N° 2298 - Avis de M. Dominique Lefebvre sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (n°2252)




N
° 2298

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2014.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2015 (n° 2252),

PAR M. Dominique LEFEBVRE,

Député.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : LA TRAJECTOIRE FINANCIÈRE DE NOTRE SYSTÈME DE PROTECTION SOCIALE, CADRAGE HISTORIQUE ET MISE EN PERSPECTIVE 9

I. L’AUGMENTATION DYNAMIQUE DES DÉPENSES SOCIALES A CONDUIT À L’ACCUMULATION D’UNE DETTE SOCIALE QUI NE SE JUSTIFIE PAS 9

A. UNE AUGMENTATION CONTINUE DES DÉPENSES SOCIALES COMMUNE À TOUS LES PAYS DÉVELOPPÉS, MAIS PARTICULIÈREMENT FORTE EN FRANCE 9

B. L’INCAPACITÉ DES RECETTES À SUIVRE L’ÉVOLUTION DES DÉPENSES EST SOURCE DE DÉFICITS CHRONIQUES ET D’UNE DETTE SOCIALE DYNAMIQUE 10

II. LA FISCALISATION DU FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE PRÉSENTE DES LIMITES QUI IMPOSENT UN CONTRÔLE PLUS STRICT DES DÉPENSES SOCIALES 12

A. LA VOLONTÉ DE LIMITER L’IMPACT SUR LE COÛT DU TRAVAIL A CONDUIT À UNE FISCALISATION PROGRESSIVE DU FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 12

B. L’ESSOUFFLEMENT DE LA LOGIQUE DE RECHERCHE DE NOUVELLES RECETTES IMPOSE UNE MAÎTRISE ACCRUE DES DÉPENSES DE SÉCURITÉ SOCIALE 14

DEUXIÈME PARTIE : LES RECETTES ET L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL 17

I. LE RÉTABLISSEMENT DES COMPTES DES RÉGIMES OBLIGATOIRES, UN IMPÉRATIF 17

A. LE RÉGIME GÉNÉRAL ET LES AUTRES RÉGIMES 17

1. La situation du régime général 17

2. Le solde des autres régimes de base 19

3. Les comptes des organismes concourant au financement des régimes 20

B. LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT PROJET DE LOI EN MATIÈRE DE RECETTES 21

1. Les prévisions macroéconomiques associées au présent projet de loi 21

2. Les mesures du présent projet de loi en recettes 24

C. LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE AUX COTISATIONS SOCIALES 27

II. LA RÉPARTITION DES RESSOURCES FINANCIÈRES 28

A. LES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L’ÉTAT ET LA SÉCURITÉ SOCIALE 28

1. Les sources de financement des organismes de sécurité sociale 28

2. L’aménagement des relations financières entre l’État et la sécurité sociale selon le projet de loi de finances pour 2015 30

B. LA RÉPARTITION DES RESSOURCES ENTRE LES BRANCHES 32

III. LA GESTION DE LA DETTE SOCIALE 33

A. LA GESTION DE LA TRÉSORERIE 34

1. Le solde des comptes de l’ACOSS et sa structure de financement 34

2. Les charges financières de l’ACOSS 35

B. L’AMORTISSEMENT DE LA DETTE SOCIALE 36

1. L’évolution de l’amortissement de la dette sociale par la CADES 36

2. Les conditions financières d’amortissement 38

TROISIÈME PARTIE : MAÎTRISER LES DÉPENSES EN PRÉSERVANT UN NIVEAU ÉLEVÉ DE PROTECTION SOCIALE 41

I. VUE D’ENSEMBLE DES DÉPENSES 41

A. UN EFFORT HISTORIQUE SUR LES DÉPENSES DE SANTÉ EST NÉCESSAIRE DÈS 2015 41

1. Une légère sur-exécution de l’ONDAM rectifié pour 2014, avant mesures correctrices 41

2. Les modalités d’élaboration de l’ONDAM pour 2015 42

B. LE RALENTISSEMENT DES PRESTATIONS DE RETRAITE VERSÉES PAR LES RÉGIMES DE BASE À PARTIR EN 2014 ET 2015 44

1. Le décalage de l’âge légal 44

2. La moindre revalorisation des pensions 45

C. LES DÉPENSES DE LA BRANCHE FAMILLE 46

II. GARANTIR UN PACTE SOCIAL DE QUALITÉ 47

A. L’ÉLARGISSEMENT DE L’ACCÈS AUX PRESTATIONS SOCIALES RÉPOND AUX OBJECTIFS DE LA STRATÉGIE NATIONALE DE SANTÉ 48

1. Favoriser l’accès aux soins pour les personnes les plus vulnérables 48

a. La mise en place du tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l’ACS 48

b. Accroître l’efficacité et le financement de la politique de prévention 49

c. Favoriser le développement des soins de proximité 50

d. Permettre une meilleure diffusion des technologies innovantes 50

2. Améliorer la couverture accidents du travail - maladies professionnelles des conjoints non-salariés agricoles. 51

3. Généraliser l’indemnisation du parent survivant en cas de décès de la mère lors du congé maternité 51

4. Financer la perte d’autonomie 52

B. L’AMÉLIORATION DU POUVOIR D’ACHAT DES RETRAITÉS MODESTES 52

1. La revalorisation exceptionnelle de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) 53

2. Le versement d’une prime exceptionnelle de 40 euros pour l’ensemble des retraités modestes 53

3. L’ouverture d’une possibilité de cumul entre l’ASPA et des revenus d’activité 54

III. LIMTER LA PROGRESSION DES DÉPENSES D’ASSURANCE MALADIE 54

A. MIEUX RÉGULER LES DÉPENSES DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ 54

1. De nombreuses mesures non législatives permettent d’ores et déjà d’optimiser les dépenses hospitalières 54

2. Renforcer le pilotage régional des établissements et la pertinence des soins 56

B. STABILISER LES DÉPENSES DE REMBOURSEMENT EN AGISSANT SUR LES PRIX DES PRODUITS 57

1. La réforme du mécanisme de régulation des médicaments remboursés 58

2. Une régulation spécifique pour les traitements contre l’hépatite C 58

IV. MODERNISER LES PRESTATIONS FAMILIALES 59

A. LE TEXTE PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT : LA MODULATION DE LA PRIME À LA NAISSANCE OU À L’ADOPTION 59

B. LA PROPOSITION DE LA MAJORITÉ PARLEMENTAIRE : UNE DÉGRESSIVITÉ DU MONTANT DES ALLOCATIONS EN FONCTION DES REVENUS 60

C. D’AUTRES MESURES SERONT MISES EN œUVRE PAR VOIE RÉGLEMENTAIRE 61

1. Améliorer l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle 61

2. Le décalage de la majoration des prestations familiales 63

3. Le décalage du versement de la prestation d’accueil du jeune enfant 63

4. La progressivité accrue des aides à la garde du jeune enfant 63

EXAMEN EN COMMISSION 65

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 93

INTRODUCTION

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France a fait le choix d’un système de protection sociale généreux, à même de traduire dans les faits les principes du Préambule de la Constitution de 1946 : assurer « à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».

Le récent rapport sur la fiscalité des ménages (1) a souligné la force redistributive du système socio-fiscal français. Il réduit 40 % des écarts de niveau de vie entre le premier et le dernier décile de revenus et divise par deux la proportion de ménages dont le niveau de vie annuel est inférieur à 10 000 euros.

Le rappel de ces qualités ne doit toutefois pas occulter les limites de notre système. Les dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSO) étaient ainsi de 562,9 milliards d’euros fin 2013, soit 26,6 % du PIB, contre une moyenne de 20,6 % en zone euro. Elles constituent 46,6 % des dépenses publiques, et expliquent les deux tiers de leur accroissement depuis 1978. Or, si cette croissance résulte avant tout du vieillissement démographique et de l’accroissement du revenu par habitant, sa tendance n’apparaît pas soutenable, en raison de l’incapacité des recettes à suivre le même rythme d’évolution. Dès lors, le déficit annuel du régime général, qui n’a en moyenne jamais été inférieur à 10 milliards d’euros, n’a été pleinement résorbé qu’à trois reprises (1999, 2000 et 2001) entre 1990 et 2014.

Des solutions innovantes ont certes été mises en œuvre pour limiter les conséquences de cette forte croissance des dépenses sur le financement de la protection sociale. Une fiscalisation progressive des ressources de la sécurité sociale a en effet permis de contenir l’impact sur le coût du travail d’un financement à l’origine – et c’est là une des spécificités du modèle français – exclusivement fondé sur les cotisations sociales. Sous l’action du gouvernement de Michel Rocard, la CSG a été instaurée en 1990 (2), des impôts et taxes affectés venant, par la suite, accentuer cette transformation des modalités de financement de prestations en partie universelles.

Pourtant, ces avancées ne sauraient suffire, compte tenu des déficits successifs et de l’accumulation injustifiée d’une dette sociale. L’extinction de cette dernière doit ainsi être une priorité, et ce même si ses conditions de refinancement par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) sont actuellement très favorables (les taux d’emprunt de l’ACOSS s’élèvent actuellement à 0,157 %). Depuis l’instauration de la CADES, en 1996, ce sont ainsi 42,8 milliards d’euros d’intérêts de la dette qui ont dû être remboursés, soit à peu près l’équivalent du budget annuel de l’Éducation nationale.

Alors que le tendanciel d’évolution des dépenses reste très élevé, et excédait les 4 % par an pour l’assurance maladie, jusqu’en 2014, c’est donc sur la maîtrise accrue de la dépense de sécurité sociale que l’effort doit porter pour rétablir durablement l’équilibre des comptes sociaux. En vertu de ces éléments, les mesures proposées par le Gouvernement dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015 sont concentrées sur les dépenses à hauteur de 4,4 milliards d’euros.

Les mesures en recettes ont en effet principalement pour objectif de rationaliser et de simplifier le recouvrement des cotisations et contributions sociales. Ceci est notamment le cas de la disposition relative à l’imposition des retraités au taux réduit de CSG, qui reprend la préconisation du rapport précité sur la fiscalité des ménages, visant à substituer au critère du montant d’impôt acquitté celui du revenu fiscal de référence. L’encadrement du mécanisme des assiettes forfaitaires de cotisations de sécurité sociale (article 9) et la simplification des règles de recouvrement des cotisations (article 14) s’inscrivent dans cette même ligne. Au-delà de ces éléments, le PLFSS assure la compensation intégrale des pertes de recettes de la sécurité sociale issues du pacte de responsabilité et de solidarité voté cet été (article 28).

Dès lors, les principales mesures du PLFSS concernent avant tout la maîtrise des dépenses. Le niveau de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est ainsi fixé à un niveau historiquement bas de 2,1 %, contre un tendanciel de 3,9 %, et ne devra pas dépasser les 2 % sur la période couverte par la loi de programmation des finances publiques. Les économies seraient donc de 3,5 milliards d’euros en 2015, contre 2,4 milliards d’euros en 2004, par une action forte sur la pertinence et le bon usage des soins (1,15 milliard d’euros d’économies attendus), la promotion des génériques (435 millions d’euros), la baisse de prix des médicaments (550 millions d’euros), l’efficacité de la dépense hospitalière (520 millions d’euros) et le développement de la chirurgie ambulatoire. Sur le plan de la politique familiale, des efforts importants sont également proposés, avec notamment la modulation de la prime à la naissance en fonction du rang de l’enfant.

Au-delà de ces mesures nécessaires, tout l’enjeu de ce PLFSS est de garantir un pacte social de qualité. Sont ainsi au cœur de ce texte l’élargissement de l’accès aux prestations sociales, par la mise en place du tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l’assurance complémentaire santé (ACS) et le développement des soins de proximité, mais aussi l’amélioration du pouvoir d’achat des retraités modestes.

En définitive, ce projet pour 2015 constitue une étape indispensable pour préserver, dans la durée, notre pacte social. Il s’inscrit dans le cadre ambitieux de la trajectoire pluriannuelle de réduction des déficits, qui prévoit le retour du régime général (Fonds de solidarité vieillesse compris) à un solde négatif de 2,9 milliards d’euros en 2018, contre 15,4 milliards d’euros en 2014.

PREMIÈRE PARTIE : LA TRAJECTOIRE FINANCIÈRE DE NOTRE SYSTÈME DE PROTECTION SOCIALE, CADRAGE HISTORIQUE ET MISE EN PERSPECTIVE

Le solde du régime général de la sécurité sociale n’a pas connu de situation excédentaire depuis 2001, et n’a été qu’à de rares occasions contenu en deçà d’un déficit de 10 milliards d’euros. Or, si un déficit public est légitime lorsqu’il s’agit de financer des dépenses d’avenir et d’investissement, à même de générer la croissance nécessaire au remboursement de la dette contractée, le déficit des administrations sociales ne se justifie pas à moyen terme : il n’est pas légitime de faire financer par les générations futures les dépenses sociales actuelles.

Cet état de fait est avant tout le fruit d’une croissance continue des dépenses sociales, que la recherche de nouveaux moyens de financement, dans la volonté d’équilibrer les comptes sociaux, n’a pu contrebalancer. Le caractère insoutenable du tendanciel d’évolution des dépenses de sécurité sociale impose dès lors une maîtrise plus stricte de l’évolution des dépenses, seule à même de permettre la résorption de la dette sociale et d’accroître l’efficience de notre système de sécurité sociale. La préservation de notre modèle social passe par sa transformation.

Le projet de loi de programmation des finances publiques 2014-2019 affiche des objectifs ambitieux en termes d’évolution des dépenses publiques, une stagnation en volume de ces dernières étant prévue pour 2017. Lié à la volonté de réduire le déficit des administrations publiques, cet objectif marque une rupture par rapport à l’évolution des dépenses depuis les années 1980, qui s’explique en grande partie par l’évolution dynamique des dépenses sociales.

Ainsi, les dépenses des administrations de sécurité sociale (ASSO) représentaient, fin 2013, 562,9 milliards d’euros, soit 46,6 % des dépenses des administrations publiques et 26,6 % du produit intérieur brut (PIB). Or, si les dépenses de protection sociale constituent dans tous les pays de la zone euro le premier poste des dépenses publiques (soit 20,6 % du PIB en moyenne, en 2012), la France se distingue en y consacrant 3,8 points de PIB de plus que ses partenaires (3) : ceci correspond à près de 80 % de l’écart à la moyenne européenne. Dès lors, l’augmentation continue des dépenses de prestations sociales (4) en France explique 66 % de l’accroissement total de la part des dépenses publiques dans le PIB depuis 1978.

Les causes de cette évolution résident en particulier dans le vieillissement démographique et l’accroissement du revenu par habitant. Les dépenses de santé sont ainsi passées de 4 % du PIB en 1960 à 11 % en 2010, tandis que la part des dépenses de retraites dans le PIB est passée de 10,3 % en 1980 à 14 % en 2009.

En raison de leur poids et de leur dynamisme, les dépenses d’assurance maladie et d’assurance vieillesse contribuent respectivement à hauteur de 45 % et 40 % en 2013 à la croissance des dépenses des régimes de base. Si les dépenses de la branche vieillesse sont actuellement les plus dynamiques, avec 3 % de croissance en 2013 contre 2,4 % pour la branche maladie, les réformes successives des régimes de retraites devraient contenir cette évolution en 2014 et 2015 aux alentours de 1,9 %.

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L’augmentation continue des dépenses de protection sociale n’a pu être contenue par une évolution équivalente des recettes, si bien que les régimes de sécurité sociale font face à un problème persistant de financement.

Depuis 1990, le solde consolidé du régime général n’a été positif qu’entre 1999 et 2001, sans que la taille de l’excédent ne soit de nature à compenser les déficits passés. Relativement contenu entre 1990 et 1994, avec un déficit inférieur à 5 milliards d’euros, le solde du régime général n’a jamais renoué, ni avec une situation excédentaire, ni avec un déficit inférieur à 5 milliards d’euros. Les soldes de la Caisse nationale d’assurance maladie y sont pour beaucoup, la branche maladie n’ayant jamais atteint l’équilibre depuis 1990. La branche vieillesse a de même connu des déficits importants, notamment dans la seconde moitié des années 2000, avant que ceux-ci ne se réduisent avec l’entrée en vigueur des réformes des retraites successives.

Ce déséquilibre persistant entre recettes et dépenses a ainsi conduit à l’accumulation de déficits, créateurs d’une dette sociale qui ne se justifie pas. Fondée sur une logique assurantielle, dans laquelle des prestations viennent en contrepartie de cotisations (qui représentent encore plus 55 % de l’ensemble de ses recettes), la sécurité sociale ne devrait tolérer de déficits à moyen terme, au risque de reporter sur les générations futures les prestations dont bénéficient les générations actuelles.

Or, les reports successifs de la date d’extinction de la CADES sont l’illustration de l’incapacité à résorber le déséquilibre entre recettes et dépenses. Les caisses de sécurité sociale ne pouvant emprunter pour des échéances supérieures à un an, les déficits portés par l’ACOSS ont régulièrement été transférés à la CADES, mettant fin à l’espoir de son extinction proche (5).

Dès lors, si la dette des administrations de sécurité sociale, qui s’élevait au deuxième trimestre 2014 à 212,4 milliards d’euros, ne constitue qu’une part modeste de la dette totale des administrations publiques (un peu plus de 10 %, cette dette s’élevant à 2023,7 milliards à la même date), son dynamisme et sa progression durant les deux dernières décennies sont préoccupants, et ont conduit à rechercher de nouveaux modes de financement des dépenses sociales.

Compte tenu de la logique assurantielle du système français de protection sociale, la croissance des dépenses en la matière et la nécessité de contenir le déficit des différents régimes font porter un réel risque de dérive du coût du travail. Cette particularité de notre système de sécurité sociale est mise en relief par la comparaison avec les autres pays de l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE). Ainsi, en 2010, soit avant les dispositions récentes d’abaissement du coût du travail (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et pacte de responsabilité et de solidarité), la part dans le produit intérieur brut (PIB) des cotisations sociales versées aux administrations publiques s’élevait à près de 17 % en France, contre 14 % en Allemagne et en Italie, 11 % en Suède et 9 % en moyenne dans l’OCDE (6). Accroître les recettes traditionnelles, c’est-à-dire les cotisations sociales, pour financer les dépenses croissantes de sécurité sociale fait donc peser un risque d’augmentation continue du coût du travail.

Compte tenu de l’impact d’une telle évolution sur les taux de marge des sociétés non financières, sur leur compétitivité et sur l’emploi, une fiscalisation progressive de la ressource est venue en partie combler le besoin de financement additionnel.

Deux éléments majeurs ont bouleversé les modalités de financement de la sécurité sociale.

Il s’agit tout d’abord de l’instauration par la loi de finances pour 1991 (7) de la CSG, prélevée à la source et disposant d’une très large assiette (97 % des revenus étant imposés). Son produit est estimé pour 2014 à 91,5 milliards d’euros, et permet le financement à hauteur de 73,6 milliards d’euros des régimes de base de la sécurité sociale (le régime général à hauteur de 54,7 milliards d’euros pour la branche maladie en 2014, la branche famille pour 10,6 milliards d’euros et la branche maladie des régimes autres que le régime général pour 8,5 milliards d’euros).

Ainsi, la CSG représente désormais 16 % de l’ensemble des produits perçus par les régimes de base (8), contre 55 % pour les cotisations, alors que ces dernières représentaient la quasi-totalité des ressources de ces mêmes régimes en 1990. L’accroissement de son rendement est particulièrement spectaculaire à la fin des années 1990, avec l’élargissement de son assiette à la plupart des produits de remplacement (1er janvier 1997) (9), accompagné d’une augmentation des divers taux (notamment en 1998, en contrepartie d’une baisse des cotisations maladie sur les salaires (10)).

Afin, là aussi, de limiter l’impact sur le coût du travail de l’accroissement des dépenses sociales, des allégements de cotisations sociales ont été successivement mis en œuvre, dès 1993, avec les « allégements Balladur » sur les bas salaires (11). Compensés sur le budget de l’État à partir de 1994 par des transferts et des impôts et taxes affectés (ITAF), ces allégements ont dès lors indirectement contribué à la diversification des modes de financement de la sécurité sociale. Ils ont induit un mouvement d’affectation de nouvelles ressources fiscales, qui sont venues multiplier l’origine des recettes des régimes de base, comme le résume le graphique suivant (12)

Ce graphique illustre la montée en charge progressive de la CSG dans le financement du régime général. Il souligne de même la place sans cesse plus grande prise par les taxes affectées dans le financement de la sécurité sociale, qu’il s’agisse des taxes sur les alcools, des droits sur les tabacs et les boissons sucrées ou des taxes sur le chiffre d’affaires (notamment des entreprises pharmaceutiques). Ainsi, les impôts, taxes et autres contributions sociales (hors CSG) représentent désormais 12 % de l’ensemble des produits reçus par les régimes de base.

Si la recherche de nouvelles recettes a été utilisée afin de résorber les déficits des comptes sociaux depuis le début des années 1990, la persistance d’une dette sociale démontre les limites de cette approche. Au regard de l’incapacité des recettes à suivre la croissance des dépenses sociales, la maîtrise de leur évolution est nécessaire.

Les efforts doivent en particulier porter sur la sphère de l’assurance maladie. Les prestations nettes de la branche maladie du régime général s’élèvent en effet à 156,9 milliards d’euros, soit la moitié de l’ensemble des prestations du régime général.

L’analyse du tendanciel d’évolution des dépenses de santé incluses dans le champ de l’ONDAM démontre la nécessité d’une maîtrise accrue des dépenses de sécurité sociale : si ce dernier a perdu 1,7 point de progression annuelle entre 2005 et 2012, son niveau reste en effet supérieur à la croissance en valeur. Or, depuis 1996, avec le vote de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie dans les lois de financement de la sécurité sociale, les cibles d’évolution n’ont été respectées qu’à de rares occasions. Les écarts aux objectifs ont été particulièrement significatifs au début des années 2000, s’élevant par exemple à 3 points de pourcentage en 2000 et 2002.

L’exemple de l’assurance maladie illustre la difficulté à maîtriser les dépenses de sécurité sociale, même si une nette amélioration est à souligner depuis 2010, l’ONDAM ayant été respecté quatre années de suite. En outre, si la situation actuelle de faible inflation conduit à réviser à la baisse le tendanciel d’évolution des dépenses, elle complique la réalisation d’économies dans la sphère de la sécurité sociale, en l’absence de marges de manœuvre dans la désindexation des prestations sociales.

Pourtant, des efforts sont possibles, et ce sans remettre en cause la qualité de notre système de sécurité sociale. Ainsi, de nombreux rapports ont récemment souligné qu’il était possible de faire mieux en dépensant moins. L’analyse économique détaillée de France Stratégie, qui compare l’efficience des dépenses publiques des divers pays de la zone euro, en est la preuve (13). Pour se concentrer sur la sphère de la protection sociale, la France consacrait notamment fin 2012 1,2 point de PIB en dépenses de santé de plus que la Suède (Eurostat), dont l’efficacité du système de santé est pourtant équivalente (14). De même, dans une note récente du Conseil d’analyse économique (15), le récent prix Nobel Jean Tirole et d’autres économistes suggèrent des voies de réforme permettant à la fois, par la transformation de notre système mixte d’assurance (associant sécurité sociale et organismes complémentaires), d’accroître l’efficacité de l’assurance-maladie tout en générant les économies nécessaires à la soutenabilité de notre système.

Face à ces constats, le Gouvernement a engagé un programme volontariste de maîtrise des dépenses sociales et de réformes afin de participer à l’effort de redressement des finances publiques.

Cet effort sur trois ans portera sur la protection sociale à hauteur de 11 milliards d’euros et l’assurance maladie pour 10 milliards d’euros. Il s’agit de rompre avec une logique déficitaire insoutenable de notre système de protection sociale, dans le souci d’en garantir la pérennité à long terme. Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 constitue la première étape de ce plan de redressement de nos finances sociales.

DEUXIÈME PARTIE : LES RECETTES ET L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL

 

2013

2014 (p)

 

Recettes

Dépenses

Solde

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

182,2

189,1

– 6,9

186,4

193,8

–7,4

Vieillesse

212,2

215,8

– 3,6

218,1

219,9

– 1,7

Famille

54,9

58,2

– 3,3

56,2

59,1

– 2,9

Accidents du travail

13,5

12,8

0,7

13,5

13,2

0,3

Total

449,8

462,9

– 13,1

461,2

472,9

– 11,7

FSV

16,8

19,7

– 2,9

16,9

20,6

– 3,7

Source : PLFSS 2015.

(p) : prévisions

Le déficit global des régimes obligatoires de base poursuit sa décrue progressive ; cette situation reste néanmoins hétérogène en fonction des branches concernées. Les soldes de l’assurance maladie et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) continuent de se dégrader. À l’inverse, le solde des branches vieillesse et famille s’améliore assez sensiblement, tandis que la branche accidents de travail bénéficie toujours d’un solde en léger excédent.

   

2012

2013

2014 (p)

Maladie

Recettes fiscales

18 241

19 003

21 349

En % du total

20,1 %

20,4 %

22 %

Cotisations

72 577

74 016

75 493

En % du total

79,9 %

79,6 %

78,2 %

Total

90 818

93 019

96 842

Vieillesse

Recettes fiscales

7 158

7 466

7 164

En % du total

9,8 %

9,7 %

9 %

Cotisations

65 978

69 523

72 069

En % du total

90,2 %

90,3 %

91 %

Total

73 136

76 989

79 233

Famille

Recettes fiscales

6 224

6 669

7 709

En % du total

15,2 %

15,9 %

18 %

Cotisations

34 851

35 263

35 057

En % du total

84,8 %

84,1 %

82 %

Total

41 075

41 932

42 766

Accidents du travail

Recettes fiscales

188

39

35

En % du total

1,7 %

0,3 %

0,3 %

Cotisations

10 958

11 506

11 653

En % du total

98,3 %

99,7 %

99,7 %

Total

11 146

11 545

11 688

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale – septembre 2014.

Globalement, on observe une certaine stabilité de la répartition des ressources des différentes branches du régime général entre recettes fiscales et cotisations. La part largement majoritaire des cotisations explique la forte sensibilité des recettes du régime général à l’évolution de la masse salariale privée. Cependant, certaines évolutions apparaissent, comme l’augmentation des recettes fiscales affectées à la Caisse nationale de l’assurance maladie (CNAM), ou à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). En revanche, les cotisations représentent désormais la quasi-totalité des ressources de la branche accidents du travail, tandis que leur part progresse régulièrement au sein des recettes de la branche vieillesse.

Du point de vue des dépenses du régime, la dynamique haussière est progressivement contenue.

PROGRESSION DES PRESTATIONS NETTES DU RÉGIME GÉNÉRAL

(en milliards d’euros, évolution en %)

 

2012

2013

2014 (p)

Maladie

148,9

2,7 %

152,5

2,5 %

156,9

2,9 %

Accidents du travail

8

1 %

8

– 0,5 %

8,2

3,1 %

Vieillesse

101,6

3,9 %

105,6

4 %

108

2,3 %

Famille

35,7

3 %

36,6

2,4 %

37

1,1 %

Régime général

294,2

3,1 %

302,7

2,9 %

310,1

2,5 %

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale – septembre 2014.

La maîtrise des dépenses du régime général porte principalement sur les branches retraite et famille. Le niveau des dépenses de la branche accidents du travail est relativement stable sur les trois dernières années. La branche maladie connaît une augmentation de ses dépenses comprise entre 2,5 % et 3 %.

Si le contexte économique fragile et la faible inflation en ont atténué l’ampleur, la réduction du déficit du régime général se confirme en 2014. Le déficit du régime général poursuit sa trajectoire de baisse : il passe de 12,5 milliards en 2013 à 11,6 milliards d’euros en 2014 d’euros. Le tableau suivant détaille cette diminution du déficit du régime général depuis 2012 :

ÉVOLUTION DES COMPTES DES BRANCHES
DU RÉGIME GÉNÉRAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

(en milliards d’euros)

   

2012

2013

2014 (p)

Maladie

Charges nettes

160,9

164,8

168,9

Produits nets

155

158

161,6

Solde

– 5,9

– 6,8

– 7,3

Accidents du travail - Maladies professionnelles

Charges nettes

11,7

11,3

11,8

Produits nets

11,5

12

12,1

Solde

– 0,2

0,6

0,2

Vieillesse

Charges nettes

110,2

114,6

116,7

Produits nets

105,5

111,4

115,1

Solde

– 4,8

– 3,1

– 1,6

Famille

Charges nettes

56,3

57,8

59,1

Produits nets

53,8

54,6

56,2

Solde

– 2,5

– 3,2

– 2,9

Total

Charges nettes

327,5

336,5

344,4

Produits nets

314,2

324

332,8

Solde

– 13,3

– 12,5

– 11,6

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale – septembre 2014.

Seule la branche maladie voit son déficit se dégrader en 2014, les branches vieillesse et famille connaissent une amélioration de leur solde entre 2013 et 2014. La branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) bénéficie toujours d’un solde légèrement positif.

 

2012

2013

2014

Autres régimes de base

– 1,8

– 0,6

– 0,1

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale – septembre 2014.

Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a pour mission de prendre en charge les avantages d’assurance vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale (16). À ce titre, il finance la prise en charge de cotisations et de prestations en faveur des branches vieillesse des régimes de base de la sécurité sociale.

Le déficit du FSV s’établit à 3,6 milliards d’euros 2014, soit une aggravation de 700 millions d’euros par rapport à 2013. Cela résulte de la diminution des produits nets du fonds et de la hausse concomitante des prises en charge de cotisations au titre du chômage. Celles-ci sont en augmentation constante en raison de la conjoncture économique défavorable et de la hausse continue du chômage. En 2014, elles représentent 55,7 % des charges nettes du fonds. À l’inverse, une fraction du forfait social a été transférée en 2014 du FSV vers la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) (17) en vertu du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (18). La baisse du produit du forfait social pour le FSV s’élève pour l’année 2014 à 55 %, soit près d’un milliard d’euros.

Le tableau suivant retrace l’évolution des charges et des produits nets du FSV depuis 2012.

ÉVOLUTION DES COMPTES DU FSV

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014 (p)

Charges nettes

18 835

19 690

20 346

Produits nets

14 697

16 835

16 746

Résultat

– 4 138

– 2 855

– 3 600

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale – septembre 2014.

Si l’augmentation du déficit du FSV était prévue dès la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, son aggravation en cours d’année ne doit pas manquer d’interpeller. Le Rapporteur pour avis tient à souligner la nécessité de combler le déficit du FSV. À cet égard, la relative stabilité des dépenses durant une période économique difficile incite à la confiance. En revanche, il devient indispensable de garantir un niveau de ressources suffisant au FSV.

Le résultat financier de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) en 2013 se traduit par un faible déficit de 11 millions d’euros. Il s’agit d’un résultat plus favorable que les prévisions, cependant le Rapporteur pour avis retient que l’objectif global des dépenses est sous-consommé de 100 millions d’euros. Cela pose une nouvelle fois la question de l’adéquation des ressources de la CNSA avec ses charges prévisionnelles.

La CNSA bénéficie de 100 millions d’euros de crédits supplémentaires en 2014 en raison de l’affectation complète de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) et d’une baisse limitée de la part de CSG affectée à la CNSA. Ces mesures de recettes, anticipant la loi d’adaptation de la société au vieillissement, ne suffisent pas à équilibrer les comptes de la CNSA, qui devraient être plus fortement déficitaires en 2014.

ÉVOLUTION DES COMPTES DE LA CNSA

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014 (p)

Charges nettes

20 157,4

21 112,8

21 716,2

Produits nets

20 132,9

21 101,6

21 555,3

Résultat

– 24,5

– 11,3

– 160,9

Source : annexe 8 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

Le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) a pour mission de gérer les sommes qui lui sont affectées afin de constituer des réserves destinées à contribuer à la pérennité des régimes de retraite (19). Le FRR doit verser depuis 2011 et jusqu’en 2024 chaque année 2,1 milliards d’euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) (20). La valeur des actifs du FRR reste stable, elle était de 36,3 milliards d’euros au 31 décembre 2013, elle se situe à 36 milliards d’euros au 31 juillet 2014. La performance financière est tout à fait satisfaisante puisqu’elle s’élève à 5,2 % depuis le 1er janvier 2014.

L’équilibre financier de la sécurité sociale est directement dépendant de l’évolution macroéconomique. Rappelons à ce titre qu’un point de croissance de la masse salariale permet environ 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour le régime général.

La situation économique actuelle reste fragile. Le premier semestre 2014 a déçu les attentes des différents organes de statistiques et de prévisions économiques ; au troisième trimestre 2014 la croissance de la zone euro est ressortie à seulement 0,2 %. En cours d’année, l’hypothèse de croissance du PIB en France a été ramenée de 0,9 % à 0,4 % en 2014 et la progression de la masse salariale a été abaissée de 2,2 % à 1,6 %. Ces prévisions ont été considérées comme réalistes par le Haut Conseil des finances publiques (21). Concernant l’année 2015, le Gouvernement prévoit un léger rebond de la croissance à 1 % et une hausse de l’inflation à 0,9 %. Cette analyse est conforme aux prévisions de l’OCDE (22) et du Fonds monétaire international (FMI) (23). Ce redémarrage résulterait d’un « policy-mix » plus accommodant bénéficiant de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) plus favorable à la reprise de l’activité et à la croissance. Les mesures du pacte de responsabilité et la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) devraient accroître la compétitivité des entreprises françaises. L’accélération de la demande au niveau international constituerait également un relais de croissance efficace. Forte de ces déterminants, l’évolution de la masse salariale serait en ligne avec cette dynamique à 2 %.

Le tableau suivant retrace l’ensemble des différentes hypothèses macroéconomiques sous-jacentes au présent projet de loi.

PRINCIPALES HYPOTHÈSES MACROÉCONOMIQUES

 

2012

2013

2014 (p)

2015 (p)

Produit intérieur brut (PIB)

Volume

0,3 %

0,3 %

0,4 %

1,0 %

Valeur

1,5 %

1,1 %

1,2 %

1,9 %

Masse salariale

Secteur privé champ URSSAF

2,1 %

1,2 %

1,6 %

2,0 %

Emploi

0,0 %

– 0,6 %

– 0,1 %

0,1 %

Salaire moyen

2,2 %

1,8 %

1,7 %

1,9 %

Masse salariale plafonnée

2,5 %

1,2 %

1,4 %

1,7 %

Plafond de la sécurité sociale

Montant annuel en euros

36 372

37 032

37 548

38 040

Variation en %

2,9 %

1,8 %

1,4 %

1,3 %

Hausse des prix et taux de revalorisation

Prix hors tabac

1,9 %

0,7 %

0,5 %

0,9 %

Revalorisation de la BMAF au 1er avril

1,0 %

1,2 %

0,6 %

0,6 %

Effet en moyenne annuelle

0,75 %

1,15 %

0,75

0,37 %

Revalorisation des pensions au 1er avril (1)

2,1 %

1,3 %

0,0 %

0,9 %

Effet en moyenne annuelle

2,10 %

1,50 %

0,32 %

0,22 %

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale – septembre 2014.

(1) À compter de 2014, la revalorisation des pensions de retraite intervient au 1er octobre.

Le présent projet de loi détaille le solde prévisionnel des différentes branches des régimes obligatoires de la sécurité sociale. L’objectif est de réduire le déficit des régimes obligatoires de 1,6 milliard d’euros et celui du FSV de 800 millions d’euros par rapport à l’année 2014.

SOLDE PRÉVISIONNEL DES DIFFÉRENTES BRANCHES EN 2015

(en milliards d’euros)

 

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

Solde

Maladie

191,3

198,0

– 6,7

dont régime général

166,9

173,6

– 6,7

Vieillesse

222,7

224,0

– 1,3

dont régime général

119,4

120,9

– 1,5

Famille

52,4

54,6

– 2,3

dont régime général

52,4

54,6

– 2,3

Accidents du travail et maladies professionnelles

13,7

13,5

0,3

dont régime général

12,3

12,1

0,2

Total (hors transferts entre branches)

466,5

476,6

– 10,1

dont régime général

338,4

348,6

– 10,3

FSV

16,6

19,6

– 2,9

Source : PLFSS 2015.

La réduction du déficit de la sécurité sociale reposera principalement au cours des prochaines années sur des efforts en direction des dépenses. Cela s’inscrit dans l’effort de 50 milliards d’euros d’économies à l’horizon 2017 annoncé par le Gouvernement, dont 10 milliards d’euros concernent les dépenses d’assurance maladie et 10 milliards d’euros les autres dépenses de protection sociale. La trajectoire pluriannuelle de réduction du déficit est la suivante :

TRAJECTOIRE PLURIANNUELLE DE RÉDUCTION DU DÉFICIT

(en milliards d’euros)

 

2014

2015

2016

2017

2018

Maladie

– 7,3

– 6,9

– 5,8

– 3,7

– 1,4

AT-MP

0,2

0,2

0,4

0,8

1,2

Vieillesse

– 1,6

– 1,5

– 0,5

0,4

– 0,5

Famille

– 2,9

– 2,3

– 1,4

– 0,9

– 0,7

Régime général

– 11,7

– 10,5

– 7,2

– 3,3

– 1,3

FSV

– 3,7

– 2,9

– 3

– 2,4

– 1,6

Total

– 15,4

– 13,4

– 10,3

– 5,7

– 2,9

Source : PLFSS 2015, annexe B.

L’effort prévu par le présent projet de loi porte sur 5,6 milliards d’euros en 2015 par rapport à la projection tendancielle, dont 4,4 milliards d’euros d’économies de dépenses. Parallèlement, des mesures déjà votées en recettes permettront d’obtenir 1,2 milliard d’euros de ressources supplémentaires pour la sécurité sociale (cf. infra).

Le présent projet de loi prévoit diverses mesures en recettes ayant notamment pour objet de rationaliser et de simplifier le recouvrement des cotisations et contributions sociales.

L’article 5 du présent projet de loi procède à un transfert de la fraction de 0,5 point de forfait social affectée à la section 2 du FSV vers la section 1 du FSV. Cette mesure représenterait un transfert financier pérenne évalué à 154 millions d’euros en 2015. La section 2 du FSV a vocation à financer le maintien à 65 ans du départ à la retraite pour les parents de trois enfants ou d’enfant handicapé. Cette section bénéficie d’un excédent de 900 millions d’euros, suffisant pour financer l’intégralité de la dépense correspondante. Ce transfert de la fraction de forfait social permettra notamment de participer au financement de la prise en charge par le FSV de la revalorisation du minimum vieillesse à 800 euros et de la prime exceptionnelle de 40 euros aux retraités modestes, pour un coût global de 250 millions d’euros.

L’article 7 du présent projet de loi a pour objet de rendre plus équitable le calcul de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus de remplacement. Il s’agit de substituer au critère actuel de la cotisation d’impôt sur le revenu un critère de revenu fiscal de référence pour l’assujettissement des revenus de remplacement aux différents taux de CSG. Cette modification législative tire enseignement du constat réalisé par le rapport sur la fiscalité des ménages (24) d’une complexité excessive du système fiscalo-social ayant pour effet de créer des effets distorsifs. Actuellement, la CSG sur les revenus de remplacement crée des effets de seuil qui nuisent à son intelligibilité et à son objectif de progressivité.

En effet, l’application de la CSG aux revenus de remplacement est soumise à un régime complexe. Tout d’abord, il existe une exonération de CSG sur les allocations de chômage et les pensions de retraite et d’invalidité des personnes dont le montant des revenus de l’avant-dernière année n’excède pas un montant défini (25). Par ailleurs, ces règles d’exclusion d’assiette sont complétées par un assujettissement des revenus de remplacement à deux taux de CSG, un taux réduit et un taux normal, en fonction du montant de cotisation d’impôt sur le revenu.

La différence de critère retenu entre l’exonération et la modulation des taux a pour effet de nuire à l’homogénéité du régime. Le critère de la cotisation d’impôt apparaît en outre peu pertinent au regard d’enjeux de progressivité et d’équité. Un retraité peut bénéficier d’un taux réduit de CSG en raison d’un revenu minoré par divers mécanismes de crédits ou réductions d’impôt. Parallèlement, un retraité ayant un même niveau de revenu pourrait être soumis au taux normal s’il ne bénéficie pas de ces avantages fiscaux. Ce critère introduit également une certaine volatilité du taux de CSG applicable liée à l’instabilité des mécanismes fiscaux considérés. L’étude d’impact indique par exemple que 9,8 % des assurés percevant des pensions servies par la CNAV ont subi un changement de taux de CSG entre 2012 et 2013. Le franchissement du seuil de la fin de l’exonération a par ailleurs concerné 2,5 % de ces mêmes pensionnés.

L’objet du présent article est donc de remédier à ces situations inéquitables, en simplifiant le régime et en permettant des économies de gestion. L’article 7 prévoit de substituer au critère de la cotisation d’impôt le critère du revenu fiscal de référence, qui reflète mieux la capacité contributive des ménages. Le niveau du revenu fiscal de référence sera équivalent à celui actuellement pris en compte pour l’assujettissement à la taxe d’habitation. Cependant, il sera revalorisé sur la base de l’inflation, permettant ainsi une déconnexion entre les deux dispositifs limitant d’autant les effets de seuil.

Cette réforme permettra à 700 000 personnes, comprises entre les troisième et cinquième déciles de niveau de vie, de bénéficier du taux réduit de CSG. À l’inverse, 460 000 personnes, réparties entre le quatrième et le dixième décile, paieront un montant de CSG supérieur, pour une perte moyenne de 66 euros par mois. Cette mesure sera neutre pour les finances publiques.

L’article 9 du présent projet de loi prévoit d’encadrer le mécanisme des assiettes forfaitaires de cotisations de sécurité sociale. Ces assiettes forfaitaires peuvent susciter une forme d’optimisation sociale lorsque l’assiette définie pour le calcul des cotisations sociales est inférieure aux sommes effectivement perçues. Le présent article a pour objet de limiter à 30 % le taux d’abattement pouvant être appliqué à la rémunération réelle au titre de ces mécanismes d’assiette forfaitaire. Cette disposition législative s’appliquera uniquement aux rémunérations supérieures à 1,5 fois le montant du plafond de la sécurité sociale, afin de ne pas pénaliser l’emploi. Cela concernera essentiellement des formateurs occasionnels et des personnes rémunérées par des associations sportives. Cette mesure aura un impact positif sur les recettes de la sécurité sociale évalué à 15 millions d’euros par an.

L’article 14 du projet de loi vise à une simplification des règles de recouvrement des cotisations sociales. Les secteurs du bâtiment et travaux publics, des spectacles, des transports et de la manutention disposent, pour des raisons historiques, de caisses de congés payés, qui procèdent au versement des indemnités de congés payés et au recouvrement des cotisations sociales afférentes. Cependant, ce mécanisme crée un décalage entre le moment où l’employeur acquitte les sommes nécessaires au paiement des cotisations sociales et le moment où celles-ci sont affectées à la sécurité sociale. À l’inverse, les exonérations de cotisations sociales sont prises en compte « à la source » par l’employeur. Cette dissymétrie d’approche est financièrement défavorable à la sécurité sociale. L’objet du présent article est donc d’imposer aux employeurs des secteurs concernés une retenue à la source des cotisations de sécurité sociale, de la CSG, de la CRDS et de la contribution sociale pour l’autonomie (CSA). Ce basculement se fera de manière progressive entre le 1er avril 2015 et le 1er avril 2018. Cette mesure de rationalisation doit rapporter 1,52 milliard d’euros de recettes supplémentaires à la sécurité sociale en 2015 et 500 millions d’euros en 2016. Cela permettra de compenser une partie des pertes de recettes liées aux baisses de cotisations et contributions sociales votées cet été dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Le Rapporteur pour avis souligne le caractère ponctuel de cet effet de trésorerie positif pour la sécurité sociale et la nécessité de trouver des mesures de compensation pérenne.

Le présent projet de loi propose différentes mesures de simplification et d’amélioration des prélèvements sociaux et de lutte contre la fraude. Ainsi, l’article 15 du présent projet de loi prévoit de limiter à trois mois les délais de contrôle relatifs au recouvrement des cotisations sociales dans les entreprises de moins de dix salariés. Il donne en outre une base légale aux transactions entre les organismes de recouvrement du régime général et du régime agricole et les cotisants. Ces deux mesures accorderont une sécurité juridique accrue aux cotisants, limitant ainsi les coûts de litiges éventuels pour la sécurité sociale. Enfin, la procédure d’opposition à tiers détenteur ne sera plus suspensive lorsque la bonne foi du cotisant ne pourra être retenue et son champ d’application sera étendu au recouvrement des prestations sociales indûment versées. L’article 16 du présent projet de loi poursuit la même logique de simplification et de sécurisation juridique des cotisants. L’employeur ne sera plus soumis au délai de prescription de trois ans pour obtenir le remboursement des cotisations indûment versées auprès de l’URSSAF lorsque la révision de son taux de cotisation par la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) est la conséquence d’une décision favorable d’une caisse primaire d’assurance maladie ou d’une décision de justice. L’article 17 vise à moderniser le recouvrement des cotisations au régime agricole en imposant progressivement la dématérialisation des déclarations de revenu professionnel des non-salariés agricoles, sur le modèle des mesures issues de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 applicables aux travailleurs indépendants.

Enfin, l’article 22 du présent projet de loi modifie les modalités de versement des prélèvements sociaux de l’État vers les organismes sociaux au titre de l’exit tax. Cet article répond à une recommandation de la Cour des comptes issue de son rapport sur le budget de l’État de 2013 (26). Actuellement, les prélèvements sociaux doivent être versés aux organismes de sécurité sociale dès l’émission du titre de recouvrement de l’exit tax, que celle-ci soit recouvrée ou non (27). Or, les sommes effectivement recouvrées par l’État sont substantiellement inférieures au montant initial des mises en recouvrement. Ce différentiel est illégitimement à la charge de l’État, il se voit dans l’obligation de verser aux organismes sociaux des sommes qu’il n’a pas encore recouvrées. L’objet de cet article est dès lors de fonder le versement des prélèvements sociaux sur leur recouvrement effectif, ce qui a pour effet de réduire les recettes de la sécurité sociale de 445 millions d’euros par an.

Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2014 (28), la Cour des comptes appelle à intensifier la lutte contre la fraude aux cotisations sociales. Celle-ci serait de l’ordre de 5 % des cotisations et contributions sociales en 2012, soit plus de 20 milliards d’euros de manque à gagner pour les organismes de recouvrement, le produit des cotisations sociales s’étant élevé à 346,2 milliards d’euros en 2012. Comparé aux sommes effectivement recouvrées par le réseau URSSAF, ce chiffre est considérable. En 2012, la lutte contre le travail illégal (LCTI), qui constitue l’essentiel de la fraude au sens strict, a en effet donné lieu à 260 millions d’euros de redressements. La Cour en a dès lors appelé à un renforcement de la lutte contre la fraude aux cotisations, par « une professionnalisation des équipes, une diffusion de l’usage de techniques plus modernes, des moyens d’action et des sanctions accrus ».

S’il est légitime d’appeler à lutter plus efficacement contre la fraude aux cotisations sociales, phénomène destructeur du modèle social que nous souhaitons sauvegarder, il apparaît cependant illusoire de compter sur un produit supplémentaire de cette lutte contre la fraude aux cotisations pour résorber significativement les déficits sociaux.

En effet, cette estimation de 20 milliards d’euros de manque à gagner est fortement contestable, le Rapporteur pour avis a pu en avoir la confirmation lors de l’audition de l’ACOSS. Cette étude s’appuie en effet sur les contrôles réalisés par les URSSAF, reprenant ainsi la méthode du Conseil des prélèvements obligatoires mise en œuvre en 2007 sur la base des contrôles effectués en 2004. Si une telle méthode permet de s’appuyer sur une masse de données très importante, donnant a priori à l’échantillon une plus grande représentativité, de nombreux biais subsistent. Ainsi, les organismes compétents tendent à concentrer les contrôles sur les agents économiques et les secteurs pour lesquels le risque de fraude est le plus élevé. Un risque de surestimation de l’ampleur de la fraude est donc à craindre, et ce même si un coefficient correcteur est appliqué aux résultats obtenus. C’est ce même risque que souligne l’ACOSS dans sa réponse à l’analyse de la Cour des comptes, en rappelant que la capacité à corriger les biais de sélection et de détection est par nature limitée : selon elle, un manque à gagner de 20 milliards d’euros signifierait qu’un million de salariés à temps plein seraient en situation illégale, sur 17 millions de salariés. D’après l’ACOSS, il n’est dès lors pas « pertinent d’afficher un rendement des opérations de lutte contre le travail dissimulé s’appuyant sur un ratio des redressements d’un peu plus de 1 % de la fraude estimée » (29).

En outre, si tant est que le montant de la fraude totale aux cotisations sociales soit bien conforme à cette estimation, espérer récupérer une partie significative de la somme ne paraît pas envisageable. Ainsi, la faiblesse des montants recouvrés s’explique en partie par les stratégies des responsables de la fraude qui s’organisent pour ne pas honorer leurs obligations, mettant à profit la longueur du jugement. De surcroît, il arrive bien souvent que le paiement des cotisations aurait engendré une perte de profits telle que l’entreprise n’aurait pu fonctionner en temps normal : une entreprise concernée sur deux cesse ainsi d’exister dans les deux ans qui suivent le redressement, en raison d’un dépôt de bilan ou d’une mise en liquidation judiciaire. Espérer recouvrer 20 milliards d’euros de la lutte contre la fraude aux cotisations sociales n’est donc pas réaliste, étant donné qu’une des raisons pour lesquelles les agents économiques participent à ce type de fraude est que son existence seule leur permet bien souvent de se maintenir en activité.

En définitive, la lutte contre la fraude aux cotisations sociales doit constituer un élément de préoccupation et d’action de premier plan. Néanmoins, le produit de ces éventuels redressements ne doit pas être vu comme la panacée permettant une résorption des déficits sociaux à moindres coûts. Ces ressources nouvelles peuvent seulement s’interpréter comme un facteur d’accélération de la baisse des déficits, intervenant en complément d’une maîtrise accrue des dépenses.

L’article 28 du projet de loi de finances pour 2015 procède à différents aménagements des relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Il s’agit notamment de compenser les pertes de recettes de la sécurité sociale résultant du pacte de responsabilité et de solidarité, conformément au principe de compensation prévu à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. Ces mesures, incluses dans la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (30), renforcent les allégements généraux sur les bas salaires, créent une exonération de cotisations d’allocations familiales et instaurent un abattement sur la contribution sociale de solidarité des sociétés. Le total des pertes de recettes pour la sécurité sociale est évalué à 6,3 milliards d’euros.

L’article du projet de loi de finances poursuit également un objectif de clarification des relations financières entre l’État et la sécurité sociale. Actuellement, les aides personnelles au logement font l’objet d’un financement complexe, puisqu’il est partagé entre l’État (aide personnalisée au logement et allocation de logement sociale) et la sécurité sociale (allocation de logement familiale). Le présent article prévoit de budgétiser l’allocation de logement familiale (ALF), afin de permettre à l’État de disposer d’une vision unifiée du financement des aides au logement. Ce transfert à l’État de la charge des ALF représente 4,75 milliards d’euros.

L’article 14 du présent projet de loi prévoit la mise en place de la retenue à la source des cotisations et contributions sociales sur les indemnités versées par les caisses de congés payés. Cette mesure entraîne un effet de trésorerie bénéfique pour la sécurité sociale, estimé à 1,52 milliard d’euros en 2015.

La compensation résiduelle des mesures du pacte de responsabilité et de solidarité nécessite la majoration de 0,02 % de la fraction de TVA nette affectée au régime général, pour un produit de 30 millions d’euros.

L’article 28 du projet de loi de finances transfère également la totalité du produit du prélèvement de solidarité (31) portant sur les revenus du patrimoine (32) et les revenus de placement (33) à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Ce transfert d’un montant de 2,53 milliards d’euros clarifie le partage entre les prélèvements obligatoires, ceux portant sur le produit du capital étant désormais entièrement affectés à la sphère sociale.

La compensation des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires sera désormais effectuée selon le droit commun, c’est-à-dire par crédits budgétaires. La fraction de TVA de 0,34 % aujourd’hui affectée à la sécurité sociale sera par conséquent supprimée.

La fraction de la TVA nette affectée à la sécurité sociale est en définitive minorée, pour 2015, de 1,09 point. Cela tient compte de l’ensemble des mesures ci-dessus exposées, du transfert à la sécurité sociale du produit de la fiscalisation des majorations de pensions pour enfants (34) et de la prise en charge par la sécurité sociale du financement des formations médicales.

MODIFICATIONS DE LA PART DE TVA AFFECTÉE À LA SÉCURITÉ SOCIALE

 

en millions d’euros

Fraction de TVA

Montant TVA budgétaire total

153 699

 

Bouclage TVA pour compenser le montant des pertes de recettes dues au Pacte

30

0,02 %

Transfert du prélèvement de solidarité

– 2 534

– 1,65 %

Transfert du financement des formations médicales à la sécurité sociale

139

0,09 %

Transfert du rendement de la fiscalisation des majorations de pensions

1 200

0,78 %

SOUS-TOTAL MINORATION DE LA FRACTION PRINCIPALE

– 1 165

– 0,75 %

Rebudgétisation de la compensation des exonérations heures supplémentaires

– 516

– 0,34 %

SOUS-TOTAL SUPPRESSION DE LA FRACTION TEPA

– 516

– 0,34 %

TOTAUX

– 1 681

– 1,09 %

Source : exposé des motifs du projet de loi de finances pour 2015.

La fraction de TVA affectée à la sécurité sociale s’élèvera en 2015 à 7,12 %, soit un produit de 10,94 milliards d’euros.

Au total, les mesures prises par les différents textes financiers de 2014 diminuent le solde de l’État de 6,3 milliards d’euros en raison de la compensation des pertes de recettes de la sécurité sociale. La sphère sociale bénéficie quant à elle d’un solde positif de 1,2 milliard d’euros, du fait du transfert à la CNAV à partir de 2015 du rendement de la fiscalisation des majorations de pensions adopté en loi de finances pour 2014 (35).

INCIDENCES BUDGÉTAIRES
(COÛTS/ÉCONOMIES NETS DE LA MESURE PROPOSÉE)

(Coûts nets ou économies nettes (-) exprimés en milliards d’euros)

Mesures LFRSS 2014

Sphère sociale
(- = économies)

État

Renforcement des allégements généraux, impact sphère sociale

4,3

0

Renforcement des allégements généraux, impact FNAL

0

0,3

Allégements de cotisations sociales des indépendants

1

0

Suppression progressive de la C3S

1

0

TOTAL EN LFRSS 2014

6,3

0,3

Mesure PLFSS 2015

Sphère sociale

État

Affectation des recettes des caisses de congés payés (+ 0,5 Md€ en 2016)

– 1,52

0

TOTAL EN PLFSS 2015

– 1,52

0,0

     

Mesures PLF 2015

Sphère sociale

État

Compensation du renforcement des allégements généraux et des allégements de cotisations sociales des indépendants par rebudgétisation des APL

– 4,75

4,75

Majoration de la fraction de TVA affectée pour compléter la compensation des pertes de recettes en 2015

– 0,03

0,03

Transfert du prélèvement de solidarité à la sphère sociale

– 2,534

2,534

Minoration de la TVA affectée à la sphère sociale du fait du transfert du prélèvement de solidarité

2,534

– 2,534

Rebudgétisation des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires

– 0,516

0,516

Suppression d’une fraction de TVA affectée à la sphère sociale dans le cadre de la rebudgétisation des exonérations de cotisations sociales

0,516

– 0,516

Transfert du financement des formations médicales à la sécurité sociale

0,139

– 0,139

Majoration de la TVA affectée pour financer le transfert du financement des formations médicales

– 0,139

0,139

Transfert du rendement de la fiscalisation des majorations de pensions (adoptée en PLF pour 2014)

– 1,200

1,200

TOTAL EN PLF 2015

– 5,98

5,98

     

TOTAL GÉNÉRAL COMPENSATION

– 1,2

6,3

Source : évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2015.

L’ACOSS assure la gestion commune et centralisée de la trésorerie des différentes branches du régime général (36). Au 1er janvier 2015, le solde des comptes de l’ACOSS devrait être en déficit de 28,8 milliards d’euros, soit une aggravation de 5 milliards d’euros par rapport à l’année précédente. Cet accroissement résulte du déficit structurel des branches maladie, famille et vieillesse, compensé en partie par la reprise de dette de 10 milliards d’euros par la CADES en juin 2014.

L’article 9 de la loi de financement pour 2011 (37) a prévu un transfert de dette à la CADES de 62 milliards d’euros au titre du déficit de la branche vieillesse et du FSV, pour les années 2011 à 2018, sous un plafond annuel de 10 milliards d’euros. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (38) a élargi le périmètre des déficits repris par la CADES aux branches maladie et famille.

Pour le régime général, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a fixé à 34,5 milliards d’euros, sans reprise de dette, le plafond de recours autorisé à des ressources non permanentes. L’article 27 du présent projet de loi fixe le plafond pour 2015 à 36,3 milliards d’euros, en hausse de 1,8 milliard d’euros. Cette augmentation est cohérente avec celle des besoins de financement de l’ACOSS. Le tableau suivant retrace l’évolution sur longue période des plafonds d’autorisations de financement du régime général par des ressources non permanentes :

PLAFOND DES AUTORISATIONS DE RECOURS AUX RESSOURCES NON PERMANENTES ACCORDÉES AU RÉGIME GÉNÉRAL DEPUIS LA CRÉATION
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

(En milliards d’euros)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Plafond inscrit en LFSS

10,6

3,05

3,66

4,42

4,42

4,42

12,5

33

13

18,5

28

36

18,9

65

20*

22

29,5

34,5

36,3

Plafond d’après décret d’urgence

12,2

4,73

4,42

-

-

-

15

-

-

-

-

-

29

-

-

-

-

-

-

Plafond rectifié en LFSS

12,2

4,73

4,42

-

-

-

15

-

-

-

-

-

29

-

18

-

-

-

-

* À titre dérogatoire, le plafond de trésorerie a été fixé à 58 milliards d’euros du 1er janvier au 31 mai 2011 pour tenir compte du rythme des versements de la CADES à l’ACOSS.

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale – septembre 2014.

Afin de financer ces besoins de trésorerie, l’ACOSS recourait initialement uniquement à des avances de trésorerie et des prêts auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Depuis 2007, la structure de financement de l’ACOSS s’est diversifiée, puisqu’elle est désormais habilitée à émettre directement sur les marchés financiers des billets de trésorerie et depuis 2009 des euro commercial papers.

La répartition des moyens de financement de l’ACOSS de janvier à septembre 2014 est la suivante :

STRUCTURE DU FINANCEMENT DE L’ACOSS EN 2014

Source : DSS/ACOSS.

En 2014, les charges financières de l’ACOSS s’élèveront à 45 millions d’euros, pour des montants moyens empruntés de 24,7 milliards d’euros. Ce montant en hausse de 19 millions d’euros par rapport à l’année précédent résulte principalement de l’augmentation du besoin moyen de financement de l’ACOSS, évalué à 19 milliards d’euros pour l’année 2013.

Ces frais financiers comprennent 27 millions d’euros au titre des charges financières sur les instruments de marché et 20 millions d’euros pour les intérêts d’un prêt socle de 6 milliards d’euros conclu avec la Caisse des dépôts et consignations. L’ACOSS bénéficie par ailleurs de 2 milliards d’euros de produits grâce notamment à des opérations de pensions livrées.

L’évolution de la charge financière est cependant contenue par la faiblesse historique du taux moyen de financement de l’ACOSS. Il s’établit à 0,137 %, en raison de taux d’intérêt des titres de créances négociables très faibles. Les titres de créances négociables, qui représentent 85 % du financement de l’ACOSS, émis depuis septembre 2014 le sont même à des taux négatifs, compris entre – 0,05 % et – 0,07 %.

Cette source de financement très avantageuse pour l’ACOSS incite à l’adoption d’une politique de gestion financière active et à l’extension de son champ de compétence. Ainsi, l’article 19 du présent projet de loi vise à faire bénéficier la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) des conditions de financement favorables de l’ACOSS. Celle-ci serait autorisée, sous plafond fixé en loi de financement de la sécurité sociale, à consentir à la CCMSA des prêts et avances pour des durées supérieures à un mois. Cette nouvelle modalité de financement des besoins de trésorerie de la CCMSA diminuerait ses charges financières, qui se sont élevées à 35,7 millions d’euros en 2013. La CCMSA s’était financée cette année à un taux de 1,47 % contre 0,137 % pour l’ACOSS. Les gains annuels de cette mesure sont estimés à 30 millions d’euros pour le régime des exploitants agricoles et à 3 millions d’euros pour l’ACOSS, qui serait rémunérée pour l’exercice de cette fonction de couverture des besoins de financement.

Créée en 1996, la CADES a pour mission d’apurer la dette des différents organismes de sécurité sociale, dès lors que la loi prévoit le transfert de leur déficit. À la différence de l’État, la CADES rembourse également le capital emprunté. La durée de vie de la caisse est limitée à la durée d’amortissement de la dette, estimée actuellement par la CADES à 2024. En vertu de l’ordonnance de 1996, modifiée par la loi organique d’août 2005, tout transfert de dette doit désormais s’accompagner du transfert de ressources permettant de ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale (39). L’éventualité d’un allongement de la durée d’amortissement de la dette sociale n’est envisageable qu’en vertu d’une modification de cette disposition qui revêt un caractère organique aux termes d’une décision du Conseil constitutionnel (40).

Ce cas de figure est intervenu à une seule reprise, lorsque la loi organique du 13 novembre 2010 (41), a disposé que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 pourrait prévoir des transferts de dette conduisant à un accroissement de la durée d’amortissement de la dette sociale.

Au 30 juin 2014, la dette amortie par la CADES s’élève à 89,3 milliards d’euros, pour 42,8 milliards d’euros d’intérêts payés. Le total de la dette reprise s’établit à 226,7 milliards d’euros, soit un encours de la dette de 137,4 milliards (42). Le niveau restant d’intérêts à payer s’élève à 21,8 milliards d’euros d’ici 2024, en vertu des hypothèses actuelles de taux d’intérêt. Le graphique suivant présente l’évolution de l’amortissement de la dette sociale par la CADES :

DETTE VOTÉE, REPRISE ET AMORTIE PAR LA CADES

(en millions d’euros)

Source : CADES.

Pour 2015, l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la CADES est fixé à 13,1 milliards d’euros en vertu de l’article 26 du présent projet de loi, en légère hausse par rapport à l’année précédente (12,7 milliards d’euros).

La ressource historique de la CADES est la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), créée en 1996 (43) à un taux unique resté inchangé de 0,5 % de prélèvement sur le revenu brut. Les ressources de la CADES se sont quelque peu diversifiées depuis cette date, comme l’illustre le graphique ci-après :

ÉVOLUTION DES RESSOURCES DE LA CADES

(en millions d’euros)

Source : CADES.

Cette diversification des ressources résulte notamment de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (44), qui a prévu les ressources nouvelles suivantes :

– la part de la CSG affectée à la CADES est portée à 0,48 point,

– l’affectation de 1,3 point du prélèvement social sur les revenus de placement et du patrimoine,

– et un versement annuel de 2,1 milliards d’euros de 2011 à 2024 par le Fonds de réserve pour les retraites.



Source : ACOSS.

Ces conditions favorables de financement incitent à poser la question d’un transfert de dette sociale de l’ACOSS vers la CADES, comme le réclame le président du conseil d’administration de la CADES (45). Ce transfert de dette, s’il apparaît légitime à moyen terme au regard de l’articulation des missions entre l’ACOSS et la CADES, doit néanmoins être mûrement réfléchi en raison des conditions actuellement très favorables de financement de l’ACOSS. Par ailleurs, ce transfert de dette ne pourra se faire sans l’affectation de nouvelles ressources à la CADES, ce qui en l’état actuel de la conjoncture économique semble difficile. Cette éventuelle augmentation des prélèvements obligatoires ne saurait pénaliser une reprise de la croissance économique. Le Rapporteur pour avis considère que ce sujet du transfert de la dette sociale doit être pris en compte de manière sérieuse ; toutefois il apparaît aujourd’hui raisonnable de se conformer au rythme de transfert annuel de 10 milliards d’euros prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

TROISIÈME PARTIE : MAÎTRISER LES DÉPENSES EN PRÉSERVANT UN NIVEAU ÉLEVÉ DE PROTECTION SOCIALE

Retracées dans la partie consacrée aux dépenses, les mesures du présent projet de loi visent à maintenir à un niveau élevé notre système de protection sociale, tout en s’inscrivant dans la politique sérieuse de réduction des déficits sociaux menée par le Gouvernement.

Le PLFSS pour 2015 présente un large volet d’amélioration de l’accès à la protection sociale. En parallèle, l’accent est mis sur la rationalisation des dépenses et l’amélioration de leur pilotage, notamment au sein des branches maladie et famille. Enfin, il conviendra d’analyser les importantes mesures qui seront mises en œuvre par voie réglementaire.

Le PLFSS pour 2015 propose de fixer l’ONDAM à 182,3 milliards d’euros soit une progression de 2,1 % (+ 4 milliards d’euros) par rapport à l’ONDAM fixé en LFRSS 2014. Cette dernière loi avait rectifié l’ONDAM prévu en LFSS pour 2014 afin de tenir compte d’une sous exécution prévisionnelle de 0,8 milliard d’euros.

Il apparaît cependant que cet objectif rectifié en juin ferait l’objet d’un dépassement de l’ordre de 100 millions d’euros, avant prise en compte d’éventuelles mesures correctrices. Ce dépassement est dû à une évolution très dynamique des dépenses de médicaments et des indemnités journalières. Sur le seul sous-objectif soins de ville, la sur-exécution serait de 400 millions d’euros par rapport à la LFRSS 2014 (46), notamment du fait de la diffusion de nouveaux traitements contre l’hépatite C (cf. infra) et de la hausse des arrêts de travail.

C’est également le constat fait par le comité d’alerte sur le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie dans son avis du 7 octobre 2014 (47). Le comité indique cependant, à l’instar de la CCSS, que le dépassement de l’ONDAM 2014 devrait pouvoir être évité grâce aux mesures proposées par le PLFSS pour 2015 pour encadrer l’évolution des dépenses de médicaments, notamment ceux contre l’hépatite C, et par la mobilisation à due concurrence de l’ensemble des réserves constituées, notamment sur les crédits hospitaliers, et les crédits non encore délégués.

Dans ces conditions, les dépenses 2014 dans le champ de l’ONDAM s’établiraient à 178,3 milliards d’euros, en progression de 2,6 % par rapport aux dépenses exécutées en 2013.

Dans son rapport précité sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes recommande d’abaisser le seuil d’alerte en cas de dépassement de l’ONDAM. Actuellement fixé à 0,5 %, il correspondrait à un dépassement de 20 % pour un ONDAM fixé à 2 %.

Dans la même logique, le Rapporteur pour avis insiste sur la nécessité de renforcer le pilotage infra-annuel des dépenses de santé. En ce sens, il conviendra de développer les instruments permettant de suivre au plus près la consommation de soins en France.

 

Tendanciel 2015

ONDAM total

3,9 %

Soins de ville

5,0 %

Établissements de santé

2,9 %

Établissements et services médico-sociaux

3,1 %

Dépenses relatives au FIR

2,1 %

Autres prises en charge

5,2 %

Source : Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie.

La Cour des comptes, dans son dernier rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, a émis de nombreuses réserves sur le mécanisme même de construction de l’ONDAM. Plusieurs problèmes sont évoqués par la Cour, qui prend pour exemple l’ONDAM 2013 :

– la surévaluation de la tendance, avec une évaluation de la dépense basée sur les données des cinq premiers mois de l’année uniquement ;

– la surévaluation de la base sous l’effet principal d’un excès de provisions.

La Cour salue cependant le « rebasage » de l’ONDAM opéré en LFRSS pour 2014, qui a permis de recalculer les objectifs annuels jusqu’en 2017.

2015

2016

2017

2018

2,1 %

2,0 %

1,9 %

2,0 %

Source : PLFSS 2015, annexe B.

En moyenne, ces objectifs représentent une augmentation annuelle de 3,6 milliards d’euros des dépenses de santé.

Le détail des sous-objectifs de l’ONDAM figure à l’article 55 du projet de loi :

(En milliards d’euros)

 

Objectif de dépenses

Dépenses de soins de ville

83,0

Dépenses relatives aux établissements de santé tarifés à l’activité

56,9

Autres dépenses relatives aux établissements de santé

20,0

Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées

8,7

Contribution de l’assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées

9,2

Dépenses relatives au Fonds d’intervention régional

3,1

Autres prises en charge

1,6

Total

182,3

Efficacité de la dépense hospitalière

520

Optimisation des dépenses des établissements

55

Optimisation des achats et fonctions logistiques

350

Liste en sus

105

Tarification des plasmas thérapeutiques

10

Virage ambulatoire et adéquation de la prise en charge en établissement

370

Développement de la chirurgie ambulatoire

100

Réduction des inadéquations hospitalières

110

Rééquilibrage de la contribution de l’ONDAM à l’OGD

160

Produits de santé et promotion des génériques

1 065

Baisse de prix des médicaments

550

Promotion et développement des génériques

435

Biosimilaires

30

Tarifs des dispositifs médicaux

50

Pertinence et bon usage des soins

1 155

Baisse des tarifs des professionnels libéraux

150

Actions de maîtrise des volumes et de la structure de prescription des médicaments

400

Lutte contre les iatrogénies médicamenteuses

100

Maîtrise médicalisée hors médicament

375

Mise en œuvre des réévaluations de la HAS

130

Lutte contre la fraude

75

Total

3 185

Source : PLFSS 2015, annexe 9.

Sur la période 2015-217, l’ONDAM évoluera en moyenne de 2 %, ce qui représente un effort de 10 milliards d’euros sur trois ans.

Au 1er juillet 2014, le nombre de retraités du régime général en France métropolitaine s’établit à 13,6 millions, pour un ratio cotisants/retraités de 1,3.

En 2013, la forte croissance constatée des prestations versées (+ 3,1 %) est liée à l’augmentation rapide des départs en retraite, reflet, selon la CCSS, de la montée en charge irrégulière du recul de l’âge légal et de l’élargissement de la retraite anticipée. Avec 686 000 liquidations en 2013, le flux des départs a bondi de 20,5 % par rapport à 2012. Cette augmentation s’explique notamment par les élargissements successifs de la retraite anticipée pour longue carrière, de la loi de 2010 (48) puis du décret de 2012 (49).

Pour la période 2014-2017, l’évolution des dépenses d’assurance vieillesse des régimes de base serait de 2,3 % en moyenne (50), contre 3,1 % en 2013 et 3,6 % en 2012. Ce ralentissement prévu est lié à la montée en charge irrégulière du recul de l’âge légal. La mise en œuvre de la réforme de 2010 occasionne en effet des flux de départs non linéaires dus au recul par palier de l’âge légal.

Par ailleurs, grâce notamment à l’évolution progressive de la durée d’assurance requise pour l’obtention d’une retraite à taux plein, mise en place par la loi « avenir et justice du système de retraites » (51), le régime général d’assurance vieillesse sera à l’équilibre en 2017. Malgré la conjoncture difficile, le déficit, qui atteignait presque 9 milliards d’euros en 2010, a déjà été divisé par 5 (- 1,6 milliards d’euros en 2014).

DÉTAIL DU CALCUL DE LA REVALORISATION DES PENSIONS

(en %)

     

2012

2013

2014 (p)

2015 (p)

 

Prix hors tabac estimés pour l’année N

(par la CEN en mars N)

(1)

1,8

1,2

0,5

0,9

Régularisation sur l’inflation N-1

(4) = (2)-(3)

0,3

0,1

– 0,5

-

Inflation définitive constatée pour l’année N-1

(2)

2,1

1,9

0,7

-

Prix hors tabac estimés en N-1 pour l’année N-1

(3)

1,8

1,8

1,2

-

Revalorisation effective

Augmentation en moyenne annuelle

(5) = (1)+(4)

2,1

2,1

1,3

1,5

0,0

0,32

0,9

0,22

Inflation mesurée par l’INSEE : prix hors tabac de l’année N

(publiée en janvier N+1)

 

1,9

0,7

-

-

Source : CCSS, septembre 2014.

En 2014, la correction au titre de l’année N-1 étant égale à 0,5, le coefficient de revalorisation effectif est donc égal à zéro. Il convient de rappeler que la LFRSS pour 2014 avait initialement prévu un gel de l’ensemble des pensions de retraite au 1er octobre, à l’exception des pensions inférieures à 1 200 euros.

Ces faibles taux sont par ailleurs en partie liés au décalage de la date de revalorisation des pensions d’avril à octobre (52), qui permettrait des économies estimées à 0,9 milliard d’euros en 2014 puis 1,2 milliard d’euros en 2015.

Enfin, les prévisions actuelles conduiraient à une revalorisation de 0,9 % au 1er octobre 2015.

Pour soutenir le pouvoir d’achat des retraités les plus modestes dans ce contexte de faible inflation, des mesures augmentent les petites retraites au-delà de l’évolution prévue selon les règles normales de revalorisation, pour un coût de 300 millions d’euros en 2014 (cf. infra).

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

54,9

56,6

58,2

59,1

54,6

55,1

56,2

57,8

Source : PLFSS 2015, annexe B.

La diminution de la dépense, constatée pour 2015, est liée à un changement de périmètre correspondant au transfert à la charge de l’État de la part de l’aide personnalisée au logement (APL) financée par le FNAL (53). Ce transfert de 4,7 milliards d’euros vise à couvrir les mesures de baisses de cotisation sociale et de C3S mises en œuvre au 1er janvier 2015.

La trajectoire des dépenses de la branche sera fortement marquée par la mise en œuvre des mesures d’économies prévues ou annoncées dans le présent PLFSS. L’objectif affiché est de parvenir à réaliser une économie d’au moins 700 millions d’euros sur les dépenses de la branche. Selon les annexes au projet de loi, le rythme moyen d’évolution des dépenses sera ramené de 2 à 1,3 % par an. L’impact sur les familles modestes de ces nécessaires mesures de redressement est compensé par l’adoption récente de mesures fiscales favorables (54). Par ailleurs, le Gouvernement poursuit en 2015 l’allégement de l’impôt sur le revenu des ménages modestes, en proposant la suppression première tranche d’imposition dans le cadre du PLF pour 2015. Cette mesure pourra bénéficier à 6 millions de ménages supplémentaires, pour un coût avoisinant les 3 milliards d’euros.

En ce qui concerne les prestations d’aide au logement financées par la branche famille (55), leur coût s’élève en 2014 à 8,9 milliards d’euros, sur une dépense totale en faveur du logement de 17,7 milliards d’euros pour cette même année.

Enfin, les dépenses de prestations d’action sociale de la CNAF, qui s’inscrivent dans le cadre de la convention d’objectifs et de gestion 2013-2017, devraient s’accroître de 7,5 % entre 2013 et 2014, pour être portées à 4,9 milliards d’euros. Parallèlement, les dépenses d’investissement du fonds national d’action sociale vont s’accélérer. En particulier, l’investissement dans le plan crèches devrait être de 79 millions d’euros en 2014, soit une augmentation de 36 % par rapport à 2013.

Depuis 2012, le Gouvernement s’est attaché à préserver et à renforcer l’universalité de la prise en charge des soins par l’assurance maladie. Le Rapporteur pour avis tient à rappeler l’ensemble des mesures déjà prises en ce sens, qui témoignent d’une réelle attention de la majorité envers les populations les plus fragiles :

– la contraception pour les mineurs, ainsi que l’interruption volontaire de grossesse sont désormais totalement prises en charge ;

– le montant des dépassements d’honoraires ont été fortement réduits, grâce au contrat d’accès aux soins (CAS) instauré par l’avenant 8 à la convention médicale ;

– le plafond de ressources de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l’aide à une complémentaire santé (ACS) a été relevé (56) afin de permettre à terme à plus de 300 000 personnes supplémentaires de bénéficier de la CMU-C, et à plus de 350 000 autres de bénéficier de l’ACS ;

– diverses mesures sont également intervenues afin d’ouvrir plus largement l’accès aux soins des bénéficiaires de la CMU-C (élargissement du panier de soins, ouverture du dispositif aux étudiants en rupture avec leur famille).

Grâce à cette politique volontariste, il convient de souligner que le reste à charge des ménages en matière de dépenses de santé a sensiblement reculé, passant de 9,2 % en 2011 à 8,8 % en 2013.

Engagées au printemps 2013, les réflexions autour de la stratégie nationale de santé (SNS) se sont poursuivies en 2014. L’objectif gouvernemental est triple :

– approfondir la démocratie sanitaire en repensant le pilotage national et régional des dépenses de santé ;

– offrir une solution de proximité à tous les Français dans le cadre du premier recours ;

– faire le choix de la prévention afin d’agir tôt et fortement sur les éléments influençant l’état de santé.

Le présent PLFSS, à la suite des PLFSS et PLFRSS pour 2014, est la traduction concrète de ces engagements. Il sera complété par le projet de loi relative à la santé, dont les grandes orientations ont été présentées par la ministre des Affaires sociales et de la santé, en juin 2014, et qui a été adopté en Conseil des ministres le 15 octobre dernier.

b. Accroître l’efficacité et le financement de la politique de prévention

Plusieurs mesures du PLFSS 2015 visent à intensifier le volet prévention de notre politique publique de santé.

Tout d’abord, le présent projet de loi, dans son article 33 crée les centres d’information, de dépistage et de diagnostic gratuit des infections sexuellement transmissibles (CIDDGI). Ces missions sont actuellement réalisées par deux types de structures, qui seront fusionnées au sein des nouveaux centres, eux-mêmes financés entièrement par l’assurance maladie.

À terme, cette réforme simplifiera l’offre de prévention dans ce domaine, et permettra de dégager une économie de 3 à 5 millions d’euros, sur un budget total annuel de fonctionnement d’environ 15 millions d’euros.

Ensuite, l’article 35 du PLFSS 2015 permet à l’assurance maladie de financer directement, au niveau national, les organismes ou associations concourant à la promotion de la démocratie sanitaire. Ce financement, qui restera retracé dans le septième sous – objectif de l’ONDAM (57) représente une dépense nouvelle pour l’assurance maladie, mais qui sera couverte par des redéploiements de crédits au titre de la démocratie sanitaire en provenance du Fonds d’intervention régional (FIR).

Dans le même souci d’amélioration de la prévention, l’article 34 du PLFSS 2015 permet à l’assurance maladie de prendre en charge à 65 % les dispensations de vaccins réalisées par les centres de vaccination (58). L’étude d’impact chiffre le coût brut de la mesure (hors effet bénéfique sur le long terme) à 6 millions d’euros.

En ce qui concerne le FIR, l’article 40 du présent texte en réforme les modalités de gestion et en restructure les missions. La gestion comptable et financière du FIR sera intégralement confiée aux ARS, qui n’en avaient jusque-là que la gestion opérationnelle. Il s’agira d’un budget annexe des agences, permettant un report des crédits d’une année sur l’autre. Les missions du fonds sont clarifiées et se décomposent en quatre axes majeurs : prévention des maladies et du handicap, coordination et qualité de l’offre de soins, permanence des soins et répartition des professionnels, efficience des structures sanitaires. L’impact de cette mesure est l’enregistrement dans les comptes des régimes d’assurance maladie du montant total délégué aux agences, sans sous-consommation initiale possible (59).

Les Français doivent pouvoir trouver un professionnel de santé près de chez eux. C’est en ces termes que la ministre des Affaires sociales et de la santé s’exprimait afin de justifier l’approfondissement des résultats encourageants du Pacte territoire-santé.

Dans ce cadre, le PLFSS pour 2015 propose trois mesures fortes d’amélioration de la permanence des soins.

L’article 37, tout d’abord, vise à reconnaître et consacrer le rôle essentiel des hôpitaux de proximité. Actuellement, ils ne bénéficient d’aucun statut particulier et d’aucun levier propre en matière de financement. L’article définit, d’une part, les critères permettant à des établissements ayant les mêmes caractéristiques d’activité et de fonctionnement d’être qualifiés d’hôpitaux de proximité et, d’autre part, un financement dérogatoire applicable à l’activité de médecine de ces établissements, qui sera composé d’une fraction de dotation fixe et d’une fraction reflétant le niveau d’activité de l’établissement. Selon l’étude d’impact, la révision du modèle de financement devrait permettre, sur le champ des ex-hôpitaux locaux, la réalisation de 12 millions d’euros d’économies.

L’article 38, ensuite, vise à étendre le statut de praticien territorial de médecine générale (PTMG), qui a déjà permis l’installation de 200 jeunes praticiens sur le territoire, à l’ensemble des médecins généralistes ou spécialistes (PTMA), en secteur 1 ou 2. Il s’agit plus précisément d’étendre à ces professionnels l’avantage maternité des PTMG (60), et de l’étendre, pour les deux catégories, à la paternité. Le financement de ce dispositif sera assuré par le FIR, pour un montant annuel estimé à un peu plus de 1 million d’euros.

Enfin, l’article 39 permet d’améliorer les conditions d’exercice des professionnels de santé dans des zones géographiques spécifiques, afin d’inciter à l’installation dans ces territoires isolés. Comme pour les PTMG, le dispositif sera de nature contractuelle et liera l’ARS et le médecin. Selon l’étude d’impact, l’aide versée par les ARS pourra porter sur deux objets : aide au maintien des médecins en zones isolées, et aide au financement de plateaux techniques nécessaires ces territoires. Le dispositif concernera environs 200 médecins au niveau national, pour un montant moyen d’aide de l’ordre de 5 000 euros. L’évaluation du coût de la mesure à compter de 2015 est donc d’1 million d’euros.

L’article 52 de la LFSS pour 2014 avait mis en place un mécanisme d’inscription accélérée au remboursement des actes innovants. Avec la procédure antérieurement en vigueur, trois années étaient nécessaires en moyenne pour inscrire un acte médical innovant sur la liste des actes et prestations remboursables par la sécurité sociale. L’article 41 du PLFSS 2015 vient compléter ce dispositif, tant il est vrai que les nouvelles alternatives thérapeutiques peuvent s’avérer plus efficaces en termes de service rendu et moins coûteuses. Seront désormais concernés par le mécanisme de l’article 52 de la LFSS pour 2014 les actes innovants réalisés uniquement au sein d’un établissement de santé et induisant une réduction significative des dépenses de santé compte tenu de leur impact budgétaire majeur ainsi que les actes issus d’expérimentations (61). La mesure pourrait à terme permettre une économie de l’ordre de 20 millions d’euros en 2017 (62).

Comme le rappelle le dossier de presse accompagnant le présent projet de loi, l’action gouvernementale en faveur des personnes âgées et handicapées est particulièrement soutenue. Plus de 400 millions d’euros de mesures nouvelles seront mises en place, visant à revaloriser les moyens dévolus aux services au titre des places existantes, à soutenir la création de nouvelles places en établissement pour les personnes handicapées, à poursuivre les engagements des plans « Grand âge » et « Alzheimer » et à renforcer l’encadrement en soins en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

En outre, le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, adopté à l’Assemblée nationale en première lecture le 17 septembre 2014, fait de l’adaptation de la société au vieillissement une priorité de l’ensemble des politiques publiques. Il convient de rappeler qu’en 2060, un tiers des Français aura plus de 60 ans et que les plus de 85 ans seront près de 5 millions, contre 1,4 million aujourd’hui.

Cette priorité se traduit par l’affectation pleine et entière du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) au financement des différentes mesures du projet de loi. L’apport de près de 650 millions d’euros d’une recette pérenne et dynamique, qui souligne l’engagement du Gouvernement sur ce sujet, est salué par le Rapporteur pour avis.

Dès juillet 2012, et conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement instituait un droit à la retraite anticipée à 60 ans pour les assurés justifiant de la durée d’assurance cotisée requise pour leur génération et ayant commencé à travailler avant 20 ans (63). Par ailleurs, la loi du 20 janvier 2014 a ouvert de nouveaux droits afin de rendre le système de retraites plus juste : création d’un compte personnel de prévention de la pénibilité (64), amélioration des pensions des femmes, meilleure prise en charge des trimestres non cotisés.

Le tableau suivant retrace ces évolutions :

ÉVOLUTION DES TRIMESTRES « RÉPUTÉS COTISÉS »

avant 2012

depuis juillet 2012

à compter du 1er avril 2014

0 trimestre maternité spécifique*

2 trimestres maternité spécifiques

tous les trimestres maternité

0 trimestre de chômage

2 trimestres de chômage

4 trimestres de chômage

0 trimestre invalidité

0 trimestre invalidité

2 trimestres invalidité

4 trimestres de service national

4 trimestres de service national

4 trimestres de service national

bloc de 4 trimestres

maladie/maternité/AT-MP

bloc de 4 trimestres

maladie/maternité/AT-MP

bloc de 4 trimestres maladie/AT-MP

Source : Rapport la CCSS, septembre 2014

C’est avec ce même souci d’équité et de justice que le Gouvernement a proposé trois mesures en faveur des « petites retraites », qui seront mises en œuvre par voie réglementaire mais dont le financement par le FSV est prévu par l’article 5 du PLFSS pour 2015 (cf. supra)

Le Gouvernement a également annoncé le versement d’une prime de 40 euros pour l’ensemble des retraités dont le montant de la pension est inférieur à 1 200 euros. Les modalités pratiques de la mesure seront précisées par décret. Le Rapporteur pour avis regrette de n’avoir pu obtenir d’information quant à la date de versement de la prime, ni quant à l’organisme qui sera chargé d’effectuer la partition entre les retraités. Pour ce dernier point, il pourra s’agir de la CNAV via l’échange inter-régimes de retraites (EIRR) (66), ou bien de la DGFIP pour la déclaration de revenu des retraités.

L’utilisation de l’EIRR avait été retenue pour mettre en œuvre les dispositions de l’article 9 de la LFSS pour 2014, prévoyant la non-revalorisation pendant un an des pensions de retraite de base pour les assurés percevant un montant total de pensions supérieur à 1 205 euros par mois.

Selon l’exposé des motifs du présent projet de loi, cette mesure, cumulée avec la mesure précédemment décrite, générera une dépense supplémentaire de l’ordre de 250 millions d’euros par an. Elle sera retracée dans les comptes de la section 1 du FSV.

Cette possibilité de cumul avait fait l’objet d’une proposition de loi sénatoriale, rejetée par notre Assemblée en avril 2013 (67). Le dispositif proposé par le Gouvernement est plus limité, puisque le cumul ne sera autorisé que dans la limite d’un plafond de 0,3 SMIC pour une personne seule (contre 1,2 SMIC dans le cadre de la proposition de loi).

L’objectif est bien ici de permettre à un bénéficiaire du minimum vieillesse de compléter sa pension afin d’atteindre le niveau du SMIC.

Aucun chiffrage n’a été proposé par le Gouvernement, mais cette mesure ne devrait pas, a priori, avoir pour effet d’augmenter les prestations versées au titre du minimum vieillesse.

Lancé en 2011, le programme PHARE (68) a pour but de moderniser la fonction achats des établissements, dans la continuité de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (69). Les achats effectués par les hôpitaux représentent en effet 18 milliards d’euros en dépenses annuelles, dont 60 % d’achats médicaux. Il s’agit du deuxième poste de dépense des établissements après celui de la masse salariale.

Le Gouvernement s’attache aussi à approfondir la supervision financière des établissements en difficulté, afin d’agir sur les déficits hospitaliers. La surveillance des établissements a été renforcée au niveau régional par la mise en place, d’une part, de comités régionaux de veille active sur la trésorerie des établissements publics de santé, d’autre part, du comité de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers (COPERMO) (70).

Poursuite et amplification du virage ambulatoire sont toujours une priorité : 19,5 millions d’euros seront consacrés au développement de l’offre ambulatoire dans les établissements en 2015 et 100 millions d’euros d’économies sont attendus.

Enfin, la mutualisation de certaines fonctions support, ou une gestion dynamique de la « liste en sus » (71) par la maîtrise de son périmètre ou du prix des produits permettent la réalisation d’importantes économies (72).

Les mesures prévues par le présent PLFSS amplifient cette action pour une meilleure efficience des soins.

Cependant, le Rapporteur pour avis estime nécessaire d’évoquer le sujet de la dette des hôpitaux publics. Le triplement de cette dette sur dix ans place le secteur dans une situation critique. Selon un récent rapport de la Cour des comptes sur ce thème (73), la dette globale atteindrait 29,3 milliards d’euros à la fin de l’année 2012, soit 1,4 % du PIB.

ÉVOLUTION DE LA DETTE À MOYEN ET LONG TERMES DES ETABLISSEMENTS PUBLICS DE SANTÉ

(en milliards d’euros)

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Encours de la dette

9,8

10,9

12,0

13,5

15,9

18,9

21,9

24,2

26,5

29,3

Évolution

N/N-1

10 %

11 %

10 %

13 %

18 %

19 %

16 %

10 %

10 %

10 %

Source : Cour des comptes, selon les données de la direction générale des finances publiques et de la direction générale de l’offre de soins.

Le montant global des intérêts payés par les établissements publics de santé (EPS) est passé de 403 millions d’euros en 2003 à 928 millions d’euros en 2012. Selon la Cour, l’endettement d’un hôpital apparaît soutenable lorsque sa marge brute est supérieure de 3 % au service de sa dette. Or la marge brute non aidée des hôpitaux publics s’élevait à 5,1 % de leurs produits d’exploitation en 2011, pour un service de la dette qui représentait à lui seul 4,1 % de ces mêmes produits d’exploitation. Les établissements ne peuvent donc pas financer sans aides complémentaires leurs investissements courants incompressibles.

En 2010, le déficit global des établissements publics de santé (488 millions d’euros) était concentré à 80 % sur moins de cinquante établissements, pour l’essentiel des centres hospitaliers universitaires (CHU) (74). Selon les chiffres de la Fédération hospitalière française (FHF) pour 2013, les établissements publics présenteraient un déficit de l’ordre de 400 millions sur leur compte principal, alors qu’il s’était réduit à 150 millions d’euros en 2012.

L’article 36 du projet de loi met en place une double amélioration :

– amélioration de l’excellence des soins : les établissements de santé exerçant des activités de MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) pourront bénéficier d’une dotation complémentaire s’ils remplissent certains critères de qualité et de sécurité des soins. Un référentiel sera à cet effet défini par décret ;

– amélioration de la pertinence des soins : pour les établissements financés à l’activité, un nouveau dispositif de contractualisation avec les agences régionales de santé (ARS) est défini, portant sur les trois principaux risques hospitaliers identifiés (infections nosocomiales, ré-hospitalisations, risque médicamenteux). Chaque année, en cas de non-respect des objectifs du contrat, l’ARS pourra décider de pénalités financières à l’encontre de l’établissement. Cette pénalité ne pourra toutefois pas excéder 1 % des produits reçus des régimes obligatoires d’assurance maladie au titre du dernier exercice clos.

L’étude d’impact précise que les conséquences financières de cet article seront de trois ordres : une dépense nouvelle liée à l’incitation financière, une économie éventuelle liée aux pénalités financières, et une économie indirecte, résultant de la réduction des événements indésirables qu’entraîne une moindre qualité.

Le Gouvernement a avancé une estimation d’économie de 50 millions d’euros par an à partir de 2017.

L’article 42 du PLFSS pour 2015 s’inscrit dans la même logique. Il vise au renforcement des leviers régionaux d’amélioration de la pertinence des soins en établissement de santé. Le Rapporteur pour avis insiste sur l’importance de ces mesures : l’amélioration des outils de pilotage des dépenses de santé est une condition essentielle à l’atteinte des objectifs de réduction des déficits. La mesure proposée prévoit la mise en œuvre d’une contractualisation tripartite entre l’établissement de santé, l’ARS et l’assurance maladie autour d’objectifs d’amélioration de la pertinence des soins. Il s’agit de diminuer le nombre d’actes non pertinents en exerçant une contrainte renforcée sur des établissements et des sujets ciblés. L’étude d’impact estime que cette mesure conduira à la suppression de 48 000 séjours hospitaliers soit un total d’environ 50 millions d’euros d’économies à l’horizon 2017.

En ce qui concerne le secteur des établissements privés soumis à la dotation OQN (75)l’article 48 du présent projet de loi procède à la création d’une mise en réserve des crédits de l’enveloppe accordée pour le financement des activités de psychiatrie et de soins de suite ou de réadaptation (SSR). Si l’ONDAM est respecté, et seulement dans ce cas, les sommes seront définitivement acquises aux établissements.

Enfin, l’article 44 s’attache à mieux réguler les pratiques de prescription des produits de la « liste en sus » (76). Afin d’harmoniser les modes de prescription des établissements, et de valoriser financièrement la rationalisation de la prescription dans la liste en sus, il est créé un forfait qui viendra en déduction du montant facturé à l’assurance maladie pour chaque séjour comportant la facturation d’au moins un médicament de la liste en sus. L’étude d’impact précise que cette mesure fera baisser les volumes de la liste en sus de l’ordre de 2 %, pour une économie attendue en année pleine de 35 millions d’euros.

L’article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait institué une clause permanente de sauvegarde visant à réguler les dépenses de santé par une responsabilisation des entreprises du médicament.

Ce dispositif consiste dans le versement à l’assurance maladie d’une contribution des laboratoires pharmaceutiques lorsque leur chiffre d’affaires global hors taxes réalisé en France au titre des spécialités remboursables a crû plus vite qu’un taux de progression (dit « taux K ») défini en loi de financement de la sécurité sociale (77). Les entreprises qui choisissent de contracter une convention avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) sont exonérées de la taxe mais s’acquittent alors en contrepartie de remises conventionnelles (78). Comme l’a rappelé à plusieurs reprises la Cour des comptes, la régulation financière conventionnelle n’a pas suffi à freiner les dépenses de médicaments.

L’article 10 modifie le dispositif en garantissant notamment un rendement minimum des remises versées : il devra être au moins égal à 80 % de ce qui aurait résulté d’une application stricte du mécanisme de régulation.

En France, on estime à environ 200 000 le nombre de personnes touchées par le virus de l’hépatite C. 3 000 personnes en décéderaient chaque année.

En janvier 2014, de nouveaux traitements sont arrivés sur le marché européen, dont le coût est très élevé : entre 60 000 et 80 000 euros par trimestre, par malade.

La mesure proposée par l’article 3, qui ne sera appliquée dans un premier temps que pour les années 2014 et 2015, vise à prémunir l’assurance maladie du risque financier important et nouveau que représente ce nouveau traitement. Elle s’appuie sur le mécanisme du « taux K », et permet de faire supporter un éventuel dépassement imputable aux médicaments de l’hépatite C aux seuls laboratoires concernés.

Deux critères sont définis par l’article 3 pour éviter de déclencher cette contribution exceptionnelle si les dépenses sont moins fortes qu’anticipé lors de la construction de l’ONDAM : d’une part, un montant seuil de chiffre d’affaires et, d’autre part, un taux de progression de ce chiffre d’affaires. C’est l’atteinte de ces deux seuils qui déclenchera le dispositif de contribution.

Le seuil de chiffre d’affaires est fixé à 450 millions d’euros pour 2014, et 700 millions d’euros en 2015.

S’il est exact que la branche famille de la sécurité sociale participe fortement au plan d’économies gouvernemental, la préservation des droits sociaux liés à la famille est une vraie priorité pour la majorité. C’est justement pour assurer la pérennité et la soutenabilité de notre modèle que des économies sont nécessaires.

En 2014, 8 % des dépenses de la branche ne sont pas couvertes par les recettes. Les mesures proposées ou annoncées par le présent texte, les améliorations qui seront apportées par voie d’amendements, et celles qui seront adoptées par voie réglementaire, ne sont pas un renoncement de l’État dans le soutien aux familles, mais bien un gage de pérennisation de cette politique publique, et une preuve du sérieux et de la responsabilité des décideurs publics.

Par ailleurs, le Rapporteur pour avis tient à rappeler que le Gouvernement s’est engagé à offrir 275 000 nouvelles places d’accueil des jeunes enfants d’ici 2017, financées par une augmentation des dotations d’investissement de la branche famille.

La volonté du Gouvernement de contenir les dépenses de la branche famille s’est traduite au sein du texte déposé à l’Assemblée nationale, dans l’article 61, qui prévoit une modulation de la prime à la naissance en fonction du rang de l’enfant. D’autres dispositions ont été annoncées, notamment le décalage de 14 à 16 ans de la majoration des prestations familiales.

Sans remettre en cause l’objectif de pérennisation et de sauvegarde de notre modèle de soutien aux familles, un dialogue s’est très tôt engagé avec la majorité, afin de parvenir à un niveau équivalent d’économies, mais au moyen d’une méthode différente, fondée sur la dégressivité du montant des allocations en fonction du revenu du foyer.

Plafonds de ressources 2012

Enfants au foyer (nés ou à naître)

Couples avec un seul revenu d’activité

Parent isolé ou couple avec deux revenus d’activité

1

35 480

46 888

2

42 576

53 984

3

51 091

62 499

Par enfant en plus

8 515

8 515

Source : Caisse nationale des allocations familiales.

En 2012, plus de 600 000 familles ont bénéficié d’une prime à la naissance ou à l’adoption, ce qui a représenté une dépense de 647 millions d’euros pour la branche famille.

L’article 61 du PLFSS pour 2015 vise à réduire le montant de la prime à la naissance à compter du deuxième enfant, à un tiers de son montant actuel, soit 304 euros en 2014. Cette diminution du montant de la prime concernerait 350 000 familles par an, soit environ 50 % des bénéficiaires.

La modulation introduite par l’article 61 du présent texte permettrait la réalisation pour la branche famille de 247 millions d’euros d’économies dès 2015.

Maintenir l’universalité des prestations familiales tout en maîtrisant les dépenses de la branche est une équation difficile, que le groupe socialiste, républicain et citoyen à l’Assemblée nationale a tâché de résoudre de la façon la plus juste et équitable possible. Le rapporteur souscrit pleinement à cette démarche, qui permet d’accentuer la solidarité dans notre système de soutien aux familles, tout en permettant à toutes d’en conserver le bénéfice.

Un amendement sera donc déposé, par la rapporteure de la commission des Affaires sociales pour la branche famille. Il aura pour objet de remplacer le mécanisme proposé à l’article 61 par la mise en place d’une modulation du montant des sommes versées en fonction des ressources annuelles du foyer.

Le montant mensuel actuel des allocations familiales varie selon le nombre d’enfants à charge au foyer :

– 2 enfants : 129,35 euros ;

– 3 enfants : 295,05 euros ;

– 4 enfants : 460,77 euros ;

– par enfant en plus : + 165,72 euros.

Sur le fond, l’amendement proposera :

– de diviser par deux ces montants à partir de 72 000 euros de revenus annuels ou 84 000 euros si le foyer possède au moins quatre enfants ;

– de diviser par quatre ces montants lorsque les revenus du foyer dépassent 96 000 euros annuels.

Ces seuils augmenteront ensuite de 500 euros par enfant supplémentaire.

13 % des familles seraient concernées, pour une économie estimée à 800 millions d’euros en année pleine, et 400 millions d’euros dès 2015.

Dès lors, afin d’atteindre les économies annoncées de 700 millions d’euros en 2015, la réforme du congé parental sera maintenue. En revanche, en cas d’adoption de l’amendement, la mesure présentée ci-après de report de la majoration des allocations aux 16 ans de l’enfant deviendrait caduque et ne serait pas mise en œuvre.

Le congé parental, permet actuellement aux parents salariés de suspendre leur activité professionnelle afin de se consacrer à leur éducation. Durant cette période, ils perçoivent une aide versée par l’État pour compenser la perte de salaire (79).

La perception de ce « complément de libre choix d’activité » (CLCA) (80) n’est pas soumise à condition de ressources. La durée de versement du CLCA est variable. Pour un premier enfant, le CLCA peut être versé au maximum pendant six mois. À partir de deux enfants à charge ou plus, le CLCA peut être versé jusqu’au mois précédant le troisième anniversaire du dernier enfant.

En 2014, les allocations versées pendant le congé parental (81) ont représenté une dépense pour la branche famille de plus de 1,9 milliard d’euros, en diminution constante depuis 2011.

À la fin de l’année 2012, près de 530 000 personnes bénéficiaient du CLCA, mais seulement 3,5 % des bénéficiaires du CLCA sont des hommes.

Partant de ce constat, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a réservé une part du complément de libre choix d’activité, définie en nombre de mois, au second parent, ce qui revient à instaurer une période de « partage des droits » entre les parents. Le CLCA est devenu la « Preparee » (82).

Comme le préconise le Conseil d’analyse économique dans une note du 7 octobre dernier, il convient d’aller plus en avant dans cette évolution. Un meilleur partage des responsabilités familiales entre les sexes favoriserait en effet la réduction des inégalités de revenu entre les hommes et les femmes (83).

Le Gouvernement a donc annoncé, à l’occasion de la présentation du présent projet de loi, que la durée du congé parental sera portée à un an au lieu de six mois pour le premier enfant, et qu’un décret viendra déterminer le nombre de mois réservé à la période de partage. Selon les dernières informations transmises par le Gouvernement, la période réservée à la mère pourrait être fixée à 24 mois.

Sur le plan financier, l’incidence de la réforme, qui concernera les enfants nés à partir du 1er janvier 2015, dépendra du taux de recours des pères au dispositif et du taux de retour à l’emploi des mères.

L’étude d’impact du projet de loi « égalité hommes/femmes » estimait que pour la branche famille de la sécurité sociale, la réforme consistant à réserver six mois pour le second parent présenterait un gain de l’ordre de 50 millions d’euros de prestations de garde décomposés comme suit :

– la réforme permettrait une économie de l’ordre de 300 millions d’euros sur le coût de la prestation de CLCA du fait de la réduction de la durée allouée au premier parent, dans le cas où 10 % des seconds parents n’auraient pas recours à tout ou partie des droits qui leur seront réservés ;

– le report sur les dépenses liées aux autres modes de garde en accueil collectif (prestation de service unique) comme individuel (complément de mode de garde) était estimé à près de 250 millions d’euros.

Par ailleurs, cette même étude d’impact estimait que le retour anticipé des mères en emploi et la hausse de l’emploi des assistantes maternelles qu’il induit seront sources de recettes supplémentaires pour les finances publiques.

En tout état de cause, si des économies devaient être induites par la réforme, le Gouvernement s’est engagé à ce qu’elles soient utilisées en priorité pour financer le développement des modes de garde.

Une autre source d’économies pourrait être réalisée sans aucun impact pour les droits d’ores et déjà acquis par le décalage de la majoration des allocations familiales (84) lorsque l’enfant atteint l’âge de 14 ans.

Le Gouvernement souhaite en effet faire correspondre cette augmentation du montant versé, de l’ordre de 70 euros, aux 16 ans de l’enfant.

Cette mesure sera mise en œuvre par voie réglementaire. Elle s’appliquera aux enfants nés à compter du 1er janvier 2001 et devrait générer 180 millions d’euros d’économies en 2015 et 640 millions d’euros en 2017.

Enfant(s) à charge

Revenus

Inférieurs à

Ne dépassant pas

Supérieurs à

1 enfant

21 100

46 888

46 888

2 enfants

24 293

53 984

53 984

3 enfants

28 125

62 499

62 499

Au-delà de 3 enfants

+ 3 832

+ 8 515

+ 8 515

Source : Caisse nationale des allocations familiales.

La réforme proposée par le Gouvernement vise à ajouter une quatrième tranche de revenus, pour laquelle le montant de l’aide serait divisé par deux par rapport à la troisième tranche. Selon les informations transmises par le Gouvernement, cette nouvelle tranche pourrait être fixée pour un couple avec deux enfants à 61 200 euros de revenus annuels.

Cette mesure générerait une économie de 20 millions d’euros en 2015 et 85 millions d’euros en année pleine.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission, au cours de sa séance du 14 octobre 2014, examine pour avis le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 (n° 2252).

M. le président Gilles Carrez. L’examen pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – par la commission des Finances apparaît de plus en plus nécessaire tant l’imbrication du budget de la sécurité sociale et de celui de l’État s’accroît. Je me demande d’ailleurs s’il n’y aurait pas lieu de jumeler l’examen de leurs parties respectives consacrées aux recettes. Le rapporteur pour avis nous dira sans doute ce qu’il en pense, après avoir analysé les subtilités de la tuyauterie particulièrement complexe qui relie projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Nos textes financiers – projet de loi de programmation des finances publiques, projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale – forment un tout dont la cohérence est fondée sur des objectifs communs, justifiés par le contexte économique général : maîtrise des dépenses publiques et baisse des prélèvements obligatoires.

Le projet de loi de financement pour 2015 s’inscrit dans le cadre de l’engagement pris par le Gouvernement d’économiser 50 milliards d’euros d’ici à 2017, dont 21 milliards portant sur les dépenses de protection sociale.

Il convient donc de retracer ici la trajectoire financière de la protection sociale. À la fin de l’année 2013, les dépenses des administrations de sécurité sociale représentaient près de 563 milliards d’euros, soit 46,6 % de l’ensemble de la dépense publique et 26,6 % du PIB. En termes de pourcentage des dépenses sociales par rapport au PIB, la France se situe au premier rang des pays européens, où ce taux est en moyenne de 20,6 %.

Sur le long terme, il apparaît que l’essentiel de l’accroissement des dépenses publiques est dû à la croissance des dépenses de protection sociale, lesquelles représentent les deux tiers de cette augmentation en points de PIB depuis 1978. Nous connaissons les causes de ce phénomène : vieillissement de la population, évolutions technologiques, augmentation du revenu par habitant. Les dépenses de santé qui ne représentaient en 1960 que 4 % du PIB atteignent 11 % aujourd’hui ; la part des dépenses de retraite dans le PIB est passée de 10 % en 1980 à 14 % aujourd’hui. Depuis les années 1980, comme je l’ai souligné dans mon rapport sur la fiscalité des ménages, l’augmentation de près de 6 points des prélèvements obligatoires a été intégralement supportée par les ménages : elle a permis de financer 4 points de PIB de dépenses de retraites et 1,5 point de PIB de dépenses d’assurance maladie, dépenses représentant respectivement 45 % et 40 % de l’accroissement des dépenses sociales.

Nos régimes de protection sociale n’ont plus été excédentaires depuis 2001. Dans la décennie précédente, seuls trois exercices l’ont été, sous le gouvernement Jospin : 1999, 2000, 2001. Dans les années 1990, les déficits cumulés des organismes de sécurité sociale étaient si faibles qu’ils étaient gérés grâce à des avances de la Caisse des dépôts et consignations plafonnées à 5 milliards de francs. Depuis le début des années 2000, ils ont été déficitaires pour des montants, à de rares exceptions près, supérieurs à 10 milliards d’euros. Cela a généré ce que l’on doit qualifier de dette quasi structurelle. Depuis 1996, nous avons transféré à la Caisse d’amortissement de la dette sociale – CADES – 226,7 milliards d’euros de dette sociale, dont 89,3 milliards sont amortis. Évoquons ici un chiffre peu souvent cité : depuis 1996, la dette sociale a généré 42,8 milliards d’euros d’intérêts financiers, soit l’équivalent du budget annuel de l’Éducation nationale.

Alors qu’il n’y a aucune raison pour que les régimes sociaux ne soient pas équilibrés à moyen et long termes, il convient de s’attaquer à cette dette sociale, d’autant qu’elle revient à reporter sur les générations futures le coût de prestations dont bénéficient les générations actuelles.

L’évolution des recettes a été marquée par un mouvement de fiscalisation partielle, qui renvoie à la question de l’articulation entre projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale. L’origine de ce mouvement est clairement identifiée : l’alourdissement des dépenses a entraîné un besoin de ressources complémentaires, dont le financement est passé par l’augmentation des cotisations sociales, car la croissance de la masse salariale n’a pas suffi. En 2010, la part des cotisations sociales représentait en France 17 % du PIB contre 14 % en Allemagne et en Italie, 11 % en Suède et 9 % en moyenne dans l’OCDE.

Cette fiscalisation a été marquée par la création en 1990 de la contribution sociale généralisée – CSG –, assise sur la quasi-totalité des revenus. Son produit – 91,5 milliards d’euros, soit un montant supérieur aux recettes de l’impôt sur le revenu – a été affecté pour l’essentiel à la Caisse nationale de l’assurance maladie – 55 milliards d’euros –, tandis que 11 milliards sont allés à la branche famille et 11 milliards au Fonds de solidarité vieillesse – FSV. La CSG représente aujourd’hui 16 % des recettes des régimes de base de protection sociale, tandis que la part des cotisations s’élève à 55 %.

Par ailleurs, les allégements successifs des cotisations sociales, à commencer par les « allégements Balladur » en 1993, ont donné lieu à des compensations financées par des impôts et taxes affectés – ITAF –, représentant 12 % du financement de la protection sociale.

Avec la crise économique, le chômage structurel persistant pèse sur les comptes de la protection sociale. Même si une baisse de son taux peut laisser espérer un accroissement des ressources issues de la masse salariale, nous voyons bien que nous atteignons les limites d’un système.

L’efficience de notre système socio-fiscal pose aujourd’hui question. Certes, il constitue l’un des plus redistributifs au monde : il a permis de réduire les écarts de revenus
– division par quatre entre le premier et le dernier déciles –, d’améliorer les conditions de vie de ménages en situation de précarité et d’assurer un bon accès aux soins. Toutefois, certaines inégalités augmentent, alors même que les dépenses sociales progressent plus vite que le PIB.

Je terminerai cette introduction générale en évoquant les évolutions tendancielles des différentes branches de la protection sociale.

La branche famille, qui ne devrait jamais être en déséquilibre, connaît un ralentissement du rythme d’évolution de ses dépenses, dont l’augmentation se situe désormais à un niveau faible, de l’ordre de 1 % à 1,5 %.

En matière de retraites, les réformes successives ont conduit à un rythme d’évolution des dépenses beaucoup plus modéré et permettent d’envisager un retour progressif des régimes à l’équilibre.

S’agissant de l’assurance maladie, pour diverses raisons liées au vieillissement de la population, aux innovations technologiques, au fonctionnement même du système, l’augmentation des dépenses se situe aux environs de 2 %. Au-delà du débat sur les modes de calcul de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie – ONDAM –, il faut souligner que, si rien n’était entrepris en termes de régulation des dépenses, l’accroissement serait plutôt de 4 %. Pour 2015 et les années suivantes, la tendance est cependant plus à une augmentation de 2 % qu’à une stabilisation.

Quant au régime d’assurance chômage, la loi de programmation va parfaire l’information du Parlement sur sa situation. Avec 4 milliards d’euros de déficit et 20 milliards de déficit cumulé, la question se pose de savoir quelle réforme structurelle entreprendre pour ramener ses comptes à l’équilibre.

Pour contribuer aux 21 milliards d’économies de dépenses sociales d’ici à 2017, le déficit du régime général poursuit sa décrue : 13,3 milliards d’euros en 2012, 12,5 milliards en 2013, 11,6 milliards en 2014, 10,3 milliards pour 2015. L’effort prévu par le PLFSS porte sur 5,6 milliards d’euros par rapport à la tendance, selon des prévisions macroéconomiques qui établissent à 2 % la croissance de la masse salariale, sachant qu’un point représente 2 milliards de recettes supplémentaires. C’est dire le caractère extrêmement sensible de la question de l’activité pour la réduction du déficit.

Pour ce qui est des recettes, les mesures déjà votées permettront en 2015 d’obtenir 1,2 milliard d’euros de ressources supplémentaires pour la sécurité sociale. L’examen des financements croisés entre l’État et la sécurité sociale fait apparaître une compensation intégrale des 6,3 milliards d’euros au titre des allégements de cotisations, grâce à l’affectation de l’intégralité du produit de la fiscalisation des majorations de pensions – 1,2 milliard – ainsi que des recettes fiscales liées au plafonnement du quotient familial au bénéfice de la branche famille, comme le prévoyait son plan de rééquilibrage.

Dans ce PLFSS, s’affirme la volonté de simplifier les financements croisés entre l’État et la sécurité sociale. Le financement des aides personnelles au logement revient désormais entièrement à l’État, ce qui représente un transfert de 4,75 milliards d’euros. La retenue à la source des cotisations versées par les caisses de congés payés bénéficiera à la sécurité sociale pour 1,52 milliard d’euros en 2015 et 500 millions en 2016 – notons toutefois qu’il s’agit là d’une ressource non pérenne puisque le bénéfice lié à l’accélération du calendrier de versement ne vaut qu’une fois. Est également prévu le transfert de la totalité du produit des prélèvements de solidarité portant sur les revenus du patrimoine et de placement à la Caisse nationale d’assurance maladie – CNAM – pour un montant de 2,53 milliards d’euros. Enfin, des ressources issues d’ajustements de taux de TVA sont transférées à la sphère sociale pour assurer l’équilibre des comptes.

Les 6,3 milliards d’allégements sont bel et bien compensés, ce qui rassurera ceux qui ont exprimé des inquiétudes l’été dernier. Il faudra toutefois trouver d’autres mesures de financement en 2016.

Pour ce qui est de la dette, rappelons que la durée de vie de la CADES n’est plus limitée. La loi organique fixe le principe selon lequel tout transfert de dettes doit être compensé par des ressources nouvelles affectées à cette caisse. Son fonctionnement repose sur le schéma établi par la loi de financement pour 2011 : le plafond de reprise de dette globale est fixé à 62 milliards d’euros et le plafond annuel des transferts à 10 milliards d’euros. Il faut y ajouter la dette sociale portée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale – ACOSS –, d’un montant de 28 milliards d’euros – le PLFSS prévoit de remonter le plafond d’autorisation à 36 milliards d’euros. Certains se demandent s’il convient que l’ACOSS joue un rôle de banquier, à côté de son rôle de collecteur. Le taux d’intérêt très faible auquel elle emprunte, voisin de 0,15 %, lui permettra de venir en aide à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA). Quant au transfert de sa dette à la CADES, il ne se justifie pas. Outre le fait qu’il impliquerait, en vertu de la loi organique, de transférer les recettes correspondantes, il ne permettrait aucun bénéfice sur le plan financier, puisque la CADES emprunte à un taux bien supérieur – 2,4 % – à l’ACOSS. Reste que, si nous voulons espérer une extinction de la dette sociale au milieu des années 2020, il faudra un jour régler ces problèmes.

Le PLFSS et les mesures réglementaires qui suivront permettront de dégager 4,4 milliards d’euros d’économies. Sont attendus 3,2 milliards d’économies au titre de l’assurance maladie, avec un ONDAM fixé à 2,1 % pour 2015 et à 2 % en moyenne pour les années suivantes, limitation qui ne s’est jamais vue ces dernières années. Par ailleurs, 700 millions d’euros d’économies sont prévus au titre de la branche famille – 1,5 milliard à l’horizon de 2017. Les mesures retenues par le Gouvernement font débat à droite comme à gauche. À mes yeux, ces économies sont pleinement justifiées, car il est impératif de parvenir au rééquilibrage de la branche famille. Reste qu’il est légitime de s’interroger sur la meilleure façon de répartir cet effort. À titre personnel, j’estime qu’il est possible de le faire plus justement que ne le propose le Gouvernement. Nos collègues de la commission des Affaires sociales travaillent à cette question et j’aimerais aussi avoir votre avis, chers collègues de la commission des Finances.

Ce PLFSS comporte de nombreuses avancées sociales, notamment en matière d’accès aux soins des personnes vulnérables et isolées et d’élargissement du tiers payant, mesure que nous pouvons saluer, car nous savons que l’avance des frais est un facteur de renoncement aux soins. La politique d’incitations financières à l’installation des médecins en zone sous-dense est poursuivie. Elle permettra de répondre à cette contradiction qui veut que les dépenses de santé augmentent de manière continue alors que l’accès aux soins est rendu difficile par la désertification médicale dans certaines parties de notre territoire, en milieu rural, mais aussi en grande couronne. Enfin, sont prévues des mesures en faveur du pouvoir d’achat des retraités : revalorisation exceptionnelle de l’allocation de solidarité aux personnes âgées – ASPA – au 1er octobre, versement d’une prime de 40 euros début 2015 pour les retraités touchant moins de 1 200 euros de pension. L’indexation des pensions avait fait débat au mois de juillet, mais une analyse chronologique montre que, au regard d’une très faible inflation, elle n’a pas d’effet marqué. Je vous renvoie aux tableaux du rapport.

Ce projet de loi s’inscrit dans une volonté de rééquilibrage des comptes de la protection sociale, qui doit se faire à un rythme compatible avec les exigences sociales, mais aussi répondre aux besoins de retour à la croissance.

M. Pascal Terrasse. D’après l’Organisation mondiale de la santé – OMS –, et contrairement à ce que prétendent certains, l’accès aux soins ne recule pas en France. Le reste à charge diminue même pour nos concitoyens, ce qui n’avait pas été le cas depuis longtemps.

Autre fait important : les dépenses sont maîtrisées depuis trois ans ; ce sont les recettes qui nous posent problème, car elles sont moindres que prévu, même si l’ONDAM est fixé à un niveau relativement important, bien au-delà de l’inflation, à 2,1 %. La France est le pays de l’OCDE qui consacre la part la plus importante de son PIB aux dépenses de protection sociale : 34 %. Elles augmentent chaque année, mais sommes-nous mieux soignés ? Je n’en suis pas sûr. Sont-elles efficaces ? Je n’en suis pas sûr non plus. J’attends donc beaucoup du projet de loi relatif à la santé présenté ce matin en Conseil des ministres.

Un nouveau traitement de l’hépatite C permet une guérison définitive dans la très grande majorité des cas. Il aura cependant un coût considérable sachant que plus de 200 000 personnes sont atteintes de cette pathologie en France et que le prix de chaque thérapie peut atteindre 70 000 euros par trimestre. Les ressources affectées à l’assurance maladie ne me paraissent pas de nature à supporter une telle charge. Le Royaume-Uni, soulignons-le, a fait un choix très différent du nôtre, après avoir analysé le rapport entre coûts et bénéfices : les patients n’auront pas accès à ces nouvelles molécules.

Nous saluons l’augmentation de la dotation de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux – ONIAM –, qui correspond à une demande très forte des associations.

Il nous paraît important d’avancer sur deux sujets en particulier : les génériques et l’hospitalisation à domicile. Nous sommes encore loin d’une généralisation. Je crains que le développement de l’hospitalisation à domicile ne se réduise à un simple effet d’affichage. Il faut aller plus loin.

Trois types de mesures me posent problème. Il s’agit tout d’abord de celles relatives à l’emploi à domicile. La suppression de l’abattement et la fin du régime de déclaration au forfait ont abouti à une chute des emplois à domicile déclarés au profit d’une hausse des emplois dissimulés, ce qui a un coût considérable pour la sécurité sociale. Il faudra que le Gouvernement prenne en compte ces incidences.

Il me semble que les mesures de l’article 17, inspirées par la volonté d’harmoniser le régime agricole avec les autres régimes s’agissant des travailleurs occasionnels, sont une erreur et risquent d’aboutir aussi au développement du travail au noir.

Enfin, les mesures concernant la branche famille ne correspondent pas aux souhaits d’une partie du groupe socialiste. Nous espérons que les amendements déposés en commission des Affaires sociales permettront des avancées. Je le dis, avant que certains ne crient trop fort.

M. le président Gilles Carrez. Les dépenses de santé sont appelées à augmenter de manière quasi mécanique pour des raisons liées entre autres au vieillissement et aux innovations technologiques. Cela oblige à une course-poursuite avec les recettes, qui ont tendance à diminuer du fait de la dynamique de la masse salariale. De ce point de vue, il convient d’étudier avec le plus grand soin toutes les décisions de nature à générer structurellement des dépenses supplémentaires ou une accélération des dépenses.

Une mesure m’inquiète en particulier : l’extension du tiers payant aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé – ACS –, qui dépassent le million de personnes. Je me demande si une étude précise a été menée pour analyser les effets sur les dépenses pharmaceutiques de la généralisation du tiers payant intervenue dans les années 1980 et 1990 à la suite de mesures prises par des gouvernements de droite comme de gauche. Nous savons que cela a conduit à une inflation de la consommation de médicaments et à une modification sensible des comportements. La régulation des dépenses de santé doit concerner non seulement l’État, les organismes sociaux et les professionnels de santé, mais aussi les patients. Si nous n’acceptons pas qu’il leur soit adressé certains rappels, nous ne parviendrons pas à maîtriser les dépenses.

M. Charles de Courson. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le rapporteur pour avis, que l’écart de 2,6 milliards d’euros entre le déficit prévisionnel et le déficit effectif s’explique par 2,2 milliards de moindres recettes et 400 millions de dépenses supplémentaires ?

Cette année, l’augmentation de la masse salariale a été de 1,6 %, alors qu’un taux de 2,2 % avait été retenu. Le PLFSS pour 2015 retient une hypothèse de 2 %. Vous paraît-elle raisonnable ou plutôt optimiste, comme le laisse entendre le Haut Conseil des finances publiques dans son avis ?

Il est prévu, en 2015, de réduire le déficit de 2 milliards d’euros, en passant de 15,4 milliards à 13,4 milliards. Certes, 3,1 milliards de recettes nouvelles sont prévues : 1,5 milliard au titre de la modification des règles de versement des cotisations sociales sur les congés payés, 1,2 milliard au titre de l’affectation du produit de la fiscalisation des majorations de pensions et 400 millions au titre de la hausse programmée des cotisations vieillesse. Toutefois, si l’on retranche les 1,5 milliard d’euros issus de l’anticipation des versements de cotisations, qui n’aura d’effet qu’en 2015, on observe une quasi-stabilité des recettes.

Enfin, pouvez-vous nous donner le détail de l’ensemble des 9,6 milliards d’économies prévues pour 2015 au titre de la protection sociale ? Que pensez-vous de la réalité de certaines des mesures qui les sous-tendent ?

Mme Véronique Louwagie. La loi de financement pour 2014 prévoyait de faire passer le déficit en dessous de la barre des 10 milliards d’euros. Or, aujourd’hui, le déficit du régime général atteint 11,7 milliards d’euros et même 15,4 milliards si l’on inclut le FSV. Cela conduit à s’interroger sur sa sincérité. Par ailleurs, les dépenses sont à peu près tenues : le mode de calcul retenu pour l’ONDAM était-il pertinent ?

La diminution des recettes a de quoi nous interpeller. Elle est liée à l’absence de croissance et de créations d’emplois et à un nombre important de défaillances d’entreprises, situation due pour une part à la politique du Gouvernement.

S’agissant du PLFSS pour 2015, l’hypothèse d’un taux de 1 % de croissance sur laquelle il se fonde est-elle sincère ? La question se pose : le Haut Conseil des finances publiques l’a qualifiée d’optimiste dans son rapport du 1er octobre.

Enfin, je soulignerai l’impact des 700 millions d’euros de mesures d’économies sur la branche famille. Celle-ci subit un véritable matraquage alors qu’elle a déjà été très affectée par la baisse du plafonnement du quotient familial, de 2 300 à 2 000 euros, puis à 1 500 euros, et par les mesures défavorables à l’emploi à domicile. Pour 2015, la restriction des conditions d’accès à la prime à la naissance, le décalage de l’âge de la majoration des allocations familiales, la modification du versement de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant – PAJE –, la réduction du montant de l’aide à l’embauche d’une assistante maternelle suscitent de vives inquiétudes.

Il faudra trouver de nouvelles recettes en 2016 pour compenser les recettes exceptionnelles de 2015 au titre du prélèvement sur les caisses de congés payés. Il faut donc une perspective à plus long terme.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le chapitre VI de la quatrième partie du PLFSS est relatif à l’amélioration de l’efficience de la dépense des établissements de santé. Sans doute, nous pouvons tous nous accorder sur la nécessité de maîtriser l’ONDAM – dont la progression que nous avions fixée dans le passé était plus ambitieuse qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais, parallèlement à la généralisation du tiers payant, qui risque d’avoir des répercussions considérables sur les comptes de la sécurité sociale, les agences régionales de santé – ARS – font des coupes claires dans nos territoires de santé, allant jusqu’à fermer des structures qui ne sont pas déficitaires. Sous prétexte de réorganisation, on prive les patients qui habitent en zone rurale d’établissements de proximité.

En même temps, on écorne régulièrement la politique familiale. C’est un très mauvais signe envoyé à nos concitoyens. L’effet de la prime à la naissance sur la natalité est pourtant bien réel.

Quant au secteur de l’emploi à domicile, il a été complètement dévasté, alors qu’il permet l’insertion de personnes peu qualifiées et représente d’énormes recettes, tant sur le plan fiscal que pour le budget de la sécurité sociale. En portant à 1,5 euro, voire à 2 euros, la déduction forfaitaire dont bénéficient les particuliers, nous permettrions de recréer de l’emploi à domicile déclaré.

Mme Karine Berger. J’avoue ne pas avoir tout compris du propos liminaire de Dominique Lefebvre. L’année dernière, Valérie Rabault, alors rapporteure pour avis, nous avait commenté des diapositives expliquant l’enchevêtrement des relations entre le budget global et le budget de la sécurité sociale. Serait-il possible que ce document soit mis à jour ou que notre rapporteur nous explique l’article 21 du PLFSS, c’est-à-dire comment les 6,3 milliards d’euros de la loi de financement sont compensés en loi de finances, l’exposé des motifs ne faisant état que de 1,2 milliard ?

M. Philippe Vigier. Nous aimerions savoir où sont les vraies économies. Le taux de progression de l’ONDAM est fixé à 2,1 %. Cette référence n’ayant pas de sens, comment voulez-vous que le résultat soit interprété positivement ?

La généralisation du tiers payant n’a entraîné aucune amélioration de la prise en charge. Un changement de comportement a bel et bien été constaté dans chacune des disciplines médicales, et pas seulement en pharmacie. La responsabilité en incombe à tous les praticiens, car, en raison de la désertification médicale, ils ne disposent parfois plus du temps nécessaire pour établir un diagnostic et sont tentés de prescrire des examens complémentaires redondants. Il serait bon qu’une étude sérieuse soit enfin réalisée sur le sujet.

L’expression « franchise médicale » a disparu du vocabulaire. Lorsqu’elle était dans l’opposition, Mme Marisol Touraine répétait qu’il fallait à tout prix supprimer les franchises médicales au motif que ce système était injuste. Aujourd’hui, il n’en est plus question.

On nous annonce que, grâce à la chirurgie ambulatoire, on va faire 500 millions d’euros d’économies. Comment ce montant a-t-il été évalué ? Je ne vois rien, en effet, dans le projet de loi, qui permette une structuration de la chirurgie ambulatoire, pourtant nécessaire. Dans ma circonscription, les coopérations qui ont pu être organisées avec des établissements voisins n’ont pas permis de dégager des économies.

Faisons en sorte que le comportement des professionnels et de nos concitoyens n’entraîne pas de dépenses supplémentaires. Malgré la généralisation du tiers payant, jamais la consommation directe n’a autant augmenté.

M. Éric Alauzet. En matière de politique familiale, la mesure la plus sensible est la suppression de la majoration des allocations familiales pour les adolescents entre quatorze à seize ans. À la différence des aides ponctuelles, comme la prime à la naissance, cette mesure représente l’amputation d’un revenu mensuel pendant vingt-quatre mois. De plus, le principe de l’universalité de l’allocation me paraît très important, dès lors que l’on a touché par deux fois au quotient familial et qu’on n’oserait plus le faire, car l’opposition ne manquerait pas de réagir vivement. En règle générale, il faut éviter de multiplier les mesures de rabotage, et se concentrer sur les mesures structurelles.

Cependant, nous n’explorons pas assez les possibilités d’économies dans le champ des prescriptions médicamenteuses et des examens complémentaires. En tant que professionnel, j’ai pu constater que des examens complémentaires avaient été prescrits de façon excessive. Un cardiologue me disait il y a quelques jours que neuf scintigraphies cardiaques sur dix n’étaient pas justifiées.

Le président Gilles Carrez est revenu sur la généralisation du tiers payant pour les consultations médicales. J’entends cette petite musique, qui accompagne bien les couplets sur la déresponsabilisation et l’assistanat. Mais j’ai pu constater que la CMU n’avait pas nécessairement entraîné de consultations supplémentaires. Les abus viendront davantage des professionnels que des patients. Quand un patient se rend à une visite de contrôle qui dure une ou deux minutes, le médecin n’ose pas demander le paiement d’une consultation supplémentaire. Dès lors que le tiers payant aura été mis en place, il ne se gênera pas. D’ailleurs, je rappelle que les usagers ne sont responsables que de 17 % de la fraude sociale, contre 83 % pour les professionnels. Évitons, en abordant cette question, de sombrer dans la démagogie.

Je ne suis pas un fervent partisan du tiers payant, mais il présente un intérêt pour les jeunes, notamment les étudiants. En outre, nombre de nos concitoyens préfèrent se rendre directement à l’hôpital où ils n’ont pas à faire l’avance des frais : la généralisation du tiers payant pour les consultations médicales les inciterait peut-être à aller consulter un médecin dans un cabinet.

M. Marc Goua. Mon intervention risque de paraître iconoclaste. J’ai été interpellé, il y a quelques jours, par la publication d’un rapport qui précise que, alors que la France compte 1 % de la population mondiale, que son PIB s’élève à 4 % du PIB mondial et qu’elle compte pour 6 % de la dette publique mondiale, elle représente 15 % des dépenses sociales mondiales. Doit-on s’en féliciter ou, au contraire, se poser des questions sur la gestion de notre système de protection sociale ?

Ma circonscription compte beaucoup de personnes en difficulté. Quand elles ont un rhume, elles se rendent à l’hôpital, ce qui coûte fort cher. Voilà pourquoi je suis favorable à la généralisation du tiers payant pour les consultations médicales : cela permettrait d’éviter de fortes dépenses tout en désengorgeant les hôpitaux.

M. Jean-Pierre Gorges. Les chiffres que Marc Goua vient de citer méritent réflexion : j’avais moi-même l’intention de les évoquer. Peut-être devrions-nous, lui et moi, mener une mission commune pour comprendre pourquoi la France représente 15 % des dépenses sociales mondiales.

M. Alain Rodet. Lors de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale au mois de juillet dernier, nous avons été plusieurs à demander à Mme Touraine de se pencher sur un médicament prescrit pour la dégénérescence maculaire liée à l’âge – DMLA – et fabriqué par Novartis. Il a été prouvé qu’un autre médicament, produit par le laboratoire Roche, qui n’était pas destiné à cette pathologie, mais à une forme de cancer, pouvait être très efficace pour lutter contre la DMLA et qu’il coûtait vingt-cinq fois moins cher. L’Autorité de la concurrence a été saisie et un amendement a été adopté en ce sens. On peut estimer l’économie à 200 millions d’euros par an, ce qui n’est pas négligeable.

M. le président Gilles Carrez. Ne serait-il pas possible de mettre en place des procédures beaucoup plus efficaces à l’égard des acteurs de la santé ? Dans une ville, chacun sait quels sont les quelques professionnels qui prescrivent beaucoup plus que les autres, qu’il s’agisse de médicaments ou d’arrêts de travail. Pourquoi n’existe-t-il pas des procédures de décision rapides afin de responsabiliser davantage des laboratoires pharmaceutiques ou les professionnels de santé ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La dette de l’ACOSS sera-t-elle transférée à la CADES ? Quels sont les bénéfices réellement attendus par la généralisation du tiers payant pour les consultations médicales ? Quels sont les dérapages possibles, sachant que des publics bien spécifiques ont besoin de cette mesure ?

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Goua, dans mon propos liminaire j’ai mis en regard l’évolution tendancielle des dépenses de protection sociale dans notre pays et la question de l’efficience. Le système de protection sociale est d’autant plus nécessaire que les inégalités primaires sont importantes. La meilleure manière de diminuer les dépenses de protection sociale et de transfert consiste à œuvrer pour la réduction des inégalités primaires. La question se posera tant que le chômage structurel sera élevé. Je ne peux que vous renvoyer aux excellents propos tenus par notre prix Nobel d’économie, M. Jean Tirole, sur le fonctionnement du marché du travail dans les pays d’Europe du Sud et d’Europe du Nord.

On sait comparer les niveaux de revenus disponibles et les niveaux de pauvreté suivant les différents pays. Les exemples étrangers montrent qu’il est possible de réduire par d’autres moyens les inégalités de revenus disponibles. En termes d’inégalité devant les soins, la France a des ratios tout à fait intéressants, mais on voit bien que le système pourrait être plus efficace. Si nous n’abordons pas frontalement les questions évoquées par Marc Goua et Jean-Pierre Gorges, nous aurons beaucoup de mal à stabiliser la dépense sociale. Le Premier ministre l’a dit, la France vit au-dessus de ses moyens. Il faut donc créer davantage de richesse et mieux utiliser la dépense.

Comment envisager les conséquences des perspectives macroéconomiques sur la masse salariale ? On connaît en général les taux de croissance un à deux ans après la fin de l’exercice : l’art de la prévision est donc extrêmement difficile. Les prévisions de croissance retenues sont celles du FMI, de l’OCDE et de la Commission européenne. Fixer un taux plus bas reviendrait soit à afficher des déficits plus importants, soit à augmenter les prélèvements obligatoires pour réduire les déficits, soit à accentuer la maîtrise de la dépense. À cet égard, j’entends nos collègues de l’opposition contester les mesures d’économie sur la branche famille et sur la branche maladie, et celles à venir sur la revalorisation des retraites, mais je ne les entends proposer aucune mesure d’économies structurelles, à l’exclusion de l’assurance maladie et du tiers payant.

Madame Berger, j’ai tenté de faire un propos introductif accessible aux esprits non scientifiques, mais je peux comprendre que les esprits scientifiques aient été quelque peu perdus. Bien évidemment, le tableau qui vous avait été présenté l’année dernière sera actualisé. Un autre tableau vous sera transmis qui vous montrera, d’un côté, comment 6,3 milliards d’euros sont compensés par l’État et, de l’autre, comment on obtient 1,2 milliard de recettes complémentaires. On connaît l’histoire qui a conduit à reclasser toutes ces petites recettes en fonction d’équilibres ponctuels et précaires de telle ou telle branche. Il faudrait remettre à plat le système de financement de la protection sociale.

Monsieur de Courson, vous faites, je crois, une erreur de raisonnement. Je rappelle que nous devons compenser 6,3 milliards d’euros d’allégements. Le système proposé
– retenue à la source des cotisations sociales dues sur les indemnités de congés payés – est intelligent. Actuellement, cette ressource est thésaurisée dans les caisses des congés payés, alors qu’elle devrait être directement affectée à la sécurité sociale. Toutefois, cette ressource n’étant pas pérenne, il faudra trouver – nous n’en faisons pas mystère – d’autres mesures de compensation pour assurer, en 2016, la compensation intégrale des allégements votés au mois de juillet 2014.

Madame la rapporteure générale, la dette de l’ACOSS est sous contrôle ; elle coûte moins cher que celle de la CADES. La loi prévoit un transfert de 10 milliards d’euros par an à la CADES, et c’est bien ce qui va se passer. Il ne faut pas évacuer le débat, la dette est parfaitement connue et gérée avec un faible coût à l’ACOSS. Je rappelle que le transfert à la CADES oblige le transfert de ressources nouvelles. D’autres ont essayé de le faire avant nous. Selon la théorie du sapeur Camember, on comblait un trou en en creusant un autre.

Les discussions que j’avais eues en 1989 avec le président de la Confédération des syndicats médicaux français – CSMF – sont de même nature que celles que nous avons aujourd’hui. En matière d’assurance maladie, il y a un prescripteur, un payeur et un usager. Or, chacun sait qu’un ménage à trois ne fonctionne jamais. On sait aussi que les comportements liés à la maladie sont peu rationnels. En la matière, rien ne vaut le débat qui s’était déroulé, au début des années 1980, entre Edmond Maire et Michel Foucault sur la manière dont les sociétés contemporaines gèrent la question de l’assurance maladie par rapport à l’évolution de notre rapport à la mort.

La responsabilisation des usagers est un poncif. La prise en charge des dépenses d’assurance maladie par le régime général a baissé parallèlement à l’augmentation de la part prise par les mutuelles. Tout cela permet de faire comme si les prélèvements obligatoires augmentaient moins rapidement. Lorsque je suis arrivé au Québec, en 1984, la première chose que l’on m’ait remise est la « carte-soleil », qui m’a permis de ne rien payer. Dans les pays où le tiers payant est généralisé, les dépenses de santé ne sont pas plus importantes que dans les pays où il ne l’est pas. Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales – IGAS – du mois de juillet 2013 rappelle que le tiers payant dans les consultations de médecine de ville n’a pas conduit à un gonflement de la dépense. En réalité, plus qu’un effet inflationniste, le tiers payant a un réel effet de justice sociale, puisqu’il limite le renoncement aux soins pour des raisons financières, c’est-à-dire qu’il rapproche le niveau de consommation de soins des personnes les plus pauvres et des personnes aisées. Les personnes aisées ont un meilleur usage du système, soit parce qu’elles le connaissent mieux, qu’elles sont orientées vers tel ou tel médecin ou tel ou tel hôpital, soit parce qu’elles ont la capacité à supporter sur leurs propres ressources une part des dépenses de santé. Quand je vais à la pharmacie, je suis surpris de ne jamais rien payer, alors que je pourrais faire l’avance.

Les questions sont toujours les mêmes : liberté de prescription du médecin, paiement à l’acte, etc. Mais, au bout de la chaîne, c’est la sécurité sociale qui paye. Si l’on estime que le patient doit changer de comportement en mettant en place des mécanismes de régulation et des sanctions financières, il faut appliquer le même modèle, et plus durement qu’on ne le fait aujourd’hui, aux professions libérales de santé qui hurleront à la mort, crieront au libre choix du médecin, à l’atteinte à la médecine libérale. Ce sont bien les mécanismes de régulation que l’on met en place qui fonctionnent.

Pascal Terrasse a rappelé, à juste titre, que le débat sur la manière de faire évoluer les dépenses de la branche famille était en cours. Le Gouvernement a eu le mérite de porter des propositions dont on connaît les objectifs d’économies. Le débat est ouvert sur la manière de les atteindre.

La Commission en vient à l’examen des articles.

PREMIÈRE PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2013

Articles 1er et 2

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 1er et 2 sans modification, puis de la première partie du projet de loi sans modification.

DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2014

Articles 3 et 4

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 3 et 4 sans modification.

Avant l’article 5

La Commission est saisie de l’amendement CF18 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Comme nous y invite Dominique Lefebvre, nous vous proposons de réaliser une économie. Cet amendement de justice vise à abaisser de dix fois à une fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale le seuil déclenchant l’assujettissement dès le premier euro des indemnités de rupture les plus élevées aux cotisations de sécurité sociale.

J’indique que j’ai retiré l’amendement CF17.

M. le rapporteur pour avis. Il est dommage que l’amendement CF17 soit retiré : je suis sûr que Nicolas Sansu et Henri Emmanuelli l’auraient voté.

Nous avons déjà adopté une mesure dissuasive contre ces formes de niches fiscales. Avant le vote de la loi de finances rectificative d’août 2012, le seuil était de trente fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale. C’est à l’initiative de notre collègue sénateur Yves Daudigny que ce seuil a été fixé à dix fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale, soit 375 480 euros.

La proposition de Philippe Vigier est probablement un peu dure au regard de certaines conditions de licenciement. Considérant qu’un euro est un euro et que tout euro doit être taxé dès son origine, l’un des pères de la CSG ne peut qu’être favorable à cet amendement. À mon sens, passer de dix à un est cependant un pas trop important à franchir.

M. Henri Emmanuelli. Nous reprochons régulièrement à l’opposition – et ce fut le cas hier encore en séance publique – de ne pas faire de propositions concrètes, soit d’économies, soit de recettes. Je ne comprends donc pas la position de la Commission sur cet amendement, car rien de ce qui a été fait par le passé n’a été dissuasif. Les « retraites chapeaux » continuent de plus belle, les entreprises incorporent toutes les pénalités fiscales, ce qui fait monter l’addition.

M. le président Gilles Carrez. Nous parlons ici des indemnités de rupture, mais la problématique est la même.

M. Pascal Terrasse. Je regrette que l’amendement CF17 ait été retiré.

Je ne vois pas pourquoi les indemnités considérables que peuvent percevoir certains hauts revenus ne seraient pas taxées de la même manière que n’importe quel autre revenu. Le dispositif des ruptures conventionnelles est très coûteux pour l’UNEDIC.

M. Charles de Courson. Les salariés âgés, notamment les cadres, voire les cadres supérieurs, se heurtent actuellement à un problème social. Lorsqu’une négociation s’engage, on leur verse une forte indemnité de licenciement. En fait, on fait payer par les ASSEDIC cette somme qui, pour l’essentiel, est nette d’impôt. Je crois que la CSG est due.

M. le président Gilles Carrez. Le taux normal s’applique au-delà d’un certain niveau d’indemnisation.

M. Charles de Courson. Le rapporteur pour avis estime que notre amendement va dans la bonne direction, mais que nous allons trop loin. Peut-être pourrait-il proposer deux fois la valeur annuelle du plafond, et non une fois.

Mme Véronique Louwagie. Dans le texte de l’amendement, la mesure est applicable aux rentes versées à compter du 1er janvier 2014 : c’est une erreur.

M. Philippe Vigier. En effet, il faut la rectifier.

M. Christophe Castaner. Outre les indemnités de rupture conventionnelle, tomberaient également sous le coup de la mesure les primes supra-légales négociées lors d’un plan de sauvegarde de l’emploi, qui peuvent atteindre des montants très élevés lorsqu’il s’agit d’acheter la paix sociale et bénéficient aujourd’hui d’une défiscalisation. Je vous renvoie au rapport que Véronique Louwagie et moi-même avons consacré à la prévention et à l’accompagnement par la puissance publique des plans de sauvegarde de l’emploi.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne comprends pas les réserves du rapporteur. La puissance publique n’a pas à assumer les conséquences de négociations privées !

M. le rapporteur pour avis. Je l’ai dit, je regrette le retrait de l’amendement CF17. Quant à l’amendement CF18, outre qu’il convient en effet de le rectifier pour remplacer la date du 1er janvier 2014 par celle du 1er janvier 2015 et la date du 31 décembre 2013 par celle du 31 décembre 2014, l’assujettissement aux cotisations sociales dès le premier euro est particulièrement dur. Il convient d’en étudier les conséquences pour tous les acteurs concernés, en particulier les bénéficiaires d’indemnités de rupture conventionnelle. Il paraît donc nécessaire de poursuivre le débat dans l’hémicycle, raison pour laquelle je m’en remettrai à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

M. Pascal Terrasse. Je tiens à dire à mes collègues du groupe UDI que je déposerai avec plusieurs de mes collègues, en vue de la réunion de l’article 88, leur très intéressant amendement CF17 sur les retraites chapeaux.

Articles 5 et 6

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 5 et 6 sans modification, puis de la deuxième partie du projet de loi modifiée.

TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2015

Avant l’article 7

La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques CF1 de M. Charles de Courson et CF5 de Mme Marie-Christine Dalloz, et les amendements identiques CF6 de Mme Marie-Christine Dalloz et CF7 de M. Christophe Castaner.

M. Charles de Courson. De l’avis de tous, on est allé trop loin en fixant à 0,75 euro par heure travaillée la déduction forfaitaire de cotisation dont bénéficient les particuliers employant un salarié à domicile. Le Gouvernement l’a reconnu et a accepté, par la voix de M. Christian Eckert, de la porter à 1,50 euro.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement a été censuré cet été par le Conseil constitutionnel au nom du principe de « l’entonnoir », parce qu’il n’avait pas été discuté auparavant.

M. Charles de Courson. Nous en reprenons le principe. Un montant d’environ 2 euros paraît raisonnable. Tel est le sens de l’amendement CF1.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement CF5 est identique. Il s’agit d’un amendement d’appel. Pour la première fois, en 2013, la masse salariale nette du secteur des particuliers employeurs a reculé, de 2,2 % en rythme annuel. En 2013, il y a eu 29,5 millions d’heures déclarées en moins par rapport à 2012. Et l’évolution, on le sait, se poursuit en 2014. C’est très inquiétant : comment remplacer ces emplois non qualifiés, sinon par des contrats aidés qui pèseront sur le budget ? Un forfait à 2 euros représente une solution a minima relativement simple.

L’amendement de repli CF6 propose un forfait à 1,50 euro.

Je détaillerai en séance publique le coût réel de la mesure, en retranchant du coût facial les rentrées de cotisations sociales afférentes.

M. Charles de Courson. Précision importante : ce domaine d’activité est exclu du champ du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE.

M. Christophe Castaner. Sortons de l’entonnoir en adoptant mon amendement CF7 !

L’honnêteté oblige à reconnaître que la situation actuelle résulte, outre la conjoncture, de l’effet conjoint de deux mesures successives : avant la suppression de la déclaration au forfait, qui se voulait une mesure de justice, celle de l’abattement de 15 points sur les cotisations patronales, décidée sous la précédente législature et entrée en vigueur le 1er janvier 2012, avait joué son rôle. C’est ainsi qu’ont été supprimés 16 500 équivalents temps plein dans le secteur – officiellement, car nombre de ces emplois ont en réalité basculé vers l’économie noire ou grise, réduisant d’autant les recettes fiscales.

Pour compenser ce double effet, il serait plus juste de porter la déduction forfaitaire à 2 euros par heure, mais nous nous en tenons à 1,50 euro – comme d’ailleurs la commission des Affaires sociales à l’initiative de son rapporteur, Gérard Bapt – en raison des contraintes budgétaires actuelles.

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable aux amendements CF6 et CF7. La commission des Affaires sociales a adopté le forfait à 1,50 euro ; faisons de même, à l’unanimité, afin que le débat se poursuive sur cette base avec le Gouvernement dans l’hémicycle et qu’une mesure puisse être appliquée au 1er janvier prochain.

Christophe Castaner a eu raison de rappeler l’ensemble de la séquence incluant la suppression de l’abattement de 15 points et celle de la déclaration au forfait, laquelle était défavorable aux salariés.

À ce propos, j’ai été quelque peu surpris des conclusions pour le moins inopportunes de la Cour des comptes sur la fraude aux cotisations sociales – un sujet que j’aborde dans mon rapport. Prétendre que la fraude représenterait 20 milliards d’euros en 2012, quand on plaide matin, midi et soir pour la maîtrise des dépenses, n’est-ce pas une manière de faire diversion ? En outre, le chiffre lui-même est très contestable, de l’aveu même de l’ACOSS : il supposerait que notre pays compte plus d’un million d’emplois non déclarés.

N’oublions pas que, comme je le montre dans mon rapport, les entreprises ayant fait l’objet d’un redressement à la suite d’un contrôle disparaissent au cours des deux années qui suivent, soit au profit d’une nouvelle structure, toujours au noir, soit parce qu’elles ont perdu leur viabilité économique. Les contrôles n’en demeurent pas moins indispensables. Il faut donc parvenir à un compromis.

Certains considèrent que les dépenses correspondant aux avantages fiscaux pourraient être supportées par les ménages dont les revenus sont les plus élevés. D’autres mécanismes, dont le plafonnement, le permettent.

M. le président Gilles Carrez. Je suis entièrement d’accord avec vous : au lieu de s’attaquer aux problèmes structurels, on se donne une échappatoire !

Les amendements CF1 et CF5 sont retirés.

Puis la Commission adopte les amendements CF6 et CF7.

Article 7 :

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article sans modification.

Après l’article 7

La Commission est saisie de l’amendement CF20 de M. Philippe Vigier.

M. Charles de Courson. À l’UDI, nous pensons que, pour réformer les finances locales, il faut s’attaquer au financement du « bloc social » des conseils généraux, auxquels l’amendement tend donc à octroyer une part de CSG, de manière encadrée, en réduisant à due concurrence la dotation globale de fonctionnement. C’est la énième fois que nous le proposons !

Nous devons rompre avec un système qui met peu à peu en faillite les conseils généraux, où l’on bricole des dotations exceptionnelles, sans la moindre cohérence. Un autre moyen de le faire serait la nationalisation : l’État reprendrait le bloc social des conseils généraux et réduirait à due concurrence la DGF des départements.

M. le rapporteur pour avis. Je suis résolument défavorable à cet amendement. Comment Charles de Courson peut-il le défendre, alors qu’il est opposé à la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG ?

Quant au fond, cette dernière a déjà évolué : d’une contribution unique, avec un taux unique, on est passé à quatre impôts différents, avec plusieurs taux et diverses affectations – au régime général, au FSV, à la CADES, à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – CNSA. Ne sortons pas cet impôt de la sphère sociale stricto sensu. Il y a d’autres choses à faire, dans le cadre de la réforme territoriale en cours, pour l’avenir des départements et le financement des dépenses sociales. Nous y viendrons au moment opportun.

M. Pascal Terrasse. Sans rouvrir le débat sur le financement des dépenses sociales par les conseils généraux, signalons que l’amendement est satisfait puisqu’une part de la CSG finance déjà les dépenses sociales des départements, en l’espèce l’allocation personnalisée d’autonomie, par l’intermédiaire de la CNSA.

M. Charles de Courson. Au taux de 0,3 % !

M. Pascal Terrasse. Il n’empêche : l’exposé sommaire se contente d’évoquer « une part de la CSG ».

M. Henri Emmanuelli. Le financement des prestations universelles par les départements est une aberration : ces prestations sont décidées par le Parlement, les conditions de leur versement sont fixées par décret ; les assemblées départementales n’ont aucune marge de manœuvre. Les quelques fois où, comme président de conseil général, j’ai voulu refuser une demande de revenu de solidarité active – RSA –, je me suis retrouvé au tribunal administratif, et j’ai perdu !

Dans mon département, les dépenses ont augmenté cette année de près de 7 % pour le RSA et de 5,6 % pour l’allocation personnalisée d’autonomie – APA. Comment faire ? Pour l’APA, nous devions financer la dépense pour moitié : nous en finançons 72 %. C’est la même chose pour le RSA, dont l’État devait pourtant se charger. C’est la politique de l’autruche !

Le comble, c’est que le système en devient anti-redistributif : pour financer notre part de l’APA, nous faisons payer des personnes qui touchent le SMIC, voire moins, alors que plus de 20 % des bénéficiaires de l’APA disposent de revenus financiers !

M. Alain Fauré. Sans compter que la proportion de personnes défavorisées varie selon les départements et qu’elle est d’autant plus élevée que le département est pauvre : c’est une forme de double peine. L’inégalité devient alors extrême : les compensations de l’État ne suffisent plus à couvrir les dépenses.

M. Jean-Christophe Lagarde. Notre amendement est peut-être imparfait, mais la situation est ubuesque. Mon département, la Seine-Saint-Denis, concentre un grand nombre de pauvres, des personnes âgées et des mineurs isolés, ce qui fait exploser le système.

Nous proposons ici d’affecter une ressource nationale pour dynamiser les sources de financement, mais, à supposer que l’échelon départemental soit adapté à l’instruction des dossiers et au versement des prestations – nous le verrons dans le cadre de la réforme territoriale –, il ne saurait l’être à leur financement. Le financement de la solidarité doit être entièrement nationalisé pour remédier aux disparités qui viennent d’être évoquées. La voilà, la vraie réforme. Certes, elle ne peut passer en loi de finances, mais notre amendement met le doigt sur une situation qui ne peut plus durer. On regrette à propos de la loi de finances l’absence ou l’insuffisance de réformes de structure ; en voilà une, indispensable à la santé financière de nos départements comme au traitement social des personnes concernées.

Mme Véronique Louwagie. Tous le disent, sur tous les bancs : le dispositif existant n’est pas satisfaisant, car les payeurs ne sont pas les décideurs, ils se contentent d’exécuter des décisions qui leur sont imposées et devant lesquelles tous les départements ne sont pas égaux.

Je regrette que ce point n’ait pas été abordé dans le cadre du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, ce qui aurait permis de revoir la part des départements et celle qui reste à la charge des familles. J’espère que la réforme territoriale nous permettra de trouver une solution, car l’urgence est vitale pour les départements comme pour leurs habitants.

M. Charles de Courson. Nous ne jouerions pas notre rôle de commissaires aux Finances si nous ne soulevions pas ce problème, en proposant des solutions. Celles-ci ne sont pas en nombre infini : soit l’on remonte tout ou partie du bloc social au niveau national, puisque les prestations à financer sont universelles, soit les départements continuent de les gérer, à la manière d’un bureau d’aide sociale, et l’État compense à l’euro près ou au moyen d’une aide affectée, que l’on réajuste chaque année. La nationalisation ou un financement national, voilà l’alternative.

Quelque solution que l’on choisisse, on ne peut continuer ainsi. Le bloc social pèse quelque 40 milliards d’euros, dépenses de personnel incluses. Dans mon département, sur 400 millions d’euros de budget de fonctionnement, le bloc social en représente 300 et augmente de 15 millions par an. Nous sommes très attentifs aux dépenses, nos recettes sont stables ; au bout du compte, nous sommes en déficit de fonctionnement, de 10 millions d’euros cette année. C’est intenable. Prenons nos responsabilités !

Je maintiens donc cet amendement destiné à susciter la réflexion.

M. Régis Juanico. En effet, le système ne tient plus. Dans nos départements, les prestations sociales explosent, le RSA surtout, du fait de la crise sociale et économique, mais aussi les allocations liées au vieillissement de la population, sans ressources dynamiques pour les financer.

Mais nous ne pourrons réfléchir à une solution que lorsque nous aurons clarifié les compétences et que la nouvelle organisation sera stabilisée. Allons-nous confier ces compétences, à moyen ou à long terme, aux intercommunalités, qui n’en veulent pas ? Faudra-t-il renationaliser ? On commence à affecter des ressources dynamiques à la région, on parle de lui allouer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. On voit bien toutefois que l’allocation des ressources a pour préalable la clarification des compétences.

M. Jérôme Lambert. Soit, mais l’on sait que les ressources ne seront jamais équivalentes d’une collectivité à une autre, alors que les dépenses sont totalement indépendantes de la gestion de la collectivité puisqu’elles sont liées à l’âge des habitants ou à leur pauvreté. Il y va de la solidarité nationale : c’est à la nation de donner aux collectivités compétentes les moyens de faire face à une situation dont elles ne sont en rien responsables.

M. le rapporteur pour avis. Nous savons parfaitement pourquoi nous sommes dans cette situation, et cela fait vingt-cinq ans que nous en débattons. La première fois que j’ai siégé dans l’hémicycle, c’était parmi les commissaires du Gouvernement, derrière le ministre Claude Évin, à l’automne 1988, lors de l’examen du projet de loi relatif au revenu minimum d’insertion – RMI – dont M. Jean-Michel Belorgey était rapporteur. Le RMI était à l’origine une allocation d’État, financée par l’État grâce à la recréation de l’impôt de solidarité sur la fortune et gérée par les caisses d’allocations familiales. Dès cette époque, on avait débattu de la gestion du RMI par les centres communaux d’action sociale. Par la suite, sous le gouvernement Raffarin, cette gestion a été transférée aux départements.

Lors du débat, certains dans l’hémicycle disaient : « Donnez-nous l’argent, nous allons gérer les allocations ! » Mais le transfert aux départements de la responsabilité de l’allocation était un choix politique qui engageait l’égalité des droits, s’agissant d’une prestation de solidarité universelle. S’il a eu lieu par la suite, c’est notamment parce que le budget de l’État ne pouvait plus assumer la dépense. Le département devait financer le dispositif d’insertion, soit 20 % du montant des allocations versées l’année précédente : il apportait une partie des ressources sans disposer des recettes correspondantes. C’est ainsi que l’on a créé un système dans lequel les départements n’ont aucune marge de manœuvre.

On avait aussi fait valoir dès l’origine la nécessité d’une péréquation, puisque les inégalités, plus ou moins prononcées selon les territoires, l’étaient particulièrement là où les ressources fiscales manquaient le plus.

À l’époque, M. Jean-Michel Belorgey avait insisté sur les principes d’universalité et d’égalité de la prestation, qui ne devait pas pouvoir être distribuée par les élus locaux de manière discrétionnaire. Le choix contraire du gouvernement Raffarin était politique, et non uniquement budgétaire.

Cet amendement d’appel est donc intéressant, mais inepte du point de vue de l’objectif de clarification des compétences et de responsabilisation : il faut conserver à la CSG une affectation simple aux régimes de base de protection sociale. Cela dit, le débat sur la nature des droits à ces prestations et sur notre capacité à les payer est devant nous.

M. Jean-Christophe Lagarde. Notre amendement n’est certainement pas inepte ; il est inapproprié peut-être, insuffisant à coup sûr. Mais, si cela fait vingt-cinq ans que nous débattons du dispositif, depuis dix ans celui-ci dérape, asséchant les finances des départements au détriment des autres dépenses qui leur incombent. Or, si l’amendement n’est pas adopté, nous n’aurons eu ce débat qu’entre nous, non avec le Gouvernement, de sorte que tout sera à refaire l’an prochain à moins que l’exécutif ne se décide de lui-même à réagir. Dans l’intervalle, les finances des collectivités, en particulier des départements, continueront d’être mises à mal.

Je le répète, si l’on peut concevoir à l’échelon territorial – départements, métropoles, agglomérations – des guichets de proximité, dédiés à l’ouverture des droits et au traitement des dossiers, le financement, lui, doit être entièrement national, et non passer par une compensation à l’euro près ni, d’une manière générale, par les caisses des collectivités.

M. Charles de Courson. Nous redéposerons l’amendement en vue de la réunion de l’article 88. Le but est d’inciter à trouver une solution dans le cadre de la réforme territoriale.

L’amendement est retiré.

Articles 8 à 18

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 8 à 18 sans modification.

Après l’article 18

La Commission examine l’amendement CF2 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Afin d’encourager l’épargne salariale placée dans un plan d’épargne entreprise – PEE – ou dans un plan d’épargne pour la retraite collectif – PERCO –, nous proposons de l’exonérer du forfait social. En effet, de l’avis de tous, depuis plusieurs années, la fiscalité de l’épargne en général marche sur la tête : on taxe davantage l’épargne de long terme et on détaxe l’épargne de court terme. Cet amendement est un petit geste pour donner plus de cohérence à notre système fiscal en ce qui concerne l’épargne salariale.

M. le rapporteur pour avis. Avis résolument défavorable à cet amendement, par lequel nos collègues de l’UDI veulent manifestement, au choix, apporter leur contribution au creusement des déficits ou faire échouer définitivement la discussion engagée avec l’Union européenne par le Gouvernement. Alors que le rendement du forfait social représente 4,6 milliards d’euros, les deux tiers de l’assiette sont constitués des sommes versées au titre de l’intéressement, de la participation et de l’épargne salariale. En visant les sommes abondées au titre des PEE et PERCO, vous proposez une perte de recettes d’au moins 600 millions d’euros. La mesure n’est ni opportune ni soutenable financièrement.

La Commission rejette l’amendement.

Articles 19 et 20

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 19 et 20 sans modification.

Avant l’article 21

La Commission examine l’amendement CF13 de M. Philippe Vigier.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous proposons ici de supprimer le CICE, dont la complexité est avérée et l’efficacité douteuse : certes les entreprises apprécient l’apport d’argent, mais elles sont conduites à des décisions qui ne sont pas adaptées. Mieux vaudrait substituer au dispositif une suppression pure et simple de l’intégralité des cotisations patronales familiales : ce serait neutre, lisible et équitable. Nous l’avons déjà proposé et nous continuerons de le faire.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Nous en avons déjà parlé la semaine dernière dans le cadre du projet de loi de finances, et nous en débattrons cette semaine en séance.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CF16 de M. Philippe Vigier.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous proposons de concentrer les allégements généraux de charges sur les bas salaires. En effet, si le recrutement de ces personnes, le plus souvent peu qualifiées, pose problème, c’est que l’entreprise devrait payer les mêmes charges pour une productivité qu’elle considère moindre. Cela vaut pour les jeunes, qui démarrent dans la vie, comme pour les seniors qui souhaitent être réembauchés, et cela contribuerait à la compétitivité des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises. Car c’est sur ceux qui connaissent le plus de difficultés que la nation doit concentrer ses efforts de solidarité et d’efficacité, pour ne pas dire d’efficience.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable. Nous avons adopté l’été dernier des mesures d’allégement de charges sur les bas salaires, et nous devons faire preuve de stabilité et de lisibilité. En ramenant à 1,5 SMIC le seuil des « allégements Fillon » tout en le maintenant à 1,6 SMIC pour les moins de vingt-cinq ans et les plus de cinquante-cinq ans, comme vous le proposez, on ne ferait que compliquer encore davantage le dispositif, pour une efficacité relative. Ce sujet suscite le débat, mais tenons-nous-en là pour l’heure.

M. François André. Cet amendement est en contradiction parfaite avec le précédent, qui tendait à substituer au CICE, lequel cible précisément les bas salaires, une généralisation des allégements de charges.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est que le CF16 est un amendement de repli : nous n’espérions guère que le précédent serait voté !

La Commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement CF14 de M. Philippe Vigier.

Articles 21 à 28

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 21 à 28 sans modification.

Après l’article 28

La Commission est saisie de l’amendement CF21 de Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD –, deux taux distincts de TVA s’appliquent, l’un aux soins, l’autre aux prestations liées à l’état de dépendance. Cela induit des difficultés d’interprétation des services fiscaux ici ou là. Ce problème est connu et a notamment fait l’objet, en 2006, d’un rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale – MECSS – resté sans effet.

Un amendement plus opérationnel aurait été préférable, mais, voyant qu’une clarification fiscale dès cette année était peu probable, j’ai déposé cette demande de rapport dans l’espoir d’obtenir tout de même des éléments d’explication et de parvenir à l’égalité de traitement entre les EHPAD.

M. le rapporteur pour avis. En effet, le dispositif est complexe. Selon qu’ils sont publics ou privés, les EHPAD ne sont pas soumis au même régime de taxation. La TVA est tantôt récupérable, tantôt non, et, lorsqu’elle l’est, c’est en totalité ou en partie, en fonction des activités. Mais les rapports déjà établis n’ont débouché sur aucune décision, sans doute pour des raisons qui ne sont pas uniquement budgétaires.

Je m’en remettrai donc à la sagesse de la Commission, qui pourra ainsi adopter l’amendement afin de le soumettre au Gouvernement en séance et d’obtenir de lui une réponse.

Mme Monique Rabin. L’idée est en effet de remettre le problème sur la table.

M. le président Gilles Carrez. Soit ; mais, même si l’amendement est adopté, cela ne veut pas dire que nous ne renoncerons pas à demander un énième rapport sur ce sujet bien connu.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de la troisième partie du projet de loi modifiée.

QUATRIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2015

Article 29 : Tiers payant pour les bénéficiaires de l’ACS

La Commission est saisie de l’amendement CF4 de M. Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article qui étend le tiers payant intégral. En effet, j’y insisterai en séance, cette mesure nécessiterait un minimum d’études d’impact, sur le passé – quels ont été les effets constatés de la généralisation du tiers payant sur le médicament ? – comme sur les avantages et inconvénients prévisibles à l’avenir. Je suis sensible aux arguments de Marc Goua, mais je ne trouve pas normal qu’il n’existe aucune étude sur un sujet aussi important. Pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire – CMU-C – l’étude réalisée avait montré une accélération du rythme des soins, puis, assez vite, une stabilisation.

M. le rapporteur pour avis. La question mérite débat. Vous proposez, monsieur le président, de supprimer l’extension du tiers payant intégral aux bénéficiaires de l’aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé – ACS –, déjà accordée aux bénéficiaires de la CMU-C. Rappelons que les bénéficiaires de l’ACS ont un niveau de vie équivalent, au mieux, au seuil de pauvreté : le plafond de ressources applicable est de 973 euros par mois, ce qui correspond à une situation de précarité. S’il y a une population où l’obligation d’avance des frais peut entraîner le renoncement aux soins, c’est bien celle-là. La généralisation à tous les patients est une autre question. Le tiers payant est déjà effectif sur la part financée par les régimes obligatoires ; l’article ne concerne que la part complémentaire.

On peut concevoir que, pour des raisons culturelles, la généralisation du tiers payant ne produise pas les mêmes effets dans notre pays que dans d’autres. Mais nous devons nous efforcer de tenir nos objectifs. Je reste persuadé que la régulation par la responsabilisation du patient n’est pas la bonne méthode : elle n’a jamais produit de résultat satisfaisant. Lorsque nous avons voulu mettre en place les enveloppes globales, avec Claude Évin, nous avons réussi à conclure un accord avec les biologistes, mais jamais avec les radiologues. Puis nous avons proposé les contrats de santé, dont le principe a été repris par une autre majorité, avec aujourd’hui le dispositif du médecin traitant. À propos des contrats de santé, qui étaient une forme d’abonnement, le président de la Fédération française des médecins généralistes – MG France –, qui n’est pourtant pas réputée conservatrice, m’avait fait remarquer que le patient ne manquerait pas d’aller consulter un médecin concurrent si son médecin référent ne lui avait pas prescrit le médicament ou l’arrêt de travail auquel il s’attendait. Pourtant, il revient bien au médecin d’orienter le patient : un malade a rarement un rapport rationnel à sa maladie ! Nous touchons là au fondement de la médecine libérale : les professions libérales de santé veulent que les patients puissent à tout moment choisir leur médecin et en changer s’ils ne sont pas satisfaits, mais, de ce fait, le médecin, qui est pourtant le « sachant », ne peut rien imposer.

Vous en concluez, chers collègues de l’opposition, qu’il faut augmenter la participation du patient pour le responsabiliser. Or, le patient qui en a les moyens n’hésitera jamais à aller consulter un autre médecin ou un spécialiste, car payer la part complémentaire n’est pas un problème pour lui. En revanche, une telle mesure défavoriserait les personnes en situation de précarité et pourrait créer des problèmes de santé publique. Votre amendement, monsieur le président, toucherait lui aussi les personnes en situation précaire. Il est lourd à porter, socialement et politiquement. Avis défavorable.

M. Charles de Courson. Je suis préoccupé non pas tant par cette mesure que par ce que dit le Gouvernement de ses objectifs en matière de tiers payant. Le dossier de presse qui accompagne le PLFSS indique : « La généralisation du tiers payant intégral constitue un élément essentiel de la démarche du Gouvernement en faveur de l’accès aux soins. Il s’agit d’éviter que l’avance des frais par les patients conduise à renoncer aux soins pour des raisons financières. » Et plus loin : « En anticipation de la généralisation du tiers payant intégral pour tous, le tiers payant est mis en place pour les bénéficiaires de l’ACS ». L’objectif du Gouvernement est donc bien le tiers payant pour tous !

Avant de nous invectiver les uns les autres, il serait utile que nous disposions d’études précises sur les conséquences d’une généralisation du tiers payant, ou que nous demandions à des collègues de conduire une mission sur cette question, notamment pour faire le point sur les exemples étrangers et sur l’expérience des caisses qui ont déjà mis en place le tiers payant. Nous ne pouvons pas décider ainsi sans inventorier les questions et les problèmes.

M. le président Gilles Carrez. Je reprends votre argumentaire, monsieur le rapporteur pour avis : le problème, c’est en effet la compatibilité entre le tiers payant et le libre choix du médecin. Je suis prêt à admettre le système du tiers payant à partir du moment où le médecin est imposé. Tel est le mode de fonctionnement des caisses spéciales qui ont mis en place le tiers payant. Le problème que je soulève avec mon amendement est non pas l’extension du tiers payant aux bénéficiaires de l’ACS, mais sa généralisation. C’est ce que j’expliquerai en séance publique.

M. Patrick Ollier. Je soutiens votre amendement, monsieur le président. Alors que la préparation de ce PLFSS est engagée depuis un certain temps déjà, monsieur le rapporteur pour avis, je ne comprends pas que nous ne disposions pas d’une étude d’impact sur les conséquences de la généralisation du tiers payant. Une telle mesure ne s’improvise pas ! Avec une étude d’impact, nous pourrions avoir une appréciation différente de la question, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons. Sans étude d’impact, c’est impossible.

D’autre part, vous nous avez donné raison à propos de la responsabilisation. La question de la responsabilisation se pose pour tous les patients, quelles que soient leurs ressources financières. Il est essentiel que chacun se sente responsable lorsqu’il prend une initiative. Tel est en tout cas notre point de vue. Vous avez dit qu’il suffisait d’avoir de l’argent pour aller consulter un autre médecin. De tels cas se produisent probablement, mais c’est faire fi de la conscience professionnelle des médecins !

M. Pascal Terrasse. Dès lors que l’on met en place un système de tiers payant, il n’est pas souhaitable de laisser la liberté de choix du médecin. Nous sommes passés, je le rappelle, du médecin référent au médecin traitant. Avec le dispositif du médecin référent, mis en place par M. Bernard Kouchner, le professionnel de santé était rémunéré non plus à l’acte, mais au forfait, et le tiers payant était inclus dans ce forfait. En contrepartie, le patient était suivi en priorité par ce professionnel de santé et avait l’obligation de le consulter. Il est dommage que les organisations professionnelles n’aient pas souhaité poursuivre dans cette voie : ce dispositif avait fait la preuve de son efficacité en termes d’économies.

Je suis favorable au tiers payant dès lors qu’il s’inscrit dans un mode de financement global et forfaitaire. En revanche, si l’on maintient dans le même temps le libre choix du médecin, le dispositif risque d’avoir des effets inflationnistes : un certain nombre de médecins se rattacheront très rapidement au secteur 2, et leurs dépassements d’honoraires seront partiellement pris en charge, compte tenu de la généralisation des complémentaires santé. En définitive, le coût sera considérable pour l’assurance maladie.

J’approuve les dispositifs qui facilitent l’accès aux soins, notamment des personnes en situation de précarité, et qui, dans le même temps, permettent de désengorger les services d’urgence des hôpitaux. Mais une généralisation complète n’aurait pas de sens. Par ailleurs, l’utilisateur en vient souvent à considérer qu’un service gratuit – quel qu’il soit – n’a pas de réelle valeur.

M. le président Gilles Carrez. Vous venez de défendre mon amendement beaucoup mieux que je ne l’ai fait moi-même, monsieur Terrasse !

M. Alain Fauré. Je souscris aux propos de Pascal Terrasse. Il conviendrait aussi de mettre en place, dans notre pays, un suivi du patient au moyen d’un dossier numérique. Chacun pourrait ainsi se rendre compte que des examens sont souvent prescrits par des médecins différents à un même patient. Ce phénomène, encore renforcé lorsque le patient n’avance pas d’argent pour ces examens, contribue à l’inflation des dépenses. Si nous voulons avancer, il faut envisager trois mesures : tiers payant, désignation du médecin et dossier numérique du patient.

Mme Véronique Louwagie. Je partage ces analyses. Le débat sur le tiers payant, son impact, ses implications en termes de responsabilisation et son éventuelle généralisation aurait toute sa place dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la santé.

M. Régis Juanico. Selon vous, monsieur le président, il manque des éléments d’évaluation préalable et une étude d’impact concernant la mesure proposée. Ce point est d’autant plus important que l’article 29 prévoit une date d’entrée en vigueur décalée. Or, nous avons été quelque peu échaudés, récemment, par les problèmes qu’ont pu poser certaines mesures transitoires et l’évaluation de leur impact, notamment financier, sur les territoires et sur les acteurs économiques. Il vaut mieux, parfois, se donner un peu plus de temps avant d’envisager une généralisation, en recourant à l’expérimentation territoriale : cela évite de commettre des erreurs que l’on devra corriger par la suite. À cet égard, Laure de La Raudière et moi-même venons de remettre un rapport qui traite notamment de la qualité des études d’impact. Je serais d’avis que la Mission d’évaluation et de contrôle ou le Comité d’évaluation et de contrôle confie une mission d’évaluation sur le tiers payant à des députés issus de la majorité et de l’opposition.

M. le rapporteur pour avis. J’ai bien compris que l’amendement visait davantage à susciter un débat sur la généralisation du tiers payant qu’à supprimer la mesure prévue à l’article 29 en tant que telle. Celle-ci vise, je le rappelle, à étendre le tiers payant aux bénéficiaires de l’ACS. L’étude d’impact laisse penser que le taux de recours à l’ACS pourrait augmenter d’un point et que le coût pour l’assurance maladie serait compris entre 12 et 18 millions d’euros. Il ne me semble guère justifié de supprimer cette mesure au motif qu’il y a un débat plus large sur le tiers payant.

Je suis néanmoins tout à fait d’accord pour que nous évoquions la question du tiers payant en séance publique. Du reste, elle a déjà fait l’objet de rapports et d’études internationales. Nous avons d’ailleurs eu ce débat de principe chaque fois que nous avons réalisé une avancée : lors de l’instauration des bons d’aide médicale, lors de celle de la CMU, lors de celle du tiers payant pour les médicaments. Certains médecins disent qu’ils ne veulent pas devenir, avec le tiers payant, des fonctionnaires rémunérés par la sécurité sociale. Nous avons rencontré le même problème avec les pharmaciens il y a vingt ans. Or, aujourd’hui, aucun pharmacien ne souhaite revenir en arrière par rapport au mode de fonctionnement actuel. Je ne parle même pas de la carte Vitale : il a fallu plusieurs années pour la mettre en place, mais elle a fini par entrer dans les mœurs. Aujourd’hui, rien ne démontre que la CMU ait entraîné un recours aux soins des personnes défavorisées plus massif qu’avec le système des bons d’aide médicale. Je comprends que le tiers payant suscite des débats et que l’on ne souhaite pas l’étendre dans n’importe quelles conditions, mais il reste à prouver qu’une généralisation aboutirait à une modification dommageable des comportements et à une explosion des dépenses de santé.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 29 sans modification.

Articles 30 à 47

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 30 à 47 sans modification.

Article 48 : Création d’une dotation prudentielle sur le champ OQN

La Commission est saisie de l’amendement CF11 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La mesure prévue à l’article 48 revient à interrompre la convergence tarifaire entre les hôpitaux publics et les cliniques privées. Or, la convergence tarifaire présente au moins un avantage : elle permet d’y voir plus clair et d’établir des comparaisons.

M. le rapporteur pour avis. Le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie estime que l’ONDAM pour 2015 est tenable à condition d’assurer un suivi infra-annuel des dépenses, ce qui suppose d’avoir la possibilité de faire jouer un mécanisme de réserve prudentielle. La suppression de l’article reviendrait en réalité à exonérer les établissements de santé privés de tout pilotage infra-annuel. Le mécanisme prévu à l’article 48 est le suivant : s’il n’y a pas de dérapage des dépenses, la dotation mise en réserve sera entièrement restituée aux établissements de santé privés ; dans le cas contraire, elle ne sera pas restituée, ou pas intégralement. En 2015, elle pourrait être de 8 millions d’euros, soit un montant identique à celui qui est mis en réserve pour les établissements de santé publics via le gel des tarifs. Comparé au montant total de l’enveloppe pour 2014 – 2,8 milliards d’euros –, ce montant apparaît symbolique. Nous ne pouvons pas nous priver d’un outil de régulation infra-annuel de la dépense : la dotation prudentielle est nécessaire pour faire face à un éventuel dérapage. Tous les établissements de santé doivent cotiser pour que nous puissions tenir l’objectif. À défaut, cela retombera in fine sur le secteur public, et Marie-Christine Dalloz se plaindra que l’on ferme les hôpitaux de proximité !

M. Pascal Terrasse. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le rapporteur pour avis, le montant du déficit cumulé des hôpitaux publics en 2014 ? Il s’agit en quelque sorte d’un déficit caché : on connaît le déficit qui peut exister dans tel ou tel hôpital, mais le montant consolidé de ces déficits n’apparaît pas dans le PLFSS.

M. le rapporteur pour avis. La dette globale des hôpitaux publics est de l’ordre de 30 milliards d’euros.

M. Pascal Terrasse. Je souhaite connaître non pas le montant de la dette, mais celui du déficit annuel. Prenons l’exemple de l’Ardèche : les sept ou huit hôpitaux du département accusent chacun un déficit qui va de 500 000 à 2 millions d’euros ; le déficit à l’échelle de l’Ardèche doit donc être de 7 à 8 millions d’euros. Quel est le montant du déficit cumulé à l’échelle nationale ?

M. Charles de Courson. On évoque souvent le déficit cumulé des hôpitaux qui sont en déficit, mais il conviendrait de mettre en regard l’excédent cumulé des hôpitaux qui sont en excédent.

M. le rapporteur pour avis. Le déficit annuel net des hôpitaux publics est de l’ordre de 400 millions d’euros. Il s’ajoute aux 30 milliards de déficits cumulés. Ces chiffres figureront dans mon rapport.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 48 sans modification.

Articles 49 à 60

La Commission émet successivement un avis favorable à l’adoption des articles 49 à 60 sans modification.

Article 61 : Modulation de la prime à la naissance

La Commission examine l’amendement CF12 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. La prime à la naissance s’élève actuellement à 923 euros, quel que soit le rang de l’enfant. Avec cet article, le Gouvernement propose de maintenir ce montant pour le premier enfant, mais de le baisser à 308 euros – c’est-à-dire de le diviser par trois – à compter du deuxième enfant. Cela paraît aberrant ! Pouvez-vous nous expliquer le raisonnement du Gouvernement, monsieur le rapporteur pour avis ? Autrefois, on considérait que, jusqu’à deux enfants, les parents ne faisaient que leur devoir. Si l’on avait supprimé la prime à la naissance pour le premier enfant, j’aurais donc pu, à la rigueur, comprendre la logique de la mesure.

M. le rapporteur pour avis. Le raisonnement du Gouvernement est simple : l’objectif est de rétablir les comptes de la branche famille, ce que la majorité précédente n’a pas fait. Or, rétablir les comptes sans augmenter les prélèvements obligatoires implique de réaliser des économies. Il y a plusieurs manières de procéder, et les mesures proposées par Gouvernement ont, chacune, leur cohérence. Comme vous le savez, le Gouvernement a écarté les mesures qui auraient pu porter sur les allocations familiales et sur leur majoration, qui constituent la plus grande masse au sein des prestations familiales.

Vous l’avez compris : il y a un débat entre le Gouvernement et le groupe SRC à l’Assemblée sur cette question. Pour ma part, j’ai indiqué à la ministre des Affaires sociales, il y a quinze jours, qu’il n’était pas nécessairement normal qu’un foyer fiscal ayant des revenus analogues à ceux du mien perçoive non seulement des allocations familiales universelles, mais aussi une majoration de 64 euros lorsque les enfants ont plus de quatorze ans. Surtout lorsque l’on sait que les mesures envisagées toucheraient toutes les familles, notamment le report de quatorze à seize ans de l’âge à partir duquel la majoration est versée. Déterminer qui doit contribuer à l’effort d’économies relève d’un choix politique. La majorité fera des propositions, y compris sur la modulation de la prime à la naissance à compter du deuxième ou du troisième enfant. Cependant, nous tiendrons l’objectif d’économies. L’opposition ne sera crédible dans ce débat que si elle nous explique comment elle ferait pour rétablir les comptes de la branche famille.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 61 sans modification.

Articles 62 à 65

La Commission émet un avis favorable à l’adoption des articles 62 à 65 sans modification.

Après l’article 65

La Commission en vient à l’amendement CF19 de M. Philippe Vigier.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à améliorer l’interconnexion des fichiers afin de renforcer la lutte contre la fraude. Cela permettra de détecter automatiquement certaines fraudes.

M. le rapporteur pour avis. Il convient de lutter contre toutes les formes de fraude – aux cotisations comme aux prestations –, qui alimentent le débat populiste. Votre intention est donc louable, monsieur de Courson. Néanmoins, je vous suggère de retirer votre amendement et d’en revoir la rédaction, si vous souhaitez avoir un débat sur ce point en séance publique. En effet, votre amendement ne fait pas référence aux articles pertinents du code de la sécurité sociale. En outre, il n’aurait qu’une portée limitée : l’administration fiscale transmet déjà toutes les informations nécessaires aux caisses de sécurité sociale, en application des articles L. 152 à L. 162 B du livre des procédures fiscales. Enfin, pour lever toute incertitude juridique, il faudrait examiner ce qu’il convient de faire pour garantir la confidentialité des données et la protection de la vie privée.

M. Charles de Courson. La fraude aux prestations familiales consiste souvent à dissimuler la composition réelle du foyer. Le rapprochement des déclarations faites aux caisses d’allocations familiales et des fichiers des fournisseurs de gaz ou des opérateurs de télécommunications permettrait de découvrir des incohérences. Il s’agirait d’une innovation.

M. le rapporteur pour avis. C’est justement sur ce point que porte l’incertitude juridique.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, monsieur le rapporteur pour avis, vous avez fait part l’un et l’autre de votre étonnement à propos du montant de la fraude aux cotisations sociales – 25 milliards d’euros – cité dans le rapport de la Cour des comptes. Et vous avez dit quelque chose de très juste : lorsque des chiffres sont jetés en pâture de la sorte, ils servent d’alibi. Voilà ce qui risque de se passer : lorsque nous allons proposer des réformes structurelles afin d’améliorer notre système de protection sociale, on va nous répondre qu’il faut d’abord récupérer l’argent de la fraude. Je propose qu’un député de la majorité et un député de l’opposition mènent une nouvelle mission sur ce sujet. On entend tellement de choses sur la fraude !

M. le président Gilles Carrez. Je suis d’accord avec votre proposition, que le bureau de la Commission pourra examiner cet après-midi même.

La Commission rejette l’amendement.

Article 66

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 66 sans modification.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de la quatrième partie du projet de loi sans modification.

Elle émet enfin un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 modifié.

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ANNEXE 
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Jeudi 2 octobre 2014

Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

© Assemblée nationale