N° 3223 - Rapport de M. Guillaume Garot sur la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux, Guillaume Garot, Mme Barbara Pompili, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mme Brigitte Allain, MM. Hervé Pellois, Dominique Potier et Jean-Pierre Decool et plusieurs de leurs collègues relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (3052)




N
° 3223

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 novembre 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à lutter contre le gaspillage alimentaire (n° 3052)

PAR M. Guillaume GAROT

Député

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3052.

SOMMAIRE

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Pages

I. L’IMPORTANCE DE L’IMPULSION PUBLIQUE : POURQUOI UNE LOI ? 7

A. LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORT AU PREMIER MINISTRE SUR LA LUTTE CONTRE LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE 7

B. LA NÉCESSITÉ D’UNE LOI, VALEUR JURIDIQUE ET VALEUR POLITIQUE 9

II. DES ENJEUX MAJEURS QUI NÉCESSITENT UNE MOBILISATION DE TOUS LES ACTEURS 11

A. LA LUTTE CONTRE LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE, PILIER D’UNE POLITIQUE PUBLIQUE VERS UNE ALIMENTATION PLUS DURABLE 11

B. RENFORCER 1L’ÉDUCATION ALIMENTAIRE POUR REVALORISER LA NOURRITURE 12

C. LA RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES, VECTEUR DE MOBILISATION DE TOUTES LES ENTREPRISES 12

EXAMEN EN COMMISSION 15

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 15

II. EXAMEN DES ARTICLES 15

Article 1er(articles L. 541-15-4, L. 541-15-5 et L. 541-15-6 [nouveaux] du code de l’environnement) : Diverses mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire 27

Article 2 (article 1386-6 du code civil) : Don de produits vendus sous marque de distributeur 31

Article 3 (article L. 312-17-3 du code de l’éducation) : Sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire à l’école 33

Article 4 (article L. 225-102-1 du code de commerce) : Inclusion de la lutte contre le gaspillage alimentaire dans la RSE des entreprises 35

TABLEAU COMPARATIF 37

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 45

INTRODUCTION

Aujourd’hui, l’impératif de lutter contre le gaspillage alimentaire semble dans tous les esprits. Les consommateurs prennent conscience de l’ampleur et de l’injustice de ce phénomène ; des initiatives spontanées et vertueuses éclosent dans tous nos territoires ; les agriculteurs, les industriels, les distributeurs s’organisent pour limiter les pertes alimentaires ou pour soutenir les associations caritatives. La lutte est en marche. Elle est encore balbutiante.

Aujourd’hui, nous devons passer à une nouvelle étape contre le gaspillage alimentaire. Les bonnes volontés, qui procèdent d’un esprit citoyen remarquable, ne suffisent plus. Le temps est venu d’inventer une politique publique contre le gaspillage alimentaire, pour lever les verrous et les freins à une action d’ampleur, aux résultats tangibles et durables. Le cap de cette politique publique a été fixé dans un rapport au Premier ministre en avril 2015 (1). La présente proposition de loi en est l’aboutissement législatif.

Sur ce terrain, la France a un rôle majeur à assumer, en particulier dans la perspective de la COP 21 qui se tiendra à Paris dans les jours à venir. Il convient à ce titre de saluer l’action du Gouvernement, qui a permis une impulsion publique majeure dans le champ du développement durable, avec l’adoption de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte. Les dispositions relatives à la lutte contre le gaspillage alimentaire de cette proposition de loi complèteront une stratégie nationale structurante pour les années à venir.

Ainsi, trois grands principes doivent guider la politique nationale contre le gaspillage alimentaire.

Premier principe : la responsabilité. Elle concerne chaque acteur de la chaîne alimentaire : le producteur, l’industriel, la grande surface, l’association qui reçoit des dons et, bien sûr, le consommateur. Comment supporter que l’on jette aujourd’hui quand tant d’hommes et de femmes ont des difficultés à se nourrir correctement dans notre pays, et que près d’un milliard d’êtres humains souffrent de la faim à l’échelle planétaire ? Il convient de veiller à ce que chacun dispose des outils pour exercer cette responsabilité.

Deuxième principe : l’éducation. Il faut redonner toute sa valeur à l’alimentation, qui vaut en tant que telle, mais qui incorpore aussi des efforts, du travail et des ressources. Or, trop souvent, un produit qui a une faible valeur marchande, dans notre société de consommation, perd également sa valeur « culturelle ». La lutte contre le gaspillage passe par le respect de l’alimentation, donc par le respect du travail de celui qui a produit la nourriture. L’éducation à l’alimentation doit être mise en avant afin de valoriser l’acte de production et de transformation.

Troisième principe : le développement durable. La lutte contre le gaspillage alimentaire accompagne la naissance d’un nouveau modèle de développement. Lutter contre le gaspillage, c’est consommer autrement, mais c’est aussi produire autrement, et, d’une certaine façon, vivre ensemble autrement. Cette lutte renvoie à un vrai choix de société, qui implique de modifier les comportements, les modes de production et de consommation, les façons d’enseigner, d’élaborer ou de se nourrir. Bref, c’est toute la société qui est interpellée.

Mais la politique de lutte contre le gaspillage alimentaire ne réussira que si elle s’inscrit dans la durée. Ainsi, votre rapporteur a choisi une démarche politique de rassemblement : les dispositions de la présente proposition de loi ont déjà obtenu l’unanimité de l’Assemblée nationale lors du débat de la loi relative à la transition énergétique, et sont restituées dans le même esprit. Afin de préserver cette conscience partagée de l’urgence d’agir, et d’agir ensemble, tous les groupes politiques sont représentés parmi les signataires de cette proposition de loi.

Cette dernière est constituée de quatre articles. Le premier vise à inscrire dans la loi la hiérarchie des actions à mettre en place pour récupérer et valoriser les denrées alimentaires, pour éviter leur gaspillage, de la prévention à l’utilisation à des fins énergétiques, en passant par la récupération à des fins de consommation ou pour l’alimentation animale. Cet article prévoit également qu’une convention devra systématiquement encadrer le don alimentaire des grandes et moyennes surfaces vers les associations caritatives habilitées. Il prévoit enfin une sanction pour éviter la destruction volontaire de denrées alimentaires encore consommables par les commerces de détail – aussi appelée « javellisation ». L’article 2 modifie le régime juridique de la responsabilité des producteurs du fait de produits défectueux, afin de lever le blocage des dons de biens alimentaires sous marques de distributeur par leur fabricant. L’article 3 prévoit explicitement que la lutte contre le gaspillage alimentaire fait partie intégrante du parcours scolaire. Enfin, l’article 4 insère la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le champ de la responsabilité sociétale des entreprises.

Le présent rapport se situe dans la continuité du rapport d’avril 2015 rendu au Premier ministre : il se focalise sur l’examen des dispositions législatives qui en découlent, qui doivent toutefois s’inscrire dans une politique publique globale, portée par le Gouvernement, les collectivités territoriales et la société civile.

– Inscrire dans la loi une hiérarchie des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire

– « Je ne jette plus » : une communication innovante

– Rendre plus compréhensibles les dates de péremption figurant sur les produits alimentaires

– Organiser des journées locales de collecte

– L’éducation tout au long de la vie à une alimentation durable

– Grande distribution : interdiction de jeter

– Rendre obligatoire le don des invendus alimentaires consommables à toute association caritative habilitée qui en fait la demande

– Interdiction de dégrader une denrée alimentaire :  « non à l’eau de Javel ! »

– Un encadré anti-gaspi obligatoire sur les supports publicitaires de la grande distribution

– Rendre possible le don des produits marque distributeur refusés

– Utiliser des QR codes pour diffuser de l’information

– Adapter la taille des contenants, des emballages et des portions à la demande des consommateurs

– Une meilleure utilisation des dates de péremption

– Favoriser l’utilisation des coproduits dans l’alimentation animale

– Élargir la défiscalisation aux produits transformés

– Mieux encadrer le glanage

– Renforcer la formation des professionnels contre le gaspillage alimentaire

– Promouvoir le doggy bag

– Confier à une agence publique la mise en œuvre des actions nationales de lutte contre le gaspillage

– Mesurer le gaspillage alimentaire

– Faire appel à des foyers volontaires pour mesurer le gaspillage alimentaire domestique

– 1 000 contrats de service civique contre le gaspillage alimentaire

– Organiser des appels à projets pour encourager l’innovation

– Une certification anti-gaspi

- Dons de qualité, dons mesurés : exiger des contreparties à la défiscalisation

– Étudier l’impact des lois nationales et des règlements européens sur le gaspillage alimentaire

– Construire des partenariats innovants pour lever les obstacles logistiques

– Des assises territoriales pour un Agenda local contre le gaspillage alimentaire

– Mettre en place des filières activables en cas de crise de production

– Coordonner les politiques publiques touchant à l’alimentation

– Un comité interministériel de lutte contre le gaspillage alimentaire réuni périodiquement

– Récupérer n’est pas voler : une circulaire pénale pour recommander la clémence

– Un comité européen de lutte contre le gaspillage alimentaire

– Faire évoluer la réglementation européenne pour réduire le gaspillage alimentaire

– Intégrer la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les négociations de la COP 21

– Un « 1 % lutte contre le gaspillage »

Les dispositions de nature législative sont reprises par la présente proposition de loi : elles font l’objet d’un examen plus attentif dans la seconde partie de ce rapport. Toutefois, elles ne prendront toute leur ampleur que si elles sont accompagnées des mesures réglementaires qui les appliquent ou qui s’élaborent dans leur sillage.

Parmi les dispositions réglementaires que pourra prendre le Gouvernement, un travail de fond a commencé sur la révision du système des dates limites de consommation et d’utilisation optimale des produits. Pour rappel, les denrées périssables, à conserver au frais, présentent une date limite de consommation (DLC). Celle-ci s’applique aux produits dont la péremption est susceptible de présenter un danger pour la santé humaine, comme la viande vendue en barquette ou les produits laitiers. À l’inverse, certains produits stérilisés ou secs, qui n’ont pas à être conservés au réfrigérateur, comportent généralement une date limite d’utilisation optimale (DLUO), devenue date de durabilité minimale (DDM) en vertu des dernières dispositions européennes (2). C’est le cas par exemple des gâteaux secs. Une fois la date passée, la denrée ne présente pas de danger mais peut en revanche avoir perdu tout ou partie de ses qualités organoleptiques (le goût, la couleur ou la texture du produit peuvent avoir évolué).

Ainsi, les produits dont la DDM est dépassée sont encore consommables, ce qui est insuffisamment connu. Le travail réglementaire actuellement en cours, qui associe des acteurs de la société civile comme l’Association nationale des industries agro-alimentaires (ANIA), va permettre que certains produits, comme le sel ou l’huile, ne comportent plus de DDM, ou que ces dernières soient allongées pour prévenir le gaspillage alimentaire.

En outre, l’intervention du Gouvernement sera nécessaire, en appui de la présente initiative législative, pour renforcer l’appareil national de mesure du gaspillage alimentaire, via les instituts statistiques comme l’Insee ou la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). La mesure du gaspillage alimentaire est le prérequis à toute intervention publique de qualité, ainsi que le rappelle l’association SOLAAL.

Au niveau territorial, l’action des collectivités territoriales et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) doit constituer le relais de la politique nationale. La fédération d’associations France nature environnement (FNE) a rappelé l’importance d’un maillage territorial efficace de la lutte contre le gaspillage alimentaire, pour toucher un maximum de foyers dans leurs pratiques quotidiennes. Le rapport d’avril 2015 précité recommande ainsi de mettre en place des assises territoriales de lutte contre le gaspillage alimentaire, tandis que les collectivités territoriales promeuvent des initiatives comme le « territoire zéro déchet ».

Enfin, l’importance de la sensibilisation aux bonnes pratiques dépend davantage d’une action publique sous forme de soft law : il s’agit de faire confiance aux acteurs de la société civile concernés pour entreprendre des actions vertueuses en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, de la proposition systématique de doggy bag dans les restaurants aux campagnes spontanées des enseignes de la grande distribution. Ainsi, en août 2015, à l’initiative de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, les principales entreprises de la grande distribution ont signé une charte d’engagements volontaires pour accompagner l’objectif de réduction par deux du gaspillage alimentaire à l’horizon 2025. Déjà en juin 2013, le Pacte national « anti-gaspi », porté par votre rapporteur, procédait de la même logique, et mettait tous les acteurs autour de la table pour rendre la lutte contre le gaspillage alimentaire plus cohérente et plus efficace.

Le recours à une initiative parlementaire pour lancer la politique nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire répond à deux motivations principales.

Tout d’abord, certaines préconisations fondatrices de cette politique nationale nécessitent une intervention législative. C’est notamment le cas de l’inscription dans la loi d’une hiérarchie des actions de prévention et de réduction du gaspillage alimentaire, qui, par sa portée générale et sa vocation structurante dans l’économie circulaire, relève logiquement de la loi. De même, l’obligation de structurer les relations de don alimentaire entre grandes surfaces et associations par une convention a pour justification la nécessité de poser des règles claires, de fixer un cadre normatif sécurisant pour tous les acteurs.

En outre, certains blocages sont eux-mêmes le fait de la loi : le code civil empêche aujourd’hui d’apporter la bonne réponse en matière de responsabilité juridique des producteurs, et se traduit par une impossibilité de don de denrées alimentaires tout à fait consommables. Plus précisément, en empêchant certains opérateurs d’être responsables de leur don, la loi décourage ce dernier en instaurant un risque juridique important. C’est le cas des produits vendus sous marque de distributeur (cf. commentaire de l’article 2). De même, le renforcement du régime de contrôle et de sanction des manquements aux dispositions législatives de lutte contre le gaspillage alimentaire, de nature régalienne, suppose l’intervention de la loi.

La seconde motivation d’où découle cette initiative législative est d’ordre symbolique. C’est la capacité de la loi à fixer un cap, un horizon d’action structurant, duquel procède les dispositions réglementaires ou les politiques territoriales. Ainsi, la portée normative de certaines dispositions, comme celles qui encouragent le développement de l’éducation alimentaire ou appellent à la sensibilisation et à la mobilisation de tous les acteurs de la société civile, tient à leur valeur d’orientation pour l’action publique au sens général.

Le défi du gaspillage alimentaire dépasse en réalité le cadre national, dans lequel intervient la présente proposition de loi. Il concerne l’ensemble de la planète : en 2050, nous serons passés de 7 milliards d’êtres humains à 9 milliards. Selon la FAO (3), il faudrait augmenter de 70 % la production agricole mondiale, tandis que 30 % de cette dernière sont aujourd’hui perdus. Dans les pays en voie de développement, les technologies logistiques (stockage, transport) sont insuffisantes et se traduisent par d’immenses pertes agricoles et agro-alimentaires dès la production, tandis que dans les pays riches, le gaspillage prévaut au stade de la consommation.

Dans le cas des pays développés, ainsi que le rappelle A. Soyeux dans un article de 2010 (4), la sensibilisation des consommateurs à l’ampleur du gaspillage alimentaire prend toute son ampleur quand on l’expose en termes de développement durable. En prenant l’exemple de la pression sur la ressource en eau, il est ainsi possible de communiquer sur le fait que jeter une baguette de pain revient à jeter une baignoire d’eau pleine, et qu’il faut 1 000 litres d’eau pour produire 1 kilo de farine.

C’est pourquoi la lutte contre le gaspillage alimentaire fait partie intégrante d’un processus social plus général, vers une alimentation plus durable, qui prend en compte l’impact de nos habitudes alimentaires sur la planète, ses ressources et le partage de ses dernières. L’Institut national de la recherche agronomique (INRA) vient ainsi de publier une étude (5) qui estime l’évolution des besoins agricoles de la région Afrique du Nord - Moyen-Orient à partir de simulations prolongeant les habitudes alimentaires qui ont été observées au cours des deux dernières décennies. Il en résulte que les impacts du changement climatique sur les terres cultivables pourraient renforcer drastiquement l’insécurité alimentaire de la région. Le Proche-Orient et le Maghreb seraient, à cet égard, particulièrement touchés : d’ici à 2050, ils perdraient respectivement un quart et la moitié de leurs surfaces cultivables. L’utilisation trop intensive de ressources dans un pays développé a un impact direct sur le cours des matières premières, notamment agricoles, et aggrave le risque d’une insécurité alimentaire insoutenable dans les pays en développement.

Selon l’ADEME (6), la restauration collective est à l’origine de 134 grammes de denrées alimentaires gaspillées par repas servi. Ce chiffre illustre que l’éducation alimentaire des élèves – en parallèle d’actions spécifiques de formation à destination des cuisiniers – constitue indubitablement un gisement de réduction du gaspillage alimentaire en milieu scolaire comme dans les comportements de consommation futurs.

La lutte contre le gaspillage alimentaire commence ainsi à la cantine : un civisme alimentaire peut être appris à l’école, tant sur l’éducation au respect de la nourriture que sur le danger que fait peser sur la planète un gaspillage alimentaire à outrance.

En effet, la responsabilité de chaque acteur face au gaspillage alimentaire est l’un des principes qui est mis en avant par votre rapporteur. L’école, en tant qu’institution républicaine, joue à cet égard un rôle pivot. Si elle ne peut se substituer à l’éducation parentale, son action demeure toutefois indispensable puisqu’elle accompagne au quotidien les enfants dans leur rapport avec la nourriture. Une pédagogie alimentaire doit donc être dispensée au sein du milieu scolaire (initiation au goût, exposé des cuisiniers dans les classes, visite des sites de production alimentaire, etc.) afin de permettre aux élèves d’acquérir, dès leur plus jeune âge, de bonnes pratiques alimentaires qu’ils garderont ensuite tout au long de leur vie.

Votre rapporteur souhaite insister sur le fait que, si les entreprises de la chaîne de production et de distribution de denrées alimentaires sont prioritairement concernées par la lutte contre le gaspillage alimentaire, cette lutte est bien l’affaire de tous les producteurs. Les entreprises sont en effet les acteurs d’un écosystème qui crée des déchets, nourrit et transporte des salariés et donc qui a un impact sur le développement durable. Il est donc justifié que la lutte contre gaspillage alimentaire conduise à une responsabilisation de l’ensemble des acteurs économiques.

À ce titre, le vecteur de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), créée par la loi la loi du 15 mai 2011 relative aux nouvelles régulations économiques (« NRE »), complétée par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (« Grenelle II »), semble le plus adapté. Les entreprises sont ainsi encouragées à mettre la lutte contre le gaspillage alimentaire dans l’arsenal des actions qu’elles déploient pour améliorer leur impact social et environnemental. La RSE permet, en outre, de créer un « effet vitrine » positif pour les initiatives vertueuses sur lesquelles les entreprises communiquent.

Votre rapporteur souligne donc le double intérêt de l’intégration de la lutte contre le gaspillage alimentaire dans la RSE : une responsabilisation des producteurs et une incitation à adopter des comportements vertueux et susceptibles d’avoir un effet d’entraînement sur les autres entreprises et sur les consommateurs.

En définitive, combattre le gaspillage alimentaire relève d’un choix de société. Le choix d’une société plus responsable et plus solidaire, pour préserver les ressources de notre planète et mieux les partager, pour que chacun demain accède à une alimentation saine, sûre et suffisante.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mardi 17 novembre 2015, la commission a examiné la proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (n° 3052), sur le rapport de M. Guillaume Garot.

Mme la présidente Frédérique Massat. Cela fait plusieurs mois que nous parlons de la lutte contre le gaspillage alimentaire au sein de la Commission des affaires économiques ; nous avons également eu l’occasion d’examiner des amendements en séance publique. Aujourd’hui, nous sommes réunis pour débattre d’un texte cosigné par plusieurs groupes. Je salue le travail mené pour arriver à un texte commun.

Nous avons eu à en connaître certaines dispositions lors de l’examen de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Aujourd’hui, nous espérons arriver au terme du processus législatif afin de disposer d’instruments juridiques concernant la lutte contre le gaspillage alimentaire.

M. Guillaume Garot, rapporteur. La lutte contre le gaspillage alimentaire est d’abord un enjeu économique. Chacun de nous jette vingt à trente kilos de nourriture chaque année, dont sept kilos encore emballés. Cela correspond à près de 100 euros de pouvoir d’achat perdu par personne. À l’échelle de notre pays, chaque année, ce sont 12 à 20 milliards d’euros gaspillés.

C’est ensuite un enjeu écologique. Dans la perspective de la COP21 qui se tiendra à Paris dans les jours à venir, il n’est pas inutile de le signaler. À l’échelle de la planète, le gaspillage alimentaire est l’équivalent d’un troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre, après la Chine et les États-Unis. Si l’on veut lutter contre le réchauffement climatique, il faut aussi lutter contre le gaspillage de ressources que représente le gaspillage alimentaire.

C’est enfin un enjeu éthique. Aujourd’hui, plus de 30 % de la production alimentaire mondiale sont jetés, alors que tant de gens meurent de faim partout dans le monde. Cela est d’autant moins acceptable qu’un véritable défi alimentaire nous attend dans les prochaines décennies. Aujourd’hui, nous sommes sept milliards sur la terre ; en 2050, nous serons neuf milliards. Comment nourrir neuf milliards d’habitants avec les ressources d’une même planète ? En commençant par jeter moins, gaspiller moins ce que nous produisons.

Ces principes font certes consensus, mais comment agir ? Quelle est la responsabilité du législateur ? Tout le monde en parle et les initiatives se sont multipliées depuis quelques années. Mais si l’on observe lucidement la situation, on s’aperçoit que la bonne volonté des uns et des autres sur le terrain, dans les collectivités territoriales, les associations ou les entreprises ne suffit pas à faire reculer radicalement le gaspillage à l’échelle d’un pays comme le nôtre. Cela veut dire qu’il nous faut collectivement inventer une politique, donc une action publique contre le gaspillage.

C’est le sens de la proposition de loi que je vous présente au nom d’un collectif. J’ai, en effet, considéré que l’enjeu concernant le gaspillage alimentaire était si important qu’il devait nous rassembler. Ce texte est cosigné par des députés de la majorité dans sa diversité, mais aussi par des députés de l’opposition qui se sont mobilisés sur cette question. Je salue en particulier M. Jean-Pierre Decool qui, depuis plus d’un an, s’est penché sur le sujet et a proposé des solutions que nous avons reprises dans cette proposition de loi.

Nous ne partons pas de rien. En juillet dernier, dans l’hémicycle, nous avons voté à l’unanimité des dispositions, adoptées par le Sénat, qui marquaient un pas en avant en termes d’action publique contre le gaspillage alimentaire. Certaines sont en vigueur, d’autres ont malheureusement été annulées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. Il nous faut donc remettre l’ouvrage sur le métier. Aujourd’hui, nous reprenons in extenso les dispositions votées à l’unanimité au mois de juillet dans les deux chambres.

La loi votée cet été a permis, conformément à une disposition européenne, de supprimer, pour les denrées non périssables, l’obligation d’inscrire une date limite d’utilisation optimale. Cela concerne les produits comme le sel, le vinaigre ou le sucre.

Une deuxième disposition, votée l’été dernier, modifie les compétences de l’Agence de l’environnement de la maîtrise de l’énergie (ADEME). L’ADEME désormais reconnue comme étant le bras armé du Gouvernement pour coordonner l’action contre le gaspillage, en lien avec le ministère de l’agriculture.

Que nous reste-t-il à traiter dans la proposition de loi pour être cohérents et efficaces dans la lutte contre le gaspillage alimentaire ? Trois principes doivent guider notre action.

Le premier est la responsabilisation des acteurs. Elle doit concerner chaque acteur, du producteur au consommateur. La proposition de loi repose sur l’idée que chacun peut agir contre le gaspillage alimentaire.

Le deuxième principe est l’éducation. Je suis, comme vous, convaincu que l’on ne peut rien faire d’efficace si l’on ne commence pas par éduquer à moins gaspiller. C’est une culture nouvelle qu’il nous faut transmettre, en particulier aux jeunes générations, sachant que celles-ci sont parfois les meilleurs éducateurs de leurs parents. Si nous voulons mieux respecter l’alimentation, il faut enseigner la façon de moins gaspiller. La lutte contre le gaspillage passe par le respect de l’alimentation, donc par le respect du travail de celui qui a produit la nourriture.

Le troisième principe est celui du développement durable. La lutte contre le gaspillage accompagne la naissance d’un nouveau modèle de développement. Lutter contre le gaspillage, c’est apprendre à produire et à consommer autrement, et à inscrire notre modèle de développement dans l’économie circulaire. C’est un puissant moteur d’efficacité et de développement économique. Il faut concevoir autrement notre développement économique, social et territorial.

La présente proposition de loi comporte quatre articles.

L’article 1er établit une hiérarchie des actions à mettre en place contre le gaspillage. Il faut, d’abord, prévenir la production d’invendus, la surproduction. Il faut, ensuite, valoriser l’alimentation produite non distribuée en la dirigeant vers une autre consommation humaine. C’est le sens de la convention qui devra lier chaque grande surface à une ou plusieurs associations de solidarité afin de valoriser l’alimentation, au lieu de la jeter. Cela va de soi, encore faut-il l’inscrire dans la loi.

Être dans l’économie circulaire, c’est aussi envisager qu’une alimentation qui n’est pas utilisée à des fins de consommation humaine puisse l’être pour l’alimentation animale. Une filière peut ainsi voir le jour. Toujours pour éviter les pertes sèches, l’utilisation peut être faite à des fins énergétiques. Je pense, notamment, à la méthanisation, mais il existe d’autres formes de valorisation.

Tel est l’ordre dans lequel on doit organiser ces actions pour lutter contre le gaspillage.

L’article 2 modifie le régime juridique de la responsabilité des producteurs du fait de produits défectueux. Je prendrai l’exemple d’un industriel qui produit des yaourts sous marque de distributeur (MDD) pour une grande enseigne. Selon un rapport de forces malheureusement classique, il arrive que celle-ci lui retourne une palette entière pour deux ou trois pots de yaourts ébréchés. Bien que le reste des yaourts soit parfaitement consommable, l’industriel se retrouve avec la palette sur les bras, car, aujourd’hui, il ne peut pas en faire don. En sécurisant juridiquement le don, la loi doit permettre à l’industriel de donner ces yaourts.

L’article 3 prévoit explicitement que la lutte contre le gaspillage alimentaire fait partie intégrante du parcours scolaire, dans le cadre de l’éducation à l’alimentation, dont je rappelle qu’elle a été inscrite dans la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Enfin, l’article 4 insère la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le champ de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Les entreprises engagées dans le développement durable ont aussi un rôle à jouer, car elles sont des partenaires précieux contre le gaspillage. Nous leur donnons, à travers cet article 4, la capacité d’agir pour lever les freins et les verrous qui pourraient exister.

Tel est le sens de l’action que nous voulons collectivement conduire contre le gaspillage alimentaire. Ce texte peut nous rassembler, a fortiori en ce moment. On attend de nous, législateurs, que nous soyons à la hauteur de cette convergence. Le gaspillage ne mérite pas la polémique, mais l’action et la détermination.

M. Jean-Pierre Decool. Je me réjouis que nous arrivions enfin, après un parcours chaotique, à la phase conclusive de cette proposition. Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que cette PPL devait être transpartisane. Le contexte actuel ne peut que conforter cette position.

Vous avez rappelé la nécessité d’une éthique. Dans le dispositif, l’éducation a un rôle éminent à jouer. La nécessité de mettre en œuvre une coercition dans le cadre de la convention passée avec les distributeurs a fait débat, mais il faut bien, à un moment donné, envoyer des signaux. Cette convention sera un vecteur de sécurisation, tant pour les donateurs que pour les associations qui bénéficieront des dons. Des partenariats existent déjà, et il convient de saluer les efforts qui ont été faits par certaines enseignes. Mais toutes n’en font pas, et il faut stimuler les bonnes volontés pour mettre en œuvre ce dispositif.

Vous avez évoqué l’écologie comme un des trois prismes à travers lesquels regarder ce texte. Dépenser moins d’énergie est certes un objectif louable. Mais dans une période difficile pour les petites gens, on peut voir les choses sous un autre aspect grâce aux associations qui récupèrent des denrées avec beaucoup de dévouement. C’est le prisme de la solidarité, qu’il faut savoir traduire dans ce texte.

Un autre point important est qu’il faut mettre fin à la dénaturation des denrées alimentaires. J’ai reçu des témoignages, notamment de transporteurs de viande qui, à la suite d’embouteillages sur la route, étaient arrivés avec deux heures de retard devant l’enseigne qu’ils devaient livrer. Étant donné qu’il y a, dans ce cas, des dispositifs de compensation, le camion était passé à l’eau de javel. Cela n’est pas supportable ! Quand des gens ont faim, on n’a pas le droit d’avoir des comportements irrespectueux.

Voilà pourquoi j’ai cosigné cette proposition de loi. Quand on est un élu de la République, il faut parfois savoir mettre un mouchoir sur son ego et se dire que l’on participe à une œuvre collégiale. Le groupe Les Républicains apportera son soutien à ce texte pour qu’enfin, après un long périple, cette démarche aboutisse, en espérant qu’elle pourra être suivie dans d’autres pays.

En Italie, par exemple, des dispositifs intéressants existent. La Belgique, notamment en Wallonie, a mis en place un système coercitif peut-être encore plus pur que notre proposition de loi, car il n’y a pas de défiscalisation. Lorsqu’on veut être suivi, il faut courir plus vite que les autres. D’autres pays européens sauront nous suivre.

M. Hervé Pellois. Nous avons eu l’occasion de réfléchir à de nombreuses reprises aux moyens de lutter contre le gaspillage alimentaire. Je voudrais souligner la persévérance de notre rapporteur et des parlementaires de tous les groupes qui se sont investis pour la réussite de ce projet. La décision du Conseil constitutionnel de censurer les amendements déposés dans le cadre de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, loin de nous arrêter, n’a fait que renforcer notre conviction qu’il fallait mener à terme ce projet, quel que soit le véhicule normatif utilisé.

La convention signée le 27 août dernier entre la ministre de l’écologie et le secteur de la grande distribution était en ce sens une première étape, qui montre notre envie de réussir. Elle a permis d’engager les grandes surfaces de plus de 400 mètres carrés à donner leurs invendus aux associations habilitées. Il était important d’inscrire ces dispositions dans la loi.

Il existe encore aujourd’hui des lacunes en matière de gaspillage alimentaire. Traiter du sujet dans le secteur de l’agriculture reste un tabou. Or, selon les chiffres de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), pratiquement 30 % de la production agricole mondiale est aujourd’hui perdue. L’ADEME mène actuellement une étude pour quantifier les pertes et les gaspillages tout au long de la chaîne alimentaire, ce qui devrait nous donner un éclairage national plus précis, les chiffres au niveau mondial n’étant pas satisfaisants pour travailler efficacement à l’échelle de notre pays.

La restauration collective est également à l’origine d’un gaspillage considérable. Les dons issus des restaurants cuisinant sur place apparaissent difficiles à mettre en œuvre, compte tenu des contraintes particulières liées au conditionnement et au refroidissement des denrées. Le rapport remis au Gouvernement par Guillaume Garot en avait pleinement mesuré la difficulté. Il est trop tôt pour inclure ces mesures dans la proposition de loi. Je souhaite toutefois qu’on ne les perde pas de vue. La dimension de la restauration collective et commerciale est importante et nous devons inciter les restaurateurs à adopter des pratiques leur permettant de distribuer les repas qui leur restent.

Les grandes et moyennes surfaces ont leur part de responsabilité. On ne peut pas nier qu’elles aient fait des efforts, mais il faut qu’elles continuent en ce sens. Lutter contre le gaspillage alimentaire, ce n’est pas seulement inciter les grandes surfaces à céder leurs invendus aux associations d’aide alimentaire. La proposition de loi comporte également des mesures éducatives, moins médiatisées, mais sur lesquelles il importe d’insister. Ces mesures permettront de faire évoluer les comportements à l’origine du gaspillage alimentaire. Comme le faisait remarquer Angélique Delahaye, députée européenne et présidente de Solaal – Solidarité des producteurs agricoles et des filières alimentaires – lors de son audition, la semaine dernière, à l’Assemblée nationale, c’est tout un usage des produits qui est à reconstruire. Il s’agit, par exemple, de repenser la façon de faire nos courses. On ne peut pas faire ses courses une fois par semaine, alors que certains produits ne sont consommables que deux à trois jours, disait-elle.

L’éducation doit aussi permettre de donner une dimension territoriale à la lutte contre le gaspillage alimentaire en valorisant le développement des circuits courts. La production locale rend le consommateur plus attentif aux contraintes du producteur. C’est encourager l’agroécologie, conforter les produits du terroir et développer la consommation de proximité.

C’est notre propre comportement de citoyens que nous devons interroger puisqu’il nous faut repenser notre façon de consommer. C’est, à terme, à la responsabilisation de chaque acteur dans la chaîne alimentaire qu’il nous faut œuvrer : responsabilité du producteur, de l’industriel, de la grande surface, du commerçant, de l’association qui reçoit les dons, mais aussi du consommateur. C’est seulement ainsi que nous parviendrons à réduire fortement le gaspillage alimentaire en France. C’est un message fort qu’il convient d’envoyer à nos concitoyens, en ces temps de défiance envers les responsables politiques.

Mme Brigitte Allain. Après la censure, cet été, par le Conseil constitutionnel des dispositions adoptées à l’unanimité lors de l’examen de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, voilà enfin cette proposition de loi inscrite à l’ordre du jour ! C’est une satisfaction pour moi, car nous ne pouvions en rester à la convention volontaire avec la grande distribution que la ministre avait proposée au lendemain de la censure, même si c’était un premier pas. Je tiens à saluer le travail de Guillaume Garot, qui a porté ces dispositions avec exigence et qui a su travailler dans un esprit d’union et de coopération.

Ce texte ne résout pas l’ensemble des questions liées au gaspillage, mais il en traite efficacement une grande partie, s’agissant notamment des grandes surfaces. Cela ne doit pas cacher la contribution de celles-ci au gaspillage. Elles en engendrent indirectement par les contraintes qu’elles imposent aux producteurs, comme le calibrage ou la forme parfaite des produits, ou encore les méthodes de marketing qui ont pour cible le consommateur : promotions poussant à acheter plus que de besoin, rayons débordant de produits et conduisant à la surconsommation.

Parmi les pistes d’amélioration de la politique publique en la matière, j’évoquerai plusieurs chantiers : révision des dates limites et des normes de calibrage ; nécessité d’effectuer un meilleur suivi des objectifs et des progrès de la lutte contre le gaspillage alimentaire via une agence, comme en Grande-Bretagne, ou au moins un rapport annuel du Gouvernement sur ce phénomène que chacun identifie comme le scandale de notre siècle ; multiplication des actions de sensibilisation et de prise de conscience, notamment dans les cantines scolaires. Enfin, les associations de solidarité qui récupèrent les denrées et qui sont amenées à se développer ont également besoin d’une clarification des grilles d’évaluation des produits qui leur sont donnés. Ce travail devra se faire dans un cadre interministériel.

À quelques jours de la COP21, il faut rappeler que 30 % de ce qui est produit est jeté. Cela constitue autant de gâchis de ressources que de provocations envers les personnes qui sont mal nourries dans le monde.

Pour moi qui ai travaillé pour favoriser une alimentation de proximité, la lutte contre le gaspillage alimentaire est extrêmement importante. Soutenir une alimentation plus saine et plus durable, c’est aussi former nos jeunes à la citoyenneté. Éviter de jeter 30 % de matière gaspillée, c’est autant d’argent économisé à réinvestir dans la fourniture en produits bio, locaux et de qualité. Par la proximité et la pédagogie, nous pouvons redonner de la valeur à nos aliments et rappeler que la nourriture ne tombe pas du ciel, que nous la devons au respect de la nature et au travail des femmes et des hommes qui la cultivent, la préparent ou la cuisinent.

Le rôle des cantines et de la restauration collective est essentiel pour que la lutte contre le gaspillage alimentaire éduque nos enfants et les adultes au « manger mieux ». La distribution, aidée par la loi, devra savoir répondre à cet appel citoyen.

M. Dominique Potier. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué une question d’éthique, anthropologique presque. Un homme qui jette est un homme jetable. C’est vrai pour les produits manufacturés, c’est encore plus vrai pour les produits issus de la nature.

Je milite, à la limite de la fronde, avec quelques parlementaires, pour une augmentation des crédits de l’aide publique au développement. À la demande du Président de la République, ils seront investis de façon plus conséquente dans les pays les moins avancés, pour favoriser la transition énergétique. L’éradication de la misère à la source et la prévention des migrations économiques passent par la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les pays du Sud, où les 30 % de produits non consommés sont imputables à des problèmes dramatiques de stockage et de logistique. Un investissement durable dans des infrastructures agroalimentaires serait une solution tant pour l’économie des pays les moins avancés que pour leur dignité.

Je plaide au niveau local pour que l’esprit civique préside à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Mais celle-ci ne sera efficace que si elle est mesurée. Nous devrions expérimenter, par voie réglementaire probablement, une mesure comptable applicable aux établissements publics permettant de comptabiliser le gaspillage et de le réinvestir dans un investissement de meilleure qualité sur le plan nutritif et gastronomique. Une politique se mesure ; il nous faut trouver l’instrument par voie réglementaire. Je suis sûr que vous serez notre allié pour continuer dans ce sens.

Ce débat, qu’il ait lieu avec des gamins, des adolescents ou des adultes, nous fait dépasser le seul aspect quantitatif et monétaire, et nous élève à la question du rapport à l’autre et à la nature. Aujourd’hui, nous avons besoin, autour de l’alimentation, mais aussi autour de nombreux autres sujets, de consolider notre lien républicain et notre lien à la planète.

Mme Sophie Rohfritsch. Ce texte est intéressant, car il marque l’aboutissement d’une réflexion déjà ancienne. À mon sens, il contient encore quelques lacunes qui pourraient être comblées. Pour l’instant, à la lecture des amendements, il ne semble pas ce que soit le cas. Il n’indique pas, par exemple, quelle pourrait être la place des objets connectés pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Je pense qu’il y a des choses à faire à ce niveau, en termes de marquage, de signalétique, d’évolution – ne serait-ce que pour les enfants –, de moyens de traçabilité et de qualité.

Je voudrais être sûre que ce texte intègre bien la charte qu’a signée l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) cet été, et qui est déjà cosignée par un certain nombre d’industriels de l’agroalimentaire. S’il n’y a pas d’adhésion de la profession, ce texte sera inutile.

Enfin, il fait peu de places à la consigne, intégrée dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, mais qui n’est pas encore entrée en vigueur puisque les décrets ne sont pas encore publiés. Chacun s’interroge sur la façon de réintégrer la consigne dans notre pays, sachant qu’elle relève de la réutilisation et non du recyclage. Je viens d’une région, l’Alsace, qui la pratique depuis longtemps pour la bière. Cela marche très bien. Limitée aux contenants en verre, la consigne pourrait être élargie à tout contenant. Nous pourrions y réfléchir, car il y a aujourd’hui des méthodes qui permettent de réutiliser de nombreux contenants.

Mme Annick Le Loch. Je tiens, moi aussi, à féliciter le rapporteur pour son travail. Il est en effet inacceptable de gaspiller autant de nourriture quand des personnes souffrent du manque de denrées alimentaires. La consommation durable, pour laquelle nous travaillons tous, est porteuse d’un enjeu à la fois économique, écologique et éthique. Nous sommes tous responsables, et l’éducation peut jouer un rôle essentiel.

Ce texte me donne l’occasion de rendre hommage aux associations caritatives qui ne ménagent ni leur courage, ni leur engagement, notamment lors de la ramasse auprès des grandes surfaces pour récupérer de la nourriture. Sait-on si, aujourd’hui, toutes les grandes surfaces donnent leurs surplus alimentaires ? J’ai vu une enseigne, en particulier, détruire des tonnes de marchandises, se contentant, tous les deux ans, d’offrir une palette de cassoulet de marque distributeur. C’est vraiment incroyable !

Au-delà des dons, sans doute y a-t-il aussi des comportements à modifier. Aujourd’hui, dans le cadre de négociations très dures avec les industriels, les distributeurs n’achètent pas un produit mais un prix. Et si le chiffre d’affaires attendu n’est pas atteint, ils font des promotions. Ainsi, ces dernières semaines, on peut parfois acheter six articles au prix de trois. Face à cette façon d’encourager la consommation sans besoin, il faut éduquer le consommateur.

M. Philippe Le Ray. Au départ, je me suis étonné qu’un tel sujet fasse l’objet d’une proposition de loi, car la loi ne fait pas tout. Pour autant, il n’est pas à prendre à la légère, et je tiens à remercier M. Garot pour son travail. Il est temps de retrouver un peu de bon sens. Nous sommes d’ailleurs nombreux, sur ces bancs, à nous souvenir que, dans notre enfance, il n’était pas question de gaspiller de la nourriture. Je voudrais appeler votre attention sur quatre points.

D’abord, les producteurs ne produisent pas pour donner ni pour surproduire. Mais comme nous nous sommes débarrassés de tous les outils de régulation de production, il y a forcément des effets pervers.

Ensuite, il est indéniable que le marketing exerce une pression sur les transformateurs.

Dans la distribution, il y a également une dualité d’objectifs. Les responsables de grande surface cherchent à éviter à la fois le gaspillage et le don des aliments, ce qui peut être à l’origine de conflits entre les salariés de la grande distribution et leurs dirigeants. Cela mériterait d’être étudié.

Enfin, au niveau des consommateurs, il faudrait avoir une approche globale. Le gaspillage ne concerne pas que les produits alimentaires. Il suffit de se rendre dans une déchetterie pour en faire l’effrayant constat. Non seulement la lutte contre le gaspillage s’impose, mais elle doit s’accompagner de la notion de valorisation des produits.

En tout cas, je voterai pour ce texte.

Mme Audrey Linkenheld. Il faut un début à tout, et je me félicite du dépôt de cette proposition de loi, sachant qu’à l’échelle de l’Union européenne, 50 % des produits sains sont gâchés, alors même que certaines personnes sont en situation de sous-alimentation.

J’approuve tout particulièrement les dispositions relatives aux obligations des grandes et moyennes surfaces. Envisagez-vous de les étendre aux supermarchés ? Entre 400 et 1 000 mètres carrés, ceux-ci se situent entre les grandes et moyennes surfaces et les petits commerces indépendants, et sont souvent, d’une manière ou d’une autre, attachés à des grands groupes. On pourrait donc imaginer qu’ils soient un jour concernés par les dispositions que vous proposez.

Par ailleurs, je sais que vous avez aussi réfléchi à la façon d’impliquer le commerce non sédentaire. Déjà, des associations récupèrent des produits à l’issue des marchés. C’est ainsi que la Tente des glaneurs, initiée dans le Nord, a essaimé un peu partout. Où en êtes-vous de vos réflexions ?

M. Christian Franqueville. Je suis moi-même issu professionnellement de l’agroalimentaire et je tiens à dire toute ma satisfaction devant cette proposition de loi. Si tout ce qui a été dit sur la distribution m’a semblé clair, j’aimerais avoir des précisions s’agissant de la fabrication. À cet égard, je citerai le cas d’une entreprise de ma commune qui fabrique des pizzas sous forme de sandwichs destinés à la surgélation. Chaque semaine, cette entreprise produit environ une tonne de déchets qui sont tout à fait adaptés à la consommation humaine. Les dirigeants, ne souhaitant pas les réutiliser de cette façon, ont fait appel à une société de traitement des ordures ménagères. Celle-ci leur demande entre 250 et 300 euros pour traiter une tonne de produit de parfaite qualité.

Cherchant une autre solution, j’avais pensé que ces déchets pourraient être utilisés pour nourrir les porcs d’un élevage qui se trouve à proximité. Mais ce n’est pas possible, dans la mesure où ces porcs sont destinés à la consommation humaine. En fin de compte, nous avons pu nous adresser à autre éleveur de notre secteur, qui élève du petit porc destiné à la science. Avouez tout de même qu’une telle situation n’est pas normale !

Monsieur le rapporteur, j’aimerais avoir une précision, une garantie, voire une certitude que cette question pourra être résolue.

Mme Marie-Hélène Fabre. S’agissant de la part des déchets dans l’alimentation mondiale, on sait que c’est une calorie sur quatre qui est jetée aujourd’hui.

Certaines des associations qui passent des conventions avec les grandes surfaces ont fait état de problèmes de logistique, en particulier de tri et de transport, pour lesquels elles ont besoin de moyens supplémentaires. Elles sont allées jusqu’à demander qu’une partie de la déduction fiscale dont bénéficient les grandes surfaces soit fléchée vers les associations de manière à leur permettre de s’équiper de moyens logistiques. Qu’en pensez-vous ?

M. le rapporteur. Les interventions de MM. Jean-Pierre Decool et Hervé Pellois n’appellent pas de commentaire particulier de ma part, si ce n’est que je me sens parfaitement en accord avec eux, dans la mesure où nous avons travaillé ensemble et où nous avons fait converger nos analyses.

Je souscris à la remarque de M. Dominique Potier sur la nécessité de disposer d’un outil de mesure fiable. Il ne suffit pas de dire que l’on va réduire le gaspillage alimentaire ; il faut savoir d’où l’on part pour apprécier, ensuite, les progrès qui seront réalisés. C’est la mission qui est confiée à l’ADEME, qui doit se doter d’outils nouveaux pour lutter contre le gaspillage alimentaire : outils de communication, de sensibilisation, mais aussi outils de mesure du gaspillage.

Aujourd’hui où en est-on ? Pas très loin. Un projet européen, FUSIONS (Food Use For Special Innovation Optimising Waste Prevention Strategies), vise à mettre en cohérence les différents standards de mesure entre les pays de l’Union européenne. Ce projet est très intéressant, mais il va laisser aux États le soin de mettre en œuvre cet outil de mesure. De mon côté, j’ai insisté auprès du Gouvernement pour que l’on soit très allant sur le sujet. Tant que l’on n’aura pas d’outil de mesure, on ne saura pas évaluer les progrès.

Je rappelle qu’en 2012, dans le cadre d’une résolution, le Parlement européen a fixé comme objectif de diminuer de moitié le gaspillage d’ici à 2025. Pour y parvenir, il faut une action publique volontariste, mais aussi des outils de mesure. Il est donc urgent de mettre au point et de généraliser ces outils. Peut-être faudra-t-il, d’ailleurs, travailler avec notre administration fiscale. On pourrait ainsi imaginer que, dans le formulaire rempli par l’entreprise souhaitant bénéficier d’une déduction fiscale au titre du don alimentaire, figure, en plus de la valeur du don, le volume qu’il représente. En agrégeant l’ensemble de ces données, on devrait déjà pouvoir se faire une idée à peu près fiable d’une partie du gaspillage alimentaire.

Madame Sophie Rohfritsch, vous m’avez interrogé, notamment, sur le numérique. Je vous renvoie au rapport que j’ai remis au Gouvernement au mois d’avril, où il est question des moyens permettant de mettre en relation ceux qui donnent, ceux qui peuvent donner, ceux qui reçoivent, tout comme ceux qui souhaitent adopter une attitude vigilante par rapport à leur consommation. De nombreuses applications de ce type sont en train de se développer. Faut-il pour autant légiférer là-dessus ? Je suis convaincu que cela n’aboutirait qu’à une loi bavarde, qui n’amènerait pas grand-chose si ce n’est de nouvelles normes et donc des récriminations. Je crois qu’il faut encourager la multiplication des dispositifs liés aux nouvelles technologies et accompagner la diffusion des bonnes pratiques. Finalement, c’est l’un des rôles de l’ADEME, en tout cas de l’exécutif, d’informer sur ce que ces nouvelles technologies permettent de faire. Je vous rejoins sur un point : en mettant nos nouvelles technologies au service de la lutte contre le gaspillage, nous pourrons faire de grands progrès.

Mme Annick Le Loch se demande si toutes les grandes surfaces donnent. Beaucoup le font, mais pas toutes hélas ! La loi vise simplement à permettre que celles qui traînent un peu des pieds rejoignent le peloton de tête, en rendant obligatoire la signature d’une convention liant une grande surface à une ou plusieurs associations.

Cette convention ne devra régler que les conditions du don. La convention est un acte de liberté, elle doit le rester, sinon, il n’y a pas de défiscalisation possible. La convention traite des aspects logistiques et matériels, et de la qualité du don. Car de nombreuses associations nous ont dit ne pas vouloir recevoir des grandes surfaces un don qu’elles devraient trier à leur place. La convention aura donc pour vocation de régler tous ces aspects matériels ou logistiques, afin de fluidifier le don de denrées alimentaires des grandes surfaces vers les associations.

M. Philippe Le Ray a insisté, à juste titre, sur le rôle et la responsabilité des consommateurs, principaux acteurs du gaspillage puisque sur dix kilos d’aliments jetés, six le sont par les consommateurs. La loi prévoit des actions d’éducation, mais il y a aussi la sensibilisation des consommateurs. Pour ma part, je milite en faveur de campagnes nationales de lutte contre le gaspillage, comme il y en a pour sensibiliser à l’insécurité routière, via la télévision, les radios, les journaux, internet. L’ADEME a commencé à le faire. C’est une tendance à encourager.

Le consommateur doit également être bien informé. Ce n’est pas par plaisir qu’il jette. Parfois, c’est parce qu’il ne sait pas comment réagir devant les dates limites de consommation. En la matière, un travail de clarification s’impose, mais il ne passe pas par la loi. Cela relève d’abord d’une réglementation européenne, qui doit ensuite être mise en œuvre par le Gouvernement. Ce travail relève donc la responsabilité des ministères. Ceux de l’écologie et de l’agriculture ont d’ailleurs mis en place un groupe de travail qui planche actuellement sur ces dates de péremption.

Mme Audrey Linkenheld s’est interrogée sur le champ des acteurs à impliquer dans la lutte contre le gaspillage. Précisons que la proposition de loi fait obligation aux commerces dès 400 mètres carrés de passer une convention – 400 mètres carrés, c’est déjà une supérette. À la différence des grandes surfaces, qui disposent déjà de circuits et traitent des volumes très importants, il est plus difficile de mobiliser aujourd’hui les surfaces moyennes, autour de 400 mètres carrés, où les volumes sont moins importants et où il est plus facile de jeter. L’enjeu est donc plutôt du côté de ces supérettes.

Il y a aussi, parmi les distributeurs, le commerce de détail, avec les épiceries de quartier et, parmi les transformateurs, la restauration commerciale. Ces secteurs ne sont pas traités en tant que tels dans la loi mais, à nos yeux, ils constituent la prochaine étape de l’action publique contre le gaspillage alimentaire. Avec ces acteurs, toutefois, les problématiques sont différentes. Il ne peut pas s’agir uniquement de dons simples. Aujourd’hui, les traiteurs de France travaillent pour que l’on puisse redistribuer dans la journée les denrées des buffets qui n’ont pas été entièrement consommées. C’est passionnant, mais cela implique de gros efforts de pédagogie et, surtout, de formation auprès des professionnels.

Après les grandes surfaces, la prochaine étape consistera donc à mobiliser les autres acteurs de la chaîne alimentaire, en remontant vers les transformateurs et vers les producteurs. On est conscient qu’au niveau de la production, il y a du gâchis, des pertes que l’on a du mal à évaluer aujourd’hui, et qui conduiront, à terme, à modifier les modes de production et de travail. Cela implique, là encore, des efforts de pédagogie et de formation.

M. Christian Franqueville, avec sa pizza vosgienne, nous dit qu’il faut nourrir les cochons vosgiens. Attention ! La réglementation européenne impose la traçabilité de la nourriture animale, et c’est normal. C’est aussi ce qu’attend le consommateur. Néanmoins, le texte prévoit la possibilité d’organiser la réorientation d’un surplus ou d’un invendu non redistribué vers l’alimentation animale. Et sans doute cette dernière filière va-t-elle prendre son essor en France grâce à l’action que nous menons contre le gaspillage alimentaire. Mais cela devra se faire dans le cadre de la réglementation européenne.

Enfin, Mme Marie-Hélène Fabre, les problèmes de logistique sont souvent mis en avant par les associations qui n’ont pas forcément suffisamment de bénévoles pour redistribuer les dons, ni les moyens pour récupérer les denrées dont la grande surface ne veut plus. Depuis longtemps, nous nous intéressons, avec M. Jean-Pierre Decool, à ce maillon logistique. Aujourd’hui, les fédérations nationales d’associations de solidarité, en lien avec les principales enseignes, travaillent à un modèle de convention-type pour que ce texte trouve une application rapide. Et la question logistique peut être traitée dans la convention.

En outre, le maillon logistique peut également bénéficier de la défiscalisation, qui est une force du modèle français : si vous transportez de l’alimentation au titre du don, vous avez droit à la même défiscalisation que la grande surface ou l’entreprise qui donne. Il faut sensibiliser les transporteurs au fait qu’ils peuvent être considérés comme des donateurs dans le cadre de cette chaîne de solidarité.

Une remarque pour terminer : tout n’est pas d’ordre législatif. Nous nous situons dans le cadre de l’article 34 de la Constitution, mais ensuite, il y a ce qui relève du Gouvernement, ce qui relève de la liberté d’association, du contrat entre les acteurs et des partenaires impliqués, le plus souvent localement, dans ce type d’initiative.

L’adoption de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a permis l’adoption de mesures législatives qui amorce la définition de la politique nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire.

Ainsi, l’article 103 de cette loi supprime l’obligation d’inscription, sur les produits alimentaires non périssables, tels que le sel ou le vinaigre, de la DDM, qui indique le moment à partir duquel le produit est non pas dangereux, mais risque d’avoir potentiellement perdu ses qualités nutritives ou gustatives.

La loi du 17 août 2015 précitée a également ajouté aux compétences de l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), prévues à l’article L. 131-3 du code de l’environnement, la « prévention de la production de déchets, dont la lutte contre le gaspillage alimentaire ».

Enfin, cette loi a créé l’article L. 541-15-3 du code de l’environnement, qui prévoit que l’État et ses établissements publics, ainsi que les collectivités territoriales, mettent en place une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire au sein des services de restauration collective dont ils assurent la gestion.

L’article 1er crée une nouvelle sous-section 1 bis dans le code de l’environnement, au sein du chapitre premier du titre IV du livre V portant sur la prévention et la gestion des déchets.

Au sein de cette nouvelle sous-section, l’article L. 541-15-4 consacre dans la loi une hiérarchie des actions à mettre en place tout au long de la chaîne de production alimentaire afin de limiter le gaspillage.

En priorité, les producteurs, transformateurs et les distributeurs doivent prévenir le gaspillage alimentaire. Ils mettent en place des actions afin de réduire les pertes de production ou de distribution, notamment au travers de la réutilisation des coproduits et sous-produits, qui fait l’objet de recherches appliquées (7). Les distributeurs, quant à eux, peuvent proposer des rayons « dernière minute », où des produits proches de la date limite de consommation sont bradés afin d’être plus facilement vendus.

Ensuite, les denrées alimentaires qui quittent la chaîne de production doivent rejoindre des circuits de don alimentaire, depuis les agriculteurs jusqu’aux grandes surfaces, en passant par l’industrie agro-alimentaire, ou être de nouveau transformées. Ainsi, par exemple, les pommes qui ne peuvent plus être vendues à l’exportation en raison de l’embargo russe peuvent être données à des associations caritatives ; les grandes surfaces, quant à elles, peuvent proposer des produits « anti-gaspi » (soupes et jus de fruits conditionnés à partir de fruits et légumes invendus mais encore consommables).

En troisième lieu, les denrées alimentaires qui ne peuvent plus être destinées à la consommation humaine doivent être valorisées par d’autres circuits de récupération, d’abord pour l’alimentation animale et en dernier lieu, seulement, à des fins énergétiques ou pour produire du compost.

Cette hiérarchie permet de conférer une portée juridique à une priorité logique des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire. Certes, techniquement, des denrées encore consommables qui sont utilisées à des fins énergétiques, par méthanisation, ne sont pas gaspillées. Toutefois, un tel usage ne correspond pas à l’optimum social qui doit être atteint par l’action publique.

En outre, cet article prévoit une mobilisation et une sensibilisation de l’ensemble des acteurs de la chaîne de production et de consommation alimentaires, afin de rappeler que la lutte contre le gaspillage alimentaire est l’affaire de tous.

L’article L. 541-15-5 concerne plus spécifiquement les distributeurs du secteur alimentaire, et en premier lieu les grandes et moyennes surfaces (GMS). Ces acteurs doivent respecter la hiérarchie des actions prévue à l’article précédent. En corollaire, ils ont l’interdiction de rendre impropres à la consommation ou à la valorisation les denrées alimentaires encore consommables qu’ils n’ont pas vendues.

En outre, les relations contractuelles entre les distributeurs et leurs fournisseurs (notamment les agriculteurs ou les industriels agro-alimentaires) doivent exclure toute stipulation qui aurait pour effet d’empêcher le don des produits vendus sous marque de distributeur (dits « MDD », cf. le commentaire de l’article 2 de la présente proposition de loi).

Enfin, cet article prévoit que les dons alimentaires entre les GMS dont la surface de vente dépasse 400 m2 (8) et les associations habilitées à recevoir ces dons, conformément à l’article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime, doivent être encadrés par une convention.

Un décret précise les modalités de l’article L. 541-15-5, qui ne s’applique pas aux denrées impropres à la consommation.

L’article L. 541-15-6 prévoit, dans son I, que les GMS dont la surface de vente dépasse 400 m2 ont l’obligation de signer au moins une convention de don alimentaire de leurs denrées invendues avec une ou plusieurs associations habilitées, mentionnées à l’article précédent, d’ici le 1er juillet 2016. Cette convention a pour objet d’encadrer le processus de don alimentaire, sans constituer une obligation de donner.

Le même I précise que les GMS créées après le 1er juillet 2016 ou qui atteindraient le seuil établi de 400 m2 après cette date, disposent d’un délai d’un an pour se conformer à cet article. Le II assortit le manquement à l’obligation de signer une convention de don alimentaire d’une amende prévue pour les contraventions de troisième classe.

Enfin, le III crée une amende de 3 750 € contre la « javellisation » des denrées comestibles, terme qui renvoie plus généralement à toute pratique ayant pour objet de rendre impropre à la consommation des produits alimentaires invendus mais jetés. Une sanction complémentaire de publicité de l’amende est également prévue.

Votre rapporteur a souhaité que la loi intervienne dans le champ du don alimentaire pour fixer des règles claires, qui devront être respectées par tous. Aujourd’hui, beaucoup d’acteurs de la grande distribution ont spontanément mis en place des conventions de don alimentaire avec des associations caritatives ; il s’agit donc d’établir un standard normatif qui reconnaît et légitime leur intervention, et qui contraint les distributeurs récalcitrants.

Une convention type est actuellement en cours de préparation, dans le cadre de discussions entre les grandes associations caritatives et les principaux distributeurs : il s’agira de compléter l’impulsion législative par la communication d’une convention de référence, à même de généraliser les comportements vertueux, dans le respect de la loi.

Enfin, votre rapporteur proposera un amendement qui imposera l’obligation de se munir d’une convention de don alimentaire pour les GMS concernées dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi.

Votre commission a adopté plusieurs amendements rédactionnels du rapporteur, ainsi qu’un amendement visant à modifier les mesures transitoires d’entrée en vigueur de certaines dispositions, afin de tenir compte des délais d’adoption de la présente proposition de loi.

*

* *

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE4 du rapporteur.

Puis elle adopte successivement les amendements de précision juridique CE5 et CE6 du rapporteur.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CE7, CE8 et CE9 du rapporteur.

Elle est saisie de l’amendement CE10 du rapporteur.

M. le rapporteur. Dans les dispositions adoptées cet été, le délai pour conclure une convention entre les associations et les grandes surfaces avait été fixé au 1er juillet 2016. Nous avons pris un peu de retard, aussi proposons-nous un délai glissant : au plus tard un an après la promulgation de la loi, les grandes surfaces et les associations devront s’être mises d’accord sur une convention à l’échelle d’un territoire.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements de précision juridique CE11, CE13 et CE12, ainsi que l’amendement rédactionnel CE14, tous du rapporteur.

La Commission examine alors l’amendement CE15 du rapporteur.

M. le rapporteur. C’est la conséquence du vote précédent.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er, modifié.

Article 2
(article 1386-6 du code civil)

Don de produits vendus sous marque de distributeur

L’article L. 112-6 du code de la consommation définit comme produit vendu sous marque de distributeur (MDD) le produit dont les caractéristiques ont été définies par l’entreprise ou le groupe d’entreprises qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il est vendu. Concrètement, il s’agit donc des biens dont la marque correspond à l’enseigne qui les vend en GMS, même si cette enseigne n’en assure pas nécessairement la fabrication et le conditionnement.

Le titre IV bis du livre III du code civil définit, en outre, la responsabilité du producteur du fait des produits défectueux. Celui-ci est responsable du dommage aux personnes causé par un défaut de son produit (article 1386-1), c’est-à-dire qui n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre (article 1386-4). En matière d’alimentation, les denrées « défectueuses » ne respectent donc pas les exigences de sécurité alimentaire et doivent donner lieu à indemnisation des personnes les ayant consommées.

Plus précisément, l’article 1386-6 du code civil définit le champ des producteurs visés à l’article 1386-1 du même code. Il s’agit du fabricant d’un produit fini, le producteur d’une matière première, le fabricant d’une partie composante, et, par assimilation, toute personne qui se présente comme producteur (apposition d’une marque, d’un nom, d’un signe distinctif sur le produit) ou qui importe un produit dans l’Union européenne en vue d’un échange économique.

En l’état actuel du droit, la responsabilité d’un fabricant de produit alimentaire sous MDD ne peut pas être recherchée s’il donne des denrées alimentaires invendues (non fournies au distributeur qui a apposé sa marque sur le bien) à des associations caritatives, à la différence du distributeur, qui est considéré comme producteur assimilé et donc juridiquement responsable de la défectuosité du produit.

Par conséquent, les relations contractuelles qui régissent la vente de produits sous MDD entre fournisseurs et distributeurs tendent à exclure la possibilité du don alimentaire pour éliminer ce risque juridique.

L’article 2 a pour objet de transférer la responsabilité du fait des produits défectueux des distributeurs vers leurs fournisseurs, dans le cas de dons alimentaires de denrées sous MDD, qu’un distributeur ne souhaite pas commercialiser pour des raisons autres que sanitaires.

Le dispositif prévoit donc d’ajouter une troisième catégorie de producteurs assimilés au sein de l’article 1386-6 du code civil, pour le seul cas du don de produit alimentaire sous MDD par le fabricant de ce produit. Par conséquent, l’ensemble du régime de responsabilité du fait des produits défectueux peut régir cette relation particulière de don alimentaire.

La logique qui veut que ce soit la personne morale qui donne qui reste responsable juridiquement de son don, au regard de la sécurité sanitaire notamment, est ainsi restaurée.

Votre commission a adopté un amendement de coordination juridique pris à l’initiative de votre rapporteur, afin de mieux articuler l’insertion de cet article dans le code de l’éducation et dans le code rural et de la pêche maritime.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CE16 du rapporteur.

M. le rapporteur. Dans le cadre de l’éducation à l’alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire, cet amendement de coordination juridique vise à mieux articuler les dispositions du code de l’éducation et du code rural et de la pêche maritime.

La Commission adopte l’amendement.

Mme Brigitte Allain. Bien évidemment, le groupe Écologiste votera ce texte, sur lequel nous avons travaillé ensemble. Je souhaite toutefois préciser que nous présenterons peut-être des amendements en séance sur certaines des questions abordées. Je pense, entre autres, à la grille d’évaluation des produits donnés, évoquée tout à l’heure par Dominique Potier et par moi-même. À ce propos, monsieur le rapporteur, vous aviez suggéré de passer par l’administration fiscale ; celle-ci pourrait, à cette occasion, vérifier l’évaluation. Enfin, il me semblerait également très important de clarifier cette grille d’évaluation.

Ce seront des amendements d’appel. Il me semblait toutefois utile de le spécifier.

M. le rapporteur. J’entends bien, et nous écouterons avec beaucoup d’attention les réponses du Gouvernement.

La Commission adopte l’article 3, modifié.

Article 4
(article L. 225-102-1 du code de commerce)

Inclusion de la lutte contre le gaspillage alimentaire dans la RSE des entreprises

L’article L. 225-102-1 du code de commerce prévoit les éléments que doivent obligatoirement contenir les rapports que présentent chaque année le conseil d’administration ou le conseil du directoire des sociétés anonymes à leur assemblée d’actionnaires.

Depuis la loi n° 2001-420 du 15 mai 2011 relative aux nouvelles régulations économiques (« NRE »), complétée par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (« Grenelle II »), les entreprises les plus importantes (9) doivent ainsi établir les actions qu’elles mènent dans le cadre de leur responsabilité sociétale (RSE). Ce reporting comprend leurs « engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l’économie circulaire et en faveur de la lutte contre les discriminations et de la promotion des diversités ».

Le gaspillage alimentaire étant l’affaire de tous, votre rapporteur juge nécessaire l’implication de l’ensemble des acteurs économiques dans la lutte contre le gâchis : des producteurs aux consommateurs, en passant par les industriels et les grandes surfaces. Il lui est donc apparu opportun d’intégrer la lutte contre le gaspillage alimentaire dans la RSE, en complément, notamment, des actions menées pour développer l’économie circulaire.

Au cœur du processus de production, les entreprises sont dès lors incitées à participer activement à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Ces actions peuvent constituer une part centrale de leur RSE, notamment pour l’industrie agro-alimentaire ou dans le secteur de la distribution de denrées alimentaires, ou être plus indirectes : même une entreprise éloignée de la chaîne de production alimentaire peut mener des efforts contre le gaspillage alimentaire dans ses sites de restauration, sponsoriser des initiatives locales ou lancer des campagnes de sensibilisation ou d’information.

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la Commission

___

 

PROPOSITION DE LOI RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE,

PROPOSITION DE LOI RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE,

 

Article 1er

Article 1er

Code de l’environnement

Livre V : Prévention des pollutions, des risques et des nuisances

Titre IV : Déchets

Chapitre Ier : Prévention et gestion des déchets

Section 3 : Prévention et gestion des déchets

Sous-section 1 : Plans de prévention et de gestion des déchets

Après la sous-section 1 de la section 3 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement, est insérée une sous-section 1 bis ainsi rédigée :

I. – Après la sous-section 1 de la section 3 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement, est insérée une sous-section 1 bis ainsi rédigée :

amendement CE4

 

« Sous-section 1 bis

(Alinéa sans modification)

 

« Prévention des déchets alimentaires

« Lutte contre le gaspillage alimentaire

amendement CE5

 

« Art. L. 541-15-4. – La lutte contre le gaspillage alimentaire implique de responsabiliser et de mobiliser les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les consommateurs et les associations. Les actions de lutte contre le gaspillage alimentaire sont mises en œuvre dans l’ordre de priorité suivant :

« Art. L. 541-15-4. – La lutte contre le gaspillage alimentaire implique de responsabiliser et de mobiliser les producteurs, les transformateurs et les distributeurs de denrées alimentaires, les consommateurs et les associations. Les actions de lutte contre le gaspillage alimentaire sont mises en œuvre dans l’ordre de priorité suivant :

amendement CE6

 

« 1° La prévention du gaspillage alimentaire ;

(Alinéa sans modification)

 

« 2° L’utilisation des invendus propres à la consommation humaine, à travers le don ou la transformation ;

« 2° L’utilisation des invendus propres à la consommation humaine, par le don ou la transformation ;

amendement CE7

 

« 3° La valorisation destinée à l’alimentation animale ;

(Alinéa sans modification)

 

« 4° L’utilisation à des fins de compost pour l’agriculture ou la valorisation énergétique, notamment par méthanisation.

(Alinéa sans modification)

 

« La lutte contre le gaspillage alimentaire passe notamment par la sensibilisation et la formation de tous les acteurs, la mobilisation des acteurs au niveau local et une communication régulière auprès des citoyens, en particulier dans le cadre des programmes locaux de prévention des déchets.

« La lutte contre le gaspillage alimentaire comprend la sensibilisation et la formation de tous les acteurs, la mobilisation des acteurs au niveau local et une communication régulière auprès des consommateurs, en particulier dans le cadre des programmes locaux de prévention des déchets.

amendements CE8 et CE9

 

« Art. L. 541-15-5. – I. – Les distributeurs du secteur alimentaire assurent la commercialisation de leurs denrées alimentaires ou leur valorisation conformément à la hiérarchie établie à l’article L. 533-2-1. Sans préjudice des règles relatives à la sécurité sanitaire des aliments, ils ne peuvent délibérément rendre leurs invendus alimentaires encore consommables impropres à la consommation ou à toute autre forme de valorisation prévue au même article.

(Alinéa sans modification)

 

« II. – Aucune stipulation contractuelle ne peut faire obstacle au don de denrées alimentaires vendues sous marque de distributeur, au sens de l’article L. 112-6 du code de la consommation, par un opérateur du secteur alimentaire à une association caritative habilitée en application de l’article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime, prévu par une convention conclue par eux.

(Alinéa sans modification)

 

« III. – Le don de denrées alimentaires par un commerce de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés à une association caritative habilitée en application de l’article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime fait l’objet d’une convention qui en précise les modalités.

(Alinéa sans modification)

 

« IV. – Le présent article n’est pas applicable aux denrées impropres à la consommation.

(Alinéa sans modification)

 

« V. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article.

(Alinéa sans modification)

 

« Art. L. 541-15-6. – I. – Avant le 1er juillet 2016 ou au plus tard un an à compter de la date de leur ouverture ou de la date à laquelle leur surface de vente dépasse le seuil mentionné au premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 précitée, si le terme de ce délai est postérieur au 1er juillet 2016, les commerces de détail alimentaires dont la surface de vente est supérieure à ce seuil proposent à une ou plusieurs associations mentionnées au III de l'article L. 533-2-2 de conclure une convention précisant les modalités selon lesquelles les denrées alimentaires leur sont cédées à titre gratuit.

« Art. L. 541-15-6. – I. – Au plus tard un an après la promulgation de la loi n° du relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire ou au plus tard un an à compter de la date de leur ouverture ou de la date à laquelle leur surface de vente dépasse le seuil mentionné au premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 précitée, les commerces de détail alimentaires dont la surface de vente est supérieure à ce seuil proposent à une ou plusieurs associations mentionnées au III de l'article L. 541-15-5 de conclure une convention précisant les modalités selon lesquelles les denrées alimentaires leur sont cédées à titre gratuit.

amendement CE10

 

« Les commerces de détail ayant conclu une telle convention avant la promulgation de la loi n° du précitée sont réputés satisfaire au présent I.

(Alinéa sans modification)

 

« II. – Le manquement aux dispositions du I est puni de l’amende prévue pour les contraventions de troisième classe. »

« II. – Le non-respect de l’obligation prévue au I est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. »

amendement CE11

 

« III. – Un distributeur du secteur alimentaire qui rend délibérément impropres à la consommation les invendus alimentaires encore consommables, sans préjudice des règles relatives à la sécurité sanitaire, encourt une peine de 3 750 € d’amende. Il encourt également la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal.

« III. – Un distributeur du secteur alimentaire qui rend délibérément impropres à la consommation les invendus alimentaires encore consommables, sans préjudice des dispositions réglementaires relatives à la sécurité sanitaire, est puni d’une amende de 3 750 €. Il encourt également la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. »

amendements CE13 et CE12

 

« IV. – Le II des articles L. 541-15-5 et L. 541-15-6 du code de l’environnement, dans leur rédaction résultant du présent article, entre en vigueur le 1er juillet 2016.

II. – Le II des articles L. 541-15-5 et L. 541-15-6 du code de l’environnement, dans leur rédaction résultant du présent article, entre en vigueur un an après la promulgation de la présente loi.

amendements CE14 et CE15

 

Article 2

Article 2

Code civil

Livre III : Des différentes manières dont on acquiert la propriété

Titre IV bis : De la responsabilité du fait des produits défectueux

Après le 2° de l’article 1386-6 du code civil, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

(Sans modification)

Art. 1386-6. – Est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant d'une partie composante.

   

Est assimilée à un producteur pour l'application du présent titre toute personne agissant à titre professionnel :

   

1° Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ;

   

2° Qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution.

   
 

« 3° Qui fait don d'un produit vendu sous marque de distributeur en tant que fabricant lié à une entreprise ou à un groupe d'entreprises, au sens de l’article L. 112-6 du code de la consommation. »

 

Ne sont pas considérées comme producteurs, au sens du présent titre, les personnes dont la responsabilité peut être recherchée sur le fondement des articles 1792 à 1792-6 et 1646-1.

   
 

Article 3

Article 3

Code de l’éducation

Deuxième partie : Les enseignements scolaires

Livre III : L'organisation des enseignements scolaires

Titre Ier : L'organisation générale des enseignements

Chapitre II : Dispositions propres à certaines matières d'enseignement

Section 9 bis : L'éducation à l'alimentation

L’article L. 312-17-3 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :

À l’article L. 312-17-3 du code de l’éducation, après la première occurrence du mot : « alimentation », sont insérés les mots : « et à la lutte contre le gaspillage alimentaire ».

amendement CE16

Art. L312-17-3. – Une information et une éducation à l'alimentation, cohérentes avec les orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé mentionné à l'article L. 3231-1 du code de la santé publique et du programme national pour l'alimentation mentionné à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, sont dispensées dans les écoles, dans le cadre des enseignements ou du projet éducatif territorial mentionné à l'article L. 551-1 du présent code.

« La lutte contre le gaspillage alimentaire est intégrée dans le parcours scolaire au titre des objectifs de la politique de l’alimentation définie à l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime. »

 
     
 

Article 4

Article 4

Code de commerce

LIVRE II : Des sociétés commerciales et des groupements d'intérêt économique.

TITRE II : Dispositions particulières aux diverses sociétés commerciales.

Chapitre V : Des sociétés anonymes.

Section 3 : Des assemblées d'actionnaires

   

Art. L. 225-102-1. – Le rapport visé à l'article L. 225-102 rend compte de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés, durant l'exercice, à chaque mandataire social, y compris sous forme d'attribution de titres de capital, de titres de créances ou de titres donnant accès au capital ou donnant droit à l'attribution de titres de créances de la société ou des sociétés mentionnées aux articles L. 228-13 et L. 228-93.

   

Il indique également le montant des rémunérations et des avantages de toute nature que chacun de ces mandataires a reçu durant l'exercice de la part des sociétés contrôlées au sens de l'article L. 233-16 ou de la société qui contrôle, au sens du même article, la société dans laquelle le mandat est exercé.

   

Ce rapport décrit en les distinguant les éléments fixes, variables et exceptionnels composant ces rémunérations et avantages ainsi que les critères en application desquels ils ont été calculés ou les circonstances en vertu desquelles ils ont été établis. Il fait mention, s'il y a lieu, de l'application du second alinéa, selon le cas, de l'article L. 225-45 ou de l'article L. 225-83. Il indique également les engagements de toutes natures, pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux, correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la prise, de la cessation ou du changement de ces fonctions ou postérieurement à celles-ci, notamment les engagements de retraite et autres avantages viagers. L'information donnée à ce titre doit, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret, indiquer les modalités précises de détermination de ces engagements et contenir, pour chaque mandataire social, une estimation du montant des rentes qui seraient potentiellement versées au titre de ces engagements et des charges afférentes. Hormis les cas de bonne foi, les versements effectués et les engagements pris en méconnaissance des dispositions du présent alinéa peuvent être annulés.

   

Il comprend également la liste de l'ensemble des mandats et fonctions exercés dans toute société par chacun de ces mandataires durant l'exercice.

   

Il comprend également des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité, incluant les conséquences sur le changement climatique de son activité et de l'usage des biens et services qu'elle produit, ainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l'économie circulaire et en faveur de la lutte contre les discriminations et de la promotion des diversités. Un décret en Conseil d'État établit deux listes précisant les informations visées au présent alinéa ainsi que les modalités de leur présentation, de façon à permettre une comparaison des données, selon que la société est ou non admise aux négociations sur un marché réglementé.

[…]

À la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, après le mot : « durable », sont insérés les mots : « , de la lutte contre le gaspillage alimentaire ».

À la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, après le mot : « circulaire », sont insérés les mots : « , de la lutte contre le gaspillage alimentaire ».

amendement CE17

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de l’Assemblée nationale, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

© Assemblée nationale

1 () G. Garot, « La lutte contre le gaspillage alimentaire : propositions pour une action publique », rapport au Premier ministre, avril 2015.

2 () Règlement (UE) n° 1169/2011 du Parlement et du Conseil, du 25 octobre 2011, concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires, entré en application en décembre 2014.

3 () Food and Agriculture Organization of the United Nations.

4 () A. Soyeux, « La lutte contre le gaspillage », Futuribles, n°362, avril 2010.

5 () INRA-Pluriagri, « Afrique du Nord - Moyen-Orient à l’horizon 2050 : vers une dépendance accrue aux importations agricoles », octobre 2015.

6 () ADEME, « Étude estimative de la production de bio-déchets au sein des établissements de restauration », novembre 2011.

7 () Par exemple, le lait d’égouttage des fromages peut être récupéré pour des préparations à fort contenu en protéines ; les noyaux des pruneaux peuvent être pressés pour obtenir de l’huile tandis que les coques sont utilisées comme combustible.

8 () Seuil qui déclenche l’assujettissement à la taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, en vertu de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972.

9 () En vertu de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, il s’agit des sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ainsi qu'aux sociétés dont le total de bilan ou le chiffre d'affaires et le nombre de salariés excèdent les seuils fixés par le décret n° 2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale.