N° 2201 - Rapport de M. Michel Vauzelle sur le projet de loi , après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord établissant une association entre l'Union européenne et ses Etats membres d'une part, et l'Amérique centrale d'autre part (n°2095)




N
° 2201

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 septembre 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, autorisant la ratification de l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres d’une part, et l’Amérique centrale d’autre part,

PAR M. Michel VAUZELLE

Député

——

ET

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 2095.

SOMMAIRE

___

Pages

I. L’ACCORD D’ASSOCIATION, FRUIT D’UN DIALOGUE INITIÉ DÈS LA FIN DES ANNÉES 1980 ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET L’AMÉRIQUE CENTRALE 7

A. L’AMÉRIQUE CENTRALE : UNE RÉGION PACIFIÉE SUR LE CHEMIN DE L’ÉMERGENCE 7

1. De la conquête de la paix civile à la recherche de la paix sociale 7

2. L’Amérique centrale a aujourd’hui les moyens d’ « émerger » 8

B. UN ACCORD GLOBAL QUI A VOCATION À RESSERRER LES LIENS ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES ENTRE L’UNION EUROPÉENNE ET CETTE RÉGION STRATÉGIQUE 10

1. Le présent accord s’inscrit dans le cadre du partenariat stratégique qui, depuis 1999, lie l’Union européenne et l’Amérique latine 10

2. Le partenariat stratégique, dont le présent accord est issu, s’articule autour de trois axes : le dialogue politique, le développement des échanges économiques et la coopération 12

3. L’Union européenne et l’Amérique Centrale : un dialogue politique initié en 1984 14

II. CONTENU ET ENJEUX DE L’ACCORD 15

A. UN ACCORD AU CHAMP TRÈS VASTE, QUI PROMEUT DE NOUVEAUX DOMAINES DE COOPÉRATION 15

1. Un accord global couvrant des sujets de « nouvelle génération » 15

2. Les enjeux pour l’Amérique centrale 16

3. Les enjeux pour l’Union européenne et la France 17

B. LES TROIS VOLETS DE L’ACCORD : POLITIQUE, COOPÉRATION ET COMMERCE 18

1. Le volet politique de l’accord 18

2. Le volet coopération de l’accord 21

3. Le volet commercial de l’accord 22

4. Le cadre institutionnel chargé de sa mise en œuvre 25

5. Entrée en vigueur et état des ratifications 27

CONCLUSION 29

EXAMEN EN COMMISSION 31

ANNEXE 1 : AUDITIONS 35

ANNEXE – TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 37

INTRODUCTION

L’Accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres d’une part, et les pays du Système d’intégration centre-américain ou SICA (Costa Rica, El Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua et Panama) d’autre part, a été signé le 29 juin 2012 à Tegucigalpa, à l’occasion du 29ème sommet des Chefs d’État et de gouvernement du SICA. Les négociations avaient préalablement abouti à Madrid en mai 2010 lors du 6ème sommet Union européenne - Amérique latine et Caraïbes.

Cet accord s’inscrit dans le cadre du partenariat encore en construction entre l’Union et l’Amérique latine, dont l’origine remonte à la fin des années 1990, avec le premier sommet Union européenne – Amérique latine et Caraïbes en 1999 à Rio. Jugeant alors prématurée la négociation d’accords d’association incluant l’établissant d’une zone de libre-échange, l’Union européenne avait souhaité s’en tenir, en 2003, à des accords de dialogue politique et de coopération excluant tout volet commercial avec l’Amérique centrale.

C’est aujourd’hui un accord global et ambitieux, couvrant aussi bien les échanges commerciaux que la coopération et le dialogue politique avec cette région stratégique qui est aujourd’hui soumis à l’examen de notre Assemblée.

Les pays signataires de l’accord côté centre-américain sont les cinq membres de l’ex-Marché Commun Centraméricain (MCCA : Costa Rica, Guatemala, Honduras, Nicaragua, El Salvador, fondé par le traité de Managua en 1960 et transformé en SICA en 1991) auxquels s’est joint le Panama. Ce dernier pays n’avait intégré les négociations, commencées en octobre 2007, qu’en mars 2010 après son adhésion au système d’intégration régional. De ce fait, ce traité est le cas le plus abouti à ce jour d’accord favorisant la coopération régionale en Amérique latine.

Les accords signés en août 1987 (Esquipulas I) par cinq pays d’Amérique centrale ont impulsé le processus de paix dans cette région qui était en proie aux guerres civiles depuis plus de dix ans (plus de 300 000 morts). Les présidents signataires avaient tracé le chemin pour établir une paix ferme et durable : ces traités prévoyaient un calendrier de cessez-le-feu et l’organisation d’élections libres ; ils appelaient aussi à « accélérer le développement et à établir des sociétés plus égalitaires et libérées de la misère ». C’est aussi dans ce cadre que l’intégration régionale s’est dynamisée avec la mise en place progressive du Système d’intégration centraméricain (SICA, 1991).

L’Amérique centrale peut se considérer comme une région à part entière, mais difficilement comme entité politique unie, homogène et solidaire. Cette zone se compose de républiques très différentes : certains Etats ont connu une longue période autoritaire (Guatémala, Salvador), le Costa Rica a vécu une expérience atypique, moulée dans le modèle social-démocrate européen depuis le milieu du XXe siècle, alors que d’autres ont conservé une rhétorique révolutionnaire (Nicaragua). Au Guatémala, les Accords de Paix de 1996 ont permis le retour de dizaines de milliers de personnes, principalement des autochtones, sur leurs terres, où sont encore régulièrement découverts les charniers des massacres perpétrés durant la guerre (1) . Leurs pratiques et traditions économiques sont tout aussi diverses : républiques caféières pour certaines (Guatémala, Costa Rica, El Salvador), bananières (Honduras) ou encore économie tertiaire s’agissant du Panama, l’Amérique centrale est aujourd’hui ouverte au commerce comme aux investissements, mais peine à combler un déficit flagrant dans le domaine industriel, même si le Costa Rica et le Guatémala sont, sur ce point, en avance sur leurs voisins. La plupart de ces Etats sont par ailleurs engagés dans un processus d’ « assainissement bancaire » afin de se mettre en conformité avec les règles internationales.

La violence et la pauvreté sont aujourd’hui les deux principaux obstacles au développement dans la région, qui s’alimentent mutuellement. Vingt ans après la fin des guerres civiles (2) , l’Amérique centrale se trouve toujours confrontée à de nombreux défis : outre celui du travail de mémoire, de réconciliation nationale (triangle nord), ou même de l’apaisement politique (Honduras), l’Amérique centrale doit sortir de la discrimination et de la violence quotidienne, anonyme, généralisée (3) , et trouver les voies d’un développement juste, inclusif et durable (61 % des Honduriens, 44 % des Nicaraguayens, 55 % des Guatémaltèques vivent sous le seuil de la pauvreté en 2013 selon le PNUD).

La conflictualité dans la région prend actuellement de nouvelles formes. A celles qui ont historiquement marqué les conflits sociaux (la terre, les conditions d’exploitation du travail, l’accès aux services publics, la discrimination raciale dont sont victimes les communautés indigènes notamment au Guatémala) sont venues s’ajouter de nouvelles composantes : la crise du café, les grands projets d’exploitation minière et pétrolière (mega-proyectos), le combat contre le trafic de stupéfiants, le crime organisé, l’accroissement des migrations, ou encore les conditions de vie des populations déplacées pendant les guerres civiles.

Par ailleurs, si au Costa Rica la démocratie parait mieux enracinée, les Etats centraméricains demeurent faibles et semblent sinon avoir des difficultés à contrôler certaines parties de leur territoire (c’est le cas du Petén au Guatémala, du Darien au Panama, et des zones urbaines gérées par les gangs dans les pays du triangle nord), du moins avoir le plus grand mal à exercer leurs pouvoirs régaliens (garantir l’ordre public et l’impunité, protéger la population). C’est aussi qu’ils peinent à garantir tant leur propre stabilité politique (le dernier coup d’Etat date de 2009 au Honduras) que des relations harmonieuses entre leurs institutions (les heurts entre pouvoirs exécutif, parlementaires sont ainsi la cause de divers « coups techniques » plus récents).

Si le processus d’Esquipulas a permis à ces Etats de réussir la paix civile, la paix sociale, elle, n’a jamais été ni recherchée par les élites, ni revendiquée par une société dont les couches populaires et les populations autochtones sont toujours soigneusement écartées du pouvoir.

L’Amérique centrale regorge d’atouts qu’elle n’a pas toujours su ou pu mettre à son profit - d’abord parce que certains Etats de l’isthme sont mieux dotés que les autres, mais également parce que les rivalités économiques l’emportent régulièrement sur la solidarité régionale, malgré la mise en place d’un marché commun centraméricain dès 1960.

Région-charnière, l’Amérique centrale bénéficie à nouveau, depuis une quinzaine d’années, de la rente géostratégique qui lui revient de droit. Si le Panama est aujourd’hui le seul pays à profiter directement de ce « rôle de plateforme » - grâce aux revenus du canal (5 % du commerce mondial) -, qui au demeurant lui appartient depuis peu (1999), ses voisins tirent toutefois des avantages non négligeables des faibles coûts logistiques dans la région. Qui plus est, le Nicaragua espère accueillir prochainement un second canal transisthmique.

L’Amérique centrale bénéficie du même dividende démographique que ses voisins du sud et du nord. Forte de 45 millions d’habitants, l’Amérique centrale est l’une des régions les plus densément peuplées des Amériques (après certaines îles des Caraïbes) : le Guatémala compte ainsi 15 millions d’habitants, soit autant que la Bolivie ou le Chili, mais sur un territoire 7 à 10 fois moins étendu.

La force de cette région réside non seulement dans le dynamisme et la jeunesse de sa population (au Salvador par exemple, 64% des habitants ont moins de 30 ans), mais surtout sur son dividende démographique. Avec moins de naissances chaque année (en Amérique centrale le nombre moyen d’enfant par femme est passé de 5,8 en 1975 à 3 en 2012 (4) ), la population en âge de travailler augmente par rapport à la population jeune et dépendante. Bénéficiant d’une population active de plus en plus importante et moins de jeunes à prendre en charge, l’Amérique centrale a les clés en main pour réussir son développement si elle couple les revenus de sa croissance à des politiques publiques investissant le champs de la santé, l’éducation, ou encore la gouvernance (c’est l’objectif « affiché » des gouvernements costaricien et panaméen).

Contrairement aux idées reçues, l’économie centraméricaine est dynamique : en moyenne 3,7 % de croissance en 2013 (augmentation du PIB régional de + 52 % entre 2009 et 2013 sur la zone, hors Bélize) et certains pays de l’isthme possèdent un PIB plus important en volume que les Sud-Américains : c’est le cas du Guatémala (50 Mds $), du Costa Rica (48 Mds de $) et du Panama (41 Mds de $) qui dépassent de loin les PIB bolivien (27 Mds de $) et paraguayen (30 Mds de $). En matière de développement économique et social, deux pays se démarquent, non seulement des autres Centraméricains mais aussi à l’échelle du continent : en terme de PIB par habitant, le Panama et le Costa Rica (respectivement 11 000 $ et 10 000 $ par an) suivent de près l’Argentine et le Brésil (11 000-12 000 $) et se placent bien avant la Colombie (8 000 $ par an) et le Pérou (7 000 $).

Si ce dynamisme économique s’explique en partie par les liens commerciaux étroits que la région à tissés avec les Etats-Unis (5) , celui-ci a vocation à s’approfondir avec l’application de l’accord d’association Union européenne-Amérique centrale, signé en 2012. Enfin, si on ne peut comparer l’Amérique centrale aux grandes puissances énergétiques ou agricoles du continent américain, ses ressources (forestières, minérales, agricoles (6) , et surtout humaines), ne sont pas négligeables.

L’intégration régionale est enfin un des leviers de l’émergence centraméricaine, pour autant que la volonté politique des Etats l’accompagne. Dynamisée dans les années 1990, l’intégration régionale pourrait être l’outil de développement économique et social le plus efficient en Amérique centrale. Le Système d’intégration centraméricain (SICA), lancé en parallèle des processus de paix, devait répondre à cet objectif en permettant à la région de redistribuer ses richesses et de consolider son attractivité économique. C’est un cadre adéquat, également, pour consolider l’enseignement et la formation supérieure des élites et de la main d’œuvre en général. L’instrument régional doit permettre enfin de mettre en commun les ressources pour faire face aux aléas climatiques et phytosanitaires (catastrophes naturelles, maladie du café).

Néanmoins, pour que cet outil fonctionne de façon efficiente et durable, les Etats de la région doivent faire preuve d’une plus forte volonté politique (l’isthme est toujours en proie à de nombreux différends frontaliers qui, loin d’être susceptibles de créer un conflit, enlisent l’entente régionale). Une nouvelle génération au discours plus pragmatique semble se construire ces dernières années : ainsi, le Panama intègre pleinement le SICA en 2012 (7) , tandis que les élites montantes font preuve d’un goût renouvelé pour l’union régionale (comme le démontrent les dernières présidences tournantes du Système d’intégration, qui ont travaillé à la clarification et au renforcement des institutions régionales).

Ce n’est qu’à partir de la fin des années 80 que les liens entre l’Union européenne et l’Amérique du Sud ont été véritablement perçus comme stratégiques, au moment de la vague de démocratisation qui a touché plusieurs pays de la région, mais aussi sous la pression de l’Espagne et du Portugal qui ont rejoint la Communauté européenne en 1986.

Fruit d’une initiative franco-espagnole, le premier Sommet Union européenne -Amérique latine de Rio a jeté, en 1999, les bases d’un partenariat stratégique entre les deux régions. L’Union européenne et l’Amérique latine se sont engagées à établir une relation forte dans les domaines politique, économique et culturel. Le dialogue se structure aujourd’hui autour de trois piliers : dialogue politique, commerce et coopération.

Dans cette perspective, la Commission européenne a fixé plusieurs objectifs à plus ou moins long terme, tels que :

– la mise en place d’un réseau d’accords d’association, y compris de libre-échange, avec l’objectif principal d’approfondir l’intégration de la région ;

– l’établissement de dialogues politiques qui soutiendront l’influence des deux partenaires sur la scène internationale ;

– le développement de dialogues sectoriels visant à réduire les inégalités sociales et à promouvoir le développement durable ;

– le renforcement du cadre permettant aux pays latino-américains d’attirer davantage les investissements européens au profit du développement économique ;

– une meilleure adaptation de l’aide et de la coopération aux besoins des pays ;

– l’amélioration de la compréhension mutuelle au moyen de l’éducation et de la culture.

Le Sommet de Madrid de mai 2002 a poursuivi l’approfondissement de relations économiques et de coopération et décidé d’intensifier le dialogue politique engagé à Rio. C’est ainsi la déclaration adoptée à Madrid qui a donné un mandat politique pour négocier les deux accords de dialogue politique et de coopération avec la Communauté andine et avec les pays d’Amérique centrale, tandis qu’un accord d’association était conclu avec le Chili.

Lors du sommet de Vienne de 2006, marqué par la participation du nouveau président Bolivien M. Evo Morales, les participants ont insisté sur :

– le multilatéralisme : soutien au système de l’ONU, au désarmement, à la gouvernance, à la lutte contre le terrorisme, les narcotrafiquants, la criminalité organisée, etc.;

– la cohésion sociale : lutte contre l’exclusion sociale par le biais de politiques sociales efficaces, de crédits accrus et d’échange d’expériences ;

– la relation bi-régionale : encouragement à la poursuite des négociations de l’accord d’association avec le Mercosur, développement de la libéralisation commerciale, solution juste et durable au problème de la dette, soutien à l’intégration régionale, coopération bi-régionale accrue dans des matières comme l’environnement, l’énergie et les migrations; accroissement des initiatives dans les domaines de l’éducation, de la culture, de la science et de la technologie.

C’est à l’occasion de ce Sommet de Vienne que la décision de principe a été prise en vue de la négociation d’accords d’association avec les pays d’Amérique centrale et ceux de la Communauté andine.

Depuis une communication de l’UE en 2009, prônant un partenariat entre acteurs mondiaux, le dialogue politique bi-régional inclut désormais un agenda global (droits de l’homme, drogue, climat, énergie, migrations, sciences, société, etc…). L’UE doit alors faire montre de sa solidité face à sa crise financière pour rappeler la plus-value de son partenariat et de ses investissements. Pour donner davantage de visibilité à cette relation, deux outils politiques ont été élaborés. Le Plan d’action de Madrid, défini au Sommet UE/ALC en mai 2010, donne une feuille de route de la relation bi-régionale autour de six axes (sciences, technologie, innovation, développement durable, changement climatique, énergie, biodiversité ; migrations, intégrations régionales ; éducation ; drogue). La Fondation EU-LAC, inaugurée en novembre 2011, est une plate-forme destinée à favoriser notamment la participation de la société civile et définir ainsi une nouvelle dynamique pour les échanges UE/ALC. Pour autant que ses membres s’en emparent, cette Fondation peut devenir un nouveau levier de la relation. La France bénéficie d’un statut de partenaire stratégique qu’elle a confié à l’Institut des Amériques (IdA).

En décembre 2010, le Groupe de Rio, qui regroupait l’ensemble des pays d’Amérique latine, a été remplacé par la CELAC (Communauté des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes), un nouvel interlocuteur unique et plus inclusif qui monte en puissance. Le 1er Sommet UE-CELAC/7ème Sommet UE-ALC qui s’est tenu à Santiago (Chili), les 26 et 27 janvier 2013, a porté sur une alliance pour le développement durable en vue de la promotion des investissements de qualité sociale et environnementale. Lors de ce sommet, les dirigeants ont adopté une déclaration politique et ont élargi le plan d’action adopté lors du Sommet de Madrid de 2010, notamment à la question du genre. Le prochain sommet UE-CELAC aura lieu à Bruxelles les 10 et 11 juin 2015.

La dimension commerciale de la relation entre Union européenne et Amérique latine est également centrale. La croissance soutenue de l’Amérique latine depuis 2004 (entre 4,2 et 6,2 % par an), accompagnée par une montée rapide des classes moyennes (180 millions de Latino-Américains étaient considérés en 2009 comme appartenant à la classe moyenne ; ils seront 250 millions en 2020), devrait se stabiliser à environ 4 % entre 2010 et 2017, même en prenant en compte le ralentissement actuel. En tout état de cause, la région possède des réserves de matières premières considérables, qu’il s’agisse de minerais, d’hydrocarbures, d’eau (35 % des réserves mondiales), de forêts (40 %) ou de terres cultivables (25 %).

Ses économies souffrent toutefois de faiblesses structurelles, que ses dirigeants souhaitent désormais corriger : la faiblesse des services publics ; une insuffisante diversification (les matières premières représentent 60 % des exportations) ; le manque d’infrastructures ; un déficit en formation des ressources humaines ; l’insuffisance de la recherche / développement (inférieure à 1 % du PIB) ; et les inégalités entre les différentes catégories de population, dont ce continent détient toujours le record mondial, même si elles tendent à se réduire (recul de la pauvreté passée de 44% de la population en 2002 à 30% en 2011).

L’UE est le principal investisseur dans la région (43% du stock d’investissement direct étranger) et le deuxième partenaire commercial de l’Amérique Latine et des Caraïbes, après les Etats-Unis. Elle veille désormais au développement de ses échanges commerciaux sur une base équilibrée avec l’ALC. Pour ce faire, elle a réformé le système de préférences généralisées (SPG), qui accorde un accès préférentiel au marché de l’UE aux pays n’ayant pas encore signé d’accord de libre-échange avec elle (ainsi que le SPG+ qui leur accorde les conditions encore plus favorables).

Deux accords de libre-échange ont été actés lors du Sommet de Madrid en 2010 avec des sous-ensembles régionaux. Le premier avec six pays d’Amérique centrale (accord d’association) a été signé en juin 2012 et doit désormais être ratifié par les États parties ; le second avec la Colombie et le Pérou (accord de libre-échange multipartite qui procède de l’objectif de parvenir à un accord avec la Communauté andine des Nations dans son ensemble), également signé en juin 2012, est entré en vigueur le 1er mars 2013 s’agissant du Pérou, le 1er août de la même année s’agissant de la Colombie (l’Equateur devrait rejoindre cet ALE au terme des négociations commerciales avec l’UE en cours). Ces accords couvrent une large gamme de produits et comprennent une clause suspensive en matière de droits de l’homme.

Des négociations avec le Mercosur afin de parvenir à un accord de libre-échange ont été relancées en 2010 mais n’ont pu à ce jour aboutir (report de l’échange des offres, difficultés internes du Mercosur). Si l’UE a d’importants intérêts offensifs dans cette négociation, dans les domaines tels que la propriété intellectuelle, les indications géographiques, les marchés publics, les services ou l’investissement, elle cherche aussi à préserver ses intérêts défensifs, qui sont essentiellement agricoles (viande bovine, volaille, sucre) et qui concernent particulièrement la France.

La coopération est un des volets majeurs du dialogue avec l’Amérique latine. L’Union européenne est le premier contributeur de l’aide au développement en Amérique latine ; son aide (bilatérale, régionale et thématique) cible la lutte contre la pauvreté et le soutien à l’intégration régionale. Elle repose sur l’Instrument de financement de la coopération au développement (ICD) pour les pays d’Amérique latine, et Cuba et sur le Fonds européen de développement (FED) pour les pays de la Caraïbe.

Pour l’ICD, la réforme qui modifie le périmètre de la composante bilatérale exclue désormais certains pays (Argentine, Brésil, Chili, Costa Rica, Mexique, Panama, Venezuela et Uruguay) de ses bénéfices. En effet, la programmation au titre de l’ICD pour la période 2014-2020 est marquée par la mise en œuvre du principe de différenciation, qui a pour but de concentrer les ressources là où elles sont le plus nécessaires et là où elles peuvent avoir le plus d’impact, pour faire reculer la pauvreté. Le principe de différenciation ne s’appliquant pas aux programmes régionaux et thématiques de l’ICD, les pays exclus des programmes bilatéraux demeureront éligibles à ces derniers.

La réforme du Fed devait aussi faire évoluer l’aide allouée aux pays de la Caraïbe, sur le principe de différenciation entre l’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP). Le 2 septembre 2014, M. Andris Piebalgs, commissaire européen au développement, et des représentants de 21 pays d’ACP ont cosigné les programmes indicatifs nationaux (PIN) au titre du 11ème Fed (2014-2020) pour un montant total de 339 M€. La liste des pays signataires comprend dix États des Caraïbes pour un montant de 121,9 M€.

La programmation conjointe – qui traduit la nouvelle obligation (traité de Lisbonne) pour l’UE et ses Etats membres de coordonner leur politiques en matière d’action extérieure, notamment de coopération au développement – a d’ores et déjà été appliquée à Haïti, suite au séisme. D’autres exercices sont en cours notamment au Guatémala et au Paraguay.

D’autres instruments, tels que la LAIF, facilité d’investissement vise à encourager les investissements bi-régionaux en Amérique Latine.

L’UE entretient avec les pays d’Amérique centrale une relation forte portant notamment sur un dialogue politique, un cadre de coopération et un régime commercial préférentiel.

Lancé en 1984, le dialogue de San José forme la pierre angulaire des relations entre l’UE et l’Amérique centrale. Son objectif était de trouver des solutions aux conflits armés par la voie de la négociation. Les deux régions ont conclu un accord-cadre de coopération en 1993 et un accord de dialogue politique et de coopération signé en 2003.

En juin 2007, des négociations ont été lancées en vue de conclure un accord d’association entre l’UE et l’Amérique centrale (AC). Ces négociations ont pris fin en 2010, lors du sommet UE-ALC à Madrid. Les pays participants étaient le Costa Rica, le Guatémala, le Salvador, le Nicaragua et le Honduras (le Panama a rejoint les négociations en tant que membre à part entière à la fin du processus).

Le vaste accord conclu porte sur tous les aspects des relations (dialogue politique, coopération et zone de libre-échange) et permettra de renforcer les liens entre les deux parties. Il s’agit du premier accord de région à région conclu par l’Union européenne. Il contribuera à accélérer l’intégration régionale, à consolider la démocratie et à améliorer la situation en matière de sécurité en Amérique centrale. D’autres thématiques sont également abordées par l’UE dans sa programmation subrégionale en Amérique centrale telles que le changement climatique et la gestion des crises.

L’accord établissant une association entre l’Union européenne (UE) et ses États membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part, constitue le premier succès enregistré par l’UE dans le cadre de ses efforts pour promouvoir l’intégration régionale. En effet, il s’agit du premier accord signé de bloc à bloc depuis l’adoption de la stratégie Global Europe en 2006. Aux termes de cette stratégie, la politique commerciale commune de l’Union européenne doit mettre l’accent sur la compétitivité de l’économie européenne et sur des règles de concurrence équitable sur des marchés ouverts. Il convient à cette fin de négocier des accords de libre-échange d’une nouvelle génération, couvrant non seulement les sujets commerciaux classiques (libéralisation tarifaire et non tarifaire, libéralisation des services et de l’investissement, défense commerciale) mais également les domaines liés au commerce (développement durable, concurrence).

Les accords d’association négociés par l’UE avec le Mexique et le Chili au début des années 2000 comprenaient un accord de libre-échange. Toutefois, à la différence de celui conclu avec l’Amérique centrale, ce ne couvre pas les volets inclus dans les accords dits de nouvelle génération comme la propriété intellectuelle ou encore le développement durable. L’accord conclu avec le Pérou et la Colombie qui est d’application provisoire depuis respectivement le 1er mars et le 1er août 2013, et que l’Equateur va rejoindre (fin des négociations en juillet 2014), couvre également les sujets de nouvelle génération.

Les objectifs de l’accord sont les suivants :

– développer un partenariat politique privilégié, fondé sur des valeurs, des principes et des objectifs communs, en particulier le respect et la promotion de la démocratie et des droits de l’Homme, du développement durable, de la bonne gouvernance et de l’État de droit, avec l’engagement de promouvoir et de protéger ces valeurs et ces principes sur la scène internationale, de manière à contribuer au renforcement du multilatéralisme ;

– favoriser la coopération birégionale (soit la coopération entre les régions parties à l’accord) dans tous les domaines d’intérêt commun, afin de rendre le développement économique et social plus équitable et plus durable dans les deux régions ;

– développer et diversifier les relations commerciales birégionales entre les parties dans le respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) afin de contribuer au renforcement de la croissance économique, à l’amélioration progressive de la qualité de vie dans les deux régions et à une meilleure intégration des deux régions dans l’économie mondiale ;

– renforcer et approfondir le processus progressif d’intégration régionale dans des domaines d’intérêt commun ;

– renforcer les relations de bon voisinage et le principe de règlement amiable des différends ;

– maintenir, et de préférence rehausser le niveau des normes de bonne gouvernance, des normes environnementales et des normes du travail, par la mise en œuvre efficace des conventions internationales auxquelles les parties à l’accord sont parties au moment de l’entrée en vigueur de cet accord ;

– favoriser l’intensification des échanges commerciaux et des investissements entre les parties, en appliquant un traitement spécial et différencié afin de réduire les asymétries structurelles existant entre les deux régions.

L’Amérique centrale obtiendra pour de nombreux produits agricoles un accès préférentiel et permanent au marché européen, à des conditions améliorées par rapport à celles accordées de manière temporaire dans le cadre du Système de Préférences Généralisées Plus (SPG+) dont les pays de la région bénéficient. L’accès hors droit de douane sera immédiat pour les produits de la mer et soumis à diminution progressive pour le rhum en bouteille (3 ans) et certains produits laitiers (fromages, lait liquide). Un nombre restreint de produits sensibles resteront soumis à un régime de quotas, tels que le sucre, la banane, la viande de bœuf, le riz et certains produits agricoles (ail frais, maïs, champignons…).

Pour tenir compte des écarts de développement entre pays, le calendrier de baisse des douanes est asymétrique.

Pour une liste restreinte de produits sensibles, les exportations vers l’Amérique centrale seront régies dans le cadre de quotas à droits de douane inchangés :

– jambons crus et lard : 900 tonnes par an avec une augmentation annuelle de 45 tonnes, droits de douane entre 15 % et 45 % selon les pays ;

– lactosérum : 100 tonnes par an avec une augmentation annuelle de 10 tonnes, droits de douane de 10 % ;

– fromages et lait en poudre : droits de douane entre 15 % et 65 % selon les pays.

Cet accord envisage aussi la création d’une union douanière entre les pays de la zone, et devrait favoriser son intégration politique. L’intégration régionale a été favorisée et développée dans le cours même de la négociation de l’accord. En effet, les pays signataires de l’accord côté centre-américain sont les cinq membres de l’ex-Marché Commun Centraméricain (MCCA : Costa Rica, Guatemala, Honduras, Nicaragua, El Salvador, fondé par le traité de Managua en 1960 et transformé en SICA en 1991) auxquels s’est joint le Panama, qui n’appartenait pas au lancement des négociations au SICA. Ce dernier pays n’a ainsi intégré les négociations, initiées en octobre 2007, qu’en mars 2010 après que l’Union européenne ait apporté son soutien à son adhésion au système d’intégration régional. De ce fait, la signature par l’Union européenne et ses Etats membres d’un accord commun avec les 6 pays d’Amérique centrale a déjà contribué au développement de l’intégration régionale en Amérique centrale.

Une évaluation précise de l’augmentation des flux d’échanges commerciaux et d’investissement reste difficile pour deux raisons : d’une part, un effet de taille, l’UE ayant un poids économique plus important que celui des économies d’Amérique centrale et restant de ce fait moins sensible aux effets de la libéralisation ; d’autre part, la sous-évaluation par les modèles d’équilibre général des gains attribuables à l’ouverture dans les secteurs des services et de l’investissement, notamment du fait d’absence de données fiables.

Néanmoins, l’accord aura potentiellement un impact positif sur le produit intérieur brut de l’UE et des pays d’Amérique Centrale à long terme.

La Commission européenne estime que l’accord pourrait favoriser une croissance en volume des échanges commerciaux entre l’Union et l’Amérique centrale estimée à 20 %. Les échanges entre les deux régions pourraient augmenter de 12 Mds € (en 2013, les échanges extérieurs de biens de l’Amérique centrale se sont élevés à 80 milliards d’euros, en hausse de + 5% par rapport à 2012).

Les diminutions tarifaires prévues par l’accord permettront aux exportateurs européens de produits non agricoles d’économiser 110 millions d’euros par an en droits de douane. Le secteur de l’automobile bénéficierait d’une baisse de 21 millions d’euros par an en droits de douane, à partir de l’élimination totale des droits de douane. Les produits chimiques, en caoutchouc et en plastique devraient faire une économie annuelle de 24 millions d’euros et l’industrie pharmaceutique économiserait 8 millions d’euros. Dans le domaine agroalimentaire, l’économie annuelle en droits de douanes est estimée à 18 millions d’euros, dont 6 millions d’euros pour les exportateurs de vins et spiritueux.

La France devrait bénéficier des retombées économiques de l’accord, qui devrait dynamiser l’exportation dans la région des produits agricoles (33,4 % du total des importations en Amérique centrale), des produits industriels (dont les produits chimiques et pharmaceutiques) avec 27,7 % du total des importations, et des produits agroalimentaires (dont les vins et spiritueux) avec 26,2 % des importations et les équipements mécaniques et électriques avec 18,9 %. Le secteur des services devrait également bénéficier de cet accord.

S’agissant du volet relatif au rayonnement culturel et scientifique, l’entrée en vigueur de l’accord soumis à ratification devrait favoriser le développement d’initiatives au service de la promotion de la diversité culturelle : traductions d’œuvres littéraires, mise en valeur du patrimoine culturel, apprentissage des langues, etc. Notre pays, à l’origine de la Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, devra ainsi prendre toute sa part à la concrétisation de cette ambition.

Il conviendra aussi de veiller à la vigueur du dialogue politique et social prévu par cet accord. Car seul un développement inclusif et durable, soucieux de la réduction des inégalités et de l’amélioration des conditions de vie de la population est de nature à garantir la stabilité politique dont la région a besoin et à laquelle ses citoyens aspirent.

La partie dialogue politique permettra à l’Union européenne et ses États membres d’une part, et l’Amérique centrale d’autre part, de donner à leurs échanges politiques une nouvelle impulsion, en élargissant notamment le dialogue politique à de nouvelles thématiques telles que les questions environnementales.

L’article 12 prévoit ses objectifs :

– mettre en place un partenariat politique privilégié, basé notamment sur le respect et la promotion de la démocratie, de la paix, des droits de l’homme, de l’État de droit, de la bonne gouvernance et du développement durable ;

– défendre des valeurs, des principes et des objectifs communs en œuvrant à leur promotion au niveau international, en particulier dans le cadre des Nations unies; renforcer l’Organisation des Nations unies en tant qu’élément central du système multilatéral, de sorte qu’elle puisse traiter efficacement les questions dont l’enjeu est mondial ;

– intensifier le dialogue politique afin de permettre un large échange de vues, de positions et d’informations, aboutissant à l’élaboration d’initiatives conjointes au niveau international ;

– coopérer dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, dans le but de coordonner leurs positions et de prendre des initiatives conjointes d’intérêt mutuel au sein des enceintes internationales compétentes.

Le dialogue politique entre les parties ouvre la voie à de nouvelles initiatives dans de nombreux domaines tels que l’intégration régionale, l’État de droit, la bonne gouvernance, la démocratie, les droits de l’homme, la promotion et la protection des droits et des libertés fondamentales des populations autochtones et des individus, tels que reconnus par la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, l’égalité des chances et l’égalité entre les hommes et les femmes, la structure et l’orientation de la coopération internationale, les flux migratoires, la réduction de la pauvreté et la cohésion sociale, les normes fondamentales du travail, la protection de l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles, la sécurité et la stabilité régionales, y compris la lutte contre l’insécurité, la corruption, les stupéfiants, la criminalité organisée transnationale, le trafic d’armes légères et de petit calibre, ainsi que de leurs munitions, la lutte contre le terrorisme, la prévention et le règlement pacifique des conflits.

Notons que la coopération politique comporte un important volet consacré à la sécurité, sujet fondamental dans la région, et à la lutte contre le terrorisme.

L’Amérique centrale se préoccupe de la question de la dissémination des armes légères et de petit calibre du fait de ses répercussions sur la criminalité. Le nombre de meurtres par armes à feu a progressé rapidement ces vingt dernières années dans la région Amérique latine (Caraïbes incluses), alors que la tendance est inverse en Europe et en Afrique.

La plupart des Etats d’Amérique centrale, s’estimant victimes des effets déstabilisants de la dissémination des armes conventionnelles, ont été à l’avant-garde des efforts de régulation du commerce des armes. Ceux-ci ont abouti à l’adoption, le 2 avril 2013, du Traité sur le commerce des armes (Arms Trade Treaty) par l’Assemblée générale des Nations Unies. C’est le Prix Nobel de la Paix, ancien Président du Costa Rica, Oscar Arias Sanchez qui avait le premier appelé au développement d’un code de conduite international sur les transferts d’armes. Le Mexique a fait partie des principaux promoteurs du traité et organisera la première Conférence d’Etats parties, au cours de l’année 2015.

L’Union européenne finance depuis 2009 le programme de contrôle des armes légères en Amérique centrale (CASAC). La contribution de l’UE vise notamment à établir le socle d’une structure et d’une stratégie régionales de lutte contre les trafics illicites d’armes légères en Amérique centrale et dans les Caraïbes, en se concentrant en particulier sur les 7 Etats du Système d’intégration centre-américain (SICA), organisation sous régionale à laquelle l’UE a confié la mise en œuvre de ce programme.

Il est prévu qu’en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et autres actifs et lutte contre l’évasion fiscale, aux termes de l’article 196.3 de l’accord, « chaque partie doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre en œuvre et appliquer sur son territoire les normes internationales de réglementation et de surveillance du secteur des services financiers et en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux ou autres actifs, et le financement du terrorisme, et en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ». Cette disposition conforte l’action du Groupe d’action financière (GAFI) de l’OCDE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En effet, le Panama et le Nicaragua figurent sur la liste dite « grise » du GAFI (pays comportant des lacunes importantes dans leurs cadres législatifs et réglementaires concernant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme mais qui se sont engagés dans un travail de concertation avec le GAFI pour y remédier).

Concernant le Panama, un rapport du FMI a également été publié en février 2014 indiquant que le Panama ne respecte pleinement qu’une seule des 40 recommandations du GAFI dans ce domaine. En matière de transparence fiscale et financière, les progrès ont été réels, mais insuffisants. De ce fait, le Panama est toujours considérée par l’OCDE comme une juridiction non coopérative. S’agissant du Nicaragua, des engagements politiques ont été pris depuis 2011 pour améliorer la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme. Ces engagements politiques ont été confirmés par une législation cadre en 2014. Néanmoins, le GAFI a maintenu le Nicaragua sur sa liste grise en 2014 et estime que le traitement des défaillances doit se poursuivre. Par ailleurs, l’article 196.3 va dans le sens des mesures prises par la France pour plus de transparence fiscale. En effet, le Guatemala fait partie des juridictions non coopérative et figure sur la liste française des Etats et territoires non coopératifs (arrêté du 17 janvier 2014).

Le volet politique de l’accord porte également sur le financement du développement. Les parties ont ainsi convenu d’appuyer les efforts internationaux visant à promouvoir des politiques et des réglementations axées sur le financement du développement et sur le renforcement de la coopération, en vue de réaliser les objectifs de développement adoptés au niveau international, notamment les objectifs du millénaire pour le développement, ainsi que les engagements du consensus de Monterrey et d’autres enceintes connexes.

Surtout, la création d’un Fonds de crédit économique et financier commun est prévu par l’accord. Il importe de renforcer les efforts pour lutter contre la pauvreté et soutenir le développement de l’Amérique centrale, en particulier de ses régions et de ses populations les plus pauvres.

Il est donc prévu de négocier la création d’un mécanisme économique et financier commun, incluant, entre autres, l’intervention de la Banque européenne d’investissement (BEI), la facilité d’investissement pour l’Amérique latine (LAIF) et une assistance technique dans le cadre du programme de coopération régionale centraméricaine. Ce mécanisme doit contribuer à la lutte contre la pauvreté, favoriser le développement et la prospérité globale de l’Amérique centrale, et donner une impulsion à la croissance socioéconomique et à l’instauration d’une relation équilibrée entre les deux régions. À cette fin, un groupe de travail bi régional a été créé. Ce groupe de travail a pour mandat d’examiner la création d’un tel mécanisme, ainsi que les modalités de son fonctionnement.

La partie coopération couvre un grand nombre de sujets et obéit à une méthodologie dont on peut regretter le peu de clarté et de priorités stratégiques. Les sujets couverts vont de la maîtrise des flux migratoires, à la mise en place d’un état de droit, en passant par la coopération culturelle. Ses objectifs sont les suivants :

– renforcer la paix et la sécurité ;

– contribuer au renforcement des institutions démocratiques, à la bonne gouvernance et à la pleine applicabilité de l’État de droit, à l’égalité entre les hommes et les femmes, à toutes les formes de non-discrimination, à la diversité culturelle, au pluralisme, à la promotion et au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à la transparence et à la participation des citoyens ;

– favoriser la cohésion sociale en luttant contre la pauvreté, les inégalités, l’exclusion sociale et toutes les formes de discrimination, de manière à améliorer la qualité de vie des populations d’Amérique centrale et de l’Union européenne ;

– promouvoir la croissance économique en vue de favoriser le développement durable, de réduire les déséquilibres entre les parties et au sein de celles-ci et de créer des synergies entre les deux régions ;

– approfondir le processus d’intégration régionale en Amérique centrale en renforçant la capacité à exploiter les avantages découlant du présent accord et en contribuant ainsi au développement économique, social et politique de la région centraméricaine dans son ensemble ;

– renforcer les capacités de production et de gestion et améliorer la compétitivité, en ouvrant ainsi de nouvelles perspectives de commerce et d’investissement à tous les acteurs économiques et sociaux des deux régions.

L’accord précise que les instruments peuvent inclure un large éventail d’activités bilatérales, horizontales ou régionales, telles que des programmes et des projets, notamment des projets d’infrastructure, des programmes d’appui budgétaire, le dialogue sectoriel, des échanges et transferts d’équipements, des études, des analyses d’impact, des statistiques et des bases de données, des échanges d’expériences et d’experts, des mesures de formation, des campagnes de communication et de sensibilisation, des séminaires et des publications.

Soulignons cependant la coopération en matière environnementale qui prévoit des activités d’assistance technique, de formation et de renforcement des capacités dans différents domaines : il vise à contribuer à la mise en œuvre et au respect du droit international  en matière de changement climatique et de respect de l’environnement ; il prévoit de promouvoir le commerce de produits issus de ressources durables, notamment via des procédés d’étiquetage, et à lutter contre le commerce illégal qui aurait une incidence sur l’environnement ; il vise enfin à faciliter l’instauration d’un dialogue avec la société civile sur l’ensemble de ces sujets.

Le chapitre « commerce et développement durable » de l’accord est principalement incitatif et n’est pas directement contraignant, dans la mesure où il n’est ni soumis au mécanisme de règlement des litiges prévu au titre X de la partie IV de l’accord, ni au mécanisme de médiation pour les mesures non tarifaires prévu au titre XI. En revanche, il fait l’objet de dispositifs spéciaux de médiation : l’accord prévoit en effet un mécanisme institutionnel et de suivi (point de contact national et conseil sur le commerce et le développement durable), un forum de dialogue avec la société civile ainsi qu’un dispositif spécial de concertation des pouvoirs publics, avec la constitution possible d’un groupe d’experts en cas de différend.

Si l’article 287.2 ne cite que les principaux accords multilatéraux en matière d’environnement, c’est bien l’ensemble de ces accords internationaux qui est visé par l’accord et que les parties s’engagent à respecter dans ce cadre. Les parties se sont par ailleurs engagées à ne pas abaisser le niveau de protection de leurs législations nationales en matière d’environnement pour accroître leur compétitivité en matière de commerce et d’investissement.

La coopération en matière de démocratie, droits de l’homme et de développement social, prendra la forme de sessions de dialogue politique organisées à intervalles réguliers, et alternativement à Bruxelles et dans une capitale centraméricaine. Des groupes d’experts spécifiques pourront être mis en place, notamment dans le domaine des droits de l’Homme.

La partie commerce vise à l’instauration d’une zone de libre-échange ainsi qu’au développement des relations commerciales birégionales entre les parties afin de contribuer au renforcement de la croissance économique.

L’accord vise à terme un démantèlement tarifaire pour 95% des lignes tarifaires, dont 100% pour les produits industriels. Le calendrier de diminution des droits de douane est asymétrique, afin de prendre en compte les différences de développement économique des deux régions. Ainsi, dès l’entrée en vigueur de l’accord, l’Amérique centrale prévoit la suppression totale des droits de douane pour 48% des lignes tarifaires, représentant 67% des exportations européennes actuelles vers la région, notamment celle des vins et spiritueux (à l’exception du rhum, du whisky, de la vodka et de la bière), des produits laitiers (à l’exception du lait en poudre et du fromage), des huiles d’olives et olives et de certains fruits (pommes, cerises, raisins).

Certains secteurs sensibles ne seront pas libéralisés mais des contingents tarifaires (avec un accroissement annuel) à droit nul sont accordés : pour les exportations européennes vers l’Amérique centrale, cela concerne les jambons crus, lard et viande de porc et les produits laitiers (lactosérum, fromages, poudre de lait) (8)  ; pour les exportations vers l’UE, des quotas existent pour l’ail, l’amidon de manioc, le maïs doux, les champignons, la viande de bœuf, le sucre, le riz, le rhum en vrac et les bananes. La banane est par ailleurs soumise à un mécanisme de stabilisation qui permet à l’UE de suspendre, jusqu’en 2020, les préférences si les importations dépassent les seuils fixés par l’accord. Une période de 3 à 15 ans de diminution progressive des droits est prévue pour un total de 3 149 lignes tarifaires de produits sensibles. Les droits de douane de 7% des lignes tarifaires seront supprimés sur une période de cinq ans, 35% des lignes tarifaires sur une période de dix ans et 5,5% des lignes tarifaires seront exemptées de droits de douane dans une période de treize à quinze ans (5% des exportations). Un total de 4% de lignes tarifaires (1% des exportations) restera soumis à des droits inchangés.

En complément du démantèlement des tarifs douaniers, l’accord prévoit une élimination progressive des obstacles au commerce (Partie IV, Titre II, Chapitre 4), ce qui devrait contribuer à dynamiser substantiellement les échanges. L’Amérique centrale devrait concentrer ses efforts en vue d’une plus grande ouverture de ses marchés sur le secteur automobile (les constructeurs européens peuvent désormais commercialiser des véhicules sur le marché d’Amérique centrale pour une durée de 10 ans), une unification au niveau régional des procédures d’enregistrement des produits (agroalimentaires, pharmaceutiques et chimiques), des améliorations dans le domaine sanitaire et phytosanitaire (régionalisation des maladies animales et des épidémies, transparence des conditions et des procédures d’importation dans ce domaine) et la simplification dans l’étiquetage des produits.

L’accord prévoit par ailleurs l’établissement d’une Union douanière centroaméricaine : un produit exporté vers un des pays centroaméricains signataire de l’accord pourrait être réexporté vers un autre pays de la zone sans avoir à supporter de droit de douane. L’accord prévoit la mise en place, dans un délai de deux ans après son entrée en vigueur, d’un mécanisme de remboursement des droits de douane pour éviter un double paiement dans le cas d’une circulation intra régionale d’un produit et, dans un délai de trois ans, l’introduction d’un document douanier unique pour la région.

Des garanties particulières ont été prévues en matière de protection de la propriété intellectuelle. L’accord comprend un chapitre dédié à la protection de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale, qui permettra aux pays de l’Union de bénéficier d’une protection accrue en cas d’infraction. Le niveau de protection des droits de propriété intellectuelle (Titre VI de la partie IV) se fonde sur le standard minimal de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’OMC. Il intègre des stipulations de la Convention sur la diversité biologique « CDB » (protection des ressources génétiques et les savoirs traditionnels qui y sont liés), répondant à la crainte des pays d’Amérique centrale en matière de brevetabilité du vivant. Aussi l’Union a privilégié une approche plus souple et mis l’accent sur la coopération et l’assistance technique (articles 53 à 55) et ces pays resteront libres d’utiliser leurs semences de ferme issues de variétés protégées.

En matière d’indications géographiques (IG), l’article 243 de l’accord assure un niveau de protection équivalent à celui défini par l’ADPIC pour les IG figurant à l’annexe XVIII de l’accord et celles qui seront ajoutées ultérieurement. Cette liste comprend 224 IG européennes, dont 43 françaises, pour l’essentiel des vins et spiritueux et des fromages, et 10 IG pour l’Amérique centrale.

Avant l’accord UE/Amérique centrale, l’accès des entreprises européennes aux marchés publics des pays en question ne disposait d’aucun cadre juridique, les pays centraméricains n’étant pas parties à l’accord plurilatéral sur les marchés publics de l’OMC. L’accès aux marchés publics des pays d’Amérique centrale demeurait donc aléatoire et relativement exceptionnel, en raison de mesures de protection implicites ou explicites. Au Guatemala, malgré la loi sur les contrats publics qui garantit la non-discrimination entre nationaux et étrangers, l’obligation de s’inscrire dans un registre de « pré-qualifiés » avait pour effet de compliquer l’accès aux marchés publics pour les entreprises non implantées dans le pays. Au Salvador et au Honduras, la préférence nationale est consacrée pour l’octroi des marchés publics. Au Nicaragua, la nouvelle loi sur les contrats de l’administration publique établit que l’Etat ne pourra pas verser de fonds nationaux des entreprises détenues à moins de 51% par des capitaux nicaraguayens. Le Costa Rica consacre les concepts d’égalité, de libre concurrence et de réciprocité dans sa législation. Néanmoins le pays concède la préférence à l’industrie nationale en cas d’offre équivalente. Cette préférence est toutefois également accordée aux pays avec lesquels il a signé un accord de libre-échange incluant un chapitre sur les marchés publics. Les secteurs de l’électricité et des hydrocarbures sont exclus des concessions de service public.

L’accord comporte un volet marchés publics (partie IV, titre V), susceptible d’apporter certains progrès. L’accord apporte des garanties en matière de procédure et de transparence (publication des avis d’appel d’offre, conditions de participation, constitution des dossiers, accès aux spécifications techniques, délais et recours). Les engagements des pays d’Amérique centrale couvriraient l’accès aux marchés publics de toutes les entités centrales du Guatemala et de la plupart d’entre elles au Costa Rica, Honduras, Nicaragua et Panama. Les engagements du Salvador couvrent seulement certains des principaux ministères. De manière générale, les engagements des pays d’Amérique centrale sont limités en ce qui concerne la couverture des entités de niveau subfédéral.

L’accord prévoit par ailleurs une libéralisation progressive de l’établissement et du commerce des services, ainsi qu’une coopération progressive en matière de commerce électronique, tout en respectant les normes internationales et françaises, en particulier en matière de protection des données personnelles. Des engagements ont été pris dans les secteurs des télécommunications, de la navigation maritime, des services de transports, ainsi que des services environnementaux.

Cet accord contribuera donc à lever les restrictions aux investissements directs étrangers, qui sont jusqu’ici l’une des entraves aux échanges avec l’Amérique centrale. Anticipant sur l’accord, le Costa Rica, par exemple, a récemment assoupli sa législation dans le secteur des télécommunications, en mettant fin au monopole exercé par l’entité publique ICE depuis 1949 et en octroyant des licences à des opérateurs étrangers.

Enfin, l’accord ne prévoit pas de mesures nouvelles relatives aux investissements. Cependant, pour mémoire, en matière d’investissement, l’accord de libre-échange UE-Amérique centrale, signé le 29 juin 2012, comporte des règles en matière d’établissement des investissements (phase d’accès au marché), mais ne porte pas sur la protection des investissements ; cet accord ayant, en effet, été négocié antérieurement à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Cependant, les investissements français établis dans les pays d’Amérique centrale parties à cet accord bénéficient de la protection prévue par les accords bilatéraux de protection des investissements (API) existants entre la France et Panama (entrée en vigueur en 1985), El Salvador (1992) le Costa Rica (1999), le Nicaragua (entré en vigueur en 2000), le Honduras (2001) et le Guatemala (2001). A ce jour, la perspective d’engager des négociations en vue d’amender l’accord pour y inclure un chapitre sur la protection des investissements ou de conclure un API un niveau européen avec un pays d’Amérique centrale n’est pas à l’ordre du jour de l’agenda communautaire.

Il est institué un conseil d’association qui contrôle la réalisation des objectifs du présent accord et supervise sa mise en œuvre, dont les décisions sont contraignantes pour les parties. Le conseil d’association se réunit au niveau ministériel à intervalles réguliers, qui ne peuvent excéder une durée de deux ans, et lors de réunions extraordinaires exigées par les circonstances si les parties en conviennent ainsi. Le conseil d’association se réunit lorsqu’il y a lieu et lorsque les parties en conviennent au niveau des chefs d’État ou de gouvernement. De plus, afin de renforcer le dialogue politique et d’en accroître l’efficacité, l’organisation de réunions ad hoc au niveau des groupes de travail est encouragée.

Le conseil d’association est composé de représentants au niveau ministériel de la partie UE et de chacune des républiques de la partie Amérique centrale, conformément aux dispositions internes respectives des parties et en fonction des questions spécifiques (dialogue politique, coopération et/ou commerce) à traiter lors de chaque session.

La présidence du conseil d’association est exercée à tour de rôle par un représentant de la partie UE, d’une part, et par un représentant d’une république de la partie Amérique centrale, d’autre part, conformément aux dispositions prévues dans le règlement intérieur du conseil d’association.

Le conseil d’association s’est réuni pour la première fois le 27 juin 2014 à San Pedro Sula, Honduras. Cet organe est en charge de veiller à la mise en œuvre des engagements pris par les parties dans le cadre de l’accord. Cette réunion a été précédée par la première réunion du Comité d’association et par des réunions des sous-comités chargés de thèmes liés à l’entrée en vigueur de l’accord : accès au marché, douanes et facilitation du commerce, règles d’origine, obstacles techniques au commerce, affaires sanitaires et phytosanitaires, propriété intellectuelle et développement durable.

Lors de cette première réunion, le conseil d’association, représenté par des ministres d’économie et des hauts fonctionnaires centraméricains et européens, a mis en place des mesures pour le bon fonctionnement de cet organe institutionnel, des procédures en cas de différend entre les parties, et le système d’enregistrement de nouvelles indications géographiques. La France y a participé en tant qu’État membre observateur.

L’article 9 institue un comité d’association parlementaire.  Celui-ci est composé de membres du Parlement européen, d’une part, et de membres du Parlamento Centroamericano (PARLACEN) et, dans le cas des républiques de la partie Amérique centrale non membres du PARLACEN, de représentants désignés par leur Congrès national respectif, d’autre part, qui se réunissent et échangent leurs points de vue. Il détermine la fréquence de ses réunions et il est présidé par chaque partie, à tour de rôle. Le comité d’association parlementaire peut demander au conseil d’association de lui fournir toute information utile en ce qui concerne la mise en œuvre du présent accord. Le conseil d’association lui fournit alors les informations demandées. Le comité d’association parlementaire est informé des décisions et des recommandations du conseil d’association. Il peut formuler des recommandations au conseil d’association.

L’article 10 institue un comité consultatif paritaire, en tant qu’organe consultatif du conseil d’association. Son travail consiste à soumettre au conseil d’association les avis d’organisations de la société civile au sujet de la mise en œuvre du présent accord d’association, sans préjudice des autres procédures prévues à l’article 11. En outre, le comité consultatif paritaire est chargé de contribuer à promouvoir le dialogue et la coopération entre les organisations de la société civile de l’Union européenne et de l’Amérique centrale. Le comité consultatif paritaire se compose, en nombre égal, de représentants du Comité économique et social européen, d’une part, et de représentants du Comité Consultivo del Sistema de la Integración Centroamericana (CC-SICA) et du Comité Consultivo de Integración Económica (CCIE), d’autre part.

Enfin, l’article 11 prévoit la participation de la société civile. Les parties favorisent les réunions de représentants des sociétés civiles de l’Union européenne et de l’Amérique centrale, notamment des membres de la communauté universitaire, des partenaires économiques et sociaux et des organisations non gouvernementales. Les parties invitent à la tenue régulière de réunions avec ces représentants, afin de les tenir informés de la mise en œuvre du présent accord et de recueillir leurs suggestions à cet égard.

L’accord prévoit une application provisoire du volet commercial, à l’exception de l’article 271 de l’accord, c’est-à-dire une application anticipée avant l’entrée en vigueur, qui n’interviendra qu’à l’issue du processus de ratification par l’ensemble des parties.

Dans l’attente de l’achèvement des procédures nécessaires à la conclusion de l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses Etats membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part, la partie IV dudit accord concernant les questions commerciales est appliquée à titre provisoire entre l’Union européenne et les républiques de la partie américaine conformément à l’article 353, paragraphe 4, de l’accord. L’application provisoire ne concerne que les stipulations de compétence de l’Union. C’est pourquoi, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2012/734 du Conseil du 25 juin 2012 relative à la signature de l’accord et à son application provisoire, l’article 271, relatif aux sanctions pénales en matière de propriété intellectuelle, n’est pas appliqué à titre provisoire.

Cette application provisoire est effective depuis le 1er août 2013, en ce qui concerne le Honduras, le Nicaragua, et Panama, depuis le 1er octobre 2013, s’agissant du Costa Rica et El Salvador, et depuis le 1er décembre 2013 à l’égard du Guatemala. Pendant la période d’application provisoire de l’accord, les républiques de la partie américaine ainsi que l’Union européenne et ses Etats membres, y compris ceux qui, comme la France, n’ont pas achevé leur propre procédure de ratification, sont en principe tenus de respecter les stipulations de la partie IV de l’accord, à l’exclusion de l’article 271.

Le 18 juillet 2013, la Commission européenne a indiqué que chaque république d’Amérique centrale avait procédé à la ratification de l’accord. Le Costa Rica l’a ratifié le 17 juillet 2013, le Guatemala le 27 juin 2013, le Honduras le 1er juillet 2013, le Nicaragua le 31 mars 2013, le Panama le 6 mai 2013 et le Salvador le 19 juillet 2013.

Du côté européen, l’Estonie a ratifié l’accord le 14 novembre 2012, la République tchèque le 23 août 2013 et l’Allemagne le 18 septembre 2013.

CONCLUSION

Cet accord vient compléter un corpus juridique désormais fourni, qui pose les bases d’un dialogue ambitieux avec la grande majorité des pays d’Amérique latine. En effet, aujourd’hui, l’Union européenne compte deux partenariats stratégiques (Brésil, Mexique), quatre accords en cours de négociation ou de procédure de ratification avec des sous-ensembles régionaux (Mercosur, Amérique centrale, Equateur, Cariforum), un accord d’association avec le Chili, et des dialogues avec une dizaine de pays de la région Amérique latine - Caraïbes.

La France a tout intérêt à l’approfondissement du partenariat stratégique entre l’Union européenne et l’Amérique centrale. Il s’agit certes d’intensifier nos échanges économiques et commerciaux, mais également d’œuvrer au rapprochement de nos cultures.

C’est donc au bénéfice de ces observations que votre Rapporteur vous invite à adopter le projet de loi qui nous est soumis.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission examine le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 17 septembre 2014, à 9h45.

Après l’exposé du rapporteur, un débat a lieu.

M. Jacques Myard. Combien de pays d’Amérique centrale sont-ils concernés par cet accord ?

M. Michel Vauzelle. Six pays : le Guatemala, le Salvador, le Honduras, le Nicaragua, le Costa Rica et le Panama. Le Belize n’est pas inclus dans cet ensemble qui ne compte que des pays de langue espagnole. Cuba et le Mexique non plus. Nous avons avec le Mexique des accords particuliers. Ce pays est par ailleurs très présent dans les autres pays d’Amérique centrale, dont il doit endiguer le flot de migrants, souvent très jeunes, qui cherchent à entrer clandestinement aux Etats-Unis en passant par le Mexique.

Mme la Présidente. Merci de nous faire partager votre intérêt ancien pour les pays d’Amérique latine.

M. Noël Mamère. Cet accord d’association a été soumis au Parlement européen en décembre 2012 et le groupe des Verts a voté contre ; nous ferons de même au sein de cette Assemblée. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un accord déséquilibré, qui donne la part belle aux multinationales européennes. Je rappelle que les échanges commerciaux entre l’Amérique centrale, qui regroupe 35 millions d’habitants, et l’Union européenne, qui en compte 500 millions, se soldent par un excédent de huit milliards d’euros en faveur de l’Union. Par ailleurs, cet accord ne comporte pas de dispositions contraignantes en matière sociale et environnementale. Vous avez, à raison, pointé l’exemplarité démocratique du Costa Rica, dont l’ancien président, Oscar Arias Sanchez, a d’ailleurs reçu le prix Nobel de la paix en 1987. Le Costa Rica a veillé à protéger son territoire, qui l’était à 60%, mais il est aujourd’hui la cible de multinationales qui veulent y exploiter l’huile de palme et le grignotent progressivement. Il est donc préoccupant que l’accord ne prévoie rien contre ce type de situations. Cet accord est aussi insatisfaisant sur la question de la transparence financière. Il y a quelque temps, le Parlement européen avait demandé une étude sur la mise en œuvre des accords d’association conclus avec le Pérou et la Colombie. Celle-ci avait montré les effets pervers de la libéralisation, en l’absence de transparence financière. Elle avait en effet favorisé le blanchiment d’argent sale tiré du trafic de drogues. Enfin, l’accord prévoit que les pays s’engagent à ratifier le traité de Rome instituant la Cour pénale internationale (CPI). C’est d’autant plus important que plusieurs d’entre eux – notamment le Salvador et le Guatemala – ont été déchirés par des conflits meurtriers. Le Président du Nicaragua, Daniel Ortega, est un ancien chef militaire sandiniste qui s’est battu contre la dictature dont il a dénoncé les procédés. Il les a cependant repris à son compte une fois au pouvoir. Il est donc évident que ces pays n’ont pas l’intention de ratifier le traité de Rome. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet. Nous pensons qu’il est capital que l’Union européenne soit présente dans cette région, qui ne peut être simplement l’arrière-cour des Etats-Unis. Mais cela ne peut se faire sous la forme de cet accord. 50% des populations d’Amérique centrale vivent sous le seuil de pauvreté, et rien n’est prévu pour revaloriser leur condition ; il n’y en a que pour les multinationales.

Mme Nicole Ameline. Cet accord renforce la présence de l’Union européenne dans le monde ; c’est une démarche stratégique utile, que nous soutenons totalement. Nous avons vu que les Caraïbes n’en faisaient pas partie. Quel type d’accord pourrions-nous envisager avec cette région, dont l’organisation tend à s’affirmer ? Pour revenir au présent accord, il est vrai que les pays d’Amérique centrale éprouvent de grandes difficultés sur les aspects sociaux et de gouvernance. Il faut d’ailleurs rappeler que le terme « fémicide » est né dans cette région. Nous devons donc renforcer notre action sur ces sujets, afin que ces pays puissent, à terme, ratifier le traité de Rome. Enfin, je voudrais insister sur la nécessité d’assurer la cohérence de nos actions, s’agissant en particulier du développement. Les ressources sont limitées, et nous avons des priorités en Afrique. Il convient de mieux articuler les actions internationales, européennes et nationales dans ce domaine.

M. Thierry Mariani. Cet accord me conduit à faire un parallèle avec l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Où en sommes-nous des négociations ? La presse en dit très peu de choses, et les enjeux sont énormes.

M. Jacques Myard. Je voudrais poser la même question au sujet de l’accord avec le Canada, qui suscite beaucoup d’oppositions sur Internet.

Mme la Présidente. Nous sommes en train d’organiser l’audition de notre nouveau secrétaire d’état au commerce extérieur, afin de faire le point sur ces sujets. Par ailleurs, conformément à l’engagement qui avait été pris ici par Fleur Pellerin, nous avons reçu des informations privilégiées sur le déroulement des négociations, que vous êtes libres de consulter au secrétariat. Nous ne pouvons pas les faire circuler, car il s’agit de documents confidentiels.

M. Michel Vauzelle. Je partage la préoccupation de Noël Mamère sur les questions environnementales. En effet, certains pays avaient été plutôt préservés, mais la logique économique tend à l’emporter sur la logique environnementale. C’est le cas du Panama : c’est en fait surtout la Ciudad de Panama qui est touchée, le reste du pays est encore relativement préservé. Au sujet du blanchiment, je tiens à préciser que l’article 36 de l’accord traite de ce sujet, même si ce n’est sans doute pas suffisant. Quant au volet social, il existe, et nous veillerons à ce qu’il soit développé dans les faits, à l’exemple de ce que fait le programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) au Salvador. Le problème des femmes est en effet gravissime, et l’article 47 y fait spécifiquement mention. Il prévoit une coopération étroite pour développer le respect de la femme et l’égalité homme-femme. Evidemment, il y a fort à faire. La santé n’est pas oubliée non plus. Enfin, l’accord prévoit la création d’un fonds pour lutter contre la pauvreté et les inégalités ; ce sera un argument pour pousser l’Europe à creuser davantage le volet social de sa relation. Il est vrai que nous avons là un problème moral : nous poussons à l’ouverture des marchés, et cela se fait au profit des entreprises plus que des populations. Mais si nous ne sommes pas présents, nous laissons les Etats-Unis, voire la Chine régner en maîtres. Nous cédons la place à d’autres puissances économiques qui n’ont pas toujours notre délicatesse.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 2095).

ANNEXE 1

AUDITIONS 

Néant

ANNEXE

TEXTE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée la ratification de l’accord établissant une association entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et l’Amérique centrale, d’autre part (ensemble vingt et une annexes, dix déclarations communes, deux déclarations et un protocole), signé à Tegucigalpa le 29 juin 2012, et dont le texte est annexé à la présente loi.

________________________________

NB : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 2095).

© Assemblée nationale