N° 3257 - Rapport de M. Julien Aubert sur la proposition de loi de MM. Julien Aubert et Bruno Le Maire et plusieurs de leurs collègues portant réforme du régime social des indépendants (3083)



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N° 3257

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 novembre 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION DE LOI portant réforme du régime social des indépendants,

PAR M. Julien AUBERT,

Député.

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 3083.

SOMMAIRE

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Pages

I. LE RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS RESTE CONFRONTÉ À DES DYSFONCTIONNEMENTS MAJEURS 7

A. LA MISE EN PLACE DU RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS 7

1. Une réforme structurelle majeure 7

2. Une identité qui demeure très spécifique 8

B. LA PERSISTANCE DE FAIBLESSES STRUCTURELLES 9

1. La répartition des compétences entre RSI et URSSAF n’est pas suffisamment harmonieuse 9

2. Les fragilités informatiques 9

II. LES USAGERS CONTINUENT DE SOUFFRIR DES DYSFONCTIONNEMENTS DU RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS 11

A. L’APPEL ET LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS ALIMENTENT LE VIF MÉCONTENTEMENT DE NOMBREUX COTISANTS 11

1. Les pertes d’information constituent le principal obstacle à un recouvrement efficace et fiable des cotisations 11

2. Les dispositifs d’urgence ont occasionné de nouveaux dysfonctionnements 12

B. LES DYSFONCTIONNEMENTS ÉGALEMENT MARQUÉS POUR LE CALCUL ET LE VERSEMENT DES PRESTATIONS DE RETRAITE 13

C. LA CONFIANCE DES USAGERS À L’ÉGARD DU RSI EST PROFONDÉMENT ENTAMÉE 14

TRAVAUX DE LA COMMISSION 17

DISCUSSION GÉNÉRALE 17

EXAMEN DES ARTICLES 31

Chapitre 1er – Répondre aux difficultés actuelles rencontrées par les affiliés du régime social des indépendants 31

Article 1er : (art. L. 133-6-4 du code de la sécurité sociale) Amélioration du système de recouvrement des contributions et cotisations par le régime social des indépendants 31

Article 2 : Obligation d’information sur la possibilité de saisine du médiateur des indépendants préalablement à tout envoi de mise en demeure par le régime social des indépendants 35

Article 3 : Rapport sur les conditions de création d’un fonds d’indemnisation des cotisants au régime social des indépendants 37

Article 4 : Options d’affiliation au régime général pour une durée de trois ans renouvelable 39

Après l’article 4 42

Chapitre II – Améliorer le fonctionnement du régime social des indépendants 45

Article 5 : (art. L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale) Calcul mensuel ou trimestriel des cotisations et contributions de sécurité sociale 45

Article 6 : (art. L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale) Instauration d’un système de rescrit social au sein du régime social des indépendants 46

Article 7 : (art. L. 213-1 du code de la sécurité sociale) Délégation aux URSSAF du calcul et de l’encaissement des cotisations sociales d’assurance maladie et d’assurance vieillesse des professions libérales 49

Après l’article 7 51

Article 8 : Certification des comptes du régime social des indépendants et de son activité de recouvrement par la Cour des comptes 53

Chapitre III – Faciliter l’activité des entrepreneurs 57

Article 9 : (art. L. 133-6-4-1 [nouveau] du code de la sécurité sociale) Étalement du règlement des cotisations en cas de difficultés financières 57

Après l’article 9 59

Article 10 : Relevés de situation individuelle 60

Article 11 : Droit à une pension provisoire 62

Après l’article 11 64

Article 12 : Remise d’un rapport par le Haut Conseil du financement de la protection sociale sur la mise en place d’un mécanisme de plafonnement des cotisations sociales 68

Article 13 : Gage financier 70

INTRODUCTION

Cette proposition de loi vise à apporter des réponses aux dysfonctionnements du régime social des indépendants (RSI). La lassitude manifestée depuis longtemps par les travailleurs indépendants est désormais partagée par l’essentiel des acteurs politiques et administratifs de notre pays.

La création du RSI en 2006 a représenté une réforme majeure du système de protection sociale. Elle répondait à la nécessité incontestable de simplification administrative du régime via la fusion des différentes caisses et la création d’un interlocuteur social unique pour le recouvrement des cotisations. Toutefois, très rapidement après sa création, le régime a connu d’importants dysfonctionnements dont bon nombre perdurent encore malheureusement.

Les pouvoirs publics ont tardé à réagir face à l’accumulation des difficultés. Les rapports se sont pourtant multipliés depuis 2012 : commis par la Cour des Comptes en 2012 et en 2014, par les sénateurs en 2014, par le Conseil économique, social et environnemental en septembre 2015. Le 21 septembre dernier, nos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier ont remis au Premier ministre leur rapport sur le fonctionnement du RSI dans sa relation avec les usagers (1).

Ainsi, il existe désormais un consensus sur la nécessité d’une réforme centrée sur la protection et l’accompagnement des ressortissants du régime. Cette proposition de loi en donne l’occasion aux parlementaires.

Les mesures qu’elle propose traduisent un long travail d’écoute et de concertation, ainsi que l’examen de situations concrètes, bien souvent absurdes, vécues par bon nombre de nos concitoyens. Elles reposent avant tout sur la confiance qu’il convient de témoigner à l’égard des assurés ainsi que sur le respect de leur liberté. Ils doivent être protégés, conseillés et indemnisés. Ils doivent pouvoir se défendre et se voir offrir de véritables alternatives.

La protection sociale des indépendants a été profondément transformée en 2006 avec la création du RSI. Cette réforme a été conduite avec rapidité, occasionnant des dysfonctionnements majeurs dont les cotisants souffrent encore aujourd’hui.

La protection sociale des travailleurs indépendants s’est structurée en dehors du régime général, en charge des seuls travailleurs salariés. Son organisation autonome correspond à la nature de l’activité indépendante. Elle se caractérise par l’absence de contrat de travail, la possession fréquente des moyens de production mais également par des variations plus importantes de revenu. Elle s’est structurée dans l’immédiat après-guerre, par étapes, avec la création de caisses professionnelles destinées en particulier aux professions artisanales, aux commerçants ou encore aux professions libérales.

Au cours des années 2000, le travail indépendant a fait face à de profondes mutations : forte progression de ses effectifs (+ 26 % entre 2006 et 2011), diversification des professions, ou encore création du statut d’autoentrepreneur en 2009. Dans ce contexte, en 2006, le Gouvernement a choisi de maintenir un régime social dédié aux indépendants tout en simplifiant son organisation. Le RSI résulte de la fusion de trois caisses gérées par des réseaux distincts : la Caisse autonome nationale de compensation de l’assurance vieillesse artisanale (CANCAVA), la Caisse nationale d’assurance maladie des professions indépendantes (CANAM), et l’Organisation autonome nationale de l’industrie et du commerce (ORGANIC).

Cette fusion a créé un acteur de premier plan de la protection sociale. En 2014, le RSI comptait 6,1 millions de cotisants et recevait des cotisations de 2,8 millions de travailleurs indépendants, en faisant le deuxième régime de sécurité sociale en France par le nombre de personnes assurées. Cette même année, il a recouvert 14,5 milliards d’euros de cotisations, et servi 17,7 milliards d’euros de prestations.

Parallèlement, la mise en place de l’interlocuteur social unique (ISU) a constitué le deuxième volet de cette réforme de simplification, avec le transfert du recouvrement de l’ensemble des cotisations sociales des indépendants, hors professions libérales, aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), par délégation du RSI. Il en a résulté la répartition des missions suivante : si le RSI affilie les personnes, collecte les déclarations de revenus et assure une partie du recouvrement (notamment le recouvrement forcé), les URSSAF gèrent le calcul, l’encaissement et la plus grande partie du recouvrement amiable des cotisations.

La mise en place du RSI était alors unanimement reconnue comme une solution ambitieuse et nécessaire. Elle visait à simplifier les relations entre les professionnels indépendants et les organismes gérant leur protection sociale Néanmoins, la mise en œuvre rapide du régime a posé d’importants problèmes, liés notamment au partage des tâches entre l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et les URSSAF, d’une part, et le RSI et les organismes conventionnés, d’autre part, mais surtout au maintien de systèmes d’information inadaptés.

Le RSI est l’héritier de ces structures, dont le rapprochement a naturellement fortement marqué l’identité. Dans son rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, la Cour des comptes a ainsi rappelé trois spécificités fortes qui caractérisaient les différents régimes de protection sociale des indépendants et qui marquent encore le RSI, à savoir :

« – l’ouverture et le calcul des droits à retraite et indemnités journalières sont subordonnés au paiement effectif des cotisations. L’organisme en charge du versement de ces prestations en espèce doit donc pouvoir vérifier que les assurés sont à jour de leurs cotisations ;

– l’assiette, les règles de plafonnement et les taux de cotisations ne sont pas calqués sur ceux du régime général ;

– les indépendants doivent payer des cotisations minimales qui n’existent pas pour les salariés. » (2).

Aujourd’hui encore, les travailleurs indépendants demeurent attachés à cette gouvernance spécifique. Elle se traduit par l’élection des administrateurs du régime. Ces représentants sont élus au suffrage universel par leurs pairs, et siègent aux conseils d’administration de la caisse nationale et des caisses régionales du RSI. Le régime dispose par ailleurs d’un fonds d’action social particulièrement dynamique. Il peut accorder des délais de paiement ou encore proposer la prise en charge de cotisations.

Les URSSAF assuraient déjà, avant la réforme du régime des indépendants, le recouvrement de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). La création du RSI fournissait l’opportunité de consolider les URSSAF, et en particulier les plus petites qui dépendent parfois fortement du recouvrement des cotisations des indépendants. Cependant, dans les faits, la création de l’ISU a placé ces deux organismes au milieu du gué en maintenant une compétence partagée entre les URSSAF et le RSI pour la gestion du recouvrement (3).

S’il peut tout à fait se justifier, le choix de confier la gestion du recouvrement des cotisations à une structure duale nécessite de la part des deux organismes un fort investissement. Il est en effet crucial de mettre en place des modalités de fonctionnement efficaces et pérennes. Or, ces deux entités ont particulièrement peiné à harmoniser leurs systèmes d’information. Le système SNV2 de l’ACOSS s’est finalement imposé mais sans permettre, dans la pratique, une complète fluidité des échanges d’informations entre les organismes.

Il aura fallu attendre 2014 pour qu’une convention formalise les engagements de l’ACOSS et du RSI dans la gestion du recouvrement. Cependant, fin juillet 2015, la mise en place de cet accord n’était toujours pas achevée. Les premières remontées de terrain laissent entendre que le partage des tâches entre les réseaux du RSI et des URSSAF n’est pas toujours fonctionnel. En outre, la qualité de service semble varier considérablement d’une région à l’autre. Cette situation s’explique pour partie par les modalités d’implication des directions régionales du RSI et de l’URSSAF, ainsi que, tout bonnement, du fait de relations personnelles plus ou moins fluides.

Malgré des tentatives d’amélioration des systèmes d’information et d’intégration des deux organisations, du fait même de son caractère dual, la gestion du recouvrement « reste porteuse a minima d’un manque de fluidité, et a maxima d’un risque lié à la communication entre institutions et systèmes d’information » (4). Ces dysfonctionnements perdureront aussi longtemps que l’architecture générale des systèmes d’information ne sera pas intégralement réformée. Ce chantier avait été initié sous l’impulsion de la précédente majorité. Il figure dans la convention d’objectifs et de moyens 2007-2012 du RSI. Il a cependant été abandonné à la fin du premier semestre 2013. On peut le regretter car aucun projet d’ambition équivalente ne s’y est véritablement substitué. La nécessaire transformation des systèmes d’information ne pourra se faire que si des moyens suffisants y sont alloués. Cette ambition semble de moins en moins réalisable compte tenu de la diminution constante des ressources allouées au régime dans les conventions d’objectif et de moyen. Elles représentaient 842 millions d’euros en 2012 et seulement 775 millions d’euros en 2015 (5).

II. LES USAGERS CONTINUENT DE SOUFFRIR DES DYSFONCTIONNEMENTS DU RÉGIME SOCIAL DES INDÉPENDANTS

Depuis sa création, les relations entre le RSI et ses cotisants se sont fortement dégradées en raison de facteurs touchant à la fois à la multiplication des données erronées sur les dossiers des cotisants, impactant les cotisations et les prestations, et au manque d’informations ou au caractère lacunaire des réponses qui leur étaient apportées.

Dès l’origine, les pertes d’informations entre les systèmes informatiques des URSSAF et du RSI ont entraîné des difficultés en chaîne pour la gestion des appels de cotisations. La Cour des comptes a établi qu’en 2008, 10 % des assurés du RSI n’étaient pas à jour de leurs cotisations, celles-ci n’ayant pas été appelées ou ayant été appelées à un montant erroné (6). D’autres difficultés résultent également du manque de fiabilité des informations présentes sur les comptes des cotisants. Les comptes n’étant pas toujours consolidés, certaines cotisations déjà versées peuvent ne pas apparaître dans les dossiers gérés par le RSI ou les URSSAF.

La plupart des dysfonctionnements résultent de l’inadaptation des systèmes d’information qui ne prennent pas en compte les « flux retour » vers le RSI de l’information relative au versement des cotisations aux URSSAF. De plus, un simple déménagement du cotisant ou une différence d’adresse entre le logement et l’entreprise pouvaient entraîner des appels de cotisation erronés. Les agents du RSI et de l’URSSAF, ainsi que les affiliés, estiment ainsi que le fonctionnement du système est très nettement perfectible au regard de trois grandes catégories de difficultés, qui perdurent aujourd’hui.

En premier lieu, dans un certain nombre de cas, les changements de situation des professionnels couverts par le RSI restent difficilement appréhendables par les systèmes d’information. Les mutations de statut des indépendants (passage d’artisan, commerçant ou membres d’une profession libérale à l’une de ces autres catégories), ou le changement de région et donc d’interlocuteur régional, sont des évolutions difficilement gérées à l’heure actuelle.

La question des radiations reste également délicate. En effet, certaines radiations doivent être traitées manuellement en raison de l’incapacité du système informatique à les prendre en charge. La radiation peut également générer de manière aléatoire des courriers d’appel contenant des informations incomplètes ou fausses, malgré l’exactitude des informations présentes dans le système informatique.

Enfin, malgré la réforme instaurée par la loi n° 2008-776 de modernisation de l’économie promulguée le 4 août 2008, les conjoints de micro-entrepreneurs ne sont toujours pas pris en compte dans la plupart des calculs effectués par les systèmes informatiques.

La crise de l’ISU avait conduit jusqu’en 2012 à la mise en place de dispositifs d’urgence tels que le blocage des comptes, la suspension des procédures de recouvrement amiable et du contentieux, la remise systématique de pénalités et des majorations de retard. Les organismes de recouvrement du RSI et de l’URSSAF ont dû réaliser un investissement humain très important sur le terrain pour répondre aux demandes des usagers, et résoudre manuellement les problèmes sur les comptes des assurés.

La majorité de ces dispositifs a été suspendue depuis 2013, parallèlement à la résolution du problème informatique et au retour à la normale du fonctionnement du régime. Néanmoins, il est nécessaire d’accélérer cette tendance : environ 25 000 comptes étaient encore bloqués fin 2014, pour un encours de 170 millions d’euros.

Paradoxalement, le retour aux dispositifs de droit commun a créé un regain de tension avec les assurés. En effet, la normalisation de la situation a conduit à restaurer le recouvrement amiable en 2012 et le recouvrement forcé en 2014, mettant en difficulté les cotisants devant s’acquitter de plusieurs années de cotisations. La situation a été aggravée par un manque de communication préalable avec les assurés suite au retour à un fonctionnement normal.

Enfin, la crise économique et financière de 2008 a eu des effets significatifs sur les travailleurs indépendants. L’enquête réalisée en 2015 par l’INSEE (7) sur les indépendants montre qu’une baisse généralisée des revenus est intervenue après la crise ; les indépendants n’ont retrouvé qu’à partir de 2011 le niveau de revenu qu’ils avaient en 2007. De même, selon l’enquête menée par l’IFOP en 2013 (8), 65 % de travailleurs ont vu leur chiffre d’affaires baisser. Ils ont été d’autant plus fragilisés qu’ils devaient s’acquitter des cotisations calculées sur la base de l’activité réalisée l’année précédente.

Les dysfonctionnements initiaux d’appel et de recouvrement des cotisations se sont traduits par des difficultés majeures pour le versement des prestations, mais également pour le calcul des droits à retraite et la liquidation des pensions.

Dès 2008, la Cour des comptes a identifié de multiples dysfonctionnements. Les fragilités informatiques ont généré de nombreuses erreurs de fonctionnement. Les assurés se sont vus accorder des retraites incomplètes dans la mesure où ils ne pouvaient faire valoir les trimestres manquants, du fait d’appels à cotisations erronés. De même, des assurés pouvaient bénéficier « des prestations en nature de l’assurance maladie mais pas des indemnités journalières » (9). La Cour a également indiqué qu’ « il était estimé mi-2011 que les droits à la retraite n’étaient pas à jour pour 25 à 40 % des comptes ».

La normalisation progressive du recouvrement des cotisations, ne s’est pas systématiquement traduite par une amélioration des conditions de versement des prestations. Ainsi, le nouvel outil informatique ASUR mis en place en mai 2013 pour gérer les droits à la retraite, était dès l’origine insuffisant pour traiter correctement l’ensemble des dossiers, nombreux et particulièrement complexes. Ces opérations ont nécessité de nombreux calculs manuels, allongeant considérablement les délais de traitement, et des versions correctives du logiciel ont dû être mises en place. Les délais de liquidation et de versements sont particulièrement importants dans les situations complexes où les retraités perçoivent des droits de plusieurs régimes, ou changent de région.

Aujourd’hui encore, des retards importants de mise en paiement des droits des assurés en matière de retraite sont régulièrement constatés : le rapport de Mme Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier rappelle que « seuls 56 % des dossiers de mise en paiement des droits propres le sont dans les délais, et à peine plus de 16 % des dossiers relatifs au droit dérivé » (10).

Dans ce contexte, la mise en place de la liquidation unique des retraites, réalisée par le dernier régime d’affiliation d’un assuré, a été repoussée d’une année, au 1er janvier 2017, pour tenir compte des difficultés rencontrées par le RSI.

Le manque d’information auprès des assurés demeure problématique. En effet, certains ne pourront bénéficier de l’ensemble des trimestres auxquels ils pouvaient prétendre en raison du non-appel de certaines cotisations pour des comptes bloqués. Le montant global de ces trimestres non-validés est estimé à plus de 900 millions d’euros (11). Il est regrettable que des démarches explicatives invitant les cotisants à racheter ces trimestres n’aient pas été mises en place à ce jour.

Les nombreuses erreurs dont ont été victimes les usagers du RSI ont conduit nombre d’entre d’eux à contester les montants à recouvrer ou à verser par le régime. Le rapport d’information de MM. Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy estime que malgré une baisse de 60 % par rapport à 2012, 3 000 réclamations par mois parvenaient encore aux services en 2013 (12). Près de 20 000 réclamations en 2013 concernaient plus particulièrement le calcul et le recouvrement des cotisations sociales.

La méfiance des cotisants peut également se traduire par la réduction à 50 % en 2013 (70 % avant la réforme) du nombre de ceux choisissant un prélèvement mensuel, les affiliés préférant en effet régler eux-mêmes par chèque afin de vérifier les montants à payer.

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Une réaction politique est aujourd’hui indispensable pour apporter des réponses concrètes à ces graves dysfonctionnements. Aucune réforme à la hauteur des enjeux n’a été mise en place pour remédier à cette situation. Aussi, cette proposition de loi vise à mettre en place des mesures simples et pragmatiques pour réformer le RSI.

Le chapitre 1 vise à apporter des réponses aux difficultés rencontrées par les ressortissants du RSI.

L’article premier propose la réorganisation des règles de recouvrement des contributions et cotisations par le régime social des indépendants. Conférant au dialogue une priorité sur le règlement contentieux, il comporte des dispositions particulièrement protectrices pour les cotisants, telles que le conditionnement du recours aux huissiers de justice à une décision de justice défavorable au cotisant ou encore la suspension de l’application de majoration de retard sur les montants appelés en cas de contentieux. Ces dispositions permettront d’alléger la pression financière sur les entrepreneurs qui, bien souvent, ne peuvent plus faire face aux sommes exigées.

L’article 2 instaure une obligation pour le RSI d’informer le cotisant de sa capacité à saisir le médiateur du régime social des indépendants préalablement à toute mise en demeure.

L’article 3 prévoit la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement étudiant les conditions de création d’un fonds d’indemnisation des cotisants ayant subi un préjudice du fait des dysfonctionnements du RSI. En effet, certains cotisants ont connu d’importantes difficultés financières du fait même de ces dysfonctionnements. Ces victimes méritent indemnisation.

L’article 4 permet aux travailleurs indépendants non-agricoles qui le souhaitent de s’affilier au régime général de la sécurité sociale pour une durée de trois ans reconductible tacitement. Ils seront dès lors libres de choisir le régime dont ils souhaitent dépendre, mais aussi de revenir sur leur choix le cas échéant. Ceci offrira aux indépendants plus de flexibilité dans le choix de leur régime social.

Le chapitre 2 recherche une amélioration dans le fonctionnement du RSI.

L’article 5 permettra aux indépendants d’opter pour un calcul mensuel ou trimestriel de leurs cotisations et contributions à partir du chiffre d’affaires ou des revenus effectivement réalisés ou perçus le mois ou le trimestre précédent. Il s’agit d’un progrès conférant davantage de souplesse au système, inspiré par le régime du microsocial. Toujours dans un but de simplification des procédures administratives, l’article 6 conforte l’extension de la procédure du rescrit social au RSI.

Afin d’améliorer le calcul des cotisations sociales, l’article 7 confie aux URSSAF le calcul et l’encaissement des cotisations sociales d’assurance maladie et d’assurance vieillesse des professions libérales, comme elles le font déjà aujourd’hui pour certains autoentrepreneurs, au lieu de les répartir entre trois acteurs différents.

L’article 8 prévoit que la Cour des comptes devra certifier les comptes de ce régime. Cette procédure permettra au conseil d’administration du RSI, mais aussi au législateur et au Gouvernement, de mieux identifier les dysfonctionnements et de prendre plus rapidement les mesures correctrices nécessaires.

Le chapitre 3 tend à faciliter l’activité des entrepreneurs.

L’article 9 offre la possibilité d’étaler sur 36 mois le règlement des cotisations en cas de diminution substantielle du chiffre d’affaires des cotisants. Ceci permettra notamment aux indépendants qui subissent une baisse d’activité d’assumer plus facilement le règlement de leurs cotisations.

L’article 10 institue l’envoi tous les cinq ans à chaque cotisant d’un relevé individuel de situation reprenant l’ensemble des droits acquis dans chacun des régimes de retraite de base et complémentaires obligatoires auxquels il appartient. À partir de 55 ans, le relevé de situation individuelle sera transmis tous les deux ans et devra comporter une estimation de la future pension de retraite qui sera calculée sur base des cotisations versées. De plus, en cas d’erreur ou d’omission constatée par le cotisant sur son relevé individuel, celui-ci pourra faire appel au médiateur du RSI afin d’apporter les corrections nécessaires.

L’article 11 crée un droit à pension provisoire au profit des ressortissants de ce régime. Il leur permettra de bénéficier, quatre mois après la demande de liquidation de leurs droits, d’une pension de retraite provisoire. Elle sera révisée dans un délai maximum de six mois, ce qui stabilisera les ressources des assurés.

Enfin, l’article 12 missionne le Haut Conseil du financement de la protection sociale pour qu’il remette un rapport au Parlement sur l’opportunité de mettre en place un « bouclier social », plafonnant les cotisations sociales des travailleurs non-salariés et sanctuarisant un revenu minimal.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

DISCUSSION GÉNÉRALE

La Commission des affaires sociales examine, sur le rapport de M. Julien Aubert, la proposition de loi portant réforme du régime social des indépendants (n° 3083), au cours de sa séance du mercredi 25 novembre 2015.

M. Christian Hutin, vice-président. Mes chers collègues, nous allons aujourd’hui examiner la proposition de loi de MM. Julien Aubert et Bruno Le Maire portant réforme du régime social des indépendants (RSI) qui sera examinée dans le cadre de la niche du groupe Les Républicains le 3 décembre prochain.

Il s’agit d’un problème brûlant : ce régime unifié, devenu depuis 2008 l’interlocuteur social unique pour la protection sociale des artisans, industriels et commerçants, n’a pas fait ses preuves.

Nos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier ont remis le 21 septembre dernier au Premier ministre un intéressant rapport sur ce sujet, qu’abordent par ailleurs plusieurs textes actuellement en discussion.

M. Julien Aubert, rapporteur. Merci, mes chers collègues, de m’accueillir dans votre commission pour la présentation d’un texte qui porte sur un problème sérieux et reconnu comme tel par la droite comme par la gauche. Confrontés depuis dix ans à des questions d’intelligibilité, voire de dysfonctionnement de leur régime, les commerçants, artisans et indépendants attendent une réponse.

La proposition de loi qui vous est présentée s’inscrit dans une longue série d’initiatives, commencée en septembre 2013 par le dépôt, par notre collègue Laurent Marcangeli, d’une proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête, et poursuivie en février 2015 par la demande de 116 députés des groupes Union des démocrates et indépendants et Les Républicains, dont Bruno Le Maire et moi-même, de constitution d’une mission d’information.

Le présent texte constitue le fruit d’une réflexion menée par une cinquantaine de parlementaires de la droite et du centre qui a conduit à une quinzaine de déplacements en province, qui furent autant d’occasions de rencontres avec les élus départementaux, les représentants des professionnels et les gestionnaires du régime social des indépendants (RSI) lui-même, dont l’objet était l’établissement d’un diagnostic commun. Par ailleurs, des auditions ont été réalisées au Palais Bourbon, ainsi qu’un sondage sur Internet, auquel plus de 300 personnes ont répondu, ce qui a permis de connaître l’état d’esprit des affiliés en difficulté avec le régime. Les témoignages reçus étaient précis : les sommes en jeu allaient de 230 euros à 135 000 euros ; 80 % des personnes ayant répondu disaient rencontrer des difficultés pour joindre le RSI au téléphone ; dans 20 % des cas, la viabilité de l’entreprise était mise en cause, parfois même à brève échéance, et une substantielle baisse de revenu constatée.

Notre objectif est triple. En premier lieu, humaniser le régime en limitant le recours aux procédures coercitives qui sont très mal vécues par les affiliés. Aussi proposons-nous une révolution copernicienne : au lieu que ce soit, comme aujourd’hui, le RSI qui calcule et réclame le montant des cotisations, et envoie les huissiers aux intéressés s’ils ne sont pas d’accord, nous suggérons que l’on fasse confiance aux travailleurs indépendants, qui ne sont pas nécessairement des fraudeurs ou des voleurs, et qu’on leur laisse le soin de calculer eux-mêmes ces cotisations, quitte à ce que le RSI les conteste le cas échéant.

En deuxième lieu, nous voulons simplifier le régime, car les affiliés ne comprennent ni quelle est l’assiette, ni quel est le mode de calcul, ni le pourquoi des variations de cotisations. Ils le comprennent d’autant plus mal que le dialogue avec les caisses, en cas de désaccord, est malaisé.

Nous voulons enfin encourager le travail puisque, parfois, l’activité professionnelle procure des revenus inférieurs aux minima sociaux susceptibles d’être perçus lorsque l’on est sans emploi. La société ne peut pas fonctionner si celui qui travaille dix ou quinze heures par jour est moins bien rémunéré que celui qui ne travaille pas. Une réflexion doit donc être conduite dans le cadre de la réforme de ce régime.

Mme Bulteau et M. Verdier ont produit un travail très complet, et nous partageons un certain nombre de leurs propositions ; ce débat ne doit pas devenir politique, encore moins politicien, et la droite prend ses responsabilités puisque c’est elle qui a créé le RSI. Des divergences persistent cependant quant aux changements à apporter : nous ne préconisons pas un traitement homéopathique, mais des antibiotiques, voire de la chirurgie, car les indépendants, au bout de dix ans, alors que nous connaissons une période de baisse de l’activité économique accompagnée d’une hausse de la fiscalité, ne supportent plus la situation qui leur est imposée.

Mme Sylviane Bulteau. Nul ne peut nier que, depuis sa création en 2006, et plus encore à partir de 2008, le fonctionnement du RSI est chaotique du fait de l’institution de l’interlocuteur social unique.

Confondant vitesse et précipitation, ceux qui, à l’époque, ont voulu à tout prix imposer la réforme du régime des indépendants sans même se soucier de la compatibilité des divers systèmes d’information, sont responsables de l’état de « catastrophe industrielle » dénoncé par la Cour des comptes. Jusqu’en 2012, sur le plan politique, l’immobilisme total a prévalu, et ceux qui, hier, n’ont rien fait pour régler le problème veulent nous faire croire aujourd’hui qu’ils détiennent la solution ; manifestement, ils sont dans l’erreur.

Comme vous le savez, mes chers collègues, notre majorité a pris à bras-le-corps ce lourd héritage et a travaillé dans la concertation, en veillant aux intérêts des travailleurs indépendants comme à ceux des salariés du RSI, car tous sont les victimes de ces dysfonctionnements.

Conscient de l’urgence, le Premier ministre, le 8 avril dernier, a installé une mission sur l’amélioration de la qualité du service rendu par le RSI. Le 8 juin, avec M. Verdier, j’ai remis un rapport d’étape ; le 25 juin, le Gouvernement a pris vingt mesures inspirées de ce travail et le mode de recouvrement des cotisations a été réformé. Désormais, la régularisation anticipée permet de calculer les cotisations sur le dernier revenu connu, afin de réduire le décalage entre revenus et cotisations, système particulièrement pénalisant pour des entrepreneurs dont l’activité peut varier de façon importante. Cette réforme s’accompagne d’un allégement des formalités administratives grâce à la réduction du nombre de documents demandés. En outre ; le service rendu aux assurés a été et continuera d’être amélioré. Depuis le 1er septembre dernier, afin de garantir une meilleure qualité de service ainsi qu’un taux de réponse nettement plus élevé, ce sont à nouveau les services du RSI qui répondent aux appels téléphoniques, et non plus des opérateurs sous-traitants.

Comme vous, monsieur Aubert, la mission a réalisé des auditions, au nombre de soixante-dix environ, et a visité les différentes caisses régionales et autres organismes ; nous avons remis notre rapport à M. le Premier ministre le 21 septembre dernier. Ce document préconise un ensemble de mesures structurelles, car notre action est guidée par la volonté de rétablir les indépendants dans leurs droits, afin qu’ils aient enfin le sentiment que les prestations qui leur sont servies sont en rapport avec le montant des cotisations qu’ils acquittent.

En conséquence, nous avons proposé la réforme du barème des cotisations « minimales », dues lorsque les bénéfices de l’activité dégagés sont très faibles ou nuls. Aussi les cotisations minimales d’assurance maladie seront-elles totalement supprimées. Cette mesure permettra, à prélèvement constant, de relever la cotisation minimale d’assurance vieillesse de base afin de garantir aux ressortissants du régime la validation de trois trimestres de retraite par an, alors qu’aujourd’hui, un indépendant n’ayant dégagé qu’un faible bénéfice, même en travaillant une année entière, ne valide que deux trimestres. Pour les plus faibles revenus, le montant des cotisations minimales sera ainsi diminué.

Nous avons également proposé, et cette mesure forte a été retenue, de ramener le délai de carence à trois jours pour les arrêts maladie de plus de sept jours ; en effet, les indépendants, s’ils disposent des mêmes droits que les salariés pour la prise en charge des soins, ne bénéficient pas des mêmes prestations pour compenser leur perte de revenu en cas de maladie. Enfin, nous avons proposé la création du temps partiel thérapeutique pour les travailleurs indépendants, à l’instar de ce qui existe pour les salariés. Sur notre proposition, avec le soutien du groupe Socialiste, républicain et citoyen, cette mesure a été adoptée à l’unanimité lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016.

D’autres dispositions restent à prendre, soit par voie réglementaire, soit par le RSI lui-même ; les propositions de notre rapport doivent notamment inspirer la convention d’objectif et de gestion (COG) 2016-2019 que l’État conclura avec le RSI. Enfin, un comité de suivi sera installé afin de s’assurer de la mise en œuvre effective de ces mesures nécessaires d’amélioration et de simplification.

Les choses avancent donc résolument. Comme Fabrice Verdier et moi-même aimons à le répéter, il n’y aura pas de « grand soir » du RSI : nous devons réformer dans la durée et la concertation, avec le souci de ne pas créer de difficultés supplémentaires à ce régime qui est toujours convalescent. Le retour de la confiance entre les assurés et le RSI constitue plus qu’une nécessité : c’est un impératif, tout comme est impérative la recherche d’un nécessaire apaisement. Votre proposition de loi, mes chers collègues de l’opposition, ne participe pas de cette logique, et je ne peux que le déplorer.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous avons tous reçu dans nos permanences des artisans et commerçants critiques, voire en colère, à l’égard du fonctionnement, ou plutôt du dysfonctionnement, du régime social des indépendants. Devant les difficultés, voire les drames, puisque des suicides nous ont été signalés, le groupe Les Républicains a réclamé des initiatives : notre demande de commission d’enquête du mois de septembre 2013 a été refusée, tout comme notre demande de constitution d’une mission d’information en 2014. Il ne nous restait plus qu’à recourir au véhicule d’une proposition de loi, cosignée par plus d’une centaine d’entre nous, et dont il nous est donné de débattre aujourd’hui, grâce à l’heureuse initiative de nos collègues Bruno Le Maire et Julien Aubert.

Il est vrai que, de son côté, le Gouvernement a confié à nos collègues Fabrice Verdier et Sylviane Bulteau, une mission qui a donné lieu à un rapport dont il a repris vingt propositions parmi celles présentées au mois de juin dernier. Certaines rejoignent le texte que nous examinons aujourd’hui : j’ose espérer que vous les voterez. Il y a urgence à agir, j’ai pu personnellement le constater dans ma circonscription où, comme d’autres, j’ai organisé une réunion publique avec le sénateur Dominique de Legge, et à laquelle a participé le président du RSI Bretagne. Il est inutile de dire que les échanges ont été vifs, très vifs. Parmi les principaux reproches exprimés, figurent le manque de transparence et de pédagogie dans le calcul des cotisations, l’absence de relations humaines, pourtant nécessaires à un traitement individualisé, les pénalités appliquées alors que la responsabilité de l’indépendant n’est pas en cause, le montant élevé des dépenses de communication et des frais de fonctionnement de la structure, le niveau des charges enfin, qui s’élèvent à plus de 47 % selon les indépendants à 31 % seulement d’après les responsables du RSI – qui a raison, et qui a tort ?

Dans le contexte alarmant que connaissent aujourd’hui le commerce et l’artisanat – je pense en particulier au bâtiment –, quelles garanties avons-nous que les propositions qui vont dans le bon sens seront bien mises en œuvre rapidement ? Nous voulons légiférer sans plus attendre.

Afin de répondre aux attentes légitimes des intéressés, le chapitre Ier prévoit la limitation du recours aux huissiers de justice pour le recouvrement des cotisations, la suspension des majorations de retard en cas de contentieux, la médiation préalable et l’indemnisation des cotisants victimes d’un préjudice. Les ressortissants du régime, eux, réclament un moratoire.

L’article 4, relatif à la liberté d’affiliation des indépendants au régime général, fait débat : d’après les responsables du RSI, une telle mesure provoquerait une hausse de dix points des cotisations. Sur ce sujet aussi, qui a raison, et qui a tort ? Le même doute plane sur la possibilité de s’affilier à un autre régime que le RSI : qui a raison, et qui a tort ?

L’autoliquidation des cotisations et des contributions sociales, qui fait l’objet de l’article 5, constitue une possibilité aujourd’hui offerte aux auto-entrepreneurs : pourquoi ne pas l’ouvrir aux cotisants du RSI qui le souhaitent ?

L’article 9 traite de l’étalement du règlement des cotisations en cas de diminution du chiffre d’affaires. Il semble que, à l’aide de son compte internet, un cotisant puisse demander ce rééchelonnement : quels sont les critères aujourd’hui retenus pour le lui accorder ou le lui refuser ?

Enfin, l’article 12 propose la création d’un « bouclier social » pour les indépendants ayant atteint le plafond des cotisations des travailleurs non salariés. Cela nécessiterait la révision de l’ensemble des prestations auxquelles peuvent prétendre les indépendants au cours des années d’activité et lors de la retraite, compte tenu du montant de leurs cotisations. Ce travail doit être mené sans plus tarder, car c’est la condition sine qua non d’un retour à de meilleures relations entre les parties en présence.

L’interlocuteur social unique était souhaité ; le RSI en est la déclinaison : il concerne aujourd’hui 2,8 millions de cotisants, collecte 16 milliards d’euros de cotisations et verse 17,7 milliards d’euros de prestations. Près de dix ans après sa création, le bénéfice attendu des relations avec les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) n’est pas au rendez-vous, notamment faute d’interopérabilité des systèmes informatiques. Toute amélioration pouvant être apportée dans ce domaine, qu’elle soit législative, réglementaire ou relevant des simples bonnes pratiques, sera bienvenue. C’est l’objet de cette proposition à laquelle, bien évidemment, notre groupe est favorable.

M. Thierry Benoit. Naturellement, le groupe Union des démocrates et indépendants est favorable à l’adoption de cette proposition de loi puisqu’un certain nombre de ses membres en est cosignataire. Certes, comme notre rapporteur l’a dit, le débat ne doit pas être politisé, et il serait faux de dire que rien n’a été fait. Avec plus de 6 millions de ressortissants, le régime social des indépendants est le deuxième de France : il est celui d’entrepreneurs, de femmes et d’hommes qui travaillent dur et font beaucoup d’heures.

Dix ans après sa création, peu importe de savoir qui l’a créé : aujourd’hui, il y a péril en la demeure. Le rapport que vous avez rendu avec M. Verdier, Madame Bulteau, est excellent ; certaines de ses propositions ont d’ailleurs trouvé leur mise en œuvre. Comme Mme Le Callennec, j’ai organisé, dans ma circonscription de Fougères, une réunion avec le RSI Bretagne qui a mobilisé 450 entrepreneurs indépendants : nous avons été témoins de la détresse de ces professionnels.

Dans ce débat, nous nous trouvons dans une situation équivalente à celle que nous avons vécue, au cours des mois d’avril et de mai, au sujet des agriculteurs. À l’époque, alors que nous venions d’adopter la loi d’avenir pour l’agriculture, le Gouvernement, lorsque nous l’interrogions sur la crise agricole, nous assurait, par la voix du ministre, maîtriser la situation. Il y a deux semaines, j’ai interrogé la secrétaire d’État au commerce, et j’ai pu mesurer à quel point elle ignorait la gravité de la situation dans laquelle se trouvent les entrepreneurs en France.

La présente proposition de loi a le mérite de s’appuyer sur des préconisations émanant du RSI ; Mme Bulteau et M. Verdier se sont rendus sur le terrain, ils ont rencontré des responsables du RSI, particulièrement en Bretagne où la volonté de progresser est manifeste. Il faut donc adopter ce texte, mais, au-delà, le Gouvernement doit mettre en œuvre un plan d’urgence. Mon groupe fait sienne la demande de moratoire formulée par les indépendants : le versement des cotisations s’effectuerait sur un compte affecté et, dans l’intervalle, l’assiette et le taux seraient simplifiés, puisque plusieurs taux coexistent actuellement et que les modalités de calcul sont incompréhensibles pour les ressortissants de ce régime. Par ailleurs, un plan d’allégement des cotisations et des charges doit être adopté. Nous ne pouvons pas ignorer la situation de détresse qui a conduit à quelque quatre cents décès d’entrepreneurs : les indépendants sont à bout !

Les relations entre les indépendants et le RSI doivent devenir plus humaines ; de même, les rôles respectifs des URSSAF, naturellement chargées du recouvrement, et du RSI, chargé du service des prestations, doivent être clarifiés. La présente proposition de loi va dans ce sens, et pour en avoir évoqué le contenu avec les responsables du RSI dans ma circonscription, dans la mesure où ils y retrouvent leurs suggestions, je sais qu’ils y sont favorables.

Le plan d’action doit donc être le suivant : adoption de la proposition de loi, mise en œuvre par le Gouvernement d’un plan d’urgence, instauration d’un moratoire.

Mme Dominique Orliac. L’article 1er de la proposition de loi tend à limiter le recours aux huissiers de justice pour le recouvrement des cotisations, et son article 2 à instituer une procédure de conciliation préalable à toute mise en demeure par le RSI, avant le déclenchement d’une procédure judiciaire. Quant à l’article 3, il crée un fonds d’indemnisation des cotisants victimes des préjudices causés par les dysfonctionnements du RSI, tandis que l’article 4 donne aux travailleurs indépendants non agricoles qui le souhaitent la possibilité de s’affilier au régime général de la sécurité sociale, pour une durée triennale tacitement reconductible. En outre, les auteurs de la proposition de loi proposent de simplifier le système de règlement des cotisations en ouvrant un droit d’option pour l’autodéclaration et l’autoliquidation des cotisations. Ils prévoient également diverses mesures pour améliorer le calcul et le recouvrement de ces cotisations, ainsi que la certification des comptes du RSI par la Cour des comptes. Enfin, pour faciliter la liquidation des droits à la retraite en fin de carrière, l’article 11 crée un droit opposable à la retraite pour les travailleurs indépendants non agricoles.

Créé par une ordonnance du 9 décembre 2005, le RSI résulte de la fusion de trois caisses de santé et de retraite : celle des commerçants et industriels, celle des professions indépendantes et celle des artisans. Le but recherché était la simplification des démarches administratives ; aujourd’hui, plus de 2,8 millions de personnes cotisent au RSI et 2,1 millions de retraités dépendent de ce régime.

Mais le résultat n’est pas convaincant, et la majorité en est consciente ; c’est pourquoi, le 8 avril dernier, le Premier ministre a confié à Fabrice Verdier et à Sylviane Bulteau la mission de dresser un état des lieux de la qualité des relations du RSI avec ses assurés. Le rapport souligne que le régime est aussi illisible qu’injuste. Certaines de ses préconisations seront d’ailleurs retenues pour l’élaboration de la convention d’objectif et de gestion (COG) que l’État conclura avec le RSI pour la période 2016-2019 ; c’est notamment le cas de la proposition n° 20, qui consiste en la création d’un comité de suivi de l’application des mesures décidées, ainsi qu’en la communication d’un bilan annuel.

Le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste n’ignore pas les dysfonctionnements du régime, et attend de connaître le contenu de la COG. La proposition de loi n’a plus de raison d’être, et nous n’avons donc aucune raison de la soutenir.

M. Lionel Tardy. Le 28 octobre dernier, le rapport de Fabrice Verdier et Sylviane Bulteau a été présenté devant la commission des affaires économiques, dont je suis membre. Des mesures ont été prises au sujet de l’accueil physique des personnes et du contact téléphonique ; j’espère que la réinternalisation sera suffisante, de même que le rappel sous 48 heures. Ces mesures devront cependant être accompagnées des moyens nécessaires en matière de personnel.

Toutefois, ces quelques ajustements seront insuffisants si des mesures structurelles ne sont pas adoptées par voie législative : c’est le sens de cette proposition de loi présentée par nos collègues Julien Aubert et Bruno Le Maire, et dont je suis cosignataire. Comme beaucoup de ressortissants du RSI, nous attendons que le débat législatif s’engage, pour que le lien de confiance soit enfin renoué et que le régime retrouve l’efficacité dont il a besoin.

Les solutions proposées sont dénuées d’arrière-pensées ; elles permettront de progresser, sans pour autant remettre en cause les caractéristiques propres aux professions indépendantes. Il ne suffira pas à la majorité, comme cela vient d’être annoncé, de rejeter ces propositions en bloc ; le moment est venu de cesser de croire que les choses se régleront avec le temps.

Je ne vois pas comment, par exemple, on peut être opposé à une procédure de conciliation, prévue par l’article 2 ou à la certification des comptes du RSI par la Cour des comptes, contenue dans l’article 8. Pour avoir pris pour thème de mon avis budgétaire le principe, affirmé par le Président de la République, selon lequel « le silence de l’administration vaut consentement », je suis très favorable à l’article 6 prévoyant que l’absence de réponse du régime vaut accord lorsqu’une question a été posée par un affilié.

Ces trois mesures sont de nature à restaurer la confiance dans le régime, ce qui est la clef de tout. Ce chantier législatif doit être engagé sans plus de procrastination ; c’est à cela que vous invite le groupe Les Républicains.

M. Christophe Sirugue. Nul n’ignore les difficultés rencontrées par le RSI : elles sont à la fois humaines et économiques, et nous devons toujours les avoir à l’esprit. Je remercie le rapporteur, qui, dans sa présentation, a pris le soin de rappeler que la situation actuelle du régime social des indépendants n’a pas surgi ex nihilo : son fonctionnement même a été mal conçu. Du coup, nous sommes tous, quelle que soit notre orientation politique, confrontés à une situation qu’il faut résoudre.

Cependant, autant j’apprécie le travail et l’appréciation portée par le rapporteur, autant je désapprouve la charge à laquelle s’est livrée Mme Le Callennec, qui s’est exprimée comme si l’ancienne majorité ne portait pas une responsabilité historique dans ce dossier. Nul ne peut affirmer que rien n’a été tenté et que personne ne s’est mobilisé : contrairement à ce que j’ai pu entendre aujourd’hui, des initiatives concrètes ont été prises. J’en veux pour preuve le rapport remis, à la demande du Premier ministre, par nos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier, et qui a fait l’objet d’une approbation unanime. Par ailleurs, nous avons d’ores et déjà mis en œuvre des mesures dont certaines correspondent à ce que propose le rapporteur ; d’autres, qui vont même plus loin, méritent que nous ayons ce débat en commission.

Il est important d’adresser un message aux ressortissants du RSI, de leur faire savoir que nous avons conscience de l’état dans lequel se trouve leur régime, que des mesures ont été prises et d’autres votées. Je ne suis pas certain qu’il faille imposer aux affiliés du régime un chambardement supplémentaire.

Nous fondant sur le rapport de Mme Bulteau et de M. Verdier, nous avons décidé de progresser de façon concrète : c’est sur cette base que nous agissons, aussi n’avons-nous pas besoin de cette proposition de loi, car le train de la réforme est en marche et la volonté d’améliorer le fonctionnement du RSI est sans faille.

M. Gilles Lurton. Le RSI, créé en 2006, concerne six millions d’assujettis et connaît de graves difficultés. Nous le savons tous, puisque nous sommes saisis presque chaque jour par des artisans, des commerçants et des professionnels indépendants qui nous font part de complications dans le traitement de leurs dossiers, le remboursement de cotisations indûment appelées ou la liquidation de leur pension de retraite, toutes choses qu’ils ne parviennent que très rarement à obtenir sans enclencher une médiation, très fréquemment par l’entremise de parlementaires.

Même si, à chaque fois que j’ai fait appel au directeur régional du RSI, en Bretagne, j’ai toujours eu une réponse rapide et, la plupart du temps, concrète, je juge absolument anormal que les affiliés ne puissent établir une relation directe avec le régime social dont ils dépendent. La situation s’aggravant de jour en jour, il est urgent d’agir. L’exaspération monte, et il est grand temps de mettre sur pied un système plus efficace et surtout plus humain. Ces considérations m’ont amené à cosigner la proposition de loi dont nous sommes saisis, qui présente des mesures de court, moyen et long termes. Vous nous avez dit, monsieur le rapporteur, le sentiment des affiliés à ce régime sur les dispositions que vous proposez ; j’aimerais connaître celui des responsables du RSI, tel qu’ils l’ont exprimé au cours des auditions que vous avez conduites.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur Sirugue, plutôt que de polémiquer avec Mme Le Callennec, qui s’exprimait en qualité de porte-parole de notre groupe, mieux vaudrait prendre la mesure de l’urgence qu’il y a à répondre à la colère et même au désespoir que manifestent ceux qui viennent, nombreux, nous entretenir de leurs déboires avec le RSI. Je remercie nos collègues Julien Aubert et Bruno Le Maire d’avoir rouvert ce dossier ; le nombre de cosignataires du texte dit l’intérêt que nous portons aux professions considérées.

Trois articles sont d’un intérêt soutenu. L’article 3 appelle à la création d’un fonds d’indemnisation des cotisants au RSI ayant subi un préjudice en raison des dysfonctionnements de ce régime. Cette proposition, déjà évoquée dans le rapport d’information sur le RSI des sénateurs Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy, me paraît particulièrement judicieuse. Il en est de même pour l’article 9, qui prévoit la possibilité d’étaler le règlement des cotisations ; à ce jour, bien des commerçants sont étranglés par les montants qu’ils sont tenus de payer sans délai. Enfin, l’article 12 propose que le Haut Conseil du financement de la protection sociale – organisme au sein duquel je siège en compagnie de Gérard Bapt – remette un rapport au Parlement sur la mise en place d’un « bouclier social » qui plafonnerait les cotisations sociales des travailleurs non-salariés. Vous êtes-vous assuré auprès de sa présidente que le Haut Conseil dispose des moyens nécessaires pour élaborer un tel rapport, et si, ce faisant, il est dans son rôle ?

Vous l’aurez compris, je voterai cette proposition les yeux fermés.

M. Christian Hutin, vice-président. Mes chers collègues, je vous informe que le rapporteur et moi sommes convenus qu’il répondrait à vos questions lors de l’examen des articles auxquels elles se rapportent.

M. Bernard Accoyer. Les dispositions proposées sont évidemment nécessaires et pertinentes. Je ne comprends donc pas que l’on s’y oppose, alors que nous sommes tous sollicités quotidiennement par les assujettis au RSI. Ils nous rapportent des situations inextricables et angoissantes, qui accaparent constamment leur énergie, au détriment de leur vie personnelle et familiale et de leur activité professionnelle. La proposition la plus judicieuse est la création d’un fonds d’indemnisation des cotisants au RSI ayant subi un préjudice en raison des dysfonctionnements de ce régime. Sans que l’on s’en remette à un énième rapport, il faut adopter maintenant cette proposition de loi, rédigée avec grand soin, au terme d’une remarquable concertation, par notre rapporteur que je félicite.

M. Dominique Dord. Je m’associe à ces félicitations. J’y insiste : il n’est pas une de nos permanences dans laquelle des affiliés au RSI ne viennent se plaindre des dysfonctionnements de ce régime. Mais, bien que ce constat gravissime soit partagé, la majorité a décidé de ne pas voter la proposition de loi ; c’est difficilement compréhensible. Actuellement, le silence, la complexité, la lourdeur et l’éloignement – apparent en tout cas – du RSI de ses affiliés profitent au régime. L’article 6 est décisif : en instaurant un rescrit social au sein du RSI, il fait basculer l’approche, si bien que le mécanisme profitera désormais aux assujettis. Si un seul article du texte doit être conservé, c’est celui-là – et je suis sûr que vous en partagez l’esprit.

M. Philippe Le Ray. Je soutiens cette proposition de loi très attendue. Lundi soir encore, dans le Morbihan, j’ai constaté l’accord unanime des quelque 450 artisans et commerçants auxquels j’ai présenté le texte. Je suis très étonné de l’attitude de nos collègues de la majorité, qui approuvent ces propositions mais qui, par posture politique, ne veulent pas franchir le cap. Ils devront pourtant le faire, car l’organisation du RSI est cause de difficultés connues depuis des années. Des améliorations ont eu lieu, mais elles risquent d’être de courte durée, puisque ce régime fusionnera sous peu avec d’autres, dont les organisations et les outils informatiques diffèrent.

D’autre part, chacun attend un mode de calcul nouveau des cotisations, calqué sur celui de la Mutualité sociale agricole (MSA), et aussi un nouveau système de recouvrement respectant mieux les chefs d’entreprise. Les discours de soutien aux entreprises ne suffisent pas, il faut aussi agir. Enfin, chacun attend le bouclier social que nous proposons ; son instauration contribuerait heureusement à réduire le « ras-le-bol » fiscal qu’éprouve le pays.

M. Richard Ferrand. M. Bruno Le Maire a une excellente raison de signer cette proposition de loi : ayant été le directeur de cabinet du Premier ministre de l’époque lorsque le RSI a été instauré, il connaît bien le sujet… Contrairement à ce qui vient d’être dit, nous ne nous limitons pas à des discours : toutes les propositions contenues dans le rapport que nos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier ont remis au premier ministre sont en train d’être mises en œuvre. Aussi, comme l’a justement souligné Mme Orliac, n’y a-t-il pas lieu d’adopter des mesures qui n’apportent rien de plus. En réalité, cette proposition de loi est un texte de positionnement qui voudrait laisser croire que seuls ses signataires s’intéresseraient au « bazar » qu’est le RSI. Les choses doivent être remises dans leur juste perspective : un problème est posé, nous nous en sommes saisis et des propositions sont en cours d’application. Il n’y a donc pas lieu d’adopter un texte qui n’apporte rien et n’a d’autre objet que de marquer un positionnement politique, sinon politicien.

Pour rencontrer régulièrement des artisans et des commerçants, comme nous le faisons tous, je constate que les propositions de nos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier répondent parfaitement à leurs exigences. L’important est de veiller à l’application des propositions retenues par le Gouvernement plutôt que d’en inventer de nouvelles dont nul ne sait si et quand elles seront mises en œuvre.

M. Arnaud Viala. Le RSI pose trois séries de problèmes. Le premier est sa lisibilité : les affiliés ne le comprennent pas. Il y a aussi la justesse et la justice des cotisations appelées, et encore la lourdeur et l’absence de réactivité des services. Or, on touche à des entreprises de petite et même de très petite taille, dépourvues de services administratifs aptes à procéder à une masse de démarches extrêmement complexes. Il en résulte l’engorgement des permanences des parlementaires, des conseillers départementaux et des autres élus locaux, saisis par des gens désespérés, parfois au point d’attenter à leurs jours. Mais ce qui est aussi très fréquemment en jeu, c’est la survie d’entreprises dont les dirigeants finissent par jeter l’éponge, les cotisations qu’ils ne peuvent honorer conduisant à des poursuites dont ils ne parviennent pas à s’extraire. La réduction des dotations aux collectivités territoriales aggrave encore la situation, car elle a un impact immédiat sur ces entreprises qui dépendent de la dynamique de l’activité locale, laquelle subit très lourdement les conséquences de la baisse ou de la disparition des investissements des collectivités.

Considérer que la réponse à un besoin de réforme aussi urgent pourrait être uniquement la création d’un observatoire, la publication d’un rapport et l’attente de la conclusion d’analyses est une attitude irresponsable. Évacuer, pour des raisons partisanes, une proposition de loi qui réglerait le problème rapidement, au motif que ce n’est pas la majorité qui la porte, est une erreur politique majeure.

M. Bernard Perrut. Si, chaque semaine, des personnes assujetties au RSI nous font part de leurs préoccupations, c’est que, depuis sa création, ce régime, au lieu de simplifier la vie des entrepreneurs, l’a considérablement compliquée. Les relations entre les cotisants et le RSI se sont dégradées, cette administration ne tenant pas suffisamment compte des difficultés que nous signalions : trop longs délais de traitement des dossiers, illisibilité des règles, doubles prélèvements, multiplication des contentieux, radiations indues. Certes, des mesures visant à redresser la qualité du service ont été mises en œuvre et un nouveau mode de calcul des cotisations a été appliqué, mais cela ne suffit pas à éviter dépôts de bilan, destructions d’emplois et drames personnels. Il faut donc appuyer cette proposition de loi, dont les articles sont autant de mesures simples et pragmatiques applicables à court, moyen et long termes. Ce faisant, on soutiendra les commerçants, qui subissent déjà les conséquences d’une situation économique difficile et d’un taux de chômage catastrophique, et avec eux l’aménagement du territoire, la vie de nos villes, de nos villages et de nos quartiers, la création d’emplois, l’accueil des jeunes en apprentissage. Cette proposition de loi va bien au-delà de dispositions techniques : elle permet de soutenir l’économie et l’emploi.

M. Bernard Gérard. Mon collègue Marc Goua et moi-même avons récemment remis au Gouvernement un rapport consacré aux moyens d’améliorer les relations entre les entreprises et l’URSSAF. Procédant à cette occasion à de nombreuses auditions et visites dans les services, nous avons été effarés de constater que l’essentiel des difficultés provient de ce que l’URSSAF et le RSI éprouvent le plus grand mal à communiquer, faute de systèmes informatiques compatibles – et ils ne le seront qu’à dater de 2017. Le rôle des pouvoirs publics n’est-il pas de prendre ce problème à bras-le-corps pour tenter d’améliorer immédiatement ce qui est la cause de toutes les erreurs, de toutes les situations cauchemardesques dont nous avons eu à connaître, des réclamations faites à des commerçants et à des artisans qui, souvent, ignorent jusqu’au calcul justifiant l’appel de cotisations ?

Le rescrit est une idée de bon sens : il se peut que, parfois, l’on ait tort de bonne foi, mais au moins a-t-on le droit de savoir pourquoi ! Avant de lancer une procédure de recouvrement forcé, le RSI doit être contraint d’envoyer aux assujettis un courrier précis et motivé. À ce jour, le recouvrement contentieux est systématique, ce qui provoque des drames. Je suis choqué d’entendre que, pour des raisons de basse politique, l’on ne s’occupera pas de régler ces situations, qui conduisent pourtant à de trop nombreux suicides. Notre devoir d’élus est pourtant d’apporter des réponses urgentes et d’application immédiate à ces graves dysfonctionnements.

Mme Sylviane Bulteau. J’en viens à penser que nombre d’entre vous n’ont ni lu le rapport que Fabrice Verdier et moi-même avons remis au Premier ministre, ni observé les améliorations intervenues depuis qu’en juillet le Gouvernement a retenu nos vingt propositions. Quand on n’est pas aux manettes, il est facile de dire que, demain, on rasera gratis ! Mais, si le RSI est dans la situation catastrophique que l’on sait, ce n’est pas par hasard. Chacun, ici, doit assumer ses responsabilités. Aucune cotisation n’ayant été appelée entre 2008 et 2012 pour 40 % des comptes des affiliés, il a bien fallu que, une fois arrivé au pouvoir, nous remettions la machine en route avant que la prescription ne s’applique. J’observe également que le RSI appelle chaque année 16 milliards d’euros de cotisations et sert 17,7 milliards d’euros de prestations. C’est la solidarité nationale qui compense la différence. Aussi serait-il de bon ton de ne pas appeler à des économies budgétaires de 110, 120, voire 130 milliards d’euros comme le font les diverses voix de l’opposition, tout en appelant par ailleurs à un moratoire pour ces cotisations.

La Commission aborde l’examen des articles.

EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre 1er
Répondre aux difficultés actuelles rencontrées par les affiliés
du régime social des indépendants

Article 1er
(art. L. 133-6-4 du code de la sécurité sociale)

Amélioration du système de recouvrement des contributions
et cotisations par le régime social des indépendants

Cet article vise à améliorer les règles de recouvrement des contributions et cotisations dues au régime social des indépendants (RSI). Il modifie la rédaction de l’article L. 133-6-4 du code de la sécurité sociale afin de limiter l’appel à des huissiers de justice pour le recouvrement des cotisations et pour simplifier les conditions de remise des majorations de retard en cas de contentieux.

1. Le recouvrement contentieux des cotisations est source de tensions

Le recouvrement des cotisations dues au RSI

Le I de l’article L. 133-6-4 du code de la sécurité sociale décrit les modalités de recouvrement des cotisations par le régime social des indépendants.

Le premier alinéa prévoit qu’il lui appartient de définir les orientations du recouvrement amiable et contentieux des cotisations et contributions dont s’acquittent les indépendants.

Le deuxième alinéa prévoit que le RSI assure le recouvrement amiable mais qu’il peut déléguer totalement ou partiellement cette mission aux unions de recouvrement des cotisations de la Sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) ou aux caisses générales de sécurité sociale dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ces organismes sont alors réputés agir pour son compte et en son nom.

Le troisième alinéa prévoit que le recouvrement contentieux est assuré par le seul RSI.

a. La mise en place d’une procédure de dialogue préalable

Les dispositions régissant le recouvrement des cotisations n’ont pas prévu de mécanisme d’accompagnement des usagers suffisamment adapté aux nombreux dysfonctionnements dont souffre aujourd’hui le régime. La recherche du dialogue entre les cotisants et le RSI n’apparaît pas.

Dans ce contexte, le modifie la rédaction du deuxième alinéa du I de l’article L. 133-6-4 du code de la sécurité sociale afin de pallier ce manque.

Le a prévoit que les procédures de recouvrement sont conduites en « privilégiant le dialogue ». Il définit ainsi l’objectif d’une « solution de régularisation acceptable par les deux parties ».

L’adoption de cette disposition serait particulièrement protectrice pour les cotisants puisqu’elle contraindrait les services de recouvrement à mener un véritable échange, d’égal à égal, avec des cotisants dont on a vu qu’ils sont bien souvent davantage victimes des erreurs du RSI que coupables de véritables irrégularités.

b. La délégation du recouvrement aux URSSAF

Si le régime social des indépendants assure en principe le recouvrement amiable des cotisations et contributions dont il a la charge, il peut déléguer cette mission aux URSSAF et aux caisses générales de sécurité sociale dans des conditions fixées par décret en conseil d’État. Cette faculté n’a pas contribué à simplifier le système : le RSI affilie les personnes redevables et collecte les déclarations communes de revenus. Ainsi, l’article R. 133-20 du code de la sécurité sociale prévoit que les URSSAF assurent le calcul, l’encaissement et le recouvrement amiable des cotisations et contributions sociales jusqu’au 30e jour suivant la date d’échéance ou la date limite de paiement. Le RSI assure la poursuite du recouvrement amiable au-delà du 30e jour de paiement ainsi que le recouvrement forcé.

Dans une démarche de simplification, le b rend systématique la délégation aux URSSAF et aux caisses générales de sécurité sociale de tout ou partie du recouvrement. Il complète la rédaction de l’article L. 133-6-4 en faisant de la délégation la règle. Cette organisation, conforme à la pratique, présente l’avantage de l’efficacité et de la clarté pour les entreprises.

2. Les mesures mises en œuvre en cas de retard de cotisations

Le comporte un dispositif encadrant le recours aux services d’huissiers de justice pour le recouvrement de cotisations et de contributions. Pour ce faire, il complète de deux alinéas le II de l’article L. 133-6-4 du code de la sécurité sociale.

Le II de l’article L. 133-6-4 du code de la sécurité sociale détermine les règles générales applicables en cas de retard dans le paiement des cotisations.

Son premier alinéa prévoit qu’en cas de défaut d’encaissement au-delà de la date d’échéance ou de la date limite de paiement (la seconde pouvant parfois être postérieure à la première), la mise en demeure est transmise par la caisse du RSI chargée du contentieux.

Le second alinéa prévoit qu’en l’absence de régularisation de la réclamation devant la commission du recours amiable de la caisse de base, la caisse chargée du contentieux adresse une contrainte au cotisant.

a. Encadrement du recours aux services d’huissiers de justice

Les organismes de recouvrement qui agissent pour le compte du RSI (caisses de base du RSI, organismes conventionnés, caisses d’assurance vieillesse des professions libérales, URSSAF) peuvent recourir au recouvrement forcé dans les mêmes conditions que le régime général, à savoir en faisant appel au service d’huissiers de justice. Le recouvrement forcé doit être précédé d’une mise en demeure envoyée par lettre recommandée, à peine de nullité, qui doit préciser la cause, la nature et le montant des cotisations réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent. Au terme du délai imparti par la mise en demeure, les organismes peuvent recourir à la contrainte, intenter une action devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale (TASS) ou conduire une action civile devant le tribunal répressif.

La contrainte est souvent privilégiée : elle fait l’objet d’une signification transmise à l’intéressé qui précise, comme la mise en demeure, la nature, le montant et la période à laquelle se rapportent les cotisations réclamées. Le cotisant dispose alors de 15 jours pour s’y opposer devant le TASS. En l’absence d’opposition, la contrainte a tous les effets d’un jugement et permet à l’organisme de faire procéder à une saisie par voie d’huissier ou à une hypothèque judiciaire.

L’usage fréquent de la contrainte, courant pour les organismes de sécurité sociale, pose problème venant d’un organisme sujet à nombreux dysfonctionnements.

Le premier alinéa inséré par le conditionne le recouvrement des cotisations par des huissiers de justice à une décision préalable du TASS donnant tort au cotisant.

Cette disposition présume la bonne foi du cotisant en réservant le recours à des mesures de recouvrement forcé au cas où il ne respecterait pas une décision de justice. Cette restriction conduirait certainement le RSI à ne présenter devant le tribunal des affaires de sécurité sociale que les litiges pour lesquels il est certain de l’emporter et favoriserait a contrario les mesures de recouvrement amiable trop souvent négligées.

b. Remise des majorations de retard en cas de contentieux

En cas de contentieux, le deuxième alinéa inséré par le prévoit la possibilité pour le cotisant d’obtenir sur simple demande écrite une remise des majorations de retard de paiement de ses cotisations dues à la procédure contentieuse en cours.

Il existe aujourd’hui deux dispositifs de remise dans le code de la sécurité sociale. L’article R. 133-20 prévoit qu’une remise peut être décidée par le directeur de l’organisme concerné en cas de paiement intégral dans un délai de trente jours suivant la date d’échéance. L’article R. 243-19-1 prévoit que les majorations et les pénalités font également l’objet d’une remise automatique lorsque les conditions suivantes sont réunies : aucune infraction n’a été commise dans les 24 mois précédents, leur montant mensuel est inférieur au plafond de la sécurité sociale, les cotisations ont été réglées dans le mois suivant et l’intéressé a fourni les documents demandés.

Ces remises sont systématiques depuis début 2008 y compris pour les cotisants dont les comptes n’avaient pas été frappés par les dysfonctionnements de l’interlocuteur social unique. Il est proposé de consacrer cette pratique : elle sera de droit sur simple demande écrite du cotisant. Cette disposition évitera que les procédures contentieuses, souvent initiées par ou contre les cotisants en raison de la complexité des règles applicables, ne viennent alourdir encore la charge pesant sur les cotisants.

*

M. le rapporteur. L’article 1er permet de constater que, contrairement à ce qu’affirme M. Ferrand, tout n’est pas dans le rapport Bulteau-Verdier. Cela ne signifie pas que ce rapport soit mauvais : nous en reconnaissons la qualité. Mais cette neutralité doit valoir dans les deux sens, et nous aurions tort de dire que nous sommes conscients du problème mais que rien, dans la proposition de loi qui vous est soumise, ne vaut d’être voté. Je ne prétends pas que ce que nous suggérons soit une réponse magique mais nous avons été interpellés par des gens au bord du suicide. S’ils voient nos échanges aujourd’hui, ils peuvent en retirer l’impression que les politiques s’agitent sur une scène de théâtre et se contrefichent de leurs problèmes. La politique meurt de ce type de comportement.

Toutes les mesures proposées, d’où qu’elles viennent, peuvent se compléter pour former un puzzle. Les premières dispositions qui ont été adoptées ont leur cohérence propre. Aujourd’hui, il s’agit de se demander, article après article, si les mesures que nous proposons existent, et si elles sont appliquées et, au cas où elles ne le seraient pas, si elles ne pourraient constituer une réponse appropriée à un problème connu.

J’en reviens à l’article 1er proprement dit. Il tend à modifier la rédaction de l’article L. 133-6-4 du code de la sécurité sociale afin de limiter l’appel à des huissiers de justice pour le recouvrement des cotisations par le RSI et pour simplifier les conditions de remise des majorations de retard en cas de contentieux. En effet, les affiliés expliquent qu’avant tout dialogue le RSI commence par envoyer les huissiers de justice. Le problème des plateformes d’appels est en passe d’être réglé, mais il demeure très difficile de joindre cette administration, si bien que le recours aux huissiers est massif et quasi systématique.

C’est d’autant plus éprouvant que non seulement des affiliés de bonne foi ne comprennent pas le mécanisme de calcul des cotisations mais que les dysfonctionnements du régime sont patents. C’est ainsi qu’un assujetti de bonne foi peut se trouver devoir payer 45 000 euros dans un délai d’un mois avant que le RSI, admettant s’être mépris, fasse machine arrière. Il en résulte un traumatisme qui obère la relation entre le régime et les assujettis. Aussi l’article vise-t-il à aider le RSI malgré lui, en présumant la bonne foi du cotisant et en limitant le recouvrement forcé aux cas où une décision de justice a donné tort au professionnel concerné. La disposition aurait deux effets : le RSI ne présenterait plus au tribunal des affaires de la sécurité sociale que les litiges pour lesquels il est certain de l’emporter, et le dialogue serait favorisé.

M. Élie Aboud. Le dysfonctionnement du RSI est un fait. Il a pour effet l’absence de confiance entre le régime et les cotisants. Dans ce contexte, attendre, comme le prévoit l’article, la décision du tribunal des affaires de la sécurité sociale avant d’avoir recours aux services d’un huissier de justice pour recouvrer des cotisations est une mesure de bon sens.

Mme Sylviane Bulteau. Nul ne nie l’existence de graves dysfonctionnements, ni l’effet traumatisant que peut avoir l’arrivée inopinée d’huissiers dans des boutiques ou des ateliers. Ces irruptions ont émaillé les années 2008 à 2012, mais les choses se sont progressivement améliorées et, depuis 2013, peu à peu, les procédures amiables prennent le pas : les relances téléphoniques sont systématiques ; les mises en demeure ne peuvent plus être envoyées avant qu’une solution amiable ait été recherchée ; les demandes de délai de paiement peuvent être faites par le biais d’internet, et le délai est accordé dans la presque totalité des cas ; des médiateurs départementaux devront désormais intervenir pour régler les cas les plus difficiles. Mais, même si cela doit devenir l’exception, il est indispensable de conserver la possibilité juridique d’un recouvrement forcé auprès des assurés qui refusent de régler leur dû alors qu’ils le peuvent. C’est pourquoi j’invite au rejet de l’article.

La commission rejette l’article 1er.

Article 2
Obligation d’information sur la possibilité de saisine du médiateur des indépendants préalablement à tout envoi de mise en demeure par le régime social des indépendants

Cet article prévoit qu’avant tout envoi de mise en demeure par le régime social des indépendants (RSI), et dès lors qu’aucune action judiciaire n’a été engagée, le cotisant est informé de sa faculté de saisir le médiateur du RSI afin de procéder à une médiation préalable, dans des conditions fixées par voie réglementaire.

Les mises en demeure, auxquelles il est souvent recouru sans précaution, constituent la première phase de recouvrement dite « contentieuse » ou « forcée ». Elles sont transmises sans avertissement ni information préalables, elles sont particulièrement mal vécues par les cotisants, d’autant qu’elles sont encore trop souvent le produit d’informations erronées produites par le système informatique du RSI.

Or, depuis janvier 2014, un médiateur est présent dans chaque caisse du RSI. Il facilite gratuitement le règlement amiable des différends entre la caisse et ses ressortissants. Cet intermédiaire doit être saisi après une première démarche non-contentieuse auprès de la caisse et avant un recours devant une juridiction (commission de recours amiable ou tribunal des affaires de sécurité sociale). Cependant, sa saisine n’est pas systématique et il est encore peu connu des cotisants.

Le premier alinéa de l’article prévoit l’information obligatoire du cotisant de la possibilité de demander une médiation préalable à toute mise en demeure en saisissant le médiateur du RSI. Les moyens sont multiples : courrier ou courriel spécifique, ou encore mention dans l’avis d’appel à cotisations. Cette disposition favorisera la résolution non contentieuse en incitant le cotisant à recourir à un échelon de résolution amiable du litige jusqu’ici trop négligé.

Le deuxième alinéa prévoit qu’un décret en Conseil d’État définisse les conditions de la conciliation opérée par le médiateur du RSI.

Ce dispositif complète l’article 1er qui incite le régime social des indépendants à privilégier le dialogue avec le cotisant afin de déterminer des solutions de régularisations acceptables par les deux parties. Il engage le RSI à affiner ses réponses et incite le cotisant à faire valoir ses droits, grâce à un intermédiaire adapté qui pourra l’informer, la mise en demeure ayant vocation à n’intervenir que dans un second temps.

*

M. le rapporteur. L’histoire que je vais vous raconter vous montrera que les problèmes que nous nous attachons à résoudre ne sont pas du passé : elle date de trois semaines. Un affilié au RSI du Gard a reçu une signification par huissier au motif qu’il n’aurait pas réglé les cotisations dues. Après qu’il l’eut contesté, deux mois ont été nécessaires pour mettre en évidence que les chèques envoyés au RSI et à l’URSSAF avaient été mal triés et que celui qui était destiné au RSI avait été encaissé par l’URSSAF – où le compte de cet affilié se trouvait donc créditeur du montant dû au RSI. Mais, avant même de tenter de comprendre, le RSI avait envoyé un huissier… Voilà pourquoi je regrette le rejet de l’article 1er.

L’article 2 prévoit qu’avant tout envoi de mise en demeure, si aucune procédure judiciaire n’a été engagée, le RSI informe le cotisant que celui-ci peut saisir le médiateur du régime afin de procéder à une médiation préalable. Une fois encore, il s’agit d’humaniser un régime qui privilégie la coercition immédiate, source de frustrations, de contentieux et donc de dépenses. Favoriser le dialogue éviterait tout cela.

Mme Isabelle Le Callennec. Permettez-moi de citer la seizième des vingt mesures en faveur des assurés du RSI annoncées par le Gouvernement le 25 juin 2015. Intitulée « Privilégier la signification des actes de recouvrement par lettre recommandée avec accusé de réception plutôt que par huissier », elle se lit ainsi : « Outre son coût supporté par l’assuré, l’intervention d’un huissier peut être stigmatisante pour les travailleurs indépendants. En remplacement du recours à huissier, une procédure d’envoi de lettres recommandées avec accusés de réception sera mise en place d’ici fin 2015, pour toutes les créances de cotisations d’un montant peu élevé » – ce montant n’est pas précisé, mais il est ajouté qu’« environ 80 000 actes de recouvrement devraient être concernés par cette nouvelle procédure ». Adopter l’article 1er et l’article 2, c’est concrétiser cette action. On vous reproche très souvent le fossé qui existe entre vos discours et vos actes ; en voici un nouvel exemple.

M. Thierry Benoit. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants appuie l’article 2 qui, comme l’article 1er, privilégie le dialogue, la médiation et la conciliation et replace l’humain au cœur des relations entre le RSI et ses affiliés.

Mme Sylviane Bulteau. Je ne répéterai pas les arguments que j’ai déjà formulés pour me prononcer contre l’article 1er, mais peut-être finirons-nous, Fabrice Verdier et moi-même, par demander des droits d’auteur aux cosignataires de cette proposition de loi, puisque les actions 14 et 16, par lesquelles il est demandé au RSI de privilégier les recours amiables, font partie des propositions contenues dans notre rapport, retenues par le Gouvernement le 25 juin dernier et mises en œuvre. Des sites pilotes y travaillent déjà et la mesure sera généralisée en 2016. En conséquence, l’article 2 est sans objet, et j’invite à ce qu’il ne soit pas adopté.

La commission rejette l’article 2.

Article 3
Rapport sur les conditions de création d’un fonds d’indemnisation des cotisants au régime social des indépendants

Cet article prévoit la remise au Parlement trois mois après la promulgation de la loi d’un rapport élaboré par le Gouvernement afin d’étudier les conditions de création d’un fonds d’indemnisation des cotisants du régime social des indépendants (RSI) ayant subi un préjudice en raison de dysfonctionnements de ce dernier. Comme indiqué dans l’exposé des motifs, le rapporteur a choisi de proposer la remise d’un rapport compte tenu des contraintes de l’article 40 de la Constitution.

Le fonds indemnisera les conséquences financières parfois très lourdes des dysfonctionnements du régime pour de nombreux travailleurs indépendants. L’accumulation des erreurs, telles que les doubles appels de cotisations ou des retards importants dans le versement des pensions, a mis de nombreuses entreprises et de nombreux ménages dans une situation financière difficile. Or, la pratique montre qu’il est difficile pour les cotisants lésés d’obtenir réparation : les condamnations pécuniaires du RSI sont peu nombreuses et, lorsque sa gestion est jugée fautive, l’indemnisation est souvent d’un faible montant et versée tardivement. La création de ce fonds constitue donc une réponse adaptée à une situation exceptionnelle. Elle doit être envisagée de façon urgente.

Dans ce contexte, le rapport permettra d’identifier rapidement les moyens nécessaires à l’instruction des dossiers, les financements nécessaires, ainsi que l’éventuel seuil en dessous duquel, une expertise n’étant pas nécessaire, il peut être procédé immédiatement à l’indemnisation.

*

M. le rapporteur. Avant de parler sur l’article 3, je souhaite réagir aux propos que je viens d’entendre.

Il est terrible de constater que si nous sommes d’accord sur le diagnostic, nous divergeons sur la méthode. Selon vous, il suffit de demander à un régime, qui est source de dysfonctionnements et qui souffre d’un problème de crédibilité, de modifier son comportement pour qu’il le fasse. Selon nous, il ne le fera que si nous prévoyons des garde-fous et que nous lui imposons des obligations légales.

Imaginez que, dans six mois ou un an, nous constations que vos recommandations sont restées lettre morte ?

Mme Sylviane Bulteau. Quel procès d’intention !

M. le rapporteur. Vous m’objecterez la création du comité de suivi, mais nous aurons perdu six mois ou un an. Et, en tant que magistrat de la Cour des comptes, je sais pertinemment, pour avoir contrôlé de nombreuses administrations, que celles-ci savent à merveille faire jouer la force d’inertie.

J’en viens à l’article 3, par lequel je demande la remise d’un rapport au Parlement sur les conditions de création d’un fonds d’indemnisation des cotisants au RSI. Il s’agit de répondre à un réel problème : certains « naufragés du RSI » ont tout perdu il y a quelques années, à cause d’un bug informatique. Je souligne qu’il n’est pas question de créer directement ce fonds d’indemnisation, mais de faire étudier les conditions de sa création.

Une décision gouvernementale, parce qu’elle a été mal mise en œuvre, a entraîné la ruine de certaines personnes qui ont perdu leur patrimoine et leur entreprise. N’y a-t-il pas là matière à indemnisation ? La vie de ces personnes a été brisée, et j’estime qu’il est de notre responsabilité collective d’y remédier en leur permettant de reprendre une activité économique.

M. Élie Aboud. Il est dommage que l’article 1er ait été rejeté. Aujourd’hui, certains dysfonctionnements, même lorsqu’ils sont imputables au service, finissent par conduire à la perte du commerçant ou de l’artisan. La création de ce fonds d’indemnisation serait donc tout à fait logique.

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur Aubert, je ne suis qu’une modeste assistante sociale. Je ne suis pas magistrate à la Cour des comptes. Il me semble pourtant que nous sommes tous, ici, des parlementaires responsables.

Pour en revenir à cette demande de rapport en vue de la création d’un fonds d’indemnisation, je ferai observer que des mesures ont déjà été prises. Des délais de paiement peuvent être accordés – plus de 300 000 l’ont été en 2014. Par ailleurs, il existe dans chaque région RSI un fonds d’action sociale, qui joue un rôle important puisque ce sont, au total, 34 millions d’euros qui ont été distribués par ce biais.

Le problème, et je pense que nous serons tous d’accord sur ce point, est qu’il y a, chez les indépendants, une large méconnaissance des solutions qui peuvent leur être proposées lorsqu’ils sont en grande difficulté, qu’il s’agisse des aides financières auxquelles je viens de faire allusion ou de l’intervention de médiateurs. Il est vrai que la communication est l’un des points faibles du RSI – d’où notre proposition de constitution d’un comité de suivi.

Je souligne en outre que le RSI n’est pas une entité nébuleuse, mais une structure gérée par un conseil d’administration national et des conseils d’administration régionaux. Ces conseils sont composés de professionnels, de représentants syndicaux, de commerçants, d’artisans, de travailleurs indépendants qui vont à la rencontre de leurs pairs et ont à cœur de les aider. La rupture n’est donc pas aussi marquée que vous voulez bien le dire entre les administrateurs du RSI, qui sont des gens extrêmement sérieux, et les indépendants.

C’est ce système sui generis que je veux défendre, car il fait partie de la culture des travailleurs indépendants, qui souhaitent conserver ces conseils d’administration.

J’appelle donc à voter contre l’article 3.

La commission rejette l’article 3.

Article 4
Options d’affiliation au régime général
pour une durée de trois ans renouvelable

Cet article vise à permettre aux travailleurs indépendants non-agricoles de choisir entre une affiliation au régime général de la sécurité sociale et une affiliation au régime social des indépendants (RSI).

L’article L. 613-1 du code de la sécurité sociale prévoit l’affiliation obligatoire au RSI des catégories de personnes suivantes :

– travailleurs indépendants (artisans, professions industrielles et commerciales, professions libérales) ;

– pensionnés du régime social des indépendants (vieillesse ou invalidité) ;

– titulaires d’une pension d’une allocation ou d’une pension de réversion ;

– conjoints associés qui participent à l’activité artisanale et commerciale ;

– associé unique des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée ;

– personnes exerçant des mesures de protection des majeurs (curatelle, tutelle, accompagnement judiciaire) au titre d’un mandat spécial ;

– certains loueurs de chambres d’hôtes ;

– personnes exerçant une activité de location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés.

Ce statut est d’ordre public, les personnes visées à l’article L. 613-1 ne pouvant renoncer à leur affiliation (Cass. Soc., 13 mars 1997). Cet article prévoit précisément de leur permettre de déroger à ce principe d’affiliation obligatoire.

Peu d’alternatives s’offrent en effet au législateur. La fusion entre le RSI et le régime général, qui a parfois été envisagée, n’est pas souhaitable en raison du coût qu’elle entraînerait pour les cotisants. L’Institut de la protection sociale a par exemple estimé qu’en intégrant le RSI au sein du régime des salariés, les cotisations des indépendants augmenteraient de plus de 30 %. Or, il serait tout aussi injuste de ne rien faire et de laisser les cotisants subir les dysfonctionnements de ce régime sans aucune alternative.

Il est donc proposé de mettre en place un droit d’option, pour une durée de trois ans renouvelable, permettant à tout travailleur indépendant non-agricole qui le souhaite d’être affilié au régime général dans les mêmes conditions que les travailleurs salariés. Cette disposition intéressera notamment les personnes dont le dossier souffre d’anomalies récurrentes. Elle leur permettra de stabiliser leur situation sociale. Ces personnes relèveront pleinement du régime général pour le calcul et le recouvrement de leurs cotisations comme pour le calcul et le versement des prestations.

*

M. le rapporteur. Avant d’en venir à l’article 4, je répondrai à Mme Bulteau que l’aide sociale est destinée à aider ceux qui se trouvent en difficulté aujourd’hui. Elle ne réglera pas les problèmes du passé.

Nous savons que les régimes de sécurité sociale ont des problèmes d’équilibre. C’est également le cas du RSI, notamment du fait de la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Un débat s’est engagé pour savoir si les indépendants feraient mieux d’être affiliés au régime général ou non, et le rapport de Mme Bulteau et de M. Verdier effleure d’ailleurs la question.

Bruno Le Maire, moi-même et les cosignataires de cette proposition de loi considérons qu’il vaut mieux laisser aux indépendants le choix, plutôt que décréter une fusion ou un rapprochement. Il convient en effet d’éviter de reproduire à grande échelle ce que l’on a connu avec la création du RSI.

Aujourd’hui, comme les indépendants sont mécontents de leur régime, ils modifient la structure juridique de leur entreprise pour apparaître comme salariés gérants et rejoindre le régime général. L’inconvénient est que nous ne pouvons pas distinguer, lorsqu’il y a de nouveaux cotisants au régime général, entre ceux qui sont de vrais gérants salariés et ceux qui l’ont fait pour quitter le RSI. Cela ne nous donne pas d’indication sur la façon dont le régime fonctionne.

Offrir un droit d’option individuel sans modification du régime juridique présente deux avantages. Premièrement, ce serait à l’indépendant d’apprécier ce qui est le plus rentable pour lui ; s’il subit une hausse de cotisations, il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même. Deuxièmement, les pouvoirs publics pourront retracer cette évolution et, si le RSI perd ses forces vives tel un réservoir percé, prendre des mesures correctives.

Mme Sylviane Bulteau. Je ne vois pas très bien où est le problème. De deux choses l’une, en effet.

Soit il s’agit de permettre au chef d’entreprise de rester au régime général pour les remboursements d’assurance maladie, et un article du PLFSS pour 2016 permet déjà aux travailleurs indépendants d’être gérés par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) s’ils le souhaitent, tout en continuant à rester affiliés au RSI.

Soit il s’agit d’une réelle affiliation au régime général des travailleurs salariés, auquel cas cela emporterait des conséquences coûteuses pour les indépendants. Or je n’imagine pas, monsieur le rapporteur, que votre objectif soit de les faire cotiser à un taux plus élevé : 13, 55 %, au lieu de 6,5 %, pour l’assurance maladie. En outre, l’assiette de cotisation des salariés est plus large puisqu’elle correspond au salaire brut, alors que l’assiette des travailleurs indépendants est nette de cotisations ; de ce fait, la différence de prélèvement est de 30 % pour un revenu de 20 000 euros.

Il est enfin possible, pour ceux qui ont opté pour certaines formes d’entreprises, notamment les sociétés par actions simplifiées (SAS), de rester affiliés au régime général.

Il est vrai que, dans notre rapport, nous avions évoqué – « effleuré » comme vous l’avez dit – le sujet. Mais nous avons finalement considéré qu’il valait mieux commencer par stabiliser le régime. Si un jour, effectivement, le RSI – et peut-être d’autres régimes – devait être intégré au régime général, il faudrait s’y préparer sérieusement, sur le long terme, en menant de profondes réformes structurelles. Ce n’est pas le moment de créer une seconde catastrophe industrielle !

Pour toutes ces raisons, je considère qu’il faut voter contre cet article.

M. Élie Aboud. Ma chère collègue, nous sommes tous parlementaires, mais nous avons tous une vie par ailleurs. Nous exerçons, ou avons exercé, des métiers différents – aussi respectables les uns que les autres. Et il nous arrive à tous, lorsque nous défendons un dossier, de faire référence à notre expérience socio-professionnelle. Après tout, c’est en cela que nous ne sommes ni des députés « hors sol », ni de simples apparatchiki.

Monsieur le président, si je me suis permis cette remarque, qui sort de l’examen de l’article 4, c’est parce que je suis convaincu que notre rapporteur, qui croit à cette proposition de loi, entendait seulement évoquer son vécu professionnel.

La commission rejette l’article 4.

Après l’article 4

La commission examine l’amendement AS1 du rapporteur.

M. le rapporteur. Ce texte est le fruit d’un travail collectif. Mais, comme certaines propositions n’avaient pas emporté l’adhésion de tous ses cosignataires, je les ai présentées sous la forme d’amendements, de manière à pouvoir en débattre. J’en profite pour signaler au passage à Mme Bulteau qu’il ne faut pas confondre gestion et affiliation et que, par conséquent, selon moi, son argumentation est nulle et non avenue.

L’amendement AS1 prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur les conditions d’un rattachement des affiliés au RSI à la Mutualité sociale agricole (MSA). En effet, dans le cadre des auditions, cette solution – que nous avions a priori considérée collectivement comme moins intéressante que la libre affiliation – a été mise en avant.

La MSA est un régime qui fonctionne bien, qui est habitué à gérer des non-salariés, et qui pourrait donc offrir une possibilité d’évolution. Elle-même est d’ailleurs en partie intéressée par cette option. De son côté, le RSI – j’en profite pour répondre à Gilles Lurton – nous a dit être prêt à réfléchir à la question, mais ses représentants ont annulé au dernier moment l’audition qui leur était réservée, sans donner d’explication. J’y vois là, évidemment, le signe d’une contrainte d’agenda, totalement indépendante de consignes politiques qui auraient pu venir de plus haut…

L’amendement vise simplement à étudier cette possibilité. Cela nous permettrait d’avoir une vision plus globale de la situation, et de pouvoir prendre ensuite des décisions structurelles.

M. Arnaud Viala. Cet amendement a un intérêt supplémentaire : celui d’amener une nécessaire réflexion sur le fonctionnement des caisses de MSA. En effet, à la suite de la modification de leurs périmètres territoriaux, les caisses nous ont fait part d’un certain nombre de problèmes relatifs à leur implantation locale et à la manière dont elles traitent les dossiers, problèmes qui risquent, à très court terme, de mettre en danger leur existence même. C’est pourquoi je pense que ce rapport pourrait inclure une réflexion globale sur l’affiliation sociale, au niveau territorial, des commerçants, des artisans et des agriculteurs.

Mme Sylviane Bulteau. Nous avons également soulevé l’idée du rattachement des affiliés au RSI à la MSA dans notre rapport – page 19. Il est vrai qu’une telle idée peut paraître séduisante, mais il nous a semblé, au cours des auditions que nous avons menées, au niveau national comme sur les territoires, que cela ne faisait pas du tout partie des objectifs envisagés par la MSA elle-même, et que le RSI, de son côté, tenait à conserver son propre système. Je crois donc qu’aujourd’hui, la question n’est pas à l’ordre du jour, et qu’il faut explorer d’autres voies, comme Fabrice Verdier et moi-même l’avons proposé.

La MSA est un régime qui compte un très grand nombre d’affiliés, et qui s’appuie sur des professionnels extrêmement compétents, dont des conseillers en prévention et des travailleurs sociaux. Il nous a donc semblé important de permettre, partout où c’est possible, la signature de conventions entre les instances régionales du RSI et de la MSA pour que ces professionnels compétents puissent intervenir auprès des indépendants. Ces derniers, en effet, ne sont pas seulement en butte à des questions d’argent : ce sont des professionnels comme les autres, qui peuvent avoir de vrais problèmes – familiaux, psychologiques ou de santé – et de telles conventions permettraient de les aider à résoudre ces difficultés.

J’appelle donc à voter contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement AS1.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS2 du rapporteur.

M. le rapporteur. Dans le même ordre d’idées, il s’agit d’inviter le Gouvernement à conduire une réflexion de fond en déposant un rapport sur une possible fusion entre le RSI et la MSA, hypothèse rejetée par le rapport Verdier-Bulteau de septembre 2015.

Selon moi, étudier la faisabilité d’une des options est la meilleure manière d’éviter cette « seconde catastrophe industrielle » dont parlait Mme Bulteau. C’est bien pourquoi nous faisons preuve de prudence et préconisons une analyse globale préalable.

J’en profite pour répondre à Jean-Pierre Door, qui m’avait interrogé à propos de l’article 12 demandant la remise d’un rapport par le Haut Conseil du financement de la sécurité sociale sur la mise en place d’un mécanisme de plafonnement des cotisations sociales. Nous avons vérifié : cela relève bien de la compétence du Haut Conseil, la question des moyens relevant pour sa part de l’exécutif. Mais j’ose espérer que l’exécutif donnera les moyens qu’il faut à ces très nombreux comités – voire trop nombreux, si je puis me permettre une réflexion d’ancien magistrat…

Je souligne enfin une petite différence d’appréciation avec Mme Bulteau, selon qui la MSA ne serait pas du tout intéressée par une fusion. Elle s’est en effet positionnée, par un communiqué de presse d’octobre 2014, comme repreneur des activités de gestionnaire des organismes conventionnés RSI, suite aux préconisations de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) à l’été 2013. Mais peut-être ses positions varient-elles selon les interlocuteurs et selon les rapports… Quoi qu’il en soit, la décision n’appartient pas à la seule MSA. Il faut apprécier l’intérêt général et estimer l’impact d’une telle option, qui ne sera certes pas facile d’application, mais qui mérite d’être creusée et non pas balayée d’un revers de manche.

Mme Isabelle Le Callennec. La préconisation n° 20 du rapport Bulteau-Verdier consiste à associer les travailleurs indépendants au suivi des engagements au sein d’un comité d’évaluation. Je voudrais toutefois savoir quelles seront la composition et, surtout, les missions, de ce comité qui devrait être mis en place dès cette année. Il serait dommage de ne pas y faire figurer des études sur de possibles rapprochements, par exemple avec la MSA.

Mme Sylviane Bulteau. Monsieur le rapporteur, ne me dites pas que vous ne faites pas la différence entre fusion et conventionnement !

Mes chers collègues, je vous invite à rejeter cet article additionnel, et à lire le dernier paragraphe de la page 20 de notre rapport, qui explique pourquoi la fusion RSI-MSA est, dans le contexte présent, tout simplement impossible.

La commission rejette l’amendement AS2.

Chapitre II
Améliorer le fonctionnement du régime social des indépendants

Article 5
(art. L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale)

Calcul mensuel ou trimestriel des cotisations
et contributions de sécurité sociale

Cet article ouvre la possibilité pour tout cotisant au régime social indépendant (RSI) d’obtenir le calcul de ses cotisations et contributions de sécurité sociale sur une base mensuelle ou trimestrielle.

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, les cotisations des travailleurs indépendants non agricoles sont en principe dues annuellement, à partir de taux fixés par décret. Le second alinéa prévoit qu’elles sont calculées à titre provisionnel sur la base des revenus de l’année N-1 puis qu’elles font l’objet d’une régularisation lorsque les revenus de l’année N sont définitivement connus.

À l’inverse, en application des dispositions de l’article L. 131-6-8 du code de la sécurité sociale et des articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts, les travailleurs indépendants relevant du régime du microsocial ou dont les bénéfices commerciaux sont inférieurs à un seuil légal peuvent opter pour un calcul mensuel ou trimestriel de leurs cotisations et contributions de sécurité sociale.

Il s’agit d’étendre cette faculté offerte aux très petites entités à l’ensemble des travailleurs indépendants. Ils ont en effet également besoin de cette souplesse pour le paiement de leurs cotisations et contributions de sécurité sociale.

Ainsi, le I ouvre à tout cotisant au RSI la possibilité de voir l’ensemble ses cotisations et contributions de sécurité sociale calculées sur une base mensuelle ou trimestrielle. Un taux fixé par décret serait alors appliqué au montant du chiffre d’affaires ou des revenus non commerciaux réalisés le mois ou le trimestre précédent. Il sera mis en place sur le modèle de celui en vigueur pour les travailleurs indépendants éligibles au régime du microsocial.

Le II précise que les conditions d’application de cet article seront définies par un décret en Conseil d’État.

Tout en préservant la règle d’un calcul annuel des cotisations, cet article introduit ainsi une souplesse indispensable simplifiant le calcul des cotisations et contributions. Il permettra aux cotisants de mieux utiliser leur trésorerie mais également de mieux appréhender les montants qui leur sont demandés.

*

M. le rapporteur. L’article 5 s’inscrit dans une approche différente, consistant à simplifier la vie des indépendants en leur permettant d’opter pour l’auto-déclaration et l’auto-liquidation des cotisations et contributions de sécurité sociale, qui seraient ainsi calculées sur une base mensuelle ou trimestrielle. Le calcul annuel demeurerait la règle générale, l’auto-déclaration et l’auto-liquidation un régime dérogatoire, comme cela se pratique ailleurs.

Il me semble que, dans le rapport Verdier-Bulteau, cette piste était déjà préconisée. Je pense donc que, sur ce point, nous pouvons être d’accord, ce qui prouverait que tout n’est pas à rejeter dans cette proposition de loi...

Mme Sylviane Bulteau. Il est exact que Fabrice Verdier et moi-même avons évoqué cette possibilité d’auto-déclaration et d’auto-liquidation. Nous avons même suggéré de mener une expérimentation, limitée géographiquement, au bénéfice d’une population spécifique, à savoir les gérants majoritaires qui, eux, se rémunèrent mensuellement.

Pour autant, je crois qu’il vaut mieux continuer à approfondir la question. En effet, suite à notre rapport et à cette proposition, le Gouvernement a suggéré de lancer une mission sur la simplification du calcul des cotisations. Attendons les résultats de cette mission, qui sera confiée à l’IGAS et à l’IGS.

Pour ces raisons, j’invite la commission à voter contre cet article.

La commission rejette l’article 5.

Article 6
(art. L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale)

Instauration d’un système de rescrit social
au sein du régime social des indépendants

L’article L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale met en place un équivalent social du rescrit fiscal. Il fait obligation aux unions de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) et aux caisses de sécurité sociale de se prononcer de manière explicite sur toute demande d’un cotisant ou d’un futur cotisant relative :

– à une exonération de cotisations ;

– aux contributions des employeurs ;

– aux mesures réglementaires spécifiques relatives aux avantages en nature et aux frais professionnels ;

– aux exemptions d’assiette ;

– aux cotisations et contributions dues sur certaines rémunérations ;

– aux règles de déclaration et de paiement des cotisations.

Article L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale

Cet article prévoit notamment que « (…) lorsqu’à l’issue du délai imparti, l’organisme de recouvrement n’a pas notifié au demandeur sa décision, il ne peut être procédé à un redressement de cotisations ou contributions sociales, fondé sur la législation au regard de laquelle devait être appréciée la situation de fait exposée dans la demande, au titre de la période comprise entre la date à laquelle le délai a expiré et la date de la notification de la réponse explicite.

La décision ne s’applique qu’au seul demandeur et est opposable pour l’avenir à l’organisme qui l’a prononcée, tant que la situation de fait exposée dans la demande ou la législation au regard de laquelle la situation du demandeur a été appréciée n’ont pas été modifiées.

(…)

Un cotisant affilié auprès d’un nouvel organisme peut se prévaloir d’une décision explicite prise par l’organisme dont il relevait précédemment tant que la situation de fait exposée dans sa demande ou la législation au regard de laquelle sa situation a été appréciée n’ont pas été modifiées.

(…)

Lorsque l’organisme de recouvrement entend modifier pour l’avenir sa décision, il en informe le cotisant. Celui-ci peut solliciter, sans préjudice des autres recours, l’intervention de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Celle-ci transmet à l’organisme de recouvrement sa position quant à l’interprétation à retenir. Celui-ci la notifie au demandeur dans le délai d’un mois.

Un décret définit les conditions dans lesquelles les décisions rendues par les organismes de recouvrement font l’objet d’une publicité. »

Le rescrit social permet d’obtenir une appréciation formelle de leur situation au regard de la législation et se prévaloir de cette position pour faire échec à des redressements fondés sur une appréciation différente.

Les travailleurs indépendants disposent depuis la loi n° 2008-776 de ce même dispositif de rescrit prévu à l’article L. 133-6-9 du code de la sécurité sociale.

Il est proposé de compléter le premier alinéa de l’article 243-6-3 de ce même code afin que sa rédaction vise explicitement le RSI. Il est en effet préférable que ces droits figurent également dans l’article décrivant les droits des cotisants dans le cadre des procédures de recouvrement.

*

M. le rapporteur. Ce qui nous intéresse, c’est le présent, donc la correction des dysfonctionnements que nous constatons aujourd’hui. Je ne voudrais pas que le débat s’engage sur le très lointain passé, sur les responsabilités d’il y a dix ans, ni sur le très lointain avenir, c’est-à-dire les missions, les commissions et les rapports que le Gouvernement entend commander pour régler, un jour, la situation. Nous aurions tous intérêt à trouver immédiatement des solutions opérationnelles. C’était en tout cas le désir des cosignataires. Mais fermons la parenthèse.

L’article 6 permet d’instaurer un système de rescrit social au sein du régime social des indépendants ; ainsi, ce dernier devra se prononcer de manière explicite sur toute demande d’un cotisant ou d’un futur cotisant. Nous avons pu constater que, dans la pratique, le silence du RSI ne signifiait pas forcément approbation, et que la difficulté à joindre le service faisait partie des principales critiques qui lui étaient adressées.

Il est donc proposé de compléter le premier alinéa de l’article L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale, afin que sa rédaction vise explicitement le RSI, et que ce recours au rescrit – qui est d’ailleurs demandé par un certain nombre d’organisations – s’impose au quotidien dans les relations entre le RSI et ses ressortissants.

M. Dominique Dord. Nous en sommes à peu près à la moitié de l’examen du texte, et le scénario auquel nous assistons est proprement hallucinant. Nous sommes tous d’accord pour dire que cela ne va pas. Mme Bulteau, une experte, une « sachante », est d’accord avec nous sur tous les sujets, ou quasiment tous, au point d’en revendiquer la paternité, après quoi elle démolit tous les articles, l’un après l’autre, en nous disant que cela vient trop tôt, qu’il ne fallait pas faire cela, etc. Si l’on continue ainsi, nous serons passés, à l’issue de la discussion, complètement à côté de ce que ressentent nos concitoyens commerçants ou artisans !

Cet article 6, que l’on retrouve dans toutes les autres procédures, ne coûte rien. Il permettrait d’éviter que les artisans et les commerçants ne fassent les frais des lourdeurs et des « non-réponses » de leur administration de tutelle, en l’occurrence le RSI. Sans réponse dans un délai qui reste d’ailleurs à fixer, les artisans et les commerçants auraient gain de cause.

Mes chers collègues, pour ne pas sortir du débat sans avoir rien modifié au RSI, qui est un des sujets majeurs de préoccupation des artisans et des commerçants, je crois que nous devrions, au moins, adopter cet article à l’unanimité.

Mme Sylviane Bulteau. C’est la première fois que l’on me qualifie de « sachante ». J’en suis très honorée…

Cela dit, l’article 6 n’est pas utile puisque le rescrit social existe déjà, et que les réponses faites aux cotisants doivent être explicites.

Je précise par ailleurs que le principe selon lequel « silence vaut acceptation » ne concerne pas les demandes ayant un objet financier. Or les demandes en matière de cotisation et de recouvrement ont toujours principalement un objet financier.

J’appelle donc à voter contre cet article.

La commission rejette l’article 6.

Article 7
(art. L. 213-1 du code de la sécurité sociale)

Délégation aux URSSAF du calcul et de l’encaissement des cotisations sociales d’assurance maladie et d’assurance vieillesse des professions libérales

Cet article prévoit de confier aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) le calcul et l’encaissement des cotisations sociales d’assurance maladie et d’assurance vieillesse des professions libérales. La gestion du recouvrement serait uniquement assurée par les URSSAF pour l’ensemble des cotisations et contributions sociales, au lieu d’être répartie entre trois acteurs différents. Cette mesure permettrait de simplifier et de clarifier les démarches des cotisants qui disposeraient d’un interlocuteur unique de recouvrement des cotisations.

1. La gestion particulièrement complexe des recouvrements de cotisations sociales

Aujourd’hui, le calcul et le recouvrement des cotisations sociales des professions libérales relèvent de trois organismes différents :

– le recouvrement des cotisations d’assurance maladie et maternité est géré par le régime social des indépendants (RSI). Il en délègue la gestion à des organismes conventionnés.

– le recouvrement des cotisations d’assurance vieillesse, invalidité et décès est géré par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNVAPL) pour le régime de base, et par les sections professionnelles de celle-ci pour les régimes complémentaires. La Caisse nationale des barreaux français (CNBF) assure le recouvrement pour la profession des avocats ;

– enfin, la contribution sociale généralisée, la contribution au remboursement de la dette sociale, les cotisations d’assurance famille et la contribution à la formation professionnelle sont recouvrées par les URSSAF.

En revanche, les professions libérales bénéficiant du régime de microentreprises et celles percevant des revenus non-commerciaux inférieurs à un seuil (fixé actuellement à 32 900 euros par an) relèvent d’un régime particulier déterminé à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale. Dans ce cas, les URSSAF, conformément au 5° bis de l’article L. 213-1 du code de la sécurité sociale, assurent seules le calcul et l’encaissement de l’ensemble des cotisations sociales. Ce dispositif concerne aussi bien les régimes de base et complémentaire de l’assurance vieillesse et invalidité que les régimes d’assurance maladie et maternité.

Ces dernières dispositions sont plus simples et donnent aujourd’hui pleinement satisfaction. Il est proposé de les étendre à l’ensemble des cotisants du RSI. En effet, la majorité des professions libérales, qui ne relèvent pas de la dérogation inscrite à l’article 133-6-8 du code de la sécurité sociale doivent faire face à une multitude d’acteurs et il leur est difficile et coûteux de comprendre et d’accomplir l’ensemble des démarches administratives requises. Enfin, l’étude d’impact du PLFSS 2016 rappelle, dans sa partie relative à l’article 12, que « la délégation de gestion représente en outre un surcoût significatif pour le RSI puisque des remises de gestion conséquentes sont versées aux organismes conventionnés au titre de cette mission, sans plus-value en termes de qualité de service pour le cotisant : ainsi, en 2015, 16 millions d’euros de remises de gestion seront versés aux organismes conventionnés. ».

2. Cet article simplifie les relations entre les cotisants et les organismes de recouvrement en faisant des URSSAF les acteurs uniques du calcul et du recouvrement pour l’ensemble des professions libérales

Le PLFSS 2016 prévoyait, dans sa rédaction initiale, à son article 12, d’étendre la délégation aux URSSAF du recouvrement des cotisations sociales des professions libérales pour les seuls régimes d’assurance maladie et maternité aujourd’hui gérés par le RSI. Cet article propose d’aller au bout de cette logique en confiant le recouvrement de l’ensemble des cotisations sociales des professions libérales aux URSSAF (pour les opérations de calcul comme d’encaissement). Le RSI n’aura plus à rémunérer les organismes conventionnés qui assuraient la gestion du risque assurance maladie et maternité et les cotisants disposeront d’un interlocuteur unique.

Pour ce faire, cet article modifie le 5° bis de l’article L. 213-1 du code de la sécurité sociale. En l’état, rappelons-le, il prévoit que les URSSAF assurent le recouvrement des cotisations d’assurance vieillesse, d’invalidité décès et d’assurance maladie et maternité pour les seules professions libérales qui relèvent du régime microsocial ou dont les bénéfices commerciaux sont inférieurs au seuil de 32 900 euros.

En supprimant les mots « pour l’application des dispositions prévues à l’article L. 133-6-8 », il supprime la restriction de l’application du système simplifié de cotisation pour l’étendre à l’ensemble des professions libérales. Les URSSAF assureront donc désormais le calcul et l’encaissement des cotisations sociales assurance-vieillesse et invalidité-décès de base et complémentaire ainsi que de celles d’assurance maladie et maternité au profit de l’ensemble des professions libérales.

*

M. le rapporteur. L’article 7 porte sur les relations entre les URSSAF et le RSI. L’article 12 du PLFSS pour 2016 prévoyait, dans sa rédaction initiale d’étendre aux URSSAF la délégation du recouvrement des cotisations de sécurité sociale des professions libérales pour les seuls régimes d’assurance maladie et maternité, aujourd’hui gérés par le RSI.

Car article va donc dans le sens de ce que souhaite le Gouvernement, mais nous proposons d’aller plus loin, d’aller jusqu’au bout de cette logique, en confiant le recouvrement de l’ensemble des cotisations sociales des professions libérales aux URSSAF pour les opérations de calcul comme d’encaissement. Le RSI n’aurait ainsi plus à rémunérer les organismes conventionnés qui assureraient la gestion du risque assurance maladie et maternité, et les cotisants disposeront d’un interlocuteur unique, ce qui, vous l’imaginez bien, leur facilitera la vie.

Mme Sylviane Bulteau. L’URSSAF peut déjà, par le biais de conventions, assurer le recouvrement des cotisations pour le compte du RSI. Il est vrai que dans la mission que nous avons conduite, le sujet a été évoqué entre l’URSSAF et le RSI, ce dernier souhaitant pouvoir reprendre de A à Z tout le travail de calcul et de prélèvement des cotisations.

Pour l’instant, je vous propose de rejeter cet article, qui est déjà satisfait.

M. Arnaud Viala. Il ressort des interventions de Mme Bulteau que c’est le RSI ou la MSA qui décide ! Je m’interroge donc : si le législateur n’a pas la capacité de prendre des orientations qui concernent nos concitoyens, que faisons-nous ici ?

Par ailleurs, j’observe que, pour des raisons partisanes et de politique politicienne, vous enlevez à ce texte toute possibilité d’adoption. Vous devriez pourtant faire un signe à tous ceux qui ne pourront pas attendre que les rapports que vous avez commandités produisent leurs effets. Car dans un an, dans deux ou trois ans, il y aura eu de la casse. Et je peux vous garantir que, sur les réseaux sociaux, ceux qui nous écoutent ce matin sont en train de grimper aux arbres !

La commission rejette l’article 7.

Après l’article 7

La commission examine l’amendement AS3 du rapporteur.

M. le rapporteur. Afin de manifester toute l’attention que le Parlement porte à ce régime, nous proposons de donner aux membres des bureaux des commissions des finances et des affaires sociales de véritables pouvoirs d’investigation pour contrôler le RSI.

Cette faculté existe pour les organes parlementaires, notamment pour les commissions d’enquête. Elle a été étendue aux commissions permanentes, qui peuvent en bénéficier sous certaines conditions.

En l’occurrence, il s’agit de permettre aux parlementaires eux-mêmes de puiser leurs informations directement à la source. C’est d’ailleurs ce que fait la Cour des comptes lorsqu’elle « débarque » dans les bureaux.

Pour établir le rapport Verdier-Bulteau, vous avez dû utiliser des informations fournies par le RSI. Mais si vous demandez à celui que vous contrôlez de vous fournir les réponses, le contrôle est faussé et les chiffres sont contestables. Pour autant, évitons tout malentendu : je ne fais pas le procès du RSI, où certains tentent de corriger de corriger une situation dont ils souffrent eux-mêmes. Simplement, l’image du régime s’est dégradée. Dans ce climat de suspicion généralisée, les indépendants ne prendront pas pour argent comptant les rapports sur le RSI car ils se méfient des chiffres fournis par lui.

En donnant aux parlementaires la possibilité d’aller sur place pour mener leurs investigations, nous casserons ce mur de la défiance et nous permettrons de redresser la situation.

M. Jean-Pierre Barbier. Dans nos permanences, nous rencontrons tous des commerçants et des artisans qui, en raison des dysfonctionnements de ce régime, se retrouvent dans des situations incroyablement difficiles. Or ce matin, toutes nos propositions sont rejetées sans argumentation véritable, au prétexte que, finalement, il n’est pas nécessaire de changer quoi que ce soit !

L’article 12 du PLFSS pour 2016, dont nous avons débattu dans cette même salle, permet de retirer à des mutuelles les délégations de gestion dont elles bénéficiaient, pour faire reprendre la gestion par le régime obligatoire. Pourquoi refuser d’appliquer la même mesure au régime des indépendants ?

Notre débat est quelque peu surréaliste, et n’est pas respectueux des commerçants et des artisans qui connaissent des difficultés. Ce texte nous aurait permis de progresser, et il est très regrettable que la majorité se retranche derrière des arguments qui n’en sont pas.

M. Thierry Benoit. Monsieur le président, je vais soutenir très naturellement, au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, l’amendement proposé par notre rapporteur.

Il est exact que les relations sont souvent difficiles entre le RSI et ses ressortissants. Mais il y a aussi parmi l’administration et surtout parmi les gestionnaires élus du régime – et je parle de ce que je connais le mieux, à savoir le RSI Bretagne – des personnes qui sont conscientes des problèmes et de la nécessité d’améliorer le système.

Je voudrais dire sans agressivité à nos collègues de la majorité qu’on ne peut, d’un revers de main, balayer tous les articles et tous les amendements de cette proposition de loi. Nous sommes, comme vous, conscients de l’urgence à agir. Nous l’avons déjà dit, le rapport Bulteau-Verdier est bon. Nous l’avons déjà dit, le Gouvernement a retenu quelques préconisations. Mais, encore une fois, cela ne suffira pas : il y a urgence à agir de manière concrète !

Mme Sylviane Bulteau. Ne soyez pas méprisant, monsieur le rapporteur. Loin de nous autoproclamer experts, Fabrice Verdier et moi-même avions pris soin de nous faire accompagner par un haut fonctionnaire de Bercy chargé du contrôle du RSI et par une inspectrice de l’IGAS. Je pense que les chiffres et les rapports qui nous ont été fournis étaient dignes de confiance.

Votre suspicion à l’égard du RSI est très déplacée. Comme vous l’avez souligné vous-même, le système est géré par des indépendants élus par leurs pairs. Aller faire des contrôles sur je ne sais quelles factures ou pièces me semble totalement déplacé dans un système démocratique tel que le nôtre. C’est pourquoi j’appelle la commission à rejeter votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 8
Certification des comptes du régime social des indépendants
et de son activité de recouvrement par la Cour des comptes

Cet article prévoit la certification par la Cour des comptes des comptes du régime social des indépendants (RSI) et de son activité de recouvrement.

1. La Cour des comptes contrôle le RSI comme tous les organismes de droit privé qui assurent la gestion d’un régime de sécurité sociale obligatoire

Tous les régimes de sécurité sociale sont soumis au contrôle de la Cour des comptes (L. 134-1 du code des juridictions financières). À ce titre, elle peut procéder à des investigations sur pièce et sur place. Ses conclusions peuvent être insérées dans un rapport thématique ou dans un rapport annuel. À ce jour, le RSI n’a pas fait l’objet d’un rapport thématique.

Dispositions de l’article L. 134-1 du code des juridictions financières

Sont soumis au contrôle de la Cour des comptes tous les organismes de droit privé jouissant de la personnalité civile ou de l’autonomie financière qui assurent en tout ou partie la gestion d’un régime légalement obligatoire :

a) d’assurance couvrant la maladie, la maternité, la vieillesse, l’invalidité, le décès, les accidents du travail et les maladies professionnelles ;

b) de prestations familiales.

Les unions et fédérations desdits organismes sont soumises au même contrôle.

La Cour publie également, chaque année depuis 1996, un rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Il est prévu par les articles L.O. 132-3 du code des juridictions financières et L.O. 111-3 alinéa 8 du code de la sécurité sociale. Ce rapport est transmis au Parlement et au Gouvernement.

Article L.O. 132-3 du code des juridictions financières

Chaque année, la Cour des comptes établit un rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Ce rapport comprend l'avis de la cour mentionné au 2° du 8 de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Ce rapport présente, en outre, une analyse de l'ensemble des comptes des organismes de sécurité sociale soumis à son contrôle et fait une synthèse des rapports et avis émis par les organismes de contrôle placés sous sa surveillance. Ce rapport est remis au Parlement et au Gouvernement sitôt son arrêt par la Cour des comptes.

Les réponses faites aux observations de la Cour des comptes sont jointes au rapport.

Article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale

VIII.– La mission d’assistance du Parlement et du Gouvernement, confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l’article 47-1 de la Constitution, comporte notamment :

1° La production du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, prévu à l’article L.O. 132-3 du code des juridictions financières ;

Dans ce cadre, en 2012 et en 2014, la Cour a analysé le fonctionnement du RSI, ainsi que ses rapports avec les URSSAF. Elle a notamment pointé dans son rapport de 2012 la « catastrophe industrielle » qu’avait constituée sa mise en place en 2007-2008 rappelant que : « Le RSI est aujourd’hui moins efficace et plus coûteux que les anciens régimes qu’il a remplacés. (…) L’échec de l’interlocuteur social unique (ISU) a eu et a encore de lourdes conséquences pour les assurés. Pour une partie d’entre eux, il n’a pas seulement signifié d’innombrables tracas administratifs mais fait courir des risques de pertes de droits. La situation ainsi créée doit être réglée avec détermination. »

2. La Cour des comptes assure la certification des organismes nationaux du régime général de sécurité sociale ainsi que de leur activité de recouvrement

La Cour assure également la certification de la totalité des entités du régime général (ACOSS, CNAF, CNAMTS, CNAVTS) de la sécurité sociale, appréciant la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes annuels de chaque branche, des comptes combinés et de l’activité de recouvrement.

C’est à ce titre qu’elle a régulièrement émis une réserve de portée générale sur la certification des comptes de l’ACOSS en tant que tête de réseau des URSSAF sur la question du recouvrement des cotisations pour le compte du RSI. Cette réserve n’a été que partiellement levée dans le rapport pour 2014, les magistrats financiers pointant toujours que « des risques de portée financière pèsent encore sur les cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, laissant subsister des incertitudes significatives sur la réalité, l’exhaustivité et l’exactitude de ces prélèvements » (réserve n° 3 sur l’activité de recouvrement).

3. Cet article prévoit que les comptes du RSI ainsi que son activité de recouvrement soient également certifiés par la Cour des Comptes

La Cour a relevé dans son rapport de 2012 que l’une des raisons des dysfonctionnements du RSI tenait au retard avec lequel les autorités ont pris conscience de l’ampleur des difficultés.

Un rapport annuel de certification, transmis au Parlement et au Gouvernement, au plus tard le 30 juin de l’année suivante, permettrait d’identifier régulièrement les dysfonctionnements du régime sur le fondement d’une information financière fiable et incontestable. Cette analyse concernerait également, comme pour le régime général de sécurité sociale, l’activité de recouvrement du RSI. La Cour pourra certifier avec réserves ou sans, prononcer l’impossibilité de certifier les comptes (lorsqu’elle estime qu’elle n’a pas les éléments pour effectuer sa mission) ou refuser de certifier (si les comptes ne sont pas suffisamment fiables et sincères). L’ajout ou la levée des réserves permettront notamment d’indiquer chaque année les pistes d’amélioration et les progrès accomplis.

Cette disposition est essentielle compte tenu des fragilités persistantes du régime. Elle complétera utilement les travaux de la Cour relatifs à l’application des lois de financement de la sécurité sociale. Le rapport de certification permettra d’assurer un examen approfondi des procédures de recouvrement forcé, gérées directement par le régime.

*

M. le rapporteur. Veuillez m’excuser si vous avez l’impression d’avoir été méprisée, madame Bulteau. Ce n’est pas du tout mon propos. Je cherche simplement à vous faire part de mon incompréhension car, alors que nous sommes d’accord et que nous constatons une vraie colère des cotisants au RSI, nous sommes en train d’envoyer un message politique catastrophique : « vos problèmes, nous n’en avons rien à faire » ; « de toute façon tout est dans le rapport » ; « circulez, il n’y a rien à voir ». Vous pouvez penser que c’est la meilleure méthode, mais permettez-moi de ne pas être d’accord avec vous et de considérer que nous devons envoyer un message politique fort, car le RSI a besoin d’autre chose que d’un traitement homéopathique et de quelques mesurettes. Le législateur doit engager la réforme de ce régime par la coercition.

L’article 8 propose la certification du RSI et de son activité de recouvrement par la Cour des comptes. Rappelons que la sixième chambre de la Cour des comptes contrôle le RSI ainsi que tous les organismes de droit privé qui assurent la gestion d’un régime de sécurité sociale obligatoire. Elle assure également la certification des organismes nationaux du régime général de sécurité sociale et de leur activité de recouvrement.

Cet article prévoit donc que les comptes et l’activité de recouvrement du RSI soient spécifiquement certifiés par la Cour des comptes et fassent l’objet d’un rapport annuel qui sera transmis au Parlement. Il n’est sans doute pas indispensable que ce rapport soit effectué tous les ans. Une fois la situation rétablie et la confiance retrouvée, il sera possible de mettre fin au suivi spécifique de ce régime.

Cette disposition est d’autant plus essentielle que vous estimez que le contrôle n’est pas du ressort des parlementaires, même s’il leur arrive de s’intéresser à des cas très concrets et si une telle méthode produit des résultats dans les pays qui l’utilisent. L’administration n’a pas l’habitude de voir arriver des parlementaires alors qu’il est bon que nous allions nous rendre compte sur place. On parle souvent des stages des parlementaires en entreprise ; le stage en administration a aussi des vertus. Cette disposition est essentielle compte tenu des fragilités persistantes du régime : elle viendra compléter utilement les travaux de la Cour des comptes qui pourra faire des préconisations immédiatement opérationnelles et contribuant à rétablir la confiance.

Mme Isabelle Le Callennec. Les députés votent les lois mais ils veillent aussi à leur application et ils contrôlent l’action du Gouvernement. Cet article 8 propose que nous nous penchions collectivement sur un rapport qui serait présenté par la Cour des comptes. Les responsables du RSI arguent que cela existe déjà. Pour ma part, je relie cette mesure à l’article 7, qui prévoit un contrôle sur place et sur pièces. Pour lutter contre la méfiance et la suspicion très bien décrites par notre rapporteur, il faut davantage de transparence. C’est ce qui nous est demandé lors des réunions que nous organisons sur le terrain. Pour ma part, je rends hommage aux responsables du RSI qui acceptent de venir dans nos réunions, où ils font de la pédagogie. Je puis témoigner que l’intervention du président du RSI, lors de la réunion organisée dans ma circonscription, a permis aux indépendants de découvrir beaucoup de choses.

Cet article est nécessaire pour aplanir les fortes tensions qui existent entre le régime du RSI et les cotisants. Madame Bulteau, je reviens sur le comité d’évaluation car vous ne m’avez pas répondu. J’aurais davantage confiance en un contrôle de la Cour des comptes, mais je n’ai rien contre la création d’un tel comité d’évaluation auquel seront associés les indépendants, à condition que vous nous précisiez sa composition et ses missions. Cela participe du besoin de transparence et de la nécessité de réinstaurer un dialogue entre les protagonistes.

M. Thierry Benoit. Les travailleurs indépendants s’interrogent et manifestent beaucoup de doutes et de suspicions à l’égard du RSI. Cet article ne peut que rétablir la confiance indispensable. Lors des réunions que nous avons organisées, bon nombre de travailleurs indépendants ont mis en cause le fonctionnement du RSI et sont allés jusqu’à dire que certains budgets de fonctionnement étaient exorbitants. Sans entrer dans les détails, je peux vous dire que les questions fusaient concernant les frais et que les réactions étaient souvent scandalisées. C’est pourquoi je souhaite l’adoption de cet article.

Mme Sylviane Bulteau. Les comptes du RSI sont certifiés par des commissaires aux comptes et, pour ma part, je pense que nous pouvons nous en satisfaire. Cette année, pour la première fois, ces comptes ont été certifiés au titre de l’exercice 2014, ce qui prouve que les choses s’améliorent. La Cour des comptes, qui est chargée du contrôle du régime général, peut à tout moment s’intéresser au RSI – et elle l’a déjà fait. J’appelle donc à voter contre cet article.

La commission rejette l’article 8.

Chapitre III
Faciliter l’activité des entrepreneurs

Article 9
(art. L. 133-6-4-1 [nouveau] du code de la sécurité sociale)

Étalement du règlement des cotisations
en cas de difficultés financières

Cet article vise à permettre à tout cotisant au régime social des indépendants (RSI) faisant face à une diminution substantielle de son chiffre d’affaires annuel de demander un étalement dans le temps du règlement ses cotisations.

Subissant de fortes variations de leur chiffre d’affaires d’une année sur l’autre, de nombreux artisans et commerçants sont dans l’incapacité de régler leurs cotisations au RSI dans les délais impartis. La majoration des cotisations accroît leurs difficultés financières.

Certains dispositifs ont permis de mieux tenir compte de la volatilité du chiffre d’affaires. Il en est ainsi de la modification du mode de calcul des cotisations désormais fondé sur les revenus de l’année N-1 et non plus sur ceux de l’année N-2. Cela permet ainsi de rapprocher le montant des cotisations prélevées du revenu réel des indépendants. Toutefois, seule une plus grande flexibilité permettra d’atténuer leurs difficultés économiques.

Cet article insère un article L. 133-6-4-1 nouveau. Il prévoit que, lorsque l’un de ses cotisants connaît une baisse importante de son chiffre d’affaires, le RSI devra étudier la possibilité d’étaler le paiement de ses cotisations sans majoration. Cet étalement ne sera pas de droit mais l’examen de situation devra s’effectuer dans le cadre d’un véritable dialogue avec l’intéressé. L’étalement du règlement pourrait être envisagé sur une période inférieure ou égale à trente-six mois.

*

M. le rapporteur. L’article 9 offre la possibilité d’étaler sur trente-six mois le règlement des cotisations, en cas de diminution substantielle du chiffre d’affaires des cotisants. Cette proposition est très importante à un moment où, comme moi, vous devez entendre les commerçants et artisans de vos circonscriptions déplorer une baisse de leur activité – et les événements récents n’ont sûrement pas amélioré la tendance – et un effet de ciseau.

Anticipant vos réactions, j’indique que je n’ignore pas que le mode de calcul des cotisations a été modifié et qu’il est désormais fondé sur les revenus de l’année « n – 1 » et non plus sur ceux de l’année « n – 2 ». C’est une très bonne mesure en ce qu’elle permet de rapprocher le montant des cotisations prélevées du revenu réel, mais elle ne répond pas au problème de l’entreprise qui connaît un « trou d’air » et risque de disparaître. Actuellement, l’étalement est possible mais il n’est pas de droit : c’est une simple faculté qui peut être accordée. L’article propose donc créer un droit de lissage pendant une période maximum de trente-six mois, comme à la MSA.

M. Jean-Pierre Door. Cet article est extrêmement important mais je redoute qu’il ne soit mort-né, compte tenu de la manière dont tous les articles sont balayés. C’est une erreur. Il y a un an, le rapport d’information des sénateurs Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy avait ouvert la voie. Nos collègues Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier ont ensuite produit un bon rapport. Nous avons des rapports dont nous ne faisons rien ; nous parlons, mais n’agissons pas.

Le chiffre d’affaires d’un artisan ou d’un commerçant varie d’une année sur l’autre en fonction des conditions économiques du pays, des charges diverses, de l’accumulation de taxes et d’impôts, etc. L’indépendant peut avoir des difficultés, y compris parce que son carnet de commandes n’est pas complètement rempli. Si l’on veut faciliter la vie de ces artisans et commerçants et éviter l’asphyxie de leur affaire, il faut trouver des solutions.

Nombre d’entre eux sont sûrement venus dans vos permanences pour vous demander d’écrire aux services des impôts ou du RSI afin d’obtenir un étalement des versements d’impôts ou de cotisations. Quand nous le faisons, nous nous heurtons toujours à un refus. Pour ma part, j’ai encore récemment reçu l’appel téléphonique du directeur du RSI auquel j’avais écrit et qui m’a dit : je ne peux rien faire, vous n’avez qu’à légiférer. Quand nous essayons de légiférer, on nous renvoie dans les cordes. C’est dommage. Pour notre part, nous soutiendrons l’excellente mesure proposée dans cet article 9, monsieur le rapporteur.

M. Gérard Sebaoun. Cet article ne crée aucun droit nouveau. Il y est indiqué qu’en cas de « diminution substantielle » du chiffre d’affaires d’un cotisant, « le RSI devra étudier la possibilité d’étaler le paiement de ses cotisations sans majoration. » Actuellement, les cotisants peuvent déjà négocier avec le RSI mais ils doivent payer des indemnités de retard. « L’étalement du règlement pourrait être envisagé sur une période inférieure ou égale à trente-six mois », est-il précisé. Il me semble que cet étalement est déjà possible et que l’article vise seulement à supprimer les majorations dont doit s’acquitter le cotisant dans le cadre d’une négociation avec un régime auquel il doit de l’argent.

La commission rejette l’article 9.

Après l’article 9

La commission examine l’amendement AS4 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement propose que le chiffre d’affaires d’une entreprise ne comprenne que les factures effectivement encaissées par celle-ci à la date de sa déclaration au RSI. Il s’agit d’offrir plus de souplesse aux entreprises, en excluant du calcul des cotisations – basé sur le chiffre d’affaires déclaré – les factures émises mais non réglées. Certaines entreprises doivent faire des avances de trésorerie importantes pour payer leurs cotisations alors que les sommes déclarées n’ont pas encore été encaissées.

Cette idée nous a été suggérée par un expert-comptable qui nous a expliqué les problèmes qu’il constatait tous les jours. L’article L. 131-6-2 du code de sécurité sociale rappelle que le montant retenu est le même que celui qui sert de base au calcul de l’impôt sur le revenu. Cette mesure concerne donc principalement les commerçants et artisans qui sont imposés sur leurs bénéfices industriels et commerciaux. Nous voulons apporter une solution concrète pour le paiement des cotisations.

M. Denys Robiliard. Il existe deux modes d’imposition : sur les bénéfices industriels et commerciaux ou sur les bénéfices non commerciaux. Dans le cadre d’une imposition sur les bénéfices industriels et commerciaux, le chef d’entreprise peut faire des provisions pour tenir compte du phénomène que vous décrivez fort justement : le chiffre d’affaires est constitué de la totalité des factures émises, alors que certaines d’entre elles ne sont réglées qu’à un, deux ou trois mois, selon la nature de l’activité exercée. Le chef d’entreprise va provisionner tout ou partie de ces factures non acquittées, ce qui diminuera le montant de son résultat, donc sa base d’imposition.

Il faut essayer de raisonner de manière cohérente afin de ne pas complexifier les choses : la mesure que vous proposez introduirait des éléments complètement hétérogènes dans une même comptabilité. Il faut choisir entre une comptabilité de trésorerie ou une comptabilité d’engagement ; ce n’est pas possible de passer de l’une à l’autre ou de mélanger les deux. Ce que vous demandez est déjà pris en compte par le jeu des provisions, et l’on ne saurait gagner sur les deux tableaux.

M. le rapporteur. Vos réflexions concrètes sont extrêmement pertinentes, et je retire donc mon amendement. D’ici à la séance, j’essayerai de voir comment atteindre le même objectif sans compliquer la vie des chefs d’entreprise, qui n’ont pas la même facilité qu’un expert-comptable à jongler avec tous ces éléments.

L’amendement est retiré.

Article 10
Relevés de situation individuelle

Cet article prévoit l’envoi d’un relevé de situation par le régime social des indépendants (RSI) à ses cotisants pour les informer des droits acquis dans chacun des régimes de retraite de base et complémentaires obligatoires auxquels ils appartiennent. Il introduit un article non codifié, dont les dispositions se déclinent en trois alinéas.

Le dispositif proposé prévoit deux cas de figure :

– le cas général, décrit au premier alinéa, prévoit l’envoi du relevé de situation tous les cinq ans ;

– lorsque le cotisant atteint l’âge de 55 ans, le relevé est transmis tous les deux ans (cas décrit au deuxième alinéa). Il comporte alors une estimation indicative de leur future pension de retraite, sur le fondement des cotisations versées.

Ce document récapitule les droits acquis par l’assuré dans l’ensemble des régimes de retraites obligatoires, de base ou complémentaire.

Le troisième alinéa introduit un dispositif d’accompagnement des assurés dans les cas où ces derniers constatent une erreur ou une omission sur leur relevé individuel. Dans ces circonstances, ils pourront faire appel au médiateur du RSI pour faire apporter les corrections nécessaires.

Cette disposition est indispensable compte tenu des spécificités du RSI. Face aux dysfonctionnements majeurs subis par les cotisants, le législateur doit garantir une information régulière et consolidée.

*

M. le rapporteur. Cet article prévoit l’envoi par le RSI d’un relevé de situation à ses cotisants pour les informer des droits acquis dans chacun des régimes de retraite de base et complémentaires obligatoires auxquels ils appartiennent.

Certains bénéficiaires découvrent un peu trop tardivement que leur pension de retraite sera extrêmement minime, ce qui leur posera des problèmes d’adaptation de niveau de vie. Tous les Français ne sont pas des comptables en puissance et certains, notamment ceux qui sont absorbés par une vie professionnelle intense, n’ont pas bien anticipé l’échéance. Le jour où ils s’arrêtent, ils se rendent compte que le montant – qui n’est d’ailleurs pas toujours évident à calculer – n’est pas aussi élevé que prévu.

Se pose, en outre, le problème des dossiers perdus par le RSI. Je pense à une personne, en particulier, qui attend sa retraite depuis trois ans. Sa carrière a été quelque peu complexe, et les différents régimes de sécurité sociale auxquels il a été affilié avant le RSI attendent que celui-ci règle son dossier. La mesure proposée obligera le RSI à s’intéresser en amont aux situations personnelles et aux pièces justificatives afin de prévenir ces problèmes.

M. Michel Issindou. Le RSI a toute sa pertinence à condition qu’il fonctionne bien, ce qui n’est pas le cas, comme la Cour des comptes et plusieurs rapports l’ont constaté. Mais je ne vois pas l’intérêt d’une loi, à un moment où le système est en train de se remettre d’aplomb. Sans vouloir critiquer les dirigeants en place, je pense que le RSI a besoin que l’on remette à sa tête des gens qui sachent le faire fonctionner et, manifestement, le défi est rude.

Comme la MSA, le RSI a vocation à s’aligner sur le régime général. Dès le 1er janvier 2017, peut-être un peu plus tard à cause du RSI, il existera un fichier unique. Cette évolution relève de l’organisation interne et je ne vois pas ce que vient faire le législateur dans ce débat. M. Aubert essaie, article après article, de trouver des petites mesures qui ne sont que des sparadraps.

Un jour, je l’espère, le RSI fonctionnera aussi bien que la MSA et le régime général. Laissons-lui le temps de sortir de l’ornière. C’est long, j’en conviens, mais ce système compte 5,4 millions d’affiliés, dont les modes de rémunération et de cotisation sont plus complexes que ceux des salariés. Il faut une organisation différente, et celle-ci est en train de se mettre en place. À l’occasion des auditions menées dans le cadre de la loi garantissant l’avenir et la justice du système des retraites, j’ai rencontré des représentants du RSI qui m’ont convaincu que l’objectif n’était pas si éloigné qu’il pouvait paraître.

La commission rejette l’article 10.

Article 11
Droit à une pension provisoire

Cet article instaure le droit à une pension provisoire au bénéfice des affiliés au régime social des indépendants (RSI) lorsque cet organisme prend plus de quatre mois pour traiter la demande de liquidation des droits à la retraite.

1. Des retards fréquents dans la liquidation des droits à pension

Le RSI est le régime d’assurance vieillesse obligatoire des artisans et commerçants. Les pensions des professions libérales sont gérées par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) pour les avocats.

La plupart des règles applicables sont similaires à celles du régime général et notamment l’âge légal de départ à la retraite ou encore les conditions de liquidation d’une retraite à taux plein. Toutefois, dans ce régime, le calcul des droits est rendu plus complexe du fait de l’existence de deux modes de calcul :

– un système de points pour la période antérieure à 1973 ;

– un système aligné sur le régime général pour la période postérieure à 1973 : il repose sur la prise en compte du nombre de trimestres travaillés.

Dans ce contexte, nombre d’affiliés ont rencontré des difficultés pour obtenir la liquidation de leurs droits. Le versement de leur pension a parfois pris plusieurs mois de retard en raison d’insuffisances informatiques, de pertes de dossier, ou encore de difficultés à gérer les cas de personnes ayant cotisé à plusieurs régimes de sécurité sociale. Ainsi, la Cour des comptes a estimé dans son rapport sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, que « compte tenu de l’absence de flux de retour informatisés, il était estimé mi-2011 que les droits à la retraite n’étaient pas à jour pour 25 à 40 % des comptes ». Dans leur rapport sur le RSI remis au Premier ministre le 21 septembre 2015 Sylviane Bulteau et Fabrice Verdier rappelaient qu’en 2014 « seuls 56 % des dossiers de mise en paiement des droits propres le sont dans les délais, et à peine plus de 16 % des dossiers relatifs, aux droits dérivés, ce qui est très en deçà des objectifs fixés au RSI et des résultats des autres régimes alignés ».

2. Cet article propose le versement d’une pension à titre provisoire lorsque le retard de traitement dépasse les quatre mois

Le I prévoit que le RSI dispose de quatre mois pour liquider les droits à pension. Il crée également une pension provisoire, versée lorsque le traitement des demandes de liquidation des droits à la retraite dépasse ce délai. Cette prestation s’adressera aux affiliés répondant aux conditions légales de liquidation de ces droits (âge légal, durée de cotisation, etc.) et dont le dossier a été déposé complet.

La pension provisoire sera calculée à partir des éléments de carrière disponibles. Le RSI devra réviser ce droit et l’actualiser dans les six mois qui suivent le premier versement.

Le II prévoit que les modalités et conditions de mise en œuvre de cet article seront précisées par décret en Conseil d’État.

Cette procédure de versement provisoire s’inspire de dispositifs connus. Par exemple, le juge aux affaires familiales peut accorder une pension alimentaire avant que le divorce soit prononcé.

En l’espèce, le versement provisoire d’une pension constitue une compensation aux difficultés nées des dysfonctionnements du système de recouvrement du RSI et de la règle selon laquelle les droits ne sont ouverts qu’à raison des cotisations effectivement payées.

*

M. le rapporteur. L’article 11 répond aux récriminations du précédent orateur. Pourquoi le législateur vient-il mettre son nez dans ce régime ? Tout simplement parce que les dysfonctionnements sont trop importants pour que nous regardions ailleurs : la maison brûle. Cet article instaure le droit à une pension provisoire au bénéfice des affiliés lorsque l’organisme prend plus de quatre mois pour traiter la demande de liquidation des droits à la retraite.

On ne peut pas laisser des affiliés en suspens. Pour en connaître quelques-uns, je peux vous décrire leur situation concrète : il leur faut vendre leur maison, retrouver un travail pour survivre. La situation s’améliore, dites-vous. Heureusement ! Une dégradation de la situation, en dépit de tous les efforts entrepris, signifierait que nous sommes au bord du gouffre. Certaines personnes sont dans le tunnel depuis plusieurs années et on ne peut pas leur demander d’attendre encore un an ou deux, en leur promettant que la situation finira par s’améliorer un jour. Elles ont besoin de réponses immédiates.

Il y a des retards fréquents dans la liquidation des droits à pension et le système est parfois complexe. Cet article propose le versement d’une pension, à titre provisoire, qui permettra aux affiliés de vivre malgré les éventuels dysfonctionnements.

La commission rejette l’article 11.

Après l’article 11

La commission examine l’amendement AS5 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à étendre aux très petites entreprises le bénéfice du régime micro-social simplifié. À ce jour, les bénéficiaires de ce régime sont des créateurs d’entreprise et des travailleurs indépendants réalisant un chiffre d’affaires extrêmement réduit. Ce régime leur permet de s’acquitter forfaitairement de leurs cotisations sociales sur la base d’un pourcentage de leur chiffre d’affaires et d’une déclaration mensuelle ou trimestrielle. Ils paient leurs cotisations au fur et à mesure de l’encaissement de leur chiffre d’affaires. Ce régime a fait ses preuves, comme en témoigne le succès des auto-entrepreneurs. Entre l’auto-entrepreneur et la très petite entreprise, il existe une différence juridique mais pas de différence pratique. L’extension de ce régime permettrait de simplifier la vie de ces micro-entreprises.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS6 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement rejoint les préconisations du rapport déposé par Mme Bulteau et M. Verdier. Il a pour objet d’entamer une réflexion sur les conditions d’un alignement du délai de carence en cas d’arrêt de maladie, d’accident du travail ou de maladie professionnelle, des travailleurs indépendants non agricoles sur celui des travailleurs salariés. Dans notre pays très attaché à la notion d’égalité, cette question revient systématiquement dans les attentes des indépendants. Ils ne comprennent pas pourquoi ils se voient appliquer des délais de carence deux fois plus long, d’autant que cette situation peut les entraîner dans des difficultés financières. Je sais que le Gouvernement a entamé une procédure mais, d’après le site du RSI, elle n’a pas encore débouché sur une application concrète. Si nous adoptons cette mesure, nous serons certains qu’elle entrera en vigueur dès le 1er janvier 2016.

Mme Sylviane Bulteau. Nous avons en effet préconisé un rapprochement entre les salariés et les indépendants dans ce domaine et, comme M. le rapporteur vient de le dire, le processus est bien engagé. Nous avons ainsi proposé d’abaisser de sept jours à trois jours le délai de carence concernant les arrêts maladie de plus de sept jours. Nous voterons contre cet amendement s’il n’est pas retiré.

Mme Isabelle Le Callennec. En fait, cet amendement demande la remise d’un rapport. Même si le processus est en cours, comme vous l’indiquez, qu’est-ce qui vous empêche de voter pour la remise d’un rapport afin que tout le monde soit bien au courant de ce rapprochement ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS7 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le versement d’indemnités journalières en cas d’arrêt de maladie, d’accident du travail ou de maladie professionnelle ne peut être suspendu en cas de contentieux entre un travailleur indépendant non agricole et le RSI. Dans un cadre normal, cela peut sembler aller de soi. Mais, en cas de dysfonctionnement, des indépendants peuvent se retrouver piégés et contraints de verser des sommes très importantes.

Je peux vous en donner un exemple très récent. Il y a à peine un mois, un entrepreneur s’est vu réclamer 45 000 euros alors que le montant habituel était de 20 000 euros. Trois jours plus tard, avant même d’avoir élucidé le problème, il reçoit un courrier rectificatif qui porte cette fois sur 35 000 euros. Il fait une deuxième réclamation. Au bout d’un mois, on lui annonce qu’il y a erreur et que, finalement, on lui doit de l’argent ! Au-delà des principes, les cas pratiques permettent de remettre les pieds sur terre. En cas de contentieux avec le régime, alors même que vous êtes de bonne foi et que vous avez été victime d’un dysfonctionnement, vous subissez une double peine : les indemnités journalières sont suspendues alors que vous ne pouvez plus travailler et que vous devez payer un avocat pour essayer de vous débattre. C’est vous mettre la tête sous l’eau !

Cet amendement permet de ne plus conditionner le versement d’indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, d’accident du travail ou de maladie professionnelle au règlement de cotisations dont le montant fait l’objet d’un contentieux entre l’affilié et le RSI.

Mme Isabelle Le Callennec. Des cas comme celui qui vient d’être cité, nous en avons tous vu. Ils existent. C’est une bonne idée que d’inverser la charge de la preuve et de faire en sorte que les indemnités journalières en cas d’arrêt de maladie, d’accident du travail ou de maladie professionnelle soient versées en cas de contentieux, tant que celui-ci n’est pas réglé. À l’issue du jugement, l’organisme pourra éventuellement se retourner vers le cotisant. Avant d’avoir prouvé que le cotisant a tort, le RSI doit considérer qu’il est de bonne foi et lui verser ses indemnités. Cette inversion des choses changerait radicalement la façon dont les uns et les autres se perçoivent mutuellement.

M. Denys Robiliard. À partir de situations dont je ne nie pas l’existence, vous proposez ni plus ni moins que de renverser des principes essentiels. Ce dont il s’agit, c’est de savoir si une personne a des droits ouverts, si elle a cotisé. Supposons qu’un artisan ou un commerçant ne verse aucune cotisation : il relève du régime, sans conteste, mais il refuse de cotiser par principe. Rappelons que certaines organisations professionnelles ont mobilisé leurs adhérents sur ce thème du refus des cotisations ! Dans ce cas, il va y avoir une mesure de contrainte ; l’artisan va faire opposition ; le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS)
– qui est totalement saturé – va être saisi. Si votre amendement était adopté, l’artisan en question aurait droit aux indemnités journalières bien que n’ayant jamais cotisé. C’est quand même un peu fort de café ! Je sens que M. Tian, s’il était présent, nous accuserait de laxisme…

Pour connaître moi-même des cas tels que celui que vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, je ne nie pas leur existence. En revanche, la solution que vous proposez ne me paraît pas adaptée parce qu’elle pourrait être source de problèmes plus généraux. Par votre proposition de loi, vous cherchez à résoudre les problèmes en partant du postulat que le cotisant a systématiquement raison ; or il arrive qu’il ait tort. C’est l’une des raisons de notre désaccord. Si nous adoptions les mesures que vous nous proposez, nous provoquerions l’embolie complète du RSI à très bref délai. Au lieu de résoudre les problèmes, nous tuerions le RSI.

M. le rapporteur. Je n’ai pas le droit de répondre ?

M. Christian Hutin, vice-président. J’essaie de faire respecter les règles par tous. Pour ma part, étant davantage médecin que magistrat ou juriste, j’ai compris ce que signifie « embolie ».

La commission rejette l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement AS8 du rapporteur.

M. le rapporteur. Comme notre président est médecin, il aura compris que la majorité propose un traitement homéopathique alors que nous prescrivons de la chirurgie lourde et des antibiotiques au RSI. Cela étant, je tiens à dissiper un malentendu : si les députés de la majorité veulent profiter de l’espace démocratique qui va s’ouvrir pour proposer des sous-amendements et améliorer le texte, je n’y vois pas d’inconvénient car je n’ai pas de problème d’ego. Si certains des articles disparaissent, meurent ou sont remplacés, cela ne me pose aucun problème à condition que nous parvenions à un consensus bipartisan sur cette question.

Quant à mon dernier amendement, il concerne les personnes retraitées qui exercent une activité indépendante complémentaire et propose d’étudier les moyens de les exonérer de cotisations retraites. Actuellement, elles cotisent à fonds perdus puisqu’elles sont déjà à la retraite et que le montant de leur pension ne va pas augmenter du fait de cette cotisation. Nous proposons que, dans un délai de trois mois après la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport qui étudie les conditions d’une exonération de cotisations retraites pour ces personnes.

M. Jean-Pierre Barbier. Ce texte très intéressant arrive quelques semaines seulement après nos débats sur le PLFSS. J’entends notre collègue Robiliard s’interroger sur la cotisation, la non-cotisation, l’assujettissement ou le non-assujettissement. Or, dans le PLFSS, nous avons encore voté cette année une mesure qui fait que toute personne est assurée sociale et bénéficie des remboursements, qu’elle cotise ou non. Est-ce que cela veut dire que les indépendants, artisans et commerçants représentent une catégorie à part ?

Notre rapporteur décrit très justement la situation plus que compliquée de certaines personnes. Pourquoi n’auraient-elles pas droit à la juste solidarité nationale ? Pour le régime général, on ne se pose pas la question de savoir si les gens cotisent ou non : on les prend en charge. Ne croyez-vous pas que les artisans et les commerçants mériteraient aussi la même attitude ? Je suis très surpris par les propos tenus par certains ce matin : ils sont complètement contraires aux positions que vous avez défendues il y a quelques semaines et qui suscitaient des réticences de notre part car les droits ne semblaient plus liés aux cotisations. Apparemment, vous considérez qu’il y a deux catégories de Français.

M. Michel Issindou. Je ne comprends toujours pas cette démarche qui consiste à essayer de fabriquer un arrangement « aux petits oignons » pour des gens qui se plaignent, parfois légitimement, de leur régime. Article par article, on essaie de bâtir sur mesure un système qui corresponde à leur demande du moment.

Pour ma part, j’ai participé à des débats incroyables avec des gens qui affirmaient vouloir sortir de la sécurité sociale, estimant que la législation européenne leur en donnait le droit. Mais les artisans et commerçants ont les mêmes droits que les autres : quand ils vont à l’hôpital ou ailleurs, on ne leur demande pas leur métier.

Notre but, je le répète, est de parvenir à un alignement sur le régime général. M. Benoit, ici présent, va défendre demain sa proposition de loi en faveur d’un système unique de retraite. Il faut savoir ce que l’on veut : veut-on continuer à cloisonner éternellement ou aller vers un alignement progressif, vers une convergence entre le régime général, la MSA et le RSI ? Comme le prévoit la loi de 2014, nous essayons d’aller vers un alignement des régimes.

Pour en revenir à cet amendement, les commerçants et artisans sont soumis aux mêmes règles sur le cumul emploi-retraite que les autres : les cotisations sur le salaire cumulé avec la pension n’ouvrent pas de nouveaux droits. C’est la règle pour tout le monde. Je ne vois pas pourquoi il en irait autrement pour cette catégorie particulière, tout à fait respectable, parce qu’elle aurait souffert d’un système mal géré. On peut regretter que la remise sur pied du RSI prenne du temps mais ses cotisants seront soumis au régime général quand l’alignement sera terminé. Sur le salaire cumulé avec la retraite, il existe une cotisation de solidarité destinée à tous ceux qui en ont véritablement besoin. Appliquons le régime général par anticipation dans ce domaine, et rejetons cet amendement comme les autres.

La commission rejette l’amendement.

Article 12
Remise d’un rapport par le Haut Conseil du financement
de la protection sociale sur la mise en place
d’un mécanisme de plafonnement des cotisations sociales

Cet article prévoit la remise par le Haut Conseil du financement de la protection sociale, dans un délai de six mois, d’un rapport au Parlement sur la mise en place d’un « bouclier social » plafonnant les cotisations sociales des travailleurs non-salariés.

Le Haut Conseil du financement de la protection sociale

Le Haut Conseil du financement de la protection sociale, créé par le décret n° 2012-1070 du 20 septembre 2012, réunit des parlementaires, des représentants de l’État et des partenaires sociaux, le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, le président du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, le président du Conseil d’orientation des retraites, le président délégué du Haut conseil de la famille, le président du Conseil d’orientation pour l’emploi et des personnalités qualifiées.

Il a pour mission de dresser un état des lieux du système de financement de la protection sociale, d’analyser ses caractéristiques et ses changements, d’évaluer ses évolutions possibles, d’examiner l’efficacité des règles de gouvernance et d’allocation des recettes de l’ensemble du système de protection sociale afin d’assurer son équilibre, de formuler des recommandations et des propositions de réforme. Il a remis à ce jour de nombreux rapports, les derniers portant sur la lisibilité des prélèvements et l’architecture financière des régimes sociaux, l’analyse comparée des modes de financement de la protection sociale en Europe ou les perspectives de financement à moyen-long terme des régimes de protection sociale.

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Haut Conseil du financement de la protection sociale remettra un rapport au Parlement sur la mise en place d’un bouclier social qui plafonnerait les cotisations sociales des travailleurs indépendants. Ce délai traduit l’urgence de la situation pour certains cotisants, dans un contexte de persistance des dysfonctionnements du système. Il permettra de trouver rapidement un mécanisme pour éviter que le recouvrement des cotisations ne maintienne les cotisants dans des situations particulièrement difficiles. Les cotisations au RSI peuvent en effet constituer une charge financière d’autant plus importante qu’elles sont perçues avec un décalage d’un an. Ce « bouclier social » garantira donc aux personnes concernées de conserver un revenu minimal. Le rapport déterminera, entre autres modalités, le niveau de ce plafonnement ainsi que l’assiette des revenus et des cotisations à prendre en compte.

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M. le rapporteur. Cet article prévoit la remise par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFPS), dans un délai de six mois, d’un rapport au Parlement sur la mise en place d’un « bouclier social » plafonnant les cotisations sociales des travailleurs non salariés.

Je me souviens d’une conversation avec un chauffeur de taxi auquel j’avais demandé s’il était au RSI, parce que je devais participer à une émission sur le sujet. « Ne m’en parlez pas, je ne paye plus mes cotisations ! » m’avait-il répondu. Je m’en étais étonné. Il m’avait alors expliqué qu’il gagnait 2 500 euros par mois, qu’il payait 1 000 euros pour la voiture et que le RSI lui réclamait 1 000 euros. « J’ai choisi de nourrir mes enfants plutôt que de payer le RSI. Je suis donc dans l’illégalité », avait-il conclu.

Nous devons nous poser des questions. En raison de l’application de modes de calcul fort complexes – j’ai vu des modèles d’appels de cotisations avec des assiettes très imbriquées – une personne qui travaille dix ou onze heures par jour peut s’apercevoir qu’elle gagne moins que si elle se contentait de toucher les minimas sociaux. Est-ce tenable dans une société ? Pour ma part, je ne le pense pas. Citons aussi le cas de personnes qui ont un contentieux avec le RSI : en cas d’arrêt de travail, elles ne perçoivent aucune indemnité du RSI mais elles doivent continuer à cotiser. Les montants prélevés par le RSI sont supérieurs à ce qui peut leur être accordé par leur mutuelle. Il n’est humainement pas possible de tolérer longtemps des cas comme ceux-là.

Voilà pourquoi le HCFPS, qui en a les moyens et la responsabilité, doit être chargé de réfléchir à ce bouclier social et à son application concrète dont je ne sous-estime pas la difficulté.

M. Thierry Benoit. Le RSI lui-même essaie de faire émerger des propositions. Entre autres propositions, le RSI de Bretagne promeut le bouclier social auprès des instances nationales et espère que l’idée remontera jusqu’au Gouvernement. Il s’agit de créer un plafond au-delà duquel les travailleurs indépendants ne seraient plus appelés à cotiser davantage, afin de leur garantir un revenu. Au nom du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, je vais donc soutenir cet article.

Mme Sylviane Bulteau. Votre fraîcheur est touchante, monsieur le rapporteur. Votre parti a été pendant dix ans au pouvoir, période durant laquelle a eu lieu cette « catastrophe industrielle » dont les indépendants et les salariés du RSI sont les premières victimes. À l’époque, Bruno Le Maire, signataire de cette proposition de loi, était au cœur du système. Que n’avez-vous créé alors ce bouclier social que vous préconisez aujourd’hui ?

Nous n’en sommes plus à discuter de rapport. Laissez-nous travailler. Laissez travailler le Gouvernement avec le RSI sur la base des propositions qui ont été faites. Nous allons proposer qu’un représentant de l’opposition siège au comité de suivi – pourquoi pas le sénateur qui a rendu un rapport sur le sujet l’année dernière ? Donnez aux mesures préconisées le temps de produire leurs effets. Comme vous, nous recevons des indépendants dans nos permanences. De l’avis général, la situation s’est nettement améliorée même si beaucoup reste à faire. Il faut notamment remettre de l’humain et de la proximité pour répondre aux besoins et aux difficultés des artisans et commerçants. Je propose que nous rejetions non seulement cet article mais aussi toute la proposition de loi.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous ressentons une grande inquiétude après ce que nous venons d’entendre : « laissez-nous travailler » ; « il faut donner du temps au temps » ; « tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes » ; « dormez tranquilles, braves gens ». Depuis le début de la matinée, nous avons expliqué qu’on nous demandait de la transparence, de l’humanité, de l’efficacité. Voilà la seule réponse qui nous est faite.

Merci, madame Bulteau, d’avoir commencé à répondre à une question que j’ai posée trois fois sur le fameux comité d’évaluation. Je continue à vous le demander : quelle en sera la composition ? Quelles seront ses missions ? J’ai cru comprendre que, dans votre largesse, vous alliez ouvrir ce comité à des élus de l’opposition. J’ai l’impression que vous découvrez la nécessité de nous informer sur la composition de ce fameux comité d’évaluation puisque vous avez rejeté toutes nos propositions. Vous nous dites, en gros, que tout est déjà en cours. Ce n’est pas la réalité vécue sur le terrain.

La commission rejette l’article 12.

Article 13
Gage financier

Cet article vise à compenser les pertes de recettes induites par la proposition de loi par la création d’une taxe additionnelle sur les tabacs.

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M. le rapporteur. À la fin du non-examen de ce texte, je voudrais vous dire ma déception et surtout mon inquiétude. Je ne pense pas que les Français continueront longtemps à payer une danseuse qui ne danse pas. De manière un peu méprisante cette fois-ci, Mme Bulteau nous dit : « laissez-nous travailler ». Depuis un an, l’opposition a tendu la main en proposant une mission de travail bipartisane. Il nous a été rétorqué que nous n’étions pas utiles. Je vous remercie de l’aumône que vous faites à l’opposition en lui proposant de participer au comité de suivi, mais je crois que nous pouvons aussi travailler en commun.

Vous nous avez beaucoup parlé du passé, des responsabilités, de Bruno Le Maire. Je croyais que l’information était remontée jusqu’à vous, madame Bulteau : malheureusement, je n’ai pas été ministre pendant ces dix dernières années. Nous ne sommes pas ici pour changer ou réécrire le passé ; nous sommes ici pour construire le présent. Cela me fait penser à une citation latine : errare humanum est, perseverare diabolicum.

Vous nous avez beaucoup parlé du futur, en nous expliquant qu’un jour les choses s’amélioreront. J’ai envie de vous répondre par une citation de Keynes : « À long terme, nous serons tous morts. »

Vous nous avez parlé d’une méthode, en nous expliquant que vous faisiez mieux et sans nous. Je terminerai donc par une citation du général Patton : « Quand on fait quelque chose, on provoque les critiques de trois catégories de personnes : celles qui font la même chose, celles qui font le contraire, et surtout celles qui ne font rien. »

La commission rejette l’article 13.

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M. Christian Hutin, vice-président. Tous les articles du texte ayant été repoussés ainsi que les amendements portant articles additionnels, il n’y a pas lieu de procéder à un vote sur l’ensemble de cette proposition de loi, qui sera examinée en séance publique le 3 décembre prochain.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

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