N° 2260 volume 1 - Rapport sur le projet de loi de finances pour 2015 (n°2234)




N
° 2260

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 octobre 2014.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2015 (n° 2234)

TOME II

EXAMEN DE LA PREMIÈRE PARTIE
DU PROJET DE LOI DE FINANCES

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

Volume 1

Examen des articles

PAR Mme. Valérie RABAULT

Rapporteure générale,

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

Article liminaire : Prévision de solde structurel et solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2015, de l’exécution 2013 et de la prévision d’exécution 2014 7

PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.– Impôts et ressources autorisés

A.– Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er Autorisation de percevoir les impôts existants 9

B.– Mesures fiscales

Article 2 : Baisse de l’impôt sur le revenu des ménages à revenus moyens 12

Après l’article 2 73

Article 3 : Mise en place d’un crédit d’impôt pour la transition énergétique 75

Article 4 : Réforme du régime d’imposition des plus-values immobilières de cession de terrains à bâtir 96

Article 5 : Aménagement de la réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire – Dispositif « Pinel » 113

Après l’article 5 133

Après l’article 5 : Augmentation du plafond du crédit d’impôt au titre des travaux de prévention des risques technologiques 146

Article 6 : Incitation à la libération du foncier constructible et à la construction de logements par l’aménagement des droits de mutation à titre gratuit 147

Après l’article 6 159

Article additionnel après l’article 6 : Intégration des œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune 179

Article 7 : Application du taux réduit de 5,5 % de la TVA aux opérations d’accession sociale à la propriété réalisées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville 181

Après l’article 7 186

Article additionnel après l’article 7 : Modification des règles d’éligibilité de la livraison de logements intermédiaires à un taux de TVA à 10 % 190

Article 8 : Suppression de taxes de faible rendement 193

Après l’article 8 203

II.– Ressources affectées

A.– Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 9 : Fixation pour 2015 de la dotation globale de fonctionnement et des allocations compensatrices d’exonérations d’impôts directs locaux 211

Article additionnel après l’article 9 : Ajustement de la réfaction appliquée au taux de remboursement du Fonds de compensation pour la TVA 235

Article additionnel après l’article 9 : Accélération du rythme de remboursement du Fonds de compensation pour la TVA 237

Article 10 : Compensation des transferts de compétences aux départements et aux régions par attribution d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) : 240

Article 11 : Compensation aux départements des charges résultant de la mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA) : et, à Mayotte, des charges résultant du processus de départementalisation 248

Article 12 : Fixation de la dotation globale de compensation (DGC) de la collectivité de Saint-Barthélemy 258

Article 13 : Affectation d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) : en vue de la constitution de la ressource régionale pour l’apprentissage et actualisation de la fraction du tarif de la TICPE relative à la compensation financière des primes à l’apprentissage 262

Article 14 : Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales 271

B.– Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 15 : Fixation des plafonds 2015 des taxes affectées aux opérateurs et à divers organismes chargés de missions de service public 277

Article 16 : Contributions des agences de l’eau au profit du budget de l’État 297

Article 17 : Prélèvement exceptionnel sur les chambres de commerce et d’industrie (CCI) 306

Article 18 : Réforme de la taxe pour frais de chambre d’agriculture 329

Article 19 : Réforme du financement de l’aide juridictionnelle 336

Article 20 : Augmentation du tarif de la TICPE sur le gazole et affectation d’une partie du produit à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) 350

Article additionnel après l’article 20 : Plafonnement de la contribution au service public de l’électricité due par les entreprises électro-intensives 367

C.– Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 21 : Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants 368

Article 22 : Prorogation de l’exemption de contribution au désendettement de l’État des produits de cessions de certains biens domaniaux 369

Article 23 : Extension des recettes du CAS Fréquences au produit des redevances des bandes de fréquences 694 MHZ – 790 MHz et prorogation étendue du régime du retour intégral des recettes à ce compte 376

Article 24 : Modification des recettes et des dépenses du CAS Apprentissage (FNDMA) 381

Article 25 : Modification des recettes du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (CAS DAR) 387

Article 26 : Dissolution de l’Établissement public de financement et de restructuration (EPFR) 390

Article 27 : Garantie des ressources de l’audiovisuel public et modalités de financement de TV5 Monde 394

Article 28 : Relations financières entre l’État et la sécurité sociale 406

D.– Autres Dispositions

Article 29 : Suppression de la gestion au nominatif des titres d’État 414

Article 30 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne 419

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉQUILIBRE DES RESSOURCES
ET DES CHARGES

Article 31 : Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois 423

 

Exécution 2013

Prévision d’exécution 2014

Prévision 2015

Solde structurel (1) : :

– 2,5

– 2,4

– 2,2

Solde conjoncturel (2)

– 1,6

– 1,9

– 2,0

Mesures exceptionnelles (3)

– 0,1

Solde effectif (1 + 2 + 3)

– 4,1

– 4,4

– 4,3

Source : projet de loi de finances.

En application de l’article 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le présent article liminaire présente « un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre ».

La Rapporteure générale a commenté, dans l’annexe n° 1 du tome I du présent rapport général, ces prévisions ainsi que les écarts avec les objectifs fixés en loi de programmation des finances publiques 2012-2017 et avec le nouveau projet de loi de programmation 2014-2019.

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* *

La Commission examine l’amendement I-CF 145 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Pourquoi inscrire dans le PLF pour 2015 ce qui figure déjà dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ?

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Cet article liminaire est une obligation imposée par la loi organique du 17 décembre 2012.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article liminaire sans modification.

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* *

PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I.– Impôts et ressources autorisés

A.– Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er
Autorisation de percevoir les impôts existants

Aux termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs Représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement (...) ». Découlant du principe ainsi posé en 1789, l’article premier du projet de loi de finances renouvelle l’autorisation annuelle de percevoir les impôts, élément essentiel de la tradition démocratique selon laquelle l’impôt n’est légitime que parce qu’il est librement consenti par la Nation. Il revient donc au Parlement d’exprimer ce consentement qui, par nature, doit être renouvelé régulièrement.

Compétence exclusive et obligatoire de la loi de finances de l’année, l’autorisation prévue par le I du présent article voit son champ précisé par le 1° du I de l’article 34 de la loi organique n° 2011-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui dispose que « la loi de finances de l’année autorise, pour l’année, la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État ».

L’autorisation n’est accordée que pour l’année, conformément au principe d’annualité repris à l’article 1er de la LOLF.

Elle vise non seulement les recettes fiscales mais également l’ensemble des autres ressources perçues en vue de financer le service public – revenus industriels et commerciaux, rémunération de services rendus, fonds de concours, remboursement de prêts et d’avances, produits de cessions...

Elle couvre les ressources perçues par l’État mais également celles affectées aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux organismes divers – publics ou privés – habilités à les percevoir. D’application générale, le principe d’annualité de l’impôt vise à protéger, par cette autorisation, l’ensemble des contribuables, quel que soit l’organisme bénéficiaire de l’imposition.

Pour que le consentement soit libre, encore faut-il qu’il soit éclairé. Les ressources perçues par l’État – recettes fiscales, recettes non fiscales et fonds de concours – ainsi que les dépenses fiscales relatives aux impositions dont le produit est perçu par l’État sont détaillées respectivement dans le premier et le second tome de l’annexe au projet de loi de finances relative à l’évaluation des voies et moyens. La liste des impositions affectées aux autres organismes publics et la présentation des prélèvements obligatoires par sous-secteurs d’administration publique sont fournies respectivement par le premier tome de cette annexe et par le rapport sur les prélèvements obligatoires, intégré dans le Rapport économique, social et financier depuis la modification de l’article 50 de la LOLF opéré par l’article 25 de la organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Le II du présent article prévoit, dans les termes usuels, les conditions d’entrée en vigueur des dispositions fiscales qui ne comportent pas de date d’application particulière.

La règle générale reste l’application des dispositions fiscales à compter du 1er janvier 2015.

Deux exceptions traditionnelles sont prévues : pour l’impôt sur le revenu, la loi de finances s’applique à l’impôt dû au titre de 2014 et des années suivantes ; l’impôt sur les sociétés est dû sur les résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2014 – une mention particulière est nécessaire, en raison à la fois des différences de date de clôture de l’exercice d’une entreprise à l’autre et du mode de recouvrement par acomptes et soldes de cet impôt direct.

L’exposé des motifs de l’article 1er du projet de loi de finances de l’année fixe, depuis le projet de loi de finances pour 2009, un objectif de dépenses fiscales. Mis en place à la demande de la commission des Finances, cet objectif constitue un outil de pilotage de la dépense fiscale et permet au Parlement d’être informé de l’évolution du coût de ces dispositifs dérogatoires.

Rappelons que le tome II de l’annexe relative à l’évaluation des voies et moyens définit les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ». Une telle définition conduit à ce que le périmètre des dépenses fiscales soit relativement mouvant, pour deux raisons.

D’une part, l’appréciation de la « norme fiscale » est laissée au Gouvernement qui dispose de la faculté de « déclasser » des dispositifs en les sortant du périmètre des dépenses fiscales dès lors qu’il considère qu’ils relèvent de la norme, par exemple du fait de leur antériorité.

D’autre part, l’ensemble des dépenses fiscales relatives à une imposition donnée doit sortir du périmètre dès lors que la totalité du produit de cet impôt n’est plus affectée à l’État.

De plus, le nouveau règlement européen relatif aux nouvelles normes comptables, dit « système européen de comptabilité » en base 2010 (SEC 2010), prévoit que les crédits d’impôts sont désormais comptés comme des dépenses publiques.

L’objectif de dépenses fiscales pour 2012, fixé en loi de finances initiale à 65,8 milliards d’euros, était manifestement insincère. Il avait été réévalué, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, à 70,8 milliards d’euros.

La Rapporteure générale souligne, dans son rapport relatif au projet de loi de programmation pour les années 2014 à 2019 qui reprend dans son article 19 le même objectif (1), la difficulté à atteindre cet objectif du fait de l’augmentation spontanée de la dépense fiscale. Dans l’exposé des motifs de l’article, le coût de la dépense fiscale est évaluée à 72,1 milliards d’euros en 2013, 78,9 milliards d’euros en 2014 et à 81,9 milliards d’euros en 2015.

Toutefois, le projet de loi de programmation exclut le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) du plafonnement global des niches. Les dépenses fiscales seraient alors de 70,9 milliards d’euros en 2013, 70,7 milliards d’euros en 2014 et 70,6 milliards d’euros en 2015. Le CICE étant une dépense fiscale comme une autre, la Rapporteur générale a soutenu un amendement visant l’inclure dans le plafond et de ce fait à revoir le plafond global des niches fiscales.

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La Commission adopte l’article 1ersans modification.

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B.– Mesures fiscales

Article 2
Baisse de l’impôt sur le revenu des ménages à revenus moyens

Le présent article concrétise l’engagement du Gouvernement en faveur d’un allégement de l’imposition des Français aux revenus modestes et moyens, lesquels ont dû consentir des efforts importants au cours des quatre dernières années, dans un contexte budgétaire difficile. Cette mesure, dont le coût est évalué à 3,187 milliards d’euros, s’inscrit dans le Pacte de responsabilité et de solidarité, qui vise à soutenir le pouvoir d’achat des ménages. Elle vient pérenniser et amplifier fortement les effets de la réduction d’impôt exceptionnelle adoptée à l’été dernier et applicable à l’imposition des revenus de 2013, en procédant à une réforme d’ensemble du barème de l’impôt sur le revenu et de la décote.

Le présent article procède en premier lieu à une indexation du barème sur l’inflation, afin de maintenir le pouvoir d’achat de l’ensemble des ménages. Ensuite, il vient supprimer la deuxième tranche du barème, au taux de 5,5 %, tout en abaissant le seuil d’entrée dans la tranche au taux de 14 % : cette modification, neutre pour les contribuables relevant des tranches marginales à 14 %, 30 %, 41 % et 45 %, permet d’alléger ou d’annuler l’imposition de contribuables dont le revenu par part relève de la seule tranche au taux de 5,5 %. Enfin, il remanie fortement le dispositif de la décote, en simplifiant son mécanisme, en le « conjugalisant » et en étendant de manière forte son champ d’application.

Cette réforme va intéresser 6,125 millions de contribuables, qui viennent s’ajouter à ceux qui ont bénéficié, en septembre 2014, de la réduction d’impôt exceptionnelle d’impôt sur le revenu. Au total, 9 millions de foyers seront concernés, sur les 36 millions de foyers fiscaux que compte la France, soit un foyer sur quatre.

● Le barème progressif de l’impôt sur le revenu vient s’appliquer au revenu net global imposable. Ce dernier correspond à la somme des revenus nets catégoriels (2) d’un contribuable, minorée le cas échéant d’un certain nombre d’abattements (tel l’abattement au profit des personnes de plus de soixante-cinq ans ou invalides) et de charges (telles les charges afférentes à des monuments historiques ne produisant pas de recettes). Ce revenu est ensuite divisé par un nombre de parts de quotient familial déterminé en fonction de la situation et des charges de famille du contribuable.

Au revenu correspondant à une part est alors appliqué le barème, dont les taux sont définis à l’article 197 du code général des impôts. Le barème actuel, avec six taux d’imposition distincts et croissants à mesure que la fraction de revenu qui leur est soumise augmente, vise à assurer la progressivité de l’imposition sur le revenu des personnes physiques, qui garantit, comme l’a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-320 DC du 21 juin 1993 relative à la loi de finances rectificative pour 1993, l’égalité de tous devant les charges publiques proclamée par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

BARÈME PROGRESSIF APPLICABLE AUX REVENUS DE 2013

(en %)

Fraction du revenu imposable par part

Taux

Inférieure à 6 011 euros

0

Supérieure à 6 011 euros et inférieure ou égale à 11 991euros

5,5

Supérieure à 11 991euros et inférieure ou égale à 26 631 euros

14

Supérieure à 26 631 euros et inférieure ou égale 71 397 euros

30

Supérieure à 71 397 euros et inférieure ou égale à 151 200 euros

41

Supérieure à 151 200 euros

45

● Le montant de l’imposition obtenu par part de revenu est ensuite multiplié par le nombre de parts dont bénéficie le contribuable, pour aboutir au montant total des droits simples.

Exemple : au titre de l’année 2013, un couple marié avec deux enfants à charge, disposant donc de trois parts de quotient familial, a perçu des salaires de 60 000 euros. Son revenu imposable est de 54 000 euros après déduction de ses frais professionnels. Ce revenu est divisé par trois pour obtenir le revenu par part auquel s’applique le barème, soit 18 000 euros.

Le foyer fiscal s’acquitte en 2014 d’un montant nul au titre de la première tranche, de 0 à 6 011 euros (qui fonctionne comme un abattement en base), puis de 329 euros au titre de la deuxième tranche (soit 5,5 % de la fraction de revenu comprise entre 6 011 et 11 991 euros) et de 841 euros au titre de la troisième tranche (soit 14 % de la fraction de revenu comprise entre 18 000 et 11 991 euros). Le montant de son imposition par part de revenu s’élève donc à 1 170 euros.

Ce montant est ensuite multiplié par le nombre de parts du foyer fiscal, ce qui permet d’obtenir le montant de l’imposition finale, soit 3 510 euros.

Le taux marginal d’imposition de ce foyer fiscal est donc de 14 %, mais son taux moyen d’imposition s’élève à 6,5 % (soit 3 510/54 000 euros).

Cet exemple permet d’illustrer la différence entre le taux marginal et le taux moyen d’imposition. Ce dernier augmente plus que proportionnellement au revenu, du fait de la progressivité de l’imposition au barème, mais il est toujours sensiblement inférieur, par construction, au taux marginal d’imposition. Il tend à s’en rapprocher pour des revenus très élevés, où la proportion des revenus imposés aux premières tranches du barème s’avère très faible par rapport au montant total des revenus.

● Le quotient familial vise à assurer la prise en compte de la composition du foyer fiscal dans le calcul de l’impôt, et d’apprécier équitablement ses facultés contributives au regard de ses charges de famille : il conduit à imposer le revenu du foyer fiscal au barème progressif dans des tranches plus basses que celles qui lui auraient été appliquées en l’absence d’un tel mécanisme. L’avantage retiré du quotient familial croît mécaniquement avec le montant du revenu imposable, du fait de la progressivité du barème. C’est la raison pour laquelle le bénéfice retiré du quotient familial est plafonné, à un montant de 1 500 euros par demi-part dite « de droit commun » (3) applicable pour les enfants à charge, et se distinguant des demi-parts dites dérogatoires, par exemple pour des contribuables invalides ou anciens combattants – d’autres plafonds étant définis pour ces demi-parts dérogatoires (4).

En revanche, le bénéfice qui peut être retiré du « quotient conjugal » au sein d’un couple ou d’une famille n’est pas plafonné. Le principe du quotient conjugal correspond à la division par deux des revenus imposables du couple marié ou lié par un pacte civil de solidarité (PACS), puis à l’application du barème par part, l’impôt obtenu étant multiplié par deux : l’impôt dû par le couple est donc égal au double de l’impôt dû par une personne seule ayant le revenu moyen des membres du couple. Cette imposition conjointe se traduit ainsi par un avantage fiscal lorsqu’il existe une différence de revenus entre les conjoints, qui tient à la progressivité de l’impôt. L’avantage retiré est d’autant plus important que l’écart de revenus entre les deux conjoints est important.

Ensuite, le montant d’impôt résultant du barème peut se voir appliquer le mécanisme de la décote, destiné à annuler ou minorer l’impôt des ménages aux revenus modestes et moyens.

La décote a été introduite par la loi de finances pour 1982 (5) au bénéfice des contribuables isolés disposant d’une part ou d’une part et demie de quotient familial. Il se substituait à l’époque à un dispositif d’abattement visant à exonérer d’impôt les salariés rémunérés au SMIC disposant d’une part de quotient familial, au motif que cet abattement entraînait d’importants effets de seuil. « Afin (…) d’améliorer le sort des familles » (6), la loi de finances pour 1987 a étendu le bénéfice de la décote à l’ensemble des contribuables, portant ainsi le nombre de ses bénéficiaires de 2,8 millions à 7 millions.

Le mécanisme, tel que défini au 4 du I de l’article 197 du code général des impôts, consiste à réduire le montant de l’impôt résultant de l’application du barème progressif de la différence entre 508 euros et la moitié de son montant. L’avantage issu de la décote est retenu dans la limite du montant de l’imposition et ne donne lieu à aucun remboursement au bénéfice du contribuable.

La décote vient donc décaler et lisser l’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu, en annulant l’imposition des contribuables les plus modestes et en allégeant l’imposition de contribuables en deçà d’un certain seuil. D’une part, son application peut conduire à rendre non imposables des contribuables qui le seraient sinon en application du barème : des contribuables peuvent devenir non imposés – soit en réduisant leur imposition à 0, soit en la ramenant à un niveau inférieur au seuil minimal de recouvrement, soit 61 euros (7) – ; pour ceux qui bénéficient d’une restitution, au titre d’un crédit d’impôt, celle-ci peut être majorée. D’autre part, ce mécanisme peut conduire à réduire le montant effectivement dû : il retarde la progression de l’imposition en application du barème, de façon dégressive à mesure que l’imposition augmente.

En pratique, l’impôt dû après application de la décote est nul tant que le montant d’impôt dû avant décote est inférieur aux deux tiers de la valeur maximale de la décote. En l’état du droit, l’impôt acquitté est nul tant que l’imposition due est inférieure à 339 euros (soit 508 × 2/3). Ce montant de 339 euros correspond à la réduction maximale pouvant être obtenue. De plus, en se combinant avec le seuil de mise en recouvrement, l’application de la décote aboutit à un impôt effectivement acquitté égal à 0 tant que l’imposition due est inférieure à 379 euros [379 – (508 – 379/2) = 60].

Au fur et à mesure que l’impôt dû avant décote croît au-delà de 339 euros, le montant de la baisse d’imposition décroît, pour devenir nul à partir d’un niveau d’imposition égal à deux fois la valeur maximale de la décote, soit 1 016 euros (508 × 2).

Exemple d’annulation d’imposition :

Un célibataire retraité de soixante et un ans a perçu une pension de 12 400 euros au titre de l’année 2013. En application du barème et après abattement de 10 % sur le montant de sa pension, l’impôt dont il doit s’acquitter en 2014 s’élève à 283 euros.

Toutefois, en application de la décote, il convient de retrancher de ce montant [508 – (283/2)] = 366 euros ; l’imposition devant être acquittée après décote est donc nulle.

Exemple d’annulation d’imposition compte tenu du seuil minimum de mise en recouvrement

Un couple avec trois enfants a perçu des revenus salariaux de 34 300 euros au titre de l’année 2013. En application du barème, après déduction forfaitaire pour frais professionnels et application du quotient familial, l’impôt dont il devrait s’acquitter s’élève à 375 euros.

Toutefois, en application de la décote, il convient de retrancher de ce montant [508 – (375/2)] = 321 euros ; l’imposition devant être acquittée après décote s’élèverait donc à 54 euros, soit un montant inférieur au seuil minimum de mise en recouvrement. Le ménage ne paiera donc pas d’impôt non plus (8).

Exemple de minoration d’imposition

Un célibataire a perçu un salaire de 18 000 euros au titre de l’année 2013. En application du barème, après déduction forfaitaire pour frais professionnels, l’impôt dont il devra s’acquitter s’élève à 918 euros.

Toutefois, en application de la décote, il convient de retrancher de ce montant [508 – (918/2)] = 49 euros ; l’imposition devant être acquittée après décote s’élèvera donc à 869 euros.

À l’issue de ces différentes étapes, est obtenu l’impôt brut, sur lequel s’imputent, le cas échéant, les réductions d’impôt puis les crédits d’impôt dont bénéficie le foyer fiscal (9).

Un ménage peut ainsi bénéficier d’une réduction d’impôt au titre d’un don fait à un organisme d’intérêt général, ou encore d’une souscription au capital d’une petite et moyenne entreprise (PME). Dans le cas où le montant des réductions d’impôt excède celui de l’impôt brut, la fraction non imputée de ces réductions est en principe perdue. Toutefois, dans certains cas limitativement prévus par la loi, l’excédent de réduction d’impôt peut donner lieu à report sur l’impôt dû au titre des années suivantes – tel est par exemple le cas par exemple pour le dispositif dit « Scellier » d’investissement locatif.

Il en va différemment pour le crédit d’impôt, puisque lorsque le montant du crédit d’impôt est supérieur à celui de l’impôt dû, l’excédent est restitué au contribuable. Ainsi, un contribuable peut recevoir une restitution du Trésor public lorsqu’il bénéficie d’un crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile, de travaux d’amélioration énergétique réalisés dans son habitation principale, ou encore, et c’est le cas le plus répandu, lorsqu’il reçoit la prime pour l’emploi (PPE).

La PPE prend en effet la forme d’un crédit d’impôt, destiné à soutenir les revenus des travailleurs aux revenus modestes et à inciter à la reprise ou à la poursuite d’une activité professionnelle. Elle est attribuée, sous condition de revenu fiscal de référence (RFR), aux foyers fiscaux dont l’un au moins des membres exerce une activité professionnelle, salariée ou non, et dont les revenus sont compris entre certaines limites, soit entre 0,27 et 1,25 SMIC en 2014. En 2013, 5,9 millions de foyers fiscaux ont bénéficié de la PPE, pour un coût budgétaire de 2,46 milliards d’euros. Pour un contribuable célibataire actif, le montant maximal de PPE pouvant être perçu est de 960 euros, pour un niveau de salaire net déclaré de 12 460 euros, soit 0,9 SMIC.

Enfin, comme évoqué supra, les cotisations d’impôt sur le revenu ne sont pas mises en recouvrement lorsque leur montant, avant imputation des crédits d’impôt, est inférieur à 61 euros. Par ailleurs, si le montant de la cotisation d’impôt est supérieur ou égal au seuil de recouvrement, avant imputation des crédits d’impôt, mais qu’il devient inférieur à ce seuil après cette imputation, ce montant est mis en recouvrement sous réserve qu’il excède le montant indiqué au 2 de l’article 1657 du code général des impôts, soit 12 euros.

Depuis les années 1990, le barème de l’impôt sur le revenu a fait l’objet de réformes successives visant à sa simplification et à l’allégement de l’imposition. Cette tendance de moyen terme a toutefois été infléchie par la loi de finances pour 2011 (10), puis par celle pour 2013 (11), qui ont tendu à rehausser le taux marginal supérieur du barème.

Le nombre de tranches du barème a été progressivement réduit au cours des vingt dernières années, en étant ramené de treize à sept à compter de l’imposition des revenus de 1993, puis de sept à cinq à compter de l’imposition des revenus de 2006. Parallèlement, plusieurs baisses de taux ont été réalisées au fil des réformes successives. Un plan de réduction des taux du barème pour l’imposition des revenus de 2000 et 2001 a ainsi été adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2001, réduisant davantage les taux marginaux des premières tranches que ceux des dernières (12). Une réduction de 5 % de l’imposition de l’impôt sur le revenu a de surcroît été accordée au titre de l’imposition des revenus de 2001, par la loi de finances rectificative du 6 août 2002 (13).

Après que la loi de finances pour 2003 (14) a poursuivi l’abaissement des taux des différentes tranches, une profonde refonte du barème de l’impôt sur le revenu a été réalisée par la loi de finances pour 2006 (15), applicable à partir de l’imposition des revenus de 2006. Outre la simplification du barème, par la réduction du nombre de tranches, cette réforme a procédé à l’intégration de l’abattement de 20 % applicable jusqu’alors à la plupart des revenus, ce qui s’est traduit par une baisse des taux. Toutefois, la suppression de cet abattement ne s’est pas accompagnée de mesures visant à neutraliser la suppression du plafonnement de cet avantage, qui fonctionnait en fait comme une huitième tranche pour les contribuables concernés.

Cette réforme a conduit à un fort allégement de l’imposition des ménages, la répartition du gain s’effectuant largement au profit des contribuables les plus aisés. Les foyers fiscaux appartenant au dernier décile de RFR en 2005 ont bénéficié au total d’un peu plus de 60 % de l’allégement d’impôt opéré par la réforme, soit 2,3 milliards d’euros sur une enveloppe globale consacrée à la réforme de 3,6 milliards d’euros.

ÉVOLUTION DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU
AU TITRE DE L’IMPOSITION DES REVENUS DE 1999 À 2003

(en euros)

1999

2000

2001

2002

2003

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

3 999

10,5

4 055

8,25

4 121

7,50

4 191

7,05

4 262

6,83

7 867

24

7 976

21,75

8 104

21,00

8 242

19,74

8 382

19,14

13 847

33

14 039

31,75

14 264

31,00

14 506

29,14

14 753

28,26

22 419

43

22 732

41,75

23 096

41,00

23 489

38,54

23 888

37,38

36 480

48

36 987

47,25

37 579

46,75

38 218

43,94

38 868

42,62

44 987

54

45 612

53,25

46 343

52,75

47 131

49,58

47 932

48,09

RÉFORME DU BARÈME DE 2006 APPLICABLE
À COMPTER DE L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2006

(en euros)

2005

2006

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

0

0

0

0

4 412

6,83

5 615

5,50

8 678

19,14

11 198

14

15 225

28,26

24 872

30

24 731

37,38

66 679

40

40 241

42,62

-

-

49 624

48,09

-

-

Enfin, les deux dernières modifications du barème de l’impôt sur le revenu sont intervenues en sens inverse, en alourdissant l’imposition et en augmentant le nombre de tranches. La loi de finances pour 2011 a en effet relevé le taux de la dernière tranche d’alors, de 40 % à 41 %, et ce afin de financer une partie de la réforme des retraites adoptée en 2010.

Afin d’assurer une plus grande progressivité de l’imposition, ainsi qu’une répartition équitable de l’effort engagé pour redresser les comptes publics, la loi de finances pour 2013 a ensuite introduit une nouvelle tranche au sein du barème, à un taux de 45 %, applicable à la fraction des revenus supérieure à 150 000 euros par part de quotient familial.

ÉVOLUTION DU BARÈME APPLICABLE
AUX REVENUS ENTRE 2009 ET 2012

(en euros)

2009

2010

2011

2012

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

Limites inférieures

Taux
(en %)

0

0

0

0

0

0

0

0

5 875

5,50

5 963

5,50

5 963

5,50

5 963

5,50

11 720

14

11 896

14

11 896

14

11 896

14

26 030

30

26 420

30

26 420

30

26 420

30

69 783

40

70 830

41

70 830

41

70 830

41

150 000

45

Si la réforme de 2006 a représenté une réforme de grande ampleur, ayant une incidence sur la totalité des foyers imposables, les deux dernières réformes de 2011 et 2012 n’ont concerné qu’un nombre relativement limité de contribuables. En effet, sur un total de 36,72 millions de foyers fiscaux, seulement un peu plus de 400 000 se trouvaient soumis à un taux marginal supérieur de 41 % et 45 % pour l’imposition des revenus de 2012. À titre de comparaison, 14,83 millions de foyers fiscaux étaient assujettis à un taux marginal de 14 %.

RÉPARTITION DES FOYERS FISCAUX PAR TRANCHE DU BARÈME DE L’IMPÔT SUR LE REVENU, POUR L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2012

(en euros)

Taux marginal

Nombre de foyers fiscaux

Part de foyers fiscaux

RFR moyen

Montant moyen de l’impôt effectivement acquitté

0 %

8 741 670

23,8 %

5 681

− 91

5,5 %

8 866 253

24,1 %

17 753

− 116

14 %

14 827 094

40,4 %

27 863

1 270

30 %

3 877 237

10,6 %

59 095

6 752

41 %

350 123

1 %

169 061

32 036

45 %

57 659

0,2 %

490 567

135 995

Total

36 720 036

100 %

25 512

1 695

Source : direction générale des finances publiques (DGFiP).

À cet égard, il convient de rappeler que les taux moyens d’imposition auxquels sont soumis les foyers fiscaux s’avèrent très sensiblement inférieurs à ces taux marginaux. Ainsi, pour l’imposition des revenus de 2012, si 40,4 % des foyers fiscaux relevaient du taux marginal de 14 %, seulement 2 % des foyers fiscaux étaient soumis à un taux moyen d’imposition supérieur à 15 %. Comme l’illustre le tableau suivant, 91 % des foyers fiscaux ont un taux moyen d’imposition compris entre 0 et 9 %, et seulement 0,74 % des foyers fiscaux, soit environ 271 000, ont un taux moyen d’imposition supérieur à 21 %.

TAUX MOYEN D’IMPOSITION POUR L’IMPÔT SUR LE REVENU
FIGURANT SUR L’AVIS D’IMPOSITION

(en euros)

Bornes de taux moyen d’imposition affiché sur l’avis d’imposition

Nombre de foyers fiscaux

Nombre de foyers fiscaux cumulé

Foyers fiscaux cumulé

Nombre de foyers imposables cumulé

Foyers imposables cumulé

0 %

0 %

17 634 230

17 634 230

48 %

0 %

3 %

4 710 781

22 345 011

61 %

4 710 781

25 %

3 %

6 %

5 652 792

27 997 803

77 %

10 363 573

55 %

6 %

9 %

5 213 046

33 210 849

91 %

15 576 619

82 %

9 %

12 %

1 317 659

34 528 508

94 %

16 894 278

89 %

12 %

15 %

875 632

35 404 140

97 %

17 769 910

94 %

15 %

18 %

522 855

35 926 995

98 %

18 292 765

97 %

18 %

21 %

352 189

36 279 184

99 %

18 644 954

99 %

Au-delà de 21 %

270 742

36 549 926

100 %

18 915 696

100 %

Total

36 549 926

Source : direction de la législation fiscale, échantillon des revenus 2012 (cinquième émission).

Traditionnellement, la loi de finances de l’année vient revaloriser les seuils des différentes tranches du barème à hauteur du taux d’inflation des prix hors tabac. Cette indexation du barème s’est appliquée sans interruption depuis 1969. Auparavant, des périodes parfois relativement longues se sont écoulées sans que le barème ne soit indexé. À partir de 1969, l’indexation s’est appliquée de façon continue, mais différenciée selon les tranches du barème. Les quatre premières tranches étaient ainsi revalorisées au-delà du niveau de l’inflation afin d’abaisser plus fortement la pression fiscale pesant sur les contribuables modestes et, inversement, les cinq dernières tranches étaient revalorisées en deçà du niveau de l’inflation afin de limiter la correction du niveau d’imposition au regard de l’inflation annuelle.

Ce n’est qu’à compter de 1981 que le principe d’une indexation indifférenciée à l’ensemble des tranches s’impose. Depuis cette date, il a constitué une mesure consensuelle de modération de la pression fiscale prise chaque année en loi de finances initiale.

La dernière loi de finances rectificative pour 2011 (16) a toutefois procédé au gel des différents seuils du barème pour l’imposition des revenus de 2011 et de 2012 ; il s’agissait d’accroître les recettes fiscales, compte tenu de l’état dégradé des finances publiques – la mesure de gel se traduisant par des recettes supplémentaires d’impôt sur le revenu de l’ordre de 1,58 milliard d’euros en 2012. La loi de finances pour 2013 n’est pas revenue sur le gel ainsi réalisé pour l’imposition des revenus de 2012, du fait du contexte budgétaire difficile.

En revanche, la loi de finances pour 2014 (17) a renoué avec la pratique traditionnelle d’indexation, et a revalorisé de 0,8 % les seuils du barème applicables à l’imposition des revenus de 2013.

● Le montant de la décote est habituellement revalorisé chaque année à hauteur du taux de l’inflation, par l’article de la loi de finances indexant le barème de l’impôt sur le revenu. Il a toutefois été fait exception à cette règle pour l’imposition des revenus de l’année 2011, du fait du gel du barème.

En revanche, l’actuelle majorité a souhaité limiter, pour les contribuables aux revenus modestes, les effets du gel du barème pour l’imposition des revenus de 2012. Pour ce faire, la loi de finances pour 2013 (18) a procédé à une forte augmentation du montant de la décote : son montant a été porté de 439 à 480 euros, soit une hausse de 9 %.

Puis, la loi de finances pour 2014 (19) est venue à nouveau revaloriser la décote au-delà du taux de l’inflation, à hauteur de 5,8 %, afin de cibler les efforts en faveur du pouvoir d’achat sur les contribuables disposant de revenus limités ; il s’agissait d’alléger l’imposition de certains d’entre eux, tout en permettant à d’autres de « sortir » du barème.

ÉVOLUTION DU MONTANT MAXIMAL DE LA DÉCOTE ET DU MONTANT D’IMPOSITION MAXIMALE POUVANT ÊTRE ANNULÉE

(en euros)

Année d’imposition des revenus

2009

2010

2011

2012

2013

Montant maximal de la décote

433

439

439

480

508

Montant maximal d’imposition due pouvant être annulé par la décote

288

292

292

320

339

Montant maximal d’imposition due pouvant être annulé par la décote compte tenu du seuil de mise en recouvrement

329

334

334

361

379

Source : lois et projet de loi de finances.

Ces deux hausses successives du montant de la décote, conjuguées au dégel du barème pour l’imposition des revenus de 2013, se sont traduites par une nette hausse du seuil en-deçà duquel un contribuable ne paye pas d’impôt ou se trouve dispensé d’acquitter un impôt inférieur au seuil de mise en recouvrement, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

ÉVOLUTION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE

(en euros)

Nombre de parts

2011

2012

2013

Dernier revenu non imposable du fait de la décote fixée à 439 euros

Dernier revenu non imposable du fait de la décote fixée à 480 euros

Dernier revenu non imposable du fait de la décote fixée à 508 euros

1 part

13 275

13 490

13 725

1,5 part

16 677

17 222

17 685

2 parts

19 989

20 534

21 020

2,5 parts

23 302

23 848

24 364

3 parts

26 614

27 160

27 702

3,5 parts

29 928

30 473

31 043

Source : DGFiP.

Par ailleurs, les contribuables dont l’imposition ne peut être annulée du fait de la décote bénéficient d’un lissage plus progressif à l’entrée dans le barème progressif, jusqu’à un point de sortie du dispositif plus élevé :

(en euros)

Nombre de parts

2011

2012

2013

Dernier revenu imposable bénéficiant d’un allégement par la décote fixée à 439 euros

Dernier revenu imposable bénéficiant d’un allégement par la décote fixée à 480 euros

Dernier revenu imposable bénéficiant d’un allégement par la décote fixée à 508 euros

1 part

17 592

18 242

18 772

1,5 part

22 905

23 557

24 129

2 parts

28 220

28 870

29 484

2,5 parts

35 533

34 184

34 841

3 parts

37 603

39 260

40 198

3,5 parts

40 916

45 572

43 891

Source : DGFiP.

● La décote concerne environ un tiers des foyers fiscaux dans leur ensemble, soit 12 millions – ce nombre s’avérant relativement stable depuis 2009 –, pour un coût budgétaire de l’ordre de 2 milliards d’euros. Parmi les 12 millions de contribuables en bénéficiant chaque année, environ 4,3 millions de contribuables imposés deviennent non imposés sous l’effet de la décote ; entre 4,1 et 5,1 millions d’euros de contribuables imposés voient leur imposition réduite, tandis que la restitution est augmentée pour 2,5 à 3,5 millions de contribuables.

ÉVOLUTION DU SYSTÈME DE DÉCOTE SUR LES CINQ DERNIÈRES ANNÉES

Années budgétaires

2009

(revenus 2008)

2010

(revenus 2009)

2011

(revenus 2010)

2012

(revenus 2011)

2013

(revenus 2012)

Montant de la décote
(en euros)

431

433

439

439

480

Coût budgétaire

(en millions d’euros)

890*

2 070

2 110

1 990

2 170

Nombre de contribuables bénéficiaires effectifs

Imposés dont l’impôt décroît

nd

4 454 200

4 494 400

4 108 500

5 155 700

Restitués dont la restitution augmente

nd

3 633 400

3 491 000

3 183 500

2 583 600

Imposés devenant non imposés

nd

4 275 600

4 319 900

4 459 600

4 386 400

Total

12 197 300

12 363 200

12 305 300

11 751 600

12 125 700

Source : direction de la législation fiscale (logiciel de simulation Orison-échantillons métropole et départements d’outre-mer de 500 000 déclarations d’impôt sur les revenus de 2009 à 2012).

* Le faible coût observé au titre des revenus 2009 s’explique par l’absence de neutralisation du crédit d’impôt exceptionnel adopté dans le cadre du plan de relance et applicable aux seuls revenus 2009, pour les besoins du chiffrage

Le gel du montant de la décote en 2012, pour l’imposition des revenus de 2011, s’est traduit par une nette diminution du nombre de bénéficiaires, passé de 12,3 à 11,75 millions, et de son coût, ramené de 2,11 à 1,99 milliard d’euros. Le rattrapage opéré par la loi de finances pour 2013 est venu compenser pour partie cette évolution, sans permettre de revenir au niveau de 2011 en termes de nombre de bénéficiaires : le nombre de foyers fiscaux dont la restitution augmente du fait de la décote a été fortement réduit entre 2011 et 2013, tandis que le nombre d’imposés dont l’impôt décroît grâce à la décote a crû.

Le tableau ci-dessous présente la ventilation des foyers fiscaux bénéficiaires de la décote par décile de revenu fiscal de référence (RFR).

VENTILATION DES BÉNÉFICIAIRES DE LA DÉCOTE PAR DÉCILE DE REVENU FISCAL
DE RÉFÉRENCE (RFR), POUR L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2012

Borne inférieure de RFR

(en euros)

Borne supérieure de RFR (en euros)

Déciles des foyers fiscaux bénéficiant de la décote

(en nombre de foyers)

Montant de gain retiré par les foyers fiscaux

(en millions d’euros)

0

10 353

1 212 570

192

10 353

11 803

1 212 570

275

11 803

13 294

1 212 570

299

13 294

14 381

1 212 570

240

14 381

15 454

1 212 570

193

15 454

16 578

1 212 570

152

16 578

18 760

1 212 570

231

18 760

22 009

1 212 570

239

22 009

26 795

1 212 570

197

26 795

1 212 570

152

Total

12 125 700

2 170

Source : direction de la législation fiscale.

Les trois premiers déciles correspondent principalement aux contribuables célibataires qui deviennent non imposables du fait de la décote : ils bénéficient soit d’une annulation de leur imposition, soit, lorsqu’ils disposent de crédits d’impôt, d’une transformation de leur imposition en restitution ou d’une augmentation de leur restitution. Les derniers déciles correspondent davantage aux couples, avec le cas échéant des enfants, qui deviennent non imposables ou voient leur imposition allégée.

L’article 1er de la loi du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 a instauré une réduction d’impôt exceptionnelle, s’appliquant à l’imposition des seuls revenus de 2013, destinée à alléger la pression fiscale pesant sur les ménages modestes.

Cet avantage fiscal est forfaitaire, d’un montant de 350 euros pour un contribuable célibataire, veuf ou divorcé, et de 700 euros pour des contribuables soumis à imposition commune. Son bénéfice est réservé aux foyers fiscaux dont le RFR est inférieur à certains plafonds. Ce plafond est « familialisé » : il prend en compte la composition du foyer fiscal, par le biais de majorations par demi-parts de quotient familial. Sont ainsi éligibles à la réduction d’impôt les foyers fiscaux dont le niveau de RFR, calculé en fonction du nombre de parts de quotient familial, est inférieur à 14 145 euros pour un contribuable seul et à 28 290 euros pour un couple, majoré de 3 536 euros pour chacune des demi-parts suivantes et de 1 768 euros pour chacun des quarts de part suivants.

Un foyer fiscal bénéficie de la réduction d’impôt à son niveau maximal jusqu’à un plafond de RFR de 13 795 euros pour un contribuable seul, de 27 590 euros pour un couple et de 34 662 euros pour un couple avec deux enfants. Ensuite, dans le cadre d’un mécanisme de lissage destiné à éviter les effets de seuil, la réduction d’impôt est dégressive, pour s’annuler aux niveaux de RFR conditionnant le bénéfice de l’avantage fiscal.

La réduction d’impôt s’impute sur l’impôt tel que calculé selon les modalités prévues par l’article 197 du code général des impôts, c’est-à-dire après l’application du quotient familial et le cas échéant son plafonnement, et après la mise en œuvre du mécanisme de la décote, mais avant l’imputation des crédits d’impôt, dont la PPE, et des prélèvements ou retenues non libératoires. De ce fait, la réduction d’impôt n’interfère pas avec l’application de la PPE, qui intervient ensuite.

Le gain retiré de la présente mesure peut être inférieur à 350 ou 700 euros, selon les cas, puisque, à la différence d’un crédit d’impôt, une réduction d’impôt, lorsqu’elle excède l’impôt dû, ne peut pas donner lieu à remboursement. De ce fait, lorsque l’impôt dû par les contribuables est moins élevé que 350 ou 700 euros, l’avantage qu’ils retirent de la mesure est limité au montant de l’impôt qu’ils auraient dû acquitter.

Cette mesure se traduit par un net recul du seuil de revenus à partir duquel un foyer fiscal entre dans l’impôt, et ce quelle que soit la configuration du foyer fiscal : l’entrée dans l’impôt en 2014 passe ainsi, pour l’imposition des revenus de 2013, de 13 725 euros de revenus déclarés à 15 371 euros de revenus déclarés pour un célibataire, de 21 024 euros à 28 137 euros pour un couple et de 24 365 euros à 33 500 euros pour un couple avec un enfant.

Comme le mettent en évidence les tableaux présentés dans le commentaire de cet article dans le rapport présenté par la Rapporteure générale (20), le champ des revenus pour lesquels l’avantage fiscal joue croît avec le nombre de parts : il est plus étroit pour les célibataires que pour les couples mariés, et il est d’autant plus large que le foyer fiscal compte de personnes à charge. Un célibataire bénéficie de la mesure lorsque son revenu oscille entre 0,96 et 1,13 SMIC, alors qu’un couple avec trois enfants en bénéficie lorsque son revenu est compris entre 2,4 et 3,4 SMIC.

Selon l’évaluation préalable figurant dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014, la mesure devait bénéficier à 3,7 millions de foyers fiscaux, dont 1,9 million deviendraient non imposés, 1,3 million bénéficieraient d’une restitution majorée et 500 000 verraient leur cotisation d’impôt réduite.

De premières données sur le bilan de la mesure ont été transmises à la Rapporteure générale à partir de la seconde émission de revenus de 2013, laquelle représente environ 95 % du nombre total de foyers fiscaux pour les revenus de 2013 (21). Elles tendent à montrer que le nombre de bénéficiaires de la réduction d’impôt, comme le coût de celle-ci, sont légèrement supérieurs aux prévisions : ce sont en effet 4,24 millions de foyers fiscaux qui ont été concernés par la mesure, pour un coût budgétaire de 1,25 milliard d’euros.

Parmi ces 4,24 millions de foyers, toutefois, seuls 4 millions bénéficient effectivement d’un allégement d’impôt ; pour la très grande majorité des 240 000 contribuables restants, le montant de l’impôt avant réduction d’impôt est inférieur au seuil de mise en recouvrement de 61 euros, donc le bénéfice retiré in fine de la mesure est nul.

Sur ces quelques 4 millions de bénéficiaires effectifs, 2,1 millions de foyers fiscaux sont devenus non imposés, soit 200 000 de plus que prévu, tandis que 1,36 million bénéficient d’une restitution d’impôt plus élevée : le gain moyen, dans ce cas, est estimé à 230 euros. Enfin, ce sont finalement 600 000 foyers fiscaux imposés qui bénéficient d’une baisse de leur cotisation d’impôt, d’un montant moyen de 436 euros. Les effets de la mesure sont donc considérables, et permettent de soutenir significativement le pouvoir d’achat des ménages.

Le montant maximal du gain retiré de la mesure est de 350 euros pour un contribuable célibataire et de 700 euros pour un couple. Seulement 53 000 contribuables célibataires, divorcés ou veufs ont bénéficié à plein de la mesure, à hauteur de 350 euros, soit environ 3 % des 1,8 million de contribuables célibataires, divorcés ou veufs concernés. Cette proportion très limitée reflète l’étroitesse de la plage des revenus pour lesquels le gain issu de la réduction d’impôt était maximal pour un contribuable seul, à savoir entre 1,09 SMIC et 1,11 SMIC.

La part des contribuables mariés ou pacsés bénéficiant de la réduction d’impôt maximale est beaucoup plus importante, puisqu’elle atteint 21 % des 2,38 millions de couples bénéficiaires. 500 000 foyers fiscaux ont ainsi retiré un gain de 700 euros de la réforme, ce qui s’explique par les plages de revenus plus larges pour lesquelles le bénéfice était maximal ; à titre d’exemple, le champ de la réduction d’impôt s’établissait entre 2,6 et 2,76 SMIC pour un couple avec deux enfants.

Le tableau ci-dessous présente la ventilation des foyers fiscaux effectivement bénéficiaires de la réduction d’impôt par décile de RFR. Du fait des critères d’application de la réduction d’impôt, ce sont les bénéficiaires célibataires, veufs et divorcés qui sont concentrés sur les premiers déciles, tandis que les couples, avec ou sans enfants, sont positionnés sur les derniers déciles. Ainsi, le tableau fait apparaître que 406 000 foyers fiscaux dont le RFR est supérieur à 31 429 euros ont bénéficié de la réduction d’impôt ; compte tenu des plafonds applicables pour le bénéfice de la réduction d’impôt, ces foyers sont des couples comptant au moins deux enfants.

VENTILATION DES FOYERS FISCAUX EFFECTIVEMENT BÉNÉFICIAIRES
DE LA RÉDUCTION D’IMPÔT PAR DÉCILE DE RFR

Borne inférieure de RFR

(en euros)

Borne supérieure de RFR

(en euros)

Déciles de foyers fiscaux effectivement bénéficiaires

(en milliers)

0

12 975

406

12 975

13 630

406

13 630

14 140

406

14 140

19 339

406

19 339

22 142

406

22 142

24 791

406

24 791

26 460

406

26 460

28 078

406

28 078

31 429

406

31 429

 

406

Total

4 060

Source : direction de la législation fiscale.

Le tableau ci-dessous retrace la répartition des foyers fiscaux bénéficiaires de la mesure en fonction des déciles de RFR de l’ensemble des foyers fiscaux. Il permet de constater qu’un grand nombre de foyers fiscaux bénéficiaires sont concentrés sur les quatrième et septième déciles ; les célibataires, divorcés et veufs concernés relèvent pour l’essentiel du quatrième décile, quand les couples et les familles se trouvent en majorité sur le septième décile.

VENTILATION DES FOYERS FISCAUX EFFECTIVEMENT BÉNÉFICIAIRES
DE LA RÉDUCTION D’IMPÔT PAR DÉCILES DE REVENU FISCAL
DE RÉFÉRENCE DE L’ENSEMBLE DES FOYERS FISCAUX

Borne inférieure de RFR

(en euros)

Borne supérieure de RFR

(en euros)

Déciles de l’ensemble des foyers fiscaux

(en milliers)

Nombre de foyers fiscaux effectivement bénéficiaires

(en milliers)

0

3 533

3 655

3

3 533

8 745

3 655

ε

8 745

12 380

3 655

96

12 380

15 545

3 655

1 154

15 545

18 596

3 655

285

18 596

22 726

3 655

554

22 726

28 490

3 655

1 231

28 490

36 452

3 655

623

36 452

50 942

3 655

111

50 942

 

3 655

1

Total

36 550

4 060

Source : simulation budgétaire, échantillon de 500 000 déclarations d’impôt sur les revenus de 2012 actualisés 2013, environnement législatif applicable aux revenus 2013.

 

Décile 1

Décile 2

Décile 3

Décile 4

Décile 5

Décile 6

Décile 7

Décile 8

Décile 9

Décile 10

Total

Spontané

0

0

5

65

165

55

30

15

10

30

375

Demi-part « vieux parents »

0

0

0

20

25

15

5

0

0

0

65

Heures supplémentaires

0

0

5

65

65

50

25

10

5

5

230

Barémisation

0

0

0

5

25

20

10

10

5

5

85

Décote

0

0

– 10

– 80

– 85

– 30

– 5

0

0

0

– 210

QF à 1 500 euros

0

0

0

0

0

0

0

0

5

5

10

Complémentaires santé

0

0

5

125

85

35

15

5

5

0

275

Majorations de pension

0

0

0

85

155

35

15

15

10

5

315

RI exceptionnelle

0

0

– 35

– 650

– 800

– 525

– 140

– 25

– 5

0

– 2 180

Total

0

0

– 25

– 370

– 365

– 345

– 45

30

35

45

– 1 035

Source : Échantillon de 500 000 déclarations de revenus 2012, vieillis en 2013, calculs direction générale du Trésor.

Note : les montants affichés sont arrondis au 5 000 le plus proche, la somme des montants arrondis ne correspond donc pas toujours au total arrondi en ligne ou en colonne.

Le tableau se lit comme suit : au sein du quatrième décile de revenu déclaré par unité de consommation, 370 000 foyers fiscaux sont sortis de l’impôt sur le revenu.

 

Décile 1

Décile 2

Décile 3

Décile 4

Décile 5

Décile 6

Décile 7

Décile 8

Décile 9

Décile 10

Total

Demi-part « vieux parents »

0

0

0

10

40

50

40

30

30

30

230

Heures supplémentaires

0

0

0

20

80

130

150

160

190

270

1 000

Barémisation (*)

0

0

0

0

10

40

40

70

150

2 940

3 270

Décote

0

0

0

– 30

– 70

– 50

– 20

0

0

0

– 180

QF à 1 500 euros

0

0

0

0

0

0

0

30

250

830

1 110

Complémentaires santé

0

30

40

80

120

100

100

100

140

220

930

Majorations de pension

0

0

0

30

120

130

130

180

270

580

1 440

RI exceptionnelle

0

0

– 10

– 230

– 400

– 460

– 140

– 20

0

0

– 1 260

Total

0

30

20

– 130

– 90

– 60

310

540

1 040

4 870

6 540

Source : Échantillon de 500 000 déclarations de revenus 2012, vieillis en 2013, calculs direction générale du Trésor.

(*) il s’agit du rendement brut de la barémisation des revenus du capital, hors suppression du prélèvement forfaitaire libératoire (PFL), et hors créneaux et imputation du prélèvement forfaitaire obligatoire (PFO).

Note 1 : les montants affichés sont arrondis à la dizaine de millions la plus proche, la somme des montants arrondis ne correspond donc pas toujours au total arrondi en ligne ou en colonne.

Note 2 : il a été retenu une probabilité uniforme pour tous les salariés de bénéficier d’une complémentaire santé dans les simulations. La répartition du rendement de la mesure est sensible à cette hypothèse.

Le tableau se lit comme suit : au sein du quatrième décile de revenu déclaré par unité de consommation, le rendement de l’impôt sur le revenu a diminué de 130 millions d’euros, essentiellement du fait de la réduction d’impôt exceptionnelle intervenue en septembre 2014.

Les travaux conduits dans le cadre des Assises de la fiscalité des ménages au cours du premier semestre 2014, sous la présidence de MM. François Auvigne et Dominique Lefebvre, ont permis de dresser plusieurs diagnostics, notamment le fait que notre système socialo-fiscal souffre moins d’un manque de progressivité que d’une grande complexité et d’un manque de cohérence, et ils ont dégagé une priorité : le bas de barème de l’impôt sur revenu, devenu aujourd’hui illisible et affecté d’importants effets de seuil.

S’inscrivant dans ces conclusions, la réduction d’impôt exceptionnelle, présentée supra, pour l’imposition des revenus de 2013, était ciblée sur les ménages aux revenus modestes et moyens. Comme annoncé dès juin dernier par le Gouvernement, cette réduction d’impôt a vocation à être pérennisée, dans le cadre de la réforme proposée par le présent article.

Année d’imposition

2009
(revenus de 2008)

2010
(revenus de 2009)

2011
(revenus de 2010)

2012
(revenus de 2011)

2013
(revenus de 2012)

Nombre de foyers fiscaux

36,39

36,6

36,96

36,39

36,72

Nombre de foyers imposés

15,78

16,82

17,21

18,15

19,20

Nombre de foyers non imposés

20,61

19,78

19,75

18,24

17,52

Proportion de foyers imposés

43,4 %

46 %

46,6 %

49,9 %

52,3 %

Source : direction de la législation fiscale.

Il convient de noter que l’étiage bas constaté pour l’imposition des revenus de 2008 s’explique par l’allégement exceptionnel de l’impôt accordé par la deuxième loi de finances rectificative pour 2009 (22) à certains contribuables.

Comme cela a été souligné dans le rapport précité de la Rapporteure générale sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014, l’analyse de l’évolution de la proportion de contribuables imposés s’avère complexe, puisque divers facteurs peuvent jouer à la hausse ou à la baisse en la matière : outre l’évolution de la législation fiscale, les revenus des foyers fiscaux peuvent varier, de même que leur situation (naissance ou départ d’un enfant, divorce, emploi d’un salarié à domicile…), tandis qu’il faut prendre en compte l’apparition de nouveaux foyers fiscaux (par exemple due aux divorces ou à l’entrée d’étudiants dans le monde du travail) ainsi que la disparition d’autres (due à des décès, à des mariages…). Enfin, en l’absence de toute mesure fiscale nouvelle, le nombre de foyers fiscaux imposés augmente de façon spontanée d’une année sur l’autre : le barème de l’impôt sur le revenu est indexé sur l’indice des prix à la consommation hors tabac, qui évolue en moyenne moins vite que les revenus, ce qui tend à faire augmenter tendanciellement le nombre de foyers fiscaux imposés.

Toutefois, les chiffres présentés dans le tableau supra laissent à penser que la hausse de la proportion des foyers fiscaux imposés ne peut s’expliquer uniquement par ces différents facteurs, mais qu’elle correspond à l’alourdissement de la pression fiscale constaté depuis quatre années, manifestant ainsi une participation importante des foyers fiscaux aux revenus modestes et moyens aux efforts de redressement budgétaire.

La hausse d’un million du nombre de foyers fiscaux imposés entre 2011 et 2012 s’explique ainsi pour l’essentiel par le gel du barème de l’impôt sur le revenu, intervenu en loi de finances rectificative pour 2011, et par les effets de l’extinction de la demi-part dite « vieux parents », décidée en 2009. L’augmentation constatée entre 2012 et 2013, d’un peu moins d’un million, trouve largement sa source dans le gel du barème – corrigé en partie toutefois par la hausse de la décote – et là encore par les effets de la demi-part dite « vieux parents », qui avait été décidée en 2009, comme l’illustre le tableau ci-dessous, issu de la direction générale du Trésor et publié dans le rapport précité sur le projet de loi de finances rectificative (23) :

VENTILATION PAR MESURE FISCALE DE L’ÉVOLUTION DU NOMBRE
DE FOYERS FISCAUX DEVENANT IMPOSÉS ENTRE 2012 ET 2013

Ventilation par mesure fiscale

Évolution du nombre
de foyers fiscaux imposés
entre 2012 et 2013

Évolution spontanée du nombre de foyers imposés

365 000

Fiscalisation des heures supplémentaires (1)

156 000

Rabot des niches fiscales

2 000

Baisse de l’abattement pour le calcul de la contribution sociale généralisée

− 15 000

Réforme de la demi-part « vieux parents » (2)

373 000

Gel du barème (3)

443 000

Abaissement du plafond du quotient familial (4)

4 000

« Barémisation » des revenus du capital

26 000

Fiscalisation de la part employeur aux complémentaires santé

Fiscalisation de la majoration de pension pour charges de famille

Hausse de la décote

− 413 000

   

TOTAL

941 000

(1) En application de la deuxième loi de finances rectificative pour 2012, pour les revenus de 2012, la rémunération des heures supplémentaires est de nouveau fiscalisée depuis le 1er août 2012.

(2) En application des dispositions de la loi de finances pour 2011, le plafond de l’avantage lié à cette demi-part a été ramené de 400 à 120 euros pour l’imposition des revenus de 2012, tandis que la demi-part disparaît pour les revenus de 2013.

(3) Pour les revenus de 2012, la loi de finances pour 2013 a ramené le plafond de l’avantage retiré du quotient familial de 2 336 à 2 000 euros.

Source : direction générale du Trésor.

Selon les évaluations disponibles en juin dernier, il apparaissait qu’environ 1,2 million de foyers fiscaux supplémentaires seraient imposés en 2014. C’est pour infléchir cette tendance à la hausse constatée depuis plusieurs années que le Gouvernement a décidé d’instaurer une réduction d’impôt exceptionnelle, présentée supra.

Le rapport précité de la Rapporteure générale présentait la ventilation par mesure fiscale de la hausse du nombre de foyers fiscaux imposés en 2014, telle qu’elle était évaluée par la direction générale du trésor. La Rapporteure générale a obtenu depuis communication des dernières estimations actualisées, prenant en compte l’instauration de la réduction d’impôt exceptionnelle, qui vient minorer le nombre de foyers fiscaux imposés de plus 2 millions, et se fondant sur des échantillons de revenus plus récents (24).

VENTILATION PAR MESURE FISCALE DE L’ÉVOLUTION DU NOMBRE DE FOYERS FISCAUX DEVENANT IMPOSÉS ENTRE 2013 ET 2014

Ventilation par mesure fiscale

Évaluation initiale de l’évolution du nombre
de foyers fiscaux imposés
entre 2013 et 2014

Évaluation révisée de l’évolution du nombre
de foyers fiscaux imposés
entre 2013 et 2014

Évolution spontanée du nombre de foyers imposés

444 000

375 000

Fiscalisation des heures supplémentaires

199 000

230 000

Réforme de la demi-part « vieux parents »

47 000

65 000

Abaissement du plafond du quotient familial (1)

8 000

10 000

Barémisation des revenus du capital

107 000

85 000

Fiscalisation de la part employeur aux complémentaires santé

252 000

275 000

Fiscalisation de la majoration de pension pour charges de famille

337 000

315 000

Hausse de la décote

− 196 000

− 210 000

RI exceptionnelle

− 2 180 000

TOTAL

1 198 000

 1 035 000

(1) Pour les revenus de 2013, la loi de finances pour 2014 a ramené le plafond de l’avantage retiré du quotient familial de 2 000 à 1 500 euros.

Source : direction générale du Trésor.

Selon ces estimations, le nombre de contribuables imposés en 2014 diminue donc de plus d’un million. Ces données sont corroborées par la baisse de la part des foyers fiscaux imposés en 2014 : selon des chiffres issus de l’exploitation de la deuxième émission des revenus de 2013, sur 35,172 millions de foyers fiscaux recensés, 17,046 millions sont imposés, soit une proportion de 48,5 %, en nette baisse par rapport à 2013.

Plus largement, au-delà de la seule hausse du nombre de foyers imposés, la question des contribuables relevant du bas de barème apparaît centrale, comme le souligne le rapport précité de MM. François Auvigne et Dominique Lefebvre. Le bas du barème apparaît peu lisible pour les contribuables, alors que plusieurs mécanismes s’appliquent et peuvent donner lieu à des effets de seuil.

● En premier lieu, la décote constitue un outil de lissage de l’entrée dans l’impôt relativement peu lisible, compte tenu de son mécanisme complexe, et ses effets sont difficiles à exposer clairement en quelques mots. De surcroît, elle procure un avantage plus important aux célibataires qu’aux couples, et interfère donc avec la nature progressive du barème de l’impôt. En effet, en annulant l’imposition jusqu’à un montant dû de 379 euros, elle recule l’entrée dans l’impôt d’un célibataire jusqu’à un revenu imposable de 12 353 euros, mais celle d’un couple jusqu’à un revenu imposable de 18 922 euros. Ce que l’on pourrait qualifier de « seuil d’imposabilité » pour un couple est donc égal à 153 % de celui d’un célibataire, alors que le barème progressif, combiné au quotient conjugal, devrait conduire à un rapport de 2 à 1.

De fait, la décote a été instaurée, en 1980, afin d’alléger l’imposition des personnes seules aux revenus modestes, réputées pénalisées par un barème fondé sur un mécanisme de quotient familial. Le modèle sociologique dominant était alors celui d’un couple mono-actif, et il était considéré que le quotient familial désavantageait le célibataire par rapport au couple, dès lors qu’à revenu du foyer égal, le premier était redevable d’une cotisation d’impôt plus importante.

Par la suite, la décote a été étendue aux couples sans être elle-même « conjugalisée », ce qui se traduisait par une décote identique, à imposition égale, quelle que soit la composition du foyer fiscal. Les paramètres de ce mécanisme n’apparaissent désormais pas cohérents avec son application aux couples, alors que la société a évolué et que les couples sont désormais de plus en plus bi-actifs. Cette incohérence est illustrée par le fait que deux concubins aux revenus également partagés sont moins imposés qu’un couple dans la même configuration salariale mais soumis à imposition commune.

● En second lieu, le critère déterminant le bénéfice du taux réduit de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les revenus de remplacement, lié à l’impôt sur le revenu versé par les ménages, peut donner lieu à d’importants effets de seuils et à des effets de va-et-vient des taux applicables aux ménages, qui sont peu intelligibles par les contribuables. En effet, les pensions et allocations sont soumises à un taux réduit de CSG, fixé à 3,8 % (25), pour les personnes dont l’impôt sur le revenu acquitté l’année précédente est nul ou inférieur au seuil de mise en recouvrement de l’impôt, après application des réductions d’impôt et mais avant imputation des crédits d’impôt (26). De même, les pensions de retraite, de préretraite et d’invalidité ne sont assujetties à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) (27), à un taux de 0,3 %, que lorsque leurs bénéficiaires sont imposables.

Pour disposer d’un ordre de grandeur, en 2012, sur les 12,6 millions de foyers titulaires de pensions de retraite, deux millions bénéficiaient d’un taux réduit de CSG, tandis que 4,7 millions en étaient exonérés.

De ce fait, un retraité dont le revenu imposable augmente légèrement par rapport à l’année précédente, et qui s’acquitte en conséquence d’une cotisation d’impôt supérieure à 61 euros, verra l’année suivante sa pension soumise à la CSG à un taux de CSG de 6,6 %, au lieu de 3,8 %, ainsi qu’à la CASA, au taux de 0,3 %, soit une hausse d’imposition de 3,1 %, qui peut s’avérer supérieure à la hausse de son revenu.

De plus, la CSG à 3,8 % est entièrement déductible de l’assiette de l’impôt sur le revenu, tandis que celle à 6,6 % l’est à hauteur de 4,2 % : l’assujettissement à la CSG a donc des incidences en matière fiscale. Le passage du taux nul au taux réduit au titre d’une pension versée au cours d’une année N peut conduire à nouveau à un assujettissement au taux nul de la même pension en année N + 1, en raison de la diminution du RFR qui en résulte, puis à un nouvel assujettissement au taux réduit deux ans plus tard. Alors même que le montant du revenu de remplacement reste inchangé, on observe alors un effet de va-et-vient dans l’application des taux de CSG, qui conduit à faire varier tous les deux ans le revenu disponible après CSG.

Selon le même mécanisme, le passage du taux réduit au taux normal peut aussi conduire, en ce qui concerne les pensions de retraite, à minorer le RFR de 0,4 point supplémentaire, puisque la fraction de CSG déductible passe de 3,8 % à taux réduit à 4,2 % avec le taux normal, et donc à faire varier le taux de CSG applicable l’année suivante.

De fait, 9,8 % des assurés percevant des pensions servies par la Caisse nationale de l’assurance vieillesse ont été assujettis en 2013 à un taux de CSG différent de celui qui leur était applicable en 2012, soit 1,32 million de pensionnés, sur un total de 13,5 millions.

Par ailleurs, le critère de la cotisation acquittée au titre de l’impôt sur le revenu pour déterminer l’application du taux réduit de CSG n’apparaît ni pertinent ni équitable. Ainsi, un foyer fiscal de retraités relativement aisés, qui annulerait son imposition en bénéficiant d’une réduction d’impôt, par exemple dans le cadre d’un investissement locatif, peut être assujetti à un taux réduit de CSG l’année suivante, alors que le niveau de ses ressources ne le justifie pas. En pratique, deux retraités ayant des revenus identiques peuvent être traités de manière différente au regard de la CSG, et un retraité ayant des revenus élevés peut même bénéficier d’un taux de CSG plus bas qu’une personne ayant des revenus plus faibles, par le recours à des réductions d’impôt.

L’article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, qui vient d’être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, propose de modifier le dispositif actuel, en conditionnant désormais le bénéfice du taux réduit de CSG et de l’exonération de CASA à un niveau de RFR par part, à savoir 13 900 euros pour la première part de quotient familial, majoré de 3 711 euros pour chaque demi-part supplémentaire, selon un mécanisme similaire à celui applicable à l’exonération de CSG et de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). De fait, le recours au critère du RFR permet de mieux prendre en compte les facultés contributives d’un foyer fiscal ; les auteurs du rapport précité issu des Assises sur la fiscalité des ménages préconisaient ainsi que le RFR devienne progressivement, dans un souci d’équité, l’unique critère pour l’octroi d’un avantage fiscal ou social.

La réforme proposée devrait se traduire par le passage au taux réduit de 3,8 % pour 700 000 personnes qui étaient assujetties au taux normal auparavant, soit 3 % des titulaires de revenus de remplacement. Ces personnes sont situées pour 80 % d’entre elles dans les troisième, quatrième et cinquième déciles ; le gain moyen s’établit à 46 euros par ménage, soit environ 34 euros par personne gagnante en moyenne. En effet, le nouveau critère est plus favorable que celui actuellement en vigueur, pour tous les ménages ne bénéficiant pas de réductions d’impôt, et ce quelle que soit la configuration du foyer fiscal.

Par ailleurs, un peu moins de 2,3 % des bénéficiaires de revenus de remplacement, soit 460 000 personnes, réparties entre les quatrième et dixième déciles, et dont le montant de pension brut est toujours supérieur à 1 456 euros par mois pour un célibataire, perdront le bénéfice du taux réduit de CSG et ne seront plus exonérées de CASA. Il s’agit pour la plupart de personnes appartenant à des foyers bénéficiant de réductions d’impôt sur le revenu. La perte qui en résulte
– qui augmente avec le niveau de vie – s’élève en moyenne à 66 euros par ménage (soit environ 46 euros par personne perdante).

Sur ce point, il convient de signaler que la réduction d’impôt exceptionnelle applicable aux revenus de 2013 devait avoir pour conséquence de réduire les recettes des organismes de sécurité sociale pour l’année 2015, du fait de l’extension du nombre de foyers fiscaux non imposables qu’elle occasionne, et donc de la hausse du nombre de personnes bénéficiant de la CSG à taux réduit et de l’exonération de la CASA. Des chiffrages réalisés par l’administration fiscale faisaient ainsi état d’une perte de recettes de l’ordre de 700 millions d’euros au titre de la CSG et de 65 millions d’euros au titre de la CASA, pour l’année 2015. Toutefois, le dispositif proposé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 est applicable « aux revenus de remplacement dus au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2015 ». Si ce dispositif n’est pas modifié lors de l’examen du texte par le Parlement, la réduction d’impôt instaurée par la loi de finances rectificative pour 2014 n’aurait donc plus d’incidence sur les recettes de CSG et de CASA en 2015. De ce fait, certaines des personnes qui sont devenues non imposables du fait de la réduction d’impôt, mais dont le RFR est supérieur à 13 900 euros (majoré le cas échéant de 3 711 euros par demi-part supplémentaire), ne bénéficieront pas de la baisse du taux de CSG qui leur aurait profité en l’absence de la réforme de la CSG à taux réduit : elles ont bénéficié de l’avantage en impôt, mais leur situation à l’égard du taux de CSG sera inchangée par rapport à 2014.

D’autres dispositifs viennent aussi modifier les conditions d’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu, notamment le seuil de mise en recouvrement – qui a bénéficié à près de 600 000 foyers fiscaux en 2012, pour un coût de 21 millions d’euros – mais aussi l’abattement applicable pour les personnes de plus de soixante-cinq ans ou les personnes invalides (28) –, cet abattement bénéficiait en 2012 à 1,809 million de foyers fiscaux, pour un montant total de 330 millions d’euros. La création de chacun de ces dispositifs a une justification historique incontestable, mais leur sédimentation peut se traduire par des effets de seuils dommageables.

Afin d’alléger l’imposition des ménages aux revenus modestes et moyens, tout en simplifiant leurs modalités d’imposition et en les rendant plus lisibles, le présent article vient proposer une refonte d’ensemble de l’imposition des revenus relevant du bas de barème.

Pour ce faire, le présent article comporte trois volets : en premier lieu, il procède à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, afin de maintenir le pouvoir d’achat de tous les contribuables. Ensuite il vient supprimer la tranche à 5,5 % du barème de l’impôt sur le revenu, tout en abaissant le seuil d’entrée dans la tranche à 14 % : cette mesure, totalement neutre pour les contribuables relevant d’ores et déjà de la tranche à 14 %, allègera ou annulera l’imposition des contribuables se trouvant actuellement dans la tranche à 5,5 %. Enfin, il propose un profond remaniement de la décote, en rénovant son mécanisme et en le « conjugalisant », tout en étendant très sensiblement son champ.

● Le du A du I procède à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu, en revalorisant chacune des limites des tranches de l’impôt sur le revenu de 0,5 %, soit l’évolution prévisionnelle de l’indice des prix hors tabac en 2014 par rapport à 2013 – à l’exception des limites inférieure et supérieure de la tranche à 5,5 %, du fait de la suppression de cette tranche prévue par le présent article et commentée infra.

Cette disposition permet ainsi de maintenir la pression fiscale – c’est-à-dire la proportion de l’impôt dû par rapport au revenu – à un niveau constant. A contrario, si le barème n’était pas indexé, l’impôt dû par les ménages dont les revenus ont augmenté au même rythme que l’inflation s’accroîtrait : du fait de la progressivité du barème, une part plus importante de leurs revenus serait soumise au taux marginal le plus élevé auquel ils sont assujettis, et leur taux marginal pourrait lui-même augmenter. Le poids de l’impôt acquitté par rapport aux revenus du ménage augmenterait en conséquence d’une année sur l’autre.

La revalorisation des tranches du barème à hauteur de l’inflation s’accompagne corrélativement de celle de différents montants utilisés pour le calcul de l’impôt. Si la décote fait l’objet d’une réforme distincte, et n’est donc pas revalorisée, les plafonds des avantages fiscaux retirés du quotient familial, tant au titre des demi-parts de droit commun que des demi-parts répondant à des situations particulières, sont également augmentés de 0,5 %.

Le a du du A du I vient ainsi indexer le plafond de la demi-part de droit commun, tandis que le b du du A du I vise le plafond de la part dite « parent isolé » attribuée aux contribuables vivant seuls et ayant la charge d’au moins une personne. Le c du du A du I correspond à l’indexation du plafond de la demi-part dite « vieux parents », tandis que les d et e du du A du I viennent majorer les réductions d’impôt complémentaires applicables à des demi-parts dérogatoires, notamment celles attribuées aux anciens combattants et à leurs veuves. Enfin, le C indexe le plafond de l’abattement sur le revenu imposable dont bénéficie le foyer fiscal auquel sont rattachées des personnes à charge mariées ou ayant des enfants à charge.

● L’indexation du barème est devenue au cours du temps une référence pour l’évolution conjointe d’autres types de montants, conditionnant selon les cas une exonération ou une minoration d’imposition, ou encore le plafonnement d’un avantage en impôt. Ces montants sont ainsi réputés être indexés chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. En l’espèce, compte tenu de la réforme du barème, ce mécanisme ne peut trouver à s’appliquer (29).

C’est la raison pour laquelle le II du présent article prévoit que, par exception, les seuils et limites qui, en application des dispositions en vigueur, sont relevés dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu sont relevées de 0,5 % pour l’imposition des revenus de 2014.

Cette indexation emporte de nombreuses conséquences sur les régimes d’imposition spécifiques à certains contribuables ou sur les recettes de différentes impositions.

Les dispositifs indexés comme la limite supérieure de la première tranche de l’impôt sur le revenu

– les montants de revenus donnant droit à exonération d’impôt sur le revenu pour les contribuables modestes, fixés à 8 680 euros ou 9 490 euros s’ils sont âgés de plus de soixante-cinq ans en 2013

– le seuil de chiffre d’affaires du régime micro-entreprise fixé à 82 200 euros en 2013

– la limite d’exonération des titres restaurant fixée à 5,33 euros par titre pour 2013

– la déduction forfaitaire des frais professionnels du revenu brut plafonnée à 12 097 euros au titre de l’imposition des revenus de 2013

– le seuil de recettes annuelles du régime de déclaration contrôlée et le seuil de recettes annuelles du régime déclaratif spécial dans le cadre de la déclaration de revenus entrant dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, fixés à 32 900 euros pour 2013

– les modalités d’imputation des déficits agricoles sur le revenu global imposable (ces déficits sont déductibles à la condition que le total des revenus nets d’autres sources excède 107 075 euros au titre de l’imposition des revenus de 2013)

– la déductibilité du revenu global d’une somme représentative des avantages en nature des personnes âgées de plus de 75 ans vivant sous le toit du contribuable, fixée à 3 386 euros au titre de l’imposition des revenus de 2013

– l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur de certaines personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, fixé à 2 332 euros si le revenu du contribuable n’excède pas 14 630 euros ou 1 166 euros si ce revenu est compris entre 14 630 euros et 23 580 euros au titre de l’année d’imposition précitée

– l’abattement applicable aux pensions et retraites, fixé à 3 689 euros au titre de l’imposition des revenus de 2013

– l’évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable d’après certains éléments du train de vie, fixée à 45 132 euros pour la même année d’imposition

– la retenue à la source sur les traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française servis à des personnes qui ne sont pas domiciliées en France

– la réduction d’impôt accordée au titre de certains dons faits par les particuliers et ouvrant droit à une réduction d’impôt à un taux de 75 % dans la limite d’un plafond de dons de 521 euros au titre de l’imposition des revenus de 2013

– le seuil d’exigibilité des acomptes provisionnels pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu

Les dispositifs indexés relatifs aux taxes locales

– le plafonnement de la taxe d’habitation, ainsi que les dégrèvements d’office et abattements communs à cette taxe et à la taxe foncière au profit des contribuables qui ne dépassent pas un certain niveau de revenu fiscal de référence mentionné à l’article 1417 du code général des impôts. Ce niveau de revenu gouverne également de nombreuses autres exonérations, dégrèvements et abattements.

Les dispositifs indexés relatifs à d’autres impositions (liste non exhaustive)

– le barème de la taxe sur les salaires

– l’exigibilité de la taxe sur les salaires pour les associations

– les seuils de chiffre d’affaires pour la franchise en base en matière d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée

– le montant des parts de groupements fonciers agricoles et des biens ruraux loués par bail à long terme donnant droit à exonération totale ou partielle d’impôt de solidarité sur la fortune

– les montants de la taxe spéciale d’équipement perçue au profit de l’agence pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite « des cinquante pas géométriques » en Guadeloupe et en Martinique

Exemple de dispositif indexé relatif à des mesures ne relevant pas du code général des impôts

– les montants déterminant l’ouverture ou la prolongation d’un compte sur le livret d’épargne populaire prévus par le code monétaire et financier

S’agissant de l’impôt sur le revenu, il convient de citer, parmi les principaux dispositifs indexés, l’abattement forfaitaire sur le revenu en faveur des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, applicable en fonction de seuils de revenus donnés, ou encore le plafond de l’abattement de 10 % applicable aux pensions et retraites et le plafond de la déduction forfaitaire de 10 % des frais professionnels du revenu brut.

Au titre de la fiscalité locale, les articles 1417 et 1414 A du code général des impôts définissent, pour le premier, des plafonds de revenus et, pour le second, des montants d’abattements, utilisés par une douzaine de régimes d’exonérations ou d’abattements en matière de taxe d’habitation et de taxe foncière sur les propriétés bâties. Or, ces montants sont eux aussi indexés comme la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu. Cette indexation emporte également des conséquences en termes de recettes de contribution à l’audiovisuel public (CAP), puisque les contribuables peuvent bénéficier d’un dégrèvement total de la CAP selon des conditions symétriques à celles retenues pour les exonérations de taxe d’habitation.

Au-delà de la fiscalité locale, ces plafonds de revenus définis au I de l’article 1417 du code général des impôts servent également de référence pour des mécanismes d’exonération de la CSG et de la CRDS, comme rappelé supra. Leur indexation a donc une incidence indirecte sur les prélèvements sociaux, en termes de pertes de recettes (30).

Il convient d’ailleurs de rappeler que la loi de finances pour 2014 a procédé à une revalorisation de 4 %, sensiblement supérieure à l’inflation, de ces montants d’abattements et de plafonds de RFR mentionnés aux articles 1414 A et 1417 du code général des impôts, ce qui a permis de redistribuer environ 450 millions d’euros de pouvoir d’achat au profit de contribuables modestes, âgés ou invalides, au titre de la taxe d’habitation, de la taxe foncière, de la CAP, de la CSG et de la CRDS.

● Le du A du I du présent article remodèle le barème de l’impôt sur le revenu prévu par l’article 197 du code général des impôts, en supprimant la tranche d’imposition à 5,5 % et en abaissant la limite inférieure de la tranche suivante, au taux de 14 %, jusqu’à 9 690 euros.

Selon la formulation généralement retenue, cette réforme vient supprimer la première tranche du barème. Néanmoins, il faut préciser que la tranche au taux de 5,5 % est en fait la deuxième tranche du barème : la première tranche est celle applicable aux revenus compris entre 0 et 6 011 euros, avec un taux de 0 %. Le barème ainsi modifié ne compterait donc plus que cinq tranches, aux taux de 0 %, 14 %, 30 %, 41 % et 45 %, les limites de ces trois dernières tranches n’étant pas modifiées, hors indexation sur l’inflation, présentée supra.

Barème actuel de l’impôt sur le revenu

Barème de l’impôt sur le revenu proposé

De 6 011 à 11 991 euros

5,5 %

De 11 991 à 26 631 euros

14 %

De 9 690 à 26 764 euros

14 %

De 26 631 à 71 397 euros

30 %

De 26 764 à 71 754 euros

30 %

De 71 397 à 151 200 euros

41 %

De 71 754 à 151 956 euros

41 %

Au-delà de 151 200 euros

45 %

Au-delà de 151 956 euros

45 %

La réforme proposée permet de simplifier le barème – en s’inscrivant dans la tendance générale, observée depuis le milieu des années 1980, de réduction du nombre de tranches –, et d’alléger l’imposition des ménages aux revenus modestes et moyens.

● Le seuil d’entrée dans la tranche d’imposition à 14 %, qui constitue désormais la première tranche d’imposition à taux non nul, est abaissé à 9 690 euros, au lieu de 11 991 euros (ou 12 051 euros après indexation sur l’inflation de 2014, à hauteur de 0,5 %). Ce seuil a été calibré afin de neutraliser l’allégement d’imposition procuré par la suppression de cette tranche à 5,5 % pour les contribuables relevant de l’actuelle tranche à 14 % et des tranches suivantes, c’est-à-dire dont le revenu par part est supérieur à 12 051 euros. Il s’agit ainsi de cibler les bénéficiaires de la réforme puisque, si ce seuil n’était pas diminué, ce serait l’ensemble des foyers fiscaux, y compris ceux percevant des revenus très élevés, qui bénéficieraient d’un avantage forfaitaire, égal à l’imposition due au titre de la fraction des revenus relevant de la tranche à 5,5 %, entre 6 041 euros (correspondant au seuil de 6 011 euros, revalorisé de 0,5 %) et 12 051 euros, soit 331 euros, multiplié le cas échéant par le nombre de parts du foyer fiscal.

Le seuil inférieur de la tranche à 14 % est en effet modifié de telle sorte que l’imposition due au titre de la part de revenus comprise entre le nouveau seuil inférieur de la tranche à 14 %, soit 9 690 euros, et la limite supérieure de l’actuelle tranche à 5,5 % (après indexation de 0,5 %), soit 12 051 euros, soit égale à l’imposition qui serait due au titre de la part de revenus soumise à la tranche à 5,5 % supprimée par le présent article : dans les deux cas, l’imposition due s’établit à 331 euros.

La modification du barème s’avère donc neutre pour les contribuables plus aisés. Elle ne fait pas de perdants parmi eux.

Exemple : un contribuable perçoit des revenus de 20 000 euros en 2014. Son revenu imposable, après déduction des frais professionnels, s’établit à 18 000 euros.

Si l’on applique le barème actuel de l’impôt sur le revenu, après indexation sur l’inflation, pour calculer l’impôt dû en 2015, ce contribuable devrait s’acquitter de 331 euros au titre de la deuxième tranche (soit 5,5 % de la fraction de revenu comprise entre 6041 euros et 12 051 euros), puis 833 euros au titre de la troisième tranche (soit 14 % de la fraction de revenu comprise entre 18 000 et 12 051 euros). Le montant de son imposition s’élèverait donc à 1 164 euros en 2015.

Si l’on applique le barème de l’impôt sur le revenu proposé par la présente réforme, ce contribuable devrait s’acquitter d’un impôt de 1 164 euros au titre de la deuxième tranche (soit 14 % de la fraction de revenu comprise entre 18 000 et 9 690 euros), soit une imposition exactement équivalente à celle calculée selon le barème en vigueur – après son indexation sur l’inflation.

● En revanche, les contribuables dont le revenu par part relève de l’actuelle tranche à 5,5 % verront leur imposition allégée, voire annulée, par le nouveau barème ainsi proposé.

La suppression de la tranche à 5,5 % et la baisse du seuil d’entrée dans la tranche à 14 % à 9 690 euros conduit en effet à l’annulation de l’imposition des foyers fiscaux dont le revenu imposable par part est inférieur à 9 690 euros, et à la diminution de l’imposition des foyers fiscaux dont le revenu imposable par part est compris entre 9 690 et 12 051 euros.

Le fait que le taux d’imposition soit plus élevé – 14 % au lieu de 5,5 % – est en effet plus que compensé par le fait que la fraction de revenu imposé est nettement plus faible – inférieure de 3 650 euros (9 690 – 6 041).

La diminution d’imposition constatée est d’autant plus élevée que le revenu par part est proche de 9 690 euros.

Exemple d’une annulation d’imposition :

Un couple avec trois enfants perçoit en 2014 des revenus de 42 600 euros, ce qui représente un revenu imposable de 38 340 euros. Le revenu par part de ce foyer fiscal s’établit donc à 9 585 euros (38 340/4).

En application du barème actuel, indexé sur l’inflation, le foyer fiscal devrait s’acquitter en 2015 d’une imposition de 195 euros par part [(9585 − 6041) × 5,5 %], soit au total, une imposition due avant décote de 780 euros (195 × 4). Après décote selon le mécanisme actuel (revalorisée à 511 euros), cette imposition serait ramenée à 659 euros (31) [780 − (511 − 780/2)].

En application de la réforme proposée, avec une entrée dans le barème fixée à 9 690 euros, le foyer fiscal ne serait plus imposé, puisque son revenu par part est inférieur à 9 690 euros. Le gain retiré de la réforme serait donc de 659 euros.

Exemple d’une minoration de l’imposition :

Un couple avec trois enfants perçoit en 2014 des revenus de 48 000 euros, ce qui représente un revenu imposable de 43 200 euros. Le revenu par part de ce foyer fiscal s’établit donc à 10 800 euros (43 200/4).

En application du barème actuel, indexé sur l’inflation, le foyer fiscal devrait s’acquitter en 2015 d’une imposition de 262 euros par part [(10 800 − 6041) × 5,5 %], soit au total, une imposition due de 1 048 euros.

En application de la réforme proposée, le foyer fiscal devrait s’acquitter d’une imposition de seulement 155 euros par part [(10 800 − 9 690) × 14 %], soit au total, une imposition due avant décote de 620 euros. Après décote selon le mécanisme actuel (revalorisée à 511 euros), cette imposition serait ramenée à 419 euros [620 − (511 − 620/2)]. Le gain retiré de la réforme serait donc de 629 euros.

Le bénéfice retiré de cet « effet tranche » croît logiquement avec le nombre de parts au sein du foyer fiscal, compte tenu des modalités de prise en compte des charges de famille – le gain retiré étant multiplié par le nombre de parts.

Exemple : soit deux familles, l’une avec trois enfants, l’autre avec cinq enfants, dont le revenu par part pour 2014 est identique, à savoir 10 500 euros. Le revenu imposable de la première famille est donc de 42 000 euros, et celui de la seconde famille est de 63 000 euros.

Pour la première famille, disposant de quatre parts, l’impôt dû avant décote en application du barème actuel serait de 245 euros par part [(10 500 − 6011) × 5,5 %], soit 980 euros, en 2015.

En application du nouveau barème, disposant de quatre parts, l’impôt dû avant décote serait de 113 euros par part [(10 500 − 9690) × 14 %], soit 452 euros. Le bénéfice retiré de la réforme est donc, avant application de la décote, de 528 euros (980 − 452).

Pour la seconde famille, disposant de six parts, l’impôt dû en application du barème actuel serait toujours de 245 euros par part [(10 500 − 6041) × 5,5 %], soit une imposition totale de 1 470 euros – la décote étant dépourvue d’effet à ce niveau de revenus.

En application du nouveau barème, l’impôt dû avant décote en application du nouveau barème proposé serait toujours de 113 euros par part [(10 500 − 9690) × 14 %], soit une imposition totale de 678 euros.

Le bénéfice retiré de la réforme est donc, avant application de la décote, de 792 euros (1470 − 678) (32).

Cet « effet tranche » issu de la réforme proposée ne trouve pas à s’appliquer pour un célibataire, puisque, du fait de mécanismes tels que la décote et le seuil de mise en recouvrement, le premier revenu imposable dans ce cas (12 353 euros) relève d’emblée de la tranche à 14 % ; il ne joue que de façon limitée pour des foyers fiscaux comprenant une part et demie ou deux parts, pour s’amplifier ensuite au fur et à mesure le nombre de parts augmente.

● La suppression de la tranche à 5,5 % du barème nécessite de procéder à plusieurs coordinations au sein du code général des impôts, puisque le dénombrement des tranches est modifié : l’actuelle troisième tranche, au taux de 14 %, devient la deuxième tranche du barème modifié, l’actuelle quatrième tranche, au taux de 30 %, devient la troisième tranche, et ainsi de suite.

Le B du I procède à la coordination nécessaire s’agissant des conditions prévues pour le versement libératoire des exploitants individuels, c’est-à-dire des autoentrepreneurs, à l’article 151-0 du code général des impôts, tandis que le D du I fait de même pour les règles de détermination du montant des amendes applicables en cas de flagrance fiscale, figurant à l’article 1740 B.

La réforme proposée vient donc alléger ou annuler l’imposition des foyers fiscaux relevant aujourd’hui de la deuxième tranche du barème, avant prise en compte du mécanisme de la décote. Les chiffres disponibles montrent que 8,87 millions de foyers fiscaux relevaient en 2013 de la tranche marginale à 5,5 % – une partie d’entre eux n’étant d’ores et déjà pas imposables, du fait de la décote et du seuil de mise en recouvrement, ne seront donc pas concernés par la réforme.

Le mécanisme de la décote, s’il était conservé sans modification, viendrait accentuer le gain retiré par les foyers fiscaux bénéficiaires, puisque la décote allège d’autant plus l’imposition due que celle-ci est réduite, son effet étant dégressif à mesure que l’imposition augmente. Or, le profond remaniement du mécanisme de la décote proposé par le présent article vient encore amplifier les effets de réduction d’imposition résultant de la suppression de la deuxième tranche, tout en concernant également les foyers fiscaux relevant de la tranche d’imposition à 14 %.

Comme cela été souligné supra, la décote constitue un outil de lissage de l’entrée dans l’impôt relativement peu lisible, plus favorable aux célibataires qu’aux couples, interférant avec la nature progressive du barème de l’impôt. Les dispositions du du A du I du présent article viennent modifier son mécanisme, afin de le simplifier, de l’appliquer de façon plus équitable aux foyers fiscaux, quelle que soit leur composition, et d’accroître considérablement ses effets, en reculant l’entrée dans l’imposition et en augmentant les baisses d’imposition afférentes.

● Alors que la décote consiste aujourd’hui à réduire l’imposition due en application du barème de la différence entre 508 euros et la moitié de l’impôt dû, le dispositif proposé est plus simple, en réduisant l’impôt issu du barème de la différence entre 1 135 euros et l’impôt dû, et ce pour un célibataire.

Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle revalorisation de la décote, s’inscrivant dans la lignée des hausses déjà réalisées en lois de finances pour 2013 et pour 2014, mais d’un changement de mode de calcul – sachant que le principe reste identique, à savoir un allégement de l’imposition de moins en moins important au fil de l’augmentation de l’impôt dû.

Dans le cadre du mécanisme proposé, l’impôt dû après décote est nul tant que le montant d’impôt dû avant décote est inférieur à la moitié de la valeur maximale de la décote – au lieu des deux tiers dans le dispositif actuel. Avec une décote portée à 1 135 euros, l’impôt acquitté est donc nul tant que l’imposition due est inférieure à 568 euros (soit 1 135/2), au lieu de 339 euros aujourd’hui. En se combinant avec le seuil de mise en recouvrement, l’application de la décote repousse l’entrée dans l’impôt jusqu’à un impôt dû de 598 euros
[598 – (1135 – 598)=61], contre 379 euros aujourd’hui.

La nouvelle décote a donc pour premier effet de reculer fortement l’entrée dans l’impôt sur le revenu. À cet égard, les effets de la réforme vont d’ailleurs au-delà de ceux de la réduction d’impôt instaurée en 2014, puisque l’entrée dans l’impôt sur le revenu est plus tardive en application de la nouvelle décote, comme le montre le tableau suivant (33) :

ÉVOLUTION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE

(en euros)

Nombre de parts

IR 2014 - avant RI de la LFR2014

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

IR 2014

Dernier revenu déclaré non imposable (RFR)

IR 2015

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

1 part

13 725

(12 353)

15 369

(13 832)

15 508

(13 957)

1,5 part

17 685

(15 916)

19 496

(17 546)

20 888

(18 799)

Source : commission des Finances.

La seconde conséquence de la réforme est d’accroître fortement l’allégement de l’imposition résultant de la décote. En effet, le montant de 568 euros, soit la moitié de 1 135 euros, correspond à la réduction maximale résultant de la décote ; puis le montant de la baisse d’impôt s’amenuise au fur et à mesure que l’impôt dû avant décote croît au-delà de 568 euros, pour devenir nul à partir d’un niveau d’imposition égal à 1 135 euros. Dans le dispositif actuel, la réduction maximale pouvant être obtenue se limite à 339 euros, et décroît elle aussi progressivement, pour s’annuler à partir d’un niveau d’imposition égal à 1 016 euros.

Le montant maximal de la réduction d’imposition obtenue dans le cadre de la réforme proposée est donc sensiblement plus élevé, de même que le point de sortie du dispositif (1 135 euros, au lieu de 1 016 euros).

Exemple : un célibataire perçoit des revenus d’activité de 17 300 euros en 2013. En application du barème actuel, il doit s’acquitter à ce titre d’une imposition avant décote de 830 euros. La réduction d’imposition résultant de la décote actuelle serait de 93 euros (508-830/2), et l’impôt dû in fine s’établirait à 737 euros.

En appliquant la nouvelle décote tout en conservant le barème actuel de l’impôt sur le revenu (34), ce même impôt de 830 euros serait réduit de 305 euros (1135 − 830) ; l’impôt dû in fine s’élèverait à 525 euros.

Le gain retiré de la réforme de la décote est donc de 212 euros.

● Au-delà de la modification du mécanisme et de l’amplification de ses effets pour un célibataire, le dispositif proposé prévoit une « conjugalisation » de la décote, c’est-à-dire l’attribution d’un montant plus élevé pour un couple que pour un célibataire : l’impôt issu du barème est ainsi diminué de la différence entre 1 870 euros et l’impôt dû, pour un couple, au lieu de 1 135 euros pour un célibataire.

De ce fait, l’imposition due après application de la décote est nulle tant que le montant d’impôt dû avant décote est inférieure à 935 euros, soit 1 870/2 ; compte tenu du seuil de mise en recouvrement, l’impôt est annulé jusqu’à un montant de 965 euros. La réduction d’imposition résultant de la décote, dont le niveau maximal est donc de 935 euros, diminue au fil de l’augmentation de l’impôt dû, pour s’annuler à partir d’un niveau d’imposition de 1 870 euros.

Le recul de l’entrée dans l’impôt sur le revenu par rapport aux règles existantes, de même que l’allégement d’impôt induit par le dispositif proposé, est donc encore plus important que pour un célibataire.

La « conjugalisation » de la décote permet d’adapter le mécanisme selon la configuration du foyer fiscal, et de rapprocher le rapport entre « seuils d’imposabilité » pour les célibataires, d’une part, pour les couples, d’autre part, de montants de 1 à 2. D’ores et déjà, la réduction d’impôt exceptionnelle, dont le montant pour un couple était égal au double de celui prévu pour un célibataire, prenait en compte le composition du foyer fiscal, ce qui avait augmenté le rapport entre « seuils d’imposabilité » : comme vu supra, l’entrée dans l’impôt intervient en 2014 pour un revenu déclaré supérieur à 15 369 euros pour un célibataire et pour un revenu déclaré supérieur à 28 135 euros pour un couple, soit un rapport de 1 à 1,8, contre 1 à 1,53 avant la réduction d’impôt. Le dispositif proposé se traduirait par un rapport de 1 à 1,88, avec des points d’entrée de respectivement 15 509 et 29 197 euros de revenus imposables pour un célibataire et pour un couple.

Le seuil d’entrée dans l’impôt issu de la réforme s’avère là encore systématiquement plus favorable que la situation actuelle, y compris après prise en compte de la réduction d’impôt exceptionnelle précitée, et quelle que soit la configuration du foyer fiscal.

ÉVOLUTION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE

(en euros)

Nombre
de parts

IR 2014 - avant RI de la LFR2014

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

IR 2014

Dernier revenu déclaré non imposable (RFR)

IR 2015

Dernier revenu déclaré non imposable du fait de la décote (RFR)

2 parts

21 020

(18 918)

28 135

(25 322)

29 196

(26 276)

2,5 parts

24 353

(21 918)

33 492

(30 143)

34 576

(31 118)

3 parts

27 702

(24 932)

37 117

(33 405)

39 959

(35 963)

4 parts

34 380

(30 942)

43 795

(39 415)

50 725

(45 652)

5 parts

41 060

(36 954)

50 475

(45 427)

61 492

(55 343)

Source : commission des Finances.

Au-delà de la question du point d’entrée dans l’impôt, l’allégement d’imposition occasionné par la réforme sera proportionnellement plus significatif pour les couples que les célibataires, du fait de la « conjugalisation » de la décote, tandis que cette décote jouera pour des niveaux d’imposition bien plus élevés qu’auparavant, à savoir jusqu’à un impôt dû de 1 870 d’euros, au lieu de 1 016 euros aujourd’hui.

ÉVOLUTION DU CHAMP D’APPLICATION DE LA DÉCOTE

(en euros)

Nombre
de parts

IR 2014 avant RI de la LFR2014

Dernier revenu déclaré bénéficiant d’un allégement par la décote

IR 2015

Dernier revenu déclaré bénéficiant d’un allégement par la décote

1 part

18 772

19 766

1,5 part

24 129

25 150

2 parts

29 484

36 367

2,5 parts

34 841

41 750

3 parts

40 198

47 133

4 parts

47 230

57 900

Source : commission des Finances.

Exemple 1 : un couple, dont seul l’un des membres exerce une activité, perçoit des revenus de 31 500 euros en 2013. En application du barème actuel, il doit s’acquitter à ce titre en 2014 d’une imposition de 1 269 euros – la décote ne réduisant plus son imposition, puisque l’impôt est supérieur à 1 016 euros.

En appliquant la nouvelle décote tout en conservant le barème actuel de l’impôt sur le revenu, ce même impôt de 1 269 euros serait réduit de 601 euros (1870 − 1269) ; l’impôt dû in fine s’élèverait à 668 euros.

Le gain retiré de la réforme est donc de 601 euros.

Exemple 2 : Un couple avec deux enfants perçoit des revenus de 40 000 euros en 2013. En application du barème actuel, il doit s’acquitter à ce titre en 2014 d’une imposition avant décote de 990 euros. La réduction d’imposition résultant de la décote actuelle serait de 13 euros (508 − 990/2), et l’impôt dû in fine s’établirait à 977 euros.

En appliquant la nouvelle décote tout en conservant le barème actuel de l’impôt sur le revenu, ce même impôt de 990 euros serait réduit de 880 euros (1870 − 990) ; l’impôt dû in fine s’élèverait à 110 euros.

Le gain retiré de la réforme de la décote est donc de 867 euros.

● Le E du I du présent article vient supprimer deux dispositions figurant aux 2° et 2° bis de l’article 5 du code général des impôts, tendant à affranchir d’impôt sur le revenu :

– les personnes physiques bénéficiant principalement de traitements, salaires, pensions et rentes viagères et dont le revenu global est inférieur au montant du minimum garanti prévu par l’article L. 3231-12 du code du travail, qui s’élève à 7 259 euros pour 2013 ;

– les contribuables dont le revenu net de frais professionnels n’excède pas 8 680 euros par foyer fiscal, ou 9 490 euros s’ils sont âgés de plus de soixante-cinq ans, pour 2013.

En pratique, compte tenu des dispositifs existants reculant l’entrée dans l’impôt, ces deux dispositions sont devenues sans objet ; d’ores et déjà, aucun contribuable ne peut être assujetti à l’impôt sur le revenu à de tels niveaux de revenus. Le présent article supprime donc des dispositions dépourvues d’effet.

● Il convient enfin de relever que la réforme proposée, tant par la refonte des tranches du barème que par la modification de la décote, vient minorer ou annuler l’imposition due avant l’imputation des réductions d’impôt et des crédits d’impôt, ainsi que des prélèvements ou retenues non libératoires (35). De ce fait, le gain retiré in fine de la réforme reste le même, quel que soit le montant des réductions d’impôt ou des crédits d’impôt dont bénéficie par ailleurs le contribuable. Il peut toutefois se traduire de façon différente, c’est-à-dire par la baisse de l’imposition, mais aussi par l’augmentation d’une restitution ou la transformation d’une imposition en restitution, par rapport à l’année 2014.

Pour les contribuables ne disposant pas de crédit d’impôt, la réforme proposée ne peut donc emporter que deux effets : soit annuler l’imposition, soit la minorer ; même s’ils disposent de réductions d’impôt, celles-ci ne peuvent jouer qu’en faveur de la baisse ou l’annulation de l’impôt, sans donner lieu à restitution.

En revanche, pour un contribuable bénéficiant de crédit(s) d’impôt, comme par exemple la PPE, et dont l’imposition avant imputation de ces crédits d’impôt n’est pas nulle, deux situations doivent être distinguées :

– si l’impôt dû en 2015 avant imputation du crédit d’impôt est, en application du barème avant réforme, supérieur au crédit d’impôt, la réforme peut soit réduire l’imposition, soit transformer l’imposition en restitution ;

– si l’impôt dû en 2015 avant imputation du crédit d’impôt est, en application du barème avant réforme, inférieur au crédit d’impôt, et donc si le contribuable devrait déjà bénéficier d’une restitution, la réforme viendra majorer la restitution perçue.

Le coût budgétaire de la réforme proposée par le présent article est estimé à 3,187 milliards d’euros. Le coût pour l’État au titre des moindres recettes d’impôt sur le revenu s’établirait à 3,16 milliards d’euros, dont environ 485 millions d’euros au titre de l’indexation du barème, 498 millions d’euros au titre de la suppression de la tranche à 5,5 % et 2,177 milliards d’euros résultant de la réforme de la décote.

Vient s’ajouter l’impact de l’indexation des montants figurant aux articles 1414 A et 1417 du code général des impôts, en termes d’exonérations et d’abattements pour la taxe d’habitation, lequel impact est évalué à 23 millions d’euros de pertes de recettes : 19 millions d’euros relèveraient de l’État au titre des régimes dérogatoires prévus par la loi et 4 millions d’euros pèseraient sur les collectivités territoriales au titre des régimes dérogatoires qu’elles ont décidé de mettre en place. L’incidence de l’indexation sur l’évolution des recettes de CAP est quant à elle évaluée à 4 millions d’euros ; l’effet sur les recettes de taxe foncière n’est pas connu.

En revanche, les pertes de recettes pour la sécurité sociale ne sont pas chiffrées, du fait de la réforme prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 – laquelle déconnecte de la cotisation d’impôt acquittée le bénéfice du taux de CSG à taux réduit pour les revenus de remplacement et l’exonération de CASA, comme vu supra. De ce fait, la hausse du nombre de foyers non imposables résultant de la présente réforme du barème et de la décote n’aurait pas d’incidence sur les recettes des organismes de sécurité sociale. Toutefois, les conséquences de l’indexation des montants figurant au I de l’article 1417, qui conditionnent l’exonération de CSG et de CRDS, ne sont pas chiffrées par l’évaluation préalable.

● Selon les informations figurant dans l’évaluation préalable, la réforme prévue par le présent article devrait bénéficier à 9 millions de foyers, si l’on ne prend pas en compte les effets sur l’impôt acquitté en 2014 de la réduction d’impôt exceptionnelle introduite par la loi de finances rectificative pour 2014, tout en intégrant les effets de l’indexation du barème. Parmi ces 9 millions de foyers fiscaux, trois millions deviendraient non imposés ou éviteraient d’entrer dans l’impôt sur le revenu.

Par rapport à un environnement fiscal intégrant la réduction d’impôt exceptionnelle, le nombre de foyers fiscaux gagnants est ramené à 6,125 millions enregistrant un gain moyen de 248 euros – dont 870 000 foyers bénéficiaires de cette réduction d’impôt : pour ces derniers, la réforme proposée s’avère donc plus favorable que la réduction d’impôt de 2014.

Selon les simulations réalisées, les plus de six millions de foyers fiscaux concernés par la réforme se répartissent comme suit :

– 700 000 foyers fiscaux non imposés, dont la restitution augmente, pour un gain moyen de 258 euros ;

– 1 million de foyers fiscaux devenant non imposés, enregistrant un gain de 346 euros ; parmi eux, 520 000 foyers devraient percevoir une restitution, pour un gain moyen de 410 euros ;

– 4,43 millions de foyers fiscaux dont l’imposition décroît, pour un gain moyen de 224 euros.

Le nombre de foyers fiscaux perdants à la réforme s’avère très restreint : il est estimé à 22 000 foyers fiscaux, parmi lesquels seuls 8 700 enregistreront une perte supérieure à 10 euros (36).

● Le tableau suivant présente la ventilation des foyers fiscaux retirant un gain de la réforme par décile de RFR de l’ensemble des foyers fiscaux, en mentionnant pour chaque décile le gain moyen et le nombre de foyers fiscaux imposés qui sortent de l’impôt sur le revenu.

RÉPARTITION DES FOYERS FISCAUX GAGNANTS PAR DÉCILE
DE REVENU FISCAL DE RÉFÉRENCE (RFR)

Déciles de l’ensemble des foyers fiscaux

Bornes inférieures de RFR

Bornes supérieures de RFR

Nombre de foyers fiscaux

Nombre de foyers fiscaux gagnants

Gain moyen

Nombre de foyers fiscaux imposés devenant non imposés

 

(en euros)

(en euros)

(en milliers)

(en milliers)

(en euros)

(en milliers)

1

0

3 579

3 655

ε

 

0

2

3 579

8 876

3 655

1

109

1

3

8 876

12 686

3 655

3

142

2

4

12 686

15 900

3 655

1 531

238

258

5

15 900

19 145

3 655

1 513

138

164

6

19 145

23 654

3 655

547

200

107

7

23 654

29 290

3 655

756

259

171

8

29 290

37 488

3 655

1 242

355

198

9

37 488

52 448

3 655

470

388

89

10

52 448

 

3 655

62

214

8

 

Ensemble des gagnants

 

6 125

248

998

 

Ensemble des perdants

 

22

79

Source : direction de la législation fiscale.

Ce tableau permet de constater la concentration des foyers bénéficiaires de la réforme aux quatrième, cinquième et huitième déciles, là encore en fonction de la composition du foyer fiscal. Les célibataires sont concentrés dans les quatrième et cinquième déciles, et les couples avec enfants dans le huitième décile. Les foyers fiscaux relevant des derniers déciles comptent au moins deux enfants, compte tenu du mode de calcul de l’impôt par parts de quotient familial.

Le graphique ci-dessous présente quant à lui la répartition des foyers gagnants et le gain moyen par décile de revenu déclaré par unité de consommation, ce qui permet de prendre en compte la composition du foyer fiscal, et donc le niveau de revenu par personne membre du foyer. Le graphique permet d’observer la concentration des foyers gagnants à la réforme sur les cinquième, sixième et septième déciles.

RÉPARTITION DES GAGNANTS ET GAIN MOYEN PAR DÉCILE DE REVENU
DÉCLARÉ PAR UNITÉ DE CONSOMMATION

Source : direction générale du Trésor.

À titre d’exemple, 2,25 millions de foyers fiscaux relevant du sixième décile de revenu déclaré par unité de consommation verront leur montant d’impôt sur le revenu diminuer de 227 euros par rapport à l’année 2013 – compte tenu de la réduction d’impôt exceptionnelle de 2014. Parmi ces 2,25 millions de foyers, 330 000 foyers ne seront plus imposés.

●La décote telle que réformée par le présent article devrait représenter un coût estimé à 3,5 milliards d’euros, tandis que le nombre de foyers fiscaux se trouvant dans son champ serait de l’ordre de 10,2 millions.

Il convient de préciser à cet égard qu’au titre de l’imposition des revenus de 2013, la réduction d’impôt exceptionnelle couvre un champ quasi analogue à celui de la décote, conduisant ces deux dispositifs à une interaction. En l’absence de décote, l’avantage en impôt procuré par celle-ci se retrouverait octroyé par le biais de la réduction d’impôt. Dans ces conditions, le coût de la décote ne peut être dissocié de celui de la réduction d’impôt exceptionnelle : le coût global des deux dispositifs est estimé à 3 530 millions d’euros pour l’imposition des revenus de 2013.

La présente mesure prend en compte cette incidence et propose, au travers du renforcement de la décote, la redistribution de l’avantage lié à la réduction d’impôt applicable pour la seule imposition des revenus de 2013.

L’évolution de la situation fiscale des foyers fiscaux appréciée au regard des deux dispositifs cumulés est la suivante :

RÉPARTITION DES FOYERS FISCAUX CONCERNÉS PAR LA DÉCOTE
ET LA RÉDUCTION D’IMPÔT EXCEPTIONNELLE DE 2014,
POUR L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2013

Évolution de la situation fiscale
(imposition des revenus de 2013)

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires (en millions)

Gain moyen
(en euros)

Foyers non imposés gagnant en restitution

2,5

280

Foyers imposés devenant non imposés

6,5

348

Dont devenant restitués

2,3

408

Foyers imposés dont l’impôt décroît

3,4

184

Total

12,4

290

Source : direction générale du Trésor ; logiciel Orison. Échantillon de 500 000 déclarations d’impôt sur les revenus 2012 majoritairement 2013.

Au titre de l’imposition des revenus de 2014, le coût du dispositif de la décote réformé est estimé à 3,5 milliards d’euros. Ce coût se décompose en :

– 1,3 milliard d’euros de coût associé à la décote non réformée, dans un environnement législatif où la tranche à 5,5% est supprimée ;

– 2,2 milliards d’euros de surcoût lié à la réforme de la décote proposée par le présent article.

Près de 10,2 millions de foyers fiscaux sont effectivement bénéficiaires d’un allègement d’impôt du fait du dispositif. Ils sont ainsi répartis :

RÉPARTITION DES FOYERS FISCAUX CONCERNÉS PAR LA DÉCOTE EN 2015,
POUR L’IMPOSITION DES REVENUS DE 2014

Évolution de la situation fiscale
(imposition des revenus de 2014)

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires (en millions)

Gain moyen
(en euros)

Foyers non imposés gagnant en restitution

1,7

295

Foyers imposés devenant non imposés

4,2

410

Dont devenant restitués

1,6

480

Foyers imposés dont l’impôt décroît

4,3

311

Total

10,2

349

Source : direction générale du Trésor ; logiciel Orison. Échantillon de 500 000 déclarations d’impôt sur les revenus 2012 et majoritairement 2013, vieillis 2014.

● L’impact de la réforme proposée varie toutefois selon les configurations familiales et les niveaux de revenus. Afin de pouvoir apprécier les effets du présent article, les tableaux présentés ci-dessous viennent retracer le niveau d’imposition, pour l’année 2014, avant et après réduction d’impôt exceptionnelle, et pour l’année 2015, avec notamment, pour les différentes configurations :

– le niveau de revenus à partir duquel le foyer fiscal entre dans l’impôt en 2015 ;

– le niveau de revenus pour lequel le gain retiré de la réforme est maximal, par rapport à l’imposition acquittée en 2014 compte tenu de la réduction d’impôt exceptionnelle ;

– le niveau de revenu au-delà duquel les effets de la réforme disparaissent.

Pour neutraliser les effets de l’indexation du barème, les revenus à partir desquels sont calculés l’impôt dû en 2015 sont ceux pris en compte pour le calcul de l’impôt dû au titre de 2014, majorés de 0,5 %.

CÉLIBATAIRE

(en euros)

Salaire net déclaré en 2013 (RFR)

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 avant la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 effectivement acquitté, après la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2015, à partir du salaire déclaré en 2014 majoré de 0,5 %

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014 sans la RI exceptionnelle

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014

14 900 (13 410)

284

0

0

284

 0

15 400 (13 860)

378

93

51 soit 0

378

 93

15 438 (13 894) 
Soit 1,1 SMIC 

384

133

61

323

72

15 700 (14 130) 

434

419

127

307

292

15 800 (14 220) 
Soit 1,13 SMIC

453

453

153

300

300

16 500 (14 850) 

585

585

331

254

254

17 500 (15750) 

774

774

583

583

191

18 500 (16 650) 

963

963

837

126

126

19 680 (17 712)
 Soit 1,41 SMIC

1 130

1 130

1 135

− 5

− 5

Source : commission des Finances.

COUPLE SOUMIS À IMPOSITION COMMUNE

(en euros)

Salaire net déclaré en 2013 (RFR)

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 avant la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 effectivement acquitté, après la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2015, à partir du salaire déclaré en 2014 majoré de 0,5 %

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014 sans la RI exceptionnelle

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014

27 500 (24 750) 

639

0

0

639

0

28 900 (26 010) 

905

205

22 soit 0

905

205

29 054 (26 149) 
Soit 2,08 SMIC 

933

233

62

871

171

30 500 (27 450) 

1 143

443

428

715

15

31 000 (27 900) 

1 206

816

554

652

262

31 450 (28 305)
Soit 2,25 SMIC 

1 263

1 263

668

595

595

33 000 (29 700) 

1 458

1 458

1 062

396

396

34 500 (31 050) 

1 647

1 647

1 442

205

205

36 195 (32 575)

Soit 2,6 SMIC 

1 861

1 861

1 870

− 9

− 9

Source : commission des Finances.

COUPLE AVEC DEUX ENFANTS

(en euros)

Salaire net déclaré en 2013 (RFR)

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 avant la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 effectivement acquitté, après la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2015, à partir du salaire déclaré en 2014 majoré de 0,5 %

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014 sans la RI exceptionnelle

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014

37 100 (33 390) 

759

59 soit 0

0

759

0

38 500 (34 650) 

863

163

0

863

163

39 200 (35 280) 

915

833

0

915

833

39 750 (35 775) 

956

956

58 soit 0

956

956

39 770 (35 793) 
Soit 2,84 SMIC 

957

957

62

895

895

41 000 (36 900) 

1 116

1 116

374

742

742

42 500 (38 250) 

1 305

1305

754

551

551

44 000 (39 600) 

1 494

1 494

1 134

360

360

45 500 (40 950) 

1 683

1 683

1 514

169

169

46 906 (42 215)
 Soit 3,35 SMIC 

1 861

1 861

1 870

− 9

− 9

Source : commission des Finances.

COUPLE AVEC TROIS ENFANTS

(en euros)

Salaire net déclaré en 2013 (RFR)

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 avant la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2014 effectivement acquitté, après la RI exceptionnelle

Impôt sur le revenu pour l’année 2015, à partir du salaire déclaré en 2014 majoré de 0,5 %

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014 sans la RI exceptionnelle

Gain retiré de la réforme par rapport à l’IR 2014

43 790 (39 411) 

759

59 donc 0

0

759

0

46 000 (41 400) 

924

224

0

924

224

46 700 (42 030) 

975

571

0

975

571

48 000 (43 200) 

1 054

1 054

0

1 054

1 054

50 475 (45 427) 
Soit 3,6 SMIC 

1 176

1 176

60 donc 0

1 176

1 176

52 000 (46 800) 

1 252

1 252

446

806

806

54 000 (48 600) 

1 405

1 405

954

451

451

56 000 (50 400) 

1 657

1 657

1 460

197

197

57 620 (51 858) 
Soit 4,12 SMIC

1 861

1 861

1 870

− 9

− 9

Source : commission des Finances.

● À partir de ces tableaux, il est possible de présenter des graphiques retraçant pour différentes configurations de foyers fiscaux les modalités d’entrée dans l’impôt sur le revenu. Les graphiques ci-dessous montrent les niveaux de revenus à partir desquels les foyers fiscaux, selon leur composition, deviennent imposables, et l’évolution de leur imposition au fil de l’accroissement de leurs revenus (37), et ce dans quatre configurations :

– tout d’abord, en l’absence totale de décote, par la seule application du barème applicable à l’imposition des revenus de 2013, avec les tranches à 5,5 %, 14 %, puis 30 %... ; il s’agit d’une courbe théorique, montrant les seuls effets du barème progressif ;

– ensuite, en application du barème applicable à l’imposition des revenus de 2013 et de la décote à hauteur de 508 euros, mais avant la réduction d’impôt exceptionnelle instaurée par la loi de finances rectificative pour 2014 ;

– en application du barème applicable à l’imposition des revenus de 2013 et de la décote à hauteur de 508 euros, mais après la réduction d’impôt exceptionnelle instaurée par la loi de finances rectificative pour 2014 ;

– enfin, en application du barème proposé pour l’imposition des revenus de 2014 et de la nouvelle décote, telle que proposée par le présent article.

COMPARAISON DE L’IMPÔT PAYÉ PAR UN CÉLIBATAIRE SANS ENFANT
SELON DIFFÉRENTS ÉTATS DE LA LÉGISLATION

COMPARAISON DE L’IMPÔT PAYÉ PAR UN COUPLE MARIÉ SANS ENFANT
SELON DIFFÉRENTS ÉTATS DE LA LÉGISLATION

COMPARAISON DE L’IMPÔT PAYÉ PAR UN COUPLE MARIÉ AVEC DEUX ENFANTS SELON DIFFÉRENTS ÉTATS DE LA LÉGISLATION

Ces différents graphiques permettent de visualiser que, pour les différentes compositions de foyers fiscaux, l’entrée dans l’impôt sur le revenu est systématiquement plus tardive dans le cadre de la réforme, comme vu supra, par rapport au droit existant, et ce même en tenant compte de l’effet de la réduction d’impôt exceptionnelle de 2014.

Par exemple, un célibataire commençait à payer l’impôt sur le revenu au-delà de 13 725 euros de revenus déclarés pour l’imposition des revenus de 2013. Grâce à la réduction d’impôt exceptionnelle qui s’est appliquée en septembre 2014, il faut qu’il perçoive un revenu annuel supérieur à 15 369 euros pour commencer à payer de l’impôt sur le revenu. Avec la mesure proposée par cet article, il ne commencera à payer de l’impôt sur le revenu en 2015 que si son revenu annuel dépasse 15 508 euros en 2014.

Pour un couple marié sans enfant, la situation est la suivante. Il payait de l’impôt sur le revenu si son revenu annuel dépassait 21 020 euros (et 27 702 euros si le couple a deux enfants). Grâce à la réduction d’impôt exceptionnelle qui s’est appliquée en septembre 2014, il commence à payer l’impôt sur le revenu si son revenu annuel dépasse 28 136 euros (37 117 euros si le couple a deux enfants), Avec la mesure prévue au présent article, il ne commencera à payer de l’impôt sur le revenu en 2015 que si son revenu annuel dépasse 29 196 euros (39 959 euros si le couple a deux enfants).

La réforme proposée se traduit par une accentuation de la pente d’entrée dans l’imposition, ainsi que par un gain systématique, mais variable, par rapport à la situation antérieure.

L’accentuation de la pente se traduit logiquement par une progression de l’imposition plus marquée corrélativement à une hausse de revenus. Ainsi, pour un célibataire disposant d’un RFR de 15 000 euros (correspondant à un revenu déclaré de 16 666 euros), une hausse de son RFR de 100 euros se traduira par un impôt dû de 379 euros, au lieu de 351 euros. Une augmentation de 100 euros de RFR (correspondant à 111 euros de revenu déclaré) se traduit donc par une hausse d’impôt de 28 euros.

Dans le système actuel, un célibataire disposant d’un RFR de 15 000 euros s’acquitte d’un impôt sur le revenu égal à 617 euros. Si son RFR est de 15 100 euros, son impôt sera de 638 euros.

Comme cet exemple permet de le constater, l’impôt dû après réforme est très sensiblement inférieur à celui dû selon les règles en vigueur : dans ce cas, pour un même niveau de revenus, le gain retiré de la réforme est de 266 ou 259 euros. Même si la progression de l’imposition en fonction de celle des revenus est un peu plus rapide qu’auparavant du fait de la pente plus raide, le contribuable retire systématiquement un gain de la réforme, et s’acquitte toujours d’un impôt moindre.

● Comme le montrent les tableaux présentés supra, le gain retiré de la réforme varie selon la configuration du foyer fiscal : il est d’autant plus important que le foyer fiscal comporte de parts de quotient familial, ce qui résulte à la fois du mode de calcul de l’impôt par part et de la « conjugalisation » de la décote proposée par le présent article.

Ainsi, le gain maximal retiré de la réforme par rapport à l’imposition des revenus de 2014 après réduction exceptionnelle est de l’ordre de 300 euros pour un célibataire, de 595 euros pour un couple, de 956 euros pour un couple avec deux enfants, de 1 176 euros pour un couple avec trois enfants, et de 1 375 euros pour un couple avec quatre enfants.

GAIN RETIRÉ DE LA RÉFORME POUR UN CÉLIBATAIRE, ENTRE L’IMPÔT SUR LE REVENU ACQUITTÉ EN 2014, AVANT OU APRÈS RÉDUCTION D’IMPÔT EXCEPTIONNELLE, ET L’IMPÔT SUR LE REVENU QUI SERAIT ACQUITTÉ POUR UN MÊME REVENU EN 2015 EN APPLICATION DE LA RÉFORME

GAIN RETIRÉ DE LA RÉFORME POUR UN COUPLE

GAIN RETIRÉ DE LA RÉFORME POUR UN COUPLE AVEC DEUX ENFANTS

GAIN RETIRÉ DE LA RÉFORME POUR UN COUPLE AVEC TROIS ENFANTS

Ces graphiques permettent d’observer que la plage de revenus pour lesquels les foyers fiscaux bénéficient de la réforme croît avec le nombre de parts du foyer fiscal. De façon générale, la pente ascendante de la courbe présentant le gain retiré de la réforme par rapport à l’impôt acquitté après réduction d’impôt est très forte : elle correspond à la forte pente de sortie de la réduction d’impôt exceptionnelle, lié à un mécanisme de lissage relativement abrupt. Certaines situations montrent des discontinuités, comme par exemple dans le cas d’un couple, pour lequel le gain retiré augmente, diminue puis augmente à nouveau, sous les effets croisés de la réduction d’impôt et de la réforme proposée.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 70 de M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cet amendement vise à supprimer l’article 2, au nom d’une vision de la fiscalité sur le revenu qui, pour des raisons de justice et d’efficacité, privilégie une base large et un taux faible.

M. le président Gilles Carrez. En pratique et compte tenu de la décote, aucun contribuable n’était en réalité assujetti à la seule tranche d’imposition à 5,5 %, qui ne s’appliquait en réalité qu’aux seuls contribuables également assujettis aux tranches supérieures. La tranche à 5,5 % étant supprimée, ces contribuables vont entrer directement dans la tranche à 14 %, l’essentiel des 3 milliards d’euros – somme considérable – que coûte cette mesure provenant de la refonte de la décote. Pourriez-vous, madame la Rapporteure générale, chiffrer précisément ce que représente cette refonte et nous indiquer le nouveau montant de la décote et la manière dont elle va fonctionner ?

Vous aviez eu du mal à obtenir des chiffres précis sur le nombre de contribuables concernés par l’abattement de 350 euros consenti aux célibataires, que nous avions adopté en juillet dernier. Êtes-vous en mesure aujourd’hui de nous indiquer le nombre précis de foyers fiscaux concernés par la révision du barème ?

Mme la Rapporteure générale. Le ministère des finances travaille sur un échantillon de 500 000 foyers fiscaux, à partir duquel sont effectuées les simulations. Elles permettent d’exposer sous forme de tableaux l’impact des différentes mesures affectant l’impôt sur le revenu ainsi que celui de la suppression de la première tranche, calculé à partir des revenus déclarés pour l’année 2013.

La décote permettait en effet aux célibataires de n’entrer dans l’impôt qu’au-delà de la tranche à 5,5 %, dans laquelle se concentraient essentiellement des couples mariés et des familles. Je vous confirme que sur les 3,2 milliards d’euros que coûtera la refonte du barème, la revalorisation de cette décote va en absorber 2,2 milliards.

Mme Marie-Christine Dalloz. Depuis 2012, le rendement de l’IRPP a progressé de 10 milliards d’euros environ. Vous proposez aujourd’hui de diminuer ses recettes de 3,2 milliards d’euros en supprimant la tranche à 5,5 %. C’est un choix d’autant plus difficile à comprendre que les personnes qui bénéficiaient de la décote échappaient à cette imposition à 5,5 %.

Par ailleurs, il faut rapprocher le coût de cette mesure pour le budget de l’État des 600 millions de recettes fiscales supplémentaires qu’annonce le Gouvernement : comment expliquer la différence entre ces deux chiffres ?

Enfin, quelles seront les conséquences d’une telle mesure sur le consentement à l’impôt de nos concitoyens ? Est-il acceptable d’alourdir l’effort qui doit peser sur les contribuables assujettis à la tranche à 14 % ?

M. Olivier Carré. On nous annonce, en effet, une augmentation nette de 600 millions d’euros des recettes de l’impôt sur le revenu. Compte tenu des 3,2 milliards d’euros que coûte la suppression de la première tranche, cela signifie que les recettes vont en réalité augmenter de 3,8 milliards d’euros, soit une augmentation de 5,6 %. Qui sont les ménages qui verront leurs impôts fortement augmenter ?

M. Dominique Lefebvre. La suppression de la première tranche représente un allégement de 3,3 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu, ciblé sur les foyers les plus modestes et les classes moyennes. Cela répond à la volonté du Gouvernement de diminuer globalement les prélèvements obligatoires qui pèsent sur les ménages. Et, si nous ciblons prioritairement les foyers modestes et les classes moyennes, c’est que nous sommes contraints d’agir dans une enveloppe donnée.

Les protestations de l’opposition sont pour le moins paradoxales : après avoir dénoncé la hausse du nombre de foyers fiscaux imposés, vous prônez des taux faibles et un élargissement de l’assiette, tout en combattant toutes les mesures qui visent au rétablissement de cette assiette, qu’il s’agisse de la réintégration dans le revenu imposable de la majoration de 10 % des pensions pour charges de familles ou de la part employeur de la complémentaire santé. De facto, 2 millions de ménages sont entrés dans l’impôt sur le revenu entre 2011 et 2013 du fait des effets combinés du gel du barème, de la suppression de la demi-part des veuves
– mesure prise par la précédente majorité, mais dont les effets se sont faits surtout sentir en 2013 et en 2014 –, mais aussi de la « refiscalisation » des heures supplémentaires, qui reste pour nous un choix assumé.

L’allégement de 3,3 milliards d’euros s’applique à la part de l’impôt sur le revenu perçue sur les cinquième et sixième déciles de contribuables, soit un montant compris entre 12 et 15 milliards d’euros. Cela représente donc une baisse significative. Contrairement à ce que prétendent certains, cette mesure va également rendre l’impôt plus progressif dans sa portion située entre le bas du barème, qui est allégé, et sa partie haute, qui n’est pas alourdie. Quant à son acceptabilité, je rappelle que tous nos concitoyens payent la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à proportion de leurs revenus, à l’exception des contribuables du dixième décile, pour qui les impôts indirects sont fortement dégressifs. Tous nos concitoyens qui travaillent paient également la CSG, même si c’est un impôt indolore. En définitive, les calculs montrent qu’un ménage dont le revenu mensuel est compris entre 1 000 et 2 000 euros acquitte, à proportion de ses revenus, un impôt équivalent à celui des autres.

Le président Gilles Carrez a raison de dire que, de facto, avec le système de décote et compte tenu du seuil de mise en recouvrement, aucun contribuable n’acquittait son impôt dans la tranche à 5,5 % ; l’imposition effective commençait en effet dans la tranche à 14 %. Reste que le dispositif mis en place est le seul moyen d’alléger les impôts des cinquième et sixième déciles.

J’ajoute que la nouvelle décote se substitue à l’ancienne tout en intégrant la réduction d’impôt que nous avions votée en juillet. Elle prend par ailleurs mieux en compte la situation des couples et des familles, que le précédent système défavorisait par rapport aux célibataires.

Si nous avons enfin réajusté les seuils des tranches supérieures, c’est pour neutraliser l’effet de la mesure au-delà du huitième décile et afin que la baisse d’impôt ne touche pas 14 millions, mais 6 millions de foyers fiscaux. Nous avons considéré en effet qu’il n’était pas souhaitable de ne pas compenser le gain que représentait pour le dixième décile la suppression de la première tranche, soit un gain d’environ 300 euros pour un impôt moyen de 11 000 euros. Notre choix politique a bien été de concentrer nos efforts sur le bas du barème. C’est une des raisons pour lesquelles cette mesure ne touche pas les ménages concernés par le plafonnement du quotient familial, dont je rappelle que l’intégralité de la recette fiscale sera versée à la branche famille.

M. le président Gilles Carrez. Peut-on être certain que les foyers qui ne bénéficient pas de cet allégement fiscal ne subiront, à revenus constants, aucune augmentation d’impôt ?

M. Dominique Lefebvre. Il y a aujourd’hui 36 millions de foyers fiscaux, dont 20 millions ayant acquitté l’impôt sur le revenu en 2013. La suppression de la première tranche fait sortir 3 millions de foyers de l’impôt, ce qui laisse donc 17 millions de foyers imposés. Les simulations effectuées à partir de l’échantillon « vieilli » des déclarations 2012 évaluent à 22 000 le nombre de ces foyers fiscaux qui verraient leur impôt évoluer, dont 8 700 pour un montant inférieur à 10 euros. Il faudra évidemment que des analyses a posteriori nous confirment ces chiffres.

M. Marc Le Fur. Pour compenser la suppression de la première tranche, vous avez choisi d’abaisser de 11 991 à 9 690 euros le seuil de la tranche d’imposition à 14 %. Certes, la décote est censée compenser cet abaissement, mais elle crée une autre difficulté en déclenchant un taux marginal d’imposition de 28 % sur les revenus concernés. Cela signifie que, pour les ménages modestes, une très légère augmentation de revenu va se traduire par une augmentation significative de l’impôt, le phénomène étant manifestement voué à s’amplifier en 2016, sur l’imposition des revenus de 2015.

Notre collègue Dominique Lefebvre a signalé que le mécanisme de décote prenait mieux en compte la situation des couples. La décote ne reste, cela étant, que très partiellement « familialisée ».

M. Hervé Mariton. Dominique Lefebvre a également précisé que les recettes fiscales issues du plafonnement du quotient familial seraient affectées à la branche famille : ce ne sont pour l’instant que des paroles.

Il insistait, par ailleurs, dans le remarquable rapport sur la fiscalité des ménages qu’il a produit avec M. François Auvigne, sur le fait que, pour un certain nombre de foyers modestes, le gain marginal net lié à une augmentation de salaire était extrêmement faible, du fait de notre système de prélèvements fiscaux. Or, la réforme qui nous est proposée ne résout en rien ce problème.

Mme Valérie Pécresse. Le Gouvernement nous explique que les deux points forts de ce budget sont, d’une part, le CICE et la baisse de 10 milliards d’euros de la fiscalité qui pèse sur les entreprises, et, d’autre part, la baisse de 3 milliards d’euros de la fiscalité qui pèse sur les ménages modestes, grâce à la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Dans la mesure où les prélèvements obligatoires ne baisseront quasiment pas cette année – la diminution de 0,1 point que vous annoncez pourrait fort bien être compensée par une hausse de la fiscalité locale visant à compenser la baisse des dotations aux collectivités territoriales –, qui va payer ces 13 milliards d’euros et quelles nouvelles hausses d’impôt auront à subir les ménages ?

M. Charles de Courson. Lors des travaux du groupe de travail sur la fiscalité des ménages, présidé par MM. Dominique Lefebvre et François Auvigne, nous avons constaté qu’un célibataire passant d’un demi-SMIC à un SMIC était soumis, en tenant compte des impôts et des prestations sociales liées aux impôts, à un prélèvement de 73 %. Autrement dit, quand il gagne 100 euros de plus, on lui en prélève 73. Il en est de même pour un couple qui passe de 1 SMIC à 1,5 SMIC. Nous avons identifié deux problèmes : la décote et la PPE. Il a donc été envisagé de supprimer la PPE et de la réallouer pour avoir une rentrée plus lente, plus progressive, afin de réduire cet effet injuste et contre-productif.

Ce qui nous est proposé aujourd’hui résout-il ces deux problèmes ? Non seulement on ne résout pas celui de la PPE, à laquelle on ne touche pas, mais la pente proposée aggrave encore le mal. Si l’on veut mettre 3,2 milliards dans cette affaire, il faut ajouter les 2,2 milliards de la PPE et faire un lissage beaucoup plus lent.

D’autre part, on espère un produit de 69,5 milliards d’euros, contre 68,8 milliards l’an dernier, soit une augmentation de 1 %. Ainsi, la mesure – qui représente en tout 3,5 milliards – compense un peu moins l’évolution spontanée, qui est de 3,9 milliards. En réalité, il n’y a pas de baisse de l’impôt sur le revenu. Il serait intéressant de savoir ce que donne la proposition contenue dans l’article 2 par rapport au montant de l’impôt sur le revenu 2014.

M. Éric Alauzet. Le nouveau dispositif a une pente plus forte, mais qui démarre plus tardivement : on peut avoir une entrée dans l’impôt à un taux plus élevé – jusqu’à 28 % pour un célibataire, au lieu de 14 %. Ce n’est pas tant le pourcentage qui compte, mais la différence, pour la même personne, par rapport à l’ancien système. Aurons-nous toujours le même ordre d’entrée et de progressivité dans l’impôt ? Pouvez-vous, madame la Rapporteure générale, confirmer que chaque ménage sera effectivement avantagé ? Une personne qui payait moins qu’une autre ne paiera-t-elle pas plus après la mise en place du dispositif ?

Mme Véronique Louwagie. L’exposé général des motifs du projet de loi de finances indique que « cette réforme du bas de barème de l’impôt bénéficiera à 9 millions de foyers fiscaux, 3 millions de foyers devenant non imposables ou évitant de devenir imposables ». Ces chiffres sont-ils déterminés avant prise en compte de la décote ? Si tel n’est pas le cas, quel est l’impact après décote ?

Par ailleurs, on nous dit qu’il y a une augmentation des recettes de l’IRPP de 600 millions d’euros et une réduction d’impôts au titre de l’article 2, de 3,187 milliards. Cela fait globalement une augmentation, que l’on retrouvera dans d’autres foyers, de 3,787 milliards, c’est-à-dire près de 4 milliards d’euros qui, selon le principe des vases communicants, seront prélevés sur d’autres foyers fiscaux. À quelle tranche appartiendront les contribuables qui vont payer ces 4 milliards d’euros ? Comment ont été faits les calculs ?

Mme Karine Berger. La mesure proposée dans l’article 2 ne peut avoir d’impact sur les tranches supérieures, car 5,5 % de la différence entre 6 011 euros et 11 991 euros donnent 329 euros, et 14 % de la différence entre 9 690 euros et 11 991 euros donnent 323 euros. Autrement dit, arrivé au seuil de 11 991 euros, vous payez exactement le même impôt que dans le schéma précédent.

M. le président Gilles Carrez. Lorsqu’on présente une nouvelle mesure, elle a toujours l’air parfaite. Puis des ménages se présentent dans nos permanences pour se plaindre que leurs impôts ont augmenté !

Mme Karine Berger. Monsieur le président, vous en serez d’accord, la mathématique, elle, est parfaite.

À nos collègues de l’opposition qui s’inquiètent de l’évolution de l’IRPP, je répondrai qu’il faut aussi tenir compte de l’évolution normale des revenus. Si l’on prend la sortie des mesures temporaires de l’année 2014, la mise en place des mesures en 2015 et l’évolution spontanée des recettes, on retombe sur l’évolution qui est retracée à la page 80 du tome I du Rapport économique, social et financier qui accompagne le projet de loi de finances. Tout cela est très clair et ne correspond absolument pas à des mesures supplémentaires au-delà de la première tranche.

M. Éric Woerth. Pour comprendre quelque chose à son impôt, il faudra avoir fait de longues études ! Tout cela est assez obscur, les questions qui sont posées le prouvent. Chacun comprend ce qu’il veut bien comprendre.

La question de notre collègue Véronique Louwagie est pertinente. Comment fait-on pour baisser l’imposition sur le revenu de tout le monde, alors que les recettes nettes d’imposition sur le revenu augmentent globalement ? Il faudra bien que quelqu’un paye à un moment ou à un autre ! J’ai compris que la plupart des gens vont voir leur impôt sur le revenu baisser, mais la réalité risque d’être bien différente. La Commission serait ravie d’avoir des explications !

Mme la Rapporteure générale. Je reconnais que tout cela est un peu complexe. Les évaluations qui nous ont été fournies donnent la ventilation par décile de revenu fiscal de référence des foyers fiscaux gagnants à la mesure.

Vous vous demandez comment le rendement de l’impôt sur le revenu peut augmenter alors qu’on fait plus de 3 milliards de baisse d’impôt.

M. Marc Le Fur. D’autant que c’est une baisse de 6 milliards !

Mme la Rapporteure générale. Oui, par rapport à la prévision de la loi de finances initiale 2014, donc avant la réduction d’impôt adoptée en juillet dernier.

M. le président Gilles Carrez. Comme l’an dernier.

Mme la Rapporteure générale. Page 21 du tome I de l’Évaluation des voies et moyens, on voit que l’impôt net sur le revenu en 2014 se monte à 68,9 milliards, auxquels il faut soustraire les 3 milliards de la mesure de l’article 2 et ajouter à la fois 1,3 milliard de la mesure temporaire de septembre 2014 – qui disparaît –, et 1,8 milliard d’évolution spontanée. Les chiffres mentionnés par certains de manière faciale étaient les chiffres bruts. Or, tout ce qui est remboursements et dégrèvements d’impôt n’étant pas dans le tableau, il faut se fonder sur le net.

M. le président Gilles Carrez. Ce point sur l’évolution spontanée est essentiel. Serait-il possible de demander au Gouvernement quelle est l’évolution spontanée réelle constatée ex post au titre de 2013, puis de 2014 ? En 2013, nous avons eu une moins-value de plus de 5 milliards d’euros par rapport à la prévision, et cela va recommencer en 2014, alors que, instruit par l’expérience de 2013, le Gouvernement nous avait indiqué que la prévision pour 2014 était plus prudente. Malgré tout, on constate une baisse de 6 milliards. Peut-être l’évolution spontanée est-elle donc négative, et il faudrait vraiment mesurer ce point.

M. Olivier Carré. Entre août 2013 et août 2014, on passe de 41 milliards à 47 milliards de recettes : 6 milliards ont donc été réellement encaissés en net, soit 14 % de plus. Si l’on considère que, dans les quatre mois qui suivent, l’impôt sur le revenu serait équivalent à celui qui a été encaissé l’année dernière…

M. le président Gilles Carrez. Non, il y aura 1,3 milliard de moins, puisque l’abattement de 350 ou 700 euros joue à partir de septembre.

M. Olivier Carré. Cela laisse encore plus de 4 milliards d’augmentation sur le revenu encaissé. Ce que je ne comprends pas, c’est que nous sommes nettement en dessous de la prévision de la loi de finances initiale pour 2014, mais au-dessus des montants indiqués comme étant ceux qui seront exécutés à la fin de 2014.

Mme la Rapporteure générale. Nous allons faire des vérifications supplémentaires sur l’évaluation des recettes d’impôt sur le revenu.

M. le président Gilles Carrez. Nous demanderons en séance des explications au ministre la semaine prochaine.

Mme la Rapporteure générale. Mme Pécresse se demande comment les rentrées peuvent augmenter si les impôts diminuent. Je renvoie au tableau qui figure dans mon rapport d’information préalable au débat d’orientation des finances publiques de juillet 2014, et qui est une tentative de synthèse des principales mesures fiscales et sociales adoptées depuis juin 2012, ventilées entre ménages et entreprises. On y note une croissance régulière des prélèvements supplémentaires sur les ménages.

M. Hervé Mariton. Et ce n’est pas fini ! Vous dites que vous baissez les impôts, mais, en réalité, vous les augmentez !

Mme la Rapporteure générale. Monsieur Mariton, nous n’avons pas dit que les impôts baissaient dans leur ensemble : nous parlons d’une mesure qui vise à faire baisser de 3 milliards d’euros l’impôt sur le revenu des Français. Nous pouvons, si vous le souhaitez, dresser un bilan global en mettant à jour le tableau présenté avant le débat d’orientation budgétaire.

Mme Valérie Pécresse. Il y a donc une augmentation de 18 milliards sur les ménages en 2015 !

Mme la Rapporteure générale. Je le signale à notre commission, le tableau, qui prend en compte des relèvements de TVA et différentes mesures, inclut également des mesures que Mme Pécresse a fait voter lorsqu’elle était au Gouvernement.

M. le président a raison de dire que, lorsqu’on prend des mesures de baisse ou d’allégement de l’impôt sur le revenu, il faut s’assurer que les célibataires comme les couples mariés en bénéficient à plein. Vous trouverez, dans le tome II de mon rapport, des simulations d’entrée dans l’impôt selon les différentes situations – niveau de revenus, composition du foyer fiscal, etc.

Les bénéficiaires de cette mesure de suppression de la première tranche sont très nombreux. J’entends dire que 22 000 foyers fiscaux – sur 36 millions – seraient perdants. Ce nombre ne doit pas être exagéré. Il doit l’être d’autant moins que seuls 8 700 de ces 22 000 foyers fiscaux auront une perte supérieure à 10 euros !

M. le président Gilles Carrez. La question essentielle, c’est celle de la pente pour celui qui rentre dans l’impôt. À un certain niveau, lorsqu’on gagne 100 euros de plus, l’État récupère-t-il 75 euros ?

Mme la Rapporteure générale. La pente est en effet plus abrupte. Mais, grâce aux différentes décotes, la base taxable sera réduite. La réforme a été calibrée pour faire des gagnants dans tous les cas de figure.

M. Charles de Courson. La pente est-elle plus forte dans le nouveau dispositif que dans l’ancien ? Cela semble être le cas. Mme la Rapporteure générale pourrait-elle traiter de la question dans son rapport ?

S’agissant de l’évolution spontanée, l’évaluation préalable associée à l’article 2 indique que -0 cette prévision s’appuie sur des hypothèses de croissance des revenus assujettis à l’impôt sur le revenu en rebond par rapport aux sous-jacents de la prévision révisée pour 2014, conduisant à une évolution spontanée de 2,6 %. Celle-ci s’explique par le retour à une évolution des revenus catégoriels plus proche des tendances constatées par le passé, notamment concernant les revenus de capitaux mobiliers ». Je pense que cela mérite aussi un examen approfondi.

Cette augmentation de 2,6 % n’est pas possible avec un produit intérieur brut (PIB) qui augmente, d’après les prévisions gouvernementales, de 0,9 point en volume et de 1 % en prix. Cela voudrait dire que les revenus des ménages augmenteraient encore dans le revenu national. Nous aimerions avoir une étude précise sur ce point.

M. Dominique Lefebvre. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler à Mme Valérie Pécresse et à M. Éric Woerth comment ils ont financé les mesures d’allégements fiscaux et sociaux en 2007 dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA).

M. Olivier Carré. Comme vous, par la dette !

M. Dominique Lefebvre. Oui, mais pour ce qui nous concerne, avec un rythme d’évolution des dépenses publiques nettement ralenti par rapport à ce que vous faisiez. J’entends l’argument rhétorique : si on baisse pour les uns et que le produit augmente, c’est que d’autres continuent à payer plus ! Chers collègues, je comprends la manipulation politique, mais, à ma connaissance, nous sommes à législation constante pour l’impôt sur le revenu. Ce projet de loi de finances ne contient rien d’autre qu’une mesure de révision du barème, qui allège l’impôt sur le revenu pour les plus modestes. Vous avez beau dire que, puisque le produit augmente, c’est que d’autres vont payer, il n’y a pas de nouvelles mesures fiscales conduisant à alourdir l’impôt sur ce revenu dans ce budget.

Par ailleurs, il y a une montée en charge de mesures qui ont été votées. Certes, nous avons mis en place une tranche à 45 % et revisité l’impôt de solidarité sur la fortune – que l’ancienne majorité avait baissé. Concernant les fameux 10 ou 15 milliards d’augmentations de l’impôt sur le revenu depuis trois ans, il serait intéressant de répartir, en montants budgétaires, ce qui a été payé par les uns et par les autres. Vous verriez que l’essentiel des 10 milliards d’augmentations sur les ménages a été payé sur le dernier décile. C’était notre choix politique que de faire porter l’effort sur ceux qui disposent des facultés contributives les plus fortes.

Il est incontestable, monsieur le président, que la pente est plus raide, mais, comme l’a expliqué récemment Michel Taly dans Les Échos, on finit tout de même par payer moins d’impôt qu’avant la réforme.

Aujourd’hui, nous faisons le choix d’alléger la fiscalité des ménages à hauteur de 3,3 milliards, pour faire sortir 2 millions de ménages de l’impôt sur le revenu. Cela n’épuise pas pour autant la question de la réforme fiscale. Pour aller plus loin, il faudrait une remise à plat complète qui toucherait notamment la CSG. Nous n’avons pas la capacité financière de le faire, car il n’y a pas de réforme fiscale qui n’ait pas un coût élevé, à moins de prévoir des transferts importants entre contribuables.

En ce qui concerne les effets de seuil, je rappelle que, quand on parlait du taux implicite de prélèvements sociaux et fiscaux sur l’euro de revenu supplémentaire, on envisageait le cumul de l’entrée dans l’impôt et de la perte de prestations. On ne pourrait, aujourd’hui, régler ce problème, sans une remise en ordre des prestations sociales, le système comportant de nombreuses prestations liées au statut d’imposition ou de non-imposition. Je renvoie, de ce point de vue, à une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, qui prévoit de transformer, à produit de CSG constant, l’accès au taux réduit de CSG pour les retraités, non pas sur le critère d’imposition ou de non-imposition qui n’a pas de sens par rapport aux revenus, mais sur un critère de revenu fiscal de référence. Nous proposons de faire rebasculer l’ensemble des prestations sur des notions de revenu fiscal de référence pour gommer les effets de seuil. Cela prendra du temps et cela coûtera de l’argent.

Enfin, il faut supprimer la PPE à compter de 2016, donc pour l’imposition des revenus de 2015. Nous en débattrons sans doute lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative en fin d’année, dans le cadre d’une autre réforme dont nous aurons probablement discuté le principe, à savoir la fusion de la PPE et du revenu de solidarité active (RSA).

Pour conclure, monsieur le président, je continue à penser que la mesure que nous avons adoptée en juillet en loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014.

M. le président Gilles Carrez. Moi aussi.

M. Dominique Lefebvre. Sa censure par le Conseil constitutionnel nous a amenés à faire d’autres choix. Sans cela, nous n’aurions pas eu à prendre cette mesure sur l’impôt sur le revenu.

M. Marc Le Fur. J’insiste. Ma première question portait sur le taux marginal de 28 %. Je comprends qu’il peut y avoir une baisse supplémentaire globale de l’impôt. Il n’empêche que, à un moment donné, 100 euros de plus, c’est 28 euros versés en impôt. Cela accroît la difficulté, excellemment mise en exergue par notre collègue Dominique Lefebvre qui, dans son rapport, indiquait que, à 1,5 SMIC, le taux de prélèvement est de 66 %. Nous allons encore accroître le taux marginal des prélèvements si nous associons les effets fiscaux et les effets de la PPE.

Le fait que l’impôt soit atténué par la décote ne résout pas complètement le problème des familles, puisque la décote est un peu plus « familialisée » qu’elle ne l’était, mais elle devient plus importante que naguère, puisqu’il s’agit d’éviter la progression d’un impôt, non pas de 0 à 5,5 %, mais de 0 à 14 %. N’y a-t-il pas un défaut de « familialisation », en particulier pour les familles à partir de deux ou trois enfants ?

Enfin, l’article de M. Taly, déjà cité, met en exergue une autre difficulté : nous risquons d’avoir des surprises au sujet de l’impôt payé en 2016, avec de fortes évolutions pour les catégories modestes.

Mme la Rapporteure générale. Avant la mesure de l’article 2, un couple sans enfants entrait dans l’impôt s’il avait un revenu déclaré supérieur à 21 020 euros, et à 27 702 euros avec deux enfants. Avec la réduction exceptionnelle votée en septembre, il commencera à payer l’impôt sur le revenu si son revenu dépasse 28 136 euros, et 37 117 euros s’il a deux enfants. Avec l’article 2, il ne commencera à payer l’impôt sur le revenu en 2015 que si son revenu dépasse 29 196 euros, et 39 959 euros s’il a deux enfants. La différence entre seuils d’entrée dans l’impôt peut atteindre 10 000 euros de revenu annuel déclaré en plus.

En tout état de cause, nous parlons d’une mesure qui doit permettre à des ménages ayant des revenus de 21 000 ou de 28 000 euros de rentrer moins vite dans l’impôt sur le revenu, et d’en payer moins. C’est une question de justice sociale. Peut-être nos objectifs sont-ils différents des vôtres : nous souhaitons, quant à nous, que les ménages qui ont les revenus les plus modestes puissent récupérer du pouvoir d’achat.

La Commission rejette l’amendement I-CF 70.

Puis, suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, elle rejette successivement les amendements I-CF 8 et I-CF 9 de M. Marc Le Fur.

Elle adopte enfin l’article 2 sans modification.

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* *

Après l’article 2

La Commission examine l’amendement I-CF 51 de M. le président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. L’ancienne majorité a créé une contribution exceptionnelle pesant sur le revenu fiscal de référence et incluant notamment tous les revenus du patrimoine, en particulier les plus-values. Cette contribution s’ajoute aujourd’hui à la tranche marginale à 45 % : le taux marginal passe donc à 48 % pour des revenus de plus de 250 000 euros et à 49 % pour les revenus de plus de 500 000 euros. Mais comme, à ces niveaux, les revenus proviennent essentiellement du patrimoine, notamment des plus-values, il faut ajouter 15,5 % de prélèvements sociaux. Ainsi, le prélèvement marginal atteint presque 65 %.

Avec cet amendement, je souhaite attirer l’attention sur une hyperconcentration de l’impôt sur le revenu, qui le rend extrêmement fragile. Selon le « rapport Lefebvre », 1 % des ménages, soit 370 000 foyers, acquittent 45 % de l’impôt sur le revenu. En 2015, compte tenu de l’allégement de 3 milliards d’euros qui cible plutôt les premiers déciles, 1 % des ménages acquitteront près de 50 % de l’impôt sur le revenu. Les 37 000 foyers les plus imposés, soit 1 ‰, acquittent entre 15 % et 20 % de l’impôt sur le revenu. Si quelques milliers, voire quelques centaines d’entre eux, modifiaient leur comportement ou se délocalisaient, les pertes d’impôts seraient considérables. Cela explique peut-être ce décalage nouveau de 5 milliards d’euros que l’on observe entre la prévision et l’exécution.

Nous avons beaucoup parlé du bas de barème, mais il est important de s’intéresser aussi au haut de barème. Dans l’attente du chiffre définitif de la contribution exceptionnelle de 2014, j’estime que cette mesure coûterait quelque 500 millions d’euros – c’est le chiffre de 2013 ; il était de 630 millions en 2012.

Mme la Rapporteure générale. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus a en effet été introduite par votre majorité.

M. le président Gilles Carrez. À un moment où certains ne voulaient pas entendre parler de la tranche à 45 % !

Mme la Rapporteure générale. Il était prévu qu’elle soit applicable « jusqu’à l’imposition des revenus de l’année au titre de laquelle le déficit public des administrations publiques est nul ». Cette condition n’étant pas remplie, je suis défavorable à l’amendement.

M. Charles de Courson. Même si son coût comptable apparent est de l’ordre de 400 à 500 millions d’euros, cet amendement rapporterait de l’argent s’il était adopté. Personne ne veut affronter le problème de la chute de l’assiette de l’impôt sur le revenu. Nous avons demandé au ministre du budget de réaliser une étude sur l’origine de l’écart entre les prévisions et les réalisations. Comme notre président, je pense que cet écart s’explique par un changement de comportement des ménages à très hauts revenus, ceux qui perçoivent essentiellement des dividendes et des plus-values. S’ils estiment que le taux d’imposition est astronomique, ils ne distribuent pas de dividendes et le bénéfice reste dans l’entreprise.

M. le président Gilles Carrez. Il suffit de voir les reports à nouveau dans les comptes des petites et moyennes entreprises pour s’en convaincre.

M. Charles de Courson. Madame la Rapporteure générale, pourriez-vous obtenir l’évolution de l’assiette sur les tranches très élevées ? Si l’on constate une chute de l’assiette, cela signifie que le niveau des taux conduit les entrepreneurs à renoncer à la distribution de dividendes et à la réalisation de plus-values.

M. le président Gilles Carrez. Le renoncement aux plus-values produit un effet encore plus important que la rétention des dividendes.

M. Charles de Courson. Pour ne pas dépasser le taux de 45 %, il faut supprimer cette contribution additionnelle.

Mme Karine Berger. Ainsi, je note que l’opposition souhaite rétablir l’impôt sur le revenu pour des gens qui gagnent 10 000 euros par an et baisser considérablement l’impôt acquitté par ceux qui perçoivent 1 million d’euros par an !

La Commission rejette l’amendement.

*

* *

Article 3
Mise en place d’un crédit d’impôt pour la transition énergétique

S’inscrivant dans les orientations du projet de loi, actuellement en cours de discussions, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, qui définit des objectifs ambitieux en termes de réduction de consommation énergétique et de lutte contre le changement climatique, le présent article vient profondément remanier le dispositif de crédit d’impôt en faveur du développement durable (CIDD), rebaptisé « crédit d’impôt pour la transition énergétique » (CITE).

La réforme proposée vise à inciter davantage les ménages à investir dans la rénovation énergétique de leur logement, en facilitant le recours au crédit d’impôt et en le rendant plus attractif. Elle vient ainsi supprimer la condition de réalisation d’un « bouquet » de travaux pour obtenir l’avantage fiscal, s’agissant des contribuables dont le revenu fiscal de référence (RFR) est supérieur à certains seuils. En effet, selon le droit en vigueur, les ménages aux revenus inférieurs à un certain plafond de RFR peuvent bénéficier du crédit d’impôt même s’ils ne réalisent qu’une seule catégorie de travaux, alors que les contribuables plus aisés doivent procéder à plusieurs travaux (par exemple le remplacement de fenêtres et l’installation d’une chaudière) pour avoir droit à l’avantage fiscal.

Ensuite, le présent article rehausse le taux du crédit d’impôt, aujourd’hui de 15 % ou 25 %, selon les cas, pour le porter à 30 %. Enfin, il inclut dans le champ du CITE deux nouvelles catégories de dépenses, les compteurs individuels pour le chauffage et l’eau chaude dans les copropriétés, d’une part, et les bornes de recharge pour des véhicules électriques, d’autre part.

Ces différents aménagements entrent en vigueur à compter du 1er septembre 2014, afin de produire leurs effets le plus rapidement possible.

Le coût de la réforme est estimé à 230 millions d’euros pour l’année 2015, au titre des dépenses engagées au cours des quatre derniers mois de l’année 2014, et à 700 millions d’euros pour l’année 2016.

Cette réforme permettra la réalisation d’un volet de travaux estimés à 2,33 milliards d’euros en année pleine, en 2015 (au titre d’une dépense fiscale évaluée en 2016 à 700 millions d’euros). Ce chiffre représente 4 % du chiffre d’affaires du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) dans la rénovation en France (toutes catégories confondues). En d’autres termes, ceci représente un soutien au BTP lui permettant de réaliser une augmentation de 4 % de son chiffre d’affaires actuel réalisé dans la rénovation.

Le CIDD, prévu par l’article 200 quater du code général des impôts, a été créé par l’article 5 de la loi de finances pour 2000 (38), et profondément réorganisé par l’article 90 de la loi de finances pour 2005 (39). S’il a connu de multiples évolutions, son principe est resté le même depuis son instauration : les contribuables, propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit de leur habitation principale peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour l’amélioration de la qualité environnementale de leur logement. Chaque ménage, imposable ou non, peut bénéficier du crédit d’impôt. Si le montant du crédit d’impôt est supérieur à celui de l’impôt dû, l’excédent lui est restitué. Le bénéfice du CIDD a été prorogé par la loi de finances pour 2012 (40) jusqu’au 31 décembre 2015.

Avec des taux variables selon la nature et les caractéristiques des équipements, le crédit d’impôt s’applique :

– aux dépenses afférentes à un immeuble achevé depuis plus de deux ans au titre de l’acquisition de chaudières à condensation et de chaudières à micro-cogénération gaz, de l’acquisition de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées, de volets isolants ou de portes d’entrée, de l’acquisition et de la pose de matériaux d’isolation thermique des parois opaques et de l’acquisition d’appareils de régulation de chauffage ;

– au coût des équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable, à l’exception des équipements de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil, et des pompes à chaleur, autres que air/air, dont la finalité essentielle est la production de chaleur ou d’eau chaude sanitaire, ainsi que de la pose d’un échangeur de chaleur souterrain des pompes à chaleur géothermique ;

– au coût des équipements de raccordement à un réseau de chaleur, alimenté majoritairement par des énergies renouvelables ou par une installation de cogénération ;

– à la réalisation d’un diagnostic de performance énergétique, en dehors des cas où la réglementation le rend obligatoire.

Les équipements doivent être fournis et installés par un professionnel. Une facture ou une attestation doit être établie par l’entreprise pour servir de justificatif. Le crédit d’impôt est calculé sur le prix toutes taxes comprises (TTC) des matériaux et équipements, hors main-d’œuvre, sauf pour l’isolation des parois opaques pour laquelle la main-d’œuvre est comprise. Les primes et subventions doivent être déduites du montant des travaux.

Le montant de l’ensemble des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt ne peut excéder un plafond pluriannuel : pour un même logement occupé par le contribuable, le montant des dépenses prises en compte ne peut excéder, au titre d’une période de cinq années consécutives comprise entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2015, la somme de 8 000 euros pour une personne célibataire, veuve ou divorcée ou de 16 000 euros pour un couple marié ou lié par un pacte civil de solidarité, soumis à une imposition commune. Cette somme est majorée de 400 euros par personne à charge.

Enfin, le CIDD est soumis au plafonnement global des avantages fiscaux prévu par l’article 200-0 A du code général des impôts, désormais fixé à 10 000 euros.

Fondement

Aménagements

Assiette

Taux

Article 83
de la loi de finances pour 2006

– extension de l’assiette aux raccordements aux réseaux de chaleur

– augmentation du taux applicable aux équipements produisant de l’énergie renouvelable

– majoration du taux applicable aux logements anciens

Article 49 de la loi
sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006

– extension aux équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales

Article 109
de la loi de finances pour 2009

– suppression du crédit d’impôt pour les chaudières à basse température et les pompes à chaleur air/air

– extension de l’assiette aux frais de pose d’isolation des murs

– extension de l’avantage fiscal aux propriétaires bailleurs

– extension aux frais engagés lors de diagnostics de performance énergétique

– baisse du taux applicable pour les chaudières et les pompes à chaleur (40 % en 2009 et 25 % en 2010)

Article 58
de la loi de finances rectificative pour 2009

– extension de l’assiette à la pose des pompes à chaleur géothermiques

– baisse du taux applicable aux chaudières à condensation et aux fenêtres

– suppression de la majoration à 40 % pour les logements anciens

– majoration du taux applicable en cas de changement de chaudières à bois

Articles 36 et 105
de la loi de finances pour 2011

– suppression du crédit d’impôt pour les dépenses de parement des matériaux d’isolation thermique des parois opaques

– diminution de moitié du taux applicable aux panneaux solaires, de 50 % à 25 %

– diminution uniforme des taux de 10 % au titre du « rabot »

Articles 81 et 83
de la loi de finances pour 2012

– suppression du crédit d’impôt pour le changement de fenêtres d’une maison individuelle hors bouquet de travaux

– introduction de plafonds d’assiette pour les équipements solaires

– non reconduction de l’éligibilité des logements neufs au-delà de 2013

– introduction des chaudières à micro-cogénération gaz

– diminution uniforme des taux de 15 % au titre du « rabot »

– bonification du taux en cas de « bouquet » de travaux

– diminution du taux pour l’installation de panneaux photovoltaïques

Article 74

de la loi de finances pour 2014

– suppression du crédit d’impôt pour les équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales et pour les équipements de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil

– exclusion des propriétaires bailleurs du bénéfice du crédit d’impôt

– nécessité de réaliser un « bouquet » de travaux pour bénéficier du CIDD, sauf pour les ménages au revenu fiscal de référence inférieur à un certain seuil ;

– harmonisation des taux, avec la fixation d’un taux de 15 % pour les dépenses en action seule et de 25 % pour celles en « bouquet »

La liste des équipements et des critères de performance exigés pour bénéficier de l’avantage fiscal a notamment fait l’objet de révisions périodiques afin d’adapter le crédit d’impôt avec les objectifs énergétiques poursuivis.

● À compter de la loi de finances pour 2011 (41), les modifications apportées au dispositif ont visé pour l’essentiel à renforcer la maîtrise de la dépense fiscale, alors que celle-ci avait fortement crû depuis 2005, pour atteindre un point haut en 2009, à près de 2,9 milliards d’euros. Les lois de finances pour 2011 et pour 2012 sont ainsi venues réduire les taux du crédit d’impôt, par l’application des « rabots » successifs, et en restreindre l’assiette.

La loi de finances pour 2011 a réduit le taux applicable aux installations photovoltaïques de 50 % à 25 %, tout en limitant le crédit d’impôt sur les parois opaques ; elle a également appliqué le « rabot » de 10 % au CIDD, de façon uniforme pour l’ensemble des taux, et de la même façon que pour d’autres dépenses fiscales.

La loi de finances pour 2012 a procédé une nouvelle baisse des taux applicables, de 15 % cette fois, à nouveau au titre du « rabot ». De plus, parmi d’autres dispositions, a été décidée la suppression de l’avantage fiscal pour certaines dépenses en maison individuelle, lorsqu’elles ne font pas partie d’un « bouquet » d’au moins deux actions de travaux. L’éligibilité des logements neufs au CIDD n’a pas été reconduite au-delà du 1er janvier 2013, date d’entrée en vigueur de la nouvelle régulation thermique, tandis que des plafonds d’assiette pour les équipements solaires ont été introduits, parallèlement à la diminution du taux de crédit d’impôt octroyé au titre de l’installation de panneaux solaires photovoltaïques.

Enfin, la loi de finances pour 2012 a prévu un mécanisme visant à inciter aux rénovations globales, en majorant le taux du CIDD en cas de réalisation de plusieurs travaux, relevant de différentes catégories, dans le cadre de « bouquets ».

Le tableau infra retrace l’évolution des taux de CIDD depuis 2010.

ÉVOLUTION DU TAUX DU CIDD SELON LES ÉQUIPEMENTS

(en %)

Opération

2010

2011

À compter
de 2012

Majoration du taux applicable à compter de 2012 en cas de bouquets de travaux

Acquisition de chaudières à condensation et de matériaux d’isolation des fenêtres

15

13

10

18

Acquisition de volets isolants et de portes d’entrée

15

13

10

Acquisition et pose des matériels d’isolation des parois opaques

25

22

15

23

Acquisition d’appareils de régulation de chauffage et de matériaux de calorifugeage

25

22

15

Cas général pour les équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable

50

45

32

40

– Équipements de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil

50 (1)

25 (2)

22

11

– Pompes à chaleur (autres que air/air) dont la finalité essentielle est la production de chaleur, à l’exception des pompes à chaleur géothermiques

25

22

15

23

– Pompes à chaleur géothermiques dont la finalité essentielle est la production de chaleur

40

36

26

34

– Pompes à chaleur (autres que air/air) thermodynamiques dédiées à la production d’eau chaude sanitaire

40

36

26

34

– Pose de l’échangeur de chaleur souterrain des pompes à chaleur géothermiques

40

36

26

34

– Chaudières et équipements de chauffage ou de production d’eau chaude fonctionnant au bois ou autres biomasses :

       

– cas général

25

22

15

23

– cas de remplacement des mêmes matériels

40

36

26

34

Coût des équipements de raccordement à un réseau de chaleur et coût des équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales

25

22

15

Réalisation du diagnostic de performance énergétique (hors cas où la réglementation le rend obligatoire)

50

45

32

Chaudières à micro-cogénération gaz

17

26

(1) Pour les dépenses payées jusqu’au 28 septembre 2010 inclus, ainsi que celles pour lesquelles le contribuable peut justifier jusqu’à cette date :

a) De l’acceptation d’un devis et du versement d’arrhes ou d’un acompte à l’entreprise ;

b) De la signature d’un contrat dans le cadre d’un démarchage mentionné aux articles L. 121-21 à L. 121-33 du code de la consommation, à la condition de justifier d’un paiement total ou partiel jusqu’au 6 octobre 2010 ;

c) Ou d’un moyen de financement accordé à raison des dépenses concernées par un établissement de crédit.

(2) Pour les dépenses payées à compter du 29 septembre 2010.

● Enfin, l’article 74 de la loi de finances pour 2014 (42) a procédé à une nouvelle réforme d’ampleur, portant sur quatre aspects.

En premier lieu, le bénéfice de l’avantage fiscal a été subordonné à la réalisation d’un « bouquet » de travaux tel que défini par le 5 bis de l’article 200 quater, sauf pour les contribuables dont le RFR est inférieur à certains plafonds (43). La loi de finances pour 2014 est donc allée plus loin dans la logique engagée par la loi de finances pour 2012 – laquelle prévoyait une bonification des taux dans le cadre des « bouquets » de travaux –, en réservant le bénéfice du crédit d’impôt en « action simple », c’est-à-dire hors « bouquet », aux seuls ménages aux revenus modestes et moyens – étant précisé que les ménages dont les revenus sont inférieurs au plafond fixé représentent plus de 50 % des ménages déclarant des dépenses éligibles au CIDD.

En deuxième lieu, les taux applicables pour les différents équipements ont été harmonisés et simplifiés. Ces taux, issus de réformes successives, étaient disparates, en s’étageant entre 10 % et 40 % selon les équipements, et s’avéraient in fine peu lisibles pour le contribuable. La loi de finances pour 2014 a fixé à 15 % le taux applicable pour toutes les dépenses réalisées en « action simple », donc hors « bouquets » pour les seuls ménages modestes ; le taux applicable pour les dépenses engagées dans le cadre de « bouquets » a été fixé à 25 %, pour tous les contribuables, quel que soit leur niveau de revenu.

Les personnes qui effectuent des dépenses dans le cadre d’un « bouquet » de travaux ont par ailleurs la possibilité de réaliser ces dépenses sur une durée de deux années consécutives, et non plus d’une seule année. Dans ce cas, le fait générateur du crédit d’impôt se situera l’année d’achèvement de ce « bouquet » de travaux. L’avantage fiscal est donc attribué au titre de l’impôt sur le revenu de la seconde année.

En troisième lieu, deux catégories de dépenses ont été retirées du champ du CIDD : les équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales et les équipements de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil, dans une perspective de recentrage du CIDD. Enfin, les propriétaires bailleurs ont été exclus du bénéfice de l’avantage fiscal, notamment parce qu’ils recourraient peu à ce dispositif et parce qu’ils disposaient d’une alternative, à savoir bénéficier de la déductibilité de ces dépenses de leurs revenus fonciers.

● Les mesures adoptées dans le cadre des lois de finances pour 2011 et pour 2012 ont eu un impact important, puisque, après avoir entamé sa décrue en 2010, la dépense fiscale est passée de plus de 2 milliards d’euros en 2011 à 1,1 milliard d’euros en 2012, puis 673 millions d’euros prévus pour l’année 2013, soit une division par trois en l’espace de deux ans. Cette réduction de la dépense fiscale s’est même avérée plus forte que celle anticipée dans les projections initiales, puisque les documents annexés au projet de loi de finances pour 2012 estimaient la dépense fiscale en 2012 à 1,4 milliard d’euros, contre 1,1 milliard enregistré finalement. La dépense fiscale estimée pour 2014, au titre des dépenses engagées en 2013, apparaît stable, de l’ordre de 620 millions d’euros.

Si le nombre de bénéficiaires n’a pas diminué à due concurrence au cours des dernières années, il est lui aussi en décroissance. Alors que la dépense fiscale a été divisée par deux entre 2011 et 2012, le nombre de bénéficiaires a connu une baisse moins marquée, passant de 1,51 à 1,27 million de foyers fiscaux. Néanmoins, la baisse s’est poursuivie en 2013, le nombre de foyers concernés étant ramené à 850 000. Les réformes du CIDD ont donc conduit à une diminution de l’avantage fiscal moyen pour les ménages qui en ont bénéficié, davantage qu’une réduction drastique du nombre de ces ménages.

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE FISCALE ASSOCIÉE AU CIDD DEPUIS 2005

 

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

CIDD (en millions d’euros)

400

985

1 873

2 100

2 763

2 625

2 015

1 110

673

620

890

Nombre de bénéficiaires (en millions)

nd

0,992

1,255

1,329

1,559

1,558

1,512

1,269

0,85

Montant moyen du crédit d’impôt
(en euros)

nd

993

1 492

1 580

1 772

1 685

1 333

875

792

Source : tome II du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

Sans que l’on puisse définir avec précision l’incidence de chacune des dispositions des lois de finances pour 2011 et pour 2012 (44), la diminution uniforme des taux du CIDD pour les différents équipements a sans doute joué un rôle important, de même que la limitation des avantages fiscaux accordés au solaire photovoltaïque et la suppression de l’avantage fiscal pour les fenêtres hors « bouquets » de travaux en loi de finances pour 2012.

Le crédit d’impôt pour la transition énergétique constitue l’un des outils qui doivent permettre d’atteindre les objectifs ambitieux définis par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, en cours d’examen au Parlement. Le projet de loi prévoit notamment de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et de les diviser par quatre en 2050, mais aussi de porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale en 2030, tout en divisant par deux la consommation d’énergie finale en 2030.

De fait, la rénovation énergétique des bâtiments revêt un caractère stratégique, alors que, comme le soulignait un avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l’efficacité énergétique (45), le bâtiment représente 44 % de la consommation finale d’énergie et occupe à ce titre la première place de la demande finale ; il recèle un fort potentiel d’économies et d’efficacité énergétique. Les actions engagées en faveur de la rénovation énergétique des logements ont pour objectifs premiers de réduire la consommation énergétique nationale et de limiter les émissions de gaz à effet de serre, tout en permettant de diminuer la facture énergétique de la France et sa dépendance en la matière. Par ailleurs, la rénovation énergétique répond également à des enjeux sociaux, afin de réduire les charges qui pèsent sur les ménages et de maintenir leur pouvoir d’achat. Enfin, au-delà de ces enjeux écologiques et sociaux, la rénovation énergétique permet de soutenir le développement de la filière de rénovation énergétique et plus globalement, l’activité dans le bâtiment, qui constitue un secteur créateur d’emplois qui ne peuvent être délocalisés.

Le présent article tend donc à rendre sensiblement plus attractif le crédit d’impôt existant, afin de procurer aux ménages une forte incitation à engager des travaux de rénovation.

● La première modification proposée par le présent article est de supprimer la condition de réalisation d’un « bouquet » de travaux, pour bénéficier du crédit d’impôt, pour les contribuables dont le RFR excède les plafonds prévus au II de l’article 1417 du code général des impôts. La loi de finances pour 2014 a en effet imposé aux contribuables aux revenus supérieurs à certains seuils de réaliser plusieurs catégories de travaux (par exemple l’achat d’une pompe à chaleur et l’isolation des murs) pour avoir droit au crédit d’impôt. Les ménages plus modestes, en revanche, pouvaient toujours bénéficier du crédit d’impôt au titre d’une seule sorte de travaux, en « action seule ». Le présent article vient supprimer la condition d’un « bouquet » : quel que soit son niveau de ressources, un foyer fiscal bénéficiera du crédit d’impôt à partir d’une seule catégorie de travaux.

Le a) du du B du présent article vient modifier en ce sens le 1 de l’article 200 quater, tout en procédant à une harmonisation rédactionnelle. Corrélativement, le du B du I vient supprimer le 5 bis de l’article 200 quater, lequel définit les conditions d’application d’un « bouquet », à savoir la réalisation de dépenses relevant d’au moins deux des six catégories de travaux qu’il énumère (46).

Enfin, le b) du du B du I vient supprimer une disposition introduite par la loi de finances pour 2012, qui tendait à subordonner l’obtention du crédit d’impôt au titre de l’acquisition de matériaux d’isolation thermique des fenêtres, des volets isolants et des portes d’entrée ouvrant sur l’extérieur, à la réalisation d’une autre catégorie de dépenses, dans les conditions prévues au 5 bis de l’article 200 quater, là encore, dans le cadre d’un « bouquet ». Cette condition n’est toutefois applicable que lorsque l’acquisition de tels matériaux est réalisée pour une maison individuelle – le raisonnement étant que, dans certains cas, l’isolation des fenêtres est le seul travail d’amélioration de l’efficacité énergétique que peut entreprendre un propriétaire sans l’accord de sa copropriété. Parallèlement à la suppression du 5 bis de l’article 200 quater, cette condition applicable à ces dépenses en maison individuelle est donc supprimée.

La suppression de la condition d’un « bouquet » de travaux pour ouvrir droit au CITE vise à inciter les ménages, quel que soit leur niveau de RFR, à entreprendre des travaux de rénovation, même de façon progressive, sans imposer l’engagement de plusieurs dépenses dans un laps de temps réduit – ce laps de temps ayant toutefois été porté à deux ans en loi de finances pour 2014, au lieu d’une année initialement prévu dans le projet de loi.

● Ces différentes modifications sont applicables aux dépenses payées à compter du 1er septembre 2014 (II), afin de produire leurs effets le plus rapidement possible.

Pour ne pas pénaliser les contribuables qui se seraient engagés dans la réalisation d’un « bouquet » de travaux au cours des huit premiers mois de 2014, le du B du I prévoit des dispositions transitoires, visant à ce que le crédit d’impôt s’applique selon les modalités issues de la loi de finances pour 2014, lorsque les dépenses relevant d’au moins deux catégories de travaux énumérées au 5 bis, dans sa rédaction actuelle, sont réalisées au cours de l’année 2014 ou des années 2014 et 2015.

En effet, s’agissant de contribuables dont le RFR excède les plafonds fixés, certains ont pu engager des dépenses d’équipement au cours des huit premiers mois de septembre. S’ils ont réalisé avant le 1er septembre 2014 des dépenses relevant de deux catégories de travaux, ils bénéficieront d’un crédit d’impôt de 25 % au titre de ces dépenses, comme le prévoit l’article 200 quater issu de la réforme de la loi de finances pour 2014. En revanche, s’ils ont engagé une dépense relevant d’une des catégories énumérées au 5 bis avant le 1er septembre 2014, sans avoir eu le temps d’effectuer une deuxième dépense permettant de constituer un « bouquet » de travaux, leur première dépense, en l’absence de dispositions transitoires, n’ouvrirait pas droit à crédit d’impôt, puisqu’elle ne serait qu’en « action seule ». Par souci de sécurité juridique pour le contribuable, le présent article prévoit que dans ce cas, le crédit d’impôt s’applique dans les conditions prévues initialement pour la première dépense : si le contribuable procède à une nouvelle dépense, entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, relevant du 5 bis dans sa rédaction actuelle, sa première dépense ouvrira droit à un crédit d’impôt à hauteur de 25 % – puisque la condition du « bouquet » sera réalisée –, tandis que la deuxième dépense ouvrira droit à un crédit d’impôt de 30 %, compte tenu de l’entrée en vigueur du nouveau taux pour toutes les dépenses à compter du 1er septembre 2014 (voir infra).

La logique est la même pour les contribuables dont le RFR est inférieur aux seuils définis au II de l’article 1417 du code général des impôts : ceux qui ont engagé une dépense au cours des huit premiers mois de 2014, et qui réaliseront une deuxième dépense relevant d’une autre catégorie de travaux d’ici le 31 décembre 2015, bénéficieront d’un taux de 25 %, et non de 15 %, au titre de leur première dépense – la deuxième dépense ouvrant droit à un taux de 30 %.

Le du B du I du présent article vient simplifier les taux du crédit d’impôt, en prévoyant un taux unique de 30 %, pour toutes les catégories de dépenses et quel que soit le niveau de ressources du contribuable. Cette disposition est applicable aux dépenses payées dès le 1er septembre 2014 (II).

La fixation d’un taux unique permet de simplifier le dispositif actuel, qui résultait déjà d’une première refonte des taux applicables. Comme vu supra, la loi de finances pour 2014 a permis de rationaliser les taux de crédit d’impôt, en prévoyant seulement deux taux, de 15 % et de 25 %, venant remplacer une multitude de taux, très différents selon les catégories d’équipements.

Pour autant, la condition de réalisation de « bouquets » de travaux a conduit à une certaine complexité dans l’application des taux de crédit d’impôt. En effet, les six catégories de travaux énumérées au 5 bis précité et ouvrant droit au crédit d’impôt pour les contribuables au-dessus du plafond de ressources ne recouvrent pas l’intégralité des dépenses mentionnées au 1 de l’article 200 quater. Se trouvent ainsi hors de leur champ les dépenses suivantes :

− acquisition de matériaux de calorifugeage ;

− acquisition d’appareils de régulation de chauffage ;

− acquisition d’équipements de raccordement à un réseau de chaleur ;

− acquisition de volets isolants et de portes d’entrée donnant sur l’extérieur ;

− réalisation de diagnostics de performance énergétique ;

− acquisition et pose de matériaux d’isolation thermique des parois opaques sur les planchers bas sur sous-sol, sur vide sanitaire ou sur passage ouvert.

Comme le souligne l’administration fiscale dans sa mise à jour du Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) du 27 juin dernier, ces dépenses ne peuvent donc ouvrir droit au crédit d’impôt au taux de 25 %. Elles n’ouvrent droit au crédit d’impôt au taux de 15 % que si elles sont réalisées soit en « action seule » par un ménage dont le RFR est inférieur aux plafonds fixés, ou si elles interviennent en complément d’un bouquet de travaux, c’est-à-dire en plus de deux autres catégories de travaux.

Par ailleurs, et comme c’était déjà le cas, l’administration fiscale requiert que les dépenses de matériaux d’isolation thermique des parois vitrées ou opaques portent sur une partie significative des éléments installés pour entrer dans la composition d’un bouquet de travaux. À défaut, ces dépenses ne sont là encore éligibles au crédit d’impôt au taux de 15 % qu’au titre des dépenses réalisées en complément d’un bouquet de travaux ou, pour les ménages modestes, en « action seule ».

Enfin, les dépenses de volets isolants ou de portes d’entrée dans une maison individuelle ne peuvent pas faire partie d’un bouquet de travaux au taux de 25 %, mais ouvrent droit au crédit d’impôt à 15 % si elles sont réalisées en complément d’un bouquet de travaux, et ce, quelles que soient les ressources du contribuable. De même, les dépenses portant sur les parois vitrées dans une maison individuelle entrent dans la composition d’un bouquet de travaux et ouvrent droit à l’avantage fiscal au taux de 25 % si elles portent au moins sur la moitié des parois vitrées de la maison. En revanche, si elles portent sur moins de la moitié des parois vitrées de la maison, elles ouvrent droit au crédit d’impôt au taux de 15 % à condition d’être réalisées en complément d’un bouquet.

Le tableau infra permet de constater l’évolution des taux applicables depuis 2012, et la simplification opérée par le présent article :

(en %)

Nature des dépenses

Taux 2013

Taux à compter de 2014 (jusqu’au 1er septembre)

Taux à compter du 1er septembre 2014

Dépenses isolées

Dépenses dans un bouquet de travaux

Dépenses isolées (1)

Dépenses dans un bouquet de travaux (2)

Chaudières à condensation

10

18

15

25

30

Chaudières à microcogénération gaz

17

26

15

25

30

Matériaux d’isolation thermique des parois vitrées (sous réserve des règles particulières applicables dans les maisons individuelles)

10

18

15

25

30

Volets isolants et portes d’entrée [sous réserve des règles particulières applicables dans les maisons individuelles)

10

non applicable

15

non applicable

30

Matériaux d’isolation des parois opaques et frais de pose de ces matériaux

15

23

15

25

30

Appareils de régulation de chauffage Matériaux de calorifugeage

15

non applicable

15

non applicable

30

Équipements de production d’énergie utilisant une source d’énergie renouvelable (cas général)

32

40

15

25

30

Panneaux photovoltaïques

11

non applicable

non applicable

non applicable

non applicable

Pompes à chaleur (autres qu’air/air) dont la finalité essentielle est la production de chaleur, à l’exception des pompes à chaleur géothermiques

15

23%

15

25

30

Pompes à chaleur géothermiques dont la finalité essentielle est la production de chaleur

26

34

15

25

30

Pompes à chaleur (autres qu’air/air thermodynamiques produisant exclusivement de l’eau chaude sanitaire

26

34

15

25

30

Pose de l’échangeur de chaleur souterrain des pompes à chaleur géothermiques

26

34

15

25

30

Chaudières et équipements de chauffage ou de production d’eau chaude fonctionnant au bois ou autres biomasses :

       

30

– cas général

15

23

15

25

30

– en cas de remplacement des mêmes matériels

26

34

15

25

 

Équipements de raccordement à un réseau de chaleur

15

non applicable

15

non applicable

30

Équipements de récupération et de traitement des eaux de pluie

15

non applicable

non applicable

non applicable

non applicable

Frais de diagnostic de performance énergétique

32

non applicable

15

non applicable (1)

30

(1) Uniquement les dépenses réalisées par des contribuables dont le revenu fiscal de référence n’excède pas les plafonds définis au II de l’article 1417 du code général des impôts.

(2) Possibilité de réaliser un bouquet de travaux sur deux années consécutives.

Le taux de 30 % s’avère toujours plus favorable que les taux issus de la réforme de la loi de finances pour 2014, et, dans la quasi-totalité des cas, que les taux applicables en 2012 et 2013, tels qu’issus de la loi de finances pour 2012. Pour ces derniers, quelques exceptions peuvent être relevées, mais uniquement dans des cas très spécifiques de « bouquets » de travaux entraînant une bonification des taux, incluant des pompes à chaleur géothermiques et thermodynamiques, ou encore des chaudières à bois (mais seulement en cas de remplacement de celles-ci).

La réforme proposée est donc beaucoup plus avantageuse pour le contribuable que le droit applicable depuis 2012, dans la très grande majorité des cas. Par ailleurs, elle propose une simplification utile, s’inscrivant dans la volonté du Gouvernement de simplifier la norme fiscale : les règles applicables seront ainsi plus lisibles pour le contribuable.

Le c) du B du I étend le bénéfice du crédit d’impôt pour la transition énergétique à deux nouvelles catégories d’équipement, afin de soutenir leur développement.

Ouvriraient désormais droit à avantage fiscal les appareils permettant d’individualiser les frais de chauffage ou d’eau chaude dans un bâtiment équipé d’une installation centrale ou alimenté par un réseau de chaleur – en pratique, en copropriété. Ces appareils permettent en effet d’isoler la consommation de chaque copropriétaire et de les responsabiliser davantage.

L’évaluation préalable mentionne qu’environ 900 000 logements seraient concernés en 2015, répartis par moitié entre ceux pour lesquels des robinets thermostatiques sont déjà installés (soit un coût de 31 euros par logement) et ceux pour lesquels ils doivent être installés (soit un coût évalué à 370 euros par logement). Le taux de recours au dispositif est estimé à 20 % pour les logements nécessitant l’installation de robinets et à 5 % pour les autres, compte tenu de la nécessité d’obtenir le vote par l’assemblée générale de copropriété des modalités pratiques de mise en œuvre.

Ensuite, les dépenses afférentes à l’acquisition d’un système de charge pour véhicule électrique ouvriraient également droit à avantage fiscal, et ce afin de favoriser le développement du parc des véhicules électriques et donc le recours à un mode de transport non polluant. L’évaluation préalable fait état d’un volume de ventes attendu de l’ordre de 19 000 véhicules électriques pour 2015, soit environ 26 000 véhicules entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015. Il est estimé qu’environ 25 % de ces ventes entraîneront la vente d’une borne de recharge murale éligible – son coût moyen étant évalué à environ 700 euros.

Il convient enfin de noter que les conditions de non cumul du CITE avec d’autres avantages fiscaux sont précisées par le du B du I : outre l’impossibilité de cumuler, pour une même dépense, le bénéfice du CITE avec celui de la réduction ou du crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile (prévu par l’article 199 sexdecies du code général des impôts) (47), qui est déjà en vigueur, le présent article dispose que le contribuable ne peut à la fois bénéficier du CITE et d’une déduction de charge pour la détermination de ses revenus catégoriels. Depuis l’imposition des revenus de 2014, les propriétaires bailleurs ne peuvent pas bénéficier du CIDD. Néanmoins, un logement peut changer d’affectation en cours d’année, et être mis en location : la présente disposition vise donc à éviter toute ambiguïté dans ce cas et à ce que le bénéfice du crédit d’impôt ne puisse être cumulé avec le mécanisme de déduction de charges pour la détermination de bénéfices industriels et commerciaux ou de revenus fonciers.

Selon les estimations figurant dans l’évaluation préalable, la présente réforme du CIDD, qui le transforme en CITE, devrait occasionner environ 701 millions d’euros de dépenses fiscales supplémentaires en année pleine, pour l’année 2016 (au titre des dépenses engagées en 2015). La répartition de ce coût de 701 millions d’euros entre les différentes mesures serait la suivante :

– 360 millions d’euros au titre de la suppression de la condition de ressources pour bénéficier du CITE en « action seule » ;

– 330 millions d’euros au titre de l’augmentation du taux du CITE à 30 %, contre 15 % ou 25 % auparavant ;

– 10 millions d’euros au titre de l’extension du CITE aux compteurs individuels visant à individualiser les frais de chauffage ou d’eau chaude ;

– 1,5 million d’euros au titre de l’extension du CITE aux bornes de recharge murale pour véhicules électriques.

Compte tenu de l’entrée en vigueur de la réforme dès le 1er septembre 2014, le coût estimé pour l’année 2015, au titre des dépenses engagées au cours des quatre derniers mois de 2014, est estimé à 230 millions d’euros, soit le tiers du coût en année pleine.

*

* *

La Commission examine l’amendement I-CF 118 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Cet amendement vise à conditionner le CITE au non-dépassement d’un certain plafond de ressources. Nous avons constaté que le taux de recours au crédit d’impôt en faveur du développement durable (CIDD) pour le décile des ménages les plus riches était onze fois supérieur à celui du décile des ménages les moins aisés. Cela signifie que certains ménages ont dès à présent les moyens de procéder à la rénovation, rentable sur le moyen terme, de leur logement.

Notre amendement vise donc à concentrer l’argent public sur les ménages qui n’ont pas cette capacité, à travers une incitation fiscale qui leur permettra de rentabiliser au plus vite leur investissement : ils pourront rapidement constater une augmentation de leur pouvoir d’achat grâce aux économies réalisées sur leur facture énergétique.

Nous sommes, comme vous, sensibles à l’équilibre des comptes publics. Nous recherchons des économies sur les ménages les plus aisés afin de redéployer ces moyens sur le budget de l’écologie, notamment sur celui des transports. Malgré les efforts consentis, le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport (AFITF) est passé de 2,1 milliards d’euros en 2012 à 1,9 milliard d’euros en 2015.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable : en renvoyant par trop au décret le soin de fixer le plafond de revenu fiscal de référence conditionnant le bénéfice du CITE, nous pourrions être taxés d’incompétence négative.

La Commission rejette l’amendement I-CF 118.

Elle en vient à l’amendement I-CF 257 de M. Romain Colas.

M. Romain Colas. Je défendrai en même temps mes amendements I-CF 258 à I-CF 262. Je propose que nous adoptions pour le CITE le même dispositif que pour le CICE grâce à l’instauration de la possibilité d’une avance de fonds pour les ménages souhaitant réaliser des travaux de rénovation. Il s’agit de renforcer son caractère incitatif et de soutenir le secteur du bâtiment dans le domaine de la rénovation thermique.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Comment contrôler qu’un devis a bien donné lieu à travaux ? Est-ce que le montant défini par le devis a bien été respecté ? Comment éviter qu’un contribuable ne multiplie les devis sans réaliser les dépenses ensuite ?

M. Olivier Carré. Une grande partie des crédits dévolus aux travaux réalisés dans le cadre de la transition énergétique n’est pas utilisée, car les ménages visés n’ont pas les moyens d’engager ces dépenses extrêmement lourdes dans leur logement. L’État ne finance pas 100 % de ces travaux – ce n’est pas l’objet de la politique suivie – et tout ce que vous proposez existe déjà sous d’autres formes, n’est pas utilisé et ne le sera pas davantage, car cela ne fonctionne pas du tout.

M. le président Gilles Carrez. Cet article vise précisément à supprimer des conditions de ressources qui empêchaient la réalisation des travaux.

M. Romain Colas. Je partage le diagnostic de la Rapporteure générale quant aux imperfections du dispositif qui est proposé. Je retire mes amendements pour les retravailler et les représenter au titre de l’article 88.

L’amendement I-CF 257 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 275 de la Rapporteure générale.

Mme la Rapporteure générale. L’article 3 vise à faire en sorte que tous les contribuables puissent réaliser des travaux d’amélioration énergétique sans condition de « bouquet » de travaux. Toutefois, mon amendement vise à conserver cette condition de « bouquet » pour les travaux relatifs aux fenêtres et aux volets isolants, dans les seules maisons individuelles. En effet, le marché des fenêtres présente une maturité élevée. Il ne concerne que les maisons individuelles, car, dans les copropriétés, les seuls travaux pouvant être réalisés sans l’aval des copropriétaires sont souvent le remplacement des fenêtres. Il s’agit donc de maintenir le « bouquet » de travaux – permettant, par exemple, de changer les fenêtres et la chaudière en même temps pour vraiment lutter contre les déperditions de chaleur – seulement pour les maisons individuelles.

M. le président Gilles Carrez. Ce type d’aide fiscale peut-il être accordé au locataire lorsque le propriétaire refuse de faire ces travaux ?

M. Marc Goua. Contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure par notre collègue Olivier Carré, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) a accru de manière considérable les aides au financement de ce type de travaux, au point qu’elle se trouve en rupture de fonds dans l’attente des moyens supplémentaires qui vont lui être alloués.

Néanmoins, les professionnels indiquent que le principe du « bouquet », qui paraissait séduisant, freine certains travaux. Comme le souhaite le ministère de l’écologie, je pense qu’il ne faut pas revenir au système ancien, qui introduit des blocages.

M. Marc Le Fur. Votre souhait de garder le « bouquet » de travaux pour les maisons individuelles m’inspire deux réactions. D’une part, ce système induirait une inégalité un peu surprenante entre différents types de résidents et de contribuables. D’autre part, comme le soulignait notre collègue Marc Goua, ce dispositif est compliqué à mettre en œuvre et il exclut de fait un certain nombre de gens modestes : si les deux types de travaux ne sont pas réalisés la même année, l’avantage fiscal ne peut pas être obtenu. Sortons définitivement de ce dispositif du « bouquet ».

Dans le cadre de l’article 88 du règlement, je déposerai un amendement concernant l’extension aux maisons individuelles des mesures prévues pour les investissements dans des compteurs individuels pour le chauffage et l’eau.

M. Razzy Hammadi. L’expérience des trois ou quatre dernières années montre qu’il existe des failles. D’après les travaux réalisés par les associations de consommateurs dans ce domaine, la France se distingue en Europe par un niveau élevé de dépenses fiscales et d’exonérations dont la réelle efficacité n’est pas forcément mesurée.

Mme Monique Rabin. L’amendement revient sur le principe de la suppression du « bouquet » de travaux, mais seulement pour les maisons individuelles. Cela mériterait une étude d’impact, car beaucoup de gens modestes sont obligés d’étaler les travaux de rénovation de leur maison sur plusieurs années.

Mme Eva Sas. À l’instar de Marc Goua, je pense que la notion de « bouquet » représente un frein à la réalisation de travaux, compte tenu de l’importance des montants en jeu. Les entrepreneurs spécialisés dans la rénovation thermique font d’ailleurs le même constat. En levant cette obligation d’effectuer plusieurs travaux en même temps, nous facilitons la réalisation d’un plus grand nombre de chantiers. Nous devons donc nous en tenir à la suppression, prévue dans cet article, du bouquet de travaux.

Mme Karine Berger. La commission des Finances veille à ce qu’il y ait des mécanismes de contrôle pour vérifier que chaque dépense est efficace et qu’elle répond à l’intérêt général. L’amendement de la Rapporteure générale vise à rappeler qu’il est nécessaire de contrôler ces dépenses fiscales, afin d’apporter la preuve qu’elles atteignent bien l’objectif visé. J’aimerais que, au cours de la journée, l’opposition nous fasse aussi des propositions d’économies de dépense fiscale.

M. Christophe Castaner. Les vérifications sont d’autant plus importantes que ces mesures ont provoqué des effets d’aubaine : sur ces installations, les marges ont augmenté corrélativement aux montants des crédits d’impôt accordés.

L’article 3, qui met en place ce crédit d’impôt dans le cadre de la transition énergétique, vise à l’universalité de l’enjeu, que nous avons rappelée lorsque nous avons écarté la question des revenus. Il faut éviter de prendre le risque qu’un amendement puisse limiter la montée en puissance du CITE et freiner ses effets rapides sur l’activité, l’emploi et l’amélioration de la performance énergétique des logements. Il serait intéressant que nous fixions une « clause de revoyure » et d’évaluation de cet article 3 au cours de l’année, tout en gardant le caractère universel de la proposition initiale.

M. Jean-Louis Gagnaire. Nous sommes tous d’accord pour éviter les effets d’aubaine qui, en l’occurrence, sont relativement réduits. Il est plus ennuyeux de constater que les personnes, qui font réaliser des travaux à leur domicile, ne sont pas toujours très bien conseillées. Il me semble excessif d’exiger la réalisation d’un bouquet de travaux dont le coût prohibitif finit par freiner les rénovations. On peut imaginer que les travaux se déroulent en deux temps – commencer par l’isolation et finir par les panneaux et un chauffe-eau solaires –, mais ce n’est pas du ressort de la loi. L’idée de revenir à ce bouquet de travaux me laisse très dubitatif.

M. Philippe Vigier. Nous sommes tous concernés par l’efficacité de la dépense fiscale et l’évaluation. Ayant animé trois opérations programmées d’amélioration de l’habitat, j’ai constaté que le montage de ce type de dossiers se heurte à des contraintes qui, si elles étaient étendues, deviendraient des obstacles. Dans le cas présent, les contraintes ajoutées empêcheront de vaincre la précarité énergétique et feront baisser le nombre de personnes éligibles au dispositif. Voilà pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement.

Mme la Rapporteure générale. Je vais retirer cet amendement dans l’attente d’une étude d’impact sur les mesures restrictives adoptées dans le cadre de la loi de finances initiale de 2012 par nos collègues de l’opposition.

L’amendement est retiré.

L’amendement I-CF 258 de M. Romain Colas est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 44 de M. Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Lorsque nous avons créé le CIDD en 2005, la dépense fiscale devait atteindre un rythme de croisière de l’ordre de 1 milliard d’euros. En trois ans, elle est passée à 3 milliards d’euros. Face à cet emballement de la dépense fiscale, la Commission a reçu deux ou trois fois par an le ministre chargé de ce dossier, afin de lui demander des évaluations. Il n’a pas été possible d’obtenir ces évaluations et des mesures correctrices. Résultat, nous avons dû prendre en catastrophe diverses mesures visant à réduire le champ d’application du CIDD : création du « bouquet » de travaux, arrêt de l’aide fiscale au photovoltaïque qui s’emballait outre-mer, avec les tarifs d’achat garantis.

Si nous maintenons un système aussi large que celui qui est proposé avec un taux fixé à 30 %, et si nous ne créons pas un dispositif d’évaluation trimestre par trimestre, la dépense fiscale va s’emballer. Monsieur Le Fur, ces dépenses fiscales répondent certes à des objectifs très louables, mais elles sont financées par la dette. Pour que la dépense fiscale reste sous contrôle, je propose que le taux passe de 30 % à 25 %.

M. Marc Goua. Il se trouve que j’ai rencontré une association qui regroupe des fabricants et des poseurs de chaudières. Ils se satisferaient d’un taux de 25 %, car ils estiment que le taux de 30 %, trop généreux, risque d’entraîner un effet d’aubaine.

M. Charles de Courson. Pour ma part, je soutiens l’amendement de notre président. Dans les offices publics de l’habitat (OPH), on va au-delà de l’aide fiscale et on finance jusqu’à 90 % ou 95 % des rénovations. L’excès d’aide peut être déraisonnable. Il serait intéressant que nous obtenions la consolidation de l’ensemble des aides pour savoir à quel taux global elles aboutissent. Outre le crédit d’impôt, il faut compter les aides de l’ANAH, des communes, des intercommunalités, de la région.

M. Marc Le Fur. Le fuel de chauffage doit augmenter progressivement de 2 à 6 centimes au titre de la contribution climat-énergie, ce qui va pénaliser les contribuables les plus modestes, exclus des réseaux de gaz. Ne pourrait-on conserver le taux de 30 % pour ceux qui font des efforts d’économie d’énergie, alors qu’ils sont obligés de se chauffer au fuel ?

Mme Monique Rabin. Monsieur de Courson, je connais des ménages très modestes et, contrairement à vos affirmations, les aides qui leur sont accordées n’atteignent pas 90 %.

Quant à l’amendement du président, il me paraît intéressant, mais il le serait plus encore si nous nous accordions sur un suivi de ces mesures, en annonçant d’emblée que notre objectif est de stabiliser le CITE, afin de répondre à la fois aux besoins des entreprises et à ceux des particuliers modestes.

Mme Eva Sas. Le CITE est la principale transcription, dans le projet de loi de finances, de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Si la disposition est affaiblie, cette loi n’aura pas les moyens d’atteindre ses objectifs ambitieux. C’est pourquoi je souhaite le maintien du dispositif tel que prévu à l’article 3, avec un taux de 30 % : il est le principal outil de la rénovation thermique. Cela étant, je vous rejoins sur le constat d’une dérive de la dépense fiscale et sur la nécessité d’une évaluation. Si vous aviez déposé un amendement demandant une évaluation trimestrielle, je l’aurais approuvé avec plaisir.

M. Christophe Caresche. Comme Mme Sas, je pense que ce serait une erreur de limiter l’impact de ce crédit d’impôt qui a une double vocation : aider les ménages à isoler leur logement pour réduire la consommation d’énergie et soutenir l’activité des entreprises de BTP dont la situation est extrêmement dégradée. Il peut certes y avoir des dérives, mais, à défaut d’incitations fortes à la rénovation, beaucoup de sociétés vont faire faillite.

M. Dominique Lefebvre. Notre commission ne serait pas dans son rôle si elle ne posait pas la question de la soutenabilité budgétaire de ces dispositifs et celle de l’évaluation de leur efficacité. Je n’aurais pas été gêné de voter l’amendement du président Carrez, à titre d’appel. Une autre solution serait de retirer cet amendement pour que nous débattions de ces enjeux dans l’hémicycle.

L’article précédent nous fait sortir d’un système double : d’un côté, des aides accordées sous condition de ressources et pouvant être affectées à une seule dépense ; de l’autre, au-delà d’un certain niveau de revenus, des aides servant à financer un panier de travaux. Ceux qui ont plus d’argent font plus d’efforts et bénéficient d’aides supérieures. L’effet d’aubaine existe. Quels sont les travaux qui auraient été réalisés même sans aides ? La question se pose. Je peux citer mon cas personnel puisque je suis en train de changer les fenêtres d’un appartement où je vais emménager. Avant le 1er septembre, il m’en coûtait 12 000 euros ; grâce aux mesures prévues, je vais bénéficier en 2015 d’un crédit d’impôt de 4 000 euros. De toute façon, j’aurais changé ces fenêtres sans tenter de trouver d’autres travaux à réaliser dans le cadre d’un « bouquet ».

Les objectifs sont clairs : favoriser la transition énergétique et soutenir l’activité économique. Encore faut-il comparer le volume supplémentaire de travaux engendrés par ces mesures avec leur coût budgétaire. Que cet amendement soit adopté comme un amendement d’appel ou qu’il soit retiré, il est nécessaire de relancer dans l’hémicycle le débat sur la nécessité de mesurer l’impact économique de ce crédit d’impôt. Sinon, le dispositif mourra de son insoutenabilité budgétaire, sans que nous ayons cerné les effets d’aubaine et mesuré le surcroît d’activité engendré.

Mme la Rapporteure générale. Avant tout, je voudrais redonner les chiffres concernant le coût du crédit d’impôt : 1,1 milliard d’euros en 2012, 673 millions d’euros en 2013 et 620 millions d’euros cette année. Le taux de 30 % vise à enrayer cette chute. Quoi qu’il en soit, je retiens l’idée d’une évaluation trimestrielle de l’incidence de la dépense fiscale, dans la perspective de nos débats en séance.

M. le président Gilles Carrez. En matière de crédit d’impôt, le taux de 30 % est un peu élevé. J’estime qu’une dépense fiscale ne doit pas dépasser 25 %.

M. Dominique Baert. Monsieur le président, peut-être pourriez-vous nous confirmer que cet amendement, dès lors qu’il ferait réaliser une économie de 100 millions d’euros, pourrait permettre de majorer la dotation de solidarité urbaine (DSU) à due proportion ?

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. Lors du débat que nous avons eu en commission des Affaires économiques, il a été proposé un taux plus favorable pour les personnes qui recourent à des spécialistes.

M. le président Gilles Carrez. Comment définir ces spécialistes ?

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. C’est bien le problème. La commission des Affaires économiques prône un contrôle accru des investissements.

M. Jean-Louis Gagnaire. Malheureusement, les entreprises certifiées ne représentent que 8 % de l’ensemble des entreprises. Peut-être les taux du crédit d’impôt pourraient-ils être fonction de la qualification de l’entreprise.

Soyons lucides : ces mesures permettent davantage de soutenir le secteur du BTP que de réduire les dépenses énergétiques. Je ne crois pas qu’un crédit d’impôt puisse permettre de réduire les dépenses énergétiques. Je préfère que les entreprises appliquent de vrais tarifs plutôt que de gonfler leurs prix parce qu’un crédit d’impôt existe.

Nous avons eu de nombreuses discussions ici pour savoir s’il fallait ou non élargir l’assiette des dépenses éligibles au taux réduit de TVA. Si cela permet aux entreprises artisanales d’augmenter leurs marges, le crédit d’impôt n’incite pas vraiment les ménages à réaliser des travaux d’isolation.

M. Éric Alauzet. Notre discussion prouve qu’une évaluation est nécessaire pour déterminer si le crédit d’impôt de 30 % va réellement bénéficier aux ménages. Cette étude pourrait également montrer si la mesure a un impact sur le prix de vente des matériaux.

Certes, le taux du crédit d’impôt est élevé, mais, dans la période que nous vivons, nous avons besoin de chocs. Toutefois, il ne faudrait pas que l’on annonce aujourd’hui que le taux du crédit d’impôt sera de 25 %, tandis que la loi sur la transition énergétique prévoit un taux de 30 %. Tous, nous souhaitons de la stabilité et de la lisibilité. Une telle annonce serait détestable.

M. Éric Woerth. De tels dispositifs coûtent extrêmement cher et sont peu maîtrisables. Mieux vaudrait parvenir à baisser l’impôt sans recourir au crédit d’impôt. Comme ce n’est pas possible, je suis favorable au plafonnement du taux du crédit d’impôt.

Par ailleurs, le contrôle est complexe. C’est une bonne idée que de faire appel à des spécialistes, mais cela complexifie le dispositif, alors que le nombre d’experts de toutes sortes qui doivent intervenir est déjà extrêmement élevé pour les propriétaires comme pour les locataires.

M. Dominique Lefebvre. Je propose le retrait de cet amendement afin d’éviter le risque de confusion qu’il peut engendrer. Peut-être pourrions-nous déposer ensemble un amendement relatif au suivi de l’évaluation de la mesure.

M. le président Gilles Carrez. Je retire cet amendement, que je n’avais pas déposé dans un esprit polémique. Je le redéposerai au titre de l’article 88 du règlement.

L’amendement est retiré.

Les amendements I-CF 259 à I-CF 262 de M. Romain Colas sont retirés.

La Commission adopte l’article 3 sans modification.

*

* *

Article 4
Réforme du régime d’imposition des plus-values immobilières de cession
de terrains à bâtir

Cet article vise à traduire dans la loi deux engagements pris par le Premier ministre dans le cadre du plan de relance en faveur du logement rendu public le 29 août 2014.

Aux termes du discours du Premier ministre, « afin d’encourager la vente de foncier privé, nous allons modifier, de façon pérenne, la fiscalité s’appliquant aux plus-values sur les terrains à bâtir. Le régime actuel, établi en 2011 par la précédente majorité, encourage en effet la rétention de ces terrains. Il sera donc remplacé par le régime, plus favorable, qui s’applique à tous les autres immeubles ».

Le Premier ministre a ajouté : « Et pour que les propriétaires concernés vendent vite, nous irons encore plus loin. De manière temporaire, nous allons également accorder un abattement exceptionnel de 30 % de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux, lorsque les promesses de vente auront été conclues avant le 31 décembre 2015. »

D’après l’évaluation préalable de cet article, leur coût global s’établirait à 39 millions d’euros dès 2014, à 156 millions d’euros en 2015, à 277 millions d’euros en 2016, à 250 millions d’euros en 2017 puis à 156 millions d’euros à compter de 2018.

Depuis une décennie, et plus particulièrement depuis 2011, la fiscalité applicable aux plus-values immobilières – qui était d’une relative stabilité depuis sa création en 1963 – a fait l’objet de plusieurs modifications importantes.

Dans l’absolu, la fiscalité des plus-values immobilières doit parvenir à une synthèse entre des objectifs divergents :

– lutter contre la spéculation immobilière, en évitant d’offrir un avantage fiscal à la réalisation de plus-values de court terme ;

– éviter d’inciter les contribuables à conserver leurs biens sur de trop longues périodes afin de bénéficier d’un abattement important de leurs plus-values ;

– prendre en compte les évolutions de la conjoncture immobilière afin de jouer un rôle contracyclique.

Sans exposer l’intégralité du régime des plus-values immobilières, il convient de rappeler à titre liminaire les principes de détermination de la plus-value taxable :

– les plus-values liées à la résidence principale sont exclues de cette taxation ; le régime s’applique uniquement aux personnes physiques, dans le champ de leur patrimoine privé, soit directement, soit au travers de sociétés de personnes comme les sociétés civiles immobilières ou des fonds de placement dans l’immobilier ;

– la plus-value imposable est égale à la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition du bien ou des droits immobiliers par le cédant, tels que stipulés dans les actes de vente ;

– le prix de cession du bien est diminué des frais de cession effectivement supportés par le cédant : commission de vente, honoraires d’architecte, frais de mainlevée d’hypothèque, frais des diagnostics immobiliers obligatoires ;

– en outre, le prix d’acquisition est majoré forfaitairement de 7,5 % pour tenir compte des frais d’acquisition. Le vendeur peut toutefois choisir de substituer à ce forfait le montant réel des frais supportés à condition qu’ils soient dûment justifiés : frais de contrat, notamment les honoraires du notaire et les commissions d’intermédiaire, les droits d’enregistrement ou de TVA.

– le prix d’acquisition est enfin majoré des éventuels travaux réalisés. Les intérêts d’emprunt ne peuvent pas être pris en compte.

Ces différents éléments permettent de déterminer une plus-value brute dont le montant n’est pas corrigé en fonction d’un élément important, à savoir le temps de détention du bien qui peut être considérable dans le cas de certaines résidences secondaires. Cette prise en compte de l’élément temporel, qui suppose a minima que le montant de la plus-value soit corrigé de l’érosion monétaire, a fait l’objet d’une appréhension législative changeante, parfois contradictoire, depuis la création de cette taxation.

Lorsque le législateur a instauré une taxation des plus-values immobilières, en 1963, il a souhaité dans un premier temps la limiter aux plus-values sur les terrains à bâtir et sur les profits exceptionnels consécutifs à la revente d’immeubles dans un délai inférieur à dix ans.

Par la suite, la loi n° 76-660 du 19 juillet 1976 a traité différemment les plus-values immobilières de court terme des plus-values immobilières de long terme, en considérant que les premières sont réalisées dans un but purement spéculatif et appellent par conséquent une taxation plus sévère.

Ainsi, étaient distingués trois types de plus-values immobilières :

– les plus-values immobilières réalisées moins de deux ans après l’acquisition d’un bien, assimilées à un revenu, étaient taxées au barème de l’impôt sur le revenu sans application du système du quotient ;

– les plus-values immobilières réalisées entre deux ans et dix ans après l’acquisition ne pouvaient être taxées en application du système du quotient que si le vendeur apportait la preuve de son intention non spéculative ;

– les plus-values immobilières réalisées plus de dix ans après l’acquisition faisaient l’objet d’un abattement de 5 % par année de possession au-delà de la dixième année (et de 3,33 % dans le cas des terrains à bâtir) pour être totalement exonérées à compter de la vingtième année de détention pour les immeubles (et de la trentième année pour les terrains à bâtir).

Le mécanisme de l’abattement pour durée de détention a ensuite été modifié à plusieurs reprises, sans jamais être supprimé :

– la loi de finances pour 1983 a élargi son application à toutes les plus-values réalisées plus de deux ans après l’acquisition du bien (l’exonération étant acquise au bout de vingt-deux ans pour les immeubles et de trente-deux ans pour les terrains à bâtir) ;

– la loi de finances rectificative du 30 décembre 1987 a supprimé le régime plus sévère jusqu’alors applicable aux terrains à bâtir ;

– la loi de finances pour 1991 a baissé le taux de l’abattement annuel applicable au-delà de la deuxième année de détention de 5 % à 3,33 %, avant que la loi de finances rectificative du 23 juin 1993 ne relève ce taux à 5 % ;

– enfin, la loi de finances pour 2004 a modifié le calcul de l’abattement afin qu’il soit applicable l’issue de la cinquième année de détention (et non plus à l’issue de la deuxième) et en portant le taux de l’abattement annuel à 10 %. Les plus-values immobilières étaient par conséquent exonérées lors de toute vente d’un bien acquis depuis plus de quinze ans.

La loi de finances pour 2004 a cherché, sans totalement y parvenir, à simplifier la fiscalité des plus-values immobilières, en procédant à la « débarémisation » des plus-values immobilières.

Ce terme technique désigne la fin de l’imposition de ces plus-values suivant les tranches progressives de l’impôt sur le revenu, pour les soumettre à un prélèvement forfaitaire libératoire de l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 16 %. Ce taux a ensuite été porté à 19 % en 2011, auxquels il faut ajouter les prélèvements sociaux, dont les taux ont été progressivement augmentés pour atteindre aujourd’hui 15,5 %.

Cette mesure a conduit mécaniquement à privilégier fiscalement les plus-values importantes des foyers dont les revenus étaient déjà imposés dans les tranches hautes de l’impôt sur le revenu, tout en ne permettant pas d’appréhender la composition du foyer, notamment le nombre d’enfants.

La loi de finances rectificative du 19 septembre 2011 (48) a durci le régime d’abattement des plus-values immobilières.

Alors que le projet de loi initial prévoyait une suppression pure et simple de tout abattement, que ce soit pour un immeuble bâti ou non bâti, le dispositif définitivement adopté a finalement été légèrement assoupli au cours de son examen par l’Assemblée. Il s’est traduit par :

– un allongement de deux ans à trente ans la durée de détention du bien immobilier permettant d’obtenir une exonération totale de la plus-value ;

– la fixation d’un mécanisme d’abattement très limité durant les premières années de détention (de 2 % entre la sixième et la dix-septième année de détention), s’accélérant ensuite (de 4 % entre la dix-huitième et la vingt-quatrième année) pour être considérable en fin de période (abattement de 8 % par an jusqu’à la trentième année).

Ces deux mesures concernaient à la fois l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, sans opérer de distinction entre les immeubles bâtis et les terrains à bâtir.

Alors qu’il était censé inciter les propriétaires à vendre leur bien entre la dixième et la vingtième année, il est rapidement apparu que, dans un contexte économique particulièrement incertain, ce dispositif a, au contraire, conforté les propriétaires dans l’idée qu’il fallait conserver davantage leur bien pour profiter des abattements importants en fin de période.

Si la première loi de finances rectificative présentée à l’été 2012 par le Gouvernement ne contenait aucune mesure relative aux plus-values immobilières, la loi de finances pour 2013 a largement démontré sa volonté d’apporter un accompagnement fiscal favorable à la construction de logements ; cet accompagnement devait reposer à la fois sur des mesures de durcissement de la législation applicable, afin de dissuader la rétention du foncier, et d’allégement, afin de créer un choc d’offre, en restaurant la distinction, déjà opérée par le passé, entre les immeubles bâtis et les terrains à bâtir.

Ce dispositif prévoyait :

– la suppression de tout abattement pour durée de détention pour les terrains à bâtir ;

– l’intégration des plus-values liées aux ventes de ces terrains dans le barème de l’impôt sur le revenu, supprimant ainsi le mécanisme du prélèvement forfaitaire libératoire ;

– s’agissant des immeubles bâtis, le projet prévoyait en outre un abattement exceptionnel, limité à l’année 2013, correspondant à 20 % de la plus-value nette, applicable uniquement à l’assiette de l’impôt sur le revenu et non à celle des prélèvements sociaux.

Ce dispositif, qui devait constituer un soutien puissant à un secteur commençant à montrer des signes de faiblesses, a toutefois été très largement amputé par une décision du Conseil constitutionnel dont la prise de position était, à certains égards, difficile à prévoir.

Le Conseil a en effet été saisi de l’ensemble de l’article par des députés de l’opposition contestant :

– le caractère « confiscatoire » du prélèvement résultant de la « barémisation » des plus-values liées à un terrain à bâtir ;

– la rupture d’égalité devant l’impôt résultant de la distinction entre immeuble bâtis et immeuble non bâtis ;

– l’absence de prise en compte des capacités contributives résultant de la suppression de l’abattement pour durée de détention.

Dans le considérant 101 de sa décision du 29 décembre 2012 (49), le Conseil constitutionnel s’est focalisé sur le premier moyen soulevé par les requérants ; il a noté qu’en additionnant l’ensemble des impôts pouvant frapper une telle plus-value, notamment en application de la « barémisation », de la contribution exceptionnelle et des trois taxes annexes qui peuvent affecter ces plus-values (l’une obligatoire au profit de l’Agence de services et de paiements, les deux autres facultatives et exclusives l’une de l’autre au profit des communes ou de l’autorité organisatrice des transports urbains), le taux marginal d’imposition pouvait atteindre 82 %, ce qui aurait pour effet de faire peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs capacités contributives constituant par conséquent une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

Dans le cadre de la dernière loi de finances rectificative pour 2012 (50), a été adoptée à l’initiative du précédent Rapporteur général, avec un avis favorable du Gouvernement, une nouvelle taxe sur les plus-values de cessions immobilières portant sur immeubles bâtis dont le montant imposable, déterminé après application des abattements pour durée de détention de droit commun, est supérieur à 50 000 euros.

Il s’agissait de compenser la suppression du prélèvement sur le potentiel financier des organismes d’HLM (institué en 2010 par l’article L. 423-14 du code de la construction et de l’habitation), par ailleurs prévue par l’article 33 de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (51).

Le produit de cette taxe est affecté, initialement dans la limite de 120 millions d’euros par an, au fonds de péréquation géré par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). L’article 15 du présent projet de loi de finances abaisse toutefois ce plafond à 45 millions d’euros.

Son barème est établi suivant la formule de calcul suivante, où PV désigne le montant net de la plus-value :

Plus-value imposable
(en euros)

Barème

De 50 001 à 60 000

2 % PV–(60 000-PV) × 1/20

De 60 001 à 100 000

2 % PV

De 100 001 à 110 000

3 % PV–(110 000-PV) × 1/10

De 110 001 à 150 000

3 % PV

De 150 001 à 160 000

4 % PV–(160 000-PV) × 15/100

De 160 001 à 200 000

4 % PV

De 200 001 à 210 000

5 % PV–(210 000-PV) × 20/100

De 210 001 à 250 000

5 % PV

De 250 001 à 260 000

6 % PV–(260 000-PV) × 25/100

Supérieur à 260 000

6 % PV

L’article 27 de la loi de finances initiale pour 2014 (52) a prévu une mesure consistant à envisager, en plus de la distinction entre immeubles bâtis et terrains à bâtir, un régime d’abattement différent applicable aux plus-values immobilières (PVI) suivant qu’il s’agit des prélèvements sociaux ou du prélèvement forfaitaire libératoire (PFL) de l’impôt sur le revenu.

S’agissant des immeubles bâtis, cet article a prévu un cadencement des abattements permettant une exonération totale au bout de vingt-deux ans au titre de l’impôt sur le revenu, et de trente ans au titre des prélèvements sociaux.

RÉGIME D’ABATTEMENT DES PVI PESANT SUR LES TERRAINS BÂTIS ISSU
DE L’ARTICLE 27 DE LA LFI 2014

Durée de détention

Montant de l’abattement annuel sur la PVI

PFL de l’impôt sur le revenu

Prélèvements sociaux

De 6 à 21 ans

6 %

1,65 %

La 22e année

4 %

1,6 %

De 23 à 30 ans

9 %

Poursuivant et amplifiant la logique de l’automne 2012, cet article 27 a par ailleurs prévu un abattement exceptionnel, au seul bénéfice des terrains bâtis, correspondant à 25 % du montant de la plus-value nette réalisée.

Cette disposition allait donc plus loin que la disposition déclarée non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2013 :

– le montant de l’abattement n’était plus de 20 % mais de 25 % ;

– il concernait à la fois l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, alors que l’abattement prévu en 2013 ne devait concerner que l’imposition sur les revenus ;

Cet abattement s’appliquait aux cessions intervenues entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014, pour un coût évalué à 145 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et 100 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux.

En nouvelle lecture, le Gouvernement a en outre étendu ce dispositif aux cessions intervenues jusqu’au 31 décembre 2014 s’agissant des biens immobiliers situés dans des communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants dans lesquelles il existe « un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant », selon les termes retenus dans le cadre de la taxe annuelle sur les logements vacants (53).

L’article 18 du projet de loi de finances pour 2014, poursuivant la logique de l’année précédente, prévoyait un durcissement de la fiscalité applicable aux terrains à bâtir.

Non seulement ces plus-values ne devaient pas entrer dans le champ de l’abattement exceptionnel de 25 %, mais encore l’article prévoyait-il à nouveau une suppression de tout abattement pour durée de détention pour l’établissement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. On rappellera d’ailleurs qu’à l’initiative du précédent Rapporteur général, un amendement a été voté à l’Assemblée nationale afin de reporter du 1er janvier au 1er mars 2014 l’entrée en vigueur de la suppression de cet abattement.

Dans sa décision sur le projet de loi de finances pour 2014, le Conseil constitutionnel a précisé à nouveau sa jurisprudence en matière de plus-values immobilières en censurant le principe d’une suppression de l’abattement pour durée de détention.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel précise pour la première fois que « l’application de règles fiscales différentes à la plus-value brute résultant de la cession de terrains à bâtir et de droits s’y rapportant, d’une part, et à la plus-value brute résultant de la cession d’autres biens ou droits immobiliers, d’autre part, ne méconnaît pas, en elle-même, le principe d’égalité devant la loi », écartant ainsi le grief relatif à la rupture d’égalité devant les charges publiques résultant de cette différence de traitement.

Dans un second temps, le Conseil constitutionnel indique que l’assujettissement de ces plus-values immobilières à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux « sans que soit prise en compte l’érosion de la valeur de la monnaie ni que soit applicable aucun abattement sur le montant de la plus-value brute calculée (...) conduit à déterminer l’assiette de ces taxes dans des conditions qui méconnaissent l’exigence de prise en compte des facultés contributives des contribuables intéressés ; que, dans ces conditions, les dispositions (...) contestées portent atteinte à l’égalité devant les charges publiques ».

En conséquence, le Conseil a ciblé sa censure de telle manière que les plus-values des terrains à bâtir restent soumises au régime antérieur fixé dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2011, évitant ainsi de dégrader les recettes fiscales par rapport à l’état du droit.

Dans son commentaire, le Conseil constitutionnel apporte plusieurs éléments de compréhension de sa décision :

– lorsque la plus-value frappée par l’impôt est purement nominale, la taxation conduit à frapper une fraction du capital initial, ce qui est contradictoire avec l’objet d’une taxe censée frapper l’enrichissement qui résulte de l’augmentation de la valeur du bien ;

– même en cas de plus-value réelle, l’absence d’application d’un coefficient de dépréciation monétaire ou d’un abattement pour durée de détention peut conduire à renchérir l’imposition, voire aboutir à une imposition équivalente ou supérieure à la totalité de la plus-value réelle, ce qui constituerait une taxation confiscatoire.

Rompant avec la logique antérieure, le présent projet de loi de finances prévoit d’inciter à la libération du foncier constructible en allégeant le régime d’abattement et en l’alignant sur celui applicable aux immeubles bâtis.

De fait, l’ensemble des mesures prévues par le présent article porte sur des terrains à bâtir dont il n’est pas inutile de rappeler la définition juridique.

la définition du terrain à bâtir retenue par le présent article

Aux termes du 1° du 2 du I de l’article 257 du code général des impôts, sont considérés comme terrains à bâtir « les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme, d’un autre document d’urbanisme en tenant lieu, d’une carte communale ou des dispositions de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme ».

Doivent ainsi être considérés comme terrains à bâtir, sous réserve des dispositions particulières aux zones littorales ou de montagne, les terrains situés dans les zones urbaines (U), les zones ouvertes à l’urbanisation des zones à urbaniser (AU), les zones constructibles des cartes communales, les parties constructibles des communes et les périmètres constructibles en zones naturelles et forestières (NB, NC et ND).

Cette définition objective du terrain à bâtir, qui repose sur un critère de constructibilité, est adaptée pour opérer la distinction entre les terrains constructibles et ceux qui ne le sont pas. Elle est toutefois insuffisante pour identifier, au sein de la catégorie des terrains constructibles, ceux sur lesquels un bâtiment a effectivement été édifié.

L’instruction 3 A-9-10 du 29 décembre 2010 apporte donc de nombreuses précisions relatives à la notion de terrain à bâtir en s’appuyant également sur les distinctions opérées dans le régime de la TVA immobilière.

Ainsi, peut seul constituer un terrain à bâtir un terrain qui ne comporte pas d’ores et déjà des bâtiments, au sens de constructions incorporées au sol, qu’il s’agisse d’immeubles neufs ou achevés depuis plus de cinq ans. L’instruction précise qu’une intention de démolir un immeuble existant ne suffit pas à caractériser un terrain à bâtir. En sens inverse, elle indique qu’un immeuble dont l’état le rend impropre à un quelconque usage doit être assimilé à un terrain à bâtir (il peut s’agir d’une ruine résultant d’une démolition plus ou moins avancée, d’un bâtiment rendu inutilisable par suite de son état durable d’abandon, d’un immeuble frappé d’un arrêté de péril ou d’un chantier inabouti).

La distinction entre terrain à bâtir et immeuble bâti trouve toute sa portée lorsque l’un et l’autre sont réunis dans une même mutation. En règle générale, une division parcellaire devra intervenir préalablement à la mutation, permettant de distinguer la part de l’emprise libre de constructions, dont la cession sera taxée comme terrain à bâtir, et la part déjà bâtie. En revanche, lorsqu’en cas de cession conjointe d’un terrain et d’un bâtiment, l’emprise susceptible d’être qualifiée comme terrain à bâtir à raison de ce qu’elle est libre de construction (voire occupée par une construction devenue impropre à tout usage) ne constitue que le prolongement direct et accessoire d’un bâtiment lui-même en état d’être utilisé, l’ensemble sera considéré en tant qu’immeuble bâti s’il est identifié de la sorte comme une seule parcelle pour l’établissement du plan cadastral, ou comme un seul lot dans un règlement de copropriété ou un état descriptif de division.

Régime d’abattement des PVI pesant sur les immeubles bâtis (LFI 2014)

Durée de détention

Montant de l’abattement annuel sur la PVI

Impôt sur le revenu

Prélèvements sociaux

De 6 à 21 ans

6 %

1,65 %

La 22e année

4 %

1,6 %

De 23 à 30 ans

9 %

Le nouveau régime d’abattement sur vingt-deux ans permet, s’agissant de l’impôt sur le revenu, d’obtenir un profil plus régulier que celui en vigueur, permettant d’assurer une certaine neutralité vis-à-vis des choix patrimoniaux qui seront opérés par le redevable.

COMPARAISON DE LA CADENCE DE L’ABATTEMENT POUR DURÉE DE DÉTENTION
AU TITRE DE L’IMPÔT SUR LE REVENU EN APPLICATION DU DROIT EN VIGUEUR
ET DE LA RÉFORME PROPOSÉE


À l’inverse, l’alignement des deux régimes mentionné précédemment conduit, s’agissant des prélèvements sociaux, à substituer au cadencement issu de la loi de finances rectificative pour 2011 celui prévu par la loi de finances initiale pour 2014.

ÉVOLUTION DU CADENCEMENT DE L’ABATTEMENT
AU TITRE DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX

Cadencement issu de la LFR 2011

Cadencement issu de la LFI 2014

De 6 à 17 ans

2 %

De 6 à 21 ans

1,65 %

De 18 à 24 ans

4 %

La 22e année

1,6 %

De 25 à 30 ans

9 %

De 23 à 30 ans

9 %

De ce fait, le profil de la courbe d’abattement est plus « creusé » que celle actuellement en vigueur. Ce choix s’explique essentiellement pour des considérations budgétaires, dans la mesure où l’application du cadencement applicable à l’impôt sur le revenu aurait été relativement coûteuse.

COMPARAISON DE LA CADENCE DE L’ABATTEMENT POUR DURÉE DE DÉTENTION
AU TITRE DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX EN APPLICATION DU DROIT EN VIGUEUR
ET DE LA RÉFORME PROPOSÉE

Le II du présent article prévoit en outre un abattement exceptionnel du montant de la plus-value taxable destiné à créer un choc d’offre de terrains constructibles.

Le présent abattement mérite d’être bien distingué de ceux envisagés en loi de finances initiale pour 2013 et 2014. En effet, l’abattement exceptionnel envisagé par l’article 10 du projet de loi de finances pour 2013 présentait les caractéristiques suivantes :

– il portait sur 20 % de la plus-value ;

– il était limité aux terrains bâtis ;

– l’abattement n’était applicable qu’au titre l’impôt sur le revenu et non aux prélèvements sociaux.

Le coût net de cette mesure était chiffré à 260 millions d’euros en 2013 et 25 millions d’euros en 2014.

Compte tenu de la censure du Conseil constitutionnel, un dispositif comparable limité aux terrains bâtis a été adopté en loi de finances initiale pour 2014, l’abattement exceptionnel étant toutefois porté à 25 % et s’appliquant à la fois sur les prélèvements sociaux et l’impôt sur le revenu. Le coût de ce nouvel abattement était évalué par le Conseil supérieur du notariat, en l’absence de chiffrage transmis par le Gouvernement, à 145 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et 100 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux.

La présente mesure présente les caractéristiques suivantes :

– le montant de l’abattement est porté à 30 % de la plus-value taxable ;

– cet abattement est pris en compte au titre de l’impôt sur le revenu mais aussi des prélèvements sociaux ;

– il porte uniquement sur les terrains à bâtir ;

– il est applicable aux cessions pour lesquelles une promesse de vente est signée entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, soit une durée totale de l’abattement d’un an et quatre mois, contre une année dans les dispositifs prévus antérieurement ;

– la promesse de vente doit être réalisée au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle la promesse à acquis date certaine. Le présent dispositif se traduira donc par des dépenses budgétaires jusqu’à la fin de l’année 2017.

Les trois derniers alinéas du présent article conduisent enfin à exclure du bénéfice de l’abattement exceptionnel les cessions aux conjoints, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS), au concubin notoire, à un ascendant ou un descendant du cédant ou de l’une des personnes précitées.

D’après les informations transmises par le Gouvernement, le coût des deux mesures envisagées dans cet article s’établit à 39 millions d’euros dès 2014, 156 millions d’euros en 2015, 277 millions d’euros en 2016, 250 millions d’euros en 2017 puis 156 millions d’euros à compter de 2018.

S’agissant en premier lieu du coût de l’alignement du régime d’abattement entre les terrains à bâtir et les immeubles bâtis, le chiffrage est réalisé à partir des données disponibles au premier semestre de l’année 2014. À partir de ces données, le coût en année pleine au titre de l’impôt sur le revenu s’établirait à 175 millions d’euros, tandis que le nouveau cadencement légèrement moins favorable des abattements au titre des prélèvements sociaux engendrerait une recette fiscale de 19 millions d’euros. Pour l’année 2014, le Gouvernement retient l’hypothèse d’une application sur trois mois du nouveau dispositif, soit un coût de 44 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et un gain de 5 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux.

S’agissant de l’abattement exceptionnel de 30 % entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2015, le Gouvernement évalue le coût du dispositif en année pleine à 62 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et à 99 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux.

Il fait en outre l’hypothèse que la vente intervient dix-huit mois après la promesse de vente. Suivant ces hypothèses, l’abattement exceptionnel produirait ses effets uniquement entre avril 2016 et juillet 2017.

Par conséquent, le coût de l’abattement exceptionnel devrait, selon le Gouvernement, être de 47 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu (IR) (soit 62 x 9/12) et de 74 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux (PS) (soit 99 x 9/12) pour l’année 2016. Au titre de l’année 2017, le coût s’établirait selon les mêmes calculs à 36 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et à 58 millions d’euros au titre des prélèvements sociaux.

SYNTHÈSE DU COÛT DU DISPOSITIF SELON LE GOUVERNEMENT

Mesure

2014

2015

2016

2017

À compter de 2018

Alignement du régime d’abattement des terrains à bâtir

39

156

156

156

156

– dont IR

44

175

175

175

175

– dont PS

– 5

– 19

– 19

– 19

– 19

Abattement exceptionnel de 30 %

0

0

121

94

0

– dont IR

0

0

47

36

0

– dont PS

0

0

74

58

0

TOTAL

39

156

277

250

156

synthèse des mesures récentes concernant les plus-values immobilières

Loi

Immeubles bâtis

Terrains à bâtir

Remarque

LFI 2004

– Débarémisation des PVI (bâti et non bâti) au profit d’un PFL de 16 % + prélèvements sociaux (15,5 %).

– Maintien du régime d’abattement antérieur sur 22 ans (5 % par an de 2 à 22 ans), applicable IR et PS.

 

LFI 2011

– PFL porté à 19 %.

 

LFR 2011 (septembre)

– Abattement allongé à 30 ans (IR et PS) :

Ø 2 % par an de la 6e à la 17e année ;

Ø 4 % de la 18e à la 24e année ;

Ø 8 % de la 25e à la 30e.

Le projet initial prévoyait la suppression totale de tout abattement pour durée de détention.

Le cadencement sur 30 ans résulte d’un amendement parlementaire.

LFI 2013

Immeubles bâtis : Abattement exceptionnel 2013 de 20 % (IR et non PS).

Terrains à bâtir :

– Adoption de la suppression de tout abattement pour durée de détention (IR et PS) ;

– Intégration des PVI au barème de l’IR.

Censure de l’ensemble des mesures par le Conseil constitutionnel.

(imposition confiscatoire dans certains cas du fait de la barémisation des PVI sur les terrains à bâtir)

LFR 2012 (décembre)

Immeubles bâtis : surtaxe pour les PVI supérieures à 50 000 euros (jusqu’à fin 2015) au taux progressif de 2 % à 6 %.

   

LFI 2014

Immeubles bâtis :

– Abattement exceptionnel de 25 % jusqu’au 31 août 2014 (IR et PS) ;

– Réforme du régime d’abattement :

Ø IR (sur 22 ans) : 0 % de 0 à 5 ans, 6 % de 5 à 21 ans, 4 % la 22année

Ø PS (sur 30 ans) : 1,65 % de 0 à 5 ans, 1,60 % de 5 à 21 ans, 9 % de 22 à 30 ans

Terrains à bâtir :

– Adoption de la suppression de l’abattement pour durée de détention (IR et PS).

Censure de la mesure concernant les terrains à bâtir par le Conseil constitutionnel

(taxation d’un capital virtuel)

PLF 2015

 

Terrains à bâtir :

– Abattement exceptionnel de 30 % jusqu’au 31 décembre 2015 (IR et PS) ;

– Réforme du régime d’abattement :

Ø IR sur 22 ans : 6 % de 5 à 21 ans, 4 % la 22e année ;

Ø PS sur 30 ans mais selon le cadencement prévu en LFI 2014 pour les immeubles bâtis.

 

*

* *

La Commission examine l’amendement I-CF 146 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La mesure proposée par le présent article va certes dans le bon sens, mais il est nécessaire de la rendre pérenne.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. L’article 4 vise à créer un choc d’offre. Le coût de l’abattement est estimé à 160 millions d’euros.

M. le président Gilles Carrez. En 1976, lorsque je suis entré au ministère de l’équipement, on estimait déjà qu’il fallait taxer la rétention des terrains à bâtir en augmentant le taux de la fiscalité en fonction de la durée de détention. Cette idée a fini par triompher en 2011, ce qui a provoqué une paralysie. En zone urbaine, les terrains à bâtir se confondent souvent avec les terrains sur lesquels on détruit un pavillon pour construire un immeuble. Avoir un dispositif fiscal différent pour un terrain à bâtir et un terrain déjà bâti est absurde.

Sur un plan psychologique, une fiscalité qui augmente en fonction de la durée de la détention exacerbe au contraire le comportement de rétention : le détenteur du terrain s’estimant lésé, il ne met pas son bien sur le marché. La commission des Finances doit mettre un terme à cette idée absurde selon laquelle on parviendrait à fluidifier le marché en taxant progressivement en fonction de la durée de détention. Toutes les tentatives qui ont été faites depuis quarante ans ont été vouées à l’échec. Voilà pourquoi l’amendement de Charles de Courson me paraît prima facie intéressant.

La fiscalité sur les plus-values immobilières a été stable de façon quasiment miraculeuse, qu’il s’agisse de terrains à bâtir ou de terrains bâtis, pendant une vingtaine d’années, avec une exonération au bout de vingt-deux ans. Puis est arrivé au ministère du budget un homme très éminent qui avait par ailleurs exercé la profession de notaire et qui était persuadé que, en ramenant le délai à quinze ans, on augmenterait le nombre de mutations et en conséquence la recette. En 2004, l’exonération est passée de vingt-deux à quinze ans. Mais, dès 2011, elle a été portée à trente ans. De telles pratiques sont détestables, car il s’agit d’investissements à long terme. En la matière, il faut donner de la visibilité et de la stabilité.

M. Christophe Caresche. L’année dernière, le Gouvernement avait dissocié les mesures d’abattement sur les plus-values immobilières des terrains bâtis et des terrains à bâtir. Mais le Conseil constitutionnel avait censuré le régime concernant les terrains à bâtir. Le régime, qui sera donc le même pour les terrains à bâtir et les terrains bâtis, prévoit une exonération au bout de vingt-deux ans et non plus de trente ans, et un abattement progressif plus rapide.

Par ailleurs, le Gouvernement propose un abattement supplémentaire exceptionnel de 30 % sur les plus-values de cession jusqu’au 31 décembre 2015. L’amendement de M. de Courson vise à rendre pérenne l’abattement alors qu’il doit être exceptionnel.

M. le président Gilles Carrez. Vous avez raison, monsieur Caresche. J’avais mal compris l’amendement de M. de Courson.

M. Dominique Lefebvre. Il ne faut pas rendre pérenne l’abattement de 30 %. Il sera toujours temps, dans dix-huit mois, en fonction du rythme d’accélération des mutations, de voir s’il est nécessaire de prolonger le dispositif.

M. Charles de Courson. Je ne comprends pas pourquoi le président Gilles Carrez a changé d’avis. Le Gouvernement propose un abattement supplémentaire exceptionnel d’une durée de seize mois : ce n’est pas une bonne mesure. Il faut pérenniser le dispositif au moins jusqu’à la fin de la législature pour donner de la visibilité. Je suis sûr que l’évaluation de cette mesure exceptionnelle n’aboutira à rien.

M. Marc Le Fur. On prend des mesures fiscales pour inciter les propriétaires de terrains à les mettre sur le marché. Le vrai sujet n’est pas fiscal, mais réglementaire. Au travers des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des plans locaux d’urbanisme (PLU), on est en train d’organiser la rareté des terrains à bâtir, même là où ils sont nombreux, et donc de renchérir le coût de la construction. Si l’on veut que les terrains ne soient pas chers, au moins dans certaines zones, encore faut-il s’affranchir de dispositions réglementaires qui sont devenues aujourd’hui contre-productives.

M. Éric Alauzet. En l’état actuel, il est difficile de savoir si l’abattement exceptionnel de 30 % sera efficace ou non. C’est pourquoi je souhaiterais que le dispositif soit évalué lorsqu’il prendra fin.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 4 sans modification.

*

* *

Article 5
Aménagement de la réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire – Dispositif « Pinel »

S’inscrivant dans le Plan de relance du logement présenté par le Gouvernement le 29 août dernier, le présent article vient réformer le dispositif fiscal de soutien à l’investissement locatif intermédiaire dit « Duflot », rebaptisé « Pinel », afin d’accroître son attractivité, alors que le nombre d’investissements locatifs réalisés dans ce cadre en 2013 a été moins élevé qu’escompté.

La réforme proposée vise à donner davantage de souplesse au dispositif, en permettant aux investisseurs de moduler la durée de leur engagement de location, de six ans à douze ans, au lieu d’une durée unique de neuf ans, tout en faisant varier parallèlement les taux de la réduction d’impôt, qui varieraient entre 12 % et 21 % en métropole et entre 23 % et 32 % en outre-mer, au lieu respectivement de 18 % en métropole et 29 % en outre-mer dans le droit en vigueur. Il est également proposé d’ouvrir la possibilité pour les investisseurs de louer le bien donnant droit à avantage fiscal à un ascendant ou à un descendant, et d’augmenter la base de la réduction d’impôt, de 95 % à 100 % de la souscription, pour les investissements réalisés par l’intermédiaire de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI).

Entrant en vigueur, pour deux d’entre eux, dès le 1er septembre 2014, les aménagements ainsi proposés devraient permettre d’atteindre un objectif de 40 000 logements bénéficiant du « Pinel » en 2014 et 50 000 logements en 2015 et 2016, au lieu de 35 000 en 2013. Ils devraient occasionner une dépense fiscale supplémentaire de 7 millions d’euros en 2016 et 33 millions d’euros en 2017 – la dépense fiscale au titre du « Duflot-Pinel » étant évaluée à 21 millions d’euros en 2014 et à 110 millions d’euros en 2015.

Le dispositif « Duflot », introduit par la loi de finances pour 2013 (54) et applicable à compter du 1er janvier 2013, est venu s’inscrire dans la lignée des différentes aides au secteur locatif neuf qui se sont succédé depuis trois décennies. Si plusieurs de ses conditions d’application sont tout à fait novatrices, le cadre général retenu s’inspire du dispositif « Scellier », qui est venu à échéance au 31 décembre 2012 (55), lequel a lui-même pris la suite de différents dispositifs d’aide fiscale à l’investissement locatif.

● Depuis 1985, différents dispositifs fiscaux ont été introduits afin d’encourager l’investissement locatif des particuliers.

Présentation des différents dispositifs incitatifs à l’investissement locatif applicables jusqu’en 2009

Le premier dispositif d’aide fiscale à l’investissement locatif, dit « Quilès », a été mis en place en 1985. Il accordait une réduction d’impôt plafonnée, permettant aux investisseurs personnes physiques et aux sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés de soustraire de leur impôt une fraction de leur investissement (5 % étalés sur deux ans) en échange d’un engagement de location durant 6 ans. Le « Quilès-Méhaignerie » l’a ensuite remplacé deux ans plus tard en doublant l’avantage fiscal.

En 1993, un « Quilès-Méhaignerie intermédiaire » a également été mis en place. Il triplait l’avantage initial du « Quilès » pour les investisseurs qui respectaient des loyers plafonnés et des plafonds de ressources pour leurs locataires au niveau du logement locatif intermédiaire, en distinguant deux zones : Paris et la province.

En 1996, le dispositif « Périssol » a introduit un changement de logique fiscale et d’échelle d’intervention publique. La déduction fiscale a en effet laissé place à un système d’amortissement permettant à l’investisseur de déduire de ses revenus fonciers un pourcentage du prix d’acquisition du bien pendant plusieurs années, ce qui génère alors un déficit (ou éventuellement un moindre bénéfice), et donc une diminution du revenu imposable global. En fixant le niveau de l’amortissement à 80 % sur vingt-quatre ans (10 % du prix d’acquisition chaque année pendant quatre ans, puis 2 % pendant les vingt années suivantes), le dispositif « Périssol » a fortement accru l’attractivité de l’aide, ce qui a induit un triplement de la dépense fiscale annuelle, qui est passée de 200 à 600 millions d’euros.

Le dispositif « Besson » a remplacé le « Périssol » à l’été 1999. Outre une réduction de l’amortissement cumulé à 50 %, cette nouvelle mesure avait la caractéristique principale de cibler le locatif intermédiaire, avec des plafonds de loyers et des plafonds de ressources pour les locataires, établis sur la base du zonage historique du logement locatif social qui distingue quatre zones : zone I bis (Paris et les communes limitrophes), zone I (reste de l’Île-de-France), zone II (agglomérations de plus de 100 000 habitants), zone III (reste de la France). La territorialisation du dispositif visait alors à adapter les caractéristiques de l’aide aux réalités des marchés locaux (loyers de marché, revenus moyens des populations).

En 2003, le « Robien » s’est substitué au « Besson » en atténuant les contraintes pour les investisseurs, par la suppression du plafond de ressources pour les locataires et la hausse des plafonds de loyers, pour les situer au niveau du marché. Un nouveau découpage en trois zones (A, B et C) a également été élaboré pour mieux prendre en compte la réalité des tensions des marchés locatifs locaux. Le 1er septembre 2006, ce zonage a d’ailleurs été revu afin de limiter les constructions dans les secteurs de moindre tension, alors même que certains investissements peu viables économiquement, et peu utiles pour le marché locatif, avaient été favorisés par le « Robien » dans sa première version. Une subdivision de la zone B a été mise en place pour créer une zone B2 avec un plafond de loyer inférieur ; en outre, le plafond de loyer de la zone C a été diminué. Le dispositif avec ces nouvelles caractéristiques a alors été dénommé « Robien recentré ».

Cette révision du « Robien » a par ailleurs été accompagnée de la création d’un nouveau dispositif, proche du « Besson » : le « Borloo populaire ». Plus incitatif que le « Robien recentré », il ciblait le logement intermédiaire.

À la suite de la crise immobilière de 2008, une nouvelle incitation fiscale en faveur de la construction neuve a été introduite, visant à corriger certains des défauts présentés par les dispositifs antérieurs. La réduction d’impôt « Scellier », créée à l’initiative de l’Assemblée nationale, est ainsi entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2009.

Elle reposait sur des critères d’application simples : un taux de 25 % de réduction d’impôt – abaissé à 22 % pour les logements dits « BBC » (56) et à 13 % pour les logements non-BBC pour l’année 2011, puis ramené à 13 % pour les logements BBC et 6 % pour les autres en 2012 (57) – était appliqué au prix de revient de l’investissement dans les limites d’un plafond de 300 000 euros comprenant les éventuels travaux de réhabilitation. Le montant de la réduction d’impôt obtenue est réparti en parts égales sur les neuf années constituant la durée minimale de l’engagement de location.

En dehors des variations de son taux, les règles d’application du dispositif « Scellier » sont demeurées stables :

– les bénéficiaires de cette mesure sont des personnes physiques qui réalisent des investissements locatifs directement ou par l’intermédiaire de sociétés non soumises à l’impôt sur les sociétés. Ils peuvent également bénéficier de la réduction d’impôt au titre de la souscription au capital d’une société civile de placement immobilier (SCPI), sous certaines conditions ;

– les logements acquis ou construits doivent être loués à une personne autre qu’un membre du foyer fiscal en tant que résidence principale pendant une durée minimale de neuf ans. L’engagement de location doit être effectif dans les douze mois suivant la date d’achèvement du logement ou de son acquisition ;

– la réduction d’impôt est majorée si les logements construits présentent une performance énergétique supérieure à ce qu’impose la législation en vigueur ;

– les logements dont l’acquisition ou la construction ouvre droit à la réduction d’impôt doivent être situés dans une commune caractérisée par une tension entre l’offre et la demande de logements, à savoir dans les zones A bis, A, B1 et B2. Toutefois, depuis la loi de finances initiale pour 2010, les communes situées en zone C peuvent bénéficier de la réduction d’impôt lorsqu’elles font l’objet d’un agrément délivré par le ministre chargé du logement tenant compte des besoins en logements constatés localement ;

– un investissement dans le secteur intermédiaire permet également de bénéficier de la déduction spécifique de 30 % du montant des loyers perçus sur les revenus fonciers pendant la période d’engagement de location, ainsi que d’un supplément de réduction d’impôt de 5 points par période triennale, reconductible une fois, si la location est poursuivie dans les mêmes conditions au-delà de la durée minimale d’engagement de location.

● Le coût annuel (58) cumulé des différentes mesures qui se sont succédé en faveur de l’investissement locatif neuf a fortement augmenté en trente ans. Il est ainsi passé de 345 millions d’euros en 1989 à 1,395 milliard d’euros en 2013, avec des prévisions de 1,574 milliard pour l’année 2014 et de 1,613 milliard pour l’année 2015. Il convient de noter que le dispositif « Scellier », à lui seul, représente près de la moitié de la dépense fiscale prévue pour 2014 (sans prendre en compte le « Scellier intermédiaire »).

Par ailleurs, l’incidence sur le budget de l’État de ces mesures est encore sensible pour nombre d’entre elles, jusqu’en 2030 pour les plus récentes.

COÛT DE LA DÉPENSE FISCALE EN FAVEUR DE L’INVESTISSEMENT LOCATIF
EN MÉTROPOLE

(en millions d’euros)

Dispositif

Nombre de ménages bénéficiaires en 2013

Fin d’incidence budgétaire

Coût 2010

Coût 2011

Coût 2012

Coût 2013

Coût 2014

(prévisions)

Coût 2015

(prévisions)

Périssol

95 000

2024

50

60

51

50

50

50

Besson ancien

49 500

20

35

26

20

20

20

Besson neuf

33 000

2013

30

37

26

22

Robien classique

240 000

2018

410

455

331

285

250

200

Robien ZRR + Scellier ZRR (1)

6 000

2021

15

14

9

9

9

9

Borloo populaire

25 000

2024

60

60

40

40

40

40

Borloo ancien

48 000

15

20

20

24

24

24

Scellier

nd

2024

80

240

430

620

760

760

Scellier intermédiaire

nd

2030

40

120

215

325

400

400

Duflot-Pinel

6 696

2025

21

110

Total coût

   

720

1 021

1 148

1 395

1 574

1 613

(1) ZRR : zone de revitalisation rurale.

Source : tome II du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

Ce coût annuel ne reflète qu’une partie du coût global de chacune des générations de logements ouvrant droit à la réduction d’impôt. À titre d’exemple, les premières générations de logements éligibles à la réduction d’impôt « Scellier » coûteront, à l’échéance de la période d’étalement de la réduction d’impôt (de neuf à quinze ans selon si le contribuable a choisi de louer dans le secteur intermédiaire ou non), 3,4 milliards d’euros au titre des 50 000 logements acquis ou construits par des investisseurs en 2009, 3,9 milliards d’euros au titre des 75 000 logements construits ou acquis en 2010 et 1,8 milliard d’euros au titre des 60 000 logements acquis ou construits en 2011.

Ce coût doit toutefois être mis en regard avec les résultats obtenus en matière de construction. S’il est difficile d’obtenir des évaluations du nombre de logements associés aux différents dispositifs fiscaux, les chiffres établis par les professionnels du secteur permettent de disposer d’un ordre de grandeur. La dépense fiscale en faveur de l’investissement locatif neuf a concerné environ 925 200 logements depuis 1986, acquis ou construits dans le but de bénéficier de l’avantage fiscal. Le seul dispositif « Scellier », qui s’est avéré très attractif en 2009 et 2010 – alors que le taux de réduction d’impôt était fixé à 25 % –, aurait permis la construction de 239 000 logements, soit environ un quart du total des logements construits dans le cadre de ces dispositifs fiscaux.

NOMBRE DE LOGEMENTS CONSTRUITS DESTINÉS À L’INVESTISSEMENT LOCATIF
ENTRE 1986 ET 2012

Dispositif fiscal

Méhaignerie (1986-1996)

Périssol (1996-1999)

Besson (1999-2002)

Robien (2003-2005)

Robien recentré et Borloo (2006-2009)

Scellier (2009-2012)

Total

Nombre de logements

61 600

133 700

142 000

184 700

164 200

239 000

925 200

Source : Fédération française du bâtiment.

La réduction d’impôt « Duflot », codifiée à l’article 199 novovicies du code général des impôts, a repris l’architecture générale du dispositif « Scellier », tout en s’en distinguant sur plusieurs points : elle ne s’applique qu’à des investissements locatifs dans le secteur intermédiaire, situés dans des zones très tendues, selon un zonage recentré par rapport à celui applicable au « Scellier », et respectant un niveau de performance énergétique globale élevé.

● La réduction d’impôt s’applique aux contribuables domiciliés fiscalement en France et investissant dans un logement locatif neuf en direct ou par le biais d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés, par exemple, une société civile immobilière de gestion ou toute autre société de personnes. Un contribuable peut également bénéficier de la réduction d’impôt, sous certaines conditions, au titre de ses souscriptions de parts dans une SCPI.

Les investissements éligibles à la réduction d’impôt sont les logements acquis ou construits entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016 qui appartiennent à l’une des catégories suivantes :

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES LOGEMENTS OUVRANT DROIT À LA RÉDUCTION D’IMPÔT

Type de logement

Conditions particulières à respecter

Logement neuf

Logement en l’état futur d’achèvement

Achèvement du logement dans les trente mois qui suivent la date d’ouverture du chantier

Logement que le contribuable fait construire

– Dépôt de permis de construire entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016

– Achèvement du logement dans les trente mois qui suivent la date d’obtention du dépôt du permis de construire

Logement qui fait ou qui a fait l’objet de travaux concourant à la production ou à la livraison d’un immeuble neuf

– Si les travaux ont été réalisés avant l’acquisition du logement par le contribuable, la réduction d’impôt s’applique aux logements qui n’ont pas été utilisés ou occupés depuis l’achèvement des travaux

– Si les travaux sont réalisés après l’acquisition du logement, leur achèvement doit intervenir au plus tard le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’acquisition du bien concerné

Logement qui ne satisfait pas aux caractéristiques de décence qui fait ou qui a fait l’objet de travaux permettant à ce logement d’acquérir des performances techniques voisines de celles d’un logement neuf

Local affecté à un usage autre que l’habitation qui fait ou qui a fait l’objet de travaux de transformation en logement

Pour être éligibles à la réduction d’impôt, les logements doivent être loués nus à usage d’habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans et ce, dans un délai de douze mois après la date d’achèvement de l’immeuble ou de son acquisition par le contribuable si celle-ci est postérieure.

Il en va de même dans le cas d’un investissement par l’intermédiaire d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés ou d’une souscription au capital d’une SCPI : l’associé doit conserver la totalité de ses titres jusqu’au terme de l’engagement de location souscrit par la société dans le respect des conditions prévues par l’article 199 novovicies.

Cette location ne peut pas être conclue au profit d’un membre du foyer fiscal ou de l’un de ses ascendants ou descendants. Tel est également le cas pour les associés d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés, autre qu’une SCPI, détenant la propriété du logement : l’un des associés, les membres de leur foyer fiscal ou leurs ascendants et descendants ne peuvent être locataires du bien.

● Le taux de la réduction d’impôt est fixé à 18 %. Il s’applique au prix de revient d’au plus deux logements, retenu dans la limite d’un plafond par mètre carré de surface habitable, fixé à 5 500 euros afin de limiter l’effet inflationniste de la réduction d’impôt sur les prix de l’immobilier dans les zones les plus tendues.

Le montant de la réduction d’impôt est alors réparti de manière égale (soit 2 % par an) sur neuf années à compter de l’année d’achèvement du logement ou de l’année de son acquisition si elle est postérieure. La réduction s’impute pour la première fois sur l’impôt dû au titre de cette même année, puis sur celui des huit années suivantes.

Le prix de revient est apprécié de façon différente selon le type d’investissement concerné :

– lorsque des travaux ont été réalisés à la suite de l’acquisition d’un bien afin de le transformer en un logement, le prix de revient correspond au prix d’acquisition du bien augmenté du montant des travaux réalisés ;

– lorsque le logement est détenu en indivision, chaque indivisaire bénéficie de la réduction d’impôt appliquée à la quote-part du prix de revient correspondant à ses droits ;

– lorsque le logement est la propriété d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés, autre qu’une SCPI, le contribuable bénéficie de la réduction d’impôt appliquée à la quote-part de ses droits sur le logement concerné ;

– lorsque le logement est la propriété d’une SCPI, la réduction d’impôt est calculée sur 95 % du montant de la souscription réalisée par le contribuable, à la condition que cette même fraction de souscription ait servi exclusivement à financer un investissement éligible à la réduction d’impôt dans un délai de dix-huit mois suivant la clôture de la campagne de souscription.

Le montant total des dépenses retenues pour l’application de la réduction d’impôt au titre de l’acquisition ou de la construction d’au plus deux logements et de la souscription de titres, ne peut excéder globalement 300 000 euros par contribuable pour une même année d’imposition.

Il convient de signaler que la réduction d’impôt « Duflot » est prise en compte pour le calcul du plafonnement global des niches fiscales, prévu par l’article 200-0 A du code général des impôts, soit 10 000 euros.

● La réduction d’impôt est réservée aux logements situés dans des communes dans lesquelles existent de fortes tensions sur le marché.

Un classement des communes au sein des cinq zones A bis, A, B1, B2 et C (59) est prévu par un arrêté des ministres chargés du budget et du logement. Ce classement évolue périodiquement, certaines communes pouvant passer d’une zone à l’autre selon les changements observés sur leur marché du logement. Dans le cadre du « Duflot », seuls les logements situés dans des communes classées dans des zones caractérisées par un « déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements entraînant des difficultés d’accès au logement sur le parc locatif existant », à savoir les zones A bis, A et B1, ouvrent droit à la réduction d’impôt.

À cet égard, le dispositif « Scellier » couvrait une part du territoire plus importante puisqu’il s’appliquait également en zone B2. De plus, il était possible, par dérogation, de rendre éligibles au dispositif certaines communes classées en zone C, sous réserve de l’obtention d’un agrément délivré par le ministère chargé du logement. Dans le cadre du dispositif « Duflot », une possibilité de dérogation existe également, mais uniquement pour des communes relevant de la zone B2 : les modalités diffèrent de celles du « Scellier », puisque c’est auprès du préfet de région, après avis du comité régional de l’habitat, que l’agrément doit être obtenu.

● Le dispositif « Duflot » est réservé aux seuls logements loués dans le secteur intermédiaire, à la différence du dispositif « Scellier » : si ce dernier ouvrait droit à un taux bonifié à la condition que le logement soit loué dans le secteur intermédiaire, il a principalement donné lieu à des investissements dans le secteur libre, pour lesquels les conditions de location étaient moins contraignantes.

Dans le cadre du « Duflot », les loyers et les ressources des locataires appréciées à la date de la conclusion du bail ne peuvent excéder certains plafonds, afin de permettre aux locataires aux ressources modestes et moyennes de bénéficier de loyers inférieurs aux loyers de marché. Les plafonds mensuels de loyers par mètre carré, codifiés à l’article 2 terdecies D de l’annexe III au code général des impôts, ont été fixés comme suit pour l’année 2014 :

(en euros)

Zones

Plafonds mensuels de loyers

Zone A bis

16,72

Zone A

12,42

Zone B1

10

Zone B2

8,69

DOM, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon

10,02

Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna

12,45

Par ailleurs, ces plafonds de loyer peuvent être réduits par le préfet de région après avis du comité régional de l’habitat « afin d’être adaptés aux particularités des marchés locatifs locaux ». Concrètement, le préfet de région peut décider, en concertation avec les acteurs locaux, d’abaisser les plafonds de loyer applicables à certaines communes de façon à assurer que le logement soit loué dans des conditions correspondant à la réalité du secteur intermédiaire local. Cette souplesse permet de répondre aux difficultés liées à la définition de règles au niveau national devant s’appliquer à des marchés locaux très hétérogènes (60).

Les ressources des locataires ne doivent pas être supérieures à des plafonds fixés par décret en fonction de la composition du foyer fiscal, et codifiés également à l’article 2 terdecies D de l’annexe III précité.

Pour les baux conclus en 2014, les plafonds annuels de ressources sont les suivants :

(en euros)

Composition
du foyer locataire

Zone A bis

Zone A

Zone B1

Zone B2

Personne seule

36 831

36 831

30 019

27 017

Couple

55 045

55 045

40 089

36 079

Personne seule ou couple ayant une personne à charge

72 159

66 169

48 210

43 389

Personne seule ou couple ayant deux personnes à charge

86 152

79 257

58 200

52 380

Personne seule ou couple ayant trois personnes à charge

102 503

93 826

68 465

61 619

Personne seule ou couple ayant quatre personnes à charge

115 344

105 584

77 160

69 443

Majoration par personne à charge à partir de la cinquième

+ 12 851

+ 11 764

+ 8 608

+ 7 746

Le dispositif « Duflot » s’applique aux logements acquis ou construits à partir du 1er janvier 2013, et jusqu’au 31 décembre 2016. Dans son évaluation préalable, était défini un objectif annuel de 40 000 logements ouvrant droit à la réduction d’impôt, et ce dès l’année 2013. Il est estimé qu’en 2013, 35 000 logements ont été construits grâce au dispositif « Duflot ».

● Au titre de la deuxième émission de revenus de l’année 2013 (61), les données transmises à la Rapporteure générale par l’administration fiscale font état de 6 828 foyers fiscaux ayant mentionné dans leur déclaration de revenus un montant d’investissement locatif au titre du dispositif « Duflot » (62). 6 343 foyers fiscaux ont réalisé des investissements en métropole, pour un montant de 943,6 millions d’euros, tandis que 492 foyers fiscaux ont réalisé des investissements outre-mer, pour un montant de 49,1 millions d’euros (63); le montant total des investissements réalisés s’établit donc à près de 993 millions d’euros, soit un investissement moyen par foyer fiscal de 145 390 euros.

Sur ces 6 828 foyers, 6 696 foyers fiscaux ont bénéficié d’une réduction d’impôt – les 132 restants n’ayant pas un impôt suffisant pour pouvoir l’imputer. Le montant total de la dépense fiscale à ce titre s’établit à 19,3 millions d’euros.

La ventilation par décile des foyers fiscaux bénéficiaires de l’avantage fiscal « Duflot » est présentée dans le tableau ci-dessous.

Déciles de revenu fiscal de référence (RFR) des foyers fiscaux bénéficiant de la réduction d’impôt (en euros)

Nombre de foyers fiscaux bénéficiaires de la réduction d’impôt « Duflot »

Montant de réduction d’impôt « Duflot » imputé
(en millions d’euros)

RFR<= 30 883

670

0,7

30 883 <RFR<= 39 852

670

1,2

39 852 <RFR<= 47 592

669

1,5

47 592 <RFR<= 54 912

670

1,7

54 912 <RFR<= 62 319

669

2

62 319 <RFR<= 70 723

670

2,2

70 723 <RFR<= 80 792

670

2,3

80 792 <RFR<= 94 882

669

2,5

94 882 <RFR<= 124 408

670

2,5

RFR> 124 408

669

2,7

Total

6 696

19,3

Source : direction de la législation fiscale.

● Ces premières données fiscales ne correspondent toutefois pas à l’ensemble des investissements locatifs réalisés au cours de l’année 2013 dans le cadre du « Duflot ». En effet, aux termes du VII de l’article 199 novovicies, la réduction d’impôt est accordée au titre de l’année d’achèvement du logement, ou de son acquisition si elle est postérieure, ce qui implique un décalage entre l’engagement d’un projet et le bénéfice de l’avantage fiscal.

Ainsi, les premières informations fournies par les professionnels pour l’année 2013 font état d’environ 35 000 logements ayant bénéficié du dispositif « Duflot » pour l’année 2013, soit un niveau relativement proche de l’estimation initiale de 40 000 logements. Ces chiffres constituent un point bas au regard de l’évolution des investissements locatifs aidés dans le secteur neuf depuis dix ans, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’INVESTISSEMENTS LOCATIFS AIDÉS DEPUIS 2003

Année de vente

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Nombre d’investissements locatifs aidés (en milliers)

54

62

68

66

62

35

68

72

59

39

Source : évaluation préalable du présent article joint au présent projet de loi de finances.

Le nombre de ventes annuelles en investissement locatif neuf oscille assez fortement depuis une dizaine d’années, autour d’une moyenne d’environ 58 000. Outre les effets conjoncturels – comme la crise économique et financière de 2008 –, ces fluctuations sont pour partie liées aux différents dispositifs fiscaux soutenant ces investissements. Ainsi, la diminution sensible de la production entre 2011 et 2012 trouve au moins pour partie son origine dans le resserrement du dispositif « Scellier », dont le taux de réduction d’impôt est passé de 22 % à 13 % (pour les logements BBC) entre ces deux années.

En tout état de cause, le volume des investissements locatifs réalisés doit être mis en regard avec la dépense fiscale occasionnée par les dispositifs fiscaux afférents. Ainsi, si le « Scellier » a donné lieu à d’importants investissements, il se traduit par des dépenses fiscales estimées à 1,16 milliard d’euros tant pour l’année 2014 que pour l’année 2015.

Le dispositif « Duflot » apparaît d’ailleurs plus attractif, pour les investisseurs, que son prédécesseur « Scellier ». Les plafonds de loyers des deux dispositifs sont relativement proches, tandis que l’avantage fiscal est nettement plus important pour le « Duflot » que pour le « Scellier » dans les conditions applicables en 2012, soit 18 % contre 13 %.

● Une première évolution du dispositif est récemment intervenue par l’intermédiaire d’une réforme du zonage, lequel découpe le territoire en cinq zones, de la plus tendue, avec la zone A bis, à la plus détendue, avec la zone C. Le zonage été révisé le 1er août dernier, pour une application à compter du 1er octobre 2014, et ce afin de favoriser l’investissement locatif.

Avant la révision du zonage, les différentes zones étaient composées comme suit :

– la zone A bis, qui comprend Paris et 29 communes de la petite couronne ;

– la zone A, qui comprend la partie agglomérée de l’Île-de-France, la Côte d’Azur et la partie française de l’agglomération genevoise ;

– la zone B1, qui comprend les agglomérations de plus de 250 000 habitants, la grande couronne parisienne, quelques villes comme Annecy, Bayonne, Cluses, Chambéry, Saint-Malo ou La Rochelle, les départements d’outre-mer et la Corse ;

– la zone B2, qui comprend les autres communes de plus de 50 000 habitants et les franges de la zone B1 ;

– la zone C, qui correspond au reste du territoire.

La réforme du zonage a été engagée dès le début de l’année 2013, afin de tenir compte des évolutions territoriales et de s’adapter le plus finement possible aux réalités locales du marché immobilier. Elle se traduit par :

– le reclassement d’une centaine de communes en zone A bis et A, soit plus de 3,5 millions d’habitants supplémentaires concernés ; par exemple, les communes de Lyon, Lille, Marseille et Montpellier basculent de la zone B1 à la zone A ;

– le reclassement de villes telles que Le Havre, Caen et Dijon de la zone B2 à la zone B1 et le reclassement de 600 communes actuellement en zone C vers les zones B1 et B2 ;

– le déclassement de 670 communes, mais uniquement en zones B1 et B2, sans aucun déclassement en zone C.

Au total, 1 180 communes, réunissant 10 millions d’habitants, ont été reclassées, tandis que les 670 communes déclassées ne représentent que 700 000 habitants.

Cette révision élargit donc le champ d’application du dispositif « Duflot » en rendant éligibles de nouvelles communes, qui rejoignent les zones B1 et B2 (64). Elle renforce également l’attractivité des investissements locatifs dans de nombreuses communes, puisque la zone dont relève la commune où se trouve le logement détermine les plafonds de loyers et de ressources applicables.

Pour dynamiser un secteur du logement actuellement en difficulté, le Gouvernement a engagé un ambitieux plan de relance, présenté le 29 août dernier, qui comporte plusieurs volets. Parmi les dispositions fiscales présentées, outre les mesures sur l’imposition des plus-values sur les terrains à bâtir et sur les abattements applicables à certaines donations, figure la réforme du dispositif « Duflot », devenant le dispositif « Pinel », qui vient renforcer l’attractivité du dispositif et ainsi encourager l’investissement locatif privé.

Le présent article permet de moduler les durées d’engagement de location afin d’attirer de nouveaux investisseurs, dont les horizons temporels peuvent être variés. Il ouvre la possibilité pour l’investisseur de louer le bien donnant droit à l’avantage fiscal à un ascendant ou un descendant, tout en augmentant la base de la réduction d’impôt pour les investissements réalisés par l’intermédiaire de SCPI.

Afin de bénéficier de la réduction d’impôt « Duflot », les contribuables doivent s’engager à mettre en location le logement pour une durée minimale de neuf années. La réduction d’impôt, au taux de 18 % du prix de revient du logement, est répartie par parts égales sur les neuf années, soit 2 % par an.

Le présent article introduit davantage de souplesse dans la durée d’engagement de location, en prévoyant la possibilité de la moduler, associée à la variation du taux de la réduction d’impôt. Il s’agit de mieux tenir compte de la diversité des projets immobiliers des investisseurs, qui peuvent souhaiter s’engager pour des durées plus courtes ou plus longues que neuf années.

● En premier lieu, le a) du du I vient introduire la possibilité pour le contribuable de bénéficier de l’avantage fiscal soit pour un engagement de location d’une durée minimale de six ans, soit pour un engagement d’une durée minimale de neuf ans, sur option.

Le du I définit les taux de réduction d’impôt applicables en fonction de la durée d’engagement : le taux est maintenu à 18 % du prix de revient du logement pour un engagement de location de neuf années, tandis qu’il est ramené à 12 % lorsque l’engagement de location est de six années. Dans ce dernier cas, la réduction d’impôt serait répartie sur une durée de six années par parts égales ( du I), ce qui conduirait à une réduction de 2 % par an, comme pour un engagement de neuf années.

L’option en faveur d’un engagement de six ou de neuf années est exercée par le contribuable lors du dépôt de la déclaration des revenus de l’année d’achèvement de l’immeuble, ou de son acquisition si elle est postérieure. Elle est irrévocable pour le logement considéré, ce qui signifie qu’un contribuable s’étant engagé à louer le bien pour neuf années ne pourrait décider, en cours de location, de ramener sa durée d’engagement à six années.

● En revanche, s’il a opté pour une durée d’engagement de six années, le contribuable pourra décider, en application des dispositions prévues au du I, de proroger son engagement initial, ce qui relativise dans ce cas le caractère irrévocable de l’option. En effet, à la fin de la période d’engagement initiale, de six années ou de neuf années, le contribuable peut continuer à bénéficier de la réduction d’impôt sous réserve qu’il s’engage à louer le bien pour une durée plus longue :

– à l’issue d’un engagement de location de neuf ans, le contribuable peut bénéficier de la réduction d’impôt pendant trois années de plus, à hauteur de 3 %, (soit 1 % par an), s’il s’engage à louer le bien pour trois années supplémentaires ;

– à l’issue d’un engagement de location de six ans, le contribuable peut bénéficier de la réduction d’impôt pendant trois années supplémentaires, renouvelables une fois, à hauteur de 6 % pour la première période triennale (soit 2 % par an) et de 3 % pour la seconde période triennale (soit 1 % par an), s’il s’engage à louer le bien pour trois années supplémentaires, renouvelables.

Le contribuable bénéficie donc de conditions identiques in fine, qu’il se soit engagé initialement pour une durée de six ans ou de neuf ans, puisque la durée maximale d’engagement, et donc de bénéfice de l’avantage fiscal, est de douze ans, tandis que la réduction d’impôt est dans les deux cas de 2 % du prix de revient du logement pendant les neuf premières années, et de 1 % pour les trois dernières années, soit un taux maximal de 21 %. L’investisseur dispose ainsi d’une certaine souplesse, en pouvant réexaminer par période triennale – s’il s’est engagé initialement à louer pour six ans – la mise en location de son bien.

● Le b du du I vient prévoir les mêmes conditions de modulation de la durée de l’engagement initial, de six ou neuf années, pour les investissements locatifs réalisés par l’intermédiaire de SCPI. Les dispositions ouvrant la possibilité de proroger l’engagement de location pour trois ou six ans, au-delà des engagements initiaux de neuf ans ou six ans, sont également applicables à ce type d’investissements.

● Le du I vient procéder à des coordinations s’agissant des conditions de reprise de l’avantage fiscal en cas de rupture de ses engagements par le contribuable, afin de tirer les conséquences de la possibilité de proroger l’engagement de location pour trois ou six ans.

● Enfin, s’agissant des investissements locatifs réalisés outre-mer, le taux de la réduction d’impôt est aujourd’hui fixé à 29 %, contre 18 % en métropole. Le du I du présent article prévoit un taux moindre, de 23 %, lorsque l’engagement de location est ramené à six ans. En l’absence de dispositions spécifiques à l’outre-mer en cas de prorogation de l’engagement, les taux de réduction d’impôt applicables sont ceux de droit commun.

Le dispositif proposé permet de maintenir, dans toutes les configurations, un différentiel de 11 % de réduction d’impôt avec la métropole (29 % au lieu de 18 % pour un engagement initial de neuf années, 23 % au lieu de 12 % pour un engagement initial de six années, et 32 % au lieu de 21 % pour un engagement total de douze années), comme cela était le cas dans le cadre du « Scellier ».

Néanmoins, il en résulte que les taux applicables outre-mer sont quelque peu discontinus, puisque, dans le cas d’un engagement initial de neuf années, la réduction d’impôt par année s’élève à 3,22 % du prix de revient, pour être ramenée à 1 % pour les trois années suivantes. Dans le cas d’un engagement initial de six années, la réduction d’impôt par année s’élève à 3,83 % par an, puis à 2 % pour les trois années suivantes et à 1 % pour les trois dernières années.

C’est donc l’engagement de location pour six années qui apparaît le plus attractif, compte tenu du montant annuel de la réduction d’impôt de 3,83 %, au risque de favoriser les durées d’engagement courtes. Ainsi, au bout de six années, un contribuable investissant en outre-mer bénéficiera de près de 72 % du total de la réduction d’impôt qu’il peut obtenir en louant son bien pendant douze années (soit 23 % sur 32 %) alors qu’en métropole, le même contribuable ne disposera au bout de six ans que de 57 % de l’avantage fiscal auquel il peut prétendre en louant son bien pendant douze années (soit 12 % sur 21 %).

Le tableau ci-dessous retrace les différentes configurations possibles, en termes d’engagement initial et de prorogation et en termes de taux de réduction d’impôt :

Durée d’engagement

Taux de la réduction d’impôt au titre de l’engagement initial

Possibilité de prolonger l’engagement de location en bénéficiant d’un avantage fiscal supplémentaire

Taux de la réduction d’impôt en cas de prolongement de la location

Taux maximal de la réduction d’impôt

Engagement initial de 9 ans

18 %, soit 2 % par an

3 ans supplémentaires, non renouvelables, soit 12 ans au total (9+3)

3 % pour les trois années supplémentaires

21 % (18+3), soit 2 % par an pendant 9 ans et 1 % par an pendant 3 ans

Engagement initial de 6 ans

12 %, soit 2 % par an

3 ans supplémentaires, renouvelables une fois, soit 12 ans au total (6+3+3)

6 % pour les trois premières années supplémentaires, et 3 % pour les trois années suivantes

21 % (12+6+3), soit 2 % par an pendant 9 ans et 1 % par an pendant trois ans

Outre-mer : engagement initial de 9 ans

29 %, soit 3,22 % par an

3 ans supplémentaires, non renouvelables, soit 12 ans au total (9+3)

3 % pour les trois années supplémentaires

32 % (29+3), soit 3,22 % par an pendant neuf ans et 1 % par an pendant trois ans

Outre-mer : engagement initial de 6 ans

23 %, soit 3,83 % par an

3 ans supplémentaires, renouvelables une fois, soit 12 ans au total (6+3+3)

6 % pour les trois premières années supplémentaires, et 3 % pour les trois années suivantes

32 % (23+6+3), soit 3,93 % par an pendant six ans, 2 % par an pendant trois ans et 1 % par an pendant trois ans

Aux termes du A du II, ces aménagements doivent s’appliquer aux acquisitions, constructions et souscriptions réalisées à compter du 1er septembre 2014. Ils renouent avec des dispositions de précédents dispositifs fiscaux ; ainsi, plusieurs d’entre eux, comme le « Scellier intermédiaire », le « Robien classique » et le « Besson », offraient la possibilité de proroger l’engagement de location au-delà de neuf années, par période triennale (jusqu’à deux fois), en contrepartie d’un avantage fiscal supplémentaire. La possibilité de s’engager pour une location limitée à six années s’avère en revanche plus novatrice – même si elle était prévue dans le cadre du « Besson ancien », par exemple – et elle apparaît particulièrement attractive pour les SCPI, qui disposeraient ainsi de davantage de souplesse dans la sortie des fonds collectés.

Le b) du du I vise à lever l’interdiction qui s’applique au contribuable de louer le bien ouvrant droit à avantage fiscal à un ascendant ou un descendant. Il vient également permettre aux associés d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés (autre qu’une SCPI) détenant la propriété du logement de louer ce dernier à un ascendant ou un descendant. Le B du II prévoit que la possibilité ainsi ouverte ne s’applique qu’aux investissements réalisés à compter du 1er janvier 2015.

En effet, le fait de ne pas pouvoir disposer du logement, objet de l’investissement, pour le louer à ses enfants, à ses petits-enfants ou à ses parents, peut détourner certains investisseurs, par exemple des parents ayant des enfants bientôt en âge de faire des études, et limiter ainsi l’attractivité du dispositif.

Cette possibilité était d’ailleurs ouverte dans plusieurs dispositifs fiscaux précédents, là encore : le « Scellier classique » ainsi que le « Robien » autorisaient la location du bien à un ascendant ou un ascendant, à la différence des dispositifs « Scellier intermédiaire », « Borloo neuf » et « Besson ». Il convient d’ailleurs de préciser que pour le « Scellier intermédiaire », il est prévu qu’à l’issue d’une période de location d’au moins trois ans, le bailleur peut suspendre son engagement de location pour mettre le logement à la disposition, à titre onéreux ou gratuit, d’un ascendant ou d’un descendant. La mise à disposition au profit d’un ascendant ou descendant a pour effet de suspendre le régime de faveur ; pendant cette période, les avantages fiscaux associés au dispositif (réduction d’impôt et déduction spécifique) ne sont pas applicables ; de plus, cette période de mise à disposition n’est pas prise en compte pour la durée de location minimale de neuf ans. Des dispositions similaires étaient prévues dans le cadre du « Borloo neuf » et du « Besson », offrant de ce fait une certaine souplesse au contribuable.

En tout état de cause, l’interdiction de conclure la location avec un membre du foyer fiscal – ou, lorsque le logement est la propriété d’une société non soumise à l’impôt sur les sociétés (autre qu’une SCPI), avec l’un des associés ou un membre de son foyer fiscal – est maintenue.

À cet égard, il convient de rappeler que sont considérées comme membres du foyer fiscal :

– les personnes à charge, au sens des articles 196 et 196 A bis du code général des impôts ;

– les personnes rattachées, au sens du 3 de l’article 6 du code général des impôts, quel que soit l’avantage procuré par ce rattachement (majoration du nombre de parts ou abattements) (65).

Dès lors, sont membres du foyer fiscal d’un contribuable et, à ce titre, ne peuvent être locataires de ce même contribuable pour l’application de la réduction d’impôt « Pinel » :

– les enfants mineurs ou infirmes, à charge du contribuable ;

– les enfants, quelle que soit leur situation de famille, âgés de moins de vingt et un ans ou de moins de vingt-cinq ans lorsqu’ils justifient de la poursuite de leurs études, effectuant leur service national, ou infirme quel que soit leur âge, ayant demandé leur rattachement au foyer fiscal du contribuable (66).

En d’autres termes, un contribuable ne peut à la fois bénéficier d’une demi-part de quotient familial au titre d’un enfant étudiant de moins de vingt-cinq ans rattaché à son foyer fiscal, et louer un bien ouvrant droit à réduction d’impôt à ce même enfant.

En revanche, le bénéfice pour un contribuable célibataire, divorcé ou veuf vivant seul, d’une demi-part du quotient familial au titre d’un enfant faisant l’objet d’une imposition distincte dont ce contribuable a supporté la charge pendant au moins cinq années au cours desquelles il vivait seul (67) ne le prive pas du bénéfice de la réduction d’impôt « Pinel » en cas de location du logement à cet enfant majeur, puisque celui-ci est, par hypothèse, non membre du foyer fiscal du contribuable.

Il convient enfin de signaler qu’en application de l’article L. 351-2-1 du code de la construction et de l’habitation, un locataire ne peut prétendre au bénéfice de l’aide personnalisée au logement (APL) si son logement lui est loué par un ascendant ou un descendant, ou par un ascendant ou descendant de son conjoint ou concubin. De ce fait, un cumul de l’APL pour un enfant étudiant et de l’avantage fiscal pour ses parents lui louant le logement est bien évidemment exclu.

L’avantage fiscal « Duflot » bénéficie aussi bien aux personnes physiques achetant un logement directement – ou par l’intermédiaire d’une société de personnes non soumise à l’impôt sur les sociétés – qu’aux personnes qui souscrivent des parts de SCPI, à la condition toutefois que 95 % du montant de la souscription serve à financer une acquisition répondant aux conditions du « Duflot ».

Une SCPI a pour objet de gérer exclusivement un patrimoine immobilier locatif, et distribue à ses associés des revenus fonciers. Selon les données présentées par l’Association française des sociétés de placement immobilier (ASPIM), 161 SCPI disposaient au 30 juin 2014 d’une capitalisation de 31,34 milliards d’euros, pour une collecte nette au cours des six derniers mois de 1,262 milliard d’euros. Les « SCPI fiscales », c’est-à-dire celles dédiées à l’investissement neuf ou ancien rénové ouvrant droit à avantage fiscal, (SCPI « Malraux », « Duflot », et, en stock, SCPI « Robien », « Scellier »…), ne représentent qu’une part limitée de cet ensemble, soit 3,25 milliards d’euros de capitalisation et seulement 21,6 millions de collecte nette – la plus grande part des placements étant réalisée en bureaux (21,2 milliards d’euros de capitalisation) et en commerces (4,4 milliards d’euros).

Pour l’heure, la capitalisation des 3 SCPI « Duflot » s’avère relativement limitée : au 30 juin 2014, elle était de 57,8 millions d’euros (68) – à comparer à 1 877 millions pour les 25 SCPI « Scellier » et 603 millions d’euros pour les 16 SCPI « Robien ».

Afin de favoriser le développement de ces SCPI, en les rendant plus attractives, le a) du du I vise à augmenter la base de la réduction d’impôt pour les investissements répondant aux critères du « Pinel » et réalisés via des souscriptions dans des SCPI.

À ce jour, la réduction d’impôt de 18 %, prévue par le E du VIII de l’article 199 novovicies, est calculée sur 95 % du montant de la souscription, ce qui ramène in fine le taux de la réduction d’impôt dont bénéfice le contribuable à 17,1 % du montant de l’investissement (69). Le présent article vise à ce que la réduction d’impôt soit désormais calculée sur 100 % du montant de la souscription, afin de permettre aux contribuables de bénéficier de la réduction d’impôt aux taux de 12 %, 18 % et 21 %, selon les durées d’engagement, comme les investisseurs achetant directement un bien.

Le A du II dispose que la modification du mode de calcul de la réduction d’impôt pour les investissements en SCPI est applicable à compter du 1er septembre 2014. Néanmoins, le B du II prévoit que les différents aménagements introduits par le présent article ne s’appliquent pas aux souscriptions dans des SCPI dont la date de clôture serait antérieure au 1er septembre 2014, afin d’éviter toute application rétroactive des adaptations ainsi apportées.

Il convient enfin de noter que l’exclusion des collectivités d’outre-mer du champ de la réforme prévue au III de cet article vise à laisser le temps à ces collectivités de se prononcer sur l’intérêt pour elles de bénéficier, pour les investissements réalisés sur leur territoire, des nouvelles modalités d’application de la réduction d’impôt. Elle ne constitue nullement une exclusion de principe et a vocation à être levée.

Selon l’évaluation préalable du présent article, la mise en place du dispositif « Pinel » devrait permettre d’augmenter le nombre d’investissements locatifs neufs ouvrant droit à l’avantage fiscal, pour le porter à 40 000 dès 2014
– du fait de l’entrée en vigueur de deux des trois aménagements proposés dès le 1er septembre 2014 – et à 50 000 en 2015 et 2016.

Sur la base de diverses hypothèses, en termes de choix de durée d’engagement et de prorogation, ainsi que de prix moyen des logements (70), le coût budgétaire de la réforme proposée serait négligeable pour l’année 2015, et il atteindrait 7 millions d’euros en 2016 et 33 millions d’euros en 2017.

Le coût d’une génération de logements du nouveau dispositif est évalué à 1 700 millions d’euros en 2015 et 1 750 millions d’euros en 2016. Par ailleurs, le coût de la mesure relative à la réduction d’impôt pour l’acquisition de parts de SCPI est estimé à 0,2 % de la dépense fiscale, soit 3 millions d’euros par génération d’investissement en année entière – en se fondant sur l’hypothèse selon laquelle l’acquisition de parts de SCPI représente environ 4 % du montant total des investissements locatifs ouvrant droit à réduction d’impôt.

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La Commission examine l’amendement I-CF 25 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Chacun a bien compris que la construction de logements est à l’arrêt dans les zones denses comme dans certaines zones rurales. Je souhaiterais que ces secteurs cessent d’être oubliés. Actuellement, il y a peu d’accession à la propriété, peu de constructions HLM et pas de construction de logements d’initiative privée à des fins locatives. Il semble que le Gouvernement s’en soit rendu compte, puisqu’il est revenu sur la funeste loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), et c’est une bonne chose. Mais il faut aller au bout de la logique en relançant la construction.

M. Christophe Caresche. Le Gouvernement propose de réserver le dispositif « Pinel » aux zones les plus tendues et de stimuler, grâce à un article dont nous discuterons dans la seconde partie du PLF, le prêt à taux zéro (PTZ) dans les zones qui ne le sont pas. Le PTZ permet de favoriser l’accession à la propriété en zone C, mais son avantage devient moindre dans les zones tendues, où le Gouvernement mise sur l’investissement locatif intermédiaire. Il y a donc une approche territoriale cohérente à travers ces deux dispositifs.

Mme la Rapporteure générale. Je suis défavorable à cet amendement. Il faut regarder la politique du logement dans son ensemble. Le Gouvernement propose d’avantager le logement locatif dans les zones tendues – c’est l’objet du redécoupage des zones qui a été proposé en août dernier – et de favoriser la construction dans les zones moins tendues en accroissant le nombre de bénéficiaires du PTZ.

M. Charles de Courson. Les dispositions de l’article 5 ne s’appliquent pas aux collectivités d’outre-mer (COM) ni en Nouvelle-Calédonie, ce que je ne comprends pas.

Mme la Rapporteure générale. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux COM ni en Nouvelle-Calédonie, car des consultations de ces communautés sont en cours.

M. Marc Le Fur. Le PTZ est un très bon dispositif, mais son avantage relatif est très faible en raison des taux d’intérêt très bas. Je comprends bien qu’il faille favoriser l’accession à la propriété dans les zones où elle est accessible pour les personnes relativement modestes, mais il ne faut pas négliger l’investissement locatif qui a toujours existé également dans ces zones, mais qui est aujourd’hui inexistant. Actuellement, ces personnes sont obligées d’investir dans les villes.

M. Christophe Caresche. Les dérives sur le dispositif « Scellier » sont connues !

M. le président Gilles Carrez. De même que celles des dispositifs « Robien » ou « Borloo » ! Il faut tirer les conséquences de ces dérives partout en France. M. Pierre Méhaignerie m’a dit récemment qu’il existe une pression à Vitré pour construire des logements, le taux de chômage n’étant que de 5 %. Mais comme ce n’est pas possible, ils sont construits à Rennes. On pourrait peut-être traiter à la marge ce genre de problème par dérogation préfectorale, mais les préfets font l’objet de telles pressions que cette solution n’est pas toujours satisfaisante.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 276 de la Rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Cet amendement est une réponse à l’amendement I-CF 160 de M. Lurel. Ce dernier souligne, dans l’exposé sommaire de son amendement, que le plafond de la réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire pour les investissements réalisés outre-mer est dépassé de 11 500 euros lorsque l’engagement de location est de six ans, soit un montant supérieur au plafond global de 10 000 euros défini par l’article 200-0 A d code général des impôts. Mon amendement vise à modifier les taux, ce qui aboutit au même avantage fiscal, mais réparti différemment, que le contribuable se soit engagé initialement pour six ans ou pour neuf ans, tout en entrant dans le plafond des 10 000 euros annuels.

La Commission adopte l’amendement (amendement I-236).

Elle adopte ensuite l’article 5 modifié.

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Après l’article 5

La commission examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF 12 de M. Marc Le Fur et I-CF 135 de M. Charles de Courson, ainsi que l’amendement I-CF 137 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. Lorsque le Gouvernement a supprimé l’exonération d’impôt sur le revenu applicable aux majorations de pension, nous avons expliqué que cette mesure injuste était un mauvais coup porté aux familles, et en particulier aux classes moyennes. En effet, si vous bénéficiez d’une majoration de retraite, c’est parce que vous avez élevé des enfants, ce qui a entraîné des dépenses plus importantes que si vous n’en aviez pas eu. À cette mesure, il faut ajouter le décalage de dix-huit mois de la revalorisation des retraites.

Au total, ces dispositions ont concerné 3,8 millions de foyers fiscaux et ont majoré l’impôt sur le revenu de 300 à 350 euros. C’est pourquoi le Gouvernement doit mettre en place des mesures visant à corriger son erreur. Mais, comme nous estimons que ces mesures ne régleront pas tous les problèmes, nous proposons de revenir au dispositif antérieur, c’est-à-dire de rétablir l’exonération d’impôt sur le revenu pour les majorations de pension pour charges de famille.

M. Marc Le Fur. Mon amendement revêt une importance d’autant plus singulière que le Conseil d’analyse économique, qui est le bureau d’études du Gouvernement, vient de formuler deux propositions extrêmement redoutables. D’une part, il propose de supprimer la majoration de pension de 10 % accordée aux femmes et aux hommes ayant élevé au moins trois enfants, d’autre part d’imposer non plus par foyer fiscal, mais par individu, c’est-à-dire en quelque sorte d’adopter le système anglo-saxon. Ces propositions vont extrêmement loin puisqu’elles remettent en cause tout le dispositif fiscal institué en 1945. J’aimerais que le Gouvernement démente ces propositions.

M. le président Gilles Carrez. Nous poserons la question au ministre en séance publique.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Avis défavorable à ces amendements. Le tableau retraçant la ventilation du rendement et du nombre de foyers concernés par cette mesure par décile de revenu déclaré par unité de consommation montre que la mesure est concentrée sur les déciles les plus élevés.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette mesure est relativement récente, puisqu’elle a été adoptée dans le cadre de la loi de finances initiale de 2014. Or nous avons déjà tous pu en mesurer l’impact sur les foyers concernés – près de 4 millions. Le nombre de personnes qui n’étaient pas imposables et qui le sont devenues après l’adoption de cette mesure est assez impressionnant. Le Gouvernement en a pris conscience et prévoit un allégement. Il est obligé de sortir les plus bas revenus de l’impôt sur le revenu et d’augmenter la décote. C’est assez illisible, incompréhensible. Il eût été beaucoup plus simple de revenir sur cette disposition parce que les dépenses liées à la mise en œuvre des mesures proposées par le Gouvernement sont assez inquiétantes.

M. le président Gilles Carrez. Ces amendements ont déjà été présentés dans le cadre de l’examen de la loi de finances initiale pour 2014 puis de la loi de finances rectificative en juillet dernier.

M. Charles de Courson. Le document dont a fait état Mme la Rapporteure générale montre que l’incidence de cette fiscalisation des majorations de pension n’est pas du tout proportionnelle au revenu. Elle baisse même entre les déciles 5 et 6. Plus vous avez d’enfants, moins vous avez de droits propres, parce que vous avez consacré une partie de votre vie à les élever. La fiscalisation de la majoration de pension pour charge de famille est donc profondément antisociale. Cette majoration de pension est un substitut très partiel de la perte de droits à la retraite des femmes, alors que l’on nous a fait croire que cette mesure ne bénéficiait qu’aux plus aisés. Or le tableau permet de constater que le dixième décile voit son impôt augmenter de 835 euros mais que les autres déciles sont aussi concernés. Voilà pourquoi l’amendement I-CF 137 prévoit d’affranchir de l’impôt les majorations de pension pour charges de famille, dans la limite de 1 000 euros.

M. Olivier Carré. Si j’ai bien compris, les 580 millions d’euros inscrits au dixième décile représentent 40 % du rendement budgétaire de la mesure, alors que ce décile doit concentrer environ les deux tiers de l’impôt sur le revenu.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF 10 de M. Marc Le Fur, I-CF 106 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF 143 de M. Charles de Courson, et l’amendement I-CF 127 de M. Charles de Courson.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous connaissons maintenant l’impact catastrophique, en année pleine, de la fiscalisation des heures supplémentaires. L’année dernière, certains députés de la majorité considéraient que faire des heures supplémentaires était un choix et que cela revenait à prendre le travail d’un autre employé. En réalité, dans l’industrie, les salariés des entreprises de mon territoire travaillent en temps posté : de quatre heures à midi, de midi à vingt heures, ou de vingt heures à quatre heures du matin. Comment expliquer à un salarié qui travaille quarante heures en temps posté qu’il prend le travail de quelqu’un d’autre ? Comment peut-il négocier son contrat de travail ? Dans ce cas, ce sont des heures supplémentaires subies. Je peux vous assurer que l’effet de la fiscalisation des heures supplémentaires est réel sur les ménages dont chacun des membres travaille au SMIC. Voilà pourquoi nous vous proposons de défiscaliser les heures supplémentaires.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas la première fois que nous déposons cet amendement, qui est d’autant plus d’actualité que le monde ouvrier subit les effets de la fiscalisation des heures supplémentaires sur les revenus de 2013, pour lesquels l’impôt est payé en 2014. Il se trouve que j’ai été convié récemment à une cérémonie de remise de médaille du travail dans une grande entreprise du secteur agroalimentaire. Vous n’imaginez pas le nombre de salariés qui sont venus me voir pour m’expliquer la perte de revenus qu’ils ont subie.

Je souhaiterais qu’on en revienne aux dispositions antérieures, d’autant que certains députés, dont nos collègues Pierre-Alain Muet et M. Dominique Lefebvre, nous expliquaient que la fiscalisation des heures supplémentaires allait entraîner des recrutements massifs, ce qui n’a pas été le cas.

M. Philippe Vigier. Durant l’été 2012, on nous a dit que la suppression de la « défiscalisation » des heures supplémentaires allait déboucher sur des créations d’emplois. Or on sait maintenant ce qu’il en est : la Cour des comptes a montré que l’effet attendu sur les créations d’emplois n’était pas au rendez-vous.

Certains considèrent, à tort, que la défiscalisation des heures supplémentaires crée un appel d’air et une augmentation du nombre des heures supplémentaires. En faisant voter, au mois de juillet 2012, la fiscalisation des heures supplémentaires, le Gouvernement a commis une erreur stratégique qui entache d’ailleurs durablement le pouvoir d’achat des Français. Nous vous demandons donc de revenir sur cette erreur qui sera, à coup sûr, l’une des plus graves de ce quinquennat.

M. Jérôme Chartier. Je soutiens ces amendements de bon sens qui n’ont pas vocation à se substituer à l’indispensable réflexion sur l’augmentation du temps de travail et le retour aux trente-neuf heures hebdomadaires.

Les heures supplémentaires doivent contribuer à améliorer le pouvoir d’achat des salariés. L’exonération pour les employeurs constitue une incitation à y recourir.

M. Michel Vergnier. Ce débat, ô combien politique, devrait se dérouler dans l’hémicycle.

Je rappelle à l’ancienne majorité qu’elle n’a pas fait preuve des mêmes scrupules sur la « fiscalisation » des indemnités pour les accidents du travail – je regrette d’ailleurs que nous ne l’ayons pas annulée. J’invite donc l’opposition à la cohérence.

M. Christophe Castaner. Je suggère de sous-amender le traditionnel amendement de l’opposition pour tenir compte de ses propositions en matière de temps de travail.

En proposant un retour de la durée légale de travail à quarante heures, vous privez les salariés de la rémunération d’heures supplémentaires entre trente-cinq et quarante heures. Vous demandez à l’État de financer à hauteur de 4,5 milliards d’euros la défiscalisation des heures supplémentaires, mais vous refusez aux salariés l’avantage que représentent ces dernières.

M. Éric Alauzet. L’annulation de la défiscalisation des heures supplémentaires a mécontenté et pénalisé les ménages, c’est incontestable. Vous trouvez là un argument électoral auprès de ceux qui ont subi une perte de pouvoir d’achat, notamment les plus modestes. Mais quelle inconséquence de la part de l’opposition ! Vous proposez des plans d’économies allant de 80 à 130 milliards d’euros pour rembourser la dette, mais vous soutenez une mesure qui coûte 4,5 milliards d’euros.

En outre, pourquoi les salariés faisant des heures supplémentaires bénéficieraient-ils d’une faveur fiscale à laquelle les salariés à temps partiel contraint ne peuvent pas prétendre ? Pourquoi rémunérer plus favorablement les dernières heures travaillées que les premières heures ?

M. Pierre-Alain Muet. Dans une situation économique normale, le bon équilibre économique consiste, pour une entreprise, à payer au salarié des heures supplémentaires qui sont moins coûteuses pour elle et plus rémunératrices pour lui. Dans une période de chômage, on peut s’interroger, à l’instar de M. Alauzet, sur le fait de préférer les heures supplémentaires aux premières heures de travail, qui sont pourtant plus importantes pour la société. Il serait plus logique de subventionner les premières heures et de mettre l’accent sur l’embauche.

Si la question des heures supplémentaires peut légitimement se poser en situation de plein-emploi, elle est absurde aujourd’hui d’un point de vue économique.

M. Dominique Lefebvre. Nous avons examiné, en deux heures et demie, 25 des quelque 180 amendements déposés. Je ne perçois pas la plus-value que représente, en commission, la discussion d’amendements sur des sujets déjà maintes fois débattus. Je vous suggère de réserver vos déclarations de principe pour la séance. Nuire ainsi au sérieux des travaux de la Commission est particulièrement détestable.

M. Jérôme Chartier. Cette inversion des rôles prête à sourire…

À l’attention de M. Vergnier, je rappelle que sa majorité a décidé de fiscaliser la part patronale des régimes complémentaires « santé ».

L’augmentation du temps de travail est souhaitable, mais elle n’est pas encore d’actualité. L’amendement tient donc compte de la durée du travail actuelle. Lorsque celle-ci sera de nouveau de trente-neuf heures, les heures supplémentaires qui seront défiscalisées se déclencheront à partir du nouveau seuil.

M. Philippe Vigier. Je me permets de rappeler que les conditions de travail de la Commission sont la conséquence de la présentation tardive par le Gouvernement du projet de loi. La Rapporteure générale elle-même a souligné la difficulté de l’exercice.

Contrairement à ce que vous laissez croire, nous ne prévoyons pas de payer trente-neuf heures au prix de trente-cinq ni de faire 100 milliards d’euros d’économies, mais 40.

Mme la Rapporteure générale. Je ne tiens pas à relancer le débat. Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF 13 de M. Marc Le Fur et I-CF 138 de M. Charles de Courson.

M. Marc Le Fur. Cet amendement entend revenir sur la funeste disposition que vous avez adoptée sur les mutuelles.

M. Charles de Courson. Que nous apprennent les documents diffusés par la Rapporteure générale sur les effets de la fiscalisation de la part employeur de la complémentaire « santé » ? Une fois de plus, et contrairement à ce qu’avaient affirmé la majorité et le Gouvernement, la mesure touche essentiellement les classes moyennes. L’impact social de la mesure, par ailleurs déresponsabilisante, est catastrophique.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette les amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement I-CF 47 de M. Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement reprend l’une des recommandations du rapport de la Cour des comptes sur les organismes de gestion agréés. Il vise à aligner la situation des adhérents à un centre de gestion agréé et celle des non-adhérents en matière de déductibilité du salaire du conjoint de l’exploitant.

Mme la Rapporteure générale. J’approuve cet amendement, mais son insertion dans la première partie lui confère un caractère rétroactif. Il n’est pas question de revenir sur le principal avantage de l’adhésion à un centre de gestion agréé – l’imposition des bénéfices sur une base 100 au lieu de 125. Je vous suggère de retirer cet amendement et de le redéposer dans la seconde partie du projet de loi de finances. Il recevra alors un avis favorable de ma part.

M. le président Gilles Carrez. Je suis d’accord et retire l’amendement.

M. Charles de Courson. Je mets en garde contre cet amendement qui pourrait inciter les entreprises à se retirer des centres de gestion agréés au détriment des rentrées fiscales. On sait que les redressements fiscaux sont plus importants chez les non-adhérents que chez les adhérents.

M. le président Gilles Carrez. La Rapporteure générale a rappelé que la principale incitation que constitue l’imposition sur une base 100 n’est pas remise en cause. Le rapport de la Cour des comptes montre que les autres avantages accordés – déplafonnement de la déductibilité du salaire du conjoint, réduction d’impôt pour frais de comptabilité et d’adhésion et réduction à deux ans du délai de reprise – sont redondants avec l’avantage principal.

M. Charles de Courson. Je regrette que le rapport de la Cour des comptes n’ait pas fondé ses recommandations sur une étude des écarts entre les taux de redressement pour les personnes adhérentes et celles qui ne le sont pas.

Mme Véronique Louwagie. La majoration de 25 % des revenus imposés en cas de non-adhésion constitue un élément très dissuasif. Quant au plafonnement de la déductibilité du salaire du conjoint, il favorise le travail au noir en incitant à déclarer une rémunération correspondant au plafond alors que la rémunération réelle est supérieure.

M. le président Gilles Carrez. Je souscris aux propos de la Rapporteure générale. La mesure ne doit s’appliquer qu’à compter du 1er janvier 2015.

M. Jérôme Chartier. L’ensemble des réductions d’impôt supprimées représente des économies importantes pour le budget de l’État. Cet amendement fait œuvre utile de réduction des dépenses fiscales.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 62 de M. Olivier Dassault.

Mme Arlette Grosskost. Il s’agit du premier de trois amendements de M. Dassault que j’ai cosignés afin de flécher l’épargne française, dont le taux avoisine les 16 %, vers les entreprises, particulièrement les PME.

Cet amendement propose de clarifier la situation des business angels qui prennent des risques en leur permettant de déduire les pertes résultant de leurs investissements de leur revenu global, pas seulement des bénéfices industriels et commerciaux.

Mme la Rapporteure générale. Avis très défavorable. Avec cet amendement, l’investissement est réputé être une activité professionnelle alors qu’il existe déjà des dispositifs pour l’investissement. En outre, cela revient à subventionner les pertes.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 238 de Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Je souhaite au travers de cet amendement, dont je reconnais les imperfections juridiques, attirer l’attention sur les cas, peu nombreux, de personnes imposables en situation de surendettement.

En effet, le code général des impôts ne tient pas compte, dans le revenu imposable, des mesures de remboursement de créances décidées dans le cadre du plan de redressement, autrement dit du revenu disponible. Je ne plaide pas pour une exonération, mais pour un étalement de la créance fiscale.

Mme la Rapporteure générale. Je comprends la finalité de votre amendement. Vous proposez de déduire du revenu imposable les versements réalisés au titre du plan de redressement, mais la commission de surendettement, lorsqu’elle établit le budget « vie courante », tient compte de l’impôt acquitté par les ménages. Il serait utile de recouper les deux dispositifs pour vérifier que votre préoccupation n’est pas doublement prise en compte. J’émets un avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je suis très hostile à cet amendement qui transforme l’impôt sur le revenu en impôt sur la trésorerie disponible. Or il existe des cas dans lesquels une personne peut s’être endettée sans être pour autant en situation de surendettement.

Mme Rabin souhaite que les ménages surendettés puissent obtenir un étalement de leur dette fiscale. Mais des dispositifs en ce sens sont déjà prévus. Il est sans doute possible d’aller plus loin – l’étalement est aujourd’hui limité à dix-huit mois –, mais cela ne relève probablement pas du domaine de la loi.

Mme Véronique Louwagie. L’intention est louable, mais je suis également opposée à cet amendement, car les entreprises pourraient réclamer un dispositif similaire.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 166 de M. Jérôme Lambert.

M. Thierry Robert. Cet amendement a pour but d’alléger l’impôt des contribuables vivant seuls ou divorcés et supportant à titre exclusif ou principal la charge d’au moins un enfant. Il propose d’ajouter une demi-part supplémentaire, en sus de la demi-part accordée d’ores et déjà aux parents isolés ayant la charge exclusive ou principale des enfants. Cette mesure permettrait de soulager des foyers dont le fort taux de pauvreté est avéré.

L’amendement prévoit donc qu’un parent isolé élevant deux enfants puisse bénéficier de trois parts au lieu de deux et demi dans le droit actuel, tandis qu’un parent veuf élevant également deux enfants bénéficie d’ores et déjà de trois parts. Il contribuerait à réduire la différence de traitement qui existe, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

Mme la Rapporteure générale. Vous proposez d’ajouter une demi-part à la demi-part supplémentaire dont bénéficie le contribuable parent isolé. Avec le barème actuel, une personne seule avec un enfant entre dans l’impôt avec un revenu de 21 000 euros. Après la réforme prévue dans l’article 2 du projet de loi de finances, le seuil sera de 26 279 euros. Avec votre amendement, l’entrée dans l’impôt correspondrait à un revenu de 31 662 euros. Votre proposition ne me paraît pas soutenable sur le plan budgétaire, alors que des efforts importants sont déjà consentis dans le projet de loi.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement I-CF 14 de M. Marc Le Fur. 

M. Marc Le Fur. Cet amendement vise à revenir sur l’extinction de la demi-part attribuée aux veufs et veuves.

Mme la Rapporteure générale. Je répète ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire en juillet dernier à M. Le Fur : cet amendement est contraire à la Constitution. Votre argumentation fondée sur la distinction entre célibataires ou divorcés, d’une part, et veufs, d’autre part – ces derniers, contrairement aux premiers, n’ayant pas choisi d’être seuls – n’est pas conforme au principe d’égalité, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement I-CF 46 de M. le président Gilles Carrez est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 233 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Cet amendement étend la réduction d’impôt attribuée au titre des souscriptions au capital de sociétés aux investissements dans des sociétés de production d’électricité photovoltaïque. La production d’énergies renouvelables est exclue du bénéfice de ce dispositif au motif que les entreprises profitent déjà du tarif de rachat préférentiel de l’énergie. Au nom de l’équité, l’amendement prévoit que l’investissement dans des sociétés qui ne bénéficient pas du tarif d’achat ouvre droit à une réduction d’impôt.

Mme la Rapporteure générale. Je rappelle que la contribution au service public de l’électricité (CSPE) représente une dépense de 6,2 milliards d’euros au titre de l’année 2014 dont 35 % bénéficient au photovoltaïque. Je propose d’en rester là.

M. le président Gilles Carrez. Cette somme colossale est une dette de l’État complètement masquée.

Mme Eva Sas. J’entends l’argument de la Rapporteure générale, mais cet amendement s’adresse précisément aux sociétés qui ne bénéficient pas du tarif de rachat.

Mme la Rapporteure générale. Je suis prête à analyser la situation de l’ensemble des acteurs.

M. Charles de Courson. Pourquoi votre amendement est-il limité à l’énergie solaire alors que le problème que vous soulevez se pose aussi pour l’éolien ou la méthanisation ?

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements identiques I-CF 18 de M. Marc Le Fur et I-CF 104 de Mme Marie-Christine Dalloz, et l’amendement I-CF 230 de Mme Eva Sas.

M. Marc Le Fur. Pour enrayer la baisse très sensible de l’emploi à domicile à laquelle nous assistons, M. Christian Eckert avait évoqué la piste consistant à porter la réduction forfaitaire de cotisation par heure travaillée, qu’il avait introduite en tant que rapporteur général, de 0,75 à 1,50 euro. Or le projet de loi de finances ne porte pas trace d’une telle mesure. Les représentants des employeurs à domicile sont très inquiets.

Mon amendement propose une solution qui n’est peut-être pas la bonne, mais il a le mérite d’interroger le Gouvernement sur ses intentions, notamment sur le devenir de l’engagement qu’avait pris le secrétaire d’État dans ses anciennes fonctions.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les majorités successives se sont employées à détruire l’emploi à domicile, alors qu’il est un facteur d’insertion pour des personnes peu qualifiées ou non qualifiées, et une source d’emplois pérennes.

La suppression de la possibilité d’opter pour une déclaration sur une base forfaitaire a eu des effets dramatiques. Elle a provoqué une chute de l’emploi à domicile déclaré et accru le recours au travail au noir avec deux conséquences : une plus grande précarité pour les salariés et une moins-value des recettes fiscales et sociales.

Nous avons besoin d’un regard objectif sur ce sujet. Le passage à 1,50 euro de la réduction de cotisation constituerait une incitation à récréer de l’emploi à domicile déclaré.

Mme la Rapporteure générale. En effet, un célibataire qui travaille, ou un couple où les deux conjoints travaillent, a droit à un crédit d’impôt, plus avantageux que la réduction d’impôt dont bénéficie un retraité ou un couple non-actif. Nous en avons discuté en juin, et j’entends bien le problème.

Selon le rapport de la Cour des comptes sur les services à la personne, publié en juillet dernier, 3,9 millions de foyers fiscaux emploient des salariés à domicile, dont 40 % bénéficient du crédit d’impôt, 38 % de la réduction d’impôt et 22 % ne disposent d’aucun avantage fiscal.

Les amendements en discussion représentent un surcoût budgétaire très important. Mieux vaudrait sans doute privilégier l’option consistant à porter à 1,50 euro la réduction forfaitaire de cotisation par heure travaillée, fixée à 0,75 euro fin 2012.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous parlez de surcoût, madame la Rapporteure générale, mais, aujourd’hui, c’est l’État qui paie le prix fort dans le budget, puisque les pertes d’emplois à domicile, ce sont autant de recettes fiscales en moins.

Quant au 1,50 euro, il ne représente qu’un coût brut, dont il faut déduire les impôts payés par les employés à domicile pour obtenir le coût net. De ce point de vue, nous ne serions pas perdants.

Mme Eva Sas. J’aimerais introduire un peu d’humanité dans ce débat, en vous expliquant pourquoi j’ai déposé l’amendement I-CF 230. Un jour, un homme a téléphoné à ma permanence et m’a demandé de venir le voir chez lui : il ne pouvait pas laisser seule à la maison sa femme, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Lorsque je suis arrivée, il m’a fait part de sa tristesse : il venait de découvrir que, comme retraité, il n’aurait pas droit au crédit d’impôt au titre de l’emploi d’une salariée à domicile qu’il venait d’embaucher pour prendre soin de sa femme. Certes, il existe des aides spécifiques pour les proches et aidants de personnes dépendantes. Mais pourquoi cet homme en très grande difficulté n’aurait-il pas droit à un crédit d’impôt au même titre qu’un salarié ? À cette question, je n’ai su que lui répondre, sinon que j’allais déposer un amendement.

M. le président Gilles Carrez. M. Le Fur, qui fait preuve de la même humanité que vous, dépose le sien depuis plusieurs années. Le rapporteur général – inhumain par fonction ! – n’a cessé de lui répondre que cela coûterait 2 milliards d’euros et que nous n’en avions pas les moyens.

Mme la Rapporteure générale. J’ajoute, madame Sas, que ce monsieur bénéficie d’un abattement sur son revenu imposable s’il a plus de soixante-cinq ans et, s’il a plus de soixante-dix ans, d’une exonération totale des cotisations sociales patronales en tant que particulier employeur. Avis défavorable.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 63 de M. Olivier Dassault.

Mme Arlette Grosskost. À l’heure du crowdfunding, il faut orienter l’épargne de nos concitoyens vers le haut de bilan de nos PME, surtout les plus petites, qui manquent toujours de trésorerie. Nous proposons donc de relever de 10 000 à 25 000 euros le plafonnement des avantages à l’impôt sur le revenu à caractère incitatif ou liés à un investissement.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. L’impôt moyen sur le revenu acquitté par les Français est d’environ 2 000 euros. Relever le plafond des avantages fiscaux à 25 000 euros, auxquels s’ajoutent 10 % du revenu imposable, est tout à fait excessif.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF 133 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. On a ramené à 10 000 euros le plafonnement global des avantages fiscaux. Mais l’emploi à domicile, qui concerne au moins 4,5 millions de familles, a besoin d’être encouragé, car il est en baisse. Nous proposons donc d’exclure cet avantage du plafonnement global, comme on l’a fait pour d’autres, moins utiles à l’emploi.

M. le président Gilles Carrez. Vous songez aux parts des sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (SOFICA), mais l’avantage est moins coûteux : il est réservé aux happy few

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

M. Marc Goua. Je m’étonne que M. de Courson, chantre de l’abandon des niches fiscales, ait déposé cet amendement.

M. Charles de Courson. Je constate simplement que l’emploi à domicile est en repli, du fait des modifications de la fiscalité et des allégements de charges sociales – la suppression du forfait a été une catastrophe. Comme d’habitude, le mieux est l’ennemi du bien ! Cette chute drastique, dont attestent les statistiques de l’URSSAF, ne provient pas seulement d’une réduction du recours effectif à l’emploi à domicile, mais aussi de son transfert partiel vers l’emploi non déclaré. Au contraire, lorsqu’ils bénéficient d’un avantage fiscal, les employeurs ont intérêt à déclarer leur employé et la recette fiscale est préservée.

Une autre possibilité consiste à doubler la réduction forfaitaire de cotisation : c’est la proposition de notre ancien collègue Christian Eckert, proposition que je m’attendais, comme le président, à retrouver aujourd’hui.

Quelle que soit l’option que l’on choisisse, il faut faire quelque chose !

M. Christophe Castaner. Ayons l’honnêteté de rappeler que ce sont deux mesures successives qui ont fait basculer l’emploi à domicile vers le travail au noir : la suppression en 2011 de la réduction de 15 % des cotisations patronales, dont la responsabilité incombe à l’actuelle opposition ; la suppression du forfait, mesure de justice qui met fin à la possibilité de priver certains salariés des droits attachés à leur travail réel.

Vous avez raison de déplorer leurs conséquences sur l’emploi à domicile, mon cher collègue. Pour y remédier, après la censure de la disposition introduite en loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014 par le Conseil constitutionnel, j’espère que nous trouverons des solutions dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

M. le président Gilles Carrez. Assurément. La censure s’explique par des raisons purement procédurales, à savoir par la règle dite « de l’entonnoir », l’amendement n’ayant pas été examiné en première lecture. Nous le retrouverons donc en loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 64 de M. Olivier Dassault.

Mme Arlette Grosskost. Il s’agit, comme l’avait proposé M. Christian Eckert lorsqu’il était rapporteur général, de porter à 18 000 euros et 4 % du revenu imposable le plafonnement de la réduction d’impôt dite « Madelin ». Nous cherchons à créer des emplois : toute mesure qui y contribue est bonne à prendre, même si elle paraît coûteuse dans un premier temps.

Mme la Rapporteure générale. La réduction d’impôt « Madelin » a été soumise au plafonnement global de 10 000 euros, mais il est possible de reporter l’excédent de réduction d’impôt sur l’impôt sur le revenu dû au titre des cinq années suivantes. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF 134 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. En guise de variante à mon précédent amendement, je propose de rétablir le plafond de 18 000 euros pour l’avantage fiscal attaché à l’emploi à domicile, soumis au plafonnement global de 10 000 euros. Si le Gouvernement s’engage à agir dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, fort bien. En tout cas, il faut soit revenir sur la suppression du forfait – mais je doute que la majorité en soit d’accord –, soit doubler la réduction forfaitaire de cotisation, soit relever le plafond.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement.

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Après l’article 5
Augmentation du plafond du crédit d’impôt au titre des travaux de prévention des risques technologiques

Elle en vient ensuite à l’amendement I-CF 36 de M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Cet amendement déjà examiné en juin dernier suscitait l’assentiment général, mais avait dû être retiré en raison d’un problème technique. Il convenait de prévoir un même plafond à l’avantage fiscal, qu’il bénéficie à un contribuable célibataire ou en couple, mais en prévoyant aussi un plafond par habitation, pour éviter qu’un couple de concubins n’en bénéficie deux fois, une par déclaration d’impôt. J’en ai donc revu la rédaction avec mon collègue Yves Blein.

Suivant l’avis favorable de la Rapporteure générale, la Commission adopte l’amendement (amendement n° I-237).

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Article 6
Incitation à la libération du foncier constructible et à la construction de logements par l’aménagement des droits de mutation à titre gratuit

Le présent article vise à créer une incitation supplémentaire à la libération du foncier constructible par le biais d’un allégement ciblé des droits de donation.

Il vient ainsi compléter les mesures, également annoncées dans le cadre de ce plan, visant à inciter les mutations de terrains à bâtir par le biais d’un aménagement des plus-values immobilières (71). L’originalité du présent dispositif consiste à lier l’avantage fiscal non pas seulement à la transmission du bien mais également à la construction effective d’un immeuble à usage d’habitation.

Le présent dispositif prend la forme de deux abattements sur la valeur du bien soumis aux droits de donation :

– un abattement de 100 000 euros applicable aux donations entre vifs de terrains à bâtir, à condition qu’une habitation y soit construite dans un délai de quatre ans ;

– un abattement de 35 000 à 100 000 euros, suivant le lien de parenté avec le donateur, applicable aux donations entre vifs d’immeubles neufs.

En l’absence de mention spécifique, ces deux abattements sont cumulables avec les autres régimes d’exonération et d’abattement par ailleurs prévus par le code général des impôts.

Aucun impact financier n’est disponible pour cette mesure.

Le 9° de l’article 150 U du code général des impôts (72) prévoit un dispositif permettant l’exonération de plus-values immobilières liées à la cession d’un droit de surélévation, jusqu’au 31 décembre 2014.

L’enjeu de la surélévation des immeubles a été mis en lumière par le législateur qui, dans le cadre de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, a introduit une souplesse nouvelle en matière de décision d’aliéner le droit de surélever un bâtiment appartenant à une copropriété.

Jusqu’alors, la décision de surélever un bâtiment appartenant à une copropriété devait être prise à l’unanimité des copropriétaires, et à la majorité qualifiée des deux tiers des voix et de la moitié des copropriétaires, incluant l’accord des copropriétaires de l’étage supérieur, lorsque le droit de surélévation était confié à un tiers.

Une modification de ce régime de délibération a été introduite pour les bâtiments situés dans un périmètre sur lequel s’exerce le droit de préemption urbain, c’est-à-dire dans des zones caractérisées par une tension foncière. Dans ces zones, la décision d’aliéner est désormais subordonnée à un accord à la majorité des voix des copropriétaires, incluant l’accord des copropriétaires de l’étage supérieur.

Néanmoins, si les conditions de la délibération permettant de céder le droit de surélévation d’un immeuble en copropriété ont été assouplies, le régime fiscal applicable demeurait en revanche dissuasif.

En effet, en cas de cession du droit de surélévation d’un immeuble, le cédant était assujetti à l’imposition des plus-values immobilières. L’assiette de cette imposition correspondait alors à l’intégralité du prix de cession, dans la mesure où il n’existe pas de prix d’acquisition de ce droit, la taxation en résultant pouvant alors être tout à fait significative.

Si le propriétaire de l’immeuble procédait lui-même à la surélévation, puis à la vente du bien immobilier construit grâce à la surélévation, il n’acquittait pas d’imposition sur la plus-value mais est assujetti à la TVA sur la vente du bien immobilier, qui est un bien neuf.

L’article 42 de la loi du 28 décembre 2011 précitée prévoit une exonération de la cession d’un droit de surélévation effectuée entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2014 en vue de la réalisation et de l’achèvement de locaux destinés à l’habitation dans un délai de quatre ans à compter de la cession.

Cette exonération permet de n’acquitter ni prélèvement au titre de l’impôt sur le revenu ni prélèvements sociaux sur la plus-value résultant de la cession du droit de surélévation.

L’exonération de la plus-value est expressément subordonnée à la création de nouveaux logements. Il ne sera donc pas possible de prévoir la construction, sur tout ou partie des surfaces résultant de la surélévation, de locaux professionnels ou de locaux à usage de bureau, ou de locaux à usage commercial, sauf à perdre le bénéfice de la surélévation.

Par ailleurs, il est exigé que le cessionnaire procède à la réalisation et à l’achèvement des travaux dans un délai de quatre ans à compter de la date de cession du droit de surélévation.

Les différentes personnes pouvant bénéficier de l’exonération en cas de cession du droit de surélévation d’un immeuble sont :

– les personnes physiques (en vertu de l’introduction d’un nouveau cas d’exonération dans le II de l’article 150 U du code général des impôts) ;

– les fonds de placement immobilier et les sociétés ou groupements à prépondérance immobilière (en vertu de la modification de l’article 150 UC du même code) ;

– les fiducies (en vertu de la modification de l’article 150 UD) ;

– les entreprises relevant de l’impôt sur le revenu et celles relevant de l’impôt sur les sociétés (en vertu du nouvel article 238 octies-0 A) ;

– les contribuables étrangers assujettis à l’impôt sur le revenu (en vertu de la modification du 1° du II de l’article 244 bis A) ;

– les personnes morales étrangères assujetties à l’impôt sur les sociétés, dès lors qu’elles sont résidentes d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu une convention d’assistance en matière de fraude et d’évasion fiscales (en vertu du III de l’article 244 bis A du code général des impôts, permettant l’application des règles applicables aux personnes morales résidentes de France).

Si le champ des personnes pouvant bénéficier de l’exonération est donc très large, le nombre des opérations visées par ce dispositif, arrivant à échéance à la fin de l’année, est assez restrictif. Bien que le Gouvernement n’ait pas été en mesure de fournir des chiffres précis sur l’utilisation du dispositif, il semble que son efficacité sur l’offre de logement ait été marginale, justifiant qu’il n’envisage pas sa prorogation.

Le régime des droits pesant sur les ventes d’immeubles comporte certaines spécificités permettant de soutenir la construction de logements.

L’article 1594-0 G du code général des impôts prévoit ainsi que l’acquisition d’immeubles réalisés par une personne assujettie à la TVA sont exonérés de droits d’enregistrement, à l’exception du droit fixe de 125 euros prévu par l’article 691 bis de ce code, à condition que l’acquéreur prenne l’engagement, dans l’acte de vente, à effectuer dans un délai de quatre ans à compter de l’acquisition, les travaux conduisant à la production d’un immeuble neuf ou nécessaires pour terminer un immeuble inachevé.

Ce régime s’applique également aux acquisitions d’immeubles que l’acquéreur s’engage à rénover lorsque les travaux envisagés ne peuvent pas être qualités de remise à neuf au sens de la TVA.

Une prolongation annuelle renouvelable de ce délai de quatre ans peut être accordée sur demande. En cas de mutations successives entre assujettis, l’engagement de construire pris par le cédant peut être repris par l’acquéreur auquel s’impose alors ce délai.

À l’expiration du délai, l’acquéreur doit justifier de l’achèvement des travaux par le dépôt d’un imprimé particulier n° 940. Faute de pouvoir justifier de l’achèvement des travaux à l’expiration du délai imparti, l’acquéreur est tenu d’acquitter spontanément, dans un délai d’un mois suivant l’expiration de ce délai, les droits de mutation dont la perception a été différée assortis des intérêts de retard.

Le bénéfice de cette exonération est toutefois soumis à plusieurs conditions :

– elle est applicable dans la limite de 2 500 mètres carrés par maison lorsqu’il s’agit de maisons individuelles ;

– sans limitation de superficie s’il s’agit d’immeubles collectifs, à condition que les immeubles couvrent avec leurs cours et jardins la totalité des terrains ;

– lorsqu’il s’agit d’immeubles qui ne sont pas affectés à l’habitation, l’exonération s’applique dans la limite des surfaces occupées par les constructions et les dépendances nécessaires à l’exploitation de ces constructions.

La personne à laquelle s’impose l’engagement de construire peut, dans la limite de cinq années à compter de la première vente (et sous réserve d’avoir obtenu le droit de prolonger le délai initial de quatre ans), substituer un engagement de revendre, qui est alors réputé avoir pris effet à compter de cette même date.

Les transmissions à titre gratuit intéressant les propriétés non bâties incluses dans les sites protégés Natura 2000, dans les zones centrales des parcs nationaux, des réserves naturelles, des sites classés et des espaces remarquables du littoral sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence des trois quart de leur valeur.

Les donataires prennent l’engagement pour eux et leurs ayants cause l’engagement d’appliquer pendant dix-huit ans le dispositif de protection propre à ces espaces naturels.

En cas de rupture de l’engagement, le donataire est passible d’un rattrapage des droits, des intérêts de retards et d’un droit supplémentaire de 30 % ou 20 % du complément selon que le manquement est constaté avant ou après l’expiration de la dixième année suivant la transmission.

Un dispositif similaire est applicable en cas de donation d’un terrain couvert par des bois ou forêts.

Aux termes de l’article 793 du code général des impôts, les donations de tels terrains bénéficient d’une exonération des trois quarts du montant, à condition de prendre un engagement de gestion durable de ces bois ou forêts pendant un délai de trente ans.

Le bénéficiaire de l’exonération doit produire tous les dix ans, à compter de la date de la donation, un bilan de la mise en œuvre du document de gestion durable.

La rupture de cet engagement entraîne l’exigibilité du complément de droit et d’un droit supplémentaire de 30 %, 20 % ou 10 % suivant que le manquement a lieu avant l’expiration de la dixième, la vingtième ou la trentième année. Cette pénalité est assortie des intérêts de retard au titre des cinq premières années.

Le présent dispositif concerne les donations entre vifs, c’est-à-dire entre personnes physiques vivantes, qu’ils soient ou non unis par un lien de parenté. Si le présent dispositif n’est de ce fait pas ouvert aux sociétés, même unipersonnelles, il n’exclut pas que la donation entre vifs porte sur les parts d’une société civile immobilière.

Conformément à l’article 894 du code civil, la donation entre vifs est « un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte ». Conformément à l’article 931 du code civil, la donation entre vifs doit être passée devant notaire « dans la forme ordinaire des contrats » (73). La donation n’est valable qu’à la condition d’être acceptée par le bénéficiaire, qui conserve le droit de refuser.

L’article prévoit que la donation puisse être négociée entre deux personnes qui ne se connaîtraient pas, par exemple si le donateur consent à attribuer au donataire un terrain constructible avec, comme contrepartie, la charge pour le donataire d’édifier un logement neuf dans lequel le donateur pourrait ensuite être logé.

Le présent dispositif concerne uniquement les donations en pleine propriété. Sont donc exclues a contrario du présent dispositif toutes donations auxquelles sont associées des réserves d’usufruit, c’est-à-dire la possibilité, pour le donateur, de conserver la jouissance de son bien tout en transmettant la nue-propriété aux donataires (74). À ce titre, l’usufruit constitue un démembrement de la propriété qui est exclue du bénéfice du présent article.

La présente exonération ne peut donc pas être combinée avec les dispositions de l’article 669 du code général des impôts, permettant d’organiser la transmission de son bien en réalisant une donation avec réserve d’usufruit ; dans pareil cas, le montant des droits de mutation à percevoir au moment de la succession ne porte que sur la valeur de la nue-propriété.

À condition qu’elle soit opérée en pleine propriété, toute donation est visée par le présent article, qu’elle soit une donation simple (c’est-à-dire consentie à une seule personne), une donation-partage (c’est-à-dire consentie à plusieurs personnes avec une répartition de l’actif) ou une donation en indivision (c’est-à-dire consentie à plusieurs personnes qui partagent la propriété d’un même bien).

Le présent dispositif n’impose pas non plus que la donation porte sur l’intégralité de la propriété du bien mais seulement que la part faisant l’objet de la donation soit en pleine propriété.

ii.  Les donations constatées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2015

Contrairement à plusieurs dispositions annoncées dans le cadre du Plan de relance du logement, dont la mise en œuvre a été anticipée au 1er septembre 2014, le présent dispositif ne sera pleinement applicable qu’à compter des donations définitivement signées devant notaire à compter du 1er janvier 2015.

Afin de créer un choc d’offre foncière, le présent dispositif est limité à l’année 2015. Compte tenu de la révision des plans locaux d’urbanisme en cours dans de nombreuses villes de France, les terrains qui seront classés comme terrains à bâtir dans le courant de l’année 2015 pourront de fait bénéficier du présent dispositif, à condition que la donation soit postérieure au classement de l’immeuble en terrain à bâtir.

iii.  Les donations concernant les seuls terrains à bâtir

Pour la définition du terrain à bâtir, le présent article renvoie à l’article 257 du code général des impôts relatif à la TVA immobilière, définissant les terrains à bâtir les terrains sur lesquels des constructions peuvent être autorisées en application d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, conformément à l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme. Est donc considéré comme constructible tout terrain sur lequel un document d’urbanisme opposable permet l’édification d’un immeuble.

Ainsi que le rappelle l’instruction 3 A-9-10 du 29 décembre 2010, relative aux nouvelles règles de TVA applicable aux opérations immobilières, cette définition retenue par le législateur est « de nature administrative, autonome des définitions fiscales connues par ailleurs qui reposent sur un critère de constructibilité effective », c’est-à-dire en prenant en compte « la question de savoir si la réalisation concrète d’une construction se trouve subordonnée à la réalisation d’autres conditions tenant, par exemple, à des exigences de surface, de densité ou de consistance, ou encore au respect de servitudes du fait de tiers ».

L’instruction met en évidence le fait que la définition des terrains à bâtir au regard des seules règles d’urbanisme permet d’opérer une distinction claire avec les terrains qui ne sont pas constructibles ; toutefois, pour l’application du présent dispositif, il est également nécessaire d’opérer, au moyen des règles applicables en matière de TVA immobilière, une distinction claire entre les terrains à bâtir sur lesquels un édifice a été mis en place et les terrains à bâtir sur lesquels aucun édifice n’est établi.

Conformément au droit de l’urbanisme, sont donc considérés comme terrains à bâtir, sous réserve de dispositions plus restrictives prévues en zone littorale ou en zone de montagne, les terrains situés :

– en zone urbaine (zone « U » du PLU), c’est-à-dire les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter ;

 en zone à urbaniser (zone « AU » du PLU), c’est-à-dire les secteurs à caractère naturel de la commune destinés à être ouverts à l’urbanisation ;

– les zones constructibles des cartes communales ;

 les périmètres constructibles des zones classées dans le document d’urbanisme comme « naturelles et forestières », dans lesquelles certaines constructions de taille limitée peuvent être admises.

Outre cette définition reposant sur un zonage issu du droit de l’urbanisme, l’instruction contient des dispositions importantes permettant d’identifier matériellement un terrain à bâtir et de le distinguer d’un immeuble déjà bâti en s’appuyant sur le régime de la TVA immobilière :

– peut seul constituer un terrain à bâtir un terrain qui ne comporte pas d’ores et déjà des bâtiments, c’est-à-dire de construction incorporée au sol ;

 la capacité à utiliser la construction est également déterminante au sens de cette instruction, un immeuble assorti d’une construction dont l’état la rend impropre à un quelconque usage devant être considéré comme terrain à bâtir. Dès lors que la construction est propre à être utilisée, l’immeuble doit être considéré comme bâti, y compris lorsque la construction est destinée à être détruite par le propriétaire.

L’originalité du présent dispositif consiste à ne pas se focaliser uniquement sur la transmission du terrain à bâtir mais à lier l’octroi de l’avantage fiscal à l’édification effective d’un logement.

Établir ce lien alors que le bien change de propriétaire est juridiquement particulièrement délicat. À cet effet, le présent dispositif prévoit deux obligations :

– l’acte de donation doit contenir l’engagement, par le donataire, pris pour lui et ses ayants cause, de réaliser et d’achever des locaux neufs à usage d’habitation dans un délai de quatre ans à compter de la date de l’acte ;

– l’exonération est subordonnée à la condition que le donataire justifie à l’expiration du délai de quatre ans de la réalisation et de l’achèvement des locaux destinés à l’habitation.

Le respect de la première condition, bien qu’elle semble peu contraignante pour le donateur comme pour le donataire (75), semble assuré par l’octroi de l’avantage fiscal, qui est concomitant à la réalisation de la donation.

Le respect de la seconde condition semble toutefois délicat ; si le bénéfice du présent avantage est ouvert aux donations réalisées dans le courant de l’année 2015, la réalisation du logement doit être effective dans un délai de quatre ans, soit au plus tard le 31 décembre 2019.

Selon les informations données par le Gouvernement, le contrôle sera opéré par le biais du dépôt d’une attestation prouvant l’achèvement des travaux, comparable à celui exigé pour bénéficier de l’exonération des droits d’enregistrement mentionnée précédemment.

Nature de l’exonération

Montant de l’exonération

Recoupements possibles
avec le présent dispositif

Transmission de parts de sociétés ayant fait l’objet d’un engagement collectif de conservation (« pacte Dutreil »)

¾ de la valeur de la propriété

Les parts de la société peuvent concerner une activité agricole. Un terrain agricole rendu constructible peut en théorie être éligible aux deux exonérations.

Transmission de propriétés en nature de bois et forêts ou de part de groupements forestiers

¾ de la valeur de la propriété

Le bénéficiaire prend un engagement de gestion durable de 30 ans, qui n’exclut pas a priori la construction d’un logement sur une partie constructible de la propriété.

Biens ruraux donnés à bail à long terme ou parts de groupements fonciers agricoles

¾ de la valeur de la propriété

Le bail doit être signé depuis au moins deux ans et pour une durée d’au moins 18 ans ; mais son régime n’exclut pas de bâtir un immeuble sur une parcelle constructible

Propriétés non bâties incluses dans certains espaces naturels protégés

¾ de la valeur de la propriété

Le cumul avec toute autre exonération est exclu par l’article 793 du CGI

En revanche, le régime d’exonération partielle prévu par le présent article sera cumulable avec certains abattements spécifiques existants dans le régime de droit commun des donations.

LES ABATTEMENTS DE DROITS DE DONATION EN VIGUEUR

Nature de l’abattement

Montant de l’abattement

Abattement au bénéfice d’une personne handicapée

159 325 euros sur la part de chaque personne

Abattement de droit commun pour les donations en ligne directe (art. 779 du CGI)

100 000 euros sur la part de chacun des ascendants ou enfants vivants

Abattement entre époux ou partenaires liés par un PACS

80 724 euros

Abattements entre frères et sœurs (art. 779 du CGI)

15 932 euros sur la part de chaque frère et sœur

Abattement en faveur d’un neveu ou d’une nièce

7 967 euros par bénéficiaire

Abattement en faveur d’un petit-enfant

31 865 euros par bénéficiaire

Abattement en faveur d’un arrière-petit-enfant

5 310 euros par bénéficiaire

Une fois les différentes exonérations et abattements pris en compte, le montant des droits à percevoir est calculé en appliquant à l’actif un taux par tranche différent suivant le lien de parenté avec le donataire.

TAUX APPLICABLE PAR FRACTION TAXABLE
(DONATIONS EN LIGNE DIRECTE)

Moins de 8 072 euros

5 %

De 8 072 euros à 12 109 euros

10 %

De 12 109 euros à 15 932 euros

15 %

De 15 932 euros à 552 324 euros

20 %

De 552 324 euros à 902 838 euros

30 %

De 902 838 euros à 1 805 677 euros

40 %

Au-delà de 1 805 677 euros

45 %

Pour les donations entre frères et sœurs le taux applicable et de 35 % pour la fraction n’excédant pas 24 430 euros et de 45 % au-delà. Pour les autres parents, le taux est de 55 % jusqu’au quatrième degré et de 60 % au-delà.

ii.  Les modalités de calcul de la présente exonération

Le présent article prévoit que l’exonération de 100 000 euros s’applique :

– d’une part dans la limite de la valeur des biens faisant l’objet de la donation ;

– d’autre part aux donations consenties par un même donateur ; il s’agit par conséquent d’un abattement global appliqué au montant de l’actif faisant l’objet de la donation, et non d’un abattement personnel qui pourrait être demandé par chacun des bénéficiaires. Le dispositif peut porter sur plusieurs donations successives : la limite s’apprécie alors en totalisant les abattements dont a bénéficié successivement le même donataire.

Alors que le premier dispositif octroie l’avantage fiscal dans un premier temps, en le liant à la réalisation postérieure d’une habitation, le présent dispositif semble plus solide juridiquement en prévoyant un enchaînement temporel logique :

– le permis de construire, sollicité au nom du donateur, doit être obtenu avant la donation, entre le 1er septembre 2014 et le 31 décembre 2016 ;

– la construction doit ensuite être opérée avant la fin de l’année 2019, sachant que le donataire est alors encore propriétaire du terrain et de la nouvelle construction ;

– une fois la construction achevée, la donation peut être réalisée, en tout état de cause avant le 31 décembre 2019, au vu de la déclaration attestant l’achèvement et la conformité de travaux.

On notera que le présent dispositif ne s’oppose pas à ce que le donateur fasse construire un logement neuf afin de le mettre en location, au besoin en bénéficiant du dispositif « Pinel » prévu par l’article 5 du présent projet de loi, pour le transmettre loué à un membre de sa famille avant la fin de l’année 2019.

L’articulation entre la présente exonération et les autres régimes d’exonérations et d’abattements existants pour les droits de donations appelle les mêmes commentaires que pour l’exonération précédente.

À la différence du premier dispositif, le montant de l’avantage fiscal est toutefois modulé en fonction du lien de parenté entre le donateur et le bénéficiaire :

– 100 000 euros pour les donations consenties à un descendant ou un ascendant en ligne directe, au conjoint ou au partenaire lié au donateur par un PACS ;

– 45 000 euros s’agissant des donations consenties à un frère ou une sœur ;

– 35 000 euros pour les donations consenties à une autre personne.

L’ensemble des donations consenties par un même donateur ne peuvent être exonérées qu’à hauteur de 100 000 euros.

*

* *

La Commission examine l’amendement I-CF 147 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Rien de pire que les mesures temporaires. Celle qui nous est ici proposée par le Gouvernement va dans le bon sens, mais doit être pérennisée pour plus de prévisibilité. Je n’ignore pas que certains souhaitent limiter l’application des dispositions que nous adoptons à la durée de la législature ; mais un an, c’est beaucoup trop court !

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable, pour les raisons précédemment invoquées et parce que le coût du dispositif prévu par l’amendement n’est pas évalué.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 sans modification.

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* *

Après l’article 6

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 34 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. La loi de finances pour 2014 permet un amortissement exceptionnel des investissements dans le domaine de la robotique, sur vingt-quatre mois, pour les PME au sens du règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008.

L’amendement vise à étendre cette possibilité, car les entreprises de plus de 250 salariés, surtout dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre, comme l’agro-alimentaire, sont susceptibles d’investir dans ce domaine pour moderniser leur outil de travail et créer ainsi des emplois.

Mme la Rapporteure générale. Nous avons rejeté cet amendement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014.

Il existe un amortissement exceptionnel sur les constructions ou acquisitions de certains robots, instaurés en loi de finances pour 2014 au bénéfice des PME : les investissements réalisés entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2015 pourront être amortis sur deux ans, au lieu de dix en principe. Cette aide est soumise au plafond communautaire de minimis : son montant ne peut excéder 200 000 euros sur trois ans. Votre amendement a pour objet de supprimer ce plafond, ce qui obligerait à notifier l’aide à la Commission européenne. Il risque donc de fragiliser le dispositif existant, pour un coût budgétaire non évalué.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF 55 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit du statut fiscal applicable à la pluriactivité agricole, qui permet aux exploitants individuels soumis à un régime réel d’imposition de rattacher leurs recettes commerciales accessoires à leurs bénéfices agricoles dès lors qu’elles n’excèdent ni 30 % des recettes tirées de l’activité agricole ni 50 000 euros.

Nous proposons d’appliquer ces dispositions aux groupements d’exploitation en commun (GAEC) conformément au principe de transparence, aux termes duquel leurs associés ne doivent pas être placés dans une situation moins favorable que les exploitants individuels.

Mme la Rapporteure générale. Il y a en effet une difficulté, dont nous avons déjà parlé en juillet.

Trois points posent problème dans l’amendement. D’abord, les seuils n’y sont pas appréciés en pourcentage des recettes : vous vous contentez, madame Dalloz, de multiplier les montants en valeur absolue par le nombre d’exploitants. Ensuite, nous cherchons actuellement à obtenir un complément d’information sur l’articulation entre la loi et la jurisprudence du Conseil d’État, lequel a jugé que les recettes accessoires du GAEC et celles enregistrées par les exploitants individuels en dehors du GAEC doivent être consolidées avant l’application du principe de transparence. Enfin, il convient évidemment d’étudier le coût de la mesure.

Nous avons demandé au Gouvernement d’expertiser votre amendement. Dans l’attente de sa réponse, je vous suggère de le retirer.

Mme Marie-Christine Dalloz. De deux choses l’une, madame la Rapporteure générale : soit vous obtenez bientôt une réponse, auquel cas je redéposerai l’amendement en séance publique pour nous laisser le temps d’y retravailler ; soit vous avez une solution à nous proposer dès aujourd’hui.

Mme la Rapporteure générale. Nous n’en avons pas encore, malheureusement, mais nous vous transmettrons l’appréciation de la direction de la législation fiscale dès que nous en aurons connaissance.

M. Charles de Courson. Notre collègue Marie-Christine Dalloz a raison sur le fond. Le droit de l’Union européenne reconnaît depuis peu les GAEC et accepte donc de multiplier par le nombre d’associés les avantages existants, les droits à paiement unique (DPU), etc. Il a été refusé d’étendre le dispositif aux sociétés, mais l’amendement, étant limité aux GAEC, ne devrait poser aucun problème communautaire. Il faut trouver une solution pour équilibrer le dispositif.

L’amendement est retiré.

La Commission en vient à l’amendement I-CF 59 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans l’agriculture, la pluriactivité se développe. On l’a vu à propos de la TVA sur les centres équestres. Les agriculteurs diversifient leur activité en dispensant des formations, en faisant de l’animation et, au-delà même de l’agriculture, en produisant de l’électricité d’origine photovoltaïque.

Pour en tenir compte, nous proposons de relever les seuils de 50 000 euros et de 30 % des recettes de l’activité agricole, en deçà desquels les recettes commerciales accessoires des exploitants peuvent être rattachées à leurs bénéfices agricoles.

Mme la Rapporteure générale. Les exploitants agricoles peuvent cumuler différentes activités dont le produit est intégré à leur chiffre d’affaires et à leur revenu. En ce qui concerne la production d’électricité photovoltaïque et éolienne, le plafond de recettes accessoires en deçà duquel il leur est possible de rester soumis au régime favorable des bénéfices agricoles a été porté à 50 % du chiffre d’affaires total et 100 000 euros.

Le relèvement à ces niveaux du plafond applicable à l’ensemble des activités commerciales, que vous proposez, ferait diminuer à la fois l’impôt sur le revenu et la TVA, ce qui aurait un coût, dans un contexte d’attention accrue à la situation de nos finances publiques. C’est essentiellement pour cette raison que j’émets un avis défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Je comprends cette objection, mais les seuils actuels découragent l’activité économique des exploitants, qui font en sorte de ne pas les dépasser. C’est un problème pour les territoires ruraux, qui ont besoin d’être soutenus. Par cet amendement, nous donnerions un coup de pouce au développement économique de nos territoires.

Mme la Rapporteure générale. C’est sur toute la fiscalité agricole qu’il faudrait alors faire le point : régimes forfaitaires ou au réel, défiscalisation applicable à l’investissement en matériel agricole, statut de la pluriactivité, qui peut permettre de développer les circuits courts, par exemple, sans oublier les difficultés que connaissent nombre d’agriculteurs. Toutefois, selon une étude réalisée par l’INSEE en 2010, un salarié qui gagne cinq fois le SMIC paie deux fois plus d’impôt sur le revenu qu’un agriculteur bénéficiant du même niveau de revenu – ce qui n’est évidemment pas le cas de tous, j’en conviens. Peut-être notre président pourrait-il proposer au Bureau de notre commission une mission sur le sujet.

M. le président Gilles Carrez. J’y suis d’autant plus favorable que la péréquation entre collectivités locales dans le cadre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) tient compte du revenu des habitants, pondéré de 25 % : un territoire est d’autant plus contributeur que le revenu de ses habitants est supérieur à la moyenne nationale. Ce qui pose un problème vu l’écart de revenu entre celles qui comptent surtout des salariés, notamment en milieu urbain, et les petites communes rurales où habitent essentiellement des agriculteurs.

Je proposerai la constitution de cette mission au prochain Bureau.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 11 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Une partie des plans d’épargne-logement (PEL) échappe au régime applicable au reste de l’épargne administrée : au-delà de douze ans, les détenteurs de PEL ne peuvent plus opter pour le prélèvement forfaitaire libératoire pour leurs intérêts, imposés au taux marginal de l’impôt sur le revenu. Nous proposons de remédier à cette distorsion.

Mme la Rapporteure générale. Défavorable. La fiscalisation n’intervient qu’après douze ans, ce qui reste avantageux. Mais nous tenons au principe selon lequel un euro de revenu du capital doit être taxé comme un euro de revenu du travail.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF 168 de M. Jérôme Lambert.

M. Thierry Robert. Les mesures fiscales encourageant la surélévation ou la transformation de bureaux en logements arrivent à échéance au 31 décembre prochain. Nous proposons de proroger de trois ans, jusqu’au 31 décembre 2017, l’exonération d’impôt sur le revenu des plus-values immobilières résultant de la cession de droits de surélévation d’immeubles existants, l’exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés des plus-values professionnelles, afin que professionnels et entreprises bénéficient du même traitement fiscal que les particuliers, et l’application du taux réduit d’impôt sur les sociétés de 19 % aux cessions d’immeubles de bureaux ou de locaux commerciaux que l’entreprise cessionnaire s’engage à transformer en immeubles d’habitation.

Mme la Rapporteure générale. Selon le Gouvernement, cette niche fiscale est très peu utilisée. On peut s’interroger sur son efficacité. Je répète que les dispositifs que nous adoptons doivent faire l’objet d’une évaluation. Par ailleurs, dans la majorité des cas, c’est le propriétaire de l’immeuble qui procède lui-même à la surélévation et vend le bien immobilier ainsi construit, de sorte qu’il n’est pas imposé sur la plus-value, mais n’acquitte que la TVA.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission examine l’amendement I-CF 252 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Mes collègues Christophe Caresche, Pascal Terrasse et moi-même avons déposé trois amendements relatifs aux business angels. En effet, la loi qui les régit paraît inadaptée à la réalité de leur financement. Nous proposons donc de l’assouplir afin que les business angels ne soient pas considérés comme des professionnels, notamment lorsqu’ils sont organisés sous forme de sociétés de bénévoles, et de ne pas les astreindre à un nombre maximum d’associés et de salariés. Il convient aussi de faire en sorte que leurs réinvestissements soient soumis à des règles plus souples que celles qui sont actuellement prévues et de ne pas réduire leurs conditions de réemploi en cas de cession ou de revente. Nous avons besoin d’un véhicule simple permettant l’investissement collectif dans un projet unique. Cet ensemble de mesures permettra d’accompagner les business angels existants – hélas trop peu nombreux en France – qui adoptent une véritable démarche d’investissement et non seulement d’optimisation fiscale, et qui souhaitent accompagner de jeunes entreprises.

Mme Valérie Rabault, Rapporteure générale. Cet amendement est intéressant car il permet aux business angels de s’associer pour investir dans des PME. De plus, il offre un moyen terme entre la souscription personnelle et une holding. J’ai cependant manqué de temps pour l’expertiser. Je vous suggère donc de le retirer et de le redéposer lors de la réunion que nous tiendrons en application de l’article 88 du règlement.

L’amendement est retiré.

Puis la Commission en vient à l’amendement I-CF 249 de M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Cet amendement concerne la part d’activités lucratives que peuvent accessoirement exercer les organismes à but non lucratif. Cette limite n’a pas été relevée depuis 2002. Nous avons déjà eu l’occasion de débattre de ce point dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014 et la Rapporteure générale avait alors estimé qu’il aurait mieux sa place dans le projet de loi de finances pour 2015. De la même façon, lors de l’examen de cet amendement en séance publique, le ministre du budget s’était engagé à ce qu’on le réexamine – raison pour laquelle je l’ai redéposé.

Mme la Rapporteure générale. J’émettrais à un avis favorable à votre amendement s’il ne prévoyait qu’une indexation sur l’inflation.

M. le président Gilles Carrez. Le fait que l’inflation soit inférieure à 0,5 % explique sans doute la mansuétude de Mme la Rapporteure générale…

M. Régis Juanico. J’accepte de retirer mon amendement afin d’en modifier la rédaction d’ici à l’examen du projet de loi en séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 129 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Afin de renforcer la lisibilité de la politique fiscale, nous proposons de baisser d’un point par an pendant cinq ans les taux d’impôt sur les sociétés (IS).

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable : la baisse des taux d’imposition sur les sociétés a effectivement été annoncée mais elle sera proposée dans un autre PLF.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement I-CF 190 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à moduler le taux de l’IS en fonction de la destination des profits.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable : nous avons déjà institué une taxation des revenus distribués.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF 24 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Lorsque le Gouvernement a instauré un prélèvement d’1 % sur l’excédent brut d’exploitation (EBE), il a annoncé que cette mesure s’inscrivait dans la perspective d’une réforme structurelle de la fiscalité des entreprises et qu’elle devait constituer la contrepartie pour l’État de la suppression de l’imposition forfaitaire annuelle et de l’application du crédit d’impôt compétitivité emploi. Or la réalité est tout autre : d’une part, cette taxe a été instaurée pour compenser les moindres rentrées de l’impôt sur les sociétés ; d’autre part, elle concerne des entreprises confrontées à la compétition internationale. Nous proposons donc d’abroger les articles 223 duodecies, 223 terdecies et 223 quaterdecies du code général des impôts.

Mme la Rapporteure générale. En fait, la taxe sur l’EBE n’a jamais été mise en place. Autrement dit, vous proposez de supprimer une taxe qui n’existe pas.

M. Marc le Fur. Mais qui reste dans la tête de certains !

M. Philippe Vigier. C’est le principe de précaution…

Mme Marie-Christine Dalloz. Je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 161 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement a pour objet d’aligner le régime de déductibilité des charges logées dans des États à fiscalité privilégiée sur celui des charges logées dans des États non coopératifs.

Mme la Rapporteure générale. Nous avons déjà débattu de cet amendement. Or, votre proposition doit faire l’objet d’une analyse pour s’assurer de sa compatibilité avec le droit de l’Union européenne. Car le fait que vous proposiez l’entrée en vigueur de votre amendement à la date d’adoption d’une mesure similaire par l’Union européenne ne nous semble pas un argument suffisant. Je suis donc défavorable à cet amendement à ce stade.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle aborde l’amendement I-CF 57 de M. Marc Le Fur.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les agriculteurs ayant constitué des sociétés d’exploitation ont la possibilité d’opter pour l’imposition sur le revenu pendant cinq ans. De nombreux agriculteurs ont fait ce choix mais, à l’issue de la période de cinq exercices, ils doivent se soumettre à l’impôt sur les sociétés. Qui plus est, ce changement de régime fiscal emportant en principe la cessation d’activité, il génère pour l’associé exploitant un surcoût d’imposition non négligeable. Notre amendement vise donc à prolonger la durée de l’option visée à l’article 239 bis du code général des impôts en la portant de cinq à dix ans.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Vous souhaiteriez que les sociétés agricoles puissent bénéficier plus longtemps de dispositions favorables réservées aux entreprises soumises à l’impôt sur le revenu. Il me paraîtrait préférable, comme je l’ai évoqué lors de notre précédente réunion, de mener une mission d’information globale sur la fiscalité agricole afin de discuter de l’ensemble des questions qui se posent en la matière.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement I-CF 175 de M. Jérôme Lambert.

M. Thierry Robert. Nous proposons de recadrer le crédit impôt recherche (CIR). Les grands groupes ont largement optimisé cet avantage fiscal : 0,4 % des entreprises se retrouvent ainsi à bénéficier de 38 % des dépenses de recherche et développement. La Cour des comptes a d’ailleurs souligné cette stratégie d’optimisation qui pourrait s’installer dans la durée et jugé nécessaire de recentrer cette dépense fiscale ; pour l’heure, les groupes intégrés fiscalement ont toute liberté de faire réaliser des dépenses par leurs filiales afin de bénéficier largement du CIR.

L’État supporte une dépense lourde qui n’a pas porté tous les fruits escomptés. De fait, le budget de recherche et développement des grandes entreprises est passé de 16 à 16,4 milliards d’euros seulement entre 2008 et 2010.

Nous proposons donc d’apprécier le seuil de 100 millions d’euros de dépenses de recherche au niveau du groupe et non au niveau des filiales. Nous pourrions ainsi, toujours selon la Cour des comptes, réaliser une économie de l’ordre de 530 millions d’euros.

M. le président Gilles Carrez. Je rappelle que cette proposition est issue du rapport d’information de nos collègues Alain Claeys et de Jean-Pierre Gorges de 2010 et qu’elle a été reprise sous forme d’amendement par Mmes Berger et Rabault l’an dernier.

Mme la Rapporteure générale. Je reste favorable à cet amendement sur le fond. Cela étant, s’il était en première partie de la loi de finances, il aurait un effet rétroactif car il s’appliquerait aux revenus perçus en 2014. Je vous invite donc à le redéposer en deuxième partie.

M. Dominique Lefebvre. Cette question, dont nous avons déjà débattu à plusieurs reprises, a été tranchée par le groupe socialiste : nous ne reviendrons pas sur les modalités actuelles du CIR.

M. Michel Piron. Lorsqu’un système fonctionne, on peut toujours s’interroger sur les effets d’aubaine qu’il produit. Mais doit-on pour autant systématiquement le remettre en cause ?

M. le président Gilles Carrez. Le précédent gouvernement avait accepté plusieurs modifications consensuelles du CIR inspirées du rapport « Claeys-Gorges », notamment afin de prendre en compte de l’assiette de recherche. Ces modifications ont d’ailleurs été adoptées à l’unanimité dans l’hémicycle. Et il avait été affirmé à cette occasion que nous ne toucherions plus à ce crédit d’impôt – c’est la position que reprend aujourd’hui M. Lefebvre.

Il convient de mettre le CIR en regard avec l’allégement général de cotisations sociales dit « Fillon » et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) : nos dispositifs d’allégement des prélèvements sur les cotisations patronales, ciblés sur les bas salaires, et qui représentent 40 milliards d’euros ou 2 % du PIB, touchent peu l’industrie, à la différence du CIR.

Tous ces arguments pèsent lourd et nous en débattrons en seconde partie du PLF d’autant qu’il ne s’agit pas de sujets d’opposition entre nous.

Mme Karine Berger. Un mécanisme aussi fantastique que le crédit impôt recherche peut mourir de sa belle mort si nous ne parvenons pas à en éviter les dérapages : Saint-Gobain a créé quarante-deux filiales éligibles au CIR. Nous nous trouvons là face à un montage d’optimisation fiscale qui relève véritablement du mensonge.

M. Jean-Louis Gagnaire. J’ai toujours le souci de nous rapprocher de la position de nos collègues de la commission des Affaires économiques, qui, pour l’heure, est souvent diamétralement opposée à celle que l’on défend ici : on a même, dans des temps plus anciens, assisté à un affrontement direct entre les membres des deux commissions, qui transcendait les clivages politiques.

Personne ne nie le phénomène d’optimisation fiscale que vous décrivez. Mais c’est parfois par nécessité qu’un grand groupe bénéficie du CIR par le biais d’autant de filiales. Ainsi en est-il, dans mon département, de Thalès-Angénieux qui non seulement travaille pour la défense, mais produit également de l’optique très haut de gamme pour l’audiovisuel. Sans le CIR, cette entreprise aurait fermé ses portes depuis bien longtemps et n’aurait pu continuer à faire de la recherche ni développer de nouveaux produits.

Il nous faut en revenir à ce pour quoi le CIR a été créé. Représentant l’Assemblée des régions de France au sein de la commission d’évaluation des politiques d’innovation, j’ai appris que c’était afin de donner des marges de compétitivité aux industriels. Car si le CICE prend en compte les bas salaires, le CIR apporte un élément d’attractivité pour les entreprises étrangères. J’ai d’ailleurs pu le vérifier la semaine dernière dans ma propre région : sans le CIR
– et une électricité bon marché –, jamais nous n’aurions pu y attirer un groupe américain qui s’apprête à créer 200 emplois.

M. le président Gilles Carrez. Vous nous accorderez que l’on ne peut diviser un groupe en quarante-deux filiales à 100 millions d’euros de crédit d’impôt plafonné chacune. Il doit être possible de trouver une proposition intermédiaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Certes mais nous essayons actuellement d’attirer des investisseurs sur le territoire français. Tout contre-signal envoyé en ce domaine, au motif de réaliser des économies mineures, pourrait avoir l’effet d’une déflagration. La stabilité du droit doit être garantie même si ce crédit d’impôt présente des dépenses dynamiques.

On entend dire qu’il existerait une autre forme possible de plafonnement du dispositif : elle consisterait à exclure de son bénéfice les entreprises ne faisant pas appel à des laboratoires publics de recherche. J’espère qu’une telle mesure n’est pas réellement envisagée tant l’équilibre actuel est fragile.

M. Marc Goua. Notre économie est totalement atone. J’ai récemment accueilli une association représentant les grandes entreprises françaises et étrangères implantées sur notre territoire ; on ne nous a réclamé ni des baisses d’impôts ni des diminutions de charges, mais seulement une stabilité fiscale et juridique – car l’instabilité dissuade d’investir. Je faisais auparavant partie de ceux qui pensaient qu’il fallait mieux encadrer le dispositif. Mais on ne peut revenir tous les ans sur des mesures déjà prises sans créer d’effets désastreux pour notre économie : le soutien financier à l’investissement a certes son importance dans la relance, mais la confiance joue aussi un rôle.

M. Éric Alauzet. Certes, ce dispositif est utile et fonctionne. Mais nous ne serons pas à la hauteur de notre responsabilité si nous tranchons le débat de cette façon. Nous trouvant dans une période où les euros sont difficiles à ramasser et encore plus à distribuer, nous sommes soumis à une exigence d’efficience de la dépense. Si la position de la Cour des comptes est pour nous une référence, elle ne doit pas l’être à géométrie variable, au sens où l’on ne s’y référerait que lorsque cela nous arrange : elle vaut aussi pour cette question et nous avons le devoir d’ajuster ce dispositif. Il est certes nécessaire d’assurer la stabilité du droit, mais si l’on ne fait plus rien, on ouvre la porte à tous les abus. Nous devons donc nous laisser la possibilité d’ajuster un dispositif pour les faire cesser.

M. Philippe Vigier. Tout le monde s’accorde sur l’efficience du crédit impôt recherche. Car ainsi que vous l’avez souligné tout à l’heure, monsieur le président, le CICE ne permet de cibler que 23 à 25 % des emplois industriels. Et les allégements « Aubry-Fillon » présentent la même faiblesse. Nous devons nous attacher à définir un système de consolidation au niveau des groupes de manière à éviter l’optimisation fiscale à tout va dénoncée tout à l’heure par Karine Berger sans créer pour autant de bouleversements pénalisants.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur Robert, acceptez-vous de retirer votre amendement ?

M. Thierry Robert. Oui, je le redéposerai en deuxième partie.

L’amendement I-CF 175 est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 128 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. Le rapport remis par M. Louis Gallois sur la compétitivité de l’industrie française préconisait une baisse des charges – d’un tiers des charges sociales salariales afin de provoquer une augmentation immédiate du pouvoir d’achat, et de deux tiers des charges sociales patronales – qui s’articulerait avec les allégements « Aubry-Fillon ». Une telle mesure permettrait de ne pas modifier le taux intermédiaire de TVA : on a vu que son relèvement a eu un effet désastreux sur le secteur du bâtiment et des travaux publics, alors que l’incidence sur le pouvoir d’achat d’une augmentation d’1 ou 2 % de la TVA à taux plein est négligeable.

J’ajoute qu’alors que l’on s’attendait à ce que le CICE coûte 12 milliards d’euros en 2014, son montant s’élève à un peu plus de 8,5 milliards.

Enfin, le taux de marge des entreprises, malgré l’entrée en vigueur du CICE, s’est encore dégradé, comme en témoignent les chiffres de la Cour des comptes.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Votre amendement vise à instaurer une TVA sociale et à supprimer le CICE ; nous avons déjà eu ce débat à plusieurs reprises. Je souhaiterais aussi corriger le chiffre que vous venez de citer : on avait effectivement prévu que la créance de CICE s’élèverait à 13 milliards en 2014, les prévisions réactualisées sont certes en-deçà, mais sont tout de même de 10,8 milliards d’euros.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF 20 de M. Marc Le Fur, les amendements identiques I-CF 102 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF 132 de M. Charles de Courson, et l’amendement I-CF 21 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le CICE a été créé pour aider les entreprises soumises à la concurrence internationale. Or s’il est un secteur qui y est soumis, c’est bien celui du transport maritime, confronté aux difficultés que l’on sait, alors que l’Allemagne et d’autres pays disposent d’avantages comparatifs conséquents. Pourtant, le CICE ne s’applique pas aux entreprises de transport maritime qui ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés mais à la taxe au tonnage. Actuellement, ces entreprises perdent entre 10 et 20 millions d’euros par an. Certaines sont plus touchées que d’autres, notamment celles qui traversent la Manche, car elles emploient de nombreux salariés. Brittany Ferries, par exemple, a perdu 2 millions d’euros l’an dernier et 3 millions cette année. Il est paradoxal que l’on accorde le CICE à des officiers ministériels qui salarient des personnels alors qu’ils ne sont pas soumis à une concurrence internationale effrénée, et qu’on le refuse à des entreprises soumises à une concurrence réelle, alors même que la taxe au tonnage qu’elles acquittent n’est autre qu’une forme particulière d’impôt sur les sociétés.

Mme la Rapporteure générale. Le CICE bénéficie effectivement aux entreprises
– que celles-ci soient assujetties à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu – qui ne bénéficient pas d’un régime forfaitaire tel que celui de la taxe au tonnage. Et il est vrai que le choix d’être taxé à ce régime vaut pour dix ans, ce qui interdit aux entreprises de changer d’avis avant cette échéance.

Le problème est que vous proposez dans votre amendement que ces sociétés soumises au régime forfaitaire puissent bénéficier du CICE à condition qu’elles soient « exposées à la concurrence internationale », sans définir ce que cela signifie exactement.

Enfin et surtout, le rapporteur de la mission sur le CICE, notre collègue Yves Blein, a proposé de permettre aux entreprises ayant exercé l’option pour le régime forfaitaire de reconsidérer leur choix et de bénéficier du CICE.

Quoi qu’il en soit, j’émets un avis défavorable à cet amendement.

M. le président Gilles Carrez. Le problème est réel. Mais la rédaction de cet amendement n’est pas adaptée.

M. Marc Le Fur. Le monde maritime est soumis à une concurrence quasiment pure et parfaite. En outre, le régime d’option de la taxe au tonnage a été défini à une époque où la législation fiscale était totalement différente.

M. le président Gilles Carrez. Il ne me semble pas que nous ayons abordé ce sujet spécifique lorsque nous avons créé le CICE. Mais il est vrai que la durée d’option de dix ans est trop longue. Je vous propose, monsieur Le Fur, de réexaminer votre proposition à la lumière du rapport d’information d’Yves Blein.

M. Olivier Carré. Dans le cadre de la mission d’information sur le CICE créée par la Conférence des présidents que je présidais et qui a remis ses conclusions le 2 octobre dernier, le rapporteur Yves Blein nous a convaincus d’adopter une proposition visant à permettre aux entreprises ayant opté en faveur d’un régime forfaitaire d’imposition avant la mise en place du CICE de revenir sur leur option, afin d’être soumises à un régime réel ouvrant droit au CICE. Il est essentiel d’offrir un choix aux entreprises en question qui feront ensuite leurs calculs. L’administration fiscale nous a confirmé que seul le législateur pouvait dénouer la situation.

M. le président Gilles Carrez. Serons-nous en mesure d’adopter une disposition de cette nature lors du prochain collectif budgétaire pour une application l’année prochaine ?

M. Olivier Carré. Une telle mesure prise dans le projet de loi de finances rectificative du mois de décembre pourra, en effet, s’appliquer pour l’exercice prochain au titre de cette année.

Mme Karine Berger. Je m’en veux de me faire l’avocat du diable, mais la majorité et l’opposition viennent à l’instant d’insister sur la stabilité souhaitée par les entreprises. N’est-il pas paradoxal…

M. Olivier Carré. Pas du tout ! Nous répondons à une demande des entreprises concernées que nous ramenons en quelque sorte dans le droit commun.

M. le président Gilles Carrez. Madame Berger, le CICE est devenu la règle générale, l’alpha et l’oméga, et nous découvrons qu’il ne s’applique pas à certaines entreprises particulièrement soumises à la concurrence. Nous ne faisons que rétablir un équilibre, et nous œuvrons plutôt en faveur de la stabilité.

Mme Karine Berger. Si je comprends bien, l’instabilité ne pose aucun problème dès lors que l’on augmente les dépenses… Cela devient insupportable !

M. Marc Le Fur. Nous n’avons pas été saisis du sujet jusqu’à ce jour parce que les professionnels attendaient que les négociations avec le ministère des finances aboutissent. Le problème, c’est qu’ils ne voient rien venir.

Je retire mon amendement. Je le déposerai ultérieurement afin que nous puissions l’examiner en séance publique.

M. le président Gilles Carrez. Et nous connaîtrons ainsi la position du ministre. Rendez-vous est pris pour le prochain projet de loi de finances rectificative.

L’amendement I-CF 20 est retiré.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF 102 concerne les exploitations agricoles relevant du régime forfaitaire d’imposition. Elles devraient pouvoir bénéficier du CICE. Conçu à l’origine comme un dispositif incitatif, le CICE s’apparente de plus en plus à un mécanisme compensatoire. Or les petites structures et particulièrement groupements agricoles d’exploitation en commun ne peuvent en bénéficier.

Il est frappant que les coopératives soient également exclues du bénéfice du CICE alors qu’elles créent des emplois et qu’elles sont soumises à la concurrence.

M. le président Gilles Carrez. Si vous voulez que les coopératives bénéficient du CICE, madame Dalloz, il faut remettre à plat l’ensemble de leur régime fiscal, qui lui aussi pose un problème de concurrence par rapport à celui des entreprises privées qui exercent le même métier et sont assujetties à l’impôt sur les sociétés.

Mme Marie-Christine Dalloz. Reconnaissez que CICE est devenu un mécanisme d’aide pour les salaires et que certains acteurs en sont exclus. Pourquoi ce dispositif bénéficierait-il à certaines entreprises dont l’activité ne relève pas du secteur concurrentiel, et pas à l’agriculture ?

M. Philippe Vigier. L’amendement I-CF 132 vise également à permettre aux entreprises agricoles au forfait de bénéficier du CICE. Dans le secteur de la viticulture ou de l’arboriculture par exemple, ces entreprises – je ne parle pas des coopératives – sont soumises à une sévère concurrence extérieure et elles emploient une main-d’œuvre qui permettrait de calculer le montant du crédit d’impôt. Pourquoi les priver d’un dispositif favorable à la compétitivité ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Les mêmes arguments valent pour l’amendement I-CF 21.

Mme Véronique Louwagie. Pour donner satisfaction aux amendements dont nous venons de débattre relatifs aux entreprises de transports maritimes et aux entreprises agricoles, grosses pourvoyeuses d’emplois, pourquoi ne pas raisonner globalement et permettre à toutes les entreprises de bénéficier du CICE ?

Mme la Rapporteure générale. Je suis défavorable à ces amendements pour la simple et bonne raison qu’aucun crédit d’impôt, quel qu’il soit, ne peut être accordé aux entreprises relevant d’un régime forfaitaire d’imposition.

M. Olivier Carré. C’est la raison pour laquelle le rapport d’information propose de permettre aux entreprises concernées de changer d’option plus rapidement et de renoncer au régime forfaitaire si elles estiment qu’elles ont plutôt intérêt à devenir bénéficiaire du CICE. Cette approche globale est préférable à un traitement secteur par secteur. Elle évite également de modifier la loi fiscale sur le fond.

M. le président Gilles Carrez. C’est la bonne démarche. Peut-être verrons-nous des coopératives demander à être assujetties à l’impôt sur les sociétés pour bénéficier du CICE.

La commission rejette les amendements I-CF 102 et I-CF 132.

Puis elle rejette l’amendement I-CF 21.

Elle en vient à l’amendement I-CF 101 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Présentée par M. Benoît Hamon à l’époque où il était encore ministre, la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a fait naître de nombreux espoirs. Les coopératives qui ont une longue histoire créent souvent, en particulier les fruitières, de l’emploi local non délocalisable dont elles garantissent l’intégration pérenne. Rappelons que le Crédit agricole, devenu une grande banque mondiale, est né du système coopératif. Il faut que les coopératives puissent bénéficier du CICE.

Mme la Rapporteure générale. Madame Dalloz, lors de l’examen du dernier projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement nous a indiqué que la Commission européenne, qu’il avait consultée, s’opposait à cette évolution. Je suis en conséquence défavorable à l’amendement.

M. Marc Le Fur. Le Gouvernement a-t-il véritablement fait diligence pour convaincre la Commission sur ce sujet ? Nous n’en avons pas la preuve.

M. Régis Juanico. En tant que ministre délégué à l’économie sociale et solidaire et à la consommation, M. Benoît Hamon s’était rendu à Bruxelles avec une délégation de parlementaires… Mais le combat n’est pas perdu, d’autant que la Commission vient de changer.

M. Marc Le Fur. Ce voyage concernait l’étiquetage des produits, non les coopératives.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement I-CF 130 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. Le CICE doit être étendu aux travailleurs indépendants qui représentent 10 % des emplois de notre pays.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Ce débat a été tranché lors de la création du crédit d’impôt, et je rappelle que les indépendants ont bénéficié au mois de juillet dernier d’une réduction d’1 milliard d’euros des cotisations familiales.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF 169 et I-CF 170, tous les deux de M. Jérôme Lambert.

M. Thierry Robert. L’amendement I-CF 169 fixe le taux du CICE à 4 % pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions assujettis à la contribution exceptionnelle définie à l’article 253 ter ZAA du code général des impôts.

Les études montrent une distorsion de l’aide apportée par le CICE selon la taille des entreprises. En 2013, celles visées par l’amendement ont capté 57,7 % du total des créances du CICE. Les montants moyens accordés aux grandes entreprises à ce titre se sont élevés à 12,43 millions d’euros alors que les PME n’ont bénéficié, en moyenne, que de 25 000 euros, et les micro-entreprises de 2 750 euros.

Afin que le CICE profite davantage aux PME et aux micro-entreprises nous proposons que son taux, qui était passé de 4 à 6 % en 2014, soit ramené à 4 % pour les plus grosses entreprises.

L’amendement I-CF 170 vise à fixer à 8 % le taux du CICE pour les sociétés qui ne sont pas mères d’un groupe et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 7 630 000 euros au cours de l’exercice. Afin de créer des conditions plus favorables à l’embauche et à l’investissement, il est légitime que ces PME et TPE bénéficient d’un taux plus favorable que celui qui s’applique aux grandes entreprises.

Cette proposition se conforme aux critères de l’annexe I du règlement communautaire CE 800/2008, s’agissant d’entreprises dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 43 millions d’euros.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Le rapport d’information sur le CICE présenté par M. Yves Blein relève que, d’après les données fiscales disponibles fin août 2014, 42 % de la créance constatée bénéficiait à des TPE et PME. Cette surreprésentation par rapport à la part de ces entreprises dans l’emploi total s’explique par le fait que les salaires y sont, en moyenne, plus faibles que dans les grandes entreprises, ce qui leur permet de bénéficier d’une part de CICE plus élevée.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l’amendement I-CF 164 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. À sa création, le CICE avait pour vocation de permettre aux entreprises de reconstituer leurs marges. Il était prévu de « tracer » les aides publiques consenties afin qu’elles ne servent à augmenter ni les dividendes ni les rémunérations des dirigeants. Je propose de réduire de moitié le taux du CICE lorsque les dividendes versés aux actionnaires représentent plus de 10 % du bénéfice annuel imposable.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable : 90 % des entreprises distribuent des dividendes…

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine l’amendement I-CF 22 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Certaines exploitations agricoles qui emploient des salariés sont constituées en exploitation agricole à responsabilité limitée. Si l’un des membres de l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) n’est pas un agriculteur actif, l’exploitation ne peut bénéficier que partiellement du CICE. Toutes les EARL devraient recevoir le même traitement.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement I-CF 123 de M. Henri Emmanuelli.

M. Pascal Cherki. Le CICE a été très utile pour augmenter la rémunération des salariés ou reconstituer les taux de marge des entreprises, mais il n’a pas constitué un dispositif efficace pour cibler le soutien à l’investissement. Or la France est confrontée à un problème de sous-investissement chronique qu’elle veut tenter de résoudre en menant une politique de l’offre. Dans un amendement « œcuménique », nous proposons avec mes collègues Henri Emmanuelli et Pascal Terrasse, de créer un crédit d’impôt investissement (CII) fléché, dont le taux serait fixé à 10 % pour les micro-entreprises, 7 % pour les entreprises de taille intermédiaire, et 2 % pour les grandes entreprises.

Pour optimiser l’efficacité et la lisibilité de la politique de compétitivité, ce nouveau crédit d’impôt est assis sur les dépenses effectives d’investissement corporel ou incorporel réalisées par les entreprises, à l’exception de celles relatives à l’immobilier, à la recherche et développement ainsi qu’à la réalisation de prototypes ou d’installations pilotes de nouveaux produits, dépenses déjà couvertes par le crédit d’impôt recherche

Le coût de cette mesure est estimé à 11 milliards d’euros. Son financement est assuré par trois sources : une modulation du taux du CICE, une augmentation à 10 % du taux de la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués, et, en tant que de besoin, la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme la Rapporteure générale. Je note d’abord que cet amendement portant sur la première partie du PLF, les entreprises bénéficieraient en 2014 à la fois du CII et du CICE, plus le CIR… Je constate ensuite que vous annoncez une « modulation » du taux de CICE mais que des incertitudes demeurent quant au financement du dispositif très technique que vous proposez. Je suis défavorable à l’amendement.

M. Nicolas Sansu. La liste des signataires de cet amendement permet de couvrir tout le terrain de gauche : l’aile gauche et l’aile droite convergent. Il me reste à jouer avant-centre pour mettre le but !

Le CII me paraît plus intelligent que le CICE. Mme la Rapporteure générale a raison : il faut modifier l’amendement afin que les entreprises ne bénéficient pas des deux dispositifs à la fois. Je suggère donc de supprimer purement et simplement le CICE dans le II de l’amendement.

La modulation constitue à mon sens une bonne idée. Je vous rappelle que nous avons déjà abordé le sujet lorsque j’ai rapporté pour notre commission la proposition de loi de Mme Jacqueline Fraysse relative à la modulation des contributions des entreprises, qui a été examinée en séance le 22 mai dernier.

Je suis très favorable au dispositif proposé par cet amendement.

M. Dominique Lefebvre. Je suis favorable à la discussion de cet amendement dans l’hémicycle – et même en première partie, dans le cadre du débat sur le CICE –, mais défavorable à son adoption. S’il n’était pas retiré, j’en proposerai le rejet.

Il est utile que nous ayons un véritable débat sur les différents usages du CICE. Les chefs d’entreprises ont donné une priorité à l’augmentation des salaires alors qu’ils auraient pu faire autrement. Ce n’est évidemment pas la meilleure solution.

Je note que cet amendement n’est pas gagé. Je ne vois pas d’autre solution pour le groupe socialiste que de maintenir in fine le solde d’équilibre et le niveau de la dépense tels qu’ils sont proposés par le Gouvernement, sauf à donner un signe négatif à la Commission européenne avec laquelle des discussions vont commencer. Il me semble impossible de voter un amendement portant sur plusieurs milliards d’euros.

Cet amendement n’est pas non plus « bouclé » juridiquement. La notion de « branches d’activité se caractérisant par une forte exposition à la concurrence internationale » ne me semble ni opposable en droit ni pertinente, car une telle « exposition » s’apprécie en fait entreprise par entreprise.

Pour ma part, je ne crois pas que toute l’aide apportée aux entreprises doive se concentrer sur le seul investissement. En misant tout sur l’investissement, nous risquerions de pénaliser les entreprises auxquelles le CICE est utile pour créer de l’emploi.

La stabilité a été unanimement vantée, et elle semble constituer la première revendication des entreprises ; il serait donc pour le moins paradoxal d’adopter cet amendement, même s’il est utile d’en débattre dans l’hémicycle.

M. Pierre-Alain Muet. Le CICE visait à la fois à traiter le problème du taux de marge des entreprises, celui de la compétitivité, et celui de l’emploi. Les économistes et les politiques savent pourtant pertinemment qu’un seul instrument ne peut pas résoudre trois problèmes la fois. Si l’on veut sérieusement s’attaquer à ces trois problèmes, on est amené à se poser la question de savoir ce que devient le CICE.

Comment pérenniser un crédit d’impôt désormais requalifié en dépense ? Il est possible de procéder à des allégements de cotisations, mais ceux-ci ne seront efficaces sur l’emploi que s’ils portent sur les bas salaires situés autour du SMIC. La gauche et la droite ont joué sur ce levier ; il faut poursuivre en ce sens 
– les 4 milliards d’euros supplémentaires prévus dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale entrent dans cette logique. Il faut également améliorer la compétitivité, et le CICE peut constituer en la matière un instrument particulièrement efficace.

Ce crédit d’impôt avait une vocation très générale qui a sans doute servi à accroître les salaires, ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise chose dans la conjoncture actuelle. Mais à plus long terme, nous devons disposer d’instruments cohérents au service des objectifs majeurs que sont l’emploi, d’une part, et la compétitivité, d’autre part.

Cet amendement est de ce point de vue très intéressant : il permet d’ouvrir un débat sur le CICE et de traiter des questions qui, à mon sens, se posent de façon beaucoup plus urgente que ne le dit le rapport d’information qui vient de paraître.

M. Olivier Carré. Le rapport d’information a sans doute été adopté à l’unanimité parce qu’il prévoyait d’inscrire le CICE dans la logique de développement des entreprises et de ne pas le modifier avant plusieurs années. Toute remise en cause du dispositif est à même d’introduire un doute qui altérerait son efficacité. Je rappelle que le CICE commence seulement à devenir une réalité : depuis deux ans, on parle de 20 milliards, mais les entreprises n’ont en fait encore encaissé que 6 milliards d’euros – 10 milliards si l’on compte toute la créance.

Les crédits d’impôt ne peuvent être examinés qu’à l’aune des charges des entreprises. N’oublions qu’entre l’impôt sur les sociétés et les diverses charges, nous affichons en la matière le taux le plus élevé du monde ! Quant à la multiplication de mécanismes visant à alléger ce taux, elle ne favorise pas la lisibilité.

La droite et la gauche se font plaisir en intervenant dans le monde de l’entreprise, mais ce monde peut décider seul de ses choix et de ses investissements sachant qu’il ne licencie pas pour le plaisir et qu’il n’investit pas à fonds perdus.

M. Marc Le Fur. La presse économique montre qu’une bonne partie de l’argent du CICE a permis d’augmenter les salaires dans les entreprises. Ce crédit d’impôt aide donc paradoxalement les insiders, ceux qui ont déjà un emploi alors qu’il visait à provoquer une embauche immédiate ou un investissement dont aurait découlé une embauche future.

M. Pascal Cherki. Madame la Rapporteure générale, nous sommes prêts à corriger notre amendement afin d’en améliorer le dispositif en tenant compte de vos suggestions judicieuses qui constituent à nos yeux un encouragement. À ce stade, nous le retirons afin qu’une nouvelle version plus performante puisse être examinée en séance publique. Je suggérerai à M. Emmanuelli de se rapprocher de vous.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 49 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Afin de favoriser les donations entre vifs, qui diminuent de manière inquiétante, mon amendement propose d’instaurer, pour les donations en pleine propriété, une réduction sur les droits dégressive en fonction de l’âge du donateur. Ces dispositions tempéreraient les effets de plusieurs réformes qui ont progressivement supprimé, pour des raisons budgétaires, les avantages applicables aux droits de donation : réduction de l’abattement entre parent et enfant de 150 000 à 100 000 euros, allongement du délai de rappel fiscal du six à dix, puis de dix à quinze ans, suppression des réductions de droits spécifiques aux donations.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Votre amendement vise à étendre à tous et quel que soit le mode de transmission, les dispositions qui s’appliquent aujourd’hui aux personnes de moins de soixante-dix ans, ayant séparé la nue-propriété de l’usufruit. Outre son coût budgétaire, l’amendement n’est guère protecteur : une personne âgée qui aura donné son appartement perdrait la sécurité de l’usufruit, et risquerait de se retrouver à la porte de chez elle.

La Commission rejette l’amendement.

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Article additionnel après l’article 6
Intégration des œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt de solidarité
sur la fortune

La Commission étudie l’amendement I-CF 142 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Cet amendement, qui vise à inclure les œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF, a déjà été présenté plusieurs fois. On nous a objecté la difficulté d’évaluer les œuvres, mais la question ne se pose pas, puisque cet impôt est déclaratif. Dès lors que les œuvres d’art font l’objet d’un marché spéculatif, il n’y a aucune raison de les soustraire du champ d’application de l’ISF.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement est bien connu : il a été régulièrement soutenu par M. Christian Eckert, avant qu’il ne devienne rapporteur général. Et M. Le Fur a le bénéfice de l’antériorité : il le défend depuis plus de dix ans !

Mme la Rapporteure générale. Avis favorable. Je l’avais voté il y a deux ans, quand M. Eckert l’avait présenté.

M. Nicolas Sansu. Il faudrait tout de même soustraire de l’assiette les œuvres mises à la disposition du public.

M. Éric Woerth. Mieux vaudrait supprimer l’ISF qu’élargir son assiette !

La Commission adopte l’amendement (amendement n° I-238).

M. le président Gilles Carrez. La Commission a déjà adopté l’amendement, il y a quelques années.

M. Marc Le Fur. J’espère que nous aurons plus de succès cette fois en séance publique. Mme Aurélie Filippetti, qui avait soutenu l’amendement en tant que députée, y avait été défavorable en tant que ministre de la culture.

M. Éric Woerth. On peut craindre en effet que toutes les œuvres d’art ne quittent le pays.

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La Commission étudie, en discussion commune, les amendements I-CF 141, I-CF 144 et I-CF 139 de M. Charles de Courson.

M. Philippe Vigier. Nul n’ignore les difficultés de financement que rencontrent les PME. Dans nos circonscriptions, des chefs d’entreprise, qui ne peuvent se financer auprès des banques, nous sollicitent fréquemment sans que nous ne possédions les aider. L’amendement I-CF 141 tend à doubler le plafond de la réduction liée à l’ISF-PME pour le porter à 90 000 euros. Les amendements I-CF 144 et I-CF 139 sont des amendements de repli.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. La mesure coûterait trop cher. Selon le rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les niches fiscales, le coût total des dispositifs fiscaux en faveur des PME est passé de 240 millions en 2005 à 1,12 milliard en 2009. Le même rapport pointe les difficultés de pilotage de ces dépenses. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la précédente majorité, à laquelle vous apparteniez, avait plafonné le dispositif ISF-PME à 45 000 euros et limité la réduction à 50 %...

La Commission rejette successivement les amendements I-CF 141, I-CF 144 et I-CF 139.

Elle examine, en présentation commune, les amendements I-CF 250 et I-CF 251 de M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Ces amendements ont le même objet que l’amendement I-CF 252 que j’ai présenté en début de réunion, après l’article 6. Ils visent à étendre aux sociétés d’investissement de business angels (SIBA) l’avantage fiscal propre à l’ISF. Les SIBA, qui permettent aux contribuables d’entrer dans le capital des entreprises, constituent un bon véhicule, puisqu’elles sont gérées par des bénévoles et que le travail d’investissement est collectif.

Des amendements adoptés en 2010 et 2011 ont restreint leur champ d’intervention en les obligeant à employer au moins deux salariés et à limiter le nombre de leurs associés à cinquante. Ces restrictions ne sont pas pertinentes : les petites sociétés n’ont pas toujours besoin de deux salariés, et peinent à réunir le capital suffisant si elles comptent moins de cinquante actionnaires. L’amendement I-CF 250 propose d’assouplir ce dispositif. Le deuxième amendement, I-CF 251, beaucoup plus simple, propose de maintenir le bénéfice de la réduction de l’ISF et d’impôt sur le revenu en cas de cession, quelle qu’en soit la cause, à condition que la somme soit réinvestie.

Ces amendements ayant été déposés tardivement, je suis prêt à les retirer si la Rapporteure générale estime qu’il lui faut plus de temps pour les examiner.

Mme la Rapporteure générale. Je suggère le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Vous avez déposé trois amendements sur le sujet. J’ai commenté l’amendement I-CF 252 portant article additionnel après l’article 6. Les amendements I-CF 250 et I-CF 251 réduisent les obligations relatives aux sociétés dans lesquelles la nouvelle holding pourra investir. Il me faut davantage de temps pour me prononcer sur ce dispositif.

Les amendements sont retirés.

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Article 7
Application du taux réduit de 5,5 % de la TVA aux opérations d’accession sociale à la propriété réalisées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville

Cet article soumet, à compter du début de l’année 2015, au taux réduit de TVA, actuellement fixé à 5,5 %, la livraison d’immeubles et la réalisation de travaux, lorsqu’elles sont conduites dans le cadre d’une opération d’accession sociale à la propriété menée dans les nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville ou dans une bande de 300 mètres autour de ces quartiers. Cette adaptation législative, qui figure au nombre des mesures annoncées par le Premier ministre le 29 août 2014 au titre du Plan de relance du logement, devrait stimuler tant la construction de logements neufs que la réhabilitation de logements anciens dans les zones urbaines les plus défavorisées, au profit de ménages à revenu modeste.

Les opérations d’accession sociale à la propriété bénéficient d’ores et déjà d’un régime de TVA favorable qui a été conforté depuis la fin de l’année 2013.

Ainsi, l’article 278 sexies du code général des impôts permet d’ores et déjà de soumettre la livraison de logements neufs ou la réalisation de travaux de construction à une TVA au taux de 5,5 % à une triple condition :

– les logements doivent être destinés à devenir la résidence principale de leur acquéreur, car le but de cette mesure n’est pas de favoriser l’investissement locatif ;

– les ressources des futurs propriétaires doivent être inférieures aux plafonds prévus par l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation, ce qui permet de garantir que la mesure bénéficie aux ménages modestes, c’est-à-dire ceux qui, compte tenu des prix de l’immobilier, ont le plus de difficultés à devenir propriétaires. En application du huitième alinéa de cet article, sont éligibles au bénéfice de telles opérations les personnes dont les revenus sont inférieurs aux plafonds maximum, majorés de 11 %, que l’autorité administrative a prévus pour l’attribution de logements locatifs conventionnés, correspondant notamment aux logements gérés par les organismes d’habitation à loyer modéré. Ces derniers plafonds, exprimés en revenu annuel de référence pour chaque type de ménage, ont été révisés pour la dernière fois à la suite d’un arrêté du 23 décembre 2013 (76) et sont actuellement compris, si l’on excepte la région Île-de-France, entre 20 013 euros pour une personne seule et 38 800 euros pour un foyer de quatre personne – ce qui donne, pour l’éligibilité au taux réduit de TVA, une fois appliquée la majoration de 11 %, des montants s’élevant respectivement à 22 214 et 43 068 euros (voir tableau ci-après).

– et que les immeubles concernés doivent être situés dans des quartiers, ou dans une bande de terrain de 300 mètres autour de ceux-ci, ayant fait l’objet d’une convention conclue entre les collectivités territoriales et les organismes publics ou privés menant des opérations de rénovation urbaine, d’une part, et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), d’autre part.

PLAFONDS DE RESSOURCES DES PROPRIÉTAIRES APPLICABLES POUR L’ÉLIGIBILITÉ
DES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES AU TAUX DE TVA À 5,5 %

(en euros)

Nombre de personnes composant le ménage

Paris et communes limitrophes

Autres communes
d’Île-de-France

Communes situées dans les autres régions

1

33 217

33 217

28 879

2

49 644

49 644

38 565

3

65 078

59 677

46 378

4

77 699

71 481

55 988

5

92 444

84 619

65 863

6

104 026

95 224

74 228

Personne supplémentaire au-delà de 6

+ 11 591

+ 10 610

+ 8 279

Sources : Légifrance et secrétariat d’État au Budget (direction de la législation fiscale).

Lecture du tableau : une famille composée, par exemple, de 2 adultes et 3 enfants (soit un ménage de 5 personnes) peut bénéficier du taux de TVA à 5,5% sur les opérations immobilières à condition que son revenu annuel soit inférieur à 92444 euros si elle habite Paris, et inférieur à 65863 euros si elle habite en dehors de l’Île de France.

L’ANRU est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) créé par l’article 10 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, pour coordonner et subventionner les opérations de rénovation urbaine conduites dans les zones urbaines sensibles (ZUS) en partenariat avec les collectivités territoriales concernées. Les conventions pluriannuelles conclues, pour la conduite de ces opérations, entre l’ANRU et les collectivités et organismes impliqués dans la rénovation urbaine doivent expirer, pour la plupart d’entre elles, à la fin des années 2014, 2015 ou 2016 et, pour les plus tardives, à la fin de l’année 2018.

Ce dispositif, qui contribue à soutenir la politique en faveur du logement social aux côtés des efforts accomplis pour développer le parc locatif correspondant, a été modifié récemment à deux reprises :

– l’article 29 de la loi de finances pour 2014 du 29 décembre 2013 a rendu applicable à ces opérations, à partir du 1er janvier 2014, le taux réduit de TVA de 5,5 %, en remplacement du taux intermédiaire, lequel passait, à la même date, de 7 % à 10 %). En complément du renforcement de cette incitation fiscale, le dispositif a également été concentré sur les zones urbaines en ayant le plus besoin, grâce à la limitation à 300 mètres, au lieu de 500 mètres auparavant, de la bande de terrain adjacente aux zones ANRU et également éligible au taux réduit de TVA à ce titre ;

– l’article 27 de la loi de finances rectificative pour 2014 du 8 août 2014 a prolongé jusqu’au 31 décembre 2015 l’éligibilité au taux de TVA à 5,5 % des nouvelles constructions situées dans des zones couvertes par une convention ANRU expirant avant la fin de l’année 2014. Le but de cette prolongation était d’éviter que la date butoir de la fin de l’année 2014 n’ait un effet trop brutal, et en réalité contre-productif, sur les projets de rénovation urbaine qui pourraient encore débuter l’an prochain.

Cette dépense fiscale, dont le Gouvernement estime qu’elle amoindrit les recettes de TVA de l’ordre de 80 millions d’euros par an, est appréciée des acteurs économiques et a fait l’objet, au mois de septembre 2013, d’appréciations positives dans le cadre du rapport d’analyse de la mission pour la modernisation de l’action publique (MAP) consacré à l’évaluation de la territorialisation des politiques du logement (77). Les auteurs du rapport estiment que « le dispositif a incontestablement permis de développer des opérations d’accession qui n’auraient jamais vu le jour autrement » et soulignent que ces opérations « permettent de maintenir sur le quartier des ménages qui en seraient partis » et, de ce fait, « sont un facteur certain de mixité sociale ».

Toutefois, le champ de ce dispositif est appelé à se restreindre progressivement, à mesure que les conventions conclues avec l’ANRU arrivent à expiration. Il apparaît aujourd’hui nécessaire à la fois de pérenniser et d’accentuer cet effort financier, dans un contexte économique encore difficile pour la construction, ainsi que de tenir compte de la définition récente d’une nouvelle politique de la ville reposant sur des zonages différents.

Afin de mieux prendre en compte l’évolution de la pauvreté en milieu urbain, l’article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine a défini les nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville, en faisant reposer le nouveau zonage, dont la délimitation a été renvoyée à un décret en Conseil d’État, sur deux critères :

– le quartier, situé en zone urbaine, doit comprendre un nombre d’habitants minimal ;

– le quartier doit se caractériser, par rapport tant à l’unité urbaine dans laquelle il s’insère qu’au territoire national, par un « écart de développement économique et social apprécié par un critère de revenu des habitants ».

L’article 2 du décret n° 2014-767 du 3 juillet 2014 relatif à la liste nationale des quartiers prioritaires de la politique de la ville et à ses modalités particulières de détermination dans les départements métropolitains a fixé à 1 000 habitants le seuil de population exigé pour qu’un quartier puisse être éligible au nouveau dispositif.

La nouvelle carte, qui en a résulté et a été présentée par le Gouvernement le 17 juin 2014, comprend 1 300 quartiers, situés sur 700 communes, identifiés par l’INSEE comme comptant une majorité d’habitants dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian. Ce nouveau zonage, reposant sur des critères sociaux objectifs, est plus fin et ne se superpose qu’en partie avec la carte des 530 quartiers actuellement soutenus par l’ANRU (voir carte ci-après) (78).

La réduction du taux de TVA applicable s’inscrit bien sûr dans le cadre d’un effort plus large de renouvellement de la politique de la ville. Ainsi, le Gouvernement a notamment précisé, lors de la présentation de la nouvelle carte des 1 300 quartiers prioritaires : « Les 200 quartiers qui, identifiés par l’ANRU comme présentant les dysfonctionnements les plus lourds, bénéficieront d’une rénovation urbaine qui mobilisera 5 milliards d’euros de subventions nationales, qui feront effet levier pour un investissement de près de 20 milliards au total sur [la période] 2014-2024. »

CARTE NATIONALE DES 700 COMMUNES COMPRENANT DES QUARTIERS PRIORITAIRES DANS LESQUELS S’APPLIQUERA LA TVA À 5,5 %
POUR L’ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ

Source : Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), 2014.

L’article 278 sexies du code général des impôts ayant jusqu’à présent maintenu le lien entre l’éligibilité au taux de TVA à 5,5 % et la localisation des logements dans des quartiers ayant fait l’objet d’une convention avec l’ANRU, une partie des nouveaux quartiers prioritaires risquerait, sans modification du droit applicable, de ne pas bénéficier de cet avantage fiscal destiné à soutenir l’accession sociale à la propriété.

Le projet de loi propose donc de compléter la liste des opérations éligibles au taux de TVA à 5,5 %, fixée à cet article du code général des impôts, afin d’en élargir le bénéfice aux opérations d’accession sociale à la propriété menées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou à proximité immédiate de ceux-ci – c’est-à-dire à moins de 300 mètres des limites de ces quartiers. Qu’il s’agisse de la nature des opérations immobilières concernées, des plafonds de revenu applicables ou de la largeur de la bande de terrain adjacente aux quartiers, qui est également rendue éligible, le nouveau dispositif constitue le décalque de celui qui est actuellement prévu pour les zones ANRU. Ce parallélisme permettra ainsi d’assurer la continuité de la politique suivie et bien connue des acteurs économiques intéressés, tout en adaptant sa géographie à l’évolution de la pauvreté en milieu urbain.

La dépense fiscale résultant de cette mesure devrait rester raisonnable, puisque l’évaluation préalable jointe au projet de loi estime qu’elle devrait s’établir à 10 millions d’euros en 2015, 35 millions d’euros en 2016, 70 millions d’euros en 2017, avant de se stabiliser à 105 millions d’euros en 2018, année d’expiration des dernières conventions ANRU. Si l’on compare ce coût à celui du dispositif actuel évalué à 80 millions d’euros par an et auquel il se substituera entièrement après 2018, le surcoût pour les finances publiques paraît modéré
– d’autant qu’une augmentation du nombre de logements livrés aboutira à un élargissement de l’assiette soumise à la TVA et, ainsi, réduira d’autant la perte de recettes résultant de la seule baisse du taux.

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La Commission adopte l’article 7 sans modification.

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Après l’article 7

La Commission examine l’amendement I-CF 248 de M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Mon amendement vise à porter de 60 000 à 77 000 euros le seuil de recettes en dessous duquel l’activité des organisations sans but lucratif est exemptée de TVA. Il est très proche de l’amendement I-CF 249, qui concernait l’impôt sur les sociétés. Anticipant la réponse défavorable de la Rapporteure générale, je le retire, afin de proposer une nouvelle rédaction au titre de l’article 88 de notre règlement.

L’amendement est retiré.

La Commission étudie l’amendement I-CF 31 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. J’ai proposé plusieurs amendements visant à réduire le taux de TVA de certains produits. Celui-ci vise à assujettir au taux de 5,5 % les produits de l’horticulture n’ayant subi aucune transformation.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF 26 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Même proposition pour le bois de chauffage, les produits de la sylviculture agglomérés et les déchets de bois destinés au chauffage.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde l’amendement I-CF 99 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il n’y a aucune raison pour que le bois de chauffage, qui est une matière première en même temps qu’un bien de première nécessité, ne bénéficie pas d’un taux de TVA réduit.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle aborde, en discussion commune, les amendements I-CF 156 de M. Éric Alauzet et I-CF 27 de M. Marc Le Fur.

M. Éric Alauzet. L’amendement I-CF 156 vise à appliquer le taux de TVA réduit aux prestations de gestion des déchets qui entrent dans l’économie circulaire. Il s’agit des activités de collecte, de tri, de valorisation matière, du compostage et des opérations en déchetterie visant à réintégrer les déchets dans la chaîne de l’activité économique.

Mme Marie-Christine Dalloz. La rédaction de mon amendement I-CF 27 est plus générale.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable sur ces deux amendements. Nous les avons déjà examinés en juillet, et souligné que la liste des opérations était imprécise.

M. Éric Alauzet. L’argument ne tient pas pour l’amendement I-CF 156 : nous proposons au contraire une liste des activités très précise. Dans le budget d’une collectivité locale, on sait fort bien individualiser la prévention, le recyclage et la collecte des matières triables et recyclables.

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle examine l’amendement I-CF 28 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. L’amendement tend à réduire le taux de TVA sur les aliments à emporter.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie l’amendement I-CF 29 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. La proposition porte cette fois sur les droits d’entrée dans les parcs de loisirs.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF 33 de M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je propose d’abaisser le taux de TVA sur les prestations correspondant à l’élevage et à la vente directe d’animaux de compagnie.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle étudie, en discussion commune, les amendements I-CF 155 de Mme Eva Sas et I-CF 30 de M. Marc Le Fur.

Mme Eva Sas. Nous représentons à nouveau un amendement tendant à réduire la TVA sur les transports. La proposition visant exclusivement les transports collectifs urbains de voyageurs, son impact financier n’est pas considérable.

Deux éléments nouveaux méritent d’être pris en compte. Dans un courrier daté du 7 juillet 2014 adressé à M. Jean-Paul Huchon, le commissaire européen Algirdas Semeta autorise explicitement la France à appliquer le taux de TVA de 5,5 % aux services de transport de personnes. Par ailleurs, dès lors que nous avons choisi d’augmenter le diesel de quatre centimes par litre, nous devons favoriser les solutions alternatives aux véhicules individuels.

M. Marc Le Fur. Même proposition. Compte tenu de la TVA, l’augmentation du diesel sera au total de cinq centimes.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. L’idée de baisser la TVA pour les transports urbains est intéressante, mais la mesure coûterait près de 500 millions d’euros.

La Commission rejette successivement les amendements.

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Article additionnel après l’article 7
Modification des règles d’éligibilité de la livraison de logements intermédiaires à un taux de TVA à 10 %

Elle aborde l’amendement I-CF 91 de M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Il s’agit de donner aux collectivités et aux aménageurs davantage de souplesse pour répartir les 25 % de logements sociaux qui accompagnent les nouveaux logements intermédiaires. Concrètement, nous leur offrons la possibilité de raisonner sur un rayon de 300 mètres autour des logements pour lesquels l’agrément est sollicité. La mesure favoriserait la construction tout en préservant la mixité sociale.

M. le président Gilles Carrez. La situation actuelle est paradoxale : dans certaines zones tendues, certains aménageurs rendent les permis de construire et abandonnent purement et simplement leurs projets, du fait de dispositions trop normatives.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. La définition des opérations éligibles à un taux réduit de TVA doit respecter la directive TVA, et la Commission européenne, qui y veille, risque d’engager un contentieux si l’on élargit trop le champ du taux réduit pour le logement intermédiaire, en incluant dans la même opération immobilière des logements sociaux situés dans un rayon de 300 mètres.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. La loi, qui prescrit de construire des logements intermédiaires, précise que le quart de l’ensemble immobilier doit être constitué de logements sociaux. Mais dès lors que nul ne sait définir juridiquement la notion d’ensemble immobilier, d’innombrables permis de construire sont bloqués. Pour en sortir, il faut adopter une définition. Certains songent à la zone d’activité concertée, mais tous les projets ne sont pas forcément intégrés dans une zone d’aménagement concerté (ZAC). La commission des Affaires économiques est allée plus loin et propose que l’obligation faite au promoteur de construire 25 % de logements sociaux s’entende à l’intérieur de la commune.

M. le président Gilles Carrez. Dans les communes carencées, la loi « Duflot » impose à toute personne qui va créer plus de douze logements d’en réaliser 25 % exclusivement en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) ou en prêt locatif à usage social (PLUS) – ce qui est quasiment impossible, compte tenu des charges foncières. Il faut adopter un système plus souple puisque la législation actuelle, prise dans un souci d’intérêt général, se retourne finalement contre celui-ci.

M. Razzy Hammadi. Je soutiens l’amendement. Un rayon de 300 mètres n’empêche pas la mixité sociale. Par ailleurs, les opérations de renouvellement urbain bénéficient d’ores et déjà de dérogations européennes, qui concernent tantôt l’entreprise, tantôt la charge foncière, tantôt l’achat ou la vente des terrains. Pourquoi n’en serait-il pas de même ici ?

Mme la Rapporteure générale. J’entends la remarque de M. Pupponi sur la définition juridique de l’ensemble immobilier, mais un avis du Conseil d’État du 17 juillet 2009 s’est référé, à ce propos, à la notion d’« unité physique ou fonctionnelle ». Avec un rayon de 300 mètres, nous nous éloignerions de cette jurisprudence : cette distance est peut-être assez proche de celle qui sépare l’Assemblée nationale des Invalides… Qui plus est, on pourrait se retrouver avec des secteurs exclusivement en logement social, et d’autres où les logements intermédiaires seraient concentrés, ce qui irait à l’encontre de l’objectif de mixité sociale.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. C’est un vieux débat : j’ai souvent remarqué que ceux qui parlent le plus souvent de mixité sont ceux qui l’appliquent le moins chez eux… L’essentiel est de favoriser la construction de logements, sachant qu’il est impossible de créer de la diversité dans le même immeuble et d’y faire en même temps du logement social et de l’accession à la propriété. Cela ne marche pas.

Monsieur le président Gilles Carrez. Tous les maires le constatent, quelle que soit leur sensibilité politique.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. Les bailleurs sociaux sont les premiers à l’avouer : la volonté du législateur était bonne, mais ils n’arrivent pas à la concrétiser. Dès lors qu’on manque de logements et que le BTP s’écroule, il faut trouver une solution pour favoriser la construction dans les communes qui n’ont pas de logements sociaux. Pour cela, la meilleure solution consiste à réfléchir au niveau du territoire communal.

M. Christophe Caresche. En l’espèce, il s’agit non de dispositif « Duflot » ou de dispositif « Pinel », mais d’opérations ouvertes à des investisseurs institutionnels. La Société nationale immobilière (SNI) a monté un premier véhicule appelé ARGOS, qui fixait un objectif de près de 20 000 logements. Toutefois, les prix de sortie étant plafonnés – en zone A, on est à 16 euros –, le taux de rentabilisation est difficile à obtenir.

Le Gouvernement a donc mis en place un autre véhicule, mais il est quasiment impossible à un promoteur de réaliser 25 % de logements sociaux. L’amendement vise seulement à permettre que lesdits logements soient réalisés non dans le même groupement d’immeubles, mais à proximité, dans un endroit moins cher, donc plus adapté. Faute d’un tel dispositif, le Gouvernement n’atteindra pas ses objectifs en termes de logement intermédiaire.

M. Jean-François Lamour. Il faut poser le problème du retard pris par la ville de Paris pour le prêt locatif social. Le logement intermédiaire se situe entre le marché libre et la gamme élevée du logement social. M. Caresche cherche-t-il à construire du PLAI et du PLUS là où il en existe déjà ?

M. le président Gilles Carrez. M. Caresche cherche surtout à construire en prêt locatif social (PLS).

M. Jean-François Lamour. Dans ce cas, très bien. Il faut aller vers une vraie mixité et non vers une ghettoïsation, comme celle qu’on rencontre dans certains quartiers proches du périphérique. Le dispositif proposé ne réglera pas le problème. Il aurait fallu en amont construire beaucoup plus de PLS que de PLAI et de PLUS.

La Commission adopte l’amendement I-CF 191 (amendement n° I-239).

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Elle examine l’amendement I-CF 180 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. L’amendement vise à mettre fin à une incohérence de notre fiscalité. Actuellement, une entreprise peut se faire rembourser la TVA sur le gazole, ce qui est contraire à nos objectifs environnementaux. Transférons cette exonération vers les véhicules hybrides combinant le gazole ou l’essence à l’électricité.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. La mesure n’est pas échelonnée dans le temps, et serait très brutale, d’autant que, depuis le début de l’année, la taxe sur les véhicules de société fonctionnant au gasoil a augmenté en fonction de leur ancienneté ; c’est déjà un premier pas intéressant. Nous avons décidé en outre d’augmenter la taxation du gazole.

Mme Eva Sas. Je retire l’amendement pour le retravailler avant la séance publique.

L’amendement est retiré.

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Article 8
Suppression de taxes de faible rendement

Cet article vise à supprimer sept taxes de faible rendement et d’utilité discutable, afin de contribuer à la simplification de la législation fiscale. Cette initiative fait suite au rapport remis au Gouvernement par l’Inspection générale des finances (IGF) au mois de février dernier, qui avait relevé l’existence de 192 taxes d’un rendement inférieur à 150 millions d’euros (représentant au total un produit de 5,3 milliards d’euros) et avait proposé des pistes pour supprimer les moins efficaces de ces prélèvements. S’inspirant de ces réflexions, le Gouvernement propose de supprimer une série de taxes dont le rendement ne dépasse pas 25 millions d’euros, dont les coûts de recouvrement sont élevés au regard du produit collecté et qui, par leur complexité, nuisent à la compétitivité des secteurs concernés.

Le montant total des taxes qu’il est proposé de supprimer s’élève à 29 millions d’euros, dont 27,3 millions qui étaient affectés à l’État et 1,7 million aux collectivités territoriales. Il aurait sans doute été intéressant que le Gouvernement rende public le rapport de l’IGF, afin d’éclairer la Représentation nationale sur les critères retenus pour sélectionner la liste de taxes à supprimer.

Cet article s’inscrit dans une démarche plus générale de simplification de l’activité économique, matérialisée notamment par l’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, le 22 juillet dernier, d’un projet de loi relatif à la simplification des entreprises (79).

Le IV de cet article abroge l’article L. 231-9 du code minier (nouveau), qui soumet les titulaires de concessions de stockage souterrain d’hydrocarbures et de produits chimiques au paiement d’une redevance annuelle destinée à l’État. En application du dernier alinéa de l’article L. 231-9, celle-ci est perçue par les comptables publics chargés des recettes domaniales de l’État, cette compétence leur étant confiée par arrêté du ministre chargé du budget, en application du paragraphe I de l’article L. 2321-1 du code général de la propriété des personnes publiques et de l’article L. 252 du livre des procédures fiscales.

Instaurée par le décret du 16 août 1956 portant code minier, cette redevance n’est actuellement acquittée que par une dizaine de redevables et son rendement, en 2012, ne s’est élevé qu’à 1,8 million d’euros.

L’assiette de cette redevance est composée de trois types d’hydrocarbures ou autres produits chimiques (selon qu’il s’agit de produits gazeux, liquides ou liquéfiés) et le tarif correspondant est à chaque fois fixé par arrêté conjoint des ministres chargés des mines et du budget, dans le respect des plafonds suivants :

TARIFS DE LA REDEVANCE SUR LES STOCKAGES SOUTERRAINS D’HYDROCARBURES
ET DE PRODUITS CHIMIQUES

Type de produits faisant l’objet du stockage souterrain

Plafonds annuels prévus par la loi

Tarifs actuellement en vigueur (80)

Gaz naturel, hydrocarbures gazeux et produits chimiques gazeux

20 euros par hectare (81)

ND

Hydrocarbures liquides et produits chimiques liquides

10 à 30 euros par millier de mètres cubes (82)

7,62 à 22,87 euros par milliers de mètres cubes

Hydrocarbures liquéfiés et produits chimiques liquéfiés

60 euros par millier de mètres cubes (83)

45,73 euros par milliers de mètres cubes

Sources : Légifrance et secrétariat d’État chargé du budget.

Il convient en outre de rappeler qu’en application de l’article 1519 HA du code général des impôts (CGI), les installations de gaz naturel liquéfié et les stockages souterrains de gaz naturel sont déjà soumis à l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER). Le montant de cette taxe communale, due chaque année par l’exploitant des installations concernées, s’élève à 2,54 millions d’euros par installation de gaz naturel liquéfié et à 508 750 euros par site de stockage souterrain de gaz naturel. Par ailleurs, ces sites de stockage ayant le statut d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), leurs exploitants sont aussi redevables de la composante de la TGAP applicable aux ICPE (dont l’article 8 du projet propose également la suppression – voir B).

La suppression de cette redevance apparaît justifiée par son faible produit et son absence de finalité économique ou écologique. Il convient d’ajouter qu’en raison d’une légère tendance à la diminution du nombre de raffineries en France, les besoins de stockage de produits chimiques associés pourraient diminuer, ce qui pourrait affaiblir le rendement déjà modeste de cette redevance.

Le paragraphe I de cet article procède, au sein du régime de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) codifié aux articles 266 sexies à 266 terdecies du code des douanes, aux abrogations nécessaires pour supprimer la composante de cette taxe pesant sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Rappelons que la TGAP, créée par la loi de finances pour 1999 (84), regroupe une série de taxes fiscales et parafiscales antérieures qui frappent, en proportion de l’importance des dommages causés à l’environnement, diverses substances ou matériaux polluants, tels que les déchets, les émissions polluantes, les huiles usagées et produits lubrifiants, les lessives et les matériaux d’extraction. Son produit total a été estimé, pour l’année 2013, à 829 millions d’euros, et alimente le budget de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) jusqu’à un plafond de 499 millions d’euros, le surplus étant reversé au budget de l’État.

En application des 8. a. et 8. b. de l’article 266 sexies du CGI, sont actuellement redevables de la composante ICPE de la TGAP :

– les personnes exploitant des établissements industriels ou commerciaux dont certaines installations sont soumises à un régime d’autorisation en application des dispositions du code de l’environnement qui régissent les ICPE (titre Ier du livre V) ;

– ou encore les établissements dont les activités font courir des « risques particuliers à l’environnement » et figurent, à ce titre, sur une liste spécifiquement établie par décret en Conseil d’État.

Selon les 8. a. et 8. b. de l’article 266 septies, qu’il est également proposé d’abroger, le fait générateur de la taxe est constitué, selon le cas, par la délivrance de l’autorisation d’exploiter l’ICPE – la taxe demeure alors ponctuelle et non récurrente – ou par l’exploitation d’un établissement présentant un risque environnemental particulier – la taxe étant alors perçue chaque année. Rappelons que 1 200 autorisations portant sur des ICPE sont, en moyenne, accordées chaque année et que le nombre de redevables de la partie annuelle de cette composante s’élève à un peu plus de 12 000.

Les tarifs de cette composante de la TGAP, fixés aux alinéas 27 à 31 du tableau du B du 1. de l’article 266 nonies du code des douanes, s’élèvent à 339,40 euros par an pour la poursuite de l’exploitation d’une ICPE et à 2 525,4 euros pour la délivrance d’une autorisation à une nouvelle ICPE. Ce dernier tarif est toutefois réduit à 501,60 euros lorsque l’exploitant de l’installation est un artisan qui n’emploie pas plus de 2 salariés et à 1 210,80 euros pour les autres entreprises inscrites au répertoire des métiers.

Enfin, contrairement aux autres composantes de la TGAP, dont le contrôle, la liquidation et le recouvrement sont confiés à l’administration des douanes en application des articles 266 undecies et 266 duodecies du code des douanes, l’article 266 terdecies confie actuellement ces missions aux services chargés de l’inspection des installations classées. Dès lors que la composante ICPE de la TGAP a vocation à être supprimée, le projet de loi propose d’abroger cet article qui précisait ses conditions dérogatoires de contrôle, liquidation et recouvrement.

L’évaluation préalable annexée à l’article indique que cette composante n’aurait pas d’effet incitatif au profit de l’environnement, mais serait complexe à recouvrer pour l’administration. Toutefois, sur la base de son produit recouvré en 2012, cette taxe devrait avoir rapporté 25 millions d’euros à l’État en 2013 – provenant à 90 % des prélèvements opérés sur les établissements figurant sur la liste spéciale de ceux pour lesquels un risque environnemental particulier a été identifié.

Le produit de cette composante de la TGAP est beaucoup moins anecdotique que celui des autres taxes dont la suppression est proposée. Par ailleurs, cette taxe pèse sur des activités qui sont généralement susceptibles de causer des pollutions importantes : à cet égard, elle présente a priori un intérêt écologique, même si son montant est forfaitaire. En outre, le secrétariat d’État au budget n’a pas communiqué à la Rapporteure générale de précisions quant aux éléments conduisant le Gouvernement à considérer que cette taxe n’a pas de caractère incitatif sur le plan écologique. Elle s’interroge donc sur la pertinence d’une suppression de cette taxe.

L’article 613 ter du CGI dispose en son premier alinéa que « les appareils automatiques installés dans les lieux publics sont soumis à un impôt annuel à taux fixe » (sic). Les appareils automatiques sont définis par le deuxième alinéa comme « ceux qui procurent un spectacle, une audition, un jeu ou un divertissement et qui sont pourvus d’un dispositif mécanique, électrique ou autre, permettant leur mise en marche, leur fonctionnement ou leur arrêt ». Cette définition a valu à cet impôt d’être désigné comme la « taxe sur les flippers » ; l’époque de sa création – 1982 – n’est sans doute pas étrangère à ce surnom. Les appareils permettant d’écouter de la musique dans des endroits ne servant pas de consommation – par exemple dans des magasins de vente de disques – ne sont pas soumis à la taxe (troisième alinéa).

Cette taxe, dont le régime est assez simple, est pourtant codifiée au sein d’une dizaine d’articles, prouesse légistique qui mérite d’être relevée.

L’article 613 quater fixe le tarif de la taxe à 5 euros par appareil et par an.

L’article 613 quinquies permet de lever le doute saisissant le lecteur du premier alinéa de l’article 613 ter : ce sont bien les exploitants des appareils qui sont redevables de la taxe, et non les appareils eux-mêmes, quel que soit leur degré d’intelligence électronique.

L’article 613 sexies confie la liquidation et le recouvrement de la taxe à l’administration des douanes et des droits indirects. Assez logiquement, l’article 613 duodecies prévoit que les règles de recouvrement et le régime contentieux sont identiques à ceux prévus en matière de contributions indirectes.

Le 3° de l’article 613 nonies prévoit que l’administration remette à l’exploitant, pour preuve du paiement de la taxe, une vignette à apposer sur l’appareil.

Les articles 613 septies, octies, decies et undecies sont relatifs entre autres aux modalités de déclaration des appareils à l’administration.

Le produit de cette taxe, affecté à l’État selon l’évaluation préalable, est désormais inférieur à 500 000 euros, compte tenu du retrait massif de ces appareils des lieux publics (125 000 jeux retirés entre 1999 et 2006 selon l’évaluation préalable). La même source estime que cette taxe « n’est plus susceptible de remplir un quelconque objectif ».

Le présent article en propose donc la suppression, au A du III (alinéa 10).

L’article 564 sexies du CGI met à la charge des producteurs de colza, de tournesol et de navette une cotisation de solidarité, « portant sur toutes les quantités livrées aux intermédiaires agréés ».

Le taux de la cotisation, fixé par décret pour chaque campagne, est plafonné à 30,49 euros pour 100 quintaux.

Le code dispose que « la cotisation est perçue auprès des intermédiaires agréés par les services de l’État », rédaction dont il est sans doute possible d’inférer que les redevables sont les intermédiaires agréés.

Comme le relève à juste titre l’évaluation préalable du présent article, aucun affectataire du produit de la cotisation n’est désigné par le code. Dans le silence de la loi, il devrait s’agir de l’État, ce qui n’est pas intuitif s’agissant d’une cotisation « de solidarité », qui pourrait avoir une vocation de redistribution au sein de la filière. Cette question n’a manifestement jamais été tranchée, puisque la cotisation ne procure aucun rendement.

Sa suppression, prévue par le A du III (alinéa 10), ne portera donc préjudice à personne. Par coordination, le B du III (alinéas 11 et 12) supprime la référence à l’article 564 sexies dans l’article 1698 D, relatif aux modalités de paiement de certaines contributions.

La loi dite « Grenelle II » (85) a institué hors Île-de-France deux taxes facultatives, codifiées à l’article 1609 nonies F du CGI (86) :

– les autorités organisatrices de transport urbain (AOTU) peuvent mettre en place, sur délibération, une taxe sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis résultant de la réalisation d’infrastructures de transports collectifs en site propre (87) ;

– l’État ou les régions, en leur qualité d’autorités organisatrices des services de transports ferroviaires régionaux de voyageurs, peuvent mettre en place une taxe sur la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis résultant de la réalisation d’infrastructures ferroviaires.

Ces deux taxes sont communément – et commodément – désignées sous l’appellation unique de « taxe Grenelle II ». Elles ont pour objet de faire contribuer au financement des transports publics les propriétaires (88) qui auraient bénéficié, à l’occasion d’une cession à titre onéreux, d’une augmentation de la valeur de leur bien immobilier (89) du fait de la réalisation de nouvelles infrastructures de transport à proximité. Le produit de la taxe est ainsi affecté à l’AOT ou, lorsqu’elle est instituée par l’État, à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

La taxe est assise sur 80 % de la plus-value réalisée, cette fraction étant diminuée du montant imposé du fait du régime de droit commun des plus-values immobilières (90).

Deux régimes de taux sont prévus, selon la proximité du bien avec l’infrastructure de transport :

– un régime de taux normal lorsque la distance entre le bien et l’infrastructure (91) est inférieure à 800 mètres. Le taux est alors de 15 % lorsque la taxe est instituée par les AOTU et de 5 % lorsqu’elle est instituée par l’État ou les régions ;

– un régime de taux réduit (de moitié) lorsque la distance est comprise entre 800 et 1 200 mètres.

Le montant des taxes est plafonné à 5 % du prix de cession.

Les taxes ne peuvent être instituées pour une durée dépassant quinze ans.

Une série d’opérations sont exonérées, notamment les premières ventes après achèvement, les ventes postérieures à la réalisation de l’infrastructure, ou celles réalisées au profit d’organismes de logement social.

L’évaluation préalable constate que « la taxe -0Grenelle II-0 n’ayant jamais trouvé à s’appliquer, sa suppression poursuit un objectif de simplification de la législation fiscale ».

Le A du III (alinéa 10) procède à cette suppression, en abrogeant l’article 1609 nonies F du CGI.

Par voie de conséquence, ni les AOTU, ni les régions, ni l’AFITF ne subiront de pertes de recettes du fait de sa suppression.

En application des articles L. 2333-58 à L. 2333-61 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le conseil municipal peut décider de répartir entre la commune et les propriétaires riverains le coût de construction des trottoirs des rues et places, la part assumée par la commune devant être d’au moins 50 %.

Cette taxe, instituée en 1845, « est devenue obsolète à mesure de l’évolution de l’aménagement du territoire national » selon les termes de l’évaluation préalable. Le B du II (alinéa 7) en propose la suppression. Par coordination, le A du II (alinéa 6) propose d’abroger le 6° de l’article L. 2331-4, qui permet l’inscription du produit de la taxe de trottoirs (92) dans les recettes non fiscales de la section de fonctionnement du budget communal.

La perte de recettes pour les communes serait d’environ 1 million d’euros.

La loi du 30 décembre 2006 relative à l’eau et aux milieux aquatiques (93) a créé une taxe facultative pour la gestion des eaux pluviales urbaines, codifiée aux articles L. 2333-97 à L. 2333-101 du CGCT.

Cette taxe peut être instituée par les communes ou leurs groupements, afin de financer le service public de gestion des eaux pluviales urbaines, conçu comme une alternative au tout-à-l’égout, favorisant la régulation des écoulements et l’infiltration des eaux. La taxe est alors due par les propriétaires des terrains et voieries situés dans une zone urbaine ou ouverte à l’urbanisation. La taxe est assise sur la superficie cadastrale des terrains ; son tarif ne peut dépasser 1 euro par mètre carré.

L’évaluation préalable constate que cette taxe, « pourtant instaurée depuis près de dix ans, n’a pas manifesté son utilité : deux communes seulement l’ont mise en place, quatre ont délibéré mais reporté sa mise en œuvre, et une trentaine ont réalisé l’étude de faisabilité ».

Le C du II (alinéa 8) propose en conséquence l’abrogation des articles précités du CGCT.

La perte de recettes pour les collectivités territoriales est estimée à 700 000 euros.

Dans son rapport sur l’application de la loi fiscale de juillet dernier, la Rapporteure générale faisait état de données financières du même ordre, mais relevait que 19 communes – et non pas deux – avaient comptabilisé une recette au titre de cette taxe (94)

*

* *

La Commission étudie l’amendement I-CF 236 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. L’article 8 vise à supprimer des taxes à faible rendement. Cependant il serait dommage de supprimer la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) pesant sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Il serait anormal que ces entreprises ne participent plus, fût-ce modestement, aux efforts d’investissement dans la transition énergétique.

Mme la Rapporteure générale. Le Gouvernement a effectivement souhaité supprimer une série de petites taxes dont le coût de collecte est relativement élevé au regard de leur produit. Cela étant, celle à laquelle vous faites allusion rapporte bel et bien 25 millions d’euros à l’État. Je suis plutôt favorable à cet amendement.

La Commission adopte l’amendement I-CF 236 (amendement I-240).

La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 218 de M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Je présente cet amendement au nom de l’Association des maires de France. Supprimer trois taxes de faible rendement dont le produit est affecté aux communes – taxe pour la gestion des eaux pluviales urbaines, taxe sur les appareils automatiques et taxe de trottoir et de pavage – peut paraître n’avoir qu’un effet négligeable, mais la disparition de toutes ces petites ressources aboutit à aggraver les difficultés des collectivités.

Mme la Rapporteure générale. Sur la forme, le corps de l’amendement ne correspond pas tout à fait à son exposé sommaire : ainsi l’alinéa 10 de l’article 8 n’est pas mentionné alors que c’est là qu’est prévue la suppression de la taxe sur les appareils automatiques. Sur le fond, l’amendement vise au maintien de recettes qui ne s’élèvent qu’à 2,2 millions d’euros : 700 000 euros pour la taxe pour la gestion des eaux pluviales, 500 000 euros pour la taxe sur les appareils automatiques et 1 million d’euros pour la taxe de trottoir. Il va à l’encontre de la logique de simplification poursuivie par le Gouvernement. Avis défavorable.

Mme Christine Pires Beaune. Les taxes de faible rendement recensées sont au nombre de 160. Le présent article ne vise à en supprimer que sept. Pour quatre d’entre elles, le produit est affecté à l’État, et pour les trois autres aux collectivités territoriales ou aux opérateurs, à hauteur de 1,7 million d’euros par an. L’IGF a consacré un rapport à ce sujet, qui fut également débattu lors des assises de la fiscalité des entreprises.

Une taxe comme la taxe sur les appareils automatiques, par exemple, induit des frais de gestion vont bien au-delà de ce qu’elle rapporte. Les inspecteurs des douanes doivent vérifier dans chaque café que la taxe de cinq euros est bien acquittée pour chaque flipper…

Mme Christine Pires Beaune. Il importe de savoir à qui ces taxes bénéficient, quitte à prévoir, le cas échéant, des mesures de compensation, mais il faut en finir avec des dispositifs inutilement onéreux.

M. Dominique Lefebvre. En matière de simplification et d’assainissement du paysage fiscal, l’objectif du Gouvernement me paraît modeste. Je m’attendais à une intervention plus massive. Peut-on passer son temps à gérer des symboles ? Nous avons quelques impôts qui sont là pour faire du rendement et procurer de la ressource publique ; les autres taxes, et particulièrement ces micro-taxes, ne devraient pas avoir d’autre logique que celle de modifier les comportements ; et certaines, dont l’histoire est très ancienne, en sont venues à perdre tout sens. Même, si pour une collectivité, un sou est un sou, nous avons tout à gagner à simplifier le paysage de la fiscalité. Nous nous porterions tort si la Commission semblait, par ses votes, refuser la simplification de la taxation.

M. le président Gilles Carrez. Effectivement, cela fait des années que nous tournons autour de ces micro-taxes. Un jour ou l’autre, il faut sauter le pas.

M. Étienne Blanc. Dans le cadre des propositions de loi de simplification, nous avions mené une réflexion sur les taxes de faible rendement, en constatant que les obligations déclaratives, les contrôles et le recouvrement par les trésoriers publics induisaient souvent des dépenses bien supérieures aux recettes. Il faut absolument faire du nettoyage, en prévoyant un train complet de suppressions.

Mme Christine Pires Beaune. Je suis favorable à la suppression des taxes de faible rendement ; cela étant, j’ai remarqué qu’une seule micro-taxe – qui ne figure pas dans la liste – peut représenter jusqu’à 38 % des recettes d’une commune. Aussi faut-il les examiner une à une avant leur suppression et prévoir au besoin des mesures compensatoires. Mais, hormis ces cas très particuliers, je crois, moi aussi qu’il faut désormais sauter le pas.

M. le président Gilles Carrez. Oui, si des pertes importantes de recettes sont à déplorer, il doit être possible de prévoir des compensations par l’État.

La Commission rejette l’amendement I-CF 218.

La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 235 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Bien qu’étant favorable à la logique de la suppression des taxes de faible rendement, je pense qu’il est important de maintenir au profit des communes la possibilité de lever un impôt sur les plus-values nées de la réalisation d’infrastructures de transport qui améliorent la desserte de terrains nus ou d’immeubles. Si les collectivités n’ont pas encore utilisé cette possibilité, nous devons seulement faire la publicité de cette taxe auprès d’elles. Car il est nécessaire de financer les infrastructures de transport.

Mme la Rapporteure générale. Cette taxe n’a en effet jamais été mise en place. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement I-CF 235.

Puis elle examine l’amendement I-CF 277 de la Rapporteure générale.

Mme la Rapporteure générale. Je propose la suppression de trois autres taxes : les droits d’enregistrements sur les mutations à titre onéreux des meubles corporels, qui rapporte 70 000 euros, la contribution aux poinçonnages, qui rapporte 700 000 euros, et la contribution sur les revenus locatifs.

M. le président Gilles Carrez. Pour ma part, j’approuve tout à fait cet amendement.

La Commission adopte l’amendement (amendement I-241).

Puis la Commission adopte l’article 8 modifié.

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Après l’article 8

La Commission examine l’amendement I-CF 204 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement devrait être cher au secrétaire d’État au budget. Il a pour objet d’élargir le champ de la taxe sur les transactions financières en y intégrant les transactions dites « intra-day », qui sont dénouées au cours d’une seule et même journée. Cette activité est en effet à la fois nocive et dangereuse, car, en se développant de manière automatique grâce à la mise en action de modèles mathématiques, elle peut déséquilibrer les marchés financiers. En outre, les recettes attendues de la mise en place de la taxation des transactions financières, qui s’établissaient au départ à 100 milliards d’euros, ont ensuite été révisées à 50 milliards, pour ne plus atteindre que 5 milliards d’euros dans les dernières estimations. Autrement dit, elles se sont réduites comme peau de chagrin.

Mme la Rapporteure générale. Vous proposez de taxer des transactions qui ne font même pas l’objet d’un enregistrement. La loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a déjà traité le problème du booking et du trading haute fréquence. Avis défavorable.

M. le président Gilles Carrez. Je rappelle que la taxation des transactions financières n’est pas encore votée en Allemagne, comme j’ai pu m’en rendre compte lors de la dernière rencontre avec nos collègues du Bundestag. En fait, nous sommes les seuls à l’avoir mise en place.

M. Jérôme Chartier. Le principe d’une taxation des transactions financières est excellent, si elle est mise en œuvre par tous. Mais elle nuit à la place de Paris si elle n’est appliquée qu’en France. Une mise en œuvre efficiente ne peut se faire qu’à l’échelle européenne, au minimum, en incluant la place de Londres.

M. Pascal Cherki. Si je suis parfois sévère par rapport aux Allemands, je suis néanmoins obligé de constater que, sur le sujet de la taxation des transactions, c’est la France qui a mis le pied sur le frein dans les pourparlers européens.

M. le président Gilles Carrez. Nos homologues allemands justifiaient de même l’absence de mise en œuvre en Allemagne par le fait que la France ne serait pas allée assez loin ! C’était un dialogue de sourds.

M. Pascal Cherki. Au niveau européen en tout cas, la France n’a pas été motrice sur l’assiette de la taxe, qui n’a pas été étendue aux produits dérivés. Demandez à M. Michel Barnier !

M. Jérôme Chartier. Si, les Français ont été moteurs, comme je l’ai appris au cours d’échanges à Bruxelles avec M. Michel Barnier. Sans les lois bancaires françaises de 2011 et 2013, il n’aurait pu formuler ses ambitieuses propositions, jetées comme une bouteille à la mer malgré les réticences allemandes et britanniques. Mais en faisant cavalier seul, la France a affaibli la place de Paris, qui aurait au contraire intérêt à être renforcée pour capter à nouveau de l’activité en France. Je maintiens qu’une mise en œuvre à l’échelle européenne constitue un minimum.

Mme Karine Berger. Je suis obligée de contredire notre collègue M. Pascal Cherki, car la France, même si elle s’est montrée un peu timide sur l’assiette de la taxation, était néanmoins la seule à demander une date d’application précise. Les Allemands étaient tout à fait d’accord pour faire une magnifique taxe sur les transactions financières, mais sans date… La négociation européenne a abouti ainsi sur une taxation à l’assiette certes un peu étroite, mais avec une date certaine d’entrée en vigueur dans les pays participant à la coopération renforcée. C’est donc un progrès, puisque beaucoup d’États membres de l’Union européenne ne connaissaient pas auparavant de taxation des transactions financières.

M. le président Gilles Carrez. Quelle est cette date d’entrée en vigueur ?

Mme Karine Berger. D’après mes souvenirs, le 1er janvier 2016.

La Commission rejette l’amendement I-CF 204.

Puis elle examine l’amendement I-CF 181 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Certains secteurs économiques sont exonérés de la taxation sur le carbone. Mais la dégradation des conditions climatiques produit des effets néfastes sur l’économie et bien au-delà. Même si je veux prendre en compte la fragilité de certains secteurs, chacun doit recevoir un signal en étant soumis à la taxation. Des compensations, certes non prévues par l’amendement, pourraient au besoin être envisagées.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Si l’amendement était adopté, la taxation du transport de marchandises par voie navigable inciterait à un report du trafic sur le transport routier, ce qui serait dommageable sur le plan environnemental.

M. Éric Alauzet. Il faudrait trouver les moyens pour soutenir ces secteurs par d’autres voies, car le réchauffement climatique est un enjeu qui les concerne tous.

La Commission rejette l’amendement I-CF 181.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements I-CF 42 et I-CF 43 de M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Alors que les pertes de recettes provenant du tabac sont estimées à 200 millions d’euros, que les buralistes sont de moins en moins nombreux, et tandis que la vente clandestine de tabac « au cul du camion » est de plus en plus florissante et que la contrefaçon continue à prospérer, nous n’avons pas fait évoluer la fiscalité du tabac. En tant qu’élu d’une région frontalière, et de surcroît en milieu rural, je vois bien comment les choses se passent. Mes amendements ont pour but de revenir à une fiscalité positive pour l’État en proposant d’appliquer de nouveaux taux à la part proportionnelle, qui résulte de l’application du taux proportionnel au prix de vente au détail, afin de redynamiser la vente légale : cela permettrait rapporter un peu de fiscalité à l’État, et de mieux maîtriser le marché du tabac qui, pour l’instant, reste légal.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Ce système bloquerait l’application des super minima de perception, qui dissuadent les fabricants de tabac de casser les prix par des pratiques de dumping. Qui plus est, votre amendement avantagerait certaines marques de tabac par rapport à d’autres.

Les deux amendements I-CF 42 et I-CF 43 sont rejetés.

La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 189 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. La taxe sur les véhicules de société donne un avantage injustifié aux véhicules diesel par rapport aux véhicules à essence. Nous proposons d’ajuster la taxe sur ces véhicules, en tenant compte de leur ancienneté.

Mme la Rapporteure générale. La taxe sur les véhicules de société a déjà été augmentée au 1er janvier de cette année pour les véhicules roulant au gazole. Restons-en là…

L’amendement I-CF 189 est rejeté.

La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 103 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. En 2012, deux dispositions relatives à l’aide médicale de l’État ont été supprimées. La première imposait un accord préalable, tandis que la seconde fixait un ticket d’entrée pour le bénéficiaire. À l’époque, le budget de l’aide médicale de l’État s’élevait à 200 millions d’euros. Il a grimpé depuis lors à 1,2 milliard d’euros ! Parallèlement, vous parlez de soumettre les aides aux familles à des conditions de revenu… Revenons plutôt à une aide médicale de l’État compatible avec nos finances !

Mme la Rapporteure générale. L’aide médicale de l’État a un coût budgétaire, en effet. Mais le ticket d’entrée qui fut supprimé s’élevait à 30 euros, alors que celui que vous voulez instaurer s’établirait à 50 euros. Vu les risques sanitaires tels que l’actuelle épidémie d’Ebola, il est hors de question de ne pas continuer, grâce à l’aide médicale d’État, à assurer des soins aux gens atteints d’une maladie susceptible d’infecter toute la population.

M. Razzy Hammadi. J’avais défendu en juin 2012 la suppression du ticket d’entrée à 30 euros. Loin de toute solidarité d’apparat, c’était le résultat d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur l’épidémiologie et la prévention : il établissait qu’il revenait beaucoup plus cher de remédier à une situation sanitaire détériorée. Et l’enjeu d’Ebola suffit pour balayer tout argument.

M. Olivier Faure. Ne vaudrait-il pas mieux retirer cet amendement ? Sur un sujet de cet ordre, il faut absolument arriver à un consensus. On stigmatise des populations en considérant qu’elles ne devraient pas accéder de manière trop simple à la santé. Que ferait-on si les malades atteints du virus Ebola se cachaient, se terraient et infectaient leur entourage plutôt que de se présenter pour se faire soigner ? Au-delà du risque épidémiologique, le coût pour la collectivité ne serait plus de l’ordre du milliard, mais bien de plusieurs dizaines, voire centaines de milliards. L’aide médicale de l’État est autant question d’efficacité que de générosité.

L’amendement I-CF 103 est rejeté.

La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 184 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. L’uranium ne doit pas échapper à la taxe sur le carbone. C’est un avantage indu en faveur de l’énergie nucléaire.

Mme la Rapporteure générale. À ma connaissance, il n’y a pas de composante carbone dans l’uranium… Qui plus est, l’adoption de votre amendement induirait une hausse du tarif de l’électricité. Avis défavorable.

L’amendement I-CF 184 est rejeté.

La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 234 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Alors que la fiscalité sur le diesel augmente, il est impossible d’expliquer aux Français que leur plein de carburant est plus cher tandis que le trafic aérien reste exonéré de cette taxation. Mais peut-être le sujet mérite-t-il d’être débattu plutôt en séance publique.

L’amendement I-CF 234 est retiré.

Puis la Commission examine l’amendement I-CF 182 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Plus spécifique, cet amendement vise à mettre fin à l’exonération fiscale dont bénéficie l’électricité produite à partir d’énergie fossile. Il faut mettre sur un pied d’égalité le particulier qui se chauffe au gaz et paie la « contribution climat-énergie », qui n’est autre qu’une composante de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), et le producteur d’électricité qui utilise du gaz ou du fioul, mais se trouve, lui, exonéré de toute contribution.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. L’adoption de cet amendement conduirait à une hausse du prix de l’électricité, ainsi produite.

M. Jean-Pierre Gorges. Je suis d’accord avec notre collège Eva Sas. Nous sortons d’une commission d’enquête sur le coût du nucléaire et nous allons entrer dans une commission d’enquête sur le coût de l’électricité. Il importe avant tout de connaître le coût réel de l’énergie, son coût complet, intégrant toutes ses composantes. De même, si la production discontinue d’une énergie renouvelable suppose de mettre en marche ponctuellement des centrales thermiques, elle ne s’avère pas favorable dans le contexte de la réduction de la production de dioxyde de carbone. À faire payer celui-ci, mais pas celui-là, jamais on ne parviendra à faire de vraies comparaisons.

M. le président Gilles Carrez. Vérité des coûts !

L’amendement I-CF 182 est rejeté.

La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 183 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Cet amendement vise à limiter le remboursement de la TICPE aux seuls taxis hybrides. Mais je veux bien travailler à une meilleure progressivité de la mesure envisagée.

Mme la Rapporteure générale. En l’état, cette mesure serait effectivement brutale. Avis défavorable.

L’amendement I-CF 183 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 224 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. L’amendement I-CF 224 vise à corriger une anomalie en précisant les modalités d’application de la taxe carbone pour qu’elle ne s’applique pas au biométhane – c’est-à-dire le méthane obtenu à partir de produits végétaux à l’issue d’un cycle court –, une énergie renouvelable non émettrice de CO2. Cette proposition est tout à fait applicable puisqu’il est possible de distinguer, dans les réseaux, le méthane issu de carbone minéral de celui issu de carbone végétal. En ne la mettant pas en œuvre, on risque de plomber la filière du biométhane et de la méthanisation en général.

M. Marc Goua. Je suis d’accord avec notre collègue M. Éric Alauzet pour considérer qu’il y a là une anomalie à corriger.

Mme la Rapporteure générale. Le biogaz est déjà exonéré. En revanche, puisque l’on n’est pas en mesure, dans les circuits de distribution, de distinguer du méthane ordinaire le biométhane, les deux gaz se mélangeant, cet amendement me paraît poser un problème opérationnel.

M. Éric Alauzet. En attendant de vérifier s’il est techniquement possible de distinguer le méthane selon son origine, je retire mon amendement.

L’amendement I-CF 224 est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 228 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Le recyclage des déchets étant de plus en plus répandu, une responsabilité élargie du producteur (REP) a été mise en place pour la gestion des produits en fin de vie, consistant en une contribution du metteur sur le marché au financement de la collecte et du tri de ces produits. Cependant, les déchets non recyclables ne sont soumis à aucune contribution, ce qui est pour le moins étonnant : alors que les producteurs vertueux payent pour recycler leurs produits à l’état de déchets, les autres échappent à toute contribution. L’amendement I-CF 228 vise donc, là encore, à corriger une anomalie.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable. Nous avons déjà vu cet amendement au mois de juillet, et nous sommes déjà interrogés sur la notion de « produits manufacturés de grande consommation générateurs de déchets » qui, trop imprécise, pourrait conduire le Conseil constitutionnel à sanctionner un cas d’incompétence négative.

La Commission rejette l’amendement I-CF 228.

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 227 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à préparer une réflexion qui viendra sans doute en son temps, lorsque les mesures proposées par la commission pour la fiscalité écologique seront examinées dans le cadre de la loi de finances rectificative. Alors qu’actuellement, la TGAP est modulée en fonction de la performance des établissements – selon, par exemple, que l’on récupère plus ou moins d’énergie ou que l’on transporte les déchets de telle ou telle façon –, l’amendement I-CF 227 vise à introduire des critères de modulation en fonction de la hiérarchie des modes de traitement des déchets – c’est-à-dire selon que l’on trie plus ou moins en vue de valoriser la matière.

Mme la Rapporteure générale. Si l’objectif de cet amendement est louable, il ne précise pas la modulation et me paraît donc trop imprécis pour être constitutionnel. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement I-CF 227.

Elle est saisie de l’amendement I-CF 159 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Le rapport de l’Autorité de la concurrence sur les sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui nous a été remis le mois dernier, nous a tous frappés en faisant état d’un taux de rentabilité net s’établissant entre 20 % et 24 % du chiffre d’affaires de ces sociétés en 2013 – ledit taux n’étant, de surcroît, pas corrélé à un risque de nature à le justifier. L’amendement I-CF 159 vise à récupérer une partie de la manne perçue sans risque par les sociétés d’autoroutes.

Le rapport de l’Autorité de la concurrence préconise qu’intervienne, à partir d’un certain seuil, un partage des bénéfices entre la société concessionnaire et le concédant, à savoir l’État. Je m’en suis inspirée pour proposer qu’à partir d’un certain taux de bénéfice, les sociétés concessionnaires aient obligation de verser à l’État la moitié de leurs bénéfices annuels.

Mme la Rapporteure générale. Si j’approuve une telle mesure, je pense qu’elle gagnerait en précision à être présentée sous la forme d’une proposition de loi, dont chacun des articles pourrait être examiné par le Conseil d’État sur le fondement du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution. Je vous suggère donc de retirer cet amendement, madame Sas.

M. le président Gilles Carrez. Une mesure de rééquilibrage des concessions, basée sur les préconisations de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence, est d’autant plus justifiée que le Gouvernement paraît disposé à prolonger leur durée.

M. Dominique Lefebvre. Comme Mme la Rapporteure générale, il me semble qu’il vaudrait mieux retirer cet amendement, quitte à le présenter à nouveau dans le cadre de l’article 88 afin de permettre au Gouvernement de s’exprimer publiquement à son sujet. On sait en effet que le ministre de l’économie travaille actuellement à la rédaction d’un projet de loi qu’il a l’intention de déposer avant la fin de l’année. Le problème juridique qui est ici soulevé est complexe, car il implique de tenir compte non seulement du droit français, mais aussi du droit européen. Après l’audition de M. Bruno Lasserre, président de l’Autorité de la concurrence, nous avons tous le sentiment qu’il est impossible de maintenir le statu quo, mais ce n’est pas en votant un amendement qui va déboucher sur une impasse juridique que nous allons régler le problème. En tout état de cause, il serait bon que le ministre nous fasse part dans l’hémicycle des intentions du Gouvernement en la matière.

M. le président Gilles Carrez. Le retrait de cet amendement et sa reprise dans le cadre de l’article 88 me paraissent effectivement constituer une bonne solution. Notre commission avait demandé un rapport à la Cour des comptes, puis saisi l’Autorité de la concurrence au moyen d’une lettre cosignée par M. Christian Eckert, alors rapporteur général, et moi-même ; je comptais ensuite vous proposer de procéder à un certain nombre d’auditions complémentaires mais, dans cette période de discussion budgétaire, nous n’avons malheureusement pas pu prolonger notre travail de cette manière. En l’état actuel des choses, j’estime donc qu’il serait utile d’entendre, dès la semaine prochaine, les explications du Gouvernement sur cette question – ce qu’il vaudrait mieux faire dans le cadre de l’article 88, madame Sas.

Mme Eva Sas. J’entends vos explications, monsieur le président, ainsi que celles de Mme la Rapporteure générale et de M. Lefebvre, et je retire mon amendement, que je redéposerai dans le cadre de l’article 88.

L’amendement I-CF 159 est retiré.

*

* *

II.– Ressources affectées

A.– Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 9
Fixation pour 2015 de la dotation globale de fonctionnement et des allocations compensatrices d’exonérations d’impôts directs locaux

Le présent article fixe, pour l’année qui vient, le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et détermine sa clé de financement, notamment dans la mesure où celle-ci supporte l’intégralité de l’effort de réduction de 3,67 milliard d’euros – en 2015 – des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.

RÉPARTITION DES ÉCONOMIES SUR LES CONCOURS FINANCIERS DE L’ÉTAT
AUX COLLECTIVITÉS EN 2015

(montants en milliards d’euros, sauf mention contraire)

 

Bloc communal

Départements

Régions

Total

Recettes totales 2012 (fonctionnement et investissement)

137,2

71,3

27,9

236,4

Part dans les recettes totales

58 %

30,2 %

11,8 %

100 %

Montant de la baisse de la DGF

2,129

1,108

0,433

3,670

Source : commission des Finances.

En conséquence, le montant de la DGF atteindra, en 2015, 36 557 553 000 euros (contre 40 123 544 000 euros l’an dernier), soit une diminution de 3,566 milliards d’euros sur un an, correspondant à 8,8 % de la dotation mais sans dépasser 1,91 % des ressources réelles de fonctionnement des collectivités (I de l’article).

Ce décalage apparent entre l’effort de réduction des concours financiers supporté par la DGF et la diminution réelle de celle-ci s’explique par les contraintes nouvelles qui tendent à faire progresser le montant de la DGF – au premier rang desquelles l’effort consenti en faveur de la péréquation verticale – et qui ne sont que partiellement compensées par les mécanismes d’écrêtement internes.

Au total, le besoin de financement supplémentaire lié à ces contraintes atteint 114 millions d’euros. Compte tenu des décisions des conseils généraux des départements de l’Aveyron, de l’Hérault et de la Mayenne de mettre fin à l’exercice de plusieurs compétences dans le domaine de la santé publique et de renoncer aux subventions correspondantes, mais également d’une « recentralisation sanitaire » (95) en matière de politique de dépistage des infections sexuellement transmissibles, la clé de passage de 2014 à 2015 de la DGF s’établit ainsi :

CLÉ DE PASSAGE DE LA DGF 2014-2015

(en millions d’euros)

 

Montants

DGF LFI 2014

40 121,091

Majoration pour couvrir les nouvelles contraintes

+ 114,000

Effort de réduction des concours financiers de l’État aux collectivités

– 3 670,000

Minoration au titre de la recentralisation sanitaire

– 7,538

TOTAL inscrit à l’article 24 du présent projet de loi de finances

36 557,553

   

Pour financer ces contraintes internes de la DGF sans entamer l’effort global d’économies de 3,67 milliard d’euros, le taux de minoration des variables d’ajustement – à savoir, les allocations compensatrices d’exonération de fiscalité locale (visées aux A à K du II) – est calculé, cette année, non pas en vue de stabiliser l’enveloppe normée mais de façon à assurer une diminution homothétique de celle-ci (hors formation professionnelle). Ce taux est défini au III du présent article.

Les alinéas 1 et 2 (I) de cet article inscrivent dans la loi le volume global de la DGF. Comme l’an dernier, la fixation des montants affectés aux départements et aux régions (96) est renvoyée en seconde partie de la loi de finances, à l’article 58 qui détaille parallèlement la répartition de l’effort de 3,67 milliards d’euros à l’intérieur de chacun des trois niveaux de collectivités.

En revanche, les niveaux des diverses composantes internes à la dotation ne sont pas fixés en loi de finances, même si le Gouvernement peut faire connaître ses vœux. C’est en effet au Comité des finances locales (CFL), dont les prérogatives ont été restaurées par la loi de finances pour 2012 ((97), qu’il appartient de décider – généralement au mois de février – de la répartition annuelle de la DGF.

Le dynamisme des dotations forfaitaires des communes et des départements, en l’absence de toute revalorisation de la dotation de base par habitant ou de ses autres composantes, s’explique par l’actualisation annuelle de la population et du nombre de résidences secondaires, deux éléments intervenant dans le calcul de la population pris en compte par la DGF.

Sur la base d’une prévision de croissance de 0,5 % de la population au sens de la DGF, la direction générale des collectivités locales (DGCL) estime à respectivement 35 millions d’euros et 24 millions d’euros les hausses, l’an prochain, de la dotation forfaitaire des communes et de la dotation forfaitaire des départements, soit un rythme identique à celui retenu l’an dernier.

Le ralentissement de l’augmentation de la population DGF se confirme, avec une progression observée plus limitée en 2012 et 2013 que pendant les années antérieures (98).

L’article 35 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales avait organisé la couverture intégrale du territoire national par des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre au plus tard le 1er janvier 2014. Toutefois, le législateur avait exempté de cette obligation les communes situées sur les départements de Paris et de la petite couronne parisienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne).

Les articles 10 et 12 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles prévoient qu’à Paris et dans les départements de la petite couronne, toutes les communes devraient appartenir à un EPCI d’au moins 300 000 habitants. Dans le reste de l’unité urbaine de Paris, la taille des EPCI que devraient rejoindre les communes est ramenée à 200 000 habitants. Dans les deux cas, la couverture intégrale de ces territoires par des EPCI à fiscalité propre doit être effective à compter du 31 décembre 2015 ; elle pèsera donc sur la dotation d’intercommunalité en 2015 et en 2016.

Collectivités

Contraintes / marges

Besoin de financement 2014

Besoin de financement 2015

Bloc communal

Recensement

+ 34

+ 35

Écrêtement du complément de garantie

– 67

– 98,5

Péréquation

+ 109

+ 208

Intercommunalité

+ 100

+ 58

Abattement de la dotation de compensation

– 67

– 98,5

TOTAL

+ 109

+104

Départements

Recensement

+ 25

+ 24

Écrêtement du complément de garantie

– 25

– 34

Péréquation

+ 10

+ 20

TOTAL

+ 10

+ 20

Régions

Péréquation

0

0

Abattement de la dotation forfaitaire

0

0

TOTAL

0

0

BESOIN DE FINANCEMENT TOTAL

+ 119

+ 114

Source : DGCL.

Sont portées en italique les composantes pour lesquelles il appartient au CFL de décider de la répartition de l’écrêtement. L’hypothèse est faite, dans le tableau, d’une répartition de l’écrêtement en deux fractions égales comme le CFL l’a décidé ces deux dernières années.

Les mécanismes de minoration de la compensation de la -0 part salaires -0 ou de l’écrêtement du complément de garantie, selon des taux fixés par le Comité des finances locales, ne sont pas remis en cause.

En application de l’article L. 2334-7-1 du code général des collectivités territoriales, c’est désormais le CFL qui fixe, pour chaque exercice, le montant global des minorations appliquées au complément de garantie des communes et en tant que de besoin détermine le pourcentage de minoration appliqué au montant de la part de la dotation forfaitaire correspondant à l’ancienne compensation « part salaires » (CPS) des communes et des EPCI à fiscalité propre.

Ainsi, lors de sa séance du 11 février 2014, le CFL avait-il constaté le besoin de financement, à savoir 124 millions d’euros, puis il avait décidé de financer la moitié (62 millions d’euros) par écrêtement du complément de garantie des communes et l’autre moitié par minoration de la CPS.

Si le choix opéré en 2012, 2013 et 2014 par le CFL était réitéré en 2015, le besoin de financement de la DGF des communes et des EPCI pourrait être absorbé par une minoration de 98,5 millions d’euros de la CPS et un écrêtement équivalent du complément de garantie.

L’écrêtement du complément de garantie portera sur la même base qu’en 2011

En 2009 et 2010, le complément de garantie avait été écrêté de façon uniforme de – 2 %. Toutes les communes disposant d’un complément de garantie (soit 34 563 communes) avaient donc vu leur complément de garantie diminuer.

L’article 177 de la loi de finances pour 2011 ((101) a concentré cet écrêtement sur les communes riches. Ainsi, seules les communes dont le potentiel fiscal par habitant était supérieur ou égal à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national ont vu leur complément de garantie diminuer en fonction de leur population et de l’écart relatif entre leur potentiel fiscal par habitant et celui constaté au niveau national.

Au demeurant, cette diminution était limitée à 6 % du complément de garantie perçu en 2010 ; ainsi calibré, l’écrêtement a concerné en 2011 environ 6 303 communes et permis de dégager 130 millions d’euros, rendant inutile la minoration de la CPS.

Le dispositif a été remanié il y a trois ans, afin de limiter le nombre de communes écrêtées. L’article 139 de la loi de finances pour 2012 ((102) a remonté le seuil d’écrêtement de 0,75 à 0,90 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national, sans remettre en cause le plafond de 6 % ; 3 873 communes ont été concernées par ce mécanisme, ce qui a permis de dégager 87,5 millions d’euros. Pour la première fois, la CPS a dû être minorée d’un montant équivalent.

L’article 111 de la loi de finances pour 2013 ((103) est revenu à un seuil de 0,75 fois le potentiel fiscal moyen constaté au niveau national – sans faire intervenir de potentiel moyen par strate démographique – afin de moins concentrer les minorations. C’est sur cette même base que pourrait s’opérer l’écrêtement en 2015.

Le besoin de financement de la DGF des départements atteint cette année 10 millions d’euros : l’augmentation naturelle liée au recensement (+ 24 millions d’euros) et l’effort en faveur de la péréquation (+ 20 millions d’euros) sont compensés, à hauteur de 34 millions d’euros, par l’écrêtement du complément de garantie.

L’article L. 3334-1 du code général des collectivités territoriales dispose que la DGF des départements évolue « comme la dotation globale de fonctionnement mise en répartition ». Larticle 58 de la seconde partie du présent projet de loi de finances, relatif aux règles de répartition des dotations de l’État aux collectivités territoriales, prévoit, par dérogation, le report du montant 2012 majoré du besoin de financement (soit 10 millions d’euros), minoré de la fraction de l’effort de 1,5 milliard d’euros prise en charge par l’échelon départemental.

● Les variables d’ajustement historiques sont au nombre de quatre :

– la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), qui constituait la variable historique ayant supporté l’ajustement des concours aux collectivités locales depuis 1996, avant d’être supprimée en 2012 ;

– l’allocation de compensation de la réduction des recettes imposables à la taxe professionnelle, devenue une variable d’ajustement en 2010 et intégrée dans la nouvelle dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle (DUCSTP) à compter de 2012 ;

– l’allocation de compensation de l’exonération des parts départementale et régionale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties agricoles, qui est devenue une variable d’ajustement en 2010 avant d’être intégrée à la dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale en 2011 ;

– la dotation de compensation au titre de la réduction pour création d’établissement (RCE), qui faisait l’objet, jusqu’en 2011, d’un prélèvement sur recettes distinct et qui, à compter de 2012, a été intégrée à la dotation de compensation d’exonérations de fiscalité directe locale (FDL).

● L’article 48 de la loi de finances pour 2009 a poursuivi la logique amorcée en 2008, en transformant toute compensation d’exonération de fiscalité locale directe en variable d’ajustement du périmètre.

L’ensemble des allocations agrégées en loi de finances dans le prélèvement sur recettes relatif aux « compensations d’exonérations de fiscalité locale » ont donc été transformées en 2009 en variables d’ajustement, sous réserve de quelques exceptions concernant la taxe d’habitation, la taxe sur le foncier bâti agricole et la Corse. On peut citer :

– au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), les exonérations au bénéfice des personnes âgées et de personnes de condition modeste ;

– au titre de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB), l’exonération des terres agricoles ou l’abattement de 30 % pour les logements situés dans les zones urbaines sensibles ;

– au titre de la taxe d’habitation (TH), les exonérations au bénéfice des personnes âgées et de personnes de condition modeste ;

– au titre de la taxe professionnelle (TP), les exonérations dans les zones de redynamisation urbaine, les zones franches urbaines ou les zones de revitalisation rurale.

Mais c’est en 2010, avec la réforme de la taxe professionnelle, qu’ont eu lieu les principales transformations. À cette occasion, le législateur a opéré une rationalisation des allocations compensatrices :

– certaines allocations préexistantes, comme la compensation de la part départementale et régionale de la taxe professionnelle en Corse, ont été supprimées et assimilées à des pertes de recettes consécutives à la réforme, ce qui leur permet d’être compensées par la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) ; elles ont dès lors cessé de jouer le rôle de variable d’ajustement ;

– d’autres allocations, relatives aux exonérations des parts départementales de TH, de TFPB et de TFPNB ou régionale de TFPB et de TFPNB, ont changé de bénéficiaire au gré des réaffectations de fiscalité, tout en restant au nombre des variables d’ajustement ;

– enfin, certaines allocations compensatrices relatives à des exonérations de taxe professionnelle ont été transformées : soit en les transposant à la nouvelle contribution économique territoriale (CET) (allocation pour perte de base de TP, exonérations « zonées »), au prix éventuellement d’ajustements à proportion de la diminution d’assiette ; soit, si la transposition n’était pas possible, en les gelant à leur montant 2010 tout en leur conservant le caractère de variable d’ajustement.

Impôts et dotations concernés

Compensations d’exonérations et fraction
de dotations concernées

Alinéas du présent article

PLF 2015

Dotation
unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle
(DUCS-TP)

Toutes les composantes sont ajustables

Fraction afférente à la part communale et intercommunale de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) définie au IV de l’article 6 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 de finances pour 1987 figée à sa valeur 2010

21 et 22

(I)

167

Fraction afférente à la part communale et intercommunale de la dotation de compensation de la réduction de la fraction imposable des recettes dans la base de taxe professionnelle des titulaires de bénéfices non-commerciaux (BNC) définie à l’article 26 de la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 de finances pour 2003 figée à sa valeur 2010

Dotation pour transfert des compensations d’exonérations de fiscalité directe locale (DTCE-FDL)

Compartiment ajustable

Fractions des compensations d’allocations perçues jusqu’en 2010 par les départements en matière de taxe foncière sur les propriétés non-bâties et de taxe professionnelle mentionnées au dernier alinéa du XVIII du 8 de l’article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et relatives :

– aux dispositifs énumérés ci-avant (cf. CFE et DUCS-TP) en matière de taxe professionnelle

– au I de l’article 9 de la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 de finances pour 1993 s’agissant de l’exonération de part départementale et régionale de taxe foncière sur les propriétés non-bâties

23 à 25

(a du J)

150

Fractions des compensations d’allocations perçues jusqu’en 2010 par les régions en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties, de taxe foncière sur les propriétés non-bâties et de taxe professionnelle mentionnées au dernier alinéa du XIX du 8 de l’article 77 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et relatives :

– aux dispositifs énumérés ci-avant en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe professionnelle (cf. CFE et DUCS-TP)

– au I de l’article 9 de la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 de finances pour 1993 s’agissant de l’exonération de part départementale et régionale de taxe foncière sur les propriétés non-bâties

26 et 27

(b du J)

Compartiment non ajustable

– TH : compensations auparavant versées aux départements ;

– TFB : compensations auparavant versées aux régions ;

– TFNB : compensations auparavant versées aux régions et aux départements

Non modifié

484

Compensation d’exonérations de FDL (allocations compensatrices)

Compartiment ajustable

   

Voir tableau ci-dessous

3 à 20

(A à H)

122

Compartiment non ajustable

 TFPNB : exonération des terres agricoles (part communale), zone franche globale d’activité dans les DOM ;

– TFPB : zone franche globale d’activité dans les DOM ;

– TH : personnes de condition modeste

– CFE : zone franche globale d’activité dans les DOM, zone franche en Corse, allégement des bases de 25 % en Corse, investissement PME en Corse

Non modifié

1449

Montant total des variables ajustables

439

Source : direction du budget, commission des Finances.

Les variables d’ajustement qu’il est proposé d’ajuster dans le présent article sont identiques à celles qui ont été utilisées l’an dernier.

Comme l’an dernier, ces minorations ne concerneront donc pas :

– pour la cotisation foncière des entreprises (CFE) : les compensations des pertes de bases et de redevances des mines, des exonérations dans les zones globales d’activité des départements d’outre-mer (ZFGA-DOM) et des exonérations spécifiques à la Corse (investissement dans les PME et allégement de 25 %) ;

– pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) : les exonérations associées aux exonérations de CFE énoncées ci-dessus ;

– pour la TFPB : les compensations des abattements de 30 % de certains logements faisant l’objet de travaux antisismiques dans les DOM (travaux antisismiques) et des exonérations ZFGA-DOM ;

– pour la TFPNB : les compensations des exonérations des parts communales et intercommunales des terres agricoles et des exonérations dans les ZFGA-DOM ;

– pour la TH : la compensation de l’exonération des personnes de conditions modestes.

LE COMPARTIMENT AJUSTABLE DE LA DOTATION DE COMPENSATION D’EXONÉRATIONS DE FISCALITÉ DIRECTE LOCALE EN 2015

Impôts et dotations

Compensations d’exonérations et fraction de dotations concernées

Alinéas du dispositif en PLF 2015

Taxe foncière
sur les
propriétés bâties

Exonérations des immeubles professionnels situés dans les zones franches urbaines : articles 7 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, 27 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, 29 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, 157 de la loi n° 2012-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012

9 à 12

(D)

Exonération des logements pris à bail dans les conditions des articles L. 252-1 à L. 252-4 du code de la construction et de l’habitat : articles 1384 B et 1599 ter E du code général des impôts

5 et 6

(B)

Exonération des personnes de condition modeste : article 21 de la loi n° 91-1322 du 30 décembre 1991 de finances pour 1992

7 et 8

(C)

Exonération de longue durée (10, 15, 20, 25 et 30 ans) relatives aux constructions neuves de logements sociaux et de 15 ans pour l’acquisition de logements sociaux : articles L. 2335-3, L. 5214-23-2, L. 5215-35 et L. 5216-8-1 du code des collectivités territoriales

3 et 4

(A)

Taxe foncière
sur les
propriétés non bâties

Exonération des terrains plantés en bois : article 6 de la loi n° 2001-602 du 9 juillet 2001 d’orientation sur la forêt

13 et 14

(E)

Exonération des terrains situés dans un site « Natura 2000 » : article 146 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires

Exonération des terrains situés dans certaines zones humides ou naturelles : article 137 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux

Cotisation foncière des entreprises

Dotation de compensation de la réduction pour création d’établissements (RCE) : article 6-IV-bis de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 de finances pour 1987

15 et 16

(F)

Exonération dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) : articles 95 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, 52 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire

17 et 18

(G)

Exonération dans les zones de revitalisation urbaine (ZRU) : articles 4 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville

Exonération dans les zones franches urbaines (ZFU) : articles 4 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville, 27 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, 29 de la loi n° 2006-396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, 157 de la loi n° 2012-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012

Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises

Exonérations de zones associées aux exonérations de CFE : I de l’article 33 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012

19 et 20

(H)

L’ajustement du périmètre, c’est-à-dire la minoration que le présent article propose d’appliquer aux variables, est égal à la différence entre l’ensemble de ces variables en valeur 2014 et le montant disponible pour le même ensemble dans le périmètre pour 2015, après progression de tous les autres concours.

Le taux de minoration des variables se déduit donc de l’ensemble des autres mouvements qui affectent les composantes de l’enveloppe normée ; les éventuels changements de périmètre ne sont, en revanche, pas reportés sur les variables.

L’alinéa 30 (III) du présent article détaillé la clé de passage entre le montant total des variables tel que chiffré dans la prévision d’exécution pour 2015, 765,9 millions d’euros, et le montant nécessaire pour stabiliser l’enveloppe normée, soit 439,5 millions d’euros. La différence, soit 326,4 millions d’euros, constitue le montant de minoration des variables d’ajustement en 2015 et il permet de déduire un taux de minoration de – 39 %, exprimé par référence au montant des variables voté en LFI pour 2014, c’est-à-dire 837,7 millions d’euros.

Toutefois, en dépit de son dépôt tardif, le présent projet de loi de finances ne tient pas compte de l’engagement du Premier ministre, pris le 28 août dernier à La Rochelle, de ne pas intégrer le Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) dans l’enveloppe normée des concours de l’État aux collectivités territoriales.

La Rapporteure générale proposera, par amendement, d’opérer cette correction. Il conviendra dès lors de diminuer de 160,4 millions d’euros le montant de minoration des variables pour 2015 ; celui-ci atteindra 166 millions d’euros tandis que le montant nécessaire pour stabiliser l’enveloppe normée s’établira à 605,5 millions d’euros. Le taux de minoration des variables d’ajustement, exprimé par référence au montant voté en 2014, sera ramené à – 19,1 % au lieu de – 39 %.

Les alinéas 3 à 29 (II) appliquent ce taux à chacune des variables. Ils consistent en l’inscription uniforme d’une règle de minoration dans chacun des dispositifs juridiques prévoyant une compensation d’exonération ajustée, ou dans chacune des dotations ajustées.

La Rapporteure générale observe que le montant total voté des variables atteignait encore 1 037,1 millions d’euros en 2013 et 837,7 millions en 2014. À ce rythme, les variables seront épuisées d’ici deux ans. Il est donc urgent de remettre à plat la dotation globale de fonctionnement pour limiter le dynamisme de certaines de ses composantes.

 

Communes et EPCI

Départements

Régions

Total

2009

117,7

68,5

28,0

214,2

2010

118,0

68,4

26,5

212,9

2011

122,6

69,6

27,2

219,4

2012

126,8

71,6

28,0

226,4

2013

132,5

72,4

28,7

233,6

Source : Rapport de l’observatoire des finances locales – les finances des collectivités locales en 2014

Au sein des dépenses de fonctionnement, la croissance des frais de personnel reste très dynamique (+ 3,1 %), alors que les transferts de compétences liés à la loi « Liberté et responsabilité locale » de 2004 sont achevés.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

(en milliards d’euros)

 

Communes et EPCI

Départements

Régions

Total

2009

75,7

50,3

15,5

141,5

2010

77,0

52,1

15,8

144,9

2011

79,1

53,5

16,1

148,7

2012

81,7

55,3

16,6

153,6

2013

84,4

56,7

17,0

158,1

Source : Rapport de l’observatoire des finances locales – les finances des collectivités locales en 2014

Le point d’indice de la Fonction publique reste également gelé en valeur depuis juillet 2010 mais cette hausse des frais de personnel est en partie imputable d’une part aux évolutions du SMIC, qui se traduisent par un relèvement des indices de traitement les plus faibles dans la Fonction publique, d’autre part à la hausse des taux de contributions à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL). La Rapporteur général souligne toutefois que le rythme de croissance des frais de personnel semble indiquer que les effectifs des collectivités territoriales ont continué à progresser en 2013.

Sur la base des observations passées, la Rapporteure générale craint que l’année 2015 puisse être marquée par une baisse de l’investissement des collectivités locales. Si cette baisse se cumulait avec la répercussion sur l’investissement de la totalité de la baisse de la DGF, cela aurait des conséquences négatives pour la conjoncture économique de la France dans son ensemble, et plus particulièrement pour les secteurs du bâtiment et des travaux publics.

*

* *

La Commission examine, en discussion commune, l’amendement I-CF 247 de M. Marc Goua et les amendements identiques I-CF 271 de Mme la Rapporteure générale et I-CF 220 de M. Michel Vergnier.

M. Marc Goua. L’amendement I-CF 247 tire les conséquences des propos tenus par le Premier ministre lors son discours de politique générale, à l’occasion du duquel il a confirmé la baisse des dotations allouées aux collectivités territoriales en précisant que les villes de banlieue confrontées à des difficultés bénéficieraient d’une compensation. Il vise à diminuer de 49,5 millions d’euros la dotation globale de fonctionnement (DGF) et, du même montant, l’enveloppe des allocations compensatrices de fiscalité directe locale afin de libérer 99 millions d’euros, ce qui permettra d’augmenter la dotation de solidarité urbaine (DSU) de 180 millions d’euros au lieu de 120 millions d’euros et la dotation de solidarité rurale (DSR) de 117 millions d’euros au lieu de 78 millions d’euros.

Mme la Rapporteure générale. Comme les années précédentes, le PLF prévoit un effort important en termes de péréquation verticale des communes – les fameuses DSU et DSR –, notamment une augmentation de 208 millions d’euros par rapport à l’année 2014, qui avait déjà connu une augmentation. Aller au-delà de ce mouvement ne me paraît pas envisageable en l’état actuel des choses.

M. le président Gilles Carrez. Cette loi de finances est déjà marquée par un considérable effort de péréquation : le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) va en effet passer de 570 millions d’euros à 780 millions d’euros en 2015, tandis que l’augmentation de la DSU et de la DSR est doublée par rapport à celle des années précédentes. En allant encore plus loin, nous prenons le risque de placer les autres communes dans une situation impossible, car elles cumuleront l’augmentation du FPIC et la diminution de la DGF accentuées par l’effort de péréquation verticale. Qui plus est, nous marchons vers l’inconnu, car il n’a été procédé à aucune simulation.

C’est pourquoi le bureau de l’Association des maires de France ainsi que le Comité des finances locales, où la question a été évoquée, ont tous deux préconisé de ne pas aller plus loin – et je n’ai pas l’impression d’être un dangereux gauchiste en vous appelant, comme l’a fait M. André Laignel, à la prudence sur ce point.

M. Marc Goua. L’augmentation de la DSU de l’année dernière n’a pas compensé, tant s’en faut, la baisse de la DGF. Or les collectivités concernées présentent des caractéristiques particulières, notamment celle de compter beaucoup plus de jeunes que les autres collectivités – ainsi y a-t-il dans ma commune 60 % de jeunes scolarisés en plus par rapport à d’autres villes de même taille – avec toutes les conséquences que cela comporte : d’une part, un taux de chômage très élevé, d’autre part, la mobilisation de leur potentiel fiscal au-delà de 100 %. Ces communes, qui ont souvent engagé des opérations de renouvellement urbain comportant des démolitions à l’origine d’une perte de recettes fiscales temporaire, sont au bord de l’explosion.

M. Dominique Lefebvre. Avec votre permission, monsieur le président, j’aimerais étendre la discussion aux amendements qui viennent après l’article 9.

Personne, au sein de notre Commission, ne peut revendiquer que le secteur public local, qui pèse ce que nous savons dans la dépense publique, soit exonéré de l’effort de maîtrise de la dépense. Par ailleurs, je pense que nous ne pouvons raisonnablement voter des amendements ayant pour effet de dégrader le solde public de 3 milliards d’euros – et de la même façon, je me serais opposé à l’amendement de nos collègues Charles de Courson et Philippe Viguier, s’ils avaient été là pour défendre leur proposition, qui visait à revenir à un rythme de baisse des dotations de 2 % par an. De telles mesures sont tout bonnement impossibles à mettre en œuvre et, en tout état de cause, elles seraient refusées par le Gouvernement dans le contexte actuel, où nous menons une discussion difficile avec Bruxelles.

Nous sommes tous soucieux de l’impact des mesures proposées sur l’investissement public local et, au regard du principe de libre administration des collectivités locales, nous devrions nous accorder sur la mise en œuvre de mécanismes les incitant véritablement à préserver l’investissement, c’est-à-dire à faire porter l’essentiel de l’effort nécessaire sur le fonctionnement. Quatre amendements me paraissent constituer un support essentiel au débat : premièrement, les amendements identiques I-CF 271 et I-CF 220, qui traduisent, sous réserve de l’accord du Gouvernement sur les chiffres, la sortie du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) de l’enveloppe normée ; deuxièmement, l’amendement I-CF 263, ayant pour objet de recalculer le taux de remboursement du FCTVA, dont l’impact budgétaire de 270 millions d’euros à l’horizon 2017 n’est toujours pas financé – cela ne devrait cependant pas poser de problème insurmontable ; troisièmement, l’amendement I-CF 269, visant à la création d’une dotation exceptionnelle de soutien à l’investissement local – parce que j’estime qu’il faut parvenir à flécher les dotations sur investissements ; quatrièmement, enfin, l’amendement I-CF 247 de Marc Goua, qui appelle pour le moins à retravailler sur la DGF car, dans un système de péréquation entre les communes riches et les pauvres qui reste très inégalitaire, il est impossible de demander un effort global aux collectivités territoriales sans penser à le répartir en tenant compte du niveau de richesse des communes.

L’amendement I-CF 268 de Christine Pires Beaune, portant sur l’anticipation du FCTVA, paraît inacceptable au regard de son coût de 3,8 milliards d’euros – je cite ce chiffre parce qu’en 2009, l’anticipation du FCTVA s’était déjà traduite par une dépense du même ordre – et aurait vocation à être retiré pour être présenté à nouveau dans le cadre de l’article 88. Tous les autres amendements, notamment celui que vous avez présenté, monsieur le président – un amendement à 5 milliards d’euros financé par la fiscalité des produits du tabac – et celui de Mme la Rapporteure générale, ne doivent, selon moi, être vus que comme des amendements d’appel destinés à nous aider à conclure la discussion avec le Gouvernement. À quoi servirait-il, en effet, de baisser les dotations de l’État de 3,7 milliards d’euros si c’est pour rajouter 3,8 milliards d’euros de dépenses budgétaires en 2015 ? Autant ne rien faire, dans ce cas, et affirmer que les collectivités locales sont exonérées de l’effort de maîtrise de la dépense publique.

M. le président Gilles Carrez. La question n’est pas là, cher collègue.

M. Michel Vergnier. Le responsable de notre groupe a posé le problème de façon très claire. Les amendements déposés en mon nom sont conformes à la position de l’Association des maires de France, qui prend en compte le fait que plus de 14 000 collectivités françaises – notre pays compte plus de 36 000 communes – ont pris des délibérations visant à affirmer qu’elles n’acceptaient pas le sort fait aux collectivités en matière d’investissement, et le Gouvernement ferait bien d’en tenir compte également. Si notre collègue Dominique Lefebvre a raison sur le fond, je rappelle tout de même que, lorsque j’ai interpellé le ministre et le secrétaire d’État au budget sur les dotations, en particulier sur la DGF, ils m’ont répondu qu’ils étaient favorables à une réforme instaurant une plus grande justice dans le mécanisme de la DGF et attendaient une initiative parlementaire en ce sens – éventuellement sous la forme d’une mission.

Dans la mesure où la commission des Finances me paraît être la seule à pouvoir prendre cette initiative, et où le secrétaire d’État au budget a exprimé le souhait d’une application en 2016, la complexité du travail à mener dans un délai si court me paraît nécessiter que l’on s’y mette immédiatement. Je vous demande donc, monsieur le président, comment nous allons nous organiser pour entreprendre ce travail de réforme de la DGF qui apparaît aujourd’hui indispensable.

Je ne reprendrai pas la parole sur les amendements relatifs à la question que je viens d’évoquer et me bornerai à souligner que cette loi de finances doit absolument comporter une mesure en faveur de l’investissement. À défaut, nous en paierons la facture – et beaucoup plus chère – dans dix ou quinze ans, quand nous nous apercevrons, par exemple, que les collectivités n’ont pas investi suffisamment pour entretenir le patrimoine. Nous devons avancer sur cette question, j’en appelle à la responsabilité de chacun.

Mme Christine Pires Beaune. Je veux pour ma part déplorer que le Comité des finances locales n’ait pas pris ses responsabilités au début de l’été en déterminant les modalités pratiques de la baisse des dotations. Aujourd’hui, nous nous contentons de refaire ce que nous avons fait l’an dernier : une baisse s’appliquant au bloc communal sans péréquation. Nous devons veiller à ce que cette baisse des dotations ne se traduise pas par une baisse des investissements qui aurait des conséquences néfastes sur l’activité économique et les emplois : tel est l’objet de plusieurs amendements que nous défendrons le moment venu.

Mme Karine Berger. Nous sommes tous d’accord pour considérer que nous ne pouvons pas nous permettre en 2015 de provoquer une chute des investissements publics de l’ampleur de celle qui nous est prédite. Une diminution de 5 % est déjà inscrite dans la loi de finances 2015 – c’est le chiffre figurant dans le Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, ce qui représente une somme de 2 ou 3 milliards d’euros sur les 50 milliards d’euros d’investissements prévus. Si, par ailleurs, nous ne faisons rien pour donner la possibilité aux communes qui investissent de bénéficier d’un traitement différent, il est certain que nous allons être confrontés, dès l’année prochaine, à un vrai problème en matière d’investissements publics.

Les sommes de 5 milliards d’euros et de 3,7 milliards d’euros mentionnés par Dominique Lefebvre sont tout à fait inatteignables : il est techniquement impossible que les mesures relatives au remboursement du FCTVA dépassent 1 ou 2 milliards d’euros.

M. Michel Pajon. Mon intervention porte sur l’ensemble de l’article 9 et en particulier sur la péréquation et la DGF. Maire d’une ville de près de 70 000 habitants qui compte plusieurs quartiers particulièrement défavorisés, je dois faire face en 2014 à une diminution des ressources et à une augmentation des charges communales très préoccupante. Ainsi, les dotations d’État ont diminué de plus de 1,4 million d’euros pour Noisy-le-Grand et devraient encore diminuer de 2,2 millions d’euros en 2015. À cela s’ajoute la contribution de la ville au FPIC, qui a augmenté de 900 000 euros entre 2013 et 2014 et devrait augmenter d’autant en 2015.

Si ces dispositions sont votées en l’état, l’effet de ciseaux sera donc à nouveau très important en 2015, puisque la ville devra supporter une diminution de ressources supérieure à 3,3 millions d’euros, soit 2,6 % de son budget de fonctionnement. Les élus locaux s’entendent dire qu’ils gaspillent l’argent public et que cela a engendré une hausse des dépenses locales de 3 % par an au cours des dernières années. Or, cette augmentation des dépenses n’est pas le signe d’une quelconque gabegie au sein des administrations locales, mais n’est que la conséquence directe des dépenses imposées par diverses dispositions réglementaires. Ainsi la refonte de la structure d’emploi des fonctionnaires de catégorie C va-t-elle coûter 500 000 euros à Noisy-le-Grand, et la hausse de la TVA sur les services publics locaux, 275 000 euros, tandis que le coût net de la réforme des rythmes scolaires s’élèvera à 1,2 million d’euros en année pleine – au total, 1,975 million d’euros, soit 1,65 % des recettes, pour ces seules mesures.

M. Éric Woerth. Les collectivités locales vont évidemment avoir beaucoup de mal à tenir leur budget, et il y aura, c’est certain, une baisse de l’investissement – mais après tout, il faut réduire les dépenses, et sans doute tous les investissements ne représentent-ils pas une valeur ajoutée considérable. Je ne suis donc pas défavorable à l’idée de réduire les dotations de l’État. En revanche, je suis résolument opposé à toute augmentation des charges des collectivités locales.

Par ailleurs, il est évident que l’on ne pourra pas compenser par une augmentation de la fiscalité locale du fait de la saturation fiscale imposée par l’État. Enfin, le FPIC ne cesse d’augmenter – il est multiplié par trente ou quarante pour certaines collectivités –, ce qui me fait dire qu’il est désormais difficile de faire plus dans ce domaine.

M. Pascal Cherki. Pour moi, c’est une question de méthode. Quand j’ai présenté tout à l’heure un amendement portant sur 11 milliards d’euros, on m’a dit – à juste titre – qu’une telle mesure avait vocation à être débattue dans l’hémicycle. Il en est de même pour l’article 9 : si je suis réservé à son égard – pour ne pas dire que j’y suis tout à fait opposé –, je considère que la discussion sur ce point doit avoir lieu dans l’hémicycle avec le Gouvernement.

M. le président Gilles Carrez. Vous avez raison, cher collègue.

Mme Monique Rabin. Pour ma part, je souhaite simplement faire une remarque de forme : j’estime que la question de l’investissement des collectivités locales est très importante et je m’étonne qu’après avoir débattu si longuement sur la question des heures supplémentaires, nous ne puissions prendre le temps de discuter d’un sujet déterminant pour l’emploi local.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. Je suis convaincu que l’effort de plus de 11 milliards d’euros qui est demandé aux collectivités territoriales sera impossible à tenir, même réparti de 2015 à 2017. Pour ce qui est de cette année, une baisse de 3,7 milliards d’euros sans péréquation est inconcevable. Il faut bien comprendre, en effet, qu’une stagnation ou une perte de recettes n’est pas la même chose pour une commune pauvre que pour une commune riche, ce qui justifie la proposition de notre collègue Marc Goua.

M. Éric Alauzet. Comme cela a été dit, nous devons absolument prendre le temps d’examiner cette question avec toute l’attention qu’elle nécessite.

M. le président Gilles Carrez. Malheureusement, nous la connaissons déjà par cœur, puisque nous y sommes confrontés depuis des mois – et nous aurons l’occasion d’en débattre encore dans l’hémicycle.

M. Éric Alauzet. Nous sommes placés devant une contradiction : pour faire des économies, aider les entreprises, relancer l’activité et créer des emplois, nous nous apprêtons à prendre le risque de ralentir l’activité et de détruire des emplois. Je présenterai en séance deux amendements que je n’ai pas pu de déposer à temps pour qu’ils soient examinés en commission. Le premier vise à ce que, dès que l’on disposera du budget des collectivités locales consolidé à tous les échelons, on puisse avoir une évaluation de l’évolution des investissements d’une année sur l’autre à partir de 2014 – afin de se rendre compte le plus tôt possible des conséquences de la diminution sur trois années, qui me semble impossible à compenser. Le deuxième, que je vous demande d’examiner comme n’importe quel amendement, et non comme une proposition émanant d’un député écologiste, vise à ce que les dépenses faites au profit d’économies d’énergie n’aient pas pour effet de dégrader les déficits des collectivités locales ou de l’État – partant du principe que l’on règle les annuités d’emprunt au moyen des économies réalisées. Il faut adresser aux collectivités locales le message selon lequel elles ont la possibilité d’abonder leurs investissements de cette manière.

M. Jean-Pierre Gorges. Pour ma part, j’estime que l’engagement du Gouvernement de diminuer la DGF est une bonne idée, qui aurait dû être mise en œuvre depuis des années. En effet, la facture présentée par les collectivités à l’État est trop lourde, et nombre d’entre elles ont trop pris l’habitude de cette forme d’assistance. En tout état de cause, les difficultés rencontrées au niveau local se retrouvent désormais au niveau national, puisque notre pays a 80 milliards d’euros de déficit structurel, que l’on cherche à compenser en augmentant les impôts.

La seule ligne dont on soit sûr dans ce budget est celle des 3,7 milliards d’euros de diminution, tout le reste étant aléatoire, à commencer par la croissance fixée à 1 % – et je ne parle pas des difficultés que nous avons à nous y retrouver dans nos comptes en matière d’impôt sur le revenu. Je suis d’accord avec Éric Woerth pour demander à ce que l’on nous donne des outils pour aller plus loin. Dans ma commune, je baisse les impôts tous les ans, ce qui n’empêche que l’investissement par habitant est le plus fort de France. Quant aux économies, j’en trouve chaque jour de nouvelles à réaliser – il suffit pour tout cela de savoir actionner les bons leviers, souvent situés dans les fusions de services au sein des agglomérations.

Ce qui n’est pas acceptable, c’est que les chiffres tombent abruptement, au moment où les collectivités territoriales préparent elles aussi leur budget – c’est que l’on fasse jouer les ciseaux de cette manière, simplement pour permettre à l’État de boucler le PLF.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement I-CF 247.

Elle est saisie de deux amendements identiques I-CF 271 de la Rapporteure générale et I-CF 221 de M. Michel Vergnier.

Mme la Rapporteure générale. L’amendement I-CF 271 vise à traduire dans le PLF pour 2015 l’engagement pris par le Premier ministre de ne pas intégrer le Fonds de compensation pour la TVA dans l’enveloppe normée des concours de l’État aux collectivités territoriales.

M. Michel Vergnier. L’amendement identique I-CF 220 est défendu.

M. le président Gilles Carrez. En tant que vice-président du Comité des finances locales, je suis favorable à l’amendement de Mme la Rapporteure générale.

La Commission adopte les amendements I-CF 271 et I-CF 220 (amendement I-243).

Puis elle examine l’amendement I-CF 245 de M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Les compensations de l’État pour l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties sont devenues une variable d’ajustement, ce qui n’est pas sans conséquence sur les communes pauvres. Pour elles, c’est la double peine : à la baisse des dotations s’ajoute celle des remboursements.

Mme la Rapporteure générale. La logique de votre amendement serait de supprimer les variables d’ajustement, mais ce n’est pas ce que vous proposez. Il me paraît difficile de remettre en cause la disposition prévue par le Gouvernement. Avis défavorable.

M. Razzy Hammadi. Je voterai cet amendement car il représente la meilleure garantie que nous pourrons ouvrir le débat sur la péréquation en séance publique.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. L’État propose régulièrement d’inscrire dans le PLF des exonérations qu’il promet de compenser. Or, une partie n’est jamais compensée et ce sont souvent les communes les plus pauvres qui en sont les premières victimes. La transparence exigerait que l’État annonce au moins le taux de remboursement des exonérations qu’il propose car il n’est pas acceptable que les communes n’aient pas leur mot à dire sur les recettes dont elles sont privées.

La Commission adopte l’amendement (amendement I-242).

Elle examine ensuite l’amendement I-CF 82 de M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Je suis opposé à la disparition du dispositif de réfaction de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour le parc locatif social situé en zone urbaine sensible (ZUS) à compter du 1er janvier 2015. Il convient au contraire de le prolonger l’année prochaine.

Tel est l’objet de l’amendement I-CF 82.

Mme la Rapporteure générale. Votre amendement me semble poser un problème de rédaction.

M. le président Gilles Carrez. Il vaut mieux le retirer, monsieur Goua pour le redéposer au titre de l’article 88 après en avoir discuté avec Mme la Rapporteure générale.

M. Marc Goua. Je retire l’amendement.

L’amendement I-CF 82 est retiré.

Puis la Commission adopte l’article 9 modifié.

*

* *

Article additionnel après l’article 9
Ajustement de la réfaction appliquée au taux de remboursement du Fonds de compensation pour la TVA

La Commission examine les amendements identiques I-CF 263 de la Rapporteure générale et I-CF 221 de M. Michel Vergnier.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I-CF 263 vise à ajuster la réfaction du taux de remboursement du FCTVA correspondant à la contribution de la France au budget de l’Union européenne.

M. le président Gilles Carrez. Notre position sur le sujet est, à ce qu’il me semble, unanime. La perte de recettes pour l’État ne dépasserait pas 28 millions d’euros en 2015 et 260 millions par la suite. Espérons que ce petit geste aura un effet sur le maintien de l’investissement.

M. Michel Vergnier. Je retire l’amendement I-CF 221.

L’amendement I-CF 221 est retiré.

La Commission adopte l’amendement I-CF 263 (amendement n° I-244).

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* *

Puis elle examine l’amendement I-CF 219 de M. Michel Vergnier.

Mme la Rapporteure générale. Je suis défavorable à l’amendement I-CF 219 car il pose un problème de rédaction.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement I-CF 278 de Mme Christine Pires Beaune est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 52 de M. Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. L’amendement I-CF 52 vise à prévoir qu’à compter du 1er janvier 2015, les collectivités bénéficiaires de FCTVA qui perçoivent actuellement son versement à N +1 – soit 69 % des collectivités – le percevront l’année de la réalisation de leurs dépenses d’investissement, dès lors qu’elles investiraient en 2015 au moins 80 % de la moyenne de leurs investissements des trois dernières années.

Mme la Rapporteure générale. Je préfère la rédaction de l’amendement I-CF 268, qui vient juste après, à celle de votre amendement, monsieur le président.

Je vous demande donc de bien vouloir le retirer au profit de celui-là.

M. le président Gilles Carrez. Je retire mon amendement au profit de l’amendement I-CF 268 en demandant à ses auteurs de bien vouloir m’y associer.

L’amendement I-CF 52 est retiré.

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Article additionnel après l’article 9
Accélération du rythme de remboursement du Fonds de compensation
pour la TVA

La Commission passe à l’examen de l’amendement I-CF 268 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Monique Rabin. L’amendement I-CF 268 vise, comme en 2009, à permettre aux communes qui s’engageraient à augmenter leurs investissements l’année prochaine par rapport à la moyenne des trois années précédentes de bénéficier par anticipation des attributions du FCTVA.

Afin de prévenir toutes inquiétudes sur le volume concerné, je précise que nous avons observé que les années post-électorales connaissent une baisse des investissements. La mesure donnera un coup de pouce aux collectivités qui veulent continuer à investir sans trop peser sur les dépenses de l’État.

M. le président Gilles Carrez. C’est la raison pour laquelle mon amendement ne prenait en compte que 80 % de la moyenne des investissements des trois dernières années.

Je ne peux qu’approuver votre sens de la rigueur.

M. Marc Goua. Je tiens à appeler votre attention sur le fait que les communes qui achevaient leurs opérations de renouvellement urbain en 2009 ont été pénalisées du fait qu’elles ont moins investi à compter de cette date, ce qui est injuste puisqu’elles avaient auparavant considérablement investi pour l’avenir.

M. le président Gilles Carrez. Les communes qui devaient investir ont été à l’inverse avantagées.

Mme la Rapporteure générale. Il est important de maintenir les investissements, dont les rapports du Comité des finances locales révèlent la chute l’année qui suit les élections municipales. Je suis favorable à cet amendement.

M. Dominique Lefebvre. La Commission doit avoir conscience que cet amendement n’est pas soutenable au plan financier.

Nous devrons avoir en séance un débat avec le Gouvernement sur le coût exact de l’amendement. J’entends dire en effet que son impact financier sur le solde immédiat ne dépasserait pas 1 milliard d’euros : or tel n’est pas le chiffre donné aujourd’hui par le Gouvernement. Si le Premier ministre est très sensible à la question de l’investissement public local, il n’est pas certain que cet amendement soit compatible avec l’équilibre budgétaire.

Vous devriez rappeler, monsieur le président, le coût budgétaire de l’opération précédente : il s’était élevé à 3,8 milliards d’euros. Chacun sait aussi que le mécanisme a un effet d’aubaine.

De plus, les collectivités locales n’augmenteront pas leur investissement public à l’horizon 2020 sur la base d’une simple mesure de trésorerie, à savoir l’anticipation d’un versement de FCTVA qui leur aurait été de toute façon attribué.

Que la mesure puisse avancer en 2015 des investissements prévus pour 2016 ou 2017, c’est possible ; mais cela n’aura aucun effet dans la durée. Cette mesure risque même d’être utilisée par certaines collectivités pour se désendetter plutôt que pour investir.

Mme Karine Berger. Il est habile de conditionner le dispositif à une augmentation de l’investissement mais il ne faut pas charger la barque au-delà. Je maintiens que, selon les services les plus versés dans ces questions, l’opération tournera autour de 1 milliard. En 2010, le président de la commission des Finances m’avait assuré que le Gouvernement de l’époque avait eu là une très bonne idée.

M. le président Gilles Carrez. Une très bonne idée qui avait coûté très cher en termes de dégradation du solde immédiat. Elle sera moins onéreuse en 2015.

M. Jean-Pierre Gorges. Ce n’est qu’une opération de trésorerie : elle ne coûtera à l’État que des frais financiers.

M. le président Gilles Carrez. C’est une opération de trésorerie, c’est vrai, mais elle pèsera directement sur le solde.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° I-245).

*

* *

L’amendement I-CF 270 de Mme Christine Pires Beaune est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement I-CF 269 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. L’amendement I-CF 269 vise à abonder de 50 % les dotations versées par l’État pour accompagner les projets d’investissement des communes. La mesure serait financée en supprimant la part « communes défavorisées » des fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle.

M. le président Gilles Carrez. Il conviendrait auparavant de procéder à des simulations.

Mme Christine Pires Beaune. Je n’ai pas de simulation à vous proposer. Je me suis renseigné sur un département : les sommes versées sur le fonds départements, qui vont de 200 euros à 1 000 euros, ne peuvent avoir aucun effet de levier. C’est du pur saupoudrage. De plus les règles sont propres à chaque département.

Vous avez raison, monsieur le président, il faudrait pouvoir disposer de simulations. Mais cette mesure mérite qu’on y réfléchisse.

Mme la Rapporteure générale. Je suis d’accord, madame Pires Beaune, pour dénoncer avec vous l’inefficacité d’un tel saupoudrage de l’argent public.

Nous demanderons à disposer de simulations d’ici à la séance publique ; je vous demande de retirer votre amendement pour le redéposer au titre de l’article 88.

Mme Christine Pires Beaune. Je le retire.

M. Charles de Courson. Un député avait établi un rapport sur les fonds départementaux que gèrent les conseils généraux : tous ne les utilisent pas pour faire du saupoudrage. Le grand rêve du ministère de l’intérieur était de nationaliser ces fonds.

M. le président Gilles Carrez. Le Gouvernement a en effet proposé l’étatisation de ces fonds dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle. Ces fonds étant décidés au plan local, nous nous sommes tous battus pour préserver ce dispositif décentralisé.

L’amendement I-CF 269 est retiré.

*

* *

Article 10
Compensation des transferts de compétences aux départements et aux régions par attribution d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

Cet article procède à la modification des fractions de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TICPE) affectées aux régions afin de compenser le coût des compétences transférées par l’État.

Cette année, les fractions de TICPE attribuées aux régions sont mises à jour afin de tenir compte de :

– l’augmentation de la compensation des quinze régions concernées par la réforme du diplôme d’État de manipulateur d’électroradiologie médicale (+ 873 380 euros) ;

– la diminution de la compensation des charges résultant pour les régions de la réforme du diplôme d’État d’infirmier anesthésiste (– 55 830 euros) ;

– l’augmentation de la compensation des trois régions concernées par la réforme du diplôme d’État de pédicure-podologue, au titre de sa deuxième année de mise en œuvre (+ 129 731 euros).

Au total, les ajustements des fractions de TICPE opérés par cet article aboutissent à majorer de 947 281 euros la fiscalité transférée par l’État aux régions. Ils n’emportent pas de diminution des crédits des missions du budget général dans la mesure où il s’agit de compenser des charges nouvelles.

Les charges nouvelles résultant pour les régions des transferts de compétence prévus par cet article doivent être compensées en application de l’article L. 1614-2 du code général des collectivités territoriales qui prévoit qu’est compensée « toute charge nouvelle incombant aux collectivités territoriales du fait de la modification par l’État, par voie réglementaire, des règles relatives à l’exercice des compétences transférées (…) ».

Au sein du Comité des finances locales (CFL), c’est la commission consultative d’évaluation des charges (CCEC) qui assure l’évaluation et le contrôle des compensations financières allouées en contrepartie des transferts de compétences entre l’État et les collectivités territoriales et des extensions et créations de compétences impactant les collectivités territoriales. La CCEC est plus particulièrement associée à la définition – ou, comme le montrent les trois exemples suivants, à la révision – des modalités d’évaluation des charges nouvelles résultant pour les collectivités de la modification par voie réglementaire des conditions d’exercice des compétences transférées.

● L’ajustement de la compensation liée à la réforme du diplôme d’État de manipulateur d’électroradiologie médicale

En premier lieu, le présent article ajuste le montant de la compensation des charges financières nouvelles liées à la réforme du cursus de formation des manipulateurs d’électroradiologie médicale (MEM), qui est intervenue suite à un arrêté du 14 juin 2012. À l’instar des formations d’infirmier et d’ergothérapeute, qui étaient concernés par des dispositions analogues dans les lois de finances initiales (LFI) pour 2013 et pour 2014, cette réforme s’est inscrite dans le cadre du système de licence-master-doctorat, dit « LMD », et a abouti à reconnaître le diplôme d’État de MEM au grade de licence.

La compensation est calibrée pour 692 étudiants par promotion, à compter de l’année universitaire 2012-2013. La méthode d’évaluation initiale des charges nouvelles résultant pour les régions de la mise en œuvre de cette réforme a fait l’objet de réserves de la part de la CCEC qui a demandé que soit utilisée une méthode alternative qui conduit à corriger à la marge les droits à compensation
– et donc les fractions de produit de TICPE transférées aux régions.

AJUSTEMENT DU DROIT À COMPENSATION (DAC) DES RÉGIONS
AU TITRE DE LA RÉFORME DU CURSUS DES MANIPULATEURS
D’ÉLECTRORADIOLOGIE MÉDICALE

Montants

Année universitaire 2012/2013

(L1)

Année universitaire 2013/2014

(L1+L2)

Année universitaire 2014/2015

(L1+L2+L3)

Montants dus (DAC)

1 155 631

2 265 179

3 138 559

Montants versés en LFI 2013

1 011 611

Ajustement à mettre en œuvre

+ 144 020

(LFR 2013, non pérenne)

+ 1 253 568

(LFI 2014, pérenne)

+ 873 380

(LFI 2015, pérenne)

Source : direction générale des collectivités locales (DGCL), CCEC du 4 décembre 2013.

Sur cette base, il est prévu de compenser aux quinze régions participant au financement d’au moins un institut de formation de manipulateurs d’électroradiologie médicale l’accroissement net de charges résultant de la mise en œuvre de la deuxième année de formation. Au titre de l’année universitaire 2014-2015, l’ajustement à opérer atteint 0,87 million d’euros.

Cette somme vient s’ajouter à la compensation provisionnelle ouverte en 2013 (1 million d’euros) et à un premier ajustement pérenne de 1,25 million d’euros opéré l’an dernier. Le présent article porte ainsi la compensation totale de la réforme du diplôme de MEM à 3,14 millions d’euros en 2015. La répartition entre les régions concernées par l’ajustement est détaillée ci-dessous.

RÉPARTITION DU DROIT À COMPENSATION DES RÉGIONS
AU TITRE DE LA RÉFORME DU CURSUS DU CURSUS DES MANIPULATEURS D’ÉLECTRORADIOLOGIE MÉDICALE

(en euros)

Régions

Droit à compensation

Aquitaine

57 257

Auvergne

42 350

Bretagne

44 832

Centre

47 105

Champagne-Ardenne

33 753

Île-de-France

160 833

Languedoc-Roussillon

55 746

Lorraine

76 104

Midi-Pyrénées

57 322

Basse-Normandie

36 795

Pays de la Loire

37 102

Picardie

36 540

Poitou-Charentes

36 473

Provence-Alpes-Côte d’azur

38 528

Rhône-Alpes

112 641

Total métropole

873 380

Source : DGCL, CCEC du 4 décembre 2013.

● L’ajustement de la compensation liée à la réforme du diplôme d’État d’infirmier anesthésiste

Cet article organise également la compensation aux régions métropolitaines (hors collectivité territoriale de Corse) de l’augmentation nette de charges, en 2015, liée à la mise en œuvre de la réforme prévue par l’arrêté du 23 juillet 2012 relatif à la formation conduisant au diplôme d’État d’infirmier anesthésiste, dit « IADE », de niveau master.

Cette réforme est entrée en vigueur en septembre 2012 et, dans la mesure où la formation est dispensée sur deux années, elle s’applique pour la première fois à la promotion 2012-2014. Vingt-sept écoles d’infirmiers anesthésistes, réparties dans l’ensemble des régions, sont concernées. La compensation est basée sur un total de 672 étudiants par promotion.

La méthode initialement proposée à la CCEC, lors de sa réunion du 12 décembre 2012, était fondée sur celle utilisée pour évaluer l’impact financier de la réforme « LMD » du diplôme d’infirmier et de celui d’ergothérapeute. La compensation provisionnelle ainsi calculée doit être revue, compte tenu des résultats d’une enquête diligentée en 2012 et 2013 auprès des directeurs des écoles d’infirmiers anesthésistes.

AJUSTEMENT DU DROIT À COMPENSATION (DAC) DES RÉGIONS
AU TITRE DE LA RÉFORME DU CURSUS D’INFIRMIER ANESTHÉSISTE

(régions métropolitaines, hors Corse).

(en euros)

 

Année universitaire 2012/2013

(M1)

Année universitaire 2013/2014

(M1+M2)

À compter de l’année universitaire 2014/2015

DAC en base pérenne

Montants dus (DAC)

117 510

212 955

181 554

Montants versés en LFI

133 778

-

-

Ajustement à mettre en œuvre

– 16 268

(LFR 2013, non pérenne)

+ 79 177

(LFI 2014, pérenne)

– 55 830

(LFI 2015, pérenne)

Source : DGCL, CCEC du 4 décembre 2013.

Une compensation provisionnelle de 133 778 euros avait déjà été versée en LFI pour 2013. Après un ajustement négatif ponctuel de 16 268 euros opéré en LFR pour 2013, l’ajustement de la compensation pérenne allouée à compter de 2014 a été mis en œuvre par la LFI pour 2014, à hauteur de 79 177 euros. Un ultime ajustement de 55 830 euros doit donc être réalisé dans le présent projet de loi de finances pour atteindre le montant de 181 554 euros en base pérenne à compter de 2015. Il fait l’objet d’une répartition entre vingt des vingt-deux régions métropolitaines, conformément au tableau ci-dessous.

RÉPARTITION DE L’AJUSTEMENT DU DROIT À COMPENSATION DES RÉGIONS
AU TITRE DE LA RÉFORME DU CURSUS D’INFIRMIER ANESTHÉSISTE

(en euros)

Régions

Droit à compensation

Alsace

− 2 237

Aquitaine

− 3 714

Auvergne

− 3 180

Bourgogne

− 3 082

Bretagne

− 6 725

Centre

− 3 234

Champagne-Ardenne

− 1 059

Franche-Comté

− 3 675

Languedoc-Roussillon

− 906

Limousin

− 3 463

Lorraine

− 1 933

Midi-Pyrénées

− 3 347

Nord-Pas de Calais

− 1 561

Basse-Normandie

− 3 539

Haute-Normandie

− 2 670

Picardie

− 3 809

Poitou-Charentes

− 1 626

Provence-Alpes-Côte d’azur

− 1 547

Rhône-Alpes

− 4 524

Total métropole

− 55 830

Source : DGCL, CCEC du 4 décembre 2013.

● L’ajustement de la compensation liée à la réforme du diplôme d’État de pédicure-podologue

Cet article prévoit enfin la compensation à trois régions de l’accroissement net de charges, en 2015, consécutif à la mise en œuvre de la réforme du diplôme d’État de pédicure-podologue, prévue par le décret du 2 juillet 2012 et l’arrêté du 5 juillet 2012, pour le porter au niveau de la licence.

Cette réforme est entrée en vigueur à la rentrée 2012 ; elle concerne les promotions 2012-2015 et suivantes dans onze instituts de formation en pédicure-podologie (IFPP) répartis dans sept régions. La compensation est calculée sur une base de 635 étudiants par promotion et concerne exclusivement les régions qui subventionnent les IFPP.

Selon la méthode initialement retenue, le droit à compensation était calculé à partir de la moyenne des taux de financement des IFPP par les conseils généraux, pondérée par le nombre d’étudiants inscrits dans chaque région. À la demande des représentants de régions, la CCEC a adopté une nouvelle méthode, au cours de sa réunion du 4 décembre 2013, conduisant à relever les montants du droit à compensation par rapport à ceux qui avait été votés en loi de finances pour 2012 et en loi de finances pour 2013.

AJUSTEMENT DU DROIT À COMPENSATION DES RÉGIONS
AU TITRE DE LA RÉFORME DU CURSUS DE PÉDICURE PODOLOGUE

(en euros)

 

Année universitaire 2012/2013

(L1)

Année universitaire 2013/2014

(L1+L2)

Année universitaire 2014/2015

(L1+L2+L3)

À compter de l’année universitaire 2015/2016

DAC en base pérenne

Montants dus (DAC)

75 104

165 764

231 335

220 803

Montants versés en LFI

50 066

101 604

-

-

Ajustement à mettre en œuvre

+ 89 197

(LFR 2014, non pérenne)

+ 129 731

(LFI 2015, pérenne)

– 10 532

(LFI 2016, pérenne)

Source :DGCL, CCEC du 17 juin 2014.

Au total, le montant du droit à compensation au titre de la réforme du diplôme de pédicure-podologue atteint 231 335 euros en 2015. L’ajustement du droit à compensation prévu par le présent article s’élève donc à 129 731 euros et vient s’ajouter à la compensation provisionnelle de 101 604 euros ouverte en loi de finances initiale (LFI) pour 2014.

Ce montant est réparti entre trois régions, selon le tableau ci-dessous.

RÉPARTITION DE L’AJUSTEMENT DU DROIT À COMPENSATION DES RÉGIONS
AU TITRE DE LA RÉFORME DU CURSUS DE PÉDICURE PODOLOGUE

(en euros)

Régions

Droit à compensation

Aquitaine

75 857

Midi-Pyrénées

49 065

Pays de la Loire

4 808

Total métropole

129 731

Source :DGCL, CCEC du 17 juin 2014.

Ces ajustements de leurs droits à compensation se matérialisent, pour les régions, par l’attribution (ou la restitution) de fractions de TICPE.

Le I de l’article 40 de la loi de finances pour 2006 (105), auquel renvoie l’alinéa 1 du présent article, a fixé les règles de calcul des fractions de TICPE transférées et de leur répartition région par région, afin de tenir compte de la régionalisation de l’assiette de la taxe à compter de 2006 :

« La fraction de tarif (…) est calculée, pour chaque région et pour la collectivité territoriale de Corse, de sorte que, appliquée aux quantités de carburants vendues aux consommateurs finals en 2006 sur le territoire de la région et de la collectivité territoriale de Corse, elle conduise à un produit égal au droit à compensation. »

Cette formule permet d’établir la liste des fractions de tarifs fixée par le tableau de l’alinéa 2 sur la base des assiettes régionales de TICPE estimées en 2006.

Ces nouvelles fractions s’appliqueront, dès la promulgation du présent projet de loi de finances, aux consommations réelles de gazole et de supercarburant-sans plomb sur le territoire de chaque région, sans préjudice de la faculté de modulation reconnue par ailleurs aux conseils régionaux. Elles s’additionnent aux fractions de TICPE déjà transférées dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle, qui sont brièvement décrites dans le commentaire de l’article 24.

LA MODULATION RÉGIONALE DE LA TICPE

Le 25 octobre 2005, le Conseil des ministres de l’Union européenne a autorisé la France à appliquer, de façon encadrée, des tarifs différenciés au niveau régional. L’article 84 de la loi de finances rectificative pour 2005, modifié par l’article 112 de la loi de finances rectificative pour 2006, a précisé les modalités techniques de cette différenciation régionale.

Cette dernière se traduit par une modulation limitée, à la hausse comme à la baisse et pour chacun des carburants isolément ou pris ensemble, des fractions régionales de tarif de TICPE qui leur sont attribuées en compensation des transferts de compétences prévus par la loi du 13 août 2004. Chaque région peut donc :

– soit moduler à la hausse sa fraction, c’est-à-dire augmenter le tarif régional sur son territoire afin de dégager des marges de manœuvre financières supplémentaires ;

– soit la moduler à la baisse, c’est-à-dire diminuer le tarif régional applicable sur son territoire et supporter sur ses ressources la moindre recette qu’elle a décidée ;

– soit ne pas moduler et se contenter de percevoir la recette assurée par la fraction régionale de TICPE déterminée par la loi de finances de l’année.

Dernier bilan connu des modulations de TICPE mises en œuvre par les régions
(en 2013)

(en euros)

Régions

Gazole

Supercarburant SP95 et SP98

Supercarburant E10

Total
modulation

Modulation

Produit

Modulation

Produit

Modulation

Produit

Île-de-France 

1,15

13 449 132

1,77

4 118 763

1,77

992 273

18 560 169

Champagne-Ardenne 

1,15

27 248 868

1,77

6 888 209

1,77

2 231 708

36 368 785

Picardie 

1,15

11 361 310

1,77

2 766 308

1,77

949 160

15 076 777

Haute-Normandie 

1,15

13 113 626

1,77

3 147 742

1,77

964 522

17 225 890

Centre 

1,15

15 694 789

1,77

3 788 637

1,77

1 420 676

20 904 102

Basse-Normandie 

1,15

27 312 350

1,77

6 736 303

1,77

1 762 156

35 810 809

Bourgogne 

1,15

22 569 511

1,77

5 342 569

1,77

2 274 220

30 186 300

Nord-Pas-de-Calais 

1,15

12 902 159

1,77

2 262 616

1,77

1 063 557

16 228 332

Lorraine 

0,00

0

0,00

0

0,00

0

0

Alsace 

1,15

8 906 038

1,77

2 459 026

1,77

476 757

11 841 821

Franche-Comté 

1,15

14 554 045

1,77

3 238 375

1,77

1 455 929

19 248 348

Pays de la Loire 

1,15

47 283 194

1,77

13 024 811

1,77

11 143 260

71 451 265

Bretagne 

1,15

21 341 320

1,77

5 734 710

1,77

2 126 941

29 202 972

Poitou-Charentes 

1,15

6 545 836

1,77

1 931 331

1,77

391 717

8 868 884

Aquitaine 

1,15

15 737 570

1,77

3 399 927

1,77

1 407 112

20 544 609

Midi-Pyrénées 

1,15

23 194 980

1,77

5 677 381

1,77

1 877 315

30 749 676

Limousin 

1,15

27 981 855

1,77

5 205 377

1,77

2 539 386

35 726 618

Rhône-Alpes 

1,15

29 819 963

1,77

7 223 725

1,77

2 235 000

39 278 689

Auvergne 

1,15

15 323 574

1,77

3 149 351

1,77

1 278 706

19 751 631

Languedoc-Roussillon 

0,00

0

0,00

0

0,00

0

0

Provence-Alpes-Côte d’Azur

1,15

37 001 666

1,77

10 809 664

1,77

7 009 193

54 820 523

Corse 

1,15

51 104 827

1,77

12 422 858

1,77

4 978 134

68 505 819

Total

442 446 612

109 327 684

48 577 723

600 352 019

Source : direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

En revanche, la majoration du tarif de la TICPE applicable au gazole, prévue à l’article 20 du présent projet de loi de finances, n’a pas d’impact direct sur les recettes des régions. Elle ne concerne en effet que les quotes-parts perçues par l’Agence de financement des infrastructures de transports en France (AFITF) et le budget général.

*

* *

La Commission adopte l’article 10 sans modification.

*

* *

Article 11
Compensation aux départements des charges résultant de la mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA) et, à Mayotte, des charges
résultant du processus de départementalisation

Cet article met à jour les droits à compensation des départements en matière de revenu de solidarité active (RSA) et, pour le Département de Mayotte, les droits à compensation d’aides de nature sociale liée au processus de départementalisation et qui complètent la compensation des charges liées au RSA.

Il procède également à la reconduction du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) jusqu’en 2017.

La répartition du financement du RSA entre l’État et les départements est définie à l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles :

– les départements financent la charge du montant forfaitaire mentionné au 2° de l’article L. 262-2 pour les personnes sans ressources (dit « RSA socle »), qui correspond à l’ancien revenu minimum d’insertion (RMI), et le montant forfaitaire majoré mentionné à l’article L. 262-9 (dit « RSA socle majoré »), correspondant à l’allocation pour parent isolé (API), précédemment à la charge de l’État ;

– l’État supporte, quant à lui, la part cumulable avec les revenus d’activité (dite « RSA activité »), par le biais du Fonds national des solidarités actives (FNSA).

S’agissant des conditions de compensation des charges liées à la généralisation du RSA, l’article 51 de la loi de finances pour 2009 a prévu que cette compensation s’effectue par l’attribution d’une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux départements ainsi qu’à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Il convient de distinguer les compensations versées de manière pérenne de celles qui correspondent à des mesures d’ajustement non pérenne et qui s’inscrivent chaque année en loi de finances.

Les compensations pérennes annuelles correspondent à la compensation en année pleine du transfert du RSA « socle » majoré et sont automatiquement reconduites d’une année sur l’autre. Elles résultent directement de l’attribution de fractions du produit de la TICPE aux collectivités concernées.

La loi de finances pour 2013 a fixé définitivement le droit à compensation pérenne des départements de métropole. Celui des départements d’outre-mer (DOM) et de Saint-Pierre-et-Miquelon a été fixé par la loi de finances initiale pour 2014.

Les mesures non pérennes prennent la forme de reprises ou de versements uniques, non reconductibles d’une année sur l’autre, qui n’occasionnent pas de transfert de fractions de tarif de la TICPE ; elles s’imputent sur le produit non transféré de cet impôt. Les versements non pérennes viennent régulariser les compensations dues au titre des exercices antérieurs, en tirant les conséquences des ajustements des compensations pérennes provisionnelles ou définitives.

Le montant du droit à compensation définitif de Saint-Pierre-et-Miquelon a été établi définitivement en loi de finances initiale pour 2014 à hauteur de 9 307 euros. Les lois de finances initiales pour 2011, 2012 et 2013 ayant alloué des compensations provisionnelles supérieures à ce montant, la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon a ainsi contracté une dette envers l’État.

À l’issue de la loi de finances initiale pour 2014, le solde des ajustements de compensation restant dus par cette collectivité s’élevait à 35 085 euros. Or, par erreur, l’article 44 de la loi de finances initiale pour 2014 estimait ce montant à 30 229 euros.

Le I du présent article corrige cette erreur matérielle et fixe ainsi le solde des ajustements de compensation à 35 085 euros.

Le présent article poursuit le recouvrement des sommes restant dues à l’État par Saint-Pierre-et-Miquelon à l’issue de la loi de finances initiale pour 2014, au titre de l’ajustement de sa compensation pour les années 2012 et 2013 résultant des lois de finances initiales pour 2013 et 2014

Le montant de la reprise opérée est plafonné à un montant égal à 10 % de son droit à compensation au titre du transfert du RMI et de la généralisation du RSA.

Le 1 du II du présent article prévoit ainsi que 11 888 euros seront prélevés en 2015 à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon (alinéa 2).

L’alinéa 3 dispose que le solde de l’ajustement de la compensation pour les années 2012 et 2013, d’un montant de 23 197 euros, sera prélevé chaque année jusqu’à son apurement total selon des modalités fixées par la loi de finances de l’année.

Le présent article assure la poursuite du recouvrement des sommes restant dues à l’État par le département du Loiret à l’issue de la loi de finances initiale pour 2014 au titre de l’ajustement de sa compensation pour les années 2010, 2011 et 2012. Le montant de la reprise est plafonné à un montant égal à 5 % de son droit à compensation au titre du transfert du RMI et de la généralisation du RSA.

Concernant le département du Loiret, le 2 du II du présent article opère un prélèvement de 1 809 407 euros au titre du solde de l’ajustement de la compensation pour les années 2010, 2011 et 2012 (alinéa 4).

L’alinéa 5 précise que le solde de l’ajustement de la compensation pour les années 2010, 2011 et 2012, d’un montant de 1 657 168 euros, sera prélevé chaque année jusqu’à son apurement total, selon des modalités fixées par la loi de finances de l’année.

Enfin, l’alinéa 6 rappelle que ces prélèvements sont imputés sur le produit de la TICPE attribué aux collectivités concernées en application du I de l’article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

Au total, le montant total des ajustements non pérennes prélevés au profit de l’État s’élève ainsi à plus de 1,82 million d’euros en 2015.

Créé en 2006, le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion (FMDI) est un fonds non pérenne mis en œuvre pour accompagner le transfert de la gestion du revenu minimum d’insertion (RMI) aux départements.

Le transfert de la gestion du RMI de l’État vers les départements, prévu par la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d’insertion et créant un revenu minimum d’activité, s’est traduit par l’attribution aux départements d’une partie des recettes de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP). Le montant minimum garanti de cette compensation – 4 942 millions d’euros – correspondait alors aux dépenses de RMI-RMA au 31 décembre 2003 pour l’État, respectant ainsi le principe de compensation intégrale prévu par l’article 72-2 de la Constitution.

Cependant, constatant dès 2004 que les dépenses de gestion du RMI transférées progressaient plus rapidement que les ressources de TIPP allouées en compensation de ce transfert, le Gouvernement a décidé d’accroître l’effort de l’État à destination des départements. Ainsi, l’article 37 de la loi de finances pour 2006 (106) a créé le FMDI. Pourvu initialement de 100 millions d’euros pour l’année 2006 et de 80 millions d’euros pour l’année 2007, l’objectif du FMDI était de soutenir les actions d’insertion des départements.

L’article 14 de la loi de finances rectificative pour 2006 (107) a modifié les règles de fonctionnement : partagé en trois parts dites de compensation, de péréquation et d’insertion, le FMDI a été reconduit pour l’année 2008 avec un montant annuel porté à 500 millions d’euros.

Par la suite, les articles 47, 46, 50 et 32 des lois de finances respectivement pour 2009, 2010, 2011 et 2012 ont prolongé à quatre reprises le FMDI pour une année supplémentaire.

Puis, l’article 32 de la loi de finances pour 2013 (108) a prévu le maintien du FMDI pour toute la durée du budget triennal 2013-2015 et rendu éligibles les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, du fait de l’entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2011 du RSA dans ces territoires, pour ce qui concerne les seules parts « compensation » et « péréquation » du fonds.

Par ailleurs, une modification de la définition du calcul et de répartition des quotes-parts prélevées sur les parts « péréquation » et « insertion » du FMDI, destinées aux départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon a également été introduite en loi de finances pour 2013.

Enfin, l’article 44 de la loi de finances pour 2014 (109) a permis d’ajouter les emplois d’avenir à la liste des contrats aidés pris en compte dans le calcul de la part « insertion » du FMDI.

Le FMDI, prévu par l’article L. 3334-16-2 du code général des collectivités territoriales, est divisé en trois parts :

– la première part, dite « de compensation », vise à assurer une compensation pour les départements qui auraient des dépenses de RSA supérieures au droit à compensation. Cette part représente 40 % du fonds, soit 200 millions d’euros ;

– la deuxième part, dite « de péréquation », poursuit un objectif de péréquation entre les départements. Cette part correspond à 30 % du fonds, soit 150 millions d’euros ;

– la troisième part, dite « d’insertion » vise à accompagner les politiques de retour à l’emploi mises en œuvre dans les départements (contrats aidés…). Cette part correspond à la part « originelle » et représente 30 % du fonds, soit 150 millions d’euros. Elle est répartie entre les départements de métropole, après prélèvement des crédits nécessaires à la quote-part destinée aux départements d’outre-mer.

Rappelons-le, le FMDI n’a pas été créé en tant que dispositif pérenne, mais comme une mesure particulière de l’État à destination des départements pour les accompagner dans la mise en œuvre du RMI, puis du RSA.

Le présent article prévoit, à l’instar de ce qui avait été décidé en loi de finances pour 2013, de maintenir le FMDI pour toute la durée du budget triennal 2015-2017.

Ainsi, le III du présent article modifie l’article L. 3334-16-2 du code général des collectivités territoriales, et fixe 2017 comme nouvelle échéance du FMDI.

Cette reconduction du FMDI est, selon l’évaluation préalable du présent article, une réponse apportée à l’évolution des dépenses supportées par les départements au titre du RSA et à la fragilité financière de certains de ces départements.

Par ailleurs, il est indiqué, dans l’évaluation préalable, que le FMDI permet aussi de soutenir financièrement les départements qui s’engagent dans une politique volontariste de développement du nombre de contrats aidés souscrits au bénéfice des allocataires du RSA.

Le IV du présent article actualise le dispositif d’attribution de recettes fiscales au département de Mayotte prévu par l’article 39 de la loi de finances initiale pour 2012 (110), relatif à la compensation des charges résultant d’une part, de la mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2012, du RSA dans ce territoire et, d’autre part, à la compensation d’autres charges nouvelles résultant depuis 2013, pour cette collectivité, du processus de départementalisation mis en œuvre conformément à la loi organique n° 2010-1486 et à la loi n° 2010-487 du 7 décembre 2010 relatives au Département de Mayotte et aux ordonnances prises pour leur application.

Depuis le 31 mars 2011, Mayotte est devenu le cent unième département français et le cinquième département d’outre-mer. Les modalités du processus de départementalisation de Mayotte sont précisées dans la loi du 7 décembre 2010.

Conformément à cette loi et en application de l’ordonnance n° 2011-1641 du 24 novembre 2011 et du décret n° 2011–2097 du 30 décembre 2011 portant extension et adaptation du revenu de solidarité active (RSA) au département de Mayotte, le RSA est mis en place à Mayotte depuis le 1er janvier 2012.

L’ordonnance du 24 novembre 2011 prévoit que la compensation à Mayotte des dépenses du RSA est calculée sur la base d’un montant provisionnel fondé sur une estimation du nombre de foyers susceptibles de bénéficier du montant forfaitaire mentionné au 2° de l’article L. 2626–2 du code de l’action sociale et des familles (le RSA « socle »). Le cas échéant, le montant de cette compensation est majoré de 6,34 % pour le financement des actions destinées à permettre l’insertion des bénéficiaires du RSA ainsi que des dépenses de structure correspondantes.

Afin de compenser les charges résultant de cette création de compétences pour Mayotte, la loi de finances pour 2012 a prévu, en son article 39, un dispositif de transfert d’une fraction du produit de la TICPE comparable au dispositif de compensation des charges liées au RMI et au RSA mis en place pour les autres départements.

L’article 3 de l’ordonnance du 24 novembre 2011 dispose donc qu’en compensation des charges liées à la mise en place du RSA, le département de Mayotte perçoit en 2012 une compensation provisionnelle dont le montant est ajusté chaque année jusqu’en 2015 sur la base des charges réelles supportées. À l’exemple du dispositif de compensation mis en œuvre pour les départements de métropole, le montant de cette compensation s’établit sous le contrôle de la commission consultative d’évaluation des charges (CCEC).

L’ordonnance du 24 novembre 2011 prévoit par ailleurs qu’à compter de 2015, la compensation allouée n’a plus vocation à couvrir l’intégralité des dépenses de RSA de l’année, mais est calculée en fonction des dépenses de RSA de 2014 (qui restent toutefois estimatives à ce stade).

L’évaluation préalable indique que compte tenu des dépenses de RSA connues au titre des droits ouverts de janvier à juin 2014 (estimées à 7 millions d’euros) et de la perspective de la revalorisation de + 2 % du RSA mahorais au 1er septembre 2014, les dépenses 2014, majorées de 6,34 % au titre des dépenses d’insertion, sont estimées par la direction générale de la cohésion sociale à 16 millions d’euros, en appliquant à la dépense l’évolution constatée sur les bénéficiaires durant les huit derniers mois connus et en tenant compte de la revalorisation précitée.

Cependant, comme les années précédentes et compte tenu des incertitudes entourant ces estimations, le montant du droit à compensation de Mayotte au titre du RSA est évalué entre 12,8 millions d’euros dans l’hypothèse basse et 20,8 millions d’euros dans l’hypothèse hausse.

L’ordonnance n° 2012-576 du 26 avril 2012 portant extension et adaptation à Mayotte du code de la construction et de l’habitation rend applicables à Mayotte les dispositions de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, notamment l’article 6 relatif au Fonds de solidarité pour le logement (FSL), modifié par l’article 65 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (LRL). Cette ordonnance précise en outre que les dispositions relatives au FSL s’appliquent à compter du 1er janvier 2013.

Dans l’évaluation préalable du présent article, il est indiqué que la compensation au titre du FSL – constatée par arrêté interministériel du 28 mai 2014 – est définitive depuis 2014, à hauteur de 211 150 euros. Elle sera donc reconduite les années suivantes pour un montant identique.

L’ordonnance n° 2012-785 du 31 mai 2012 portant extension et adaptation du code de l’action sociale et des familles au Département de Mayotte étend à cette collectivité les dispositions de droit commun en vigueur en métropole et dans les régions d’outre-mer relatives aux formations des travailleurs sociaux inscrites dans ce code et à l’attribution des bourses aux étudiants en travail social.

Le IV de l’article 9 de l’ordonnance du 31 mai 2012 dispose qu’au titre des années 2013 à 2017, la compensation de charges est calculée de manière à permettre, d’une part, le financement forfaitaire d’un nombre de places de formation initiale correspondant aux besoins de formation à prendre en compte pour la conduite de l’action sociale et médico-sociale à Mayotte et, d’autre part, le financement des bourses aux étudiants inscrits dans les établissements agréés, éligibles, sur la base d’un montant forfaitaire annuel d’aide par étudiant boursier.

L’article 36 de la loi de finances 2013 a ainsi modifié l’article 39 de la loi de finances pour 2012 pour attribuer des ressources au Département de Mayotte au titre de cette compétence.

Il est prévu que la compensation au titre des formations sociales initiales et des aides aux étudiants évolue entre 2013 et 2017, afin de permettre au Département de Mayotte de financer les places de formation nécessaires pour assurer, à l’issue de la période, la qualification de plus de 80 travailleurs sociaux.

Cette compensation sera définitivement ajustée en 2018 en fonction du nombre moyen de travailleurs sociaux à former chaque année et du taux d’étudiants boursiers constaté.

Pour 2015, la compensation est évaluée à 659 434 euros (au lieu de 401 697 euros en 2014), qui se décomposent en 482 800 euros pour le financement forfaitaire des places de formation initiale et 176 634 euros pour le financement des bourses des étudiants inscrits dans les établissements agréés.

Le IV (alinéas 8 à 14) du présent article modifie le II de l’article 39 de la loi de finances pour 2012 et apporte des précisions sur les modalités d’évaluation des compensations ouvertes en 2015 à destination de Mayotte.

En ce qui concerne la compensation allouée au département de Mayotte au titre du RSA, le 1° du IV (alinéa 9) supprime la référence aux dépenses provisionnelles de RSA pour mentionner la compensation provisionnelle due en 2015 en contrepartie de la création, à compter du 1er janvier 2012, du RSA. En effet, selon les termes de l’ordonnance du 24 novembre 2011 précitée, à compter de 2015, la compensation allouée n’a plus vocation à couvrir l’intégralité des dépenses de RSA de l’année, mais est calculée en fonction des dépenses de RSA de 2014.

S’agissant du financement des formations sociales initiales et des aides aux étudiants inscrits dans ces formations, le 2° du IV (alinéa 10) met à jour l’exercice au titre duquel la compensation sera allouée au titre du financement des formations sociales initiales et des aides aux étudiants inscrits dans ces formations (2015 en lieu et place de 2014).

En ce qui concerne le financement de la formation des assistants maternels, le 3° du IV (alinéa 11) vise à préciser que la compensation qui est allouée en 2015 au titre de cette compétence, créée à compter du 1er  janvier 2014 à Mayotte, est désormais définitive.

Enfin, s’agissant du financement des allocations d’aide sociale obligatoire à destination des personnes âgées et des personnes handicapées étendues à Mayotte, le 4° du IV (alinéa 12) a pour objet de préciser que la compensation allouée au Département de Mayotte en 2015 reste provisionnelle. Elle est toutefois ajustée par rapport à 2014, au regard du montant moyen annuel des dépenses d’aide sociale obligatoire par habitant, hors allocation personnalisée d’autonomie (APA) et prestation de compensation du handicap (PCH), constaté en 2012 (et non plus en 2011) dans les quatre autres départements d’outre-mer.

Au total, en 2015, la compensation allouée au département de Mayotte pour l’ensemble des compétences transférées varie dans une fourchette comprise en 14 millions d’euros et 22 millions d’euros. Le tableau ci-dessous récapitule l’ensemble de ces compensations.

(en millions d’euros)

 

Fraction plancher

Fraction plafond

RSA

12,80

20,80

FSL

0,21

0,21

Formations sociales

0,66

0,66

Formation assistants maternels

0,01

0,01

Aide sociale personnes âgées et handicapées

0,26

0,26

Total

13,94

21,94

Source : évaluation préalable de l’article.

Compte tenu de ce qui précède, l’actualisation de la fourchette de fractions de tarif de la TICPE attribuées au département de Mayotte est prévue aux alinéas 13 et 14 du présent article qui définissent la fraction de tarif plancher à 0,037 euro par hectolitre de super carburants sans plomb et à 0,026 euro par hectolitre de gazole présentant un point éclair inférieur à 120°C. La fraction de tarif plafond a été portée à 0,057 euro par hectolitre pour les super carburants sans plomb et à 0,041 euro pour le gazole présentant un point éclair inférieur à 120°C.

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La Commission adopte l’article 11 sans modification.

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Article 12
Fixation de la dotation globale de compensation (DGC)
de la collectivité de Saint-Barthélemy

Le présent article régularise le montant de la dotation globale de compensation (DGC) versée à Saint-Barthélemy au titre de la compensation financière du transfert de compétences intervenu en 2008, après la transformation de la commune en collectivité d’outre-mer (COM) régie par l’article 74 de la Constitution.

Il procède à l’inscription, en première partie de la loi de finances, d’un montant négatif de DGC correspondant à l’excédent des ressources transférées sur les charges constatées. Cette disposition doit permettre le recouvrement des sommes concernées – soit 5,77 millions d’euros par an – auprès de la collectivité.

Les articles L.O. 6271-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ont organisé les modalités financières du transfert de compétences à la collectivité de Saint-Barthélemy. L’article L.O. 6271-4 prévoit, en particulier, que « tout accroissement net de charges (…) est accompagné du transfert concomitant (…) des ressources nécessaires à l’exercice normal de ces compétences ».

Les charges résultant des transferts de compétences sont ainsi compensées dans les conditions prévues à l’article L.O. 6271-4 par :

− le transfert d’impôts ;

− la dotation globale de fonctionnement (DGF) ;

− une dotation globale de construction et d’équipement scolaire (DGCES) ;

− et l’attribution, pour le solde, d’une dotation globale de compensation (DGC) « inscrite au budget de l’État [ ;] la loi de finances précise chaque année le montant de cette dotation ».

L’article 104 de la loi de finances rectificative pour 2007 (111)a défini, à titre provisoire, les modalités de calcul de la DGC devant bénéficier à la collectivité de Saint-Barthélemy tandis que le transfert de recettes fiscales était opéré sur le fondement des dispositions organiques.

L’évaluation des charges transférées reposait sur la procédure suivante, détaillée à l’article L.O. 6271-6 :

− une évaluation provisoire effectuée par les services de l’État ;

− une commission consultative d’évaluation des charges, composée d’élus de la COM, du département et de la région de la Guadeloupe, ainsi que de représentants de l’État, est chargée d’arrêter le montant définitif de l’accroissement de charges résultant du transfert ;

− le montant de la compensation financière requise, résultant de la comparaison de l’accroissement de charges et du produit (en 2005, année de référence) des recettes fiscales transférées, est constaté par voie d’arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre en charge de l’outre-mer.

Au terme des travaux qu’elle a menés au premier semestre 2008, la commission consultative de Saint-Barthélemy a conclu que les charges transférées à la COM par le département de la Guadeloupe étaient inférieures de près de 2,91 millions d’euros à la fiscalité transférée par ce département. Elle a également mis en évidence un écart de 8,34 millions d’euros au détriment de l’État, ramené à 5,62 millions d’euros (en valeur 2008) déduction faite des montants de la DGF et de la DGCES. Ce dernier montant a ensuite évolué conformément aux règles d’indexation pour atteindre 5,77 millions d’euros.

Du fait de l’autonomie fiscale accordée à la collectivité de Saint-Barthélemy, il n’était pas possible de simplement rééquilibrer le solde des charges et des ressources transférées, sauf à revoir le statut organique de la COM. Le 4° du I de l’article 6 de la loi de finances rectificative pour 2008 (112) a, par conséquent, complété le 3° du II de l’article 104 de la loi de finances rectificative pour 2007 en permettant à l’État de percevoir, chaque année, la totalité du trop-versé et en imputant celui-ci sur la DGC. À titre transitoire, il était prévu que le remboursement de la dette au titre de l’année 2008 soit effectué sur deux ans.

Alors que le montant du prélèvement à opérer sur la DGC de la collectivité de Saint-Barthélemy avait été expressément prévu par le législateur dès la LFR pour 2008, la Rapporteure générale relève que les autorités de l’État ont tardé à procéder au recouvrement. La procédure d’évaluation n’a abouti à la signature de l’arrêté interministériel évoqué supra que le 12 septembre 2011. Les deux titres de perception correspondants ont été émis, pour les années 2008 et 2009, le 20 décembre 2012 et ils ont été notifiés le 16 janvier 2013 à la collectivité.

La collectivité de Saint-Barthélemy a saisi le tribunal administratif de Basse-Terre afin de contester le bien-fondé des titres de perception déjà émis. À l’occasion de ce litige, elle a posé une question prioritaire de constitutionnalité qui a été renvoyée par le Conseil d’État au Conseil constitutionnel. Cette question était relative à la conformité au principe de libre administration des collectivités territoriales du dernier alinéa du 3° du II de l’article 104 de la loi de finances rectificative pour 2007, dans sa rédaction issue de l’article 6 de la loi de finances rectificative pour 2008.

Dans sa décision n° 2014-386 QPC du 28 mars 2014, le Conseil constitutionnel a relevé que les dispositions contestées, qui précisent les modalités de mise en œuvre de l’ajustement de la compensation financière au moyen de la DGC, avaient pour seul objet d’assurer l’équilibre financier de la compensation des transferts de compétences à la collectivité de Saint-Barthélemy. Il estime que ces dispositions ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte à la libre administration de cette collectivité car elles n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier l’étendue de sa compétence en matière de fiscalité. Elles n’ont pas non plus pour effet de réduire les ressources propres de cette collectivité dans des proportions telles que serait méconnue son autonomie financière. Le Conseil juge ainsi les dispositions contestées conformes aux articles 72, 72-2 et 74 de la Constitution.

Le présent article traduit le choix du Gouvernement de ne pas remettre en cause l’article L.O. 6271-5 du code général des collectivités territoriales dont le premier alinéa renvoie à la loi de finances le soin de préciser le montant de la DGC. Une telle modification aurait nécessité un véhicule législatif organique.

À la place, les alinéas 1 et 2 inscrivent dans une loi de finances – en l’espèce, au 3° du II de l’article 104 de la loi de finances rectificative pour 2007 – le montant de la DGC dû par la collectivité de Saint-Barthélemy à l’État. La dette de la collectivité vis-à-vis du département de la Guadeloupe n’est pas concernée par ces dispositions.

Ce montant est issu de la méthode de calcul détaillée par le même 3° du II de l’article 104, modifié par le 4° du I de l’article 6 de la loi de finances rectificative pour 2008. Une somme de 5 773 499 euros est expressément mise à la charge de la collectivité qui, aux termes de la seconde phrase de cet alinéa 2, doit s’en acquitter annuellement auprès de l’État. Cette somme correspond au trop-perçu, après actualisation de la somme, au titre de chaque exercice à compter de 2015. Il ne s’agit donc pas de sécuriser les titres de perception déjà émis pour les années 2008 et 2009, ou ceux qui le seraient au titre des exercices 2010 à 2014.

Comme le rappelle l’évaluation préalable annexée au présent article, il n’est pas possible d’imputer ce montant négatif au sein de la mission Relations avec les collectivités territoriales, où sont inscrits les crédits de la DGC, sauf à opérer une contraction des recettes et des dépenses prohibée par l’article 6 de la LOLF. Il y a donc lieu de prévoir une disposition particulière. Dans la mesure où ce montant est négatif, il constitue pour l’État une recette qui modifie l’équilibre du budget et doit donc être inscrite en première partie du projet de loi de finances.

À titre exceptionnel, les alinéas 3 et 4 du présent article procèdent à un ajustement distinct des charges résultant de la mise en œuvre du revenu de solidarité active (RSA), étendu à la collectivité de Saint-Barthélemy par l’ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010 (113). Cet ajustement définitif concerne, lui, l’ensemble des années 2011 à 2013 et il prend la forme d’un prélèvement unique de 14 704 euros, entièrement imputé sur la DGC de 2015 de la collectivité. Le montant total à recouvrer, pour l’année 2015, atteint donc 5 788 203 euros.

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La Commission adopte l’article 12 sans modification.

Article 13
Affectation d’une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) en vue de la constitution de la ressource régionale pour l’apprentissage et actualisation de la fraction du tarif de la TICPE relative à la compensation financière des primes à l’apprentissage

Le présent article complète, étape après étape, la réforme du financement de l’apprentissage, entamée en la loi de finances pour 2014 (114), puis poursuivie par la loi de finances rectificative pour 2013 (115), la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle et, dernièrement, la première loi de finances rectificative pour 2014 (116).

Il se traduit, pour l’État, par une perte supplémentaire de recettes atteignant 284 millions d’euros.

Le schéma de financement de l’apprentissage a déjà fait l’objet de longs développements, à l’occasion de l’examen des dernières lois de finances (117). Il a été transformé, au cours des douze derniers mois, grâce à quatre vecteurs législatifs distincts.

● L’article 140 de la loi de finances pour 2014 a ouvert la réforme du financement de l’apprentissage en supprimant l’indemnité compensatrice forfaitaire versée aux employeurs – pour soutenir l’embauche d’apprentis et l’effort de formation – par les régions et compensée par l’État. Cette indemnité a été remplacée par une nouvelle prime à l’apprentissage, ciblée en faveur des entreprises de moins de 10 salariés, versée par les régions. Ce recentrage du dispositif devait permettre une économie pour le budget général de l’État, à hauteur de 550 millions d’euros en 2014.

Toutefois, considérant que l’apprentissage constitue un levier clef pour la formation professionnelle, le Gouvernement a souhaité un maintien du niveau global de dépenses. Ainsi, l’Assemblée nationale a adopté plusieurs mesures :

– le transfert, au sein de la mission Travail et Emploi, de crédits budgétaires à hauteur de 260 millions d’euros versés sous la forme d’un concours financier aux régions ;

– le transfert de 50 millions d’euros prélevés sur la trésorerie du compte d’affectation spéciale (CAS) Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (FNDMA) pour les affecter aux régions ;

– et l’affectation aux régions d’une fraction supplémentaire de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE), pour un montant de 117 millions d’euros.

La Rapporteure générale rappelle que le coût de cette dernière mesure pour le budget général a été compensé par le recentrage du crédit d’impôt en faveur de l’apprentissage, pour les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés.

● L’article 60 de la loi de finances rectificative pour 2013 a substitué à l’ancienne taxe – égale à 0,50 % de la masse salariale – et à la contribution au développement de l’apprentissage (CDA) – 0,18 % de la masse salariale – une nouvelle taxe d’apprentissage (TA) égale à 0,68 % (118) de la masse salariale. Ces modifications s’appliquent aux contributions dues au titre des rémunérations acquittées à compter du 1er janvier 2014, donc avec effet au 1er janvier 2015. Elles sont codifiées à l’article L. 6241-2 du code du travail.

Il a affecté, par ailleurs, la produit de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA) – une seconde taxe additionnelle à la TA qui pèse sur les entreprises de plus de 250 salariés – directement au financement des centres de formation d’apprentis (CFA).

Dans la rédaction adoptée à l’automne dernier par l’Assemblée nationale, les modalités de répartition de la nouvelle taxe d’apprentissage étaient renvoyées à un décret en Conseil d’État ; toutefois, il était prévu l’affectation d’une fraction minimale de 55 % aux régions. Les autres possibilités d’affectation du produit de la part d’apprentissage n’étaient pas remises en cause, même si le texte n’arrêtait pas de clé de répartition de :

– la deuxième fraction, dite « du quota », correspondant aux dépenses libératoires dédiées au financement des centres de formation des apprentis et de la part de ce « quota » versée au Trésor public ;

– la dernière fraction, dite « du hors-quota », qui permet le financement d’établissements de formation professionnelle initiale, notamment ceux développés par les organismes consulaires (écoles de commerce entre autres).

Toutefois, dans sa décision n° 2013-684 DC du 29 décembre 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré partiellement contraire à la Constitution cet article. Il a ainsi estimé que, s’il lui était loisible au législateur de renvoyer au pouvoir réglementaire l’affectation précise des recettes de la nouvelle taxe d’apprentissage, le législateur aurait dû encadrer cette affectation, sauf à méconnaître l’étendue de sa compétence. En l’absence de cette précision dans la loi s’agissant du « quota », le Conseil a annulé pour incompétence négative l’ensemble des dispositions relatives aux règles d’affectation du produit de la taxe d’apprentissage, c’est-à-dire la fraction régionale, le quota et le hors-quota.

● Parallèlement, les articles 17 à 19 de la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale ont réformé en profondeur l’architecture de la collecte de la taxe d’apprentissage :

– au niveau national : ils ont doté les seuls organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) d’une habilitation à collecter la taxe d’apprentissage ;

– au niveau régional : ils ont confié la collecte à un collecteur interconsulaire régional unique.

● L’article 8 de la première loi de finances rectificative pour 2014 visait, en premier lieu, à tirer les conséquences de la décision précitée du Conseil constitutionnel, en réintroduisant des modalités de répartition plus précises. Suite à l’adoption, en nouvelle lecture, d’amendements gouvernementaux, ces modalités ont été modifiées afin de majorer la fraction de la taxe d’apprentissage dédiée au financement par les entreprises et les organismes collecteurs des CFA et des sections d’apprentissage (SA) en la portant à 26 % (au lieu de 21 % dans la rédaction initiale), correspondant à 146 millions d’euros supplémentaires dès 2015.

Dans le cadre de la discussion parlementaire, le Gouvernement a annoncé son intention de compenser la diminution de la part de la taxe affectée aux régions de 56 % à 51 % par l’affectation d’une fraction de TICPE pour un montant de 146 millions d’euros, dont le principe a été prévu au troisième alinéa du I de l’article L. 6241-2 du code du travail. La fixation du montant définitif et la mise en place de cette compensation ont cependant été renvoyées à l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2015.

La fraction régionale de la taxe d’apprentissage est donc complétée par une fraction de TICPE ; l’ensemble de ces recettes constitue désormais la « ressource régionale pour l’apprentissage » conformément au troisième alinéa du I de l’article L. 6241-2.








































Toutes les conséquences de la réforme du financement de l’apprentissage n’ont pas encore été tirées, ce qui justifie les nouvelles adaptations envisagées dans le présent article.

● Conformément aux engagements pris au printemps, les alinéas 1 à 5 (A du I) transfèrent une fraction supplémentaire du produit de la TICPE aux régions afin de compenser le manque à gagner résultant de la diminution de 56 % à 51 % de la part de taxe d’apprentissage qui leur est affectée.

L’alinéa 2 fixe ainsi à 146,27 millions d’euros, en 2015, le montant de la fraction du produit de la TICPE transférée.

Afin que la substitution soit neutre, et que les régions ne soient pas perdantes à moyen terme, il convenait toutefois de s’assurer que la nouvelle recette soit aussi dynamique que le produit de la taxe d’apprentissage assis, rappelons-le, sur la masse salariale. C’est pourquoi, l’alinéa 5 de cet article organise, à compter de l’année 2016, l’indexation du montant de cette fraction sur le rythme d’évolution de « la masse salariale privée de l’avant-dernière année », tel qu’il est mentionné dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances initiale. Cette règle assure un fort dynamisme de la ressource régionale pour l’apprentissage, prise dans son ensemble, puisque sur la période 2014-2017 la croissance la masse salariale du secteur privé serait comprise entre 2,2 % et 4,0 %.

Le I de l’article L. 6241-2 distingue, au sein de cette ressource régionale pour l’apprentissage, une part fixe et une part dynamique : si le produit total de la ressource régionale pour l’apprentissage excède un montant plancher, la part fixe définie pour chaque collectivité est complétée par une part variable, calculée sur la base de critères pondérées (119). Ni les dispositions du code du travail, ni la rédaction du présent article ne précisent toutefois la composition de ces deux parts. Il faut déduire de l’économie générale du dispositif – éclairée par l’exposé des motifs – que la part fixe est constituée de la fraction de la taxe d’apprentissage et de la fraction de TICPE, tandis que la part dynamique est intégralement assise sur la taxe d’apprentissage.

L’alinéa 3 et le tableau de l’alinéa 4 organisent la répartition entre les vingt-cinq régions de métropole et d’outre-mer, plus la collectivité territoriale de Corse et le Département de Mayotte, de la somme correspondant à la fraction de TICPE transférée. La clé retenue – chaque collectivité reçoit un pourcentage fixe déterminé par la seconde colonne du tableau – est logiquement déduite de celle utilisée pour la répartition en 2015 de la ressource régionale pour l’apprentissage, figurant au sixième alinéa du I de l’article L. 6241-2 du code du travail.

Le tableau ci-dessous détaille les montants prévisionnels individuels, pour l’année 2015, de la ressource régionale pour l’apprentissage.

RÉPARTITION DE LA RESSOURCE RÉGIONALE POUR L’APPRENTISSAGE

Prévisions 2015

(en millions d’euros)

Collectivité

Part fixe

Part variable

Total

Fraction

de TICPE

Fraction de la taxe

d’apprentissage

Alsace

4,45

42,49

3,68

50,62

Aquitaine

6,61

63,16

4,05

73,82

Auvergne

3,30

31,56

2,11

36,97

Bourgogne

3,69

35,26

2,45

41,4

Bretagne

6,49

62,00

3,64

72,13

Centre

6,09

58,18

4,68

68,95

Champagne-Ardenne

2,94

28,08

1,81

32,83

Corse

0,69

6,63

0,51

7,83

Franche-Comté

2,78

26,59

2,94

32,31

Île-de-France

22,46

214,64

13,09

250,19

Languedoc-Roussillon

5,47

52,28

3,98

61,73

Limousin

1,79

17,13

0,82

19,74

Lorraine

6,08

58,11

3,76

67,95

Midi-Pyrénées

5,42

51,80

3,97

61,19

Nord-Pas-de-Calais

8,81

84,18

5,07

98,06

Basse-Normandie

3,61

34,48

2,59

40,68

Haute-Normandie

4,39

41,93

2,90

49,22

Pays de la Loire

9,33

89,14

7,09

105,56

Picardie

3,86

36,84

2,46

43,16

Poitou-Charentes

5,41

51,67

3,94

61,02

Provence-Alpes-Côte d’Azur

9,93

94,93

6,63

111,49

Rhône-Alpes

12,98

124,07

8,77

145,82

Guadeloupe

2,43

23,20

0,35

25,98

Guyane

0,64

6,14

0,17

6,95

Martinique

2,68

25,65

0,41

28,74

La Réunion

3,91

37,38

1,00

42,29

Département de Mayotte

0,03

0,31

0,02

0,36

Sous-Total

146,27

1490,73

1637,00

Total

1544,09

92,91

Source : DGEFP, commission des Finances.

● Les alinéas 6 à 10 (B du I) du présent article tirent les conséquences de l’affectation de cette fraction de TICPE aux régions sur les tarifs de la taxe.

Les alinéas 7 à 9 fixent ainsi les fractions de tarif permettant de dégager le produit attendu :

– 0,39 euro par hectolitre pour les supercarburants sans plomb ;

– 0,27 euro par hectolitre pour le gazole.

La Rapporteure générale souligne que ces deux fractions de tarif n’augmentent pas les tarifs applicables de la TICPE ; elles sont donc sans conséquence sur les prix à la pompe pour le consommateur.

Si ces fractions de tarif sont fixes, le produit correspondant peut évoluer au fil des années en fonction de la consommation de carburants. Afin de garantir le produit attendu en 2015 – soit 146,2 millions d’euros – et de permettre son indexation sur la croissance de la masse salariale du secteur privé, l’alinéa 10 prévoit une clause de garantie sous la forme d’une attribution complémentaire, financée sur le produit de la TICPE normalement affecté au budget général.

● Enfin, les alinéas 11 à 17 (II) ajustent les modalités de la compensation aux régions, prévue à l’article 40 de la loi de finances pour 2014, du coût de la nouvelle prime de 1 000 euros en faveur de l’apprentissage, créée par l’article 140 de la même loi en remplacement de l’indemnité compensatrice forfaitaire (ICF ) et, jusqu’à présent, réservées aux entreprises comptant moins de onze salariés.

Là encore, cette compensation repose pour une majeure partie sur le transfert d’une fraction de TICPE et, à titre transitoire, sur la mobilisation de dotations budgétaires. Compte tenu de l’extinction des ICF, et de la montée en charge du nouveau dispositif, le coût pour le budget général passera de 117 millions d’euros en 2014 à 255 millions d’euros en 2015.

Alors que la rédaction actuelle de l’article 40 de la loi de finances pour 2014 prévoyait le transfert de TICPE au titre de la seule année 2014, les alinéas 12 à 15 du présent article adaptent les fractions de tarifs pour 2015 afin de dégager un produit supplémentaire de 128 millions d’euros tandis que les alinéas 16 et 17 ajustent – parfois sensiblement – le tableau de répartition des sommes entre les collectivités.

*

* *

La Rapporteure générale observe que le présent article ne tient compte ni de la création d’un dispositif complémentaire d’aide au recrutement d’apprentis pour les entreprises de moins de 50 salariés, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, ni de son élargissement à toutes les entreprises jusqu’à 250 salariés, annoncé par le Président de la République lors des récentes Assises de l’apprentissage. Le coût du premier de ces deux dispositifs est évalué par le Gouvernement à 50 millions d’euros. Il conviendra, lorsque ces mesures auront été définitivement adoptées par le Parlement, d’en assurer le financement dans une prochaine loi de finances par l’affectation de fractions supplémentaires de TICPE.

*

* *

La Commission adopte l’article 13 sans modification.

*

* *

Article 14
Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État
au profit des collectivités territoriales

Le présent article fixe le montant de l’ensemble des prélèvements sur recettes (PSR) opérés sur le budget de l’État au profit des collectivités territoriales, en application de l’article 6 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Au total, ces PSR devraient atteindre en 2015 la somme de 50,516 milliards d’euros contre 54,171 milliards en 2014 et 55,693 milliards en 2013, soit une diminution de 9,3 % en deux ans. Cette baisse correspond à la réduction de l’enveloppe normée des concours de l’État aux collectivités à hauteur de 1,5 milliard d’euros en 2014 et de 3,67 milliards supplémentaires cette année.

L’effort d’économies est exclusivement porté par la dotation globale de fonctionnement (DGF) ; il fait l’objet d’un commentaire plus détaillé au titre de l’article 9 du présent projet de loi de finances.

Contrairement à l’année dernière, le tableau figurant à l’alinéa 2 du présent article ne comporte plus vingt-six mais vingt-deux prélèvements différents, compte tenu des mouvements intervenus en loi de finances initiale pour 2014 ou proposés dans le présent projet de loi de finances pour 2015.

● La dotation exceptionnelle de correction des calculs de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et du prélèvement ou du reversement des fonds nationaux de garantie individuelle des ressources (FNGIR)

Ce PSR, créé à l’initiative du précédent Rapporteur général par l’article 39 de la loi de finances pour 2014 (120), vise à compenser, pour les cas identifiés par l’administration fiscale avant le 30 juin 2013, le manque à gagner résultant des erreurs de calcul du FNGIR et de la DCRTP pour les années antérieures à leurs corrections (c’est-à-dire pour les années 2011 et/ou 2012). Le montant correspondant avait été estimé à 22,5 millions d’euros l’an dernier. Il a été financé par une diminution des « variables d’ajustement », c’est-à-dire de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale, de la dotation unique des compensations spécifiques à la taxe professionnelle et de la dotation pour transfert de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale.

Cette dotation n’a pas vocation à être renouvelée cette année puisqu’il visait uniquement à apurer les erreurs de calcul passées.

● La dotation de compensation des produits syndicaux fiscalisés (PSR)

Créé par l’article 21 de la loi de finances rectificative pour 2011 (121), ce PSR visait à apporter une solution aux hausses brutales de cotisations foncières des entreprises (CFE) enregistrées, avec la réforme de la fiscalité professionnelle, dans certains syndicats intercommunaux dont le financement est assuré par une fiscalité additionnelle aux impôts locaux (122).

À titre transitoire, ce PSR devait permettre le versement d’une dotation de compensation spécifique pour ces syndicats fiscalisés. Le coût de celui-ci devait être progressivement réduit de manière à inciter les collectivités concernées à mettre fin à ce financement par fiscalisation. Ce prélèvement, qui atteignait encore 3 millions d’euros en 2013, a été ramené à 1 million d’euros l’an dernier ; son montant sera nul en 2015.

L’évolution positive ou négative de la plupart des PSR s’explique par leur mécanique propre dont le législateur assume les conséquences financières. Seul un petit nombre de prélèvements sur recettes appellent des observations spécifiques de la Rapporteur générale.

● Dotation de compensation liée au processus de départementalisation de Mayotte

L’article 45 de la loi de finances pour 2014 a mis en place un dispositif budgétaire de solidarité nationale sous la forme d’un PSR affecté au conseil général de Mayotte. Ce PSR a vocation à compenser au Département de Mayotte le manque à gagner résultant de l’entrée en vigueur du code général des impôts de droit commun.

Son montant, initialement fixé à 55 millions d’euros, a été porté lors de la discussion parlementaire à 83 millions d’euros pour 2014. Ce montant est reconduit pour 2015.

● Le fonds de compensation de la TVA (FCTVA)

Conformément à l’article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales, ce fonds est destiné à rembourser intégralement la TVA acquittée par les collectivités locales et leurs groupements sur leurs dépenses réelles d’investissement.

D’une manière générale, les investissements réalisés en année n sont constatés dans les comptes administratifs de l’année n + 1 pour une admission à la compensation lors de l’année n + 2. Ce principe crée pour les collectivités des décalages de trésorerie importants.

C’est pourquoi, dans le cadre du « Plan de relance », l’article 1er de la première loi de finances rectificative pour 2009 (123) avait prévu d’anticiper d’un an le versement des remboursements au titre du FCTVA. Les collectivités devaient toutefois s’engager sur une progression de leurs dépenses réelles d’équipement. Plus de 20 000 collectivités ont bénéficié d’une pérennisation de ce dispositif.

Dès lors, le rythme de remboursement du FCTVA varie d’une collectivité à l’autre ; la compensation intervient, en application du II de l’article L. 1615-6 du même code :

– dès l’année n de la dépense pour les communautés de communes, les communautés d’agglomération et les communes nouvelles ;

– l’année suivante n + 1 pour les collectivités pérennisées et les communes membres d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ayant unifié leur DGF ;

– deux années plus tard (n + 2), pour les autres collectivités.

Le montant fixé en loi de finances est donc automatiquement ajusté aux dépenses réellement exposées par les collectivités : il est donc normal que le montant global du FCTVA soit variable en fonction de la politique d’investissement des collectivités locales. Ceci explique que le montant du FCTVA soit passé de 5,523 milliards d’euros en 2013 à 5,769 milliards d’euros en 2014 et 5,935 milliards d’euros en 2015.

RÉPARTITION DES ATTRIBUTIONS DE FCTVA SELON LE RÉGIME DE VERSEMENT

Total des attributions de FCTVA versées en 2013

5 523 Md€

– au titre du versement anticipé (en N+1)

3 768 Md€, soit 68 % des attributions

– au titre du droit commun (en N+2)

1 106 Md€, soit 20 % des attributions

– versements l’année même

649 M€, soit 12 % des attributions

Source : Observatoire des finances locales 2014.

La Rapporteure générale rappelle que l’investissement local représente, en 2013, 11 % des investissements dans l’économie et 71 % de la formation brute de capital fixe (FBCF ) publique, soit 52 milliards d’euros. Les collectivités territoriales assurent ainsi la quasi-totalité des investissements publics dans le logement, l’aménagement urbain mais également l’éducation et la culture.

Dans un contexte déjà marqué, depuis deux ans, par la réduction de la capacité d’autofinancement des collectivités liée au dynamisme de leurs dépenses de fonctionnement, la baisse des dotations de l’État de 12,5 milliards d’euros sur 2014-2017 pourrait peser lourdement sur leur investissement. Le FCTVA pourrait, à cet égard, constituer un outil précieux afin de soutenir les dépenses d’investissement des collectivités, soit en révisant le taux de remboursement du fonds, soit en agissant sur le rythme de remboursement.

*

Bien que cet article ait précisément pour objet de récapituler l’ensemble des mouvements affectant les concours de l’État aux collectivités qui prennent la forme de prélèvements sur recettes, la Rapporteure générale constate, comme l’an dernier, que le tableau est difficilement lisible et peu éclairant.

Compte tenu des sommes en jeu, le Parlement devrait pouvoir bénéficier d’une présentation adaptée à la discussion budgétaire. Les prélèvements sur recettes pourraient notamment être regroupés en fonction de l’objectif qu’ils poursuivent – fonctionnement, investissement, compensations d’exonérations – ou de leur rôle dans l’enveloppe normée, en précisant notamment les dotations jouant le rôle de variables d’ajustement.

Le tableau ci-contre récapitule ces diverses informations.

LES PSR AU SEIN ET EN DEHORS DE L’ENVELOPPE NORMÉE DES CONCOURS DE L’ÉTAT

(montants en millions d’euros)

Concours financiers de l’État aux collectivités territoriales

LFI 2013

LFI 2014

PLF 2015

Enveloppe

des concours

de l’État stabilisée

Prélèvements

sur recettes

(PSR)

(hors réforme TP

et hors FCTVA)

Dotation globale de fonctionnement

41 505

40 121

36 558

Dotation spéciale pour le logement des instituteurs

22

21

19

Dotation élu local

65

65

65

PSR de l’État au profit de la collectivité de Corse et des départements de Corse

41

41

41

FMDI

500

500

500

Dotation départementale d’équipement des collèges

326

326

326

Dotation régionale d’équipement scolaire

661

661

661

Fonds CATNAT

10

10

5

Dotation globale de construction et d’équipement scolaire

3

3

3

Dotation de compensation des pertes de base de la TP et de redevance des mines

52

25

25

PSR de l’État au titre de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale

1 831

1 751

1 738

DUCSTP

370

292

167

Dotation pour transferts de compensations d’exonérations de FDL

814

744

632

Dotation de compensation de la réforme de la taxe sur les logements vacants

4

4

4

Dotation de compensation de la fiscalité à Mayotte

0

83

83

TOTAL PSR dans l’enveloppe

46 204

44 647

40 827

Dotations

budgétaires

inscrites sur

la mission RCT

(hors crédits

DGCL et TDIL)

Dotation équipement des territoires ruraux (DETR)

616

616

616

Dotation globale d’équipement des départements

219

219

219

Dotation générale de décentralisation

1 527

1 539

1 603

Dotation de développement urbain (DDU)

75

100

100

Dotation pour les titres sécurisés

18

19

18

Fonds de soutien redéploiement territorial des armées

10

0

0

Dotations Outre-mer

153

150

150

Subventions diverses

3

3

3

TOTAL Mission RCT

2 621

2 643

2 709

Dotation globale de décentralisation (DGD) Formation Professionnelle inscrite sur la mission Travail et emploi et sur le CAS « Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage »

1 703

0

0

TOTAL des concours de l’État dans l’enveloppe normée

50 528

47 290

43 536

Hors

enveloppe normée

Prélèvements

sur recettes

(PSR)

PSR hors enveloppe issus de la réforme de la fiscalité directe locale

3 862

3 755

3 754

dont Dotation de compensation de la réforme de la Taxe professionnelle (DCRTP)

3 429

3 324

3 324

dont Garantie des reversements des FDPTP

430

430

430

dont Dotation de compensation des produits syndicaux fiscalisés

3

1

0

Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) (124)

5 627

5 769

5 935

Total PSR hors enveloppe

9 489

9 524

9 689

TOTAL des concours de l’État, hors fiscalité transférée

60 017

56 814

53 225

Source : direction du budget.

Les dotations en italique servent de variables d’ajustement (totalement ou partiellement) de l’enveloppe normée.

*

* *

L’amendement de coordination I-CF 150 de M. Charles de Courson n’a plus d’objet.

La Commission adopte l’article 14 sans modification.

*

* *

B.– Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 15
Fixation des plafonds 2015 des taxes affectées aux opérateurs et à divers organismes chargés de missions de service public

Le présent article tend à poursuivre l’effort engagé depuis 2012 pour contenir le dynamisme des taxes affectées à certains opérateurs de l’État et organismes chargés de missions de service public.

Dans cette perspective, il prévoit :

– d’ajuster les plafonds individuels de certaines taxes prévus au I de l’article 46 de la loi de finances pour 2012 (125) à la hausse ou à la baisse pour une économie nette de 309 millions d’euros à périmètre constant ;

– d’élargir le périmètre du plafonnement des taxes affectées à quinze nouveaux organismes et porter ainsi les ressources fiscales plafonnées à un montant global de 5,8 milliards d’euros à compter de 2015 contre 5,2 milliards d’euros en 2014.

Par ailleurs, deux autres mesures sont proposées :

– l’augmentation de 15 % à 25 % de la fraction de la taxe sur les transactions financières (TTF) affectées au fonds de solidarité pour le développement (FSD) dans la limite d’un plafond annuel de 130 millions d’euros ;

– la suppression d’ici à 2016 de la taxe acquittée par les professionnels de la filière fruits et légumes affectée au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL).

Aux termes de l’article 2 de la LOLF (126), « les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu’à raison des missions de service public confiées à lui ».

Le maintien par la LOLF d’une possibilité de déroger au principe d’universalité budgétaire, dont découle le principe de non-affectation des recettes, couplée à l’expansion des règles contraignant l’augmentation de la dépense budgétaire, notamment les normes « zéro volume » et « zéro valeur », a conduit à renforcer l’attrait de la fiscalité affectée.

Le produit des impositions affectées à des personnes morales autres que l’État représente ainsi plus de 232 milliards d’euros, dont une grande partie bénéficie aux régimes de la sécurité sociale et aux collectivités territoriales.

PRODUITS DES TAXES AFFECTÉES

(en millions d’euros)

Catégories d’affectataires

2007

2008

2009

2010

2011

2012 (p)

2013 (p)

Réaffectations internes à l’État

3 691

4 215

4 132

4 175

4 918

4 974

5 302

Agences de l’État

10 506

10 548

11 465

12 386

13 833

13 996

14 628

Agences locales

5 524

6 609

6 602

6 890

7 671

7 635

7 885

Chambres consulaires

1 624

1 688

1 758

1 799

1 848

1 947

1 913

Organismes techniques et professionnels

868

937

822

811

834

1 048

1 355

Organismes de sécurité sociale

41 739

46 620

47 234

48 932

54 059

57 691

58 660

Dispositifs de péréquation et de solidarité

3 563

4 259

5 960

6 872

8 364

9 038

9 982

Contributions rendues obligatoires par l’État

16 727

16 915

18 498

19 295

20 518

20 688

21 014

Total

84 243

91 791

96 472

101 160

112 045

117 016

120 739

(p) prévisions.

Source : Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité affectée (127).

Parmi ces impositions, les 214 taxes affectées à 453 entités autres que la sécurité sociale et les collectivités territoriales représentaient en 2013, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, un produit global de 28 milliards d’euros.

LES PRINCIPALES ENTITÉS AFFECTATAIRES DE RESSOURCES FISCALES HORS SÉCURITÉ SOCIALE ET COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Entités affectataires

Nombre d’entités

Nombre de taxes

Produit global
des taxes en 2013

(en Mds €)

Croissance du produit des taxes 2007/2013

(en %)

Agences de l’État

89

135

14,6

+ 33

Chambres consulaires

286

6

1,9

+ 17,8

Organismes techniques ou professionnels

74

67

1,4

+ 44,5

Dispositifs de solidarité nationale

dont principalement :

– la contribution au service public de l’électricité (CSPE) ;

– le fonds national d’aide au logement (FNAL) ;

– le fonds monétaire des solidarités actives (FNSA)

4

6

9,9

+ 85,7

Total

453

214

27,8

+ 45

Source : Rapport du CPO sur la fiscalité affectée.

NOMBRE D’ENTITÉS ET PRODUIT PERÇU PAR CATÉGORIE
DE BÉNÉFICIAIRES DE TAXES AFFECTÉES, HORS SÉCURITÉ SOCIALE
ET COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

L’accroissement de la fiscalité affectée, qui s’explique à la fois par des assiettes dynamiques et par le recours accru à la possibilité de contourner les normes de dépenses par l’affectation d’une taxe plutôt qu’à des dotations budgétaires, a conduit le législateur à réaffirmer le caractère exceptionnel de la fiscalité affectée et à adopter différentes mesures d’encadrement en loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour la période 2012-2017 (128) et en loi de finances initiale pour 2012.

L’article 46 de la loi de finances pour 2012 a ainsi introduit un plafonnement du montant des taxes affectées à certains opérateurs, tandis que l’article 12 de la LPFP 2012-2017 a fixé un objectif minimal de baisse des taxes ainsi plafonnées, repris par la LPFP 2014-2019. Par ailleurs, La charte de budgétisation annexée à la LPFP prévoit quant à elle l’inclusion dans la norme « zéro valeur » des taxes ainsi plafonnées (129).

Ces dispositions ont été complétées par des mesures ponctuelles de prélèvement sur les capacités financières des opérateurs et, le cas échéant, de diminution des dotations budgétaires versées à certaines entités.

Le plafonnement des taxes affectées à certains opérateurs de l’État ou organismes chargés d’une mission de service public, introduit à l’article 46 de la loi de finances pour 2012, a été qualifié de « dispositif pivot de l’encadrement budgétaire des taxes affectées » par le Conseil des prélèvements obligatoires.

Cette appréciation semble fondée au regard du triple objectif poursuivi par ce dispositif, à savoir :

– renforcer le suivi et le contrôle par le Parlement des ressources fiscales affectées aux opérateurs, conformément aux principes budgétaires d’annualité (autorisation annuelle du Parlement) et d’universalité (interdiction d’affecter une ressource à un tiers), qui sont les garants du contrôle parlementaire sur l’emploi des ressources de l’État ;

– ajuster les ressources des opérateurs aux besoins qui leur sont nécessaires pour assurer leurs missions de service public ;

– maîtriser le niveau de la dépense de certains opérateurs de l’État par la régulation de leurs ressources affectées de manière à les inciter à dépenser moins et assurer leur contribution à l’effort de redressement des comptes publics.

Le fonctionnement du plafonnement repose sur les dispositions suivantes :

– les affectations de ressources sont autorisées dans la limite d’un plafond soumis annuellement au Parlement. Au-delà de ce plafond, les ressources sont écrêtées au profit du budget général de l’État ;

– les plafonds sont mentionnés dans un tableau unique, à l’instar des états législatifs annexés aux lois de finances, présenté dans un article de loi de finances, en l’occurrence l’article 46 de la loi de finances pour 2012.

Par ailleurs, la liste des taxes affectées soumises à ce plafonnement a été définie par défaut, en retenant trois types d’exemptions :

– les exemptions fondées sur la nature du destinataire de la taxe : sont concernés l’ensemble des organismes gérant des services publics à l’exception des collectivités territoriales et de leurs établissements, des administrations sociales et des organismes paritaires ;

– les exemptions fondées sur la nature de la taxe : sont exclues les redevances pour services rendus et les taxes répondant à une logique de pollueur payeur ;

– les exemptions des taxes affectées s’accompagnant déjà d’un mécanisme indirect de plafonnement, via une subvention d’équilibre portée par le budget général (taxes affectées au Fonds de solidarité par exemple).

Le plafonnement s’applique donc à un champ limité de taxes, qui a toutefois été progressivement élargi par les dernières lois de finances.

Le mécanisme de plafonnement mis en place en 2012 recouvrait 46 taxes ou recettes affectées à 31 établissements ou groupes d’établissements, dont 7 entités affectataires de plusieurs taxes. Le produit global des taxes soumises au plafonnement s’élevait à 3 milliards d’euros. Le montant prévisionnel du produit résultant de l’écrêtement résultant du plafonnement était estimé à 94,3 millions d’euros. Il s’est finalement révélé supérieur en exécution pour s’établir à 136,2 millions d’euros.

L’article 39 de la loi de finances pour 2013 a élargi le périmètre du plafonnement à 12 nouvelles taxes affectées et 12 nouveaux bénéficiaires, dont les organismes consulaires – les chambres de commerce et d’industrie, les chambres des métiers et les chambres d’agriculture –, portant le produit global des taxes plafonnées à 5,1 milliards d’euros. Une mesure complémentaire d’extension du périmètre du plafonnement a également été adoptée en loi de finances rectificative pour 2012 (130), portant le périmètre des ressources plafonnées à 5,2 milliards d’euros.

L’article 47 de la loi de finances pour 2014 a élargi de nouveau le périmètre du plafonnement à cinq taxes et cinq bénéficiaires pour un montant global de ressources plafonnées de 5,6 milliards d’euros. Au total, 59 taxes sont soumises au plafonnement en 2014 pour une autorisation de 5 760 millions d’euros, une prévision d’exécution de 4 660 millions d’euros et une prévision des reversements au profit du budget de l’État de 284 millions d’euros. Ce plafonnement est par ailleurs élargi à nouveau par le présent article.

Ces élargissements successifs n’ont pas renforcé sensiblement la portée du plafonnement, qui demeure un outil limité en termes de périmètre et d’objectif de baisse des recettes affectées aux opérateurs.

Le Conseil des prélèvements obligatoires, dans son rapport sur la fiscalité affectée, a souligné que les critères retenus pour déterminer la liste des taxes pouvant être soumises au plafonnement « se révèlent peu discriminants et laissent, au contraire, une large part aux négociations politiques lors des débats budgétaires ».

Les règles déterminant le périmètre du plafonnement sont donc peu contraignantes et peuvent être contournées en cas de besoin par le législateur.

Par ailleurs, le plafonnement des taxes ne conduit pas nécessairement à diminuer les ressources affectées aux opérateurs.

Selon le niveau du plafonnement fixé par la loi, celui-ci aura pour effet :

– d’assurer que le montant des recettes recouvrées ne dépassent par leur montant prévisionnel ;

– d’ajuster les recettes perçues par l’opérateur à ses besoins, le cas échéant, par un écrêtement au profit du budget général de l’État.

La mise en place du plafonnement n’a donc pas permis « d’améliorer l’efficience de la dépense publique ».

Pour répondre à ces critiques, le présent article propose d’étendre à nouveau le périmètre du plafonnement tout en poursuivant l’effort d’économies demandé à certains opérateurs.

Ces mesures présentées ci-après sont par ailleurs complétées par l’article 10 de la LPFP pour les années 2014 à 2019 (131) qui renforce le mécanisme de plafonnement des taxes affectées au travers de trois mesures :

– un encadrement plus strict de la notion de taxe affectée, désormais reconnue aux seuls prélèvements d’intérêt sectoriel, aux contributions de nature assurantielle ou à la rémunération d’un service rendu par l’affectataire ;

– l’élargissement du périmètre du plafonnement à toutes les taxes affectées existantes à compter du 1er janvier 2016 ;

– la « rebudgétisation » des taxes affectées non plafonnées avant le 1er janvier 2017.

Référence de l’imposition ou de la ressource affectée

Entité affectataire

Plafond 2015

1° de l’article L. 342-21 du code de la construction et de l’habitation

Agence nationale de contrôle du logement social

7 000

2° de l’article L. 342-21 du code de la construction et de l’habitation

Agence nationale de contrôle du logement social

12 300

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Lorraine

25 300

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Normandie

22 100

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes

30 600

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Provence-Alpes-Côte d’Azur

83 700

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de la région Île-de-France

125 200

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier des Hauts-de-Seine

27 100

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier des Yvelines

23 700

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier du Val-d’Oise

19 600

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Poitou-Charentes

12 100

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Languedoc-Roussillon

31 800

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Bretagne

21 700

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier de Vendée

7 700

Articles 1607 ter du code général des impôts et L. 321-1 du code de l’urbanisme

Établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais

80 200

Article 1601 B du code général des impôts

Fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise inscrits au répertoire des métiers visés au III de l’article 8 de l’ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003

54 000

Total

584 100

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

L’élargissement du plafonnement à ces quatre ressources affectées est comptabilisé comme une mesure de périmètre au sein de la norme de dépense (+ 584,1 millions d’euros).

Par ailleurs, s’ajoute à cet élargissement une mesure de périmètre de 10,8 millions d’euros au titre du Centre national pour le développement du sport (CNDS).

Cet élargissement est moins important que celui opéré en loi de finances pour 2014 (+ 5 % contre + 9 % en LFI 2014).

ÉVOLUTION DU PÉRIMÈTRE DU PLAFONNEMENT ENTRE LA LFI 2012 ET LE PLF 2015

 

2012

2013

2014

PLF 2015

Nombre de taxes plafonnées

46

57

59

61

Montant de l’autorisation totale

(en millions d’euros)

3 000

5 100

5 600

5 900

Évolution (en %)

+ 42 %

+ 9 %

+ 5 %

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2013

Plafond 2014

Plafond 2015

Mesures 2015

Article 232 du code général des impôts

Agence nationale de l’habitat (ANAH)

21 000

21 000

51 000

+30 000

Article 46 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 (I de ‘l’article 953 du code général des impôts)

ANTS

107 500

96 750

118 750

+22 000

Article 1609 nonies G du code général des impôts

Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF)

11 000

0

11 000

+11 000

I du A de l’article 73 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centres techniques des industries mécaniques (CETIM, Centre technique de l’industrie du décolletage, Centre technique industriel de la construction métallique, Centre technique des industries aérauliques et thermiques, Institut de soudure)

70 200

70 000

70 500

+500

Article L. 121-16 du code de l’énergie

Fonds de solidarité pour le développement (FSD)

60 000

100 000

130 000

+30 000

Article L. 4316-3 du code des transports

Société du Grand Paris (SGP)

168 000

350 000

375 000

+25 000

Article 1609 tricies du code général des impôts

Centre national pour le développement du sport (CNDS)

31 000

31 000

34 600

+3 600

Article 1628 ter du code général des impôts

Agence nationale des titres sécurisés

12 500

4 000

10 000

+6 000

Total

481 200

672,75

800,85

+128 100

L’augmentation globale du plafonnement applicable à ces sept taxes très dynamiques (+ 60 % entre 2013 et 2015) confirme l’encadrement très relatif de la fiscalité affectée par ce dispositif.

Imposition ou ressource affectée

Personne affectataire

Plafond 2013

Plafond 2014

Plafond 2015

Mesures 2015

Article 302 bis ZB du code général des impôts

Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

610 000

610 000

561 000

-49 000

V de l’article 43 de la loi de finances pour 2000 (n° 99-1172 du 30 décembre 1999)

Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA)

120 000

120 000

100 000

-20 000

Article L. 612-20 du code monétaire et financier

Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

 

205 000

195 000

-10 000

Articles L. 621-5-3 et suivants du code monétaire et financier

Autorité des marchés financiers (AMF)

 

95 000

74 000

-21 000

Article 1609 nonies G du code général des impôts

Caisse de garantie du logement locatif social

120 000

120 000

45 000

-75 000

Article 224 du code des douanes

Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres (CELRL)

37 000

37 000

36 260

-740

F de l’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre d’étude et de recherche de l’industrie du béton (CERIB) ; Centre technique de matériaux naturels de construction (CTMNC)

16 300

15 000

14 500

-500

Premier alinéa de l’article 1609 novovicies du code général des impôts

CNDS

176 300

176 300

170 500

– 5 800

Article 1604 du code général des impôts

Chambres d’agriculture

297 000

297 000

282 000

– 15 000

2 du III de l’article 1600 du code général des impôts

Chambres de commerce et d’industrie

819 000

719 000

506 117

– 212 883

Article 1601 du code général des impôts et article 3 de la loi n° 48-977 du 16 juin 1948 relative à la taxe pour frais de chambre de métiers applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

Chambres de métiers et de l’artisanat

280 000

245 000

244 009

– 991

I du A de l’article 73 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003)

Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes

17 000

17 000

8 500

– 8 500

Article L. 2221-6 du code des transports

Etablissement public de sécurité ferroviaire (EPSF)

17 500

15 800

10 500

– 5 300

Article L. 121-16 du code de l’énergie

Médiateur national de l’énergie

7 000

7 000

6 860

– 140

Article L. 423-27 du code de l’environnement

Office national de la chasse et de la faune sauvage

72 000

69 000

67 620

– 1 380

Article L. 4316-3 du code des transports

Voies navigables de France (VNF)

148 600

142 600

139 748

– 2 852

Article 1609 quatervicies A du code général des impôts

Personnes publiques ou privées exploitant des aérodromes

 

49 000

48 000

– 1 000

Total

 

2 737 700

2 939 700

2 509 700

– 430 000

Enfin, 33 taxes voient leur plafond individuel stabilisé entre 2014 et 2015.

RÉCAPITULATIF DES MODIFICATIONS INTRODUITES À L’ARTICLE 46 DE LA LFI 2012
EN 2014 ET 2015

 

PLF 2014

PLF 2015

Taxes dont le plafond est abaissé

23

17

Taxes dont le plafond est augmenté

3

8

Taxes dont le plafond est stabilisé

28

32

Taxes supprimées

5

0

Taxes intégrées dans le plafonnement

5

4

Total

59

64

Au regard des variations parfois sensibles des plafonds individuels de certaines taxes d’une année sur l’autre, la Rapporteure générale souhaiterait qu’à l’avenir l’évaluation préalable des articles venant modifier l’article 46 de la loi de finances pour 2012 apporte une justification à chacune de ces variations.

 

2012

LFI 2013

LFI 2014

PLF 2015

Évolution du périmètre au regard de celui de 2012

3 000

2 758

2 732

2 743

Objectif LPFP 2012-2017

– 191

– 265

– 465

Résultat

– 242

– 268

– 257

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

Les efforts réalisés pour parvenir à respecter ces objectifs ont été toutefois été limités, puisqu’ils n’ont conduit qu’à diminuer de 8,6 % les ressources affectées aux opérateurs soumises au plafonnement. Si l’on considère le périmètre de 2012 seules 24 taxes sur 59 faisaient l’objet d’un écrêtement en 2014 pour un montant moyen d’écrêtement de 11 millions d’euros par taxe et un montant d’écrêtement total représentant 5% du rendement des taxes plafonnées.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE TAXES AYANT FAIT L’OBJET D’UN ÉCRÊTEMENT

 

2012

2013

2014

2015

Nombre de taxes écrêtées

18

18

29

28

% de taxes écrêtées

40 %

32 %

50 %

46 %

Reversement à l’État

(en millions d’euros)

136,8

217,6

284,5

322

En conclusion, le plafonnement des taxes affectées a joué depuis 2012 un rôle modeste dans la maîtrise des taxes qu’il plafonne.

Ce rôle pourrait toutefois être renforcé par les dispositions de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 qui prévoit notamment :

– la généralisation du plafonnement à l’ensemble des taxes affectées (article 16) ;

– la fixation de nouveaux objectifs de réduction annuelle des plafonds des taxes affectées (article 15).

OBJECTIF DE RÉDUCTION DE LA SOMME DES PLAFONDS DES TAXES AFFECTÉES ENTRE 2015 ET 2017

(en millions d’euros)

2015

2016

2017

309

120

87

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014-2019.

2. La suppression progressive de la taxe affectée au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes

Le V prévoit la suppression progressive de la taxe portant sur les producteurs de fruits et légumes affectée au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) prévue à l’article 73 de la loi de finances rectificative pour 2003 (132).

Les dispositions prévues au A du V prévoient qu’à compter du 1er janvier 2015, le taux de la taxe est divisé par deux pour atteindre 0,9 pour mille contre 1,8 mille en 2014. Il est également précisé que le plafond de la taxe est appliqué au montant des encaissements réalisés sur la base du chiffre d’affaires des redevables au titre de l’année du fait générateur de l’imposition.

Le B du V supprime intégralement cette taxe à compter du 1er janvier 2016.

Le VII prévoit une entrée en vigueur des dispositions, hors mesures de coordination, au 1er janvier 2015.

*

* *

La Commission examine les quatre amendements identiques I-CF 100 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF 93 de M. Charles de Courson, I-CF 185 de Mme Eva Sas et I-CF 237 de Mme Monique Rabin qui visent à supprimer l’alinéa 13 de l’article 15.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement I-CF 100 est défendu.

M. Charles de Courson. Ces amendements identiques, dont l’amendement I-CF 100, ont pour objet de conserver en 2015 le plafonnement actuel du produit du droit de francisation des navires affecté au financement du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres. Cette taxe, adoptée à l’unanimité, avait été étendue aux jet-skis notamment.

Réduire le plafond d’un fonds destiné à l’achat d’espaces en vue de protéger les littoraux, et ce dans le seul but de récupérer moins d’un million d’euros, me semble une mesure peu judicieuse. Il convient de conserver le plafond de 37 millions.

Mme Eva Sas. Nous sommes tous favorables à l’objectif, qui est simple : maintenir le budget du Conservatoire du littoral. Tel est l’objet de l’amendement I-CF 185.

M. François André. Il convient également de prendre en considération le fait que l’État confie des missions croissantes au Conservatoire du littoral, comme la gestion des phares. L’amendement I-CF 237, comme les autres amendements, vise à maintenir le plafond actuel.

Mme Monique Rabin. D’autant que la recette est dynamique. Même si le plafond est maintenu à 37 millions, chaque année l’État percevra davantage.

Mme la Rapporteure générale. Ces amendements font l’unanimité de la Commission. Leur adoption ne risquant pas de mettre en péril les finances publiques, j’y suis favorable.

M. le président M. Gilles Carrez. Mme Rabin a raison : dès lors que la recette est dynamique, chaque année l’État perçoit davantage.

Mme Monique Rabin. J’ajoute que nous fêtons cette année les quarante ans du Conservatoire du littoral.

La Commission adopte les amendements I-CF 100, I-CF 93, I-CF 185 et I-CF 237 (amendement I-246).

Puis la Commission examine les trois amendements identiques I-CF 108 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF 69 de M. Marc Le Fur et I-CF 87 de M. Charles de Courson.

Mme Marie-Christine Dalloz. La baisse de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti contribue à accroître inutilement les difficultés des chambres d’agriculture.

Il faut savoir qu’une chambre d’agriculture qui n’a que soixante jours de fonds de roulement est placée sous la tutelle du préfet. Or le PLF veut imposer un maximum de quatre-vingt-dix jours : la différence ne sera dès lors que de trente jours. Si bien que celles qui avaient anticipé des projets d’investissement verront leur réserve ponctionnée. La mesure est donc une prime au mauvais gestionnaire. Je ne peux le tolérer. C’est pourquoi je défends l’amendement I-CF 108.

M. Marc Le Fur. Je ne comprends pas comment les calculs ont été faits. Je n’ai encore eu aucune explication rationnelle de cette mesure. L’amendement I-CF 69 vise à la supprimer.

M. Charles de Courson. En sus d’un prélèvement exceptionnel, le Gouvernement veut réduire de 5,35 % le montant de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti : l’amendement I-CF 87 tend à s’y opposer.

Les présidents des chambres d’agriculture que j’ai rencontrés m’ont fait part de leurs inquiétudes. Alors qu’on leur demande d’effectuer des missions supplémentaires, ils seront dans l’obligation de licencier et d’arrêter des opérations déjà lancées, pour certaines à la demande même des pouvoirs publics.

Il convient de conserver le plafond de 2014.

Mme la Rapporteure générale. Le plafond des taxes qui sont versées aux chambres d’agriculture baissera en 2015 de 5 %, ce qui représente 15 millions d’euros, soit 2 % du budget total des chambres d’agriculture, qui s’élève à 720 millions d’euros. Quant au prélèvement exceptionnel sur leurs fonds de roulement au-delà de quatre-vingt-dix jours, il représente 45 millions d’euros.

Je rappelle que, à la suite de ce prélèvement en faveur du budget général, 20 millions d’euros découlant de la réduction à quatre-vingt-dix jours de la durée des fonds de roulement des chambres abonderont un fonds de solidarité affecté aux chambres les plus fragiles. On ne peut pas toujours refuser les économies demandées par l’État.

J’émets un avis défavorable à ces quatre amendements.

Mme Véronique Louwagie. Cette disposition met en cause les structures vertueuses, celles qui ont fait des économies notamment pour réaliser des investissements dans des centres de formation d’apprentis. Nous enverrions un mauvais message en acceptant une spoliation des fonds propres de ces structures.

Le Gouvernement et le Parlement ne visent-ils pas ainsi à diminuer le poids de la société civile, dont nous avons pourtant besoin pour prendre nos décisions ? Or les chambres consulaires représentent l’ensemble des territoires.

M. Dominique Lefebvre. Je tiens à rappeler que nous avons voté hier lors de l’examen de la loi de programmation des finances publiques un article sur les ressources affectées – elles devront être toutes plafonnées d’ici à 2017.

Par ailleurs, les chambres d’agriculture et les chambres de commerce et d’industrie (CCI) doivent, tout comme les collectivités locales, participer à l’effort.

Enfin, si les modes de répartition entre les chambres sont marqués par des incohérences, c’est en raison de l’obstruction de leur réseau dans la détermination des chiffres récents. Lorsque ceux-ci seront connus – les chambres doivent les remonter aux préfets –, il s’agira alors de tenir compte de la part des fonds de roulement déjà engagée dans des opérations d’investissements.

Il convient donc de voter en l’état les plafonnements et les prélèvements prévus pour convaincre le réseau des chambres, qui est parfaitement organisé, d’ouvrir avec les parlementaires un débat franc et direct.

M. Jean-Louis Dumont. Il m’est souvent arrivé de dénoncer le siphonage de fonds par un État désargenté. Mais je n’ai jamais pensé que la principale mission des chambres consulaires fût de thésauriser. Je préside le Conseil immobilier de l’État qui a auditionné les chambres consulaires : compte tenu de la diversité de leur situation, il convient de leur rappeler leur cœur de métier et les missions qui sont les leurs.

L’expérience des agences de bassins a montré que ce genre de mesures peut avoir sur ces structures un effet pédagogique si elles les ramènent à un peu plus de sérieux.

Mme la Rapporteure générale. Monsieur Lefebvre, la négociation avec les chambres d’agriculture a bien eu lieu. L’alinéa 13 de l’article 18 prévoit que le fonds de roulement est celui constaté au 31 décembre 2013 déduction faite des investissements déjà engagés et programmés.

M. le président Gilles Carrez. C’est avec les chambres de commerce que la négociation n’a pas eu lieu. Le gouvernement précédent s’était heurté au même problème.

M. Dominique Lefebvre. Effectivement, je voulais parler des chambres de commerce et d’industrie.

M. Éric Woerth. Toutes ces mesures, dont certaines ont été prises sous la précédente majorité, ne constituent pas des réformes structurelles. Du reste, le PLF pour 2015 contient fort peu de réformes structurelles. Faire les fonds de poche de manière excessive ne résoudra en rien le problème de la dépense publique en France.

M. Olivier Carré. Il faudra un jour finir par se demander s’il ne faut pas plutôt revoir le niveau des taxes, ce qui soulagerait les contributeurs. Il faut savoir en effet que cet argent n’appartient pas à l’État mais à ceux qui ont financé les différentes structures.

M. Jean-Louis Gagnaire. Il faudrait faire les deux : il n’y a pas de raison que les chambres thésaurisent de l’argent public et il faut baisser les taxes.

En Espagne, c’est plus radical : les entreprises cotisent volontairement
– autrement dit, si les chambres leur apportent réellement quelque chose… Si c’était le cas en France, nous aurions peut-être assisté à des baisses drastiques des cotisations des entreprises ! D’autant que les chambres d’agriculture bénéficient de subventions pour mener des actions qui relèvent normalement de leurs compétences. Il ne s’agit pas de jeter le discrédit sur les chambres. Nous aurions intérêt à mesurer les effets de la réforme intervenue sur la régionalisation des chambres. Nous n’avons pas tiré tous les bénéfices de cette réforme, qui permet de mutualiser des fonctions supports et de cantonner les dépenses.

Enfin, j’ai été amené à le dire à plusieurs reprises aux responsables des chambres, il faudrait revoir la masse salariale. Les présidents eux-mêmes en conviennent, les niveaux de rémunération sont excessifs. Nous devrons peut-être, un jour, prendre nos responsabilités.

M. Jean-Pierre Gorges. Je ne suis pas un spécialiste des chambres de commerce et des ponctions qui sont opérées. Cela étant, la ponction sur les agences de l’eau est une question gravissime, surtout pour ceux qui ont des projets. Un de mes projets, très important, dont l’enjeu, de 21 millions d’euros, portait sur une station d’épuration de 200 000 équivalents-habitants, a été bloqué. L’État a-t-il le droit de mettre la main sur cet argent ? Je ne le crois pas, car c’est de la fiscalité propre.

M. le président Gilles Carrez. Nous parlerons des agences de l’eau à l’article suivant.

M. Charles de Courson. La Rapporteure générale pourrait-elle nous éclairer sur le problème constitutionnel ? Peut-on, en droit constitutionnel français, faire un prélèvement sur des établissements publics financés par une taxe affectée ? C’est en dénaturer l’objet.

Mme la Rapporteure générale. Les taxes affectées sont des impositions de toutes natures soumises au principe d’universalité de recettes, et c’est la possibilité d’affecter les recettes à des tiers, qui constitue une exception.

M. le président Gilles Carrez. Le Conseil constitutionnel a eu à examiner ces points, qui figurent déjà dans plusieurs lois de finances.

La Commission rejette les amendements I-CF 108, I-CF 69 et I-CF 87.

Elle en vient à l’amendement I-CF 98 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans le même esprit, il s’agit des chambres de commerce et d’industrie. Mais ce ne sont plus les mêmes montants. Aujourd’hui, la baisse du budget des chambres de commerce et d’industrie est de 17 %, soit 213 millions d’euros. Vous êtes bien capables de dire qu’elles vont se débrouiller. Comment voulez-vous organiser un budget lorsqu’on vous annonce que vous subirez une baisse de 17 % l’année suivante ? Les chambres de commerce et d’industrie vont sans doute remettre en cause les actions menées sur le terrain au profit du commerce et de l’industrie, et surtout de l’apprentissage, alors que vous vous en faites les chantres. Vous avez tout transféré aux régions pour que cela se fasse sous leur pilotage, alors que cela se passait plutôt bien sous le pilotage des chambres de commerce et d’industrie. Une baisse de 17 %, c’est difficile à accepter.

Mme la Rapporteure générale. Si l’on observe l’économie globale des CCI, le budget de 3,9 milliards d’euros est financé en partie par deux taxes, la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE) et la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE), pour une recette globale de taxe pour frais de chambre de 1,2 milliard d’euros. Nous proposons une baisse de 213 millions sur ce montant de 1,2 milliard, perçu chaque année. L’objectif du Gouvernement est de faire passer le montant de ces taxes de 1,2 milliard à 1 milliard d’euros à l’horizon 2017. C’est une baisse importante, qui est à mettre en regard avec la progression de 20 % de ces taxes au cours des dernières années.

Lorsqu’on coupe dans les dépenses, cela a forcément des conséquences : vous vous en doutez, puisque vous êtes cosignataire du plan d’économies de 100 milliards annoncé par votre formation politique… Mais dès que c’est nous qui envisageons ces réductions de dépenses indispensables, tout le monde est contre !

Pour cette raison, j’émets un avis défavorable à l’amendement.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie des amendements identiques I-CF 76 de M. Charles de Courson et I-CF 78 de M. Laurent Grandguillaume.

M. Charles de Courson. En 2014, les CCI doivent déjà faire face à une baisse de 7 % de leur taxe affectée. Vous proposez une baisse supplémentaire de 17 %, soit, en deux ans, une diminution qui représente presque le quart de leur recette fiscale. C’est excessif. Notre amendement propose de limiter la réduction à 7 %, soit 46 millions d’euros.

Si vous allez plus loin, il y aura des plans de licenciement. Les chiffres donnés par Mme la Rapporteure générale sont agrégés, car les budgets annexes
– concernant les ports, les aéroports, etc. – doivent être équilibrés. La partie de la section générale est abondée par la recette fiscale de 1,2 milliard d’euros et quelques recettes propres, y compris en matière de formation. La baisse de 17 % que vous proposez, soit deux fois et demi la baisse opérée l’an dernier, n’est pas raisonnable.

M. Laurent Grandguillaume. Il faut tenir compte des missions des chambres de commerce et d’industrie et des conséquences que cette baisse peut avoir sur les fermetures de places en centre de formation des apprentis (CFA), sur la gestion des aéroports, des ports de pêche et des ports de commerce. M. Michel Vauzelle a écrit une lettre à M. Emmanuel Macron pour l’alerter sur le risque que ferait courir cette mesure au projet « Campus apprentissage » en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, pour lequel 15 millions d’euros sont programmés sur le fonds de réserve. Je pourrais citer de nombreux exemples concrets allant de Bayonne à La Rochelle, voire dans tous les départements de France.

Certes, il faut que les chambres de commerce et d’industrie fassent des économies, au même titre que les autres chambres. Mais il faut leur laisser le temps de mener des réformes structurelles. Si notre amendement sur la taxe additionnelle à la CVAE était adopté, cela permettrait aux CCI de prendre les bonnes mesures et de le faire dans l’équilibre, avec justesse, sans que cela percute la gestion des investissements locaux.

Nous avons eu un débat sur les collectivités locales et sur d’autres opérateurs. Nous pouvons avancer sereinement, et cet amendement va dans le bon sens. Pour ma part, je suis prêt à retirer, à l’article 17, les amendements I-CF 79 et I-CF 81, qui portent sur le fonds de roulement.

Le Gouvernement pourrait changer de position sur ce sujet en prenant en compte la question de l’apprentissage, de la formation et des infrastructures, qui sont gérés par les chambres de commerce et d’industrie.

Mme la Rapporteure générale. Je précise que les aéroports, les ports et les ponts sont exclus du prélèvement de 500 millions. Avis défavorable.

M. Dominique Lefebvre. La Rapporteure générale a apporté une information sur la discussion positive qui a eu lieu avec les chambres d’agriculture. Actuellement, avec l’ensemble du réseau des chambres de commerce, nous sommes dans une situation de blocage, car elles ne donnent pas leurs chiffres. Aussi, la position du groupe socialiste est d’en rester à la proposition du Gouvernement, dans l’attente d’une discussion sérieuse, s’agissant notamment de la répartition du prélèvement sur fonds de roulement.

La Commission rejette les amendements.

La Commission en vient à l’amendement I-CF 45 de M. Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Mon amendement concerne le plafonnement de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), qui est affectée à la Société du Grand Paris, laquelle est confrontée à un programme d’investissement massif. Il a été décidé de ne pas plafonner son autre ressource, la taxe annuelle sur les bureaux. Je propose, dans mon amendement, de conserver un plafond qui ne sera pas percuté par l’évolution naturelle de l’IFER.

Mme la Rapporteure générale. Le financement du Grand Paris repose sur trois taxes. Vous faites référence à l’une des trois, la taxe locale sur les bureaux, que nous avons déjà relevée cette année de 178 à 350 millions. L’article 15 la relève à nouveau de 25 millions, la faisant passer de 350 à 375 millions. Par conséquent, monsieur le président, j’émets un avis défavorable à votre amendement.

M. le président Gilles Carrez. Comme vous relevez l’autre taxe, je me suis dit qu’il fallait suivre le même raisonnement pour l’IFER ! Cela étant, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 15 modifié.

Article 16
Contributions des agences de l’eau au profit du budget de l’État

Le présent article propose d’effectuer un prélèvement annuel de 175 millions d’euros sur le fonds de roulement des agences de l’eau de 2015 à 2017. Ce prélèvement sera réparti entre les agences au prorata de leur part respective dans le total des produits prévisionnels qu’elles percevront au cours de ces trois années.

Cet effort fait suite à l’application d’un prélèvement de 210 millions d’euros en 2014 sur le fonds de roulement des agences de l’eau, prévu par l’article 48 de la loi de finances pour 2014 (134) et réparti entre elles selon les mêmes modalités que celles mentionnées au présent article.

La politique nationale de l’eau repose sur la reconnaissance, à l’article L. 210-1 du code de l’environnement, de cette ressource comme faisant partie du patrimoine commun de la nation.

Elle trouve son fondement dans la loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution. Elle repose sur le principe selon lequel « l’eau paie l’eau » : les six grands bassins hydrographiques métropolitains, délimités en fonction des lignes de partage des eaux, sont gérés par des comités de bassin réunissant les acteurs publics et privés parties à la gestion de l’eau et par les agences de l’eau qui financent l’entretien et les travaux nécessaires à leur bassin, grâce à la perception de taxes assises à titre principal sur la consommation d’eau, improprement appelées « redevances » (135).

Plusieurs textes ont complété cette trame initiale au cours des décennies suivantes sous l’impulsion d’une prise en compte croissante des enjeux liés à la préservation des ressources en eau :

– la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau qui introduit les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) adoptés par les comités de bassin et mis en œuvre par les agences des eaux ;

– la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement qui intègre dans la politique de l’eau les grands principes du droit de l’environnement, en particulier les principes de précaution et de « pollueur-payeur » ;

– les lois du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques et du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite « Grenelle II ») qui renforcent les missions de développement durable des agences de l’eau, actrices locales de la politique de l’eau ;

– les directives européennes, dont la plus importante est la directive cadre sur l’eau du 23 octobre 2000 (136) qui prévoit une déclinaison de la politique de l’eau au travers de grands districts hydrographiques, gérés par une autorité de district chargé de mettre en œuvre un plan de gestion globale de l’eau en vue d’atteindre « un bon état écologique » en 2015. Cet objectif pour 2015 a été rappelé dans le cadre de la deuxième conférence environnementale pour la transition écologique des 20 et 21 septembre 2013.

Au fil de ces différents textes qui ont enrichi leurs missions ??? et renforcé les moyens mis à leur disposition, les agences de l’eau ont été placées au centre de la politique de préservation de l’eau et des milieux aquatiques.

Les six bassins hydrographiques situés sur le territoire métropolitain sont chacun gérés par une agence de l’eau dotée d’un statut d’établissement public à caractère administratif et placée sous la tutelle du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Il s’agit des agences d’Adour-Garonne (AEAG), d’Artois-Picardie (AEAP), de Rhin-Meuse (AERM), de Loire-Bretagne (AELB), de Rhône-Méditerranée-Corse (AERMC) et de Seine-Normandie (AESN).

Aux termes de l’article L. 213-8-1 du code de l’environnement, les agences ont pour principale mission de mettre en œuvre les SDAGE « en favorisant une gestion équilibrée et économe de la ressource en eau et des milieux aquatiques, l’alimentation en eau potable, la régulation des crues et le développement durable des activités économiques ». Elles sont également en charge de la conduite de la politique foncière de sauvegarde des zones humides en application de l’article L. 213-8-2 et sont maîtres d’ouvrage pour les travaux d’aménagement d’obstacles sur les cours d’eau destinés à rétablir la continuité écologique. Enfin, elles peuvent verser aux collectivités territoriales des incitations financières pour réduire les fuites d’eau sur le réseau.

Pour l’exercice de ces missions, l’article L. 213-9-1 du même code prévoit qu’un programme pluriannuel d’intervention des agences de l’eau est établi conformément aux orientations prioritaires définies par le Parlement. Ce programme pluriannuel, qui constitue « le principal levier stratégique de la politique de l’eau » (137), fixe le plafond global des dépenses que peuvent engager les agences ainsi que leur contribution à l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA).

Sur cette base, les délibérations des agences de l’eau sur le programme pluriannuel d’intervention et sur les taux des « redevances » à percevoir sont prises sur avis conforme des comités de bassin, dans le respect des dispositions encadrant le montant pluriannuel de leur dépenses et leur répartition par grand domaines d’intervention, qui font l’objet d’un arrêté conjoint des ministres de l’environnement et des finances, pris après avis du Comité national de l’eau.

À l’automne 2012, le dixième programme pour la période 2013-2018 a fixé aux agences les priorités suivantes :

– la lutte contre la pollution diffuse, notamment d’origine agricole ;

– la restauration des milieux aquatiques ;

– la gestion des ressources en eau et leur partage ;

– la lutte contre la pollution du littoral par la mise en œuvre de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » (138).

Pour mener à bien leurs missions, les agences de l’eau bénéficient d’une fiscalité affectée composée de nombreuses taxes et, à titre subsidiaire, du remboursement des avances qu’elles ont consenties à des maîtres d’ouvrage notamment et de subventions versées par des personnes publiques.

L’article L. 213-10 précité précise la logique sur laquelle repose l’affectation aux agences de l’eau d’une fiscalité dédiée : « En application du principe de prévention et du principe de réparation des dommages à l’environnement, l’agence de l’eau établit et perçoit auprès des personnes publiques ou privées des redevances pour pollution de l’eau, pour modernisation des réseaux de collecte, pour pollution diffuse, pour prélèvement sur la ressource en eau, pour stockage d’eau en période d’étiage, pour obstacle sur les cours d’eau et pour protection du milieu aquatique. »

Les « redevances » prélevées auprès des différents usagers de l’eau financent par la suite la conduite de travaux réalisés par les agences elles-mêmes, les collectivités territoriales ou, le cas échéant, des acteurs privés.

Au total, les agences de l’eau perçoivent onze « redevances » qui représentent 2,2 milliards d’euros en 2014. Ce produit est consacré à 90 % à des dépenses d’investissement et à 10 % à des dépenses de fonctionnement diverses (139).

RECETTES ISSUES DES « REDEVANCES » PERÇUES PAR LES SIX AGENCES DE L’EAU

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

Prévisions 2015

Redevances pour prélèvement

355,73

340,79

368,66

378,61

Redevances pour autres usages

10,10

9,07

9,45

9,63

dont obstacle sur cours d’eau

0,28

0,22

0,36

0,40

dont protection milieu aquatique

8,56

8,42

8,66

8,89

dont stockage en période d’étiage

1,26

0,43

0,43

0,34

dont contributions volontaires

-

-

-

-

Redevances pour pollution et collecte

1 884,85

1 842,61

1 815,21

1 818,36

Majoration pour paiement tardif redevances

3,83

4,56

3,99

-

TOTAL

2 254,51

2 197,02

2 197,32

2 206,60

Le produit global des taxes affectées aux agences de l’eau a augmenté de 27 % entre 2007 et 2013, essentiellement du fait de la forte croissance des « redevances » pour pollution et collecte qui représentent en 2013 près de 85 % du produit total des « redevances ». Cette augmentation importante s’explique notamment par la mise en œuvre du « Grenelle II » à compter de 2010.

Conformément aux dispositions prévues par l’annexe de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2012 à 2017 (140), ces taxes, incluses dans l’ensemble des taxes « répondant à une logique de redevance pour service rendu, à une logique de pollueur-payeur, ou lorsque le montant recouvré par l’organisme est en rapport avec le coût encouru à cause du fait générateur de la taxe », n’ont pas été plafonnées. Elles échappent ainsi au plafonnement commun à certaines taxes affectées prévu à l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. Cette exemption devrait toutefois être remise en cause à compter du 1er janvier 2016 par l’article 16 de la LPFP pour les années 2014-2019 qui étend le périmètre du plafonnement à l’ensemble des taxes affectées, quelles que soient leurs caractéristiques.

Si elles ne sont pas soumises au plafonnement global des taxes affectées, les ressources des agences de l’eau ne peuvent pour autant dépasser les montants inscrits dans l’enveloppe de financement des dixièmes programmes d’intervention (2013-2018) prévue à l’article 124 de la même loi de finances pour 2012. Conformément à cet article :

– les recettes des agences sont plafonnées à 13,8 milliards d’euros sur l’ensemble de la période couverte par le programme, hors part de « redevances » pour pollutions diffuses reversée à l’ONEMA dans le cadre du plan « Écophyto » et hors contribution au budget général de cet organisme ; l’excédent éventuel en fin de programme doit être reversé au budget de l’État. Ce plafond se décline en plafonds annuels cumulés sur la durée du programme : 2,3 milliards d’euros en 2013 ; 4,6 milliards d’euros en 2014 ; 6,9 milliards d’euros en 2015 ; 9,2 milliards d’euros en 2016 ; 11,5 milliards d’euros en 2017 et 13,8 milliards d’euros en 2018 ;

– les assiettes et les taux plafonds de certaines « redevances » sont ajustés à la hausse afin de mieux prendre en compte les problématiques liées aux substances toxiques et aux prélèvements d’eau pour un usage non domestique ;

– l’augmentation de la contribution à l’ONEMA est plafonnée à 150 millions d’euros par an, dont 30 millions d’euros au titre de la solidarité financière entre les bassins vis-à-vis des départements et collectivités d’outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie et de la Corse.

Du côté des dépenses, un arrêté conjoint du ministre chargé de l’écologie et du ministre chargé du budget a plafonné, par agence et par grand domaine d’intervention, les dépenses d’engagement maximales à 13,3 milliards d’euros pour la période 2013-2018, toujours hors part de « redevances » pour pollutions diffuses reversée à l’ONEMA dans le cadre du plan « Écophyto », hors contribution au budget général de l’ONEMA et hors primes pour épuration (141).

RÉPARTITION DES DÉPENSES D’ENGAGEMENT
PAR DOMAINES D’INTERVENTION

Source :le dixième programme des agences de l’eau 2013-2018

L’effet du plafond annuel des ressources des agences de l’eau au titre du dixième programme d’intervention est très relatif. En effet, ce plafond est fixé à 2,3 milliards d’euros par an pour les années 2014 à 2018, soit à un montant supérieur de plus de 100 millions d’euros à celui du rendement de ces taxes estimé entre 2014 et 2017 (l’estimation de rendement pour 2018 n’étant pas encore disponible).

ÉCART ENTRE LE PLAFOND DE RESSOURCES ET LEUR ESTIMATION DE RENDEMENT POUR LES ANNÉES 2013 À 2017

(en milliards d’euros)

 

2013

2014

2015

2016

2017

Plafond

2,3

2,3

2,3

2,3

2,3

Rendement exécuté ou prévisionnel

2,10

2,16

2,17

2,17

2,18

Écart

0,2

0,14

0,13

0,13

0,12

Par conséquent, ce plafonnement, qui correspond à une enveloppe de financement d’actions en faveur de l’environnement, n’a pas pour effet de modérer le montant des ressources perçues par les agences, mais seulement d’en encadrer la progression et de donner à ces dernières une visibilité sur leurs capacités financières pour les années à venir.

Par ailleurs, les agences de l’eau ont pu accumuler d’importantes ressources de trésorerie grâce au dynamisme des redevances qui leur sont affectées.

ÉVOLUTION DU FONDS DE ROULEMENT ET DE LA TRÉSORERIE DES AGENCES DE L’EAU

(en millions d’euros)

Réserves

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Fonds de roulement

488

675

437

443

501

577

Trésorerie

130

156

175

166

244

350

Pour 2014 et 2015, la Rapporteure générale n’a reçu du Gouvernement que des données partielles à ses demandes sur la situation financière des agences de l’eau au moment de la rédaction du présent rapport.

 

FDR 2012

FDR 2013

FDR prévisionnel en 2014

FDR prévisionnel en 2015

Trésorerie prévisionnelle en 2015

Total recettes de redevances prévisionnelles 2015

AEAG

81 203

127 944

114 485

98 709

87 300

262 140

AEAP

33 901

33 041

30 122

30 144

16 828

140 650

AELB

89 230

119 234

66 752

21 367

13 765

352 697

AERM

33 689

40 401

22 863

6 759

13 523

177 510

AERMC

64 017

97 150

102 938

119 955

80 350

530 795

AESN

199 496

159 510

n.c

n.c

n.c

n.c

Source : Gouvernement.

Dans le présent article, il est proposé de poursuivre l’effort demandé aux agences de l’eau en 2014 à travers un nouveau prélèvement annuel entre 2015 et 2017.

Le I du présent article propose de réaliser, en 2015, 2016 et 2017, un prélèvement de 175 millions d’euros sur la trésorerie des agences de l’eau au profit du budget général de l’État, afin de les faire contribuer au redressement des comptes publics.

Selon l’évaluation préalable de l’article, les « redevances » de l’eau devant rapporter en moyenne 2,17 milliards d’euros par an, « le niveau de la contribution des agences de l’eau a donc été calculé comme représentant près de 8 % de (ces) recettes ».

La Rapporteure générale n’a pas reçu d’éléments complémentaires sur les effets de ce prélèvement sur le fonds de roulement des agences de l’eau.

Le II renvoie à un arrêté conjoint du ministre chargé de l’environnement et du ministre chargé du budget la répartition de l’effort demandé aux six agences de l’eau. Il précise néanmoins que celle-ci se fera au prorata du poids respectif de chaque agence dans le total du produit prévisionnel des « redevances » qu’elles percevront au titre des années 2015 à 2017.

Pour mémoire, dans le cadre du prélèvement de 210 millions d’euros opéré en 2014 sur le fonds de roulement des agences, la répartition de l’effort s’est établie comme suit :

RÉPARTITION DU PRÉLÈVEMENT DE 210 MILLIONS D’EUROS ADOPTÉ EN LOI DE FINANCES POUR 2014 SUR LES AGENCES DE L’EAU (1)

AGENCES DE L’EAU

PART DU PRODUIT PRÉVISIONNEL TOTAL DES REDEVANCES EN 2014

CONTRIBUTIONS

AEAG

13,1 %

27 567 523 €

AEAP

6,2 %

13 047 667 €

AELB

15,9 %

33 346 391 €

AERM

7,8 %

16 468 637 €

AERMC

23,3 %

48 830 892 €

AESN

33,7 %

70 738 890 €

Total

100 %

210 000 000 €

(1) Arrêté du 23 juin 2014 relatif à la mise en œuvre du prélèvement prévu à l’article 48 de la loi de finances pour 2014.

À ce stade, la Rapporteure générale ne dispose pas d’une répartition indicative du prélèvement entre les agences de l’eau.

Le III fixe un calendrier de décaissement spécifique pour tenir compte des rythmes habituels d’encaissement et de décaissements des agences. Ainsi, 30 % seraient prélevés sur le fonds de roulement des agences avant le 30 juin, tandis que le solde de 70 % le serait avant le 30 novembre de chaque année.

*

* *

La Commission examine l’amendement I-CF 151 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. On ne peut pas mener une politique de l’eau avec nos agences de bassin, procéder chaque année à des prélèvements de montants variables – 175 millions cette année – et s’étonner ensuite d’un freinage considérable des investissements de mise aux normes des infrastructures. Ces affaires ont déjà provoqué de grands débats et une condamnation de Bruxelles. Franchement, ces prélèvements ne sont pas raisonnables.

M. Jean Launay. Tout en condamnant le principe du prélèvement, je n’apprécie pas la rédaction de cet amendement. Les agences de l’eau, établissements publics de l’État, appliquent le principe « l’eau paie l’eau ». En l’occurrence, la pratique du prélèvement revient à prendre dans la poche du consommateur alors que l’État prélève déjà quelque 500 millions d’euros par an sous forme de TVA sur les factures d’eau.

Les agences ont besoin de fonds de roulement, car elles paient des dépenses d’investissements qui sont portés par des maîtres d’ouvrage locaux, à hauteur de 90 à 92 % de leur budget. Elles peuvent être plus ou moins bien gérées, certaines ayant des fonds de roulement trop abondants qui ont déjà été mis à contribution l’an dernier.

Néanmoins, j’appelle votre attention sur un débat plus profond qui va émerger à la faveur du texte sur la biodiversité. J’ai essayé de plaider auprès de l’ancien Premier ministre et du ministre du ministre du budget de l’époque, M. Bernard Cazeneuve, pour une autre solution que ces prélèvements : élargir le champ et les missions des agences.

Je vous rappelle, chers collègues, que dans la loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles (MAPAM), nous avons adopté la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (GEMAPI). Il aurait été de meilleure pratique de la confier aux agences, d’autant qu’elles sont déjà amenées à l’assumer, par la force des choses, en raison des dérèglements climatiques. Elles se voient appliquer une double peine : elles vont avoir à gérer ces phénomènes tout en subissant une ponction sur leur fonds de roulement. La biodiversité pouvant être sèche ou aquatique, ces questions vont prendre une importance accrue lors du futur débat.

M. Christophe Castaner. Pour couronner le tout, les départements et les régions, qui contribuaient à ces politiques de l’eau, rencontrent aussi des difficultés. Quoi qu’il en soit, le budget global d’intervention des différentes agences de l’eau en France s’élève à 13,3 milliards d’euros par an ; les montants dont nous discutons représentent 1,5 % de leur capacité d’investissement ; les trésoreries identifiées participent à l’effort collectif nécessaire.

M. Charles de Courson. Si nous ne touchons pas à ces 175 millions d’euros, nous réduirons d’autant les crédits du ministère de l’environnement sur le Programme 113. L’opération est donc neutre du point de vue du déficit de l’État – les recettes et les dépenses baissent de 175 millions d’euros – mais il vaut mieux que cette somme soit laissée aux agences de l’eau. Attention : il s’agit d’un prélèvement permanent, donc récurrent, et non pas d’une ponction sur le fonds de roulement, contrairement aux dires de notre collègue Jean Launay.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 16 sans modification.

Article 17
Prélèvement exceptionnel sur les chambres de commerce et d’industrie (CCI)

Le présent article vise à opérer un prélèvement de 500 millions d’euros, au profit du budget général, sur la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE) affectée au fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région (FFCCIR).

En compensation, un prélèvement de même montant est réalisé au profit du FFCCIR sur le fonds de roulement de certaines chambres de commerce et d’industrie (CCI). Ce prélèvement est réparti proportionnellement entre les CCI disposant de plus de 120 jours de fonds de roulement, à l’exception de celles situées en outre-mer.

Les ressources du FFCCIR ne sont donc pas impactées et le budget général bénéficie d’un prélèvement dont le montant est égal aux excédents de recettes accumulés par certaines chambres depuis une dizaine d’années, venus alimenter leur fonds de roulement. Pour rappel, la Conseil des prélèvements obligatoires dans son rapport sur la fiscalité affectée (142) constate qu’« il est d’usage de considérer qu’un fonds de roulement doit permettre de financer entre 60 et 90 jours d’activité d’un établissement ».

En complément de ce prélèvement, l’article 15 du présent projet de loi de finances abaisse le plafonnement de la TA-CVAE de 213 millions d’euros.

Au total, l’effort demandé aux CCI est donc substantiel puisqu’il conduit à diminuer de 37 % le montant de leur fonds de roulement et de 17 % celui de leurs recettes affectées (soit 5% de leur budget annuel).

Cet effort vient s’ajouter aux économies adoptées en loi de finances pour 2014 de 100 millions d’euros sur le plafonnement des taxes affectées aux CCI et de 170 millions d’euros sur leurs fonds de roulement.

Les règles exposées ci-après relatives à l’activité et au financement des CCI ont été profondément réformées par la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services.

Au-delà de cette réforme structurelle, des mesures plus ponctuelles ont été adoptées à la suite de travaux portant sur les opérateurs et la fiscalité affectée (143). Ces travaux ont permis de documenter la « situation d’aisance financière » (144) dont ont bénéficié les CCI au cours des dix dernières années, alors même que l’État et d’autres opérateurs réalisaient d’importants efforts afin de maîtriser leurs dépenses.

Les capacités financières des CCI ont ainsi été progressivement réduites depuis 2013 par le biais du plafonnement des taxes qui leur sont affectées et de l’application de prélèvements exceptionnels sur les recettes du FFCCIR.

L’objectif poursuivi est de normaliser la situation des CCI en réduisant leurs réserves financières de manière à les inciter à diminuer leurs dépenses. Cet effort en dépenses permet également d’alléger en retour la fiscalité des entreprises.

 

Métropole

Outre-mer

CCIR

22

(1)

CCIT

123

-

CCI départementales d’Île de France

6

-

CCI des collectivités d’outre-mer

 

6

Total

151

11

(1) Les CCIR en outre-mer ont les mêmes attributions que les CCIT de métropole.

À ce réseau national s’ajoutent 107 chambres françaises de commerce et d’industrie à l’étranger (CCIFE).

Ces établissements sont des établissements publics placés sous la tutelle de l’État et administrés par des dirigeants d’entreprise élus. Les chambres de commerce et d’industrie départementales d’Île-de-France ont un statut spécifique puisqu’elles sont rattachées à la CCIR Paris-Île-de-France et ne sont pas dotées de la personnalité morale.

Les CCI ont, en leur qualité de corps intermédiaire de l’État, une fonction de représentation des intérêts de l’industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics ou des autorités étrangères.

Elles exercent à ce titre, leurs activités aux côtés des organisations professionnelles ou interprofessionnelles et des collectivités territoriales.

Ces activités ont pour objet de contribuer au développement économique, à l’attractivité et à l’aménagement des territoires ainsi qu’au soutien des entreprises et de leurs associations.

À cet effet, chaque CCI peut assurer, dans le cadre des schémas sectoriels qui lui sont applicables :

1° les missions d’intérêt général qui lui sont confiées par les lois et les règlements ;

2° les missions d’appui, d’accompagnement, de mise en relation et de conseil auprès des créateurs et repreneurs d’entreprises et des entreprises ;

3° une mission d’appui et de conseil pour le développement international des entreprises et l’exportation de leur production, en partenariat avec l’Agence française pour le développement international des entreprises ;

4° une mission en faveur de la formation professionnelle initiale ou continue grâce, notamment, aux établissements publics et privés d’enseignement qu’elle gère ou finance ;

5° une mission de création et de gestion d’équipements, en particulier portuaires et aéroportuaires ;

6° les missions de nature marchande qui lui ont été confiées par une personne publique ;

7° toute mission d’expertise, de consultation ou toute étude demandée par les pouvoirs publics sur une question relevant de l’industrie, du commerce, des services, du développement économique, de la formation professionnelle ou de l’aménagement du territoire.

Dénomination

chambres

TFC

Subventions

DSP

Autres produits

Total produits

ACFCI

23 712

596

 

6 362

30 670

Alsace

8 427

7 455

 

2 461

18 343

Colmar

6 476

334

3 161

4 923

14 894

Mulhouse

9 244

1 671

10 341

6 420

27 677

Strasbourg

15 664

975

 

16 245

32 884

Aquitaine

6 078

1 206

 

1 428

8 712

Bayonne

4 487

6 170

9 511

6 765

26 933

Bordeaux

17 425

2 828

7 319

44 165

71 737

Dordogne

5 309

4 439

7 092

4 712

21 552

Landes

4 147

129

 

1 560

5 836

Libourne

1 206

142

137

659

2 144

Lot-et-Garonne

4 124

119

 

1 497

5 740

Pau

7 943

3 174

14 409

14 581

40 107

Auvergne

6 439

700

 

1 255

8 394

Cantal

2 466

348

 

960

3 774

Haute-Loire

3 356

67

 

1 277

4 700

Montluçon

3 217

632

394

4 213

8 456

Moulins Vichy

3 882

535

156

2 427

7 000

Puy-de-Dôme

9 318

3 784

 

22 206

35 308

Basse-Normandie

5 470

860

 

3 331

9 661

Alençon

2 859

19

 

798

3 676

Caen

6 174

5 052

19 669

4 239

35 134

Centre et Sud Manche

2 929

167

4 990

844

8 930

Cherbourg

4 200

43

3 301

1 563

9 107

Flers

2 239

125

4

1 220

3 588

Pays d’Auge

2 814

689

5 149

2 957

11 608

Bourgogne

5 013

1 321

 

2 256

8 590

Côte-d’Or

9 909

3 740

2 229

14 615

30 493

Nièvre

3 534

717

513

3 194

7 957

Saône-et-Loire

8 733

2 461

5 956

6 478

23 628

Yonne

4 566

1 303

1 211

2 262

9 340

Bretagne

11 052

956

 

927

12 935

Brest

9 554

8 544

44 364

10 951

73 413

Côtes-d’Armor

5 593

344

11 478

3 063

20 478

Morbihan

9 176

1 720

13 146

4 285

28 328

Morlaix

4 202

903

7 810

2 712

15 628

Quimper

4 947

744

19 399

3 727

28 817

Rennes

10 112

4 222

460

11 065

25 860

Saint-Malo Fougères

5 179

1 909

14 352

5 465

26 905

Centre

6 069

686

 

326

7 081

Cher

4 495

2 600

605

1 407

9 107

Eure-et-Loir

4 633

1 383

 

2 451

8 467

Indre

3 147

2 749

 

2 370

8 266

Loir-et-Cher

5 238

554

 

4 483

10 275

Loiret

7 824

852

29

4 231

12 936

Touraine

8 081

207

 

1 325

9 613

Champagne-Ardenne

3 815

131

 

2 694

6 639

Ardennes

5 671

601

401

3 334

10 007

Châlons-en-Champagne

2 918

6

9

3 412

6 346

Haute-Marne

2 828

583

 

1 041

4 452

Reims

6 823

165

6 453

24 628

38 069

Troyes et Aube

5 032

142

 

3 668

8 842

Corse

906

   

107

1 012

Ajaccio

4 209

5 332

43 522

– 2 352

50 710

Bastia

3 411

1 271

34 222

1 529

40 433

Guadeloupe

8 501

3 633

50 543

3 421

66 098

Guyane

5 964

8 561

32 806

– 2 834

44 497

Martinique

10 698

5 081

22 201

11 438

49 417

Réunion

8 422

15 775

43 720

27 562

95 480

Franche-Comté

4 063

849

 

803

5 715

Doubs

6 960

1 036

882

3 949

12 827

Haute-Saône

3 020

307

 

1 170

4 496

Jura

3 555

254

5

1 674

5 489

Territoire de Belfort

2 640

365

37

1 720

4 763

Haute-Normandie

8 640

399

 

1 546

10 584

Dieppe

3 402

131

205

1 915

5 653

Elbeuf

1 614

396

161

618

2 789

Eure

5 070

1 580

 

5 531

12 180

Fécamp-Bolbec

2 246

573

2 631

736

6 186

Le Havre

13 444

1 669

2 012

75 063

92 189

Rouen

15 387

6 299

 

15 178

36 864

Île-de-France

2 756

255

 

1 062

4 073

Essonne

18 011

1 394

 

8 392

27 798

Paris

258 175

85 747

 

290 883

634 805

Seine-et-Marne

21 350

11 065

48

10 138

42 602

Versailles

51 124

51 255

24

24 423

126 826

Languedoc-Roussillon

8 487

1 145

 

1 535

11 167

Alès

3 683

1 892

208

3 559

9 343

Béziers

4 558

3 552

536

3 320

11 966

Carcassonne

3 803

1 755

64

1 503

7 124

Lozère

1 495

505

168

625

2 793

Montpellier

8 098

8 882

 

20 131

37 111

Narbonne

2 626

155

5 580

1 282

9 643

Nîmes

13 362

5 435

762

8 938

28 497

Perpignan

8 521

4 291

2 200

4 175

19 186

Sète

2 778

259

 

2 886

5 923

Limousin

830

811

 

428

2 070

Corrèze

5 713

886

 

1 992

8 590

Creuse

1 545

526

 

470

2 541

Limoges

6 496

3 233

7 698

2 686

20 112

Lorraine

3 234

966

 

1 014

5 214

Meurthe-et-Moselle

8 165

11 622

435

6 134

26 356

Meuse

2 200

710

 

1 214

4 124

Moselle

12 329

5 338

 

4 183

21 850

Vosges

5 557

1 195

 

3 519

10 271

Midi-Pyrénées

5 856

1 590

 

2 527

9 973

Ariège

3 075

870

 

561

4 506

Aveyron

7 585

2 489

488

4 399

14 961

Gers

2 752

796

 

680

4 228

Lot

2 721

870

52

671

4 314

Montauban

2 899

1 416

 

1 604

5 919

Tarbes

5 165

1 005

21

5 268

11 458

Tarn

7 701

4 124

4 636

523

16 985

Toulouse

17 534

5 423

3 158

39 265

65 381

Nord de France

21 533

3 560

 

4 683

29 776

Artois

7 628

1 323

986

4 162

14 100

Côte d’Opale

13 224

3 764

98 359

– 68

115 279

Grand Hainaut

12 387

8 473

341

18 233

39 434

Grand Lille

21 193

5 460

13 780

21 035

61 468

Pays de la Loire

9 339

818

 

1 100

11 257

Le Mans

7 724

7 652

 

7 243

22 619

Maine-et-Loire

8 125

15 701

100

9 243

33 169

Mayenne

4 149

438

 

2 180

6 767

Nantes Saint-Nazaire

20 445

3 815

3 454

17 725

45 439

Vendée

6 615

900

13 177

3 297

23 989

Picardie

9 577

282

 

3 263

13 122

Aisne

6 589

2 082

 

1 501

10 172

Amiens

6 770

366

253

12 921

20 311

Littoral Normand Picard

2 500

775

3 275

1 057

7 607

Oise

6 237

2 976

71

6 219

15 504

Poitou-Charentes

2 422

1 059

 

410

3 891

Angoulême

5 674

7 968

 

6 452

20 094

Cognac

1 860

816

 

2 529

5 205

Deux-Sèvres

5 607

870

 

2 035

8 512

La Rochelle

4 790

2 033

6 051

438

13 312

Rochefort

5 763

2 495

1 954

1 423

11 635

Vienne

6 911

9 398

5 157

270

21 735

PACA

13 233

812

 

1 126

15 172

Alpes-de-Haute-Provence

2 625

954

 

442

4 021

Hautes-Alpes

2 528

534

 

1 478

4 541

Marseille

49 877

4 842

131 998

31 702

218 420

Nice

18 152

7 871

33 931

13 491

73 445

Pays d’Arles

4 263

2 003

2 447

5 931

14 644

Var

14 917

2 720

28 489

6 378

52 504

Vaucluse

8 066

5 861

4 754

4 306

22 987

Rhône-Alpes

16 030

1 783

 

1 106

18 919

Ain

7 453

344

 

1 354

9 151

Ardèche

4 556

1 640

 

1 776

7 973

Drôme

6 604

3 049

2 159

7 253

19 065

Grenoble

15 222

16 320

403

50 214

82 160

Haute-Savoie

7 438

2 848

5 095

2 296

17 677

Lyon

29 878

3 520

 

18 008

51 407

Nord-Isère

5 947

705

2 414

2 282

11 348

Roanne

2 833

170

 

1 021

4 024

Saint-Étienne

8 002

5 978

4 897

5 281

24 158

Savoie

6 783

231

 

1 788

8 802

Villefranche

3 169

146

1 881

3 382

8 579

Total

1 375 814

510 347

838 506

1 192 779

3 917 445

TFC : produit fiscal issu de la taxe pour frais de chambres, réparti par entité.

Subventions : taxe d’apprentissage, collectivités, Europe (ventilation non disponible).

DSP : ensemble des budgets des ports et aéroports.

Total produits : notion standard du budget des chambres.

Source : Gouvernement.

La part des financements publics représentent donc 70 % du total du budget des CCI (taxe pour frais de chambres, subventions divers et dotation pour charge de service public).

L’article L. 710-1 du code du commerce prévoit que les CCI bénéficient des impositions de toute nature qui leur sont affectées par la loi. Cette affectation de recettes vise à financer les « missions de service public » (145) qui leur sont confiées.

En complément de ces ressources fiscales, qui représentent le tiers de leurs ressources totales, les CCI financent leurs activités par la vente ou la rémunération d’activités et services, les dividendes et autres produits des participations qu’elles détiennent dans leurs filiales, ainsi que les subventions, dons ou legs qui leur sont consentis.

À la suite de la réforme de la taxe professionnelle sur laquelle était assise la taxe pour frais de chambre (taxe additionnelle à la taxe professionnelle
– TATP), l’article 1600 du code général des impôts a été modifié pour asseoir les ressources fiscales affectées aux CCI sur deux nouvelles contributions :

– la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TA-CFE) ;

– la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE).

Le rendement de ces deux taxes additionnelles a été initialement fixé pour garantir un produit global équivalent à celui de la TATP (146). En 2010, il devait ainsi atteindre :

– 40 % du produit de la TATP pour la TA-CFE ;

– 60 % du produit de la TATP pour la TA-CVAE.

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le taux national applicable à la TA-CVAE a toutefois été réduit pour les impositions perçues au titre des années 2011 (– 4 %), 2012 (– 8 %) et 2013 (– 15 %) de manière à engager les CCI dans un effort de modération de leurs dépenses.

Ces règles ont été profondément modifiées par l’article 51 de la loi de finances pour 2014 de manière à établir des règles pérennes de fixation des taux de ces deux taxes additionnelles qui permettent d’ajuster leur rendement aux besoins des CCI et non plus au rendement de l’ancienne TATP.

Le taux de la TA-CFE

Aux termes de l’article 1600 du code général des impôts, les CCIR votent chaque année le taux de la TA-CFE applicable dans leur circonscription. Ce taux ne peut excéder le taux de l’année précédente. Cette limitation est conforme à la logique défendue par la réforme des réseaux consulaires de 2010 selon laquelle la liberté de taux laissée aux CCIR ne peut avoir pour effet que d’abaisser la pression fiscale sur les entreprises de leur circonscription.

Par ailleurs, une convention d’objectifs et de moyens doit être conclue entre chaque CCIR et l’État de manière à assurer davantage de visibilité aux CCIR sur l’évolution de leurs ressources.

Le taux de la TA-CVAE

L’article 51 de la loi de finances pour 2014 a introduit un taux national fixe de TA-CVAE de 6,304 % pour 2013 et de 5,59 % pour 2014.

La réduction de ce taux entre 2013 et 2014 visait à restituer intégralement aux entreprises la baisse de 100 millions d’euros du plafonnement de la TA-CVAE, prévu à l’article 46 de la loi de finances pour 2012 (147), adoptée en loi de finances pour 2014.

Toutefois, le tableau ci-dessous indique que si la baisse du plafonnement a bien été de 100 millions d’euros, celle constatée sur l’exécution de la taxe est de 120 millions d’euros.

L’écart constaté de 20 millions d’euros peut s’expliquer par le fait que la baisse de taux a été calculée en retenant le montant de la taxe plafonnée, qui est inférieur à celui du rendement de la taxe en exécution.

Par conséquent, la baisse de taux nécessaire pour réduire le montant plafonné de la taxe de 100 millions d’euros conduit à diminuer de 120 millions d’euros le rendement de la taxe en exécution.

Les 20 millions d’euros de moins sur le rendement de la taxe en exécution se sont répercutés sur le montant écrêté profit de l’État qui baisse de 20 millions d’euros entre 2013 et 2014.

PLAFONNEMENT DES TAXES AFFECTÉES AUX CCI

(en milliers d’euros)

 

2013

2014

 

Plafond LFI 2013

Exécution

écrêtement

Plafond LFI 2014

Exécution

écrêtement

TA-CVAE

819 000

865 983

46 983

719 000

745 969

26 969

TA-CFE

549 000

547 370

0

549 000

549 000

0

Total

1 368 000

1 413 353

46 983

1 268 000

1 294 969

26 969

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

Le principe de la répercussion de la baisse du plafonnement de la TA-CVAE sur le taux national de TA-CVAE a été pérennisé dans un dispositif spécifique permettant d’ajuster automatiquement le taux de la TA-CVAE.

Fonctionnement du mécanisme d’ajustement automatique du taux de TA-CVAE
en cas d’abaissement du plafond de la TA-CVAE

À titre d’exemple, une proposition de baisse du plafond pour 2015 du niveau de la TA-CVAE affecté aux CCIR de 213 millions d’euros, qui serait définitivement adoptée avant la fin décembre 2014, entraînerait le recalcul suivant du taux national 2015 de TA-CVAE :

Taux TA-CVAEN = Taux TA-CVAEN-1 x (plafond LFIN / produits TA-CVAE par les CCIR en N-1)

Taux TA-CVAE2015 = Taux TA-CVAE2014 x (plafond LFI2015 / produits TA-CVAE par les CCIR en 2014)

                  = 5,59 % x (719 – 213 / 719) = 3,9 % (soit – 1,69 % par rapport au Taux TA-CVAE2014)

Ainsi, sur une hypothèse d’assiette de TA-CVAE 2015 (148) de 12,6 milliards d’euros (niveau 2012), l’effort supplémentaire demandé au réseau des CCIR appliqué à leur ressource de TA-CVAE se traduirait par :

– une perception par les CCIR d’un niveau de ressources fiscales de TA-CVAE minoré de 213 millions d’euros ;

– un allègement automatique équivalent pour les entreprises de leur charge fiscale 2016 au titre de la TA-CVAE de (12 600 x 0,0169 ≈ 213 millions d’euros).

Le produit des taxes affectées aux CCI a fortement augmenté au cours des dernières années, notamment du fait du dynamisme de la TA-CVAE, alors même que les dépenses de l’État comme les concours aux collectivités territoriales étaient gelées. Selon l’évaluation préalable de l’article, le montant des taxes affectées versées aux CCI a augmenté de 19 % en euros constants de 2002 à 2012 et le « trop-versé » s’élèverait à 132 millions d’euros en moyenne annuelle, soit un montant cumulé de 1 447 millions d’euros.

Il en résulterait la constitution d’un fonds de roulement global de 200 jours d’activité et une liquidité de 2,3 milliards d’euros en disponibilités et valeurs mobilières de placements à moins d’un an.

Cette situation a toutefois commencé à être corrigée en 2013 et en 2014 par le plafonnement des taxes affectées (149), la baisse du taux national de la TA-CVAE qui en a résulté, comme précédemment évoqué, ainsi que l’application d’un prélèvement de 170 millions d’euros sur les ressources affectées au FFCCIR (150).

Ces mesures ont permis d’inverser la dynamique à la hausse constatée au cours des années précédentes comme le montre le tableau suivant.

ÉVOLUTION DU RENDEMENT DE LA TAXE POUR FRAIS DE CHAMBRE

(en millions d’euros)

 

2010

2011

2012

2013

2014

TA-CFE

-

517

535

547

549

TA-CVAE

-

777

859

866

746

Total

1 196

1 294

1 394

1 413

1 295

Total après écrêtement au profit du budget général

1 368

1 268

Variation n/n-1

+ 7,6 %

+ 7,2 %

– 2 %

– 7 %

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

Le produit de la TA-CVAE s’élèverait, selon les prévisions retenues dans le tome I du fascicule sur les voies et moyens annexé au présent projet de loi de finances, à 719 millions d’euros en exécution 2014 tandis que le produit de la TA-CFE serait de 549 millions d’euros. L’écrêtement au profit du budget général de l’État serait donc de 47 millions d’euros. Il en résulte une réduction de leurs ressources fiscales en 2014 par rapport au montant qu’elles auraient perçu en l’absence de plafonnement.

IMPACT DU PLAFONNEMENT DES TAXES AFFECTÉES AUX CCI
SUR LEURS RESSOURCES FISCALES 2013





IMPACT DES MESURES PRISES EN LOI DE FINANCES POUR 2014

Le produit de la TA-CVAE est affecté au fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région (FFCCIR), dans les limites du plafonnement de cette taxe prévu par l’article 46 de la loi de finances pour 2012 (151).

La répartition de ce produit entre les CCIR est par la suite déterminée proportionnellement à la valeur ajoutée imposée dans les communes de leur circonscription retenue pour la détermination de la CVAE.

Pour financer ce prélèvement de 500 millions d’euros sur les recettes du FFCCIR, le III de l’article prévoit qu’un prélèvement de même montant est réalisé au profit du FFCCIR sur le fonds de roulement de certaines CCI.

Ce prélèvement est réparti proportionnellement entre les seuls établissements disposant de plus de 120 jours de fonds de roulement.

Cette modalité de répartition de l’effort à réaliser est exceptionnelle et vise à ne pas affaiblir les CCI qui disposent de moindres capacités de financement. Pour rappel, le prélèvement de 170 millions d’euros adopté en loi de finances pour 2014 sur les recettes du FFCCIR ne visait pas spécifiquement la réduction du fonds de roulement des établissements et a été réparti proportionnellement aux ressources fiscales qu’ils ont perçues en 2013.

Dans son rapport sur la fiscalité affectée de juillet 2013, la Cour des comptes souligne que les surplus de recettes perçus par les CCI au regard des besoins de leur activité se traduisent par la constitution d’importants fonds de roulement. Elle souligne qu’en 2011 :

« – les CCI territoriales ont un fonds de roulement moyen de 221 jours d’activité, soit 7 mois d’activité ;

– les CCI régionales ont un fonds de roulement moyen de 194 jours d’activité, soit plus de six mois d’activité ;

– toutes catégories confondues, 98 chambres, soit 64 % des 153 structures, ont un fonds de roulement supérieur à 150 jours d’activité, dont 39 chambres avec un fonds de roulement excédant 300 jours d’activité, ce qui correspond à près de dix mois d’activité ».

Or, selon le CPO, un « fonds de roulement, qui doit être élevé pour financer l’activité de l’établissement, ne doit néanmoins pas être constitué au détriment de la trésorerie de l’État ». Ces constats et remarques justifient donc la poursuite des mesures de normalisation des capacités financières des CCI.

FONDS DE ROULEMENT PAR TYPE DE CCI EN 2011

Type de CCI

Fonds de roulement net disponible (en €)

Fonds de roulement en jours d’activité

ACFCI

8 888 644

118

CCIT – Moyenne

12 913 914

221

Maximum

206 876 583

710

Minimum

– 6 524 567

– 286

CCIR – Moyenne

2 825 691

194

Maximum

6 644 272

495

Minimum

0

0

GROUP – Moyenne

1 071 256

168

Maximum

3 624 669

466

Minimum

48 197

2

Source : Rapport CPO sur la fiscalité affectée de juillet 2013, sur la base des données transmises par la direction du budget et la DGE.

RÉPARTITION DES CCI EN FONCTION DE LEURS FONDS DE ROULEMENT EN 2011

(en nombre de jours d’activité)

Source : idem.

Pour répartir le prélèvement entre les CCI, le présent article propose de définir la notion de fonds de roulement comme « la différence entre les ressources stables (capitaux propres, provisions, dettes d’emprunt) et les emplois durables (actifs immobilisés) ».

Par ailleurs, il présente la méthode retenue pour traduire en nombre de jours le montant des fonds de roulement ainsi définis dans les termes suivants : « les charges prises en compte pour ramener le fonds de roulement à une durée sont les charges décaissables non exceptionnelles (charges d’exploitation moins provisions pour dépréciation, moins dotations aux amortissements et plus les charges financières) ».

Enfin, il prévoit des exceptions pour le calcul du fonds de roulement et des charges décaissables non exceptionnelles en faveur des données relatives aux concessions portuaires, aéroportuaires et les ponts gérés par les CCI.

Les données prises comme référence pour l’application de ces calculs sont celles des exercices comptables de 2012. L’évaluation préalable de l’article précise en effet que « les données 2013 n’ont pu être prises en compte dans la mesure où tous les comptes 2013 n’ont pu être adoptés à la date du 30 juin 2014 certaines chambres ayant convoqué leur assemblée générale postérieurement à cette date. Par ailleurs, la tutelle disposant d’un délai de deux mois pour approuver les budgets après leur transmission (…), les comptes, s’ils sont approuvés par la tutelle, ne peuvent être considérés comme définitifs que deux mois et demi après la date du 30 juin. Les données des comptes 2013 ne seront donc exploitables au mieux au dernier trimestre 2014 ».

Sur le fondement des données de 2012, 26 chambres disposant de fonds de roulement inférieurs à 120 jours sont exonérées d’une participation au prélèvement. Quatre d’entre elles disposaient d’un fonds de roulement négatif, sept d’un fonds de roulement inférieur à 60 jours et quinze d’un fonds de roulement compris entre 60 et 120 jours.

115 chambres sont quant à elles sollicitées pour des montants compris entre 37 513 euros et 83 millions d’euros représentant de 1 à 723 jours de roulement en moins.

RÉPARTITION DU PRÉLÈVEMENT DE 500 MILLIONS D’EUROS SUR LES CCI DISPOSANT DE PLUS DE 120 JOURS DE FONDS DE ROULEMENT

Chambre de commerce et d’industrie

Montant
du prélèvement
(en euros)

CCIT

Ain

4 739 152

CCIT

Aisne

6 429 742

CCIT

Ajaccio et Corse-du-Sud

137 607

CCIT

Alençon

900 547

CCIT

Alès Cévennes

103 743

CCIR

Alsace

1 640 140

CCIT

Angoulême

10 412 701

CCIR

Aquitaine

37 513

CCIT

Ardèche

3 364 652

CCIT

Ardennes

4 429 954

CCIT

Ariège

3 637 395

CCIT

Artois

4 536 186

CCIR

Auvergne

1 918 625

CCIT

Aveyron

803 281

CCIR

Basse-Normandie

822 832

CCIT

Bastia et Haute-Corse

526 288

CCIT

Béziers

2 858 427

CCIT

Bordeaux

492 124

CCIR

Bourgogne

1 243 569

CCIT

Brest

15 380 928

CCIR

Bretagne

5 442 263

Chambre de commerce et d’industrie

Montant
du prélèvement
(en euros)

     

CCIT

Caen-Normandie

615 633

CCIT

Cantal

755 710

CCIT

Carcassonne

6 252 245

CCIR

Centre

2 483 525

CCIT

Centre et Sud Manche

2 401 206

CCIT

Châlons-en-Champagne

3 422 858

CCIR

Champagne-Ardenne

1 840 382

CCIT

Cherbourg-Cotentin

1 156 492

CCIT

Cognac

966 869

CCIT

Colmar et Centre Alsace

749 312

CCIT

Corrèze

1 756 105

CCIR

Corse

593 282

CCIT

Côte d’Opale

11 348 041

CCIT

Côte-d’Or

4 416 580

CCIT

Creuse

1 871 377

CCIT

Dieppe

2 022 165

CCIT

Dordogne

2 414 066

CCIT

Doubs

8 534 002

CCIT

Drôme

12 273 545

CCIT

Elbeuf

1 526 003

CCIT

Essonne

2 550 436

CCIT

Eure-et-Loir

1 047 700

CCIT

Flers-Argentan

1 305 910

CCIR

Franche-Comté

1 265 295

CCIT

Gers

1 341 970

CCIT

Grand Hainaut

11 352 051

CCIT

Grenoble

2 187 234

CCIT

Haute-Loire

674 727

CCIT

Haute-Marne

1 942 403

CCIR

Haute-Normandie

4 427 682

CCIT

Hautes-Alpes

2 058 003

CCIT

Haute-Saône

157 998

CCIT

Haute-Savoie

1 508 414

CCIT

Indre

3 888 995

CCIT

Jura

270 679

CCIT

La Rochelle

10 182 675

Chambre de commerce et d’industrie

Montant
du prélèvement
(en euros)

     

CCIT

Landes

721 973

CCIR

Languedoc-Roussillon

3 044 514

CCIT

Le Havre

7 577 327

CCIT

Libourne

2 083 273

CCIT

Limoges

1 183 612

CCIR

Limousin

266 998

CCIT

Littoral Normand-Picard

4 170 696

CCIT

Loiret

3 348 800

CCIT

Loir-et-Cher

4 650 435

CCIR

Lorraine

1 379 860

CCIT

Lot

1 971 757

CCIT

Lot-et-Garonne

386 441

CCIT

Lozère

530 641

CCIT

Lyon

4 637 889

CCIT

Marseille Provence

2 097 950

CCIT

Mayenne

536 025

CCIT

Meurthe-et-Moselle

2 276 644

CCIT

Meuse

1 001 674

CCIR

Midi-Pyrénées

1 596 723

CCIT

Montauban et Tarn-et-Garonne

332 594

CCIT

Montluçon-Gannat Portes d’Auvergne

1 736 182

CCIT

Morbihan

4 726 525

CCIT

Morlaix

9 833 833

CCIT

Moulins-Vichy

2 431 467

CCIT

Narbonne

1 250 378

CCIT

Nice Côte d’Azur

14 831 512

CCIT

Nîmes

3 234 732

CCIR

Nord de France

7 144 648

CCIT

Nord-Isère

1 322 682

CCIT

Oise

8 933 746

CCIR

Paris-Île-de-France

83 192 162

CCIT

Pau Béarn

2 908 686

CCIT

Pays d’Arles

2 095 634

CCIT

Pays d’Auge

1 905 067

CCIR

Pays de la Loire

4 970 341

CCIT

Perpignan

1 520 944

Chambre de commerce et d’industrie

Montant
du prélèvement
(en euros)

CCIR

Picardie

5 046 250

CCIR

Provence-Alpes-Côte d’Azur

4 690 287

CCIT

Puy-de-Dôme

18 363 967

CCIT

Reims-Épernay

6 495 677

CCIR

Rhône-Alpes

9 270 213

CCIT

Roanne-Loire Nord

973 134

CCIT

Rochefort et Saintonge

2 225 734

CCIT

Saint-Malo-Fougères

4 381 488

CCIT

Saône-et-Loire

3 229 213

CCIT

Seine et Marne

19 346 275

CCIT

Strasbourg et Bas-Rhin

130 813

CCIT

Tarbes Hautes-Pyrénées

2 753 686

CCIT

Tarn

3 091 114

CCIT

Territoire de Belfort

2 333 788

CCIT

Touraine

4 771 397

CCIT

Troyes et Aube

2 028 651

CCIT

Var

17 168 081

CCIT

Vaucluse

346 617

CCIT

Vendée

3 582 404

CCIT

Villefranche

3 033 833

CCIT

Vosges

5 797 175

CCIT

Yonne

1 686 599



Source : projet de loi de finances.

Si la Rapporteure générale est en accord avec le Gouvernement sur la nécessité de réduire l’excédent constaté sur les fonds de roulement des CCI au regard de leurs besoins et trouve équilibré le critère de répartition de l’effort financier à réaliser, le maintien de fonds de roulement de 120 jours demeurant supérieur aux 60 à 90 jours recommandés par le CPO, elle regrette que le dispositif soit fragilisé par la prise en compte de données datant de 2012. Ces données ne prennent en effet pas en compte le prélèvement de 170 millions d’euros sur le FFCCIR auxquelles les CCI ont participé en réduisant notamment leur fonds de roulement.

Par conséquent, et pour garantir la solidité juridique du dispositif proposé, il pourrait être envisagé de pondérer le critère de durée du fonds de roulement par la prise en compte des recettes perçues par les chambres de manière à réduire l’exposition des CCI les plus modestes à l’effort demandé ou de prévoir un mécanisme d’ajustement dans la prochaine loi de finances pour corriger les écarts constatés entre les données 2012 et les données 2013.

IMPACT DES MESURES PRISES EN PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2015


Les modalités particulières de détermination des taux de TA-CFE et de TA-CVAE applicables à Mayotte sont déplacées dans le corps de l’article sans entraîner de modification de fonds.

*

* *

La Commission est saisie des amendements de suppression identiques I-CF 66 de M. Charles de Courson, I-CF 79 de M. Laurent Grandguillaume et I-CF 97 de Mme Marie-Christine Dalloz.

L’amendement I-CF 79 de M. Laurent Grandguillaume est retiré.

M. Charles de Courson. Au premier prélèvement de 213 millions d’euros sur les recettes fiscales des chambres de commerce et d’industrie dont nous avons déjà discuté, se rajoute une ponction de 500 millions d’euros sur leur fonds de roulement. Ces deux mesures représentent 713 millions d’euros sur un budget de 3,9 milliards d’euros consolidé, hors budget annexe mais y compris la formation. C’est considérable et nous proposons de supprimer cet article.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour financer le fonds de réserve des chambres de commerce et d’industrie, l’article 1600 du code général des impôts prévoit « une taxe pour frais de chambres constituée de deux contributions : une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises et une taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ». Dans ce projet de loi de finances, vous introduisez une dérogation et vous prévoyez une ponction de 500 millions d’euros.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette les amendements.

Elle en vient à l’amendement I-CF 53 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement tend à réduire le prélèvement sur le fonds de roulement des CCI à 350 millions d’euros. Il semblerait, monsieur Lefebvre, qu’il y ait eu un semblant de concertation avec les chambres de commerce et qu’elles étaient prêtes à admettre un prélèvement de 300 à 333 millions d’euros. J’ai arrondi à 350 millions d’euros et je gage la différence sur la trésorerie du Centre national du cinéma, le CNC, un organisme qui, par je ne sais quel miracle, n’est soumis à aucun plafond.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement.

L’amendement I-CF 81 de M. Laurent Grandguillaume est retiré.

La Commission examine l’amendement I-CF 239 de Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Étant une personne de médiation, je vous présente un amendement d’apaisement. Contrairement à ce qui a été dit, les CCI sont assez ouvertes à une ponction de 500 millions d’euros, car elles savent qu’elles doivent participer à l’effort collectif de redressement des finances publiques de notre pays.

Cependant, elles rencontrent deux problèmes principaux. L’un se lit dans le tableau qui nous a été fourni : certaines chambres se sont structurées d’une manière régionale tandis que d’autres sont quasiment des chambres de village. L’autre vient de leur positionnement dans le paysage de la formation professionnelle et de leur organisation dans le soutien à l’économie.

C’est la raison pour laquelle je propose que le Gouvernement présente un rapport au Parlement, au cours du premier semestre de 2015, afin de nous éviter d’avoir ce même débat chaque année, et que les chambres sentent la reconnaissance qu’on leur doit dans leurs domaines.

Suivant l’avis favorable de la Rapporteure générale, la Commission adopte l’amendement (amendement I-247).

Puis elle adopte l’article 17 modifié.

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* *

Article 18
Réforme de la taxe pour frais de chambre d’agriculture

Le présent article a pour objet de réformer les modalités d’affectation et de répartition de la taxe pour frais de chambre entre les différentes chambres d’agriculture et d’instituer un fonds national de solidarité et de péréquation.

Il prévoit également des mesures transitoires pour 2015, dont l’application d’un prélèvement exceptionnel de 45 millions d’euros sur la part des fonds de roulement des chambres d’agriculture d’une durée supérieure à 90 jours au profit du budget général de l’État.

Ce prélèvement s’ajoute à la baisse de 15 millions d’euros du plafond de la taxe pour frais de chambres prévue à l’article 15 du présent projet de loi de finances. Pour rappel, cette baisse représente 5 % de la taxe affectée des chambres d’agriculture et 2 % de leur budget total.

Le réseau des chambres d’agriculture (CA) est défini à l’article L. 510-1 du code rural et de la pêche maritime, introduit par l’ordonnance du 2 octobre 2006 relative aux chambres d’agriculture (152) et modifié par les dispositions de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche (153).

Aux termes de cet article, ce réseau est composé de chambres départementales d’agriculture (CDA), des chambres régionales d’agriculture (CRA) et de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA).

Ce réseau comprend également des établissements réunissant dans leur circonscription plusieurs départements ou régions : les chambres interdépartementales, les chambres interrégionales d’agriculture et les chambre d’agriculture régionales.

UN RÉSEAU DE 110 CHAMBRES D’AGRICULTURE

Chambres départementales et interdépartementales

88

Chambre d’agriculture de région

2

Chambres régionales d’agriculture

19

APCA

1

Total

110

Ces établissements sont créés après avis concordant des chambres d’agriculture concernées, de l’APCA et de l’autorité de tutelle. Ils constituent des établissements publics placés sous la tutelle de l’État et sont administrés par des élus représentant l’activité agricole, les groupements professionnels agricoles et les groupements forestiers.

À ce titre, ils exercent une fonction de représentation des intérêts de l’agriculture auprès des pouvoirs publics et des collectivités territoriales.

Ils veillent également, par le biais des services qu’ils mettent en place (appui aux entreprises, pilotage de programme de développement local, etc.), au développement durable des territoires ruraux et des entreprises agricoles, ainsi qu’à la préservation des ressources naturelles.

L’article L. 514-1 prévoit qu’« il est pourvu aux dépenses de fonctionnement des chambres départementales d’agriculture, notamment au moyen de la taxe pour frais de chambres d’agriculture prévue par l’article 1604 du code général des impôts (code général des impôts) ».

Ce dernier article assied cette taxe pour frais de chambre sur la même base d’imposition que la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Les chambres arrêtent, chaque année, le montant du produit de la taxe dans la limite d’une augmentation annuelle de 1,5 %.

Le cas échéant, le montant de cette taxe est remboursé pour moitié au propriétaire par le locataire fermier ou métayer.

Par ailleurs, une partie du produit de la taxe perçue par les chambres départementales est reversée chaque année aux chambres régionales d’agriculture. Le taux de reversement était de 1 % en 2009, de 4 % en 2010, de 7 % en 2011 et de 10 % en 2012.

Le rendement de la taxe pour frais de chambre d’agriculture est estimé en PLF 2014 à 297 millions d’euros.

Elle est soumise au plafonnement des taxes affectées prévu par l’article 46 de la loi de finances pour 2012 depuis la loi de finances de 2013 qui a étendu ce plafonnement à l’ensemble des taxes affectées aux organismes consulaires.

Toutefois, le niveau du plafond appliqué à la taxe affectée aux chambres d’agricultureest peu contraignant puisqu’il est équivalent aux prévisions de rendement de la taxe et qu’il est resté stable au cours des dernières années. Pour rappel, la baisse qui résultera des dispositions de l’article 15 du présent projet de loi, limitée à 15 millions d’euros, représente 5 % du rendement de la taxe.

LE PLAFONNEMENT DE LA TAXE AFFECTÉE AUX CHAMBRES D’AGRICULTURE

 

2012

2013

2014
(prévisions)

2015
(prévisions)

Rendement (en millions d’euros)

297

297

297

282

Plafonnement

297

297

282

Ecrêtement

0

0

0

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

Selon l’évaluation préalable de l’article, cette taxe représente en moyenne 44 % des recettes des chambres d’agriculture et couvre 80 % de leurs dépenses de personnel qui constituent leur principal poste de dépenses.

Au-delà du produit de la taxe, elles bénéficient de la rémunération de leurs prestations de services pour 28 % de leurs ressources et de subventions versées par l’État, les collectivités territoriales et l’Union européenne pour 22 %.

Toutefois, ces moyennes recouvrent des situations très différentes selon les circonscriptions, certaines chambres bénéficiant de conditions de financement très favorables tandis que d’autres connaissent des difficultés récurrentes. L’évaluation préalable cite en exemple le cas de « plusieurs chambres ultramarines (qui), bien qu’en phase de redressement, connaissent une situation financière très fragile ».

La situation financière de l’APCA semble quant à elle satisfaisante, puisque le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), dans son rapport sur la fiscalité affectée (154), constate qu’elle dispose de l’un des vingt-cinq plus importants fonds de roulement constaté parmi les opérateurs. Celui-ci atteignait en effet, au 31 décembre 2010, une durée de 8,43 mois d’activité pour un montant de 17,3 millions d’euros.

Le du I propose de substituer à l’affectation « aux chambres d’agriculture » une affectation au réseau constitué par ces chambres.

L’alinéa 3 du du I modifie les modalités de répartition de la taxe, de telle sorte que le ministre chargé de l’agriculture notifie désormais, préalablement à la fixation annuelle par les chambres du produit de la taxe qu’elles peuvent inscrire à leur budget, un montant maximum qu’elles ne peuvent dépasser.

Ce montant est déterminé sur la base d’un tableau de répartition établi après avis de l’APCA en fonction du rendement plafonné de la taxe affectée et de la situation financière de chacune des chambres.

L’augmentation annuelle de la taxe perçue par chaque chambre ne peut dépasser 3 % du montant de la taxe perçue l’année précédente.

L’alinéa 5 du du I prévoit par ailleurs le financement d’un fonds national de solidarité et de péréquation entre les chambres.

Celui-ci se verrait affecter une part du produit de la taxe perçue par chaque chambre, selon un taux fixé par décret ne pouvant dépasser 5 % de ce produit.

Ce fonds, constitué au sein de l’APCA, serait chargé de fournir aux chambres une ressource collective permettant d’assurer une forme de péréquation et de mettre en œuvre les orientations décidées par l’APCA.

Deux décrets d’application devraient être pris. Ils préciseront pour l’un, les conditions dans lesquelles le fonds de péréquation devra être géré par l’APCA dès 2015 et pour l’autre, la part de taxe affectée revenant à ce fonds à partir de 2016.

En conséquence de ces modifications à l’article 1604 du code général des impôts, le II supprime les dispositions relatives à la taxe pour frais de chambre perçue par les chambres d’agriculture prévues à l’article L. 514-1 du code rural.

En contrepartie de la baisse du plafond de la taxe affectée de 297 millions d’euros à 282 millions d’euros (soit – 15 millions d’euros) prévue à l’article 15 du présent projet de loi de finances, le du III prévoit que, par dérogation, le montant de la taxe notifié au chambres au titre de l’année 2015 est égal à 94,65 % du montant de la taxe notifiée pour 2014.

Cette disposition annule l’écrêtement au profit du budget général de l’État qui aurait résulté de l’abaissement du plafond de la taxe en son absence et diminue l’effort fiscal pesant sur les redevables de la taxe.

Au regard de la situation fragile des chambres d’agriculture ultramarines, il est toutefois prévu que celles-ci continuent de percevoir un montant de taxe égal à celui de 2014.

Le régime spécifique de la chambre d’agriculture de la Guyane pour la période 2014-2017 est également confirmé (155).

Le du III prévoit, au titre de 2015, le versement par chacune des chambres de la somme égale à la part de leur fonds de roulement excédant 90 jours au fonds national de solidarité et de péréquation la totalité.

Pour rappel, le CPO dans son rapport sur la fiscalité affectée souligne qu’« il est d’usage de considérer qu’un fonds de roulement doit permettre de financer entre 60 et 90 jours d’activité d’un établissement ». Au-delà de cette durée, l’accumulation de réserves sur les fonds de roulement est considérée comme « un indice de surfinancement de l’opérateur ».

Afin de mettre en œuvre ce reversement au profit du fonds de péréquation, les fonds de roulement retenus sont ceux constatés au 31 décembre 2013, déduction faite des besoins de financement sur fonds propres, correspondant à des investissements.

La notion de fonds de roulement est définie comme « la différence entre les ressources stables constituées par des capitaux propres, des provisions pour risques et charges, des amortissements, des provisions pour dépréciation des actifs circulants et des dettes financières à l’exclusion des concours bancaires courants et des soldes créditeurs des banques et les emplois stables constitués par l’actif immobilisé brut ».

Les charges prises en compte, quant à elles, pour ramener à une durée le fonds de roulement ainsi défini sont « l’ensemble des charges déduction faites des subvention en transits ».

À nouveau, les spécificités des chambres d’agriculture ultramarines conduisent à les écarter de la participation à cet effort collectif au dernier alinéa du .

Au du III, l’article prévoit l’application d’un prélèvement exceptionnel de 45 millions d’euros au profit du budget de l’État sur le fonds national de solidarité et de péréquation.

Par conséquent, ce prélèvement portera, par le biais du fonds, sur les seules chambres disposant d’un fonds de roulement excédentaire. Cette répartition prend en donc en compte les capacités financières de chacune d’entre elles.

*

* *

La Commission examine l’amendement I-CF 152 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement tend à supprimer cet article qui propose une ponction supplémentaire des ressources des chambres d’agriculture : aux 15 millions d’euros prélevés sur le foncier non bâti, s’ajoute ici un prélèvement de 45 millions d’euros sur les fonds de roulement. Est-ce raisonnable, compte tenu de la fragilité de ces structures ? Nous allons vers des licenciements, sous un gouvernement de gauche qui est plus dur avec les agences qu’avec lui-même : pensez à ce que ces sommes représentent par rapport à la masse des dépenses. L’effort demandé est hors de proportion.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie des amendements identiques I-CF 68 de M. Marc Le Fur, I-CF 88 de M. Charles de Courson et I-CF 107 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’aurais souhaité que le document budgétaire nous donne le détail des fonds de roulement de chaque chambre d’agriculture comme il le fait pour les chambres de commerce et d’industrie, puisqu’elles subissent le même sort négatif. Ces éléments nous auraient permis de voir qu’il n’y a pas de chambre d’agriculture de village.

M. Charles de Courson. Cet amendement de repli propose de maintenir le montant de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti notifié aux chambres d’agriculture pour 2015 à hauteur du montant de la taxe notifié pour 2014. Un maintien n’est déjà pas si mal, pourquoi baisser de 5,35 % ? Ce n’est pas raisonnable alors que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt leur a confié de nouvelles missions non rémunérées.

Mme la Rapporteure générale. Comme nous n’avons pas baissé le plafond tout à l’heure, ce que vous proposez revient à verser cet argent directement dans les caisses de l’État. Avis défavorable.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 18 sans modification.

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Article 19
Réforme du financement de l’aide juridictionnelle

Le présent article vise à consolider le financement de l’aide juridictionnelle afin de permettre un meilleur accès à la justice de nos concitoyens les plus modestes.

Les difficultés de financement de cette politique essentielle ont été analysées par de nombreux rapports publics ; récemment, un rapport d’information sénatorial (156) évoque un dispositif « en faillite » tandis qu’un rapport réalisé par l’Inspection générale des services judiciaires décrit de manière plus mesurée une « situation au milieu du gué » (157).

Afin d’apporter une solution aux problèmes mis en évidence par ces rapports, le présent article prévoit, en premier lieu, un ensemble de mesures permettant d’affecter de nouveaux moyens à cette politique :

– il ajoute une fraction supplémentaire de 2,6 points au taux de la taxe sur les conventions d’assurance qui pèse actuellement sur les assurances de protection juridique au taux de 9 %. Le produit correspondant sera affecté dans la limite de 25 millions d’euros par an au Conseil national des barreaux (CNB) ;

– il prévoit une augmentation des droits forfaitaires de procédure perçus à l’occasion des décisions des juridictions répressives, permettant l’affectation au CNB de 11 millions d’euros ;

– il prévoit une augmentation des actes des huissiers, permettant l’affectation à la même structure d’une enveloppe complémentaire de 7 millions d’euros.

Au total, ce sont 43 millions d’euros de recettes fiscales nouvelles qui seront affectées aux missions d’aide juridictionnelle à compter de 2015. Selon les informations fournies par la direction du budget, les différentes augmentations mentionnées ci-dessus ne devraient pas apporter de produits supérieurs aux montants limitativement affectés au CNB, sauf à ce qu’une des assiettes évolue de manière beaucoup plus dynamique que prévu.

Ces moyens nouveaux permettront, en second lieu, une consolidation de l’aide juridictionnelle également prévue par le présent article :

– le principe d’une rétribution des avocats dans le cadre des procédures non juridictionnelles est consacré, en particulier lorsque la personne n’est encore que déférée devant le procureur de la République ;

– les modalités selon lesquelles le CNB ventile les crédits de l’aide juridictionnelle sont clarifiées ;

– le mécanisme de démodulation adopté dans le cadre de l’article 128 de la loi de finances initiale pour 2014 est supprimé, ce qui se traduit par une dépense de 13,5 millions d’euros à compter de 2015.

Le placement du présent article en première partie du projet de loi de finances résulte de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (158) qui impose d’y faire figurer les dispositions relatives aux ressources de l’État affectant l’équilibre budgétaire et les dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget de l’État.

Si l’ensemble des dispositions du présent article n’entre pas dans cette catégorie, la création de ressources nouvelles affectées au CNB et la suppression du mécanisme de démodulation suffit à imposer un tel placement.

L’article 1er de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique dispose qu’un accès effectif à la justice – principe fondamental dont le respect est garanti à la fois par le Conseil constitutionnel et par la Cour européenne des droits de l’homme – suppose, pour nos concitoyens les plus modestes, une politique particulière prise en charge par l’État.

D’après cet article 1er, l’aide juridique comprend trois piliers:

– l’aide juridictionnelle, destinée à permettre aux personnes modestes de faire valoir leurs droits en justice ;

– l’aide à l’accès au droit qui désigne un ensemble de dispositions destinées à permettre une information générale des personnes sur leurs droits et leurs obligations ;

– l’aide à l’intervention de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles, qui permet de déterminer les conditions dans lesquelles les crédits de l’aide juridictionnelle peuvent être mobilisés dans le cadre de procédures qui ne sont pas, ou pas encore, juridictionnelles.

S’agissant de la définition de l’aide juridictionnelle, l’article 2 de cette loi dispose que « les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle. Cette aide est totale ou partielle ». Il précise, par ailleurs, que son bénéfice n’est pas accordé lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge au titre d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’un système de protection.

Le fonctionnement de l’aide juridictionnelle repose sur une prise en charge, totale ou partielle, par l’État des frais entraînés par une procédure, dès lors que le demandeur répond à certains critères de revenus.

Ces plafonds de revenus sont fixés par l’article 4 de la loi précitée, initialement à 5 175 francs pour l’aide juridictionnelle totale et à 7 764 francs pour l’aide juridictionnelle partielle. Ils sont revalorisés au 1er janvier de chaque année comme la tranche la plus basse de l’impôt sur le revenu et pondérés en fonction du nombre de personnes à charge.

La publication annuelle des revenus maximaux ouvrant le droit à l’admission à l’aide juridictionnelle, en fonction des montants fixés en 1991 et de leur actualisation par la loi de finances de l’année, fait l’objet d’une note annuelle du ministère de la justice. Celle du 30 décembre 2013 (159) retient pour l’année 2014 les montants suivants :

– pour l’aide juridictionnelle totale, le plafond de ressources est fixé à 936 euros ;

– pour l’aide juridictionnelle partielle, ce plafond est fixé à 1 404 euros.

Les revenus compris entre 936 euros et 1 404 euros ouvrent le droit à une aide partielle dont les taux varient en fonction des tranches suivantes :

Ressources mensuelles

Part prise en charge par l’État

Entre 937 et 979 euros

85 %

Entre 980 et 1 032 euros

70 %

Entre 1 033 et 1 107 euros

55 %

Entre 1 108 et 1 191 euros

40 %

Entre 1 192 et 1 298 euros

25 %

Entre 1 299 et 1 404 euros

15 %

Ces montants sont ensuite modulés en fonction du nombre de personnes à charge ; au total, l’aide juridictionnelle permet d’apporter une aide dégressive de 100 % à 936 euros de revenus mensuels à 15 % pour les revenus ne dépassant pas 2 164 euros par mois avec six personnes à charge.

Le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi de 1991 précitée indique que le montant des revenus est calculé à partir d’une moyenne annuelle ; l’article 2 du décret précise en outre que ces ressources ne comprennent pas les prestations familiales, certaines prestations sociales, l’aide personnalisée au logement (APL), l’allocation de logement ou le revenu de solidarité active (RSA).

Les rapports précités relèvent le fait que ces plafonds sont fixés à un niveau particulièrement bas et l’on peut s’étonner, en effet, que le plafond de 1 404 euros ouvrant le droit au bénéfice de l’aide juridictionnelle soit inférieur au SMIC, fixé pour l’année 2014 à 1 445,38 euros mensuels. Même avec une ou deux personnes à charge, l’essentiel des personnes rémunérées au SMIC ne sont éligibles ni à une prise en charge totale ni à une prise en charge partielle au titre de l’aide juridictionnelle.

Malgré ces plafonds relativement bas, le nombre de bénéficiaires de l’aide juridictionnelle est en augmentation depuis plusieurs années.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE (2007-2013)

Type d’aide

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Toutes décisions

1 052 171

1 038 929

1 057 777

1 068 927

1 032 577

1 065 721

1 080 203

Variation (en %)

– 1,6

– 1,3

+ 1,8

– 1,1

– 3,4

+ 3,2

+ 1,4

Toutes admissions

890 138

890 020

901 630

912 191

882 607

915 563

919 625

Variation (en %)

– 1,2

0,0

+ 1,3

+ 1,2

– 3,2

+ 3,7

+ 0,4

Aide totale

788 597

791 326

802 617

811 024

790 530

821 777

826 135

Variation (en %)

– 1,0

+ 0,3

+ 1,4

+ 1,0

– 2,5

+ 4,0

+ 0,5

Aide partielle

101 541

98 694

99 013

101 167

92 077

93 786

93 490

Variation (en %)

– 2,1

– 2,8

+ 0,3

+ 2,2

– 9,0

+ 1,9

– 0,3

Autres décisions

162 033

148 909

156 147

156 736

149 970

150 158

160 578

Dont rejets

112 906

102 475

86 997

82 533

77 841

79 414

85 679

Taux de rejet définitif (en %)

10,7

9,9

8,2

7,7

7,5

7,5

7,9

Source : Répertoire de l’aide juridictionnelle – ministère de la justice, sous-direction des études et de la statistique.

La répartition des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle par type de contentieux fait ressortir une augmentation particulièrement marquée des admissions à l’aide juridictionnelle dans le domaine du droit administratif, ce qui peut paraître surprenant dans la mesure où le recours à un avocat y est facultatif s’agissant des recours pour excès de pouvoir.

RÉPARTITION DES BÉNÉFICIAIRES DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE
SELON LE TYPE DE CONTENTIEUX (2007-2013)

Type de contentieux

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Nombre

Part du total

Évolution 2013/2012

Civil

440 563

423 022

433 258

445 467

438 984

469 384

464 290

50,5 %

– 1,1 %

Pénal

389 420

400 773

398 636

394 120

373 166

374 737

376 627

41 %

+ 0,5 %

Administratif

20 224

21 489

29 955

34 586

39 234

43 141

47 603

5,2 %

+ 10,3 %

Entrée et séjour des étrangers

39 820

44 619

39 519

37 700

30 949

27 968

30 494

3,3 %

+ 9 %

Total

890 138

890 020

901 630

912 191

882 607

915 563

919 625

100 %

+ 0,4 %

Source : Répertoire de l’aide juridictionnelle – ministère de la justice, sous-direction des études et de la statistique.

Au-delà des effets de la crise économique et de son impact social, cette augmentation du nombre de bénéficiaires de l’aide juridictionnelle résulte en grande partie d’une extension du champ couvert par cette aide au cours de diverses réformes récentes, qui devraient produire leurs effets également dans les prochaines années.

En premier lieu, la loi du 14 avril 2011 (160) a renforcé les droits des personnes placées en garde à vue. Dans une décision du 30 juillet 2010 (161), le Conseil constitutionnel a en effet déclaré contraires à la Constitution les articles 62, 63 et 63-1, une partie de l’article 63-4 et l’article 77 du code de procédure pénale, au motif que ces articles n’apportent par les garanties appropriées au respect des droits du justiciable, notamment du fait de l’absence d’un avocat dans les premières heures de la garde à vue, alors même que le recours à cette procédure est de plus en plus courant aujourd’hui.

L’article 6 de la loi du 14 avril 2011 a par conséquent prévu l’insertion dans le code de procédure pénale d’un nouvel article 63-3-1 autorisant le justiciable à demander la présence d’un avocat « dès le début de la garde à vue ». Le décret n° 2011-810 du 6 juillet 2011 a précisé les modalités de prise en charge des frais liés à ces interventions au titre de l’aide juridictionnelle.

D’après le rapport d’information sénatorial précité, cette disposition devait entraîner un accroissement du nombre de gardes à vue de vingt-quatre heures d’environ 400 000, auxquelles il faudrait ajouter 100 000 prolongations au-delà de ce délai, et environ 90 000 confrontations entre les victimes et les personnes mises en garde à vue. Le recours à un avocat commis d’office au titre de l’aide juridictionnelle atteint dans ces cas 66 %.

Dans un autre domaine, la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 (162) a prévu un dispositif permettant la retenue des personnes étrangères afin de vérifier leur droit de circulation et de séjour sur le territoire français. L’article 2 de cette loi dispose que l’officier de police judiciaire a le devoir d’informer le justiciable de son droit d’être assisté par un avocat. Le décret n° 2013-481 portant application de ce dispositif a fixé le montant de la rétribution à laquelle peuvent prétendre les avocats intervenant au titre de l’aide juridictionnelle.

Par ailleurs, la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 (163) a renforcé les droits des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques. L’article 1er de cette loi prévoit la possibilité, pour le juge des libertés et de la détention, de lever la mesure de soins psychiatriques ordonnée par un expert. Le juge se prononce après une audience au cours de laquelle le justiciable peut être assisté de son avocat. Selon le rapport sénatorial précité, le nombre de ces admissions est passé de près de 5 000 en 2012 à plus de 20 000 en 2013.

En outre, la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 (164) renforce le droit à l’information des justiciables dans le cadre des procédures pénales. Elle instaure notamment le droit d’accès effectif à un avocat dans les cas où le justiciable est suspecté ou accusé, qu’il soit libre ou détenu, durant toute la phase d’enquête, d’instruction et de jugement des affaires pénales.

Enfin, la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales prévoit également un renforcement du droit à la présence d’un avocat qui aura un impact sur l’aide juridictionnelle.

L’ensemble de ces nouveaux dispositifs légaux devrait entraîner une augmentation substantielle des recours à l’aide juridictionnelle dans les années à venir, rendant ainsi prégnante la question des moyens accordés pour mettre en œuvre cette politique.

Dépenses

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

PLF 2015

Crédits budgétaires

306,76

299,93

309,65

344,40

292,91

318,12

345,4

336,3

Rétablissements de crédits

0,28

8,49

11,55

6,70

4,42

n.c.

n.c.

Contribution pour l’aide juridique

0

0

0

0

54,40

60

Évolution de la trésorerie des CARPA (1)

– 8,50

– 8,27

10,80

19,50

– 15,45

n.c.

n.c.

Dépense effective

315,54

316,70

310,40

331,6

367,17

n.c.

n.c.

((1) Les crédits de l’aide juridictionnelle sont versés par l’État aux caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), sous la forme d’une provision initiale en début d’année. Cette provision est réajustée en fonction des admissions effectives à l’aide juridictionnelle. À leur tour, les CARPA rétribuent les avocats qui ont accompli des missions au titre de l’aide juridictionnelle.

Source : réponses aux questionnaires budgétaires.

Comme l’indique le tableau précédent, l’essentiel du financement de l’aide juridictionnelle provient des crédits budgétaires du programme 101 Accès au droit et à la justice de la mission Justice.

Ces dépenses budgétaires ont connu des évolutions contrastées depuis 2002 ; en tendance toutefois, ils restent en augmentation puisqu’ils sont passés de 306,76 millions d’euros courants en 2008 à 347,2 millions d’euros prévus dans le projet de loi de finances pour 2014.

La baisse importante des crédits budgétaires au cours de l’année 2012 s’explique pour partie par la substitution partielle de ressources extra-budgétaires. Afin de faire face aux nouveaux enjeux de la réforme de la garde à vue opérée par la loi du 14 avril 2011 précitée, l’article 54 de la loi de finances rectificative pour 2011 (165) a, en effet prévu, la création d’une nouvelle contribution pour l’aide juridique de 35 euros acquittée par tout justiciable introduisant une instance civile ou administrative.

Cette contribution concernait toutes les procédures introduites en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative.

L’État et les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ont été exonérés du paiement de cette taxe, qui ne s’appliquait pas, d’autre part, dans le cadre des instances suivantes :

– les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaire ;

– les procédures d’inscription sur les listes électorales ;

– les recours introduits devant le juge administratif dans le cadre d’un référé-liberté ou à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français ainsi qu’au droit d’asile ;

– certaines procédures spécifiques de protection des droits, comme la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention, le juge des tutelles ou le juge aux affaires familiales.

La création de cette contribution a rapidement fait l’objet de nombreuses critiques après sa mise en place. Outre le problème du financement d’une politique importante par des ressources non budgétaires, elle constituait en elle-même un frein financier à l’accès à la justice des plus démunis, qu’elle était par ailleurs censée financer. La suppression de cette contribution a donc été adoptée dans le cadre de l’article 128 de la loi de finances pour 2014.

Cette suppression rend nécessaire la mobilisation de moyens nouveaux.

Actuellement, la rétribution des avocats à l’aide juridictionnelle résulte du produit du montant d’une unité de valeur (UV) fixé en loi de finances par un coefficient représentant la charge de travail correspondant à chaque type de mission, le coefficient étant pour sa part fixé par décret.

Régulièrement, les professionnels décrient l’insuffisante revalorisation de l’unité de valeur, qui est pourtant passée à 22,84 euros en 2014 (contre 22,50 euros depuis 2007).

L’article 90 du décret du 19 décembre 1991 précité prévoit, en outre, une grille permettant d’affecter à chaque catégorie d’actes un certain nombre d’UV. Sans pouvoir, dans le cadre du présent commentaire, reprendre l’ensemble des actes, on peut donner pour exemple :

– le divorce par consentement mutuel : 30 UV de base, auxquels on peut ajouter 9 UV pour une expertise avec déplacement ou 2 UV pour les médiations ordonnées par le juge ;

– le contentieux prud’homal : 30 UV de base, plus éventuellement 2 UV pour une enquête sociale et 4 UV pour une expertise sans déplacement ;

– une instruction criminelle : 50 UV ;

– un débat contradictoire relatif au placement en détention provisoire : 2 UV.

Le rapport de la mission sénatoriale précité démontre clairement que les rétributions résultant de ces grilles ne permettent pas de couvrir les charges d’un cabinet d’avocat, notamment dans les grandes villes. En même temps, il éloigne l’idée que l’aide juridictionnelle serait, pour l’ensemble des cabinets, une charge dont les avocats doivent s’acquitter par devoir. Selon le rapport, moins de 400 avocats sur 45 000 assurent la majorité des missions financées par l’aide juridictionnelle ; certains cabinets sont même spécialisés dans ce domaine et ne seraient pas économiquement viables sans cette rétribution publique.

Dans l’ensemble pourtant, la rétribution horaire de l’aide juridictionnelle se situe autour de 45 à 48 euros c’est-à-dire bien en dessous du point de rentabilité évalué par les représentants du barreau de Paris à 75 euros.

En outre, les représentants de la profession d’avocat regrettent que la grille établie par l’article 90 du décret précité soit déconnectée du degré de complexité réelle et de la durée de traitement des affaires.

Dans son premier paragraphe, le présent article prévoit trois mesures permettant d’apporter à la politique de l’aide juridictionnelle un surcroît de financement total de 43 millions d’euros.

Au titre des mesures permettant un meilleur financement de l’aide juridictionnelle, le rapport d’information sénatorial passe en revue des propositions qui n’ont pas été retenues dans le présent projet à savoir :

– l’instauration d’une taxe affectée sur les mutations soumises à un droit d’enregistrement, qui viendrait toutefois s’ajouter aux droits existants qui sont déjà importants ;

– la création d’une taxe sur le chiffre d’affaires des professions juridiques, qui reviendrait pourtant à leur faire supporter le financement de cette politique publique.

En outre, M. Jean-Marie Burguburu, président du CNB, a pris publiquement position le 23 septembre 2014 s’agissant des orientations retenues dans le présent article ; tout en saluant l’octroi de moyens nouveaux, il a regretté l’absence de dispositif nouveau permettant la péréquation entre les barreaux.

Le A du I prévoit l’instauration d’une fraction complémentaire aux taux de la TSCA pesant sur les assurances de protection juridique. Actuellement taxés au taux de 9 % en application du 6° de l’article 1001 du code général des impôts, ces contrats seront désormais taxés au taux de 11,6 %.

D’après les informations publiques de la Fédération française des sociétés d’assurance, l’assurance de protection juridique permet de prendre en charge l’ensemble des frais de procédures et fournit des services juridiques en cas de différend ou de litige avec un tiers.

La protection juridique est généralement proposée dans le cadre d’un contrat support (assurance multirisques habitation par exemple) ou dans un contrat autonome. Elle peut aussi être délivrée à l’occasion d’autres prestations, comme la délivrance de cartes de crédit ou cartes d’adhésion à une association.

Ces polices permettent généralement de couvrir les frais engagés :

– au titre d’une information préliminaire et d’une assistance juridique ;

– au titre de la recherche d’une solution amiable ;

– au titre d’une procédure contentieuse, l’assurance permettant de prendre en charge les frais d’experts et d’huissiers divers, les frais d’avocat et les frais de procédure.

Ces assurances de protection juridique, dont les bénéficiaires sont insusceptibles de bénéficier de l’aide juridictionnelle, seront donc frappées à compter du 1er janvier 2015 d’une taxe au taux de 11,6 %. Le dernier alinéa du présent article précise que l’augmentation ne s’appliquera qu’aux primes ou cotisations échues à compter de cette date. Les contrats en cours ne seront donc pas affectés.

Le produit de la taxe sera affecté au CNB pour la part correspondant au taux de 2,6 % et dans la limite de 25 millions d’euros par an.

Type de procédure

Montant actuel

Montant prévu
en PLF 2015

Variation
(en %)

ordonnances pénales en matière contraventionnelle ou correctionnelle et autres décisions des tribunaux de police et des juridictions de proximité

22

31

+ 40,9

décisions des tribunaux correctionnels

90

127

+ 41,1

décisions des cours d’appel statuant en matière correctionnelle et de police

120

169

+ 40,8

décisions des cours d’assises

375

527

+ 40,5

décisions de la Cour de cassation statuant en matière criminelle, correctionnelle ou de police

150

211

+ 40,7

Le produit résultant de ces augmentations sera affecté au CNB dans la limite de 7 millions d’euros par an.

Le II du présent article précise que le CNB aura pour responsabilité d’affecter ces ressources nouvelles au paiement des avocats effectuant des missions d’aide juridictionnelle.

À cet effet, le CNB procédera de la même manière que l’État lorsqu’il ventile ses crédits budgétaires à destination de l’aide juridictionnelle ; le montant à verser à chaque barreau est calculé, actuellement, en fonction du nombre de missions d’aide juridictionnelle accomplies par les avocats de ce barreau pondéré par le produit d’un coefficient type par procédure et d’une unité de valeur de référence.

Afin d’assurer une certaine transparence dans la répartition, le CNB devra conclure une convention avec l’Union nationale des caisses de règlements pécuniaires des avocats faisant par ailleurs l’objet d’un agrément du garde des sceaux.

L’article 28 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 précitée prévoit actuellement que la dotation versée annuellement à chaque barreau au titre de l’aide juridictionnelle donne lieu au versement d’une provision initiale versée en début d’année et ajustée en fonction de l’évolution du nombre des admissions à l’aide juridictionnelle. Elle est liquidée en fin d’année sur la base du nombre des missions achevées.

Le présent article modifie à la marge ce dispositif afin de prévoir que la dotation versée prend également en compte les actions menées par le CNB afin d’exercer les droits réservés à la partie civile à l’encontre des faits portant préjudice à la profession d’avocat.

Conformément aux évolutions législatives récentes, le présent article vient en outre reconnaître le droit à rétribution des avocats, au titre de l’aide juridictionnelle, dans le cadre de procédures non juridictionnelles.

À cet effet, l’article 1er de la loi du 10 juillet 1991 est modifié afin d’indiquer que l’aide à l’intervention de l’avocat – troisième pilier de l’aide juridique – s’entend de son intervention dans l’ensemble des procédures non juridictionnelles.

Cette loi est complétée par un nouvel article 64-1-2, afin d’indiquer, en cohérence avec la loi du 27 mai 2014 évoquée précédemment, que l’avocat est éligible à l’aide juridictionnelle lorsqu’il est sollicité en matière correctionnelle par le procureur de la République ordonnant qu’une personne soit déférée devant lui.

Cette rétribution est rendue rétroactive à la date du 2 juin 2014, soit la date limite de transposition de la directive 2012/13/CE transposée par la loi du 27 mai 2014 précitée (166).

Le VI procède enfin à la suppression de la démodulation de l’aide juridictionnelle prévue par l’article 128 de la loi de finances pour 2014 précitée, très attendue par la profession d’avocat.

Pour la détermination de la rémunération à laquelle peut prétendre un avocat au titre de l’aide juridictionnelle, l’unité de valeur était, avant la loi de finances pour 2014, pondérée en fonction de l’importance numérique des barreaux, notamment afin de tenir compte du fait que les avocats inscrits dans des barreaux de plus petite taille sont davantage sollicités au titre de l’aide juridictionnelle.

À cet effet, les barreaux étaient répartis en dix groupes. Le premier comptait, par exemple, les barreaux de Grasse, Nice, Paris et des Hauts-de-Seine, tandis que le dixième groupe comptait ceux d’Argentan, Avesnes-sur-Helpe, Béthune, Briey, Dunkerque, Laon, Lure, Péronne, Saint-Pierre de La Réunion, Saumur.

À chaque groupe était applicable une majoration de l’unité de valeur, variant de manière linéaire de 0,34 euro pour le groupe 1 à 3,40 euros pour le groupe 10.

Le Gouvernement a considéré à la fin de l’année 2013 qu’aucun élément n’avait permis de justifier une réelle différence de traitement entre les différents barreaux. Il avait donc proposé la suppression de ce dispositif dont l’intérêt était pourtant d’assurer une certaine péréquation entre les barreaux. Le présent article prévoit en conséquence de le supprimer.

*

* *

La Commission est saisie des amendements identiques I-CF 86 de M. Charles de Courson et I-CF 109 de Mme Marie-Christine Dalloz.

M. Charles de Courson. L’article 128 de la loi de finances pour 2014 prévoyait, à compter du 1er janvier 2015, de supprimer la détermination chaque année en loi de finances du montant de l’unité de valeur de référence pour l’aide juridictionnelle. Cette suppression était justifiée par l’annonce d’une réforme globale du fonctionnement et du financement de cette aide. La réforme ayant été repoussée, il convient de conserver la fixation de l’unité de valeur de référence en loi de finances, en supprimant néanmoins l’obligation pour le Gouvernement de la déterminer annuellement. Il a été constaté, depuis plusieurs années, que l’unité de valeur de référence, quand elle ne faisait pas l’objet d’une revalorisation, n’était pas déterminée annuellement par la loi de finances. Il s’agit donc d’une mesure de simplification et de souplesse dans l’attente de la réforme globale annoncée.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le document budgétaire expose les trois motifs qui justifieraient cette réforme du financement de l’aide juridictionnelle. C’est édifiant ! Il s’agirait, par exemple, « de supprimer le mécanisme de démodulation de l’aide juridictionnelle qui aurait dû entrer en vigueur au 1er janvier 2015 ». C’est assez ubuesque de supprimer une mesure parce qu’elle avait été annoncée préalablement.

Mme la Rapporteure générale. Avis défavorable à ces amendements qui soutiennent l’idée qu’en l’absence de réforme d’ensemble, il serait préférable de ne plus fixer le montant de l’aide juridictionnelle en loi de finances. Au contraire, il faudrait un vrai débat annuel pour que puisse s’exercer le contrôle du Parlement.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 19 sans modification.

*

* *

Article 20
Augmentation du tarif de la TICPE sur le gazole et affectation d’une partie du produit à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)

Cet article, d’une part relève de 2 centimes par litre le tarif de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) applicable au gazole utilisé comme carburant et, d’autre part, affecte une partie du produit de cette taxe à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), cette part étant fixée à 807 millions d’euros pour l’année 2015. Cette mesure doit ainsi contribuer à réduire l’écart de taxation entre le gazole et l’essence sans plomb ainsi qu’à donner à l’AFITF les moyens financiers dont elle a besoin pour mener à bien la construction des grands équipements de transport prévus dans le cadre des contrats de plan État-régions couvrant la période 2014-2020.

La TICPE a pris la suite, en 2005, de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), dont le nom demeure plus connu et qui était elle-même issue d’une taxe datant de 1928. Son assiette est composée de l’ensemble des produits pétroliers destinés à être utilisés comme carburant ou combustible, comme le prévoit la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité. La TICPE est exigible lors de la mise à la consommation des produits, c’est-à-dire de leur réception, conformément à la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise (167). En pratique, cette taxe est perçue par l’État auprès des compagnies pétrolières et des centres commerciaux qui distribuent du carburant avec un statut d’entrepositaire agréé et qui peuvent la répercuter sur leurs prix et en faire ainsi peser le poids sur les consommateurs finaux. En application de l’article 267 du code des douanes, il revient à l’administration des douanes de s’assurer de la liquidation et du recouvrement de la TICPE (168), les sanctions encourues en cas de fraude étant celles prévues, d’une manière générale, pour les taxes recouvrées par les services des douanes (169).

Avec un produit brut estimé à 25,1 milliards d’euros en 2013, la TICPE est une contribution significative (170), non seulement pour l’État qui en perçoit 13,7 milliards d’euros, mais aussi pour les régions et les départements, auxquels plus de 45 % du produit est reversé (4,9 milliards d’euros pour les régions et 6,5 milliards d’euros pour les départements). En revanche, la TICPE n’est pas applicable dans les départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM) : ces derniers bénéficient d’une taxe spéciale de consommation sur les carburants, dont les conseils régionaux (171) fixent le taux, sans qu’il puisse toutefois dépasser le taux métropolitain, et dont le rendement a été estimé à 463 millions d’euros pour l’année 2013.

L’article 265 du code des douanes dresse la liste des produits soumis à la TICPE et en fixe les tarifs, qui varient pour chaque produit : huiles de pétrole et huiles lourdes, goudrons et mélanges bitumeux, essences pour moteurs, gazole, fioul lourd et fioul domestique, gaz de pétrole et autres gaz destinés à être utilisés comme carburant, super-éthanol E 85, etc.

Afin de mieux prendre en compte l’impact de la consommation des énergies fossiles sur le réchauffement climatique, il a été décidé à la fin de l’année 2013, à la suite des travaux du Comité pour la fiscalité écologique présidé par M. Christian de Perthuis, de retenir le principe général selon lequel un produit doit être d’autant plus taxé que sa consommation émet du dioxyde de carbone (CO2). S’inscrivant dans cette logique, l’article 32 de la loi de finances pour 2014 a aménagé le barème des taxes intérieures de consommation (TIC) existantes. Cette solution était techniquement préférable à la création d’une « contribution carbone » spécifique comme cela avait été proposé sous la précédente législature, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010 – rappelons que le Conseil constitutionnel avait, dans sa décision n° 2009- 599 DC du 29 décembre 2009, déclaré contraire à la Constitution l’article 7 de cette loi créant cette taxe, en raison de la rupture d’égalité devant l’impôt née de l’importance des « régimes d’exemption totale » qu’elle instituait au profit de certains secteurs ou acteurs économiques.

La réforme plus adaptée résultant de la loi de finances pour 2014, inspirée d’une proposition faite par la Commission européenne aux États membres le 13 avril 2011, a consisté à préserver l’assiette actuelle des TIC par le maintien de leurs champs d’application et des diverses exonérations existantes, tout en augmentant leurs tarifs, de manière progressive, sur trois années, de 2014 à 2016. Les taux adoptés en loi de finances ont été calculés en estimant la valeur de la tonne de carbone à 7 euros en 2014, 14,5 euros en 2015 et 22 euros en 2016
– rappelons, à titre de comparaison, que la commission présidée par M. Alain Quinet avait suggéré, en 2009, un tarif de 45 euros par tonne en 2010, qui aurait ensuite été revalorisé de 4 % par an pour atteindre 100 euros par tonne en 2030.

L’intégration de cette « composante carbone » dans la TICPE a donc conduit à prévoir que les tarifs de celle-ci augmenteraient, pour la période 2014-2016, de 5,7 % pour l’essence sans plomb 95 et de 9,3 % pour le gazole utilisé comme carburant. L’évaluation préalable jointe au projet de loi de finances pour 2014 avait estimé que cette hausse entraînerait une augmentation moyenne des dépenses des ménages de 5,1 euros en 2015 et 10,1 euros en 2016 pour l’essence, et de 11,2 euros en 2015 et 22,4 euros en 2016 pour le gazole.

Alors que l’écart de taxation entre le gazole et l’essence ne s’élevait qu’à environ 5 centimes d’euro par litre en 1975, il a atteint plus de 20 centimes d’euro par litre en 1985, le recours au gazole étant considéré comme économiquement préférable, dans le contexte créé par la crise pétrolière. Cet écart de tarif est, depuis lors, resté du même ordre (voir graphique ci-après).

tp://france-inflation.com/img/essence_1991.gif

Source : France-inflation (http://france-inflation.com/graph_carburants.php)

Par ailleurs, les comparaisons européennes montrent que la France se situe actuellement dans la moyenne pour la taxation du gazole, mais plus de 6 centimes d’euro par litre au-dessus de la moyenne pour la taxation de l’essence sans plomb 95. Ainsi, avec un écart de taxation entre le gazole et l’essence qui, pour la TICPE, s’élève actuellement à 17,85 centimes d’euro par litre, la France est, pour l’année 2014, le sixième pays de l’Union européenne où l’écart de taxation entre les deux carburants est le plus fort. Seuls la Grèce, les Pays-Bas, le Portugal, la Belgique et l’Allemagne accordant au gazole un avantage comparatif plus élevé.

COMPARAISON DU NIVEAU ACTUEL DES ACCISES SUR LE GAZOLE ET L’ESSENCE
AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE

(en centimes d’euro par litre de carburant,
classement par écart de taxation croissant au 1er janvier 2014)

État

Gazole

Essence (SP 95)

Écart de taxation

Royaume-Uni

67,42

67,42

0,00

Chypre

45,00

47,90

2,90

Estonie

39,29

42,28

2,99

Roumanie

35,19

38,30

3,11

Hongrie

38,35

41,65

3,30

Bulgarie

32,98

36,30

3,32

Suède

60,90

65,56

4,66

Pologne

34,47

39,45

4,98

République Tchèque

42,70

50,06

7,36

Lettonie

33,30

41,12

7,82

Autriche

39,70

48,20

8,50

Malte

42,24

50,94

8,70

Espagne

33,10

42,47

9,37

Lituanie

33,02

43,44

10,43

Croatie

34,93

45,43

10,50

Slovénie

44,23

54,87

10,64

Irlande

47,90

58,77

10,87

Italie

61,74

72,84

11,10

Luxembourg

33,50

46,21

12,71

Danemark

45,15

60,26

15,11

Slovaquie

38,64

55,05

16,41

Finlande

49,66

67,29

17,63

France

42,84

60,69

17,85

Allemagne

47,04

65,45

18,41

Belgique

42,77

61,36

18,59

Portugal

36,94

58,60

21,66

Pays-Bas

47,78

75,93

28,15

Grèce

33,00

67,00

34,00

Moyenne pour l’Union européenne

42,42

53,81

11,39

Source : direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), 2014.

En application du droit actuel, à partir de 2015, l’intégration d’une composante carbone dans la TICPE augmenterait globalement la taxation des carburants, mais maintiendrait presque à son niveau actuel l’écart de taxation entre les deux types de carburants. Ainsi, en dépit de l’augmentation un peu plus rapide de la TICPE applicable au gazole qu’à l’essence sans plomb, pour les années 2015 et 2016, le tarif appliqué resterait nettement plus favorable au gazole – en l’état actuel de la législation, cet écart serait encore, en 2016, de plus de 17 centimes d’euro par litre de carburant (voir tableau ci-après).

ÉVOLUTION DU TARIF DE LA TICPE PRÉVUE EN LFI POUR 2014

(en centimes par litre)

Années

Tarif pour l’essence

Tarif pour le gazole

2011

60,69

42,84

2012

60,69

42,84

2013

60,69

42,84

2014

60,69

42,84

2015

62,41

44,82

2016

64,12

46,81

Évolution 2014-2016

+ 5,7 %

+ 9,3 %

Source : Code des douanes (article 265).

Ainsi, l’essence, soumise à un tarif de TICPE plus élevé de 41,7 % par rapport au gazole en 2014, continuerait à être « surtaxée » de 37 % en 2016. S’il devait se poursuivre au même rythme au-delà de 2016, le rattrapage actuellement prévu par l’article 265 du code des douanes ne permettrait de mettre fin à l’avantage comparatif du gazole qu’au bout d’une quarantaine d’années.

Or, les émissions des véhicules automobiles utilisant le gazole comme carburant posent, en particulier en milieu urbain, un problème sanitaire que les pouvoirs publics ne peuvent plus ignorer. Ainsi, les particules émises par les moteurs diesel, qui étaient déjà classées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), depuis 1988, comme « cancérogènes probables », sont depuis 2012 classés par cette organisation comme « cancérogènes certains ». Le Commissariat général au développement durable indique, dans une publication du mois d’octobre 2013 (172), que, selon les dernières études disponibles, la pollution de l’air par les particules fines (PM 2,5) serait à l’origine chaque année, en France, de 42 000 décès prématurés, 13 000 hospitalisations et 21 000 nouveaux cas de bronchite chronique – le coût des dommages sanitaires (mortalité et morbidité confondues) pouvant être estimé entre 28 et 30 milliards d’euros.

Même si les transports routiers ne sont à l’origine que d’environ un tiers de ces émissions de particules, les autres émissions provenant du chauffage, de l’industrie et de l’agriculture, leur rôle important dans ce domaine, notamment en milieu urbain, demeure particulièrement problématique. Certes, les normes européennes « Euro », applicables aux véhicules diesel neufs, ont permis de réduire progressivement leurs émissions de particules fines et d’oxydes d’azote, mais, comme le souligne le Commissariat général au développement durable dans la publication précitée, « les réductions liées à la mise en œuvre des normes -0 Euro -0 sur les véhicules ont été en partie contrebalancées par l’augmentation du trafic et ont porté principalement sur les composés volatils (et non les particules que la diésélisation du parc a renforcées) ».

Ces aspects sanitaires doivent nécessairement être pris en compte dans l’analyse des avantages et inconvénients du recours aux moteurs diesel pour la circulation routière, afin d’enrichir les approches économiques et industrielles de cette question. À cet égard, les avantages fiscaux existant au profit du gazole par rapport à l’essence ont logiquement vocation à diminuer au cours des prochaines années.

Le paragraphe I de cet article tend à relever de 2 centimes d’euro supplémentaires par litre le niveau de la TICPE applicable au gazole en 2015 comme en 2016. Combinée à l’évolution des tarifs de cette taxe déjà prévue, depuis la loi de finances initiale pour 2014, pour qu’elle intègre progressivement la « taxe carbone », cette modification aura pour effet de faire passer le tarif de la TICPE pesant sur le gazole de 42,84 centimes par litre en 2014 à 46,82 centimes par litre en 2015, puis à 48,81 centimes par litre en 2016. Si l’on fait abstraction de la TVA au taux de 20 % (qui s’applique au prix du carburant TICPE incluse, dans les conditions, précédemment mentionnées, de l’article 298 du code général des impôts), la taxation du gazole augmentera donc, par rapport à son niveau en 2014, de près de 4 centimes d’euros par litre en 2015, auxquels s’ajouteront encore près de 2 centimes d’euros en 2016.

Si l’on inclut l’augmentation mécanique de TVA et si l’on prend en compte à la fois la hausse de TICPE déjà décidée par la loi de finances pour 2014 au titre de la création d’une composante carbone de la TICPE et le nouveau relèvement proposé par le projet de loi de finances pour 2015 spécifiquement pour la TICPE sur le gazole, la hausse total de taxation atteindra précisément, par rapport à l’année 2014, 4,776 centimes d’euro en 2015 et 7,164 centimes d’euro en 2016. En conséquence, compte tenu du prix moyen actuel du gazole vendu « à la pompe » (1,31 euro par litre), la hausse totale de taxation devrait faire mécaniquement augmenter l’an prochain le prix du gazole de 3,65 % (dont 1,83 point au titre de la nouvelle mesure proposée par le projet de loi de finances).

Il convient toutefois de rappeler que l’évolution réelle du prix du gazole dépendra du contexte économique international, et tout particulièrement du prix du baril de pétrole brut, que l’utilisation de nouvelles techniques d’extraction de pétrole sur le sol américain (huiles de schiste) pourrait faire baisser. D’ores et déjà, le prix moyen du litre de gazole vendu au détail en métropole, constaté par l’INSEE (173), a baissé de plus de 9 % depuis deux ans, passant de 1,44 euro en août 2012 à 1,31 euro en août 2014. Par conséquent, si le prix du baril de pétrole devait rester stable à son cours actuel, les consommateurs utilisant le gazole comme carburant le paieraient encore, en 2015 et même en 2016, sensiblement moins cher qu’en 2012 (voir tableau ci-après).

ÉVOLUTION DU PRIX MOYEN DU GAZOLE VENDU AU DÉTAIL EN MÉTROPOLE

(en euros par litre)

Date

Janvier 2012

Janvier 2013

Janvier 2014

Août

2014

Janvier 2015

Janvier

2016

Tarif de droit commun de la TICPE

0,4284

0,4284

0,4284

0,4284

0,4682

0,4881

Taux de TVA applicable (en %)

19,6 %

19,6 %

20 %

20 %

20 %

20 %

Prix de vente au détail (1)

1,42

1,39

1,34

1,31

1,36

1,38

(1) Prix constatés jusqu’en août 2014, et simulation des prix toutes choses égales par ailleurs pour les années 2015 et 2016, c’est-à-dire en tenant compte de la légère augmentation de la valeur soumise à la TVA, résultant mécaniquement de la hausse de la TICPE, mais en retenant comme hypothèse économique une stabilité des cours du pétrole et des autres composantes du prix hors taxe du gazole à leur niveau du mois d’août 2014.

Source : INSEE, Légifrance et projet de loi de finances pour 2015.

Par ailleurs, les secteurs d’activité pour lesquels les professionnels bénéficient, grâce à une procédure de remboursement prévue aux articles 265 sexies, 265 septies et 265 octies du code des douanes, de tarifs de TICPE réduits par rapport au droit commun, ne seront pas concernés par cette hausse. En effet, le projet de loi ne propose pas de modifier ces tarifs dérogatoires, et la TICPE réellement supportée sur le gazole ne dépasse pas :

− pour les exploitants de taxis, 30,2 centimes d’euro par litre, tarif inchangé depuis la loi de finances rectificative pour 2007 du 25 décembre 2007 ;

− pour les exploitants de tracteurs et de véhicules routiers de plus de 7,5 tonnes, 39,19 centimes d’euro par litre, tarif inchangé depuis la loi de finances pour 2005 du 30 décembre 2004 ;

− pour les exploitants de transport public routier en commun de voyageurs, 39,19 centimes d’euro par litre, tarif inchangé depuis la loi de finances pour 2005 du 30 décembre 2004.

Ces catégories socioprofessionnelles sont placées dans une situation objectivement différente de celle des autres consommateurs, en raison de l’importance des distances qu’elles sont contraintes de parcourir de manière régulière pour l’accomplissement de leur activité, directement liée au transport routier et du poids des dépenses de carburant dans leurs coûts. Cette différence de situation a été soulignée et explicitée lors de la création, par l’article 26 de la loi de finances pour 1999 du 30 décembre 1998, du mécanisme de remboursement venant amoindrir le poids de la taxation du gazole pour les poids lourds – article sur lequel le Conseil constitutionnel n’avait fait aucune observation particulière dans sa décision n° 98- 405 DC du 29 décembre 1998. Ainsi, le Rapporteur général de l’Assemblée nationale de l’époque, M. Didier Migaud, avait souligné, dans son rapport de première lecture sur ce texte (174), que si l’un des objectif de l’évolution de la taxation sur le gazole était d’encourager l’achat de véhicules moins polluants, « ce choix ne saurait concerner les transporteurs routiers qui, à la différence des particuliers, n’ont guère le choix de leur carburant, les possibilités de substitution étant, dans leur cas, beaucoup plus limitées » et qu’en conséquence, le législateur a institué un mécanisme spécifique de remboursement. Ce rapport estimait aussi nécessaire de tenir compte de la situation économique difficile de ce secteur d’activité, en rappelant que « les carburants occupent un poids important dans le prix de revient du transport routier (plus de 15 % des charges d’exploitation », et rappelé que l’absence de remboursement « aurait pour conséquence inévitable de freiner les efforts d’investissements qui sont favorables à l’environnement, dans la mesure où les camions les plus récents sont également les moins polluants ». Enfin, le législateur a aussi souhaité tenir compte de l’exposition de ce secteur à la concurrence croissante d’autres pays européens où le gazole était souvent moins taxé qu’en France. Cette justification économique de la différence de traitement dont bénéficient ces catégories socioprofessionnelles a conservé depuis lors son actualité, et il ne paraît donc pas nécessaire de revenir sur mécanisme de remboursement alors institué.

Rappelons que le principe d’égalité devant les charges publiques tel qu’il est appliqué par le Conseil constitutionnel interdit de traiter différemment des personnes placées dans une situation identique, sauf si cette discrimination est fondée sur un motif d’intérêt général en rapport avec l’objet de la loi qui en est à l’origine, mais ne s’oppose pas à ce que la loi fiscale traite différemment des personnes placées dans des situations différentes, pourvu que cette différence de traitement soit en rapport avec l’objet de la disposition concernée (175).

Cette jurisprudence a d’ailleurs été confirmée l’an dernier par le Conseil constitutionnel s’agissant de l’exonération de majoration du prix de transport dont bénéficiaient certaines entreprises dans le cadre de l’écotaxe poids lourds, prévue par le titre II de la loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transport du 28 mai 2013. Dans sa décision n° 2013-610 DC du 23 mai 2013 sur cette loi, le Conseil a ainsi rappelé que « pour assurer le respect du principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose » et qu’en l’occurrence, « les différences de traitement [résultant des différences établies par le législateur pour la majoration du prix de la prestation de transport] sont en rapport direct avec l’objectif d’assurer, par un mécanisme forfaitaire reposant sur une évaluation moyenne du coût de la taxe, la participation effective des bénéficiaires de la prestation de transport au coût supplémentaire susceptible de résulter […] de l’utilisation du réseau routier ». Le Conseil constitutionnel concluait : « Au regard de la prise en charge du coût du transport, les transporteurs en compte propre ne sont pas dans la même situation que les transporteurs pour compte d’autrui ; que, de même, les chargeurs en compte propre ne sont pas dans une situation identique à celle des chargeurs pour compte d’autrui ; que, par suite, les griefs tirés de l’atteinte au principe d’égalité doivent être écartés. »

Il convient, enfin, de souligner qu’aucune atteinte au principe d’égalité n’a été soulevée d’office par le Conseil constitutionnel (176) à l’encontre de l’article 32 de la loi de finances pour 2014, qui a prévu une augmentation progressive du tarif de droit commun de la TICPE applicable au gazole, avec une finalité écologique (incorporation à la TICPE de la « taxe carbone »), tout en laissant inchangés les tarifs dérogatoires prévus pour ces mêmes catégories socioprofessionnelles.

Ainsi, l’impact de la hausse de la TICPE sur les prix « à la pompe » sera, en 2015 et 2016, nul pour ces catégories socioprofessionnelles et limité pour les autres consommateurs, et devrait pouvoir être d’autant mieux absorbé économiquement que les prix du gazole vendu au détail ont baissé au cours des deux dernières années.

Si son impact économique prévisible paraît modéré, et son fondement écologique pertinent, le relèvement de TICPE sur le gazole proposé par cet article devrait, en outre, permettre de compléter les ressources dont disposera l’AFITF au cours des prochaines années.

Ainsi, le paragraphe II de l’article prévoit qu’une fraction du produit de la TICPE normalement destiné à alimenter le budget de l’État (estimé en 2013 à 13,7 milliards d’euros, comme indiqué précédemment) sera, à partir de l’année 2015, affectée à l’AFITF. Il est aussi indiqué que cette fraction s’élèvera, pour l’année 2015, à 807 millions d’euros, somme qui correspond, d’après l’évaluation préalable fournie par le Gouvernement, au surcroît de recettes attendues de la TICPE-gazole grâce au relèvement complémentaire de son tarif en 2015 (en incluant les 100 millions d’euros de surplus de TVA qui en résultera).

Or, il convient de rappeler que le « péage de transit poids lourds », tel qu’il résulte de l’article 16 de la loi de finances rectificative pour 2014 du 8 août 2014, ne devrait, en raison de son assiette beaucoup plus concentrée que celle de l’ancienne « écotaxe poids lourds » décidée en 2008, rapporter que 550 millions d’euros à partir de 2015, dont la moitié seulement pourra effectivement être affectée à l’AFITF. Or, le produit net de l’écotaxe devait initialement être de l’ordre de 900 millions d’euros, affectés à l’AFITF : les recettes attendues par celle-ci à partir de 2015 risqueraient donc d’être inférieures d’environ 650 millions d’euros à ce qui était initialement prévu. Le problème de l’insuffisance des recettes de l’AFITF se pose évidemment avec une actualité nouvelle depuis l’annonce par la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, le 9 octobre dernier, de la suspension de la mise en œuvre du nouveau dispositif de péage de transit poids lourds.

En tout état de cause, le relèvement proposé de la TICPE sur le gazole dégage des recettes supplémentaires pour l’AFITF. Celle-ci doit conserver les moyens de financer les infrastructures de transport, dont la réalisation est prévue pendant la durée des contrats de plan État-régions (CPER) couvrant la période 2014-2020. En outre, le choix d’affecter une part du produit de la TICPE à l’AFITF est en phase avec son domaine d’intervention (financement d’investissements liés aux transports) comme avec son mode de financement (cette agence bénéficiant déjà d’autres ressources liées aux transports routiers, telles que les recettes tirées de la taxe due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes ou des amendes perçues grâce aux radars automatiques).

Tout en approuvant la solution proposée par le Gouvernement, la Rapporteure générale tient à souligner que, le montant du reversement à l’AFITF n’étant fixé que pour l’année 2015, il conviendra de veiller, dans les lois de finances ultérieures, à ce qu’il soit à nouveau fixé à un niveau suffisamment élevé pour permettre une bonne exécution des CPER. L’enjeu est d’autant plus important que la qualité de l’offre de transport disponible influera nécessairement sur l’attractivité de notre territoire et sur notre compétitivité économique. Or, le rendement du relèvement proposé de la TICPE-gazole pourrait décroître après 2015. En effet, l’évaluation préalable de l’article estime qu’il ne représentera plus, à partir de 2017, qu’environ 730 millions d’euros par an, du fait de l’effet indirect de la mesure sur l’imposition du bénéfice des entreprises (177).

Le relèvement de la TICPE sur le gazole aura l’an prochain un impact sur le budget des ménages, qui représentent les deux tiers de la consommation de ce carburant, mais cet impact restera limité.

Il convient tout d’abord de rappeler que tous les ménages ne sont pas concernés, mais seuls ceux qui utilisent un véhicule automobile fonctionnant avec du gazole comme carburant. Ainsi, selon l’INSEE, la proportion de ménages disposant d’un véhicule automobile (ou plus) s’élevait en 2012 à 83,3 %. Par ailleurs, la part du diesel dans le parc automobile des particuliers s’élevait, à la même date, à un peu plus de 61 %. Il en résulte que la proportion de ménages concernés par la hausse du gazole peut être estimée à environ 51 %, c’est-à-dire un ménage sur deux.

Par ailleurs, l’évaluation préalable de l’article 32 du projet de loi de finances pour 2014, qui avait procédé à un relèvement pratiquement comparable (1,98 centimes d’euros par litre) indiquait que la hausse des dépenses pour les ménages utilisant le gazole atteindrait en moyenne 11,2 euros en 2015. Elle indiquait également que l’impact de la mesure serait deux fois moins élevé pour les ménages du premier décile de niveau de vie que pour les ménages du dernier décile, c’est-à-dire les plus aisés. Une étude publiée au mois de juin 2009 par le Commissariat général au développement durable, qui était spécifiquement consacrée aux dépenses de carburant automobile des ménages, confirme que « les dépenses moyenne de carburant automobile varient du simple au double selon le quintile de niveau de vie » (178). Cette étude estimait, en outre, à un peu plus de 1 200 euros par an et par ménage les dépenses moyennes de carburant (gazole et essence confondus) des 20 % des ménages ayant le niveau de vie le plus élevé, et à un peu moins de 600 euros par an ces mêmes dépenses pour les 20 % des ménages ayant le niveau de vie le plus bas.

Selon les éléments communiqués par le secrétariat d’État au budget à la demande de la Rapporteure générale, sur la base d’une enquête conduite en 2007-2008, le relèvement supplémentaire de la TICPE de 2 centimes d’euros par litre en 2015 pourrait renchérir les dépenses moyennes de carburant de l’ensemble des ménages de 15 euros (28 euros pour les seuls ménages possédant un véhicule diesel), la hausse étant d’autant plus importante que le revenu du ménage, apprécié par décile, est élevé. Ainsi, la hausse atteindrait 20 euros pour les 10 % des ménages les plus aisés (dont 59 % possèdent un véhicule diesel), et 8 euros pour les 10 % de ménages les moins aisés (qui ne sont que 31 % à posséder un véhicule diesel). Si l’on considère les seuls ménages équipés d’un véhicule diesel, la hausse du budget de carburant résultant de la nouvelle augmentation de TICPE proposée est naturellement plus forte ; en outre, elle augmente dans ce cas plus lentement en fonction du décile de revenu, puisqu’elle varie de 25 euros par an, pour les ménages du décile le plus démuni, à 34 euros par an pour les ménages du décile le plus aisé.

IMPACT PRÉVISIBLE SUR LE BUDGET DE CARBURANT DES MÉNAGES
D’UNE AUGMENTATION DE DEUX CENTIMES D’EURO PAR LITRE
DE LA TICPE SUR LE GAZOLE

Décile de revenu par unité de consommation

Proportion de ménages possédant un véhicule diesel

(en %)

Hausse moyenne du budget annuel de carburant pour les ménages possédant un véhicule diesel

(en euros)

Hausse moyenne du budget annuel de carburant pour l’ensemble des ménages

(en euros)

1

31

25

8

2

38

24

9

3

44

25

11

4

50

26

13

5

52

26

13

6

58

28

16

7

60

28

17

8

62

31

19

9

61

31

19

10

59

34

20

Ensemble des ménages

51

28

15

Lecture du tableau : En 2008, pour les ménages du 1er décile (les 10 % de ménages dont le niveau de vie est le plus bas), une hausse de 2 centimes d’euro par litre de gazole de la TICPE aurait conduit à une augmentation moyenne de 25 euros de leur budget annuel de carburant uniquement pour ceux qui étaient équipés d’un véhicule diesel. La part des ménages qui, dans ce décile, possédaient un véhicule diesel étant de 31 %, la hausse globale supportée par l’ensemble des ménages de ce décile ne se serait alors établie qu’à 8 euros par an en moyenne.

Source : secrétariat d’État au budget, données communiquées en octobre 2010, à partir d’une enquête nationale transports et déplacements 2007-2008.

Un calcul simple permet d’obtenir des résultats relativement proches de ceux qui ont été cités voici un an à propos de l’impact d’une hausse comparable de la TICPE sur le budget des ménages, et de ceux communiquées beaucoup plus récemment par le secrétariat d’État au budget. Sachant que, d’après les chiffres de l’INSEE pour l’année 2012, les véhicules fonctionnant au gazole qui sont en service parcourent en moyenne 15 586 kilomètres par an (179), le calcul peut être fait en prenant deux exemples-types :

– le cas d’un ménage A qui utiliserait sa voiture pour effectuer en moyenne 18 000 kilomètres par an (soit plus de 49,3 kilomètres par jour). Si l’on prend comme hypothèse que celui-ci utilise un véhicule diesel relativement sobre, consommant en moyenne 4,5 litres de gazole pour 100 kilomètres parcourus, on aboutit à 810 litres de gazole consommés, soit un surcoût qui atteindrait pour cette mesure, en tenant compte de l’effet indirect de la TVA, 19,44 euros par an. Si l’on tient compte des hausses de TICPE déjà décidées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, le niveau de taxation serait au total majoré, pour ce ménage et par rapport à la taxation actuellement applicable, de 38,69 euros pour l’année 2015 et de 58,03 euros en 2016 ;

– le cas d’un ménage B qui utiliserait qui utiliserait sa voiture pour effectuer en moyenne 12 000 kilomètres par an (soit plus de 32,8 kilomètres par jour). Si l’on prend comme hypothèse que celui-ci, tout en se déplaçant un peu moins que le particulier A, dispose d’un véhicule diesel moins sobre, consommant en moyenne 6 litres de gazole pour 100 kilomètres parcourus, on aboutit à 720 litres de gazole consommés, soit un surcoût qui atteindrait pour cette mesure, en tenant compte de l’effet indirect de la TVA, 17,28 euros par an. Si l’on tient compte des hausses de TICPE déjà décidées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, le niveau de taxation serait au total majoré, pour ce ménage et par rapport la taxation actuellement applicable, de 34,39 euros en 2015 et de 51,58 euros en 2016.

IMPACT PRÉVISIBLE EN 2015 DES HAUSSES DE TICPE APPLICABLES AU GAZOLE POUR DEUX MÉNAGES-TYPES

Données relatives aux taxes et au budget du ménage-type

Ménage A

Ménage B

Kilométrage parcouru dans l’année

18 000

12 000

Consommation moyenne du véhicule diesel (en litres de gazole pour 100 km parcourus)

4,5

6

Volume de gazole consommé dans l’année (en litres)

810

720

Budget annuel de gazole en 2014 (en euros, sur la base d’un prix TTC de 1,31 euros par litre)

1 061,1

943,2

Hausse de tarif de TICPE déjà décidée dans la LFI 2014 (en centimes d’euro par litre)

1,98

1,98

Hausse de tarif de TICPE proposée par le PLF 2015 (en centimes d’euro par litre)

2

2

Majoration totale de taxation résultant de la combinaison des mesures LFI 2014 + PLF 2015, en prenant en compte la TVA

(en centimes d’euros par litre)

4,776

(2,376 + 2,4)

4,776

(2,376 + 2,4)

Majoration de la dépense annuelle résultant de la seule hausse de TICPE décidée en LFI 2014, en prenant en compte la TVA (en euros)

19,25

(0,02376 x 810)

17,11

(0,02376 x 720)

Majoration de la dépense annuelle résultant de la seule hausse supplémentaire de TICPE proposée par le PLF pour 2015, en prenant en compte la TVA (en euros)

19,44

(0,024 x 810)

17,28

(0,024 x 720)

Budget supplémentaire annuel de carburant résultant combinaison des mesures LFI 2014 + PLF 2015, en prenant en compte la TVA (en euros)

38,69

34,39

Hausse de taxation en 2015 résultant de la combinaison des mesures LFI 2014 + PLF 2015 (en pourcentage du prix de vente TTC du gazole)

+ 3,65 %

+ 3,65 %

Sources : Légifrance, projet de loi de finances pour 2015 et INSEE.

Par ailleurs, selon une étude de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) publiée au mois d’avril 2013 (180) et reposant sur des données de l’INSEE, les dépenses de carburants et de lubrifiants s’élevaient à environ 2,6 % du budget des ménages en 2010, contre 2,9 % vingt ans plus tôt. Toutefois, il existe évidemment des disparités dans les dépenses de carburant selon le degré d’activité des ménages, et selon qu’ils vivent en zone urbaine, périurbaine ou rurale :

– les dépenses de carburant des ménages résidant dans les villes-centres sont inférieures à 800 euros par an, alors qu’elles sont comprises entre 1 000 et 1 100 euros par an pour les ménages résidant en banlieue de pôle urbain ou en zone rurale, et surtout dépassent 1 300 euros par an pour les ménages résidant en zone périurbaine ;

– pour la même zone de résidence, un ménage avec un actif occupé dépense 2,5 fois plus qu’un ménage sans actif occupé.

En conséquence, pour un ménage résidant en zone périurbaine et équipé d’un véhicule fonctionnant au gazole, consacrant 1 300 euros par an à ses dépenses de carburant, la nouvelle hausse de TICPE proposée, engendrant, si l’on tient compte de la TVA, une hausse de 1,83 % du prix TTC du gazole, aboutirait à une dépense annuelle supplémentaire de 23,79 euros (hausse de 47,45 euros par an si l’on tient compte de la hausse de TICPE déjà décidée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014). La hausse engendrée par la nouvelle mesure proposée serait, en revanche, limitée à 14,64 euros par an pour un ménage résidant en ville-centre et consacrant 800 euros par an à ses dépenses de carburant. Elle atteindrait, enfin, 20,13 euros par an pour un ménage, résidant en zone rurale ou dans la banlieue d’un pôle urbain et consacrant 1 100 euros par an à ses dépenses de carburant.

Ainsi, le surcroît de dépenses de carburant résultant de la hausse supplémentaire de TICPE sur le gazole de 2 centimes proposée par le Gouvernement concernera environ un ménage sur deux (ceux qui utilisent un véhicule fonctionnant au gazole) et pèsera en 2015 sur leur budget à hauteur de quelques dizaines d’euros (en général entre 15 et 35 euros) – ce montant variant, comme indiqué précédemment, selon leur profil de consommation, qui dépend notamment de leur lieu de résidence, de leur degré d’activité, de la sobriété de leur véhicule et de leur niveau de vie.

*

* *

La Commission examine les amendements identiques I-CF 1 de M. Marc Le Fur, I-CF 71 de M. Hervé Mariton, I-CF 92 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF 153 de M. Charles de Courson.

M. Marc Le Fur. L’augmentation de 2 centimes du prix du gazole va s’ajouter à une autre augmentation de 2 centimes qui a été votée l’année dernière à l’Assemblée nationale au titre du Plan climat-énergie. Avec la TVA, la hausse atteindra près de 5 centimes par litre. Imaginez ce que cela représente pour ceux qui habitent à vingt ou vingt-cinq kilomètres de leur lieu de travail et qui doivent s’y rendre tous les jours !

On va nous expliquer que cette hausse ne concerne pas le fioul domestique. Si cela est vrai pour l’article 20, la hausse de 2 centimes au titre du Plan climat-énergie, elle, pèsera aussi sur le fioul. Après avoir dû dépenser plus pour revenir du travail, nos concitoyens devront baisser le chauffage !

La recette qui résultera de cette mesure est destinée à un fonds dédié au financement de divers travaux d’infrastructures de transport. Ainsi, l’on va demander aux automobilistes qui roulent au gazole, dont le domicile est généralement éloigné de leur lieu de travail et qui vivent en zone rurale, de payer des aménagements liés à des transports en commun dont ils ne bénéficieront pas. Je vous rappelle que la majorité de nos concitoyens roule au gazole. Le taux de diésélisation du parc, département par département, dont je devrais bientôt disposer, est édifiant : certains départements ont un taux de diésélisation
de 60 à 70 %.

Mme Marie-Christine Dalloz. Notre incompréhension vient de l’affectation d’une partie de cette recette supplémentaire, qui n’est rien d’autre qu’un impôt déguisé. Si certains de nos concitoyens utilisent leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail, c’est parce qu’ils n’ont pas le choix. Paris n’est pas la France ni le reflet de l’offre de transports en commun sur le territoire ; dans les zones rurales, les personnes sont obligées d’utiliser leur véhicule. Cette taxe nouvelle n’améliorera pas, c’est le moins qu’on puisse dire, le pouvoir d’achat des Français. Je trouve cavalier de faire financer, à hauteur de 807 millions d’euros, des infrastructures de transport par ceux qui n’y ont pas accès. Ce n’est pas ma conception de la solidarité.

M. Charles de Courson. La mesure proposée aboutira grosso modo à une augmentation du prix du gazole de 3,5 %. C’est encore une décision déraisonnable, qui a été prise au dernier moment, car l’autre taxe – que je n’ai pas votée – ne va plus rapporter que 500 millions contre le 1,2 milliard attendu. Si l’on continue comme cela, le peuple risque de se révolter ; le peuple en a marre. C’est à se demander si vous vous rendez compte de ce que vous faites !

Une mesure de compensation est-elle prévue pour les transporteurs ? L’exposé des motifs de l’article 20 ne le précise pas. J’aimerais avoir des éclaircissements.

Mme la Rapporteure générale. Oui. Le mécanisme actuel de remboursement de TICPE au profit des transporteurs est maintenu, avec un prix de déclenchement inchangé. Ils ne seront donc pas affectés par cette hausse de 2 centimes du tarif de droit commun de la TICPE sur le gazole.

L’écart entre le prix du gazole et le prix de l’essence est encore de près de 18 centimes, et la mesure vise à réduire un peu cet écart. Vous insistez sur la problématique du financement des infrastructures ; ce débat a déjà eu lieu à propos de l’écotaxe et du péage de transit poids lourds, au mois de juillet dernier. J’espère que, d’ici à l’examen en séance publique, nous connaîtrons l’impact de la mesure proposée par catégories de ménages et en fonction de leurs zones de résidence. Tout en attendant ces précisions, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.

Mme Eva Sas. Monsieur Le Fur, vous critiquez la hausse du prix du litre du diesel de 2 centimes avec un aplomb extraordinaire, alors que cette mesure résulte du mouvement contre la taxe poids lourds que vous avez soutenu et encouragé en Bretagne, contraignant aujourd’hui le Gouvernement à rechercher d’autres recettes pour l’Agence de financement des infrastructures de France (AFITF).

La Commission rejette les amendements.

Elle est ensuite saisie de l’amendement I-CF 119 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à augmenter d’un centime la taxation de l’essence sans-plomb 95, tandis que, pour encourager les biocarburants, celle du carburant SP95-E10 serait diminuée du même montant.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement I-CF 199 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. L’amendement I-CF 199 vise à éviter que les transports marchands ne soient exonérés de la hausse de la TICPE sur le gazole. Non seulement ce sont les ménages qui paient mais, de surcroît, on exonère les transporteurs routiers de cette hausse de 2 centimes.

Mme la Rapporteure générale. Sagesse.

M. Charles de Courson. Fréquentant cette maison depuis vingt et un an, j’en ai connu des gouvernements de toute sensibilité qui ont voulu jouer avec cela. Cela s’est toujours terminé de la même manière : grève générale, blocage des routes, et le Gouvernement devant tout lâcher. Aujourd’hui, 25 % des entreprises de transport sont déficitaires ; pour la première fois depuis cinquante ans, elles licencient à tour de bras ! Les effectifs, qui augmentaient constamment, baissent par milliers. Ce n’est pas sérieux !

M. Marc Le Fur. Dans le cadre de la commission présidée et rapportée par notre collègue Jean-Paul Chanteguet sur l’écotaxe poids lourds, certains d’entre nous avaient proposé des solutions pour financer l’AFITF. Une partie des 20 milliards d’euros du CICE ne va pas à des entreprises confrontées à la concurrence mondiale, notamment celles de la grande distribution. On pourrait peut-être en extraire une part pour financer les infrastructures de transport. Autre hypothèse, une taxation spéciale sur les autoroutes, qui procurent aux sociétés concessionnaires des bénéfices conséquents. Je déposerai un amendement en ce sens. Ce sont autant d’éléments qui nous permettraient d’éviter la révolte des automobilistes obligés de prendre leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail.

M. le président Gilles Carrez. Heureusement, les prix des carburants sont à la baisse en ce moment.

M. Marc Le Fur. Mais la situation peut évoluer très rapidement.

M. Dominique Lefebvre. C’est un sujet sensible, explosif même. Pour ma part, je souhaite qu’on en reste à la proposition du Gouvernement. Quand on veut réduire le déficit public et que l’on baisse une recette, il faut baisser une dépense. Dans le cas d’espèce, si on renonce à cette mesure, ce sont les dépenses d’infrastructures de transport qui diminueront. Alors que nombre de collègues plaidaient tout à l’heure pour la sauvegarde de l’investissement public local, ils ne veulent pas voter les ressources permettant de financer les milliards d’investissements nécessaires à la modernisation et la compétitivité de nos infrastructures. Bien évidemment, c’est contraints et forcés que nous recourons à ce moyen, dont on connaît l’impact global et qui permet de faire converger lentement la fiscalité du diesel et celle de l’essence. Ne pas consentir à cette augmentation modérée, c’est se résoudre à accepter deux fois moins d’investissements publics sur les infrastructures en 2015 et au-delà.

M. Jean-Pierre Gorges. Monsieur de Courson, je ne comprends pas votre raisonnement. Souvenez-vous que le seul outil qui a permis de faire avancer les biocarburants de deuxième, troisième ou quatrième génération, c’est la fiscalité. L’idéal aurait certes été d’accorder un petit bonus à l’essence par rapport au diesel, mais le contexte actuel l’interdit. Si nous devions refuser de prendre une telle disposition, nous n’inciterions pas l’industrie à se réorganiser et à fabriquer des moteurs différents.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement I-CF 89 du président Gilles Carrez. 

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement a pour objet de pérenniser l’affectation à l’AFITF d’une part de la TICPE, justifiant ainsi le relèvement de la taxe applicable au gazole.

Mme la Rapporteure générale. Vous souhaitez garantir une affectation dynamique à l’AFITF au-delà de 2015. J’y suis favorable.

La Commission adopte l’amendement (amendement I-248).

Elle adopte ensuite l’article 20 modifié.

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Article additionnel après l’article 20
Plafonnement de la contribution au service public de l’électricité
due par les entreprises électro-intensives

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 61 de M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. La loi fixe un plafond pour la contribution au service public de l’électricité (CSPE) payée par les entreprises électro-intensives du secteur industriel. Or la France compte quelques entreprises de même nature dans le secteur agricole, notamment celles ayant recours à des serres chaudes. Au nom de l’équité, l’amendement propose d’étendre aux entreprises du secteur agricole le plafond prévu pour le secteur industriel.

Mme la Rapporteure générale. Le périmètre envisagé semble limité. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° I-249).

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C.– Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 21
Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants

L’article 1er de la LOLF dispose que « dans les conditions et sous les réserves prévues par la présente loi organique, les lois de finances déterminent, pour un exercice, la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte ».

Son article 16 dispose pour sa part que « certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. Ces affectations prennent la forme de budgets annexes, de comptes spéciaux ou de procédures comptables particulières au sein du budget général, d’un budget annexe ou d’un compte spécial ».

Les affectations de ressources au sein du budget de l’État, autorisées par l’article 16 précité, devant être déterminées pour chaque exercice en application de l’article 1er de la loi organique relative aux lois de finances, le présent article propose de les confirmer pour l’année 2015. Cette confirmation doit s’entendre sous réserve des dispositions particulières qui pourraient être prises dans le présent projet de loi de finances.

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La Commission adopte l’article 21 sans modification.

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Article 22
Prorogation de l’exemption de contribution au désendettement de l’État
des produits de cessions de certains biens domaniaux

Le présent article modifie l’article 47 de la loi de finances pour 2006 (181), qui détaille les recettes et dépenses retracées sur le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État, de manière à :

– proroger au-delà de 2014 l’affectation de 30 % du produit des cessions de biens immobiliers de l’État au désendettement ;

– maintenir l’exemption dont bénéficient les cessions immobilières réalisées par le ministère de la défense jusqu’au 31 décembre 2019, conformément à ce que prévoit la loi de programmation militaire pour les années 2014-2019 (LPM) (182) ;

– transformer l’exemption dont bénéficient les cessions de biens situés à l’étranger en une exemption partielle réservée aux seuls biens occupés par le ministère des affaires étrangères.

Les conditions de création du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État illustrent l’importance croissante donnée au pilotage de la politique immobilière de l’État.

Alors que la question de l’introduction d’un tel compte avait été soulevée au cours de l’examen de la LOLF, cette solution avait finalement été repoussée au motif que les services gestionnaires des biens concernés seraient davantage responsabilisés par la conservation des crédits relatifs à l’entretien et à la restructuration du parc immobilier dans le budget des ministères.

Toutefois, cette solution entravait le pilotage d’ensemble du patrimoine immobilier de l’État et son évaluation. À la suite de travaux réalisés par le Parlement sur la politique immobilière de l’État (183), il a été décidé de renforcer ce pilotage par la mise en place d’un d’un CAS, créé par l’article 8 de la loi de finances rectificative pour 2005 (184) et dont le fonctionnement a été précisé, après l’entrée en vigueur de la LOLF, par l’article 47 de la loi de finances pour 2006 précité.

Conformément à l’article 21 de la LOLF, aux termes duquel « les comptes d’affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées », le CAS regroupe l’ensemble des recettes et dépenses relevant de la gestion du patrimoine immobilier de l’État.

Ces recettes sont constituées :

– du produit des cessions de biens immeubles de l’État et des droits à caractère immobilier attachés aux immeubles de l’État ;

– des versements en provenance du budget général ;

– des fonds de concours.

En 2013, la part de chacune de ces catégories de recettes dans les recettes totales du CAS se répartissait comme suit :

VENTILATION DES RECETTES DU CAS EN 2013

(en millions d’euros)

Produits de cessions

391

96,3 %

Fonds de concours

9,4

2,3 %

Versements du budget général

5,4

1,4 %

Total des encaissements du CAS au 31 décembre 2013

406

100 %

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2013, mai 2014.

En dépenses, sont inscrites :

– les dépenses d’investissement ou de fonctionnement liées aux opérations immobilières réalisées par l’État ;

– les dépenses liées à des opérations de cession, d’acquisition ou de construction d’immeuble ; – les versements opérés au profit du budget général ;

– les versements opérés au profit du budget annexe Contrôle et exploitation aériens au titre des cessions d’immeubles occupés par la direction générale de l’aviation civile (DGAC).

VENTILATION DES DÉPENSES DU CAS EN 2013

(en millions d’euros)

Contribution au désendettement

76,10

13,3 %

Dépenses immobilières (crédits de paiement exécutés)

494,34

86,7 %

Total des dépenses du CAS

570,44

100 %

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2013, mai 2014.

Si le solde des opérations du CAS est négatif en 2013 (– 164,5 millions d’euros) du fait d’une surévaluation des recettes et de dépenses en augmentation, ce déficit a été absorbé par les réserves constituées par le CAS au cours des années précédentes (185).

Sur une plus longue période, les enjeux financiers liés à la gestion du patrimoine immobilier de l’État sont significatifs. En effet, en moyenne depuis 2010, les opérations en dépenses et en recettes enregistrées sur le CAS ont représenté plus de 900 millions d’euros. Depuis la création du CAS, 5,13 milliards d’euros de cessions ont ainsi été réalisés.

ÉVOLUTION DES RECETTES ET DÉPENSES DU CAS DE 2010 À 2013

(en millions d’euros)

Opérations

2010

2011

2012

2013

Cessions réalisées

502

598

515

391

Crédits de paiement exécutés

375

366

400

494

Source : note d’exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2013, mai 2014.

2009

2010

2011

2012

2013

2014

15 %

15 %

15 %

20 %

25 %

30 %

Le programme 721 du CAS Contribution au désendettement de l’État est ainsi alimenté par une fraction du produit des cessions réalisées.

Si le solde du CAS est négatif, l’équilibre du compte repose sur une diminution de sa trésorerie, comme ce fut le cas en 2013. S’il est positif, la trésorerie disponible augmente. La contribution au désendettement n’est, quant à elle, jamais ajustée aux résultats des opérations immobilières constatées au titre d’une année.

La participation des ministères à l’effort de désendettement connaît toutefois certaines exceptions. Alors que le régime de droit commun incite les ministères à gérer de façon dynamique les biens immobiliers qu’ils occupent par l’attribution d’un taux de retour sur les cessions réalisées fixé pour 2013 à 55 % (188), certains d’entre eux bénéficient d’un régime dérogatoire, dit « de retour intégral », qui les dispense de tout effort en faveur du désendettement.

L’article 47 de la loi de finances pour 2006 prévoit ainsi que sont exemptés les produits des cessions :

– des immeubles domaniaux occupés par le ministère de la défense jusqu’au 31 décembre 2014 ;

– des immeubles domaniaux situés à l’étranger jusqu’à la même date ;

– des biens affectés à des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel ayant demandé à bénéficier de la dévolution de leur patrimoine immobilier ;

– des biens immobiliers affectés ou mis à disposition d’établissements publics exerçant des missions d’enseignement supérieur ou de recherche pour la fraction du produit des cessions contribuant au financement de projets immobiliers situés dans le périmètre de l’opération d’intérêt national d’aménagement du plateau de Saclay ;

– des biens immobiliers occupés par la DGAC. Le produit des cessions de ces biens est affecté intégralement au désendettement du budget annexe Contrôle et exploitation aériens.

Du fait de ces exemptions, le taux de contribution au désendettement est bien plus faible que l’objectif de 30 % fixé par la loi.

PRODUIT DES CESSIONS IMMOBILIÈRES AFFECTÉ AU DÉSENDETTEMENT

(en millions d’euros)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Produit de cessions

401,5

475

504,6

597,7

514,7

391

Part affectée au désendettement

61,8

22,8

50,5

62,46

63,89

69,1 (189)

Taux de participation au désendettement prévu par la loi

15 %

15 %

15 %

20 %

25 %

%

15,4 %

4,8 %

10 %

10,5 %

12,4 %

17,7 %

Source : France Domaine

À plusieurs reprises, la Cour des comptes a regretté la faiblesse relative des montants alloués in fine au désendettement de l’État. Dans sa note sur l’exécution budgétaire du CAS en 2013, publiée en mai 2014 (190), elle soulignait ainsi que « les exonérations conférées au ministère de la défense, aux immeubles situés à l’étranger et à la DGAC devraient être strictement limitées à quelques opérations immobilières structurantes, voire entièrement supprimées ».

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Total

210

200

200

50

0

0

660

Source : ministère de la Défense.

Le rapport annexé à la LPM du 18 décembre 2013 prévoit ainsi que « les ressources budgétaires sont complétées du produit des cessions des immeubles devenus inutiles à la défense. L’intégralité des produits des cessions immobilières réalisées sur la période 2014-2019 sera affectée au financement de l’infrastructure de la défense ».

• La prorogation sous conditions de l’exemption des cessions de biens immobiliers situés à l’étranger

Le 3° prolonge l’exemption dont bénéficient les biens immobiliers situés à l’étranger jusqu’au 31 décembre 2017 en la conditionnant :

– au versement d’une contribution minimale forfaitaire de 25 millions d’euros. Ce versement interviendrait chaque année jusqu’en 2017.

– à l’occupation des biens cédés par le ministère des affaires étrangères.

Le maintien d’une exemption partielle répond, selon l’évaluation préalable du présent article, à un « besoin de financement identifié » qui ne fait pas l’objet d’une présentation plus détaillée. Toutefois, cette même évaluation indique que « ce mécanisme (d’exemption partielle) permet tout à la fois de rapprocher progressivement le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI) du régime de droit commun et d’inciter à une gestion dynamique du parc immobilier du ministère à l’étranger ». Cette précision permet d’envisager dans un avenir proche la suppression définitive de l’exemption à l’effort de désendettement dont bénéficie ce ministère.

*

* *

La Commission adopte l’article 22 sans modification.

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Article 23
Extension des recettes du CAS Fréquences au produit des redevances des bandes de fréquences 694 MHZ – 790 MHz et prorogation étendue du régime du retour intégral des recettes à ce compte

Le présent article tire les conséquences de l’adoption de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (LPM).

Cette loi de programmation prévoit, en effet, des recettes exceptionnelles au profit du ministère de la défense à hauteur de 6,1 milliards d’euros, dont environ 3,5 milliards devraient être issus de la vente, par voie de mise aux enchères, de la bande de fréquences comprise entre 694 MHz et 790 MHz, communément appelée « bande des 700 MHz ».

Dès lors, il est nécessaire de modifier les recettes et les dépenses du compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien, des systèmes et des infrastructures de télécommunications de l’État, dit « CAS Fréquences », afin, d’une part, de distinguer en recettes les ressources qui seront tirées de la vente des fréquences et, d’autre part, de proroger le régime dit « de retour intégral » du produit de ces redevances au profit du ministère de la défense.

L’article 19 de la LOLF prévoit que l’affectation d’une recette à un compte spécial ne peut résulter que d’une disposition de loi de finances.

Le CAS Fréquences a été créé par l’article 54 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009. L’ouverture de ce compte a répondu à la volonté d’inscrire la gestion des fréquences hertziennes dans une stratégie patrimoniale de valorisation de biens immatériels par le versement de redevances pour l’utilisation de fréquences libérées par l’État. Il est composé de deux programmes :

– Programme 761 Désendettement de l’État ;

– Programme 762 Optimisation de l’usage du spectre hertzien

Le compte d’affectation spéciale a été utilisé pour la première fois en 2011 via l’attribution à des opérateurs privés de bandes de fréquences libérées par le ministère de la défense, d’abord issues de la bande des 2,6 GHz (produit de cession de 936 millions d’euros reçu en 2011) puis de celle des 800 MHz (produit de 1,3 milliard d’euros, reçu en janvier 2012). Le CAS est ainsi quasi exclusivement alimenté par les cessions de fréquences du ministère de la défense et, dans une moindre mesure, par celle du ministère de l’intérieur.

L’article 54 de la loi précitée précise les recettes et les dépenses du CAS. Il retrace ainsi :

1° En recettes :

a) le produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquences libérées par les ministères affectataires, à compter du 1er janvier 2009 ;

b) le produit de la cession de l’usufruit de tout ou partie des systèmes de communication militaires par satellites de l’État intervenant dans les conditions fixées au II de l’article 61 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;

c) le produit de la cession de l’usufruit de tout ou partie des systèmes de communication radioélectrique des services de l’État, dans les conditions fixées au II de l’article 48 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

d) le produit des redevances d’occupation domaniale résultant d’autorisations d’utilisation de points hauts des réseaux de télécommunication et de transmission des services de l’État, dans les conditions fixées au même II ;

e) les versements du budget général ;

f) les fonds de concours ;

a) les dépenses d’investissement et de fonctionnement liées aux services de télécommunications utilisant le spectre hertzien ou visant à en améliorer l’utilisation, y compris le transfert de services vers des supports non hertziens ;

b) les dépenses d’investissement et de fonctionnement liées à l’interception ou au traitement des émissions électromagnétiques, à des fins de surveillance ou de renseignement ;

c) les dépenses d’investissement et de fonctionnement destinées à l’acquisition et à la maintenance d’infrastructures, de réseaux, d’applications, de matériels et d’équipements d’information et de communication radioélectriques liées à l’exploitation du réseau ;

d) les versements au profit du budget général pour un montant qui ne peut être inférieur à 15 % du produit visé au a du 1°. Ces versements ne s’appliquent pas au produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquences libérées par le ministère de la défense jusqu’au 31 décembre 2014 et par le ministère de l’intérieur jusqu’au 31 décembre 2018.

Il convient de souligner que l’alinéa d) de la partie « dépenses » prévoit que le produit des cessions de fréquences peut contribuer au désendettement, au minimum à hauteur de 15 % du produit d’une vente, en étant reversé sur le programme 761.

Il s’agit d’un système comparable dans sa logique à celui en vigueur dans le domaine de la gestion du patrimoine immobilier de l’État, qui prévoit que 25 % du produit d’une cession immobilière doit contribuer au désendettement de l’État à partir de 2014 (20 % en 2013).

Toutefois, à la différence des règles automatiques qui s’appliquent au sein du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État, l’alinéa d) de la partie dépenses du CAS Fréquences ne prévoit pas d’automaticité de la contribution au désendettement mais seulement une contribution facultative qui reposerait, le cas échéant, sur une contribution plancher fixée à 15 % de la somme perçue lors de la cession.

En outre, le ministère de la défense bénéficie d’une dérogation à cette contribution au désendettement qui lui assure de percevoir la totalité des recettes issues de la vente de bandes de fréquences dont il était affectataire avant leur cession, et ceci jusqu’au 31 décembre 2014 (31 décembre 2018 pour le ministère de l’intérieur). C’est ce qu’on appelle le régime de « retour intégral » au profit de certains ministères – le ministère de la défense en bénéficie également pour ses cessions immobilières qui sont également exemptées de contribution au désendettement et lui reviennent en totalité. Étant donné que les cessions de fréquence du ministère de la défense sont les seules à avoir alimenté les recettes du CAS jusqu’à ce jour, le programme 761 Contribution au désendettement de l’État n’a donc jamais été utilisé.

Le dispositif proposé agit sur les recettes et sur les dépenses.

En dépenses, il s’agit de prolonger le régime de « retour intégral », au profit du ministère de la défense, sur l’ensemble de la période prévue par la loi de programmation militaire (2014-2019). Par conséquent, il est nécessaire de modifier à nouveau l’alinéa d) de la partie dépenses du CAS afin d’étendre ce régime dérogatoire du 31 décembre 2014 au 31 décembre 2019.

En recettes, le présent article complète la liste des recettes affectées au compte par le produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquences comprises entre 694 MHz et 790 MHz. Le produit de la mise aux enchères de la bande de fréquences sera ainsi clairement identifié dans un nouvel alinéa g).

Il convient de souligner que, pour atteindre le montant de 6,1 milliards d’euros de recettes exceptionnelles prévu par la loi de programmation militaire, trois types de ressources ont été mis en avant : les crédits issus de programmes d’investissement d’avenir (1,5 milliard d’euros), les produits des cessions immobilières de certaines emprises ou terrains militaires (environ 1 milliard d’euros) et le produit des redevances acquittées par les opérateurs privés pour l’utilisation des bandes de fréquences qu’il libère (3,5 milliards d’euros).

S’ajoutent encore 100 millions d’euros issus des redevances de fréquences cédées antérieurement par le ministère de la défense, en particulier de la cession de la bande des 800 MHz en 2011-2012, et 150 000 euros provenant des redevances d’occupation domaniale de points hauts, c’est-à-dire de biens domaniaux situés en altitude et mis à disposition des opérateurs pour une meilleure diffusion des ondes.

Néanmoins, l’utilisation de la « bande des 700 MHz » dépend d’une mise aux enchères. Il est donc difficile d’anticiper le montant exact qui sera acquitté par les opérateurs privés.

Aux incertitudes sur le montant final s’ajoute enfin le caractère incertain du calendrier de perception de ces recettes.

En effet, ces dernières devraient, selon la trajectoire financière prévue par la LPM, alimenter le budget de la défense dans la période 2015-2017. L’article 3 de la LPM prévoit ainsi que les ressources exceptionnelles, exprimées en milliards d’euros courants, évolueront comme suit :

CALENDRIER DE PERCEPTION DES RESSOURCES EXCEPTIONNELLES
PAR LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

2014

2015

2016

2017

2018

2019

1,77

1,77

1,25

0,91

0,28

0,15

Source : article 3 de la loi de programmation militaire.

On constate donc que le ministère de la Défense attend l’essentiel des recettes issues de la vente de la bande des 700 MHz sur les années 2015, 2016 et 2017. En effet, les 1,77 milliard d’euros programmés pour 2014 provenaient des investissements d’avenir (1,5 milliard d’euros) et des cessions immobilières (277 millions d’euros) et ont déjà été consommés.

La vente de la bande des 700 MHz dépend en partie de la conclusion des négociations mondiales, également déclinées au niveau européen, portant sur le « deuxième dividende numérique », qui vise à libérer et à organiser la mise sur le marché de nouvelles fréquences au profit d’opérateurs privés. La Conférence mondiale des radiocommunications de 2015 (CMR-15), qui se tiendra à Genève du 2 au 27 novembre 2015 sous l’égide de l’Union internationale des télécommunications, doit prendre des décisions importantes en matière d’organisation et d’utilisation du spectre radioélectrique dans le monde entier.

Or, il est peu probable que les opérateurs privés souhaiteront acquérir des fréquences dès 2015, avant même la conclusion des négociations dans ce domaine. La même difficulté se posera certainement en 2016, ce qui entraînera un décalage dans la perception des recettes au profit du ministère de la défense.

Lors de sa visite au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), en date du 2 octobre, le Président de la République a cependant indiqué que la vente de la bande des 700 MHz devait « impérativement » être lancée en 2015 par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), ce qui pourrait signifier l’organisation d’enchères dès l’année prochaine.

En effet, l’absence de ressources exceptionnelles pour 2015 est la principale raison qui incite le ministère de la défense à vouloir mettre en place une « société de projets », alimentée par des cessions d’actifs au sein d’entreprises publiques de défense, afin de compenser ce décalage dans la perception des recettes issues de la vente de la bande des 700 MHz.

En tout état de cause, la conduite de ces opérations est subordonnée à l’adoption des dispositions techniques prévues par le présent article.

*

* *

La Commission adopte l’article 23 sans modification.

*

* *

Article 24
Modification des recettes et des dépenses du CAS Apprentissage (FNDMA)

Le présent article adapte l’architecture du compte d’affectation spéciale (CAS) Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (FNDMA) et le transforme en vecteur de répartition de la fraction régionale du produit de la taxe d’apprentissage.

Il s’inscrit dans le cadre de la réforme du financement de l’apprentissage, déjà décrite à l’article 13 du présent projet de loi de finances.

Recettes

Dépenses

Art. 23 LFR 2011

Lignes

Prév.

Art. 23 LFR 2011

Programmes

AE=CP

« La part du quota mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 6241-2 du code du travail »

(a du 1°)

01 - Fraction du quota de la taxe d’apprentissage (22 % du produit de la taxe)

453

« Une fraction de la dotation générale de décentralisation -0 Formation professionnelle et apprentissage -0 (…) répartie selon les mêmes modalités que celles retenues pour la compensation financière de l’indemnité compensatrice forfaitaire »

(e du 2°)

787 - Péréquation entre régions et compensation au titre du transfert du versement de

l’indemnité compensatrice forfaitaire

450

« Le financement des centres de formation d’apprentis et des sections d’apprentissage [faisant l’objet d’un conventionnement] »

(a)

788 - Contractualisation pour le développement et la modernisation de l’apprentissage

360

« Le produit de la contribution

supplémentaire prévue à l’article 230 H du code général des impôts »

(c)

02 - Contribution supplémentaire à l’apprentissage

235

« Le financement des actions arrêtées en application des contrats d’objectifs et de moyens (…) ou (…) des actions de développement et de modernisation »

(b)

« Les versements opérés au Trésor public en application de la section 3 du chapitre II du titre V du livre II de la sixième partie du même code » (b)

03 - Recettes diverses ou accidentelles, dont :

− Sanctions prévues en matière de taxe d’apprentissage

− Fonds de concours

0

« Le versement aux entreprises de 250 salariés et plus dépassant le seuil prévu au I de l’article 230 H du code général des impôts d’aides »

(d)

789 - Incitations financières en direction des entreprises respectant les quotas en

Alternance (« bonus alternant »)

15

« Les fonds de concours »

(d)

« Le financement d’actions nationales de communication et de promotion de l’apprentissage »

(c)

« Le reversement de recettes indûment perçues au titre des années antérieures à l’exercice budgétaire en cours »

(f)

SOUS-TOTAL

688

SOUS-TOTAL

825

Report

+ 160

Report

 

TOTAL

848

TOTAL

825

Source : programmes annuels de performances annexés aux projets de loi de finances pour 2013 et 2014.

Comme l’avait pointé le précédent Rapporteur général, les dispositions de l’article 60 de la loi de finances rectificative pour 2013, qui pourtant avaient lancé la réforme du financement de l’apprentissage, ne prévoyaient rien pour adapter les contours du CAS FNDMA. Il est vrai que l’entrée en vigueur de la nouvelle taxe d’apprentissage avait été fixée au 1er janvier 2015.

L’article 8 de la loi de finances rectificative pour 2014 (191) a toutefois procédé à une première adaptation en prévoyant que, à titre dérogatoire, certaines dépenses afférentes à la répartition de la fraction régionale du produit de la taxe d’apprentissage pourraient être inscrites sur le compte dès 2014.

Il est, en effet, apparu que, pour les entreprises qui disparaissent au cours de l’exercice, la masse salariale 2014 donnait lieu au paiement de la taxe d’apprentissage dès l’année 2014, et non l’année suivante comme dans le droit commun. Il convenait donc d’appliquer à cette assiette 2014 le régime rénové de la taxe d’apprentissage et d’organiser la répartition de la fraction régionale correspondant.

Toutefois, l’évaluation préalable de ce projet de loi renvoyait à la prochaine loi de finances le soin de procéder à d’autres ajustements de l’architecture du CAS FNDMA.

ARCHITECTURE DU CAS FNDMA

(LFR 2014)

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Art. 23 LFR 2011

Lignes

Prév.

Art. 23 LFR 2011

Programmes

AE=CP

« La fraction mentionnée au I de l’article L. 6241-2 du code du travail »

(a du 1°)

01 - Fraction du quota de la taxe d’apprentissage

(22 % du produit de la taxe si l’assiette est la masse salariale 2013, ou 51 % du produit de la taxe si l’assiette est la masse salariale 2014)

453

« Une fraction de la dotation générale de décentralisation -0 Formation professionnelle et apprentissage -0 (…) répartie selon les mêmes modalités que celles retenues pour la compensation financière de l’indemnité compensatrice forfaitaire »

(e du 2°)

787 - Péréquation entre régions et compensation au titre du transfert du versement de

l’indemnité compensatrice forfaitaire

490,77

-0 Une partie du financement prévu (…) en compensation de la prise en charge par les régions et la collectivité territoriale de Corse du versement des primes d’apprentissage »

(f)

« Le financement des centres de formation d’apprentis et des sections d’apprentissage [faisant l’objet d’un conventionnement] »

(a)

788 - Contractualisation pour le développement et la modernisation de l’apprentissage

360

« Le produit de la contribution

supplémentaire prévue à l’article 1609 quinvicies du code général des impôts »

(c)

02 - Contribution supplémentaire à l’apprentissage

314

« Le financement des actions arrêtées en application des contrats d’objectifs et de moyens (…) ou (…) des actions de développement et de modernisation »

(b)

« Les versements opérés au Trésor public en application de la section 3 du chapitre II du titre V du livre II de la sixième partie du même code » (b)

03 - Recettes diverses ou accidentelles, dont :

− Sanctions prévues en matière de taxe d’apprentissage

− Fonds de concours

0

« Le versement aux entreprises de 250 salariés et plus dépassant le seuil prévu au I de l’article 230 H du code général des impôts d’aides »

(d)

789 - Incitations financières en direction des entreprises respectant les quotas en

Alternance (« bonus alternant »)

15

« Les fonds de concours »

(d)

« Le financement d’actions nationales de communication et de promotion de l’apprentissage »

(c)

« Le reversement de recettes indûment perçues au titre des années antérieures à l’exercice budgétaire en cours »

(g)

SOUS-TOTAL

774

SOUS-TOTAL

865,77

Report

 

Report

 

TOTAL

774

TOTAL

865,77

Source : programme annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015.

Dans le cadre de la réforme du financement de l’apprentissage adoptée en 2013-2014, ce CAS sera privé, à compter du 1er janvier 2015, du produit de la CSA (soit 235 millions d’euros), désormais fléchée vers les centres de formation des apprentis, tandis que les concours qu’il finançait disparaissent au profit d’une affectation directe aux régions de 51 % du produit de la taxe d’apprentissage. La question de la pérennité de ce compte d’affectation spéciale pouvait donc se poser. Le présent article tire les conséquences de l’article 8 de la loi de finances rectificative pour 2014 (192) et modifie les recettes et les dépenses actuelles du CAS FNDMA énumérées respectivement aux 1° et 2° de l’article 23 de la loi de finances pour 2011 (193).

Les alinéas 2 à 5 (A) du présent article remplacent les deux principales recettes du compte par la fraction de la taxe d’apprentissage affectée aux régions, mentionnée au premier alinéa du I de l’article L. 6241-2 du code du travail, tandis que les deux autres recettes – les sanctions et les fonds de concours dont les montants sont marginaux – sont reconduites.

Alors qu’il avait pu être envisagé de faire transiter par ce compte l’intégralité de la nouvelle « ressource régionale de l’apprentissage » – c’est-à-dire l’addition de la fraction de la taxe d’apprentissage affectée aux régions et la fraction de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) transférée par l’État aux régions –, cette option est écartée au motif que « la fraction de TICPE dont il est question ne présente pas un lien par nature suffisant avec les dépenses en faveur de l’apprentissage pour qu’elle puisse être affectée à un compte d’affectation spéciale », faisant ainsi une application scrupuleuse de l’article 21 de la LOLF. La lisibilité du schéma de financement de la réforme de l’apprentissage ne s’en trouve pas améliorée.

Symétriquement, les alinéas 6 à 11 (B) « sabrent » dans l’énumération des dépenses du compte, qui se résume désormais au reversement d’une partie la ressource régionale pour l’apprentissage prévue à l’article L. 6241-2 du code du travail et, marginalement, à la restitution des recettes indûment perçues.

Dès lors, il est permis de se demander s’il n’aurait pas mieux valu supprimer ce compte d’affectation spéciale et verser directement aux régions la fraction de la taxe d’apprentissage qui leur est affectée, ainsi que cela se pratique couramment pour la fiscalité transférée aux collectivités territoriales. La Rapporteure générale estime, toutefois, que ce compte ne perd pas tout à fait son utilité, dans la mesure où la fraction régionale sera composée d’une part fixe (1,544 milliard d’euros) et, surtout, d’une part dynamique (100 millions d’euros en 2015) dont l’évolution pourra être détaillée région par région par les documents annexés au projet de loi de finances de l’année. Il permettra ainsi au Parlement, grâce au travail des rapporteurs spéciaux des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, d’assurer un suivi de la réforme.

ARCHITECTURE DU CAS FNDMA

(PLF 2015)

(en millions d’euros)

Recettes

Dépenses

Art. 23 LFR 2011

Lignes

Prév.

Art. 23 LFR 2011

Programmes

AE=CP

« La fraction mentionnée au premier alinéa du I de l’article L. 6241-2 du code du travail »

(a du 1°)

01 - Fraction de la taxe d’apprentissage

(51 % du produit de la taxe)

1 491

« Le reversement aux régions, à la collectivité territoriale de Corse et au Département de Mayotte d’une partie de la ressource régionale pour l’apprentissage prévue à l’article L. 6241-2 du code du travail »

(a)

787 - Répartition régionale de la

ressource consacrée au

développement de

l’apprentissage

1 398

« Les versements opérés au Trésor public en application de la section 3 du chapitre II du titre V du livre II de la sixième partie du même code » (b)

02 - Recettes diverses ou accidentelles, dont :

− Sanctions prévues en matière de taxe d’apprentissage

− Fonds de concours

0

« Le reversement de recettes indûment perçues au titre des années antérieures à l’exercice budgétaire en cours »

(b)

790 - Correction financière des

disparités régionales de taxe

d’apprentissage et incitations au

développement de

l’apprentissage

93

« Les fonds de concours »

(c)

SOUS-TOTAL

1 491

SOUS-TOTAL

1 491

Report

 

Report

 

TOTAL

1 491

TOTAL

1 491

Source : programme annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015.

Enfin, les alinéas 12 à 14 (II à IV) précisent les modalités d’entrée en vigueur du présent article.

Ainsi, l’alinéa 12 précise que la nouvelle architecture n’est applicable qu’aux contributions et taxes dues au titre des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2014, c’est-à-dire concrètement à la taxe d’apprentissage perçue en 2015 sur la masse salariale 2014. L’alinéa 14 supprime le caractère dérogatoire, introduit par l’article 8 de la première loi de finances rectificative pour 2014, du versement de la ressource régionale pour l’apprentissage, via le CAS, pour la fraction du produit de la taxe d’apprentissage correspondant au recouvrement sur la base de la masse salariale non pas de l’année précédente, mais de l’année en cours.

En dernier lieu, l’alinéa 13 permet, pendant deux ans, d’exécuter des dépenses qui auraient été engagées sur la base de l’ancienne architecture du compte d’affectation spéciale.

*

* *

La Commission adopte l’article 24 sans modification.

*

* *

Article 25
Modification des recettes du compte d’affectation spéciale
Développement agricole et rural
(CAS DAR)

Le présent article affecte la totalité de la taxe sur le chiffre d’affaire des exploitants agricoles prévue à l’article 302 bis MB du code général des impôts au compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (CAS DAR), afin de conforter le développement agricole, à la suite notamment de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt adoptée définitivement par l’Assemblée nationale le 11 septembre 2014. Cette augmentation de 22 millions d’euros a pour objet de financer les nouvelles actions – recherche appliquée, études et expérimentations, détections des innovations de terrain – portées par ce compte à la suite du vote de la dite loi.

Le développement agricole et rural vise à diffuser les effets du progrès technique dans l’exploitation agricole. La portée de cette démarche s’est approfondie et étendue à la mesure même du changement qu’a connu l’agriculture française.

La CAS Développement agricole et rural est la traduction financière du soutien aux actions de développement agricole et rural, prévu à l’article L. 820-1 du code rural et la pêche maritime qui dispose que « le développement agricole a pour mission de contribuer à l’adaptation permanente de l’agriculture et du secteur de la transformation des produits agricoles aux évolutions scientifiques, technologiques, économiques et sociales dans le cadre des objectifs de développement durable, de qualité des produits, de protection de l’environnement, d’aménagement du territoire et de maintien de l’emploi en milieu rural. Relèvent du développement agricole :

– la mise en œuvre d’actions de recherche finalisée et appliquée ;

– la conduite d’études, d’expérimentations et d’expertises ;

– la diffusion des connaissances par l’information, la démonstration, la formation et le conseil ;

– l’appui aux initiatives locales entrant dans le cadre de sa mission… »

La politique de développement agricole a été marquée par des débats récurrents notamment :

– celui de la place respective de l’État et des représentants de la profession dans la définition des orientations générales et les décisions de mise en œuvre concrète ;

– celui de la nature des ressources : financement public ou financement professionnel et les conséquences à en tirer quant au pilotage de la politique de développement agricole.

L’article 43 de la loi n° 2002-1576 de finances rectificative pour 2002 du 30 décembre 2002 a créé l’Agence de développement agricole et rural (ADAR) et spécialement affecté une taxe à son financement. En effet, l’article mentionné a substitué une imposition de toute nature affectée à l’agence – la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles (article 302 bis MB du code précité) – à neuf taxes parafiscales perçues précédemment au profit de l’Agence nationale de développement agricole (ANDA).

Sont redevables de la taxe les exploitants agricoles, quel que soit leur statut juridique, soumis au titre de leurs activités agricoles à la TVA selon le régime simplifié de l’agriculture, et ceux imposables à la TVA selon de régime normal ou simplifié de l’agriculture qui exercent à la fois une activité agricole et une activité non agricole.

Le tarif de la taxe est composé d’une partie forfaitaire comprise entre 76 euros et 92 euros et d’une partie variable assise sur le chiffre d’affaires hors TVA relatif aux activités agricoles et fixée à 0,19% du chiffre d’affaires hors TVA jusqu’à 370 000 euros et à 0,05% au-delà de 370 000 euros.

La taxe est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la TVA.

Le produit de la taxe sur les exploitants agricoles est initialement affecté à l’ADAR pour 85 % de son produit.

L’article 52 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 a créé le CAS Développement agricole et rural afin de reprendre les attributions de l’ADAR.

Le CAS retrace :

– en recettes : la fraction de 85% du produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles. Le montant des recettes représentait 125 millions d’euros en 2014 ;

– en dépenses : les opérations relatives au développement agricole et rural.

Conformément à l’article R. 822-1 du livre VIII du code rural et de la pêche maritime, les actions du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) peuvent faire l’objet d’une subvention financée par le CAS DAR.

La priorité essentielle du PNDAR 2014-2020 est de « conforter le développement et la diffusion de systèmes de production innovants et performants à la fois du point économique, environnemental et sanitaire » en s’inscrivant dans le cadre du « projet agro-écologique pour la France ».

La programmation 2014-2020 consistera à orienter les structures chargées du conseil aux agriculteurs vers le développement et la diffusion de systèmes de production innovants et performants à la fois du point de vue économique, environnemental et sanitaire.

Les appels à projets s’étant multipliés sur des thématiques de recherche définies par le ministre de l’agriculture, en tenant compte des besoins des filières professionnelles et des attentes de la société, notamment dans le cadre de la signature de contrat d’objectifs entre le ministère et le réseau des instituts techniques agricoles et le réseau des chambres d’agriculture.

Afin d’assurer le financement de nouvelles actions de recherche appliquée et d’expérimentations définies par le PNDAR, il est proposé d’affecter la totalité du produit de la taxe sur le chiffre d’affaires au CAS DAR.

La nouvelle disposition est applicable de plein droit aux départements d’outre-mer régis par l’article 73 de la Constitution mais ne s’applique pas en revanche aux collectivités d’outre-mer visées à l’article 74 de la Constitution.

La recette supplémentaire attendue atteint 22 millions d’euros.

*

* *

La Commission adopte l’article 25 sans modification.

Article 26
Dissolution de l’Établissement public de financement et de restructuration (EPFR)

Le présent article supprime, à compter du 1er janvier 2015, l’Établissement public de financement et de restructuration (EPFR). L’EPFR a été créé par la loi n° 95-1251 du 28 novembre 1995 relative à l’action de l’État dans les plans de redressement du Crédit Lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs. Il est donc nécessaire, dans un souci de parallélisme des formes, de passer par la loi pour le supprimer.

L’EPFR a été créé afin d’assurer l’apurement des passifs du Crédit Lyonnais dans le cadre d’un montage financier à double étage :

– les actifs de qualité douteuse accumulés par le Crédit Lyonnais ont été acquis, en 1995, par la société anonyme « Consortium de réalisation » (CDR) ;

– cette acquisition a été financée par l’EPFR, lui-même endetté auprès du Crédit Lyonnais.

De 1995 à 1998, la Crédit Lyonnais a détenu le CDR puis à cette dernière date, l’EPFR l’a repris. En 1999, l’EPFR a abandonné sa créance sur le CDR qui s’est engagé à lui verser l’intégralité de ses bénéfices. Dès lors, les pertes associées à la défaisance du Crédit Lyonnais se sont concentrées sur l’EPFR.

En définitive, à compter de 1999, la structure de défaisance a été stabilisée sur un schéma simplifié consistant à loger l’actif de la défaisance dans le CDR et son financement dans l’EPFR et à limiter la participation du Crédit Lyonnais au rôle de créancier de l’EPFR.

Il convient toutefois de noter que, depuis 1995, l’État garantit l’ensemble de la défaisance puisque le financement de l’opération est assuré par l’EPFR, qui comme établissement public administratif bénéficie de la garantie implicite de l’État.

FONCTIONNEMENT DU CANTONNEMENT

Pour rembourser l’emprunt de 19,8 milliards d’euros initialement contracté auprès du Crédit Lyonnais, l’EPFR disposait de deux ressources principales : la liquidation des actifs du Crédit Lyonnais transférés au CDR et la perception de dotations versées par l’État. Il a également été autorisé à emprunter, dans la limite de 7,6 milliards d’euros (50 milliards de francs), pour payer les intérêts du prêt qui lui a été consenti par le Crédit Lyonnais.

La mobilisation de ces deux ressources a permis, en octobre 2013, de ramener à 4,48 milliards d’euros la dette reprise par l’État, composée de deux tranches : la première d’un montant de 2,64 milliards d’euros cédée par le Crédit Lyonnais en 2003 à la banque Deutsche Pfandbriefbank AG et la seconde d’un montant de 1,84 milliard d’euros détenue par le Crédit Lyonnais.

À cette date, les ressources de l’EPFR ne permettaient pas de rembourser le reliquat de dette. En effet, la liquidation des actifs opérée par le CDR permettait de libérer des fonds pour les affecter au remboursement de la dette. Toutefois, le portefeuille de valeur brute, constituée des valeurs les plus difficiles à céder, a logiquement diminué au fil des années pour atteindre 137 millions d’euros en décembre 2011. Si l’ensemble des actifs n’a pas permis d’apurer la totalité de la dette, la raison réside dans le fait que le montant de cession de ces actifs a été inférieur à leur prix d’acquisition auprès du Crédit Lyonnais, ce qui a conduit l’EPFR et donc l’État à essuyer les pertes.

D’autre part, il est apparu, dès 2003, que les dotations allaient constituer la principale ressource de l’EPFR. Si l’État a bien versé 8,9 milliards d’euros en numéraire et 1,7 milliard d’euros en actions Crédit Lyonnais à l’EPFR entre 1995 et 2006, aucun versement provenant de l’État n’a été opéré à compter de 2007 et l’EPFR a même dû faire face à une remontée de sa dette entre 2009 et 2010 au plus fort de la crise financière sans que le Gouvernement de l’époque ne trouve de solution pérenne pour apurer la dette.

Dans ces conditions, il a été procédé à une reprise de la dette par l’État au 31 décembre 2013 (article 81 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013).

La mission de l’EPFR est aujourd’hui terminée et son maintien ne se justifie plus. En effet :

– depuis le 31 décembre 2013, la dette de l’EPFR a été reprise par l’État ;

– le Crédit Lyonnais s’est engagé à accorder à l’EPFR des tirages additionnels sur l’emprunt souscrit d’un montant maximum de 1,52 milliard d’euros pour répondre aux éventuels besoins du CDR en matière de trésorerie et de couverture de risques non chiffrables. Ce droit expire le 15 décembre 2014 ;

– les perspectives financières de l’ensemble de la défaisance reposent désormais, non plus sur des cessions d’actifs dont la quasi-totalité a été réalisée, mais sur la matérialisation de risques dont l’État est de toutes les manières le garant final.

Le présent article propose de supprimer l’EPFR à compter du 1er janvier 2015. Ce choix a été fait pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, bien évidemment supprimer les frais de fonctionnement d’un organisme dont les missions peuvent être plus efficacement assurées directement par l’État. Ces frais se montent à 190 000 euros par an. De plus, l’État s’étant déjà substituer à l’EPFR en apurant sa dette, il convient de simplifier le circuit financier de la défaisant en permettant un contrôle plus direct de l’État et permettre à celui-ci de se rapprocher de la gestion du CDR (participation directe de l’État au capital du CDR).

Actif

Passif

Titres de participations

2,3

Capitaux propres

103,5

Prêts

26,7

Provisions pour risques et charges

6,9

Créances diverses

0

   

Disponibilités

81,4

   

Total

110,4

 

110,4

Source : évaluation préalable de l’article annexée au présent projet de loi de finances.

À compter du 1er janvier 2015, « les éléments de passif et d’actif de l’établissement ainsi que ses biens, droits et obligations seront transférés à l’État. La trésorerie détenue par l’établissement à la date de sa dissolution est reversée au compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État ».

*

* *

La Commission adopte l’article 26 sans modification.

*

* *

Article 27
Garantie des ressources de l’audiovisuel public et modalités de financement de TV5 Monde

Le présent article vise à clarifier le financement public du secteur audiovisuel français en consolidant le compte de concours financiers créé à cet effet.

Dans cette perspective, le présent article prévoit :

– l’augmentation de deux euros de la contribution à l’audiovisuel public (CAP), qui viendra s’ajouter à celle résultant de sa révision automatique en fonction de l’indice des prix à la consommation ;

– la possibilité de financer la société TV5 Monde par le biais de ce compte de concours financiers. En contrepartie, la subvention publique à cette société doit être par ailleurs réduite dans le présent projet de loi de finances ;

– un ajustement en conséquence des mécanismes destinés à assurer l’équilibre du compte par le biais du budget général de l’État.

Selon les chiffres fournis par le Gouvernement, l’augmentation de deux euros de la CAP devrait accroître son produit de 49,8 millions d’euros, tandis que la suppression de la subvention à TV5 Monde se soldera par une diminution des crédits budgétaires correspondant à hauteur de 76,2 millions d’euros. En conséquence, la garantie de financement du compte de concours financiers par l’État est actualisée à hauteur de 126 millions d’euros.

L’article 19 de la LOLF a créé la catégorie des comptes de concours financiers, en supprimant par ailleurs, à compter du 1er janvier 2006, celles des comptes d’avances et des comptes de prêts retraçant jusqu’alors les sommes mises à disposition d’organismes publics respectivement pour moins ou pour plus de deux années.

Ces comptes, dont la LOLF prévoit expressément qu’ils sont dotés de crédits limitatifs, ont pour avantage de permettre la réalisation d’avances, la plupart du temps au bénéfice de personnes publiques, avec un taux d’intérêt bonifié aligné sur celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance.

En application de ces dispositions, l’article 46 de la loi de finances pour 2006 (194) a prévu la création d’un compte de concours financiers destiné à retracer les avances à l’audiovisuel public.

Ce compte retrace :

– en dépenses, le montant des avances accordées à certaines personnes publiques intervenant dans le domaine audiovisuel. Conformément à la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite loi « Léotard » (195), il s’agit de la société nationale de programme France Télévisions, de la société nationale de programme Radio France, de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, de la société dénommée ARTE-France et de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) qui est un établissement public à caractère industriel et commercial (196) ;

– en recettes, d’une part, les remboursements d’avances correspondant au produit de la CAP, déduction faite des frais d’assiette et de recouvrement et du montant des intérêts sur les avances, et, d’autre part, le montant des dégrèvements de CAP pris en charge par le budget général de l’État.

La clarté de la présentation du compte de concours financiers a toutefois été limitée dès l’origine par un double mécanisme de garantie faisant intervenir à titre subsidiaire des crédits budgétaires.

En effet, l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2006 a d’abord prévu que la prise en charge des dégrèvements de redevance audiovisuelle par le budget général de l’État serait soumise à un plafond. Initialement fixé à 440 millions d’euros, ce montant a été révisé chaque année pour atteindre actuellement 527,3 millions d’euros. Compte tenu de l’architecture du compte de concours financiers, cette limitation se répercute en théorie automatiquement sur le montant des avances qui peuvent être consenties aux entreprises du secteur audiovisuel.

En outre, ce même article 46 a prévu la fixation en loi de finances initiale d’un produit minimal de CAP ; s’il s’avère que le produit réel de cette taxe est en dessous de la prévision, la différence est alors comblée par le budget général de l’État. Initialement fixé à 2 280,5 millions d’euros, ce plancher de recettes a été révisé progressivement pour atteindre 3 023,8 millions d’euros en 2014.

Ce mécanisme de garantie fait peser, en théorie, une grande responsabilité sur les personnes chargées de prévoir l’équilibre du compte de concours financiers, dans la mesure où une sous-évaluation de recettes de CAP se traduit automatiquement par une dépense budgétaire imprévue en cours d’exercice.

L’analyse de ce compte de concours financiers par la Cour des comptes en mai 2013 (197) laisse perplexe sur le respect des dispositions de la LOLF et de l’article 46 de la loi de finances initiale pour 2006.

Le rapport décrit en effet un compte de concours financiers fonctionnant de façon relativement virtuelle, avec des jeux d’écritures en recettes comme en dépenses permettant d’arrêter des chiffres qui s’équilibrent entre eux mais ne sont pas suivis des versements correspondants.

S’agissant d’abord des recettes du compte, le rapport indique que les remboursements en principe opérés par les bénéficiaires des avances « ne sont en aucune manière des remboursements réels par les organismes audiovisuels publics, mais un simple jeu d’écritures conduisant à alimenter le compte par deux flux » que sont d’une part le produit de la CAP et le remboursement des dégrèvements.

Quant au remboursement des dégrèvements de CAP en principe opéré par le budget de l’État, le rapport note que « la prise en charge des remboursements et dégrèvements par le budget général (...) se fait par des écritures d’ordre, puisqu’il n’y a pas de mouvements de caisse entre le budget général et le compte de concours financiers ».

S’agissant par ailleurs des dépenses ordonnées à partir du compte de concours financiers, le rapport note que les avances ne sont pas considérées comme telles par les organismes bénéficiaires, puisque « les organismes publics n’inscrivent pas dans leurs comptes une dette financière qui serait la contrepartie de l’avance consentie par l’État ». De ce fait, note la Cour, « l’opération ne se solde, en cours d’année, par aucun versement d’intérêt qui aurait vocation à alimenter le budget général en tant que recettes non fiscales ni, en fin d’année, par aucun remboursement du principal venant en recette du compte de concours financiers ».

En synthèse, la Cour des comptes indique que « le recours à un compte de concours financiers ne répond pas à la définition donnée par l’article 24 de la LOLF. Il crée une distorsion de traitement avec la comptabilité générale, difficile à expliquer, et permet d’exonérer les avances à l’audiovisuel de toute discipline budgétaire puisque les dépenses faites sur ce compte (...) échappent à la norme de dépense ».

Ce compte de concours financiers fonctionne donc davantage comme un compte d’affectation spéciale, permettant de ventiler les recettes affectées de la CAP entre les différents organismes bénéficiaires. Son intérêt principal est de pouvoir opérer des versements avant l’encaissement des recettes de CAP, ce qu’un compte d’affectation spéciale interdit en principe.

Exécution 2010

Évaluation initiale 2011

Évaluation révisée 2011

Évaluation proposée pour 2012

564 141

570 000

570 000

530 000

LES PRÉVISIONS DE RECETTES DE CAP ET LEUR EXÉCUTION EN PLF 2013

(en milliers d’euros)

Exécution 2011

Évaluation
LFR 2012-2

Évaluation révisée 2012

Évaluation proposée pour 2013

522 005

530 000

548 000

535 823

LES PRÉVISIONS DE RECETTES DE CAP ET LEUR EXÉCUTION EN PLF 2014

(en milliers d’euros)

Exécution 2012

Évaluation initiale 2013

Évaluation révisée 2013

Évaluation proposée pour 2014

502 571

544 103

509 600

527 300

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

Au-delà de ces écarts, il apparaît que les produits de la CAP effectivement encaissés entre 2010 et 2012 enregistrent une érosion tendancielle relativement marquée, qui semble malheureusement, au-delà d’un simple effet conjoncturel lié à la crise économique, corroborer l’idée que les consommateurs basculent progressivement vers des produits non soumis à ce prélèvement (écrans d’ordinateurs, projecteurs, tablettes).

À moyen terme, la question de l’assiette de cet impôt et des effets d’une augmentation du prélèvement sur les choix des consommateurs reste donc posée.

Numéro et intitulé du programme

Ouverts en LFI pour 2012

Ouverts en LFI pour 2013

Ouverts en LFI pour 2014

Demandés pour 2015

841. France Télévisions

2 131, 4

2 293, 1

2 430, 3

2 369,3

842. ARTE France

269, 1

268, 3

266, 2

267,2

843. Radio France

627, 7

624, 5

615, 1

614,4

844. Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure (France Média Monde à compter du PLF 2015)

169, 2

169, 2

168, 3

247,1

845. Institut National de l’Audiovisuel

92, 8

92, 4

70, 9

90,9

847. TV Monde (nouveau)

     

77,8

TOTAL

3 290, 4

3 447, 7

3 551, 1

3 666,7

Source : Projets annuels de performances 2013 et 2015.

Le tableau ci-dessus met en évidence une augmentation substantielle des moyens alloués, via le compte de concours financiers, aux entreprises du secteur, même si cette augmentation est pour l’essentiel concentrée sur France Télévisions.

L’augmentation de l’enveloppe accordée à ce groupe correspond en réalité à une baisse concomitante significative de sa dotation budgétaire.

Pour le reste, les autres structures ont vu leurs moyens provenant du compte de concours financiers enregistrer une légère diminution. Au total, le financement de l’audiovisuel public tend en outre à être assuré de plus en plus par le produit de la CAP, les dotations budgétaires rattachées à la mission Médias, livre et industries culturelles enregistrant des replis importants ces dernières années.

ÉVOLUTION DU FINANCEMENT DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC

(en milliers d’euros)

Moyens de financement

Ouverts en LFI pour 2012

Ouverts en LFI pour 2013

Ouverts en LFI pour 2014

Demandés pour 2015

Contribution à l’audiovisuel public

3 290,4

3 447,6

3 551,1

3 666, 7

Dotation budgétaire

603,1

433,9

295, 6

189,4

TOTAL

3 893,4

3 881,6

3 832,4

3 856,1

Source : Projets annuels de performances 2012 à 2015.

Le choix de financer TV5 Monde par le biais du présent compte, dont les ressources sont par ailleurs consolidées, intervient alors que le secteur audiovisuel public enregistre des restructurations importantes depuis plusieurs années.

Ces changements proviennent pour partie d’initiatives malheureuses de la précédente majorité. En effet, la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 (198) a profondément fragilisé le service public de la télévision et de la radio ainsi que les finances publiques permettant de le financer.

Cette loi prévoyait en effet, outre la nomination le président-directeur général de France Télévisions et de Radio France par le Président de la République, une suppression de la publicité commerciale, dans un premier temps après 20 heures puis complètement à compter de l’année 2011, sur les chaînes publiques. En l’absence de réévaluation de la CAP, ce choix s’est soldé par une mobilisation du budget général à hauteur de plus de 400 millions d’euros par an dans un contexte économique et budgétaire particulièrement incertain.

Parallèlement, la précédente majorité a entrepris une réforme de l’audiovisuel public extérieur, s’expliquant alors par plusieurs constats : faiblesse de pilotage stratégique de l’État, empilement de structures disparates et multiplicité de tutelles et de sources de financement, insuffisante adéquation des modes de communication aux usages de chaque région du monde et absence de synergies entre les intervenants.

Afin d’améliorer ce pilotage stratégique, le Gouvernement a décidé de la création en 2008 d’une société holding dénommée Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) (199). La société AEF a été dotée de 100 % du capital de Radio France Internationale (RFI) et de France 24 ainsi que 49 % du capital de TV5 Monde, celle-ci étant une entreprise partenaire et non filiale de la holding AEF. Par ailleurs les crédits alloués à TV5 Monde, RFI et France 24 ont été regroupés dans une enveloppe globale, la répartition des dotations incombant à la holding.

Si la création d’une entité juridique unique a probablement eu le mérite de créer des synergies et de dégager des économies d’échelle, la fusion des rédactions de RFI et France 24 a été menée sans concertation en menaçant l’identité particulière de RFI. Le Gouvernement a décidé d’arrêter le processus de fusion des rédactions tout en maintenant le principe d’une fusion juridique et d’un déménagement dans des locaux uniques à Issy-les-Moulineaux.

Quant à TV5 Monde, il a été décidé que la chaîne serait désormais adossée à France Télévisions. À cet effet, France Télévisions a racheté, fin juillet 2013, 36,42 % du capital de cette société à l’AEF, cette dernière conservant 12,58 % de son capital et une place au conseil d’administration. Le reste du capital se partage entre les groupes audiovisuels publics belge RTBF et suisse SSR, Radio Canada, Télé Québec, Arte France, l’INA et les mandataires sociaux.

Cette prise de position dans le capital de TV5 doit être regardée comme un retour à la normal dans la mesure où, avant la création de l’AEF, France Télévision détenait déjà 48 % du capital de TV5 Monde. Compte tenu de cette modification, le président de France Télévisions assurera également la présidence du conseil d’administration de TV5 Monde.

COMPOSITION DU CAPITAL DES ENTREPRISES BÉNÉFICIAIRES
DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS

France Télévisions

100 % du capital est détenu par l’État

Radio France

100 % du capital est détenu par l’État

ARTE France

Le capital est partagé entre France Télévisions (45 %), État français (25 %), Radio France (15 %), INA (15 %)

TV5 Monde

Le capital est partagé entre France Télévisions (49 %), France Média Monde (12,64 %), RTBF (11,11 %), SSR (11,11 %), Radio-Canada (6,67 %), Télé-Québec, 4,44 %, ARTE-France (3,29 %), INA (1,74 %)

AEF (France Médias Monde)

100 % de la holding est détenue par l’État

Source : mentions légales publiées sur le site internet de ces sociétés.

Du fait de ces prises de participation, un rapprochement stratégique est en train d’être opéré entre TV5 Monde et France Télévisions. Sans être à proprement parler une entreprise publique, TV5 Monde appartient de fait, via le capital détenu par les acteurs publics français de l’audiovisuel, à la sphère de l’audiovisuel public français.

À ce titre, il apparaît légitime d’élargir le cercle des bénéficiaires du compte de concours financiers.

Le 2° du II du présent article tend en premier lieu à augmenter de deux euros – de 133 euros à 135 euros – le montant de la contribution à l’audiovisuel public. D’après l’étude d’impact du présent article, cette augmentation exceptionnelle de deux euros rapportera 49,8 millions d’euros versés au compte de concours financiers.

Cette augmentation ponctuelle viendra s’ajouter à l’indexation automatique en fonction de l’indice des prix à la consommation hors tabac prévue par l’article 97 de la loi de finances rectificative pour 2008 à compter du 1er janvier 2009. Cette actualisation automatique est arrondie à l’euro le plus proche, la fraction d’euro égale à 0,50 comptant pour 1.

Compte tenu des hypothèses retenues par le présent projet de loi de finances, le montant de la contribution s’établira à compter du 1er janvier 2015 à 136 euros.

D’après les informations fournies par la direction du budget, cette augmentation de trois euros devrait accroître le produit de la CAP de près de 76 millions d’euros, soit le montant de la subvention versée à TV5 Monde, subvention par ailleurs supprimée. D’après la même source, l’augmentation naturelle de l’assiette devrait en outre entraîner un surcroît de recettes de 40 millions d’euros.

Cette augmentation, certes substantielle, ne manquera pas de relancer le débat sur la raison d’être de cette taxe, de ses effets sur le choix opéré sur les consommateurs et sur son assiette. Sans rentrer à nouveau dans ce débat, on rappellera que les matériels concernés sont :

– les appareils clairement identifiables comme des téléviseurs ;

– les matériels ou dispositifs associant plusieurs matériels connectés entre eux ou sans fil et permettant la réception de signaux, d’images ou de sons, par voie électromagnétique (dispositifs assimilés).

Sont notamment considérés comme des dispositifs assimilés, lorsqu’ils sont associés à un écran (écran souple accroché au mur par exemple), les magnétoscopes, les lecteurs ou lecteurs-enregistreurs de DVD ainsi que les vidéoprojecteurs équipés d’un tuner. En revanche, les micro-ordinateurs munis d’une carte télévision permettant la réception de la télévision ne sont pas taxables.

Compte tenu de la réduction du produit de la CAP mentionnée précédemment, des amendements sont régulièrement déposés au Parlement afin d’élargir l’assiette de la CAP aux ordinateurs, aux tablettes voire aux téléphones intelligents qui permettent, de fait, de regarder les chaînes de télévision publique par le biais de l’internet.

À ce stade, le Gouvernement n’a pas souhaité recevoir ces amendements au motif que l’effet de substitution d’un appareil à un autre en réaction à la perception de la CAP n’est pas avéré. Le Gouvernement met au contraire en avant un phénomène de « duplication d’écrans » par les ménages, qui possèdent en général un ordinateur et une télévision ; dans cette perspective, l’extension de l’assiette présenterait un intérêt budgétaire très limité.

Numéro et intitulé du programme
et de l’action

Ouverts en LFI 2013

Ouverts en LFI 2014

PLF 2015

Mission Médias, livre
et industries culturelles

966,8

815,9

714,2

180. Presse

265,4

258

256,2

01. Relation financière avec l’AFP

119,6

123

126,1

02. Aides à la presse

145,7

135

130,1

334. Livre et industries culturelles

267,5

262,1

268,5

01. Livre et lecture

255

251,7

258,2

02. Industries culturelles

12,4

10,4

10,3

313. Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique

285

143,5

189,4

01. France Télévisions

255,8

114,7

160,4

03. Soutien à l’expression radiophonique locale

29,1

28,8

115. Action audiovisuelle extérieure

148,9

152,1

01. Audiovisuel extérieur de la France (AEF) (libellé modifié)

148,9

75,9

02. TV5 Monde (nouveau)

 

76,2

Source : Projets annuels de performances 2014 et 2015.

L’identification de la subvention à TV5 Monde par le biais de la nouvelle action n° 2 de ce programme 115 à compter de 2014 visait à traduire dans la nomenclature budgétaire le fait que cette société quitte progressivement le périmètre de l’AEF pour rejoindre celui de France Télévisions. De ce fait, il n’était plus justifié que la subvention à cette structure soit octroyée par le biais de la holding.

Au-delà de cette clarification de la nomenclature, on constate que la subvention budgétaire à TV5 Monde a enregistré une augmentation régulière depuis 2008.

SUBVENTIONS BUDGÉTAIRES À TV5 MONDE

(en millions d’euros)

2008 (exécuté)

2009 (exécuté)

2010 (exécuté)

2011 (exécuté)

2012

(exécuté)

2013 (exécuté)

2014

(exécuté)

PLF 2015

70,02

70,58

72,53

73,53

73,53

73,53

76,2

Source : documents budgétaires.

L’effet du présent article sera donc d’opérer la substitution d’une ressource fiscale affectée, via le compte de concours financiers, à une ressource budgétaire. Cette substitution n’aura pas pour effet de modifier globalement la part des contributions publiques dans les ressources de TV5 Monde.

Les 2° et 3° du I conduisent à ajuster les deux mécanismes de garantie de financement qui permettent de stabiliser les mouvements affectant le compte de concours financiers.

Le premier est une garantie pour l’État : le compte de concours financiers étant financé pour partie par le remboursement des dégrèvements de redevance audiovisuelle pris en charge par le budget général de l’État, il est prévu depuis la création du compte un plafond de cet abondement permettant d’éviter qu’une modification importante du nombre de bénéficiaires n’ait, en cours d’exercice, un impact trop important sur les finances de l’État. Ce plafond a été fixé à l’origine à 440 millions d’euros, montant qui a ensuite été réévalué régulièrement pour être fixé à 527,3 millions d’euros en 2014.

Le plafond de remboursement des dégrèvements de cap fixé
en loi de finances initiale

(en millions d’euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

PLF 2015

440

509

545.7

561,7

561,8

569,8

526,4

544,1

527,3

517

Source : Légifrance.

Le présent projet de loi de finances fixe ce plafond à 517 millions d’euros pour l’année 2015. D’après les informations fournies par le Gouvernement, cette réduction du plafond correspond à l’érosion progressive des remboursements à opérer au titre des droits acquis.

Dégrèvement

2012

2013

2014

PLF 2015

Dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste

446

471

482

n.c

Dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste au titre des droits acquis (1)

53

50

46

n.c.

Total

499

521

528

517

(1) Cette ligne retrace les dépenses liées au maintien du droit à dégrèvement pour les personnes de plus de 65 ans au 1er janvier 2004 (sous conditions de ressources) qui l’auraient théoriquement perdu en application de la réforme votée à l’occasion de la loi de finances pour 2005, consacrant un alignement de la collecte de la CAP sur celle de la taxe d’habitation.

Le second mécanisme garantit à l’inverse les structures bénéficiant des versements du compte de concours financiers contre une évolution défavorable du produit de la CAP. À cet effet, l’article 46 de la loi de finances pour 2006 précité prévoit que, dans l’éventualité où les encaissements de CAP seraient inférieurs à un certain plancher, la différence fait l’objet d’une prise en charge par le budget général.

LE PLANCHER DE PRODUIT DE LA CAP EN LOI DE FINANCES INITIALE

(en millions d’euros)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

PLF 2015

2 280,6

2 281,4

2 345

2 329

2 561

2 652

2 764

2 903,6

3 028,8

3 149,8

Source : Réponses aux questionnaires budgétaires.

Ce mécanisme de garantie des ressources a été activé en 2005, 2006 et 2010, pour des montants respectifs de 29,6 millions d’euros, de 65,1 millions d’euros et de 2,3 millions d’euros.

Selon les informations fournies par la direction du budget, ce relèvement de 126 millions d’euros du produit résulte de plusieurs éléments :

– la recette effective de CAP en 2014 devrait être supérieure de 10 millions d’euros aux prévisions ;

– l’augmentation de 3 euros du tarif de la CAP permet une augmentation de son produit de 76 millions d’euros ;

– la dynamique de l’assiette permet d’espérer un surcroît de produit de 40 millions d’euros.

*

* *

La Commission examine les amendements identiques I-CF 72 de M. Hervé Mariton et I-CF 194 de M. Charles de Courson. 

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 27 propose de garantir les ressources de l’audiovisuel public et les modalités de financement de TV5 Monde par une hausse de la redevance. Je suis farouchement opposée à une hausse de la redevance qui viendrait encore amoindrir le pouvoir d’achat des ménages.

M. Charles de Courson. Je suis également favorable à la suppression de cette hausse de la redevance. Toutefois, pour plus de cohérence, nous devrions abroger l’article 28 de la loi de 2009 relative à la communication audiovisuelle, qui a supprimé la publicité dans l’audiovisuel public.

M. le président Gilles Carrez. Depuis la « commission Copé » pour la nouvelle télévision publique, je m’oppose à la suppression de la publicité dont les conséquences étaient prévisibles.

M. Alain Fauré. Il conviendrait et d’appliquer la hausse et de réintroduire la publicité pour garantir de meilleures recettes à l’audiovisuel public.

M. Charles de Courson. Quelle est votre position sur le fond, madame la Rapporteure générale ? Considérez-vous, comme de nombreux commissaires de tout bord, que la suppression de la publicité a été une erreur ?

M. le président Gilles Carrez. L’amendement porte uniquement sur la suppression de la hausse de la redevance.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette les amendements.

Elle adopte ensuite l’article 27 sans modification.

*

* *

Article 28
Relations financières entre l’État et la sécurité sociale

Le présent article vise à assurer la compensation des pertes de recettes pour la sécurité sociale découlant des mesures mises en œuvre à compter du 1er janvier 2015 en application du Pacte de responsabilité et de solidarité. Ces pertes de recettes sont estimées à 6,3 milliards d’euros pour l’année 2015.

Par ailleurs, il prévoit de simplifier les relations financières entre l’État à la sphère sociale en modifiant un certain nombre d’affectations de recettes et en « rebudgétisant » certaines dépenses.

L’article 2 de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) ((200) renforce l’allégement des cotisations patronales et des allocations familiales sur les salaires compris entre 1 et 1,6 SMIC à compter du 1er janvier 2015. Il prévoit également la réduction des cotisations d’allocations familiales acquittées par les travailleurs indépendants bénéficiant de revenus d’activité inférieurs à 3,8 SMIC.

Le coût de ces mesures était estimé en LFRSS à 5,5 milliards d’euros en 2015, soit 1 milliard d’euros au titre de la mesure en faveur des travailleurs indépendants et 4,5 milliards d’euros au titre des exonérations de cotisations patronales et de la réduction des allocations familiales.

L’article 3 de cette même loi prévoit la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) en trois étapes. Un premier abattement d’assiette est introduit pour 2015 pour un coût estimé à 1 milliard d’euros en LFRSS, puis devrait être majoré en 2016 pour aboutir à la suppression définitive de la contribution en 2017.

Au total, ces mesures qui entrent en vigueur au 1er janvier 2015 représentent des pertes de recettes évaluées à 6,3 milliards d’euros pour la sécurité sociale.

Par ailleurs, l’allègement de cotisations employeur entre 1 et 1,6 SMIC précédemment mentionnée se traduit par une baisse de recettes de 300 millions d’euros pour le Fonds national d’aide au logement (FNAL), qui doivent être compenser par des crédits budgétaires.

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES MESURES À COMPENSER

Mesures LFRSS 2014

Sphère sociale
(-= économies)

État

Renforcement des allégements généraux, impact sphère sociale

4,3

0

Renforcement des allégements généraux, impact FNAL

0

0,3

Allégements de cotisations sociales des indépendants

1

0

Suppression progressive de la C3S

1

0

TOTAL EN LFRSS 2014

6,3

0,3

Type d’aide

en millions d’euros

en %

ALF

Régimes sociaux

4 369

24,88

APL + ALS

FNAL

13 193

75,12

 

dont part employeurs ALS

2 677

15,2

 

dont part du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement

546

3,1

 

dont participation d’Action Logement

400

2,3

 

dont part financement régimes sociaux APL

4 426

25,2

 

dont part financement État APL et ALS

5 144

29,3

 

Total

17 562

100,0

La -0 rebudgétisation -0 du financement d’une partie des aides personnalisées au logement

Le II du présent article modifie le panier de recettes dont bénéficie le FNAL en supprimant à l’article L. 351-7 du code de la construction et de l’habitation :

– la contribution des régimes de prestations sociales ;

– la fraction de 0,53 % des prélèvements de solidarité prévus à l’article 1600-0 S du code général des impôts (CGI).

En contrepartie, il est prévu de « rebudgétiser » 4,75 milliards d’euros sur le programme 109, soit le montant de la part des aides personnalisées au logement supportée par la sécurité sociale via le FNPF.

Le III modifie l’article 1600-0 S du CGI de manière à transférer la totalité du produit des prélèvements de solidarité portant sur les revenus du patrimoine mentionnés à l’article 136-6 du code de la sécurité sociale (CSS) et les revenus de placement mentionnés à l’article 136-7 du même code à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

L’objectif poursuivi est de simplifier les mouvements financiers entre l’État et la sphère sociale en spécialisant avantage les impositions existantes dans le financement de l’un ou de l’autre.

Pour rappel, le produit de ces prélèvements de solidarité, dont le taux est fixé à 2 %, est réparti, selon le droit en vigueur, entre :

– le Fonds national des solidarités actives (FNSA) pour 1,37 % ;

– le FNAL pour 0,53 % ;

– le Fonds de solidarité pour 0,1 %.

Par ailleurs, le VI prévoit une coordination à l’article 22 de la loi de finances pour 2011 (201) qui tire les conséquences de la modification de l’article 1600-0 S du CGI sans entraîner de changement de fond.

L’I modifie l’article L. 262-24 du code de l’action sociale et des familles qui présente les recettes du FNSA de manière à :

– supprimer la part du financement assurée par les prélèvements de solidarité en conséquence du reversement de la totalité du produit de ces prélèvements à la CNAMTS ;

– affecter au FNSA une fraction égale à 15,20 % du produit de la contribution exceptionnelle de solidarité.

En conséquence, l’article L. 5423-25 du code du travail est modifié en ce sens au V qui prévoit que le Fonds de solidarité reverse au FNSA 15,20 % du produit de la contribution exceptionnelle de solidarité lors de son encaissement.

Cette réallocation d’une partie des recettes du Fonds de solidarité vers le FNSA est justifiée, dans l’évaluation préalable de l’article, par le besoin de financer la dynamique prévisionnelle du revenu de solidarité active (RSA) dans sa partie activité.

Pour rappel, cette disposition remet en cause l’interdiction expresse d’affecter une partie de la contribution exceptionnelle de solidarité à une autre entité que le Fonds de solidarité, prévue depuis la création de cette contribution par l’article 1er de la loi du 4 novembre 1982 (202) du fait de la logique contributive de cette imposition.

Le VII prévoit la suppression du compte de concours financiers (CCF ) Avances aux organismes de sécurité sociale, qui avait été réintroduit par l’article 53 de la loi de finances pour 2013 (203).

En effet, la première loi de finances rectificative pour 2012 (204) avait institué un compte de concours financiers retraçant les versements de TVA de l’État à la sécurité sociale afin d’éviter un décalage de trésorerie pour les organismes de sécurité sociale entre le fait générateur de l’imposition et son versement, celui-ci pouvant être retardé notamment par la prise en compte des remboursements et dégrèvements payés par les comptables publics.

En effet, le CCF  permet d’avancer aux organismes de sécurité sociale le montant des impositions qui leur sont affectées, ces avances étant couvertes au moment de la perception de la TVA.

Il a toutefois été supprimé lors de l’examen de la deuxième loi de finances pour 2012, avant d’être finalement restauré en loi de finances pour 2013.

Les arguments avancés dans l’évaluation préalable de l’article en faveur d’une nouvelle suppression de ce compte soulignent principalement la lourdeur de sa gestion au regard des faibles avantages procurés en matière d’information ou de suivi.

Le III prévoit d’ajuster à la baisse la fraction de TVA nette affectée à la sécurité sociale de 7,85 % à 7,10 % en tirant les conséquences des mesures précédemment décrites ainsi que des mesures prévues dans le projet de financement de la sécurité sociale (transfert du financement des formations médicales à la sécurité sociale) (205) ou annoncées dans le cadre du projet de finances pour 2014 à l’instar de l’engagement qui avait été pris par le Gouvernement de transférer à la sécurité sociale à compter de 2015 le rendement de la mesure de fiscalisation des majorations de pensions pour participer au financement de la réforme des retraites (206).

Par ailleurs, ce même paragraphe III entérine la « rebudgétisation » de la compensation des exonérations de cotisations sociales patronales sur les heures supplémentaires prévue au 2° du VII.

MODALITÉS DE DÉTERMINATION DE LA PART DE TVA AFFECTÉE
À LA SÉCURITÉ SOCIALE

 

en million d’euros

Fraction de TVA

Montant TVA budgétaire total

153 699

 

Bouclage TVA pour compenser le montant des pertes de recettes dues au Pacte

30

0,02 %

Transfert du prélèvement de solidarité

– 2 534

– 1,65 %

Transfert du financement des formations médicales à la sécurité sociale

139

0,09 %

Transfert du rendement de la fiscalisation des majorations de pensions

1 200

0,78 %

SOUS-TOTAL MINORATION DE LA FRACTION PRINCIPALE

– 1 165

– 0,75 %

Rebudgétisation de la compensation des exonérations heures supplémentaires

– 516

– 0,34 %

SOUS-TOTAL SUPPRESSION DE LA FRACTION TEPA

– 516

– 0,34 %

TOTAUX

– 1 681

– 1,09 %

Source : Exposé des motifs.

Au total, les mesures prises par le présent article diminuent le solde de l’État de 6,3 milliards d’euros et améliorent celui de la sécurité sociale de 1,2 milliard d’euros.

Mesure PLFSS 2015

Sphère sociale

État

Affectation des recettes des caisses de congés payés (plus 0,5 Md€ en 2016)

– 1,52

0

TOTAL EN PLFSS 2015

– 1,5

0,0

     

Mesures PLF 2015

Sphère sociale

État

Compensation du renforcement des allégements généraux et des allégements de cotisations sociales des indépendants par rebudgétisation des APL

– 4,75

4,75

Majoration de la fraction de TVA affectée pour compléter la compensation des pertes de recettes en 2015

– 0,03

0,03

Transfert du prélèvement de solidarité à la sphère sociale

– 2,534

2,534

Minoration de la TVA affectée à la sphère sociale du fait du transfert du prélèvement de solidarité

2,534

– 2,534

Rebudgétisation des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires

– 0,516

0,516

Suppression d’une fraction de TVA affectée à la sphère sociale dans le cadre de la rebudgétisation des exonérations de cotisations sociales

0,516

– 0,516

Transfert du financement des formations médicales à la sécurité sociale

0,139

– 0,139

Majoration de la TVA affectée pour financer le transfert du financement des formations médicales

– 0,139

0,139

Transfert du rendement de la fiscalisation des majorations de pensions (annoncée en PLF pour 2014)

– 1,200

1,200

TOTAL EN PLF 2015

– 5,98

5,98

     

TOTAL GÉNÉRAL COMPENSATION

– 1,2

6,3
























*

* *

La Commission est saisie de l’amendement I-CF 54 du président Gilles Carrez.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement propose de porter de 7,1 à 7,75 % la part de TVA allouée aux organismes de sécurité sociale, afin de compenser intégralement les exonérations en faveur des entreprises.

Mme la Rapporteure générale. Je ne saisis pas le sens de cet amendement car, sauf erreur de ma part, la compensation est déjà prévue. Je suis défavorable à l’augmentation de cette compensation que vous proposez.

M. Charles de Courson. L’État compensera-t-il en 2015 l’ensemble des exonérations ?

M. Dominique Lefebvre. Pour 2015, les allégements votés en juillet sont strictement compensés par une série de mesures, comme la « rebudgétisation » des aides au logement financées par la Caisse nationale d’assurance vieillesse ou des mesures de trésorerie.

Il n’y a donc pas lieu de procéder à un transfert supplémentaire de l’État vers la sécurité sociale, qui serait sans incidence sur le solde public global et sans rapport avec la réalité.

Suivant l’avis défavorable de la Rapporteure générale, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 28 sans modification.

*

* *

D.– Autres Dispositions

Article 29
Suppression de la gestion au nominatif des titres d’État

Cet article simplifie les modalités de gestion des titres de dette émis par l’État, en mettant fin à la possibilité, pour leur propriétaire, d’opter pour une inscription de ces titres dans un compte-titres tenu directement par l’État, plutôt que par un intermédiaire.

Il convient de rappeler que la dette négociable de l’État, qui dépasse aujourd’hui 1 500 milliards d’euros (au lieu de 833 milliards d’euros en 2004), est constituée de trois types de titres :

− des obligations assimilables du Trésor (OAT), qui sont des obligations (207) à long terme− leur maturité (208) étant comprise entre deux et cinquante ans −, dont le taux est généralement fixe, avec un coupon versé annuellement, et dont le principal est remboursé en un seul versement à l’échéance ;

− des bons du Trésor à intérêt annuel (BTAN), titres de moyen terme dont la maturité est comprise entre deux et cinq ans et qui étaient émis mensuellement par voie d’adjudication ; dans un souci de simplification, l’État a, depuis le 1er janvier 2013, fait disparaître cette catégorie au profit d’OAT portant sur des durées similaires, et non plus uniquement sur le long terme ;

− des bons du Trésor à taux fixe et à intérêts précomptés (BTF), dont la durée est inférieure à un an et qui sont émis chaque semaine par voie d’adjudication, conformément à un calendrier trimestriel publié à l’avance.

Les titres émis par les autres grands États européens − Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni− présentent des caractéristiques comparables à celles des titres émis en France, même si le recours aux taux variables est plus fréquent pour les titres d’État en Italie.

L’article L. 213-21-1 du code monétaire et financier permet actuellement aux propriétaires de titres financiers émis par l’État de demander à changer de modalité de gestion pour ces titres : il s’agit alors d’opter soit pour une gestion dite « au nominatif » (c’est-à-dire directement par l’émetteur, en l’occurrence l’État), soit pour une gestion dite « au porteur » (c’est-à-dire confiée à un intermédiaire habilité) (209). Cette faculté n’est toutefois offerte au propriétaire que lorsque ces titres financiers ont été acquis dans le cadre d’une émission comprenant tant des titres inscrits dans un compte-titres tenu par l’État que des titres inscrits dans un compte-titres tenu par une entreprise ou établissement financier (personnes morales visées au 2° au 7 ° de l’article L. 542-1 du même code).

L’article L. 213-21-1 avait été initialement introduit au sein du code monétaire et financier par la loi du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d’acquisition (OPA) (210), reprenant des dispositions issues d’un décret du 7 décembre 1955 (211). Il a ensuite vu sa rédaction mise à jour et précisée par l’ordonnance n° 2009-15 du 8 janvier 2009 relative aux instruments financiers.

En pratique, les cas de gestion « au nominatif » de titres émis par l’État sont extrêmement rares : seules six personnes physiques, qui résident toutes en France (alors que près de 60 % des OAT étaient, au mois de mars 2014, détenues par des non-résidents), sont actuellement propriétaires de titres faisant l’objet d’une telle inscription. À l’inverse, la quasi-totalité du stock et du flux des autres OAT émises par l’État est détenue par des personnes morales qu’il s’agisse des banques centrales, des fonds de pension, des banques ou des assurances.

En outre, selon les données transmises par l’Agence France Trésor (AFT), les montants financiers correspondant aux titres d’État gérés « au nominatif » ne s’élèvent plus, aujourd’hui, qu’à 431 379 euros, contre 530 490 euros il y a cinq ans et 2,08 millions d’euros il y a dix ans, ce qui représente une baisse de près de 80 % (voir tableau ci-après). Les sommes en cause apparaissent infimes au sein de la dette de l’État : elles en représentent désormais seulement 0,00003 %...

ÉVOLUTION DE LA VALEUR TOTALE DES TITRES D’ÉTAT GÉRÉS « AU NOMINATIF »

Années

Valeur totale des titres

(en euros)

2004

2 075 631

2009

 530 490

2014

431 379

Évolution 2004-2014

 79,2 %

Source : Agence France Trésor (AFT), 2014.

Ces titres, prenant la forme d’OAT, sont émis par l’AFT, tandis que leur liquidation et les paiements correspondants sont confiés au service du contrôle budgétaire et comptable ministériel (CBCM). Si la gestion « au nominatif » présente l’intérêt de permettre une information personnalisée adressée à chaque propriétaire de titres, ces opérations administratives représentent une activité et des efforts disproportionnés dans le cas des titres d’État, compte tenu du très petit nombre de bénéficiaires.

Ainsi, selon les indications fournies par l’AFT, il convient d’ajouter les frais de traitement, dont les frais de virement et de courrier, au coût humain de ces opérations. Les tâches d’information incombant aux services de l’État dans le cadre de cette gestion sont multiples et peuvent être regroupées en trois catégories :

− la gestion des portefeuilles clients : tenue du registre des détenteurs de titres et gestion des relations avec les souscripteurs, ce qui inclut des demandes et vérifications d’informations sur la situation personnelle de ceux-ci, ainsi que l’établissement et l’envoi de relevés de compte-titres, d’états récapitulatifs de versements, ainsi que de formulaires fiscaux portant sur les opérations sur valeurs mobilières et les revenus de capitaux mobiliers ;

− la gestion des relations avec l’administration fiscale, dont la transmission, lors de chaque échéance, du formulaire « Revenus de capitaux mobiliers-Prélèvement libératoire et retenue à la source » à la recette des impôts ;

− le traitement des échéances, comprenant la liquidation des intérêts et des prélèvements sociaux et fiscaux.

Certes, la gestion des OAT souscrites au nominatif n’occupe qu’un équivalent temps-plein environ dix jours par an, mais en pratique, quatre agents de l’AFT et deux agents du service de CBCM sont formés à cette fonction pour pouvoir se relayer en cas d’absence, et la supervision hiérarchique de ces opérations implique cinq cadres supérieurs du ministère des finances. L’effectif engagé, d’une manière ou d’une autre, dans ces opérations est donc supérieur au nombre de personnes physiques détenant des titres d’État faisant l’objet de ce mode de gestion directe.

Le constat de la complexité de ces opérations n’est pas propre à la France. Certes, les différences de régimes juridiques applicables aux OAT rendent difficiles les comparaisons entre pays européens. Toutefois, les équivalents britannique et allemand de l’AFT doivent gérer directement, pour le compte d’investisseurs particuliers, un reliquat important de titres d’État ; il en résulte de fortes contraintes de gestion. Ces agences peuvent toutefois mobiliser des ressources beaucoup plus importantes que l’AFT, puisque leurs effectifs sont quatre fois plus importants au Royaume-Uni et huit fois plus importants en Allemagne. Pour autant, la lourdeur de ces tâches a conduit l’Allemagne à mettre fin, depuis le mois d’août 2012, à la possibilité pour les propriétaires de titres d’État d’ouvrir de nouveaux comptes destinés à une gestion de ceux-ci « au nominatif », plutôt que par un intermédiaire.

Le paragraphe I du présent article vise à modifier la rédaction de l’article L. 213-21-1 précité pour mettre fin à la coexistence des deux modes de gestion pour les titres financiers émis par l’État. À cet effet, il supprime la faculté offerte au propriétaire de tels titres de demander le changement de mode d’inscription en compte et dispose que ceux-ci devront obligatoirement être inscrits dans un compte-titres tenu par un intermédiaire mentionné aux 2° à 7° de l’article L. 542-1 du code monétaire et financier. L’article L. 211-3 de ce code renvoie effectivement à l’énumération de ce dernier article, s’agissant des intermédiaires susceptibles de tenir un compte-titres sur lequel sont inscrits des titres financiers.

La rédaction proposée déroge expressément à l’article L. 211-6 du même code, qui prévoit que les comptes titres sont soit obligatoirement tenus par l’émetteur (l’État dans le cas de ces OAT), si la loi l’a prescrit ou que l’émetteur l’a décidé, soit tenus par l’émetteur ou un intermédiaire, en fonction de la préférence de leur propriétaire. Si la dérogation n’était pas prévue, l’article L. 211-6 continuerait à permettre au propriétaire des titres d’opter pour une gestion par l’État.

Le paragraphe II de cet article précise les modalités du basculement du mode de gestion des titres d’État qui, à la date d’entrée en vigueur de la loi, seront encore inscrits dans un compte-titres tenu par l’État. Les propriétaires disposeront d’un délai d’un an, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2015, pour faire inscrire ces titres sur un compte-titres tenu par un intermédiaire. Ce délai paraît raisonnable, dès lors que l’évaluation préalable jointe au présent projet de loi de finances précise que l’AFT, actuellement chargée de gérer les titres de l’État inscrits « au nominatif », indiquera à l’ensemble des détenteurs de tels titres les démarches qu’ils devront accomplir afin de faire basculer leurs titres vers une gestion « au porteur ».

La Rapporteure générale estime que cette simplification, si elle ne devrait pas avoir d’impact direct sur les recettes et les dépenses de l’État, aura l’avantage de permettre d’affecter à d’autres tâches les agents de l’AFT déchargés de ces opérations peu utiles. En outre, elle ne devrait diminuer ni la valeur des titres, ni la qualité des conseils fournis aux propriétaires – ces derniers pouvant bénéficier de ceux que des établissements financiers peuvent, en matière patrimoniale, fournir à leurs clients (212). Ces établissements disposent d’équipes, d’outils et de processus adaptés aux traitements de masse que requière la gestion de tels titres. Le seul inconvénient du changement prévu, pour les rares personnes physiques concernées, résidera dans la fin de la gratuité de la gestion des titres qui est aujourd’hui directement effectuée par l’État.

Sur un plan juridique, on peut noter que le paragraphe I de l’article, dont l’application n’est, dans la rédaction proposée, pas différée, rendra, dès le lendemain de la publication de la loi, impossible d’inscrire les titres d’État dans un compte-titres tenu par l’État. Cela ne vaudra en 2015 que pour l’émission de nouveaux titres (c’est-à-dire le flux et non le stock), compte tenu du délai d’un an que le paragraphe II entend laisser aux propriétaires des titres actuellement gérés au nominatif pour changer leur mode d’inscription et passer ainsi à une gestion « au porteur ».

En ce qui concerne le sort des titres d’État dont le basculement vers une gestion « au porteur » n’aurait pas été effectué avant le 1er janvier 2016, l’AFT n’a pas prévu de sanction ou mesure particulière, mais il s’agit d’une hypothèse d’école. En effet, l’AFT entend contacter chacun des propriétaires individuellement, afin de les accompagner dans la transition vers le système de droit commun avant la fin de l’année 2015.

*

* *

La Commission adopte l’article 29 sans modification.

*

* *

Article 30
Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne

Le présent article fixe à 20,042 milliards d’euros le montant prévisionnel, pour 2015, du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne.

Rappelons que le 4° du I de l’article 34 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances prévoit que la fixation des prévisions de prélèvements sur recettes prévus par le dernier alinéa de l’article 6 de la même loi organique relève du domaine exclusif de la première partie de la loi de finances.

Ressource TVA

4 331

dont correction britannique

1 427

Ressource RNB

15 813

Prélèvement total

20 144

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

L’Union européenne se finance également par des ressources propres traditionnelles, instaurées en 1970 et constituées des droits de douane et des cotisations sur le sucre. Depuis le projet de loi de finances pour 2010, elles sont exclues du périmètre du prélèvement sur recettes en raison du fait que, l’État les collectant pour le compte de l’Union, elles ne sont pas à considérer comme des ressources budgétaires et doivent être comptabilisées en compte de tiers.

Le tableau ci-après illustre la ventilation du prélèvement en 2015 entre ces différentes composantes.

VENTILATION DU PRÉLÈVEMENT EN 2015

(en millions d’euros)

Ressource TVA

4 450

Dont correction britannique

1 467

Ressource RNB

16 591

   

Prélèvement total

21 042

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

La prévision du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne pour 2015 repose sur une évaluation du besoin de financement de l’Union en 2015, ainsi que sur les hypothèses de solde reporté de 2014 à 2015. L’effet de l’évolution spontanée serait de 817,9 millions d’euros.

Le projet de budget de la Commission européenne pour 2015 présente une hausse significative de ces crédits par rapport au budget voté en 2014, soit + 4,9 %. Compte tenu du projet de la Commission qui fixe le montant des crédits de paiement au-delà des plafonds, la priorité poursuivie par le Conseil a été de limiter la hausse qui sera finalement de + 3,3 %. La Rapporteure générale rappelle l’importance d’un budget européen conséquent et orienté vers l’investissement à long terme. En effet, alors que l’ensemble des États membres est peu ou prou engagé dans une politique de consolidation budgétaire coordonnée, seule le budget européen peut et doit jouer un rôle de régulateur conjoncturel et éviter à l’ensemble de la zone euro d’entrer dans un cercle déflationniste dévastateur. Il est, par conséquent, parfaitement contre-productif pour la croissance en Europe et en France de limiter les hausses du budget européen.

 

2009

2010

2011

2012

2013

Prévision LFI

18,9

18,2

18,2

18,9

20,1

Exécution

20

17,6

17,6

19,1

22,2

Écart

+ 1,1

– 0,6

– 0,6

+ 0,2

+ 1,8

Les dépenses et les recettes du budget de l’Union doivent être équilibrées. En conséquence, toute variation des unes ou des autres en cours d’exécution modifient mécaniquement le niveau du prélèvement sur recettes.

– D’une part, les budgets rectificatifs, qui peuvent être adoptés en cours d’année, peuvent augmenter ou réduire les dépenses du budget de l’Union, par rapport au montant sur lequel se fondait la prévision, en loi de finances initiale, de la contribution de la France.

Pour 2014, le prélèvement sur recettes a été évalué à 20,224 milliards d’euros en loi de finances initiale. À ce stade, plusieurs projets de budget rectificatif ont été présentés par la Commission.

Le budget rectificatif n° 1 a eu un impact budgétaire neutre.

Le budget rectificatif n° 2 pour 2014, présenté le 15 avril 2014, a pour objet d’inscrire au sein du volet « ressources » du budget 2014 résultant de l’excédent de l’exécution de l’exercice 2013 pour 1 005 millions d’euros qui diminue d’autant la contribution des États.

Le budget rectification n° 3 présenté par la Commission européenne le 28 mai 2014 s’accompagne, pour la première fois, d’une décision de mobilisation de la marge pour imprévus, qui constitue un nouvel outil de souplesse créé dans le règlement fixant le cadre financier pour la période 2014-2020. Ce projet prévoit de revoir les prévisions de recettes de + 1 568 millions d’euros, provenant principalement des amendes et intérêts pour + 1 417 millions d’euros. Cependant, ce projet de budget rectificatif prévoit une hausse des crédits de paiement de 4,7 milliards d’euros, afin de faire face aux principaux besoins de paiement à couvrir d’ici la fin de l’année. 3 395 millions d’euros, soit plus de 70 % de ces crédits, seraient destinés à la politique de cohésion, 587 millions d’euros pour la compétitivité et 651 millions d’euros pour « l’Europe dans le monde ».

Enfin, le projet de budget rectificatif n° 4 présenté à la Commission européenne le 9 juillet 2014, a pour principal objet d’actualiser les prévisions relatives aux ressources propres par rapport à celles du budget initial, afin de tenir compte des prévisions économiques agréées lors du comité consultatif des ressources propres du 19 mai 2014. Il est ainsi proposé de réviser les assiettes de TVA et de revenu national brut (RNB).

L’évolution du prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne va donc dépendre de l’adoption de ces budgets actuellement en discussion au Conseil de l’Union européenne.

– D’autre part, la prévision de prélèvement est également fondée sur plusieurs hypothèses relatives aux recettes du budget de l’Union européenne, qui peuvent ne pas se réaliser comme prévu en cours d’année, parmi lesquelles : une estimation du solde reporté du budget de l’année précédente, qui dépend notamment du budget rectificatif de fin d’année, une estimation des assiettes des ressources TVA et RNB, une évaluation de la participation de la France au dispositif dit « du chèque britannique », dont le montant dépend notamment de la part des dépenses réparties sur le territoire britannique dans le total des dépenses réparties au sein de l’Union, du montant des dépenses réparties au sein des nouveaux États membres ainsi que du montant des dépenses de développement rural et de la politique agricole commune (PAC).

Ces incertitudes permettent d’expliquer les écarts réguliers et parfois substantiels entre la prévision et la réalisation de la participation de la France au financement du budget de l’Union européenne.

*

* *

La Commission adopte l’article 30 sans modification.

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* *

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 31
Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois

Le présent article est l’article d’équilibre du projet de loi de finances pour 2015, dont il clôt la première partie.

Le I fixe les prévisions de ressources, détaillées à l’état A, les plafonds de charges et l’équilibre général du budget de l’État. Le détail des plafonds de charges est prévu aux états B (répartition des crédits par mission), C (répartition des crédits par budget annexe) et D (répartition des crédits par compte d’affectation spéciale et compte de concours financiers) visés respectivement par les articles 32, 33 et 34 du présent projet de loi de finances.

Le II prévoit le tableau de financement de l’État ainsi que diverses autorisations en matière de recours à l’endettement.

Le III fixe le plafond des autorisations d’emplois rémunérés par l’État, dont le détail est prévu par l’article 36 du présent projet de loi de finances.

Enfin, en application du 10° du I de l’article 34 de la LOLF, le IV prévoit les modalités d’affectation d’éventuels surplus de recettes. Conformément à l’article 17 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 actuellement en cours de discussion, ces surplus seraient affectés en totalité à la réduction du déficit, comme ils l’étaient sous l’empire de l’article 15 de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

 

2013

LFI 2014

Révisé 2014

PLF 2015

Recettes totales

301,2

298,5

287,3

292,6

Recettes fiscales nettes

284

284,3

273,2

278,9

Recettes non fiscales

13,7

13,8

14,2

13,7

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

 

2013

LFI 2014

LFR 2014

Révisé 2014

Recettes fiscales nettes

284

284,3

279

273,2

Dont impôt sur les sociétés

47,2

36,2

36

35,4

Dont impôt sur le revenu

67

75,3

71,2

68,9

Dont taxe sur la valeur ajoutée

136,3

139,5

140

137,8

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

PRÉVISION DE RECETTES FISCALES

Les prévisions de recettes fiscales reposent notamment sur la distinction entre l’impact des mesures législatives nouvelles sur ces recettes et leur évolution à législation constante. Celle-ci est prévue pour chaque impôt, sur la base d’un scénario macroéconomique établi par la direction générale du Trésor (DGT), en tenant compte notamment de l’élasticité du produit de cet impôt à son assiette, telle qu’observée dans le passé.

L’impact budgétaire résultant des écarts entre les élasticités des recettes fiscales au PIB prévues et constatées s’élève, en moyenne annuelle entre 2003 et 2012, à 4,5 milliards d’euros mais varie fortement (de – 21 milliards d’euros en 2009 à + 10 milliards d’euros en 2006). Ces écarts jouent dans les deux sens : les recettes sont plutôt surestimées lorsque la croissance du PIB est faible, ce qui conduit à prévoir un déficit public minoré et elles sont plutôt sous-estimées lorsque la croissance du PIB est forte, ce qui permet d’éviter d’utiliser le surcroît de recettes pour financer des dépenses nouvelles ou des baisses d’impôts non souhaitées (affaire dite de la « cagnotte » en 2000).

Par rapport à la prévision de la loi de finances pour 2014 (213), la prévision de recettes fiscales nettes a été revue en loi de finances rectificative du 8 août 2014 (214) de 5,3 milliards d’euros principalement du fait de l’évolution spontanée des recettes fiscales qui s’est avérée plus faible que prévue en exécution 2013 par rapport à la loi de finances rectificative pour 2013 (215) (– 1,8 milliard d’euros d’IR, – 2,5 milliards d’euros d’IS, + 0,1 milliard d’euros de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE, + 0,6 milliard d’euros de taxe sur la valeur ajoutée – TVA). Le Gouvernement avait ainsi pris acte pour 2014 de l’élasticité plus faible de l’évolution spontanée auquel il a ajouté le coût des mesures de bas de barème de l’IR pour 1,16 milliard d’euros en prévision.

Dans le présent projet de loi de finances, une moins-value de 5,8 milliards d’euros pour 2014 est enregistrée principalement du fait d’une évolution à législation constante rapportée à la croissance nominale du PIB plus faible qui serait que prévu à – 0,4 % de cette croissance nominale du PIB.

À cette moins-value, vient s’ajouter le coût budgétaire de la mesure exceptionnelle sur l’IR qui aurait un impact budgétaire de 1,3 milliard d’euros au lieu de 1,16 milliard d’euros initialement prévu.

En 2015, sur la base d’une hypothèse de croissance spontanée de + 0,9 % et de la montée en charge du CICE et des mesures du Pacte de responsabilité et de solidarité, les recettes fiscales nettes diminueraient de 5,8 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2014 et s’établiraient à 273,2 milliards d’euros.

Ces élasticités modérées – prises à la suite de plusieurs moins-values fiscales enregistrées ces dernières années –, négatives en 2014 puis inférieures à l’unité, apparaissent prudentes pour 2014 mais toujours optimiste en 2015 si la croissance demeure aussi atone.

En 2014, initialement prévu à 75,3 milliards d’euros, le produit net de l’IR anticipé est revu, en baisse de 6,4 milliards d’euros, à 68,9 milliards d’euros. Une moins-value de 3,2 milliards d’euros avait déjà été anticipée en loi de finances rectificative pour 2014 afin de tenir compte de l’exécution 2013, qui avait enregistrée une moins-value de 1,8 milliard d’euros due en grande partie à la dégradation de l’évolution spontanée.

Cette évolution s’expliquerait principalement par une croissance spontanée négative à – 1 % au lieu des + 3,8 % retenus en loi de finances pour 2014 et ce, en raison de la faiblesse des revenus de capitaux mobiliers. Plus généralement concernant le produit de l’IR, la Rapporteure générale demande que soit réalisée une évaluation plus fine de son évolution afin de déterminer les causes des moins-values récurrentes enregistrées ces dernières années.

Pour 2015, sur la base d’une hypothèse de croissance spontanée de 0,9 %, correspondant à une hausse en valeur absolue de 1,8 milliard d’euros, le produit net de l’IR atteindrait 69,5 milliards d’euros, en hausse de 600 millions d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2014. Comme il est souligné dans le tome I du fascicule des Voies et moyens annexé au présent projet de loi de finances, « cette prévision s’appuie sur des hypothèses de croissance des revenus assujettis à l’impôt sur le revenu en rebond par rapport aux sous-jacents de la prévision révisée pour 2014, conduisant à une évolution spontanée de 2,6 %. Celle-ci s’explique par le retour à une évolution des revenus catégoriels plus proche des tendances constatées par le passé, notamment concernant les revenus de capitaux mobiliers ».

Le produit de l’impôt augmenterait ainsi in fine, y compris compte tenu des mesures nouvelles prévues par le présent projet de loi de finances, dont la suppression de la première tranche d’IR, dont le coût net est estimé à 3,2 milliards d’euros.

PRODUIT DE L’IR ENTRE 2014 ET 2015

(en milliards d’euros)

Produit 2014

68,9

Évolution spontanée

+ 1,8

Contrecoup de la réduction exceptionnelle d’IR en faveur des ménages modestes adoptée en LFR 2014

+ 1,3

Montée en charge du CICE

– 0,2

Contrecoup partiel de la réforme du régime d’imposition des plus-values mobilières et immobilières en LFI 2014

+ 0,4

Impact sur l’IR de la loi sur les retraites de janvier 2014

– 0,3

Impact en 2015 de la suppression du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt dans le cadre de l’accession à la propriété en LFI 2011

+ 0,5

Réforme du bas de barème (article 2 du PLF 2015)

– 3,2

Mise en place d’un crédit d’impôt pour la transition énergétique
(article 3 du PLF 2015)

– 0,2

Réforme du régime d’imposition des plus-values immobilières de cessions de terrains à bâtir (article 4 du PLF 2015)

– 0,1

Action du service de traitement des déclarations rectificative (STDR)

+ 0,9

Produit 2015*

69,5

* En tenant compte des arrondis à la centaine de millions

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

Sur la base de cette prévision, l’IR net représenterait près de 3,5 % du PIB en 2015 et s’établirait sur un plateau au niveau qui était le sien au début des années 2000 avant l’adoption des fortes baisses qui ont caractérisé la décennie passée, et en particulier la période 2007-2010 puis la forte hausse à compter de 2010.

PART DE L’IMPÔT SUR LE REVENU NET DANS LE PIB

Comme l’année 2013, les années 2014 et 2015 seraient des périodes de langueur pour l’IS, à laquelle il convient d’ajouter la montée en charge du CICE qui aura un impact budgétaire important sur le produit de l’IS aussi bien en 2014 qu’en 2015.

En 2014, la prévision a été révisée de 2,9 milliards d’euros en loi de finances rectificative pour 2014 afin de tenir compte de la dégradation de la conjoncture. Une nouvelle révision plus modéré de 600 millions d’euros est opérée dans le présent projet de loi de finances en raison de la faiblesse de l’assiette. Le produit de l’IS serait attendu à 35,4 milliards d’euros. Cette baisse de produit intègre la montée en charge du CICE pour 6,5 milliards d’euros en 2014.

Pour 2015, la prévision de produit d’IS s’élèverait à 33,1 milliards d’euros avec l’hypothèse d’une baisse du bénéfice fiscal des entreprises en 2014 de 1 % environ du fait de l’environnement économique dégradé. La montée en charge du CICE aurait un impact supplémentaire de 3,2 milliards d’euros en 2015. Cette baisse de produit serait partiellement compensée par les effets budgétaires de la limitation de la déductibilité des charges financières pour 1,4 milliard d’euros.

Comme l’illustre le graphique suivant, le produit de l’IS est sur une pente descendante. La faiblesse persistante de son assiette constitue un élément de préoccupation important pour les finances publiques. Par ailleurs, le contexte de faible croissance économique minore la montée en charge du CICE par rapport à la prévision initiale. Toutefois en générant une créance reportable sur les exercices suivants, il engendrera une baisse du produit de l’IS dès la reprise économique amorcée du fait de son important effet procyclique.

La baisse du produit de l’IS apparaît désormais comme un élément structurel.

PART DE L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS NET DANS LE PIB

En 2014, le produit prévisionnel de la TVA, initialement fixé à 139,5 milliards d’euros, a été revu à 140 milliards d’euros en loi de finances rectificative pour 2014 afin de tenir compte de la plus-value de 600 millions d’euros enregistrée en exécution 2013. Le présent projet de loi de finances propose une moins-value de 2,2 millions d’euros afin de tenir compte du fort recul de l’investissement des ménages et de la faiblesse de l’inflation qui a un impact direct sur le produit de la TVA. Ainsi, le niveau de la TVA s’établirait en hausse de 1,1 % par rapport à 2013, ce qui serait le résultat d’une évolution spontanée négative de – 0,1 %.

Cette évolution spontanée négative est compensée par les mesures nouvelles à hauteur de 1,6 milliard d’euros notamment le passage à compter du 1er janvier 2014 du taux intermédiaire de 7 % à 10 % et du taux normal de 19,6 % à 20 % (+ 5,6 milliards d’euros), partiellement compensé par l’abaissement du taux de TVA pour certains travaux (– 300 millions d’euros) et l’augmentation prévue en loi de finances pour 2014 de la TVA transférée aux organismes de sécurité sociale par rapport à 2013 (– 3 milliards d’euros).

En 2015, le produit net de la TVA atteindrait 142,6 milliards d’euros sur la base d’une croissance des emplois taxables de 1,4 % en rebond par rapport à celle attendue en 2014 du fait d’une hypothèse de reprise de la consommation en volume et d’une inflation qui atteindrait 0,9 % au lieu des 0,5 % en 2014. Cette croissance demeurerait toutefois inférieure à la croissance en valeur du PIB.

L’impact des mesures nouvelles serait de + 1,2 milliard d’euros dont 600 millions d’euros liés à la hausse des taux de TVA au 1er janvier 2014 du fait des effets décalés. Enfin, l’impact sur les recettes de TVA de l’article prévoyant les relations financières entre l’État et la sécurité sociale serait de + 1,7 milliard d’euros.

4. Les autres recettes fiscales

La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) conserve la double caractéristique d’être une imposition dont la dynamique spontanée est nulle, voire négative, et dont le produit affecté à l’État diminue progressivement en raison de transferts réguliers de quotes-parts aux collectivités territoriales pour 300 millions d’euros en 2014. Sa prévision pour 2014 est révisée de 200 millions d’euros par rapport à la loi de finances rectificative pour 2014. Son produit s’élèverait à 13,4 milliards d’euros. Le produit attendu pour 2015 s’établirait à 14,6 milliards d’euros du fait des mesures nouvelles pour 1 milliard d’euros dû à la composante carbone créée en loi de finances pour 2014 pour 1,2 milliard d’euros en 2015. En revanche, le relèvement de 2 centimes d’euro du tarif sur le carburant gazole aura un effet neutre sur le budget général de l’État puisque le produit de 800 millions d’euros est affecté à l’Agence de financement des infrastructures de transports (AFITF).

L’impôt de solidarité sur la fortune se singulariserait par sa dynamique. Sa prévision pour 2014 s’établirait à 5 milliards d’euros. La dernière loi de finances rectificative avait repris en base la plus-value enregistrée en 2013 et les recettes générées par l’action du service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) pour 600 millions d’euros. En 2015, sa progression se confirmerait et son produit s’établirait à 5,1 milliards d’euros sur la base d’une croissance spontanée de 2 %, Le nombre des dossiers en stock du STDR permettrait de maintenir ses recettes.

S’agissant des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), la loi de finances pour 2014 estimait leur montant à 730 millions d’euros. Ce montant a été révisé à 660 millions d’euros en loi de finances rectificative pour 2014 puis à 550 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances. En 2015, la prévision de recettes serait de 620 millions d’euros.

Le présent projet de loi de finances pour 2015 prend en compte le coût d’éventuels paiements dans le cadre des contentieux fiscaux liés au remboursement des retenues à la source applicables aux revenus distribués par les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et au précompte.

Pour le contentieux OPCVM étrangers, une dépense de 1,8 milliard d’euros est prévue après les 700 millions d’euros inscrits en 2014. La prévision de dépense demeure inchangée par rapport à la dernière loi de finances rectificative. Il est à noter que ce contentieux résulte de la décision prise par la précédente majorité en loi de finances pour 2006 visant à exonérer les OPCVM français de taxation sur les dividendes encaissés. Cette décision a été confirmée en 2007 malgré sa fragilité juridique au regard du principe de non-discrimination du droit communautaire. Le 10 mai 2012, le Cour de justice des communautés européennes a condamné la France à faire bénéficier les OPCVM étrangers des mêmes dispositions que celles appliquées aux OPCVM français.

Dans le cas du contentieux relatif au précompte mobilier, les recettes encaissées seraient supérieures aux décaissements d’où des recettes nettes positives de 300 millions d’euros.

Toutefois, ces prévisions sont par essence soumises à de nombreux aléas.

 

2013

LFR 2014

Révisé 2014

PLF 2015

Recettes non fiscales

13,7

14,3

14

13,7

dont dividendes et recettes assimilées

6,2

5,9

6

5,5

dont produit du domaine de l’État

1,8

1,9

2

1,9

dont remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières

0,5

0,9

0,4

0,9

Dont amendes, sanctions pénalité et frais de poursuite

1

1,3

1,1

1

Divers

2,9

3

3,2

3,1

Source : tome I du fascicule des Voies et moyens annexé aux projets de loi de finances.

La prévision révisée pour 2014 ressort en légère hausse par rapport à la prévision initiale et s’établit à 14 milliards d’euros. Il importe de noter que la prévision révisée des principales recettes non fiscales est globalement en ligne avec la prévision initiale, ce qui pourrait être un signe de plus grande qualité de celle-ci.

En 2015, le produit des recettes non fiscales s’établirait à 13,7 milliards d’euros. Ce produit comporte celui des participations de l’État dans les entreprises financières qui est évalué à 1 655 millions d’euros. Cette prévision intègre les versements de la Caisse des dépôts et consignations pour 700 millions d’euros et de la Banque de France pour 900 millions d’euros.

La prévision 2015 enregistrerait ainsi une baisse de 300 millions d’euros du fait principalement de :

– la baisse du produit des participations de l’État dans les entreprises non financières de 500 millions d’euros du fait de la politique industrielle de l’État qui privilégie désormais le réinvestissement plutôt que la politique de distribution de dividendes ;

– la baisse annoncée du dividende versée par la Banque de France de 400 millions d’euros ;

Ces baisses seraient partiellement compensées par diverses hausses de produits et prélèvement, principalement par la hausse du prélèvement sur la Caisse des dépôts et consignations de 500 millions d’euros.

Solde de l’État LFI 2014

– 82,6

Gage du surcoût lié au prélèvement sur recettes en faveur de l’UE

0

Variation norme de dépenses

+ 5,1

Variation recettes fiscales nettes

– 11,1

Variation recettes non fiscales

+ 0,3

Variation solde comptes spéciaux

+ 1,3

Solde de l’État révisé 2014

– 87

Source : d’après ministère des finances et des comptes publics.

Cette évolution défavorable est due principalement aux fortes moins-values de recettes fiscales nettes qui ont été décrites plus haut – en particulier les moins-values d’IR malgré un important effet de maîtrise des dépenses commentées dans le tome I du présent rapport général.

La charge de la dette de l’État serait également revue en baisse de 517 millions d’euros par rapport à la prévision faite en loi de finances rectificative de juillet 2014.

En 2015, déduction faite de la dépense exceptionnelle, globalement sans impact sur solde en comptabilité nationale, que constitue le deuxième programme des investissements d’avenir, le solde de l’État s’améliorerait de 11,3 milliard d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2014.

LA PRÉVISION DE SOLDE DE L’ÉTAT POUR 2015

(en milliards d’euros)

Solde de l’État révisé 2014

– 87

Variation norme de dépenses

+ 3,9

Prélèvement sur recettes

+ 2,8

Variation recettes fiscales nettes

+ 5,7

Variation recettes non fiscales

– 0,4

Variation solde comptes spéciaux

– 0,7

Solde de l’État PLF 2015

– 75,7

Source : ministère des finances et des comptes publics.

En 2015, la réduction des dépenses permettrait d’améliorer le solde de 11,3 milliards d’euros conformément au plan de 50 milliards d’euros d’économies annoncé par le Gouvernement et qui trouve sa première traduction dans le présent projet de loi de finances.

Les recettes fiscales nettes augmenteraient de 5,7 milliards d’euros en raison principalement de l’évolution spontanée dont l’analyse est faite ci-dessous.

Le tableau de financement figurant au du II du présent article apparaît comme le pendant, au plan financier, du tableau d’équilibre prévu en matière budgétaire.

L’article 34 de la LOLF dispose en effet que la première partie de la loi de finances « évalue les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier, présentées dans un tableau de financement ».

Cette disposition permet d’apprécier la charge liée au remboursement de la dette de l’État dans un tableau récapitulant le besoin de financement et la capacité de financement de l’État. Le solde budgétaire arrêté à l’article d’équilibre n’est en effet que l’une des composantes de l’équilibre financier de l’État, le déficit budgétaire devant, après constatation, être financé au cours de l’année par la voie de l’emprunt.

ÉVOLUTION DU BESOIN DE FINANCEMENT ENTRE 2015 ET 2015

(en milliards d’euros)

Il ressort de ce tableau que le besoin de financement a augmenté de 20,2 milliards d’euros entre la loi de finances pour 2014 (LFI) (216) et le présent projet de loi de finances principalement du fait de :

– l’augmentation des amortissements de long terme (+ 35,1 milliards d’euros) liée l’arrivée à échéance d’émissions contractées à la suite de la crise financière ;

– de l’aggravation du déficit (+ 5,1 milliards d’euros) en conséquence d’une conjoncture économique plus dégradée qu’anticipé en LFI 2014.

Cette évolution est détaillée dans l’annexe n° 9 du tome I du présent rapport général.

En application du même article 34 précité de la LOLF, l’article d’équilibre doit également fixer un plafond de la variation de la dette, qui s’établit, au 4° du II du présent article, à 70,9 milliards d’euros en 2015 (au lieu de 69,2 milliards d’euros en 2014).

Ce plafonnement indique la variation nette autorisée, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an, soit de la dette émise sous forme d’obligations assimilables du Trésor (OAT) et de bons du Trésor à taux fixe et à intérêt annuel (BTAN).

Par ailleurs, le du II du présent article a pour objet d’accorder au ministre chargé de l’économie une autorisation globale pour conclure toutes les opérations nécessaires au financement de l’État et à la gestion de sa trésorerie pour l’année 2015.

Suite à la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES), et à l’instar de ce qui est autorisé pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF), le ministre chargé de l’économie est également autorisé à effectuer des opérations de trésorerie avec le MES.

Le ministre chargé de l’économie dispose également d’une autorisation de recourir aux instruments à terme pour la réalisation des opérations de couverture financière des variations de change ou de coûts de matières premières.

En application du 6° du I de l’article 34 précité de la LOLF, la première partie de la loi de finances fixe un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Les emplois sont exprimés en « équivalents temps plein travaillé » (ETPT), notion qui permet de comptabiliser les agents au prorata de leur période de présence et de leur quotité de travail par rapport à un temps plein.

À la différence des plafonds de dépenses qui sont ventilés entre le budget général, chaque budget annexe et chaque catégorie de comptes spéciaux, ce plafond recouvre l’ensemble des emplois rémunérés par l’État.

Le III du présent article fixe ce plafond à 1 903 238 ETPT au lieu de 1 906 007 ETPT en LFI 2014. En seconde partie du présent projet de loi de finances (article 36), les plafonds d’autorisation d’emplois de l’État font l’objet d’une répartition par ministère et par budget annexe, dans la limite du plafond voté en première partie. Ces plafonds ministériels complètent le dispositif de plafonnement de la masse salariale (crédits du titre 2), conformément au III de l’article 7 de la LOLF aux termes duquel « les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel sont assortis de plafonds d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Ces plafonds sont spécialisés par ministère ».

Pour rappel, ce plafond d’autorisation d’emplois de l’État évolue dans le respect de l’objectif de stabilisation des effectifs de l’État et de ses opérateurs rappelé à l’article 9 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Les mesures assurant le respect de cet objectif sont détaillées à l’annexe n° 4 du tome I du présent rapport général.

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La Commission adopte l’article 31 sans modification.

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Enfin, elle adopte l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances, modifiée.

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