N° 1589 - Rapport de M. Alain Moyne-Bressand sur la proposition de loi de MM. Alain Moyne-Bressand et Damien Abad et plusieurs de leurs collègues visant à lutter contre l'ambroisie à feuilles d'armoise, l'ambroisie trifide et l'ambroisie à épis lisses (964)




N
° 1589

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 novembre 2013

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à lutter contre l’ambroisie à feuilles d’armoise, l’ambroisie trifide et l’ambroisie à épis lisses (n° 964)

PAR M. Alain MOYNE-BRESSAND

Député

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 964.

SOMMAIRE

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Pages

I. LES CONSÉQUENCES MULTIPLES DE LA PROLIFÉRATION DES AMBROISIES SUPPOSENT DES ACTIONS COORDONNÉES DE LUTTE 7

A. LES CONSÉQUENCES DE LA PROLIFÉRATION DE L’AMBROISIE 7

1. La prolifération de l’ambroisie 7

2. Les conséquences de la prolifération 10

B. LES ACTIONS DE LUTTE ET DE CONTRÔLE 12

1. Les différentes méthodes 12

2. L’approche intégrée et combinée 13

II. UN CADRE NORMATIF NE RÉPONDANT PAS À L’URGENCE DE LA SITUATION ET DIFFICILEMENT APPLICABLE SUR LE TERRAIN JUSTIFIE LA PROPOSITION DE LOI 15

A. LES NORMES EN VIGUEUR 15

1. Un cadre législatif et réglementaire dont l’application sur le terrain reste problématique 15

2. Le cadre international et européen : la pleine intégration de l’ambroisie dans la lutte contre les espèces végétales envahissantes 20

CONCLUSION 25

TRAVAUX DE LA COMMISSION 27

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 27

II. EXAMEN DES ARTICLES 35

Article 1er : Classement de l’ambroisie à feuilles d’armoise comme végétal nuisible pour la santé publique 35

Article 2 : Inscription de l’ambroisie à feuilles d’armoise sur la liste des organismes nuisibles 35

Article 3 : Obligation de suppression de l’ambroisie à feuilles d’armoise 36

Article 4 : Responsabilité de la lutte contre l’ambroisie à feuilles d’armoise 37

Article 5 : Exécution d’office de la suppression de l’ambroisie à feuilles d’armoise 38

Article 6 : Inspection, contrôle et bonne exécution des mesures de suppression 38

Article 7 : Frais engendrés par les mesures de police administrative 39

Article 8 : Niveau maximal de graines d’ambroisie dans les aliments pour oiseaux 39

Article 9 : Minimisation des modes de diffusion des semences au cours de travaux et sur les chantiers 40

Article 10 : Rôle du ministre chargé de la santé dans la lutte contre l’ambroisie à feuilles d’armoise 40

Article 11 : Surveillance de l’extension de l’ambroisie à feuilles d’armoise 41

Article 12 : Campagnes d’information, de communication et d’alerte 41

Article 13 : Gage 42

TABLEAU COMPARATIF 45

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 49

INTRODUCTION

Le territoire français n’échappe pas au phénomène d’invasions biologiques – en 2010, on estimait ainsi à 74 le nombre de plantes exotiques envahissantes sur le territoire métropolitain. De nombreux exemples nous rappellent l’importance des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de ces invasions qui ne doivent pas être sous-estimées.

L’ambroisie à feuilles d’armoise est une espèce végétale envahissante et en expansion sur tout le territoire national. Les raisons de cette expansion sont multiples – elle est avant tout favorisée par les activités humaines – et ses impacts négatifs sont particulièrement graves sur les plans agronomique et de la santé publique.

Pour l’instant, ce sont surtout les agriculteurs et les personnes allergiques au pollen qui sont conscients des dommages causés par l’ambroisie. La prise en compte des risques s’accroît depuis une quinzaine d’années sans pour cela que la multiplicité des actions de lutte contre l’ambroisie au plan local n’ait donné des résultats satisfaisants.

Pourtant, les axes principaux d’une stratégie sont connus : veille technique et scientifique ; mise en œuvre des actions adaptées de prévention et de lutte contre les espèces installées ; coordination, animation et sensibilisation.

Les mesures réglementaires sont fragmentées et éparpillées dans de nombreux codes, ce qui réduit leur visibilité. Quelques arrêtés préfectoraux ont été pris dans les départements les plus touchés par l’ambroisie afin de renforcer la lutte contre cette espèce. Mais aucune disposition à caractère national n’existe. C’est pourquoi la proposition de loi, cosignée par 23 députés, que votre Rapporteur présente aujourd’hui, vise à mettre en place un dispositif complet et homogène, valable pour l’ensemble de la France.

Sous la précédente législature, deux propositions de loi avaient été déposées sur le même sujet (n° 3674 du 13 juillet 2011 et n° 4323 du 7 février 2012) : mais aucune n’avait été inscrite à l’ordre du jour de notre Assemblée. Signataire de toutes ces propositions de loi, votre Rapporteur a procédé à de nombreuses auditions dans le cadre de ses fonctions de président du comité parlementaire de suivi du risque d’ambroisie.

La journée réservée au groupe UMP du 5 décembre 2013 permet d’examiner un nouveau texte que votre Rapporteur vous demande d’adopter.

● Le genre Ambrosia, qui fait partie de la famille des Astéracées (ou Composées), regroupe une quarantaine d’espèces, toutes des plantes herbacées annuelles comme l’ambroisie à feuille d'armoise (Ambrosia artemisiifolia), l’ambroisie trifide (Ambrosia trifida) ou l’ambroisie à épis lisses (Ambrosia coronopifolia).

Portrait d’un envahisseur

L’ambroisie à feuilles d’armoise est une plante annuelle dont la taille peut atteindre de 70 à 150 cm, ce qui lui donne un port en buisson. Larges, minces, très découpées, les feuilles sont du même vert brillant sur chaque face, ce qui distingue la plante de l'armoise ; opposées à la base des tiges, elles deviennent plus étroites et alternes vers le sommet.

Petites et verdâtres, les fleurs sont disposées à l'extrémité des tiges. Comme pour le maïs, les fleurs mâles et femelles d'une même plante sont séparées ; les fleurs mâles sont groupées en longs épis bien visibles tandis que les fleurs femelles sont discrètes, insérées à l'aisselle des feuilles à la base des épis, isolées ou groupées par deux.

À chaque stade de son développement, l'ambroisie peut être confondue avec d'autres plantes qui poussent dans les mêmes milieux : c’est le cas des espèces de la même famille des Astéracées comme l’armoise (Artemisia), la tagète (Tagetes), le séneçon (Senecio) ou la tanaisie (Tanacetum). Pour pouvoir lutter efficacement contre l'ambroisie, il faut donc savoir la reconnaître.

La floraison a lieu de juillet à novembre selon le milieu. La plante meurt aux premiers gels et se reproduit uniquement par la germination au printemps du fruit après sa période de dormance hivernale. Les fruits ont des akènes qui tombent aux pieds de la plante ; ils ne sont pas pourvus des dispositifs habituels permettant leur transport par le vent et leurs épines ne leur servent pas à s'accrocher au pelage des animaux. Par contre, les graines peuvent être entraînées par l'eau, ce qui explique leur dissémination dans les cours d’eau – car elles flottent, et elles collent parfaitement à la terre transportée par les semelles ou les pneus des véhicules (camions, tracteurs, engins de terrassement ou de chantier).

L’ambroisie pousse très vite et reste peu sensible aux stress écologiques (sécheresse, salinité,…).

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/33/Starr_010222-9001_Ambrosia_artemisiifolia.jpg
L'ambroisie à feuilles d'armoise est originaire d'Amérique du Nord, où elle constitue une espèce endémique envahissante. Même si elle figurait déjà dans des herbiers, elle est apparue en France dans les années 1860, vraisemblablement introduite par des lots de semences fourragères (trèfle et tournesol). L’arrivée des troupes américaines pendant la première guerre mondiale a fourni une nouvelle occasion à l’introduction de la plante, dans le fourrage pour chevaux et sous les roues des engins militaires... Mais c'est surtout à la faveur des grands travaux d'aménagement du territoire, depuis les années 1950, que l’ambroisie à feuilles d'armoise est partie à la conquête des zones où le climat lui était favorable, et c’est seulement depuis 25 ans qu’elle peut être qualifiée d’invasive.

D’autres espèces comme l’ambroisie trifide (Ambrosia trifida) ou l’ambroisie à épis lisses (Ambrosia coronopifolia) ont été introduites en Europe par les mêmes moyens mais sont beaucoup plus rares à l’ouest du continent (1).

● Les facteurs favorisant la dissémination

Les causes majeures facilitant la dissémination de l’ambroisie à feuilles d’armoise ont été identifiées par de nombreuses études. Elles sont souvent liées aux activités humaines :

- le changement des pratiques agricoles, l’importance des surfaces laissées en friche ou en jachère, ainsi que le développement des cultures de soja et de tournesol multiplient les habitats propices ;

- la hausse des températures moyennes et la raréfaction des gels précoces en automne depuis plusieurs décennies optimisent la croissance de la plante en augmentant les périodes de végétation (2) et en permettant de coloniser des régions de plus en plus septentrionales et montagnardes. Selon certaines études, la hausse des concentrations en CO2 dans l’atmosphère pourrait même contribuer à la production de pollen ;

- le développement des échanges commerciaux : l’importation de soja et de tournesol, ainsi que d’aliments granuleux pour oiseaux domestiques, constitue toujours une voie d’entrée en Europe ; de même le transport de matériaux et de matériels de construction entre pays voisins explique l’établissement de populations d’ambroisie dans les zones frontalières ; le transport de terres, de graviers ou de récoltes contaminées contribue également à la dissémination des akènes ; de plus, lorsque la terre est retournée, soit pour cultiver, soit lors de chantiers, les graines d'ambroisie remontent à la surface et germent, même après une longue période de dormance pendant plusieurs années (3;

- la multiplication des voies de communication (routes, autoroutes, voies ferrées, cours d’eau) ;

- l’augmentation des sites de construction en milieu urbain et péri-urbain.

La présence de larges superficies infestées en Europe centrale (Hongrie), en Croatie et en Serbie pourrait faciliter la dissémination ultérieure.

● La situation en France

L'ambroisie à feuilles d’armoise est particulièrement bien implantée dans tous les départements de la région Rhône-Alpes et dans le haut bassin de la Loire où elle a envahi les plaines et collines de basse altitude, même s’il n'est pas rare de la trouver à plus de 800 mètres d'altitude. Mais elle est aussi présente dans d'autres régions françaises où elle se répand depuis de nombreuses années, soit sur de vastes espaces, soit sous forme de pieds isolés. Une meilleure information, facilitant l'identification de la plante, explique en partie l'augmentation des signalements.

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La réalisation d'une cartographie nationale de présence de l'ambroisie constitue un des axes de la mise en œuvre de l'action 22 du second Plan national santé environnement (2009-2013) et a été confiée à la Fédération nationale des conservatoires botaniques nationaux (FCBN). Outre une information du grand public et des acteurs concernés sur la présence de la plante, cet état des lieux doit permettre la mise en place, par la suite, de plans d'actions de lutte adaptés à chaque contexte d'infestation. Tous les conservatoires botaniques nationaux de France métropolitaine ont contribué à cette étude ; huit organismes ont accepté de participer au projet et ont envoyé leurs données de localisation de l'ambroisie (4)

Une enquête a été réalisée auprès du monde agricole par l’Association Française de Protection des Plantes (AFPP) sur les mauvaises herbes envahissantes : le questionnaire a été diffusé au cours du premier trimestre 2004 sous forme d’une fiche d’enquête par voie de presse et par l’intermédiaire des organismes agricoles. Les données ont été traitées par l’INRA à Dijon. C’est l’ambroisie à feuilles d’armoise qui a suscité le plus de réponses (279) de la part des agriculteurs (592 réponses au total). Cette enquête, qui ne concerne que le monde agricole, ne donne qu’une image incomplète de la répartition en France et ne tient pas compte de la présence de la plante dans les zones non cultivées : elle constitue néanmoins un indice de la présence probable de la plante.

Selon l’état actuel des connaissances, seuls 9 départements sur 96 ne seraient pas touchés par l’ambroisie (5). La forte présence de l’espèce est confirmée dans les zones où elle est historiquement connue (région Lyonnaise, Allier, vallée de la Loire, …) : les départements qui comportent le plus grand nombre de signalements d’ambroisie sont l’Allier (1085 observations), l’Isère (1000) et la Loire (912). Elle est attestée sur une grande partie du territoire national avec des zones d’extension vers le nord (Bourgogne et Franche-Comté) et le sud (vallée du Rhône). La présence de points isolés (Alsace, Nord, Bretagne, Poitou – Charentes…) semble liée à des introductions plus récentes, sans que l’on ait de certitudes sur le maintien de l’espèce dans le temps.

Les impacts négatifs de la prolifération de l’ambroisie à feuilles d’armoise sont de trois ordres : agronomiques, environnementaux et sanitaires.

● Conséquences agronomiques

Les agriculteurs sont les premiers touchés : véritable « mauvaise herbe », l’ambroisie se développe dans les cultures printanières mais s’installe également dans les friches ou durant les périodes interculturales. Elle provoque d’importantes chutes de rendement des cultures de céréales ou d’oléagineux dépassant souvent 20 à 30 %. Dans son département, votre rapporteur a constaté des champs de tournesol littéralement « étouffés » par les plants d’ambroisie. Cette chute de rendement atteint quelquefois 70 % pour des cultures de plantes de faible hauteur comme les betteraves.

Par ailleurs, les prairies envahies d’ambroisie ne peuvent être pâturées par le bétail car, à fortes doses, la plante devient toxique pour les animaux qui répugnent à la manger.

● Conséquences environnementales

Comme toute plante envahissante, une population dense d’ambroisie élimine les plantes endémiques vivant dans les mêmes milieux ; elle nuit donc à la biodiversité végétale comme animale.

La végétation environnante a une grande influence sur la prolifération de l’ambroisie. Certaines plantes endémiques résistent mieux surtout si elles sont hautes (elles réduisent l’apport de lumière aux plantules) et à forte densité. Mais elles ne peuvent empêcher complètement la production d’akènes.

De plus, la prolifération de plantes allergisantes nuit, notamment en période estivale – c’est-à-dire au moment où les relâchements de pollens dans l’atmosphère sont les plus massifs – aux zones à potentiel touristique, en rendant pénible, voire impossible, le séjour de personnes sensibles aux allergies.

● Conséquences sur la santé publique

Les impacts sanitaires sont les plus négatifs en raison du pouvoir allergisant du pollen qui est considéré comme un des plus puissants déclencheurs de rhume des foins, de rhinites allergiques, de conjonctivites voire de dermatites.

De récentes études médicales ont estimé que 10 à 20  % des patients européens présentant des allergies au pollen souffrent d’allergies à l’ambroisie. Dans la région Rhône-Alpes, 12 % de la population aurait des allergies liées à l’ambroisie dans la période de production de pollen (de fin juin à fin octobre). Aux États-Unis, la moitié des cas de pollinose sont liés à l’ambroisie.

L’impact sanitaire est d’autant plus important que :

– une très faible concentration de pollen peut provoquer des réactions allergiques. Or, chaque pied d’ambroisie à feuille d’armoise produit de grandes quantités de pollen (6) et chaque gramme contient 30 à 35 millions de grains de pollen ;

– une grande production de pollen emporté par les vents peut causer des allergies à des distances dépassant les 200 km des surfaces envahies, en fonction de la vitesse et de la direction des vents ;

– on détecte de plus en plus une réactivité croisée entre les pollens d’ambroisie et d’armoise, voire avec ceux d’autres plantes.

Les allergies provoquées par le pollen d'ambroisie étant directement proportionnelles, en fréquence et en gravité, à la concentration des grains de pollen dans l'air, la région Rhône-Alpes fait l'objet d'une surveillance constante dont les résultats sont mis à la disposition du public. Des capteurs de pollen sont implantés dans plusieurs sites de la région Rhône-Alpes. Ils simulent la respiration humaine en pompant des volumes d'air (10 l/minute). Les particules biologiques aspirées sont récupérées sur une bande adhésive et comptées.

Les conséquences financières des allergies ne peuvent pas être négligées. Ainsi, en Rhône – Alpes, la caisse primaire d’assurance maladie estime les frais médicaux liés à l’ambroisie à environ 20 millions d’euros par an et les pertes agricoles dépassent 10 millions d’euros.

La prévention constitue le meilleur moyen de contrôler l’invasion d’une espèce végétale non endémique car il devient beaucoup plus difficile de lutter lorsque les plantes envahissantes se sont propagées sur de larges territoires et en population dense.

La propagation de l’ambroisie à feuilles d’armoise est telle en France que son éradication est devenue impossible. Mais il est impératif de contrer de nouvelles disséminations et de réduire son expansion actuelle.

Aucun agent de lutte biologique n’ayant donné de résultats probants(7), et seule une expérience récente d’éco-pâturage ayant montré l’intérêt d’une race de moutons pour se nourrir de jeunes plants d’ambroisie, les techniques de lutte restent traditionnelles.

● les contrôles mécaniques

Les contrôles dits mécaniques incluent le sarclage, l’arrachage, le déracinement, le fauchage, le labour etc. Ils sont plus efficaces avant la floraison et concernent surtout les zones où la population n’est pas trop importante et où les autres méthodes ne peuvent être utilisées.

Le sarclage est réservé au stade précoce de développement de la plante (stade deux feuilles) et aux petites parcelles, par exemple celles dédiées à la culture de légumes. Le déracinement évite les repousses mais ne peut concerner que les surfaces réduites (jardins privés et parcs). Le fauchage est réalisé sur les surfaces étendues et planes, dans des zones de grandes populations d’ambroisie : la coupe doit être effectuée au plus près du sol afin d’éviter ou de limiter les repousses ; mais elle doit avoir lieu avant la floraison sous peine de favoriser la dispersion du pollen voire celle des akènes. Le labour profond permet d’enterrer les graines afin d’empêcher leur germination car celle-ci nécessite de la lumière.

Mais l’ambroisie résiste assez bien à ces méthodes car elle peut produire même après des fauches des ramures horizontales de petite taille au ras du sol – donc plus difficiles à faucher – et donc des semences.

● les contrôles chimiques par herbicide

L’usage des herbicides concerne davantage les surfaces cultivées de printemps fortement infestées. Aucun herbicide ne peut cependant être utilisé dans les cultures de tournesol, biologiquement lié au genre Ambrosia.

Les traitements donnent de bons résultats surtout en séquences mais ils restent dépendants des conditions météorologiques et du stade de développement de l’ambroisie. Ils sont à proscrire aux abords des cours d’eau, pourtant là où prolifère l’ambroisie, et sur les zones de captage d’eau potable.

Le risque existe du développement des résistances de l’ambroisie, notamment au glyphosate qui reste pourtant le produit le plus efficace à tous les stades de développement de la plante.

● la couverture du sol

La couverture dense du sol par des plantes vivaces ou des plantes annuelles d’hiver, dont la croissance est rapide, introduit une concurrence entre espèces végétales qui affaiblit l’ambroisie.

Sur de petites zones cultivées, la technique du mulch (couverture du sol avec de la paille, de l’herbe coupée, du foin, des copeaux de bois, …) limite la germination des graines et le développement des plantules.

L’utilisation des couvertures en plastique noir qui réduisent la lumière et augmentent la température du sol est réservée aux sites de chantiers.

Toutes les stratégies de lutte sont basées sur la prévention de la production parallèle de pollens et de graines car les akènes constituent la seule voie de multiplication de l’ambroisie à feuilles d’armoise.

Mais le choix de la méthode dépend du nombre de plants, de leur état de croissance, du milieu considéré (terre en friche, chantier, bord de chemin, champ cultivé, jardin privé, etc.) et de son utilisation, enfin de la situation de l’endroit à l’égard de l’invasion. Ainsi, dans les zones où l’invasion débute, il y a encore peu de graines d’ambroisie dans le sol alors que dans celles où l’invasion est avancée, la réduction de graines dans les sols est aussi importante que l’élimination des pollens.

Une approche alliant combinaison des méthodes de lutte et intégration des acteurs concernés est donc nécessaire pour lutter efficacement contre la dissémination. Il convient ainsi de recourir à des solutions complémentaires entre elles et de les utiliser de façon permanente, c’est-à-dire dans la continuité des saisons.

Ainsi faucher avant la floraison de l’ambroisie en combinaison avec un traitement herbicide sur les plantes germées garantit une meilleure efficacité.

La lutte contre les ambroisies a fait l’objet depuis le débat des années 2005-2010 d’un encadrement réglementaire, et, plus tardivement, législatif. Cet encadrement vise notamment à permettre à la France de respecter une partie de ses engagements européens et internationaux en matière de biodiversité, la lutte contre les espèces invasives étant considérée comme un des cinq facteurs aggravant l’érosion de la biodiversité.

Cet encadrement réglementaire et législatif souffre cependant, au plan national, de plusieurs handicaps. D’abord, il ne fournit pas de réponses adéquates à l’urgence de la dissémination de l’ambroisie à feuilles d’armoise, dont la progression vers le nord du territoire national demeure inquiétante. Il semble, par ailleurs, difficile d’application sur le terrain, en particulier en ce qui concerne l’obligation de destruction imposée aux propriétaires privés. Enfin, il pâtit de la tridimensionnalité des nuisances issues de la propagation des trois espèces concernées, qui sont à la fois relatives à la santé publique, à l’agriculture et à l’environnement, et plus particulièrement à la qualité de l’air. Pour cette raison, les trois ministères gérant le dossier – agriculture, santé et écologie – ont eu tendance à agir chacun dans leur domaine de compétence, sans souci de construire une démarche cohérente au niveau interministériel.

Pour l’ensemble de ces raisons, la présente proposition de loi est nécessaire afin d’améliorer la cohérence et l’efficacité sur le terrain de l’arsenal juridique permettant de lutter contre la propagation de l’ambroisie à feuille d’armoise et, partant, de s’adapter à l’urgence de la situation née de sa propagation rapide sur notre territoire.

La loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, dans son article 23, prévoit que l’État se fixe comme objectif « pour stopper la perte de biodiversité sauvage et domestique, restaurer et maintenir ses capacités d'évolution », notamment, « la mise en œuvre de plans de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, terrestres et marines, afin de prévenir leur installation et leur extension et réduire leurs impacts négatifs. » À la suite de l’adoption de cette disposition, des plans nationaux de lutte ont été rédigés, comme celui relatif à l’herbe de la pampa. Votre Rapporteur se félicite de cette orientation de la création de ce nouvel outil de lutte contre les espèces végétales invasives et appelle de ses vœux la conception rapide et la mise en œuvre urgente d’un plan national de lutte contre l’ambroisie à feuilles d’armoise.

L’article L. 411-3 du Code de l’environnement prévoit la possibilité d’interdire l’introduction dans le milieu naturel des espèces exotiques envahissantes. Il interdit aussi leur transport et leur commercialisation. Ces espèces doivent figurer dans des arrêtés interministériels. La rédaction des arrêtés fixant ces listes suit son cours. Certains sont d’ores et déjà parus : c’est le cas, en 2007, de l’arrêté concernant les jussies, qui interdit par exemple l’introduction dans le milieu naturel, volontaire, par négligence ou par imprudence, ainsi que le colportage, la mise en vente, l’achat et l’utilisation des spécimens d’espèces végétales Ludwigia grandiflora et Ludwigia peploides. Votre Rapporteur souhaite évidemment qu’un arrêté similaire puisse interdire le transport et la commercialisation, sous quelque forme que ce soit, de l’ambroisie à feuilles d’armoise. Un tel acte réglementaire aurait également l’avantage d’étendre cette interdiction aux mélanges granuleux destinés à l’alimentation des oiseaux domestiques, dont plus de la moitié contiendrait des graines d’armoise.

Le même article L. 411-3 prévoit également que, dès que la présence dans le milieu naturel d’une des espèces visées est constatée, l’autorité administrative peut procéder ou faire procéder à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction des spécimens de l’espèce introduite.

Des sanctions sont prévues : ainsi, l’article L. 415-3 prévoit que soit puni de six mois d’emprisonnement et de 9 000 euros d’amende le fait d’introduire volontairement dans le milieu naturel, de transporter, colporter, utiliser, mettre en vente, vendre ou acheter un spécimen d’une espèce animale ou végétale en violation de l’article L. 411-3 ou des textes pris pour son application. Dans la mesure où elles sont appliquées, ces sanctions paraissent à votre Rapporteur d’un niveau suffisant pour être dissuasives.

● Une avancée réelle : la reconnaissance en 2010 de l’ambroisie à feuilles d’armoise comme entrant dans la catégorie des espèces invasives

L’arrêté du ministre de l’agriculture, en date du 13 juillet 2010, relatif aux règles de bonnes conditions agricoles et environnementales, a permis de réaliser une avancée importante. En effet, en définissant, dans son article 2, 1°, la nature du couvert végétal des bandes tampons autorisées entre parcelles cultivées, cet arrêté interdit que ce couvert soit composé d’espèces invasives, dont la liste est renvoyée en annexe. Il précise, et cela revêt une importance particulière dans la mesure où l’ambroisie trifide et l’ambroisie à épis lisses ne figurent pas dans cette liste, que cette dernière liste « peut être complétée par arrêté du préfet », ce qui ouvre la voie à des interdictions de ces deux variétés, dans le cadre du département ou de la région, en complément de la liste nationale. En effet, ne figure dans la liste des plantes invasives, dans la sous-catégorie des espèces avérées répertoriées à l’annexe IV du décret susmentionné, qu’Ambrosia artemisiifolia. Votre Rapporteur salue cette avancée, en dépit du fait qu’elle ait été réalisée au travers d’un arrêté relatif aux conditionnalités auxquelles sont soumises les aides communautaires directes aux agriculteurs, et non pas, comme cela aurait été préférable, grâce à un arrêté du Premier ministre.

Cette dernière éventualité aurait pourtant présenté de multiples avantages ;

– affirmer le caractère multidimensionnel de la lutte contre l’ambroisie, qui touche à la fois la santé publique, l’agriculture et l’environnement, via les questions ayant trait à la qualité de l’air,

– sensibiliser toutes les départements ministériels concernés (santé, écologie, agriculture, transports),

– poser clairement la nécessité d’une coordination interministérielle dans le domaine de lutte contre l’ambroisie.

● Les principes de prévention et de précaution : la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020

La Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) 2011-2020 (8) a identifié les espèces envahissantes comme l’un des cinq facteurs à l’œuvre dans l’érosion de la biodiversité. Elle note en effet que « l’arrivée ou l’exportation d’espèces exotiques envahissantes dans des écosystèmes souvent déjà fragilisés par d’autres pressions sont un problème récurrent ».

En conséquence, elle a fixé un objectif cible, qui porte le n° 9, et qui correspond à l’objectif 11 des objectifs d’Aichi (9)(« Maîtriser les pressions sur la biodiversité »). Cet objectif n° 9 vise, d’ici à 2020, à identifier et à classer les espèces exotiques envahissantes et leurs voies d’introduction, les espèces prioritaires étant « contrôlées et éradiquées », des mesures étant prises « pour gérer les voies de pénétration, afin d’empêcher l’introduction ou l’établissement de ces espèces ». Votre Rapporteur souhaite évidemment que l’ambroisie à feuilles d’armoise, l’ambroisie trifide, et l’ambroisie à épis lisses puissent toutes les trois être classées comme espèces prioritaires, afin de bénéficier au plus vite d’une action vigoureuse des pouvoirs publics visant à juguler, puis à contrôler, leur propagation aussi bien en métropole qu’au sein des territoires ultramarins.

Les actions complémentaires réalisées au titre de la santé publique

Considérant le rôle de l’ambroisie à feuilles d’armoise non plus du point de vue de la biodiversité mais bien de la santé publique, le ministère de la santé a pris dans son domaine de compétence différentes initiatives dont la principale reste la création, en juin 2011, de l’Observatoire de l’ambroisie (10) .

l’observatoire de l’ambroisie, dédié à l’observation et à la sensibilisation

Afin de renforcer la coordination des moyens de lutte contre cette plante annuelle allergisante, le ministère chargé de la Santé et l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) ont mis en place, en juin 2011, l'Observatoire de l'ambroisie. Celui-ci est installé à Dijon, dans les locaux de l’INRA.

L'observatoire a pour objectifs :

– de devenir un centre de ressources en matière d'ambroisie ;

– de contribuer à valoriser la connaissance sur la plante, notamment ses effets sur la santé ;

– de mettre en avant les actions durables de prévention, ainsi que les données scientifiques et les projets de recherche en cours,

– de développer des actions en partenariat avec les acteurs nationaux et de terrain (agences régionales de santé, services de l'État, collectivités territoriales, associations d'usagers et environnementales, agriculteurs, gestionnaires des milieux concernés,…).

L'observatoire met en valeur et favoriser les actions efficaces, ou bonnes pratiques, pour un meilleur contrôle du développement de la plante et une réduction de son impact sur la santé et les milieux.

Il recense également les arrêtés pris par les préfets, de région ou de département, pour la lutte contre la prolifération de l’ambroisie, et met à disposition du public, sous forme électronique, les brochures d’information réalisées par les collectivités locales qui prennent souvent la forme de fiche (exemple : brochure du Grand Lyon sur « Les zones pavillonnaires (11)  »).

La République fédérale d’Allemagne s’est dotée d’un observatoire équivalent.

Le ministère a, par ailleurs, intégré au Plan national santé environnement (PNSE) (12) 2 (2009-2013) la réalisation, en 2010, de la première cartographie nationale (13) de la présence de l’ambroisie, au sein de l’action n° 22 « Prévenir les allergies » et de sa mesure « Lutte contre l’ambroisie », dont la Direction générale de la santé (DGS) est le pilote. Cette tâche est naturellement menée à bien par l’Observatoire de l’ambroisie, en collaboration avec la fédération des conservatoires botaniques nationaux. Appelé à évaluer le PNSE2, le Haut Conseil de la santé publique (14) a, dans un rapport récent, a préconisé la poursuite et le renforcement de « l’action publique en vue de réduire les émissions de pollens allergisants et la mobilisation de tous les acteurs concernés ». Il a précisé que les actions induites devront traiter «  en plus de l’ambroisie les autres pollens ayant un potentiel très allergisant ».

La mise en pratique des moyens juridiques d’éradication au moyen d’actes administratifs : les arrêtés préfectoraux et municipaux

Bien avant la reconnaissance de l’ambroisie à feuilles d’armoise comme une espèce invasive, en 2010, le niveau de prolifération des trois espèces d’ambroisie, a conduit de nombreuses collectivités locales et de nombreux services de l’État à prendre des mesures visant à prévenir la pousse des plants, la dissémination des pollens et des akènes, et à organiser la prévention par des mesures adéquates. Ainsi, dès le 12 juillet 2000, le préfet de l’Ardèche prenait, sur proposition du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales, un arrêté prescrivant la destruction obligatoire de l’ambroisie (Ambrosia artemisiifolia), si possible avant la floraison et la grenaison, en donnant comme date butoir le 1er août.

Il est à noter :

– qu’environ la moitié des arrêtés préfectoraux l’ont été sur proposition des directeurs départementaux de l’agriculture et de la forêt, souvent afin d’éviter la pousse et la dissémination de l’ambroisie sur des terres placées en jachère par leur exploitant, l’autre moitié l’étant sur proposition des directeurs départementaux et des affaires sanitaires et sociales,

– que la grande majorité prévoit, en cas d’absence d’engagement par les occupants d’un terrain concerné par les actions de lutte contre la prolifération de l’ambroisie, la substitution du maire qui a la faculté de « faire procéder à la destruction des plants d’ambroisie aux frais des intéressés en application des articles L. 2212-1 et 2212-2 du code général des collectivités territoriales ».

La lutte contre l'ambroisie relève, sur le plan local, de deux polices administratives : une police spéciale au profit du préfet de région, au titre de la lutte contre la pollution de l'air, et une police générale au profit du maire, au titre de la police de la salubrité publique. S’agissant de la première, le préfet de région élabore un plan régional de la qualité de l'air (PRQA) qui peut fixer des objectifs de mesure de la présence et de lutte contre l'ambroisie (titre II de la loi sur l'air du 30 décembre 1996). En Rhône-Alpes, ce plan contient des orientations sur les pollens allergisants, dont l'ambroisie.

Sur la base de ce plan régional, et pour les grandes agglomérations ou certaines zones définies par décret en Conseil d'État (article L. 222-4 du Code de l'environnement), le préfet de département peut élaborer un plan de protection de l'atmosphère. Il lui appartient de faire identifier les terrains où se trouvent des plans d'ambroisie et de proposer les mesures de régulation adaptées (L. 1331-26 et L. 1331-27 du Code de la santé publique).

En règle générale donc, ce sont des arrêtés de préfets de région ou de département qui ont permis d’organiser la lutte contre la propagation de la dissémination de l’ambroisie à feuilles d’armoise. Ces arrêtés ont pris, en fonction des territoires concernés, des formes différentes : arrêtés portant spécifiquement sur l’ambroisie, arrêtés portant sur les pratiques en matière de jachères, ou arrêtés prescrivant la destruction obligatoire de l’ambroisie en tant qu’espèce végétale invasive ou indésirable.

Les principes internationaux : la Convention pour la diversité biologique (CDB)

La Convention sur la diversité biologique (CDB) a été adoptée en juin 1992 à l’issue de la réunion, à Rio de Janeiro, de la conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement. Cette convention internationale, ratifiée par la France en 1994, a inscrit le problème des espèces exotiques envahissantes au nombre de ses grandes « questions multisectorielles ». Elle demande que chaque partie contractante, « dans la mesure du possible et selon qu'il conviendra, empêche d'introduire, contrôle ou éradique les espèces exotiques qui menacent des écosystèmes, des habitats ou des espèces » (Article 8h). En 2002, La Conférence des parties à la CDB a adopté une décision spécifique et des principes directeurs pour aider les parties à mettre en œuvre cette disposition. La décision exhorte les parties, les autres gouvernements et les organisations intéressées à accorder la priorité à l'élaboration de stratégies et à lutter contre les espèces exotiques envahissantes aux niveaux nationaux et régionaux.

Plusieurs autres traités ou accords internationaux, régulièrement approuvés ou ratifiés par la France, ont érigé la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, qu’elles soient animales ou végétales, en objectif politique. Il s’agit notamment de :

– la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, aussi dite Convention de Berne, qui est entrée en vigueur en 1982 ; elle a formulé de nombreuses recommandations relatives aux espèces exotiques envahissantes et permis la mise également en place d’une stratégie européenne relative aux espèces exotiques envahissantes ;

– la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction, plus connue sous le nom de CITES, entrée en vigueur le 1er juillet 1975, qui a débouché sur un contrôle des transactions internationales d’espèces animales et végétales sauvages.

Le cadre européen : une véritable prise de conscience mais des outils dispersés et segmentés

De nombreux outils réglementaires existent déjà au niveau européen pour lutter contre les espèces envahissantes (EE), comme :

– les directives « Oiseaux » et « Habitats », qui visent à recenser un certain nombre d’habitats naturels et d’espèces animales ou végétales, et à mettre en place sur des sites identifiés des mesures garantissant leur préservation ; l’ensemble de ces sites constituant le réseau Natura 2000 ;

– la directive cadre sur l’eau (DCE) et la directive-cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM) ;

– le règlement d’application de la CITES (cf. supra),

– le règlement relatif à l’utilisation en aquaculture des espèces exotiques et des espèces localement absentes ;

– la directive phytosanitaire (2000/29/CE).

Cette dernière, qui vise à empêcher l’introduction et la propagation des organismes nuisibles aux végétaux et aux produits végétaux, a conduit à établir une liste communautaire des organismes nuisibles reconnus. Votre Rapporteur regrette que l’incidence des espèces envahissantes sur la santé humaine n’entre pas dans le champ de la directive. Il souhaite que le Gouvernement :

– demande l’inscription sur cette liste de l’ambroisie à feuille d'armoise (Ambrosia artemisiifolia), l’ambroisie trifide (Ambrosia trifida) ou l’ambroisie à épis lisses (Ambrosia coronopifolia), en arguant de leur caractère nuisible aux cultures, notamment de tournesol et de betterave,

– agisse pour que les critères d’inscription sur la liste communautaire des organismes nuisibles soient revus et intègrent non seulement l’incidence des espèces envahissantes sur la santé, mais également leur impact environnemental et économique, ce qui conduirait à une évaluation plus juste du caractère nocif de ces espèces.

Afin de compléter les outils réglementaires européens, une stratégie européenne de gestion des espèces envahissantes a été relancée en 2010, après son lancement en 2003 dans le cadre de la Convention de Berne. L’Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes (OEPP) gère un système de communication sur les organismes nuisibles et tient à jour une liste des espèces allogènes envahissantes pour lesquelles une réglementation nationale est préconisée. Quatre espèces allogènes envahissantes ont fait l’objet d’évaluations réalisées par l’OEPP et examinées ensuite par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Votre Rapporteur souhaite que le Gouvernement défende l’idée d’une évaluation a minima de l’ambroisie à feuilles d’armoise par l’OEPP.

Auparavant, la Commission européenne avait présenté, le 3 décembre 2008, une communication (15) relative à la construction de cette stratégie. Elle établissait notamment le constat que les « principaux facteurs influant directement sur la diversité biologique sont la modification des habitats, les changements climatiques, la surexploitation, la pollution et les espèces envahissantes (EE) ».

Cette communication chiffrait par ailleurs « les coûts liés aux dommages causés par les EE et aux mesures de lutte nécessaires à au moins 12 000 millions d’€ par an ». Elle relevait d’ailleurs, en détaillant l’incidence des EE sur la santé humaine, que « de nombreux problèmes sanitaires, notamment des allergies et des affections cutanées, sont provoqués par des EE telles que (…) l’ambroisie à feuille d’armoise (Ambrosia artemisiifolia). »

En juin 2009, des conclusions relatives aux espèces exotiques envahissantes ont été adoptées par le Conseil de l’Union européenne : elles mettaient l’accent sur la nécessité d’agir contre les EE en favorisant d’abord la prévention, plus économique et plus souhaitable pour l’environnement, puis la détection précoce, l’éradication rapide des EE identifiées, et, enfin, en cas d’introduction, des mesures de lutte et/ou de confinement.

La recherche au plan européen, un premier pas dans la connaissance des espèces invasives

Le programme Delivering Alien Invasive Species Inventories for Europe (DAISIE), financé au titre du 6e programme-cadre de recherche de l’Union européenne a permis de recenser 10 822 espèces non indigènes en Europe, dont 10 à 15 % seraient susceptibles d’avoir une incidence économique ou écologique négative. Parmi celles-ci figure l’ambroisie à feuilles d’armoise.

Le programme a donc débouché sur le premier inventaire paneuropéen des espèces allogènes envahissantes (cf. carte ci-dessous).

Premier inventaire paneuropéen des espèces allogènes envahissantes

mbrosia artemisiifolia  distribution

Source : http://www.europe-aliens.org/default.do

Une nécessaire déclinaison ultramarine

La lutte contre la dissémination des trois types d’ambroisie, objet de la présente proposition de loi ne doit, ne peut pas, pour être efficace, se limiter à la métropole mais englober les territoires ultramarins. Ceux-ci ont la particularité à la fois de contenir la partie la plus riche et la plus importante de notre biodiversité, notamment marine, et de constituer un terrain de choix pour l’invasion d’espèces exotiques. La communication de la Commission européenne du 3 décembre 2008 (cf. op. cit.) qualifiait ces espaces « d’extrêmement vulnérables aux invasions qui peuvent en outre avoir des effets disproportionnés sur les modes de vie locaux, ainsi que sur la culture et les perspectives économiques locales ».

Cette situation particulière, faite de singularité et de fragilité, a appelé l’attention des pouvoirs publics. Elle a fait l’objet de l’engagement 117 du Grenelle de l’environnement. La Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020 (16) a également affirmé que « l’impact des espèces exotiques envahissantes est très important dans les milieux insulaires, notamment outre-mer ».

On ne peut donc que se féliciter du lancement, par le ministère en charge de l’écologie, en 2011, de plusieurs initiatives, comme les trois appels à projets respectivement intitulés « innovation en matière de lutte », « actions de lutte et partage d’expériences », et « inventivité en matière de prévention ».

Ils permettront sans doute de progresser dans la lutte contre les EE sévissant dans les territoires ultramarins comme la liane papillon (Hiptage benghalensis) à La Réunion, mais aussi dans la prévention de l’introduction d’Ambrosia Artemisiifolia.

CONCLUSION

Après plusieurs années de tâtonnements, et grâce notamment à l’opiniâtreté de certains élus locaux, témoins sur le terrain des dangers d’une prolifération exponentielle, à la fois pour la santé publique, le secteur agricole et la qualité de l’air, une véritable prise de conscience a eu lieu, au début des années 2010. L’ambroisie à feuille d'armoise (Ambrosia artemisiifolia), l’ambroisie trifide (Ambrosia trifida) ou l’ambroisie à épis lisses (Ambrosia coronopifolia) ont été mieux identifiées, et leurs effets mieux connus. Si dans la mythologie grecque l’ambroisie constituait pour les dieux une nourriture d’immortalité dont Georges Dumézil a montré l’importance (17) dans les civilisations indo-européennes, l’ambroisie à feuilles d’armoise, elle, met aujourd’hui à mal les sols, l’air et la biodiversité sur une part chaque année grandissante du territoire national.

Cette prise de conscience, matérialisée notamment par la mise en place de l’Observatoire de l’ambroisie en juin 2011, doit désormais, et c’est l’objet de la présente proposition de loi, déboucher sur une mobilisation des pouvoirs publics comme de nos concitoyens qui doivent pouvoir disposer d’une information à la fois claire et opérationnelle sur ces trois espèces. Car, à l’évidence, rien ne pourra se faire si nos concitoyens ne peuvent être capables d’identifier ces trois espèces et d’adopter des comportements adaptés à lutte contre leur progression. Votre Rapporteur souhaite bien évidemment que les pouvoirs publics puissent placer ces trois espèces au centre d’une campagne de communication grand public ayant pour thème la lutte contre les espèces végétales invasives.

Comme toujours en matière écologique, le coût de l’inaction, qui croît chaque année, risque de s’avérer extrêmement lourd pour les générations futures. Aussi faut-il passer un stade supérieur de lutte contre la prolifération, en France comme au sein de 28 États membres de l’Union européenne.

En effet, comme le rappelait la Commission européenne dans sa communication relative aux espèces envahissantes « il ne sera pas possible d’enrayer la diminution de la biodiversité dans l’Union européenne sans régler de manière exhaustive la question des espèces envahissantes » (..) Les scénarios scientifiques indiquent une augmentation spectaculaire des invasions biologiques. La situation risque fort de s’aggraver. »

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, le mercredi 27 novembre 2013, sur le rapport de M. Alain Moyne-Bressand, la proposition de loi visant à lutter contre l’ambroisie à feuilles d’armoise, l’ambroisie trifide et l’ambroisie à épis lisses (n° 964).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à lutter contre trois espèces d’ambroisie, déposée par le groupe UMP le 17 avril dernier et inscrite à l’ordre du jour de la séance publique du 5 décembre, qui lui est réservée. Initialement renvoyé à la commission des affaires sociales en raison de l’impact négatif de l’ambroisie sur la santé publique, ce texte a finalement été renvoyé à la nôtre, puisqu’il s’agit avant tout de lutter contre une espèce végétale invasive.

Le 20 novembre, nous avons désigné rapporteur notre collègue Alain Moyne-Bressand, premier signataire de la proposition de loi et président du comité parlementaire de suivi du risque « ambroisie ». J’indique que 14 amendements ont été déposés sur le texte.

M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur. Le territoire français n'échappe pas aux invasions biologiques, et de nombreux exemples nous rappellent les conséquences environnementales, sanitaires et économiques de ce phénomène qui ne doit pas être sous-estimé.

L'ambroisie à feuilles d'armoise en est un exemple. C'est une espèce végétale envahissante, venue d'Amérique du Nord, présente sur notre sol depuis plus d'un siècle et en expansion sur tout le territoire national. Elle est particulièrement bien implantée dans la région Rhône-Alpes et dans le bassin de la Loire et de l'Allier ; mais elle est aussi présente dans d'autres régions où elle se répand, soit sur de vastes espaces, soit sous forme de pieds isolés. En l'état actuel des connaissances, seuls neuf de nos départements seraient épargnés : l'Ariège, la Charente, la Dordogne, le Lot-et-Garonne, la Manche, la Mayenne, la Meuse, l'Oise et les Pyrénées Atlantiques.

Les raisons de cette expansion sont multiples. Celle-ci reste avant tout favorisée par l’activité humaine : l'importance des surfaces laissées en friche ou en jachère, ainsi que le développement des cultures de soja et de tournesol ; la hausse des températures moyennes et la raréfaction des gels précoces en automne ; le développement des transports de matériaux et de matériels de construction ; la multiplication des voies de communication et l'augmentation des sites de construction en milieu urbain et périurbain. C'est surtout à la faveur des grands travaux d'aménagement du territoire que l'ambroisie est partie à la conquête des zones où le climat lui était favorable, et c'est depuis vingt-cinq ans qu'elle peut être qualifiée d'envahissante. Dans ma région, le facteur déclencheur a été le chantier de l’aéroport de Satolas-Lyon Saint-Exupéry.

La prolifération de l'ambroisie à feuilles d'armoise a un triple impact : agronomique d’abord – avec des pertes de rendement qui vont de 20 % pour les cultures de céréales à 70 % pour le tournesol et la betterave -, environnemental et surtout sanitaire.

L’impact sur la santé publique est très négatif, en raison du pouvoir allergisant du pollen, considéré comme l’un des plus puissants déclencheurs de rhumes des foins, de rhinites allergiques, de conjonctivites, voire de dermatites et de crises d'asthme. Selon de récentes études médicales, 10 à 20 % des patients européens présentant des allergies au pollen souffriraient d'allergies à l'ambroisie. Dans la région Rhône-Alpes, 12 % de la population souffrirait d’allergies liées à l'ambroisie dans la période de production, soit de juin à octobre.

La prévention est le meilleur moyen de contrôler l'invasion d'une espèce végétale, car il devient beaucoup plus difficile de lutter lorsque les plantes envahissantes se sont propagées sur de larges portions du territoire et en population dense. La dissémination de l'ambroisie à feuilles d'armoise en France est d’une telle ampleur que son éradication est devenue impossible, mais il est impératif de réduire son expansion.

Différentes méthodes sont utilisées : fauchage ou arrachage, couverture du sol par des plantes ou des bâches de chantiers, recours aux herbicides – qui restent dépendants des conditions météorologiques et du stade de développement de l'ambroisie.

Toutes les stratégies de lutte sont basées sur la prévention de la production parallèle de pollens et de graines, les akènes constituant la seule voie de multiplication de l'ambroisie. Pour lutter efficacement contre la dissémination, il faut donc allier méthodes et coordination des acteurs concernés, en recourant à des solutions complémentaires entre elles utilisées en permanence, dans la continuité des saisons.

D’un point de vue juridique, la lutte contre les ambroisies a fait l'objet d'un encadrement réglementaire et, plus tardivement, législatif, pour permettre à la France de respecter ses engagements européens et internationaux en matière de biodiversité. Les espèces invasives, qu'elles soient végétales ou animales, ont en effet été définies comme l’un des cinq facteurs aggravant l'érosion de la biodiversité. Le texte vise à rendre cet encadrement plus cohérent et plus efficace, pour l'adapter à l'urgence de la situation créée par la propagation rapide de l'ambroisie à feuilles d'armoise.

La lutte contre ce fléau s'inscrit dans l'objectif défini par la loi du 23 août 2009, dite « Grenelle I », de mettre un terme à la perte de biodiversité. Dans son article 23, la loi prévoit en effet la mise en œuvre de plans de lutte contre les espèces exotiques envahissantes afin de prévenir leur installation et leur extension et de réduire leurs impacts négatifs.

Cet objectif a été codifié à l'article L. 411-3 du code de l'environnement, qui prévoit la possibilité d'interdire l'introduction des espèces exotiques envahissantes dans le milieu naturel. L'article 415-3 du même code prévoit de sanctionner d'une amende de 9 000 euros et de six mois d'emprisonnement l'introduction volontaire, le transport et la commercialisation de ces espèces.

Conformément à la Convention sur la diversité biologique, dont l’objectif 9 prévoit que, d’ici à 2020, les espèces exotiques envahissantes et les voies d’introduction sont identifiées et classées en ordre de priorité, les espèces prioritaires étant « contrôlées ou éradiquées ». La lutte contre les espèces invasives est par ailleurs l'un des objectifs de la stratégie nationale pour la biodiversité pour la période 2011-2020.

Un arrêté du ministre de l'agriculture en date du 13 juillet 2010 a inscrit l'ambroisie sur la liste des espèces invasives, en définissant la nature du couvert végétal des bandes tampons autorisées entre parcelles cultivées. Cette liste peut être complétée par le préfet en fonction du contexte local, ce qui ouvre la voie à l'inscription de l'ambroisie trifide et de l'ambroisie à épis lisses dans un cadre régional ou départemental.

Indépendamment de la lutte contre l'ambroisie en tant qu'espèce invasive du point de vue de l'érosion de la biodiversité et de la protection des parcelles agricoles, les pouvoirs publics ont aussi agi dans le domaine de la santé publique. En 2011, le ministère de la santé a créé avec l’Institut national de la recherche agronomique, et sous l'autorité de la direction générale de la santé, l'Observatoire de l'ambroisie, qui a réalisé la première cartographie nationale de sa dissémination sur notre territoire. Le ministère a par ailleurs intégré la lutte contre l'ambroisie au Plan national santé – environnement 2 (2009-2013), au titre de l'action n° 22 Prévenir les allergies.

La lutte contre l'ambroisie s'impose aussi pour permettre à notre pays de respecter les engagements européens et internationaux souscrits lors de la signature de la Convention de Rio, de la Convention de Berne et de la Convention de Nagoya en 2010.

De nombreux outils réglementaires existent au niveau européen pour lutter contre les espèces invasives. La directive phytosanitaire de 2000 a établi une liste communautaire des organismes nuisibles aux végétaux et aux produits végétaux. Mais, comme le texte ne prend pas en compte l'incidence de ces organismes sur la santé humaine, l'ambroisie à feuilles d'armoise n'y figure pas. Des progrès pourraient être faits à ce sujet au sein de l'Union européenne, notamment grâce à une action conjointe de la France et des autres États les plus touchés, tels la Hongrie et la Croatie.

Cette action recouperait d'ailleurs une des préoccupations de la Commission européenne, qui a relancé la stratégie européenne de gestion des espèces envahissantes en 2010, après avoir présenté en 2008 une communication à ce sujet, dans laquelle elle faisait état « de nombreux problèmes sanitaires, notamment des allergies et des affections cutanées, (...) provoquées par des espèces envahissantes telle que l'ambroisie à feuilles d'armoise ». La Commission estimait par ailleurs les dommages causés par ces espèces et les moyens nécessaires pour lutter contre leur développement à 12 milliards d'euros par an au moins.

Sous la précédente législature, deux propositions de loi relatives à la lutte contre la propagation de l’ambroisie avaient été déposées, mais aucune n'avait été inscrite à l'ordre du jour de notre Assemblée. Un comité parlementaire de suivi du risque ambroisie avait cependant été créé en avril 2011, que présidait notre collègue Jacques Remiller ; j'en assume désormais la responsabilité.

L’ordre du jour de la séance publique du 5 décembre, réservée au groupe UMP, permettra d'examiner ce nouveau texte, que je vous demande d'adopter et sur lequel je proposerai quelques améliorations, pour l'essentiel rédactionnelles et de clarification.

M. Bertrand Pancher. Le groupe UDI se félicite que cette proposition de loi soit enfin examinée par notre Assemblée. Elle est attendue par nombre de nos concitoyens, au premier rang desquels les agriculteurs, notamment dans mon département, la Meuse. La propagation de l’ambroisie pose un problème de santé publique ; un problème financier dans l’agriculture, - vous en avez rappelé le coût en termes de rendement pour les céréaliers et les producteurs d’oléagineux - un problème environnemental enfin, puisque cette plante menace la biodiversité.

La lutte contre l’ambroisie a nécessité une large mobilisation. Le souci d’efficacité commandait cependant qu’une loi coordonne l’ensemble des acteurs, et cette proposition comble une faille.

Je m’étonne cependant que le texte ne fasse référence ni au code de l’environnement ni au code de la santé publique ; pourquoi cela ?

D’autre part, je comprends qu’il soit nécessaire de mobiliser tous les acteurs concernés, et je sais que les chantiers constituent l’un des principaux vecteurs de propagation de l’ambroisie. Je m’interroge toutefois sur les nouvelles contraintes imposées aux maîtres d’ouvrage et aux maîtres d’œuvre par l’article 9 : sera-t-il techniquement possible de les mettre en œuvre ?

Enfin, le texte appelle un déploiement de moyens humains importants, tant en termes d’organisation et de coordination qu’en termes de contrôle. Aurons-nous les moyens nécessaires, alors que ces missions risquent d’échoir à des agences dont les moyens diminuent chaque année ?

Quoi qu’il en soit, le groupe UDI soutiendra cette proposition de loi.

M. Jean-Yves Caullet. Je m’exprime au nom du groupe SRC. Vous avez, monsieur le rapporteur, cerné un problème compliqué. Le parcours de cette proposition de loi illustre d’ailleurs la difficulté à laquelle nous sommes confrontés : s’agit-il de lutter contre une espèce invasive, contre une menace pour la santé publique, ou contre les deux à la fois ? Cette interrogation me conduit à penser, comme notre collègue Bertrand Pancher, que les mesures proposées devraient être intégrées dans le code de la santé publique ou dans le code de l’environnement, ou dans les deux pour certaines dispositions.

Par ailleurs, nous abordons par ce texte la problématique générale des espèces invasives susceptibles d’avoir un impact sur l’économie, la santé ou l’environnement. Il serait donc souhaitable que le débat sur cette proposition de loi nous permette d’élargir le champ de l’analyse. Parce que le cas, hélas, se reproduira, il serait bon de saisir cette occasion pour définir une méthode d’évaluation et de classification des risques que présentent certaines plantes et certains animaux pour la santé, l’environnement et l’agronomie, ainsi que les réactions qu’ils appellent.

Rappelons-nous que la lutte, ancienne, contre le chardon, une autre espèce nuisible pour l’agriculture, est codifiée et réglementée depuis fort longtemps et que les préfets peuvent enjoindre les agriculteurs de couper les chardons dans leurs champs. Mais nous constatons tous les jours que ces dispositions ne sont plus appliquées et que les chardons prolifèrent dans des pâtures, champs et friches dont le propriétaire n’est plus connu, ou dont on ignore si ce sont toujours des parcelles agricoles. La lutte contre les espèces nuisibles est un vieux problème pour l’agriculture, mais un problème nouveau pour la santé publique et pour la biodiversité. Nous avons donc tout intérêt à élargir le débat au-delà du problème particulier soulevé par ce texte. Pour cette raison, le groupe SRC ne s’opposera pas à cette proposition de loi, mais il considère qu’elle appelle une réflexion plus approfondie en commission, qui lui donnerait une portée plus générale.

M. Jean-Marie Sermier. Le groupe UMP félicite notre collègue Alain Moyne-Bressand pour son excellent travail. Grâce à cette proposition de loi se lève un jour nouveau. L’ambroisie est une espèce beaucoup plus nuisible que celles dont nous avons eu à connaître dans le passé, et à plus d’un titre. Nuisible pour la santé d’abord, puisque quelques grains de ce pollen au mètre cube suffisent à susciter des allergies qui entraînent l’apparition d’asthme dans la moitié des cas. Nuisible particulièrement parce que l’ambroisie se développe principalement le long des rivières, ce qui interdit les traitements phytosanitaires : je ne suis pas opposé à l’usage de désherbants chimiques, mais ceux-ci ne peuvent être utilisés à proximité des cours d’eau. Il en résulte que, dans le Jura par exemple, de petits morceaux d’ambroisie sont arrachés lors des crues et dispersés au fil des berges et en aval, ce qui entraîne une pollution importante et une diffusion très rapide de la plante.

Les expérimentations montrent toute la difficulté de traiter le problème, surtout si l’on refuse l’usage de produits phytosanitaires. Il convient donc d’inscrire rapidement l’ambroisie sur la liste des organismes nuisibles et de trouver les solutions permettant de lutter contre cette espèce. C’est pourquoi le groupe UMP soutiendra cette proposition de loi.

Mme Laurence Abeille. Je remercie le rapporteur et le groupe UMP de nous permettre de traiter de la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, problème important quand il s’agit de protéger et de reconquérir la biodiversité. Ces espèces envahissantes sont actuellement considérées comme la deuxième cause de régression de la biodiversité, et nous devons faire face à des menaces écologiques bien plus graves que l'ambroisie.

Aussi le groupe écologiste juge-t-il dommage que l’axe retenu ne soit pas environnemental mais essentiellement sanitaire : si l'ambroisie ne causait pas d'allergies mais seulement des atteintes à l'environnement et à la biodiversité, cette proposition de loi n'aurait sans doute jamais existé. D’ailleurs, comme le président de notre commission l’a rappelé, le texte a initialement été renvoyé à la commission des affaires sociales. D’évidence, il est toujours difficile de traiter les problèmes concernant à la fois la santé et l’environnement, sujets transversaux que l'on ne peut appréhender sous un seul angle.

Les espèces invasives le sont du fait d'une intervention humaine, et les changements de milieu favorisent très souvent leur développement. C’est précisément le cas pour l'ambroisie, espèce introduite par l'homme et qui prolifère dans des écosystèmes souvent pauvres en biodiversité. Les invasions biologiques, accusées d'appauvrir les milieux naturels, révèlent en réalité souvent des dégradations causées par l'homme.

Il est indispensable de tirer les conséquences de l'introduction de cette plante il y a plus de cent ans. La dissémination de l'ambroisie et les problèmes qu’elle entraîne doivent nous faire modifier nos pratiques, qu’il s’agisse du commerce des plantes ornementales exotiques, du contrôle des échanges horticoles ou de l'introduction d'OGM en plein champ. Une fois la plante introduite, elle peut bouleverser profondément les écosystèmes et elle est souvent difficile à éradiquer ; c'est le risque que font courir les OGM, espèces exogènes introduites volontairement.

En bref, je pense que cette proposition de loi doit s'inscrire dans une réflexion plus globale sur la lutte contre les espèces envahissantes et la protection de la biodiversité.

Ce texte permettra-t-il de lutter contre la prolifération de l'ambroisie ? Pour une grande part, les mesures proposées consistent à imposer des plans de lutte aux collectivités locales et aux préfets. Or, les collectivités locales agissent déjà lorsque le problème apparaît ; pourquoi ajouter des contraintes quand l'intelligence locale permet une action souvent efficace ? Il est surtout nécessaire de savoir comment lutter efficacement contre cette dissémination et de donner les moyens aux collectivités de le faire.

Si ce dont il s’agit est d'utiliser des produits phytosanitaires, le remède risque d'être pire que le mal : imposer de supprimer l’ambroisie sans imposer une technique respectueuse de l'environnement, comme le fait la proposition de loi, peut entraîner un accroissement substantiel de l'utilisation de pesticides. C'est pourquoi les instituts de recherche doivent élaborer des méthodes de lutte écologiques contre cette plante. Je rappelle qu’après l'adoption récente d'une proposition de loi présentée par le groupe écologiste du Sénat, l'utilisation de produits phytosanitaires en dehors de l'agriculture ne sera de toute façon bientôt plus possible. Contre l’ambroisie, espèce envahissante qui craint la concurrence végétale, il faut développer la lutte biologique par la réintroduction d’espèces indigènes, une technique moins nocive pour l'environnement.

L’exposé des motifs de la proposition signale par ailleurs que la prolifération de l'ambroisie est liée à l'augmentation des rejets de gaz à effet de serre. Une mesure essentielle devrait donc être de tout faire pour atteindre l’objectif de division par quatre de ces émissions d’ici à 2050.

De même, l'ambroisie se développant davantage dans des zones de monoculture, notamment de tournesol, et peu dans les espaces naturels, nous devons nous attacher à promouvoir une agriculture biologique, respectueuse de l'environnement et de la biodiversité.

Les mesures proposées aux articles 8 et 9, qui concernent d’une part le niveau de contamination par les graines d'ambroisie des aliments pour animaux, d’autre part l'obligation de couvrir les sols nus, vont dans le bon sens ; il conviendra de privilégier les couvertures végétales telles que le trèfle, et ne pas « artificialiser » les sols.

La lutte contre l'ambroisie est un combat difficile. La proposition de loi, bien qu’imparfaite, apporte un début de solution. C'est pourquoi le groupe écologiste pourrait envisager de la soutenir si elle était précisée lors de l’examen en séance publique. Nous présenterons des amendements à cette fin ; ils porteront particulièrement sur le volet « prévention » – par la mise en culture des friches industrielles – et sur les moyens de lutter contre l’ambroisie, car il faut choisir des modes d’action biologiques et soutenables, telles les plantations indigènes.

M. le rapporteur. J’ai écouté attentivement vos commentaires. L’ambroisie pose des problèmes compliqués dans presque tous les départements français. L’objectif du texte n’est donc pas d’éradiquer la plante – nous n’y parviendrons pas – mais de gérer son développement, actuellement exponentiel. Les mesures à prendre, diverses, sont de notre responsabilité partagée, sous la houlette des préfets. C’est pourquoi nous proposons d’instituer, dans chaque commune, un agent référent chargé de coordonner la lutte contre la dissémination de l’ambroisie avec les services compétents de l’État. Ma commune compte deux agents référents, et le remarquable travail d’information qu’ils accomplissent me permet de contacter les propriétaires défaillants. La sévérité à l’égard de ceux qui refusent de prendre part aux campagnes de destruction doit être la règle ; c’est là qu’interviendra le préfet, qui imposera d’agir.

Je partage sans réserve votre opinion sur les risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires. J’avais d’ailleurs demandé à Mme Roselyne Bachelot, alors ministre de l'écologie et du développement durable, que des recherches soient menées sur des moyens d’action biologiques ; cela n’a malheureusement pu aboutir, sans doute faute des moyens nécessaires.

L’invasion ne nous concerne pas seuls : l’ambroisie est aussi présente dans d’autres pays d’Europe, singulièrement en Hongrie, ainsi qu’en Amérique du Nord d’où elle provient. Nous devons rassembler nos efforts pour lutter contre sa dissémination mais aussi, à notre niveau, agir pour cerner et gérer au mieux ce mal qui progresse.

Je suis bien entendu tout disposé à améliorer la proposition de loi. J’ai mentionné tant le code de la santé que le code de l’environnement dans l’exposé des motifs, et il va sans dire que des spécialistes ont contribué à la rédaction d’un texte dont je me félicite qu’il soit discuté, et dont j’espère qu’il sera adopté.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Mme Laurence Abeille. Je ne prendrai part à aucun des votes.

Article 1er
Classement de l’ambroisie à feuilles d’armoise comme végétal nuisible pour la santé publique

Cet article énonce le principe général qui classe l’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) comme végétal nuisible pour la santé humaine. Il met en avant les impacts sanitaires du pollen de la plante, particulièrement allergisant, comme votre Rapporteur l’a expliqué dans son rapport. Mais les autres conséquences, agronomiques et environnementales, ne doivent pas être négligées et justifient les dispositions de l’article suivant.

Le dispositif de la proposition de loi n’évoque que l’ambroisie à feuilles d’armoise mais les deux autres espèces comme l’ambroisie trifide (Ambrosia trifida) ou l’ambroisie à épis lisses (Ambrosia coronopifolia) considérées comme envahissantes – même à un degré moindre – pourront également être inscrites par le pouvoir réglementaire sur les listes des végétaux nuisibles.

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* *

La Commission adopte l’article 1ersans modification.

Article 2
Inscription de l’ambroisie à feuilles d’armoise sur la liste des organismes nuisibles

Cet article vise à inscrire l’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) sur la liste des organismes nuisibles. Cette inscription trouve son intérêt dans l’obligation qu’elle sous-tend pour les mesures de lutte contre cette espèce sur tout le territoire national.

En fait, il existe déjà un arrêté ministériel, celui du 13 juillet 2010, signé par M. Bruno Lemaire, alors ministre chargé de l’agriculture, qui dans son annexe IV inscrit l’espèce Ambrosia artemisiifolia sur la liste des plantes invasives ne devant pas être utilisées pour enherber les bandes tampons entre parcelles cultivées. Mais cet arrêté est lié aux conditionnalités auxquelles sont soumises les aides communautaires aux agriculteurs et il est nécessaire d’affirmer le caractère multidimensionnel de la lutte contre les espèces d’ambroisie.

Votre Rapporteur propose une nouvelle rédaction globale de cet article afin de souligner le principe de lutte obligatoire et permanente, et d’étendre les dispositifs de lutte à l’ensemble du territoire national.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CD2 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement réécrit l’article pour préciser les effets de l'inscription de l'ambroisie à feuilles d'armoise sur la liste des organismes nuisibles et pour ne pas exclure les départements et territoires ultramarins des mesures de lutte obligatoire.

La Commission adopte l’amendement.

L’article 2 est ainsi rédigé.

Article 3
Obligation de suppression de l’ambroisie à feuilles d’armoise

Cet article institue une obligation de supprimer l’ambroisie à feuilles d’armoise : l’obligation vise l’occupant légal d’une parcelle où cette espèce d’ambroisie a été détectée.

Lorsque la prévention a échoué, l’éradication constitue la seule solution : les plants d’ambroisie doivent être arrachés. Les opérations de destruction doivent être continues ; ainsi plusieurs fauches peuvent être nécessaires au printemps pour éviter la repousse des plants.

La floraison de l’ambroisie à feuilles d’armoise a lieu de juillet à novembre selon le milieu. Comme la plante meurt aux premiers gels et ne se reproduit que par la germination de ses fruits au printemps, il est important d’éliminer la plante avant sa floraison et d’éviter les repousses.

L’obligation est mise à la charge de « l’occupant légal » de la parcelle mais votre Rapporteur a conscience du fait que d’autres expressions seraient sans doute préférables : en particulier, il ne suffit pas de viser uniquement le propriétaire du terrain mais aussi le locataire (par exemple le fermier) ou l’exploitant, l’occupant (dans le cas des chantiers) ou le gestionnaire (cas des infrastructures publiques de transport).

De toute évidence, il est souhaitable que la destruction repose sur les mesures les plus respectueuses de l’environnement ou, selon les cas, sur les moins nocives, notamment par une combinaison et une coordination des actions comme votre Rapporteur l’a évoqué précédemment dans son rapport.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CD3, également du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement précise que l'obligation de destruction concerne soit le propriétaire, soit le locataire, soit l'occupant, à quelque titre que ce soit, de la parcelle envahie.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CD4 du rapporteur.

La Commission adopte alors l’article 3 ainsi modifié.

Article 4
Responsabilité de la lutte contre l’ambroisie à feuilles d’armoise

● La lutte contre les espèces les plus proliférantes d’ambroisie concerne de multiples acteurs : l’État et ses services déconcentrés, les collectivités locales, les acteurs économiques et les propriétaires privés, les usagers, etc. La multiplicité de ceux-ci constitue un obstacle majeur à l’efficacité de la lutte alors que leur mobilisation et leur coordination sont essentielles à la réussite de leurs interventions. Pourtant, dans le cas de l’ambroisie, les différentes catégories d’acteurs partagent la même perception et on ne relève aucun conflit d’intérêt.

C’est pourquoi la responsabilité de la lutte contre l’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) doit être confiée au représentant de l’État dans le département. Les arrêtés préfectoraux pris depuis 2003 dans une quinzaine de départements montrent bien le rôle essentiel du préfet dans la coordination opérationnelle de la lutte et dans le soutien des initiatives locales.

● Le premier échelon pertinent de lutte reste celui du territoire communal. D’où l’intérêt de disposer dans chaque commune d’une personne référente pour organiser et coordonner la lutte avec les services compétents, prendre contact avec les propriétaires ou locataires des parcelles. Ce coordonnateur sera, soit un élu membre du conseil municipal, soit un fonctionnaire ou un agent communal. Ce système existe déjà dans certaines communes particulièrement impactées et fonctionne bien. C’est pourquoi il est proposé de le généraliser.

*

* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD5 du rapporteur.

Elle adopte l’article 4 ainsi modifié.

Article 5
Exécution d’office de la suppression de l’ambroisie à feuilles d’armoise

Cet article prévoit une procédure en cas d’inexécution des mesures obligatoires de destruction imposées par l’article 3 au propriétaire, au locataire ou à l’occupant d’une parcelle contaminée par l’ambroisie à feuilles d’armoise. Une mise en demeure est alors adressée à la personne publique ou privée à qui incombe l’obligation de destruction ; en cas de non-réponse, l’exécution d’office sera effectuée par les autorités compétentes et mise à la charge de la personne défaillante.

Cette procédure est déjà prévue par certains arrêtés préfectoraux depuis une dizaine d’années et l’exécution d’office est souvent confiée aux maires, autorités administratives les plus proches du terrain. D’où l’intérêt du second alinéa de l’article qui prévoit qu’une copie de la mise en demeure soit adressée au maire de la commune où est se situe la parcelle contaminée par l’ambroisie à feuilles d’armoise.

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* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD6 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement CD7 du même auteur.

M. le rapporteur. Le délai de huit jours après réception de la lettre recommandée au terme duquel l’occupant est tenu d’avoir pris des mesures de suppression paraît trop court ; l’amendement le porte à quinze jours.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CD8 du rapporteur.

La Commission adopte l’article 5 ainsi modifié.

Article 6
Inspection, contrôle et bonne exécution des mesures de suppression

Cet article prévoit qu’un arrêté conjoint des ministres en charge de l’agriculture, de l’environnement et de la santé détermine les agents habilités à procéder à l’inspection, au contrôle et à l’exécution des mesures de destruction de l’ambroisie à feuilles d’armoise. En effet, l’efficacité de l’obligation de destruction – prévue à l’article 3 –  et de la procédure d’exécution d’office – prévue à l’article 5 –  repose sur l’action de tiers qui ne peuvent être ni les personnes assujetties à l’obligation, ni les maires des communes concernées, mais bien des fonctionnaires ou des contractuels employés par les services déconcentrés de l’État ou par les collectivités locales.

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* *

La Commission adopte l’amendement de conséquence CD9 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 6 ainsi modifié.

Article 7
Frais engendrés par les mesures de police administrative

Cet article prévoit que les frais engendrés par les mesures de police administrative, notamment les mesures de destruction – qu’elles soient spontanées ou suite à une exécution d’office – restent à la charge de celui à qui l’obligation incombe ou à celle de ses ayants droit.

La lutte contre l'ambroisie relève, sur le plan local, de deux polices administratives : une police spéciale au profit du préfet de région, au titre de la lutte contre la pollution de l'air, et une police générale au profit du maire, au titre de la police de la salubrité publique. Ainsi, le préfet de région élabore un plan régional de la qualité de l'air (PRQA) qui peut fixer des objectifs de mesure de la présence et de lutte contre l'ambroisie (titre II de la loi sur l'air du 30 décembre 1996). Sur la base de ce plan régional, et pour les grandes agglomérations ou certaines zones définies par décret en Conseil d'État (article L. 222-4 du Code de l'environnement), le préfet de département peut élaborer un plan de protection de l'atmosphère et il lui appartient de proposer les mesures de régulation adaptées.

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* *

La Commission adopte l’amendement de précision CD10 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 7 ainsi modifié.

Article 8
Niveau maximal de graines d’ambroisie dans les aliments pour oiseaux

Les mélanges d’aliments pour oiseaux, notamment ceux contenant du tournesol, constituent une voie d’introduction de graines d’ambroisie, particulièrement en milieu urbain. Des enquêtes effectuées en Allemagne, au Danemark et en Suisse ont montré qu’une grande quantité d’échantillons contenaient des graines d’ambroisie (jusqu’à 60 à 70  % des lots), quelquefois en grande quantité (plusieurs centaines d’akènes par kilogramme d’aliment).

Aucune règle n’établit un niveau maximal de graines d’ambroisie dans les aliments pour animaux. Seule la Suisse a édicté des normes réglementaires en la matière.

Cet article vise donc à en instituer un, en laissant au pouvoir réglementaire le choix du niveau le plus adapté, par arrêté conjoint des ministres en charge de l’agriculture, de l’environnement et de la santé.

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* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CD11 du rapporteur.

Elle adopte l’article 8 ainsi modifié.

Article 9
Minimisation des modes de diffusion des semences au cours de travaux et sur les chantiers

Le transport de terres, de graviers ou de récoltes contaminées contribue à la dissémination des akènes d’ambroisie. De plus, lorsque la terre est retournée, soit pour cultiver, soit lors de chantiers, les graines d'ambroisie remontent à la surface et germent, même après une longue période de plusieurs années comme certaines études scientifiques l’ont montré. C’est le cas en région Rhône-Alpes où tout chantier récent remonte des akènes enfouis. Les cas les plus fréquents de dispersion sont liés aux engins agricoles et de chantier qui parcourent quelquefois de longues distances (cas fréquent des moissonneuses batteuses ou des engins de travaux publics).

C’est pourquoi les maîtres d’ouvrage ou les maîtres d’œuvre doivent avoir une responsabilité dans la prévention de la dissémination des akènes et de la pousse de plantules sur les sols nus, d’une part en mettant en place des mesures pour minimiser la diffusion, d’autre part en ayant recours aux méthodes de couverture des sols, par des moyens naturels (plantes ou débris végétaux) ou artificiels (bâches).

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* *

La Commission adopte l’article 9 sans modification.

Article 10
Rôle du ministre chargé de la santé dans la lutte contre l’ambroisie à feuilles d’armoise

Cet article confère au ministre chargé de la santé un rôle essentiel dans la surveillance de l’extension de l’ambroisie à feuilles d’armoise et dans la collecte de données sur cette extension et sur son impact sur la santé publique.

La coordination des services de l’État, tant au niveau central des administrations ministérielles qu’au niveau déconcentré et décentralisé, est essentielle.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement CD12 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement supprime une disposition d’application difficile et plutôt à caractère réglementaire.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 10 ainsi modifié.

Article 11
Surveillance de l’extension de l’ambroisie à feuilles d’armoise

La prévention et l’information apparaissent absolument nécessaires, non seulement dans les zones où l’ambroisie à feuilles d’armoise est répandue, mais surtout dans les autres régions où la prise de conscience n’est pas manifeste. En effet, ce n’est que plusieurs années après l’apparition de la plante que les premières allergies se manifestent chez les patients : pendant ce laps de temps, l’ambroisie est devenue envahissante et la lutte devient plus difficile.

Depuis deux ans, l’Observatoire de l’ambroisie établit une cartographie de l’extension de l’ambroisie sur le territoire français : la généralisation d’une telle cartographie en coordination avec les servies des ministères chargés de l’environnement et de l’agriculture permettra de préciser l’extension de l’espèce, de mesurer l’efficacité des mesures de lutte menées dans les zones contaminées et de modifier si nécessaire les actions de lutte.

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* *

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CD13 et CD14 du rapporteur.

Puis elle adopte l’article 11 ainsi modifié.

Article 12
Campagnes d’information, de communication et d’alerte

L’information et la sensibilisation du public sont particulièrement importantes pour faciliter la prévention, développer la connaissance de la plante afin que le public la reconnaisse, afin de rendre la détection la plus précoce possible, soit conscient du caractère invasif et participe à la collecte puis à la transmission d’informations.

L’information et la sensibilisation doivent concerner les populations directement intéressées par le phénomène et ses impacts, mais également les services et les administrations en charge de l’agriculture, de l’environnement, de la santé et des transports.

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* *

La Commission examine l’amendement CD15 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement clarifie le rôle confié au ministre de la santé en matière d'information et d'alerte.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 12 ainsi modifié.

Article 13
Gage

Le présent article prévoit un gage financier visant à compenser les charges qui seraient occasionnées par la mise en œuvre des dispositions de la proposition de loi. Si l’article 40 de la Constitution rend irrecevables les amendements ou les propositions de loi qui créeraient ou aggraveraient une charge publique, la proposition de loi a été jugée recevable parce qu’elle comportait un gage de compensation.

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La Commission adopte l’article 13 sans modification.

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* *

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La parole est à M. Jean-Yves Caullet pour une explication de vote.

M. Jean-Yves Caullet. Étant donné l’importance du sujet, le groupe SRC s’abstiendra afin que la proposition de loi puisse être présentée en séance publique. Mais, pour éviter toute hypocrisie, je précise déjà que nous demanderons le renvoi du texte en commission, de manière que la réflexion soit approfondie et élargie, et que l’on parvienne à une définition plus claire des moyens humains, administratifs et financiers à mettre en œuvre pour lutter efficacement contre les plantes invasives.

Mme Laurence Abeille. Je regrette cette position du groupe SRC. J’ai indiqué les réserves du groupe écologiste, et que des précisions nous paraissent nécessaires. Parce que la discussion en séance publique permettrait peut-être de les apporter, il serait bon qu’elle ait lieu.

M. Jean-Yves Caullet. La position du groupe SRC est, pour l’heure, celle que j’ai dite.

M. le rapporteur. Nous retravaillerons le rapport pendant les quelques jours qui nous séparent de l’examen de la proposition de loi en séance publique, et les différents sujets abordés lors de ce débat y figureront. Je ne désespère pas que nous nous fassions entendre.

*

* *

La Commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée, les groupes UDI et UMP votant pour, et le groupe Écologiste ne prenant pas part au vote.

*

En conséquence, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

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Article 1er

Article 1er

(Sans modification)

 

En raison du fort impact sanitaire de l’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) qui provoque par son pollen une augmentation des cas d’allergies dans la population, cette plante envahissante est déclarée végétal nuisible pour la santé publique.

 
 

Article 2

Article 2

 

Ambrosia artemisiifolia est inscrite sur la liste des organismes nuisibles, soumis à des mesures de lutte obligatoire permanente sur tout le territoire métropolitain.

L'ambroisie à feuilles d'armoise (Ambrosia artemisiifolia) est inscrite sur la liste des organismes nuisibles aux végétaux et aux produits végétaux contre lesquels la lutte est obligatoire, de façon permanente, sur tout le territoire national, dès leur apparition et quel que soit leur stade de développement

amendement CD2

 

Article 3

Article 3

 

Tout occupant légal d’une parcelle avec la présence d’Ambrosia artemisiifolia est tenu de procéder, à ses frais, à la suppression de cette plante, avant sa floraison.

Tout propriétaire, tout locataire ou tout occupant, à quelque titre que ce soit, d’une parcelle avec la présence d’Ambrosia artemisiifolia est tenu de procéder, à ses frais, à la destruction de cette plante, avant sa floraison.

amendements CD3 et CD4

 

Article 4

Article 4

 

Le Préfet est le responsable opérationnel de la lutte contre l’Ambrosia artemisiifolia sur le territoire du département.

Le représentant de l’État dans le département est le responsable opérationnel de la lutte contre l’Ambrosia artemisiifolia sur le territoire du département.

amendement CD5

 

Dans chaque commune d’implantation de l’Ambrosia artemisiifolia, un agent référent, élu ou fonctionnaire, est désigné par le maire pour organiser et coordonner, sur le territoire de la commune, la lutte avec les services compétents de l’État.

(Alinéa sans modification)

 

Article 5

Article 5

 

En cas d’inexécution des mesures de suppression par l’occupant, les agents désignés par les autorités administratives, procèdent, après une mise en demeure adressée à l’occupant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, et restée sans suite sous un délai de huit jours, à leur exécution d’office aux frais de l’occupant.

En cas d’inexécution des mesures de destruction prévue à l’article 3, les agents désignés par les autorités administratives procèdent, après une mise en demeure adressée à la personne publique ou privée concernée par l’obligation de suppression par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, et restée sans suite sous un délai de quinze jours, à leur exécution d’office aux frais de cette personne publique ou privée.

amendements CD6, CD7 et CD8

 

Une copie de cette notification est adressée au maire de la commune d’implantation de la parcelle atteinte par l’Ambrosia artemisiifolia.

(Alinéa sans modification)

 

Article 6

Article 6

 

Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé, détermine les agents habilités à procéder à l’inspection, au contrôle et à la bonne exécution des mesures de suppression d’Ambrosia artemisiifolia sur les propriétés foncières.

Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé détermine les agents habilités à procéder à l’inspection, au contrôle et à la bonne exécution des mesures de destruction de l’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) sur les propriétés foncières.

amendement CD9

 

Article 7

Article 7

 

Les frais engendrés par les mesures de police administrative prises en application de la présente loi, notamment les mesures de destruction, sont à la charge de l’occupant ou à défaut de ses ayants droit.

Les frais engendrés par les mesures de police administrative prises en application de la présente loi, notamment les mesures de destruction de l’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) sont à la charge de l’occupant ou, à défaut, de ses ayants droit.

amendement CD10

 

Article 8

Article 8

 

Pour lutter contre la présence de graines d’Ambrosia artemisiifolia en mélange dans les aliments pour oiseaux, qui constitue un des facteurs de dispersion géographique de la plante, le niveau maximal de graines d’ambroisie dans les aliments pour oiseaux est fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé.

Pour lutter contre la présence de graines d’Ambrosia artemisiifolia en mélange dans les aliments pour oiseaux, le niveau maximal de graines d’ambroisie dans les aliments pour oiseaux est fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé.

amendement CD11

 

Article 9

Article 9

(Sans modification)

 

Tout maître d’ouvrage et tout maître d’œuvre est tenu de mettre en place, lors de travaux, toutes les mesures qui permettent de minimiser les modes de diffusion des semences d’Ambrosia artemisiifolia par divers vecteurs, tels que la terre et les gravats ou les machines agricoles et de chantier.

 
 

Il met en place les mesures préventives, notamment des couvre-sols, permettant d’éviter le développement d’Ambrosia artemisiifolia sur des sols nus.

 
 

Article 10

Article 10

 

À des fins de veille sanitaire, le ministre chargé de la santé prend toutes mesures destinées à collecter les données et informations sur la lutte contre l’extension de l’Ambrosia artemisiifolia et sur l’impact de cette plante sur la santé publique.

(Alinéa sans modification)

 

Il organise, sous son autorité, la nécessaire coordination des différents services concernés des ministères de la santé, des transports, de l’agriculture et de l’environnement.

(Alinéa sans modification)

 

Cette coordination est déclinée au niveau interrégional, régional, départemental et intercommunal des services concernés.

Alinéa supprimé

amendement CD12

 

Article 11

Article 11

 

En coordination avec les ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture, le ministre chargé de la santé organise une surveillance aérobiologique des pollens d’ambroisie et une surveillance cartographique de l’extension de l’Ambrosia artemisiifolia. Cette surveillance permet de mesurer l’efficacité des actions de lutte contre l’ambroisie et de déterminer de nouvelles actions ciblées.

En coordination avec les ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture, le ministre chargé de la santé organise une surveillance aérobiologique des pollens d’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) et une surveillance cartographique de l’extension de cette espèce sur le territoire national. Cette surveillance permet de mesurer l’efficacité des actions de lutte contre l’ambroisie à feuilles d’armoise et de déterminer de nouvelles actions ciblées.

amendements CD13 et CD14

 

Article 12

Article 12

 

Le ministre chargé de la santé pilote des campagnes d’information, de communication et d’alerte envers les services et les populations concernées.

Le ministre chargé de la santé pilote des campagnes d’information, de communication et d’alerte sur les risques liés à l’ambroisie à feuilles d’armoise (Ambrosia artemisiifolia) destinées aux services de l’État, aux collectivités locales ainsi qu’aux populations concernées. 

amendement CD15

 

Article 13

Article 13

 

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration du tarif de la taxe mentionnée à l’article 991 du code général des impôts.

(Sans modification)

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Les amendements déposés en Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sont consultables sur le site internet de l’Assemblée nationale. (18)

© Assemblée nationale

1 () Elles sont par contre considérées comme envahissantes en Russie.

2 () Une dizaine de jours en trente ans.

3 () Certaines études évoquent même des périodes de 40 ans !

4 () Société botanique d'Alsace, association Floraine, Conservatoire et Jardins Botaniques de Nancy, Conservatoire régional des espaces naturels (CREN) de Rhône-Alpes, Réseau Biovigilance Flore, Réseau Ferré de France, Laboratoire d'Ecologie Alpine, groupe Autoroutes Paris Rhin Rhône.

5 () Il s’agit de l’Ariège, la Charente, la Dordogne, le Lot-et-Garonne, la Manche, la Mayenne, la Meuse, l’Oise, et les Pyrénées Atlantiques.

6 () 45 grammes par an et par pied en moyenne.

7 () L’ambroisie étant originaire d’Amérique du Nord n’a aucun prédateur naturel en Europe.

8 () http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/SNB_03-08-2012.pdf

9 () Adoptés par les Parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB) de Nagoya en octobre, les « Objectifs d'Aichi » (au nombre de vingt), constituent le nouveau "Plan stratégique pour la biodiversité 2011-2020" au plan mondial.

10 () http://www.ambroisie.info/

11 () http://www.ambroisie.info/docs/fiche_6.pdf

12 () Élaboré en collaboration avec l’ensemble des parties prenantes, le deuxième plan national santé environnement (PNSE) décline les engagements du Grenelle de l’environnement, en matière de santé environnement. Il a pour ambition de donner une vue globale des principaux enjeux et de caractériser et de hiérarchiser les actions à mener pour la période 2008-2013, sur la base d’un constat commun. Il définit un ensemble d’actions communes et concertées, tant au niveau national que local. Il s’inscrit dans la continuité des actions portées par le premier PNSE, prévu par la loi de santé publique du 9 août 2004, et le Grenelle de l’environnement.

13 () http://www.ambroisie.info/docs/Rapport_federation_cnb.pdf

14 () www.hcsp.fr (rapport d’évaluation du PNSE 2, Synthèse et préconisations, septembre 2013).

15 () http://especes-envahissantes-outremer.fr/pdf/communication_commission_europeenne.pdf

16 () Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020, page 14.

17 () Le Festin d'immortalité - Étude de mythologie comparée indo-européenne, thèse, Annales du Musée Guimet, 1924.

18 () http://recherche2.assemblee-nationale.fr/amendements/resultats.jsp?NUM_INIT=1337&LEGISLATURE=14&ORGANE=D%E9veloppement%20durable