » fiscaux

Entre 2007 et 2010, les deux allégements à portée générale – la réduction de cotisations « Fillon » sur les bas salaires et l’exonération des heures supplémentaires –, c’est-à-dire les deux montants les plus importants de pertes de recettes pour la sécurité sociale, ont été compensées par le biais de « paniers » de recettes affectées aux régimes et organismes touchés par ces pertes de recettes. Ces affectations étaient assorties de garanties quant au maintien effectif, au vu de l’exécution constatée, des recettes sociales.

a. La compensation de la réduction « Fillon »

À partir de 2011, le principe du panier a été abandonné pour la plus importante de deux exonérations générales, à savoir la réduction (dite « Fillon ») de cotisations sociales patronales (20,5 milliards d’euros en 2014).

Autrement dit, la sécurité sociale a conservé à titre permanent les recettes de l’ancien « panier » fiscal, tandis que l’exonération n’est plus compensée.

b. Les exonérations ciblées non compensées

La compensation de la perte de recettes occasionnée par le recours aux heures supplémentaires et complémentaires, dans le cadre du régime mis en place par la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 dite « TEPA » (travail, emploi, pouvoir d’achat), demeurait sous la forme d’une affectation de recettes fiscales, mais la nature de ce panier fiscal a profondément évolué.

La loi de finances rectificative pour 2012 a restreint le dispositif d’exonération des heures supplémentaires sur les cotisations patronales des très petites entreprises. À compter du 1er septembre 2012, les exonérations forfaitaires patronales accordées aux entreprises d’au moins 20 salariés ainsi que les exonérations salariales dans l’ensemble des entreprises ont été supprimées.

Seules les exonérations forfaitaires patronales (1,50 euro par heure supplémentaire) pour les entreprises de moins de 20 salariés ont été maintenues. En conséquence, les exonérations n’ont plus représenté que 3 milliards d’euros en 2012. À compter de 2013, les nouvelles dispositions s’appliquent en année pleine, ce qui limite le montant d’exonérations à 0,5 milliard d’euros en 2013 et 2014.

COÛT DE L’EXONÉRATION DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES (2009-2014)

(en millions d’euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

3 065

3 189

3 394

2 998

549

513

Sources : annexe 5 des PLFSS 2011, 2012, 2013 et 2014.

D’autre part, le « panier », composé de trois recettes (ou fractions de recettes) depuis 2007 – produit de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés (CSB), de la TVA « brute » sur les boissons alcoolisées et d’une fraction de 3,89 % de droit de consommation sur les tabacs – n’en est plus vraiment un : à compter de 2013, suite à la réforme de l’exonération des heures supplémentaires, il va se réduire, en application de la loi de finances pour 2013, à une seule recette, à savoir une fraction de 0,33 % de la TVA nette.

Au cours des dernières années, non seulement la charge pour le budget de l’État a été excessive, s’agissant du financement d’une mesure économiquement injustifiée, mais la compensation n’a pas été correctement assurée. À cet égard, on observe à nouveau un creusement de l’écart entre coût et compensation en 2013, comme le montre le tableau ci-dessous :

ÉVOLUTION COMPARÉE DU COÛT DE L’EXONÉRATION DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES
ET DU « PANIER » DE COMPENSATION (2009-2014)

(en millions d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Coût de la réduction

3 065

3 189

3 394

2 998

549

513

Produit du panier

3 018

3 120

3 122

2 972

448

513

Solde

– 47

– 69

– 272

– 26

–101

Sources : annexe 5 des PLFSS 2011, 2012, 2013 et 2014.

3. La vision d’ensemble des « niches sociales »

L’annexe 5 au présent projet de loi ne considère pas seulement les allégements généraux et les exonérations ciblées ainsi que les modalités de leur compensation mais, dans l’esprit de la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, s’attache à identifier et à chiffrer l’ensemble des taux, assiettes et dispositifs dérogatoires susceptibles de faire perdre des recettes aux organismes sociaux.

Cette partie de l’annexe fait notamment apparaître l’ensemble des éléments qui sont totalement ou partiellement exemptés de prélèvement social, autrement dit les niches sociales, et évalue les pertes de recettes potentielles qui en résultent pour la sécurité sociale.

Dès lors, le coût de l’ensemble des allégements, exonérations et niches peut ainsi être établi :

PERTES DE RECETTES RÉSULTANT DES EXONÉRATIONS ET EXEMPTIONS D’ASSIETTE
DE COTISATIONS ET DE CONTRIBUTIONS (2010-2014)

(en milliards d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

Allégements généraux et heures sup

25,1

24,2

23,6

21,2

21,0

Exonérations ciblées compensées

4,0

3,4

3,1

3,4

3,3

Exonérations ciblées non compensées

3,1

3,0

3,2

3,4

3,8

Exemptions d’assiette

8,8

9,2

8,0

6,3

6,6

Total des pertes de recettes

41,0

39,8

37,9

34,4

34,7

Sources : annexe 5 des PLFSS 2011, 2012, 2013 et 2014.

Le mouvement de réduction des « niches sociales » (au sens large du terme), engagé au cours des dernières années, s’est accéléré en 2013. Il faut y voir l’expression d’une volonté politique clairement affirmée, celle d’un assujettissement à la fois plus juste et plus efficace de l’ensemble des revenus aux cotisations et contributions sociales.

*

* *

La Commission adopte l’article 17 sans modification.  

Après l’article 17

La Commission en vient à une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 17.

Elle est saisie d’abord de l’amendement AS201 de M. Jean-Louis Roumegas. 

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement est dans la lignée de l’amendement du rapporteur sur les boissons énergisantes. Il vise à créer une taxe additionnelle sur l’huile de palme que les industriels privilégient en raison de son faible coût mais dont on connaît les méfaits sanitaires et environnementaux. Cet amendement s’appuie sur des études scientifiques bien établies qui démontrent, d’une part, les dégâts en matière de déforestation causés par la culture des palmiers à huile et, d’autre part, l’augmentation du risque de maladies cardiovasculaires qu’induit la surconsommation d’acides gras.

L’huile de palme n’est pas utilisée par les industriels pour ses qualités diététiques mais dans le seul but d’accroître leurs profits.

La taxe additionnelle sera progressive, le taux augmentant chaque année jusqu’en 2016 afin d’inciter les industriels à substituer à l’huile de palme des matières grasses moins nocives. Il convient de supprimer l’avantage concurrentiel dont bénéficie l’huile de palme, qui n’aurait pas lieu d’être si les coûts sanitaires et environnementaux étaient pris en compte.

Le rendement de la taxe a été évalué. Quant aux recettes, nous souhaiterions qu’elles soient affectées à un fonds de prévention. Puisque l’article 40 nous en empêche, nous comptons sur le Gouvernement pour proposer une utilisation conforme à nos indications.

Monsieur le rapporteur, je ne sais pas comment, après avoir soutenu votre amendement, vous allez pouvoir de bonne foi refuser celui-ci qui procède de la même logique et s’appuie sur des arguments scientifiques tout aussi solides !

Mme Valérie Boyer. Une fois encore, vous confondez tout ! La lutte contre la déforestation n’est pas un message de santé publique. Si l’huile de palme est mauvaise pour la santé, il faut interdire sa consommation En la surtaxant, vous ne réussirez qu’à renchérir le coût des produits qui en contiennent.

Je suis surprise car il me semble que la première à chose à faire serait d’exiger de l’industrie agroalimentaire l’indication de la présence d’huile de palme dans ses produits quand aujourd’hui seule la mention « huile végétale » figure. Je doute fort que l’Europe nous le permette. Je suis curieuse de connaître le futur étiquetage européen qu’a évoqué le rapporteur : les informations seront-elles lisibles ? l’étiquette sera-t-elle compréhensible pour les publics les plus vulnérables ? Le rapport des produits par cent grammes sera-t-il indiqué ?

Multiplier les informations et les taxes aboutit à brouiller les messages alors que le message doit être clair : selon la nocivité, la consommation est interdite ou autorisée.

La simple exigence de la mention « huile de palme » de la part de l’industrie agroalimentaire – après la mauvaise publicité exagérée qui a été faite à ce produit – suffirait à voir diminuer la présence d’huile de palme dans la fabrication des produits alimentaires.

On ne peut pas avec une taxe lutter contre la déforestation. Il faut être sérieux !

Mme Bérengère Poletti. L’amendement de M. Bapt sur la taxe sur les boissons énergisantes est paré des habits de la santé publique alors qu’il a pour seul objectif, comme l’indique très clairement l’exposé sommaire de l’amendement 262, de financer la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Madame Poletti, vous n’êtes pas très loyale à mon égard. J’avais déjà présenté cet amendement l’an dernier. En outre, je l’ai annoncé depuis longtemps – à dire vrai depuis la parution du rapport de l’ANSES.

Monsieur Roumegas, je vous fais la même réponse que l’année dernière. La dangerosité des acides gras est liée à leur consommation excessive – nous consommons tous des acides gras. La nocivité des acides gras trans est également avérée alors qu’ils ne se trouvent pas dans l’huile de palme. Enfin, selon les pays de provenance, l’huile de palme peut contenir de 33 à 50 % d’acides gras saturés, ce qui devrait justifier une taxation différenciée.

Le Danemark, qui avait instauré une taxe sur les acides gras, a décidé de la supprimer. Selon l’évaluation qui a été faite, la taxe pénalisait les plus modestes qui consomment les produits les plus riches. L’équilibre nutritionnel passe par une diversification de l’alimentation et une consommation plus importante de fruits et légumes.

Les facteurs d’accident cardiovasculaire sont un vaste sujet. Pour les acides gras, il s’agit avant tout de modérer leur consommation. Je suis d’accord avec Mme Boyer sur la nécessité de l’étiquetage, de l’information et de l’éducation nutritionnelle.

Mon avis sur votre amendement reste donc le même que l’an dernier, à savoir défavorable. En revanche, il me semble que la question des acides gras de manière générale plutôt que de la seule huile de palme, et des acides trans devra être posée dans le cadre de la future loi de santé publique.

M. Jean-Louis Roumegas. Je note que le rapporteur ne répond pas sur la dimension environnementale du problème. En matière sanitaire, les effets doivent peut-être être plus nuancés que pour les boissons énergisantes.

Vous oubliez que les industriels doivent se défaire de leurs mauvaises habitudes en vertu desquelles seules les considérations de coût comptent. Nous savons que la consommation modérée d’acides gras n’est pas problématique. Nous devons néanmoins lutter contre les abus de l’industrie agroalimentaire au nom d’une logique de coût qui ignore l’environnement.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS235 de M. Jean-Louis Roumegas. 

M. Jean-Louis Roumegas. Nos amendements portent sur des produits dont les effets sur la santé ont fait l’objet de travaux scientifiques documentés comme c’est le cas pour les boissons énergisantes. Celui-ci concerne l’aspartame, un édulcorant de synthèse présent dans des milliers de produits alimentaires de consommation courante, rarement pour des raisons diététiques mais pour son faible coût.

En 1985, le brevet de l’aspartame a été racheté par la firme Monsanto, ce qui en dit beaucoup sur les pratiques des industriels.

Pour les femmes enceintes, les études ont démontré que, même à faible dose, l’aspartame augmente les risques de naissance avant terme. En outre, il existe de fortes présomptions que la consommation d’aspartame entraîne un risque accru de survenue de différents cancers.

Dans la même logique que précédemment, cet amendement crée une taxe additionnelle sur l’aspartame, qui augmentera progressivement chaque année jusqu’à un plafond à déterminer. L’objectif est là aussi d’inciter les industriels à substituer à l’aspartame d’autres édulcorants, naturels ou de synthèse. Nous proposons que les recettes provenant de cette taxe financent des mesures de prévention ou, à tout le moins, soient affectées à l’assurance maladie.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous défendez le même amendement que l’an dernier sans apporter de nouveaux éléments à l’appui de votre démonstration. Il est vrai qu’une étude danoise signale les risques de prématurité liés à la consommation d’aspartame mais ses auteurs eux-mêmes jugent que leurs travaux doivent être confirmés. Quant au risque cancérigène, il est encore plus incertain, la seule étude menée par un scientifique italien n’ayant été validée ni par l’INSERM ni par l’ANSES. En revanche, je vous rejoins sur les lacunes de la réglementation et l’évaluation. La dose limite fixée au plan européen est ainsi obsolète puisqu’elle reprend la réglementation américaine dont nous savons qu’elle repose sur des études farfelues.

En l’absence d’arguments supplémentaires pour justifier la création de cette taxe, j’émets un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS179 de M. Jean-Louis Roumegas. 

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement, déjà présenté l’année dernière, concerne la situation sanitaire et sociale des étudiants. Il propose d’exonérer de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance les contrats de complémentaire santé souscrits par les étudiants afin de favoriser l’accès aux soins. Je n’avais pas compris les raisons de votre rejet de cet amendement l’année dernière.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous avions l’année dernière considéré que votre amendement posait à juste titre le problème de l’accès aux soins pour certaines catégories d’étudiants. Cette année, votre préoccupation est satisfaite par l’article 45 du PLFSS qui permet l’accès direct à la couverture médicale universelle complémentaire pour les étudiants en difficulté. Cette disposition est au demeurant plus favorable que votre amendement puisqu’elle dispense les étudiants les plus en difficulté de souscrire le contrat dont vous souhaitez réduire le coût.

Dès lors que votre observation a été prise en compte, je vous invite à retirer votre amendement. Dans le cas contraire, j’y serai défavorable.

M. Jean-Louis Roumegas. Il est maintenu.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Compte tenu des dérives soulignées par la Cour des comptes, la représentation nationale devra un jour s’intéresser aux mutuelles étudiantes.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS162 de M. Jean-Louis Roumegas. 

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement propose de créer une taxe sur l’immatriculation des véhicules diesel. Les effets sur la santé du diesel sont établis. Chacun reconnaît que la France connaît une situation anormale.

La place du diesel pose même un problème de stratégie industrielle puisque l’industrie automobile française est organisée autour du diesel ce qui a contribué à l’isoler dans un marché européen et mondial qui tourne le dos au diesel. Elle devrait aujourd’hui se tourner vers des moteurs économes en carburant et plus compatibles avec la transition écologique. Certains constructeurs au plan mondial ont fait ce choix, en pariant sur les véhicules hybrides et électriques, et ils s’en portent mieux que les constructeurs français.

Les effets sur la santé du diesel sont bien connus à tel point que l’OMS préconise une diminution de l’usage de ce dernier.

À la différence de la taxe sur le carburant, la taxe sur les immatriculations ne pénalise pas les propriétaires de véhicules diesel qui sont prisonniers de ce moyen de transport pour leurs déplacements. La taxe dont la justification sanitaire est évidente porte uniquement sur l’achat de véhicules neufs.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce débat est légitime. En revanche, vous stigmatisez le moteur diesel alors que des moteurs essence plus anciens peuvent être plus polluants. Ce sont toutes les particules fines qui sont responsables des 40 000 morts par an que l’on cite pourtant pour illustrer les effets nocifs du seul diesel.

Votre amendement intervient alors que le comité pour la fiscalité écologique poursuit ses travaux sur le diesel. Compte tenu des conséquences économiques, il n’appartient pas à notre seule commission de se prononcer sur cette question. Je suis convaincu que ce débat trouvera sa place dans une autre occasion.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI votera contre cet amendement. La filière automobile connaît déjà suffisamment de difficultés – les délocalisations en témoignent – pour que nous n’aggravions pas la situation.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement AS209 de M. Jean-Louis Roumegas. 

M. Jean-Louis Roumegas. L’amendement concerne les retraites chapeaux. Il est proposé que la contribution additionnelle de 30 % à la charge des employeurs soit exigible dès lors que les retraites chapeaux excèdent non plus huit mais cinq fois le plafond de la sécurité sociale.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avec cet amendement, vous alourdissez les nombreuses mesures déjà prises sur les retraites chapeaux. Je pense au doublement de la cotisation employeurs prévu par la loi de finances rectificative pour 2012 – les taux sont désormais de 24, 32 ou 48 % selon la catégorie –, à la contribution additionnelle due par l’employeur – dont vous proposez d’abaisser le plafond – mais aussi la contribution à la charge du bénéficiaire – qui vient s’ajouter à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales et qui peut atteindre jusqu’à 21 % de la rente.

Je vous propose d’en rester là puisque ces mesures fortes ont été prises trop récemment pour justifier une nouvelle modification du régime applicable.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS229 de Mme Jacqueline Fraysse. 

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement propose de majorer de 10 % les cotisations dues par les employeurs au titre de la sécurité sociale dans les entreprises de plus de vingt salariés qui emploient plus de 25 % d’entre eux à temps partiel.

L’objectif est de dissuader les employeurs de multiplier les emplois à temps partiel qui sont très pénalisants pour les femmes tant en termes de salaires que de pensions de retraite. Cette disposition présente aussi l’intérêt d’apporter des ressources supplémentaires à la sécurité sociale.

M. Jean-Noël Carpentier. Je soutiens cet amendement qui contribue à lutter contre la précarité sur le marché du travail. Les efforts de la majorité en la matière sont encore insuffisants. Plusieurs millions de salariés souffrent toujours du temps partiel subi et souvent imposé par l’employeur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement vient s’ajouter aux mesures contenues dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi pour lutter contre le temps partiel subi et fractionné. Je considère que nous devons laisser le temps aux dispositions issues de la négociation sociale de faire la preuve de leur efficacité. En outre, cette initiative me semble prématurée aujourd’hui alors que toute création d’emploi est bienvenue.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

Section 2
Prévisions de recettes et tableaux d’équilibre

Article 18
Approbation du tableau d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires pour 2014

Conformément aux dispositions organiques (L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale), le présent article, pendant de l’article d’équilibre du projet de loi de finances, retrace l’équilibre financier de la sécurité sociale dans un tableau, présenté par branche et établi pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, dont il propose l’approbation. Le tableau suivant met en regard les données afférentes au tableau d’équilibre financier pour 2014 avec celles relatives à l’exercice précédent.

TABLEAU D’ÉQUILIBRE DE L’ENSEMBLE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE

(en milliards d’euros)

 

2013

2014

 

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

181,7

189,5

–7,8

188

194,1

–6,2

Vieillesse

212,1

216,2

–4,1

219,4

221

–1,6

Famille

55,2

58

–2,8

56,9

59,2

–2,3

AT-MP

13,2

12,9

0,4

13,5

13,3

0,1

Toutes branches (hors transferts)

449,4

463,7

–14,3

464,7

474,6

–10

Par rapport aux prévisions révisées pour 2013 figurant à l’article 6 du présent projet de loi de financement, le solde pour 2014 se redresserait de 4,3 milliards d’euros. En tenant compte du solde du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui s’aggraverait quant à lui de 0,5 milliard d’euros par rapport à 2013, passant de –2,7 milliards d’euros à –3,2 milliards d’euros en 2014, le solde négatif de l’ensemble des régimes obligatoires de base s’établirait à 13,2 milliards d’euros en 2014, contre 17 milliards d’euros en 2013, 19,2 milliards d’euros en 2012, 22,5 milliards d’euros en 2011 et 29,6 milliards d’euros en 2010. On ne saurait mieux rendre compte de l’amélioration résolue des comptes des régimes de base.

Les recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base devraient s’établir à 464,7 milliards d’euros pour 2014, en progression de 3,4 % par rapport aux prévisions rectifiées de recettes figurant à l’article 6 du présent projet de loi. Deux raisons expliquent cette estimation de la dynamique des recettes : la progression de la masse salariale estimée à 2,2 % en 2014, contre 1,3 % en 2013, et l’impact des mesures nouvelles inscrites dans le présent projet de loi en matière de recettes. En effet, d’après la commission des comptes de la sécurité sociale, en l’absence de mesures nouvelles, la progression des recettes suivrait celle, tendancielle, de la masse salariale, à hauteur de 2,2 %. Le tableau suivant, issu des données de l’annexe 9 C retrace l’impact des mesures incluses dans le présent projet sur les recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base.

IMPACT DES MESURES DE RECETTES SUR LES RÉGIMES OBLIGATOIRE DE BASE

(en milliards d’euros)

 

Ensemble des régimes obligatoires de base

Dont régime général

Mesures relatives à l’assurance vieillesse (projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites)

2,63

2,38

dont hausse des cotisations vieillesse

1,76

1,64

dont report de l’indexation des pensions

0,58

0,46

dont autres mesures

0,29

0,29

Baisse de la cotisation patronale famille

–1,16

–1,16

Affectation de recettes nouvelles (fraction de TVA)

3,03

3,03

Réforme des modalités d’application des prélèvements sociaux aux produits de placement

0,33

0,33

Total

4,83

4,58

Au total, en se cantonnant aux principales mesures sur le plan financier, ce sont de l’ordre de 4,8 milliards d’euros supplémentaires qui bénéficieront aux régimes obligatoires de base en 2014 grâce aux mesures incluses dans le présent projet, mais surtout dans le projet de loi de finances pour 2014 ainsi que dans le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Il s’agit en premier lieu de l’effet de la réforme des retraites qui doit permettre un gain de recettes de 2,63 milliards d’euros en 2014 sur l’ensemble des régimes de base, dont notamment 1,76 milliard d’euros au titre de l’augmentation des cotisations vieillesse et de 580 millions d’euros au titre du report de l’indexation des pensions, cette dernière mesure ne constituant un surplus de recettes que transitoire, au titre de 2014. Il s’agit ensuite de l’affectation à la sécurité sociale d’une fraction supplémentaire de TVA représentant 3,04 milliards d’euros, au titre de la fiscalisation de la contribution employeur aux contrats collectifs de santé, du rendement de la baisse du plafond du quotient familial et de la compensation de la diminution de 0,15 point des cotisations patronales au titre de la famille qui représente 1,16 milliard d’euros. Au total, le gain net pour les régimes de base est donc de 1,88 milliard d’euros. Enfin, l’alignement des modalités d’assujettissement aux prélèvements sociaux des produits de placement exonérés d’impôt sur le revenu « à la sortie » sur les taux actuels et non plus sur les taux historiques doit permettre de générer un gain supplémentaire de 330 millions d’euros en 2014.

S’agissant des dépenses, elles représenteraient 474,6 milliards d’euros en 2014, contre une prévision rectifiée pour 2013 de 463,7 milliards d’euros, soit une progression de 2,35 %, essentiellement à mettre au compte de la maladie et de la vieillesse. Or, d’après la commission des comptes de la sécurité sociale, les dépenses d’assurance maladie croîtraient de 3,8 % en 2014, en l’absence de mesures : la fixation d’un ONDAM à +2,4 % dans le cadre du présent projet traduit donc un effort important, avec des économies qui doivent être supérieures à 2,2 milliards d’euros. Les dépenses au titre de la vieillesse progresseraient également de 2,2 % en 2014.

S’agissant spécifiquement des régimes de base hors régime général, la commission des comptes de la sécurité sociale note que, en l’absence de mesures nouvelles, leur solde s’améliorerait en 2014 de 0,4 milliard d’euros pour être ramené à –0,6 milliard d’euros à la fin 2014 : cette amélioration tient notamment à la seconde hausse de la cotisation employeur au profit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), de 1,35 % en 2014, après une première hausse de 1,45 % en 2013, qui permettrait de réduire le déficit de la Caisse en le ramenant à 200 millions d’euros en 2014. Compte tenu de la mesure d’affectation à la Caisse d’une partie des excédents du Fonds pour l’emploi hospitalier (FEH), prévue à l’article 3 du présent projet, le solde de la CNRACL fin 2013 serait en outre également réduit de –400 à –200 millions d’euros.

Le déficit du régime des exploitants agricoles pour 2014 est estimé par la commission des comptes de la sécurité sociale à 380 millions d’euros, tandis que le déficit de la branche maladie du régime social des indépendants (RSI) avant affectation de C3S se dégraderait fortement pour atteindre 1 milliard d’euros ; quant à la branche vieillesse du RSI, son déficit avant C3S serait porté à 1,56 milliard d’euros, soit une augmentation de près de 20 % par rapport à 2013.

*

* *

La Commission adopte l’article 18 sans modification.  

Article 19
Approbation du tableau d’équilibre du régime général pour 2014

De la même manière que pour les régimes obligatoires de base, et conformément aux dispositions organiques, le présent article retrace l’équilibre financier du régime général, dans un tableau d’équilibre, présenté par branche, dont il propose l’approbation.

TABLEAU D’ÉQUILIBRE DU RÉGIME GÉNÉRAL

(en milliards d’euros)

 

2013

2014

 

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

157,5

165,2

–7,7

163,7

169,9

–6,2

Vieillesse

111,3

114,6

–3,3

116

117,2

–1,2

Famille

54,8

57,6

–2,8

56,9

59,2

–2,3

AT-MP

11,8

11,5

0,3

12,1

12

0,1

Toutes branches (hors transferts)

323,5

337

–13,5

336,6

346,2

–9,6

Au regard des prévisions rectifiées pour 2013 figurant à l’article 6 du présent projet de loi, le solde du régime général s’améliorerait de 3,9 milliards d’euros en 2014. Le « tendanciel » présenté par la commission des comptes de la sécurité sociale au début du mois d’octobre prévoyait quant à lui une dégradation de 4,3 milliards d’euros du déficit du régime général à hauteur de –17,8 milliards d’euros, ce qui permet d’évaluer à 8,2 milliards d’euros l’effort de redressement des comptes porté par le présent projet de loi – et non 8,5 milliards d’euros comme l’indique l’exposé des motifs de l’article.

Ce sont de l’ordre de 3,11 milliards d’euros qui relèvent de mesures d’économies, soit 5,1 milliards d’euros d’efforts supplémentaires au titre des recettes, dont un peu plus de 2,36 milliards d’euros de transferts de recettes et de l’ordre de 2,65 milliards d’euros de recettes nouvelles.

L’ensemble de ces mesures sont retracées dans le tableau suivant, qui restitue leurs conséquences sur chacune des branches du régime général. On notera que ce tableau, qui figure à l’annexe 9 C du présent projet de loi, ne permet pas de retracer clairement ce qui relève du transfert de recettes et ce qui relève des recettes nouvelles. Votre rapporteur estime qu’il manque, de ce point de vue, cruellement de lisibilité.

MESURES DE REDRESSEMENT DES COMPTES DU RÉGIME GÉNÉRAL

(en milliards d’euros)

 

Régime général

Maladie

AT-MP

Vieillesse

Famille

Toutes branches

Solde tendanciel 2014

–10,9

0,1

–3,7

–3,3

–17,8

Mesures d’économies sur les dépenses d’assurance maladie

2,17

0,04

   

2,22

Mesures relatives à l’assurance vieillesse (projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites

–0,03

0

2,49

–0,09

2,38

Report de l’indexation des pensions

   

0,46

 

0,46

Hausse des cotisations vieillesse

   

1,64

 

1,64

Effet transfert chômage et maladie

   

0,21

 

0,21

Effet autres transferts (AVPF, régimes équilibrés) et impact sur la CSG du report de l’indexation

–0,03

 

0,17

–0,09

0,06

Validation du 4ème trimestre pour les apprentis de moins de 18 ans

   

0,02

   

Mesures relatives à la branche famille

–2,19

0

0

1,09

–1,1

Compensation de la baisse du quotient familial

-1,03

   

1,03

0

Suppression de la majoration du CLCA, modulation de l’allocation de base, nouveau plafond et gel de son montant

     

0,08

0,08

Baisse de la cotisation patronale famille

     

-1,16

–1,16

Compensation de la baisse de la cotisation patronale famille

-1,16

   

1,16

0

Majorations de 50 % du complément familial et de 25 % de l’allocation de soutien familial

     

-0,11

–0,11

Gel des aides au logement

     

0,09

0,09

Branche AT-MP : Ajustement de la dotation au FIVA

 

–0,12

   

–0,12

Mesures de recettes

4,51

0

–0,01

-0,01

4,49

Effet net de l’affectation de recettes nouvelles (fraction de TVA)

3,73

0

–0,01

-0,01

3,71

Modalités de répartition des dotations hospitalières

0,25

     

0,25

Réaffectation à la CNAM des taxes finançant la HAS

0,03

     

0,03

Réforme du cadre de gestion des prélèvements sociaux sur produits de placement

0,33

     

0,33

Affectation des excédents de la CAMIEG au régime général

0,17

     

0,17

Mesures d’économies de gestion

0,21

0

0,03

0

0,24

Effet des mesures sur les charges financières

0,03

0

0,01

0

0,04

Solde 2014 après mesures

–6,2

0,1

–1,2

–2,3

–9,6

Source : annexe 9 C au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014

L’essentiel des mesures d’économies est porté par l’assurance maladie, avec 2,2 milliards d’euros d’efforts consentis. Le report de l’indexation des pensions au mois d’octobre, initié dans le cadre de la réforme des retraites, génère quant à lui une économie de 460 millions d’euros en 2014. Enfin, dans le cadre de la renégociation des conventions d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et les caisses, mais également avec l’ACOSS, un objectif de gains d’efficience et de réduction des dépenses de fonctionnement, permis en partie par la montée en charge de la dématérialisation, des mutualisations et de mesures de simplification, devrait permettre de dégager une économie de l’ordre de 200 millions d’euros en 2014. Votre rapporteur émet de de sérieux doutes sur la capacité, pour les organismes concernés, de réaliser des économies de gestion à cette hauteur, au regard des contraintes très fortes qui pèsent sur eux, et qui ont été unanimement partagées par ces organismes lors des auditions menées en amont de l’examen du présent projet de loi.

En matière de recettes, les principales mesures sont les suivantes :

– La hausse des cotisations vieillesse prévue dans le cadre de la réforme des retraites permet d’augmenter les recettes de la branche vieillesse à hauteur de 1,64 milliard d’euros.

– Le transfert d’une fraction de TVA à la sécurité sociale à hauteur de 3,03 milliards d’euros génère en réalité un gain net de 1,87 milliard d’euros, soit 1,03 milliard d’euros à la branche famille au titre de la compensation de la baisse du plafond du quotient familial, le reste à la branche maladie au titre de la mesure d’assujettissement à l’impôt sur le revenu des contributions des employeurs aux contrats collectifs santé complémentaires. En effet, il faut retrancher de ce transfert de TVA la part relative à la compensation à la branche famille de la diminution de 0,15 point des cotisations patronales famille à hauteur de 1,16 milliard d’euros.

– L’article 8 du présent projet de loi, qui harmonise le régime d’assujettissement aux prélèvements sociaux des produits de placement, génèrerait quant à lui un rendement supplémentaire de 330 millions d’euros pour 2014 (à noter que le tableau précédent, issu de l’annexe 9 C au projet de loi de financement, attribue ce gain à la branche maladie, alors qu’il se répartit entre les diverses branches du régime général).

– Enfin, plusieurs mesures viennent compléter cet effort de redressement du régime général, en particulier la modification des modalités de répartition des dotations hospitalières, pour une économie de 250 millions d’euros, ou l’affectation à la branche maladie des excédents de la Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières (CAMIEG) pour un montant de 170 millions d’euros.

Au total donc, les mesures portées par le présent projet de loi de financement permettent de réduire le déficit de la branche maladie de 4,7 milliards d’euros, celui de la branche vieillesse de 2,5 milliard d’euros et celui de la branche famille de 1 milliard d’euros. Ces éléments sont retracés par le tableau suivant.

L’EFFORT DE REDRESSEMENT DES COMPTES PORTÉ PAR LE PLFSS POUR 2014

(en milliards d’euros)

 

Solde 2013

Solde 2014 tendanciel (avant PLFSS)

Solde 2014 après mesures PLFSS

Maladie

–7,7

–10,9

–6,2

Vieillesse

–3,3

–3,7

–1,2

Famille

–2,8

–3,3

–2,3

AT-MP

0,3

0,1

0,1

Total

–13,5

–17,8

–9,6

Trois branches demeureraient déficitaires ; seule la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles devant enregistrer un léger excédent.

● La branche maladie

L’évolution spontanée des comptes pour 2014 se traduirait par un déficit accru de 3,2 milliards d’euros par rapport aux prévisions rectifiées pour 2013, avec une progression « naturelle » des dépenses de 3,9 %, largement supérieure à celles des recettes de la branche, à hauteur de 2,1 %. Les dépenses incluses dans le champ de l’ONDAM augmenteraient spontanément de 3,8 %.

Les mesures nouvelles pour 2014 permettent au contraire de réduire de 4,7 milliards d’euros le déficit de la branche, avec des économies à hauteur de 2,17 milliards d’euros qui permettent de réduire la progression de l’ONDAM à 2,4 %, les 2,53 milliards d’euros restants étant liés à un apport de recettes, dont près de 1 milliard d’euros au titre de la fiscalisation de la contribution employeur aux contrats collectifs complémentaires « santé ». La branche recevra également une partie importante des 0,33 milliard d’euros au titre de la refonte des prélèvements sociaux sur les produits de placement opérée par l’article 8 du présent projet. Elle bénéficie en outre de la modification des modalités de répartition des dotations hospitalières, à hauteur de 250 millions d’euros, et de l’affectation des excédents de la Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières (CAMIEG), pour 170 millions d’euros.

● La branche vieillesse

La détérioration tendancielle du solde de la branche vieillesse par rapport à l’exercice 2013 s’élèverait à 0,4 milliard d’euros, en raison d’une augmentation de ses charges de l’ordre de 2,7 % contre une progression de ses produits limitée à 2,4 %. La réforme des retraites initiée par le Gouvernement permet d’améliorer le solde de la branche vieillesse de 2,5 milliards d’euros en 2014, grâce surtout à l’augmentation des cotisations sociales vieillesse étalée sur quatre ans, qui apporte en 2014 1,64 milliard d’euros supplémentaires à la branche vieillesse. Le décalage de six mois de l’indexation des pensions apporte également une économie de 460 millions d’euros.

● La branche famille

La dynamique des charges de la branche famille, qui devraient croître de 2,7 % en 2014, par rapport à une progression de ses produits limitée à 1,9 %, explique que le solde de cette branche se serait détérioré de 0,5 milliard d’euros en 2014 en l’absence de mesures. C’est une résorption de 1 milliard d’euros du déficit de la branche qui est permise par le présent projet de loi, qui affecte en effet à la branche l’équivalent du produit supplémentaire d’impôt sur le revenu lié à la baisse du plafond du quotient familial, pour un montant de 1,03 milliard d’euros, tout en lui compensant la diminution de 0,15 point de cotisations patronales par un apport de recettes équivalent. Votre rapporteur se veut toutefois très attentif à la réalité de cette compensation, afin de ne pas reproduire les erreurs commises par le passé, en l’occurrence en 2011, avec l’affectation à la CNAF d’une série de recettes dont le rendement était dégressif en contrepartie d’une fraction de CSG transférée à la CADES.

● La branche accidents du travail et maladies professionnelles

Le solde de la branche, légèrement excédentaire en tendanciel, à hauteur de 0,1 milliard d’euros, devrait rester inchangé après mesures prises dans le cadre du présent projet de loi : en effet, la revalorisation de la dotation de la branche au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA), à hauteur de 120 millions d’euros, devrait être compensée par des économies de même niveau, au titre de l’impact sur la branche des mesures d’économies prises dans le cadre de l’ONDAM. Le retour à l’équilibre de la branche devrait lui permettre progressivement d’effacer ses déficits cumulés par le passé.

*

* *

La Commission adopte l’article 19 sans modification.  

Article 20
Approbation du tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires (FSV),
détermination de l’objectif d’amortissement de la dette sociale et des prévisions de recettes du FRR
et de la section 2 du FSV pour 2014

Conformément aux dispositions organiques, le présent article :

– porte approbation du tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires, en l’occurrence, depuis 2008, du seul Fonds de solidarité vieillesse (FSV), au I ;

– détermine l’objectif d’amortissement au titre de l’année à venir des organismes chargés de l’amortissement de la dette sociale, en l’espèce, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), au II ;

– prévoit, par catégorie, les recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base, c’est-à-dire, au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), au III, et au FSV, au IV.

● Le tableau d’équilibre du Fonds de solidarité vieillesse

Le FSV devrait enregistrer en 2014 un déficit de 3,2 milliards d’euros, contre 2,7 milliards d’euros en 2013, soit une détérioration de 0,5 milliard d’euros, comme le montre le tableau suivant.

TABLEAU D’ÉQUILIBRE DU FSV

(en milliards d’euros)

 

2013

2014

Prévisions de recettes

Prévisions de dépenses

Solde

Prévisions de recettes

Prévisions de dépenses

Solde

FSV

16,9

19,7

–2,7

17,2

20,4

–3,2

L’évolution tendancielle des comptes pour 2014, telle que présentée par la commission des comptes de la sécurité sociale, prévoyait un déficit de 3,7 milliards d’euros, résultant d’une progression des charges du Fonds de 2,4 % pour une diminution nette de ses produits de 1,8 %. En effet, si le déficit du Fonds s’établissait à 4,1 milliards d’euros en 2012, l’amélioration très nette de son solde pour 2013 résulte essentiellement de trois mesures qui ne se retrouvent pas mécaniquement en 2014 :

– d’une part, par l’affectation au Fonds, pour l’exercice 2013, du produit de la contribution additionnelle de solidarité et d’autonomie (CASA) sur les pensions de retraite qui a été mise en place dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 et dont le rendement, estimé à 0,4 milliard d’euros, lui a été consacré par le biais d’une affectation d’une fraction de CSG supplémentaire, équivalente à ce montant ;

– d’autre part, par le moindre besoin de financement du régime social des indépendants (RSI), équilibré par le produit de la C3S, et qui conduit cette année à un surcroît de recettes au titre de cette contribution au profit du FSV, qui en perçoit le delta, à savoir 600 millions d’euros en 2013 ;

– enfin, dans le cadre de la réforme des retraites de 2010, le FSV s’est vu affecter une série de recettes fiscales : une fraction du forfait social, une fraction de la taxe sur les salaires, ainsi que le produit de la C3S additionnelle notamment. Avec l’augmentation du forfait social intervenue dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012, le surcroît estimé au titre de ces recettes pour 2013 est estimé à 1 milliard d’euros.

En tendanciel donc, le solde du FSV devrait se creuser en 2014 de 1 milliard d’euros : en l’absence de la mesure de reconduction de l’affectation au FSV du produit de la CASA prévue par l’article 15 du présent projet, le Fonds aurait bénéficié de 645 millions d’euros de moins en 2014 ; de même, la dégradation prévisionnelle du solde du RSI en 2014 devrait amoindrir nettement (–42 %) la part du produit de C3S affectée au Fonds. Enfin, le Fonds connaîtrait également un fort ralentissement de ses recettes fiscales, contrecoup des nouvelles affectations introduites en 2013 : si celles-ci avaient bondi de plus de 23 % en 2013, principalement grâce à l’augmentation du forfait social, la progression ne serait plus que de 2,2 % en 2014.

Le présent projet de loi permettrait toutefois de ramener le déficit du FSV à 3,2 milliards d’euros en 2014, soit une amélioration de 0,5 milliard d’euros par rapport à l’évolution tendancielle de ses comptes.

Celle-ci est principalement à mettre au compte de l’affectation au FSV du stock de C3S antérieur à 2011, immobilisé sur le compte de dépôt du RSI, pour 800 millions d’euros en 2014, minorés pour 300 millions d’euros par l’effet de mesures prises dans le cadre de la réforme des retraites : le coût de la prise en charge des cotisations retraite des chômeurs est en effet mécaniquement augmenté par la hausse des taux de cotisations vieillesse opérée par la réforme ; en outre, le FSV se voit confier la prise en charge du coût de la validation de trimestres pour les jeunes apprentis. Le Fonds se voit également pour la seconde année consécutive affecter une fraction supplémentaire de CSG équivalente au produit de la CASA, soit 0,90 point de CSG, pour un rendement estimé à 645 millions d’euros, qui devrait lui permettre de faire face à l’augmentation de ses charges.

● L’objectif d’amortissement de la dette sociale

L’objectif d’amortissement de la dette sociale pour 2014 est fixé à 12,8 milliards d’euros, en hausse par rapport à l’objectif fixé pour 2013 de 12,4 milliards d’euros initialement, objectif rectifié à 12,6 milliards d’euros par l’article 6 du présent projet.

Au total, ses produits nets devraient atteindre, en 2014, 16,26 milliards d’euros en 2014, soit 6,65 milliards d’euros de CRDS, 5,89 milliards d’euros de CSG, 2,1 milliards d’euros provenant du FRR et 1,63 milliard d’euros provenant du prélèvement social sur les revenus du capital. Ses frais financiers et autres charges devraient s’établir à 3,5 milliards d’euros. Toutes choses égales par ailleurs, ses capacités d’amortissement devraient donc être légèrement supérieures à ce qu’elles étaient en 2013, dans la mesure où ses recettes augmentent un peu plus fortement que ses frais financiers.

En effet, la Caisse continue de bénéficier de conditions de refinancement très attractives malgré l’abaissement de la notation de l’État français début 2012, son taux de refinancement étant globalement passé de 3,56 % fin 2010 à 2,70 % fin 2012 et 2,49 % fin 2013.

Après une reprise de dette de 6,6 milliards d’euros en 2012 - correspondant à un montant de 9,7 milliards d’euros de déficits vieillesse au titre de 2011, duquel ont été déduits 3,1 milliards d’euros au titre de la régularisation du transfert de l’exercice précédent -, la CADES a repris 7,7 milliards d’euros en 2013 au titre des déficits vieillesse pour l’exercice 2012
– correspondant à un montant initial de 8,9 milliards d’euros, duquel ont été déduits 1,2 milliard d’euros au titre de la régularisation du transfert des déficits de 2011.

Conformément à l’article 14 du présent projet, qui élargit le périmètre de la reprise de dette aux déficits des branches maladie et famille du régime général, la CADES devrait, en toute rigueur, se voir transférer 10 milliards d’euros de dette en 2014, soit 6 milliards d’euros de déficits « vieillesse » – 3,3 milliards d’euros au titre de la CNAV et 2,7 milliards d’euros au titre du FSV -, et 4 milliards d’euros au titre des déficits les plus anciens de la branche maladie, autrement dit, du déficit 2012 de cette branche, qui s’est établi à 5,9 milliards d’euros. En effet, l’ordre de priorité posé par l’article 14 exige que le volant de 4 milliards d’euros permette de reprendre d’abord les déficits de la branche maladie, avant ceux de la branche famille, et, au sein de la branche maladie, les déficits les plus anciens.

En 2014, la CADES aura repris au total 226,7 milliards d’euros depuis sa création : avec un objectif d’amortissement de 12,8 milliards d’euros, le montant total de la dette amortie par la CADES depuis sa création serait porté à 96,9 milliards d’euros, pour une situation nette à la fin de l’année de
– 129,8 milliards d’euros en amélioration de 2,8 milliards d’euros par rapport à fin 2013.

Le modèle de gestion « actif-passif » de la CADES lui permet de réaliser des simulations d’amortissement de la dette sociale en fonction des paramètres ayant une incidence en la matière, en l’occurrence, essentiellement le rendement de la ressource, l’évolution des taux d’intérêt et le taux d’inflation.

Son scénario médian, qui intègre le schéma de reprise de dette programmée jusqu’à 2017, lui permet d’espérer avoir amorti l’intégralité de la dette sociale au bout de onze ans, soit en 2024, dans le respect donc de la contrainte organique : c’est ce qu’illustre le graphique suivant.

SCÉNARIO MÉDIAN D’AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE

Source : annexe 8 au PLFSS pour 2014

D’après les simulations menées par la CADES, il y a cinq chances sur 100 que la mission de la Caisse ne soit pas terminée avant treize ans, soit en 2026 ; il y a, a contrario, également cinq chances sur cent que la CADES ait achevé sa mission au plus tard au bout de dix ans, soit en 2023.

● Les prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

Depuis 2011, en conséquence de la loi n° 2010-930 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le FRR n’est plus affectataire d’aucune recette. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a aménagé les conditions du décaissement progressif de ses actifs, sous la forme d’un versement annuel de 2,1 milliards d’euros au profit de la CADES.

Au 31 juillet 2013, la valeur de marché du portefeuille du Fonds était de 35,2 milliards d’euros, une fois déduit le troisième versement de 2,1 milliards d’euros à la CADES : à cette date, son portefeuille était constitué à un peu plus de 42 % d’actifs de performance et à un peu plus de 57 % d’actifs obligataires et de trésorerie, pour une performance de 2 % depuis le début de l’année.

Dans le cadre du projet de loi n° 1376 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, le Fonds de réserve se voit assigner une mission nouvelle : celle de la stabilisation conjoncturelle de l’assurance vieillesse. En effet, le comité de surveillance des retraites mis en place par le projet de loi pourra préconiser le recours aux réserves du FRR en vue de la correction des écarts de nature conjoncturelle par rapport à la trajectoire de redressement financiers des comptes de l’assurance vieillesse. Un décret devrait encadrer ces éventuels décaissements futurs en direction des régimes de retraite.

Dans la mesure où le Fonds est engagé dans une phase de décaissement progressif, les recettes qui lui sont affectées sont, pour la quatrième année successive, nulles.

● Les prévisions de recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse

La loi n° 2010-930 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a créé au sein du FSV une section 2, consacrée à la mise en réserve des recettes affectées au financement du maintien à 65 ans de l’âge de départ à la retraite pour les parents de trois enfants ou plus ainsi que pour les parents d’un enfant handicapé.

Ont initialement été affectées à cette section une fraction du forfait social, à hauteur de 0,77 point pour un montant de 143 millions d’euros en 2011, et une fraction du prélèvement social sur les revenus du capital à hauteur de 0,2 point, soit 221 millions d’euros en 2011, soit au total, 364 millions d’euros.

En 2012, ont été affectés à cette section 0,5 point du forfait social pour un rendement prévisionnel de 148 millions d’euros, et 0,2 point du prélèvement social sur les revenus du capital, pour 252 millions d’euros, soit 400 millions d’euros au total.

À compter de 2013, en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, la section 2 est exclusivement financée par 0,5 point de forfait social, pour un rendement de 130 millions d’euros. On notera que l’article 6 du présent projet, qui présente les prévisions rectifiées de recettes mises en réserve par le FSV pour 2013, continue d’afficher un montant de 200 millions d’euros.

Pour 2014, le rendement prévisionnel de la fraction de 0,5 point de forfait social est estimé à 139 millions d’euros : en conséquence, le IV du présent projet retient la prévision de 0,1 milliard d’euros de recettes affectées à la section 2 du FSV pour 2014.

Les charges afférentes ne devraient commencer à être comptabilisées dans cette section qu’à partir de 2016. Au total, d’ici la fin de l’année 2013, 1,05 milliard d’euros auront été mis en réserve ; ces réserves devraient atteindre 1,5 milliard d’euros à l’horizon 2017, comme le retrace le tableau suivant.

COMPTES PRÉVISIONNELS DE LA SECTION 2 DU FSV

(en millions d’euros)

Source : annexe 8 au PLFSS pour 2014

*

* *

La Commission adopte l’article 20 sans modification.

Article 21
Approbation du rapport sur l’évolution pluriannuelle du financement de la sécurité sociale (annexe B)

Conformément aux dispositions organiques, le présent article approuve le rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes, ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour les quatre années à venir, en cohérence avec les perspectives d’évolution des recettes, des dépenses et du solde de l’ensemble des administrations publiques présentées dans le rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances de l’année. Ce rapport constitue l’état annexé B au projet de loi et porte sur les années 2014 à 2017.

L’objectif du Gouvernement est, à cette échéance, « le retour à l’équilibre de l’ensemble des comptes publics et particulièrement de ceux des administrations de sécurité sociale (hors Caisse d’amortissement de la dette sociale et Fonds de réserve des retraites) ».

Les prévisions pluriannuelles figurant à l’annexe B reposent sur les hypothèses macro-économiques à moyen terme retracées dans le tableau suivant, en cohérence avec le programme de stabilité et la loi de programmation des finances publiques.

HYPOTHÈSES MACROÉCONOMIQUES RETENUES DANS LA PROJECTION PLURIANNUELLE

(en pourcentage)

 

2013

2014

2015

2016

2017

PIB (volume)

0,1 %

0,9 %

1,7 %

2 %

2 %

Masse salariale privée

1,3 %

2 %

3,5 %

4 %

4 %

ONDAM

2,8 %

2,4 %

2,4 %

2,4 %

2,4 %

Inflation

0,80 %

1,30 %

1,75 %

1,75 %

1,75 %

Source : annexe B au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014

Ces hypothèses conduisent à déduire, toutes choses égales par ailleurs, l’évolution suivante des soldes du régime général et de l’ensemble des régimes obligatoires de base, pour chacune de leurs branches.

● Le solde du régime général

Le solde du régime général devrait être fortement réduit à l’horizon 2017, puisqu’il représenterait 2,1 milliards d’euros, contre encore 9,6 milliards d’euros en 2014 et 17,4 milliards d’euros en 2012.

La branche vieillesse devrait, dès 2016, avoir renoué avec l’excédent, grâce à l’impact de la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, qui procède à une augmentation progressive et mesurée des cotisations sociales sur quatre ans, cette hausse devant atteindre à terme 0,3 point pour les actifs et 0,3 point pour les employeurs. Les retraités sont également appelés à participer à l’effort de redressement des comptes de la branche vieillesse, à travers l’assujettissement à l’impôt sur le revenu des majorations de pensions des retraités ayant élevé trois enfants ou plus, et au report de la revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre. À terme, une évolution de la durée d’assurance compatible avec l’allongement de l’espérance de vie est instaurée. En contrepartie de ces efforts, la réforme porte une amélioration des droits à la retraite des publics les plus fragiles, autrement dit, des femmes, dont les carrières sont souvent heurtées du fait des maternités, des salariés à temps partiel, ainsi que des apprentis ou des personnes ayant connu des bouleversements importants de leur carrière. Elle offre enfin également une réelle reconnaissance de la pénibilité au travail, par le biais de la mise en place d’un compte personnel de prévention de la pénibilité, financé par une cotisation des employeurs.

Avec un solde du Fonds de solidarité vieillesse qui serait ramené à 2 milliards d’euros en 2017, le déficit « vieillesse » ne serait plus que de 1,4 milliard d’euros à cette date.

Avec la fixation d’un ONDAM à 2,4 % sur toute la période, – en deçà des prévisions pour 2014 retenues dans la loi de programmation des finances publiques en 2013 -, le déficit de l’assurance maladie devrait être réduit à 2,6 milliards d’euros en 2017, contre 6,2 milliards d’euros en 2014. Ces déficits ne reculent que lentement, mais résolument, grâce à la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé qui doit permettre d’améliorer l’organisation des soins et de renforcer son efficience, mais également de actions de maîtrise des dépenses liées aux produits de santé, tant en ville qu’à l’hôpital.

La branche famille verrait son déficit réduit à 1 milliard d’euros à l’horizon 2017, contre 2,3 milliards d’euros en 2014. Il s’agit sans doute de la branche pour laquelle l’essentiel des efforts demande encore à être déployé. Si les mesures initiées en faveur des familles les plus fragiles répondent indéniablement à un souci de justice, force est de constater que, sur le plan financier, la branche famille reste le « parent pauvre » de la sécurité sociale. Après avoir subi en 2011 l’effet de l’affectation de recettes non pérennes en contrepartie d’une fraction de CSG qui a été transférée à la CADES dans le cadre du schéma de reprise de dette opéré fin 2010, la branche est une nouvelle fois sollicitée dans le cadre de la réforme des retraites par la diminution de 0,15 point de la cotisation patronale famille. Le schéma de compensation prévu à l’article 15 du présent texte permet, a priori, à la branche de retrouver son niveau de recettes ; il n’en demeure pas moins que la pérennité de son financement doit impérativement être surveillée à l’avenir. On ne peut, de ce point de vue, que se réjouir de l’affectation à la CNAF du produit de l’abaissement du plafond du quotient familial.

La branche accidents du travail et maladies professionnelles devrait voir son excédent se confirmer sur l’ensemble de la période, puisque celui-ci passerait de 100 millions d’euros en 2014 à 900 millions d’euros en 2017, permettant ainsi à la branche d’effacer ses déficits cumulés passés.

● Le solde des régimes obligatoires de base

Le déficit des régimes obligatoires de base devrait être ramené de 10 milliards d’euros en 2014 à 3,3 milliards d’euros en 2017. L’annexe B s’attachant presque exclusivement aux prévisions pluriannuelles relatives au régime général, il semble ici important de dire qu’une attention particulière doit être attachée à l’évolution des déficits du régime des exploitants agricoles, dont la nature est structurelle. On peut d’ores et déjà se réjouir que les mesures de justice prises dans le cadre de la réforme des retraites à l’égard des professions agricoles soient entièrement financées, à travers les mesures prises dans le cadre de l’article 9 du présent projet de loi. Une réflexion plus globale sur les modalités de financement de ce régime ne manquera néanmoins pas de devoir être initiée dans les années futures.

Au total, les déficits cumulés du régime général sur la période 2014-2017 représenteraient 24,2 milliards d’euros, et 35,1 milliards d’euros en tenant compte des déficits cumulés du FSV. Les déficits cumulés de l’ensemble des régimes de base sur la même période s’établiraient à 27,2 milliards d’euros, et 38,1 milliards d’euros au total en intégrant les déficits du FSV.

Si nous sommes donc loin des niveaux historiques de déficits cumulés atteints par le passé, une vigilance reste néanmoins de mise sur ce sujet.

De ce point de vue, l’élargissement du périmètre de reprise de dette par la CADES aux déficits des branches famille et maladie, dans la limite inchangée de 10 milliards d’euros par an et de 62 milliards d’euros au total à l’horizon 2017, devrait permettre le transfert de la majeure partie des déficits du régime général, y compris du FSV, à cette date, sans allongement de la durée de vie de la CADES et sans besoin d’augmenter les recettes affectées à l’amortissement de la dette sociale.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement AS218 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. L’annexe B décrit l’évolution des dépenses et recettes de l’ensemble des régimes obligatoires pour la période 2014-2017.

Alors que nos comptes sociaux sont très largement touchés par la crise et que les déficits s’accumulent, les solutions proposées par ce PLFSS sont sans ambition. Nous ne cautionnons pas les choix que vous faites.

La fixation de l’ONDAM à 2,4% est certes une bonne mesure – vous avez eu tort de vous en tenir à 2,7 % l’an dernier – mais elle met à contribution pour plus de la moitié le médicament au risque de sacrifier l’industrie pharmaceutique qui est pourtant pourvoyeuse de plus de 100 000 emplois en France. La suppression de la convergence tarifaire entre les établissements publics et privés est inadmissible. Elle prive d’économies substantielles en limitant l’effort de l’hôpital à 400 millions d’euros, en dépit des gisements d’économies mis en évidence par la Cour des comptes.

La réforme des retraites est sous-calibrée. Elle cible son effort sur les 7 milliards d’euros de déficit du régime général alors que 20 milliards seront nécessaires pour combler les déficits de tous les régimes d’ici 2020.

Enfin, l’impôt des retraités augmentera alors qu’ils financent déjà la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, qui pèse sur les pensions de retraite et d’invalidité à hauteur de 0,15 point en 2013 et 0,3 point en 2014.

Compte tenu du climat économique mondial et national, et malgré l’optimisme exagéré du ministre des finances, nous demandons la suppression de cet article qui repose sur des prévisions virtuelles.

M. Christian Paul. J’écoute toujours avec beaucoup d’intérêt M. Door commenter les comptes de l’assurance maladie. Mais je peine à la suivre d’une année sur l’autre.

Lors de l’examen du PLFSS 2013, vous nous aviez solennellement avertis de l’irréalisme de nos prévisions et de l’inévitable intervention du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie. Or, les prévisions ont été respectées et l’ONDAM n’a pas été entièrement exécuté grâce aux efforts de tous. Personne n’a aujourd’hui le monopole de l’effort. Nous essayons au contraire de le répartir équitablement.

Vous devriez vous féliciter du nouvel effort de maîtrise de l’ONDAM que nous affichons. En quoi celui-ci peut-il vous chagriner ? J’avoue que je discerne difficilement la cohérence de votre position dans le temps.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avec cet amendement, vous proposez une sorte de motion d’irrecevabilité d’une annexe qui mérite pourtant davantage de considération. Elle détermine en effet l’évolution des déficits sociaux jusqu’en 2017 qui est importante au regard de nos engagements européens, certes assouplis grâce aux efforts du Président de la République. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

M. Jean-Pierre Door. Je maintiens mon amendement car je n’ai pas confiance dans les prévisions qui sont proposées.

Alors que la croissance du PIB en 2013 sera de à 0,1 avec une prévision de 0,8, j’ai quelques doutes sur le chiffre de 2 % pour 2016 et 2017. Quant à la croissance de la masse salariale, alors que le chômage ne recule pas encore, vous fixez un taux de croissance de 4 % pour 2016-2017 quand celle-ci est aujourd’hui nulle.

En réponse à l’intervention très aimable de M. Paul, je veux lui dire que l’abstention du comité d’alerte a été rendue possible par les efforts de la médecine de ville : la croissance des soins de ville a été nulle tandis que l’évolution de l’industrie du médicament a été négative. Ce sont ces éléments qui vous ont permis de respecter l’ONDAM à 2,7 %. Mais il est vrai que vous êtes restés dans les clous.

M. Christian Paul. Nous poursuivrons cet échange en séance mais je veux mettre en garde contre la tentation de considérer la médecine de ville comme vertueuse et dénier cette qualité à l’hôpital. L’ONDAM hospitalier n’a pas été complètement exécuté non plus. Tout le monde a consenti des efforts. Cependant, la non-exécution de l’ONDAM hospitalier peut aussi signifier que les déficits des établissements hospitaliers augmentent. Ce résultat n’a pas que des avantages.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

La Commission adopte l’article 21 sans modification.  

Section 3
Dispositions relatives au recouvrement, à la trésorerie et à la comptabilité

Article 22
(art. L. 131-6-2 et L. 722-4 du code de la sécurité sociale)

Simplifications du mode de calcul des cotisations
dues par les travailleurs indépendants

Le présent article propose de simplifier et d’harmoniser les règles applicables aux modalités de calcul des cotisations sociales dues par les travailleurs indépendants. Il vise plus précisément à intégrer le plus tôt possible les déclarations de revenus dans le calcul des cotisations provisionnelles, comme définitives, pour rapprocher autant que possible la période de paiement des cotisations de la période de perception des revenus qui les a générées.

Outre cette généralisation du mécanisme de la régularisation anticipée des cotisations des travailleurs indépendants, le présent article comporte également une mesure d’alignement des modalités de calcul et de recouvrement des cotisations maladie et maternité des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC) sur le régime de droit commun.

Les cotisations sociales dues par les travailleurs indépendants sont assises sur les bénéfices tirés de leur activité : ceux-ci ne sont constatés qu’a posteriori, lors de la clôture définitive de l’exercice comptable.

Dès lors, comme le décrit l’étude d’impact associée eu présent projet de loi, le calcul et la collecte des cotisations sociales et contributions sociales (15) reposent sur un système de cotisations provisionnelles et de régularisation, prévu aux trois premiers alinéas de l’article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale :

– les cotisations et contributions sociales dues au titre de l’année N sont d’abord calculées à titre provisionnel sur la base des revenus de l’avant-dernière année (N-2) : elles sont versées de janvier à octobre de l’année N ;

– une régularisation est ensuite opérée, en novembre et décembre de l’année suivante (N+1), sur la base du revenu définitif, tel qu’il a été déclaré par le redevable, au plus tard à la fin du mois de mai de l’année N+1. Cette régularisation permet de calculer la différence entre les cotisations définitives dues au titre de l’année N et les cotisations provisionnelles déjà versées au titre de cette année-là.

Ce calendrier pose de réels problèmes tant aux travailleurs indépendants qu’aux caisses de sécurité sociale.

En effet, il existe tout d’abord un important décalage dans le temps entre le moment où un revenu est perçu et le moment où les cotisations sont ajustées à ce revenu : les cotisations provisionnelles sont payées sur un revenu perçu deux années auparavant, et les cotisations définitives sont payées plus de dix mois après la fin de l’année de perception des revenus. Ce décalage est extrêmement préjudiciable aux travailleurs indépendants, a fortiori en cas de variation forte de leurs revenus d’une année sur l’autre : par exemple, en cas de forte baisse des revenus d’un indépendant entre 2011 et 2013, celui-ci va payer en 2013 des cotisations provisionnelles sur une base très supérieure à ses revenus actuels, car calculées sur la base de 2011 ; la régularisation qui lui permettra de lui restituer le trop-perçu n’interviendra quant à elle qu’à la fin de l’année 2014. Inversement, en cas de forte augmentation des revenus, la régularisation réalisée en 2014 le conduira à devoir acquitter ses cotisations supplémentaires au titre de 2013 en seulement deux mois !

Le second problème résultant de ce mode de calcul des cotisations pour les travailleurs indépendants réside dans le fait que chaque année, ils acquittent, de janvier à octobre, des cotisations provisionnelles au titre de l’année en cours, et qu’aux mois de novembre et décembre, ils sont amenés soit à se voir verser le trop-perçu, soit à payer des cotisations supplémentaires au titre des cotisations de l’année passée. Ils doivent donc se livrer en permanence à la « gymnastique du calendrier des cotisations ».

Cette situation est également problématique – pour les mêmes raisons – pour les caisses chargées du recouvrement des cotisations : elles peuvent être amenées à opérer un reversement de trop-perçu important en fin d’année au profit des cotisants ou recevoir des sommes importantes sur les deux derniers mois de l’année, s’agissant toujours de cotisations dues au titre de l’exercice précédent.

b. Le nouveau dispositif d’ajustement des cotisations

Une réponse doit impérativement être apportée pour répondre à la grande complexité des modalités de calcul des cotisations et contributions sociales dues par les travailleurs indépendants.

Un premier jalon a, à cet égard, été posé par l’article 37 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012, qui a mis en place la « déclaration par anticipation », c’est-à-dire un mécanisme incitatif de déclaration par le travailleur indépendant de ses revenus de l’année précédente dès le revenu fiscal connu ou sur la base du revenu estimé de l’année en cours, cette déclaration déclenchant également une régularisation anticipée. Ce mécanisme permet donc un réajustement plus précoce du montant des cotisations provisionnelles pour les caler sur le revenu connu le plus récent, qui est donc aussi plus fidèle à la situation économique du travailleur indépendant au moment où il s’acquitte de ses cotisations ; ce dispositif figure au quatrième alinéa de l’article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale.

Ce système permet également, en cas de déclaration effectuée par voie électronique de demander en année N+1 le paiement, immédiat ou échelonné, ou le remboursement immédiat du montant de la régularisation sans attendre la date normale de déclaration, aujourd’hui prévue pour la fin du mois de mai de l’année N+1. En effet, conformément à l’article L. 133-6-2, « lorsque la déclaration (…) est réalisée par voie dématérialisée, le travailleur indépendant peut demander simultanément que la régularisation (…) soit effectuée sans délai ».

Le dispositif prévoyait qu’un montant forfaitaire, fixé par décret, pourrait être servi à titre d’intérêt au travailleur indépendant qui verse par anticipation le montant des sommes dues. Votre rapporteur constate que cette disposition n’a toutefois fait l’objet d’aucun texte d’application.

Aux termes du quatrième alinéa de l’article L. 131-6-2, « lorsque le revenu définitif est supérieur de plus d’un tiers au revenu estimé par le cotisant, une majoration de retard est appliquée sur la différence entre les cotisations provisionnelles calculées dans les conditions de droit commun et les cotisations provisionnelles calculées sur la base des revenus estimés, sauf si les éléments en la possession du cotisant au moment de sa demande justifiaient son estimation. Le montant et les conditions d’application de cette majoration sont fixés par décret ».

Le décret n° 2012-443 du 3 avril 2012 est venu préciser les conditions d’application de la majoration de retard (article D. 131-3 du code de la sécurité sociale) :

– Celle-ci s’établit à 5 % de la différence entre les cotisations finalement dues et les cotisations provisionnelles calculées sur la base des revenus estimés, lorsque le revenu définitif est inférieur ou égal à 1,5 fois le revenu estimé de l’année considérée ;

– Elle s’établit à 10 % de cette différence lorsque le revenu définitif est supérieur à 1,5 fois le revenu estimé de l’année considérée.

La majoration s’applique en même temps que la régularisation effectuée en année N+1. Elle peut faire l’objet d’une remise totale ou partielle, dans les conditions de délais et de procédure applicables aux majorations et pénalités en matière de cotisations sociales.

Ce dispositif de « déclaration anticipée » reste pour l’heure optionnel ; il se fait « à la demande du cotisant », et la régularisation est aujourd’hui limitée aux déclarations de revenus effectuées par voie électronique. Si la moitié des travailleurs indépendants procède aujourd’hui à une déclaration dématérialisée, l’outil de la déclaration anticipée reste peu utilisé.

Un second pas se doit aujourd’hui d’être franchi, pour avancer dans la voie de l’harmonisation et de la simplification des modalités de calcul et de recouvrement des cotisations dues par les travailleurs indépendants : c’est l’objet du I du présent article.

2. La situation particulière des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC)

Les praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC) se trouvent dans une situation très particulière au regard des cotisations sociales qui sont applicables à leurs revenus d’activité. En effet, dans la mesure où ils bénéficient d’un régime maladie et maternité distinct de celui du régime social des indépendants (RSI), les règles applicables à ces cotisations diffèrent de celles applicables aux cotisations de droit commun des travailleurs indépendants.

Prévue à l’article L. 722-4 du code de la sécurité sociale, la cotisation maladie-maternité du régime des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC) s’établit à 9,81 %, et fait l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie à hauteur de 9,7 points pour les revenus conventionnés nets de dépassements d’honoraires ; son calcul s’effectue aujourd’hui sur la période entre le 1er mai d’une année et le 30 avril de l’année suivante. Première bizarrerie.

Ensuite, cette cotisation est calculée et collectée à titre définitif sur la base des revenus de l’année N-2, contrairement, on l’a vu, aux cotisations des travailleurs indépendants, qui sont d’abord calculées à titre provisionnel sur la base de l’année N-2 – ou, à la demande du cotisant, sur la base des derniers revenus connus en N-1 ou des revenus estimés pour l’année N –, avant de faire l’objet d’une régularisation en N+1 sur la base des revenus définitifs de l’année N. L’effet de ciseau sur les revenus de cette catégorie d’indépendants est donc encore plus fort, puisque l’ensemble de la cotisation est due en année N sur les revenus de l’année N-2, ce qui peut être source de difficultés de trésorerie importantes en cas de forte diminution d’activité entre N-2 et N.

Pire encore : ce calendrier s’applique à la seule cotisation maladie-maternité, le système de cotisations provisionnelles puis régularisées s’appliquant quant à lui aux autres cotisations - famille et retraite - et aux contributions sociales dont ils sont redevables. Autrement dit, les PAMC sont tenus d’effectuer deux déclarations de revenus distinctes, l’une à destination du régime des PAMC pour déclarer leurs revenus de l’année N-2, l’autre à destination des régimes d’allocation familiales et de retraite, pour la déclaration des revenus de l’année N.

Comme l’indique l’étude d’impact associée au présent projet de loi, cette situation est également dommageable pour l’assurance maladie, qui doit calibrer sa prise en charge en fonction du mode de calcul de paiement des cotisations, soit en une fois pour la cotisation maladie-maternité, et en deux temps pour les autres cotisations faisant l’objet d’une prise en charge.

Une harmonisation du calendrier et des modalités de calcul et de recouvrement des cotisations des PAMC avec celles applicables dans le droit commun pour les travailleurs indépendants est donc indispensable. C’est l’objet du II du présent article.

3. Les simplifications du mode de calcul des cotisations dues par les travailleurs indépendants prévues par le présent article

● Le principe d’un chaînage plus efficace du calcul des cotisations provisionnelles, puis de leur régularisation

Le I du présent article modifie les articles L. 131-6-2 et L. 133-6-2 du code de la sécurité sociale, relatifs, respectivement, aux modalités de calcul des cotisations applicables aux travailleurs indépendants, et en particulier au mécanisme « cotisations provisionnelles / régularisation », et au dispositif de l’interlocuteur social unique (ISU), en particulier à la déclaration de revenus dématérialisée rendue possible pour les travailleurs indépendants.

Le A du I généralise la possibilité de la « déclaration anticipée » : en effet, le du A prévoit que lorsque le revenu d’activité de l’année N-1 est définitivement connu, les cotisations provisionnelles de l’année N sont recalculées sur la base de ce revenu, à l’exception, logiquement, de celles dues au titre de la première année d’activité. En conséquence, le du A supprime la référence au calcul des cotisations sur la base du dernier revenu connu, qui est aujourd’hui pratiqué à la demande du cotisant, puisqu’il s’agit bien désormais de la voie classique privilégiée en matière de calcul des cotisations. Le cas dérogatoire reste désormais celui où le cotisant demande le calcul de ses cotisations pour l’année en cours sur la base de l’estimation de ses revenus pour cette même année.

Le B du I procède à la suppression du deuxième alinéa du I de l’article L. 133-6-2, autrement dit du mécanisme actuel de régularisation immédiate du montant des cotisations au titre de l’année N dès lors que la déclaration a été effectuée par voie dématérialisée. Le principe de la régularisation dès lors que le revenu d’activité est définitivement connu figure par ailleurs au troisième alinéa de l’article L. 131-6-2.

Au total, la généralisation de la déclaration anticipée pour les cotisants présente trois avantages :

– un décalage réduit entre les revenus définitifs et l’assiette des cotisations provisionnelles, puisque celui-ci ne sera plus que d’un an au lieu de deux. En effet, en 2015, les cotisations provisionnelles, appelées sur la base du revenu 2013, seront ajustées dès connaissance du revenu 2014. Cette réduction de l’écart doit également permettre de réduire l’ampleur des régularisations dans un sens ou dans un autre ;

– une régularisation anticipée, qui pourra intervenir dès déclaration du revenu de l’année N et non plus en fin d’année N+1 comme c’est le cas aujourd’hui. En cas de surplus de cotisations provisionnelles acquittées, le cotisant pourra se voir rembourser plus tôt le trop-versé. Dans l’hypothèse où un complément de cotisations devrait être versé par le cotisant, ce dernier pourra davantage étaler son paiement, entre le moment où la régularisation intervient (en mai, classiquement) et la fin de l’année, au lieu de deux mois aujourd’hui, la régularisation étant effectuée sur novembre et décembre de l’année N+1.

– enfin, une liberté plus grande pour les cotisants, qui peuvent choisir de déclarer plus tôt dans l’année, dès lors qu’ils sont en mesure de déterminer le montant de leur revenu d’activité au titre de l’exercice précédent.

● L’harmonisation du calcul des cotisations dues par les praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC)

Le II du présent article procède à l’élargissement à la cotisation maladie-maternité des PAMC du mécanisme des cotisations provisionnelles et régularisées, qui s’applique d’ailleurs déjà aux autres cotisations et contributions sociales dues par ces professions.

L’étude d’impact associée au présent projet de loi précise que cette mesure sera complétée par un alignement, par voie réglementaire, du calendrier de recouvrement de cette cotisation - du 1er mai au 30 avril - sur celui qui prévaut pour les autres cotisations, à savoir l’année civile.

Le A du II supprime la mention, à l’article L. 722-4 du code de la sécurité sociale, de l’appréciation de la cotisation maladie-maternité des PAMC à l’aune des cotisations de droit commun des travailleurs indépendants ; cette précision devient en effet inutile en conséquence du B du II, qui complète l’article L. 722-4, pour préciser que pour les professionnels obligatoirement affiliés au régime maladie-maternité des PAMC, la cotisation afférente est calculée selon les modalités de droit commun applicables aux cotisations dues par les travailleurs indépendants, telles que mentionnées aux articles L. 131-6, L. 131-6-1 et L. 131-6-2. Il est également précisé que son taux est fixé par décret. Il s’agit bien d’isoler, dans le champ des professions couvertes par le régime, les seuls professionnels conventionnés obligatoirement couverts, pour lesquels l’assurance maladie assume une prise en charge partielle de la cotisation, contrairement aux autres professionnels et notamment les praticiens non conventionnés.

● Une entrée en vigueur adaptée

Le A du III du présent article prévoit que le nouveau mécanisme de cotisations provisionnelles et de régularisation s’applique aux cotisations et contributions sociales dues à compter du 1er janvier 2015. En effet, le principe du calcul des cotisations provisionnelles sur la base des revenus de l’année N-2 continue d’exister, le présent article se contentant de généraliser le mécanisme des cotisations recalculées sur la base du revenu d’activité de N-1 et assorties d’une régularisation anticipée. Dès lors, on ne pouvait envisager d’application du dispositif qu’à compter du 1er janvier 2015, pour des cotisations provisionnelles calculées sur la base du revenu 2013 et éventuellement recalculées en fonction du revenu constaté pour 2014.

Par dérogation, le B du III prévoit une application du nouveau mécanisme au 1er janvier 2016 pour deux régimes : celui de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) mentionné à l’article L. 642-1, et celui géré par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) mentionné à l’article L. 723-1. En effet, d’après l’étude d’impact associée au présent projet, ces deux caisses feront face pendant les deux prochaines années à une réforme importante de leur mode de gestion. Le choix a donc été fait de ne pas imposer simultanément deux réformes à ces régimes.

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La Commission est saisie de l’amendement AS30 de Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’article 22 prévoit une modification du mode de calcul des cotisations dues par les travailleurs indépendants. Il s’agit notamment de généraliser le dispositif de régularisation anticipé en ajustant sur la base du revenu N–1 les cotisations provisionnelles dues au titre de l’année en cours (N), initialement calculées sur la base du revenu de l’avant-dernière année (N–2).

La motivation avancée est de permettre de limiter l’ampleur des régularisations avec deux années de décalage, qui peuvent être sources de difficultés pour le cotisant.

Nous demandons la suppression de cet article pour deux raisons. L’une est l’absence de visibilité. À ce jour, ayant connaissance de leur revenu N–2 au cours de l’année N–1, les travailleurs non salariés peuvent procéder durant celle-ci à une estimation des échéances provisionnelles du Régime social des indépendants (RSI) de l’année N. En proposant un dispositif de prise en compte du revenu N–1, connu seulement au cours de l’année N, on ne permet plus du tout au travailleur non salarié d’anticiper ses cotisations dues, de les prévoir avec le recul nécessaire, ce qui constitue pour lui une vraie difficulté.

L’autre raison a trait aux dysfonctionnements informatiques et administratifs du RSI, dont les travailleurs indépendants sont les victimes. Aujourd’hui encore, des émissions de cotisations présentent de nombreuses erreurs, une partie des encaissements n’est toujours pas à jour, des dossiers de cotisants sont bloqués pour cause de non prise en compte de demandes de radiation et d’affiliation, ou de modifications de fichiers. La modification substantielle proposée nous semble de nature à accroître les difficultés du RSI et, partant, des cotisants.

Ne serait-il pas judicieux de laisser au RSI le temps de corriger les dysfonctionnements avant de lui demander de procéder à des modifications majeures sans y être préparé ?

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Les arguments de Mme Louwagie m’étonnent : les représentants des travailleurs indépendants que j’ai rencontrés se félicitaient plutôt du rapprochement de l’année prise comme assiette pour l’évaluation des cotisations et de l’année au cours de laquelle ces cotisations sont dues.

Par ailleurs, l’article 22 présente l’avantage de simplifier le dispositif d’aide aux chômeurs créant ou reprenant une entreprise, dit ACCRE. Cette mesure de nature réglementaire supprimera la pré-instruction des demandes d’ACCRE effectuée par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF).

La suppression de cet article ne répondant pas à un souhait des travailleurs indépendants, je propose à la Commission de rejeter l’amendement.

Mme Véronique Louwagie. Il serait intéressant de savoir pourquoi le dispositif qu’il est proposé de rétablir aujourd’hui avait été remplacé par celui du calcul sur le revenu N–2. Pour ma part, je suis convaincue que, sans ce décalage, les TPE et PME vont éprouver de vraies difficultés, n’ayant plus aucun moyen de prévoir les cotisations provisionnelles.

M. Gérard Sebaoun. Pour connaître les professions libérales, je n’ai jamais compris que l’on réclame, deux ans plus tard, un reliquat, parfois très important, de cotisations susceptible de mettre le professionnel en difficulté. Non seulement l’anticipation n’est jamais évidente, mais les revenus sont fluctuants et pas toujours à la hausse. Si tel était toujours le cas, il n’y aurait pas trop de difficultés. Lorsque la demande de régularisation arrive, il n’est pas toujours évident d’y faire face. Plus près on est de la réalité, mieux c’est. Pour les professions que je connais, il s’agirait plutôt d’une mesure de simplification qui va dans le bon sens.

Mme Véronique Louwagie. Un moindre délai entre le revenu pris en compte et la régularisation est probablement un élément intéressant, mais, totalement privés de la faculté d’organiser une prévision, certains travailleurs non salariés se retrouveront en grande difficulté. J’attire votre attention sur ce point.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 22 sans modification.

Article 23
(art. L. 133-5-5 [nouveau], L. 133-6-7-2 [nouveau], L. 241-10, L. 612-10, L. 623-1 et L. 722-5 du code de la sécurité sociale, art. L. 1221-121, L. 1522-1 et L. 1522-4 du code du travail, art. 725-22 du code rural et de la pêche maritime)

Promotion de la déclaration sociale nominative, du chèque emploi service universel dans les DOM et de la dématérialisation

Le présent article porte sur divers projets de dématérialisation des démarches administratives. Il vise à :

– rendre la déclaration sociale nominative (DSN) obligatoire dès le 1er juillet 2015 pour les entreprises d’une certaine taille ;

– élargir les obligations de démarches dématérialisées ;

– étendre l’usage du chèque emploi service universel (CESU) dans les départements d’outre-mer.

Créée par la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives, la DSN est appelée à se substituer progressivement à la quasi-totalité des déclarations sociales.

Cette déclaration mensuelle et dématérialisée correspond à un fichier produit à partir de la paie, destiné à communiquer les informations nécessaires à la gestion des droits sociaux des salariés aux organismes concernés.

L’article 35 de la loi du 22 mars 2012 (article L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale) a prévu deux grandes étapes de réalisation :

– à partir du 1er janvier 2013, les employeurs peuvent utiliser la DSN et, ce faisant, être dispensés de l’accomplissement des attestations de salaires pour les indemnités journalières (à l’exclusion de celles pour les AT-MP), des attestations employeur destinées à Pôle emploi, de la déclaration des mouvements de main-d’œuvre (DMMO) et de l’enquête sur les mouvements de main-d’œuvre (EMMO) ;

– à compter du 1er janvier 2016, la DSN devient obligatoire pour tous les employeurs et le champ des déclarations substituées est élargi (déclarations mensuelles et trimestrielles de cotisations, déclaration annuelle des données sociales – DADS).

L’étude d’impact indique que plus de 90 entreprises, représentant près de 300 000 salariés, ont manifesté leur intention d’adopter ce dispositif d’ici début 2014. Pour l’heure, des entreprises volontaires émettent mensuellement des DSN depuis juin 2013.

Il apparaît maintenant nécessaire d’introduire une étape intermédiaire avant la généralisation, pour les raisons suivantes :

– l’investissement des éditeurs et gestionnaires dans ce projet est conditionnée aux perspectives de développement de la DSN ;

– il faut éviter que le changement de mode déclaratif au même moment pour toutes les entreprises ne crée des difficultés aux administrations et aux éditeurs et gestionnaires de paie.

Le I du présent article propose de rendre la DSN obligatoire pour les entreprises redevables d’un certain montant de cotisations sociales à compter du 1er juillet 2015 « au plus tard » – ce qui autorise le pouvoir réglementaire à anticiper éventuellement cette échéance en fonction de l’état d’avancement des travaux.

Le seuil de montant de cotisations sera fixé par décret. Cette obligation devrait concerner les entreprises qui sont d’ores et déjà aujourd’hui soumises à l’obligation d’effectuer des déclarations de cotisations de façon dématérialisée auprès des URSSAF (entreprises dont le montant de cotisations sociales de l’année civile précédente excède 50 000 euros, soit 500 000 comptes).

L’obligation sera limitée aux employeurs relevant du régime général de sécurité sociale, compte tenu de l’ouverture plus tardive du service déclaratif de la DSN pour les employeurs agricoles (second semestre 2014).

Cette étape s’applique aussi aux « tiers déclarants », c’est-à-dire aux organismes qui effectuent les déclarations pour le compte des cotisants (experts comptables, éditeurs de logiciels, mandataires et administrateurs judiciaires).

La dématérialisation des déclarations sociales n’est imposée aux employeurs qu’au-delà de certains seuils.

Les cotisations sociales versées par les employeurs auprès des URSSAF et des caisses de mutualité sociale agricole (MSA) doivent être déclarées et acquittées par voie dématérialisée lorsque l’établissement est redevable de cotisations, contributions et taxes de plus de 50 000 euros au cours de l’année civile précédente (articles L. 243-14 et R. 243-61 du code de la sécurité sociale). Le non-respect de l’obligation entraîne l’application d’une majoration spécifique de 0,2 % du montant des sommes dont le versement a été effectué selon un autre mode de paiement ou dont la déclaration a été effectuée par une autre voie.

Pour la déclaration préalable à l’embauche (DPAE), la loi du 22 mars 2012 prévoit une obligation de dématérialisation pour les employeurs relevant du régime général de sécurité sociale ayant effectué plus de 500 DPAE au cours de l’année civile précédente (article L. 1221-12-1 du code du travail). Les employeurs n’ayant pas adressé leurs déclarations par voie électronique alors qu’ils y sont tenus encourent une pénalité fixée à 0,5 % du plafond mensuel de la sécurité sociale, par salarié, recouvrée et contrôlée selon les règles, garanties et sanctions relatives au recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

Le 1° du A du II du présent article supprime la section 5 du chapitre III du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale, soit l’article L. 243-14 précité, qui ne concernait que le régime général.

Le crée un article L. 133-5-5, inséré dans le livre I qui concerne l’ensemble des régimes de base. Son I pose le principe de la dématérialisation obligatoire des déclarations sociales et du paiement des cotisations sociales pour tous les employeurs dans les conditions fixées par décret. Le décret doit fixer les seuils de cotisations et contributions au-delà desquels ces formalités sont obligatoires. Son II reprend le régime de sanctions précédemment applicable au régime général.

Auprès des URSSAF et des caisses de mutualité sociale agricole, il est prévu d’abaisser le seuil à 35 000 euros de cotisations et contributions sociales dues par établissement au titre de l’année civile précédente à compter du 1er janvier 2014 et 20 000 euros à compter du 1er janvier 2015.

L’abaissement des seuils de dématérialisation ne devrait pas générer de difficultés compte tenu des pratiques actuelles des entreprises. En effet, le taux de déclarations dématérialisées s’élève aujourd’hui à 88,53 % pour les entreprises privées et à 88,40 % pour les entreprises employant moins de 20 salariés, grâce notamment au travail partenarial réalisé par l’ACOSS avec le Conseil supérieur de l’Ordre des experts comptables.

L’étude d’impact précise que parmi les entreprises visées par l’abaissement des seuils (c’est-à-dire les entreprises redevables d’un montant de cotisations contributions et taxes compris entre 50 000 et 35 000 puis 20 000 euros), plus de 60 % versent leurs cotisations et contributions par voie dématérialisée.

Le introduit un article L. 133-6-7-2 à la section 2 bis du chapitre III bis du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale relatif à la modernisation et simplification des déclarations sociales pour les travailleurs indépendants. Cet article institue, pour les travailleurs indépendants non agricoles (y compris les auto-entrepreneurs), un principe général de dématérialisation des déclarations servant au calcul des cotisations et contributions sociales et de paiement de ces cotisations et contributions par voie dématérialisée.

Un décret fixera les modalités d’application de ce dispositif, notamment un seuil de dématérialisation obligatoire qui sera fixé en fonction du montant des cotisations et contributions pour les travailleurs indépendants non agricoles et en fonction du chiffre d’affaires pour les auto-entrepreneurs.

La méconnaissance de ces obligations sera sanctionnée par l’application des majorations prévues à l’article L. 133-5-5 précité.

Les et mettent en adéquation les articles L. 612-10 (relatif au recouvrement de la branche maladie du RSI) et L. 623-1 (branche vieillesse) du code de la sécurité sociale avec cette nouvelle sanction.

Le modifie l’article L. 722-5 du même code afin d’étendre le champ d’application de ce dispositif de dématérialisation aux praticiens et auxiliaires médicaux.

Le B du II est relatif aux déclarations préalables à l’embauche. Il réécrit l’article L. 1221-12-1 du code du travail, obligeant à adresser par voie électronique les déclarations préalables à l’embauche aux employeurs suivants :

– ceux dont les employés relèvent du régime général (sauf particuliers employeurs), à partir d’un seuil de DPAE par an ; l’étude d’impact indique que le décret devrait abaisser le seuil de 500 à 50 DPAE par an ;

– ceux dont les employés relèvent du régime social agricole, à partir d’un certain seuil.

Une pénalité pouvant aller jusqu’à 0,5 % du plafond de la sécurité sociale est prévue en cas de non-respect de ces dispositions.

Enfin, le C abroge l’article L. 725-22 du code rural et de la pêche maritime qui prévoit l’application aux employeurs agricoles de l’article L. 243-14 du code de la sécurité sociale précité, lui-même abrogé. En effet, le nouvel article L. 133-5-5 s’appliquera aussi aux employeurs agricoles.

Actuellement, la gestion de l’offre de service aux particuliers employeurs dans les départements d’outre-mer (DOM), hors garde d’enfants, passe par un dispositif idoine, le titre de travail simplifié (TTS), en application de la loi du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer. Le code du travail ne prévoit l’application du chèque emploi service universel (CESU) dans les DOM que lorsqu’il a valeur de titre spécial de paiement.

Contrairement au CESU, le TTS est un formulaire papier, géré manuellement. La qualité de remplissage du volet social du TTS soulève des difficultés pour l’enregistrement des déclarations, qui nécessitent des retraitements manuels. Cela génère des retards dans la production des attestations d’emploi. Or, comme celles-ci valent bulletin de salaire, les délais de traitement ralentissent l’ensemble des démarches administratives publiques et privées qui sont fondées sur le bulletin de salaire.

Afin d’offrir une qualité de service égale sur l’ensemble du territoire français et de limiter la redondance des systèmes d’informations, le présent article prévoit le remplacement du TTS par le CESU dans les DOM.

Le projet d’intégration du TTS particulier dans le CESU était prévu dans la convention d’objectifs et de gestion État/ACOSS 2010-2013.

Le III du présent article prévoit la suppression du titre de travail simplifié (TTS) au profit des particuliers employeurs et leur intégration dans le dispositif du chèque emploi service universel (CESU).

Le A modifie le I bis de l’article L. 241-10 du code de la sécurité sociale relatif à la déduction forfaitaire sur les cotisations des salariés des particuliers employeurs, qui a été mise en place par la loi de financement pour 2013, en contrepartie de la suppression de la déclaration au forfait. Il prévoit une majoration de la déduction forfaitaire dans les DOM, fixée par décret.

Actuellement, une assiette forfaitaire égale à 80 % du SMIC existe toujours dans les DOM. Maintenir cette assiette forfaitaire serait préjudiciable aux droits sociaux des salariés à domicile ultra-marins, et impliquerait de modifier le volet social CESU. Par ailleurs, en application d’une circulaire de 2010, cette assiette forfaitaire se cumule aujourd’hui avec l’exonération dite LODEOM (loi pour le développement économique des outre-mer), ce qui est contraire à la loi qui prévoit un principe général de non cumul.

Il est donc proposé de remplacer l’assiette forfaitaire et l’exonération LODEOM par une déduction forfaitaire majorée à environ 3,70 euros par heure pour les DOM, afin de garantir la neutralité globale du dispositif pour les employeurs.

Votre commission a adopté un amendement de Mme Dominique Orliac étendant cette mesure aux collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le 1° du B du III modifie l’article L. 1522-1 du code du travail de façon à généraliser l’utilisation du CESU dans les DOM à l’ensemble des particuliers employeurs (hors emploi d’assistante maternelle et de garde d’enfant).

L’étude d’impact indique que les activités d’assistantes maternelles agréées et de garde d’enfant seront désormais gérées, comme en métropole, par le centre Pajemploi, qui rencontre un niveau élevé de satisfaction auprès des employeurs.

Le supprime la référence à l’emploi de personnes effectuant des travaux et service au domicile des particuliers dans l’article L. 1522-4 du même code relatif au TTS.

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La Commission est saisie des amendements identiques AS7 de M. Jean-Pierre Barbier, AS38 de M. Dominique Tian, AS62 de M. Jean-Pierre Door, AS85 de M. Francis Vercamer et AS241 de Mme Bérengère Poletti.

M. Jean-Pierre Barbier. L’article 23 instaure une étape intermédiaire pour la généralisation de la déclaration sociale nominative (DSN), fixée au 1er juillet 2015 pour les petites et moyennes entreprises. Si l’on comprend qu’il s’agit d’éviter un engorgement au moment de la généralisation prévue au 1er janvier 2016, c’est au prix de difficultés opérationnelles pour les PME. Avancer de six mois la date de leur bascule obligatoire les exposera à des complications plus importantes. Afin que la DSN s’inscrive pleinement dans le choc de simplification voulu par le Gouvernement, l’amendement propose de conserver l’idée d’une étape intermédiaire, mais en la fixant au 1er janvier 2017 pour les petites et moyennes entreprises. Outre qu’elle évitera aussi l’engorgement du 1er janvier 2016, cette année supplémentaire permettra aux PME de mettre en place le compte pénibilité, qui représente également une surcharge importante pour elles.

En outre, l’amendement prévoit de consulter les organisations professionnelles patronales et les instances du groupement d’intérêt public Modernisation des déclarations sociales (GIP-MDS), ce qui n’a pas été fait pour le dispositif envisagé à cet article.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne comprends pas l’argumentation. La date d’échéance est avancée pour les entreprises acquittant plus de 50 000 euros de cotisations sociales. Cela ne pénalise pas les petites entreprises.

M. Jean-Pierre Barbier. C’est certes un moyen d’éviter l’engorgement des services administratifs, mais ces entreprises devront se mettre en conformité avec six mois d’avance. Nous proposons de leur laisser un an de plus, ce qui permet également de limiter l’engorgement du 1er janvier 2016.

J’insiste, en outre, sur l’embarras dans lequel elles vont se trouver en ayant à gérer, en même temps que cette bascule, la mise en place du compte pénibilité.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Permettez-moi de rappeler que cette mesure de simplification et d’efficience figurait dans la loi Warsmann de mars 2012, qui en prévoyait la généralisation en 2016. Afin d’éviter un encombrement administratif et de gestion, le Gouvernement propose de l’avancer de six mois pour les entreprises versant plus de 50 000 euros de cotisations sociales. Je ne vois pas ce qu’il y a d’insurmontable pour ces grosses entreprises qui sont informées depuis 2012.

Mme Véronique Louwagie. Je comprends le souci d’éviter un engorgement, mais, plutôt que d’anticiper, nous proposons de fixer une date postérieure. Les difficultés économiques commandent d’accorder beaucoup de souplesse aux entreprises, d’autant que celles-ci vont avoir à intégrer la nouvelle norme bancaire IBAN en 2014 et que beaucoup n’y sont pas prêtes. Restreindre les délais, c’est les mettre encore plus dans la difficulté.

M. Jean-Pierre Door. N’oublions pas que les très petites entreprises sont très disparates. Le choc de simplification ne va pas être aussi facile que cela à absorber pour ce monde d’artisans et de commerçants. Souvenons-nous des difficultés qui se sont posées lorsqu’il s’est agi de les affilier au RSI. Repousser la date de bascule au 1er janvier 2017 permettrait à toutes les organisations professionnelles de prendre le train en marche et de faire de la pédagogie en vue de la dématérialisation, qui est absolument nécessaire. Donnez du temps au temps pour ne pas les braquer.

M. Francis Vercamer. Repousser la date limite n’empêche pas les entreprises de basculer plus tôt si elles le désirent. Laissons un peu de souplesse aux PME. Aujourd’hui, énormément d’entreprises sont en difficulté, le nombre de faillites n’a jamais été aussi élevé. Si votre choc de simplification se révèle être un électrochoc de réanimation pour les entreprises, je ne suis pas sûr que l’affaire prenne un bon tour. L’objet de mon amendement est de laisser un peu plus de temps aux entreprises, qui ont d’abord besoin d’aller chercher des clients et du chiffre d’affaires, pour entrer dans le dispositif.

M. Rémi Delatte. L’amendement AS241 est défendu.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je comprends que certaines TPE, peu au fait des réformes, même si celle-ci date de 2012, puissent être un peu inquiètes. Cette réforme présente tout de même cet intérêt que, à partir du 1er janvier 2013, les employeurs utilisant la DSN seront dispensés de l’accomplissement des attestations de salaires pour les indemnités journalières, des attestations employeur à destination de Pôle emploi, de la déclaration des mouvements de main-d’œuvre et de l’enquête sur les mouvements de main-d’œuvre. Il s’agit bien là de simplification pour ces entreprises, et il faut le leur faire comprendre.

Encore une fois, c’est la loi Warsmann de 2012 qui a mis en place le dispositif et en a fixé l’échéance. Au titre de rapporteur, je me sens mal placé pour vous donner satisfaction. Peut-être pourriez-vous interpeller le Gouvernement en séance publique sur le sujet. En l’état actuel des choses, je ne peux qu’appeler à repousser ces amendements.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle examine l’amendement AS266 rectifié de Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Cet amendement vise à étendre à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon la déduction majorée de cotisations et contributions sociales d’origine légale et conventionnelle des particuliers employeurs applicable aux DOM.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je ne vois pas pourquoi Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon seraient privés de l’avantage qui a été consenti aux DOM. Il doit s’agir d’un oubli. La logique voudrait qu’on accepte l’amendement.

Mme Isabelle Le Callennec. Il devait pourtant y avoir une raison puisque l’amendement est gagé. Si une perte de recettes est envisagée, c’est que l’impact ne doit pas être négligeable. Cette situation ne résulte peut-être donc pas d’une erreur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Pire qu’une erreur, ce serait une injustice. En fait, au moment du vote précédent, ces territoires faisaient l’objet de consultations administratives particulières qui les ont empêchés d’être associés aux DOM concernés.

M. Bernard Accoyer. Puisque cet amendement est gagé par une taxe sur les tabacs et alcools, j’en déduis que nous pourrons déposer autant d’amendements que nous voudrons pour peu qu’ils comportent un gage. Confirmez-vous qu’ils ne seront pas rejetés au titre de l’article 40 ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Dans la mesure où ils n’entraîneraient qu’une perte de recettes, oui.

M. Bernard Accoyer. Pourtant, cela déséquilibrerait les comptes publics du mauvais côté, ce qui relève de l’article 40 de la Constitution.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce sont les dépenses supplémentaires qui sont visées par cet article, pas les pertes de recettes.

M. Bernard Accoyer. Est visée par l’article 40, soit une diminution des recettes des finances publiques soit une augmentation des dépenses. Nous sommes dans ce cas. J’en prends bonne note, et cela va nous être utile pour déposer nos amendements. Je me tourne vers Mme la présidente pour qu’elle me confirme qu’il suffit de gager une proposition par une taxe additionnelle sur les tabacs et alcools.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente. Nous venons de vous expliquer qu’il s’agit d’une perte de recettes et que cela se gage. Il n’y a là rien de nouveau.

La Commission adopte l’amendement AS266 rectifié.

Puis elle adopte l’article 23 modifié.

Article 24
Affectation à la Caisse nationale d’assurance maladie des excédents
de la Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières

Le présent article prévoit le transfert d’une partie des réserves de la Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières vers la Caisse nationale d’assurance maladie.

La branche maladie des industries électriques et gazières (IEG) est intégrée financièrement au régime général.

La Caisse d’assurance maladie des IEG a pour principale fonction de gérer l’assurance maladie complémentaire obligatoire, à travers deux fonds : l’un relatif aux actifs pour les salariés et leurs ayants-droit, l’autre relatif aux inactifs pour les pensionnés et leurs ayants-droit.

La CAMIEG dégage, depuis sa création en 2007, des excédents importants sur ces deux fonds, pour un montant cumulé de 328 millions d’euros fin 2012, dont une partie fait l’objet de placements auprès de l’ACOSS sous forme de billets de trésorerie.

À l’issue d’échanges avec les partenaires sociaux du secteur, il a été décidé, afin de revenir à une situation d’équilibre structurelle, d’augmenter le niveau de prestations pour les actifs et les inactifs (de 15 millions d’euros) et de baisser les cotisations pour les actifs (–25 %).

La revalorisation des prestations impliquera la modification de l’arrêté du 30 mars 2007 pour redéfinir les taux applicables à certaines prestations. De même, la baisse des cotisations entraînera une modification du décret n° 2007-490 du 30 mars 2007 fixant les taux de cotisations pour les actifs. Ces mesures devront être prises avant le 1er janvier 2014.

En contrepartie de cet accord, un prélèvement des fonds de la section des actifs vers la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAMTS) sera opéré.

Les excédents de la section des inactifs, placés auprès de l’ACOSS, seront mis à disposition de la CNIEG afin de limiter ses besoins d’emprunt.

La mesure prévoit d’opérer un prélèvement vers la CNAMTS de 65 % des réserves de la section des actifs de la CAMIEG constatées au 31 décembre 2013. Le versement doit être opéré le 31 janvier 2014 au plus tard. Le transfert est estimé par l’étude d’impact à environ 170 millions d’euros.

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La Commission est saisie de l’amendement de suppression AS86 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Puisqu’on prélève les caisses excédentaires pour financer les caisses déficitaires, pourquoi ne pas fusionner toutes les caisses en une seule ? Au moins n’aurions-nous plus à voir ce genre d’article.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je fais remarquer à M. Vercamer que son amendement n’aboutirait pas à supprimer les régimes spéciaux, mais simplement à annuler le prélèvement. Les lois Juppé ont conservé ces régimes, et si ceux-ci présentent des excédents, autant les diriger vers la Caisse nationale d’assurance maladie. Ce serait un mauvais service à rendre à la CNAM que de supprimer un tel prélèvement s’il est possible.

Je comprends que cet amendement fournit à M. Vercamer l’occasion de s’exprimer sur les régimes spéciaux plus qu’il ne vise à supprimer le prélèvement. Je vous invite donc à le repousser.

La Commission rejette l’amendement AS86.

Puis elle adopte l’article 24 sans modification.

Article 25
(art. 38 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012
de financement de la sécurité sociale pour 2013)

Reconduction pour la période 2014-2017 de l’avance consentie par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines

Le présent article prévoit de prolonger, de 2014 à 2017, l’avance de trésorerie consentie par l’ACOSS à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) dans la limite du plafond de 250 millions d’euros prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

La CANSSM a été créée par le décret n° 46-2769 du 27 novembre 1946, portant organisation de la sécurité sociale dans les mines. Elle gère les risques vieillesse, invalidité, maternité et accidents du travail et maladies professionnelles des travailleurs exerçant leur activité professionnelle dans les mines, ainsi que d’une part importante du personnel assurant la gestion du régime minier lui-même. En vertu du décret n° 2011-1034 du 30 août 2011, la CANSSM assure à l’échelon national la trésorerie des branches du régime, et joue le rôle de tête de réseau en matière d’accidents du travail et maladies professionnelles et d’assurance maladie. Elle en délègue la responsabilité aux organismes locaux (caisses régionales). La branche vieillesse est gérée par la Caisse des dépôts et consignations depuis 2005.

Du fait de la disparition de l’activité charbonnière, le régime minier connaît un déséquilibre démographique extrême, avec 320 000 retraités en 2011 pour 10 000 cotisants (dont la plupart sont des employés du régime de sécurité sociale lui-même).

Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2009, la Cour des comptes a dressé un bilan particulièrement négatif de la gestion du régime, recommandant de fermer l’affiliation au régime minier et d’organiser son transfert vers le régime général.

À la suite des analyses de la Cour des comptes, le décret n° 2010-975 du 27 août 2010 a fermé l’affiliation au régime minier à compter du 1er septembre 2010. Il est donc désormais en voie d’extinction.

Depuis 2007, la CANSSM connaît des difficultés de financement récurrentes, que ses ressources (externes à 90 %) ne suffisent pas à contenir. Ce besoin de financement structurel est lié à :

– un décalage de trésorerie infra-annuel entre encaissements et décaissements ;

– des déficits récurrents enregistrés par la branche maladie (40 millions d’euros prévus pour 2013) malgré un transfert de solidarité en provenance du régime général qui représente plus de 75 % des ressources de la branche.

En conséquence de la dégradation rapide de la situation, le plafond d’emprunt fixé au régime par la loi de financement de la sécurité sociale a été relevé de 200 millions d’euros pour 2007 à 950 millions d’euros pour 2013, soit 750 millions d’euros d’augmentation en six ans.

Dans un contexte général de tension sur les concours bancaires consentis aux organismes de sécurité sociale, le régime minier ne parvient pas à diversifier son réseau de partenaires. La situation est devenue critique en 2013, avec un besoin maximal prévisionnel d’environ 800 millions d’euros qui dépassait les concours octroyés par la Caisse des dépôts et consignations (limités à 650 millions d’euros en 2013).

L’article 42 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 avait ouvert la possibilité pour l’ACOSS de consentir à titre exceptionnel des avances d’une durée inférieure à un mois aux régimes de base autres que le régime général.

Dans ce cadre, l’article 38 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a autorisé l’ACOSS à accorder des avances de trésorerie à la CANSSM dans la limite d’un plafond de 250 millions d’euros.

Le présent article propose de prolonger jusqu’en 2017 la possibilité offerte par l’article 38 de la loi de financement pour 2013, avec le même plafond de 250 millions d’euros.

Cette mesure permettra de garantir le financement du régime minier durant la totalité de la période conventionnelle, soit jusqu’à la fin 2017.

Les conditions de ces avances rémunérées, en termes de durée et de tarif, qui ne doivent en aucun cas constituer un coût pour le régime général, devront faire l’objet d’une convention entre l’ACOSS et la CANSSM, soumise pour approbation aux ministres de tutelle.

L’utilisation effective de l’avance par la Caisse des mines devrait concerner une période réduite dans l’année.

Votre rapporteur avait indiqué l’an dernier que cette solution ne pouvait être que transitoire, dans l’attente de mesures permettant d’assurer un équilibre structurel du régime ; il réitère cette observation.

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La Commission adopte l’article 25 sans modification.

Article 26
Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à l’emprunt

Conformément aux dispositions organiques, le présent article arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources. Il porte donc habilitation de certains régimes et organismes à recourir à des ressources non permanentes.

Sept régimes ou organismes bénéficieront d’une telle habilitation : régime général, régimes des exploitants agricoles (CCMSA), Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF et Caisse de retraite du personnel de la RATP.

Contrairement aux quatre exercices précédents, le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État (FSPOEIE) ne figure pas dans cette liste, car ses points bas de trésorerie atteints en 2013 et prévus pour 2014 sont positifs.

La trésorerie des différentes branches du régime général est gérée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

Le plafond d’emprunt de trésorerie de l’ACOSS a été fixé dans la loi de financement pour 2013 à 29,5 milliards d’euros pour l’année 2013, en augmentation de 7,5 milliards par rapport au plafond de 22 milliards retenu en 2012.

À la fin de l’année, le solde prévisionnel du compte de l’ACOSS devrait atteindre –27 milliards d’euros, tenant compte d’une reprise de dette de la CADES effectuée en juin pour un montant de 7,7 milliards d’euros en application de la loi de financement pour 2011 qui prévoit le transfert annuel, dans la limite de 10 milliards d’euros, des déficits de l’année précédente de la CNAV et du FSV.

Le point bas en « brut » (16) s’élèverait à –29,3 milliards d’euros le 15 avril 2013 (–27,2 milliards d’euros en « net » à la même date), soit un niveau proche de celui du plafond des ressources non permanentes fixé désormais en « brut » à 29,5 milliards d’euros par la loi de financement.

La structure de financement de l’ACOSS pour 2013 fait une large place aux instruments de marché, ce qui lui permet en particulier de bénéficier du niveau exceptionnellement bas des taux d’intérêt à court terme, tout en privilégiant la mutualisation des trésoreries sociales (17).

Alors qu’en 2009, la part des concours bancaires via la Caisse de dépôts et consignations représentait encore 69 % du financement des besoins de trésorerie, elle n’est plus que de 7 % en 2013. À l’inverse, les billets de trésorerie souscrits sur les marchés financiers et les euro commercial papers participent à 59 % au financement de l’ACOSS en 2013 (contre 31 % en 2009).

En 2013, les concours de la Caisse des dépôts sont mobilisés, via les prêts « tuiles », pour un montant de 2,5 milliards d’euros, de façon à faire face spécifiquement à l’échéance du versement des retraites qui constitue chaque mois le plus fort décaissement pour l’ACOSS. En outre, l’ACOSS a souscrit en 2013 un prêt de moyen terme d’un montant de 3 milliards d’euros, d’une durée de 7 mois environ, afin d’accompagner les besoins de financement sur la deuxième partie de l’année.

L’ACOSS place aussi des billets de trésorerie auprès d’autres acteurs publics, dans le cadre, comme les années passées, des opérations ponctuelles d’optimisation de la gestion des trésoreries publiques en fin d’année et de l’effort de mutualisation des trésoreries sociales, en l’occurrence celles de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), des régimes complémentaires du Régime social des indépendants (RSI), de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), de la CADES et de la Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières (CAMIEG).

L’ensemble de ces billets de trésorerie « sociaux » et « publics » a acquis une importance croissante au fil des années, pour assurer 34 % du financement global en 2013 (contre 4 % seulement en 2009).

En 2014, compte tenu de la reprise par la CADES des déficits 2013 de la branche vieillesse du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), le besoin de trésorerie maximal de l’ACOSS atteindrait, le 15 avril, – 32 milliards d’euros, pour parvenir à un solde de – 31,5 milliards d’euros au 31 décembre (contre –27 milliards d’euros au 31 décembre 2012).

La différence entre la variation de trésorerie (– 4,5 milliards d’euros après reprise de dette) et le déficit 2013 du régime général fixé par l’article 29 du présent projet de loi de financement (– 13,5 milliards d’euros) s’explique par plusieurs opérations affectant différemment les comptes et la trésorerie, principalement par le déficit prévisionnel du FSV, qui pèse en trésorerie sur le régime général.

Le plafond de recours du régime général à des ressources non permanentes intègre une marge d’aléa et est ainsi fixé par le présent article à 34,5 milliards d’euros.

Il tient compte de l’intégration dans le périmètre de la reprise de dette par la CADES des déficits des branches famille et maladie (article 14 du présent projet de loi).

Le tableau ci-après permet de situer l’autorisation demandée pour 2014 par rapport aux plafonds fixés par les précédentes lois de financement.

RÉGIME GÉNÉRAL
PLAFOND DE RECOURS À DES AVANCES DE TRÉSORERIE (1997-2014)

(en milliards d’euros)

Année

Plafond initial

voté en LFSS

Plafond rectifié

en LFSS

1997

12,2

-

1998

4,7

-

1999

4,4

-

2000

4,4

-

2001

4,4

-

2002

4,4

-

2003

15

-

2004

33

-

2005

13

-

2006

18,5

-

2007

28

-

2008

36

-

2009

18,9

29

2010

65

-

2011

20*

18

2012

22

-

2013

29,5

-

2014

34,5

-

(*) 58 milliards d’euros du 1er janvier au 31 mai.

Source : annexe 9.

2. Le régime des exploitants agricoles

Fin 2011, la CADES, pour la première fois, a repris des déficits de la CCMSA, en l’occurrence ceux des exercices 2009 et 2010 (18).

En 2013, malgré l’affectation de nouvelles recettes à la branche vieillesse en 2012 et 2013, le profil de trésorerie se caractérise par un point bas qui s’établirait à –3,2 milliards d’euros entre le 8 et le 11 novembre, et un point haut à –1,1 milliard d’euros le 8 avril.

Pour 2014, le point bas prévisionnel s’établirait à -3,1 milliards d’euros, en tenant compte de la mesure prévue dans le présent projet de loi consistant à remplacer les recettes issues de la taxe sur les véhicules de société, par une augmentation du taux des droits tabacs affectés à la branche maladie du régime des exploitants agricoles.

Les dépenses supplémentaires générées par les « mesures de justice » du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraite en faveur des exploitants agricoles sont, quant à elles, financées par l’apport de ressources complémentaires.

Le plafond proposé par le présent article est donc de 4,2 milliards d’euros.

Lors de leur audition par votre rapporteur, les responsables de la caisse centrale de la MSA ont réitéré leurs remarques sur les risques que comporte le financement d’un découvert de trésorerie résultant de déficits cumulés de plus de 3 milliards d’euros. Ce financement va devenir de plus en plus coûteux car la CCMSA ne peut pas se prévaloir de la garantie de l’État.

3. La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales

Depuis 2010, la CNRACL connaît des résultats déficitaires, et n’a plus de réserves pour les couvrir.

Pour 2013, le plafond de couverture des besoins de trésorerie de la CNRACL a été fixé à 1 450 millions d’euros.

Grâce au prélèvement de 690 millions d’euros sur le fonds ATIACL (Allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales) et sur le fonds de compensation ou de cessation progressive d’activité (FCCPA), opéré par la loi de financement pour 2013, et grâce au relèvement, par voie réglementaire, de la cotisation employeur, le point bas ne devrait être que de -567 millions d’euros du 24 au 26 décembre, contre -1 200 millions d’euros initialement prévus.

Ces mesures ont aussi permis d’approcher l’équilibre fin 2012 avec un déficit de 14 millions d’euros.

Le présent projet de loi prévoit la mobilisation des excédents du fonds pour l’emploi hospitalier (FEH) pour un montant d’environ 200 millions d’euros, ce qui permettra à la Caisse de reconstituer une partie de son fonds de roulement et de minorer ses emprunts. Ainsi, le point bas de trésorerie s’établirait à -800 millions d’euros le 26 novembre 2014.

Au regard de ces éléments, le présent article propose un plafond de 950 millions d’euros pour 2014, contre 1 450 millions en 2013.

4. La Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines

En 2013, le point bas de trésorerie (– 683 millions d’euros) devrait être atteint mi-décembre, pour un plafond de 950 millions d’euros autorisé en loi de financement.

Pour son financement, la caisse autonome pouvait recourir à des avances de trésorerie de la CDC, mais celle-ci ayant limité son intervention à 650 millions d’euros (prêt court terme de 450 millions d’euros et avances de trésorerie de 200 millions d’euros), l’article 25 du présent projet de loi de financement autorise l’ACOSS, jusqu’en 2017, à prêter à la caisse un montant maximal de 250 millions d’euros.

Pour 2014, les prévisions montrent que le profil de trésorerie continue de se dégrader, avec un point bas qui atteindrait -727 millions d’euros.

Le plafond proposé par le présent article est donc de 900 millions d’euros.

5. La Caisse nationale des industries électriques et gazières

La CNIEG assure à la fois le versement des retraites de base (adossées sur le régime général) et complémentaires (adossées sur l’ARRCO-AGIRC), mais c’est seulement au titre des droits de base que le plafond de ses ressources non permanentes relève du champ de la loi de financement.

Le profil de trésorerie est tributaire du versement trimestriel des pensions de retraite et du transfert mensuel reçu de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). En 2012, il a été décidé de mensualiser le versement de la soulte annuelle due par la CNIEG à la CNAV dans le cadre de l’adossement, ce qui a ainsi permis de réduire de 250 millions d’euros le besoin de trésorerie. Ensuite, le versement des pensions a été mensualisé à compter d’avril 2013. Grâce à cela, le solde moyen de trésorerie a été ramené à -46 millions d’euros du second trimestre à la fin de l’année 2013 (contre -361 millions d’euros au premier trimestre), avec un point bas à -290 millions d’euros (contre -678 millions d’euros au premier trimestre).

Compte tenu de ces éléments, le plafond d’emprunt de la CNIEG est passé de 600 millions d’euros à 400 millions d’euros à compter du 1er avril 2013.

En 2014, le point bas du régime s’établirait, comme pour la deuxième partie de l’exercice 2013, à -290 millions d’euros.

Le plafond de 440 millions d’euros proposé par le présent projet de loi de financement tire les conséquences de la mensualisation des pensions, mais aussi, pour la première fois, de l’intégralité des aléas supportés par le régime : non seulement pour les droits équivalents au régime général, mais aussi pour les droits spécifiques pour lesquels il existe des décalages de trésorerie liés à la contribution tarifaire d’acheminement (CTA), et pour les décalages sur les autres risques et charges du régimes.

6. La Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF

Ce régime, qui bénéficie de l’autonomie de gestion depuis 2008, est structurellement équilibré par une subvention de l’État, d’un montant de près de 3,4 milliards d’euros en 2013. Mais son profil de trésorerie particulier, correspondant au décalage entre le versement des pensions, selon un rythme trimestriel, et l’encaissement des cotisations, selon un rythme mensuel, présente d’importants besoins au début de chaque trimestre, ce qui suppose donc de prévoir une autorisation d’emprunt.

Du fait des tensions sur la trésorerie, à partir de 2012, il a été décidé (19) de verser les pensions de manière fractionnée à raison d’un tiers versé le premier jour ouvré de chaque trimestre, et de deux tiers versés après la date d’encaissement des cotisations, soit après le 5 de chaque début de trimestre.

Ainsi, en 2013 le point bas se situerait à -373 millions d’euros le 30 octobre, le point haut ayant quant à été atteint à 914 millions d’euros le 8 janvier 2013.

Pour 2014, le Gouvernement envisage de prolonger le paiement fractionné. Dans ce cadre, le profil prévisionnel du régime prévoit un point bas à -338 millions d’euros le 3 et 4 janvier 2014. Le présent article propose de fixer le plafond de recours aux ressources non permanentes à 450 millions d’euros (contre 750 millions en 2013).

7. La Caisse de retraite du personnel de la RATP

Adossé au régime général fin 2005, le régime de retraite de la RATP est structurellement équilibré par une subvention de l’État (608 millions d’euros en 2013).

En 2013, le point bas de la trésorerie (– 0,7 million d’euros) aurait été atteint mi-janvier, pour un plafond de 30 millions d’euros fixé en loi de financement.

En 2014, le point bas (+ 1,5 million d’euros) est attendu mi-février, ce qui permet de réduire à 15 millions d’euros le plafond, avec une marge de sécurité.

*

* *

La Commission adopte l’article 26 sans modification.

*

* *

Elle adopte ensuite la troisième partie du projet de loi.

QUATRIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2014

Section 6
Dispositions relatives à la gestion des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement ainsi qu’au contrôle et à la lutte contre la fraude

Article 63
(art. L. 221-1 et L. 767-1 du code de la sécurité sociale)

Recouvrement des dettes et créances européennes et internationales

Le présent article procède au transfert, depuis le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS) vers la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), de la gestion du système de dettes et de créances entre la France et des États étrangers, au titre de la prise en charge de soins de santé des assurés sociaux.

Ce transfert permettra de générer une modeste économie de gestion à terme, en 2015, de l’ordre de 3 millions d’euros.

L’assurance maladie sera donc désormais chargée directement de la gestion des créances relatives à la prise en charge des soins réalisés en France par des ressortissants d’autres États et à la gestion des dettes résultant de la prise en charge des soins effectués à l’étranger pour les personnes relevant du régime d’assurance maladie français.

L’accroissement important de la mobilité des personnes depuis la seconde moitié du vingtième siècle, en particulier au sein de l’Union européenne, a conduit à envisager des outils de coordination entre les législations nationales s’agissant des règles relatives à la délivrance des soins de santé. L’importance des flux touristiques et le développement de la mobilité estudiantine, mais également de la mobilité professionnelle, en particulier au sein de l’Union européenne, ont donné lieu à l’adoption de règlements européens de coordination des systèmes de sécurité sociale, qui ont institué des mécanismes de prise en charge des soins de santé par l’État de séjour temporaire ou de résidence d’une personne comme s’il s’agissait de son propre assuré, alors même que l’intéressé est affilié à l’assurance maladie dans un autre État.

Ces règlements européens, applicables dans l’Espace économique européen (EEE) – dans les 27 États membres, en Islande, au Liechtenstein et en Norvège - et en Suisse, ont ensuite été mis en place par la France avec d’autres États par le biais de la conclusion de conventions bilatérales, qui sont aujourd’hui au nombre d’une trentaine, toutes ne prévoyant néanmoins pas la réciprocité de la prise en charge des soins de santé des ressortissants de chacun des États.

Le système est le suivant : par exemple, dans le cas d’une personne qui serait hospitalisée en Espagne lors d’un séjour touristique, soit l’assuré bénéficie de la dispense d’avance de frais, auquel cas l’assurance maladie française se voit notifier le coût des soins par le régime de sécurité sociale espagnol ayant fait l’avance de frais. Soit l’assuré acquitte ses frais et peut, à son retour en France, en demander le remboursement. Dans ce dernier cas, il s’adressera à sa caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) d’appartenance, et sa demande sera instruite par le centre national des soins à l’étranger (CNSE). Dans le premier cas en revanche, c’est le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS) qui va transmettre à l’assurance maladie française la demande de remboursement formulée par la caisse étrangère.

Inversement, pour les étrangers bénéficiant de la dispense d’avance de frais – en l’occurrence, s’il s’agit de ressortissants communautaires – pour des soins de santé reçus lors de leur séjour en France, la CPAM communiquera au CLEISS le montant des frais avancés, ainsi que le régime étranger devant en supporter le coût, afin que le CLEISS en assure la récupération.

Autrement dit, ces prises en charge croisées créent des créances et des dettes réciproques entre les États, celles-ci ayant tendance à s’accroître régulièrement au fil des années. L’étude d’impact associée au présent projet de loi indique ainsi qu’en 2007, le CLEISS présentait à des organismes étrangers une créance totale de 360 millions d’euros et se voyait notifier 300 millions d’euros de dettes françaises dans la même année. En 2012, le Centre a présenté 1,5 milliard d’euros de créances à des institutions étrangères et s’est vu notifier près de 690 millions d’euros de dettes françaises pour la même année. La Cour des comptes, qui a examiné l’ensemble des aspects internationaux de la sécurité sociale dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2010, explique d’ailleurs que cet écart entre les dettes et les créances était principalement lié à la balance des prestations de soins.

Créé par l’article 39 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, le CLEISS, – qui a succédé au Centre de sécurité sociale des travailleurs migrants (CSSTM), lui-même mis en place en 1958 –, assure aujourd’hui trois missions :

– il gère les dettes et les créances réciproques entre les régimes français et étrangers de sécurité sociale pour le compte de l’assurance maladie ;

– il exerce une fonction d’information et de recueil statistique, d’expertise et de conseil dans le domaine du droit de la sécurité sociale applicable aux travailleurs migrants ;

– enfin il effectue des traductions de correspondances et de documents juridiques, médicaux et administratifs en langues étrangères et en français, principalement à destination des caisses de sécurité sociale.

Dans son rapport déjà cité, la Cour des comptes pointe les insuffisances de ce système de gestion par le Centre, dont le profil ne paraît plus adapté aux volumes de plus en plus importants des dossiers traités, du moins en tant qu’acteur intermédiaire entre les caisses primaires et les régimes d’assurance maladie étrangers. On constate en conséquence une faible performance de gestion, avec des délais de traitement particulièrement longs et un manque de fiabilité des données comptables.

En effet, conformément à un protocole d’accord entre le Centre et la CNAMTS, qui date de 1989, le Centre signale aux caisses les anomalies constatées et les rectifications opérées, sans être réellement en mesure par ailleurs d’opérer un contrôle approfondi des dettes et créances. En particulier, les rejets de créances françaises par les institutions étrangères sont souvent imputables à des erreurs commises initialement par les CPAM (absence d’identification de l’organisme d’affiliation de l’assuré, par exemple).

« Au total », conclut la Cour, « le CLEISS permet aux caisses de se décharger de responsabilités de gestion qui leur incombent, notamment quand il se substitue à elles pour corriger, par des procédures artisanales, les erreurs qu’elles commettent assez systématiquement ». Il s’agit donc aussi de responsabiliser davantage les caisses afin de développer une meilleure connaissance des parcours de soins transfrontaliers et de mieux détecter les éventuels fraudes et abus.

Un rapport conjoint des inspections générales des finances et des affaires sociales de décembre 2012 relatif à l’évaluation du dispositif français de gestion des dettes et créances internationales de l’assurance maladie met également en évidence les dysfonctionnements liés au système de gestion actuel : votre rapporteur n’a malheureusement pas eu communication de ce rapport, dont il a pourtant demandé expressément la transmission au Gouvernement ; il n’a donc pas pu en prendre connaissance.

Pour toutes ces raisons, le présent article propose de transférer à la CNAMTS la gestion du recouvrement des créances européennes et internationales aujourd’hui confiée au CLEISS.

Le du I du présent article complète l’article L. 221-1 du code de la sécurité sociale, relatif au rôle de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), par un 9° qui prévoit de lui confier la mission de procéder au suivi, au recouvrement des créances et au règlement des dettes découlant de l’application de la réglementation communautaire, des accords bilatéraux de sécurité sociale ou des accords conclus avec les collectivités d’outre-mer en matière de sécurité sociale, à l’exclusion des dettes et créances relatives aux prestations de chômage.

Ce rôle lui incombe donc désormais en lieu et place du CLEISS. En conséquence, le du I du présent article complète la première phrase de l’article L. 767-1 qui définit le Centre ainsi que le rôle qui est le sien : celui-ci est ainsi défini comme assurant le rôle d’organisme de liaison entre les institutions de sécurité sociale françaises et les institutions de sécurité sociale étrangères pour l’application des règlements communautaires et des accords internationaux de sécurité sociale. Le texte précise désormais que le Centre joue ce rôle « sous réserve des dispositions prévues au 9° de l’article L. 221-1 », autrement dit du rôle de gestion du recouvrement des dettes et des créances confié à la CNAMTS.

Le II fixe les conditions d’entrée en vigueur de ce transfert, la date devant être fixée par décret, sans pouvoir excéder le 1er janvier 2015. Le texte précise en particulier que ce transfert de gestion s’applique non seulement aux nouvelles dettes et créances nées à partir de cette date, mais aussi aux dettes et créances antérieures et exigibles à la date du 1er janvier 2015. Autrement dit, le CNAMTS se voit confier la gestion du flux comme du stock des dettes à régler et des créances à recouvrer.

Le choix du 1er janvier 2015 s’explique pour plusieurs raisons. En premier lieu, ce transfert suppose le reclassement d’une partie du personnel du CLEISS, correspondant à 40 équivalents temps plein (ETP) ; une réaffectation de ces personnels doit donc pouvoir être envisagée dans de bonnes conditions. En outre, des adaptations du système informatique de la CNAMTS devront intervenir pour adapter en particulier les circuits de traitement des créances. Une mission de préfiguration du transfert doit être instaurée : en fonction de l’état d’avancement des travaux, celui-ci pourrait, le cas échéant, être opéré avant cette date.

Ce transfert a pour objectif d’améliorer les modalités de recouvrement des créances vis-à-vis des autres États :

– en réduisant les délais de traitement, des dettes bien sûr, mais également des créances, et cela, afin d’éviter les cas de prescriptions de créances ;

– et en diminuant le montant des créances contestées, grâce à la mobilisation des outils informatiques de la Caisse et de ses outils de contrôle interne.

Au total, ce transfert renforce la fiabilité des comptes de la branche maladie, en permettant, comme l’indique l’étude d’impact, une meilleure évaluation des consommations de soins pris en charge et des provisions pour charges de remboursement de soins à l’étranger.

*

* *

La Commission adopte l’article 63 sans modification.

Article 64
(art. L. 222-14, L. 723-43, L. 725-1, L. 725-1, L. 725-4, L. 725-7, L. 725-8, L. 725-12, L. 725-23, L. 725-25, L. 726-2, L. 726-3, L. 731-10, L. 731-30, L. 731-31 à L. 731-34, L. 731-35-1, L. 732-6-1, L. 732-7, L. 752-4, L. 752-12, L. 752-13, L. 752-14, L. 752-15, L. 752-17, L. 752-20, L. 752-23, L. 752-25, L. 752-26, L. 752-29, L. 762-15, L. 762-25 du code rural et de la pêche maritime)

Unification de la gestion des prestations maladie et accidents du travail des exploitants agricoles

À l’instar du régime général, les salariés du régime agricole bénéficient d’une couverture de base du risque santé et d’une couverture du risque accidents du travail – maladies professionnelles relevant de la mutualité sociale agricole (MSA).

En revanche, les non-salariés d’une exploitation ou d’une entreprise agricole, s’ils doivent bien être couverts par un organisme d’assurance maladie et par un organisme d’assurance contre les accidents du travail, peuvent opter soit pour la couverture proposée par la MSA, soit pour celle d’un assureur habilité.

Cette faculté de choix a été instaurée par la loi du 27 janvier 1961, qui a institué l’assurance maladie des exploitants agricoles (AMEXA) (20), et la loi du 30 novembre 2001, qui a instauré l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles des exploitants agricoles (ATEXA) (21). Elle figure aujourd’hui aux articles L. 731-30 et L. 752-13 du code rural et de la pêche maritime. Elle n’existe pas dans le régime local d’Alsace-Moselle et est limitée, dans les départements d’outre-mer, à l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Les assureurs privés peuvent être des sociétés ou des caisses d’assurances, ou encore des sociétés de mutuelles agricoles. Ils disposent des mêmes compétences que la MSA en matière de perception des cotisations, de versement des prestations et de prévention des accidents du travail. Ils exercent sur autorisation délivrée par le ministre chargé de l’agriculture et sont rassemblés au niveau national dans deux groupements d’assureurs : le groupement des assureurs maladie (GAMEX) et l’association des assureurs accidents du travail (AAEXA), tous deux réunis au sein de la réunion de sociétés d’assurances Apria R.S.A, une association de gestion des régimes de santé (22).

La faculté de recours à des acteurs privés n’exonère pas la MSA d’obligations de contrôle. L’article L. 732-32 du code rural et de la pêche maritime dispose en effet que « l’unité du régime d’assurance maladie obligatoire est réalisée par la mutualité sociale agricole ». Elle doit ainsi effectuer les contrôles qui s’y rattachent et centraliser toutes les informations nécessaires au fonctionnement de l’AMEXA. Des responsabilités similaires incombent à la MSA en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

En vertu de l’article L. 752-12 du même code, la CCMSA s’assure à la fois de la bonne immatriculation des assurés relevant des autres organismes assureurs et du respect de l’obligation d’assurance. Elle réalise les contrôles médicaux et coordonne les actions de prévention, classifie les exploitations et entreprises agricoles en fonction de leur catégorie de risque, s’assure de l’équilibre financier du régime et centralise les informations nécessaires au fonctionnement de l’ATEXA afin de les communiquer au ministre de l’agriculture.

Le contrôle du respect de l’obligation d’assurance des non-salariés agricoles

Les organismes d’assurance autres que la MSA doivent lui transmettre un certain nombre d’informations dont les bulletins de nouvelles adhésions qu’ils reçoivent.

Les caisses de la MSA peuvent ainsi vérifier que tous les non-salariés soumis à l’obligation d’assurance sont effectivement affiliés à un organisme.

En cas de non-respect de cette obligation, les caisses de MSA adressent une lettre amiable au chef d’exploitation ou d’entreprise l’invitant à souscrire une assurance maladie et/ou accidents du travail auprès d’un organisme assureur agréé : la MSA ou un assureur privé. Une mise en demeure est envoyée en l’absence de mise en conformité sous trente jours.

À défaut de d’affiliation dans un délai supplémentaire d’un mois, la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) est saisie et procède à l’affiliation d’office.

La répartition des affiliations d’office entre les différents organismes assureurs se fait au prorata des effectifs de chacun d’entre eux dans le département.

2. La gestion par la MSA de l’ensemble des régimes de base maladie et AT-MP : une source d’économies et d’amélioration du service

Tant la Cour des comptes, dans ses rapports sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2006 et de septembre 2007, que l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’inspection générale des finances (IGF), dans le cadre d’une mission conjointe de modernisation de l’action publique, ont mis en évidence les faiblesses de ce système de gestion fragmenté.

● Un contrôle défaillant

La pluralité des organismes gestionnaires des branches maladie et AT-MP du régime des non-salariés agricoles est à l’origine de carences dans le contrôle de leurs actes. D’après la Cour des comptes, les groupements d’assureurs privés ne disposent pas des moyens adaptés pour contrôler efficacement les opérations effectuées par leurs membres. En outre, la MSA peut difficilement contribuer à ces missions de contrôle en raison de son positionnement comme concurrent de ces organismes.

La caisse centrale de MSA n’est donc pas en mesure de vérifier de manière satisfaisante la qualité des opérations du GAMEX et de l’AAEXA qu’elle intègre pourtant dans ses comptes.

● Des coûts de gestion accrus

La gestion du risque pour les branches maladie et accidents du travail par les groupements d’assureurs privés n’apparaît pas satisfaisante. La séparation entre les fichiers de liquidation, détenus par les organismes privés d’assurance, et le contrôle médical, exercé par les caisses de MSA empêche de conduire des actions individuelles ciblées de contrôle médicalisé.

La pluralité de gestionnaires des branches maladie et accidents du travail du régime des non-salariés agricoles démultiplie les coûts de fonctionnement. La MSA est ainsi privée de 7 % des assurés de la branche maladie et de 50 % des assurés de la branche accidents du travail : elle doit amortir ses coûts fixes sur un effectif d’assurés plus étroit.

En outre, les organismes privés d’assurance sont confrontés à des difficultés importantes pour équilibrer la gestion de ces risques et connaissent régulièrement des déficits de gestion, malgré les financements qu’ils perçoivent de la MSA.

● Une liberté de choix limitée

L’éclatement du système de gestion des branches AT-MP et maladie peut enfin limiter la liberté de choix des non-salariés agricoles. Pour les assurés affiliés à un assureur privé, la liberté de choix de la complémentaire santé est souvent plus restreinte : les exploitants bénéficient rarement de la transmission automatique par l’assureur obligatoire du décompte à leur organisme complémentaire lorsqu’il s’agit d’entités distinctes, ce qui les dissuade de recourir à un assureur complémentaire différent du gestionnaire du régime obligatoire.

Le présent article tire les conséquences de ces constats et mène à son terme l’unification des risques maladie et AT-MP de l’ensemble des assurés du régime agricole au sein de la MSA.

● Une unification de la gestion porteuse d’économies pour le régime agricole

Selon l’étude d’impact jointe au présent article, le choix de la MSA comme gestionnaire unique devrait permettre de réduire dès 2015 les frais de gestion du régime des non-salariés agricoles de 22,8 millions d’euros par an.

En effet, la reprise par les caisses de MSA des activités des assureurs privés en matière de protection sociale obligatoire des non-salariés agricoles ne représente qu’une charge marginale qui ne mobilisera pas de moyens supplémentaires. Elle permettra de supprimer des dotations actuellement versées par la MSA au GAMEX et à l’AAEXA soit 14,2 millions d’euros d’économies annuelles pour la branche maladie et 8,6 millions d’euros pour la branche AT-MP.

À court terme, l’économie serait atténuée par les coûts de transferts liés à la procédure d’indemnisation des groupements d’assureurs privés. D’après les informations fournies à votre rapporteur, la suppression de la délégation de gestion ne donnera pas lieu à indemnisation du préjudice, mais les droits et obligations des assureurs seront indemnisés. Le montant de ces coûts de transfert n’est pas évalué dans l’étude d’impact jointe au projet de loi de financement.

En conséquence, le 13° du I du présent article confie la gestion de l’assurance maladie, invalidité et maternité des non-salariés agricoles à la MSA et le 20° du I lui transfère la compétence en matière d’assurance AT-MP obligatoire pour les non-salariés agricoles.

Votre rapporteur se félicite de cette mesure qui s’inscrit pleinement dans les objectifs d’efficience assignés par le Gouvernement aux différentes caisses de sécurité sociale dans le cadre des conventions d’objectifs et de gestion.

Certaines modifications du code rural et de la pêche maritime introduites par le présent projet de loi appellent des précisions.

Le 10° du I prévoit la suppression du fonds social de l’assurance maladie des exploitants agricoles (FAMEXA), qui assure des prestations extra-légales dans le domaine de la santé pour les non-salariés agricoles. Le FAMEXA est administré conjointement par la MSA et le GAMEX qui participent tous deux à son abondement. Il apparait donc comme une composante spécifique du fonds national d’action sanitaire et sociale (FNASS) de la MSA. Son identification au sein du FNASS deviendra inutile dès lors que la MSA sera seule gestionnaire de l’assurance maladie des exploitants agricoles. Le budget du FAMEXA (6 millions d’euros) se confondra alors avec celui du FNASS.

Le 19° du I redéfinit le rôle des organismes de mutualité sociale agricole en matière d’assurance AT-MP. Il supprime toutes les missions relevant de la cohésion du régime existant.

Les 13°, 20° et 26° du I modifient la procédure d’ « affiliation d’office » des non-salariés agricoles à un organisme d’assurance. Renommée « procédure d’affiliation », elle relève désormais de la seule MSA.

Le 29° du I modifie l’article L. 762-15 du code de l’agriculture et de la pêche maritime afin de rendre la réforme applicable dans les départements d’outre-mer.

Les autres dispositions du I sont de coordination ou abrogent les articles du code rural et de la pêche maritime devenus sans objet.

Le II du présent article fixe l’entrée en vigueur de ces dispositions au 1er janvier 2014.

Le III définit les modalités de transition. Les organismes d’assurance autres que la MSA continueront de verser les prestations jusqu’à une date fixée par décret qui peut être différente pour chaque branche mais doit être comprise entre le 30 juin et le 31 décembre 2014. Cependant, les indemnités journalières versées au titre de l’assurance maladie des non-salariés agricoles, instituées par la loi de financement pour 2013 seront versées par les caisses de mutualité sociale agricole dès le 1er janvier 2014, date de leur entrée en vigueur.

Le III pose également le principe de l’indemnisation des groupements d’assureurs privés après établissement du préjudice au terme d’une procédure contradictoire. Un décret simple déterminera le montant et les conditions de l’indemnisation.

Le IV du présent article organise la reprise par les caisses de la MSA des contrats de travail des salariés des assureurs privés affectés à la gestion de l’AMEXA et de l’ATEXA. Ces coûts salariaux supplémentaires diminueront à court terme les économies de gestion générées par la réforme.

Le V prévoit qu’un décret fixera les modalités d’application des dispositifs de transition et de transferts prévus aux III et IV du présent article.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement AS78 de M. Jean-Pierre Door, tendant à la suppression de l’article.

Mme Bérengère Poletti. L’article 64 prévoit de confier à la Mutualité sociale agricole (MSA) la totalité de la gestion des branches maladie – AMEXA – et accidents du travail – ATEXA – des exploitants agricoles. Cette mesure n’est ni justifiée dans son principe, ni fondée sur une analyse démontrant son utilité générale. L’organisation de ces deux régimes agricoles ne peut être rayée d’un trait. De plus, les références citées dans l’exposé des motifs de l’article sont inexactes.

M. Gérard Bapt, rapporteur pour les recettes et l’équilibre général. Je m’étonne de cet amendement, car cette mesure était déjà souhaitée par la MSA l’an dernier.

Mme Bérengère Poletti. Pas par tous les agriculteurs !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 64 sans modification.

Article 65
(art. L. 8222-6 du code du travail)

Exemplarité des donneurs d’ordre publics

Le présent article vise à renforcer la responsabilité des donneurs d’ordre publics dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, en mettant fin au mécanisme actuel qui contribue à atténuer le principe de solidarité financière entre les donneurs d’ordre et leurs sous-traitants. Ce principe permet en effet d’améliorer le recouvrement des cotisations ou pénalités dues en cas de travail dissimulé, en substituant au redevable du redressement son donneur d’ordre, lorsque le sous-traitant en question a disparu ou n’est pas solvable.

Cette mesure s’inscrit pleinement dans l’objectif de renforcement de la lutte contre la fraude, par l’amélioration des outils de lutte contre le travail dissimulé.

a) Le principe de droit commun

Dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé, un dispositif spécifique existe, qui régit les relations entre les donneurs d’ordre ou maître d’ouvrage et leurs sous-traitants : ce dispositif est codifié aux articles L. 8222-1 à L. 8222-7 du code du travail ; il se traduit par le principe de la « solidarité financière », qui peut conduire le donneur d’ordre à payer les cotisations sociales dues par son sous-traitant en cas de redressement et dans l’hypothèse où ce dernier ne s’en acquitterait pas.

L’article L. 8222-1 pose l’obligation, pour le donneur d’ordre, de vérifier que son sous-traitant est à jour de la déclaration et du paiement de ses cotisations sociales et qu’il a bien déclaré un nombre de salariés qui n’est pas manifestement incohérent avec l’ampleur des travaux demandés. Il s’agit d’une part de la vérification de la non-dissimulation d’activité (article L. 8221-3) et d’autre part de la vérification de la non-dissimulation d’emploi (article L. 8221-5).

Cette vérification s’effectue de manière dématérialisée par la transmission par le sous-traitant d’une attestation qui lui est remise par l’URSSAF.

En l’absence de vérification, la responsabilité du donneur d’ordre peut être engagée, selon le principe de la « solidarité financière » posé par l’article L. 8222-2. Il peut ainsi être tenu solidairement :

– au paiement des cotisations sociales, ainsi que des impôts, des pénalités et majorations éventuelles dus par le sous-traitant au Trésor public et aux URSSAF ;

– au remboursement des aides publiques dont a bénéficié le sous-traitant ;

– ainsi qu’au paiement des salaires et indemnités éventuellement dus en cas de dissimulation d’emploi par le sous-traitant.

En outre, la solidarité financière du donneur d’ordre peut également être engagée en cas de manquement à l’obligation de diligence, prévue à l’article L. 8222-5. Il s’agit de l’obligation pour un donneur qui aurait été informé par écrit par un agent de contrôle, un syndicat, une association professionnelle ou une institution représentative du personnel, de l’intervention d’un sous-traitant en situation irrégulière, d’enjoindre aussitôt à son cocontractant de faire cesser sans délai cette situation.

Le principe de « solidarité financière » s’applique également aux donneurs d’ordre publics, mais se décline de manière toutefois spécifique.

En effet, depuis la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, dans le domaine public, tout contrat écrit
– autrement dit, tout contrat de plus de 15 000 euros – conclu par une personne morale de droit public doit comporter une clause stipulant que des pénalités peuvent être infligées au cocontractant si ce dernier ne respecte pas ses obligations déclaratives s’agissant de son activité comme des conditions d’emploi de ses salariés. Le montant des pénalités prévues au contrat est plafonné à 10 % du montant du contrat, sans pouvoir excéder le montant des amendes encourues pour les faits incriminés. Ce mécanisme de pénalités est prévu au premier alinéa de l’article L. 8222-6.

Les donneurs d’ordre publics sont également soumis à une obligation de diligence, le même article prévoyant qu’en cas d’information par écrit par un agent de contrôle de la situation irrégulière de son cocontractant, le donneur d’ordre public est tenu d’enjoindre aussitôt au sous-traitant de faire cesser cette situation. Le texte aménage toutefois un délai afin de régulariser la situation du sous-traitant, délai qui n’existe pas dans le cadre des contrats de droit privé : celui-ci est fixé à quinze jours par l’article R. 8222-3. Autrement dit, le cocontractant dispose de quinze jours pour apporter au donneur d’ordre la preuve qu’il a mis fin à la situation délictuelle. Le donneur d’ordre doit, quant à lui, informer sans délai l’agent de contrôle de la réponse ou de l’absence de réponse de son sous-traitant. Dans l’hypothèse d’une absence de corrections des irrégularités, le donneur d’ordre peut procéder à l’application des pénalités prévues au contrat ou rompre celui-ci, sans indemnités, aux frais et risques de l’entrepreneur.

La responsabilité solidaire du donneur d’ordre public est déclenchée dans le cas où celui-ci ne respecterait pas son obligation de diligence, qui se traduit de trois manières : par son obligation de mettre en demeure son cocontractant de régulariser sa situation lorsqu’il est informé de l’existence d’un irrégularité au regard du travail dissimulé ; par son obligation, ensuite, d’informer l’agent de contrôle de la réponse ou de l’absence de réponse du sous-traitant à son injonction ; enfin, par son obligation d’informer, le cas échéant, l’agent de contrôle en cas de non régularisation de la situation au-delà du délai de quinze jours.

Le mécanisme de la clause pénale en cas de travail dissimulé prévue dans le cadre des contrats de droit public conduit en réalité à une insuffisante responsabilisation des donneurs d’ordre publics.

En effet, bien que cela ne soit pas l’esprit de la loi, le dispositif laisse entendre qu’à partir du moment où le sous-traitant s’acquitte de la pénalité au bénéfice du donneur d’ordre, la situation délictuelle peut perdurer : certes, la procédure de redressement doit logiquement se poursuivre. Toutefois, la rédaction actuelle n’est pas satisfaisante, dans la mesure où elle prévoit que dans le cas où la situation irrégulière se poursuit, le donneur d’ordre public a simplement la « possibilité » d’appliquer la clause pénale ou de rompre le contrat, sa seule obligation étant d’informer l’agent de contrôle de ce que la situation délictuelle n’est pas réglée.

En outre, si les donneurs d’ordre public sont également soumis au principe de la solidarité financière avec leurs sous-traitants, le fait qu’ils puissent tirer un gain de l’existence d’une situation de travail dissimulé à travers l’application des pénalités est clairement contraire à l’objectif de lutte contre le travail dissimulé.

Ce système se révèle également très pénalisant pour le sous-traitant en situation délictuelle : en effet, celui-ci peut ainsi être amené à devoir régulariser sa situation, en acquittant des cotisations sociales tout en devant payer des pénalités à son donneur d’ordre.

Enfin, en termes de contentieux, il occasionne un enchevêtrement très complexe des compétences respectives des juridictions : si le contentieux relatif au travail dissimulé relève du juge civil et pénal, le contentieux relatif à la pénalité contractuelle relève du juge administratif.

Pour toutes ces raisons, il est proposé de revenir sur le mécanisme actuel de la solidarité financière du donneur d’ordre public, en supprimant la clause pénale contractuelle prévue dans les marchés publics, afin de responsabiliser davantage les donneurs d’ordre publics.

Le présent article procède à la refonte de l’article L. 8222-6 du code du travail, qui concerne la responsabilité solidaire des donneurs d’ordre publics.

Il prévoit en premier lieu de supprimer l’actuelle clause pénale prévue dans tout contrat de droit public portant sur un marché supérieur à 15 000 euros.

Formellement, il substitue à la rédaction actuelle de l’article quatre alinéas.

Le premier alinéa de la nouvelle rédaction proposée porte sur l’obligation de diligence qui incombe au donneur d’ordre : dès lors que celui-ci est informé de la situation irrégulière au regard du travail dissimulé qui caractérise son sous-traitant, il est tenu de mettre en demeure son sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation. Cette obligation de mise en demeure existe déjà ; il est simplement proposé d’aligner celle-ci sur l’obligation de diligence de droit commun prévue à l’article L. 8222-5 : autrement dit, le cocontractant est enjoint de faire cesser « sans délai » cette situation délictuelle.

Le deuxième alinéa de la nouvelle rédaction aménage un délai de deux mois pour permettre à l’entreprise concernée d’apporter la preuve de la régularisation de situation. Ce n’est qu’au terme de ce délai que le donneur d’ordre, en l’absence de preuve, peut procéder à la rupture unilatérale du contrat, sans indemnités, aux frais et risques de l’entrepreneur. On remarquera que le délai actuel de régularisation est fixé à seulement quinze jours.

Le troisième alinéa de la nouvelle rédaction confirme l’obligation pesant sur le donneur d’ordre d’informer l’agent auteur du signalement des suites données à sa mise en demeure.

Enfin, le quatrième alinéa pose le principe de la responsabilité solidaire du donneur d’ordre public, en cas de non-respect de son obligation de diligence, autrement dit, dans le cas où il ne remplirait pas son obligation d’injonction et son obligation d’information de l’agent de contrôle des suites données à celle-ci par son cocontractant.

L’impact financier de cette mesure est difficile à chiffrer, comme c’est souvent le cas s’agissant des mesures d’amélioration de la lutte contre la fraude. Votre rapporteur se permet donc de prendre avec précaution l’estimation avancée dans l’étude d’impact, qui se fonde sur les redressements effectués en 2012 par les URSSAF au titre de l’engagement de la responsabilité financière des donneurs d’ordre, pour un montant de 13 millions d’euros : en effet, ces redressements ont quasi exclusivement porté sur des personnes privées. Il semble donc difficile d’extrapoler cette estimation en postulant qu’elle sera du même ordre s’agissant de la responsabilité des donneurs d’ordre publics.

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La Commission adopte l’article 65 sans modification.

Article 66
(art. L. 751-37 du code rural et de la pêche maritime ; art. L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale)

Renforcement des compétences des caisses du régime agricole en matière de fraude aux AT-MP et de travail dissimulé

Si les obligations de déclaration de l’accident du travail par l’employeur agricole sont alignées sur le droit commun (cf. encadré ci-après), la Mutualité sociale agricole (MSA) dispose d’instruments de répression relativement restreints en cas d’absence de déclaration ou de fausse déclaration, contrairement aux organismes relevant du régime général.

En effet, l’article L. 751-36 du code rural et de la pêche maritime prévoit seulement que la MSA peut réclamer le remboursement de toutes les dépenses engagées au titre d’un accident du travail non déclaré ou pour lequel aucune feuille d’accident n’a été remise à la victime. En outre ce remboursement ne peut pas dépasser un montant fixé par décret.

En revanche un véritable dispositif de sanction à la non déclaration d’un accident du travail a été institué dans le régime général. En cas de non-respect par un employeur agricole de ses obligations relatives à la déclaration, les directeurs des caisses d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) peuvent infliger des pénalités financières aux employeurs en vertu de l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. L’article 92 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 et son décret d’application du 3 janvier 2013 ont étendu ces pénalités aux fausses déclarations ayant pour effet de minorer le montant des cotisations dues par l’employeur. Ces pénalités sont sans préjudice de l’éventuelle demande de remboursement des prestations versées.

Des obligations de déclaration de l’accident du travail alignées sur le droit commun

L’employeur agricole doit effectuer les mêmes démarches qu’un employeur relevant du régime général lorsque l’un de ses salariés est victime d’un accident du travail. Les obligations fixées à l’article L. 751-26 du code rural et de la pêche maritime pour les employeurs agricoles sont comparables à celles qui figurent aux articles L. 441-2, L. 441-4 et L. 441-5 du code de la sécurité sociale pour les employeurs du régime général.

Il doit envoyer dans les 48 heures une déclaration d’accident du travail ainsi qu’une attestation de salaire à la MSA. L’employeur est également tenu de remettre à la victime une feuille d’accident précisant la caisse de MSA chargée de verser les prestations à la victime.

Par dérogation, un employeur peut être autorisé à ne pas déclarer à la MSA les accidents du travail n’entraînant ni soins médicaux, ni arrêt de travail. Ces accidents « bénins » doivent alors être répertoriés sur un registre communiqué chaque fin d’année civile à la MSA.

Lorsque l’employeur n’effectue pas ces démarches, la victime ou ses représentants peuvent déclarer l’accident du travail à la MSA dans un délai de deux ans à compter de sa survenue.

En outre, dans le régime général, la lutte contre le travail illégal concerne à la fois l’emploi irrégulier de travailleurs étrangers et le travail dissimulé. En vertu de l’article 36 de la loi du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, les frais supportés par les caisses peuvent être mis à la charge de l’employeur de travailleurs étrangers en situation irrégulière. Cette sanction a été étendue au travail dissimulé par la loi de financement pour 2011. Des pénalités financières peuvent en outre être prononcées à l’encontre de l’employeur.

Dans le régime agricole, l’article L. 751-37 du code rural et de la pêche maritime prévoit que la MSA peut demander à l’employeur le remboursement des prestations versées suite à un accident du travail des travailleurs étrangers en situation irrégulière mais ne s’applique pas aux cas de travail dissimulé. Et ce remboursement ne peut pas excéder un quart du salaire annuel minimum annuel en vigueur le jour de l’accident, en vertu de l’article D. 751-140 du code rural et de la pêche maritime.

Le I du présent article modifie l’article L. 751-37 du code rural et de la pêche maritime afin de permettre à la MSA de demander à l’employeur le remboursement des prestations versées à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle dans les situations de travail dissimulé. Les caisses de MSA pourront également prononcer des pénalités financières à l’encontre des employeurs de travailleurs étrangers en situation irrégulière tout comme dans les cas de travail dissimulé.

Le II modifie l’article L. 161-1-14 du code de la sécurité sociale pour étendre aux gestionnaires de la branche AT-MP du régime agricole la possibilité d’infliger des pénalités financières aux employeurs ne respectant pas leurs obligations en matière de déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

Le 1° du II précise les compétences du directeur de l’organisme de protection sociale agricole et de la commission constituée au sein de celui-ci en matière de pénalités financières. Le 4° permet aux directeurs des organismes locaux de protection sociale agricole de prononcer les pénalités financières sans saisir la commission pour avis, dans les situations définies par voie réglementaire.

Le 2° et le 3e du II facilitent la coordination entre organismes de sécurité sociale souhaitant partager leurs compétences de sanction en autorisant des délégations de compétence pour instruire la procédure de pénalité.

Ces différentes mesures devraient améliorer le taux de déclaration des accidents du travail agricole et diminuer le recours au travail dissimulé. L’élargissement de la palette des sanctions pouvant être prononcées par la MSA contre les employeurs ne respectant pas leurs obligations sociales devrait permettre d’améliorer la garantie sociale des risques des salariés agricoles.

Ces mesures permettront en outre de lutter contre les fausses déclarations effectuées à des fins d’optimisation sociale : les représentants de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole ont ainsi signalé à votre rapporteur la pratique de certains employeurs consistant à déclarer un sinistre dans un établissement relevant de la tarification collective alors que, dans les faits, il a eu lieu dans un établissement relevant de la tarification individuelle ou mixte. Cette pratique vise à éviter le supplément de cotisation établi en fonction du risque propre à l’établissement. Si elle est sans incidence sur le niveau de l’indemnisation versée à la victime, elle réduit d’autant les recettes de la MSA.

Les caisses ne devraient pas supporter de frais de gestion supplémentaires puisque le présent article leur accorde des instruments nouveaux pour exercer plus efficacement des missions préexistantes. Un accroissement des recettes de la branche AT-MP du régime agricole peut par ailleurs être attendu mais l’impact est difficile à évaluer à ce stade.

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La Commission adopte l’article 66 sans modification.

Article 67
(art. L. 351-2-1 du code de la construction et de l’habitation, art. L. 542-2 et L. 831-1 du Code de la sécurité sociale)

Perception frauduleuse d’aides au logement via des sociétés écrans

Le présent article vise à mieux lutter contre la perception frauduleuse d’aides au logement, en interdisant le recours à une société de personnes pour bénéficier des allocations malgré des liens de parenté entre le locataire et le propriétaire.

Les aides au logement ont pour objet de compenser la dépense de logement, compte tenu de la zone de résidence, de la situation familiale et des ressources du bénéficiaire (loyer ou mensualité de prêt en cas d’accession à la propriété). Instruments de la politique du logement, agissant sur la demande en complément d’une politique de l’offre fondée sur les aides à la pierre, ces aides poursuivent également un objectif de justice sociale, en permettant aux familles les plus modestes de se maintenir dans un logement décent. De fait, selon un rapport publié par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 2012, les aides au logement constituent la prestation sociale la plus importante en direction des ménages modestes.

Ces prestations concernent 6,3 millions de personnes, et représentent un montant total de 15,928 milliards d’euros – soit un montant mensuel moyen de 212 euros.

Elles regroupent trois prestations non cumulables, ouvertes sous conditions de ressources à toute personne de nationalité française ou résidant en France de façon régulière : l’aide personnalisée au logement (APL), l’allocation de logement familiale (ALF) et l’allocation de logement sociale (ALS). Leur degré de priorité est croissant.

La solidarité entre ascendants et descendants, qui trouve son fondement dans le code civil, notamment dans le principe d’obligation alimentaire, a conduit le législateur à écarter le bénéfice de l’allocation de logement dans ce cas. En effet, le droit aux aides au logement est impérativement lié au paiement effectif d’un loyer. Or, en l’absence de garantie de l’affectation de la prestation au paiement du loyer en contrôlant la réalité de celui-ci, le versement des aides au logement à des personnes hébergées dans les logements appartenant à des proches parents, ne pourrait qu’encourager la multiplication de déclarations de complaisance faisant état de loyers fictifs.

La loi de finance rectificative du 30 décembre 1999 dispose ainsi que les aides au logement ne peuvent plus bénéficier « aux personnes qui sont locataires d’un logement appartenant à l’un de leurs ascendants ou descendants, ou ceux de leur conjoint ou concubin ou de toute personne liée à elles par un contrat conclu en application de l’article 515-1 du code civil ».

Dans le cas de constitution d’une société de personnes dont les parts ou les actions sont détenues par de proches parents, l’allocation de logement est versée car la société constitue une personne morale distincte des personnes qui la composent, et fait ainsi écran entre le locataire et le propriétaire.

Cette possibilité de contournement du dispositif d’exclusion n’avait pas échappé au législateur en 1999 ; il avait toutefois été jugé que, les loyers provenant de la location devant être inscrits dans les comptes de la société, et étant ensuite pris en compte pour son imposition, les risques de déclarations de complaisance se trouvaient limités.

Cette appréciation, et l’impossibilité où elle se trouvait de procéder à des vérifications, a conduit la CNAF à admettre explicitement, dans la circulaire n° 2004-112 du 7 septembre 2004, une telle possibilité. 

Par ailleurs, selon cette même circulaire, l’exclusion du bénéfice des allocations ne s’applique pas non plus lorsque le logement appartient en indivision à un ascendant ou un descendant et à d’autres personnes que l’ascendant ou le descendant.

Quelles qu’en puissent être les justifications pratiques, il s’agit là d’un vide juridique contraire à l’esprit de la loi, qui est de réserver l’aide au logement aux personnes privées de toute aide familiale en la matière – aussi minime soit-elle.

Le présent article vise à interdire le bénéfice des aides au logement aux personnes locataires d’un bien appartenant à des membres de leur famille par l’intermédiaire d’une société de personnes ou d’une indivision.

Le I, le du II et le du II modifient en ce sens le dernier alinéa de chacun des trois articles précités, qui vise les cas d’exclusion du dispositif. Ne sont plus seulement concernés les locataires dont le logement est la propriété d’un membre de leur famille, mais aussi ceux dont le logement est la propriété d’une société de personnes dans laquelle un membre de leur famille détient des parts sociales significatives ; en outre, la jouissance de l’usufruit de la propriété par un parent suffit à fermer l’accès aux aides, ce qui interdit le recours à l’indivision.

Selon l’étude d’impact, un décret d’application précisera le pourcentage de participation en deçà duquel le versement des prestations sera ouvert aux allocataires. Il ne pourra excéder 1/50ème pour la prise en compte de la part de propriété, et 50 % pour la prise en compte de la part dans les sociétés de personnes. Il s’agit en effet d’éviter de léser les allocataires dont une part de leur patrimoine, ou celui de leur famille, a été placée via des participations minoritaires dans ce type de sociétés au sein desquelles ils pourraient avoir l’occasion de trouver un logement, sans que leur position d’actionnaire n’influe sur la réalité de leur relation bailleur/locataire.

Votre rapporteur remarque cependant que tous les types de sociétés de personnes n’entrent pas dans le champ de cette interdiction nouvelle. Ne sont en effet intégrées que les sociétés de personnes telles que définies au 1° de l’article 8 du code général des impôts. Celui-ci exclut tout d’abord les sociétés ayant opté pour l’impôt sur les sociétés (IS). Il exclut ensuite les sociétés réalisant des bénéfices, telles que définies à l’article 34 du code général des impôts.

Enfin, la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) avait recommandé de préciser que l’exclusion ne concernait pas uniquement les personnes jouissant directement de l’usufruit, de la propriété, ou détentrices de parts dans une société de personnes, mais aussi celles qui en jouissent indirectement, afin d’éviter les montages juridiques à plusieurs niveaux faisant écran entre le locataire et le propriétaire.

Notons enfin que les formulaires de demande d’aide au logement devront être modifiés afin d’intégrer les éléments relatifs à l’identité et à la forme juridique éventuelle du propriétaire du logement et de permettre aux CAF de détecter les fraudes potentielles.

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La Commission adopte l’article 67 sans modification.

Article 68
(art. L. 312-2 et 441-6 du code pénal, art. L. 114-13, L. 162-36, L. 382-29, L. 481-2, L. 593-3, L. 623-1, L. 821-5 et L. 831-7 du code de la sécurité sociale, art. L. 351-12 et L. 351-13 du code de la construction et de l’habitation, art. L. 751-40 et L. 752-28 du code rural et de la pêche maritime, art. L. 232-27 et L. 262-50 du code de l’action sociale et des familles, art. L. 5124-1, L. 5429-1, L. 5413-1 et L. 5429-3 du code du travail)

Harmonisation des sanctions en matière de fraude aux prestations sociales

Le présent article vise à assurer la cohérence et la bonne harmonisation des dispositions précisant les sanctions encourues en matière de fraude aux prestations sociales, en révisant l’ensemble du dispositif de sanctions régi par 31 textes législatifs répartis dans 6 codes différents et deux ordonnances relatives à Mayotte.

Dans un effort de simplification et d’harmonisation, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 du 19 décembre 2005 a procédé à une redéfinition de la fraude et des sanctions qui lui sont appliquées, considérées alors comme trop peu lisibles, mal proportionnées, et réparties de façon peu visible dans de trop nombreux codes.

Un article L. 114-13 a ainsi été créé dans le code de la sécurité sociale, qui définit la fraude et prévoit une sanction de 5 000 euros, sans préjudice de peines résultant de l’application d’autres lois. Ce nouvel article – et l’abrogation de divers articles prévoyant des amendes d’un montant différent – devait permettre d’unifier le régime de sanctions pour fraude aux prestations sociales.

Cette unification n’a cependant pas été concluante. Si les dispositions de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006, qui sortaient le revenu minimum d’insertion (RMI) et l’allocation de parent isolé (API) du cadre de l’article L. 114-13, ont été abrogées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, deux ordonnances de 2007 prévoient par exemple dans le code du travail des amendes différentes de celle du régime commun pour des fraudes particulières (articles L. 5413-1 et L. 5429-3).

Surtout, aux termes de l’article L. 135-1 du code de l’action sociale et des familles, créé par une ordonnance du 1er décembre 2005, la fraude est punie des sanctions prévues aux articles du code pénal visant l’escroquerie (articles 331-1, 331-7 et 331-8). Deux dispositions législatives sanctionnent ainsi différemment des faits qualifiés par la loi de façon identique. C’est ce que le Conseil constitutionnel a sanctionné dans sa décision n° 2013-328 du 28 juin 2013, en censurant l’article L. 135-1 du code de l’action sociale et des familles, au motif que « la loi pénale ne saurait, pour une même infraction, instituer des peines de nature différente, sauf à ce que cette différence soit justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi ».

Compte tenu de cette décision et des déficiences de l’harmonisation menée en 2005, il apparaît nécessaire d’assurer la cohérence des dispositions qui précisent les sanctions encourues en matière de fraude aux prestations sociales et de veiller à leur bonne harmonisation.

Le présent article vise à organiser le dispositif des sanctions prévues en cas de fraudes aux prestations sociales autour des articles L. 313-2 et L. 441-6 du code pénal, qui visent respectivement les cas d’escroquerie (définie à l’article L. 313-1 du même code) entraînant une majoration des sanctions, et l’obtention frauduleuse de documents destinés à constater un droit, une identité ou une qualité ou à accorder une autorisation.

Le du I ajoute ainsi à l’article L. 313-2 du code pénal un cinquième alinéa prévoyant que la majoration des sanctions pour escroquerie à 750 000 euros d’amende et sept ans d’emprisonnement s’applique aux escroqueries aux prestations sociales.

Le du I complète quant à lui le deuxième alinéa de l’article 441-6, afin que la sanction de 30 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement puisse s’appliquer à l’ensemble des fraudes non qualifiées d’escroquerie.

Outre qu’il facilitera le travail de qualification pénale de la fraude, l’articulation de ces deux articles favorise une meilleure mise en œuvre du principe d’individualisation des peines en permettant l’utilisation d’une large palette de peines prévues au code pénal. Cette diversité favorisera un meilleur recouvrement des sommes fraudées en permettant notamment l’utilisation de peines plus contraignantes telles que l’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve avec obligation de rembourser ou encore la sanction réparation consistant à rembourser sous peine d’emprisonnement.

Notons par ailleurs que le dispositif de pénalités administratives en cas de fraude, prévu par l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, est laissé inchangé. Renforcé par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2010 et 2012, ce dispositif est un complément idoine du régime des sanctions, puisqu’il permet de faciliter le respect des règles tout en ne recourant pas immédiatement à une sanction de caractère pénal.

L’articulation de ces deux volets doit permettre l’émergence de meilleures lignes de partage entre réponses pénales et réponses apportées par les organismes de sécurité sociale, en permettant de recentrer l’action judiciaire sur les cas de fraude les plus graves et les plus complexes.

La réorganisation du régime des sanctions autour de ces deux articles du code pénal rend nécessaire d’abroger d’une part les dispositions rendues superfétatoires, d’autre part celles prévoyant des sanctions différentes. Doivent par ailleurs être supprimées les références faites dans d’autres articles aux articles abrogés. Enfin, référence doit être faite si nécessaire aux nouveaux articles.

Le V abroge l’article L. 232-27 du code de l’action sociale et des familles, superfétatoire, car il renvoie en cas de fraude aux articles L. 331-1 à 331-3 du code pénal.

Plusieurs lois et articles fixent des sanctions différentes de celles nouvellement prévues, et vont donc à l’encontre de l’objectif d’unification.

Certains d’entre eux doivent être modifiés, afin de renvoyer aux sanctions nouvelles. Il s’agit des articles L. 5124-1, L. 5413-1 et L. 5429-1 du code du travail, dont le 1°, le et le du VI prévoient qu’ils renvoient désormais à l’article L. 441-6 du code pénal, sous réserve de la constitution éventuelle du délit d’escroquerie, à la définition duquel participe désormais l’article L. 313-2.

D’autres doivent être abrogés. Il s’agit :

– de l’article L. 5429-3 du code du travail, abrogé par le du VI.

– de l’article 1er de la loi du 27 septembre 1941, abrogé par le IX.

– de l’article 22-II de la loi n° 68-690 du 31 juillet 1968, abrogé par le X.

– de manière plus fondamentale, de l’article L. 114-13 du code de la sécurité sociale, évoqué plus haut, abrogé par le du II.

L’abrogation de l’article L. 114-13 nécessite que soient supprimées les références qui lui sont faites dans d’autres articles.

Quand ces articles renvoient à d’autres articles que l’article 114-13, ils sont modifiés afin que soit supprimée la seule mention de ce dernier. Il s’agit :

– de l’article L. 351-12 du code de la construction et de l’habitation, modifié par le du III qui ne renvoie plus qu’au seul article L. 114-17, sans préjudice des sanctions pénales désormais encourues ;

– des articles L. 751-40 et L. 752-28 du code rural et de la pêche maritime, modifiés respectivement par le et le du IV, qui suppriment simplement la référence à l’article 114-13 ;

– des articles L. 162-36, L. 382-29, L. 623-1 et L. 821-5 du code de la sécurité sociale, modifiés respectivement par le , le , le , et le du II, qui suppriment simplement la référence à l’article 114-13 ;

– des articles L. 481-2, L. 583-3, et L. 831-7 du code de la sécurité sociale, modifiés respectivement par le , le et le du II, qui précisent en lieu et place de la référence à l’article 114-13 que leurs dispositions sont valables sans préjudice des sanctions pénales encourues ;

– de l’article 10-1 de l’ordonnance du 7 février 2002 relative à l’extension et la généralisation des prestations familiales et à la protection sociale dans la collectivité départementale de Mayotte, modifié par le VII, qui supprime simplement la mention faite à l’article 114-13 ;

– ainsi que de l’article 20-10 de l’ordonnance du 20 décembre 1996 relative à l’amélioration de la santé publique à Mayotte, modifié par le VIII, qui précise en lieu et place de la référence à l’article 114-13 que ses dispositions sont valables sans préjudice des sanctions pénales encourues.

Quand ces articles n’étaient fondés que sur le seul article L. 114-13, ils sont abrogés. Il s’agit :

– de l’article L. 351-13 du code de la construction et de l’habitation, abrogé par le du III. Notons que le traitement particulier des administrateurs de biens, punis, en cas de fraude, de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 18 000 euros, est ainsi supprimé – ces sanctions particulièrement fortes par rapport à l’article 114-13 étant désormais plus faibles que le régime commun ;

– ainsi que de l’article L. 262-50 du code de l’action sociale et des familles, abrogé par le V.

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La Commission adopte l’article 68 sans modification.

Article additionnel après l’article 68
(Art. L. 133-5-3 du code de la sécurité sociale)

Intégration à la déclaration sociale nominative (DSN) des indemnités journalières complémentaires versées par l’employeur

Le présent article additionnel propose d’intégrer au dispositif de la déclaration sociale nominative (DSN) les données déclaratives afférentes aux indemnités journalières complémentaires légales et des éventuelles indemnités journalières complémentaires versées en application d’une convention collective.

La déclaration sociale nominative (DSN) a été créée par la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives : destinée à alléger la charge administrative que représente pour les deux millions d’employeurs l’accomplissement de plusieurs dizaines de millions de déclarations sociales par an, la DSN, qui doit à terme se substituer à la quasi-totalité de ces déclarations sociales, est opérationnelle depuis le 1er janvier 2013, sur une base de volontariat.

Sa généralisation – qui passe également par son caractère obligatoire -, initialement prévue à l’échéance du 1er janvier 2016, est anticipée par l’article 22 du présent projet de loi, pour certaines entreprises dépassant un seuil de cotisations sociales.

Votre commission a souhaité pouvoir mettre à profit le déploiement de nouvel outil de gestion des déclaration sociales des entreprises pour y intégrer les données relatives aux indemnités journalières complémentaires légales versées par l’employeur, ainsi que celles éventuellement versées en application d’une convention collective, et cela, afin de disposer d’une meilleure connaissance des sommes qu’elles représentent, pour lesquelles nous ne disposons en effet à ce jour que de données très éparses.

Article additionnel après l’article 68
(Art. L. 315-1 du code de la sécurité sociale)

Exclusion des jours non ouvrables du délai maximal de 48 heures imparti au médecin contrôleur d’un arrêt de travail pour transmettre son rapport au service du contrôle médical

Le présent article additionnel propose de préciser l’article L. 315-1 du code la sécurité sociale, relatif aux modalités du contrôles des arrêts maladie par le service du contrôle médical.

Le troisième alinéa du II de cet article aménage en effet la procédure applicable dans le cas d’un contrôle effectué par un médecin à la demande l’employeur. S’il apparaît que l’arrêt de travail est injustifié ou si le médecin n’a pas été mis en mesure de procéder à l’examen de l’assuré, le médecin contrôleur est tenu de transmettre son rapport au service du contrôle médical dans un délai maximal de quarante-huit heures.

Au vu de ce rapport :

– soit le service du contrôle médical demande à la caisse de suspendre les indemnités journalières, l’assuré disposant à compter de la notification de cette décision, d’une possibilité de demander l’examen de sa situation ;

– soit le service du contrôle médical procède à un nouvel examen de la situation de l’assuré, ce nouvel examen étant de droit si le rapport a fait état de l’impossibilité de procéder à l’examen de l’assuré.

S’agissant du délai de quarante-huit heures imparti au médecin contrôleur pour transmettre son rapport au service du contrôle médical, votre commission a souhaité préciser que ce délai n’inclut pas le samedi, le dimanche et les jours fériés.

Après l’article 68

La Commission est saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 65. Elle examine d’abord l’amendement AS255 de Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Nous avons décliné un certain nombre des préconisations du rapport de la MECSS sur les arrêts de travail et les indemnités journalières sous forme d’amendements au PLFSS.

L’un des principaux enseignements que nous retirons de cette mission est la très mauvaise connaissance des dépenses effectuées au titre des indemnités journalières, notamment par les entreprises. Cet amendement tend donc à faire évaluer par les entreprises le montant des indemnités versées au titre du dispositif légal et d’un accord de branche ou d’entreprise, et d’introduire une disposition en ce sens dans la déclaration sociale nominative (DSN).

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je m’étonne que vous puissiez défendre un amendement de ce type. En effet, il ne simplifie pas la vie des entreprises, qui devront évaluer et déclarer chaque mois le montant des indemnités versées par les régimes de prévoyance. Il transforme la DSN – qui a d’abord vocation à faciliter la vie des entreprises – en outil statistique. C’est un détournement de l’esprit dans lequel M. Jean-Luc Warsmann avait conçu cette déclaration. Mieux vaudrait demander ces informations aux assureurs et aux organismes de prévoyance.

M. Pierre Morange. Cet amendement est en effet le fruit des travaux de la MECSS sur les arrêts de travail et les indemnités journalières, auxquels ont participé Jean-Marc Germain et notre excellente rapporteure Bérengère Poletti. Cette préconisation est issue d’un rapport de la Cour des comptes. La DSN a vocation à être mise en œuvre dans un délai de dix-huit à vingt-quatre mois. Notre amendement ne vise pas à alourdir les tâches administratives des entreprises ; il s’inscrit au contraire dans une logique de simplification administrative validée par la Cour des comptes et approuvée par l’ensemble des membres de la MECSS, qui ont voté à l’unanimité en faveur de cette préconisation.

Nous avons constaté une profonde méconnaissance des volumes financiers consacrés à la participation financière que versent les entreprises en complément des indemnités journalières versées au titre du dispositif légal. Aucun organisme n’a été en mesure de répondre aux interrogations que nous avions formulées sur ce point. C’est pourquoi nous faisons cette préconisation, qui nous permettra de connaître aussi bien le volume de cette participation financière, qui avoisinerait 30 % des montants versés au titre des arrêts de travail, et les « zones d’ombre », certains travailleurs ne bénéficiant pas de cette aide complémentaire.

M. Jean-Marc Germain. Cet amendement a d’abord une portée statistique. Non seulement la MECSS a eu beaucoup de mal à identifier les moyens mis en œuvre, ce qui est tout de même une difficulté compte tenu de la place qu’occupe le dispositif complémentaire, mais il lui était difficile de formuler un jugement sur le respect de l’égalité des droits entre salariés. Il est important que nous ayons connaissance de ces éléments, d’autant que cela ne peut avoir qu’un impact positif sur les droits des personnes. Cette recommandation a d’ailleurs été adoptée à l’unanimité par la MECSS, puis par notre Commission lors de l’examen du rapport. À titre personnel, j’y suis favorable. Je soutiendrai donc l’amendement, sachant que nous aurons l’occasion d’en rediscuter dans l’hémicycle.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je prends acte que les coprésidents de la MECSS souhaitent une réorientation de la DSN. Je m’en remets donc à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS257 de Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Dans le même esprit que le précédent, cet amendement propose de privilégier un contrôle plus ciblé, par la transmission systématique, des caisses primaires aux services médicaux, des arrêts pour lesquels une obligation administrative n’a pas été respectée et de concentrer l’activité des services médicaux de l’assurance maladie sur le contrôle thérapeutique, cela grâce à l’établissement de référentiels qui permettent de contrôler plus efficacement les arrêts maladie arrivant à la caisse primaire. Les expérimentations qui ont été conduites par la CNAM dans plusieurs caisses ont montré qu’une bonne connaissance du profil général des arrêts maladie permettait de renforcer l’efficacité des contrôles.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit donc de contrôler systématiquement les arrêts maladie de longue durée ?

M. Pierre Morange. Seulement lorsqu’ils paraissent anormalement élevés au regard des référentiels.

M. Gérard Sebaoun. Je suis d’accord avec l’idée de référentiel, mais il semble difficile d’apprécier ce qu’est une « durée anormalement élevée ».

M. Pierre Morange. Je le répète, ces préconisations, adoptées par la MECSS à l’unanimité, résultent de ce que nous avons constaté lors de nos auditions. Plutôt que de pratiquer des contrôles systématiques et aveugles qui aboutissent quasiment à culpabiliser les travailleurs frappés par les aléas de la vie, la caisse primaire d’assurance maladie de Bayonne a choisi de constituer des cohortes en se fondant sur des référentiels. Grâce à cette méthode, validée par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAMTS) au niveau national, elle a obtenu des résultats significatifs. L’expérimentation a donc vocation à se généraliser. C’est le sens de notre proposition.

Mme la présidente Catherine Lemorton. N’auriez-vous pu associer M. Jean-Marc Germain, coprésident de la MECSS, à la rédaction de ces amendements ?

M. Pierre Morange. Je les lui ai soumis afin qu’il puisse les cosigner, madame la présidente.

M. Jean-Marc Germain. Il est exact que la MECSS, puis la Commission des affaires sociales, ont approuvé le rapport d’information sur les arrêts de travail et les indemnités journalières, et que les amendements de Mme Poletti s’inscrivent dans le prolongement de ce travail. Il conviendrait néanmoins d’évaluer l’impact des mesures proposées et de les soumettre à une discussion approfondie avec le Gouvernement. Contrairement au précédent, cet amendement a des conséquences très importantes puisqu’il prévoit un contrôle systématique au-delà de seuils qu’il conviendrait à tout le moins de préciser.

Bref, nous sommes d’accord sur le principe mais nous considérons que la mise en œuvre de ces dispositions peut se révéler problématique. Nous n’avons malheureusement pas eu le temps de mener un travail approfondi sur cet amendement et sur ceux qui suivent. Cela explique la gêne que le rapporteur et moi-même pouvons éprouver.

Mme Bérengère Poletti. Expérimenter permet de mieux légiférer. En l’occurrence, l’expérimentation de référentiels et de contrôles ciblés a eu lieu et nous en avons constaté les effets positifs. Il faut maintenant étendre le dispositif à tout le territoire.

Pour maîtriser une dépense dynamique comme celle qu’engendrent les indemnités journalières, il serait très injuste de chercher à réduire les prestations versées aux personnes concernées. Il est bien préférable d’avoir une bonne connaissance du dispositif et de mettre en place un contrôle efficace sur le terrain. Rien n’est plus inégal que les indemnités journalières en France : elles varient selon les endroits, les médecins, les maladies, les prescriptions – parfois totalement différentes pour une même maladie –, les saisons, les événements... Un travail très sérieux a été mené au sein d’une caisse primaire ; on peut l’étendre sans crainte.

M. Pierre Morange. L’amendement présente l’avantage de définir une grille de lecture sans entrer dans le détail. Les critères du contrôle médical sont relativement dispersés. En les resserrant autour du référentiel validé par la Haute Autorité de santé et de critères administratifs simples comme celui de la présence à domicile, on gagnera à la fois en efficacité et en objectivité. On aura tout loisir, par la suite, d’affiner les modalités par un décret d’application, sachant que le dispositif est déjà opérationnel dans différentes régions.

Je rappelle aussi que, sur les quelque 2 000 médecins contrôleurs que compte notre pays, un peu plus d’un tiers seulement est affecté au contrôle médical, la part restante se consacrant essentiellement à des tâches administratives. Nous proposons de clarifier le paysage !

M. Jean-Marc Germain. Je le répète, nous partageons l’esprit dans lequel ce rapport a été élaboré. Nous considérons qu’il comporte de nombreuses propositions de bon sens fondées sur un important travail d’observation. Certaines d’entre elles auront néanmoins des conséquences importantes sur les modalités et l’organisation du contrôle. Je vous suggère donc, mes chers collègues, de retirer vos amendements afin que nous les retravaillions avec le rapporteur et avec le Gouvernement avant la discussion en séance publique. Le sujet mérite mieux qu’une discussion un peu rapide.

Mme Isabelle Le Callennec. Je ne comprends pas vos réticences. La MECSS a mené plusieurs dizaines d’heures d’auditions et a adopté le rapport de Mme Poletti à l’unanimité. Si l’on n’utilise pas ses conclusions, à quoi bon faire des rapports ? Nous avons ici l’occasion d’introduire dans la loi des recommandations longuement pesées. Nous gagnerions tous à cosigner de tels amendements, et nous ferions progresser aussi bien la démocratie que l’image du travail parlementaire.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le 30 avril 2008, notre Commission avait également adopté à l’unanimité mon rapport sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments. Il a pourtant fallu attendre l’affaire du Mediator et l’action de M. Gérard Bapt, qui a largement contribué à sa médiatisation, pour que l’on adopte les amendements qui en étaient issus !

M. Pierre Morange. J’étais déjà coprésident de la MECSS à l’époque et je me rappelle que la Commission des affaires sociales avait adopté vos amendements contre l’avis du Gouvernement, madame la présidente. C’est bien la preuve que la MECSS est un espace privilégié où règne une grande ouverture d’esprit !

Comme pour la fraude sociale – sur laquelle j’avais formulé avec le coprésident de l’époque, M. Jean Mallot, des préconisations pragmatiques adoptées, là aussi, à l’unanimité –, on assimile trop souvent le sujet des arrêts maladie à une chasse aux malades ou à une chasse aux pauvres. Il faut en finir avec cette diabolisation. C’est pourquoi nous maintiendrons cet amendement et les suivants. Chacun doit prendre ses responsabilités, quitte à améliorer la rédaction par la suite si nous obtenons des assurances du Gouvernement.

M. Jean-Marc Germain. Il est en effet important, madame Le Callennec, que les rapports de la MECSS trouvent une traduction législative. En l’espèce, cependant, le temps a manqué pour enclencher la phase de travail avec le Gouvernement. Le coprésident Morange et moi-même souhaitions auditionner la ministre, mais le calendrier était trop chargé pour que cela puisse se faire. Si vous maintenez l’amendement, interprétez notre vote non pas comme un rejet de ce que nous avons adopté précédemment, mais comme le souhait de mener à bien ce travail avec le Gouvernement.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Reprenons les trois critères que l’amendement met en exergue pour contraindre le service médical de l’assurance maladie à mener l’évaluation thérapeutique de l’arrêt sans même pouvoir décider de son opportunité.

Premièrement, l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale prévoit déjà des contrôles systématiques « lorsque l’activité de prescription d’arrêt de travail apparaît anormalement élevée ».

Deuxièmement, s’il est établi que les obligations administratives définies à l’article L. 323-6 du même code n’ont pas été respectées, cela signifie que le contrôle du respect des heures de sortie a déjà eu lieu. Par voie de conséquence, les indemnités journalières ont déjà été suspendues et l’intervention du service médical n’a plus lieu d’être – l’employeur pouvant toujours, de son côté, déclencher un contrôle patronal.

Le troisième critère, celui du signalement effectué par l’entreprise, revient à mettre le service médical de l’assurance maladie à la disposition de l’employeur. Ce n’est ni opportun ni souhaitable. L’employeur a déjà la possibilité de saisir ce service sur la base d’un contrôle patronal.

Bref, bien que l’amendement émane de la MECSS, je crois qu’il faut le retravailler.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS261 de Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Il s’agit de remédier à un problème technique simple. Le service du contrôle médical de la caisse d’assurance maladie applique strictement le délai de quarante-huit heures laissé au médecin ayant effectué un contrôle à la demande de l’employeur pour transmettre son rapport. En particulier, il ne tient pas compte des week-ends. L’envoi des résultats devant se faire, pour des raisons de confidentialité, par courrier, il retient, non pas le cachet de la poste, mais la date d’arrivée dudit courrier, ce qui rend particulièrement difficile la transmission des résultats d’un contrôle effectué un vendredi.

En conséquence nous proposons d’exclure le samedi et le dimanche du décompte du délai de quarante-huit heures.

M. Pierre Morange. En d’autres termes, si un médecin envoie les résultats d’un contrôle effectué le vendredi, son courrier ne sera pas traité. La mesure proposée est d’ordre purement administratif. Elle a été validée par la CNAMTS.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Si le problème est seulement un problème de délai, et non de fond, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

M. Jean-Marc Germain. Notre position reste la même : nous souhaitons un approfondissement d’ici à la séance publique.

M. Bernard Accoyer. La MECSS donne aux députés des pouvoirs propres. Votre volonté de toujours discuter avec l’exécutif, monsieur Germain, trahit une conception un peu particulière de nos institutions !

Chacun sait que nous légiférons beaucoup trop et que nous ne contrôlons pas assez ; chacun sait aussi que nous sommes beaucoup trop soumis à la férule de l’exécutif, et le pays en souffre ; or, au moment même où nous exerçons un peu de notre pouvoir, vous voulez demander l’autorisation de l’exécutif pour adopter telle ou telle mesure !

M. Pierre Morange. Je ne crois vraiment pas que l’on puisse faire une lecture « antisociale » ou « antimédicale » de notre amendement. Autant je peux comprendre le souhait de la majorité de préciser la grille de lecture qui faisait l’objet du précédent amendement, autant nous ne traitons ici que d’une question de délai. La MECSS est une instance paritaire, elle a la capacité de prendre ses distances avec des visions trop marquées sur le plan idéologique en se référant sereinement au critère du rapport coût-efficacité.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il est exact que l’article L. 315-1 du code de la sécurité sociale fait état d’un délai maximal de quarante-huit heures sans autre précision. Mais la remarque que vous faites au sujet des week-ends vaut aussi pour les jours fériés. Il convient de revoir la rédaction de l’amendement, d’autant que la formule « en tenant compte de » pourrait laisser entendre que l’on inclut les samedis et les dimanches dans le délai.

Je propose donc la rectification suivante : remplacer les mots : « en tenant compte du samedi et du dimanche » par les mots : « en excluant le samedi, le dimanche et les jours fériés ».

Mme Bérengère Poletti. D’accord.

M. Jean-Marc Germain. Je veux répondre à M. Accoyer. Dans notre système institutionnel, le législateur légifère et le Gouvernement gouverne, notamment en prenant des décrets. L’amendement précédent renvoyait précisément à un décret. Il aurait été dès lors difficile de l’adopter sans une discussion approfondie avec l’exécutif. Je rappelle que, lorsque la MECSS consacre une étude à un sujet, la dernière étape consiste en un échange avec le Gouvernement sur les propositions – certaines de niveau réglementaire, certaines de niveau législatif – qui en résultent. En l’occurrence, cette discussion n’a pas eu lieu pour des raisons de calendrier indépendantes de la volonté des coprésidents.

Cela dit, je voterai le présent amendement. J’aurais seulement souhaité une discussion globale sur l’ensemble des propositions, qui ont leur cohérence.

M. Christian Paul. Les sujets sur lesquels la MECSS a travaillé sont importants et sensibles. Alors que nous découvrons ces amendements portant articles additionnels, il me semble que leurs auteurs gagneraient à nous donner le temps d’y travailler collectivement d’ici à la séance publique. La MECSS est un outil précieux de contrôle et de proposition. Mieux vaut prendre le temps d’arriver à un point de vue et à un vote communs dans l’hémicycle, plutôt que de contraindre la majorité à repousser certains amendements faute d’une concertation suffisante.

Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement. Quand bien même les propositions seraient d’excellente qualité, la bénédiction de la MECSS ne me semble pas suffisante pour emporter systématiquement la conviction. Nous avons besoin de temps.

Mme Bérengère Poletti. Je veux vous rassurer : aucun loup ne se cache derrière ces amendements qui sont le fruit d’un long travail d’écoute. Bien sûr, certains peuvent paraître un peu difficiles aux députés présents aujourd’hui et je comprendrais très bien qu’ils ne les votent pas : ma réaction aurait été la même si je m’étais trouvée à leur place. En revanche, la liasse comprend aussi des amendements très simples à comprendre. Vous ne prenez aucun risque en les votant, mes chers collègues de la majorité : au contraire, vous affirmez votre rôle de députés et vous confortez la place du travail réalisé en Commission.

M. Pierre Morange. Le pouvoir d’amendement est la raison d’être de notre Commission. Si nous conditionnons tous nos votes à un dialogue avec le Gouvernement, nous vidons notre travail de sa substance. Évitons de nous soumettre à une telle sujétion ! Un dialogue entre la majorité et le Gouvernement est naturel, mais il ne faut pas non plus que l’exécutif dicte à la majorité l’ensemble de ses amendements. Nous connaîtrons de toute façon la position officielle du Gouvernement sur tel ou tel sujet lors du dialogue qui se nouera en séance publique.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement AS261 tel qu’il a été rectifié par le rapporteur.

La Commission adopte l’amendement rectifié.

Puis elle examine l’amendement AS260 de Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Je propose de remplacer, à la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 315-2-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « peut convoquer » par le mot : « convoque ». Cette mesure garantirait un meilleur contrôle des arrêts de travail dont la fréquence semble dépasser certaines limites raisonnables.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je suis résolument défavorable à cet amendement, qui imposerait une convocation de l’assuré au cas où le nombre d’arrêts de travail, mais aussi les dépenses de soins atteindraient des niveaux trop élevés : où fixer les limites ? Une telle rédaction est inacceptable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS256 de Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Cet amendement peut contribuer au « choc de simplification » voulu par le Gouvernement et par le Président de la République. Aujourd’hui, les agents des caisses primaires doivent recalculer le montant des indemnités journalières à chaque renouvellement de l’arrêt de travail. Je propose que ce montant soit, dans le cas d’arrêts répétés, calculé sur la base de l’indemnisation versée lors du premier arrêt. L’amendement bénéficierait aussi aux malades, car le mode de calcul actuel retarde souvent le versement de ces indemnités.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable. La mesure serait soit coûteuse, soit injuste, selon que le salaire perçu lors d’un nouvel arrêt sera plus ou moins élevé que le salaire perçu lors du premier.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS263 de Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Je propose de ramener à deux mois, contre trois actuellement, la durée à partir de laquelle peuvent intervenir les contrôles médicaux pour les arrêts longs. Cet amendement favoriserait la réinsertion professionnelle des assurés.

M. Pierre Morange. Cet amendement redéfinit les arrêts longs, sur lequel se concentrent les contrôles car, nous l’ont indiqué les représentants des instances nationales, le contrôle des arrêts courts est par trop « chronophage ».

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit moins, en l’espèce, d’un contrôle que d’une visite de pré-reprise d’activité. Dans ces conditions, je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS270 de Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. L’amendement tend à encourager les échanges entre le médecin conseil et le médecin du travail et, pour ce faire, à remplacer les mots : « peut solliciter » par le mot : « sollicite » à la première phrase de l’article L. 323-4-1 du code de la sécurité sociale.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je suis très défavorable à cet amendement, qui systématiserait les contrôles pour les arrêts longs – en d’autres termes les contrôles destinés à étudier une éventuelle reprise du travail –, y compris, par exemple, pour les patients en soins palliatifs.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine enfin les amendements identiques AS13 de M. Jean-Pierre Barbier et AS243 de Mme Bérengère Poletti.

M. Jean-Pierre Barbier. Cet amendement vise à assurer une meilleure coordination entre les différentes sociétés de contre-visites médicales, la CNAMTS, la MSA et le régime social des indépendants (RSI), conformément aux préconisations de la MECSS rendues publiques en 2013.

Mme Bérengère Poletti. L’amendement AS243 est défendu.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ces organismes peuvent tout à fait signer des conventions pour améliorer leur coordination : ne surchargeons pas la loi. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte la quatrième partie du projet de loi modifiée.

*

* *

Elle adopte enfin l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 modifié.

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

(par ordre chronologique)

Ø Caisse des Dépôts et Consignations – Mme Nathalie Gilly, directrice des services bancaires, M. Jérôme Fehrenbach, son collaborateur, et Mme Marie-Michèle Cazenave, responsable du pôle des affaires publiques

Ø Confédération française de l'encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Jean-François Gomez, délégué national à la protection sociale en charge de la maladie, et Mme Anne Bernard, chef du service Économie et protection sociale

Ø Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) – M. Alain Griset, président, et Mme Véronique Matteoli, directrice adjointe du département des relations institutionnelles

Ø Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) – M. Jean-Eudes Tesson, président, M. Jean-Louis Rey, directeur, Mme Gabrielle Hoppé, directrice de cabinet du directeur, secrétaire générale du conseil d’administration, et M. Alain Gubian, directeur financier

Ø Confédération générale du travail (CGT) – M.  Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral, et M. Éric Aubin, secrétaire confédéral

Ø Force ouvrière (CGT-FO) – M. Jean-Marc Bilquez, secrétaire confédéral chargé de la protection sociale, et Mme Marie-Claude Poggi, assistante secteur protection sociale

Ø Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) – M. Gérard Pelhâte, président du conseil d’administration, M. Michel Brault, directeur général, et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

Ø Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS) – M. Didier Malric, directeur, et M. Gaudérique Barrière, directeur délégué

Ø Régime social des indépendants (RSI) – M. Philippe Magrin, président de la commission de la protection sociale et des études techniques, Mme Stéphanie Deschaume, directrice de cabinet du directeur général, M. Emmanuel Gigon, directeur des études, des équilibres et des placements, et M. Olivier Maillebuau, attaché de direction au cabinet de la présidence

Ø URSSAF Île-de-France – M. Philippe Renard, directeur, et Mme Agnès Basso-Fattori, directeur adjointe

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) –  M.  Claude Tendil, président de la commission protection sociale, Mme Valérie Corman, directrice de la protection sociale, et Mme Kristelle Hourques, chargée de mission senior à la direction des affaires publiques

Ø Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Philippe Le Clezio, secrétaire confédéral chargé du financement de la protection sociale

Ø Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) – Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales, et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales

Ø Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Patrick Poizat, secrétaire confédéral – M. Jean-Michel Lebas, secrétaire confédéral en charge de l’ACOSS, et Mme Marie-Jo Parle, administratrice de l’ACOSS

Ø Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) – M. Patrice Ract-Madoux, président du conseil d’administration

Ø Délégation nationale à la lutte contre la fraude – M. Benoît Parlos, délégué national à la lutte contre la fraude, et Mme Anne Clerc Le Page, chargée de mission

Ø Agence France Trésor – M. Amboise Fayolle, directeur général, Mme Maya Atig, directrice générale adjointe, et M. Michaël Ayache, responsable de la gestion de la trésorerie

Ø Union professionnelle artisanale (UPA) – M. Pierre Burban, secrétaire général, et Mme Caroline Duc, chargée des relations avec le Parlement

Ø Ministère des affaires sociales et de la santé – Direction de la sécurité sociale (DSS) – M. Thomas Fatome, directeur

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