N° 2309 - Rapport de M. Arnaud Leroy sur la proposition de résolution européenne de M. Arnaud Leroy, rapporteur de la commission des affaires européennes sur le second paquet énergie-climat (n°2295)




N
° 2309

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 octobre 2014

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE sur le second paquet énergie-climat (n° 2295).

PAR M. Arnaud LEROY

Député

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Voir le numéro : 2295.

SOMMAIRE

___

Pages

1. Un enjeu environnemental, stratégique et économique désormais incontesté 5

2. Une échéance majeure sur le chemin vers Paris 2015 6

3. Un paquet énergie-climat 2030 qui, pour être au service de la transition vers un nouveau modèle de croissance, doit être ambitieux 6

II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE : UN APPEL CLAIR À L’AFFIRMATION D’UNE VOLONTÉ D’EXEMPLARITÉ, DANS LA SOLIDARITÉ 13

1. Les douze visas 13

2. Les trois considérants 14

3. Les neuf prises de position de l’Assemblée nationale 17

TRAVAUX DE LA COMMISSION 21

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 21

II. EXAMEN DES ARTICLES 35

Article unique 35

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 39

L’objectif de réduction de l’intensité carbone mondiale (émissions de gaz à effet de serre par dollar de PIB) : ne sera pas atteint cette année encore. Le total des émissions annuelles liées à l’énergie, actuellement légèrement supérieur à 30 gigatonnes de CO2, est en pleine augmentation, due à une croissance du PIB de 3,1 %. Au cours de la même période, l’intensité carbone a diminué de seulement 1,2 % – un chiffre nettement inférieur au niveau requis (1).

Le monde se retrouve donc confronté à un défi plus ambitieux qu’auparavant : réduire les émissions de 6,2 % par an en moyenne, et ce jusqu’en 2100. Or le fossé entre les actions concrètes des pays et les mesures nécessaires continue de se creuser.

Les éléments dévoilés du cinquième rapport du Groupe International sur l’Énergie et le Climat (GIEC) (2) soulignent l’urgence à agir et à accroître le niveau d’ambition des promesses de réduction des émissions de GES pour limiter l’augmentation de la température globale à 2 °C.

Selon le GIEC, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) ont atteint leurs plus hauts niveaux en quarante ans. La trajectoire actuelle conduit à un réchauffement compris, selon les estimations, entre 3,7°C et 4,8°C au cours du 21ème siècle. Ce réchauffement devrait avoir de graves répercussions sur les individus et les écosystèmes : stress hydrique, menaces sur la sécurité alimentaire, inondations côtières, phénomènes météorologiques extrêmes, transformation des écosystèmes, extinction d’espèces terrestres et marines, etc. Si le niveau de réchauffement continue d’augmenter, bon nombre de ces conséquences risquent d’être systémiques, mondiales et irréversibles.

Il faudrait ainsi réduire les émissions mondiales de 70 % d’ici 2050 (par rapport à 2010) et atteindre une économie quasi neutre en carbone d’ici 2100 pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2 °C.

La crise en cours en Ukraine illustre de plus, s’il en était besoin, l’absolue nécessité d’une réduction de notre dépendance énergétique en renforçant la sécurité d’approvisionnement énergétique de l’Europe et en achevant le marché intérieur de l’énergie.

Enfin, tous les débats qui ont accompagné la préparation puis l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte, que notre Assemblée vient de voter en première lecture, ont amplement démontré que la « nouvelle économie climatique » (3) était le levier de sortie de crise le plus efficace et le plus rapide, le moteur du renouveau industriel, la clef d’un nouveau modèle de développement.

Le « Facteur 4 » a été confirmé, les outils de la gouvernance nationale et locale de la transition énergétique mis en place, la problématique de la précarité énergétique prise en compte, et des objectifs très ambitieux fixés en matière d’économie circulaire et d’efficacité énergétique, notamment dans les bâtiments et les transports.

Le Conseil européen qui se réunit les 23 et 24 octobre a inscrit à son ordre du jour l’une des cinq priorités stratégiques de l’Union européenne, la définition des objectifs de sa politique énergétique et climatique, c’est-à-dire assurer notre sécurité et notre indépendance énergétique, mais aussi faire de l’Europe un pionnier de la transition énergétique, et donc poser un jalon décisif pour le succès de la Conférence de Paris sur le Climat de décembre 2015, qui doit prendre le relais du protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

Tel est, en effet, l’échéance que se sont fixés à eux-mêmes, en mars dernier, nos chefs d’État et de gouvernement pour parvenir à un accord sur les engagements climatiques que l’Union européenne présentera dans le cadre de la préparation de l’accord mondial de Paris sur le climat. Tous les pays doivent en effet présenter, avant la fin du premier trimestre 2015, leurs engagements, avec pour objectif collectif de diminuer les émissions mondiales de gaz à effet de serre, afin de limiter à 2°C le réchauffement climatique d’ici 2100.

S’inscrivant dans la continuité des engagements européens pris depuis la ratification du protocole de Kyoto tout en cherchant également à concilier de manière encore plus profonde les engagements climatiques de lutte contre le réchauffement et l’opportunité unique d’une croissance nouvelle que comporte la transition énergétique, le deuxième « paquet énergie-climat », proposé par la Commission européenne pour 2030 dans sa communication du 14 janvier dernier, s’articule autour de deux objectifs et un principe :

– 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre (par rapport aux niveaux de 1990), en ligne avec la feuille de route « Vers un secteur énergétique sûr, compétitif et décarboné », adoptée en 2011 ;

– 27 % au moins d’augmentation de la part des énergies renouvelables (par rapport aux niveaux de 1990) dans le mix énergétique de l’Union,

– en conférant un « rôle essentiel » à l’efficacité énergétique, mais sans aucun objectif spécifique défini à ce stade.

La communication complémentaire du 23 juillet 2014 a défini un objectif de 30 % en matière d’efficacité énergétique, après avoir dans un premier temps envisagé de limiter l’objectif en matière d’efficacité énergétique à 25 %, soit le minimum requis pour réduire de 40 % les émissions de CO2 d’ici à 2030. Le Parlement européen a, pour sa part, adopté en février 2014 une résolution sur des objectifs contraignants de 40 % d’efficacité énergétique.

À ce stade, seul l’objectif des 27 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique était contraignant – mais à l’échelle de l’Union européenne, et non plus avec une déclinaison nationale –, la Commission ayant renvoyé au Conseil européen la responsabilité de l’attribution d’un caractère contraignant à l’objectif d’économies d’énergie.

Devant la Commission des affaires européennes, votre rapporteur a présenté la semaine dernière les résultats, encourageants en dépit des lacunes constatées dans la définition et dans la mise en œuvre, du premier « paquet climat » ainsi que l’état des divergences sur le calendrier et la répartition des efforts qui persistait entre les États membres (4).

Certains États membres s’interrogent sur la pertinence de ces objectifs et réclament plus de flexibilité. D’autres refusent tout objectif contraignant avant la Conférence de Paris de 2015, alors que, pour être crédible, la position de l’Union européenne doit être ambitieuse. Pour ajouter encore à la complexité, un même État peut souhaiter un objectif, contraignant au niveau européen, de 27 % d’énergies renouvelables et souhaiter une cible indicative de 30 % en ce qui concerne l’efficacité énergétique. Tel est le cas de la France ou du Royaume-Uni.

L’Union européenne contribue largement plus que son poids économique à la lutte contre le changement climatique : en 2012, elle avait réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 18 % par rapport à leur niveau de 1990 alors que dans le même temps les émissions mondiales avaient augmenté de 50 %. Elle les a réduits aujourd’hui de 18 % par rapport à cet étalon, et, sur la base des politiques actuelles, elle devrait atteindre – 24 % en 2020 et – 32 % en 2030. Si elle concourait à 11 % des émissions mondiales seulement, contre 16 % pour les États-Unis et 24 % pour la Chine, elle ne devrait plus en représenter que 4 % en 2030.

Mais le sixième rapport annuel sur « L’économie à faible intensité carbone » (5) constate une hausse, pour la France de 0,3 % de l’intensité de ses émissions de CO2 (145 tonnes de CO2 par point de PIB), et de 2,9 % pour l’Allemagne (224 tonnes de CO2 par point de PIB), en raison notamment pour cette dernière du recours accru aux énergies fossiles afin de compenser les effets énergétiques de sa sortie progressive du nucléaire.

Votre rapporteur estime donc que, pour être crédible, la position de l’Union européenne doit reposer sur trois principes : l’efficacité, la responsabilité, la solidarité. Les objectifs qu’elle devrait se fixer demain et les méthodes retenues pour les atteindre doivent ainsi être à la hauteur de ces enjeux.

Or, à la date du 16 octobre, le Conseil européen semblait prêt à s’accorder, à horizon 2030, sur :

i.  un objectif « de 40 % de réduction des émissions de GES par rapport au niveau de 1990 », contraignant, selon les informations recueillies par votre rapporteur, qui demandent toutefois à être confirmées par ce qui ressortira du Conseil européen. Le niveau de 40 % ne peut être, aux yeux de votre rapporteur, un plafond ; il doit être un plancher, impératif, à la fois pour changer de modèle de développement économique et pour enclencher le mécanisme vertueux qui doit nous conduire à aboutir à un accord mondial sur le climat en 2015 inclusif, juridiquement contraignant, applicable à tous et permettant pour atteindre l’objectif international de limitation de la hausse des températures mondiales à moins de 2 °C par rapport à ce qu’elles étaient à l’époque préindustrielle ;

ii.  un objectif « d’au moins 27 % d’énergies renouvelables, contraignant au niveau de l’Union Européenne ». L’exigence de faire passer à près d’un tiers les énergies renouvelables dans le mix énergétique européen, outre la diversification des sources d’approvisionnement, qui a pour corollaire le renforcement de la sécurité de nos concitoyens, est l’optimum pour accélérer les efforts de recherche et de développement dans ce secteur d’avenir à un coût soutenable pour les finances publiques. Il reviendra aux programmes d’énergies renouvelables d’en assurer librement la déclinaison dans les États membres et aux indicateurs mis en place d’en assurer le suivi, ce qui pose la question de l’efficacité de la gouvernance pour assurer une coordination réelle des efforts et éviter les comportements de « passagers clandestins ». Le « name and shame » suffira-t-il ?

iii.  un objectif « indicatif de 30 % d’efficacité énergétique ». L’efficacité énergétique étant au cœur du processus de transition (l’énergie la moins chère est celle que l’on ne dépense pas), l’objectif de 30 % en la matière devrait être contraignant. Si l’exigence du consensus devait conduire à ne lui conférer qu’un caractère incitatif, ce serait regrettable, et il conviendrait alors de définir une trajectoire visant à rendre à terme cet objectif également contraignant ;

iv.  trois mécanismes de solidarité : la prolongation du système NER 300 avec la création d’une réserve de 400 millions de quotas d’émissions dédiée au financement de projets industriels pilotes à bas carbone ; la création d’un fonds de soutien à la modernisation des systèmes énergétiques et l’efficacité énergétique des États membres dont le PIB/habitant est inférieur de 60 % à la moyenne européenne ; le transfert de 10 % des quotas ETS aux pays dont le PIB/habitant n’excède pas 90 % de la moyenne européenne. Seraient concernés par ce transfert Chypre, la Croatie, l’Estonie, la Grèce, la Hongrie, Malte, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie et la Roumanie, ces deux dernières bénéficiant en outre du fonds de soutien.

Votre rapporteur partage cette exigence de solidarité dans le choix des méthodes retenues pour atteindre les objectifs précités : complémentarité concertée des choix nationaux, prise en compte des fragilités particulières de certains acteurs étatiques ou industriels, mobilisation des financements, avec par exemple la vente de 1 à 2 % des quotas ETS des pays dont le PIB/habitant est le plus élevé, interconnexion des réseaux.

Le premier paquet « Énergie Climat » adopté en 2008, à horizon 2020

L’Union européenne a adopté en 2008 le « Paquet Énergie Climat » qui décline, par secteur et par État membre, les trois objectifs, contraignants, à atteindre à l’horizon 2020 :

1° porter à 20 % la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation énergétique finale. La directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation des énergies renouvelables fixe les modalités de calcul de ce ratio et les moyens nécessaires à l’atteinte de l’objectif ;

2° réduire de 20 % les émissions de GES par rapport à 1990. Cet objectif se décline en deux objectifs : réduction de 21 % des émissions de GES, par rapport à 2005, des secteurs soumis à quotas CO2, et diminution de 10 % des GES, par rapport à 2005, des secteurs non soumis à quotas (bâtiment, transport, agriculture, etc.) ;

3° réduire de 20 % la consommation énergétique européenne par rapport à la consommation tendancielle. Dans ce cadre global, les États membres se sont engagés à respecter deux directives :

* la directive 2006/32/CE relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques (ESD) qui impose aux États membres un objectif de diminution des consommations énergétique, en 2016, par rapport à la consommation tendancielle. La directive impose aussi à chaque État de réaliser un plan national d’actions en faveur de l’efficacité énergétique ;

* la directive 2012/37/CE relative à l’efficacité énergétique qui fixe un objectif contraignant de réduction de 1,5 % par an de l’ensemble des ventes d’énergies hors transport ainsi qu’un objectif de 3 % de rénovation annuelle des bâtiments de chaque État membre.

Les engagements pris par la France à l’occasion de l’adoption du Paquet Énergie-Climat visent à :

* porter à 23 % la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation énergétique finale ;

* réduire de 20 % les émissions de GES du territoire par rapport à 1990, ce qui correspond à une diminution de 14 % des émissions de GES, par rapport à 2005, des secteurs non soumis à quotas de CO2 et une diminution de 21 % des émissions de GES des secteurs soumis à quotas ;

* réduire de 20 % les consommations énergétiques du territoire par rapport à une consommation tendancielle.

Le deuxième paquet « Énergie Climat » en discussion en 2014, à horizon 2030

Les différents éléments mis sur la table des discussions sont les suivants :

1° porter à 27 % la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation énergétique finale (objectif contraignant);

2° réduire de 40 % les émissions de GES par rapport à 1990. Cet objectif, indicatif (au 13 octobre 2014) ou contraignant (au 16 octobre) selon les informations obtenues par votre rapporteur, se décline en deux objectifs : par rapport à 2005, réduction de 43 % (soit une réduction linéaire du « plafond » des émissions de GES de 2 %/an) pour les secteurs soumis à quotas CO2, et diminution de 30 % des GES des secteurs hors ETS, ces efforts devant être partagés équitablement entre les États membres. Il s’accompagne d’une réforme du système d’échange de quotas d’émission (SEQE), ce que notre Assemblée appelait d’ailleurs de ses vœux à l’occasion de l’examen en commission du projet de loi de ratification de l’amendement de Doha au protocole de Kyoto (6) ;

3° réduire de 30 % la consommation énergétique européenne par rapport à la consommation tendancielle (objectif indicatif au 13 octobre 2014) ;

4° un nouveau processus de gouvernance et un ensemble de nouveaux indicateurs.

Les engagements pris par la France à l’occasion de l’adoption en première lecture du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte visent à :

* porter à 32 % la part de l’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation énergétique finale ;

* réduire, par rapport à 1990, de 40 % les émissions de GES, et diviser par quatre les émissions de GES à horizon de 2050 ;

* par rapport à la référence 2012, réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030, et réduire de 30 % la consommation énergétique primaire des énergies fossiles.

De manière classique, le texte de la proposition débute par douze visas.

Outre les renvois à l’article 88-4 de la Constitution (premier visa) et à la précédente résolution de l’Assemblée nationale sur le sujet, en novembre 2008, au moment de l’adoption du premier paquet-climat (douzième visa),

– les deuxième et troisième visas renvoient, respectivement, au Traité sur l’Union européenne, en particulier son titre XX relatif à l’environnement et son titre XXI relatif à l’énergie, et à la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique. Établissant un « cadre commun de mesures pour la promotion de l’efficacité énergétique dans l’Union en vue d’assurer la réalisation du grand objectif (…) d’accroître de 20 % l’efficacité énergétique d’ici à 2020 et de préparer la voie pour de nouvelles améliorations de l’efficacité énergétique au-delà de cette date », cette directive traite de tous les maillons de la chaîne énergétique : production, transport, distribution, utilisation, information des consommateurs. Les États membres devaient la transposer en droit national avant le 5 juin 2014. La France y procède, pour ce qui concerne les gestionnaires de réseaux d’énergie par l’article 54 du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte ;

– les cinquième à dixième visas rappellent les différentes étapes ayant permis d’élaborer (communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 10 novembre 2010 intitulée « Énergie 2020 - Stratégie pour une énergie compétitive, durable et sûre » ; Livre vert de la Commission du 27 mars 2013 intitulé « Un cadre pour les politiques en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 » ; communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 22 janvier 2014 intitulée « Un cadre d’action en matière de climat et d’énergie pour la période comprise entre 2020 et 2030 ») puis de formaliser (conclusions du Conseil européen des 20 et 21 mars et des 26 et 27 juin 2014 ; communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 23 juillet 2014 intitulée « Efficacité énergétique : quelle contribution à la sécurité énergétique et au cadre d’action 2030 en matière de climat et d’énergie ? »), les propositions soumises à la décision des États membres lors du Conseil européen des 23 et 24 octobre2014 ;

– le onzième visa concerne la réserve de stabilité du marché pour le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne (SCEQE) proposé au début de cette année par la Commission européenne, au vu de l’excédent atteint (environ 2 milliards de quotas).

Ce déséquilibre important entre l’offre et la demande de quotas a un effet négatif sur l’incitation à investir dans les technologies à faible teneur en carbone, remettant de fait en cause l’efficacité du système et compromettant la réalisation des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une première action de rééquilibrage, à court terme, a consisté à reporter la mise aux enchères d’une certaine quantité de quotas. Mais l’excédent étant de nature structurelle, la Commission a proposé,

● d’une part, la création d’une réserve de stabilité du marché destinée à permettre un ajustement automatique du nombre de quotas à mettre aux enchères en fonction du nombre de quotas en circulation, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2021. Une fourchette de quotas est fixée : lorsque le nombre de quotas en circulation est inférieur ou supérieur à cette fourchette, celui-ci est automatiquement ajusté. En cas de déficit important, des quotas seront prélevés dans la réserve et ajoutés au futur volume à mettre aux enchères. Inversement, en cas d’excédent de quotas sur le marché, des quotas seront ajoutés à la réserve et déduits des volumes à mettre aux enchères,

● d’autre part, un ajustement de l’important volume de quotas aujourd’hui disponibles, selon le mécanisme suivant : si les quotas à mettre aux enchères par les États membres la dernière année de chaque phase du SCEQE sont supérieurs de 30 % à la moyenne attendue de quotas à mettre aux enchères pour les deux premières années de la phase suivante, alors deux tiers de cette différence seront reportés en volume égal aux deux premières années de la phase suivante ;

– Votre rapporteur a jugé plus adapté de déplacer au niveau des considérants la référence à la législation en cours d’élaboration dans notre pays, qui intègre toutes les dimensions de la transition énergétique et de la croissance durable, à la hauteur des responsabilités internationales qui lui incombent en tant que pays hôte de la conférence Paris Climat 2015. Il a donc proposé un amendement, accepté par la Commission, supprimant les treizième et quatorzième visas de la version initiale de la résolution.

– le premier considérant rappelle les résultats limités obtenus lors du Sommet pour le climat du 23 septembre 2014 et la difficulté à mettre en œuvre les instruments existants, tels que le Fonds vert pour le climat, pour la lutte contre le réchauffement climatique.

L’effet catalyseur attendu du sommet international pour le climat, qui s’est déroulé à New York le 23 septembre, est resté modeste, entre une Union européenne n’ayant pas pu arrêter sa position lors du Conseil européen de juin, et un président américain, Barack Obama, contraint par son calendrier électoral. Par ailleurs, ni la Chine ni l’Inde n’étaient représentées au plus haut niveau.

Quant aux contributions au Fonds vert pour le climat, principal outil destiné à soutenir les pays en développement face au changement climatique, et dont la capitalisation initiale de 10-15 milliards de dollars, attendue par les pays en voie de développement en novembre prochain, est une condition sine qua non pour la réussite du sommet de Paris sur Climat en 2015, les chiffres annoncés restent bien en deçà de l’objectif : selon l’ONU, 1,15 milliard de dollars a été promis à l’occasion du sommet. En comptant les annonces précédentes, notamment celle de l’Allemagne qui avait promis en amont de la réunion de participer à hauteur de 1 milliard de dollars, les promesses de financement des pays développés s’élèvent à 2,3 milliards de dollars.

La France a ainsi annoncé une contribution à hauteur de 1 milliard de dollars s’échelonnant de 2015 à 2018. D’autres pays européens ont annoncé leur participation au Fonds vert (Danemark, Luxembourg, République tchèque), sans donner de chiffres précis (Finlande, Italie). D’autres grands contributeurs attendus sont restés silencieux quant au montant de leur participation, notamment le Royaume-Uni et les États-Unis.

CONTRIBUTIONS AU FONDS VERT POUR LE CLIMAT À LA DATE DU 30 JUIN 2014

(Milliers de dollars américains)

Pays contributeurs

Promesse de contribution

Contribution confirmée

Fonds reçus

Allemagne

24 330

24 330

24 330

Australie

513

513

513

Danemark

1 261

1 261

1 261

Finlande

648

648

648

France

1 691

326

326

Indonésie

250

-

-

Italie

683

-

-

Japon

1 500

1 500

1 500

Pays-Bas

286

286

286

Norvège

1 402

1 402

1 402

République de Corée

11 000

11 000

11 000

République tchèque

300

300

300

Suède

2 998

1 511

1 511

Suisse

562

562

562

Royaume Uni

4 988

3 935

3 935

Total

56 250

 

51 412

Source : rapport financier du Fonds vert pour le Climat, réunion du comité directeur, Bridgetown, La Barbade, octobre 2014

– le second considérant rappelle la nécessité pour l’Europe d’entraîner tous les acteurs mondiaux, et notamment les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre et les pays les plus exposés, dans un effort collectif pour la prise en compte des enjeux climatiques.

Avec 561 tonnes de CO2 émises par point de PIB, la Chine est en 2013 le deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre derrière l’Afrique du Sud (635 tonnes) et chaque Chinois génère à présent plus de 7 tonnes de CO2 par an, c’est-à-dire plus qu’un Européen, même s’il convient de noter que, pour la première fois depuis six ans, elle a réduit l’intensité de ses émissions de carbone (tonnes de CO2 par point de PIB) à un rythme plus rapide que certains pays industrialisés (7).

Le rapport publié en septembre 2014 sous la responsabilité du Norwegian Refugee Council et l’Internal Displacement Monitoring Center fait état d’une estimation des populations déplacées en 2013 à la suite de catastrophes naturelles dans le monde de 22 millions de personnes (un chiffre trois fois supérieur au nombre de réfugiés liés à la guerre), pour un tiers d’entre elles à cause de désastres hydrologiques (inondations) et les deux tiers restants à cause de catastrophes météorologiques (tempêtes, ouragans, typhons) (8).

La réponse internationale à la hauteur du défi climatique passe par l’adoption d’un nouvel accord international à Paris en 2015 afin qu’il entre en vigueur en 2020, à l’issue de la deuxième période d’engagement du protocole de Kyoto.

La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) signée en 1992 rassemble aujourd’hui 195 Parties. Elle a permis une réelle mobilisation de la communauté internationale sur cet enjeu majeur.

Après le Protocole de Kyoto de 1997, contraignant, mais qui n’engage qu’un nombre limité de pays développés (première période d’engagement de 2008 à 2012 puis deuxième période de 2013 à 2020), après les engagements volontaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris à Copenhague en 2009 et à Cancún en 2010 par un plus grand nombre de pays, il est désormais nécessaire de parvenir à un accord qui démontre que la communauté internationale est consciente de la nécessité et de l’urgence d’une mobilisation accrue de tous les pays en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique, à un moment où il risque d’effacer les fruits d’un demi-siècle de développement.

– le troisième considérant, issu d’un amendement proposé par votre rapporteur, adopté par la Commission, rappelle la mobilisation de la France, que traduit l’examen en cours au Parlement du projet de loi pour la transition énergétique pour la croissance verte. Ce dernier, qui intègre toutes les dimensions de la transition énergétique et de la croissance durable, fixe le cap que veut se donner notre pays à l’horizon 2050 et les moyens qu’il privilégie pour ce faire (9) :

● réduire de moitié notre consommation d’énergie à l’horizon 2050 par rapport à 2012, baisser la consommation d’énergies fossiles de 30 % et porter le rythme annuel de baisse de l’intensité à 2,5 % d’ici à 2030, réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre en 2030 et les diviser par quatre en 2050 par rapport à 1990, rééquilibrer et diversifier notre modèle énergétique en portant la part des énergies renouvelables au tiers de l’énergie produite en 2030 et en fixant la part du nucléaire à 50 % à l’horizon 2025 ;

● accroître l’efficacité énergétique dans tous les secteurs, en particulier celui du bâtiment, des transports et de l’économie circulaire, avec l’écoconception des produits et la transformation des déchets en matières premières afin d’économiser les ressources en général et l’énergie en particulier ;

● permettre au Parlement de jouer pleinement son rôle en matière de définition et de conduite de notre politique énergétique tout en mettant en place les conditions d’une nouvelle citoyenneté énergétique et de nouveaux outils de connaissance, de maîtrise et de pilotage.

– le point 1 propose de soutenir pleinement les objectifs que l’Europe se fixe à l’horizon 2030, qui forment un cadre cohérent et sont la source potentielle d’une croissance fondée sur un nouveau modèle de développement.

Ce point 1 est conforme au vote de notre Assemblée, la semaine dernière, sur les articles 1er et 2 du projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte, qui définissent les objectifs communs pour réussir la transition énergétique, renforcer l’indépendance énergétique de la France et lutter contre les changements climatiques (10).

– le point 2 affirme la nécessité d’aller plus loin dans la conduite d’une politique énergétique commune afin que l’Europe conserve l’exemplarité qui est la sienne dans la lutte contre le changement climatique, notamment dans la perspective de la conclusion d’un accord mondial contraignant lors de la Conférence de Paris en 2015.

L’Union européenne est aujourd’hui confrontée à de multiples défis : dépendance énergétique croissante (elle importe plus de 60 % de son gaz et plus de 80 % de son pétrole) dans un contexte de volatilité et de montée des prix de l’énergie, complexité de la régulation de mix énergétiques nationaux très divers, changement climatique, enfin, qui impose d’aller vers une économie plus soutenable en améliorant l’efficacité énergétique.

La réponse à ces défis implique de compléter et combiner les infrastructures, de parler d’une voix unie pour disposer de plus de poids dans les négociations avec nos partenaires, de diversifier nos sources d’énergie et de promouvoir toutes les solutions technologiques facilitant l’efficacité énergétique, c’est-à-dire de faire des choix collectifs fondés sur une plus grande solidarité en matière de politique énergétique.

– le point 3 apporte le soutien de l’Assemblée nationale à un objectif contraignant de 40 % de réduction par rapport à 1990 des émissions de gaz à effet de serre européennes d’ici à 2030, à même de donner un signal clair et de long terme de la transition vers une économie sobre en carbone.

Les informations obtenues par votre rapporteur sur le projet de conclusions dans les derniers jours avant la tenue du Conseil ont montré une hésitation sur le caractère, contraignant ou pas, à accorder à l’objectif de réduction de 40 % des émissions de GES d’ici 2030 par rapport à 1990.

Tant au regard de la régression qu’une telle absence marquerait par rapport au premier paquet-climat que dans la perspective de la conclusion d’un accord ambitieux en décembre 2015 lors de la Conférence de Paris, il est important de réaffirmer le rôle d’exemplarité qui doit être celui de l’Union européenne, ce qui a conduit votre rapporteur à déposer un amendement précisant le caractère de l’objectif de réduction de 40 % d’émission de GES, qui doit être contraignant. La Commission l’a suivi sur ce point également.

– le point 4 suggère de retenir les modalités de réduction des émissions dont les calculs de la Commission européenne ont montré le caractère optimal, soit 43 % pour le secteur couvert par le système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) et 30 % pour les autres secteurs, d’ici à 2030, par rapport au niveau de 2005.

De telles modalités sont en effet de nature, pour votre rapporteur, à concilier les principes d’équité et d’efficacité.

– le point 5 précise, pour les secteurs non concernés par le SCEQE, les deux critères à même de permettre une répartition équitable des quotas d’émission de gaz à effet de serre tout en en préservant l’efficacité : d’une part, une participation de tous les États membres à cet effort collectif et, d’autre part, une prise en compte du produit intérieur brut (PIB) par habitant.

– les points 6 et 7 apportent le soutien de l’Assemblée nationale aux objectifs d’atteindre 27 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale européenne et d’améliorer de 30 % l’efficacité énergétique d’ici à 2030, tout en notant qu’il ne peut s’agir que d’une étape.

Les énergies renouvelables constituent en effet une ressource locale et sûre susceptible de contribuer à la diversification des sources d’approvisionnement énergétique européennes et ainsi, de contribuer à réduire la dépendance européenne et à accroître la sécurité énergétique pour les citoyens européens, tout en réduisant les émissions de GES. Il conviendra donc de poursuivre la hausse de la part de ces énergies dans le mix énergétique européen.

L’efficacité énergétique est un élément clé de la transition énergétique, c’est pourquoi votre rapporteur appelle à une proposition européenne ambitieuse sur cet objectif. L’objectif non contraignant d’une amélioration de 30 % de l’efficacité énergétique à l’horizon 2030, sur lequel semble se dégager un consensus européen, ne peut donc constituer qu’un premier pas et devra faire l’objet d’un accroissement ultérieur.

– les points 8 et 9 appellent, enfin, à une véritable mobilisation des institutions européennes et des États membres pour,

● mettre en œuvre un véritable projet industriel à l’échelle européenne, susceptible de mobiliser les États-membres, mais également les autres acteurs dans toute leur diversité, qu’il s’agisse des citoyens, des entreprises ou des collectivités, en utilisant les outils que sont, d’une part, le plan de 300 milliards d’euros d’investissements publics et privés dans l’économie réelle dans les trois prochaines années annoncé le 15 juillet dernier par le président de la Commission européenne, M. Jean Claude Juncker, et dont les contours doivent être définis dans les trois premiers mois de son mandat, et, d’autre part, les 20 % du budget de l’Union européenne qui doivent être consacrés à des projets et des politiques en faveur du climat conformément à la stratégie « Europe 2020 - Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive » adoptée par le Conseil européen le 17 juin 2010 ;

● faire de l’Union européenne de l’énergie l’une des principales priorités de l’agenda européen. L’énergie constitue, en effet, une occasion de relancer la construction européenne tant sur le plan interne (élaboration d’un commun accord des choix énergétiques, programmes de R&D, économies d’énergie, etc.) qu’externe (la politique extérieure et de sécurité commune devrait se développer en intégrant pleinement cette dimension de stratégie énergétique). Le défi n’est pas mince, car il suppose, pour être relevé, que les États acceptent de briser le « tabou » des compétences nationales exclusives en matière de bouquet énergétique, mais il est clé pour atteindre les objectifs de la « Feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050 » du 8 mars 2011.

Le président de la Commission européenne, M. Jean Claude Juncker, l’a bien compris, qui a fait d’une Union énergétique qui inclut une perspective sur une politique de changement climatique, l’un des axes forts du mandat de la Commission qui entrera en fonction dans quelques jours.

*

* *

La proposition de résolution européenne ainsi modifiée, adoptée à la quasi-unanimité (deux abstentions) par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, exprime la position d’une assemblée parlementaire très attentive au maintien du leadership de l’Europe en matière d’action mondiale de lutte contre le changement climatique, et convaincue que la réduction drastique des émissions, nécessaire pour éviter l’aggravation du dérèglement climatique, est parfaitement compatible avec la poursuite de la croissance économique et de la prospérité. Votre rapporteur remercie tous les membres de la commission pour leur approche constructive lors des débats parlementaires et espère que le Gouvernement trouvera dans la démarche de l’Assemblée nationale un soutien important à ses ambitions européenne et internationale sur la question de l’énergie et du climat.

D’un point de vue procédural, le texte ainsi adopté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sera considéré comme définitivement adopté par l’Assemblée nationale française si, dans les quinze jours francs suivant sa publication, la Conférence des Présidents ne propose pas son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 22 octobre 2014, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de M. Arnaud Leroy, la proposition de résolution européenne sur le second paquet énergie-climat (n° 2295).

M. le président Jean-Paul Chanteguet. La Commission des affaires européennes a adopté, le mardi 14 octobre dernier, la proposition de résolution européenne de M. Arnaud Leroy sur le second paquet énergie-climat (n° 2295).

Le Conseil européen du 23 octobre prendra une décision finale sur le nouveau cadre d’action en matière de climat et d’énergie, y compris sur des mesures supplémentaires visant à renforcer la sécurité énergétique de l’Europe et sur des objectifs spécifiques en matière d’interconnexion à l’horizon 2030.

C’est pourquoi, compte tenu de l’urgence, il est nécessaire d’examiner ce texte aujourd’hui. Mercredi dernier, la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a désigné comme rapporteur M. Arnaud Leroy.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Alors que l’Assemblée nationale vient d’adopter, en première lecture, un projet de loi sur la transition énergétique, il me semblait important qu’elle affirme sa position sur le second paquet énergie-climat dont le Conseil européen doit discuter en fin de semaine à Bruxelles. Après le rendez-vous manqué de juin dernier, durant lequel les États membres n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur des engagements concrets, le Conseil doit dévoiler ceux que l’Europe entend prendre à l’horizon 2030 en matière d’énergie et de climat.

Le sujet de l’évolution de notre modèle énergétique vers une croissance plus sobre en carbone et plus durable nous est familier, et c’est la troisième fois en trois mois que nous examinons un texte qui s’y rapporte directement : la ratification de l’amendement de Doha au protocole de Kyoto ; le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte, dont trois des cinq rapporteurs sont des membres de notre commission ; ce projet de résolution sur le paquet énergie-climat 2030, appelé à prendre le relais de celui qui avait été adopté en 2008, sous la présidence française de Nicolas Sarkozy. Ce premier paquet énergie-climat avait une certaine allure et nous nous inscrivons dans sa continuité.

Faisons un bref retour en arrière. Le premier paquet climat, surnommé le « triple 20 » avait fixé trois objectifs à l’horizon 2020 : 20 % de baisse des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 ; 20 % d’énergies renouvelables dans le bilan énergétique global ; diminution de 20 % de la consommation d’énergie. Il est la marque du leadership de l’Europe en matière d’action mondiale dans la lutte contre le changement climatique et il affirme une conviction : la réduction drastique des émissions, nécessaire pour éviter l’aggravation du dérèglement climatique, est parfaitement compatible avec la poursuite de la croissance économique et de la prospérité.

Les deux premiers objectifs seront atteints : les émissions de gaz à effet de serre ont déjà diminué de 18 %, la part des énergies renouvelables devrait s’établir à 21 % en 2020 %, et l’amélioration de l’efficacité énergétique devrait être légèrement inférieure à l’objectif fixé pour se situer aux alentours de 18-19 %. Les résultats sont donc encourageants, en dépit des limites inhérentes à cet ensemble de textes touffus et complexes. Au nom du comité d’évaluation et de contrôle, nos collègues Jean-Jacques Guillet et François de Rugy ont réalisé un excellent rapport sur le premier paquet énergie-climat, dont il ressort que nous devons absolument nous saisir de la notion d’émission de gaz à effet de serre. Il serait préférable de retenir la notion d’empreinte carbone pour capturer l’ensemble des émissions, y compris celles qui sont produites lors de la fabrication des produits importés. C’est en ne comptabilisant pas ces émissions importées que nous parvenons à répondre à l’objectif de baisse affiché.

Est-ce le moment de relâcher nos efforts ? Bien au contraire : à la fin de cette année 2014, qui sera la plus chaude de l’histoire, les dérèglements climatiques sont de plus en plus difficiles à contester.

L’enjeu environnemental, stratégique et économique est désormais incontesté, je ne reviens pas sur le cinquième rapport du Groupe International sur l’Énergie et le Climat, sur la menace stratégique que révèle la crise en Ukraine, ni sur le fait que – nos débats l’ont amplement démontré au début de ce mois –, la « nouvelle économie climatique » est le levier de sortie de crise le plus efficace et le plus rapide, le moteur du renouveau industriel, la clef d’un nouveau modèle de développement.

Bien évidemment, le prochain Conseil européen est aussi une échéance majeure avant la conférence qui doit se dérouler à Paris en 2015.

Pour être crédible, notre réponse à ces défis doit reposer sur trois principes : l’efficacité, la responsabilité, la solidarité. Cela implique de parler d’une voix unie pour disposer de plus de poids dans les négociations avec nos partenaires, de diversifier nos sources d’énergie et de promouvoir toutes les solutions technologiques facilitant l’efficacité énergétique, de compléter et de combiner les infrastructures.

Que propose la Commission ? Selon les annonces faites en janvier et juillet 2014 et les informations recueillies ces derniers jours sur le projet de conclusions qui circule, elle propose de viser trois objectifs dont les deux premiers ont un caractère contraignant tandis que le troisième est indicatif : réduire de 40 % les émissions des gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990 ; porter les énergies renouvelables à au moins 27 % du mix énergétique ; améliorer de 30 % l’efficacité énergétique.

Le niveau de 40 % ne peut être un plafond. Il est impératif que ce taux soit un plancher pour changer de modèle de développement économique, pour enclencher le mécanisme vertueux qui doit nous conduire à aboutir à un accord mondial sur le climat en 2015 et, tout simplement, pour nous permettre de respecter la feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050, qui a été adoptée à l’échelle de l’Union européenne et dont il faut souvent rappeler l’existence. La tentation a existé, au début de l’année, de se contenter de 35 % ; puis c’est le caractère contraignant qui a été mis en balance.

Mes chers collègues, il nous faut être à la hauteur du défi que représente la lutte contre le dérèglement climatique : c’est l’existence de l’espèce humaine qui est ici en jeu, nous disent les scientifiques, voilà qui oblige à situer autrement le débat.

L’exigence de faire passer à près d’un tiers les énergies renouvelables dans le mix énergétique européen permet de diversifier les sources d’approvisionnement et donc de renforcer la sécurité de nos concitoyens. Elle permet aussi d’accélérer les efforts de recherche et de développement dans ce secteur d’avenir à un coût soutenable pour les finances publiques. Il reviendra aux programmes d’énergies renouvelables d’en assurer librement la déclinaison dans les États membres et aux indicateurs mis en place d’en assurer le suivi, ce qui pose la question de l’efficacité de la gouvernance pour assurer une coordination réelle des efforts et éviter les comportements de « passagers clandestins ».

L’efficacité énergétique étant au cœur du processus de transition – l’énergie la moins chère est celle que l’on ne dépense pas –, l’objectif de l’amélioration de 30 % de l’efficacité énergétique devrait être contraignant. Or la nécessité de parvenir à un consensus a conduit à ne lui conférer qu’un caractère incitatif, ce qui est regrettable. Il serait souhaitable de définir une trajectoire visant à le rendre à terme contraignant. Le Parlement européen avait montré beaucoup plus d’ambition dans la résolution qu’il avait adoptée en février dernier, mais ce paquet est l’aboutissement d’un processus de négociations durant lesquelles des divergences n’ont pas manqué de s’exprimer tant sur le degré de contrainte que sur le calendrier ou la répartition des efforts.

Le fil rouge de l’accord auquel les chefs d’État et de gouvernement européens devraient aboutir demain, c’est la solidarité. Les modalités de réduction des émissions de gaz à effet de serre proposées – 43 % pour le secteur couvert par le système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) d’ici à 2030 et 30 % pour les autres secteurs par rapport au niveau de 2005 – concilient le mieux, selon les calculs de la Commission, les principes d’équité et d’efficacité.

Ces modalités concilient d’autant mieux ces principes qu’elles se doublent de la mise en place de trois mécanismes de solidarité : premièrement, le transfert de 10 % des quotas SCEQE aux pays dont le PIB par habitant n’excède pas 90 % de la moyenne européenne ; deuxièmement, la création, financée par un faible pourcentage, dont le taux est encore en discussion, des quotas du SCEQE, d’un fonds de soutien à la modernisation des systèmes énergétiques et à l’efficacité énergétique des États membres dont le PIB par habitant est inférieur de 60 % à la moyenne européenne ; troisièmement, la prolongation du programme NER300 avec la création d’une réserve de 400 millions de quotas d’émissions dédiée au financement de projets industriels pilotes à bas carbone.

Le transfert de quotas concernerait Chypre, la Croatie, l’Estonie, la Grèce, la Hongrie, Malte, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Bulgarie et la Roumanie, ces deux derniers pays bénéficiant en outre du fonds de soutien.

Le compromis affiche aussi l’ambition de progresser sur l’interconnexion des réseaux de gaz et d’électricité – un sujet important pour la France et l’Espagne – et notamment de réaliser l’objectif initial de 10 % pour l’électricité. Peut-être aurait-il fallu rehausser notre niveau d’exigence ; pour l’heure, nous devons nous contenter de ce compromis élaboré après beaucoup de discussions et de tergiversations et, surtout, ne plus perdre de temps. J’espère que nos gouvernements prendront leurs responsabilités en cette fin de semaine.

Nous ne réussirons pas sans cette solidarité dans le choix des méthodes retenues pour atteindre les objectifs fixés : complémentarité concertée des choix nationaux, prise en compte des fragilités particulières de certains acteurs étatiques ou industriels, mobilisation des financements, interconnexion des réseaux.

Ce véritable projet industriel à l’échelle européenne est capable de mobiliser les États membres mais aussi les divers autres acteurs, qu’il s’agisse des citoyens, des entreprises ou des collectivités. Il peut s’appuyer sur les outils existants, tels que le plan stratégique pour les innovations énergétiques, ou le programme cadre de recherche et d’innovation Horizon 2020, par exemple, pour les énergies renouvelables.

Reste à mobiliser des financements. Rappelons que 20 % du budget de l’Union européenne doit être consacré à des projets et des politiques en faveur du climat, conformément à la stratégie Europe 2020, adoptée en juin 2010, pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Le 15 juillet dernier, le président de la Commission européenne, M. Jean Claude Juncker, a annoncé un plan de 300 milliards d’euros d’investissements publics et privés dans l’économie réelle au cours des trois prochaines années. Si ses contours doivent encore être définis, j’espère qu’il portera en grande partie sur les infrastructures liées à la transition et à l’efficacité énergétique. Ce plan devrait être finalisé et rendu public au cours des trois premiers mois du mandat de la nouvelle commission.

L’énergie constitue une occasion de relancer la construction européenne sur le plan interne par l’élaboration, d’un commun accord, de choix énergétiques, de programmes de recherche et développement, d’économies d’énergie, etc. Mais la politique extérieure et de sécurité commune devrait aussi se développer en intégrant pleinement cette dimension de stratégie énergétique. M. Jean Claude Juncker l’a bien compris : l’Union de l’énergie, qui inclut la perspective d’une politique de changement climatique, est l’un des axes forts du mandat de la Commission qui entrera en fonction dans quelques jours.

Pour relever ce défi, les États doivent accepter de briser le tabou des compétences nationales exclusives en matière de bouquet énergétique. C’est ce qui permettra d’atteindre les objectifs de la feuille de route vers une économie compétitive à faible intensité de carbone à l’horizon 2050, adoptée le 8 mars 2011.

Je vous remercie de votre attention, et je vous invite à adopter cette proposition de résolution européenne, ainsi que les quatre amendements que je vais vous présenter à la suite de notre discussion générale.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vais tout d’abord donner la parole aux représentants des groupes.

M. Julien Aubert. L’UMP souhaite voir l’Europe se doter d’objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre mais ne partage pas les méthodes proposées dans ce document.

D’ailleurs, les objectifs de cette proposition de résolution sont moins ambitieux que ceux de la loi sur la transition énergétique que nous venons d’adopter. Pourquoi l’Europe se donne-t-elle des objectifs inférieurs à ceux de la France, alors que notre pays produit 90 % d’électricité « décarbonée » et qu’il émet moins de C02 par habitant qu’un pays comme l’Allemagne, par exemple. La fixation d’objectifs ambitieux reflète une forme de volontarisme politique mais celui-ci doit s’accompagner d’une réflexion sur les moyens employés pour parvenir à les réaliser.

La feuille de route européenne présente, à un degré moindre, les mêmes caractéristiques. Nous pensons que la fixation d’objectifs obligatoires en matière d’énergies renouvelables est parfois incompatible avec l’objectif final de réduction des gaz à effet de serre, comme l’a montré le modèle allemand. Nous contestons aussi l’idée qu’en diversifiant la consommation énergétique finale avec des énergies vertes, nous réduirons notre dépendance aux sources extérieures : l’Allemagne, qui a développé les énergies vertes, importe davantage de charbon américain ; les panneaux photovoltaïques viennent souvent de Chine tout comme les terres rares nécessaires aux éoliennes ; le nucléaire suppose des importations d’uranium, certes, mais il « décarbone » et autonomise une partie de notre production d’électricité.

Notre position n’est pas idéologique. Nous sommes favorables aux énergies vertes mais nous pensons qu’il faut mettre l’accent sur celles qui ne sont pas électriques, comme la chaleur renouvelable. La priorité étant de réduire les émissions de C02, la feuille de route européenne devrait se focaliser sur la création d’un véritable marché carbone européen. Tout le reste est accessoire.

Le groupe UMP n’étant pas défavorable à l’objectif mais plutôt à la méthode, ses membres s’abstiendront ou voteront en faveur de la proposition de résolution, en fonction de leurs convictions intimes.

M. Philippe Plisson. Je regrette les réserves du groupe UMP parce qu’on ne peut qu’approuver cette proposition de résolution qui affiche des objectifs ambitieux auxquels tous ceux qui sont sensibles à l’état de la planète ne peuvent que souscrire. Chers collègues de l’UMP, il ne faut pas adopter des postures. L’idée n’est pas de se donner bonne conscience en affichant des objectifs ambitieux ; il s’agit de tout faire pour atteindre ceux que nous aurons définis ensemble.

Nous avons pour mission d’être à l’avant-garde en Europe où nous sommes confrontés à des difficultés que j’ai pu mesurer lors d’un déplacement à Varsovie l’année dernière. Entre la Pologne, qui s’emploie à faire capoter l’accord, et la Suède, qui voudrait aller beaucoup plus loin, il existe une voie médiane, celle qui est proposée par notre rapporteur. Ni démagogique ni déraisonnable, la proposition de résolution peut constituer le socle d’un accord qui pourrait faire jurisprudence au niveau mondial. Malgré le marasme dans lequel nous nous enfonçons, j’espère que nous éviterons le fiasco annoncé pour la fin 2015. J’aimerais partager votre optimisme, monsieur le rapporteur, mais je ne sens pas d’unanimité.

L’argent étant le nerf de la guerre, qu’en est-il du financement des mesures et des engagements contributifs de chacun ? Serait-il possible de dessiner l’accord minimum que nous pouvons espérer à l’issue des négociations des 23 et 24 octobre ?

M. Bertrand Pancher. Nous devons tous nous mobiliser pour la réussite de la Conférence de Paris sur le Climat car un échec serait désastreux pour les négociateurs, pour l’Union européenne, pour la France et pour les générations futures. Nous devons pousser l’Union européenne à s’engager vers des objectifs très ambitieux car elle joue un rôle stratégique, comme les précédentes négociations l’ont montré.

Soutenant toutes les propositions qui tendent à permettre à l’Union européenne de s’engager, le groupe UDI soutient sans réserve celle d’Arnaud Leroy. Ce n’est pas le moment de faire apparaître des divisions, en fonction de telle spéculation ou de tel intérêt. À défaut de porter un regard critique sur la façon dont les objectifs sont actuellement négociés, nous pouvons faire part de nos avis et de nos souhaits.

Dans la perspective de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21), qui se tiendra à Paris l’an prochain, il faut affirmer la nécessité d’aller plus loin. À cet égard, l’objectif de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 est vraiment minimaliste : ce serait une farce de prétendre lutter contre le réchauffement climatique en se fixant un taux inférieur ; dans ce cas, il faudrait prévenir nos concitoyens que c’est un mensonge et que nous n’y arriverons pas. Mais il faut aller plus loin que ce taux de 40 % que personne ne remet plus en cause.

La Commission européenne a fixé pour 2030 deux autres objectifs qui demandent à être soutenus car ils sont controversés par plusieurs pays européens : améliorer l’efficacité énergétique de 30 % ; porter la part des énergies renouvelables à 27 % du mix européen. Le premier paquet climat, défendu par l’ex-président Nicolas Sarkozy auquel beaucoup d’entre vous sont attachés, prévoyait déjà un taux de 20 % d’énergies renouvelables. L’objectif actuel peut donc difficilement apparaître comme très contraignant.

Nous soutenons la Commission européenne qui propose une nouvelle gouvernance pour les plans nationaux et une réforme du système communautaire d’échange de quotas d’émission de C02. Sans fiscalité environnementale, tout cela n’a pas de sens. Nous approuvons aussi ses positions très prudentes sur les hydrocarbures, sujet fort peu développé dans le paquet énergie-climat. Elle insiste notamment sur le fait qu’il est absolument indispensable de maîtriser tous les risques environnementaux associés à l’exploitation du gaz de schiste.

Nous voterons donc pour la proposition de résolution d’Arnaud Leroy, dont nous partageons les objectifs. Cela étant, nous formulons le vœu que les moyens nécessaires seront employés à la mise en œuvre de ces politiques nationales et européennes.

M. Patrice Carvalho. Nous ne pouvons que souscrire à la proposition de résolution qui nous est soumise et qui reprend les orientations arrêtées par la Commission européenne dans le second paquet énergie-climat tout en définissant de nouveaux objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique d’ici 2030 : augmenter l’efficacité énergétique de 30 % durant cette période ; réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport au niveau de 1990 ; faire passer la part des énergies renouvelables à 27 % du mix européen.

Si tout cela est très louable, il convient néanmoins de dresser le bilan du premier paquet adopté en 2008 et de voir si la promesse des « trois fois vingt » – réduire de 20 % les émissions de C02 des pays de l’Union ; faire passer les énergies renouvelables à 20 % du mix énergétique européen ; accroître l’efficacité énergétique de 20 % pour diminuer la consommation – sera tenue en 2020.

À mon avis, l’Union européenne est optimiste quand elle estime que ces objectifs peuvent encore être atteints. En premier lieu, l’engagement des États est très inégal : les pays en développement regardent les contraintes environnementales comme des freins, et chaque sommet international révèle les difficultés rencontrées sur ce terrain. D’ailleurs, si l’Union européenne sait se montrer contraignante lorsqu’il s’agit de la dette et des déficits des États, elle est nettement moins regardante en matière d’énergie et de gaz à effet de serre.

En second lieu, il faut des moyens pour atteindre les objectifs fixés, constat que nous avons eu l’occasion de dresser lors de nos récents débats sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte. Alors que la France devrait investir 10 à 30 milliards d’euros de plus par an dans le domaine de l’énergie, le Gouvernement annonce 10 milliards d’euros sur trois ans sous forme de crédits d’impôts, de chèque énergie et de fonds pour accompagner les collectivités locales, les particuliers et les banques. Le bâtiment joue un rôle décisif dans la lutte pour les économies d’énergie mais les projets ambitieux risquent fort de se briser sur l’insuffisance des moyens accordés au secteur. J’appelle en particulier votre attention sur la qualité des matériaux utilisés.

Enfin, la montée en puissance des énergies renouvelables sera fonction de leur efficacité. À vouloir aller trop vite, on ne fait pas forcément les bons choix : en Allemagne, les éoliennes installées ont été doublées de centrales à charbon destinées à pallier les intermittences du vent. Je crains que nous ne fassions les mêmes erreurs, comme en témoigne l’allégement de notre législation et de notre réglementation pour répandre à marche forcée des éoliennes sur tout le territoire. Il existe, dans les énergies renouvelables, des solutions beaucoup plus fiables comme l’hydraulique, la géothermie et la biomasse. Voilà ce que m’inspire cette proposition de résolution.

M. Denis Baupin. À notre tour, nous voudrions remercier le rapporteur pour le travail effectué et pour cette proposition de résolution, même si nous allons suggérer des inflexions sur quelques points.

Nul besoin ici de faire l’article : nous sommes tous conscients de l’importance de ce Conseil européen et des dérèglements climatiques. Pour notre part, nous trouvons que la proposition de la Commission européenne est insuffisante pour que la hausse des températures reste inférieure à deux degrés et aussi pour réussir la COP 21 de Paris. Dans Le Monde, des organisations non gouvernementales ont appelé hier l’attention sur le fait que la France ne peut pas être en deçà de la main dans cette négociation. Nous souhaitons qu’elle rejoigne les pays les plus ambitieux au moment d’aborder les débats, même s’il faudra ensuite trouver un compromis entre le souhaitable et le possible.

Prenons les trois objectifs affichés. En ce qui concerne la réduction de 40 % des gaz à effet de serre, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et le Danemark proposent de préciser qu’il s’agit là d’un taux minimum. Cela peut paraître une argutie mais si la Commission européenne est mandatée pour négocier un minimum de 40 %, lors de l’ouverture de la conférence de 2015, elle pourra chercher à atteindre un objectif plus ambitieux. Il me paraît essentiel que la France défende l’idée qu’il s’agit d’un minimum.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, l’effort baisse en valeur relative par rapport au premier paquet énergie-climat : leur part est fixée 27 % du mix énergétique européen alors que nous venons d’adopter, en première lecture, un projet de loi qui fixe ce taux à 32 % pour la France. Nous pensons que le taux européen devrait être au moins porté à 30 %, et que cet objectif devrait être à la fois contraignant et décliné par pays. La France devrait, comme d’autres pays, demander à ce que la proposition européenne soit modifiée en ce sens.

S’agissant de l’efficacité énergétique, dans le projet de loi que nous venons d’adopter en première lecture, l’objectif de réduction de la consommation est fixé à 20 % à l’horizon 2030, ce qui correspond grosso modo à un effort d’efficacité énergétique de 30 %. La proposition de résolution reprend le texte assez vague de la Commission, en souhaitant que cet objectif devienne « à terme contraignant ». Nous pensons que l’objectif devrait être contraignant dès à présent. Compte tenu des potentiels d’amélioration de l’efficacité énergétique qui ont été identifiés au niveau européen, un objectif de 40 % serait réalisable et il permettrait de doper l’économie européenne. Outre leurs bienfaits sur l’environnement, ces politiques peuvent permettre à l’Europe de trouver une issue à la crise actuelle.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je vais à présent donner la parole aux membres de la Commission qui souhaitent s’exprimer.

M. Jean-Marie Sermier. Nous ne pouvons que partager les objectifs de cette proposition de résolution, sachant que le climat sera un enjeu essentiel au cours des décennies à venir. Rappelons que l’Europe, responsable de moins de 15 % des 31 milliards de tonnes de CO2 qui sont émises au niveau mondial et qui ont augmenté de 50 % depuis le début des années 1990, est plutôt sur le bon chemin.

À mon avis, l’alinéa 17 de la proposition de résolution qui considère « la nécessité pour l’Europe d’entraîner tous les acteurs mondiaux » est un peu prétentieux et déplacé, au regard du poids de ce continent dans le monde. Il peut donner l’impression que la vieille Europe fait la leçon aux autres et il faudrait en atténuer la violence à l’égard d’autres pays de la planète.

M. Yannick Favennec. À quelques semaines de la conférence de l’ONU sur le changement climatique, il est primordial d’affirmer que l’Europe doit être le moteur de la lutte contre le réchauffement climatique, en adoptant des objectifs exemplaires et en prenant les décisions qui s’imposent.

Mais l’Europe ne représente que 12 % des émissions de gaz à effet de serre, contre 28 % pour la Chine et près de 25 % pour les États-Unis. Aussi, monsieur le rapporteur, il ne serait peut-être pas inutile de mentionner les autres pays. Néanmoins, je suis favorable à cette proposition de résolution, tout en restant dans l’attente des mesures annoncées par l’Union européenne et de la stratégie nationale qui sera choisie pour les adopter.

Mme Laurence Abeille. Je souhaite aborder la question de l’élevage. D’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’activité d’élevage est responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre induites par les activités humaines. Or on estime que la demande de produits du bétail va augmenter de 70 % d’ici 2050 et que l’élevage va être de plus en plus intensif, à l’image de la ferme des 1 000 vaches qui s’est installée dans notre pays.

Cet accroissement de l’élevage intensif entraîne une pollution de l’environnement immédiat et il conduit à des conditions d’élevage qui vont à l’encontre du bien-être animal. Mais que l’élevage soit intensif ou extensif, l’accroissement de la consommation de viande n’est pas soutenable écologiquement, et il menace directement nos chances de limiter le réchauffement climatique à deux degrés.

Nous venons d’adopter une loi visant à transformer notre modèle énergétique, nous allons accueillir la COP 21 l’année prochaine, mais la question du rôle de l’alimentation dans la lutte contre le réchauffement climatique est rarement posée. Il ne s’agit pas que de l’élevage mais aussi de la question des circuits courts, de l’utilisation d’engrais qui favorisent l’effet de serre, etc.

Il me paraît essentiel de favoriser et d’accompagner la transition vers une alimentation plus végétale. Ma question est large, mais simple : des initiatives seront-elles prises par la France et l’Union européenne pour limiter l’impact de l’élevage ?

Mme François Dubois. Permettez-moi tout d’abord de saluer votre initiative, alors qu’approche à grands pas la vingt et unième conférence sur le climat qui se déroulera à Paris en 2015. Je m’associe d’ailleurs à votre appel en faveur d’un accord mondial contraignant que nous sommes nombreux à espérer.

Vous souhaitez que 20 % du budget de l’Union européenne soient dédiés aux projets et aux politiques en faveur du climat. C’est un objectif louable que l’on peut partager. Avez-vous déjà eu, depuis la semaine dernière, des retours émanant de Bruxelles sur cette proposition audacieuse ? Par ailleurs, vous évoquez un suivi particulier de ce fléchage. Pouvez-vous nous en dire plus, nous préciser en quoi ce suivi consisterait et qui pourrait l’assurer ?

M. Laurent Furst. Je suis favorable à ce dispositif pour deux raisons qui n’ont pas été évoquées : nous consommons des énergies fossiles importées qui pèsent extrêmement lourd sur les équilibres économiques de notre nation ; il n’y a pas de raison, d’un point de vue moral, que les pays européens s’arrogent le droit de polluer plus que la moyenne de l’humanité. Nous devons tendre vers cette moyenne pour être irréprochables à l’avenir.

Cela étant, l’Europe fait parfois preuve d’une naïveté extraordinaire. Quel facteur limite la consommation des trois énergies fossiles sur la planète ? Le cours mondial de ces produits. À chaque fois que nous faisons des économies, nous pesons moins sur les cours mondiaux, ce qui permet à d’autres de consommer plus. Nous devons afficher une exigence claire au niveau mondial, et nous ne pourrons nous permettre de le faire que si nous sommes exemplaires, sinon nos économies ne serviront pas à grand-chose.

Ma dernière réflexion m’est inspirée par mon parcours professionnel. Parmi les grands consommateurs d’énergies fossiles en France, on trouve les hôpitaux : leurs normes de chaleur sont élevées et ceux du nord de la Loire chauffent dix mois par an. Or aucune politique publique d’économies d’énergie n’est menée dans les hôpitaux dont la consommation est colossale.

M. Christophe Priou. Arnaud Leroy a évoqué l’Ukraine et le texte aborde la question de la solidarité des États membres en cas de perturbations soudaines de l’approvisionnement énergétique. Cette résolution a minima, qui nécessite un accord de tous les États, invite à la modestie. Si le prix du baril de pétrole a baissé, c’est sous l’effet de la volonté de pays producteurs comme l’Arabie Saoudite et de la relative indépendance énergétique des États-Unis depuis le développement de leur production de gaz de schiste.

Comment vulgariser les décisions européennes auprès de nos concitoyens ? La feuille de route fait état d’une volonté de garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique des ménages et des entreprises à des prix abordables et compétitifs. Alors que nous entrons dans l’hiver, nous pouvons craindre que les factures d’énergie n’augmentent sensiblement et d’ailleurs un ménage sur deux prévoit de réduire son chauffage.

M. Jean-Pierre Vigier. Je tenais à féliciter notre collègue Arnaud Leroy pour son exposé et son travail, avant d’en venir à l’alinéa 27 de sa proposition de résolution : « L’objectif de 27 % d’énergie renouvelable dans la consommation énergétique finale européenne à l’horizon 2030 constitue une étape a minima vers la diversification des bouquets énergétiques nationaux et la réduction de notre dépendance aux sources extérieures, et contribue à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. »

Le nucléaire représente une part importante de la production d’électricité, notamment en France où le taux atteint 75 %. S’il est louable de vouloir en remplacer une partie par des énergies renouvelables, comment fera-t-on pour produire de l’électricité en quantité suffisante pour répondre à la demande pendant les périodes de grand froid, en l’absence de soleil et de vent ? J’espère que nous ne serons pas obligés d’acheter du gaz aux pays voisins ou de produire du charbon car nous aurions alors perdu notre indépendance énergétique et la maîtrise des coûts. Pouvez-vous me donner votre avis à ce sujet ?

M. Guillaume Chevrollier. Deux points positifs sont à souligner : l’effet significatif du premier paquet énergie-climat dont les objectifs devraient être atteints ; l’exemplarité de l’Europe qui joue un rôle moteur et agit en faveur de la diversification des bouquets énergétiques nationaux et de la réduction de notre dépendance aux sources extérieures, ce qui contribue à réduire nos émissions de gaz à effet de serre.

Si elle est exemplaire, l’Europe ne représente que 12 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, contre 28 % pour la Chine et 25 % pour les États-Unis, deux pays peu offensifs dans la lutte contre le réchauffement climatique. Cette résolution européenne fera-t-elle bouger nos partenaires ?

Mme Sophie Rohfritsch. Comme mes collègues, je suis tout à fait d’accord avec les objectifs proposés. Cependant, je relève un paradoxe : l’industrie européenne – allemande en particulier – continue à investir dans des pays à bas coûts énergétiques, au risque de compromettre les objectifs ambitieux que nous affichons. Si aucune mention des industriels européens n’apparaît dans cette résolution, nos louables intentions se révéleront impossibles à tenir sur le terrain. Nous savons que les industriels allemands investissent en Roumanie et en Pologne où ils produisent à des coûts relativement bas pour toutes les raisons connues. Peut-être faudrait-il insérer un message à l’intention de nos industriels, afin de les inciter à investir localement et nous éviter d’avoir à subir de plein fouet l’augmentation du prix qui résultera des objectifs que nous affichons ?

M. Claude de Ganay. En examinant de près cette proposition de résolution nécessaire, je ne peux m’empêcher d’être circonspect en ce qui concerne la capacité de la France à contribuer efficacement à la baisse de 40 % des émissions européennes de gaz à effet de serre d’ici à 2030.

Cette interrogation est à mettre en relation avec les objectifs fixés par le projet de loi relatif à la transition énergétique et avec le souci du Gouvernement de réduire de 75 % à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité d’ici à 2025. Rappelons qu’en 2013 les énergies fossiles ont représenté 70 % de la consommation énergétique et 69 milliards d’euros d’importations. De ce fait, la transition énergétique que vous souhaitez rendra les objectifs de cette résolution difficiles à tenir. Notre dépendance aux énergies fossiles s’accroîtra mécaniquement d’ici à 2025, comme cela a été le cas en Allemagne, suite à la sortie progressive du nucléaire. Comment le Gouvernement pourra-t-il tenir cet objectif ? Comment va-t-il financer les programmes de développement des ENR, qui seront automatiquement majorés, dans le souci constant de réduire nos émissions de CO2 ?

M. Arnaud Leroy, rapporteur. L’alinéa 17, qui offusque certains d’entre vous, résulte de discussions que nous avons eues à la Commission des affaires européennes, à la suite d’une proposition de Bernard Deflesselles – qui n’est pas encore passé dans le groupe majoritaire – sur l’effet d’entraînement de l’Europe.

Il ne s’agit pas de néocolonialisme : l’Europe émet 12 % des gaz à effet de serre mais elle représente le premier marché mondial, et certains industriels européens de l’énergie – français notamment – figurent dans la liste des principaux groupes du secteur. C’est ainsi que le groupe Magritte milite pour l’adoption d’une référence climatique ambitieuse à l’échelle européenne, qui lui permettrait de valoriser son savoir-faire. Une partie de l’industrie attend la visibilité offerte par les textes français et européens.

Comme Laurence Abeille, je considère que l’élevage n’est pas suffisamment pris en compte et je vais organiser prochainement une rencontre dans le cadre du groupe d’étude changement climatique sur le thème de l’agriculture. Outre les émissions de gaz à effet de serre, il faudrait aborder des thèmes comme celui de la transformation de prairies en terres cultivées. Quelles initiatives la France va-t-elle prendre ? Ces questions sont toujours traitées en pointillé dans les négociations de la politique agricole commune (PAC). Dans le cadre du verdissement, peut-être y aura-t-il des évolutions de certains types d’élevage vers d’autres ? Pour être franc, je n’en sais rien.

À Françoise Dubois, je répondrais que 20 % du budget européen, adopté il y a un an pour la période 2014-2019, est dédié au financement de politiques de lutte contre le changement climatique. C’était l’une des rares bonnes nouvelles de ce budget. Chaque fois que la Commission des affaires européennes auditionne un responsable européen qui connaît un peu le sujet, je l’interroge sur les critères retenus et le mode de pilotage retenu pour distribuer cette manne financière. Le plan d’investissements de 300 milliards d’euros annoncé par Jean-Claude Juncker en fait-il partie ? Tous ces projets sont encore en gestation.

Une autre question portait le déficit de la balance commerciale auquel le projet de loi relatif à la transition énergétique vise à apporter des réponses. Sur 70 milliards d’euros de déficit commercial, 62 milliards sont liés à notre facture énergétique : il est temps de se redonner des marges de manœuvre. Comme M. Julien Aubert, je pense que nous devons rattraper notre retard en matière de chaleur renouvelable, d’hydrogène et de géothermie profonde. Dans ces domaines, nous possédons un savoir-faire que nous savons exporter mais que nous avons du mal à imposer chez nous.

Je ne suis pas trop inquiet concernant le surcoût de ces énergies par rapport au nucléaire : les études effectuées récemment par la Cour des comptes, notamment sur l’éolien offshore, montrent que les écarts de prix de revient se réduisent, parfois même jusqu’à se rapprocher de l’épaisseur du trait. Une fois effectués les investissements en capital, et compte tenu des progrès réalisés au cours des dernières décennies, le coût de revient du kilowattheure produit dans les centrales photovoltaïques et éoliennes est beaucoup moins élevé que ce que d’aucuns affirment et tend à se rapprocher du prix du kilowattheure produit dans les centrales nucléaires. Il est nécessaire d’avoir une information objective dans ce domaine.

Lorsqu’il est question de politique énergétique, nous continuons à avoir un réflexe très national alors que nous devons faire le saut européen, en allant au-delà du slogan sur l’Union de l’énergie. Dans ma circonscription, la poussée des énergies renouvelables se heurte à une barrière naturelle, les Pyrénées, qui rend les exportations de l’Espagne et du Portugal difficiles. Ces pays sont en attente des programmes d’interconnexion qui ont été bloqués pendant des décennies en raison des réflexes des monopoles nationaux. Une fois dépassés ces blocages, nous aurons une meilleure visibilité en termes de politique énergétique.

Les changements attendus sur le marché des quotas d’émission vont se produire mais entre le marché carbone et le marché de l’énergie, c’est un peu l’histoire de l’œuf et de la poule. La situation actuelle est assez ubuesque : la valeur de la tonne de carbone oscille entre 3 et 5 euros, ce qui est insuffisant. La contribution énergie-climat a été créée dans la loi de finances, il y a un peu moins de deux ans, mais nous ne savons pas quel sera son avenir après 2016. Il est donc nécessaire de dessiner des trajectoires et s’y tenir, comme le demandent les secteurs économiques qui ont besoin de visibilité.

Pour ma part, je suis un fervent partisan de la création d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe, et je rejoins les préoccupations exprimées par Guillaume Chevrollier. Nous produisons 12 % des émissions de gaz à effet de serre mais nous sommes le premier marché en termes de consommation, et nous avons les moyens d’imposer nos critères dans ce domaine comme dans d’autres qui touchent à des questions plus éthiques telles que le droit du travail. Il est possible de s’assurer que des biens importés sont produits selon des systèmes d’éco-conception assez développés – capture de gaz à effet de serre et mobilisation de chaleur renouvelable – dans les grandes zones franches du Mexique, de Chine ou de Turquie

Enfin, l’idée de mener une politique publique d’économies d’énergie dans les hôpitaux me semble intéressante à explorer.

Article unique

La Commission examine les amendements rédactionnels CD1 et CD2 du rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Il s’agit de supprimer les alinéas 14 et 15, relatifs au projet de loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, afin de tenir compte de l’état de ce texte au jour de l’adoption de notre résolution.

La Commission adopte successivement les amendements CD1 et CD2.

Puis elle en vient à l’amendement CD3 du rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Cet amendement de conséquence vise à réintégrer les alinéas 14 et 15 après l’alinéa 17, dans une rédaction qui tienne compte du vote du 14 octobre dernier sur le projet de loi relatif à la transition énergétique en première lecture à l’Assemblée nationale ; les objectifs que la France se donne méritaient d’être soulignés dans la proposition de résolution.

M. Julien Aubert. Il me semble erroné d’indiquer que le texte voté en première lecture vise à renforcer l’indépendance énergétique de la France alors qu’il tend à réduire la part du nucléaire. Rappelons que ce sont les importations d’énergies fossiles qui creusent le déficit de notre balance commerciale et que c’est le nucléaire qui participe au renforcement de l’indépendance énergétique de la France. Ce doit être une coquille.

M. Denis Baupin. Notre collègue Julien Aubert a oublié que nous importons 100 % de l’uranium utilisé dans notre pays. Le projet de loi adopté en première lecture vise à réduire les importations d’énergies fossiles mais aussi d’uranium. En diminuant la part du nucléaire, nous réduirons notre dépendance et nous renforcerons la souveraineté nationale. Cet amendement est donc particulièrement bien venu.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Je partage totalement l’avis de Denis Baupin qui a travaillé sur ce sujet dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique.

M. Julien Aubert. C’est bien tout le problème : le rapporteur partage la vision des écologistes et ils défendent une curieuse définition de l’indépendance énergétique. (Murmures sur divers bancs)

Si l’on considère qu’une énergie ne renforce l’indépendance énergétique du pays qu’à la condition que 100 % de ses intrants soient produits sur le territoire national, alors on les disqualifie toutes, sauf peut-être l’hydroélectricité. Je ne pense pas pouvoir voter pour un tel amendement.

M. Laurent Furst. M. Denis Baupin est taquin, et il cherche à animer le débat mais nous pourrions soulever les mêmes arguments au sujet des panneaux solaires. Nous sommes d’accord sur l’essentiel du dispositif, ce qui n’est déjà pas mal. Restons-en là.

M. Denis Baupin. S’agissant de la fabrication des installations, nous pouvons rappeler que les centrales nucléaires sont sous licence Westinghouse qui, à ma connaissance, n’est pas une entreprise française. Quelles que soient les énergies, les installations ne sont pas intégralement fabriquées dans notre pays. En revanche, il existe des différences manifestes en ce qui concerne les matières premières consommées : dans un cas, il faudra importer de l’uranium pendant des années ; dans l’autre, on pourra compter sur le soleil, le vent et les courants marins qui sont disponibles de manière infinie sur notre territoire.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. L’idée de cet amendement est simplement de prendre acte du fait que l’Assemblée nationale a adopté un texte et d’en faire état dans la résolution. Je suis ravi que nous puissions discuter d’un texte européen dans le cadre de la Commission du développement durable et que nous puissions aussi valoriser à Bruxelles ce que nous faisons en France, ce qui est plutôt difficile depuis les élections du 25 mai dernier. Nous avons adopté ce projet de loi en première lecture, après des discussions longues et passionnées que nous reprendrons certainement en nouvelle lecture. À ce stade, je souhaite simplement que nous puissions aller à Bruxelles avec, « dans notre besace », la référence à un texte qui est peut-être perfectible mais qui a déjà passé le cap de la première lecture.

La Commission adopte l’amendement CD3.

Puis, elle en vient à l’amendement CD4 du rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. D’après les informations qui circulent depuis quelques jours sur le projet de conclusions du Conseil européen, il y aurait une certaine hésitation à maintenir le caractère contraignant de l’objectif de réduction des émissions des gaz à effet de serre à l’horizon de 2030. À l’alinéa 20, nous réaffirmons que cet objectif est bien contraignant.

M. Denis Baupin. J’ai noté avec tristesse que le rapporteur n’avait pas répondu à mon intervention. Peut-être a-t-il considéré qu’elle n’était pas pertinente ? Blague à part, je voudrais lui suggérer de compléter son amendement en ajoutant « au minimum » après « contraignant ». Notre groupe aurait déposé un sous-amendement en ce sens si nous n’avions pas été hors délais.

M. Julien Aubert. On ne peut que plébisciter cet amendement. Nous avons toujours dit que le seul et unique objectif contraignant devait être celui de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre. En revanche, c’est autre chose d’indiquer que ce taux de 40 % est un minimum, comme le propose Denis Baupin, et nous en avons déjà discuté lors de l’examen du projet de loi sur la transition énergétique. Si l’on se fixe un objectif, c’est pour l’atteindre et non pour le dépasser. Nous sommes pour l’amendement tel que proposé par le rapporteur.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Nous avons eu cette discussion sur l’équilibre du texte au sein de la Commission des affaires européennes et, à l’unanimité, nous avons décidé qu’il ne fallait pas charger la barque, pour le dire vulgairement. Rien n’empêche les États membres qui sont en avance de dépasser l’objectif de 40 % mais il faut tenir compte de ceux qui sont à la traîne, notamment ceux qui ont intégré l’Union européenne en 2004. Il s’agit d’un texte européen, pas d’un accord passé avec les pays scandinaves et l’Allemagne. Nous ne sommes pas sûrs de sortir, vendredi soir, avec un mandat de négociation car la Pologne et d’autres pays créent des difficultés.

Dans ce texte équilibré, nous expliquons les objectifs ambitieux que nous avons adoptés au niveau national tout en laissant la porte ouverte à ceux qui sont un peu en arrière. Je ne soutiendrai donc pas la proposition de Denis Baupin.

M. Laurent Furst. Cette réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre s’effectuerait par rapport à quelle année de référence ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. C’est toujours 1990.

M. Denis Baupin. Je voudrais qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur ma proposition : il s’agit non pas de faire de la surenchère mais de savoir quel est le mandat donné à la Commission européenne lors des négociations qui auront lieu à l’occasion de la COP21. La Commission européenne aura-t-elle ou non la capacité d’aller au-delà de 40 % si, dans le cadre d’un accord, les autres pays poussaient dans ce sens ?

Le premier paquet énergie-climat prévoyait une réduction de 20 %, mais la Commission pouvait aller jusqu’à 30 % en cas d’accord international. Le mandat de négociation était plus souple que dans le cas présent où le taux de 40 % apparaît comme un plafond. À nos collègues UMP qui prennent cela pour de la surenchère, je répète que Mme Merkel et M. Cameron proposent d’écrire que le taux de 40 % est un minimum. Deux autres grandes puissances européennes importantes, qui considèrent que le dérèglement climatique représente un enjeu crucial, estime qu’il faudrait donner ce type de mandat à la Commission européenne. Si cet objectif pose des difficultés à la Pologne et à d’autres pays de l’est de l’Europe qui sont plus dépendants du charbon, il nous paraît néanmoins important que la France se joigne aux pays les plus allants à la veille de cette négociation.

M. Bertrand Pancher. Si nous n’atteignons pas l’objectif de 40 % en 2030, comme le prédisent certains collègues, nous raterons celui de 80 % en 2050. Dire que cela n’est pas grave revient à admettre que nous avons totalement renoncé à maintenir la hausse des températures en deçà de deux degrés. Alors, notre président doit organiser une nouvelle table ronde avec les climatologues.

Autant nous pouvons débattre d’objectifs plus ou moins ambitieux en termes d’énergies renouvelables, autant nous ne devons pas revenir sur la nécessité de réduire notre consommation énergétique si nous voulons parvenir à une division par quatre des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2050.

M. Jean-Pierre Vigier. Comme le rapporteur l’a bien résumé, nous avons un texte équilibré qui sera adopté par l’ensemble de nos partenaires européens. Pour monter d’un cran, il vaut mieux attendre la prochaine fois afin de ne pas courir le risque de ne trouver aucun accord avec nos partenaires. Soyons sérieux et surtout réalistes.

M. Arnaud Leroy, rapporteur. Mme Merkel et M. Cameron voudraient écrire que le taux de 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre est un minimum, selon Denis Baupin. Rappelons aussi alors que les États-Unis, un partenaire de l’Union européenne, retiennent le taux de 17 %. Il est préférable de nous en tenir aujourd’hui à la rédaction actuelle, d’autant que nous allons avoir un rendez-vous intéressant : avant la fin mars 2015, chaque État devra indiquer ses objectifs de rédaction et sa stratégie en la matière, ce qui donnera certainement lieu à de grands débats sur les méthodes de calcul et de vérification.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Par le biais de son amendement, notre rapporteur propose tout de même d’ajouter le terme « contraignant » pour qualifier l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ce qui est une évolution relativement importante par rapport au texte de base.

La Commission adopte l’amendement CD4.

Puis elle adopte la proposition de résolution ainsi modifiée.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Les amendements déposés en Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sont consultables sur le site internet de l’Assemblée nationale. (11)

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