N° 1785 - Rapport de M. Gilles Savary sur la proposition de loi , après engagement de la procédure accélérée,de MM. Bruno Le Roux, Gilles Savary, Mme Chantal Guittet, MM. David Habib et Christian Assaf et plusieurs de leurs collègues visant à renforcer la responsabilité des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale (1686)



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N° 1785

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 février 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LES PROPOSITIONS DE LOI visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale,

PAR M. Gilles SAVARY,

Député.

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Voir le numéro :

Assemblée nationale : 1686.

SOMMAIRE

___

Pages

I. LE DÉTACHEMENT : UNE PROCÉDURE PRÉCISE ET ANCIENNE D’ACCOMPAGNEMENT DES ÉCHANGES INTERNATIONAUX 15

1. Une mission temporaire de travail à l’étranger 15

2. Des règles internationales d’encadrement du travail détaché 16

3. Le détachement « d’échange » : une pratique universelle et banalisée particulièrement utilisée par les Français 19

II. LA DIRECTIVE EUROPÉENNE 96/71/CE CONCERNANT LE DÉTACHEMENT DE TRAVAILLEURS EFFECTUÉ DANS LE CADRE D’UNE PRESTATION DE SERVICES : UNE VOLONTÉ D’ENCADREMENT SOCIAL DU DÉTACHEMENT AU SEIN DU MARCHÉ INTÉRIEUR EUROPÉEN 25

1. La directive 96/71/CE : une garantie des droits sociaux dans un contexte d’asymétries sociales 26

2. Un dispositif de coopération et de contrôle affaibli par de fortes disparités administratives entre États membres 28

3. Les zones grises : cas des États sans salaire minimum, de l’intérim international et des travailleurs hautement mobiles 31

III. LE DÉTACHEMENT, PRIS EN OTAGE PAR L’ÉMERGENCE DE STRATÉGIES SYSTÉMATIQUES D’OPTIMISATION ET DE CONCURRENCE SOCIALE 39

1. Les facteurs aggravants des élargissements de l’Union et de la zone Schengen, puis de la crise économique et de ses développements européens. 39

2. L’impuissance des règles de contrôle face à la sophistication des fraudes, des abus et des contournements 41

IV.LA DOUBLE NÉCESSITÉ D’UN « DURCISSEMENT » DE LA DIRECTIVE DÉTACHEMENT ET DES PROCÉDURES NATIONALES DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL ILLÉGAL 49

1. Les avancées de la directive d’application en cours d’examen 49

2. La nécessité d’une politique européenne plus large et plus systématique de lutte contre la concurrence faussée par l’optimisation sociale dans un espace européen socialement disparate 53

3. La nécessité de mesures nationales de protection contre la concurrence et l’optimisation sociale. 55

V. L’OBJECTIF : LUTTER PLUS EFFICACEMENT CONTRE LE TRAVAIL ILLÉGAL ET REMETTRE LE DÉTACHEMENT À SA PLACE 57

1. Une question juridique de concurrence inéquitable au sein du marché intérieur européen 57

2. Consolider et stabiliser la jurisprudence naissante 58

3. Renforcer la responsabilité juridique de tous les acteurs de la chaîne du détachement 60

VI.LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI 61

CONCLUSION 63

TRAVAUX DE LA COMMISSION 65

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 65

II. EXAMEN DES ARTICLES 75

Chapitre Ier – Dispositions générales modifiant le code du travail 75

Article 1er(articles L. 1262-4-1 à L. 1262-4-4 nouveaux et article L. 1262-5 du code du travail) : Extension de l’obligation de vigilance de l’entreprise bénéficiaire d’une prestation de service internationale 75

Article 2 (article L. 3245-2 nouveau du code du travail) : Solidarité du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage pour le paiement des salaires 80

Article 3 (Article L. 8222-5 du code du travail) : Extension du devoir d’injonction du maître d’ouvrage 84

Article 4 (Article L. 8271-6-2 du code du travail) : Habilitation des agents de contrôle à exiger la production immédiate des documents propres au détachement de travailleurs 85

Article 5 (Article L. 8224-7 nouveau du code du travail) : Sanction de la poursuite d’activité au-delà d’un mois avec un partenaire dont la situation d’irrégularité a été signalée au regard de la législation relative au travail dissimulé 87

Article 6 (Article L. 8211-2 nouveau du code du travail) : Signalement sur internet des entreprises condamnées à au moins 45 000 euros d’amende pour travail dissimulé 90

Chapitre II – Autres dispositions 95

Article 7 (Article 2-21-1 nouveau du code de procédure pénale) : Possibilité d’ester en justice ouverte aux associations et syndicats professionnels ainsi qu’aux syndicats de salariés de la branche 95

Article 7 bis (nouveau) (Articles 131-39 du code pénal et L. 8224-5, L. 8234-2, L. 8243-2 ainsi que L. 8256-7 du code du travail) : Interdiction pour une durée maximale de cinq de percevoir des aides publiques en cas de condamnation pour travail dissimulé, emploi d’étrangers sans titre de travail, prêt illicite de main-d’œuvre et marchandage 97

Article 7 ter (nouveau) (Articles L. 8224-2, L. 8234-1 et L. 8243-1 du code travail et articles 706-73 et 706-88 du code de procédure pénale) : Extension de la circonstance aggravante de bande organisée au travail dissimulé par dissimulation d’activités ou de salariés, au recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé, au prêt illicite et au marchandage de main-d’œuvre 100

Article 8 : Obligation faite à tout candidat à l’attribution d’un marché public de présenter une attestation d’assurance décennale 101

Article 9 (nouveau) (Articles L. 3313-3 et L. 3315-4-1 nouveaux et L. 3315-6 du code des transports) : Dispositions relatives au temps de repos des chauffeurs routiers et à leurs conditions de rémunération 102

Article 10 (nouveau) (Article L. 3421-3 du code des transports) : Élargissement du champ d’application des règles relatives au cabotage 103

TABLEAU COMPARATIF 105

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF 121

ANNEXES 123

ANNEXE N° 1 : CONVENTION DU TRAVAIL MARITIME – SYNTHĖSE DES CONDITIONS MINIMALES DE TRAVAIL ET D’EMPLOI 123

ANNEXE N° 2 : EXEMPLE DE MARCHÉ PUBLIC DONT LE SEUL CRITÈRE DE SÉLECTION EST LE PRIX 126

ANNEXE N° 3 : FORMULAIRE 130

ANNEXE N° 4 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 132

INTRODUCTION

La présente proposition de loi intervient en réponse à une évolution très contemporaine des marchés du travail nationaux en Europe et en particulier de l’emploi de ressortissants étrangers en France qui, si elle devait prospérer et se développer, pourrait générer de grands déséquilibres économiques et sociaux au sein de nos systèmes de protection sociale.

L’immigration de travail est un phénomène immémorial. Il a connu des évolutions au cours de l’Histoire, en fonction de divers facteurs démographiques, économiques, politiques, sociaux, entraînant des pénuries d’emplois ou de main-d’œuvre domestique dans des pays voisins, mais aussi l’afflux de main-d’œuvre étrangère à la recherche de travail.

Elle s’est principalement traduite par la recherche d’emplois stables, dans des secteurs souvent très spécifiques : charbonnage, bâtiment, agriculture etc., aux conditions salariales et sociales nationales de droit commun. Ces flux sont multiples et traduisent la grande diversité des « vagues » migratoires, ce qu’illustre le tableau ci-après.

LES MIGRATIONS INTERNATIONALES AU XX° SIÈCLE




r10-594-141

Source : Gildas Simon, Géodynamiques des migrations internationales dans le monde, Presses universitaires de France (PUF), 1996 ; Courrier de l’Unesco, novembre 1998 ; CNRS-université de Poitiers, Migrinter, Carte mise à jour en décembre 2005.

La migration internationale du travailleur est encadrée par un corpus de règles et d’autorisations de séjour robustes et contrôlables, si l’on excepte le travail dissimulé d’étrangers en défaut de papiers.

Elle a généralement constitué un apport positif et appréciable à l’économie nationale, contribuant à l’équilibre du marché du travail et, en particulier, à répondre à des offres de travail non satisfaites par les nationaux.

Génération après génération, les immigrés du travail se sont insérés sans difficulté dans la population française et le monde du travail français, et l’on doit certains de nos plus beaux fleurons économiques à des étrangers ou des descendants d’étrangers (tels que Turbomeca ou encore Pomagalski).

À ce phénomène universel, qui concerne peu ou prou toutes les grandes nations développées, s’est ajoutée, s’agissant spécifiquement de l’Europe, la mise en œuvre progressive des quatre grandes libertés du Traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne : la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux.

Ces migrations ont notamment connu une accélération de leur mise en œuvre par l’entrée en vigueur de l’accord de Schengen et de sa convention d’application le 26 mars 1995. Celle-ci ouvre en effet un espace de libre circulation des personnes au sein des États membres, actuellement au nombre de 26, retracés sur la carte ci-après.

Source : http://www.franceinfo.fr/europe/l%E2%80%99allemagne-defend-schengen-bruxelles-met-en-garde-554349-2012-03-12

Ainsi, une fois entré sur le territoire de l’un des pays membres de l’Espace Schengen, tout individu (ressortissant de l’UE ou d’un pays tiers), peut franchir les frontières des autres pays membres sans subir de contrôles.

Toutefois, dans certains cas précis, la libre circulation des personnes, en particulier des travailleurs, peut faire l’objet de restrictions au sein de l’Union européenne (UE) et de l’espace Schengen, dans des modalités décrites par l’encadré suivant.

Les modalités de restriction de la libre circulation des personnes
dans l’Union européenne

1. Mesures transitoires liées aux traités d’adhésion à l’Union européenne

Lors de l’entrée d’un pays dans l’UE, les États qui en sont déjà membres peuvent décider de limiter temporairement les droits de ces nouveaux citoyens européens à travailler sur leur territoire. En témoigne la déclaration ci-dessous, insérée à la fin du Traité d’adhésion de la République Hellénique à la Communauté économique européenne signé le 21 mai 1979 (1) :

La mise en œuvre de mesures transitoires aux États membres de l’UE ne peut en aucun cas excéder sept ans et se décline en trois temps :

Au cours des deux premières années suivant l’adhésion d’un pays, la politique et la législation des États déjà membres s’appliquent pour régler l’accès au marché du travail des travailleurs en provenance du nouvel État membre (autorisation de travail principalement).

Si un État membre souhaite maintenir l’application de ces mesures pendant trois années supplémentaires, il doit en informer la Commission avant la fin des deux premières années.

L’État membre qui en fait la demande auprès de la Commission ne pourra maintenir des restrictions pendant deux années supplémentaires qu’à condition de prouver l’existence d’une « perturbation grave » ou d’une « menace de perturbation grave » de son marché du travail.

Il convient par ailleurs de souligner la réciprocité de ces mesures puisque les pays dont les ressortissants font l’objet de restrictions peuvent appliquer des mesures équivalentes aux travailleurs issus du pays concerné.

Actuellement, ces mesures transitoires concernent uniquement les travailleurs croates, devenus citoyens de l’Union européenne le 1er juillet dernier. 13 États membres de l’UE (Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Espagne, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Royaume-Uni et Slovénie) ont choisi de maintenir leurs législations nationales au moins jusqu’au 30 juin 2015.

Depuis le 1er janvier, les travailleurs roumains et bulgares ne font plus l’objet de restrictions à leur libre circulation, la période de sept ans après l’adhésion étant arrivée à échéance. En France, elle se traduisait par un accès limité à 291 métiers qui connaissent des difficultés de recrutement (2).

Par ailleurs, il convient de noter que les ressortissants des trois derniers pays adhérents à l’UE, ainsi que les Britanniques, les Irlandais et les Chypriotes ne font pas partie de l’Espace Schengen, ce qui entraîne également certaines conséquences concernant leur liberté de circulation.

2. Dispositions spécifiques à l’Espace Schengen :

S’ils autorisent la libre circulation au sein des pays signataires, l’Accord de Schengen a renforcé les contrôles aux frontières extérieures de cet espace par le biais :

– de l’amélioration de la coopération judiciaire et policière avec la création du SIS (Système d’information Schengen), fichier commun informatisé fournissant le signalement des personnes recherchées pour arrestation et des véhicules ou objets volés. Depuis les années 2000, l’Irlande et le Royaume-Uni participent au SIS, malgré leur non-adhésion à « Schengen » ;

– du maintien de contrôles volants effectués par les autorités de police ou les douanes pour lutter contre le terrorisme et le développement de la criminalité organisée ;

– de la mise en place de règles communes en matière de conditions d’entrée et de visa pour de courts séjours, de traitement des demandes d’asile.

Type de visa

Conditions

visa de court séjour

permet à un étranger d’entrer et de séjourner dans l’espace Schengen pendant un maximum de 3 mois par période de 6 mois, quel qu’en soit le motif.

visa de transit

permet de se rendre d’un État tiers (hors Schengen) à un autre État tiers (hors Schengen) en traversant l’Espace Schengen, chaque transit ne pouvant excéder une période de cinq jours.

visa de transit aéroportuaire

permet à un étranger de transiter par la zone internationale des aéroports situés dans l’espace Schengen, mais pas d’entrer dans l’espace Schengen. Il est valable pour la durée du transit (moins d’une journée).

visa à validité territoriale limitée

visa dérogatoire, il n’est pas valable pour l’ensemble de l’espace Schengen.

visa délivré à la frontière

peut être délivré, dans des cas tout à fait exceptionnels, aux frontières extérieures Schengen par les agents des polices des frontières, lorsqu’un étranger, soumis à cette obligation, se présente sans visa.

visa de circulation

peut être éventuellement accordé aux résidents du Royaume-Uni effectuant plusieurs voyages au cours de l’année pour des raisons professionnelles ou personnelles. Durée du séjour : 1 à 90 jours tous les semestres sur une période pouvant aller de 1 à 3 ans.

L’article 2.2 de la Convention d’application de l’accord de Schengen n’autorise cependant un État membre à rétablir temporairement les contrôles qu’en cas d’atteinte à l’ordre public ou à la sécurité nationale (pour 6 mois maximum) ou pour faire face à des événements imprévus (5 jours maximum), et après consultation des autres États du groupe Schengen. Cette possibilité a été utilisée, par exemple, par la France face aux menaces terroristes en 1995, ou en Allemagne, lors de la coupe du monde de football en 2006.

Ainsi, les citoyens ressortissants de pays membres de l’Union mais non membres de l’espace Schengen (Britanniques, Bulgares, Chypriotes, Croates, Irlandais, Roumains), restent soumis aux règles nationales de chaque pays concernant l’entrée et le séjour des étrangers sur son territoire (3) (4).

Pour autant, le principe général d’emploi de ces travailleurs est celui correspondant aux conditions sociales et réglementaires du pays d’accueil. Cette ouverture des frontières au sein de la zone Schengen soulève un certain nombre de questions et notamment :

– celle de l’homogénéité et de la fiabilité des contrôles de l’immigration vis-à-vis des pays tiers, qui permet toutefois à des ressortissants de pays tiers d’emprunter des portes d’entrée plus accommodantes pour pouvoir ensuite se diriger vers les États membres aux conditions d’accueil et aux protections sociales les plus favorables ;

– celle de l’absence de convergence préalable des niveaux de vie et des politiques salariales et sociales des États membres, ouvrant la possibilité pour les ressortissants de pays les plus défavorisés d’émigrer vers les pays les plus favorisés.

Cependant ce contexte, s’il encourage la mobilité des travailleurs au sein de la zone Schengen, et ouvre plus largement les marchés du travail domestiques aux ressortissants de cet espace, ne constitue pas en soi une atteinte au principe de l’emploi aux conditions du pays d’accueil.

Par contre, le développement, très contemporain, et bien au-delà de la zone Schengen, de stratégies de plus en plus systématiques et organisées d’optimisation sociale interroge. Il se développe des filières parfaitement licites de « placement » de travailleurs étrangers, et c’est ce phénomène auquel s’intéresse plus particulièrement cette proposition de loi.

Au-delà de l’accord de Schengen, les élargissements de l’Union européenne et de l’Espace Schengen à des pays en très sensible décalage social par rapport aux premiers États signataires, puis la crise économique ont déversé sur les marchés du travail une main-d’œuvre abondante et bon marché, qui a constitué une aubaine pour des sociétés prestataires de services de main-d’œuvre « low cost » à des conditions de prix, de disponibilité et de simplicité administrative, parfaitement adaptées aux travaux saisonniers ou aux missions temporaires.

La procédure très ancienne du détachement de travailleurs dans un pays étranger, a été très vite dévoyée de sa vocation initiale, voire détournée ou utilisée de façon de plus en plus systématique pour s’affranchir du principe du droit du pays d’accueil.

C’est afin de prévenir de tels abus d’interprétation et d’usage du détachement, que l’Union européenne a adopté en 1996 une directive définissant des principes de détachement opposables à tous les États membres de l’Union.

Mais il est très vite apparu, notamment à partir de la moitié des années 2000, que cet instrument d’accompagnement n’était plus à la mesure des multiples usages abusifs et détournements dont faisait l’objet le détachement des travailleurs en Europe, à des fins d’« optimisation sociale », c’est-à-dire visant à améliorer la compétitivité d’entreprises par l’emploi systématique de travailleurs « low cost ».

C’est la raison pour laquelle face à l’amplification du phénomène, la Commission européenne s’est engagée pour la mandature qui s’achève (2009-2014) à mettre en œuvre une nouvelle législation permettant un contrôle renforcé du détachement.

Elle a finalement opté pour une directive relative à l’exécution de la directive sur le détachement des travailleurs (5), visant à :

– préciser les critères à prendre en compte afin de caractériser les situations de détachement (article 3) ;

– encadrer le rôle des bureaux de liaison pour améliorer l’accès à l’information sur les conditions de travail et d’emploi, et notamment sur le salaire minimum et la méthode de calcul de la rémunération due. (articles 4 et 5) ;

– améliorer les coopérations entre administrations du travail des États membres pour renforcer l’efficacité des contrôles (articles 6, 7 et 8) ;

– élargir et renforcer les investigations et les contrôles du détachement (article 9) ;

– introduire une clause de responsabilité solidaire du donneur d’ordre et du maître de l’ouvrage (article 12).

C’est à la faveur de cette directive, que la Commission des affaires européennes de notre Assemblée s’est saisie du sujet, a procédé à de multiples auditions de socioprofessionnels et d’administrations françaises, pour produire un rapport d’information (6) et une résolution européenne (7), à l’instar du travail réalisé parallèlement par notre collègue sénateur, Éric Bocquet, auteur du rapport « Le travailleur détaché : un salarié low cost ? Les normes européennes en matière de détachement des travailleurs » (8).

Le rapport d’information et la résolution européenne, rapportés pour avis devant la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale par M. Richard Ferrand, ont été adoptés à l’unanimité des membres des commissions concernées, et ont fait l’objet d’un débat (sans vote) en séance publique le 29 octobre 2013.

Le rapport préconise une démarche en trois étapes :

1. Durcir le plus possible la directive d’exécution de la directive « détachement » en cours de discussion à Bruxelles ; rien ne serait pire que d’y renoncer au prix d’un total désarmement social. Un résultat remarquable a d’ailleurs été remporté par le gouvernement français, le 9 décembre dernier au Conseil EPSCO (9), mais les avancées obtenues notamment sur les articles 9 et 12 doivent encore faire l’objet d’un compromis avec le Parlement européen d’ici la fin de l’actuelle législature en avril prochain.

2. Prendre l’initiative d’une nouvelle législation européenne ambitieuse contre les entraves à une concurrence équitable par développement du dumping social et permettant de rétablir les conditions d’une concurrence libre et non faussée.

3. Renforcer, dès à présent et en toute « eurocompatibilité », notre législation nationale contre le travail illégal et la concurrence déloyale par optimisation sociale. Il s’agit non seulement d’anticiper la transposition de la directive d’exécution de la directive « détachement », qui ne saurait au demeurant être transposée avant 2016, mais également de conforter la jurisprudence naissante et d’améliorer l’efficacité des contrôles et le caractère dissuasif des sanctions.

Tel est l’objet de la proposition de loi n° 1686 déposée à la Présidence de l’Assemblée nationale par le groupe socialiste le 8 janvier 2014 et sur laquelle porte le présent rapport.

Les échanges entre administrations, entreprises, associations et tous autres employeurs se sont toujours accompagnés de l’envoi de salariés pour une multitude de missions ou de prestations auprès d’autres employeurs ou clients, que ce soit à l’intérieur d’un même pays ou au niveau international.

Ces missions peuvent s’organiser selon des modalités diverses, dont le détachement de travailleurs ou la prestation de service à titre temporaire.

Elles recouvrent plusieurs objectifs et concernent des métiers de plus en plus divers : commerce, ingénierie, conseil construction, recherche et développement, services après-vente, maintenance, prestations culturelles ou éducatives, expertises, etc.

Le détachement en constitue l’une des modalités les plus familièrement attachées aux échanges de biens, de services et de prestations intellectuelles ou matérielles. Il est ainsi indissociablement lié aux échanges dans leurs diversités, et ne saurait donc disparaître, a fortiori dans un monde ouvert.

Le détachement de travailleurs permet à un employeur d’envoyer un (ou plusieurs) de ses salariés travailler temporairement à l’étranger, c’est-à-dire dans un autre État que son (ou leur) pays d’emploi habituel, pour y exercer une mission. C’est le cas, par exemple, d’un mécanicien hongrois envoyé pendant deux mois en Espagne par son employeur hongrois pour y installer une machine que son entreprise produit. C’est aussi le cas d’ingénieurs français envoyés un an en Chine par leur employeur français pour travailler à la réalisation d’une ligne à grande vitesse. Il en va de même de chercheurs américains détachés pendant six mois par leur université pour enseigner et faire de la recherche au Royaume-Uni. C’est encore le cas de maçons roumains envoyés en Suède par leur employeur pour y construire une salle de spectacle.

Durant ce temps déterminé, le travailleur continue d’être affilié au régime de protection sociale de son pays d’emploi, à trois conditions :

– durant toute la période du détachement un lien de subordination doit être maintenu entre le travailleur et son employeur ;

– l’employeur qui détache doit avoir une activité significative dans le pays d’origine ;

– le détachement ne doit pas intervenir en remplacement d’un autre salarié détaché.

Ces travailleurs détachés ne doivent donc pas être confondus avec trois autres types de travailleurs exerçant leur profession à l’étranger :

– les travailleurs migrants, qui ont résidé et ont travaillé dans un ou plusieurs États et qui résident et travaillent dans le dernier de ces États. Il s’agit par exemple d’un citoyen français qui a commencé sa carrière de communicant dans notre pays après ses études et qui, à la suite d’une opportunité professionnelle, décide d’aller travailler de manière permanente en Chine où il résidera. La distinction avec le travailleur détaché est liée au critère de résidence et à la notion de travail « permanent ». Ainsi, tandis que le travailleur migrant change de pays de résidence pour y exercer de manière pérenne sa profession, le travailleur détaché demeure résidant de son pays d’origine, et le lien avec son employeur n’est pas rompu pendant toute la durée du détachement ;

– les travailleurs transfrontaliers qui exercent une profession dans un État membre (État d’emploi) mais résident dans un autre État membre (État de résidence). C’est le cas notamment de citoyens français qui traversent la frontière suisse pour travailler à l’organisation mondiale de la santé (OMS), ou d’un moniteur de ski italien résidant à Bardonecchia mais employé dans une station française. Dans ce cas précis, l’État dans lequel le travailleur exerce son activité ne varie pas contrairement au travailleur détaché qui en change pendant la durée d’exécution de sa mission à l’étranger ;

– les travailleurs « plurinationaux », qui exercent simultanément et de manière permanente dans plusieurs États différents. Dans le cas présent, l’État où l’employeur a son siège et / ou l’État de résidence du travailleur ne correspond pas nécessairement à son État d’emploi. Il s’agit par exemple d’une personne résidant en Belgique et qui, au service d’une chaîne internationale hôtelière française, effectue des contrôles de qualité dans les filiales françaises, belges, espagnoles, polonaises et suisses de ce groupe. C’est aussi le cas des travailleurs en déplacements transfrontaliers également nommés « travailleurs hautement mobiles » à l’instar des transporteurs routiers ou encore des marins.

Le détachement est donc une procédure caractérisant une mission ponctuelle et temporaire, et qui a été encadrée progressivement par des règles internationales protectrices des droits des travailleurs détachés.

CONVENTIONS DE DÉTACHEMENT CONCLUES PAR L’ITALIE

Pays conventionnés

Durée de l’affiliation au régime de protection sociale italien

Canada et Québec

24 mois

Cap vert

24 mois

îles Anglo-Normandes

6 mois

Israël

36 mois

Pays nés du démembrement de l’ex-Yougoslavie

12 mois

Monaco

12 mois

San Marino

6 mois

États-Unis d’Amérique

Durée indéterminée

Tunisie

36 mois

Turquie

12 mois

Uruguay

24 mois

Venezuela

24 mois

Source : Site internet de l’Istituto Nazionale della Previdenza Sociale (INPS)

• les détachements dans le cadre des règlements européens : l’article 12 du règlement (CE) 883/2004 (11) prévoit qu’à titre exceptionnel, les travailleurs détachés continuent, pendant une période maximale de deux années, à payer leurs cotisations dans l’État membre où ils sont normalement employés et non dans l’État membre dans lequel ils sont temporairement détachés, et que cette personne ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne détachée. Les travailleurs détachés doivent également prouver qu’ils sont bien affiliés à la sécurité sociale de leur pays d’emploi en fournissant un « document portable A1 ».

Concernant le droit applicable au contrat de travail, la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (12), entrée en vigueur le 1er avril 1991, y a apporté une première réponse en établissant une règle de base selon laquelle, en cas de conflits de droit, les parties au contrat sont libres de choisir la loi applicable. À défaut de choix, l’article 4 de la Convention prévoit que le contrat est régi par la loi du pays avec lequel le travailleur présente les liens les plus étroits, selon le principe de proximité. Toutefois, la Convention affirme à son article 6 alinéa premier que le principe de « favor laboratoris » doit primer sur le choix des parties, c’est-à-dire que le choix du contrat par les parties ne doit pas priver le travailleur, considéré comme la partie au contrat socialement et économiquement la plus faible, de dispositions qui lui seraient plus favorables.

Article 6 de la Convention de Rome
Contrat individuel de travail

1. Nonobstant les dispositions de l’article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article.

2. Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, le contrat de travail est régi :

a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays

ou

b) si le travailleur n’accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l’établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.

Transposé en droit communautaire par le règlement dit « Rome I », (13) ce principe phare de la Convention a également prévalu lors de la rédaction de la directive européenne de 1996 qui a encadré pour la première fois le détachement des travailleurs au sein de l’espace communautaire. En effet, la directive instaure le principe selon lequel le travailleur détaché doit être soumis à un noyau dur de dispositions relatives aux conditions d’emploi et de travail du pays dans lequel il effectue sa mission temporaire, sauf si les dispositions en vigueur dans son État d’emploi (c’est-à-dire l’État d’envoi) lui sont plus favorables.

C’est ainsi que, de façon générale, les travailleurs français détachés le sont aux conditions sociales et salariales françaises, alors que les travailleurs de pays moins développés, détachés en France, doivent être a minima rémunéré au salaire minimum français.

Ce phénomène est difficilement quantifiable en raison de son caractère temporaire, des différentes législations qui l’encadrent, de l’insuffisance de certaines administrations du travail et des multiples fraudes dont il fait l’objet.

La Commission européenne recense 1,2 million de travailleurs officiellement détachés dans l’Union, soit moins de 1 % de la population en âge de travailler. C’est un chiffre en constante augmentation ces trois dernières années (1 million en 2009, 1,06 en 2010).

Les trois pays ayant connu en 2011 la plus forte augmentation du nombre de travailleurs nationaux détachés dans l’UE et l’Espace Économique Européen (EEE) sont la Roumanie (+ 49,9 % en un an), la Hongrie (+ 33,6 %) et l’Allemagne (+ 11,2 %). A contrario, le Luxembourg a détaché presque un tiers de moins de travailleurs nationaux par rapport à 2010.

S’agissant des pays européens accueillant des travailleurs détachés, on constate entre 2010 et 2011 un fort accroissement du nombre de travailleurs vers l’Allemagne (+ 24,5 %) du fait, en particulier, de la nette progression de la part des travailleurs issus des pays de l’Europe de l’Est (+ 28,2 %), ainsi que vers la Belgique (+ 27,6 %) et vers l’Autriche (+ 21 %).

Quant à la France, vieille nation commerciale d’échanges ultramarins, elle figure parmi les principaux pays pratiquant du détachement des travailleurs à destination du monde entier.

Notre pays se hisse en effet en 2011 au troisième rang des pays de l’Union européenne utilisant le plus le détachement des travailleurs au sein de cet espace, derrière la Pologne et l’Allemagne.

Bien que le détachement soit fortement utilisé par les Français, il convient de souligner que le nombre total de travailleurs français officiellement détachés à l’étranger a été divisé par deux entre 2005 et 2010, passant de 604 236 à 304 110, et s’est depuis lors stabilisé autour de 290 000 travailleurs. Le graphique ci-après illustre cette évolution.

Source : Rapport statistique 2012 - Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale.

Cette chute s’explique notamment par la baisse importante de la part des détachements intra-européens, qui avait connu une forte augmentation en 2005, année record, (392 204 travailleurs français détachés), pour progressivement décliner (sauf en 2011) et atteindre 136 316 Français détachés en 2012. Cette évolution est à mettre en parallèle avec l’élargissement de l’Union européenne en 2004 qui a ouvert de nouveaux marchés et a permis aux salariés français quel que soit leur secteur d’activité, de venir apporter leur savoir-faire, leur technique, leur expertise aux nouveaux pays adhérents. Une tendance qui semblerait s’être atténuée au fil des années, puisque les détachements intra-européens de Français (hors de France) en 2012 se concentrent à 89,4 % sur les pays de l’UE 15 (contre 85,6 % en 2007) et à 9,6 % dans les nouveaux États membres (contre 14,4 % en 2007). Le tableau ci-après décline la répartition des travailleurs détachés français en Europe.

PAYS DE DESTINATION DES SALARIÉS FRANÇAIS DÉTACHÉS EN EUROPE

(Hors France)

 

2012

2011

2007

Allemagne

19 624

21 881

34 142

Autriche

1 749

1 880

4 496

Belgique

21 349

35 295

42 129

Bulgarie

405

551

1 259

Chypre

152

137

1 271

Danemark

1 041

1 367

3 637

Espagne

12 587

14 936

24 392

Estonie

134

159

1 115

Finlande

983

1 037

3 325

Grèce

1 328

1 805

3 986

Hongrie

1 172

1 425

4 353

Irlande

866

1 598

2 956

Islande

65

109

547

Italie

13 146

15 020

24 247

Lettonie

142

120

1 650

Liechtenstein

3

10

264

Lituanie

103

191

975

Luxembourg

2 359

3 602

3 905

Malte

372

364

1 082

Norvège

863

1 080

2 039

Pays-Bas

4 862

5 785

1 082

Pologne

2 784

3 032

8 563

Portugal

2 651

3 303

7 776

République Tchèque

1 412

1 998

3 451

Roumanie

2 050

2 156

3 736

Royaume-Uni

12 990

13 226

4 060

Slovaquie

572

946

18 955

Slovénie

457

433

2 158

Suède

2 107

2 677

1 555

Suisse

8 041

8 133

11 418

Données : Rapport statistique 2012 - Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale.

Sans surprise, les principaux États européens accueillant nos salariés détachés sont frontaliers : la Belgique (21 349 travailleurs détachés français en 2012 contre 35 295 en 2011), l’Allemagne (19 624 en 2012 ; 21 881 en 2011), l’Italie (13 146 ; 15 020), l’Espagne (12 587 ; 14 936) et le Royaume-Uni (12 990 ; 13 226).

En contrepartie de ces flux de départ, la France constitue également un pays d’accueil de travailleurs détachés qui lui permettent de trouver une main-d’œuvre temporaire utile et de pourvoir des postes, dans des secteurs à forte pénurie structurelle de main-d’œuvre nationale, tels que l’agriculture ou la restauration.

Ainsi, en douze ans, le nombre de salariés officiellement détachés a été multiplié par plus de vingt en France, passant de 7 495 en 2000 à 169 613 en 2012, et devrait atteindre près de 210 000 en 2013, selon les dernières estimations du ministère du Travail (14).

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DÉCLARATIONS DE PRESTATIONS DE SERVICES REÇUES ET DE SALARIÉS DÉTACHÉS ENTRE 2000 ET 2012

Source : Direction générale du travail (DGT)

Mais les services de l’inspection du travail estiment que leur nombre s’élèverait au double, soit près de 320 000 travailleurs détachés.

Selon la direction générale du travail, les pays de l’Union européenne des 15 (ce qui inclut la France) représentaient en 2011 51 % de l’ensemble des salariés détachés en France (contre 53 % en 2010 et 63 % en 2009) ; la part des États membres qui ont rejoint l’UE en 2004 et 2007 était de 41 % (respectivement 28 % pour les États membres de l’UE depuis 2004 et 13 % pour ceux membres depuis 2007) ; et celle des pays tiers (Russie, Biélorussie, Ukraine principalement) de près de 8 % (15).

Parmi les nationalités les plus détachées en France en 2011, on trouve au premier rang les salariés polonais (27 728 salariés détachés), au troisième rang les Portugais (16 453) suivi par les Roumains (13 159) puis par les Allemands (11 395), la deuxième place revenant aux salariés français (18 508) ! Une aberration qui atteste du dévoiement de l’esprit du détachement, que la directive baptisée « 96/71/CE » entendait pourtant éviter.

ÉVOLUTION (PAR NATIONALITÉ) DU NOMBRE DE SALARIÉS OFFICIELLEMENT DÉTACHÉS EN FRANCE ENTRE 2006 ET 2011

Source : Analyse des déclarations de détachement des entreprises prestataires de services en France en 2011, Direction générale du travail, septembre 2012, p. 61.

Il n’en demeure pas moins que le détachement dans son acception originelle constitue un auxiliaire précieux des économies nationales et de l’échange international, ainsi que de leur bon fonctionnement.

L’entrée de la Grèce en 1981, de l’Espagne et du Portugal en 1986 dans la Communauté économique européenne (CEE) avait suscité une certaine inquiétude de la part de certains États membres qui craignaient que les différentiels de coûts de travail avec ces « pays du Sud » puissent favoriser le développement d’une concurrence déloyale.

En témoigne la clause de sauvegarde, insérée dans le traité d’adhésion de la République hellénique à la CEE, qui prévoyait que la libre circulation des travailleurs n’était effective qu’à partir du 1er janvier 1988 (soit sept ans après l’adhésion), justifiant ainsi le maintien par les États membres de dispositions nationales soumettant à autorisation préalable l’immigration en vue d’exercer un travail salarié, et l’accès à un emploi salarié.

Un rapport commis par M. Michel Souplet, membre du Conseil économique et social, publié en 1979 évaluait alors le rapport entre les salaires moyens grec et communautaire de 1 à 3 sur la base des taux de change officiels (16).

La crainte de ce qui n’était pas encore appelé « dumping social », peut être également appréciée à travers les débats de notre Assemblée à l’occasion de la discussion, le 21 novembre 1985, du projet de loi autorisant la ratification du Traité relatif à l’adhésion à la Communauté économique européenne du Royaume d’Espagne et de la République du Portugal.

M. Robert Montdargent, député communiste du Val-d’Oise

« En vérité, avec l’entrée de l’Espagne et du Portugal dans la Communauté, et ses corollaires, la montée du chômage et de la concurrence entre salariés à protections sociales et salaires différents, c’est l’accroissement du niveau d’exploitation des travailleurs qui est avant tout visé. ».

M. Jean Combesteil, député communiste de la Corrèze

« Notre économie n’est pas prête pour cet élargissement. Il va porter un nouveau mauvais coup aux travailleurs français, au seul profit des multinationales. Il est dangereux pour l’emploi en raison de l’importance du chômage en Espagne et au Portugal. Il ne peut qu’entraîner de nouveaux redéploiements et leurs cortèges de fermetures d’usines. Il est dangereux pour la coopération entre les peuples, car son échec risque d’entraîner de détestables phénomènes protectionnistes. »

À l’approche de l’entrée en vigueur de l’accord de Schengen en 1995 et pour répondre à ces inquiétudes, la Commission européenne a présenté une proposition de directive relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, devenue directive 96/71/CE, qui s’est en grande partie inspirée des dispositions mises en place par la France en 1994 pour faire respecter notre ordre public social par les entreprises étrangères.

Entrée en vigueur le 10 février 1997 avec un délai de transposition fixé au 16 décembre 1999, la directive vise à concilier l’exercice, par les entreprises, de leur liberté fondamentale de fournir des services dans tout État membre conformément à l’article 49 CE et la protection adéquate des droits des travailleurs détachés temporairement à l’étranger pour exécuter cette mission.

La directive concerne spécifiquement les entreprises qui détachent un travailleur à titre temporaire dans un État membre autre que celui dont la loi régit la relation de travail. Elle couvre, à condition que la relation de travail entre l’entreprise d’envoi et le travailleur ne soit pas rompue pendant la période de détachement, trois cas de figure :

– le détachement dans le cadre d’un contrat conclu entre l’entreprise d’envoi du travailleur et le destinataire de la prestation de services (« contrat ou sous-traitance ») ;

– le détachement sur le territoire d’un autre État membre, dans un établissement ou dans une entreprise appartenant à un groupe (« transferts internes » ou « mobilité intra-groupe ») ;

– la mise à disposition d’un travailleur par une entreprise de travail intérimaire ou une agence de placement, l’entreprise utilisatrice étant établie sur le territoire d’un autre État membre.

La directive 96/71/CE a permis d’éviter la loi de la jungle en fixant un cadre garantissant les droits sociaux fondamentaux des travailleurs détachés dans un contexte de fortes disparités salariales, en posant les bases d’une coopération administrative interétatiques. Mais, bien qu’absolument nécessaire, cette directive a laissé subsister des zones grises notamment dans les États membres exempts de salaires minimum, dans les secteurs de l’intérim international et du transport international de marchandises.

L’un des grands mérites de la directive est d’avoir imposé aux employeurs de travailleurs détachés le respect d’un « noyau dur » de dispositions du pays d’accueil en matière de droit du travail – sauf dispositions du pays d’origine plus favorables pour les salariés – garantissant ainsi les droits essentiels de ces salariés envoyés temporairement à l’étranger.

Plus précisément, l’article 3, paragraphe 1 de la directive prévoit que le socle des conditions de travail et d’emploi à respecter, comprend :

– les périodes maximales de travail et les périodes minimales de repos ;

– la durée minimale des congés annuels payés ;

– le taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires (cela ne s’applique pas aux régimes complémentaires de retraite professionnels) ;

– les conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des sociétés d’intérim ;

– la sécurité, la santé et l’hygiène au travail ;

– les mesures de protection applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes ;

– l’égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que les autres dispositions en matière de discrimination.

Cette disposition européenne, transposée en droit français par l’article L. 1262-4 du code du travail, visait expressément à empêcher que les travailleurs détachés soient rémunérés au salaire minimal en vigueur dans leur pays d’origine, ce qui aurait constitué un avantage comparatif indéniable pour les pays aux salaires minimum les moins élevés, et entraîné des conséquences désastreuses pour les économies et les systèmes sociaux des pays ayant un salaire minimal élevé.

Le graphique ci-après, qui retrace l’évolution des salaires minimum dans quelques pays de l’Union européenne entre 1999 et 2013, fait apparaître distinctement ces deux groupes de pays : les pays du Nord de l’Europe aux salaires minimum élevés (supérieurs à 1 000 euros par mois en 1999 et à 1 400 euros en 2013) ; à l’opposé, les pays de l’Est de l’Europe (inférieurs à 200 euros en 1999 et à 400 euros en 2013), avec entre les deux, les pays du Sud. Il permet ainsi d’apprécier l’ampleur des dégâts qu’aurait causée l’absence de directive pour nos économies. Plus précisément, les 13 159 travailleurs roumains qui ont été détachés vers la France en 2011, n’auraient pas dû être payés au salaire minimum français alors en vigueur (1 365 euros) mais à celui de leur pays d’origine (157,20 euros) !

Source : Eurostat

La directive entendait donc non seulement éviter de tirer vers le bas les salaires minimum, et dans une plus large mesure les acquis sociaux en Europe, mais aussi prévenir le phénomène d’« optimisation salariale ». Bien qu’absolument nécessaires, ces mesures ne pouvaient cependant avoir qu’un effet limité en l’absence de salaires minimum obligatoires dans tous les États de l’Union européenne et d’un niveau de coopération administratif suffisant pour faire respecter les dispositions prévues dans la directive.

Aux fins de sa mise en œuvre, la directive « détachement » établit, en son article 4, des obligations en matière de coopération entre les administrations nationales et demande aux États membres de la mettre en application, notamment via l’instauration d’une autorité de contrôle (un bureau de liaison) apte à répondre rapidement aux demandes concernant les conditions de travail et d’emploi applicables dans leur pays respectif. Les informations relatives aux conditions de travail et d’emploi doivent d’ailleurs être accessibles non seulement aux prestataires de services étrangers, mais aussi aux travailleurs détachés.

Toutefois, un rapport publié par les services de la Commission européenne le 13 juin 2007, soit dix ans après l’entrée en vigueur de la directive détachement, dénonçait expressément le manque de volonté des États membres : « Malgré les progrès faits en matière d’accès à l’information, on peut se préoccuper à juste titre de la manière dont les États membres mettent en œuvre et/ou appliquent les règles de la directive relatives à la coopération administrative. Il semble qu’il ne soit pas possible de mettre en œuvre et d’appliquer correctement la directive si la situation ne change pas. » (17).En effet, il n’est pas rare que les normes de coopération définies dans le code de conduite adopté par le groupe d’experts gouvernementaux sur le détachement des travailleurs, en particulier le délai de réponse de quatre semaines, ne soient pas respectées par des États qui ont intérêt à « exporter » leur main-d’œuvre au chômage.

La Commission a adopté une recommandation le 31 mars 2008 invitant les États membres à s’efforcer de mettre en place un système d’échange d’informations électronique, renforcer la publicité et l’accessibilité des conditions de travail et d’emploi, ainsi qu’à participer activement à un processus formel et systématique d’identification et d’échange de bonnes pratiques (18). À en juger par les éléments décrits au rapporteur dans le cadre de ses auditions, ces recommandations n’ont semble-t-il pas amélioré significativement la situation.

La mise en œuvre de l’article 4 en France

Les informations relatives aux conditions de travail et d’emploi appliquées aux travailleurs détachés sont disponibles en version française, anglaise, allemande, portugaise, polonaise et roumaine sur le site du Ministère du Travail (19).

Le bureau de liaison quant à lui est assuré par la direction générale du travail. En outre, en vertu d’accords bilatéraux signés avec les États frontaliers, les fonctions du bureau de liaison sont assurées par des bureaux de liaison déconcentrés, implantés pour les relations avec :

– l’Allemagne (2001), au sein de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Alsace ;

– la Belgique (2003), au sein de la DIRECCTE du Nord-Pas-de-Calais ;

– l’Espagne (2010), au sein de la DIRECCTE de Midi-Pyrénées (compétence frontalière avec les régions du Pays Basque, d’Aragon et de Navarre) et Languedoc-Roussillon (compétence frontalière pour la région de Catalogne) ;

– le Luxembourg (2011) au sein de la DIRECCTE de Lorraine ;

– l’Italie (2011), au sein de la DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d’Azur (compétence frontalière avec la région de la Ligurie) et Rhône-Alpes (compétence frontalière avec les régions du Piémont et du Val d’Aoste).

L’article 5 de la directive de 1996 n’aborde la question des mesures de contrôle relatives au respect de normes introduites par la directive détachement que de manière limitée. Il charge simplement les États membres d’adopter les procédures administratives et les sanctions judiciaires « adéquates », alors même que cet aspect de la directive est capital pour garantir les conditions d’une concurrence libre et non faussée et protéger les droits fondamentaux des travailleurs détachés.

Dès 2003, la Commission soulignait pourtant que les difficultés rencontrées par les 12 États membres dans la mise en œuvre de la directive étaient généralement liées au contrôle du respect du droit eu égard au caractère fugace du détachement, à la barrière linguistique, à la nécessité de comparaison des législations nationales mais aussi des régimes de congés payés des travailleurs. Elle ne préconisait néanmoins pas de révision de la directive, et ce, malgré l’arrivée quelques mois plus tard de 10 nouvelles nationalités au sein de l’UE (20).

Aussi, le Parlement européen, dans une résolution adoptée le 13 septembre 2006, était-il d’avis qu’une approche commune du contrôle du respect de la réglementation présentait, sur le plan administratif, d’importants avantages par rapport à des contacts bilatéraux entre États membres, invitait de ce fait la Commission « à coordonner les efforts des États membres pour contrôler le respect, par l’État membre d’accueil, des dispositions de la directive » (21).

Depuis, des projets européens bénéficiant d’un concours financier de la Commission européenne ont vu le jour pour renforcer l’efficacité des contrôles notamment en améliorant la coopération intra-européenne entre les services d’inspection nationaux. La France participait en 2011 aux trois projets suivants (22) :

Au-delà des difficultés intrinsèques à la nature du détachement et au manque de volonté de coopération entre les partenaires européens, il convient de souligner que de nombreuses mesures de contrôle prises par des États membres se sont heurtées à la jurisprudence relativement libérale de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) qui encadre strictement les possibilités de contrôle des États membres pour garantir la libre prestation de services au sein de l’UE. Ainsi, une réglementation nationale qui soumettrait le détachement des travailleurs à un contrôle préalable systématique, y compris par le biais d’une exigence d’autorisation ou d’enregistrement préalable, spécifique au détachement, est disproportionnée aux yeux de la CJUE et contraire à l’esprit de l’article 49 du Traité (Arrêt Vander Elst (23)).

De même, la commission européenne avait initialement accueilli avec frilosité la mise en place de la déclaration préalable de détachement, redoutant que « les formalités additionnelles qui l’accompagnent puissent rendre son utilisation coûteuse ou difficile au point d’entraver inutilement la prestation de services » (24).

La volonté affichée d’encadrement social du détachement au sein du marché intérieur européen a été limitée en premier lieu par les multiples dérogations que prévoit la directive. Les travaux liés à la fourniture d’un bien et inférieurs à huit jours sont en effet exclus du champ d’application du noyau dur des conditions d’emploi et de travail de l’État d’accueil. De même, si les travaux sont considérés comme de faible ampleur, un État membre a la faculté de déroger aux règles relatives au salaire minimum et aux congés annuels. Enfin, les États membres ont la possibilité de dispenser les entreprises étrangères du respect des règles relatives au salaire minimum si la durée du détachement est inférieure à un mois.

Outre ces dispositions dérogatoires, les faiblesses de la directive ont permis le développement de comportements opportunistes de certains employeurs peu scrupuleux, exploitant les faiblesses de ce texte pour optimiser le coût de leur main-d’œuvre en toute légalité. La directive 96/71/CE n’impose pas aux entreprises d’exercer une activité substantielle au sein du pays d’origine, ce qui permet à certains entrepreneurs de créer des établissements dits « coquilles vides » dans les pays d’accueil soit pour y détacher des travailleurs soit pour en recruter et les détacher ensuite. Elle ne fixe par ailleurs aucune limite de temps aux situations de détachement. Ce n’est que le règlement européen (CE) 883/2004 qui fixe à 24 mois la durée durant laquelle le salarié peut continuer d’être affilié à la sécurité sociale de son pays.

Cependant, une des principales zones grises de la directive dont les conséquences ont été médiatisées ces derniers mois, réside dans le fait qu’elle n’impose pas aux États membres de fixer un salaire minimal, si leur législation n’en prévoit pas. Or, comme le montre la carte ci-dessous, sept pays de l’Union européenne se trouvent dans cette situation.

SALAIRES MINIMUM DANS L’UE, L’EEE ET LES PAYS CANDIDATS AU 1ER JUILLET2013


ttp://epp.eurostat.ec.europa.eu/statistics_explained/images/3/3e/Minimum_wages%2C_July_2013_%28EUR_per_month%29_YB14.png

Source : Eurostat

Si, pour la plupart des secteurs d’activités des conventions collectives ou des salaires minimum de branche existent et s’appliquent en lieu et place du salaire minimum national, le secteur des abattoirs et de la découpe par exemple échappait en Allemagne à un tel encadrement légal ou conventionnel. C’est la raison pour laquelle les abattoirs allemands ont pu, en toute légalité, employer systématiquement des travailleurs étrangers (notamment des Roumains) payés de trois à quatre euros de l’heure, déstabilisant ainsi toute la filière à l’échelle du continent. En témoignent la situation de Gad en Bretagne et la plainte déposée par la Belgique contre l’Allemagne devant la Commission européenne en mars dernier.

Sous pression des États membres de l’Union européenne, les représentants politiques allemands ont acté durant la campagne électorale de l’automne dernier, le principe de la création d’un salaire minimum à l’échelle nationale. Dans l’attente de sa négociation et de son application, un accord a été trouvé le 12 janvier 2014 entre employeurs et syndicats des abattoirs pour mettre en place un salaire minimum de 7,75 euros de l’heure à partir du 1er juillet. D’après ce compromis, la rémunération minimum des employés des abattoirs (environ 80 000 personnes) devrait croître progressivement, pour atteindre 8,75 euros au 1er décembre 2016.

Autre carence particulièrement regrettable de la directive : l’absence d’interdiction de détacher un salarié dans son pays de résidence, pratique pourtant contraire à l’esprit du détachement qui consiste à envoyer un salarié travailler temporairement à l’étranger, c’est-à-dire hors des frontières du pays où il travaille (et a priori réside) habituellement.

Fruit de l’imagination de stratèges en « optimisation sociale », des salariés résidant en France ou en Belgique sont ainsi régulièrement et légalement détachés dans leur propre pays, par des agences d’intérim établies dans des pays frontaliers, notamment au Luxembourg, où les charges sociales sont inférieures.

Les parties prenantes de ce contournement à la frontière de la légalité y trouvent chacune leur intérêt : l’entreprise de travail temporaire luxembourgeoise peut proposer une main-d’œuvre détachée à un prix compétitif à l’employeur français puisque ce sont les cotisations sociales luxembourgeoises et non françaises qui lui seront facturées. L’employeur français peut donc recruter des travailleurs français à un coût inférieur à celui du marché du travail national. Enfin le travailleur français, s’il était au chômage en France, trouve un emploi et bénéficie des avantages fiscaux du Grand-Duché. Les seules victimes de cette entente sont donc les services sociaux et fiscaux français.

Ce phénomène qui n’était pas comptabilisé en France avant 2006, a connu comme le montre la courbe ci-dessous, une croissance exponentielle jusqu’en 2009 où le nombre de travailleurs français détachés sur notre territoire national était de 28 557, puis a progressivement baissé depuis pour atteindre 18 508 travailleurs en 2011 et environ 17 000 en 2012 selon les dernières estimations du ministère du travail, illustrées par le graphique suivant.

Un cas plus particulier, et plus complexe encore, est celui du transport, notamment maritime et routier, qui par son caractère mobile rend très difficile, si ce n’est impossible, le rattachement salarial des travailleurs aux différents pays qu’ils traversent, dans des temps parfois très courts et très séquencés, et par conséquent limite l’application même des règles de détachement établies par la directive de 1996.

Toutefois, face à l’importante dérégulation sociale dont le secteur maritime faisait l’objet au plan mondial l’Organisation internationale du travail (OIT) a adopté en 2006 une Convention du travail maritime (25) entrée en vigueur le 20 août 2013. Ce texte poursuit le double objectif d’assurer des conditions de travail décentes pour les gens de mer et de garantir une concurrence loyale entre les armateurs. Il reconnaît en effet que les gens de mer (entre 1,2 et 1,4 million de personnes) définis à l’article II de la Convention comme « les personnes employées ou engagées ou travaillant à quelque titre que ce soit à bord d’un navire », doivent bénéficier d’une « protection particulière » et énonce leurs droits fondamentaux ainsi que des principes généraux en matière d’emploi et de droits sociaux (cf. Annexe I).

Faute d’un tel encadrement international, le transport routier international reste exposé à des recrutements opportunistes des travailleurs étrangers les moins « couteux », sans qu’une législation internationale ne puisse juridiquement y apporter de réponse opposable.

Le transport international de marchandises par la route étant autorisé à hauteur de trois opérations de cabotage sur le trajet, ces dernières introduisent une concurrence déloyale sur des segments de marché intérieur.

L’encadrement juridique du cabotage routier dans l’Union européenne

Le cabotage est encadré en Europe par le règlement CE 1072/2009 sur l’accès au marché et en France par la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 et le décret n° 2010-389 du 19 avril 2010.

La loi prévoit que le cabotage est nécessairement consécutif à un transport international. Lorsque le transport international est à destination du territoire français, le cabotage est autorisé, après déchargement des marchandises, dans la limite de trois opérations sur le territoire français devant être achevées dans le délai de sept jours.

Il doit être réalisé avec le même véhicule que celui qui a servi au transport international ou, s’il s’agit d’un ensemble de véhicules, avec le même véhicule moteur.

La législation actuelle prévoit la présentation d’un rapport d’ici la fin 2013 pour évaluer si une libéralisation accrue du marché domestique du transport routier est envisageable.

Rendu public le 20 juin 2012, le rapport d’étape du groupe à haut niveau composé d’universitaires et présidé par le professeur Brian T. Bayliss, préconise une ouverture graduelle du cabotage et recommande notamment que deux types différents de cabotage soient instaurés :

– le « cabotage lié », limité à une courte période et lié à un trajet international ;

– et le « cabotage non lié », qui peut se dérouler sur une période plus longue, indépendamment du trajet international existant et qui serait soumis à une procédure d’enregistrement afin de garantir que les chauffeurs concernés appliquent le droit du travail en vigueur pour leur concurrent local.

L’intention de Siim Kallas, commissaire européen aux transports, était de présenter en même temps que le rapport final du groupe de haut niveau (c’est-à-dire fin 2013) des propositions législatives pour assouplir les règles en matière de cabotage routier. Cependant, face à l’opposition du Conseil et du Parlement européen, la Commission européenne a annoncé en mai 2013 qu’elle renonçait à proposer une nouvelle étape de la libéralisation du cabotage routier d’ici la fin de son mandat en 2014.

Les tableaux et graphiques ci-après permettent d’apprécier le différentiel important entre les réglementations nationales des États membres de l’UE et ainsi le degré insoutenable de concurrence pour le pavillon français, dont la part de marché du transport international de marchandises dans l’UE est passée, selon le comité national routier, de 50 % en moyenne en 1999, à environ 10 % en dix années seulement, pour une perte, qu’elle évalue à de 21 000 emplois de conducteurs (26).

PRINCIPALES RĖGLES SOCIALES GÉNÉRALES ET SPÉCIFIQUES



Source : CNR études Europe

CONDITIONS DE RÉMUNÉRATION ET COÛTS DE PERSONNEL DE CONDUITE


Source : CNR études Europe

Ces considérables distorsions de concurrence sont aggravées en France par l’existence d’une législation interne plus favorable aux travailleurs français en matière de calcul de temps de repos et de temps de travail.

Actuellement, les entreprises étrangères prestataires de transport routier doivent adresser à l’inspection du travail du lieu de départ de la première opération de cabotage une déclaration préalable de détachement spécifique pour toute intervention sur notre territoire national pendant une durée égale ou supérieure à huit jours, conformément à la directive de 1996.

Cependant cette procédure n’est pas toujours respectée et les contrôles routiers ne peuvent raisonnablement pas mettre un terme à toutes les opérations de cabotage irrégulières. C’est pourquoi, à l’initiative de la France, une conférence entre les ministres des transports de l’Union européenne se tiendra à Paris au mois d’avril prochain afin d’améliorer l’harmonisation sociale et la lutte contre la concurrence déloyale dans ce secteur. Une démarche que le rapporteur ne peut que saluer et encourager.

Alors que le détachement de travailleurs accompagnait traditionnellement des opérations d’échange matériel de biens et services entre États, ou des opérations de coopération culturelle, éducative ou scientifique, les écarts de conditions salariales et sociales entre les États membres de l’Union européenne, conjugués au principe de la libre circulation au sein de la zone Schengen, ont ouvert des opportunités de transfert et de courtage de main-d’œuvre, des pays les moins protecteurs vers les pays les plus protecteurs des travailleurs.

En particulier, le différentiel entre les niveaux de cotisations sociales tout comme la difficulté à contrôler l’affiliation sociale des travailleurs détachés par des entreprises ou des sociétés d’intérim dans leurs pays d’origine ont encouragé le développement et la systématisation d’un recours « spéculatif » du détachement, visant à proposer sur les marchés des pays à haut coût de main-d’œuvre, des personnels meilleur marché que les nationaux du pays d’accueil.

Le détournement d’esprit et de fonctionnalité du détachement constitue aujourd’hui une aubaine sur le plan de la compétitivité-prix. Elle est susceptible de déstabiliser les conditions de concurrence de secteurs d’activité particulièrement propices par leur caractère saisonnier ou temporaire : bâtiment et travaux publics, restauration, agriculture et agro-alimentaire, culture, conseil et ingénierie.

Moralement et socialement inacceptables, de telles pratiques constituent juridiquement une entrave caractérisée à des conditions de concurrence équitables au sein du marché intérieur européen, qui mériterait d’être opposée auprès de la Commission européenne, gardienne des traités et du principe de concurrence non faussée.

À ce phénomène structurel, résultant de l’asymétrie des couvertures sociales entre États membres, s’ajoute l’appel d’air favorable à des migrations de travailleurs faiblement rémunérés, que constitue le niveau de chômage atteint par certains pays consécutivement à la crise des dettes souveraines, dont le graphique ci-après illustre les évolutions récentes.

ÉVOLUTION DES TAUX DE CHÔMAGE EN % DANS QUELQUES PAYS DE L’UE
ENTRE 2007 ET 2012

Source : Eurostat

En particulier, les zones frontalières de pays très touchés par la crise comme l’Espagne ou le Portugal, ont pu être exposées à de telles conditions de concurrence insoutenables par les nationaux qui respectent scrupuleusement les conditions sociales et salariales d’emploi de travailleurs nationaux.

Ainsi, le rapport de la direction générale du travail sur les prestations de services internationales en 2011, fait état d’une hausse annuelle de 74 % du nombre de déclarations préalable de détachement provenant du Portugal (3 700), dont un tiers a été reçu par les services de la DIRRECTE Aquitaine et de la DIRECCTE PACA. Un constat similaire peut être dressé au sujet de l’Espagne. Le nombre de déclarations de détachement en provenance de cet État membre a augmenté significativement (+ 76 %) entre 2010 et 2011, en particulier dans la région Languedoc-Roussillon et dans le département des Alpes de Haute Provence où le retour qualitatif des services de l’inspection du travail signale la construction d’un nombre important de champs photovoltaïques par une entreprise espagnole qui a détaché ses salariés « en très forte proportion espagnols eux-mêmes ».

La presse s’est d’ailleurs fait l’écho du désespoir et de la colère d’entreprises françaises de BTP situées en particulier dans des zones transfrontalières (27). Elles peinent à demeurer compétitives face à des offres « anormalement basses » d’entreprises étrangères, établies sur notre territoire national dans l’unique but de remporter des marchés publics dont le principal (voire l’unique) critère de sélection est le prix (cf. annexe 2). Elles proposent un coût de main-d’œuvre inférieur d’environ 20 à 30 % au prix du marché en faisant appel uniquement à des travailleurs détachés (dont une partie n’est, d’une manière générale, pas officiellement déclarée et payée conformément à la réglementation française). En attribuant un chantier de la ligne de tramway Garonne (environ 700 000 euros) à l’entreprise espagnole de travaux publics Comsa, la société de la mobilité de l’agglomération toulousaine (Smat) s’est ainsi attirée les foudres de la profession.

Le détachement peut donc ponctuellement, et en toute licéité, déstabiliser des marchés et des entreprises domestiques. Il ne s’agit pas alors d’un détachement « d’échange », mais d’un détachement de dumping, visant à déstabiliser systématiquement les conditions de concurrence.

Avec la conjonction d’une directive « détachement », indispensable mais insuffisante, et d’une jurisprudence européenne qui limite de manière stricte les règles de contrôle que les États membres peuvent mettre en place, il était inévitable que les mesures de contrôle nationales ne constitueraient qu’un mince rempart contre des fraudes, des abus et des contournements de plus en plus sophistiqués et organisés, imaginés par des employeurs jouant habilement des failles du droit européen et du manque de coopération administrative entre les États membres afin d’optimiser leurs coûts.

Ainsi, nombreuses sont les possibilités de constater de simples manquements aux dispositions de la directive concernant la déclaration de détachement et d’affiliation au régime de sécurité sociale du pays d’accueil, ou l’application du droit du pays d’accueil en matière de conditions de travail et d’emploi (non-paiement des salaires et des heures supplémentaires, dépassement de la durée légale de travail). Ils peuvent être aggravés en cas de non-déclaration d’accident du travail, d’abus de vulnérabilité, et de défaillance en matière d’hygiène et de sécurité, de surveillance médicale et de prévention des risques professionnels. En outre, certains employeurs mettent en place des montages complexes s’appuyant sur des sous-traitances en cascade, pour paraître irréprochables aux yeux de la loi et poursuivre en toute impunité leurs stratégies d’optimisation sociale et fiscale.

Parmi les abus les plus pratiqués se trouve le prélèvement par l’employeur sur le salaire du travailleur détaché de « frais de logement, de nourriture et de transport » engagés pendant la durée de sa mission à l’étranger, lorsque ce dernier revient dans son pays d’emploi. Cette infraction est difficilement détectable, l’employeur produisant des bulletins de paye en bonne et due forme, prenant en compte la réglementation en vigueur dans le pays d’accueil, mais en élabore une version différente à destination de l’administration du pays d’envoi. Quand cette fraude parvient à être démasquée par les services d’inspection du pays où s’est effectué le détachement, une enquête auprès du bureau de liaison du pays d’envoi du travail est alors nécessaire. Cependant, comme il a été mentionné, les délais et la qualité des réponses apportées ne sont pas toujours satisfaisants, ce qui joue incontestablement en la faveur de l’employeur peu scrupuleux.

À un degré supérieur de complexité, se trouvent les fraudes liées à la création d’un établissement dans un pays de membre de l’Union européenne. Encadré par la directive « Services » du 12 décembre 2006, plus connue sous le nom de « directive Bolkestein » (28), ce droit permet à tout entrepreneur particulier ou entreprise de s’établir sur le territoire d’un autre État membre. Les salariés recrutés, y travaillant de manière habituelle stable et permanente, sont soumis au droit du travail et ressortissent de la sécurité sociale du pays d’accueil, et non aux règles du pays d’origine de l’entrepreneur, comme l’envisageait la première mouture de la directive.

L’utilisation à des fins frauduleuses de ce droit peut revêtir deux formes, qu’illustrent les schémas ci-après :

– l’établissement dit « coquille vide ». C’est le cas d’un entrepreneur irlandais qui décide de s’établir en France, mais n’emploie délibérément que très peu de personnel dans cet établissement français, car les charges sociales y sont plus élevées qu’en Irlande. Il va donc faire appel au détachement pour effectuer les missions habituelles de l’établissement français. Le détachement peut se faire soit via la mobilité interne de salariés (détachement intra-groupe), soit via le recrutement de travailleurs détachés par des agences de travail temporaires basées dans un pays tiers, ce qui, dans ce dernier cas, rend plus difficile le fait de savoir si le travailleur détaché est bien affilié à la sécurité sociale de son pays d’origine.

Option 1



Option 2 :

L’emploi délibéré et systématique de travailleurs détachés à la place de travailleurs soumis au droit commun du pays d’accueil est difficile à prouver, sauf à démontrer que les salariés détachés n’ont jamais exercé dans leur pays d’envoi pour le compte de leur employeur et qu’ils résident de manière permanente dans le pays « d’accueil », ou à fournir la preuve que le détachement constitue un remplacement.

Cette stratégie frauduleuse a été utilisée en France dans l’aviation civile, notamment par des compagnies aériennes à bas coût, à ceci près qu’elles ne s’étaient pas donné la peine (ou ne l’avaient pas fait correctement) d’immatriculer leur base d’exploitation aérienne dans le registre du commerce et des sociétés. En outre, les détachements auxquels elles avaient eu recours ont ainsi pu être requalifiés par la justice française en travail dissimulé par dissimulation d’activité, défini à l’article L. 8221-3 du code du travail et passible notamment de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 euros pour les personnes physiques et d’une amende de 225 000 euros pour les personnes morales (29). Ce mécanisme est également utilisé par des entreprises étrangères qui créent par exemple une filiale en France afin de capter des marchés en proposant un prix très concurrentiel. Le marché obtenu, elles recrutent exclusivement des travailleurs détachés provenant de pays dont les charges sociales sont inférieures voire très inférieures à celles françaises.

– l’entreprise « boîte à lettre », qui répond à une logique inverse. Dans ce cas, un entrepreneur crée un établissement dans un pays de l’Union européenne dont le niveau de charges sociales est relativement bas, en Slovaquie par exemple. Cet établissement n’a pas d’activité réelle ou du moins très faible, et se contente de procéder à des recrutements pour immédiatement détacher les travailleurs nouvellement embauchés vers la maison mère. L’entrepreneur pourra ainsi bénéficier d’une main-d’œuvre moins onéreuse dans son pays d’origine puisque le taux de cotisations sociales des salariés détachés dont il devra s’acquitter, sera celui slovaque et non celui du pays où est implantée la société mère.

Établissement dit « boîte à lettre »


C’est notamment un cas observé pour des entreprises de transport international de marchandises qui vont établir une filiale en Europe de l’Est pour recruter « du travailleur » slovaque ou bulgare dans le seul but de le détacher pour assurer des missions en Europe de l’Ouest. Ces entreprises n’hésitent d’ailleurs pas à rogner sur les conditions de travail des conducteurs routiers, en leur imposant de prendre leurs repos hebdomadaires normaux (plus de 45 heures) à bord de leur véhicule. Il apparaît en outre que certaines entreprises de transport de l’Est de l’Europe produisent de faux bulletins de paye à leur administration nationale afin de faire baisser leurs charges patronales en augmentant artificiellement la part des frais de déplacement (non soumis à cotisation) dans le salaire du conducteur. Le schéma ci-après décrit, à titre d’illustration, l’hétérogénéité de la composition de la rémunération des conducteurs internationaux en Europe (sur une base annuelle).

COMPOSITION DE LA RÉMUNÉRATION ANNUELLE

(coût total pour l’employeur de l’emploi d’un conducteur à l’international)

Variante de l’entreprise « boîte à lettre », la société dite « réservoir de main-d’œuvre » n’exerce pas non plus réellement d’activité significative dans son pays et se contente de détacher des travailleurs auprès d’une autre société, sans se présenter comme une entreprise de travail intérimaire. Cela constitue en droit français un prêt illicite de main-d’œuvre à but lucratif, sanctionné par l’article L. 8241-1 du code du travail et passible d’un emprisonnement de deux ans, d’une amende de 30 000 euros et de l’interdiction de sous-traiter de la main-d’œuvre pour une durée de deux à dix ans pour les personnes physiques, ainsi que d’une amende de 150 000 euros pour les personnes morales.

Le cas de l’entreprise Terra fecundis dans le Gard est emblématique. En effet l’agriculture gardoise recourrait traditionnellement à 600 travailleurs marocains, employés directement pour des campagnes de récoltes de durée limitée. Ces travailleurs marocains ont été évincés du marché du travail saisonnier, par une entreprise de prestation de services de main-d’œuvre, Terra Fecundis, installée à Murcie en Espagne, qui a démesurément accru le recours aux travailleurs détachés dans l’agriculture gardoise. En 2012, la DIRECCTE a ainsi enregistré 600 déclarations de détachement de la part de cette entreprise pour un effectif de 2 277 salariés et 100 000 jours d’intervention. Ses salariés, des travailleurs équatoriens célibataires, ont obtenu des titres de séjour auprès du Royaume d’Espagne qui, en vertu de la réglementation communautaire s’impose à tous les États membres. Grâce à la directive détachement, ces travailleurs ont pu venir travailler temporairement en France en toute légalité. En outre, Terra Fecundis a opté pour le régime de la TVA intracommunautaire et n’acquitte donc pas de TVA en France. Terra Fecundis facture ainsi 13 à 15 euros de l’heure contre 20 à 21 euros pour une entreprise d’intérim française, qui bénéficie pourtant d’une exonération totale d’impôt sur les travaux saisonniers.

Une enquête de la direction départementale des finances publiques menée en Espagne a établi que Terra Fecundis était organisée en Espagne et en Equateur où elle mène notamment des activités de promotion immobilière et de voyage. Le groupe exerce une activité de promotion sociale des travailleurs équatoriens. Il garantit huit mois de travail à chaque salarié célibataire dans le cadre de séjours en France et en Italie (80 % du chiffre d’affaires de l’entreprise est réalisé en France, 20 % en Italie). Le groupe exploite les possibilités offertes par une convention relative aux titres de séjour de longue durée liant l’Equateur et l’Espagne.

Cette société prend intégralement en charge le logement et les frais de déplacement des salariés dans le pays d’accueil. Elle leur propose des solutions de logement de retour dans le pays d’origine bon marché où ils peuvent fonder un foyer sur des bases sociales notoirement supérieures à la moyenne des travailleurs.

Un dernier type de contournement des règles communautaires, massif dans certains secteurs mais difficilement quantifiable, est constitué par le recours au faux statut d’indépendant. Cette fraude prend essentiellement deux formes :

– soit le travailleur était salarié d’une entreprise qui lui demande de s’installer en tant qu’indépendant (souvent en le menaçant de le licencier) dans un autre pays. L’entreprise passe ensuite par un prestataire de main-d’œuvre (en contrat avec l’ex-salarié) pour employer le travailleur nouvellement « indépendant ». Ce travailleur continue pourtant d’effectuer les mêmes tâches. Seul son statut change.

– ou bien, dès l’entretien d’embauche, l’employeur impose au candidat de s’installer en tant qu’indépendant. Il sera payé par un intermédiaire spécifique.

Or, il arrive bien souvent que le salarié ne soit pas au courant de l’impact social de son « changement de statut » et qu’il le découvre lorsqu’il est malade ou souhaite poser des congés, ou encore lorsqu’il reçoit l’avis d’imposition auquel sont soumis les travailleurs indépendants !

Au Royaume-Uni par exemple, ce mécanisme permet :

– à l’employeur de ne pas devoir s’acquitter des charges patronales destinées au financement de la sécurité sociale ; de ne pas devoir prélever l’impôt sur le revenu directement sur le salaire du travailleur, mais également de se dispenser des frais liés aux congés payés, aux congés maladie, aux cotisations retraites, aux indemnisations de licenciement ;

– au travailleur, de gagner plus en apparence. Si c’est souvent le cas à court terme, il se trouve privé de ses droits fondamentaux à long terme : salaire minimum, congés, assurance chômage… Par ailleurs, il s’avère que ces travailleurs faussement indépendants sont souvent obligés de payer un forfait hebdomadaire de 10 à 25 livres sterling à l’entreprise intermédiaire avec laquelle ils passent – voire sont obligés de passer – un contrat. Ce forfait doit être acquitté même si le travailleur n’exerce son activité qu’un jour par semaine (30).

Les économies dégagées par ce type de montage frauduleux sont d’une manière générale divisées entre l’employeur et l’intermédiaire, le travailleur n’en voyant que très rarement la couleur.

De nombreux cas ont été constatés dans le secteur agricole, dans celui des transports (notamment le personnel navigant de certaines compagnies aériennes à bas prix comme l’a révélé le Comité européen du dialogue sectoriel pour l’aviation civile (31)) ou dans celui de la construction. Au sein de ce dernier, la proportion d’indépendants en 2008 était très élevée en Grèce (37 %), en Roumanie (32 %), en Pologne (27 %) et en Italie (27 %) (32).

En France, pour requalifier un faux travailleur indépendant en vrai salarié, la législation et la jurisprudence exigent que la preuve de l’existence d’un lien de subordination « caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné » (33) entre le faux travailleur indépendant et son « employeur » soit apportée, notamment via l’étude des courriels, des plannings de travail, du nombre de clients ou de fournisseurs.

L’action en requalification du contrat peut être introduite par un travailleur indépendant devant le conseil des prud’hommes s’il conteste le caractère indépendant de la relation contractuelle qui le lie à son donneur d’ordre et estime ainsi être de facto lié par un contrat de travail. Si la requalification est actée, elle se traduit par :

– le paiement des salaires (ce qui inclut le cas échéant les heures supplémentaires), primes, congés, indemnités de toute nature correspondant à un poste de salarié équivalent et ce depuis le début avéré de la relation de travail (en tout état de cause, le salaire ne peut être inférieur au SMIC ou au minimum conventionnel s’il y en a un) ; l’octroi de dommages et intérêts pour préjudice matériel ou moral ;

– et le paiement des cotisations sociales du régime général pour toute la durée de la relation contractuelle.

En droit, le fait de maquiller intentionnellement une relation salariale en contrat d’entreprise ou de régie, ou en paiement en honoraires de prestations de service ponctuelles ou régulières, pour échapper à ses obligations d’employeur, est équivalent à l’emploi d’un salarié de façon non déclarée ou sous-déclarée. Il est constitutif du délit de travail dissimulé, dans les conditions précisées à l’article L. 8221-6 II du code du travail (34).

Enfin, ces contrôles sont souvent chronophages pour les inspecteurs du travail et ne se traduisent pas forcément par des sanctions au niveau pénal, compte tenu de la difficulté d’établissement de la preuve. C’est ce qu’illustre le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nancy du 11 décembre 2012 dans l’affaire SNC Transport A. Foulon. Cette entreprise, était accusée d’avoir entre juin 2007 et septembre 2011 réalisé une « opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre en dehors des cas autorisés, en l’espèce en ayant eu recours à la main-d’œuvre fournie par la société de droit polonais AF POLSKA détenue à 100 % par Monsieur A. Foulon » ainsi que du délit de travail dissimulé par dissimulation totale de salariés mis à sa disposition (6 en 2008, 10 en 2009 et 2010 et 13 en 2011), a été finalement relaxée faute « d’indices suffisamment pertinents et objectifs ».

Faute d’une véritable harmonisation sociale dans l’Union européenne et la crise économique et le chômage de masse aidant, la directive est devenue un objet d’opportunisme social et un outil redoutable de concurrence déloyale. Consciente du danger délétère pour l’image et la légitimité de la construction européenne aux yeux des travailleurs, la Commission européenne a donc présenté le 21 mars 2012 une proposition de directive d’application de la directive (35), renonçant à proposer une nouvelle directive pourtant annoncée par le Président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, lors de sa seconde investiture devant le Parlement européen en 2009.

La directive d’exécution en cours de discussion entre les institutions européennes apportera certainement des avancées cruciales. Toutefois, ces mesures qui ne concernent que le détachement ne sauraient être opposables avant 2016, ce qui laissera donc au moins deux ans encore aux fraudeurs pour saper un peu plus la concurrence et le droit des travailleurs au sein du marché intérieur.

D’où la nécessité d’envisager dès à présent, au niveau européen, une politique plus large et plus systématique de lutte contre toutes les formes de concurrence déloyale par optimisation sociale, et, au niveau national, des dispositions législatives euro-compatibles permettant de combattre efficacement le travail illégal, dont le dévoiement du détachement de travailleurs n’est qu’une facette. Il s’agit bien de préserver notre économie et notre système de protection sociale.

Présentée en mars 2012, la proposition de directive d’exécution vise à limiter le contournement et la violation des règles applicables au détachement en intégrant dans la norme communautaire la jurisprudence de la CJUE et en renforçant les moyens de prévention et de lutte, ce qui, eu égard aux propos du chapitre II du présent rapport, pourrait sembler antinomique.

Afin de lutter contre les établissements dits « boîtes aux lettres », la proposition de directive, en son article 3 paragraphe 1, précise les critères qui devront être pris en compte pour déterminer si une entreprise « exerce réellement des activités substantielles autres que celles relevant uniquement de la gestion interne ou administrative », dans le pays dans lequel elle est établie. Ces éléments d’appréciation sont au nombre de cinq :

– le lieu où sont implantés le siège statutaire et l’administration centrale de l’entreprise, où elle a des bureaux, paie des impôts, est autorisée à exercer son activité ou est affiliée à une chambre de commerce ou à des organismes professionnels ;

– le lieu de recrutement des travailleurs détachés ;

– le droit applicable aux contrats conclus par l’entreprise avec ses salariés, d’une part, et avec ses clients, d’autre part ;

– le lieu où l’entreprise exerce l’essentiel de son activité commerciale et où elle emploie du personnel administratif ;

– le nombre anormalement réduit de contrats exécutés et/ou le montant du chiffre d’affaires réalisé dans l’État membre d’établissement.

Par ailleurs, le paragraphe 2 du même article introduit une liste de « faisceaux d’indices » à prendre en compte pour déterminer la conformité du détachement d’un travailleur à la législation européenne, et ainsi harmoniser la démarche des inspecteurs du travail au sein de l’Union européenne. Il s’agit notamment de savoir :

– si le travailleur est bien détaché dans un État membre autre que celui dans lequel il est employé ou depuis lequel il accomplit habituellement son travail ;

– si la durée du détachement est bien temporaire c’est-à-dire savoir si le travailleur est censé reprendre son activité dans son État d’origine ;

– si le voyage, la nourriture et l’hébergement du travailleur sont bien pris en charge par son employeur ;

– si le poste du travailleur détaché n’a pas été occupé préalablement par le même voire un autre travailleur détaché.

Concernant l’amélioration de qualité de coopération entre les États membres, consubstantielle au renforcement de l’efficacité des contrôles nationaux, le texte présenté par la Commission européenne propose :

– dans le volet de l’information (articles 4 et 5) : d’encadrer le rôle des bureaux de liaison (ou autre autorité nationale équivalente) et d’améliorer l’accès à l’information, notamment via Internet, en ce qui concerne les conditions de travail et d’emploi. Il s’agirait en particulier de préciser les modes calcul du salaire minimum, la rémunération due, ainsi les critères de classification au sein des différentes catégories de salaires ;

– dans le volet administratif (articles 6, 7 et 8) :

o de mieux définir les principes généraux de l’assistance mutuelle entre États membres et d’introduire une obligation de réponse dans un délai de deux semaines suivant la réception d’une demande d’information d’un de leur partenaire, ainsi que d’organiser un mécanisme spécifique pour des situations d’extrême urgence ce qui suppose que l’information demandée par l’administration d’un État à son homologue étranger lui soit communiquée dans les 24 heures ;

o de préciser le rôle de l’État dans lequel est établi le prestataire de service qui détache du personnel, en matière de communication d’informations, de mesures de surveillance et de contrôle ;

o d’encourager, via un soutien financier de la Commission européenne, les mesures complémentaires visant à développer, faciliter et encourager les échanges, notamment de bonnes pratiques, entre les fonctionnaires chargés de la mise en œuvre de la coopération administrative et/ou de l’application de la réglementation applicable.

En ce qui concerne le renforcement des investigations et des contrôles du détachement, l’article 9 de la proposition de directive de la Commission européenne instaure une liste « fermée » de mesures nationales de contrôle pouvant être mises en œuvre par les États membres. Il introduit ainsi en droit européen l’obligation de déclaration préalable de détachement (d’ores et déjà prévue en droit français à l’article R. 1263-3 du code du travail (36)), et restreint au nombre de quatre les documents exigibles pendant toute la durée du détachement : le contrat de travail, les fiches de paie, les relevés d’heures et les preuves de paiement des salaires ou copies de documents équivalents. Cet article prévoit également la possibilité pour les États membres d’exiger que ces documents soient traduits, à condition « qu’ils ne soient pas trop longs et habituellement établis sur la base de formulaires standards ». Enfin, l’article 9 propose de désigner obligatoirement, pour la durée de la prestation de services, un référent, pour négocier au nom de l’employeur, si nécessaire, avec les partenaires sociaux compétents dans le pays « d’accueil ».

Les articles suivants de la proposition de directive (articles 11 à 17) instaurent, quant à eux, un système de recours et de sanctions en cas de manquement à la directive détachement. La Commission invite ainsi les États membres à se doter de mécanismes de recours permettant au travailleur détaché de porter plainte contre son employeur, lorsqu’il estime avoir subi un préjudice en raison du non-respect des règles applicables, en pouvant s’appuyer sur les organisations syndicales pour ester en justice.

En outre, l’article 12 institue, dans le domaine de la construction, une responsabilité conjointe et solidaire du donneur d’ordre, qui pourra se substituer légalement à son sous-traitant direct et être tenu responsable du non-paiement du salaire minimal, de tout arriéré ou de tout prélèvement indu sur la rémunération du travailleur détaché. Le donneur d’ordre ayant fait preuve de la diligence nécessaire serait toutefois exonéré de toute responsabilité. Si le texte laisse la possibilité aux États membres d’étendre ce dispositif aux autres secteurs, la portée de la proposition de directive est limitée au seul secteur de la construction.

Un mécanisme similaire existe déjà en droit français en cas de travail dissimulé (article D. 8222-5 du code du travail), qui impose au donneur d’ordre, pour être exonéré de sa responsabilité solidaire, de vérifier notamment que le prestataire est à jour de ses cotisations sociales auprès de l’organisme auquel il doit cotiser, ainsi que l’authenticité de l’attestation qui lui est fournie.

Certaines de ces dispositions, notamment les articles 3, 9 et 12, ont suscité des débats difficiles entre un groupe de onze États membres conduit par la France, qui met en avant la nécessité de renforcer de l’effectivité des règles de la directive 96/71/CE pour permettre de concilier l’exercice des libertés économiques dans un climat de concurrence loyale et de garantie des droits des travailleurs, et onze autres États membres dont le Royaume-Uni et la Pologne qui privilégient le principe de libre prestation de services, et qui sont parvenus à réunir une minorité de blocage.

Au terme de nombreux mois de négociation, les 28 ont finalement réussi à dégager, lors du Conseil Epsco du 9 décembre dernier, une majorité qualifiée grâce à l’assouplissement, au troisième tour de table, de la position polonaise, entraînant le ralliement in extremis de la Croatie et l’Irlande, mais avec l’opposition ferme de sept États membres (le Royaume-Uni, la Hongrie, la République tchèque, la Lettonie, l’Estonie, la Slovaquie et Malte).

Le compromis historique obtenu à l’arrachée prévoit notamment à l’article 9, la création d’une liste ouverte (et non pas fermée comme le prévoyait la proposition de la Commission) de mesures nationales de contrôle – une liste de mesures de contrôle justifiées, proportionnées et eurocompatibles sera fixée mais d’autres mesures pourront être introduites par les États membres après avoir obtenu l’aval de la Commission – et, à l’article 12, un principe de responsabilité conjointe et solidaire obligatoire dans le secteur de la construction, assorti d’une alternative laissant la possibilité aux États membres, en lieu et place de ces règles de responsabilité conjointe, d’instaurer un dispositif de sanction du cocontractant d’effet équivalent. Ce mécanisme de responsabilité conjointe et solidaire revêt en revanche un caractère facultatif dans les autres secteurs, comme l’agriculture, l’agro-alimentaire ou les transports.

Il n’en reste pas moins que cette victoire politique de la France appelle la recherche d’un compromis avec le Parlement européen, dont le rapport de la Commission Emploi (37) adopté le 20 juin 2013, va plus loin que l’accord du 9 décembre sur les articles 9 et notamment 12 puisqu’il étend la responsabilité conjointe et solidaire à tous les secteurs et à tous les maillons de la chaîne de sous-traitance.

Un premier trilogue a rassemblé les négociateurs du Parlement, du Conseil et de la Commission européenne le 14 janvier dernier, et a permis de dégager un consensus quasi-total sur l’objet de la directive d’exécution (article1er), les définitions (article2), le rôle des bureaux de liaisons (article4) et les moyens d’améliorer l’accès à l’information (article5).

Le 23 janvier, une seconde réunion, cette fois-ci consacrée à l’article 3, a consenti aux États membres de s’accorder sur une liste indicative de critères permettant de déceler les sociétés boîtes-aux-lettres ainsi que les faux-travailleurs détachés.

Quatre autres trilogues devraient suivre pour aboutir à un accord interinstitutionnel, qui, une fois adopté, devra être transposé dans les deux ans à compter de l’entrée en vigueur de la directive, conformément aux dispositions inscrites à son article 20.

Sauf à se heurter aux quatre libertés fondatrices du marché commun, notamment aux deux volets de la liberté de circulation de travailleurs que sont la liberté d’établissement et la liberté d’exercer une activité, des mesures nationales unilatérales ne sont pas envisageables pour lutter efficacement contre les montages transnationaux frauduleux.

Si la construction du marché intérieur européen est fondée sur le principe théorique de la convergence mutuelle des conditions de marché et d’échange, force est de constater qu’un demi-siècle de marché commun et de libéralisation des échanges n’a pas suffi à créer des conditions de convergence suffisamment rapides et probantes, pour ne pas déstabiliser très significativement les conditions de concurrence en son sein.

Il apparaît dès lors légitime et fondé que l’Union européenne, au nom du principe de subsidiarité, prenne la mesure de telles distorsions structurelles en son sein, ainsi que de la systématisation de comportements et de stratégies « d’optimisation sociale ».

C’est la raison pour laquelle notre Assemblée a préconisé, au point 4 de la résolution européenne n° 185, une initiative législative de la Commission européenne appropriée et proportionnée au phénomène (38).

Elle avait d’ailleurs suggéré plusieurs mesures, à savoir :

– La création d’une carte de travailleur européen mobile, de type carte vitale, permettant de vérifier la réalité de sa couverture sociale dans son pays d’origine. Cette proposition a d’ailleurs été reprise par le Parlement européen dans sa résolution du 14 janvier 2014 sur des inspections du travail efficaces à titre de stratégie pour l’amélioration des conditions de travail en Europe (39;

– La création d’une agence européenne de contrôle du travail mobile en Europe, permettant notamment de relayer et d’améliorer le système d’information interadministratif entre États membres au sujet des travailleurs détachés ;

– La mise en place d’une « liste noire » des prestataires de services de main-d’œuvre détachée, en infraction grave avec la législation relative au détachement, les excluant de certains marchés (appels d’offres, sous-traitance) ;

– La définition d’un salaire minimum européen de référence, par pays ou par filière, afin d’éviter que les pays ne disposant pas de salaires minimum recrutent à des tarifs indignes pour améliorer leur position concurrentielle sur le Marché intérieur ;

– L’étude de la possibilité de permettre aux organisations syndicales du pays d’accueil d’ester en justice quand elles constatent des conditions d’emploi de main-d’œuvre détachée susceptible de mettre à mal le droit du travail de leur pays ;

– L’instauration d’un moratoire de toute initiative européenne sur le cabotage routier, avant la mise en place d’un cadre social renforcé ;

En tout état de cause une telle initiative européenne, qui n’est pas encore à l’ordre du jour de la Commission européenne, ne pourra survenir, dans le meilleur des cas, avant la prochaine législature, dont le mandat débutera en octobre 2014.

C’est pourquoi, il apparaît nécessaire que les États membres les plus exposés à ces nouvelles pratiques de concurrence déloyale, s’en protègent par une législation appropriée, fondée essentiellement sur le respect du droit de la concurrence. C’est précisément l’objet de la présente proposition de loi.

La proposition de loi doit donc, autant que faire se peut, s’inscrire dans les angles morts du droit européen en vigueur et s’efforcer d’en respecter les principes généraux, afin d’éviter qu’elle fasse l’objet d’un recours en manquement devant la Cour de Justice de l’Union européenne.

Son objet est tout à la fois d’anticiper la transposition de la directive d’application en cours de procédure législative européenne, notamment pour ce qui concerne la responsabilité conjointe et solidaire du donneur d’ordre et du maître de l’ouvrage, en la généralisant à tous les secteurs d’activités, au-delà du seul secteur du bâtiment, mais aussi de mettre en place des mesures spécifiquement nationales, de nature générale et sectorielle, qui pourraient avoir vocation à inspirer leur généralisation au niveau communautaire par une initiative de la Commission européenne de lutte contre la concurrence inégale par dumping social.

La proposition de loi vient également en complément des chantiers qui ont été engagés par le ministre du travail de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Présenté en novembre 2012, un nouveau plan de lutte contre le travail illégal pour la période 2013-2015, décliné à l’échelle départementale par le comité opérationnel départemental anti-fraude (CODAF), prévoit notamment une politique de prévention mobilisant l’ensemble des acteurs (partenaires sociaux et administrations) mais aussi l’intensification et l’amélioration des contrôles par la professionnalisation et la coopération renforcée des services d’inspection du travail. Cette dimension est d’ailleurs au cœur de l’article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, présenté le 22 janvier en Conseil des Ministres (40). Il renforce les moyens de contrôle des inspecteurs et leur permet d’infliger des amendes aux entreprises, grâce à un nouveau mécanisme de sanction administrative, au-delà de la seule voie pénale. En outre, les inspecteurs pourront interrompre des travaux en cas de danger dans tous les secteurs, alors que seul le BTP était jusqu’à présent concerné. Ce projet s’inscrit par ailleurs dans le cadre d’une réforme modifiant l’organisation de l’inspection du travail et créant notamment des unités de contrôle spécialisées, réunissant 8 à 12 agents. Elles permettront de mieux appréhender les différentes formes de travail illégal, notamment les fraudes au détachement des travailleurs, dissimulées dans des systèmes de sous-traitances en cascade.

L’établissement et le contrôle des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur constituent l’une des très rares compétences exclusives de la Commission européenne, définies à l’article 3 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Régie par le Titre VII du TFUE, la concurrence est réputée libre au sein du marché intérieur. Le principe de « concurrence libre et non faussée » n’est en revanche pas écrit en toutes lettres dans les traités en vigueur, contrairement à la version du projet de traité constitutionnel européen de 2005. Cette référence a été supprimée à la demande de la France, alors dirigée par Nicolas Sarkozy, qui avait obtenu l’accord d’Angela Merkel sur ce point lors de la négociation du traité « simplifié », c’est-à-dire l’actuel Traité de Lisbonne. Le caractère non faussé de la concurrence ne figure ainsi qu’en creux, dans les missions de la Commission, notamment à l’article 116 du TFUE qui stipule : « Au cas où la Commission constate qu’une disparité existant entre les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des États membres fausse les conditions de concurrence sur le marché intérieur et provoque, de ce fait, une distorsion qui doit être éliminée, elle entre en consultation avec les États membres intéressés ». Ce n’est que le protocole 27 sur le marché intérieur et la concurrence, qui indique explicitement que « le marché intérieur […] comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée » (41).

Conformément à l’article 105 du même Traité, c’est donc la Commission européenne qui instruit, sur demande d’un État membre ou d’office, et en liaison avec les autorités compétentes des États membres (l’Autorité de la concurrence en France), les entraves présumées à la concurrence. Elle constate, le cas échéant, l’infraction et propose des solutions pour y mettre un terme. En cas de poursuite de l’infraction, la Commission adopte une décision motivée, qui peut être publiée et autoriser les États membres à prendre les mesures qu’elle juge adéquates.

Si l’approche morale et sociale des fraudes au détachement, du travail dissimulé, du prêt de main-d’œuvre illicite et de l’emploi de faux-indépendants est légitime, elle n’est pas régie par un droit européen suffisamment développé pour être opposable. En revanche, ce phénomène peut être approché sous l’angle de la concurrence. Cette possibilité n’a pas été suffisamment exploitée pour mettre un terme aux entraves caractérisées à la concurrence équitable au sein du marché intérieur.

C’est précisément ce motif qui a été invoqué par la Belgique dans son recours en mars dernier devant la Commission européenne, contre l’Allemagne, concernant l’impact économique jugé dévastateur de l’absence de salaire minimum outre-Rhin dans le secteur des abattoirs.

Actuellement, ce sont des considérations diplomatiques, c’est-à-dire d’appréciation des rapports et des intérêts coopératifs entre États membres qui dominent l’analyse de ces distorsions de concurrence. Le rapporteur considère qu’elles devraient plutôt reposer sur ce type de dispositions juridiques, plus robustes, qui sont précisément celles motivant l’opportunité d’une nouvelle initiative de la Commission européenne.

Faute d’avoir été abordés sous l’angle des règles et principes essentiels du droit européen de la concurrence, les abus et fraudes au détachement des travailleurs, et plus généralement les soupçons de travail illégal, ont essentiellement fait l’objet d’incriminations en regard du droit du travail existant.

Comme le rappelle Hervé Guichaoua, juriste en droit social, « la France […] dispose depuis plus de vingt-cinq ans de textes et d’une jurisprudence visant et sanctionnant tout particulièrement les entreprises étrangères » (42). La première condamnation en correctionnel d’une entreprise étrangère date en effet de 1994 et s’est traduite par une peine d’emprisonnement de 6 mois ferme à l’encontre du fraudeur.

Ainsi, face à des montages de plus en plus complexes et sophistiqués, les services de contrôle, ainsi que les juridictions, se sont principalement attachés à les requalifier juridiquement notamment :

– en travail dissimulé par dissimulation d’activité (articles L. 8221-3 et L. 8221-4 du code du travail) ou dissimulation d’emploi (articles L. 8221-5 et L. 8221-6 du même code) ;

– en prêt illicite de main-d’œuvre (article L. 8241-1 du même code) ;

– en marchandage (article L. 8231-1 du même code) ;

– en emploi de salariés démunis d’autorisation de travail (article L. 8251-1 du même code) ;

– en « établissement permanent » (article L. 1262-3 du même code) en constatant le défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés d’établissements d’entreprises étrangères implantées sur le territoire national, voire, le cas échéant, par le constat des entraves au fonctionnement des délégués du personnel, ou au fonctionnement du comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Les jugements récents, évoqués précédemment, concernant les affaires Cityjet, Vueling ou Ryanair, attestent de cette démarche de requalification.

Enfin, il convient de souligner qu’en novembre dernier, la Cour d’appel de Chambéry a infligé à la société Promogim une amende de 210 000 euros pour « complicité de travail illégal » pour un chantier de 43 logements à Pringy, en Haute-Savoie, dirigé par une de ses filiales, SCI Rhône (43). C’est la première fois que ce chef d’accusation est retenu contre un maître d’ouvrage. Le procès-verbal du jugement relate qu’à l’occasion d’un accident du travail non déclaré d’un ouvrier polonais qui avait chuté de trois mètres en juin 2008, les gendarmes ont procédé à un contrôle du chantier qui a relevé la présence de huit ouvriers polonais de la société Manualis Pologne et de nombreuses infractions aux règles de sécurité. Des investigations plus poussées ont permis de démasquer une fraude d’une tout autre ampleur. Le maître d’ouvrage, SCI Rhône avait confié les travaux de maçonnerie à la société turque Pala Maçonnerie qui a elle-même passé un contrat de sous-traitance fictif avec une entreprise polonaise, Manualis Pologne. La société polonaise lui avait permis d’obtenir des travailleurs polonais « low cost », qui n’avaient pas fait l’objet d’une déclaration préalable de détachement, et dont les heures supplémentaires n’étaient pas été rémunérées au niveau de la législation française, en contradiction avec les règles applicables au détachement.

Toutefois, les avancées empiriques des corps de contrôle et de la jurisprudence se heurtent parfois à de grandes disparités de réactivité et de jugement des juridictions locales. Ainsi, pour un même type de faits incriminés, on peut observer des jugements contradictoires voire des conclusions d’incapacité des tribunaux à traiter ce qui apparaît pourtant comme des fraudes caractérisées (Affaire Volsteen).

Il s’avère dès lors nécessaire que le législateur comme l’administration adaptent le droit en vigueur aux nouvelles modalités de fraudes et clarifient ainsi le corpus juridique à disposition des contrôleurs et des juges afin d’éviter de tels aléas judiciaires.

Pour ce faire, les dispositions que la proposition de loi propose, tendent à :

– resserrer les mailles du contrôle pour une meilleure information des contrôleurs sur les conditions d’emploi des travailleurs dans toute la chaîne de sous-traitance ;

– responsabiliser juridiquement toute la chaîne de sous-traitance, et en particulier les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage à tous les niveaux de sous-traitance ;

– durcir les sanctions applicables aux donneurs d’ordre et aux maîtres d’ouvrage en cas de fraudes.

Il s’agit essentiellement de renforcer le dispositif déclaratif et pénal afin de dissuader, autant que possible, la systématisation de telles fraudes.

En outre, le rapporteur propose d’introduire d’ores et déjà dans la présente proposition de loi un amendement relatif au temps de repos hebdomadaire des conducteurs routiers, c’est-à-dire un temps de repos de plus de 45 heures.

Il s’agit d’interdire aux entreprises de transport routier d’imposer à leurs conducteurs de prendre leur temps de repos hebdomadaire normal à bord de leur véhicule même si celui-ci est équipé d’un matériel de couchage convenable. Il s’agit non seulement d’améliorer les conditions de travail des chauffeurs routiers et la sécurité routière, mais aussi de lutter contre une forme de concurrence déloyale qui consiste à réduire le plus possible les frais d’hébergement des salariés, en l’occurrence au détriment de leur santé. Cette disposition ne concerne pas le temps de repos hebdomadaire réduit – inférieur à 45 heures – qui est d’ores et déjà encadré par le règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route et qui permet au conducteur, s’il le souhaite, de prendre ce temps de repos à bord de son véhicule, à condition qu’il soit équipé d’un matériel de couchage convenable et qu’il soit à l’arrêt.

Avant de présenter les principales dispositions de la proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale, il convient en préalable de rappeler que compte tenu du caractère transnational et hautement mobile du transport, ce secteur nécessite une réflexion spécifique à l’échelle européenne comme indiquée dans la résolution européenne n° 1088 adoptée par notre Assemblée.

La présente proposition de loi apporte une réponse constructive aux difficultés identifiées dans le présent rapport. Il ne s’agit en rien de remettre en cause le statut de travailleur détaché, ni même le principe du détachement, mais bien de limiter les cas où ce système favorise les abus. En particulier, le rapporteur considère que les donneurs d’ordre ne peuvent bénéficier d’un système fondé sur l’utilisation d’une main-d’œuvre à bas coût sans assumer en contrepartie davantage de responsabilité. Cela suppose notamment de ne pas exonérer les maîtres d’ouvrage ou donneur d’ordre de leurs responsabilités sociales sous la circonstance que leur cocontractant ferait « écran ». Trop nombreux sont les cas en effet où de la main-d’œuvre « bon marché » est mobilisée pour la réalisation de chantier ou d’autres prestations de services et où, bien que des pratiques abusives pourraient être constatées, un système de sous-traitance en cascade et de recours à des sociétés étrangères conduit à diluer les responsabilités, notamment celles du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage.

Les deux chapitres de ce texte consistent donc à établir une forme de responsabilité directe du maître d’ouvrage ou du donneur d’ordre.

Le chapitre I comporte 6 articles apportant des modifications substantielles au code du travail. Le chapitre II quant à lui comporte deux articles modifiant des autres codes à titre complémentaire.

L’article 1er organise l’extension de l’obligation de vigilance de toute entreprise bénéficiaire d’une prestation de service internationale. Il s’agit de s’assurer que les déclarations de détachement ont bien été effectuées auprès des services de l’inspection du travail. Le seuil retenu devrait être comparable à celui prévalant en matière de travail illégal, à savoir les contrats de plus de 3 000 euros, tel qu’il est défini par décret.

L’article 2 permet la mise en jeu directe de la responsabilité du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage en cas de non-paiement total ou partiel des salaires des employés recrutés par sous-traitants intervenants pour l’exécution du marché. Il aura en effet le devoir d’enjoindre son cocontractant de mettre fin à toute situation irrégulière qui lui aurait été signalée par les agents de contrôle. À défaut de commettre cette diligence, il pourrait être tenu solidairement responsable du paiement des salaires, impôts et charges dus.

L’article 3 étend le devoir d’injonction du maître d’ouvrage ou du donneur d’ordre en cas de travail dissimulé organisé par le cocontractant. La formulation actuelle de l’article L. 8222-5 du code du travail la limite en effet actuellement aux cas d’irrégularité « d’un sous-traitant ou d’un subdélégataire ».

L’article 4 élargit la liste des documents exigibles par les agents de contrôle à ceux relatifs à l’exécution d’une prestation en France par des prestataires établis hors de France. Cela signifie qu’ils pourront exiger les documents de détachement aussi bien auprès de prestataires de services étrangers que des donneurs d’ordre.

L’article 5 alourdit les sanctions encourues par le donneur d’ordre professionnel ou le maître d’ouvrage privé ou public lorsqu’il poursuit l’exécution d’un contrat avec une entreprise dont la situation irrégulière au regard de ses obligations sociales lui a été signalée. Sa responsabilité pénale pourra être engagée dès lors que se poursuit l’exécution du contrat au-delà d’un mois.

L’article 6 met en place une liste noire d’entreprises et de prestataires de services condamnés pour des infractions constitutives de travail illégal. Il s’agirait d’une sanction complémentaire que le juge aura la faculté de décider en cas de condamnation définitive à une peine de 45 000 euros d’amende. Cette liste publique mentionnerait pendant une durée d’un an, les noms, coordonnées postales et numéros d’identification de ces entreprises ou prestataires de services condamnés.

Les articles 7 et 8 relèvent quant à eux du chapitre II.

L’article 7 modifie le code de procédure pénale afin d’ouvrir aux associations, syndicats professionnels et syndicats de salariés de la branche concernée la possibilité de se constituer partie civile en cas de travail illégal de nature à fausser la concurrence. Ils pourront recourir à cette faculté y compris en l’absence d’accord du salarié ou de poursuites engagées par le Parquet.

L’article 8 modifie le code des assurances afin de conditionner la signature des marchés publics de construction à la production de l’attestation d’assurance décennale obligatoire. Il s’agit là aussi de se prémunir contre les comportements de dumping faussant la concurrence de façon déloyale.

Enfin, sur le plan politique, ces dispositions permettront à notre pays d’anticiper la transposition de nombreuses dispositions retenues dans le projet de directive d’application.

La proposition de loi s’inscrit dans une démarche visant à mettre progressivement en place une « boîte à outil » juridique permettant de prévenir et de sanctionner le développement de plus en plus systématique de pratiques d’optimisation sociale, particulièrement délétères pour les économies, les marchés du travail et le financement des systèmes sociaux.

Elle constitue le maillon national et subsidiaire, de première urgence, d’un ensemble de dispositions législatives nationales et européennes susceptibles de moraliser le recours au détachement de travailleurs, d’en éviter les excès et les abus caractérisés, et par là-même de rééquilibrer des conditions de concurrence déstabilisées par le développement d’un marché intrinsèque du travailleur low cost, qui transgresse par ailleurs les conditions de travail et de respect de la personne humaine les plus élémentaires.

CONCLUSION

Fruit d’un rapport d’information et d’une résolution européenne de notre Assemblée adoptée le 11 juillet 2013, la présente proposition de loi s’inscrit dans le prolongement et en transposition anticipée des acquis politiques et juridiques, particulièrement appréciables, obtenus le 9 décembre dernier par le gouvernement français au Conseil EPSCO, sur la proposition de directive relative à l’exécution de la directive 96/71/CE.

Cette initiative française ne se limite cependant pas à une simple transposition ; elle entend mettre progressivement en place une « boîte à outil » juridique permettant de prévenir et de sanctionner le développement de plus en plus systématique de pratiques de dumping social, particulièrement délétères pour les économies, les marchés du travail et le financement des systèmes sociaux.

Elle constitue donc le maillon national et subsidiaire, de première urgence, d’un ensemble de dispositions législatives nationales et européennes susceptibles de moraliser le détachement, d’en éviter les excès et les abus caractérisés, et par là même de rééquilibrer des conditions de concurrence déstabilisées par le développement d’un véritable « business » international du travailleurs low cost.

Si les 350 000 travailleurs détachés estimés en France en 2012 (dont les 169 613 travailleurs officiellement déclarés) représentent moins de 2 % de la population active française et contribuent à part entière à la production de valeur et à l’économie nationale, dans des secteurs souvent sous tension dans un pays qui compte plus de 400 000 offres d’emploi non pourvues, il s’avère que leur forte concentration, notamment dans les métiers du bâtiment et travaux publics, de l’agro-alimentaire, des transports ou encore du travail temporaire, met en péril les entreprises, notamment les plus petites, de ces secteurs d’activités déjà affaiblis par la crise.

Face à une concurrence aussi inéquitable qu’impitoyable, ces entreprises doivent trancher un dilemme redoutable à l’heure actuelle : soit rester dans la légalité et mettre la clé sous la porte, soit sombrer à leur tour dans ses montages frauduleux pour tenter de conserver leur compétitivité ! Votre rapporteur considère que la représentation nationale ne peut tolérer de telles perspectives pour nos concitoyens, pour notre économie et notre modèle social. En conséquence, elle doit, afin d’endiguer les fraudes protéiformes sur lesquelles reposent ces systèmes d’optimisation sociale, donner aux corps de contrôle un corpus de règles nationales renforcées permettant à la fois d’améliorer leur information des situations observables sur le terrain, d’orienter leurs contrôles et de renforcer le caractère dissuasif des sanctions encourues par les contrevenants.

Pour ce faire, la clé de voûte de cette proposition de loi est d’impliquer, de façon proportionnée et soucieuse de ne pas créer de nouvelles contraintes et lourdeurs administratives, la responsabilité du donneur d’ordre et du maître d’ouvrage.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Gilles Savary, la présente proposition de loi, au cours de sa séance du mardi 11 février 2014.

M. Jean-Patrick Gille, président. Mes chers collègues, nous allons aujourd’hui examiner la proposition de loi n° 1686 de M. Bruno Le Roux, visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale. Ce long titre recouvre la problématique des travailleurs détachés en provenance d’autres pays de l’Union européenne, dont la présence fragilise les entreprises françaises, souvent incapables de faire face à des concurrents bénéficiant de coûts de main-d’œuvre beaucoup plus bas que les leurs.

Il s’agit ici, tout en restant bien entendu dans le cadre de la législation européenne, de prendre des mesures propres à mettre un terme aux nombreux abus constatés.

C’est un sujet que notre commission a déjà abordé, puisque le 26 juin dernier nous avons examiné, sur le rapport de Richard Ferrand, la proposition de résolution n° 1088 sur la proposition de directive relative à l’exécution de la directive sur le détachement des travailleurs. Cette question a également été évoquée lors de l’audition le 27 novembre dernier de Pervenche Berès, présidente de la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen, organisée en commun avec la commission des affaires européennes.

J’ai le plaisir de saluer la présence parmi nous de Mme Chantal Guittet, rapporteure de la commission des affaires européennes qui s’est saisie de ce texte pour observations.

M. Gilles Savary, rapporteur. Je voudrais d’abord vous rappeler le contexte dans lequel s’inscrit cette proposition de loi.

Nous nous sommes intéressés à ce sujet à la faveur du projet de directive d’application de la directive européenne n° 96/71/CE du 16 décembre 1996 relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, dite directive « détachement ». Ce projet de la Commission européenne a donné lieu à une résolution européenne, adoptée le 12 juillet 2013 par notre Assemblée à l’unanimité.

Cette résolution est issue du constat de la prodigieuse accélération de la dérégulation du marché du travail en Europe. Une des origines de ce phénomène se trouve dans le dévoiement du détachement de travailleurs, dont l’impact risque d’être absolument dévastateur à terme si on le laissait se développer en marché autonome de travailleurs low cost.

Soyons clairs : il ne s’agit pas de lutter contre l’immigration de travail, dont l’utilité est incontestable – je rappelle que la France compte aujourd’hui 350 000 emplois non pourvus. Il faut souligner, surtout au moment où la Suisse ferme ses frontières, que l’immigration de travail a beaucoup profité à notre pays. Je n’ai pas besoin de rappeler l’apport des travailleurs polonais ou italiens à l’exploitation des mines françaises, par exemple. Moi qui suis de Bordeaux, je n’oublie pas non plus que le grand négoce viticole a été créé par des étrangers. On pourrait également évoquer l’apport des étrangers dans le domaine des arts et de la science.

Il ne s’agit pas davantage de nier l’utilité du détachement de travailleurs, qui a toujours accompagné les échanges de biens et de services entre les différentes nations, et pas seulement à l’intérieur de l’Union européenne. Actuellement la France détache 300 000 personnes par an, dont environ 170 000 en Europe, qu’il s’agisse d’ingénieurs chargés de vendre des TGV ou des Airbus, d’ouvriers chargés d’en assurer la maintenance, de commerciaux, de scientifiques auprès de laboratoires étrangers ou d’artistes.

L’Europe a d’ailleurs encadré ce phénomène par la directive « détachement », qu’il ne faut surtout pas fustiger. Édictée en 1996, elle a le mérite de répondre aux problèmes qui se posaient à l’époque en instaurant un statut protecteur du travailleur détaché. Celui-ci doit bénéficier du salaire minimum fixé par le pays d’accueil. Il assure une mission d’une durée limitée et reste affilié durant cette période à la sécurité sociale du pays d’origine. On voit que de telles règles sont très protectrices des droits des travailleurs français détachés dans un autre pays de l’Union européenne.

Le problème est que ces règles ne suffisent plus aujourd’hui. En effet, à la faveur de l’intégration de nouveaux États présentant de très fortes disparités de conditions salariales et sociales et de la crise des dettes souveraines, se sont constitués des réseaux qui font, de façon plus ou moins licite, commerce de travailleurs low cost. Aujourd’hui des entreprises, des exploitations agricoles se voient proposer des ouvriers polonais ou slovaques pour assurer à bas coût des prestations temporaires, via de véritables brochures publicitaires garantissant la qualité et la fiabilité du service.

Le développement d’un tel phénomène est délétère à plus d’un titre. Même quand ils sont déclarés, ces travailleurs sont dans l’obligation de « ristourner » une partie de leur salaire. Leurs conditions d’hébergement sont souvent indignes et les conditions et la durée de leur travail fréquemment contraires à la loi française. Certains employeurs indélicats préfèrent se tourner vers les sociétés qui mettent à leur disposition ce type de travailleurs, aux dépens des entreprises qui respectent notre législation sociale. Ce phénomène ne nuit donc pas seulement à nos règles sociales : il fausse le jeu concurrentiel, déstabilisant des filières entières. Surtout il risque à terme d’assécher le financement de notre protection sociale.

Ce sont toutes les raisons pour lesquelles on ne peut pas accepter que le détachement devienne le mode de recrutement ordinaire de travailleurs. C’est donc pour faire rentrer le détachement dans son lit, et non pour le supprimer, que nous vous proposons les présentes dispositions. Celles-ci visent à renforcer l’encadrement d’un phénomène qui, s’il n’est pas encore massif – les travailleurs détachés ne représentent en France que 1,6 % de l’ensemble des travailleurs – est en train de prendre de l’ampleur. Nous ne sommes qu’au début de l’histoire, et il est temps que les autorités publiques se saisissent du problème et envoient un message fort à l’Europe.

C’est pourquoi nous nous sommes mis à travailler à une proposition de loi, dans la pensée qu’il fallait renforcer la législation française sans attendre une révision de la législation européenne. Or, comme vous le savez, en décembre dernier, Michel Sapin a obtenu du Conseil des ministres du travail de l’Union européenne le meilleur accord possible sur cette question. Un tel résultat était pourtant hautement improbable dans la mesure où la Commission européenne était très défavorable à la position française. Fort de ce succès, Michel Sapin a exprimé le souhait que nous accélérions l’examen de la proposition de loi, afin de mettre en œuvre de façon anticipée la responsabilité solidaire des donneurs d’ordre et de leurs sous-traitants en cas d’abus et de fraudes, prévue par l’article 12 du projet de directive. En outre, alors que le droit européen se limite au secteur du bâtiment, la réglementation française sera étendue à d’autres secteurs.

Au cours de son élaboration, cette proposition de loi a progressivement pris de l’ampleur et englobe dorénavant d’autres formes de travail illégal. Vous y trouverez ainsi des dispositions visant à moraliser les pratiques qui ont cours dans le secteur des transports, où l’application des règles sociales est particulièrement complexe.

Les dispositions de ce texte sont souhaitées par l’ensemble des syndicats de salariés, mais également par la plupart des organisations patronales. Ces dernières se sont même révélées les plus demandeuses d’un renforcement de la réglementation, notamment dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics, de l’intérim ou des transports, ou dans le secteur agricole, qui souffre d’une pénurie de main-d’œuvre saisonnière.

Il ne s’agit pas de mesures d’affichage ou de témoignage, mais de réponses à la fois très précises et pragmatiques : nous avons eu le souci que cette nouvelle réglementation ne soit pas trop lourde à gérer pour les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage et qu’elle n’étouffe pas toute possibilité de développement économique. Ce texte, extrêmement équilibré, vise à dissuader la fraude sans décourager des entreprises qui sont en concurrence avec des entreprises étrangères.

Ses deux premiers articles, les plus importants, sont une transposition anticipée de l’article 12 du projet de directive que je viens d’évoquer. Le premier instaure une obligation de vigilance à la charge des maîtres d’ouvrage ou donneurs d’ordre leur imposant de vérifier que leur cocontractant a déposé une déclaration préalable de détachement. Le second renforce la responsabilité solidaire du donneur ou du maître d’ouvrage. Par ailleurs, le texte reconnaît l’intérêt à agir des syndicats et des organisations professionnelles en cas de fraude au détachement. Enfin, outre des mesures sectorielles concernant le transport et le BTP, il propose des sanctions beaucoup plus lourdes en cas d’illégalités patentes.

Je compte, mes chers collègues, que vous saurez transformer en loi cette initiative qui est tout à l’honneur du Parlement.

M. Richard Ferrand. C’est avec beaucoup d’espoir et d’enthousiasme que nous entamons l’examen de cette proposition de loi, puisque notre commission avait adopté à l’unanimité la proposition de résolution européenne, due déjà à l’initiative de nos collègues Savary et Guittet, qui condamnait expressément les nombreuses et importantes dérives que permet la directive européenne dite « détachement des travailleurs ». Cette résolution européenne ne se cantonnait pas à une déclaration de bonnes intentions sans lendemain, puisqu’elle préconisait la mise en place de mesures, européennes et nationales, permettant de lutter activement contre ce fléau qu’est le détachement massif, et souvent frauduleux, de travailleurs. Même nos collègues de l’opposition l’avaient approuvée, alors même que l’instauration d’un SMIC européen y figurait noir sur blanc.

Depuis l’adoption de cette résolution, le chantier a avancé dans des conditions qui viennent d’être rappelées par notre rapporteur. Certaines des mesures que nous avions recommandées ont été adoptées le 9 décembre lors de la négociation européenne relative à la directive d’application. Je pense notamment à la responsabilité solidaire, arrachée de haute lutte et éminemment nécessaire. L’article 2 de la présente proposition de loi propose une « anticipation » de transposition de la coresponsabilité. C’est un gain de temps considérable, au moment où le projet de directive d’application fait encore l’objet de débats entre la Commission, le Conseil européen, le Parlement au niveau européen, et que les échéances électorales font craindre un report. En outre, cet article lui donne un champ d’application maximal puisque la responsabilité solidaire concernera l’ensemble des secteurs d’activités, et non l’unique secteur du BTP. C’est un signal important, notamment en direction des secteurs agricoles et agroalimentaires.

Le groupe Socialiste, républicain et citoyen proposera d’aller plus loin encore en élargissant la coresponsabilité aux cas de manquement à toutes les dispositions visées par l’article L. 1262-4 du code du travail. Très concrètement, cet élargissement rendra le dispositif plus efficace en permettant aux inspecteurs du travail de constater des irrégularités concrètes, matérielles, là où le contrôle des salaires s’avère difficile d’un point de vue pratique.

D’autres mesures, qui ne peuvent aujourd’hui trouver écho au niveau européen, sont proposées dans le cadre national.

La « liste noire », introduite par l’article 6, fait partie de ce nouvel arsenal à but dissuasif. À défaut de pouvoir l’établir dans tous les États membres, il est nécessaire de mettre en place cet outil en France. J’ai pu constater, sur le terrain et lors des auditions menées par le rapporteur, que ce dispositif répond à une demande pressante des acteurs économiques, en particulier des artisans, des TPE et des PME. C’est une demande constamment relayée par les organisations professionnelles et les organisations patronales, seul le MEDEF faisant exception – il est vrai que les grandes entreprises sont souvent celles qui profitent le plus du détachement et de ses abus, alors que les plus petites en subissent de plein fouet les conséquences dommageables. On ne s’étonnera pas dans ces conditions qu’on nous propose des amendements de suppression de cet article.

Pourtant l’ensemble des corps et acteurs concernés, syndicats patronaux et syndicats de salariés, organisations professionnelles et inspecteurs du travail, élus et entreprises, sont favorables à un durcissement substantiel des règles encadrant le détachement.

Bien plus que favorables, ils sont demandeurs de telles règles. C’est que, tout autant que nous, ils mesurent l’urgence. Les uns, pourtant peu enclins d’habitude à un durcissement de la réglementation, subissent chaque jour une concurrence indigne qu’ils ne peuvent affronter et qui cause des dommages parfois irréversibles à l’exploitation de leur entreprise. C’est pourquoi le groupe SRC propose toute une batterie de mesures, dissuasives et répressives.

De telles pratiques, qui se déroulent de façon massive sous nos yeux, sont inacceptables et font courir un grand risque à l’Europe même, et à l’image que nos concitoyens s’en font.

Je parlais d’espoir dans l’introduction de mon propos. C’est l’espoir que notre commission, comme elle l’a fait pour la résolution européenne, adopte à l’unanimité cette proposition.

M. Dominique Tian. Le groupe de l’Union pour un Mouvement populaire est très favorable aux mesures de ce texte qui vont dans le bon sens. En effet, on ne peut que s’inquiéter de ce détournement du principe de libre circulation posé par le traité de Rome, notamment de la liberté pour les entreprises européennes de détacher des salariés dans un autre pays européen. Pour avoir consacré un rapport à la fraude sociale, je peux témoigner que cette faculté donne malheureusement lieu à des abus extrêmement nombreux. Nous veillerons cependant à ce que ce texte reste équilibré et qu’il ne durcisse pas excessivement la réglementation, au risque de ne pas être euro-compatible.

Par ailleurs, cette proposition de loi laisse certaines questions sans réponse. Ainsi, il ne traite pas de la question de l’affiliation du travailleur détaché à la sécurité sociale du pays d’origine, laissant entier le problème posé par le détachement de travailleurs venant de pays où le coût du travail ne supporte pas les mêmes charges sociales que dans notre pays. Le coût du travail en France étant plus élevé que dans la plupart des pays européens, ce texte ne constitue qu’une réponse partielle à l’absence de législation sociale européenne.

Par ailleurs, la liste noire prévue par l’article 6, si elle est intéressante comme arme de dissuasion, ne risque-t-elle pas de porter un coup mortel aux entreprises qui se trouveraient écartées durablement des marchés publics ?

De quels moyens disposera un donneur d’ordre pour contraindre un sous-traitant indélicat à mettre fin à une situation de travail irrégulier ?

Enfin, ce texte ne donne-t-il pas un pouvoir excessif aux syndicats, dont on connaît les tendances souvent antieuropéennes, en les autorisant à engager des actions judiciaires à la place des salariés lésés ?

Dans l’état actuel du texte, ces réserves conduisent notre groupe à exprimer une position d’abstention. J’espère, mes chers collègues, que vous ne céderez pas à la tentation de durcir excessivement ce texte, avec le risque de le rendre inapplicable.

M. Thierry Braillard. Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste est très favorable à ce texte, ce qui signifie que nous le voterons – je précise ce point, puisque pour M. Tian être favorable à un texte signifie s’abstenir de le voter !

Avec ce texte, la France est à l’avant-garde dans le combat en faveur d’une harmonisation des législations sociales des différents pays européens. Alors qu’elle doit déjà faire face à un problème de coût du travail, notre économie ne pourra pas supporter les pratiques de dumping social autorisées par les disparités sociales au sein de l’Union européenne. C’est dans cette perspective qu’il convient de considérer ce texte pour en mesurer l’importance.

Mme Chantal Guittet. Cette proposition de loi est très importante, d’abord parce qu’elle est très attendue par les employeurs comme par les salariés. Ces mesures doivent permettre de mieux encadrer le détachement de travailleurs, via notamment une aggravation des sanctions pesant sur l’utilisation frauduleuse du détachement. Je tiens tout spécialement au dispositif de la double déclaration, qui constitue un moyen très simple d’informer les inspecteurs du travail de la présence de travailleurs détachés.

Je souhaiterais par ailleurs que la responsabilité conjointe et solidaire ne se limite pas au paiement des salaires, très difficile à contrôler puisqu’il s’effectue d’ordinaire dans le pays d’origine du travailleur. Le donneur d’ordre devrait également être reconnu comme responsable du respect des règles qui constituent le cœur de notre droit social, à savoir la durée légale de travail, des conditions d’hébergement et de travail décentes, l’hygiène et la sécurité du travail.

Je voudrais enfin souligner que la commission des affaires européennes a approuvé cette proposition de loi à l’unanimité.

M. Bernard Perrut. Sur le terrain, dans nos villes, dans nos quartiers, on mesure chaque jour combien la directive « Détachement » n’est pas appliquée, faute d’un dispositif de contrôle efficace, et qu’elle est devenue un outil de concurrence déloyale, notamment dans les secteurs du BTP, agricole et agroalimentaire.

On ne peut donc que se féliciter d’avancées telles que l’extension de la responsabilité conjointe et solidaire ou la préconisation d’une agence européenne de contrôle du travail mobile en Europe. Ce sont là autant de mesures qui vont dans le bon sens.

On peut cependant s’interroger sur la pertinence de certaines des mesures proposées par ce texte. Je m’inquiète notamment des conséquences de l’inscription sur la liste noire des entreprises coupables de fraude au détachement. En effet, la commission des affaires européennes préconise dans son rapport qu’une telle inscription ait pour conséquence directe une interdiction d’accès aux appels d’offres ainsi que l’interdiction de sous-traiter ou de fournir une prestation de services de main-d’œuvre pendant une période donnée. Certes, ces sanctions ne figurent pas dans l’état actuel de la proposition de loi, mais j’aimerais savoir si les auteurs de la PPL ont évolué sur ce sujet : comptent-ils durcir les sanctions prévues à l’encontre des entreprises en cause ?

Mme Annie Le Houerou. Je voudrais féliciter notre rapporteur, mais également Richard Ferrand et Chantal Guittet pour leur détermination à faire avancer ce dossier qui concerne le droit européen, mais aussi notre droit national.

La directive de 1996 constituait un progrès puisqu’elle assurait à un travailleur originaire d’un État membre détaché en France d’être payé dans les conditions du droit français. Mais depuis les élargissements de l’Union et le développement du contournement de cette législation, il devient impératif de renforcer la réglementation pour responsabiliser les maîtres d’ouvrage et les donneurs d’ordre et mettre fin aux abus que nous constatons sur nos territoires. L’emploi de travailleurs détachés est devenu un mode de recrutement ordinaire, notamment dans le secteur agricole et agroalimentaire, où les emplois peinent à être pourvus, même dans un contexte de chômage de masse. Il existe aujourd’hui, dans les pays de l’Est, des sociétés d’intérim spécialisées dans la fourniture de travailleurs à nos entreprises. Si ce mode de recrutement était jusqu’à récemment réservé à des activités très saisonnières, il est devenu de règle dans l’industrie agroalimentaire, mais également dans d’autres secteurs, tels que le bâtiment, et ce qui était saisonnier est devenu permanent.

Le texte proposé est équilibré. Il responsabilise l’employeur de travailleurs détachés ; il propose que le donneur d’ordre et le maître d’ouvrage soient solidaires pour le paiement des salaires. Je pense que nous devons aller plus loin et veiller à ce que toutes les règles du droit du travail s’appliquent.

En ce qui concerne la liste noire, je préconise une application la plus souple possible.

M. le rapporteur. Il est vrai, monsieur Tian, que l’affiliation du travailleur détaché à la sécurité sociale de son pays d’origine fait de l’emploi de travailleurs originaires de pays où les charges sociales sont très faibles un avantage compétitif en termes de coût du travail. Cependant, les chefs d’entreprise eux-mêmes nous ont dit que si leurs employeurs respectaient le droit du travail français, les coûts d’hébergement et de transport de ces travailleurs neutraliseraient cet avantage compétitif. C’est parce qu’ils sont souvent hébergés dans des conditions indignes, parfois sur le lieu de travail, qu’ils coûtent moins cher. Il arrive ainsi que des routiers étrangers qui font des campagnes d’un mois en France passent leur repos hebdomadaire sur les aires d’autoroute, où ils dorment dans leur camion, et font leur toilette dans les stations-service. Il est évident qu’ils coûtent moins cher dans ces conditions.

En tout état de cause, on ne peut pas remettre en cause cette affiliation pour deux raisons. Premièrement, elle est imposée par la loi européenne : pour être travailleur détaché, il faut déjà être travailleur dans son pays d’origine, donc y être affilié à un régime de sécurité sociale. Deuxièmement, cette règle est très protectrice des travailleurs originaires de pays à haut standard social, comme le nôtre. On ne voit pas comment on pourrait remettre en cause une règle qui tient à la nature même du détachement : s’agissant d’une mission temporaire, il est logique qu’on reste affilié à la sécurité sociale de son pays d’origine.

La liste noire d’entreprises et de prestataires de main-d’œuvre ayant été condamnés pour travail illégal a en effet une vocation dissuasive. De telles listes existent déjà pour certaines infractions. Une telle solution a la faveur de plusieurs fédérations patronales, même si le MEDEF y est moins favorable. L’inscription sur cette liste est certes stigmatisante, mais nous avons eu le souci de la proportionnalité de la sanction. C’est pourquoi elle n’interdit pas à l’entreprise de répondre un appel d’offres ni de continuer son activité. En outre, elle ne peut être décidée que par le juge et elle n’a rien d’automatique. Nous préconisons qu’y soient inscrits, non seulement le nom des entreprises fautives, mais également celui de leurs dirigeants : nous connaissons trop de cas de dirigeants qui, tels le phénix, mettent fin à leur « bizness » pour le faire renaître sous une autre appellation.

La possibilité pour les syndicats ou les organisations professionnelles de se porter partie civile se justifie par le fait que c’est souvent la seule possibilité de porter devant la justice ces dérèglements contraires à l’ordre social. Le plus souvent en effet, on ne peut pas compter sur les victimes de ces abus pour dénoncer leurs conditions de travail, si tant est qu’ils connaissent bien le droit du travail français : à six cents euros par mois et même s’il faut coucher sur le chantier, notre pays constitue pour eux un eldorado. En tout état de cause, on n’aurait pas compris que les syndicats de salariés n’aient pas la possibilité d’engager des actions judiciaires, à la différence des organisations professionnelles.

Chapitre Ier
Dispositions générales modifiant le code du travail

Le premier des deux chapitres de la proposition de loi comporte six articles. Ils modifient le code du travail afin de renforcer la responsabilité des donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage recourant à des travailleurs détachés.

Article 1er
(articles L. 1262-4-1 à L. 1262-4-4 nouveaux et article L. 1262-5 du code du travail)

Extension de l’obligation de vigilance de l’entreprise bénéficiaire d’une prestation de service internationale

Cet article renforce les dispositifs existants afin d’étendre l’obligation de vigilance de l’entreprise bénéficiaire d’une prestation de service internationale. Il accroît la responsabilité des personnes morales recourant aux services d’un prestataire embauchant des personnels détachés, ainsi que les sanctions encourues en matière de travail dissimulé et de travail illégal.

Le deuxième livre du code du travail, dans son titre sixième, rassemble des dispositions précises encadrant le détachement temporaire de travailleurs par une entreprise non établie en France. Le code précise que ces dispositions s’appliquent également à l’entreprise française qui recourrait à ces services (article L. 1261-2). Il définit les conditions de détachement d’un travailleur en France et rappelle qu’il bénéficie des mêmes droits que les travailleurs réguliers.

L’entreprise qui recourt aux services d’un travailleur détaché est soumise à une obligation de déclaration. Elle doit adresser une déclaration d’engagement ou d’emploi en qualité de travailleur détaché d’un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, dans les conditions définies par le Décret n° 94-211 du 11 mars 1994, dont le formulaire type se trouve annexe.

Il s’agit d’une formalité légère. Pour autant, les services du ministère du travail estiment que les 120 000 déclarations enregistrées annuellement représentent moins de la moitié des effectifs réellement employés en France.

Le recours aux travailleurs détachés s’est développé ces dernières années dans certains secteurs particuliers en France, et notamment dans celui du bâtiment et de la construction. La pratique est généralement tout à fait légale mais son intensification s’accompagne d’une augmentation des abus, préjudiciable tant du point de vue social que du point de vue de la concurrence.

Face à la croissance des situations de fraude, le législateur a progressivement accru la responsabilité des donneurs d’ordre ou maîtres d’ouvrage contractant avec des entreprises recourant à des formes de travail illégal. En particulier, les articles L. 8222-1 à L. 8222-7 du code du travail décrivent leurs obligations et prévoient les conditions de leur solidarité financière. Ils portent notamment sur la mise en œuvre de la responsabilité du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage en cas de travail dissimulé constaté chez l’un des subdélégataires ou cocontractants.

L’ambition présidant à ces dispositions est avant tout de créer un équilibre chez le donneur d’ordre/maître d’ouvrage entre l’avantage qu’il retire de traiter avec des entreprises pratiquant des formes d’optimisation sociale, au point parfois d’enfreindre la loi, et la responsabilité qu’il pourrait être conduit à devoir assumer.

C’est dans cet esprit que s’inscrivent certaines des dispositions de la présente proposition de loi, qui, dans son article 1er, pose l’obligation de vigilance du donneur d’ordre et maître d’ouvrage quand son cocontractant a recours au détachement de travailleurs. En cela, les articles 1er et 2 de la proposition de loi anticipent la transposition de l’article 12 de la proposition de directive européenne relative à l’exécution de la directive 96/71/CE, en étendant cette disposition à tous les secteurs d’activités et non pas en la cantonnant au seul secteur du bâtiment, comme le prévoit l’actuelle rédaction de la proposition de directive.

L’article premier instaure en effet une obligation de vigilance pour les maîtres d’ouvrage ou donneurs d’ordre les conduisant à vérifier que leur cocontractant prestataire étranger a effectivement déposé une déclaration préalable de détachement. En cas de manquement à leur obligation de vigilance, les donneurs d’ordres et maîtres d’ouvrage pourront voir leur responsabilité financière engagée en cas de non-paiement total ou partiel par leur cocontractant prestataire étranger des rémunérations et indemnités dues à ses salariés. Il s’agit de responsabiliser les acteurs français recourant à des prestataires de service étrangers.

À cette fin, le I du présent article complète le code du travail en insérant quatre nouveaux articles au chapitre II du titre sixième de la première partie du code du travail, libellés L. 1262-4-1 à L. 1262-4-4.

L’article L. 1262-4-1 nouveau rappelle les obligations administratives spécifiques s’appliquant aux personnes exécutant des contrats en France en partenariat avec des cocontractants établis hors de France.

Le contrat doit comporter une rémunération contre la prestation de services ou bien l’accomplissement d’un acte de commerce « d’un montant minimum ». Ce seuil sera fixé par décret. L’exposé des motifs l’annonce à 3 000 euros, un montant similaire à ce qui existe en matière de travail illégal.

Les vérifications sont définies par renvoi à l’article L. 1262-5 du même code. Celui-ci dispose qu’un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles des formalités déclaratives sont exigées des prestataires étrangers (2°) ainsi que les dispenses dont ils peuvent bénéficier (3°). Pour mémoire, l’article L. 1262-5 renvoie également à l’article L. 1262-4. Ce dernier porte quant à lui sur les obligations des employeurs détachant temporairement des salariés sur le territoire national. Il rappelle que ces personnes sont soumises aux dispositions légales et stipulations conventionnelles de branche y compris en ce qui concerne :

– les conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;

– la durée de travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée de travail de nuit des jeunes travailleurs ;

– le salaire minimum et le paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires (8°) ;

– les règles relatives à la santé et sécurité au travail ;

– le travail illégal.

En l’état, le rapporteur souligne que l’obligation mentionnée à l’article L. 1262-5 doit être entendue comme la seule déclaration de détachement. Dans sa rédaction, cet article ne concerne que la phase de conclusion et non celle de l’exécution.

L’article L. 1262-4-2 nouveau établit la responsabilité solidaire de toute personne cocontractante d’un partenaire établi hors de France et recourant à des travailleurs détachés en ce qui concerne le paiement des salaires. Les cas envisagés sont ceux de non-paiement de tout ou partie du salaire, tel que visé par le 8° de l’article L. 1262-4. Elle devra donc faire preuve d’une vigilance particulière lors de la conclusion du contrat, en vérifiant bien que les déclarations de détachement ont été faites. Bien entendu, si, lors d’un contrôle, le cocontractant dispose effectivement des pièces justificatives du détachement, il ne sera pas considéré comme coresponsable au sens de cet article nouveau.

Recourir à des travailleurs détachés restera bien évidemment possible, mais le cocontractant français devra davantage prendre ses responsabilités afin d’éviter les situations d’abus et d’exploitation.

L’article L. 1262-4-3 nouveau porte également sur les cas de non-paiement de tout ou partie du salaire dû au travailleur détaché. Il prévoit l’application des dispositions de l’article L. 3245-2 introduites par l’article 2 de la proposition de loi. Elles prévoient la solidarité du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage en cas de non-paiement des salaires.

L’article L. 1262-4-4 nouveau exclut de l’application des précédents trois articles nouveaux les particuliers qui auraient décidé de recourir à une entreprise employant des travailleurs détachés pour son usage personnel ou celui de ses proches. Ces derniers sont entendus comme le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, le concubin, les ascendants ou les descendants.

Le II de l’article 1er n’ajoute pas de nouvel article mais complète l’actuel article L. 1262-5 afin de préciser les modalités d’application des contrôles instaurés par l’article L. 1262-4-1. Il adjoint ainsi un 4° renvoyant leur définition à un décret pris en Conseil d’État.

Cet article adresse un message fort. Il doit être interprété simplement comme une obligation de vigilance accrue du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage au moment de la conclusion du contrat. Le rapporteur considère que des compléments pourraient être envisagés, à savoir d’instaurer une obligation de déclaration du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage qui conclurait un contrat dont le montant serait supérieur à 500 000 euros et dont l’exécution par un cocontractant ou par un sous-traitant impliquerait le recours à des travailleurs détachés. Il considère également que l’obligation de vigilance doit être étendue à toute la durée d’exécution du contrat, car un sous-traitant pourrait avoir recours en cours d’exécution à des travailleurs détachés sans les déclarer, ce qui ne permettrait ni de combattre cette fraude, ni d’engager la responsabilité du donneur d’ordre s’il est complice du sous-traitant.

*

* *

La Commission examine l’amendement AS25 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il convient de préciser que le devoir de vigilance visé à l’article 1er de la proposition de loi s’étend également à la durée de l’exécution du contrat. C’est le but de cet amendement, qui précise que toute personne vérifie lors de la conclusion du contrat mais aussi lors de son exécution que son cocontractant, lorsqu’il s’agit d’un prestataire de services établi hors de France, s’acquitte de l’obligation de déclaration préalable de détachement.

Cette précision vise à éviter que le sous-traitant ne déclare détacher aucun ou peu de salariés lors la signature du contrat, mais ait recours de manière massive à cette procédure pendant l’exécution du contrat. Le donneur d’ordre pourrait ainsi fermer les yeux pendant l’exécution du contrat, et se rendre complice d’une dissimulation d’emploi de travailleurs détachés, sans que sa responsabilité solidaire et financière soit directement engagée.

La Commission adopte cet amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS 6 du rapporteur.

La Commission est saisie de l’amendement AS 17 de M. Richard Ferrand.

M. Richard Ferrand. Le présent amendement propose d’introduire un nouvel article dans le code du travail qui crée une déclaration, non exclusive de la déclaration préalable obligatoire prévue à l’article R. 1263-3 devant être faite par l’entreprise qui détache des salariés, afin d’obliger le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage à déclarer le recours à une entreprise sous-traitante qui utilise le détachement de travailleurs, auprès de l’inspection du travail du lieu où s’effectue la prestation.

Cette mesure doit permettre aux inspecteurs du travail de croiser plus facilement les données pour mieux cibler leurs contrôles. C’est pourquoi elle ne s’applique pas aux contrats dont le montant est inférieur à 500 000 euros, les services de l’inspection du travail risquant dans un tel cas d’être noyés sous le nombre de déclarations.

Le contenu et les modalités de la déclaration seront précisés par un décret pris en Conseil d’État, mais l’esprit du présent amendement n’est pas d’alourdir les démarches administratives du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage. Les modalités de déclaration devront être simples, avec un formulaire type.

Le présent amendement propose également que le défaut de déclaration soit sanctionné d’une amende de cinquième classe. Le montant de l’amende proposé serait identique à celui qu’un autre amendement prévoit pour le défaut de déclaration de détachement préalable.

Cet amendement va ainsi de pair avec les dispositions prévues par les articles 1er et 2 de la proposition de loi qui visent à renforcer la responsabilité conjointe et solidaire des donneurs d’ordre et des maîtres d’ouvrage.

M. le rapporteur. J’y suis favorable, en dépit des réserves du ministère.

M. Thierry Braillard. Cet amendement est très pertinent, mais les inspecteurs du travail disposeront-ils de moyens supplémentaires pour en assurer l’application ? Pourquoi avoir choisi ce plafond de 500 000 euros ?

M. Richard Ferrand. L’adoption de cet amendement ne va certainement pas permettre de multiplier le nombre d’inspecteurs du travail, mais cette mesure a en elle-même une dimension dissuasive. Quant au plafond de 500 000 euros, il vise à exclure les petites entreprises du champ d’application de la disposition.

M. Dominique Tian. Soyons francs : le problème est celui du défaut de contrôle par l’inspection du travail. Quelle est l’utilité de créer une obligation supplémentaire de déclaration, qui plus est spécifiquement française, les entreprises qui fraudent ne s’y soumettant pas par hypothèse ?

Mme Chantal Guittet. Cette disposition n’est pas spécifique à notre pays, puisqu’elle existe déjà en Belgique ou en Allemagne, par exemple. Elle doit précisément permettre aux inspecteurs du travail de gagner du temps.

M. Richard Ferrand. Ce n’est pas nous qui avons inventé la RGPP, et ce n’est pas depuis cette législature qu’on a des difficultés à recruter dans la fonction publique. Cette déclaration permettra seulement de localiser les entreprises qui emploient des travailleurs détachés. Quant aux autres, le seul fait d’embaucher des chômeurs étrangers est constitutif d’une fraude.

La Commission adopte cet amendement.

Puis elle adopte l’article 1ermodifié.

Article 2
(article L. 3245-2 nouveau du code du travail)

Solidarité du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage pour le paiement des salaires

Cet article élargit les cas dans lesquels un maître d’ouvrage ou un donneur d’ordre peut être tenu au paiement des salaires des employés des sous-traitants intervenant sur le marché. Il détermine les obligations et la responsabilité financière du donneur d’ordre. À cette fin, il insère un chapitre V bis au titre quatrième du livre deuxième de la troisième partie du code du travail.

Ce chapitre, relatif aux obligations et à la responsabilité financière du donneur d’ordre se compose d’un article unique, libellé L. 3245-2.

L’article L. 3245-2 nouveau comporte trois alinéas.

Le premier aliéna prévoit les cas où le maître d’ouvrage ou bien le donneur d’ordre est prévenu par écrit du non-paiement total ou partiel du salaire au salarié d’un sous-traitant direct ou indirect. La responsabilité ne portera que sur le minimum légal ou conventionnel dû au salarié et non sur son salaire réel.

Ce signalement écrit doit être produit par un des agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2, c’est-à-dire les agents de contrôle compétents en application de l’article L. 8271-1 qui les énumère limitativement :

« 1° Les inspecteurs et les contrôleurs du travail ;

2° Les officiers et agents de police judiciaire ;

3° Les agents des impôts et des douanes ;

4° Les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés à cet effet et assermentés ;

5° Les administrateurs des affaires maritimes, les officiers du corps technique et administratif des affaires maritimes et les fonctionnaires affectés dans les services exerçant des missions de contrôle dans le domaine des affaires maritimes sous l’autorité ou à la disposition du ministre chargé de la mer ;

6° Les fonctionnaires des corps techniques de l’aviation civile commissionnés à cet effet et assermentés ;

7° Les fonctionnaires ou agents de l’État chargés du contrôle des transports terrestres ;

8° Les agents de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1, chargés de la prévention des fraudes, agréés et assermentés à cet effet. »

Le maître d’ouvrage, tout comme le donneur d’ordre, a pour obligation, dans l’hypothèse où il est averti d’un cas de non-paiement total ou partiel du salaire, d’enjoindre immédiatement au sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation.

L’alinéa suivant envisage le cas où les infractions décrites à l’alinéa précédent ne sont pas régularisées. Il prévoit la responsabilité solidaire du maître d’ouvrage ou du donneur d’ordre pour le paiement des rémunérations, indemnités et charges dues qui sont « solidairement responsables » du point de vue de l’administration du travail. Il ne s’agit pas en effet d’une disposition s’appliquant à des poursuites civiles ou pénales. Un décret pris en Conseil d’État en définit les modalités.

Le troisième et dernier alinéa exclut de l’application des dispositions de l’article L. 3245-2 nouveau les particuliers ayant contracté pour leur usage personnel ou celui d’un proche.

Cette mesure fera porter une responsabilité accrue au donneur d’ordre et au maître d’ouvrage. Toutefois, pratiquement, il est souvent difficile aux agents de contrôle de déterminer rapidement à quoi correspond le salaire dû. Le rapporteur considère qu’il pourrait être plus efficace d’élargir le périmètre de responsabilité, pour y inclure notamment le logement des travailleurs détachés et d’obliger le sous-traitant à signaler par écrit la régularisation de la situation à son donneur d’ordre et à l’agent de contrôle qui l’a verbalisé.

*

* *

La Commission examine l’amendement AS 7 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. L’article 2 nous semble susceptible de compromettre l’équilibre de ce texte en dissuadant les entreprises d’employer des travailleurs détachés. En effet, il met en place la responsabilité solidaire du maître d’ouvrage ou du donneur d’ordre pour le paiement des salaires des salariés du sous-traitant, y compris lorsque le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre n’a pas de relation directe avec lui. La question des moyens se pose : de quels pouvoirs l’entreprise donneuse d’ordre disposera-t-elle pour faire cesser cette situation ? La disposition actuelle du code du travail est beaucoup plus simple et efficace, et c’est pourquoi il est proposé d’en rester à la rédaction actuelle.

M. le rapporteur. L’article 2, dont vous demandez la suppression, est au cœur du dispositif de responsabilité solidaire : sans lui, celle-ci n’existe plus. Je vous rappelle qu’elle n’est actuellement prévue par le code du travail qu’en cas de travail dissimulé.

Il est vrai cependant qu’il serait excessif de sanctionner l’entreprise donneuse d’ordre en cas de défaut de régularisation de la situation signalée. Il est en effet impossible pour un maître d’ouvrage de vérifier que les salaires sont bien versés : même l’inspection du travail n’y arrive pas. C’est pourquoi je vous proposerai dans mon amendement AS31 d’y substituer une obligation de vigilance renforcée et d’information de l’inspection du travail en cas d’absence de régularisation par le sous-traitant.

Cet amendement est retiré.

La Commission adopte l’amendement de précision AS 4 du rapporteur.

La Commission examine l’amendement AS 18 de M. Richard Ferrand.

M. Richard Ferrand. L’article 2 constitue en effet le cœur de la proposition de loi, et il convient de ne pas restreindre son champ d’application aux seuls cas de non-paiement des salaires minimum légaux. Parmi les dispositions de notre code du travail que les sous-traitants qui détachent des travailleurs en France doivent respecter – le « noyau dur » visé par l’article L. 1262-4 – figurent également le respect des libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, les discriminations et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la protection de la maternité, ou encore les congés de maternité et de paternité.

En outre, le non-paiement d’un salarié détaché est très difficile à établir, dans la mesure où l’agent de contrôle doit procéder à une enquête transnationale et saisir le bureau de liaison français, qui lui-même contactera son ou ses homologues. En revanche, si l’on élargit le périmètre de responsabilité à l’ensemble des obligations que je viens de citer, on disposera de moyens concrets pour détecter d’éventuelles irrégularités.

M. le rapporteur. Je laisse à votre sagesse le jugement du bien-fondé de cet amendement. Sur le fond, il n’y a aucune raison de ne pas étendre le champ d’application de l’article à l’ensemble des obligations légales. Il avait d’ailleurs été question, lors des discussions préparatoires avec le ministère, d’inclure l’hébergement des travailleurs détachés ; toutefois, je ne vois pas pourquoi on laisserait de côté les infractions à la législation sur le temps de travail, ou les cas de discrimination, ou encore les problèmes d’hygiène et de sécurité. Il faudrait y revenir lors du débat en séance plénière et, en fonction de la position du ministère, procéder aux ajustements nécessaires.

M. Richard Ferrand. Nous pouvons difficilement adopter une position qui consisterait à saucissonner notre code du travail et laisser croire qu’il en existe une version soft applicable aux travailleurs low cost !

M. Jean-Patrick Gille, président. Je ne crois pas que le rapporteur ait exprimé une opposition radicale à l’amendement…

M. le rapporteur. Non : plutôt mon adhésion intellectuelle !

M. Dominique Tian. Pourtant, cela me paraît une complication inutile, puisque les salariés détachés ne le sont que pour un temps très limité. En étendant le champ d’application de l’article aux cas de non-respect des congés de maternité, de l’exercice du droit de grève, de la durée légale du travail, des repos compensateurs, des jours fériés et des congés annuels payés, n’avez-vous pas l’impression de charger la barque ? Il ne faudrait quand même pas que ce texte soit un obstacle au détachement !

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS 24 du rapporteur n’a plus d’objet.

La Commission passe à l’examen, en discussion commune, des amendements AS 26 du rapporteur et AS 19 de M. Richard Ferrand.

M. le rapporteur. Mon amendement vise à renforcer l’efficacité du dispositif tout en protégeant le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage, en exigeant que le sous-traitant informe par écrit ce dernier de la régularisation de la situation.

La démarche comprendrait ainsi trois étapes : premier temps, un agent de contrôle informe le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage que son sous-traitant se trouve en infraction ; deuxième temps, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage enjoint le sous-traitant de se mettre en règle ; troisième temps, le sous-traitant notifie au donneur d’ordre ou au maître d’ouvrage sa régularisation – faute de quoi, ce dernier doit alerter l’agent de contrôle.

M. Richard Ferrand. Je retire mon amendement au profit de celui du rapporteur.

M. Dominique Tian. Une telle modification donnerait en effet plus de souplesse au dispositif. Mais je ne comprends pas pourquoi le délai de réponse devrait être fixé par un décret en Conseil d’État. Cela risque de prendre du temps ! Pourquoi ne pas préciser le délai dans la loi ?

M. le rapporteur. Parce qu’il existe des travaux de natures très différentes, et qu’il est impossible de faire du prêt-à-porter en la matière : dans le cas d’une campagne de ramassage de fruits, qui dure quatre jours, il faudra régulariser très vite, alors que s’il s’agit d’un détachement de deux mois à la centrale de Flamanville, ce sera moins urgent. Nous préférons nous en remettre aux grands ingénieurs de l’administration que sont les conseillers d’État, pour qu’ils calibrent bien les obligations et fixent éventuellement des délais différents suivant le secteur d’activité ou le type de tâche.

L’amendement AS 19 est retiré.

La Commission adopte l’amendement AS 26 du rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS 31, du même auteur.

M. le rapporteur. Cet amendement répondra, je l’espère, à votre objection, monsieur Tian : il vise à préciser que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre n’est rendu financièrement responsable qu’en cas de manquement à ses obligations d’injonction et d’information, et non de manière automatique. Si, ayant été informé qu’un de ses sous-traitants se trouvait en situation irrégulière, il a demandé à ce dernier de se mettre en règle et, en cas de non-réponse, informé le service de contrôle de la situation, sa responsabilité ne sera pas engagée.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3
(Article L. 8222-5 du code du travail)

Extension du devoir d’injonction du maître d’ouvrage

Cet article étend le devoir d’injonction du maître de l’ouvrage à l’égard de son cocontractant en cas d’irrégularité commise par l’entreprise avec laquelle il a contracté. Il renforce donc l’obligation de diligence du maître d’ouvrage et le mécanisme d’alerte en cas de travail dissimulé et accroît la responsabilité du maître d’ouvrage privé.

En l’état, l’article L. 8222-5 du code du travail impose au donneur d’ordre ou maître d’ouvrage de faire cesser la situation de travail dissimulé « d’un sous-traitant ou d’un subdélégataire ». L’information donnée par un agent de contrôle au sujet d’un cocontractant n’impose pas aujourd’hui au maître d’ouvrage de faire cesser l’irrégularité, tel que prévu à l’article L. 8222-5.

En cas de non-respect de cette obligation de diligence à l’égard des sous-traitants directs et indirects, en cas d’alerte notamment émise par les agents de contrôle compétents en matière de lutte contre le travail dissimulé, le maître d’ouvrage privé est solidaire financièrement des dettes sociales et fiscales des sous-traitants directs ou indirects qui recourent au travail dissimulé.

Néanmoins, la rédaction actuelle de l’article L. 8222-5 ne prévoit pas les cas où la sous-traitance est limitée à un maître d’ouvrage et un seul contractant.

En conséquence, le présent article complète cette rédaction : outre les cas prévus actuellement (travail dissimulé exercé par un sous-traitant ou un subdélégataire), serait désormais couvert le cas d’irrégularité de la situation du cocontractant du maître d’ouvrage. L’article L. 8222-5 présenterait ainsi un champ comparable à celui prévu à l’article L. 8254-2-1 du code du travail, portant sur l’emploi d’étrangers sans titre de travail.

L’unique alinéa du présent article insère à l’article L. 8222-5 les mots « du cocontractant » après le mot « intervention » afin de compléter la liste des personnes morales dont le maître ou d’ouvrage ou le donneur d’ordre sont responsables, au même titre que pour les sous-traitants ou subdélégataires. Ainsi, il devra enjoindre à son partenaire de faire cesser sans délai toute situation irrégulière signalée par écrit par un agent de contrôle, un syndicat ou une association professionnels ou encore une association représentative des personnels.

En cas de manquement à ces diligences, le donneur d’ordre ou maître d’ouvrage est tenu solidairement avec son cocontractant au paiement des impôts, taxes, cotisations, rémunérations et charges.

Le dernier alinéa de l’article modifié précise également que les particuliers sont exclus de l’application de ces dispositions.

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La Commission adopte l’article 3 sans modification.

Article 4
(Article L. 8271-6-2 du code du travail)

Habilitation des agents de contrôle à exiger la production immédiate des documents propres au détachement de travailleurs

Cet article complète l’article L. 8271-6-2 du chapitre du code du travail déterminant la compétence des agents de contrôle.

La déclaration préalable de détachement, qui est transmise à l’inspection du travail doit être rédigée en français. Le code du travail prévoit par ailleurs qu’à la demande des services de l’inspection du travail, les entreprises prestataires étrangères doivent présenter sans délai et traduits en français une liste de cinq documents. Cette liste est décrite à l’article R. 1263-1.

L’employeur établi hors de France présente sans délai, à la demande de l’inspection du travail du lieu où est accomplie la prestation :

« 1° Dans le cas où son entreprise est établie en dehors de l’Union européenne, le document attestant la régularité de sa situation sociale au regard d’une convention internationale de sécurité sociale ou, à défaut, l’attestation de fourniture de déclaration sociale émanant de l’organisme français de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations sociales lui incombant et datant de moins de six mois ;

2° Le cas échéant, l’autorisation de travail permettant au ressortissant d’un État tiers d’exercer une activité salariée ;

3° Le cas échéant, le document attestant d’un examen médical dans le pays d’origine équivalent à celui prévu à l’article R. 1262-13 ;

4° Lorsque la durée du détachement est supérieure ou égale à un mois, les bulletins de paie de chaque salarié détaché ou tout document équivalent attestant de la rémunération et comportant les mentions suivantes :

a) Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;

b) Période et horaires de travail auxquels se rapporte le salaire en distinguant les heures payées au taux normal et celles comportant une majoration ;

c) Congés et jours fériés, et éléments de rémunération s’y rapportant ;

d) Conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries, le cas échéant ;

e) S’il y a lieu, l’intitulé de la convention collective de branche applicable au salarié ;

5° Lorsque la durée du détachement est inférieure à un mois, tout document apportant la preuve du respect de la rémunération minimale. »

Parmi les documents devant être fournis sur demande figure effectivement en 1° « le document attestant de la régularité de la situation sociale » de l’entreprise. L’article R. 1263-2 prévoit quant à lui que ces documents doivent être traduits en langue française.

En l’état, l’article L. 8271-6-2 dispose que pour la recherche et la constatation des infractions constitutives de travail illégal, les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 peuvent se faire présenter et obtenir copie immédiate des documents justifiant du respect des dispositions du présent livre. Ces agents sont ceux visés à l’article 2, (dont les inspecteurs du travail sont une catégorie).

2. L’élargissement du champ des documents exigibles

L’alinéa unique du présent article propose d’ajouter la possibilité de se faire présenter et obtenir copie immédiate des documents justifiant du respect des dispositions du chapitre II du titre VI du livre II de la première partie du code du travail. Les dispositions visées correspondent aux conditions de détachement et à la réglementation applicable en la matière.

Concrètement, les agents de contrôle pourront se faire présenter les déclarations de détachement, aussi bien auprès des prestataires de services étrangers qu’auprès des donneurs d’ordre français.

Cette mesure devrait être bien accueillie par les agents de contrôle. La possibilité d’exiger la communication immédiate de certains documents limitera les possibilités de soustraction au contrôle trop souvent constatées aujourd’hui et notamment le retour précipité au pays des travailleurs concernés par le contrôle.

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La Commission adopte l’article 4 sans modification.

Article 5
(Article L. 8224-7 nouveau du code du travail)

Sanction de la poursuite d’activité au-delà d’un mois avec un partenaire dont la situation d’irrégularité a été signalée au regard de la législation relative au travail dissimulé

Cet article nouveau permettra de sanctionner tout maître d’ouvrage ou donneur ordre qui poursuivrait, au-delà d’un mois, son activité avec une entreprise en situation d’irrégularité et cela alors même qu’il a été informé par écrit de la situation. Le présent article fait suite au premier constat, tel qu’il est décrit à l’article L. 8222-5 du même code, modifié par l’article 3 du présent projet de loi.

Pour mémoire, les étapes prévues par l’article L. 8222-5 sont les suivantes :

a. Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est immédiatement informé. L’information est ouverte plus largement que celle envisagée à l’article 3 (pour ce qui est de l’article L. 3245-2 nouveau). En l’occurrence, le signalement écrit peut être le fait d’un agent de contrôle mais également d’un syndicat ou d’une association professionnelle, ou encore d’une institution représentative du personnel. Elle porte sur la situation d’irrégularité d’un sous-traitant ou d’un subdélégataire, ou bien, sous réserve de l’adoption de l’article 3 du présent projet de loi, d’un cocontractant ;

b. Le donneur d’ordres ou le maître d’ouvrage, dûment informé, enjoint immédiatement son partenaire de faire cesser la situation d’irrégularité ;

c. À défaut de commettre cette diligence, il peut être tenu solidairement responsable, avec son cocontractant, du paiement des charges, cotisations et rémunérations.

Les sanctions encourues par le contrevenant sont prévues à l’article L. 8224-1. Il s’agit d’une peine d’emprisonnement de trois ans et d’une amende pouvant s’élever à 45 000 euros.

Les dispositions proposées au présent article pour l’article L. 8224-7 nouveau viennent alourdir le risque encouru par un donneur d’ordre ou un maître d’ouvrage non coopératif. Elles prévoient en effet que dans l’hypothèse où, après avoir été informé que l’un des exécutants du contrat est coupable de travail dissimulé, il poursuit l’exécution dudit contrat pendant une durée supérieure à un mois, il encourra des sanctions pénales. Celles-ci sont celles encourues par les personnes directement responsables de travail totalement ou partiellement dissimulé, de tout acte de publicité tendant à favoriser ces pratiques, mais également par les personnes recourant sciemment, directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé (article L. 8221-1). Cette disposition lève toute possibilité d’écran entre le donneur d’ordre/maître d’ouvrage et les entreprises exécutantes. Les peines encourues sont celles prévues à l’article L. 8224-1, à savoir une peine d’emprisonnement de trois ans et une amende de 45 000 euros.

Ces dispositions constituent un signal majeur envoyé aux donneurs d’ordres/maîtres d’ouvrage. Dans un souci d’équilibre et d’efficacité, il importerait toutefois de rappeler clairement qu’en cas de poursuite de l’exécution du contrat dans une des situations d’irrégularité décrite par la proposition de loi, le donneur d’ordre/maître d’ouvrage dispose de la faculté de rompre unilatéralement le contrat aux torts exclusifs de la partie fautive. L’article 5 autoriserait le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre à recourir en toute légalité et pendant un mois à une entreprise qui pratiquerait du travail dissimulé. Or, cette disposition est en contradiction avec l’article L. 8222-5 du code du travail qui stipule que la situation d’illégalité doit cesser sans délai, dès que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre a été informé par écrit. Votre rapporteur recommande donc de supprimer la référence au délai d’un mois.

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La Commission est saisie de l’amendement AS 20 de M. Richard Ferrand.

M. Richard Ferrand. Cet amendement vise à corriger ce qui serait une bizarrerie législative.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 5 est contraire tant à l’esprit qu’à la lettre du code du travail, puisqu’il accorde au maître d’ouvrage ou au donneur d’ordre une immunité pénale pendant une durée d’un mois.

Nous proposons donc de revenir au texte de l’article L. 8222-5 du code du travail, qui prévoit que la situation d’illégalité doit cesser sans délai dès que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre en a été informé par écrit.

M. le rapporteur. Sur le fond, je suis favorable à l’amendement, car on ne peut pas accepter une telle « franchise » de peine, mais si nous l’adoptons, je crains qu’il ne faille réécrire l’article.

M. Dominique Tian. Et ce sera M. Ferrand qui entrera dans l’histoire parlementaire, car si l’article n’est pas bon, supprimer « pendant plus d’un mois » serait pour le coup catastrophique : le texte ne voudrait plus rien dire du tout ! Ne vaudrait-il pas mieux supprimer l’article ?

M. Richard Ferrand. Peut-être faudrait-il revoir la rédaction de l’amendement, mais l’idée est de dire que tout maître d’ouvrage ou donneur d’ordre doit, dès l’instant qu’il a été informé dans les conditions prévues par l’article L.8222-5 de la situation irrégulière du sous-traitant, cesser immédiatement l’exécution du contrat, faute de quoi il encourra des sanctions pénales.

M. Gérard Sébaoun. Le problème, c’est que l’article a une vocation clairement positive : il vise à accorder un délai d’un mois au maître d’ouvrage ou au donneur d’ordre après que celui-ci a été informé. Si l’on supprime toute référence au délai, le texte devient absurde !

M. Dominique Tian. Il est en effet évident que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre sera sanctionné s’il ne respecte pas les obligations légales.

M. Thierry Braillard. La sagesse voudrait que nous supprimions l’article, et que nous en réécrivions une nouvelle version d’ici à l’examen du texte en séance plénière. En l’état, il n’est pas acceptable : on ne peut pas autoriser un maître d’ouvrage ou un donneur d’ordre à prolonger durant un mois une situation contraire à loi !

M. le rapporteur. Vu la confusion qui ressort de nos débats, ne vaudrait-il pas mieux que M. Ferrand retire son amendement pour que nous y retravaillions ?

M. Richard Ferrand. La rédaction de l’article 5, tel que modifié par l’amendement, me semble pourtant très claire :

« Après l’article L. 8224-6 du même code, il est inséré un article L. 8224-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 8224-7. – Tout maître d’ouvrage ou donneur d’ordre qui, après avoir été informé par écrit dans les conditions prévues par l’article L. 8222-5, poursuit l’exécution du contrat avec l’entreprise dont la situation irrégulière n’a pas cessé, est passible des sanctions prévues à l’article L. 8224-1. »

L’intérêt de cette disposition serait de renforcer la solidarité entre la personne en situation d’infraction et celle qui a le devoir de lui enjoindre de la faire cesser.

M. le rapporteur. Vous avez raison : avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 ainsi modifié.

Article 6
(Article L. 8211-2 nouveau du code du travail)

Signalement sur internet des entreprises condamnées à au moins 45 000 euros d’amende pour travail dissimulé

Cet article permet la création de la « liste noire » des personnes morales ou physiques condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal, en particulier travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main-d’œuvre ou encore emploi d’étrangers sans titres de travail (infractions mentionnées à l’article L. 8211-1 du code du travail).

Ce dispositif s’inspire de celui mis en place dans l’aviation civile. Il revêt un caractère à la fois préventif et dissuasif. Il permet à chacun de connaître sinon la fiabilité des intervenants sur un marché du moins le degré de risque encouru à traiter avec certains d’entre eux.

Cette liste est mise en place par l’insertion d’un article L. 8211-2 nouveau. Elle concerne les personnes morales et physiques condamnées à titre définitif pour travail dissimulé. La publication sur la toile de leur nom, coordonnées postales et numéro d’identification pendant une durée d’un an peut être décidée par le juge, de manière complémentaire à la peine d’amende. Cette faculté n’est cependant ouverte par le présent article que dans les cas les plus graves, c’est-à-dire ceux ayant conduit à une condamnation pénale définitive d’une personne morale ou physique, en vertu de l’article 121-2 du code pénal, à une peine d’amende au moins égale à 45 000 euros.

Dans le dispositif envisagé, la condamnation d’une personne morale s’adresse à ses représentants légaux. L’identité, de même que la raison sociale de la personne morale, continueront à figurer sur la « liste noire » même si elle cesse son activité. Comme le relèvent les analyses du ministère du travail communiquées au rapporteur « la disparition de la personne morale n’ôte ainsi pas la pertinence du maintien de sa mention sur la liste ».

Cette liste noire constituera une innovation majeure et contribuera à assainir le marché. Votre rapporteur relève toutefois qu’en l’état le critère d’inscription sur la liste semble relativement restrictif. La peine d’amende de 45 000 euros est en effet la peine maximale encourue par les personnes physiques pour les pratiques de travail illégal. Un seuil de 15 000 euros (qui correspond à la peine d’amende maximale encourue en cas d’emploi d’un étranger en situation irrégulière) semblerait plus opérant.

En outre, la durée d’inscription, d’une année, si elle paraît répondre au critère de proportionnalité des peines défini par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, peut sembler relativement courte. Son extension pourrait ainsi être étudiée à cinq années maximum.

L’article 6 clôt les dispositions modifiant le code du travail. L’ensemble de ces mesures tend à renforcer la prise de risque pour les donneurs ou maître d’ouvrage qui voudraient recourir à des prestataires s’adonnant au travail dissimulé ou susceptibles de le faire. Il ne s’agit en rien de contester le droit communautaire ni ses conséquences en droit français. Les principes fondamentaux entourant le détachement de travailleurs étant scrupuleusement respectés, seuls les abus sont résolument combattus.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement AS 8 de M. Dominique Tian, tendant à supprimer l’article.

M. Dominique Tian. Créer et faire publier sur Internet une « liste noire » de personnes morales ou physiques sans que l’inscription sur cette liste ait la moindre valeur juridique est étrange ! Cela revient à dire : « Vous avez été condamné, nous nous devons de le signaler, mais ce n’est pas pour autant que vous ne serez pas retenu : c’est uniquement pour information ». Mais qui acceptera de traiter avec quelqu’un qui est sur la liste noire ? Dans les faits, cela équivaudra à vous exclure du marché ! Soit l’on prévoit des conséquences juridiques, soit la liste noire n’a pas lieu d’être.

M. le rapporteur. Avis défavorable : nombreux sont ceux, y compris parmi les patrons, qui sont attachés à cette mesure.

M. Gérard Sébaoun. D’autant qu’il est bien précisé que l’inscription sur la liste noire ne sera qu’une possibilité offerte à la juridiction – probablement pour les cas de récidive.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS 13 de M. Lionel Tardy.

M. Dominique Tian. Quel intérêt de publier une liste noire sans que cela ait de conséquence pour la personne concernée, hormis celle de la stigmatiser ? C’est inepte, et ce serait en outre une incongruité juridique, car il existe un droit à l’oubli. C’est comme si l’on disait qu’une inscription sur le casier judiciaire n’a aucune portée, mais qu’il faut quand même la signaler au futur employeur ! Qu’une condamnation soit incompatible avec l’exercice d’une fonction, cela peut se comprendre ; que l’inscription sur une liste noire entraîne des sanctions, également ; mais, en l’occurrence, ce n’est pas de cela qu’il s’agit.

M. Jean-Patrick Gille, président. Doit-on considérer que vous avez défendu votre amendement, monsieur Tian ?

M. Dominique Tian. Oui, monsieur le président.

M. le rapporteur. Notre intention, à terme, est de promouvoir la création et la publication d’une « liste noire » européenne, qui serait infiniment plus utile ; en attendant, il serait bon que la France soit à l’avant-garde sur le sujet.

L’enjeu est également d’alerter le maître d’ouvrage sur les pratiques de l’entreprise : il s’agit, non pas de l’empêcher de traiter avec elle, mais de lui faire savoir qu’elle a des antécédents. Notre idée initiale était d’obliger tout maître d’ouvrage ou donneur d’ordre signant un contrat avec une entreprise inscrite sur la liste noire de le notifier au corps de contrôle, mais nous ne l’avons pas fait pour ne pas alourdir le dispositif.

C’est le juge qui choisira de mettre en œuvre, ou non, cette disposition ; il s’agira d’une peine complémentaire qui n’interviendra que dans les cas les plus graves. Et être inscrit sur une telle liste n’empêchera pas une entreprise de travailler : j’ai personnellement utilisé une compagnie aérienne inscrite sur la liste noire européenne !

Avis défavorable, donc.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS 2 de Mme Chantal Guittet, AS 11 de M. Thierry Braillard et AS 21 de M. Richard Ferrand.

Mme Chantal Guittet. Mon amendement tend à supprimer toute référence à une peine d’amende minimale, afin de laisser à la libre appréciation du juge le fait d’inscrire ou non une entreprise sur la liste noire.

M. Thierry Braillard. En cas d’infraction, le juge va condamner la personne morale ou physique à une amende ; il faut lui laisser la liberté d’en fixer le montant et, éventuellement, de procéder en sus à l’inscription sur la liste noire. Tel est le sens de mon amendement – qui rejoint celui de Mme Guittet.

M. Richard Ferrand. La publication d’une liste noire des entreprises et prestataires de services condamnés pour des infractions constitutives de travail illégal doit avoir un effet dissuasif et préventif. N’ouvrir cette faculté que pour les cas de condamnation à une amende d’un montant d’au moins 45 000 euros – ce qui correspond à des infractions extrêmement graves – reviendrait à vider la disposition de son contenu.

En conséquence, l’amendement AS 21 vise à abaisser ce seuil à 15 000 euros, ce qui correspond à la peine d’amende maximale encourue en cas d’emploi d’un étranger en situation irrégulière. Ce moyen terme permettrait de renforcer l’effet dissuasif de la mesure et de laisser au magistrat la faculté d’agir ou non, tout en n’étant pas trop strict : on peut avoir commis des fautes mineures, sans que cela justifie un stigmatisation par inscription sur la liste noire.

M. le rapporteur. Le seuil des 45 000 euros, qui correspond à la peine d’amende maximale encourue par les personnes physiques pour les pratiques de travail illégal, me semble en effet trop élevé ; l’éventuelle inscription sur la liste noire ne concernerait qu’un très petit nombre de dossiers. Je serais pour ma part favorable à l’amendement de M. Ferrand, plutôt qu’aux deux autres – étant entendu que l’on pourra procéder à des ajustements lors de l’examen du texte en séance plénière.

M. Thierry Braillard. Une telle disposition risquerait cependant d’inciter le juge à fixer une peine d’amende de 15 000 euros pour avoir la possibilité d’inscrire la personne ou l’entreprise concernée sur la liste noire, alors qu’en ne fixant pas de seuil, on lui laisserait une plus grande liberté d’appréciation sur des situations potentiellement très différentes.

Suivant l’avis du rapporteur, la Commission rejette les amendements AS 2 et AS 11 et adopte l’amendement AS 21.

Elle en vient à l’amendement AS 23 de M. Richard Ferrand.

M. Thierry Braillard. Il s’agit d’un amendement de précision, qui tend à substituer aux mots : « un an » les mots « cinq ans ».

M. Jean-Patrick Gille, président. Voilà une précision de taille ! (Sourires.)

M. le rapporteur. Avis défavorable : une inscription sur la liste noire durant cinq ans me semble excessive.

M. Thierry Braillard. Dans ce cas, je retire l’amendement.

L’amendement AS 23 est retiré.

La Commission examine l’amendement AS 15 de M. Lionel Tardy.

M. Dominique Tian. La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) n’acceptera certainement pas que les coordonnées des personnes concernées figurent sur cette liste noire. Tous ceux qui défendent les libertés individuelles devraient s’opposer à une telle mesure. Je le répète : si l’on a commis une faute, il doit y avoir sanction, mais la publication d’une liste purement informative ne servira à rien.

Dans le cadre des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC), j’avais demandé la création d’un fichier national des « interdits de gérer » ; cela fait quatre ans que nous attendons sa mise en place. Votre projet de liste noire européenne est voué à l’échec !

M. le rapporteur. Avis défavorable : la publication des noms et coordonnées postales des personnes condamnées n’intervenant qu’après un jugement judiciaire, il n’y a pas besoin de l’avis de la CNIL. En outre, la Chancellerie, que nous avons consultée, ne voit pas d’obstacle à cette disposition.

M. Richard Ferrand. Tant que vous y êtes, monsieur Tian, pourquoi ne pas interdire le casier judiciaire ?

M. Dominique Tian. Le casier judiciaire n’est pas consultable par tout citoyen ! Là, on va publier sur Internet non seulement le nom des personnes condamnées, mais aussi leurs coordonnées postales. C’est inacceptable !

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

Chapitre II
Autres dispositions

Ce chapitre se compose de deux articles qui modifient d’autres codes afin de lutter plus efficacement contre le dumping social. Il s’agit notamment de permettre aux associations professionnelles et syndicats d’ester en justice pour faire poursuivre le travail dissimulé, y compris sans l’accord du salarié concerné (article 7). Il s’agit également de conditionner la signature d’un marché public de travaux de construction d’ouvrages à la détention d’une attestation d’assurance décennale obligatoire (article 8).

Article 7
(Article 2-21-1 nouveau du code de procédure pénale)

Possibilité d’ester en justice ouverte aux associations et syndicats professionnels ainsi qu’aux syndicats de salariés de la branche

L’objectif de cet article est de permettre à la profession dans son ensemble d’être partie prenante de la lutte contre les abus en autorisant les organisations la représentant à engager des procédures judiciaires, y compris sans l’accord des salariés concernés. Cette dernière disposition est en effet une façon de tenir compte du fait que, s’agissant de travail dissimulé, les salariés victimes d’abus sont souvent peu enclins à se manifester.

En conséquence, le présent article propose de modifier le code de procédure pénale en insérant un article 2-21-1 nouveau au sein de son titre préliminaire, qui porte sur les dispositions générales.

Constitué d’un alinéa unique, cet article définit les personnes morales autorisées à ester en justice en tant que partie civile en cas de travail illégal. Il s’agit de toute association, syndicat professionnel ou syndicat de salariés de la branche concernée, régulièrement déclaré depuis au moins cinq ans à la date des faits. Son objet doit comporter la défense des intérêts collectifs des entreprises et des salariés. Il s’agit en somme d’une approche particulièrement large de la saisine du juge.

Cette faculté porte sur les infractions définies dans le livre II de la huitième partie du code du travail, c’est-à-dire le travail dissimulé. Elle est ouverte y compris si aucune action publique n’a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. Cette disposition est essentielle puisque la situation particulière des travailleurs détachés, et notamment dans le secteur de la construction ou du bâtiment, explique qu’ils ne font pas véritablement valoir leurs droits devant les tribunaux français.

Au cours de ses auditions, le rapporteur a constaté le bon accueil de cette disposition. Il relève cependant que cette logique pourrait être poussée davantage en la reproduisant pour ouvrir la saisine des tribunaux du travail.

En outre, la règle d’un enregistrement depuis au moins cinq ans avant la survenance peut sembler relativement restrictive. Il pourrait être envisagé de réduire ce critère de durée.

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* *

La Commission est saisie de l’amendement AS 9 de M. Dominique Tian, tendant à supprimer l’article.

M. Dominique Tian. Je n’ai que du respect pour les syndicats français, mais ils sont très peu représentatifs – contrairement à ceux d’autres pays – et ils défendent des intérêts souvent défavorables à l’Europe, certains d’entre eux étant franchement anti-européens. Si l’on ne veut pas multiplier les contentieux, il convient de supprimer cet article extrêmement dangereux. C’est aux salariés de se défendre, et non aux syndicats de se substituer à eux pour bloquer en justice des dispositifs qu’ils dénoncent à longueur de journée !

M. le rapporteur. Votre position, monsieur Tian, est un peu catégorique… D’abord, la possibilité qui est ouverte concernera le seul droit interne, et non le droit européen. Ensuite, elle n’entravera pas la liberté individuelle d’agir ou non justice ; en revanche, elle permettra aux organisations professionnelles d’agir au nom des intérêts collectifs de la profession contre des distorsions de marché, entraves ou infractions graves portant atteinte à l’ordre social. Avis défavorable, donc.

Mme Chantal Guittet. Les esclaves ne portent jamais plainte ! Vu leur situation de vulnérabilité, il convient de pouvoir défendre en justice les travailleurs détachés. Nous avons tous le devoir de signaler les abus de faiblesse.

M. Dominique Tian. Certes, mais c’est à la puissance publique de le faire, et non aux syndicats professionnels : l’objet de ces derniers est de défendre les intérêts de leur profession ou de leurs mandants. Que l’inspection du travail, le ministère et la gendarmerie prennent leurs dispositions !

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 1 de Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Dans un souci de cohérence avec le code du travail, je propose d’abaisser de cinq à deux ans la condition d’ancienneté d’un syndicat pour qu’il ait le droit d’ester en justice.

M. le rapporteur. Avis favorable.

M. Dominique Tian. Réalisez-vous que l’organisation syndicale n’aura même pas à justifier d’un mandat du salarié pour agir en justice en son nom ? Elle devra simplement avertir ce dernier, qui ne pourra pas s’y opposer ! Et vous appelez cela un texte « équilibré » ?

M. Jean-Patrick Gille, président. Je vous rappelle, monsieur Tian, que nous avons défini des critères de représentativité des syndicats dans le projet de loi relatif à la démocratie sociale, que nous venons d’adopter en première lecture. Peut-être faudrait-il en tenir compte…

M. le rapporteur. L’objectif de l’article est en effet de pouvoir s’attaquer à une situation illégale lorsque la partie lésée ne défend pas ses intérêts – pour des raisons qui peuvent paraître évidentes. Par exemple, la compagnie Ryanair n’aurait jamais été condamnée si certaines personnes n’avaient pas pris le risque d’attaquer leur employeur ; mais cela reste extrêmement rare, et c’est pour pallier ce genre de situations que nous proposons cette mesure.

Je précise que personne ne s’y opposé durant les auditions préparatoires et que, comme j’ai rencontré des organisations professionnelles plutôt que des syndicats de salariés, elle ne m’a été soufflée par personne.

Notre proposition de loi n’est pas cosmétique, elle n’a pas été conçue uniquement pour faire peur, et il ne s’agit pas d’une opération médiatique : son objectif est de nous donner des moyens pour lutter efficacement contre le travail illégal.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS 3 du rapporteur.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Article 7 bis (nouveau)
(Articles 131-39 du code pénal et L. 8224-5, L. 8234-2, L. 8243-2 ainsi que L. 8256-7 du code du travail)
Interdiction pour une durée maximale de cinq de percevoir des aides publiques en cas de condamnation pour travail dissimulé, emploi d’étrangers sans titre de travail, prêt illicite de main-d’œuvre et marchandage

Lors de l’examen de la proposition de loi, la commission a adopté l’amendement AS 22 portant création d’un article additionnel. Il tend à interdire pour une durée maximale de cinq ans la perception d’aides publiques en cas de condamnation pour travail dissimulé, emploi d’étrangers sans titre de travail, prêt illicite de main d’œuvre et marchandage.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement AS 22 de M. Richard Ferrand.

M. Richard Ferrand. L’objectif est en effet de nous armer pour combattre un phénomène nocif pour notre système économique et social, et reconnu comme tel par tous les acteurs économiques de notre pays.

À cette fin, nous proposons d’instaurer une nouvelle peine complémentaire, qui consisterait à interdire, pour une durée de cinq ans au plus, l’attribution de toute aide publique à une entreprise condamnée pour travail dissimulé, emploi d’étrangers sans titre de travail, prêt illicite de main-d’œuvre ou marchandage. Cette nouvelle peine serait introduite à l’article 131-39 du code pénal.

Nous entendons tous, sur le terrain, des entrepreneurs qui travaillent dans le respect des règles se plaindre que d’autres, qui, de notoriété publique, ne le font pas, continuent à bénéficier de marchés, voire d’aides publiques. On peut avoir le sentiment de donner une prime aux tricheurs.

En conséquence, le présent amendement tend à donner au juge la faculté de sanctionner ces derniers en leur interdisant l’accès à toute aide publique.

M. le rapporteur. Avis favorable, d’autant plus que dans certains secteurs, des entreprises massivement aidées par des fonds publics commettent des infractions au code du travail. Cela ne devrait pas être possible.

M. Dominique Tian. Certes, mais une entreprise en difficulté peut être reprise, et il semble difficile de la condamner pour une faute commise par un ancien dirigeant. Il faudrait introduire un peu de souplesse dans le dispositif.

M. Richard Ferrand. Votre remarque serait légitime s’il s’agissait d’une règle automatique, qui s’imposerait sans discussion, et non pas – comme c’est le cas – d’une faculté donnée à un magistrat qui aura toute latitude pour apprécier les cas d’espèce.

Dans une situation telle que celle que vous décrivez, j’imagine que le juge ne se servira pas de cet outil. Il s’agit, non pas d’être « souple » ou « raide », mais de donner des armes aux magistrats.

Mme Sylviane Bulteau. Mais que se passera-t-il si l’entreprise est reprise dans l’intervalle des cinq ans ? Le nouveau dirigeant ne peut pas être tenu pour responsable de ce qui s’est passé !

M. Gérard Sébaoun. D’autant que l’article 6 prévoit une inscription sur la « liste noire » pour une durée d’un an seulement. C’est incohérent !

M. Thierry Braillard. La mesure prendrait en effet tout son sens si l’interdiction était limitée à un an, sur le modèle de la liste noire. Si elle dure cinq ans, on risque de mettre en péril toute l’entreprise, salariés inclus, et pas seulement le dirigeant fautif.

M. Richard Ferrand. Chers collègues, il ne vous aura pas échappé que j’avais proposé d’étendre la durée d’inscription sur la liste noire à cinq ans !

Quoi qu’il en soit, il s’agit de deux questions bien distinctes.

Dans un cas, l’objectif est de prévoir un temps de « mise au piquet » ou de « stigmatisation », dont on considère que l’entreprise se remettra. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter dans l’hémicycle, mais il me semble qu’une durée de trois ans pourrait être une solution équilibrée.

Il s’agit ici de tout autre chose : à savoir, de combattre la prospérité mal acquise, c’est-à-dire le fait qu’une entreprise ait pu s’enrichir indûment grâce à l’exploitation frauduleuse de travailleurs abusivement détachés. Je ne vois pas en quoi la priver d’accès à l’aide publique serait scandaleux. Qu’une entreprise soit sanctionnée et fragilisée parce qu’elle triche est précisément l’objectif de la proposition de loi !

M. Gérard Sébaoun. Sur le fond, je suis d’accord, mais il s’agit d’interdire l’accès non seulement aux aides publiques, mais aussi aux marchés publics. L’amendement reviendrait à empêcher définitivement d’exercer des entreprises qui n’ont comme débouchés que des marchés publics. Cela fait quand même problème.

M. le rapporteur. L’article 131-39 du code pénal prévoit déjà des durées de cinq ans au plus pour des peines telles que l’exclusion des marchés publics, le placement sous surveillance judiciaire, l’interdiction d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales. Il s’agit simplement de s’y conformer !

M. Dominique Tian. En général, les entreprises qui font des bénéfices importants ne prennent pas des risques inconsidérés. Celles qui trichent sont celles qui sont en difficulté, et qui survivent comme elles peuvent – notamment dans le secteur du bâtiment, qui va très mal. En privant une entreprise d’aides publiques et d’accès aux marchés publics pendant cinq ans, vous la condamnez à mort !

Mme Ségolène Neuville. Vous êtes moins laxiste avec les voleurs, monsieur Tian !

M. Thierry Braillard. Il faut d’abord se souvenir d’où viennent ces dispositions du code pénal, monsieur le rapporteur.

Ensuite, appréciez bien le risque que vous prenez : des salariés qui n’ont rien à voir avec leur employeur pourront, à cause d’une sanction trop lourde, perdre leur emploi dans des secteurs en difficulté. Il me semble que ce n’est pas à nous, parlementaires, d’encourager cela.

La Commission adopte l’amendement.

Article 7 ter (nouveau)
(Articles L. 8224-2, L. 8234-1 et L. 8243-1 du code travail et articles 706-73 et 706-88 du code de procédure pénale)
Extension de la circonstance aggravante de bande organisée
au travail dissimulé par dissimulation d’activités ou de salariés,
au recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé,
au prêt illicite et au marchandage de main-d’œuvre

Lors de l’examen de la proposition de loi, la commission a adopté l’amendement AS 30 du rapporteur portant création d’un article additionnel. Il adapte la circonstance aggravante de bande organisée pour les infractions suivantes :

– travail dissimulé par dissimulation d’activités ou de salariés ;

– recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé ;

– prêt illicite et marchandage de main d’œuvre.

Cet article prévoit en outre que les services de contrôle pourront recourir à des moyens d’enquête étendus.

*

* *

Elle examine ensuite l’amendement AS 30 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à introduire une circonstance aggravante de bande organisée pour les délits de dissimulation d’activités ou de salariés, de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé, de marchandage de main-d’œuvre et de prêt illicite de main-d’œuvre. Cette mesure, qui a été validée en interministériel, donnera à la puissance publique des prérogatives plus importantes pour mener à bien ses investigations. On ne peut pas à la fois se plaindre qu’il n’y a pas assez de contrôle et ne pas donner aux services les armes qui leur permettront d’être plus efficaces !

La Commission adopte l’amendement.

Article 8
Obligation faite à tout candidat à l’attribution d’un marché public de présenter une attestation d’assurance décennale

Cet article pose l’obligation de produire une attestation d’assurance décennale faite à tout candidat auquel il serait envisagé d’attribuer un marché public. Elle porte sur l’ensemble des travaux du marché. Dans sa rédaction, le présent article vise par erreur l’article L. 243-1-1 du code des assurances qui porte sur les exceptions à l’obligation définie à l’article L. 241-1.

L’article L. 241-1 du code des assurances prévoit que toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, soit couverte par une assurance. Il pose qu’à l’ouverture de tout chantier, cette personne doit être en mesure de justifier de la souscription d’un contrat d’assurance la couvrant à ce titre. Tout contrat d’assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale. En sont dispensés les travaux énumérés à l’article L. 243-1-1 du code des assurances.

Le premier alinéa de l’article 8 propose donc de conditionner la signature des marchés à la production de l’attestation d’assurance obligatoire. En l’état, le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux prévoit la justification de la souscription de cette assurance obligatoire par le titulaire du marché dans les 15 jours suivant la notification du marché. Ainsi, les entreprises, françaises ou étrangères, faisant l’impasse sur cette obligation peuvent se voir notifier un marché public sans pour autant disposer de cette assurance. Il sera pour elles très difficile de la souscrire après coup.

Le deuxième alinéa précise les conditions de validité de l’attestation d’assurance qui doit être signée par l’assureur. Si celui-ci est établi dans un autre pays que la France, il doit avoir reçu un agrément de l’autorité prudentielle de son pays lui permettant d’exercer en France dans la branche d’assurance des risques visée.

Un arrêté conjoint des ministres des finances et du travail définit les mentions qu’elle doit obligatoirement comporter.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement AS 16 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Les entreprises artisanales du bâtiment nous ont signalé que l’article L.243-1-1 du code des assurances excluait certains ouvrages de l’obligation d’assurance de responsabilité décennale. Il convient de reprendre ces dispositions dérogatoires dans le présent texte.

M. le rapporteur. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte les amendements de précision identiques AS 5 du rapporteur et AS 10 de M. Dominique Tian.

Puis elle adopte l’article 8 ainsi modifié.

Article 9 (nouveau)
(
Articles L. 3313-3 et L. 3315-4-1 nouveaux et L. 3315-6 du code des transports)
Dispositions relatives au temps de repos des chauffeurs routiers et à leurs conditions de rémunération

Lors de l’examen de la proposition de loi, la commission a adopté l’amendement AS 28 du rapporteur portant création d’un article additionnel. Cet article vise à encadrer le temps de repos hebdomadaire des chauffeurs routiers afin qu’il soit pris en dehors des véhicules. Il vise également à interdire toute forme de rémunération fondée sur le kilométrage parcouru ou le volume de marchandises transportées qui pourrait compromettre la sécurité routière ou contredire la réglementation européenne.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement AS 28 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à créer une obligation pour les employeurs de conducteurs routiers de veiller à ce que le repos hebdomadaire normal ne soit pas pris sur le lieu de travail, à savoir la cabine du véhicule.

Il tend également à punir d’un an d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende les employeurs qui rémunéreraient leurs chauffeurs en fonction de la distance parcourue et du volume de marchandises transportées, dès lors que ce mode de rémunération serait de nature à compromettre la sécurité routière ou à encourager les infractions au règlement européen.

M. Dominique Tian. Les chauffeurs routiers ne sont pas des travailleurs détachés : ils circulent ! Ne s’agirait-il pas d’un « cavalier » législatif, monsieur le rapporteur ?

En outre, pourquoi la France adopterait-elle une législation spécifique en la matière ? Et comment le chef d’entreprise pourra-t-il vérifier que le conducteur ne prend pas son temps de repos dans son camion ?

Mme Chantal Guittet. Un chauffeur routier peut être un travailleur détaché, monsieur Tian : il suffit pour cela qu’il soit embauché par une entreprise étrangère sous-traitante d’une entreprise française.

M. le rapporteur. Surtout, la présente proposition de loi concerne non seulement le travail détaché, mais l’ensemble du travail illégal ; son titre ne souffre aucune ambiguïté : « Renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale ».

Si nous avons ouvert son champ d’application, c’est précisément parce que certains secteurs se trouvent dans des situations très délicates. C’est le cas du transport routier, où le pavillon français ne supporte pas, pour de multiples raisons, la concurrence internationale. Et même si des entreprises françaises recourent à ce genre de pratiques, il ne nous paraît pas très digne que des salariés passent leurs week-ends sur des aires d’autoroute.

Une telle interdiction est parfaitement compatible avec la réglementation européenne. Le transporteur devra simplement prouver qu’il paie l’hôtel au conducteur : cela se fait pour d’autres professions, et c’est très facile à contrôler. On ne peut pas tolérer que des personnes passent toutes leurs nuits, week-end compris, sur des aires d’autoroute pendant un mois !

La Commission adopte l’amendement.

*

* *

Article 10 (nouveau)
(Article L. 3421-3 du code des transports)
Élargissement du champ d’application des règles relatives au cabotage

Lors de l’examen de la proposition de loi, la commission a adopté l’amendement AS 29 du rapporteur portant création d’un article additionnel. Celui-ci modifie l’article L. 3421-3 du code des transports afin d’assujettir aux règles du cabotage les entreprises non titulaires d’une licence communautaire, cette mesure concernant principalement les véhicules de moins de 3,5 tonnes.

*

* *

Elle examine ensuite l’amendement AS 29 du rapporteur.

M. le rapporteur. Avec cet amendement, nous abordons un sujet particulièrement délicat.

Aujourd’hui, seul le cabotage des véhicules de plus de 3,5 tonnes est encadré par une directive européenne : il leur est permis de faire, au retour d’un transport international, trois prestations de cabotage pendant une durée maximale d’une semaine. En revanche, rien n’est prévu pour les véhicules légers, qui sont de plus en plus utilisés pour ce type d’opérations. Nous proposons d’étendre la directive européenne à ces derniers afin de mettre un peu d’ordre dans un marché où les transporteurs français sont de plus en plus déstabilisés.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

* *

En conséquence, la Commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la Commission

___

 

Proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale

Proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale

 

CHAPITRE Ier

CHAPITRE Ier

 

Dispositions générales modifiant le code du travail

Dispositions générales modifiant le code du travail

 

Article 1er

Article 1er

Code du travail

Le code du travail est ainsi modifié :

 
     
 

1° Après l’article L. 1262-4, sont insérés les articles L. 1262-4-1 à L. 1262-4-4 ainsi rédigés :

 
     
 

« Art. L. 1262-4-1. – Toute personne vérifie lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet porte sur une obligation d’un montant minimum en vue de l’exécution d’un travail, de la fourniture d’une prestation de services ou de l’accomplissement d’un acte de commerce, que son cocontractant, lorsqu’il s’agit d’un prestataire de services établi hors de France, s’acquitte des formalités déclaratives mentionnées à l’article L. 1262-5.

« Art. L. 1262-4-1. – …

…conclusion et de l’exécution d’un contrat …

… L. 1262-5.

Amendement AS25

     
 

« Art. L. 1262-4-2. – Toute personne qui méconnaît l’article L. 1262-4-1 est tenue solidairement avec son cocontractant prestataire de services établi hors de France, en cas de non-paiement de tout ou partie du salaire dû en application du 8° de l’article L. 1262-4 aux salariés détachés en France, au paiement des rémunérations et indemnités dues à ce titre.

 
     
 

« Art. L. 1262-4-3. – L’article L. 3245-2 s’applique en cas de non-paiement partiel ou total du salaire dû au salarié détaché.

« Art. L. 1262-4-3. – …

… non-paiement de tout ou partie du salaire dû au salarié détaché.

Amendement AS6

     
 

« Art. L. 1262-4-4. – Les articles L. 1262-4-1 à L. 1262-4-3 ne s’appliquent pas au particulier qui contracte avec un prestataire de services établi hors de France, pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. »

 
     
   

« Art. L. 1262-4-5 – À l’exclusion des contrats dont le montant est inférieur à 500 000 €, tout maître d’ouvrage ou donneur d’ordre ayant recours à une entreprise sous-traitante qui détache des travailleurs doit effectuer une déclaration auprès de l’inspection du travail du lieu où s’effectue la prestation, ou du premier lieu où s’effectue la prestation si celle-ci doit se poursuivre dans un autre lieu.

     
   

« Le contenu et les modalités de déclaration sont précisés par un décret pris en Conseil d’État.

     
   

« Le défaut de déclaration prévue à l’alinéa premier est sanctionné de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. » ;

Amendement AS17

     

Art. L. 1262-5. – Un décret en Conseil d’État détermine :

2° L’article L. 1262-5 est complété par un 4° ainsi rédigé :

 
     

1° Les conditions et modalités d’application des dispositions relevant des matières énumérées à l’article L. 1262-4 ;

   
     

2° Les conditions dans lesquelles des formalités déclaratives sont exigées des prestataires étrangers ;

   
     

3° Les dispenses de formalités dont ils bénéficient.

   
     
 

« 4° Les modalités selon lesquelles sont effectuées les vérifications prévues à l’article L. 1262-4-1. »

 
     
 

Article 2

Article 2

 

Après le chapitre V du titre IV du livre II de la troisième partie du même code, il est inséré un chapitre V bis ainsi rédigé :

 
     
 

« Chapitre V bis

 
 

« Obligations et responsabilité financière du donneur d’ordre

 
     
 

« Art. L. 3245-2. – Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par l’un des agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié d’un sous-traitant direct ou indirect, enjoint aussitôt par écrit à ce sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation.

« Art. L. 3245-2. – …

… agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du non-respect de l’article L. 1262-4 par un sous-traitant …

… situation.

Amendements AS4 et AS18

     
   

« Le sous-traitant mentionné au premier alinéa du présent article, informe, par écrit, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, de la régularisation de la situation. Ce dernier en transmet une copie à l’agent de contrôle mentionné au même premier alinéa.

     
   

« En l’absence de réponse écrite du sous-traitant dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre informe aussitôt l’agent de contrôle du caractère permanent de la situation délictuelle.

Amendement AS26

     
 

« À défaut de régularisation de la situation signalée, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu solidairement avec l’employeur du salarié au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Pour tout manquement à ses obligations d’injonction et d’information mentionnées aux premier et troisième alinéas, le maître d’ouvrage …

… dues, ainsi que du non-paiement des amendes dues par son sous-traitant direct ou indirect pour le non-respect de l’article L. 1262-4, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Amendements AS31 et AS18

     
 

« Le présent article ne s’applique pas au particulier qui contracte avec une entreprise pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. »

 
     
 

Article 3

Article 3

Art. L. 8222-5. – Le maître de l’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par un agent de contrôle mentionné à l’article L. 8271-7 ou par un syndicat ou une association professionnels ou une institution représentative du personnel, de l’intervention d’un sous-traitant ou d’un subdélégataire en situation irrégulière au regard des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 enjoint aussitôt à son cocontractant de faire cesser sans délai cette situation.

Au premier alinéa de l’article L. 8222-5 du même code, après le mot : « intervention », sont insérés les mots : « du cocontractant, ».

(Sans modification)

     

À défaut, il est tenu solidairement avec son cocontractant au paiement des impôts, taxes, cotisations, rémunérations et charges mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 8222-2, dans les conditions fixées à l’article L. 8222-3.

   
     

Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas au particulier qui contracte pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants.

   
     
 

Article 4

Article 4

Art. L. 8271-6-2. – Pour la recherche et la constatation des infractions constitutives de travail illégal, les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 peuvent se faire présenter et obtenir copie immédiate des documents justifiant du respect des dispositions du présent livre.

L’article L. 8271-6-2 du même code est complété par les mots : « et du chapitre II du titre VI du livre II de la première partie ».

(Sans modification)

     
 

Article 5

Article 5

 

Après l’article L. 8224-6 du même code, il est inséré un article L. 8224-7 ainsi rédigé :

 
     
 

« Art. L. 8224-7. – Tout maître d’ouvrage ou donneur d’ordre qui, après avoir été informé par écrit dans les conditions prévues par l’article L. 8222-5, poursuit l’exécution du contrat pendant plus d’un mois avec l’entreprise dont la situation irrégulière n’a pas cessé, est passible des sanctions prévues à l’article L. 8224-1. »

« Art. L. 8224-7. – …

… contrat avec l’entreprise …

… L. 8224-1. »

Amendement AS20

     
 

Article 6

Article 6

 

Après l’article L. 8211-1 du même code, il est inséré un article L. 8211-2 ainsi rédigé :

 
     
 

« Art. L. 8211-2. – En cas de condamnation définitive d’une personne morale ou d’une personne physique à une amende d’au moins 45 000 € pour des infractions constitutives de travail illégal, prononcée en application de l’article 121-2 du code pénal, la juridiction peut ordonner, à titre de peine complémentaire, la publication sur internet pendant un an de son nom, de ses coordonnées postales et de son numéro d’identification, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. »

« Art. L. 8211-2. – …

… d’au moins 15 000 € pour …

… d’État. »

Amendement AS21

     
 

CHAPITRE II

CHAPITRE II

 

Autres dispositions

Autres dispositions

 

Article 7

Article 7

 

Après l’article 2-21 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-21-1 ainsi rédigé :

 
     
 

« Art. 2-21-1. – Toute association, syndicat professionnel ou syndicat de salariés de la branche concerné régulièrement déclaré depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont l’objet statutaire comporte la défense des intérêts collectifs des entreprises et des salariés peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions définies dans le livre II de la huitième partie du code du travail même si l’action publique n’a pas été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée. »

« Art. 2-21-1. – …

deux ans à la date …

… public par la partie lésée. »

Amendements AS1 et AS3

     
   

Article 7 bis

Code pénal

 

I. – Après le 11° de l’article 131-39 du code pénal, il est inséré un 12° ainsi rédigé :

Art. 131-39. – Lorsque la loi le prévoit à l’encontre d’une personne morale, un crime ou un délit peut être sanctionné d’une ou de plusieurs des peines suivantes :

   
     

1° La dissolution, lorsque la personne morale a été créée ou, lorsqu’il s’agit d’un crime ou d’un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à trois ans, détournée de son objet pour commettre les faits incriminés ;

   
     

2° L’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;

   
     

3° Le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;

   
     

4° La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

   
     

5° L’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;

   
     

6° L’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de procéder à une offre au public de titres financiers ou de faire admettre ses titres financiers aux négociations sur un marché réglementé ;

   
     

7° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d’utiliser des cartes de paiement ;

   
     

8° La peine de confiscation, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article 131-21 ;

   
     

9° L’affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique ;

   
     

10° La confiscation de l’animal ayant été utilisé pour commettre l’infraction ou à l’encontre duquel l’infraction a été commise ;

   
     

11° L’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de détenir un animal ;

   
     
   

« 12° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de percevoir toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements. »

     

La peine complémentaire de confiscation est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse.

 

Amendement AS22

     

Les peines définies aux 1° et 3° ci-dessus ne sont pas applicables aux personnes morales de droit public dont la responsabilité pénale est susceptible d’être engagée. Elles ne sont pas non plus applicables aux partis ou groupements politiques ni aux syndicats professionnels. La peine définie au 1° n’est pas applicable aux institutions représentatives du personnel.

   
     

Code du travail

   

Art. L. 8224-5. – Cf. annexe

Art. L. 8234-2. – Cf. annexe

Art. L. 8243-2. – Cf. annexe

Art. L. 8256-7. – Cf. annexe

 

II. – Au 2° des articles L. 8224-5, L. 8234-2, L. 8243-2 et L. 8256-7 du code du travail, la référence : « et 9° », est remplacée par les références : « , 9° et 12° ».

Amendement AS22

     
   

Article 7 ter

   

I. – Le livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :

     
   

1° L’article L. 8224-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

     

Art. L. 8224-2. – Le fait de méconnaître les interdictions définies à l’article L. 8221-1 par l’emploi dissimulé d’un mineur soumis à l’obligation scolaire est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 75 000 euros.

   
     
   

« Le fait de méconnaître les interdictions définies aux 1° et 3° du même article en commettant les faits en bande organisée est puni de dix ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende. » ;

     

Art. L. 8234-1. – Cf. annexe

Art. L. 8243-1. – Cf. annexe

 

2° Après le premier alinéa des articles L. 8234-1 et L. 8243-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

     
   

« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée. » ;

Amendement AS30

     

Code de procédure pénale

 

II. – Le titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :

     
   

1° Après le 19° de l’article 706-73, il est inséré un 20° ainsi rédigé :

     

Art. 706-73. – La procédure applicable à l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes et des délits suivants est celle prévue par le présent code, sous réserve des dispositions du présent titre :

   
     

1° Crime de meurtre commis en bande organisée prévu par le 8° de l’article 221-4 du code pénal ;

   
     

2° Crime de tortures et d’actes de barbarie commis en bande organisée prévu par l’article 222-4 du code pénal ;

   
     

3° Crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-40 du code pénal ;

   
     

4° Crimes et délits d’enlèvement et de séquestration commis en bande organisée prévus par l’article 224-5-2 du code pénal ;

   
     

5° Crimes et délits aggravés de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-2 à 225-4-7 du code pénal ;

   
     

6° Crimes et délits aggravés de proxénétisme prévus par les articles 225-7 à 225-12 du code pénal ;

   
     

7° Crime de vol commis en bande organisée prévu par l’article 311-9 du code pénal ;

   
     

8° Crimes aggravés d’extorsion prévus par les articles 312-6 et 312-7 du code pénal ;

   
     

8° bis Délit d'escroquerie en bande organisée prévu par le dernier alinéa de l’article 313-2 du code pénal ;

   
     

9° Crime de destruction, dégradation et détérioration d’un bien commis en bande organisée prévu par l’article 322-8 du code pénal ;

   
     

10° Crimes en matière de fausse monnaie prévus par les articles 442-1 et 442-2 du code pénal ;

   
     

11° Crimes et délits constituant des actes de terrorisme prévus par les articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;

   
     

12° Délits en matière d’armes et de produits explosifs commis en bande organisée, prévus par les articles L. 2339-2, L. 2339-3, L. 2339-10, L. 2341-4, L. 2353-4 et L. 2353-5 du code de la défense ainsi que par les articles L. 317-2, L. 317-4 et L. 317-7 du code de la sécurité intérieure ;

   
     

13° Délits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France commis en bande organisée prévus par l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

   
     

14° Délits de blanchiment prévus par les articles 324-1 et 324-2 du code pénal, ou de recel prévus par les articles 321-1 et 321-2 du même code, du produit, des revenus, des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° à 13° ;

   
     

15° Délits d’association de malfaiteurs prévus par l’article 450-1 du code pénal, lorsqu’ils ont pour objet la préparation de l’une des infractions mentionnées aux 1° à 14° et 17° ;

   
     

16° Délit de non-justification de ressources correspondant au train de vie, prévu par l’article 321-6-1 du code pénal, lorsqu’il est en relation avec l’une des infractions mentionnées aux 1° à 15° et 17° ;

   
     

17° Crime de détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport commis en bande organisée prévu par l’article 224-6-1 du code pénal ;

   
     

18° Crimes et délits punis de dix ans d’emprisonnement, contribuant à la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs entrant dans le champ d’application de l’article 706-167 ;

   
     

19° Délit d’exploitation d’une mine ou de disposition d’une substance concessible sans titre d’exploitation ou autorisation, accompagné d’atteintes à l’environnement, commis en bande organisée, prévu à l’article L. 512-2 du code minier, lorsqu’il est connexe avec l’une des infractions mentionnées aux 1° à 17° du présent article.

   
     
   

« 20° Délits de dissimulation d’activités ou de salariés, de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé, de marchandage de main-d’œuvre, de prêt illicite de main-d’œuvre, d’emploi d’étrangers sans titre de travail prévus aux 1° et 3° de l’article L. 8221-1 et aux articles L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-2, L. 8231-1, L. 8234-1, L. 8241-1, L. 8243-1, L. 8251-1, L. 8256-2, L. 8256-6, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail. » ;

Amendement AS30

     

Pour les infractions visées aux 3°, 6° et 11°, sont applicables, sauf précision contraire, les dispositions du présent titre ainsi que celles des titres XV, XVI et XVII.

   
     
   

2° L’article 706-88 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

     

Art. 706-88. – Pour l’application des articles 63, 77 et 154, si les nécessités de l’enquête ou de l’instruction relatives à l’une des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 l’exigent, la garde à vue d’une personne peut, à titre exceptionnel, faire l’objet de deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heures chacune.

   
     

Ces prolongations sont autorisées, par décision écrite et motivée, soit, à la requête du procureur de la République, par le juge des libertés et de la détention, soit par le juge d’instruction.

   
     

La personne gardée à vue doit être présentée au magistrat qui statue sur la prolongation préalablement à cette décision. La seconde prolongation peut toutefois, à titre exceptionnel, être autorisée sans présentation préalable de la personne en raison des nécessités des investigations en cours ou à effectuer.

   
     

Lorsque la première prolongation est décidée, la personne gardée à vue est examinée par un médecin désigné par le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire. Le médecin délivre un certificat médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l’aptitude au maintien en garde à vue, qui est versé au dossier. La personne est avisée par l’officier de police judiciaire du droit de demander un nouvel examen médical. Ces examens médicaux sont de droit. Mention de cet avis est portée au procès-verbal et émargée par la personne intéressée ; en cas de refus d’émargement, il en est fait mention.

   
     

Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, si la durée prévisible des investigations restant à réaliser à l’issue des premières quarante-huit heures de garde à vue le justifie, le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction peuvent décider, selon les modalités prévues au deuxième alinéa, que la garde à vue fera l’objet d’une seule prolongation supplémentaire de quarante-huit heures.

   
     

Par dérogation aux dispositions des articles 63-4 à 63-4-2, lorsque la personne est gardée à vue pour une infraction entrant dans le champ d’application de l’article 706-73, l’intervention de l’avocat peut être différée, en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête ou de l’instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte aux personnes, pendant une durée maximale de quarante-huit heures ou, s’il s’agit d’une infraction mentionnée aux 3° ou 11° du même article 706-73, pendant une durée maximale de soixante-douze heures.

   
     

Le report de l’intervention de l’avocat jusqu’à la fin de la vingt-quatrième heure est décidé par le procureur de la République, d’office ou à la demande de l’officier de police judiciaire. Le report de l’intervention de l’avocat au-delà de la vingt-quatrième heure est décidé, dans les limites fixées au sixième alinéa, par le juge des libertés et de la détention statuant à la requête du procureur de la République. Lorsque la garde à vue intervient au cours d’une commission rogatoire, le report est décidé par le juge d’instruction. Dans tous les cas, la décision du magistrat, écrite et motivée, précise la durée pour laquelle l’intervention de l’avocat est différée.

   
     

Lorsqu’il est fait application des sixième et septième alinéas du présent article, l’avocat dispose, à partir du moment où il est autorisé à intervenir en garde à vue, des droits prévus aux articles 63-4 et 63-4-1, au premier alinéa de l’article 63-4-2 et à l’article 63-4-3.

   
     
   

« Le présent article n’est pas applicable aux délits mentionnés au 20° de l’article 706-73. »

Amendement AS30

     
 

Article 8

Article 8

 

Le candidat auquel il est envisagé d’attribuer un marché public doit produire une attestation d’assurance justifiant de la couverture de sa responsabilité décennale obligatoire, lorsque les travaux objet du marché relèvent de l’assurance décennale obligatoire au regard de l’article L. 243-1-1 du code des assurances.

Le candidat …

… responsabilité à l’égard du maître de l’ouvrage, du représentant du pouvoir adjudicateur et des tiers, victimes d’accidents ou de dommages, causés par l’exécution des prestations. Pour les ouvrages de construction autres que ceux mentionnés aux articles L. 243-1 et L. 243-1-1 du code des assurances, cette attestation doit inclure sa responsabilité décennale.

Amendements AS16, AS5 et AS10

     
 

Cette attestation d’assurance émane et est signée par un assureur régulièrement établi sur le territoire français ou par un assureur établi dans un autre pays mais ayant reçu un agrément de l’autorité de contrôle prudentiel lui permettant d’exercer en France dans la branche d’assurance des risques faisant l’objet de l’attestation d’assurance.

 
     
 

Elle comporte des mentions obligatoires définies par arrêté du ministre des finances et du ministre du travail.

 
     
   

Article 9

Code des transports

 

Le titre unique du livre III de la troisième partie du code des transports est ainsi modifié :

     
   

1° Le chapitre III est complété par un article L. 3313-3 ainsi rédigé :

     
   

« Art. L. 3313-3. – Il est interdit à tout conducteur routier de prendre à bord d’un véhicule le repos hebdomadaire normal défini au h de l’article 4 du règlement (CE) 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CE) n° 2135-98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/25 du Conseil.

     
   

« Tout employeur veille à ce que l’organisation du travail des conducteurs routiers soit conforme aux dispositions relatives au droit au repos hebdomadaire normal. » ;

Amendement AS28

     
   

2° Après l’article L. 3315- 4, il est inséré un article L. 3315-4-1 ainsi rédigé :

     
   

« Art. L. 3315-4-1. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende :

     
   

« a) Le fait d’organiser le travail des conducteurs routiers employés par l’entreprise ou mis à sa disposition sans veiller à ce que ceux-ci prennent en dehors de leur véhicule leur temps de repos hebdomadaire normal défini au h de l’article 4 du règlement (CE) 561/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CE) n° 2135-98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/25 du Conseil ;

     
   

« b) Le fait de rémunérer, à quel que titre et sous quelle que forme que ce soit, des conducteurs routiers employés par l’entreprise ou mis à sa disposition, en fonction de la distance parcourue ou du volume des marchandises transportées, dès lors que ce mode de rémunération est de nature à compromettre la sécurité routière ou à encourager les infractions au règlement (CE) 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, précité. » ;

Amendement AS28

     

Art. L. 3315-6. – Est passible des peines prévues par le présent chapitre et des peines sanctionnant les obligations mentionnées au présent titre ainsi qu’aux titres II et III du livre Ier de la troisième partie du code du travail toute personne qui, chargée à un titre quelconque de la direction ou de l’administration de toute entreprise ou établissement, a, par un acte personnel, contrevenu aux dispositions précitées du présent titre et du code du travail ou commis les faits sanctionnés par les articles L. 3315-2, L. 3315-4 et L. 3315-5.

 

3° Au premier alinéa de l’article L. 3315-6, après la référence : « L. 3315-4 », est insérée la référence : « , L. 3315-4-1 ».

Amendement AS28

     

Cette personne est passible des mêmes peines si elle a, en tant que commettant, laissé contrevenir à ces dispositions ou commettre ces faits toute personne relevant de son autorité ou de son contrôle, en ne prenant pas les dispositions de nature à en assurer le respect.

   
     

Le préposé est passible des mêmes peines lorsque l’infraction résulte de son fait personnel.

   
     
   

Article 10

     

Art. L. 3421-3. – L’activité de cabotage routier de marchandises, telle que prévue par le règlement (CE) n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route est subordonnée à la réalisation préalable d’un transport routier international. À cette condition, elle peut être pratiquée à titre temporaire par tout transporteur routier pour compte d’autrui établi dans un État partie à l’Espace économique européen et titulaire d’une licence communautaire, aux fins de rationalisation du transport international aux plans économique, énergétique et environnemental, sous réserve des dispositions transitoires prévues par les traités d’adhésion à l’Union européenne en matière de cabotage routier de marchandises.

 

À la seconde phrase de l’article L. 3421-3 du code des transports, les mots : « et titulaire d’une licence communautaire » sont supprimés.

Amendement AS29

ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF

Code du travail

Art. L. 8224-5. – Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, des infractions prévues par les articles L. 8224-1 et L. 8224-2 encourent :

1° L’amende, dans les conditions prévues à l’article 131-38 du code pénal ;

2° Les peines mentionnées aux 1° à 5°, 8° et 9° de l’article 131-39 du même code.

L’interdiction prévue au 2° de l’article 131-39 du code pénal porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

Art. L. 8234-1. – Le fait de commettre le délit de marchandage, défini par l’article L. 8231-1, est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros.

La juridiction peut prononcer, en outre, l’interdiction de sous-traiter de la main-d’œuvre pour une durée de deux à dix ans.

Le fait de méconnaître cette interdiction, directement ou par personne interposée, est puni d’un emprisonnement de douze mois et d’une amende de 12 000 euros.

La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l’affichage du jugement aux frais de la personne condamnée dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal et son insertion, intégrale ou par extraits, dans les journaux qu’elle désigne.

Art. L. 8234-2. – Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, du délit de marchandage défini à l’article L. 8231-1 encourent les peines suivantes :

1° L’amende dans les conditions prévues à l’article 131-38 du code pénal ;

2° Les peines mentionnées aux 1° à 5°, 8° et 9° de l’article 131-39 du même code.

L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

Art. L. 8243-1. – Le fait de procéder à une opération de prêt illicite de main-d’œuvre en méconnaissance des dispositions de l’article L. 8241-1, est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros.

La juridiction peut prononcer, en outre, l’interdiction de sous-traiter de la main-d’œuvre pour une durée de deux à dix ans.

Le fait de méconnaître cette interdiction, directement ou par personne interposée, est puni d’un emprisonnement de douze mois et d’une amende de 12 000 euros.

Dans tous les cas, la juridiction peut ordonner, aux frais de la personne condamnée, l’affichage du jugement aux portes des établissements de l’entreprise et sa publication dans les journaux qu’elle désigne.

Art. L. 8243-2. – Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, du délit de prêt illicite de main-d’œuvre prévu par l’article L. 8241-1 encourent les peines suivantes :

1° L’amende dans les conditions prévues à l’article 131-38 du code pénal ;

2° Les peines mentionnées aux 1° à 5°, 8° et 9° de l’article 131-39 du même code.

L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

Art. L. 8256-7. – Les personnes morales reconnues pénalement responsables, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, des infractions prévues au présent chapitre, à l’exception de l’article L. 8256-1, encourent :

1° L’amende, dans les conditions prévues à l’article 131-38 du code pénal ;

2° Les peines mentionnées aux 1° à 5°, 8° et 9° de l’article 131-39 du même code.

L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
CONVENTION DU TRAVAIL MARITIME – SYNTHĖSE DES CONDITIONS MINIMALES DE TRAVAIL ET D’EMPLOI

TITRE I : CONDITIONS MINIMALES REQUISES POUR LE TRAVAIL DES GENS DE MER

Norme A1.1 :

âge minimum

L’âge minimum pour le travail à bord d’un navire est fixé à 16 ans. Les jeunes de moins de 18 ans ne doivent pas effectuer un travail susceptible de mettre en péril leur santé et leur sécurité. Le travail de nuit est interdit pour les moins de 18 ans, sauf par dérogation.

Norme A1.2 : certificat médical

Tous les marins doivent être en possession d’un certificat médical (valide deux ans au maximum, un an pour les moins de 18 ans) certifiant qu’ils sont médicalement aptes au travail qui leur sera assigné en mer.

Règle 1.3 : formation et qualifications

Les marins doivent être qualifiés pour exercer leurs fonctions (suivi d’une formation ou détention d’un certificat de capacité). En outre, ils doivent avoir suivi avec succès une formation à la sécurité individuelle à bord des navires.

Règle 1.4 : recrutement et placement

Les marins doivent avoir accès à un système « efficient et bien réglementé » de recrutement et de placement.

TITRE II : CONDITIONS D’EMPLOI

Norme A2.1 : contrat d’engagement maritime

Les marins doivent être en possession d’un contrat de travail clair et conforme au code, et ils doivent avoir été en mesure de l’approuver librement. Ce contrat doit notamment préciser la fonction, le salaire, les congés payés et les prestations sociales des marins.

Norme A2.2 : salaires

Ils doivent être rétribués régulièrement et conformément au contrat. Ils doivent avoir la possibilité de faire parvenir tout ou partie de cette rémunération à leur famille.

Norme A2.3 : durée du travail ou du repos

La durée du travail des gens de mer est réglementée comme suit : le nombre maximal d’heures de travail ne doit pas excéder 14 heures par période de 24 heures, 72 heures par période de sept jours ; ou bien le nombre minimal d’heures de repos ne doit pas être inférieur à dix heures par période de 24 heures et à 77 heures par période de sept jours. Ces horaires peuvent cependant être modifiés, à titre exceptionnel, en cas d’urgence (pour assurer la sécurité immédiate du navire ou porter secours à d’autres navires ou à des personnes en mer).

Norme A2.4 : droit à un congé

Les marins ont droit à un congé payé, sur la base minimum de 2,5 jours civils par mois.

Norme A2.5 : rapatriement

Les gens de mer ont le droit d’être rapatriés sans frais lorsque le contrat expire alors qu’ils sont à l’étranger ; lorsque le contrat est dénoncé par l’armateur ou le marin pour des raisons justifiées ; lorsque le marin n’est plus en mesure d’exercer ses fonctions. Le rapatriement ne doit pas occasionner de frais pour le marin, sauf si ce dernier a été reconnu coupable d’un manquement grave.

Norme A2.6 : indemnisation des gens de mer en cas de perte du navire ou de naufrage

Les marins ont droit à une indemnisation en cas de lésion, perte ou chômage découlant de la perte du navire ou du naufrage.

Norme A2.7 : effectifs

Les effectifs doivent être suffisants « en nombre et en qualité » pour assurer la sécurité, l’efficience et la sûreté de l’exploitation du navire.

Règle 2.8 : développement des carrières et des aptitudes professionnelles, possibilités d’emploi des gens de mer

Les États doivent prendre des mesures pour développer les carrières et les aptitudes professionnelles, ainsi que les possibilités d’emploi des gens de mer.

TITRE III : LOGEMENT, LOISIRS, ALIMENTATION ET SERVICE DE TABLE

Norme A3.1 : logement et loisirs

Les États veillent à ce que les navires battant leur pavillon disposent de logement et de lieux de loisirs décents. La convention fixe des règles concernant la superficie, l’isolement, la localisation, l’éclairage, le chauffage et la climatisation des locaux.

Règle 3.2 : alimentation et service de table

Les gens de mer sont nourris gratuitement. La nourriture doit être de quantité et de qualité suffisante, et il convient de tenir compte des appartenances culturelles et religieuses. Le personnel chargé de la préparation des repas doit être qualifié.

TITRE IV : PROTECTION DE LA SANTÉ, SOINS MÉDICAUX, BIEN-ÊTRE ET SÉCURITÉ SOCIALE

Règle 4.1 :

soins médicaux à bord des navires et à terre

Les gens de mer ont accès à des soins rapides et adéquats pendant leur service à bord, et en principe gratuits. Ils ont aussi accès aux installations médicales à terre s’ils requièrent des soins immédiats. Tout navire dispose d’une pharmacie de bord, de matériel médical et d’un guide médical, ainsi que d’un médecin qualifié ou d’un marin chargé des soins médicaux.

Règle 4.2 : responsabilité des armateurs

Les gens de mer ont droit à une assistance matérielle de l’armateur pour faire face aux conséquences financières des maladies, accidents ou décès survenus durant leur service.

Règle 4.3 : protection de la santé et de la sécurité et prévention des accidents

L’environnement de travail doit être sûr et sain, de façon à prévenir le plus possible les accidents du travail, les situations dangereuses et les maladies professionnelles.

Norme A4.4 :

accès à des installations de bien-être à terre

Les gens de mer doivent avoir accès, sans discriminations, à des installations et services à terre permettant d’assurer leur santé et leur bien-être (foyers, clubs ou installations sportives).

Règle 4.5 :

sécurité sociale

Tout État partie s’engage à assurer progressivement une sécurité sociale complète qui ne soit pas moins favorable que celle dont jouissent les travailleurs employés à terre.

ANNEXE N° 4 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Ø Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) – M. Claude Cochonneau, président de la commission Emploi, et Mme Natacha Marquet, chargée de mission, et Mme Nadine Normand, attachée parlementaire

Ø Synhorcat – M. Didier Chenet, président

Ø Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) – M. Albert Quenet, premier vice-président, président de PRO BTP, M. Dominique Proux, relations institutionnelles et européennes, et Mme Valérie Guillotin, juriste, chargée de mission au service des affaires juridiques et sociales

Ø Mouvement des entreprises de France (MEDEF) – Mme Chantal Foulon, directrice adjointe à la direction des relations sociales, et Mme Kristelle Hourques, chargée de mission sénior à la direction des affaires publiques

Ø SYNTEF-CFDT – M. Olivier Gomes, contrôleur du travail et M. Luc Durand

Ø Organisation des transports routiers européens (OTRE) – M. Gilles Mathelie-Guinlet, secrétaire général, et M. Jean-Marc Rivera, secrétaire général adjoint

© Assemblée nationale

1 () Source : Journal Officiel des Communautés européennes du 19 novembre 1979, p. 186, consultable en ligne : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:1979:291:FULL:FR:PDF

2 () http://www.immigration-professionnelle.gouv.fr/sites/default/files/fckupload/Arrete_du_01-10-2012.pdf

3 () En France, c'est le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui s'applique. http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/f13512.xhtml

4 () L’adhésion d’un État à l’Espace Schengen doit recueillir l’unanimité des 26 États membres de la zone. La candidature de la Bulgarie et de la Roumanie se heurte toujours au veto des Pays-Bas.

5 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement des travailleurs (texte E 7220).

6 () Rapport d’information n° 1087 fait au nom par la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale sur la proposition de directive relative à l’exécution de la directive sur le détachement des travailleurs déposé le 29 mai 2013 par M. Gilles Savary, Mme Chantal Guittet et M. Michel Piron.

7 () Résolution sur la proposition de directive relative à l’exécution de la directive sur le détachement de travailleurs, considérée comme définitive en application de l’article 151-7 du Règlement par l’Assemblée nationale le 11 juillet 2013.

8 () Rapport d'information n° 527, fait au nom de la commission des affaires européennes du Sénat, déposé le 18 avril 2013 par M. Éric Bocquet.

9 () Conseil des ministres de l’emploi et des affaires sociales des 28 États membres de l’Union européenne.

10 () S’agissant de la France, un tableau récapitulatif et interactif concernant mes formulaires, durées et formalités en fonction des pays et du type de détachement est disponible sur le site du Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale :

11 () Version consolidée disponible sur :

12 () Convention 80/934/CEE sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980.

13 () Règlement (CE) 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).

14 () Bilan du PNLTI 2013-2015, Perspectives 2014, commission nationale de lutte contre le travail illégal, 5 décembre 2013.

15 () Analyse des déclarations de détachement des entreprises prestataires de services en France en 2011, Direction générale du travail, septembre 2012.

16 () Rapport « l'élargissement de la communauté économique européenne » de Michel Souplet adopté par le Conseil économique et social le 28 février 1979. = http://archives.assemblee-nationale.fr/7/cri/1985-1986-ordinaire1/077.pdf.

17 () Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions « détachement de travailleurs dans le cadre de la prestation de services : en tirer les avantages et les potentialités maximum tout en garantissant la protection des travailleurs » {sec (2007) 747}.

18 () Recommandation 2008/C 85/01 de la commission du 31 mars 2008 relative à l'amélioration de la coopération administrative dans le contexte du détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services.

19 () http://travail-emploi.gouv.fr/informations-pratiques,89/les-fiches-pratiques-du-droit-du,91/detachement-de-salaries,407/.

20 () Communication de la commission au conseil, au parlement européen, au comité économique et social et au comité des régions sur la mise en œuvre de la directive 96/71/CE dans les États membres, COM (2003) 458 final, Bruxelles, le 25.7.2003.

21 () Proposition de résolution du parlement européen sur l'application de la directive 96/71/ce concernant le détachement de travailleurs (2006/2038 (ini).

22 () Analyse des déclarations de détachement des entreprises prestataires de services en France en 2011, Direction générale du travail, septembre 2012.

23 () Affaire C-43/93 (Raymond Vander Elst c. Office des migrations internationales), arrêt du 9 août 1994.

24 () Communication de la commission au conseil, au parlement européen, au comité économique et social et au comité des régions sur la mise en œuvre de la directive 96/71/CE dans les États membres, COM (2003) 458 final, Bruxelles, le 25.7.2003.

25 () Le texte a été adopté lors de la 94e conférence internationale du travail par un vote massif de 314 voix pour, aucune contre et 4 abstentions sur 106 délégations nationales composées de deux représentants de l’État, d’un représentant des employeurs et d’un représentant des salariés. http://www.imo.org/About/Conventions/ListOfConventions/Pages/Default.aspx

26 () Comparatif du coût du personnel de conduite et des règles sociales applicables dans le TRM de quelques pays européens, Etudes CNR Europe, Version du 12 juin 2013.

27 () Travailleurs détachés : « Tout ce qu'on veut, c'est retrouver une concurrence loyale », Anna Villechenon, leMonde. fr, 19.12.2013 ; Midi-Pyrénées. Concurrence espagnole : Le BTP en colère, Aline Gandy, Le journal des entreprises Edition Haute-Garonne, 3 mai 2013.

28 () Directive 2006/123/CE du parlement européen et du conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

29 () Affaire Vueling Airlines- Jugement de la Cour d’Appel de Paris du 31 janvier 2012 ; Affaire Cityjet Limited Jugement de la Cour d’appel de Paris du 8 octobre 2013 ; Affaire Ryanair - Jugement du Tribunal correctionnel d’Aix en Provence du 2 octobre 2013.

30 () Onshore Employment Intermediaries : False Self-Employment, Consultation document, HMRC, 2013.

31 () Ryanair : encore une combine antisociale !, Capital. fr, 24/12/2013 http://www.capital.fr/a-la-une/actualites/ryanair-encore-une-combine-antisociale-898142.

32 () Travail indépendant et faux travail indépendant dans le secteur de la construction, Partie 1 :Synthèse d’une étude comparative de 11 États membres, Prof. dr. Y. Jorens, Professeur de droit social européen, Université de Gand, Belgique Etude commandée par la Fédération Européenne des Travailleurs du Bâtiment et du Bois (FETBB), 2008.

33 () Cass. soc. 1er juillet 1997, n° 94-45.102

34 () Réponse à la question écrite n° 76823 de M. Michel Liebgott, député de Moselle, publiée au JO le 12/10/2010, page, 11146.

35 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement des travailleurs (texte E 7220).

36 () Dont on trouvera un formulaire type en annexe 3.

37 () http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+REPORT+A7-2013-0249+0+DOC+XML+V0//FR&language=fr.

38 () « 4. Juge de ce fait que l’Union européenne doit absolument se doter de dispositions et de moyens d’une tout autre ampleur pour prétendre accéder à son objectif de lutter efficacement contre le phénomène qui motive aujourd’hui une directive d’application ; ».

39 () « 42. invite la Commission à examiner l'opportunité de lancer et, le cas échéant, de mettre à disposition une carte européenne de sécurité sociale infalsifiable ou un autre document d'identité valable dans l'ensemble de l'Union, sur lequel pourraient être sauvegardées toutes les données nécessaires au contrôle de la relation de travail du porteur, par exemple en matière d'assurance sociale et de temps de travail, respectant strictement les règles de protection des données, en particulier dans la mesure où les données sensibles à caractère personnel sont traitées ; souligne dès lors qu'il importe que les conséquences pour la vie privée soient analysées avec soin avant et pendant tout le processus d'élaboration d'une telle carte ; ».

40 () Projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, n° 1721, déposé le 22 janvier 2014.

41 () Protocole (n° 27) sur le marché intérieur et la concurrence, publiée le 30 mars 2010 au Journal Officiel de l’Union européenne.

42 () Salariés détachés : une future loi trop timide, Hervé Guichaoua, Médiapart le 10 janvier 2014.

43 () Arrêt de la Cour d’Appel de Chambéry n° 13/795 du7 novembre2013.