N° 2804 - Avis de M. Jean Launay sur le projet de loi , après engagement de la procédure accélérée, actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense (n°2779)




N
° 2804

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mai 2015

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE, SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense (n° 2779).

PAR M. Jean LAUNAY 

Député

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 2779 et 2806.

SOMMAIRE

___

Pages

I. LE RENFORCEMENT DE LA MISSION PROTECTION ENTRAÎNE UNE DÉFLATION DES EFFECTIFS INFÉRIEURE AUX OBJECTIFS FIXÉS PAR LA LPM INITIALE (ARTICLE 3). 7

A. LA SAUVEGARDE D’UNE PARTIE DES EFFECTIFS PAR RAPPORT À LA LPM INITIALE PERMET UNE REDÉFINITION DU CONTRAT OPÉRATIONNEL DE L’ARMÉE DE TERRE. 7

B. LE FINANCEMENT DU MAINTIEN D’UNE PARTIE DES EFFECTIFS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE 9

C. UNE EXIGENCE ACCRUE PAR LES BESOINS OPÉRATIONNELS LIÉS À L’OPÉRATION SENTINELLE 9

II. L’ACTUALISATION DE LA LPM PERMET UN DOUBLE RENFORCEMENT QUALITATIF ET QUANTITATIF DES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE 12

A. LE RÉTABLISSEMENT DE CRÉDITS BUDGÉTAIRES EN LIEU ET PLACE DES RECETTES EXCEPTIONNELLES. 12

1. Un effort budgétaire à hauteur de 5,2 milliards d’euros sur la période de la programmation au titre du remplacement des recettes exceptionnelles 12

2. L’abandon des « sociétés de projet » 14

B. UNE AUGMENTATION NOTABLE DES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE SUR LA PÉRIODE 2016-2019 (ARTICLE 2 DU PROJET DE LOI) 16

C. UN EFFORT CONSOLIDÉ AU PROFIT DE L’ÉQUIPEMENT 17

D. UNE PRIORITÉ ACCORDÉE AU RENSEIGNEMENT ET À LA CYBERDÉFENSE 18

E. LA NÉCESSITÉ D’UNE EXÉCUTION BUDGÉTAIRE CONFORME AUX PRÉVISIONS. 18

1. La régulation budgétaire en cours de gestion : un enjeu essentiel pour le respect de la trajectoire financière prévue par la LPM actualisée 18

2. Les opérations extérieures : un engagement interministériel de couverture des surcoûts qui doit se traduire concrètement 20

CONCLUSION 22

TRAVAUX DE LA COMMISSION 25

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 39

INTRODUCTION

Publiée au journal officiel le 18 décembre 2013, la loi de programmation militaire (LPM) met en œuvre les orientations de la politique de défense française définies dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, rendu public en avril 2013. Introduits lors de l’examen du texte par le Parlement, des rendez-vous d’actualisation ont été inscrits dans la loi (1) afin de vérifier avec la représentation nationale la bonne adéquation entre les objectifs fixés et les moyens mis en œuvre. Le premier de ces rendez-vous, fixé à 2015, correspond à l’objet du présent projet de loi d’actualisation de « la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense ».

Il s’inscrit dans un contexte d’engagements multiples des forces armées françaises, à l’étranger mais également sur le territoire national, à la suite des attentats du 7 janvier 2015, qui renforce la nécessité pour le ministère de la Défense d’être assuré de sa base financière afin de pouvoir garantir la sécurité du territoire sur le plan interne comme externe.

L’inquiétude légitime des militaires, dont les missions se multiplient alors que leurs crédits sont parfois fragilisés par le recours excessif aux ressources exceptionnelles, appelait une réponse forte. L’engagement personnel du chef de l’État, lequel a rappelé que « la sécurité, la protection, l’indépendance sont des principes qui ne se négocient pas » à l’issue du Conseil de défense du 29 avril 2015, traduit l’engagement solennel qu’il avait pris avec le Gouvernement de redonner au ministère de la Défense les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions, avec pour premier objectif de renforcer la protection du territoire.

Le présent projet de loi comporte ainsi plusieurs décisions d’importance majeure visant à sécuriser les crédits, par l’apport de crédits budgétaires en lieu et place des recettes exceptionnelles, à maintenir un socle important de forces terrestres et à financer de nouveaux équipements.

En premier lieu, la part des recettes exceptionnelles dans les crédits du ministère de la Défense pour l’année 2015, ainsi que pour la période 2016-2019, est drastiquement réduite en faveur de crédits budgétaires. Ce sont ainsi près de 5,2 milliards d’euros de recettes exceptionnelles qui seront remplacés par des crédits budgétaires, plus fiables quant à leur montant et à leur calendrier de perception.

En second lieu, le présent projet de loi prévoit de renforcer substantiellement les crédits qui bénéficieront au ministère de la Défense sur les quatre années qui sont celles de la programmation actualisée (2016-2019). Ce sont ainsi 3,8 milliards de crédits supplémentaires qui seront répartis sur ces quatre années et qui viennent s’ajouter aux 5,2 milliards d’euros qui bénéficieront au ministère de la Défense en 2015 en remplacement des ressources exceptionnelles.

Enfin, 18 500 postes seront préservés sur les 34 000 suppressions initialement prévues dans la LPM, notamment afin de permettre une redéfinition du contrat opérationnel des forces terrestres dont le réservoir d’effectifs est augmenté de 66 000 à 77 000 hommes équipés.

Ces trois décisions d’importance majeure sont l’objet des quatre articles qui constituent le chapitre premier du présent projet de loi, et sont précisées dans le rapport annexé approuvé par l’article 1er. La LPM n’ayant qu’une valeur programmatique, étant donné que les décisions normatives dans le domaine budgétaire relèvent exclusivement du champ des lois de finances, elles devront se traduire concrètement au cours des discussions budgétaires à venir.

La commission des Finances de l’Assemblée Nationale s’est saisie pour avis de ces quatre articles. Elle ne s’est, par contre, pas saisie des autres chapitres qui visent à tirer les conséquences de deux arrêts du 2 octobre 2014 de la Cour européenne des droits de l’homme, sur la création d’associations professionnelles nationales de militaires et à définir le régime de ces associations (chapitre II), à introduire une réforme de la politique des ressources humaines, en matière de gestion des personnes, de positions statutaires et d’accès des militaires à la fonction publique civile (chapitre III), à instaurer un service militaire volontaire visant à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes de dix-sept à vingt-cinq ans (chapitre IV) et à introduire diverses dispositions, concernant notamment la situation des appelés vis-à-vis des obligations de service national et l’habilitation du Gouvernement à prendre des ordonnances dans le domaine de la défense (chapitre V), dont les dispositions relèvent principalement de la commission de la défense et de la commission des lois.

Le rapporteur note enfin que le texte procède, s’agissant des articles 2, 3 et 4, par insertion directe des dispositions nouvelles dans la loi de programmation de 2013. Les dispositions de la LPM initiale sont ainsi modifiées en conséquence.

La priorité annoncée du présent projet de loi d’actualisation est de renforcer le principe de « protection » du territoire, qui constitue, aux côtés de la « dissuasion » et de l’« intervention », l’axe stratégique majeur qui a guidé l’élaboration du contrat dévolu aux forces armées par la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013.

Le renforcement du volet « protection » passe en priorité par une redéfinition de la politique de déflation des effectifs, qui se traduit par le maintien de 18 750 postes sur les 34 000 suppressions initialement programmées, laquelle permet de revoir à la hausse le format de la force opérationnelle terrestre.

L’actualisation de la loi de programmation militaire conduit à modifier l’évolution prévisionnelle des effectifs entre 2015 et 2019 (article 5 de la LPM initiale), conformément aux priorités assignées à la politique de défense et de sécurité. En effet, le haut niveau d’engagement des forces sur des théâtres d’opération étrangers, ainsi que l’accroissement de la menace sur le théâtre national, imposent désormais une disponibilité d’effectifs rendant nécessaire une révision des déflations initialement prévues.

Par conséquent, la diminution des effectifs de la mission Défense, initialement prévue à hauteur de 33 675 ETP, est atténuée de 18 750 ETP et s’établira donc sur la période 2014–2019 à 14 925 déflations hors effectifs de volontaires liés à l’expérimentation du service militaire volontaire (SMV).

Le rythme annuel de cette évolution des effectifs (emplois/ETP) est le suivant :


Source : ministère de la Défense.

Il convient cependant de distinguer les réductions nettes et les redéploiements d’effectifs au sein de cette nouvelle trajectoire.

En premier lieu, la réduction nette des effectifs du ministère de la Défense s’élèvera à 6 918 équivalents temps plein sur la période 2015-2019. Les évolutions s’effectueront selon le calendrier suivant :

RÉDUCTION NETTE DES EFFECTIFS DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE
SUR LA PÉRIODE 2015-2019

(en équivalents temps plein)

 

2015

2016

2017

2018

2019

Total
2015-2019

Évolution des effectifs

0

+ 2 300 02 300

– 2 600

– 2 800

– 3 818

– 6 918

Source : projet de loi d’actualisation.

Toutefois, ces créations et moindres suppressions n’ont pas pour effet d’annuler la totalité des déflations prévues. Ce sont ainsi 22 317 postes qui seront supprimés sur la période 2015-2019, pour notamment gager les créations brutes de postes indispensables pour assurer le contrat « protection », renforcer les effectifs en charge de la cyberdéfense et du renseignement et poursuivre la transformation du ministère. Cependant, il était également nécessaire de renoncer à un certain nombre de suppressions de postes (redéfinition du format de la force opérationnelle terrestre, des effectifs affectés à la protection des sites sensibles et des personnels affectés au soutien opérationnel).

On constate donc deux mouvements, l’un de suppression et l’autre de création de postes, qui ne se recoupent pas entièrement.

Au terme de cette évolution, en 2019, les effectifs du ministère de la Défense s’élèveront à 261 161 agents en équivalents temps plein, dont 256 579 rémunérés par le titre 2 de la mission Défense.

Les objectifs précédemment fixés en matière de gestion des ressources humaines ne sont pas abandonnés pour autant. En particulier, la répartition des déflations devra veiller, en fonction de leurs missions respectives, à une réduction équitable entre personnel militaire et personnel civil et permettre à chaque catégorie de personnel, dans le cadre de la politique mise en œuvre par les gestionnaires, de disposer d’une visibilité réelle sur ses perspectives professionnelles. À cet égard, la déflation des effectifs militaires entre 2014 et 2019 sera de l’ordre de 9 400. Au sein de la catégorie des officiers, l’effort de dépyramidage sur les grades supérieurs sera résolument poursuivi, conformément aux orientations de « Politique RH 2025 ». Il s’attachera donc à réduire le poids relatif des effectifs d’officiers supérieurs et en particulier de colonels et de lieutenants-colonels ou assimilés.

Concernant l’emploi des forces, un nouveau contrat opérationnel, redimensionné pour un engagement durable sur le territoire national, permettra aux forces terrestres d’atteindre une capacité opérationnelle de 77 000 hommes équipés (contre 66 000 hommes dans la programmation initiale). Elles disposeront à l’horizon 2025 d’environ 200 chars lourds, 250 chars médians, environ 2 700 véhicules blindés multi rôles et de combat, 147 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque, 115 hélicoptères de manœuvre et une trentaine de drones tactiques. Les infrastructures seront adaptées pour permettre l’accueil des effectifs supplémentaires de la force opérationnelle terrestre et de son soutien. L’activité sera renforcée pour faire face aux nouveaux besoins de préparation opérationnelle.

En outre, les effectifs de la réserve opérationnelle seront progressivement portés à 40 000 réservistes, ce qui nécessite un renforcement de 75 millions d’euros du budget consacré à la réserve. Leur formation ainsi que leur emploi seront prioritairement tournés vers les engagements intérieurs.

2,8 milliards d’euros, sur les 3,8 milliards d’euros supplémentaires prévus sur la période de la programmation, vont permettre de financer cette moindre déflation des effectifs (2,4 milliards d’euros), les coûts de fonctionnement afférents (400 millions d’euros), ainsi que l’expérimentation du service militaire volontaire (SMV) et la montée en puissance de la réserve opérationnelle.

Le détail des mesures financières, qu’elles relèvent de l’augmentation des crédits ou du remplacement des recettes exceptionnelles par des crédits budgétaires, fait l’objet de la seconde partie de ce rapport.

Le rythme annuel de ces besoins supplémentaires (en millions d’euros - hors CAS Pension) est le suivant :

Source : ministère de la Défense.

En janvier 2015, le contrat protection des armées a été activé sur l’ensemble du territoire national pour assurer la protection continue de certains sites sensibles. Ce dispositif de mission intérieure (MISSINT) ou d’opération intérieure (OPINT), dénommé Sentinelle, a engagé d’abord plus de 10 000 militaires puis désormais 7 000 militaires. Il est constitué en petits détachements, sur plus de 700 postes de surveillance dispersés sur le territoire (nonobstant les effectifs déployés pour renforcer la protection des propres installations et emprises du ministère de la Défense dans le cadre du plan Cuirasse).

La défense doit ainsi répondre à la demande présidentielle de placer sur le territoire national, en permanence, une force de protection de 7 000 soldats – deux fois plus importante que dans l’ancien plan Vigipirate – avec possibilité de monter en quelques jours à 10 000 hommes sur une durée d’un mois. Or, pour disposer de 7 000 hommes, il faut un réservoir trois fois supérieur. La « force opérationnelle terrestre », fixée à 66 000 soldats dans le Livre blanc, doit donc être augmentée de 11 000 hommes pour atteindre son nouveau format de 77 000 hommes.

Le rapporteur souligne que l’« opération Sentinelle » a fortement accru les exigences pesant sur nos soldats. Il a en effet été nécessaire de réduire les préparations aux opérations extérieures, d’annuler des formations ou des congés et de déployer sur le territoire national des soldats à peine rentrés d’opérations extérieures, avec un effet imaginable sur le moral des troupes. En ce sens, la redéfinition du contrat opérationnel de l’armée de terre était une nécessité pour éviter l’« asphyxie » de notre modèle d’armée (selon l’expression du Général Puga). Son financement est assuré mais les effets positifs sur les cadences imposées aux troupes ne devraient pas se faire sentir avec la fin de l’année, en raison du temps d’entraînement nécessaire aux nouvelles recrues.

Les estimations financières du surcoût lié à ce dispositif exceptionnel de renforcement sont encore provisoires, compte tenu de l’incertitude entourant tant certains sous-jacents physiques (qui peuvent dépendre de la situation de famille des bénéficiaires ou des conditions réelles de mise en œuvre) que l’évolution possible des conditions de vie et d’hébergement.

À ce stade, le surcoût 2015 est estimé à environ 260 millions d’euros (100 millions d’euros sur le titre 2 et à 160 millions d’euros hors-titre 2), la totalité de ces dépenses répondant à des besoins non couverts par la LPM 2014-2019.

Les surcoûts engendrés par Sentinelle se déclinent en :

– dépenses de personnel : indemnité de service en campagne (ISC) ;

– dépenses de fonctionnement (hébergement, transports, alimentation, fonctionnement courant) ;

– dépenses d’équipement des forces, dans la durée, d’entretien du matériel en service – qui doivent permettre d’améliorer la protection individuelle du personnel, la mobilité des forces (notamment avec la location dans l’urgence puis l’achat de véhicules pour évoluer vers un dispositif plus mobile), l’interopérabilité (communication) avec les forces de sécurité intérieure – et des dépenses d’infrastructure destinées à améliorer les conditions d’hébergement mises en œuvre dans l’urgence.

Le montant des surcoûts devrait diminuer postérieurement à 2015 du fait notamment :

– de la disparition de l’investissement initial nécessaire pour satisfaire la mission à moindre coût dans la durée (ex : acquisition au lieu d’une location de véhicule) ;

– de la diminution des coûts de soutien (moins d’externalisation, baisse des coûts d’alimentation par le biais d’un recours accru au conventionnement, hébergement).

Pour mémoire, une instruction interministérielle datée du 3 mai 2010, relative à l’engagement des armées sur le territoire national en cas de crise majeure, prévoit que le chiffrage du coût de cet engagement est éligible aux procédures de remboursement du ministère de la Défense. Par conséquent, le montant des surcoûts constatés sera détaillé et consolidé d’ici la fin de l’année afin qu’il soit pris en compte lors des arbitrages de fin de la gestion 2015.

Le rapporteur se réjouit de la décision du Président de la République d’accorder des crédits budgétaires supplémentaires au ministère de la Défense en remplacement de la quasi-totalité des recettes exceptionnelles restant à percevoir sur la période 2015-2019.

Cet effort qualitatif, au regard de recettes exceptionnelles par nature incertaine dans leur calendrier comme dans leur montant, représente un effort budgétaire de 5,2 milliards d’euros en faveur de la Défense, sur la période 2015-2019, dont 2,14 milliards d’euros dès 2015.

Il convient ainsi de rappeler que le montant total des recettes exceptionnelles, avant les annonces du Président de la République qui ont suivi le Conseil de défense du 29 avril 2015, avait atteint la somme record de 8,45 milliards d’euros. Un bref rappel de cette évolution est nécessaire pour comprendre l’avancée majeure que représente ce projet de loi d’actualisation sur le plan budgétaire.

La programmation initiale prévoyait 6,1 milliards d’euros de ressources exceptionnelles, dont 1,5 milliard d’euros au titre du programme d'investissements d'avenir (PIA) et 600 millions d’euros issus de cessions immobilières. Elle se fondait notamment sur l’intégration de la vente de la bande de fréquences des 700 MHz, (laquelle ne peut finalement intervenir avant 2016 ou 2017) qui devait fournir une partie substantielle de la ressource.

Devant l’incertitude grandissante à l’endroit de la perception des recettes exceptionnelles, ainsi que pour compenser les effets de mesures de régulation budgétaire ayant impactées le ministère de la Défense en 2013, l’activation de la clause de sauvegarde prévue à l’article 3 de la LPM en 2014 s’est traduite en lois de finances rectificatives (LFR) pour 2014 par une augmentation du PIA à hauteur de 500 millions d’euros, versés par tranche de 250 millions d’euros dans les deux LFR d’août et de décembre 2014, afin de sécuriser la programmation des opérations d’armement.

Dans le même temps, les arbitrages rendus lors du bouclage du budget triennal de l’État pour la période 2015-2017 ont remplacé 1,8 milliard d’euros de crédits budgétaires par des ressources exceptionnelles (REX), soit 500 millions d’euros de recettes exceptionnelles supplémentaires pour chacune de ces trois années.

Par ailleurs, du fait de la vente plus favorable que prévue de l’ensemble Penthemont-Bellechasse, les recettes immobilières consommables en 2015 ont été rehaussées de 30 millions d’euros.

In fine, en tenant compte des LFR 2014 et du budget triennal 2015-2017, le montant des REX sur la période de la LPM 2014-2019 a donc été porté à 8,45 milliards d’euros dont 2 milliards d’euros au titre du PIA et 636 millions d’euros au titre des cessions immobilières.

Sur ce montant de 8,45 milliards d’euros, certaines ressources ont déjà été perçues ou le seront sans difficulté majeure. Il s’agit notamment de :

– 2 milliards d’euros provenant du PIA, lesquels ont été effectivement perçus et consommés ;

– 636 millions d’euros provenant des recettes immobilières propres du ministère de la Défense, pour lesquelles la perception ne pose pas de problèmes particuliers, au regard de l’état du marché et de la demande (ce montant global sera probablement réévalué à la hausse) ;

– 200 millions d’euros provenant des loyers versés pour l’utilisation de fréquences déjà cédées par le ministère de la Défense.

En additionnant ces ressources, auxquelles il convient d’ajouter certaines recettes provenant de la vente de matériels militaires (pour environ 200 millions d’euros sur la période 2015-2019), le montant réel restant à percevoir au titre des recettes exceptionnelles se situe aux alentours de 5,2 milliards d’euros.

Or, l’une des avancées majeures de l’actualisation tient justement au remplacement de ces 5,2 milliards d’euros de recettes exceptionnelles restant à percevoir, par des crédits budgétaires sur l’ensemble de la période 2015-2019, ainsi que le prévoit l’article 2 du présent projet de loi, qui modifie l’article 3 de la LPM du 18 décembre 2013.

Seules les recettes exceptionnelles liées aux ventes immobilières, au loyer des fréquences déjà cédées par le ministère de la Défense ainsi qu’à quelques cessions mineures de matériels continueront d’être perçues par le ministère de la Défense.

Ainsi, le montant total des recettes exceptionnelles sur la période de la programmation militaire aura été réduit de 8,45 milliards d’euros, avant l’actualisation, à 3,2 milliards d’euros après actualisation (2,27 milliards d’euros déjà perçus en 2014, dont 2 milliards au titre du PIA, et 930 millions d’euros restant à percevoir sur la période 2015-2019). L’incertitude portant tant sur le montant des REX que sur leur calendrier de perception s’en trouve de fait considérablement réduite.

ÉVOLUTION DES RECETTES EXCEPTIONNELLES
SUR LA PÉRIODE 2015-2019

(en milliards d’euros courants)

 

2015

2016

2017

2018

2019

Total 2015-2019

Ressources totales

31,38

31,98

32,26

32,77

34,02

162,41

dont crédits budgétaires

31,15

31,73

32,11

32,62

33,87

161,48

dont ressources issues de cessions

0,23

0,25

0,15

0,15

0,15

0,93

Source : projet de loi d’actualisation.

Cet effort de remplacement des recettes exceptionnelles par des crédits budgétaires, portant sur un montant global de 5,2 milliards d’euros, se traduit par deux mouvements budgétaires distincts :

– d’une part, 2,14 milliards d’euros de crédits budgétaires remplaceront, dès 2015, les ressources qui devaient initialement provenir de la vente de la bande de fréquences 700 MHz (et dont il convient de souligner que le produit attendu, estimé entre 2 et 2,4 milliards d’euros, sera inscrit sur le compte d’affectation spéciale « Gestion des fréquences hertziennes »). Ils seront inscrits dans la prochaine loi de finances rectificatives ;

– d’autre part, 3 milliards d’euros restaient à percevoir dans la programmation initiale, dont la LPM précisait qu’ils pourraient être issus soit de la vente des fréquences (si le produit attendu s’avérait supérieur aux estimations) soit provenir d’« autres recettes exceptionnelles », que la LPM ne précisait pas (en dehors de l’hypothèse de cessions de participations de l’État). Ces recettes seront également remplacées par des crédits budgétaires lors de l’examen des différentes lois de finances à venir sur la période restante de la programmation (2015-2019).

Ces évolutions budgétaires rendent ainsi caducs la mise en place de « sociétés de projet », montage juridique et financier complexe, qui visait à compenser le décalage dans la perception des recettes exceptionnelles.

Pour mémoire, la mise en place de sociétés de projet aurait consisté à doter en capital des sociétés, grâce à la vente de participations de l’État dans des entreprises publiques, afin que ces sociétés puissent acheter des équipements militaires (en l’occurrence frégates de type FREMM et avions logistiques de type A 400 M), pour les louer ensuite au ministère de la Défense selon un dispositif de crédit-bail.

Celui-ci aurait alors disposé d’un droit de rachat qu’il aurait pu exercer le cas échéant (toutefois, ces sociétés n’avaient pas nécessairement vocation à être liquidées à court terme et la location aurait pu perdurer sur toute la durée de vie des équipements).

Le rapporteur considère, tout en en ayant défendu le principe dans la seule optique de permettre le respect de la trajectoire financière de la LPM, que la mise en œuvre de ces sociétés pouvait présenter plusieurs inconvénients :

– coût de gestion supplémentaire (même si la gestion serait revenue, en l’espèce, à la délégation générale pour l’armement) ;

– coût d’assurance (dans l’hypothèse d’une ouverture du capital à des investisseurs privés) ;

– coût de la rémunération du capital (dans la même hypothèse d’ouverture du capital à des investisseurs privés) ;

– perte du rendement des participations cédées pour financer la dotation initiale en capital de ces sociétés.

À cet égard, et sous réserve que les crédits budgétaires annoncés pour 2015 soient effectivement inscrits dans une loi de finances rectificative d’ici la fin de l’année, le remplacement des sociétés de projet par des crédits budgétaires limite le risque d’une charge financière supplémentaire pour l’État et constitue une garantie sérieuse pour le ministère de la Défense face à l’inquiétude quant à la perception des 2,2 milliards d’euros qui devaient initialement provenir de la vente de la bande de fréquences comprises entre 694 et 790 MHz.

Par conséquent, le montant global des recettes exceptionnelles est réduit à 230 millions d’euros pour l’année 2015, au lieu de 2,4 milliards d’euros, et a principalement pour origine des cessions immobilières, ou, dans une moindre mesure, de cessions à des tiers de matériels militaires.

RESSOURCES DE LA MISSION DÉFENSE, HORS CHARGES DE PENSIONS, POUR 2015

(en milliards d’euros courants)

 

2015

Majoration des crédits initiaux

0,00

Ressources totales actualisées

31,38

dont crédits budgétaires

31,15

dont ressources issues de cessions

0,23

Source : projet de loi d’actualisation.

À l’avancée qualitative majeure que représente le rétablissement de crédits budgétaires en lieu et place de recettes exceptionnelles, le présent projet de loi ajoute un renforcement quantitatif de ces crédits, à hauteur de 3,8 milliards d’euros, destiné à conforter les ressources nécessaires aux armées pour assumer la diversification de leurs missions.

L’article 2 du présent projet de loi modifie pour cela l’article 3 de la LPM initiale et présente une nouvelle programmation des ressources financières qui porte le montant des crédits de paiement hors pensions de la mission Défense à 162,41 milliards d’euros courants sur la période 2015-2019. Le montant total des ressources attribuées au ministère de la Défense sur l’ensemble de la programmation 2014-2019 augmente ainsi de 189,9 milliards d’euros à 193,8 milliards d’euros.

Dès 2015, des crédits budgétaires seront substitués aux ressources exceptionnelles à hauteur de 2,14 milliards d’euros. Pour les années 2015 à 2019, la nouvelle rédaction de l’article 3 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 prévoit que les ressources de la programmation militaire, hors charges de pensions, sont majorées d’un montant de 3,8 milliards d’euros courants et évolueront comme suit :

ÉVOLUTION DES RESSOURCES DE LA MISSION DÉFENSE, HORS CHARGES DE PENSIONS

(en milliards d’euros courants)

 

2015

2016

2017

2018

2019

Total
2015-2019

Majoration des crédits initiaux

0,00

0,60

0,70

1,00

1,50

3,80

Ressources totales actualisées

31,38

31,98

32,26

32,77

34,02

162,41

dont crédits budgétaires

31,15

31,73

32,11

32,62

33,87

161,48

dont ressources issues de cessions

0,23

0,25

0,15

0,15

0,15

0,93

Source : projet de loi.

Cette nouvelle évolution budgétaire traduit donc un effort significatif de la Nation pour la défense, qui voit ses crédits renforcés en volume et en qualité, notamment par rapport aux décisions issues du précédent budget triennal.

Pour rappel, l’évolution des crédits prévus par la LPM initiale, puis par la LPM avec impact du budget triennal, était la suivante :

LPM DÉCEMBRE 2013

(en milliards d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2015-2019

Ressources exceptionnelles

1,77

1,25

0,91

0,27

0,16

4,36

Crédits budgétaires

29,61

30,13

30,66

31,50

32,36

154,26

Total

31,38

31,38

31,56

31,77

32,52

158,61

Source : ministère de la Défense.

LPM DÉCEMBRE 2013
AVEC IMPACT BUDGET TRIENNAL 2015-2017

(en milliards d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2015-2019

Ressources exceptionnelles

2,37

1,85

1,50

0,27

0,16

6,15

Crédits budgétaires

29,00

29,53

30,06

31,50

32,36

152,44

Total

31,38

31,38

31,56

31,77

32,52

158,60

Source : ministère de la Défense.

Par les nouvelles marges de manœuvre qui lui sont attribuées, le ministère de la Défense est donc en mesure de renforcer son effort au profit des crédits d’équipement, inscrits sur le programme 146 Équipement des forces, et du renseignement.

Le renouvellement des matériels du ministère de la Défense continuera à bénéficier d’un volume de crédits significatifs sur toute la période de programmation, tout en intégrant un effort supplémentaire sur certaines capacités critiques notamment l’entretien programmé des matériels, la composante « hélicoptères » (7 tigres et 6 NH90 supplémentaires), la capacité de projection aérienne tactique (par l’achat de C-130 notamment) ou encore le renseignement (acquisition d’un troisième satellite MUSIS). On note également que les trois derniers avions ravitailleurs de type MRTT seront livrés avant l’échéance initialement prévue (entre 2018 et 2025).

Une enveloppe de 88 milliards d’euros courants sur la période 2015-2019 sera ainsi consacrée à l’équipement. En moyenne, la dotation annuelle s’élèvera à près de 17,6 milliards d’euros courants. En sus d’une majoration des crédits budgétaires de 1 milliard d’euros par rapport à la programmation initiale au profit de l’équipement (500 millions d’euros pour l’entretien programmé des matériels et 500 millions d’euros pour les programmes à effet majeur), 1 milliard d’euros sont également redéployés au bénéfice des opérations d’armement, du fait de l’évolution favorable des indices économiques depuis le vote de la LPM 2014-2019 (prix du pétrole, prix de certains marchés de fourniture, évolution du cours de la monnaie). Toutefois, il conviendra d’être vigilant à l’évolution future de ces indices qui pourraient se retourner rapidement.

Enfin, parmi les dépenses d’équipement, l’effort au profit de la dissuasion nucléaire s’élèvera, sur la période 2015-2019, à environ 19,7 milliards d’euros courants.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES D’ÉQUIPEMENT SUR LA PÉRIODE 2015-2019

(en milliards d’euros)

 

2015

2016

2017

2018

2019

Total

2015-2019

Moyenne

2015 Agrégat « Équipement »

16,66

16,98

17,28

17,73

19,09

87,74

17,55

Source : projet de loi d’actualisation.

Le renseignement, qui mobilise déjà environ 6 milliards d’euros dans la LPM, voit ses moyens humains et matériels confortés, notamment suite aux attentats qui ont touché la France en janvier 2015.

Des effectifs supplémentaires ont été attribués dès le mois de janvier à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et d’autres bénéficieront prochainement à la Direction du renseignement militaire. Des achats vont être accélérés, notamment en matière de drones (de type Reaper) ou de satellites optiques.

Enfin, le rapport annexé précise que les moyens du ministère de la Défense consacrés à la cyberdéfense accélèreront leur montée en puissance avec le recrutement d’au moins 1 000 civils et militaires d’active supplémentaires sur la période 2014-2019 (contre 350 personnels initialement programmés), la consolidation des structures de commandement ainsi que le développement de capacités d’analyse et de surveillance permettant de suivre l’évolution des pratiques d’adversaires potentiels dans l’espace numérique.

Le rapporteur souligne que le double renforcement, quantitatif et qualitatif, des crédits du ministère de la Défense doit s’accompagner du respect des arbitrages opérés lors du dialogue de gestion, et particulièrement du dialogue de fin de gestion.

En effet, les annulations de crédits ont potentiellement un effet majeur sur le report de charges du ministère de la Défense, dont il convient de rappeler que le montant atteignait presque 3,5 milliards d’euros au 31 décembre 2014 (dont 2,3 milliards d’euros pour le seul programme 146 Équipement des forces).

DÉTAIL DU REPORT DE CHARGES PAR PROGRAMME À LA FIN 2014

(en millions d’euros)

Programme

Libellé du programme

Report de charges
constaté à fin 2014

P144

Environnement et prospective de la politique de défense

175,9

P146

Équipement des forces

2 340,7

P178

Préparation et emploi des forces

864,8

P212

Soutien de la politique de la défense

116,7

Total

3 498,1

Source : ministère de la Défense.

On constate ainsi que les annulations de crédits (en AE et CP) se sont élevées à 720 millions d’euros (auxquelles s’ajoute l’annulation d’AE inutilisables d’un montant de 1 432 millions d’euros) en 2013, réparties de la manière suivante : 40 millions d’euros sur le programme 144, 650 millions d’euros sur le programme 146, 30 millions d’euros sur le programme 212. Ces annulations ont notamment contribué à :

– la couverture de l’insuffisance de titre 2 prévisionnelle (hors OPEX) de 232 millions d’euros selon le principe d’auto-assurance ;

– la participation aux financements interministériels des dépenses urgentes de l’État à hauteur de 488 millions d’euros.

De la même manière, en 2014, les annulations en AE et CP se sont élevées à 762 millions d’euros, se répartissant comme suit : 40 millions d’euros sur le programme 144, 680 millions d’euros sur le programme 146, 10 millions d’euros sur le programme 178 et 32 millions d’euros sur le programme 212. Ces annulations ont contribué à :

– la couverture de l’insuffisance de titre 2 prévisionnelle (hors OPEX) de 160 millions d’euros selon le principe d’auto-assurance ;

– la participation aux financements interministériels des dépenses urgentes de l’État à hauteur de 400 millions d’euros ;

– la participation à la baisse des dépenses de l’État (LFR du 8 août 2014) à hauteur de 202 millions d’euros.

Si ces annulations ont été largement compensées par des ouvertures nettes de crédit en 2014, il n’en a pas été de même en 2013, ce qui a contribué à la dégradation du report de charges du ministère de la Défense. Le rapporteur souligne ainsi la nécessité, autant qu’il est possible au regard des règles budgétaires en matière de financement interministériel, de prévenir tout mouvement massif d’annulation de crédits en fin de gestion.

Enfin, en termes de dialogue de gestion, plusieurs leviers sont en cours d’examen afin d’éviter tout incident de trésorerie, notamment sur les programmes 146 et 178, dans l’attente des ouvertures de crédits prévues par la LFR de décembre 2015 en substitution des recettes du CAS « Fréquences ». Il s’agit notamment de la levée anticipée de la réserve de précaution, qui pourrait concerner en priorité le programme 146 pour lequel les financements sont essentiels afin de régler les factures dues aux industriels, et d’un décret d’avance anticipé. Les crédits gelés sur le seul programme 146 représentent en effet près de 614 millions d’euros (1,51 milliard d’euros sur l’ensemble de la mission défense).

Le rapporteur rappelle ainsi que la DGA s’est retrouvée en situation de cessation de paiement dès la fin du mois d’octobre en 2014. Il est crucial, tant pour le ministère de la Défense que pour les industriels, que la cessation de paiement n’intervienne pas encore plus tôt dans l’année 2015, ce qui renforce l’intérêt d’une levée de la réserve de précaution pour le programme 146.

La loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire (LPM) pour les années 2014 à 2019 prévoit dans son article 4 que « la dotation annuelle au titre des opérations extérieures est fixée à 450 millions d’euros. En gestion, les surcoûts nets, hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l’objet d’un financement interministériel. » Cette dotation OPEX a été fixée, en loi de finances initiale pour 2014, à 450 millions d’euros en adéquation avec :

– les contrats opérationnels et les priorités stratégiques définis dans le Livre blanc de 2013. Par rapport à la période précédente, il est en particulier tenu compte d’une limitation de nos engagements, dans le modèle retenu, à une moyenne de trois théâtres importants dont un théâtre majeur ;

– le constat d’une dépense moyenne de 400 millions d’euros entre 2009 et 2012 sur un socle d’opérations récurrentes (hors Afghanistan et hors Harmattan) ;

– un scénario de désengagement en Afghanistan et au Mali.

Le déclenchement de l’opération Serval début 2013, puis Sangaris en décembre, de l’opération Chammal à l’été 2014 et la mise en œuvre d’une stratégie de régionalisation au sein de la bande sahélo-saharienne (BSS, opération Barkhane) traduisent un niveau élevé d’engagement en opérations extérieures, malgré la poursuite du désengagement sur certains théâtres (notamment en Afghanistan et au Kosovo) conformément aux orientations de la LPM et en cohérence avec les nouvelles priorités stratégiques issues du Livre blanc de 2013.

Ainsi, les surcoûts OPEX se sont élevés à 1,12 milliard d’euros en 2014, en diminution de 132 millions d’euros par rapport à 2013 (1,25 milliard d’euros). Il est fort probable que le niveau des dépenses (surcoûts) à ce titre soit une nouvelle fois largement supérieur en 2015 aux 450 millions d’euros provisionnés en LFI.

Il est ainsi essentiel pour l’équilibre financier du ministère de la Défense que ces surcoûts fassent l’objet d’un financement interministériel à l’euro près, ainsi que ce fut le cas en 2013 et en 2014, sans que ce financement interministériel n’ampute les crédits du ministère de la Défense au-delà de son poids proportionnel dans le budget général de l’État.

CONCLUSION

En termes de crédits budgétaires, ce sont ainsi près de 9 milliards d’euros supplémentaires qui bénéficieront au ministère de la Défense, pour partie en remplacement des ressources exceptionnelles (5,2 milliards d’euros) et pour partie en ouvertures nettes pour le ministère de la Défense (3,8 milliards d’euros).

Cet important effort financier permettra à la fois de renforcer le principe de « protection » du territoire, par le maintien d’une partie des effectifs qui devaient être initialement supprimés ainsi que par le recrutement de personnels dans des domaines prioritaires de la Défense nationale tels que le renseignement ou la cyberdéfense, et de développer les crédits relatifs à l’entretien programmé des matériels (EPM) ainsi qu’aux programmes d’équipement majeurs (PEM), à hauteur de 500 millions d’euros pour chaque composante. Il sécurise en outre les ressources perçues par le ministère de la Défense en lui attribuant des crédits budgétaires en lieu et place des recettes exceptionnelles, ceci permettra à l’État de négocier la vente des fréquences hertziennes dans de meilleures conditions, en étant dégagé de la contrainte du temps et de la pression des armées.

Le rapporteur constate également que les succès enregistrés en matière d’exportation d’armement lors des deux dernières années (à hauteur de 6,87 milliards d’euros en 2013, soit une augmentation de plus de 40 % par rapport à 2012, puis à hauteur de 8,3 milliards d’euros en 2014), renforcent aussi les marges de manœuvre du ministère de la Défense (notamment parce qu’en l’absence d’exportation d’avions Rafales, celui-ci aurait été contraint d’acheter 11 appareils par an à Dassault, afin de maintenir la chaîne de production, pour un coût supérieur à 1 milliard d’euros par an). Ainsi, l’importance du soutien des armées aux opérations d’exportation trouve ici toute sa justification.

La LPM se trouve ainsi actualisée dans les meilleures conditions.

Par conséquent, l’engagement de la France pour son outil de défense devrait être mieux reconnu, notamment par nos partenaires européens. À cet égard, le rapporteur rappelle toute l’importance de la proposition de résolution européenne, déposée par le groupe socialiste le 21 avril 2015, relative à la juste appréciation des efforts faits en matière de défense et d'investissements publics dans le calcul des déficits publics. À cette fin, les parlementaires signataires de cette résolution engagent le Gouvernement à demander une négociation du Protocole n° 12 annexé au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), depuis le Traité de Lisbonne, qui définit le déficit structurel opposable pour l’application des règles européennes. L’objectif premier de cette révision du Protocole porterait ainsi sur la réduction de l’intégration dans le déficit structurel des dépenses qui sont faites par certains États pour le bien-être et la sécurité de l’Europe tout entière, à l’instar des opérations extérieures françaises récemment menées au Mali et en Centrafrique. La même logique conduirait d’ailleurs à envisager la prise en compte de situations analogues, telles que les dépenses engagées dans le dispositif Frontex, utile à l’ensemble d’une zone dont tous les États ne sont pas des contributeurs équivalents.

Dans un second temps, les parlementaires signataires estiment que cette révision du Protocole n° 12 devrait être l’occasion de s’interroger sur l’intégration au déficit budgétaire tel que prévu par les traités et règles européens des investissements dits d’avenir c’est-à-dire ceux qui n’ont d’autre objet que de permettre un développement de la richesse lui-même générateur de recettes, fût-ce à terme, pour les caisses de l’État. Le rapporteur souligne notamment l’importance des dépenses de défense dans ces investissements d’avenir puisqu’elles permettent à la fois de développer des technologies duales mais aussi de maintenir une industrie de pointe sur le territoire national. La défense nationale ne peut seulement être envisagée comme un coût, par ailleurs indispensable, pour la Nation, mais doit également être reconnue dans sa composante industrielle et technologique créatrice de richesses.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission examine, pour avis, le projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense (n° 2779) sur le rapport de M. Jean Launay.

M. Jean Launay, rapporteur pour avis. Nous sommes réunis pour examiner le projet de loi d’actualisation de la loi de programmation militaire – LPM – du 18 décembre 2013. La LPM prévoit en effet, dans son article 6, deux rendez-vous d’actualisation afin de vérifier avec la représentation nationale la bonne adéquation entre les objectifs fixés et les moyens effectivement mis en œuvre. Le premier de ces rendez-vous, prévu en 2015, correspond à l’objet du présent projet de loi, tandis que la seconde actualisation aura lieu en 2017.

Comme chacun ici en est conscient, depuis le vote de la loi en décembre 2013, le contexte sécuritaire s’est dégradé, tant sur le plan international que sur le plan national. Nos forces armées doivent aujourd’hui faire face à des engagements multiples, au Mali, en Centrafrique, en Irak, mais aussi sur le territoire national puisque, à la suite des dramatiques attentats qui ont touché notre territoire le 7 janvier 2015, le Gouvernement a décidé le renforcement du plan Vigipirate et le déploiement permanent de 7 000 hommes sur le territoire national dans le cadre de l’opération Sentinelle.

Par ailleurs, le retour d’une politique de puissance de la Russie, comme le démontrent la guerre en Ukraine et le triplement, en l’espace de quelques années seulement, du budget militaire russe, ainsi que l’aggravation des cybermenaces ou encore les exigences accrues en matière de surveillance de notre espace maritime ont rendu nécessaire un renforcement de notre outil de défense. En matière de défense, l’anticipation est une vertu essentielle.

Or, l’inquiétude légitime des militaires, dont les missions se sont multipliées alors même que leurs crédits apparaissaient parfois fragilisés, notamment par un recours excessif à des ressources exceptionnelles et non budgétaires, appelait une réponse forte au plus haut niveau de l’État.

C’est justement cette réponse que le chef de l’État, chef des armées, a apportée, à l’issue du Conseil de défense du 29 avril 2015, en rappelant que « la sécurité, la protection et l’indépendance sont des principes qui ne se négocient pas » donnant ainsi au ministère de la Défense les garanties qu’il attendait sur le volume et la qualité des crédits qui lui échoient. En particulier, la priorité affichée du présent projet de loi d’actualisation est de renforcer le principe de protection du territoire, qui constitue, aux côtés de la dissuasion et de l’intervention, l’axe stratégique majeur qui a guidé l’élaboration du nouveau contrat dévolu aux forces armées par la présente loi d’actualisation.

On assiste au développement de véritables opérations intérieures, qui viennent s’ajouter aux opérations extérieures – OPEX – pour constituer une double défense du centre et de la périphérie, ou de l’avant et de l’arrière selon la terminologie employée dans la LPM. Pour ce faire, il est nécessaire de pouvoir compter sur un format de forces élargi, car pour positionner un homme sur le terrain, il faut trois hommes supplémentaires. Cet élargissement du format des forces terrestres est donc nécessaire pour ne pas courir le risque d’une asphyxie de notre modèle d’armée, ainsi qu’ont pu le vivre les Britanniques à la suite de leur déploiement massif en Irak.

C’est donc pour moi un plaisir que de rapporter aujourd’hui devant vous ce projet de loi qui apporte un double renforcement, qualitatif mais aussi quantitatif, des crédits du ministère de la Défense.

Cet effort financier est d’une ampleur que nous n’imaginions pas il y a quelques mois encore malgré les demandes pressantes de nos armées, malgré la vigilance du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, et malgré les interrogations formulées par les députés de tous bords sur le sort réservé aux sociétés de projet comme sur le devenir des ressources exceptionnelles.

Précisons d’emblée que la commission des Finances s’est saisie des quatre articles qui composent le chapitre Ier, dont le rapport annexé à l’article premier. Ces articles concernent, en effet, la programmation financière ainsi que la trajectoire des ressources humaines, tandis que les autres chapitres relèvent principalement du champ de compétences de la commission des Lois et de la commission de la Défense, notamment quant à la réforme du statut des militaires à la suite des récentes décisions de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière.

Ce projet de loi d’actualisation comporte, sur le plan de la programmation financière et de l’évolution des effectifs, trois décisions d’importance majeure

En premier lieu, la part des recettes exceptionnelles dans les crédits du ministère de la Défense, pour la période 2015-2019, est drastiquement réduite en faveur de crédits budgétaires. Ce sont ainsi près de 5,2 milliards d’euros de recettes exceptionnelles qui seront remplacés par des crédits budgétaires, plus fiables quant à leur montant et quant à leur calendrier de perception.

En second lieu, le présent projet de loi prévoit de renforcer substantiellement les crédits qui bénéficieront au ministère de la Défense sur les quatre années qui sont celles de la programmation actualisée de 2016 à 2019. Ce sont ainsi 3,8 milliards de crédits supplémentaires qui seront répartis sur ces quatre années et qui viendront s’ajouter aux 5,2 milliards d’euros prévus en remplacement des ressources exceptionnelles. Au total, par cette actualisation, près de 9 milliards d’euros supplémentaires bénéficieront au ministère de la Défense, pour partie en remplacement des ressources exceptionnelles, à hauteur de 5,2 milliards d’euros, et pour partie en ouvertures nettes pour le ministère de la Défense, à hauteur de 3,8 milliards d’euros.

Enfin, 18 500 postes seront préservés sur les 34 000 suppressions initialement prévues dans la LPM, ce qui permettra une redéfinition du contrat opérationnel des forces terrestres. Le nouveau contrat portera de 66 000 à 77 000 le réservoir d’hommes disponibles pour la force opérationnelle terrestre, soit 11 000 personnels supplémentaires.

Cette moindre déflation des effectifs mobilisera 2,8 milliards d’euros sur les 3,8 milliards d’euros supplémentaires accordés à la défense, soit la plus grande partie de ces crédits, tandis que le milliard d’euros restant sera affecté à l’entretien programmé des matériels – EPM – ainsi qu’aux programmes d’équipement majeurs, chacun à hauteur de 500 millions d’euros. L’équipement des forces bénéficiera également du redéploiement, en interne, d’un milliard d’euros, rendu possible par la baisse du coût des facteurs, en particulier par la baisse du coût du carburant, mais aussi par l’évolution favorable du cours de la monnaie et des marchés de fournitures.

Certains d’entre vous paraissent dubitatifs. Je précise que le ministère des Finances récupère d’habitude les économies réalisées au titre de la baisse du coût des facteurs, tandis qu’elles resteront affectées, en ce cas, au ministère de la Défense. Ceci représente déjà une avancée.

Je rappelle néanmoins que la LPM n’a qu’une valeur programmatique, les décisions normatives dans le domaine budgétaire relevant exclusivement des lois de finances, et que ces dispositions devront donc être traduites concrètement au moment des discussions budgétaires à venir.

Si cet effet de trésorerie peut être atténué par la levée de tout ou partie de la réserve de précaution ou par l’adoption d’un décret d’avance, il me semblerait souhaitable et plus sûr qu’une loi de finances rectificative intervienne rapidement.

Après cette présentation d’ensemble, je souhaite évoquer quelques points techniques et quelques points de vigilance.

Ce projet de loi permet un double renforcement, à la fois qualitatif et quantitatif, des crédits de la défense.

Pour bien comprendre de quoi il s’agit, il convient de rappeler qu’avant les annonces du président de la République le 29 avril dernier, la défense devait percevoir, sur l’ensemble de la période de programmation comprise entre 2014 et 2019, près de 8,45 milliards d’euros de recettes exceptionnelles.

En effet, si la LPM initiale ne prévoyait que 6,1 milliards d’euros de recettes exceptionnelles, cette somme a été augmentée au cours des deux dernières années, en même temps que l’inquiétude qu’elle provoquait puisque nous savons tous que les recettes exceptionnelles sont instables tant dans leur montant exact que dans leur calendrier de perception.

Toutefois, sur ces 8,45 milliards d’euros, il est nécessaire de distinguer entre les ressources exceptionnelles qui ont été ou qui seront perçues de manière certaine et les autres ressources plus incertaines. Ainsi, les ressources certaines représentent environ 3,2 milliards d’euros provenant du programme d’investissements d’avenir – PIA –, à hauteur de 2 milliards d’euros, des redevances immobilières à hauteur de 630 millions d’euros, des loyers perçus pour les fréquences déjà cédées par le ministère de la Défense, à hauteur de 200 millions d’euros, et des ventes de matériels militaires, à hauteur de 200 millions d’euros.

Sur ces recettes exceptionnelles qualifiées de certaines, 930 millions d’euros restent encore à percevoir d’ici la fin de la programmation, principalement celles liées aux cessions immobilières. Le montant des recettes exceptionnelles restant à trouver avant les annonces du président de la République était donc de 5,2 milliards d’euros. Sur cette somme, vous noterez que la vente des fréquences n’aurait représenté, selon les meilleures estimations, qu’un montant compris entre 2 et 2,5 milliards d’euros.

Par conséquent, même en cas de vente effective des fréquences – dont le rapport Charpin avait déjà constaté qu’elle ne pourrait avoir lieu en 2015 –, il restait encore environ 3 milliards d’euros à trouver, sans que l’on sache exactement quelle aurait pu être la provenance de ces ressources ; probablement de la vente de participations de l’État, mais avec le risque de fragiliser la politique industrielle de l’État, tout en restreignant ses revenus par la perte de dividendes que cela aurait entraîné.

Depuis l’engagement solennel du Président de la République et du Gouvernement le mois dernier, ces questions appartiennent, pour ainsi dire, au passé.

En effet, ce sont l’ensemble des 5 milliards d’euros de recettes exceptionnelles, c’est--à-dire à la fois les 2 ou 2,5 milliards d’euros qui devaient provenir de la vente des fréquences ainsi que les 3 milliards d’euros qui restaient à trouver, qui seront remplacés par des crédits budgétaires.

C’est donc un effort conséquent en faveur de notre défense, auquel viennent encore s’ajouter 3,8 milliards d’euros de crédits supplémentaires. Ce sont sur ces crédits que les médias ont attiré l’attention. Ils seront ventilés sur les années 2016 à 2019 et serviront à financer les dépenses de personnel liées à la moindre déflation des effectifs à hauteur de 2,8 milliards d’euros, soit 2,4 milliards d’euros pour le maintien de ces personnels et 400 millions d’euros pour les dépenses de fonctionnement associées à leur emploi. Ils serviront aussi à financer les crédits d’équipement à hauteur de 1 milliard d’euros, à raison de 500 millions d’euros pour l’entretien programmé des matériels et de 500 millions d’euros pour les programmes à effet majeur.

Enfin, concernant la diminution des effectifs de la mission Défense, celle-ci prévoyait initialement 33 675 suppressions de poste. Elle a été atténuée de 18 750 équivalents temps plein et s’établira donc à 14 925 suppressions, hors effectifs de volontaires liés à l’expérimentation du service militaire volontaire – SMV.

Il faut toutefois bien comprendre que ce ne sont pas forcément tous les postes dont la suppression était programmée qui seront sauvegardés : en effet, il faut aussi ouvrir de nouveaux postes pour renforcer les missions prioritaires que sont la cyberdéfense, le renseignement et la sécurité des sites. Il y a donc deux mouvements, l’un de suppression et l’autre de recrutement, qui ne se recoupent pas entièrement. La politique de dépyramidage mise en place par le ministère de la Défense est notamment poursuivie telle que prévue initialement.

C’est bien l’armée de terre, celle qui a le plus souffert des suppressions intervenues depuis une dizaine d’années, qui bénéficiera également le plus de cette moindre déflation des effectifs. Le contrat opérationnel des forces terrestres est en effet redimensionné afin que leur capacité opérationnelle soit de 77 000 hommes équipés et mobilisables sur le terrain, contre seulement 66 000 hommes dans la programmation initiale.

Cela permettra notamment de répondre dans la durée à l’opération Sentinelle, qui prévoit le maintien permanent sur le territoire de 7 000 militaires pour un coût annuel estimé à 260 millions d’euros.

Après avoir présenté ces grandes avancées, dont je me réjouis et dont je sais que les armées se félicitent également – le chef d’état-major des armées Pierre de Villiers n’a-t-il pas déclaré devant notre commission de la Défense qu’il les avait souhaitées et qu’il s’agissait d’un « bon projet » –, j’en viens maintenant aux quelques points de vigilance qui méritent d’être mentionnés.

Tout d’abord, comme je l’ai souligné, ce sont près de 9 milliards d’euros de crédits budgétaires qu’il faudra dégager au cours des prochaines années, et cela dès la prochaine loi de finances rectificative à hauteur de 2,2 milliards d’euros. Il faudra donc nous assurer que ces sommes soient effectivement inscrites en loi de finances.

En outre, il conviendra d’être attentif à ce que ces mesures positives ne soient pas en partie amoindries par les mesures de régulation budgétaire qui interviennent en fin de gestion. Comme l’a souligné le chef d’état-major des armées devant notre commission de la Défense, « l’équation financière reste tendue ».

Notre expérience à ce jour est contrastée : si, en 2013, les annulations de crédit ont été supérieures aux ouvertures, cela n’a pas été le cas en 2014, année pour laquelle les ouvertures ont largement compensé, et même très légèrement dépassé, les annulations. Il faudra donc veiller, autant que cela sera possible compte tenu des contraintes budgétaires auxquelles est soumise la France, à ce que l’équilibre financier ainsi dessiné soit préservé dans la durée.

À défaut, le report de charges du ministère de la Défense, déjà très important puisqu’il atteint 3,5 milliards d’euros fin 2014, pourrait encore augmenter, ce qui fragiliserait autant le ministère de la Défense que les industriels qui sont en relation avec lui, et avec eux le tissu des petites et moyennes entreprises qui les entourent.

Il nous reste également à déterminer quel pourra être l’impact de la non-livraison des deux bâtiments de type Mistral à la Russie sur les comptes de DCNS et, au-delà, sur l’équilibre du programme 146 Équipement des forces. J’en profite pour saluer à cet égard les excellents résultats obtenus ces dernières années en matière d’exportation. Si ces exportations n’ont pas pour effet d’influer directement sur la revalorisation budgétaire de la LPM, elles contribuent à la vitalité de notre industrie et libèrent des crédits qui auraient pu être mobilisés, notamment en raison du contrat liant l’État à Dassault prévoyant l’achat de onze Rafale par an en cas d’absence d’exportations de cet avion.

Enfin, la même vigilance s’imposera quant au financement interministériel du surcoût lié aux OPEX. S’il est naturel et légitime que le ministère de la Défense y contribue au regard de son poids proportionnel dans le budget de l’État, il convient que sa contribution n’excède pas cette proportion. Je rappelle ainsi que les surcoûts OPEX se sont élevés à 1,12 milliard d’euros en 2014, en diminution de 132 millions d’euros par rapport à 2013, mais encore bien au-delà des 450 millions d’euros provisionnés en loi de finances initiale. Le même schéma risque de se reproduire en 2015, bien qu’il soit probable que le surcoût soit inférieur à celui enregistré en 2014. Il est donc essentiel que le ministère de la Défense ne soit pas l’objet d’annulations supérieures à son poids relatif dans le budget de l’État, soit directement, soit indirectement à travers les mesures de régulation déjà évoquées.

En dehors de ces quelques points de vigilance, nécessaires à la bonne exécution de toute loi à visée programmatique, je pense que le présent projet de loi d’actualisation offre au ministère de la Défense toutes les garanties nécessaires à l’accomplissement de ses missions dans les meilleures conditions.

Alors que certains avaient pu craindre une révision à la baisse des objectifs fixés par la LPM initiale, c’est une révision à la hausse que prévoit ce texte d’actualisation ; il maintient à tout le moins la crédibilité du texte initial. Nos différentes actions et prises de position, en lien avec mon collègue François Cornut-Gentille mais aussi avec nos collègues de la commission de la Défense, et qui visaient à interpeller le Gouvernement sur la fragilité des recettes exceptionnelles, ont été prises en considération et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Il ne s’agit bien évidemment pas de facilités offertes à la défense, mais bien de la prise en compte de la nécessité d’accorder les moyens financiers correspondant à la diversification et à l’étendue des missions que nous confions à nos forces armées dans une situation sécuritaire qui s’est fortement dégradée. Comme le rappelait Michel Sapin récemment, « ce n’est pas le risque qui s’adapte aux finances, mais les finances qui doivent s’adapter au risque ».

C’est pourquoi, concernant le chapitre Ier de ce texte et le rapport annexé qui en détaille les objectifs, j’émets un avis très favorable à leur adoption, comme je vous invite à le faire vous-mêmes.

M. François Cornut-Gentille. À son habitude, Jean Launay a présenté la situation de manière à la fois objective et positive. Il faut cependant sans doute voir non seulement le verre à moitié plein, mais aussi le verre à moitié vide.

Au nombre des points positifs figure sans conteste l’abandon des ressources exceptionnelles au profit de ressources budgétaires, qui constitue une très bonne nouvelle, mais aussi une indéniable réorientation qui permettra un abondement des crédits et une moindre déflation du nombre des hommes. Les armées étaient, en effet, au bord de l’explosion.

Mais nous devons néanmoins rester vigilants sur le verre à moitié vide. En réalité, cette loi de programmation militaire permet seulement d’éviter l’explosion qui menaçait. Tout peut d’ailleurs encore être compromis si la fin de l’année 2015 se passe mal. Les intentions affichées fixent à 31,4 milliards d’euros l’effort à consentir en faveur de la défense, mais ce n’est jamais que le niveau qui était prévu avant que n’aient lieu toutes les opérations en cours. Il ne s’agit de rien moins qu’un cadeau, puisque ce sont seulement les dépenses initialement prévues pour faire beaucoup moins. La modification de trajectoire opérée reste cependant positive.

Je veux être également vigilant, mais optimiste, sur le milliard d’euros qui serait dévolu aux équipements, car les tensions budgétaires nées des opérations extérieures et de la gestion serrée des hommes risquent de faire naître au sein des crédits de personnel du titre 2 un déficit qui ne pourrait se résorber qu’au détriment du programme 146 Équipement des forces.

M. Jean-François Lamour. Comme mon collègue François Cornut-Gentille, je tiens à remercier le rapporteur pour avis de sa franchise. Son rapport soulève en effet quelques questions lourdes sur l’application de la LPM au cours des prochains exercices.

Il faut se réjouir de l’abandon des recettes exceptionnelles. Le recours à ces ressources était intenable, car elles n’étaient pas au rendez-vous en 2015, et ne le seront certainement pas en 2016, la vente de fréquences ne pouvant apporter de recettes qu’à partir de 2017. Les événements, à la fois sur le sol français et un peu partout dans le monde, ont rendu nécessaires cette remontée en puissance et une actualisation qui prévoit des moyens budgétaires supplémentaires à hauteur de 3,8 milliards d’euros.

Un point m’inquiète toutefois, à savoir les modalités de cette remontée en puissance de l’armée de terre, qui doit perdre 11 000 hommes de moins, alors que les ressources supplémentaires qui lui seront consacrées seront plus faibles au cours des prochains exercices. Lors de l’audition du chef d’état-major des armées et lors de l’audition du ministre, nous n’avons pu obtenir aucun élément concret à ce sujet. Or, nos hommes, comme nos matériels, sont extrêmement fatigués. Qu’en sera-t-il de cette absorption de besoins humains supplémentaires comme de l’équipement de nos forces, qui devra être en adéquation avec les sollicitations lourdes dont elles font l’objet ?

Le recours aux ressources exceptionnelles a été supprimé très clairement au profit d’une rebudgétisation. Nous saluons cette décision. Mais nous nous trouvons néanmoins en face d’autres incertitudes : dans quelle mesure le coût des facteurs baissera-t-il ? Quel sera le rendement de ces économies, exercice par exercice ? Nous n’avons pu obtenir de réponse sur ce point au cours des auditions. Il en va de même des cessions immobilières. Aucune évaluation de leur montant n’a été apportée, sur aucun de ces deux sujets.

Il nous faut donc obtenir des assurances quant à la capacité de l’État à mobiliser ces ressources, en tenant compte des aléas inhérents à leur perception, de façon à garantir la formation des personnels comme l’entretien et l’acquisition d’équipements. Tel est l’objet des amendements que j’ai déposés.

M. Charles de Courson. Au cours de notre audition du chef d’état-major des armées, nous avons compris que nous sommes aujourd’hui à la limite de la rupture en matériel et au début de la rupture s’agissant du personnel. Aussi faut-il se demander si les crédits supplémentaires prévus par ce texte donnent les moyens opérationnels à nos armées de faire face à nos engagements internationaux et d’assurer la sécurité intérieure.

En ce domaine, pour cause d’opération Vigipirate, nous déployons 7 000 hommes, après en avoir déployé jusqu’à 10 000, pour des tâches qui, selon moi, ne servent à rien. Viser quelques sentinelles ainsi postées n’est-il pas une opération élémentaire pour les terroristes ? Voilà autant de matériel gâché et de personnel épuisé. Je serais heureux, monsieur le rapporteur pour avis, de vous entendre sur ce sujet.

À propos du problème budgétaire, tout a été dit, sauf la façon dont l’inscription des ressources budgétaires en substitution des ressources exceptionnelles sera financée, notamment au regard du déficit budgétaire. Soit la réserve de 7 milliards d’euros, commune à tous les ministères, sera mobilisée, – alors même que la moitié avait déjà disparu avant même que le Parlement n’adopte les crédits, notamment pour financer les opérations extérieures –, soit la mobilisation des crédits concernera la seule réserve du ministère de la Défense.

Quant à l’incidence de la non-vente à la Russie des deux frégates, nous savons déjà que ce dédit coûtera entre 800 millions et un milliard d’euros. Que ferons-nous de ces deux bateaux ? Pour les opérations extérieures, ce sont seulement 450 millions d’euros qui sont inscrits au budget pour cette année, alors qu’il faut tabler sur un minimum de 1,1 milliard d’euros.

Le rapporteur pour avis a-t-il fait le tour de tous ces surcoûts ? Je ne vois pas comment ils pourraient ne pas dégrader encore le solde budgétaire.

M. le rapporteur pour avis. Mon rapport se veut non seulement une description, mais aussi un constat sans concession. Le présent projet de loi suppose un vote dans une prochaine loi de finances rectificative. Il n’en reste pas moins qu’il est préférable aux interrogations nourries tout au long des derniers mois quant à la trajectoire des ressources exceptionnelles.

Les annonces du chef des armées à l’issue du Conseil de défense ne résolvent pas à elles seules l’équation budgétaire globale. Mais mieux vaut qu’elles aient été faites et que ce conseil se soit tenu. Quant au recours à des ressources budgétaires, il est également à saluer, même si le présent projet de loi n’apporte certes pas de réponse quant à leur prise en compte dans le déficit global de l’État.

Verre à moitié vide ou à moitié plein ? Concentrons notre attention et notre travail en commun sur les points de vigilance. Quelque 3,8 milliards d’euros sont affichés sur les années 2016 à 2019, soit les quatre dernières années de la LPM.

Monsieur Lamour, il est certain que la vente des fréquences aura lieu. L’affaire est désormais entre les mains du ministère des Finances, qui pourra sans doute la conduire dans de meilleures conditions que s’il avait dû le faire sous la pression.

M. Jean-François Lamour. Le financement par des recettes exceptionnelles était intenable. Il fallait absolument cette actualisation.

M. le rapporteur pour avis. C’est pourquoi dans mes interventions, y compris au cours du débat sur l’amendement à la « loi Macron » instituant les sociétés de projet, j’avais défendu ce type de montage juridique. Nous devons tous œuvrer dans le même sens. Notre travail en commun a d’ailleurs déjà permis que soit abandonné plus rapidement que prévu le recours à des ressources exceptionnelles dont la survenance était irréaliste pour l’exercice 2015.

S’agissant du format de l’armée de terre, le titre 2 soulève de nombreuses interrogations. Comme nous avons pu le constater lors de l’audition par la commission de la Défense du secrétaire général pour l’administration, M. Jean-Paul Bodin, il est nécessaire d’abonder les lignes d’indemnisation du chômage de ce titre, de disposer de la budgétisation la plus sincère possible et de sortir de la spirale du déficit permanent – sans quoi ce titre 2 continuera à être réalimenté par des crédits d’équipement. La direction générale de l’armement ne saurait jouer en permanence le rôle de « porte-monnaie » des crédits de personnel. Cela dit, la gestion des ressources humaines est complexe dans ce ministère. C’est pourquoi il faut renforcer les outils d’aide au départ des personnels qui quittent l’institution.

Charles de Courson a exprimé un avis personnel très tranché quant à l’utilité de déployer 7 000 personnes sur le territoire national pour assurer notre sécurité intérieure : je lui laisse la responsabilité de son propos. Que n’aurait-on dit si le Gouvernement n’avait pas réagi à ces événements ! Quant à la question de leur financement, elle sera effectivement posée à l’occasion d’une loi de finances rectificative. J’ai personnellement choisi, puisque nul ne l’avait fait dans le cadre des auditions de la commission de la Défense, d’évoquer le risque que les bâtiments de projection et de commandement – BPC – Mistral ne soient pas vendus à la Russie, mesurant à quel point cela pouvait hypothéquer le budget dont nous discutons. Le ministère des Finances pourrait en effet être tenté de laisser le ministère de la Défense se sortir d’affaire sans lui.

Enfin, en ce qui concerne les OPEX, il n’est effectivement pas facile d’expliquer qu’en votant un budget de 450 millions d’euros – alors que l’on sait que ces opérations en coûteront un milliard –, on protège le budget de la défense. Mais à force de le répéter, on fera œuvre de pédagogie. Il faudra d’ailleurs le réexpliquer chaque année car je crains que ce phénomène ne soit durable.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends le discours positif de notre rapporteur. Certes, on nous annonce des économies sur les coûts de facteurs, mais il faudra les mesurer dans le courant de l’année. Il conviendra également d’enregistrer sur le plan comptable la non-vente des BPC. Enfin, s’agissant du coût des OPEX, vous avez indiqué tout à l’heure à très juste titre, monsieur le rapporteur, que vous souhaitiez le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative. Cela fait plusieurs mois que nous le réclamons à cor et à cri mais nous ne sommes pas entendus. Avez-vous bon espoir qu’un tel texte soit présenté avant l’été ?

M. le rapporteur pour avis. À ce jour, je ne dispose d’aucun élément qui me permette de vous rassurer.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

Chapitre Ier
Dispositions portant actualisation de la programmation militaire
pour les années 2015 à 2019

Article 1er : Approbation des modifications apportées au rapport annexé

La Commission examine l’amendement CF13 de M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Je défendrai en même temps les amendements CF13, CF16, CF6 et CF7, qui ont le même objet. J’ai recouru à l’artifice consistant à exiger du Gouvernement la publication de différents rapports, ce qui n’est guère dans mes habitudes mais c’était la seule manière de mettre en débat la disparition de la clause de sauvegarde qui permettait de mobiliser des ressources exceptionnelles. Je vous rappelle que dès lors que les ressources n’étaient pas au rendez-vous, le Gouvernement pouvait recourir à cette clause afin de mobiliser des crédits budgétaires interministériels et ainsi pallier le manque de ressources prévues en LPM et en loi de finances.

Le rapporteur a raison de considérer la disparition des ressources exceptionnelles comme une bonne chose. Mais nous voyons apparaître dans le budget deux ressources financières d’une grande fragilité : d’une part, le produit des cessions immobilières, et d’autre part, les économies réalisées sur les coûts de facteurs – carburant et inflation. Voilà qui est fort vague, d’autant que nous n’avons obtenu aucune information tangible, ni du ministre ni du chef d’état-major des armées, quant aux économies effectivement réalisées en 2014-2015 sur ces coûts.

Dans la mesure où certains de mes amendements ont été déclarés irrecevables, je souhaiterais qu’au cas où ces économies sur les coûts de facteurs ou le produit des cessions immobilières ne seraient pas au rendez-vous, on puisse de nouveau recourir à la clause de sauvegarde – qui est aujourd’hui du seul ressort du Gouvernement. Dans sa présentation, le général de Villiers, chef d’état-major des armées, a rappelé que la LPM était prévue à l’euro près et souligné qu’il veillerait à ce que ce milliard d’euros d’économies sur les coûts de facteurs soit au rendez-vous, d’une manière ou d’une autre. Mes amendements, qui prévoient la publication d’un rapport par le Gouvernement, permettront d’évoquer cette question en séance publique.

M. le président Gilles Carrez. Je rappelle que la loi organique relative aux lois de finances a introduit la possibilité pour les parlementaires d’augmenter les crédits d’un programme à condition de diminuer ceux d’un autre programme de la même mission. J’ai donc dû déclarer irrecevables tous les amendements qui prévoyaient des redéploiements de crédits entre différentes missions.

M. le rapporteur pour avis. Jean-François Lamour considère comme des ressources fragiles les 2 milliards d’euros issus de ressources exceptionnelles et du redéploiement d’une partie des crédits liés à l’évolution des indices, c’est-à-dire au coût des facteurs. J’entends ses arguments mais ne suis pas aussi inquiet que lui.

Quant au premier milliard d’euros, lié aux recettes exceptionnelles, il se décompose en deux parties. Un quart de ces recettes correspond à des ventes de matériel militaire relevant d’un fonds de concours automatiquement affecté au ministère de la Défense ; ces 250 millions d’euros ne posent donc pas de problème. Les trois quarts restants correspondent au produit des cessions immobilières du ministère. Ces deux types de biens ayant une réalité physique, ils trouveront des acheteurs certains. Lors de l’audition du chef d’état-major des armées, il nous a été dit que les recettes issues des cessions immobilières étaient plus importantes que prévu dès lors que l’on avait recours à l’appel d’offres et non à des marchés de gré à gré. Je considère donc que ces recettes exceptionnelles qui subsistent dans le budget de la défense ont un caractère certain à la différence des recettes exceptionnelles antérieures, qui reposaient sur la vente de fréquences.

Les doutes de Jean-François Lamour me paraissent plus légitimes concernant le second milliard d’euros, issu d’économies réalisées sur le coût des facteurs. Mais ce milliard d’euros n’est pas, en tout état de cause, une ressource nouvelle : il est comptabilisé dans les 31,4 milliards d’euros du budget de la défense. Les services de Bercy, lorsqu’ils négocient un budget avec un ministère, observent l’évolution du coût des facteurs et s’ils constatent une baisse de celui-ci, en retiennent la part correspondante sur ce budget. L’objectif est donc de garantir que le ministère des Finances ne reprendra pas au ministère de la Défense ce milliard d’euros d’économies. Il serait délicat de gager ce pouvoir d’achat supplémentaire sur une ressource budgétaire réelle car cela conduirait à augmenter finalement le budget de la défense d’un milliard d’euros si les indices n’évoluaient pas comme prévu.

Aujourd’hui, je constate que ce budget a augmenté de 9 milliards d’euros, ce qui n’est pas le cas des autres missions budgétaires. À nous de vérifier que ces crédits seront bien inscrits en loi de finances rectificative. Mais il paraît difficile d’y ajouter 2 milliards supplémentaires. J’émets donc un avis défavorable aux amendements de Jean-François Lamour.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur, avez-vous pu comparer les hypothèses formulées dans la précédente loi de programmation militaire afin de vérifier si le milliard d’économies prévu en matière de coût des facteurs était réaliste ou pas ?

M. le rapporteur pour avis. Non, compte tenu du délai dans lequel j’ai été nommé rapporteur. Mais j’y veillerai. Sachez que cela fera partie des points sur lesquels nous serons vigilants dans l’exercice de notre pouvoir de contrôle de l’application de la loi.

M. Jean-François Lamour. Je comprends parfaitement la réaction du rapporteur en ce qui concerne les cessions immobilières. S’agissant en revanche des coûts des facteurs, on évoque une économie de l’ordre de 250 millions d’euros par an. Or, le coût du carburant supporté par le ministère, toutes armées confondues, est de l’ordre de 450 à 500 millions d’euros par an. Je vois donc mal comment une telle économie sera possible même si le prix du pétrole est bas.

Le rapport prévu dans mon amendement sur la clause de sauvegarde mériterait d’être exigé du Gouvernement car celui-ci a été, jusqu’à aujourd’hui, dans l’incapacité de nous fournir une quelconque information sur ces coûts de facteurs. Ce rapport serait très utile au rapporteur et nous permettrait de mesurer les conséquences de l’augmentation de ces indices au fur et à mesure de l’application de la LPM, y compris sur l’exercice 2015.

M. le rapporteur pour avis. Je maintiens mon avis défavorable et m’engage à rédiger moi-même le rapport d’application de la loi.

M. le président Gilles Carrez. C’est exactement ce que j’allais vous proposer. Car seul le rapporteur spécial dispose des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place nécessaires pour effectuer ce type d’évaluation.

La Commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement CF16 de M. Jean-François Lamour.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1ersans modification.

Article 2 : Programmation des ressources financières

La Commission est saisie des amendements CF1 et CF2 du président Gilles Carrez qui font l’objet d’une présentation commune.

M. le président Gilles Carrez. L’amendement CF1 concerne le cadrage financier général : la conversion de recettes exceptionnelles en crédits budgétaires supplémentaires se fera-t-elle dans le respect des normes générales d’évolution de la dépense publique, que ce soit en valeur ou en volume ?

Quant à l’amendement CF2, il a trait à la régulation budgétaire infra-annuelle. Il serait contradictoire d’opérer des annulations de crédits sur le budget de la défense, car cela supposerait de lui allouer des crédits budgétaires supplémentaires. Ces amendements visent à poser le problème des contraintes financières globales.

M. le rapporteur pour avis. Ces amendements, visant à garantir que ces crédits supplémentaires ne viendront pas alourdir le déficit public, ne me paraissent pas indispensables. J’y vois une mesure de précaution dans la perspective du débat à venir sur l’équilibre budgétaire et des négociations qui auront lieu entre les différents ministères
– chacun d’entre eux pouvant légitimement soutenir qu’il a des priorités à financer. Mais il revient au ministère des Finances de veiller à la trajectoire d’évolution de nos finances publiques.

Notre groupe a déposé une proposition de résolution européenne portant sur la juste appréciation des efforts faits en matière de défense et d’investissements publics dans le calcul des déficits publics. Il conviendrait en effet d’extraire les dépenses du ministère de la Défense, en particulier celles relatives aux OPEX, du champ des dépenses publiques – comme le savent nos partenaires, notre pays est effectivement en première ligne pour défendre l’Europe. Mieux vaudrait adopter cette résolution plutôt que de prendre le risque de créer des rivalités entre les différents ministères. Si je comprends l’objet de vos amendements, j’émets donc un avis défavorable à leur adoption.

M. Charles de Courson. L’amendement CF1 soulève la question de la portée budgétaire de la LPM par rapport à celle de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Sont fixés dans cette dernière des plafonds que l’on ne peut dépasser sans avoir au préalable voté une loi de finances rectificative. En revanche, il ne me semble pas que le texte que nous votons aujourd’hui ait de portée budgétaire.

M. le président Gilles Carrez. Dans son exposé liminaire, le rapporteur a clairement indiqué que le déblocage effectif et opérationnel des crédits du ministère relevait de la loi de finances et non de la loi de programmation militaire.

M. Charles de Courson. Dans ce cas, à quoi cette dernière sert-elle ?

M. le président Gilles Carrez. La loi de programmation militaire n’est pas une loi de finances et la loi de programmation pluriannuelle n’a pas de primauté sur les lois de finances, conformément à la loi organique du 17 décembre 2012.

M. Charles de Courson. Ce que nous sommes en train de voter n’a pas de portée juridique.

M. le rapporteur pour avis. J’ai indiqué moi-même qu’une loi de finances rectificative serait nécessaire.

M. le président Gilles Carrez. Si j’ai déposé ces amendements, c’est aussi parce qu’il semble que nous n’examinerons pas de collectif budgétaire avant la fin de l’année.

La Commission rejette successivement les amendements CF1 et CF2.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur avis, elle rejette successivement les amendements CF6 et CF7 de M. Jean-François Lamour.

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 sans modification.

Article 3 : Effectifs du ministère de la Défense

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

Article 4 : Rapport d’évaluation et actualisation de la programmation

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 sans modification.

Chapitre IV
Dispositions relatives à l’expérimentation d’un service militaire volontaire

Article 17 : Création d’un cadre juridique autonome pour le service militaire volontaire

La Commission est saisie de l’amendement CF9 de M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Le projet de loi prévoit de transposer à titre expérimental le service militaire adapté – SMA –, existant en outre-mer, en créant en métropole service militaire volontaire. Il semble que le SMA ait produit d’excellents résultats en ayant permis à des jeunes manquant de repères de se réinsérer dans la société grâce à un encadrement essentiellement militaire mais également civil.

Or, alors que le SMA est financé par le budget de l’outre-mer, le service militaire volontaire le sera sur le budget de la défense. Le chef d’état-major des armées a jugé que la création de ce service était une bonne initiative mais il a également considéré que l’armée atteignait déjà sur ses fonds propres ses objectifs sociaux, en particulier en matière de recrutement, de formation et même de reconversion de celles et ceux qui, au terme d’une période passée dans l’armée, regagnaient la vie civile.

Il nous semble donc que le financement de cette expérimentation, qui concerne environ un millier de jeunes, devrait être assuré par la mission Travail et emploi plutôt que par la mission Défense. On parle d’une dépense de l’ordre de 50 à 60 millions d’euros. Mais selon mes calculs, on approcherait plutôt les 80 millions si l’on se réfère à l’encadrement en vigueur en outre-mer. C’est une charge supplémentaire puisque ce service militaire volontaire n’existait pas dans la précédente LPM. Il me semble donc nécessaire de trouver d’autres lignes budgétaires pour laisser à nos armées l’entière disposition de leurs ressources. Ces dernières sont comptées alors que l’on confie à l’armée de très nombreuses missions, tant en opérations extérieures qu’intérieures.

M. le rapporteur pour avis. J’entends vos arguments d’autant qu’il existe des établissements gérés par des militaires, tels que l’Établissement public d’insertion de la défense – EPIDE –, qui sont financés par la mission Travail et emploi. Mais nous n’en sommes aujourd’hui qu’à une phase d’expérimentation du service militaire volontaire et son rattachement définitif à la mission Défense n’a pas encore été décidé. Selon les chiffres qui m’ont été donnés, cette expérimentation devrait coûter 35 millions d’euros pour 1 000 jeunes.

À ce stade, je vous propose de retirer votre amendement. Attendons de voir si le dispositif est maintenu et généralisé.

M. Jean-François Lamour. Je ne doute pas de votre bonne foi, monsieur le rapporteur, mais je préférerais entendre cet argument de la bouche même du ministre de la Défense. Cette expérimentation ne devrait concerner que 1 000 jeunes sur trois sites mais le dispositif risque de monter rapidement en puissance et l’on pourrait se retrouver avec des budgets de 100 à 150 millions d’euros. Or, l’armée ne pourra supporter une telle charge supplémentaire en 2017 ou 2018. Je maintiens donc mon amendement afin que ce point puisse être évoqué en séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 sans modification.

Enfin, la Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie.

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ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

– M. Philippe Decouais, conseiller budgétaire du ministre de la Défense et Mme Christine Mounau-Guy, conseillère parlementaire

– le Général Benoît Puga, chef d’état-major particulier du Président de la République

– M. Hugues Bied-Charreton, directeur des affaires financières du ministère de la Défense.

Participation aux auditions menées par la commission de la Défense de :

– M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense

– M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration

– le Général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées

– M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement

– le Général Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air

– le Général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de terre

– l’Amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la marine

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