N° 3281 - Rapport de M. François de Mazières sur la proposition de loi de MM. François de Mazières et Serge Grouard et plusieurs de leurs collègues visant à financer la rénovation des casernes en activité dégradées des ministères de la défense et de l'intérieur par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (2817)




N
° 3281

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 novembre 2015.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à financer la rénovation des casernes
en activité dégradées des
ministères de la défense et de l’intérieur
par l’
Agence
nationale de rénovation urbaine (n° 2817)

PAR M. François de MAZIÈRES

Député

——

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 2817

SOMMAIRE

___

Pages

I. LES CONDITIONS DE LOGEMENT DE CERTAINS GENDARMES ET MILITAIRES NE SONT PAS TOLÉRABLES 7

1. Le parc de logements des ministères de l’intérieur et de la défense est vieillissant 7

a. Le logement : une spécificité liée aux statuts des gendarmes et des militaires 7

b. Un état inquiétant 7

2. Les moyens financiers actuellement mobilisés sont insuffisants 11

a. Des dépenses de maintenance de l’immobilier de la gendarmerie en baisse constante 11

b. Des crédits du ministère de la défense très inférieurs aux besoins 14

II. TOUS LES MOYENS, DONT CEUX DE L’ANRU, DOIVENT ÊTRE MOBILISÉS POUR RÉHABILITER LES LOGEMENTS DES MINISTÈRES DE L’INTÉRIEUR ET DE LA DÉFENSE 15

1. Les casernes situées à proximité des quartiers rénovés par l’ANRU doivent également bénéficier de réhabilitations 15

2. À défaut de hausse des crédits budgétaires des ministères de l’intérieur et de la défense, l’ANRU pourrait apporter des financements complémentaires à des opérations de réhabilitation lourde de grands ensembles immobiliers 16

a. L’ANRU a développé une expertise en matière de réhabilitation de grands ensembles immobiliers dégradés 17

b. Ce ne serait pas la première fois que l’ANRU interviendrait en dehors des quartiers de la politique de la ville 17

c. L’accompagnement de l’ANRU permettrait de sécuriser des fonds et de déclencher un effet de levier 19

EXAMEN EN COMMISSION 21

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 21

II. EXAMEN DES ARTICLES 31

Avant l’article 1er 31

Article 1er (article 6 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine) : Élaboration par l’ANRU d’un programme de réhabilitation des casernes dégradées des ministères de la défense et de l’intérieur 32

Article 2 : Gage financier 34

TABLEAU COMPARATIF 37

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 39

INTRODUCTION

Année après année, les rapports et les témoignages s’accumulent pour dénoncer l’état de vétusté des logements des gendarmes et des membres de l’armée française.

Année après année, les moyens consacrés aux réhabilitations de ces logements ne cessent pourtant de diminuer.

Alors que nos forces de sécurité font actuellement preuve d’un dévouement exemplaire pour protéger nos concitoyens, la communauté nationale doit, en retour, démontrer sa solidarité et s’assurer que ces fonctionnaires sont logés dans des logements décents. Or de nombreuses familles de gendarmes et de militaires habitent aujourd’hui dans des immeubles dégradés qui relèvent parfois de l’insalubrité.

Parallèlement, des efforts importants sont réalisés par les pouvoirs publics pour construire et rénover des logements : 12 milliards d’euros ont été consacrés à la rénovation des quartiers populaires dans le cadre du premier programme national de rénovation urbaine (PNRU). De nombreuses aides publiques existent pour que les particuliers rénovent énergétiquement leur logement : le crédit d’impôt pour la transition énergétique, l’éco-prêt à taux zéro, les aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), des TVA à taux réduit etc.

Seule une catégorie de logements semble échapper à cet écosystème d’aides publiques : les logements occupés par des familles de gendarmes et de militaires qui risquent pourtant leur vie pour protéger nos concitoyens.

Depuis les événements de janvier 2015, de nombreux responsables politiques et citoyens expriment leur reconnaissance vis-à-vis des forces de l’ordre. Celles-ci attendent des gestes concrets, non des paroles.

C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi vise à améliorer le quotidien des milliers de familles de gendarmes et de militaires en lançant un programme national de réhabilitation des casernes en activité dégradées des ministères de l’intérieur et de la défense dont un des partenaires serait l’établissement public de l’État spécialisé en la matière : l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Les missions des gendarmes et des militaires de l’armée française impliquent une disponibilité totale, qui peut se traduire par une obligation de loger en caserne. Cette obligation, inscrite à l’article L. 4145-2 du code de la défense, est générale pour les gendarmes et indissociable de leur statut. Elle est un préalable au bon fonctionnement et à la réactivité de nos forces de sécurité.

Les ministères de l’intérieur et de la défense disposent, par conséquent, du parc immobilier de l’État le plus important. À elle seule, la gendarmerie nationale gère aujourd’hui plus de 75 000 logements. Ces logements ne sont pas tous la propriété de l’État : 31 000 logements répartis dans 667 casernes domaniales appartiennent directement à l’État tandis que 34 000 autres, répartis dans 3 206 casernes dites « locatives », sont loués dans des bâtiments appartenant à des collectivités territoriales ou à des bailleurs sociaux. Enfin, 10 000 logements sont loués dans des immeubles hors des casernes.

Les logements gérés par le ministère de la défense sont quant à eux très divers, en fonction des trois types d’armées : armée de l’air, armée de terre et marine nationale. Il existe deux grandes catégories de logements : les logements familiaux et les hébergements de militaires du rang ou de sous-officiers célibataires. Les militaires hébergés en caserne sont principalement des membres de l’armée de terre. Le ministère gère également des blocs de logement qui peuvent héberger des familles de gendarmes maritimes comme à Brest ou à Crozon. Au total, le parc du ministère de la défense est constitué d’environ 47 000 logements, dont 80 % sont réservés auprès de bailleurs et 20 % sont détenus par l’État.

La Cour des comptes, dans un rapport public thématique consacré à « L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique », publié en juillet 2011, dénonçait déjà la « vétusté » (1) de ces logements. Les rapports et les témoignages s’accumulent depuis pour dénoncer la dégradation continue des conditions de vie des gendarmes et des militaires. Le rapport budgétaire de nos collègues sénateurs MM. Alain Gournac et Michel Boutant sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2015 dénonce « un degré de vétusté très préoccupant » (2). Celui de notre collègue député M. Daniel Boisserie, sur le PLF pour 2016, affirme que la piètre qualité de certaines emprises confine « parfois à l’insalubrité ».

Cette dégradation concerne en particulier le parc domanial, celui dont l’État est directement propriétaire. L’âge moyen des logements domaniaux est beaucoup plus élevé que celui des logements situés en casernes locatives : 56 % d’entre eux ont entre 26 et 50 ans et 16 % ont entre 51 et 100 ans. Or les casernes domaniales de l’État sont le plus souvent des grands ensembles immobiliers qui constituent des véritables quartiers intégrés à la ville.

L’ÂGE DES LOGEMENTS EN CASERNE (AU 1ER JUILLET 2014)

Âge

Logements domaniaux

Logements non domaniaux

Total

Moins de 10 ans

3,36 %

33,86 %

19,45 %

De 10 à 25 ans

22,64 %

20,94 %

21,75 %

De 26 à 50 ans

55,73 %

40,85 %

47,88 %

De 51 à 100 ans

15,92 %

2,44 %

8,81 %

Plus de 100 ans

2,35 %

1,91 %

2,11 %

Source : Ministère de l’intérieur.

De nombreux témoignages recueillis par votre rapporteur au cours des auditions qu’il a organisées étayent ce diagnostic. Des balcons sont, par exemple, tombés dans les casernes de Melun et de Maisons-Alfort. À Maisons-Alfort, un drame a été évité de peu : le balcon s’est écrasé à quelques mètres d’une épouse de gendarme. Dans cette même caserne, l’eau s’infiltrait régulièrement par les fenêtres et par les toits. Ce n’est qu’à la suite de la chute des balcons, qu’une rénovation y a finalement été décidée. À Melun, les gendarmes ont dû passer tout l’hiver 2007 sans chauffage ni électricité à la suite de l’explosion du système de chauffage au charbon.

ttp://www.senat.fr/rap/a12-150-11/a12-150-115.gif

ttp://www.senat.fr/rap/a12-150-11/a12-150-114.gif

Logements de la caserne de Melun.

La caserne de Satory, située à Versailles, qui abrite notamment le groupement blindé de gendarmerie mobile, n’a pas non plus été rénovée depuis des décennies alors qu’elle constitue un véritable quartier de la ville. Les installations électriques ne respectent plus les normes de sécurité et tous les vitrages sont à refaire. Cette situation est à la fois dangereuse et coûteuse en termes de gaspillage énergétique.

http://www.senat.fr/rap/a12-150-11/a12-150-116.gif

Logements du quartier Delpal à Versailles Satory.

Ces conditions de vie ont un impact conséquent sur le moral des gendarmes et de leur famille. Les gendarmes subissent quotidiennement de fortes pressions dans le cadre de leur travail et ne peuvent pas trouver de la sérénité dans leurs foyers. Les gendarmes, comme les militaires, vivent le plus souvent avec leur famille. Ces conditions de logement vétustes sont donc imposées à des civils exerçant d’autres professions et à des enfants.

La dégradation continue des conditions de logement des gendarmes et des militaires résulte d’un sous-investissement chronique de l’État dans l’entretien et le renouvellement de son parc immobilier.

Depuis 2008, les crédits budgétaires consacrés aux investissements immobiliers dans la gendarmerie nationale ne cessent de baisser. Alors que les crédits de paiement consacrés à ces dépenses étaient de 208 millions d’euros en 2008, ils ne seront plus que de 58 millions d’euros en 2016. La baisse est donc de 72 % en huit ans.

ÉVOLUTION DES INVESTISSEMENTS EN M€ (EN CP)

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (3)

Maintenance courante

0

2

2

1

0

1

0

0

0

AOT

0

0

0

4

9

13

24

22

26

Construction

145

147

110

55

34

27

43

43

15

Maintenance lourde

50

51

53

32

41

45

37

23

24

Subventions

7

8

14

11

11

14

12

14

9

TOTAL INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS

202

208

179

102

95

100

116

102

74

Source : Avis n° 110 de MM. Alain Gournac et Michel Boutant, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur le PLF 2015.

En raison de ces baisses de crédits, le renouvellement du parc des casernes se réalise de plus en plus selon des montages juridiques complexes proches des partenariats public-privés (PPP) qui impliquent le paiement d’un loyer à un opérateur privé sur une longue durée. Or ces montages ont pour conséquence d’augmenter le montant des loyers payés annuellement par les ministères de l’intérieur et de la défense. La Cour des comptes, dans son rapport public thématique de 2011, dénonçait en particulier les opérations réalisées dans le cadre de baux emphytéotiques administratifs (BEA) dont le coût est « largement supérieur à celui des opérations conduites dans le cadre du décret du 28 janvier 1993 », qui reposent sur une subvention de l’État.

Par ailleurs, ce type de montage a pour conséquence un report du paiement des investissements, créant une forme de dette à la charge du ministère de l’intérieur. Le PPP ayant permis la construction du nouveau pôle régional de la gendarmerie de Lyon, ouvert en juillet 2012, représente, par exemple, une dépense d’investissements de 176,3 millions d’euros, dont 154,7 millions devront être payés à partir de 2019. Il en est de même pour la construction de la caserne de gendarmerie de La Valette-du-Var, décidée en septembre 2012 : sur les 48,3 millions d’euros d’investissement programmés (autorisations d’engagement), seuls 2,7 millions ont déjà été payés et 45,6 millions devront être payés à partir de 2019 (4). Le rythme annuel des paiements est, en outre, appelé à s’accélérer après 2018 comme le montre le tableau de la page suivante. Ces dépenses réduiront d’autant la capacité des ministères à consacrer, à l’avenir, des crédits à la réhabilitation des casernes. Au total, les restes à payer issus d’autorisations d’engagement antérieures à 2015 s’élèvent à 509,6 millions d’euros pour le seul immobilier de la gendarmerie, dont 386,3 millions d’euros pour les PPP-AOT.

OPÉRATIONS DE PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ (PPP)
POUR LA CONSTRUCTION DE CASERNES DE GENDARMERIE

Opération PPP

Montant total de l’investissement

Période du contrat

Rythme annuel de paiement jusqu’en 2018

Rythme annuel de paiement prévu après 2018

Châteauroux

34,7 M €

2010 - 2040

0,14 M €

1,59 M €

Laval

31,6 M €

2010 - 2040

0,63 M €

1,23 M €

Caen

58,7 M €

2011 - 2041

1,15 M €

2,25 M €

Sathonay-Camp (Lyon)

176,3 M €

2012 - 2042

3,09 M €

6,73 M €

Mulhouse

20,4 M €

2012 - 2042

0,36 M €

0,78 M €

La Valette-du-Var

48,3 M €

2015 - 2045

0,68 M €

1,75 M €

Source : PLF 2016

Pour faire face aux besoins de maintenance les plus urgents, le Gouvernement a annoncé, en 2014, un plan de réhabilitation immobilier pluriannuel (2015-2020). Une enveloppe de 70 millions d’euros d’autorisations d’engagement par an, jusqu’en 2017, a été promise. Mais la baisse des crédits de paiement sur la même période est, par contre, forte atteignant un point historiquement bas de 58 millions d’euros en 2016. Votre rapporteur tient à signaler que ce décalage entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement constitue un risque majeur, phénomène bien connu dans les crédits du patrimoine du ministère de la culture. Il crée un doute sur le fait que les projets promis soient effectivement réalisés dans un délai raisonnable.

En 2015, 62 opérations de réhabilitation-maintenance auraient été lancées. La priorité a certes été donnée aux logements des familles afin de procéder à leurs mises aux normes réglementaires et à la rénovation des toitures, des façades et des réseaux d’eau et de chauffage, mais il est à craindre que les moyens effectivement dégagés pour ce plan de réhabilitation demeurent très insuffisants et ne représentent aucunes dépenses nouvelles par rapport aux années précédentes. Comme l’indique l’avis de M. Daniel Boisserie au nom de la commission de la défense de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2016, l’ensemble des financements prévus pour l’immobilier de la gendarmerie nationale ne s’élèvera en 2016 qu’à 89,8 millions d’euros en autorisations d’engagement (dont les 70 millions du plan) et 58,33 millions d’euros en crédits de paiement, contre 74 millions d’euros l’année dernière. Aussi aucun crédit n’a été prévu pour les réhabilitations pourtant urgentes des grandes casernes de Melun et de Satory.

Les montants annoncés demeurent donc très inférieurs aux besoins. Dans une réponse à une question écrite n° 18025 de notre collègue député M. Laurent Grandguillaume, publiée au Journal officiel le 30 avril 2013, le Gouvernement indiquait que : « Selon les standards professionnels, le maintien à niveau de ce parc nécessite un besoin évalué annuellement à 200 millions d’euros pour les reconstructions de casernes et les réhabilitations lourdes, ainsi que 100 millions d’euros pour la maintenance. » Les 70 millions d’euros annuels du plan de réhabilitation ne suffisent donc même pas à couvrir les besoins de maintenance courante.

Dans l’armée de terre, l’état préoccupant des casernements fait l’objet d’un plan de réhabilitation, dénommé plan VIVIEN depuis 1996. Les hébergements des sous-officiers et des militaires de rang ont ainsi fait l’objet de 1,13 milliard d’euros d’investissements en presque vingt ans. Le rythme de ces réhabilitations est très lent. En outre, les capacités d’investissements n’ont pas permis d’achever le plan VIVIEN sur la période de la loi de programmation militaire (LPM) 2009-2014 et une partie des investissements a été reprogrammée. Les dernières infrastructures relevant du plan VIVIEN ne devraient donc pas être livrées avant 2020 faute de moyens.

Par ailleurs, seuls 25 millions d’euros en 2015 puis 20 millions d’euros annuellement en moyenne sur la période 2016-2021 sont programmés pour la rénovation des logements familiaux utilisés par le ministère de la défense. Ces crédits ne permettent qu’une remise à niveau minimale des résidences les plus vétustes, mais certains grands ensembles de logements mériteraient une rénovation lourde et certaines réhabilitations sont reportées faute de financement.

Faute de crédits suffisants, des travaux a minima, pour 8,5 millions d’euros, sont, par exemple, prévus sur deux grands ensembles dans la région brestoise, pour un total de 210 logements, alors qu’il faudrait 25,5 millions d’euros pour une rénovation complète. De même, neuf grandes résidences représentant plus de 800 logements en Ile-de-France et 550 en région, auraient besoin d’une rénovation importante, pour un montant total estimé à 77 millions d’euros.

Face à la dégradation des conditions de vie des gendarmes et des militaires et face à la baisse continue des crédits budgétaires traditionnels des ministères, la présente proposition de loi vise à ce que tous les moyens financiers disponibles puissent être mobilisés. Une telle mobilisation relève de la solidarité nationale. Elle relève également de l’équité. Les gendarmes et les militaires comprennent en effet de moins en moins que des sommes gigantesques soient consacrées à la construction et à la rénovation de logements alors que toute dépense supplémentaire de cette nature leur est refusée.

Un nouveau plan d’action, incluant l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), est donc nécessaire. Cette agence, spécialisée dans la réhabilitation de grands ensembles de logements, peut intervenir de deux façons : dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) pour les casernes situées à proximité d’un quartier de la politique de la ville, d’une part, et en appui d’un plan plus large financé par le programme d’investissements d’avenir de deuxième génération (PIA 2), d’autre part.

L’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a été créée par la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, portée par M. Jean-Louis Borloo. Cet établissement public de l’État est chargé de mettre en œuvre le programme national de rénovation urbaine (PNRU) lancé par cette même loi. Doté de 12 milliards d’euros sur la période 2004-2015, ce programme vise en priorité à rénover les grands ensembles dégradés situés en zones urbaines sensibles (ZUS) renommées, en 2014, « quartiers prioritaires de la politique de la ville ». Le bilan du PNRU est un succès puisqu’il a permis de mobiliser au total 46,5 milliards d’euros d’investissements dans le cadre de 398 conventions ANRU. Celles-ci se sont traduites par :

– la démolition de 145 000 logements ;

– la production de 140 000 logements sociaux ;

– la réhabilitation de 319 000 logements ;

– la résidentialisation de 356 000 logements.

Au sein de ces 398 projets, 108 ont également livré des équipements commerciaux.

Les besoins dans ces quartiers étant toujours importants, la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « Loi Lamy » a lancé un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) qui bénéficiera de 5 milliards d’euros sur la période 2014-2024.

Votre rapporteur juge que l’action de l’ANRU en termes de rénovation urbaine est très positive. Elle peut toutefois être vécue, à juste titre, comme une injustice par les gendarmes et militaires dont les logements ne bénéficient pas des mêmes efforts de réhabilitation. Dans certains cas, comme à Melun, les opérations de rénovation urbaine menées par l’ANRU se déroulent à proximité immédiate de casernes de gendarmes. Alors que ces logements sont dans le même état de vétusté que les logements sociaux bénéficiant de la rénovation de l’ANRU, aucun crédit ne leur est consacré.

Votre rapporteur estime que les mêmes erreurs ne doivent donc pas se reproduire à l’occasion du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Les casernes situées à proximité d’un quartier retenu pour le NPNRU doivent pouvoir bénéficier des subventions de l’ANRU. À Melun, comme à Rennes, ces casernes sont parties intégrantes du quartier rénové. Il est donc logique que ces ensembles immobiliers soient inclus dans le projet global de renouvellement urbain.

Votre rapporteur proposera donc, en commission, un amendement à sa proposition de loi modifiant l’article 9-1 de la loi du 1er août 2003 précitée, qui régit le fonctionnement du NPNRU, afin que ce programme comprenne également la réhabilitation de logements affectés aux ministères chargés de la défense et de l’intérieur lorsque ces logements sont situés dans les quartiers du NPNRU ou à une distance de moins de 500 mètres dans la limite de ces quartiers.

La majorité des casernes ne se situe pas dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville visés par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Pour celles-ci, une hausse des crédits budgétaires des ministères de l’intérieur et de la défense consacrés à leur réhabilitation serait la solution la plus simple et la plus efficace.

Toutefois, l’analyse de la période récente nous montre que cet espoir est vain. Les crédits des missions « Sécurités » et « Défense » consacrés à l’immobilier ne cessent de baisser. Ils sont régulièrement « sacrifiés » par les ministères, soumis à des objectifs de réduction de la dépense publique, afin de préserver les dépenses jugées prioritaires comme l’investissement dans du nouveau matériel opérationnel. En cours d’année, ces crédits peuvent également être gelés, annulés ou utilisés à d’autres fins pour permettre de financer des actions imprévues au moment du vote de la loi de finances.

C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi invite à diversifier les sources de financement tout en changeant de méthode. Les crédits budgétaires des ministères sont insuffisants et trop incertains. Leur annualité ne permet pas non plus de programmer un plan d’urgence sur plusieurs années comme le nécessitent les opérations de réhabilitation lourde de logements.

Ce texte de loi propose donc qu’un programme national de réhabilitation des casernes dégradées soit créé et que l’ANRU en soit un des opérateurs. Ce programme viserait en priorité les grands ensembles domaniaux qui nécessitent des opérations d’envergure et qui ne se situent pas dans les quartiers du NPNRU. Les financements apportés par l’ANRU seraient complémentaires à ceux des ministères compétents et permettraient d’amplifier et d’accélérer les projets de réhabilitation envisagés par ceux-ci.

La désignation de cet opérateur peut surprendre. Elle est toutefois pertinente pour trois raisons.

Les ensembles immobiliers sur lesquels l’ANRU est intervenu au titre du programme national de rénovation urbaine ont des caractéristiques très similaires aux casernes domaniales de la gendarmerie nationale et des armées. La plupart des casernes dégradées des ministères de l’intérieur et de la défense sont, en effet, des immeubles construits dans les années 1960 ou 1970 et qui n’ont fait l’objet d’aucune rénovation depuis leur construction.

Par ailleurs, certaines casernes comme le quartier Delpal à Versailles Satory sont de véritables quartiers de ville qui nécessitent un projet global de renouvellement urbain. Les voiries et l’intégration au reste de la ville pourraient également être revues.

Enfin, dans le cas des casernes de la gendarmerie nationale, certaines casernes sont la propriété de bailleurs sociaux ou de collectivités territoriales. Ces deux types d’acteurs sont des interlocuteurs habituels de l’ANRU.

La critique la plus facile à l’encontre de cette proposition de loi est que cette nouvelle mission éloignerait l’ANRU de son cœur de métier. Celle-ci n’interviendrait que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Cette affirmation est fausse. Depuis 2003, date de sa création, l’ANRU s’est déjà vu confiée de nombreuses missions qui n’ont qu’un lien très indirect, voire nul, avec la rénovation des zones urbaines sensibles ou des quartiers prioritaires. Elle a peu à peu diversifié son action, comme l’a rappelé le rapport que la Cour des comptes lui a consacré en 2014.

En 2008, l’ANRU a, par exemple, été chargée de la rénovation des collèges dégradés. Ce programme, qui a reçu une subvention de 19 millions d’euros de l’État en 2010, a permis de financer 23 opérations de démolition/reconstruction ou de restructuration lourde d’établissements scolaires. Même si la plupart de ces collèges étaient situés dans les quartiers de la politique de la ville, l’ANRU est intervenue à cette occasion sur des équipements, et non des logements, qui relèvent d’autres pouvoirs publics : les conseils départementaux et le ministère de l’éducation nationale.

Cette diversification des missions s’est accentuée depuis 2010 lorsque l’ANRU a été désignée comme un des opérateurs du programme d’investissements d’avenir (PIA) par le décret n° 2010-442 du 3 mai 2010. L’ANRU gère, à ce titre, trois programmes très éloignés de la rénovation urbaine des quartiers populaires :

– Les internats de la réussite :

Ce programme vise à créer ou réhabiliter 20 000 places d’internats ou de résidences pour « permettre à des collégiens, lycéens et étudiants motivés, ne bénéficiant pas d’un environnement propice aux études de poursuivre leur scolarité dans des conditions plus favorables » (5). L’ANRU s’est vu confiée, pour la réalisation de ce programme, 352 millions d’euros de subventions de l’État en 2010, auxquels se sont ajoutés 138 millions d’euros supplémentaires en 2014 au titre du programme d’investissements d’avenir de deuxième génération (PIA 2).

– Le développement de la culture scientifique et technique :

Cette action vise à « agir sur la désaffection des jeunes pour les études scientifiques » (6) en finançant une restructuration des réseaux de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) dans les territoires et en incitant au renouvellement des pratiques éducatives dans ces domaines. Comme l’a noté la Cour des comptes, la désignation de l’ANRU pour cette action n’est pas « dépourvue d’ambiguïté ». L’ANRU n’agit ni dans son domaine d’expertise, la rénovation de bâti dégradé, ni vers son public privilégié. Selon la Cour des comptes, « moins de la moitié des projets ciblent directement les jeunes (pas nécessairement les jeunes des quartiers défavorisés), les autres s’adressant aux enseignants ou au grand public » (7). L’ANRU ne fait que se substituer au ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche en gérant des appels à projets visant à financer des associations. Les moyens financiers ne sont pourtant pas modestes : l’ANRU s’est vue confier à ce titre 100 millions d’euros de subventions de l’État.

– Les projets innovants en faveur de la jeunesse :

L’ANRU a été désignée opérateur de ce nouveau programme lancé par le PIA 2 en 2014. Son objectif consiste à favoriser, par le biais d’un appel à projet, « l’émergence de politiques de jeunesse intégrées, qui permettent de traiter les problématiques des jeunes de façon globale et cohérente à l’échelle d’un territoire, en évitant l’écueil d’une juxtaposition d’initiatives sectorielles non harmonisées » (8). Ce programme n’est en rien ciblé sur les quartiers de la politique de la ville. La Cour des comptes a indiqué ne « pas saisir les raisons qui ont conduit à choisir l’ANRU comme opérateur de cette action » (9). Les subventions que l’État a confiées à l’ANRU pour cette action s’élèvent à 84 millions d’euros.

Un programme de réhabilitation d’immeubles de logement dégradés des ministères de l’intérieur ou de la défense ne serait donc ni la première mission de l’ANRU qui se situerait en dehors du cadre de la politique de la ville, ni celle qui s’éloignerait le plus de son cœur de métier : la rénovation urbaine et la réhabilitation de bâti dégradé.

À ce titre, un tel programme se rapprocherait du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) que l’ANRU gère depuis 2009. L’ANRU finance, dans ce cadre, la requalification de quartiers anciens situés hors de la géographie prioritaire de la politique de la ville en rénovant des immeubles dégradés et en finançant des équipements de proximité. La Cour des comptes a d’ailleurs estimé que même « si les quartiers visés sont différents de ceux du PNRU, […] la nature des opérations à conduire inscrivent l’ANRU dans la continuité de sa mission initiale » (10).

Une des raisons pour lesquelles l’ANRU a été désignée comme opérateur du programme d’investissement d’avenir (PIA) est que le fait de confier des fonds à un établissement public distinct de l’État a pour effet de les sécuriser. Les fonds versés à un établissement public échappent en effet à la gestion budgétaire infra-annuelle de l’État et à la fongibilité des crédits au sein d’un programme. Ces investissements de long terme ne sont pas sacrifiés en cours d’année pour financer des besoins immédiats et imprévus. La mise en œuvre des PIA 1 et 2 repose sur des opérateurs distincts de l’État (Caisse des dépôts et consignations, Agence nationale de la recherche et ANRU) car de tels investissements pluriannuels ont besoin de stabilité et de visibilité. Ils ont également besoin d’être pilotés par des opérateurs réactifs selon une gestion de projet.

Ces différentes caractéristiques – sécurité, visibilité et gestion de projet – sont ce qui manque actuellement au programme de réhabilitation des casernes lancé par le Gouvernement. La désignation de l’ANRU comme financeur complémentaire permettrait donc de changer d’échelle et de renforcer l’efficacité des réhabilitations envisagées. Elle donnerait la visibilité nécessaire à des projets pluriannuels tout en assurant le bouclage d’opérations de grande ampleur. Elle permettrait surtout d’aller plus loin que des simples actions de maintenance ou de réhabilitation légère. L’objectif serait de rénover à neuf les grands ensembles immobiliers les plus dégradés.

Le financement de ce programme de réhabilitation porté par l’ANRU se ferait par une réaffectation des fonds du programme d’investissement d’avenir (PIA) dont la pertinence, comme l’utilité, dans le moment présent, apparaissent moins prioritaires que l’amélioration des conditions de vie d’hommes et de femmes qui risquent quotidiennement leur vie pour protéger les Français. Ces réaffectations de fonds du PIA sont fréquentes comme en témoigne le redéploiement de 308 millions d’euros de subventions du PIA vers le programme « industrie du futur » et vers le fonds d’aide à la rénovation thermique des logements gérés par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) à l’occasion du projet de loi de finances rectificative pour 2015.

L’intervention de l’ANRU pourrait, en outre, déclencher un effet de levier susceptible de mobiliser d’autres sources de financement. Dans le cadre du programme national de rénovation urbaine (PNRU), les subventions de l’ANRU constituent le plus souvent un fonds d’amorçage. Des financements sont ensuite apportés par différents acteurs locaux concernés par le projet. Ceux-ci se mettent autour de la table grâce à l’ANRU. Pour les casernes, l’intervention de l’ANRU pourrait, de la même manière, permettre à d’autres acteurs, comme les collectivités territoriales ou des bailleurs, d’apporter des financements complémentaires selon un calendrier précis.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission des affaires économiques a examiné, au cours de sa réunion du mercredi 25 novembre 2015, la proposition de loi visant à financer la rénovation des casernes en activités dégradées des ministères de la défense et de l’intérieur par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), sur le rapport de M. François de Mazières.

Mme la présidente Frédérique Massat. Chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi visant à financer la rénovation des casernes en activité dégradées des ministères de la défense et de l’intérieur par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), dont l’examen en séance publique est prévu le jeudi 3 décembre dans le cadre de la journée réservée au groupe Les Républicains.

M. François de Mazières, rapporteur. Madame la présidente, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui une proposition de loi cosignée par de nombreux députés du groupe Les Républicains, et dont M. Serge Grouard et moi-même sommes les premiers signataires.

Je suis heureux que l’Assemblée nationale se saisisse, par le biais de cette proposition de loi, d’un problème très concret qui touche des milliers de familles.

Quel est le constat ?

Année après année, les rapports et les témoignages s’accumulent pour dénoncer l’état de vétusté des logements des gendarmes et des membres de l’armée française. Pourtant, année après année, les moyens consacrés aux réhabilitations de ces logements ne cessent de diminuer.

Les missions des gendarmes et des militaires impliquent une disponibilité totale, qui peut se traduire par l’obligation d’être logé en caserne. C’est la raison pour laquelle les ministères de l’intérieur et de la défense disposent du parc immobilier de l’État le plus important. À elle seule, la gendarmerie nationale gère plus de 75 000 logements. Le parc du ministère de la défense est, quant à lui, constitué d’environ 47 000 logements.

La Cour des comptes, dans un rapport public thématique publié en juillet 2011, a dénoncé la « vétusté » de ces logements. Le rapport de notre collègue Daniel Boisserie sur le projet de loi de finances pour 2016 affirme même que la piètre qualité de certaines emprises confine « parfois à l’insalubrité ».

De nombreux témoignages, recueillis au cours des auditions que nous avons réalisées, étayent ce diagnostic. À Versailles, commune dont je suis maire, une part importante des logements du camp militaire de Satory nécessite d’importants travaux d’entretien, voire une rénovation totale pour la caserne Delpal. En janvier dernier, à l’occasion de la question d’actualité que j’ai posée au ministre de l’intérieur sur ce sujet, j’ai reçu des messages poignants de gendarmes des casernes de Chaumont, de Nanterre, de Bagnols-sur-Cèze et du Plessis-Robinson.

Des balcons sont, par exemple, tombés dans les casernes de Melun et de Maisons-Alfort. À Maisons-Alfort, un drame a été évité de peu : le balcon s’est écrasé à quelques mètres de l’épouse d’un gendarme. Dans cette même caserne, l’eau s’infiltrait régulièrement par les fenêtres et par les toits. Ce n’est qu’à la suite de la chute des balcons qu’une rénovation a finalement été décidée. À Nanterre, des appartements sont inondés par le refoulement des toilettes !

Ces conditions de vie inacceptables ne sont pas sans conséquence sur le moral des gendarmes et de leurs familles. Les gendarmes, qui subissent quotidiennement de fortes pressions dans le cadre de leur travail, ne peuvent pas trouver la sérénité dans leur foyer. Dans la mesure où gendarmes et militaires vivent le plus souvent avec leurs familles, ces logements vétustes sont imposés à des civils exerçant d’autres professions et à des enfants.

Quelles sont les causes de cette situation anormale ?

La dégradation continue des conditions de logement des gendarmes et des militaires résulte d’un sous-investissement chronique de l’État dans l’entretien et le renouvellement de son parc immobilier.

Depuis 2008, les crédits budgétaires consacrés aux investissements immobiliers dans la gendarmerie nationale ont baissé de 72 %. Pour faire face aux besoins de maintenance les plus urgents, le Gouvernement a annoncé un plan de réhabilitation immobilier pluriannuel pour la gendarmerie, sur la période 2015-2020. Une enveloppe de 70 millions d’euros d’autorisations d’engagement par an, jusqu’en 2017, a été promise. Hélas, les crédits de paiement sur la même période diminuent fortement et vont même atteindre un point historiquement bas, à 58 millions d’euros, en 2016. Ce décalage entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement constitue un risque majeur, celui d’un « mur » de crédits à franchir au moment de la mise en paiement des chantiers – phénomène bien connu dans le domaine culturel pour les crédits du patrimoine. Comme le montrent les chiffres fournis par nos collègues sénateurs Alain Gournac et Michel Boutant lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, aucun crédit de maintenance courante n’a été accordé aux casernes depuis 2012. Dans ce contexte, on peut douter que les projets promis soient effectivement réalisés dans un délai raisonnable, d’autant que les opérations de partenariat public privé conclues par l’État depuis 2010 prévoient un doublement des charges annuelles de remboursement à partir de 2018.

En réponse à une question écrite de notre collègue Laurent Grandguillaume, publiée en avril 2013, le Gouvernement a indiqué que, selon les standards professionnels, le maintien à niveau de ce parc nécessitait un besoin évalué annuellement à 300 millions d’euros. Ainsi, les 70 millions d’euros annuels du plan de réhabilitation ne suffisent pas à couvrir les besoins de maintenance courante.

La situation dans l’armée est similaire. En effet, 20 millions d’euros par an seulement sont programmés pour la rénovation des logements familiaux. Ces crédits ne permettent qu’une remise à niveau minimale des résidences les plus vétustes, alors que certains grands ensembles de logements mériteraient une rénovation lourde. Malheureusement, un certain nombre de réhabilitations sont reportées, faute de financement. Selon le ministère de la défense, neuf grandes résidences, représentant plus de 800 logements en Île-de-France et 550 en région, auraient besoin d’une rénovation importante, pour un montant total estimé à 77 millions d’euros.

La proposition de loi que je vous présente aujourd’hui permet d’étudier toutes les voies de financement possibles pour la rénovation de ces logements.

Une telle mobilisation relève, d’abord, de la solidarité nationale. Depuis les événements de janvier 2015, et encore plus aujourd’hui, la France tout entière exprime sa reconnaissance aux forces de l’ordre. Celles-ci attendent des gestes concrets, et non de simples paroles.

Une telle mobilisation relève, ensuite, de l’équité. Les gendarmes et les militaires comprennent en effet de moins en moins que des sommes gigantesques soient consacrées à la construction et à la rénovation de logements, alors que toute dépense supplémentaire de cette nature leur est refusée. Les logements des gendarmes et des militaires semblent être la seule catégorie de logements à être exclue de l’écosystème des aides publiques en faveur de la construction, de la réhabilitation et de la rénovation énergétique.

Un nouveau plan d’action incluant l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), dont je salue le président ici présent, est donc nécessaire. Cette agence, spécialisée dans la réhabilitation de grands ensembles de logements, pourrait intervenir de deux façons : d’une part, dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) pour les casernes situées à proximité d’un quartier de la politique de la ville ; d’autre part, en appui d’un plan plus large financé par le programme d’investissements d’avenir de deuxième génération (PIA 2).

L’action de l’ANRU est très positive. Elle peut toutefois être vécue, et à juste titre, comme une injustice par les gendarmes et les militaires dont les logements ne bénéficient pas des mêmes efforts de réhabilitation. Dans certains cas, comme à Melun ou à Rennes, les opérations de rénovation urbaine menées par l’ANRU se déroulent à proximité immédiate des casernes. Alors que celles-ci sont dans le même état de vétusté que les logements sociaux bénéficiant de la rénovation de l’ANRU, aucun crédit ne leur est consacré.

C’est la raison pour laquelle je vous présenterai, dans quelques instants, un amendement qui propose que le nouveau NPNRU comprenne également la réhabilitation de logements affectés aux ministères de la défense et de l’intérieur lorsque ces logements sont situés dans les quartiers du NPNRU ou dans une bande de 500 mètres autour de ces quartiers.

La majorité des casernes ne se situe toutefois pas dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville visés par le NPNRU. Pour celles-ci, une hausse des crédits budgétaires des ministères de l’intérieur et de la défense serait la solution la plus simple et la plus efficace pour assurer leur réhabilitation.

L’analyse de la période récente nous montre que cet espoir est vain. En effet, les crédits des missions « Sécurités » et « Défense » consacrés à l’immobilier ne cessent de baisser. Ils sont régulièrement sacrifiés par les ministères, soumis à des objectifs de réduction de la dépense publique – mais aussi à des contraintes extrêmes depuis les événements dramatiques de ces derniers jours.

C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi invite à diversifier les sources de financement tout en changeant de méthode. L’article 1er prévoit la création d’un programme national de réhabilitation des casernes dégradées dont l’ANRU serait l’un des opérateurs. Ce programme viserait en priorité les grands ensembles domaniaux nécessitant des opérations d’envergure. Les financements apportés par l’ANRU seraient complémentaires de ceux des ministères compétents et permettraient d’amplifier et d’accélérer les projets de réhabilitation envisagés par ces derniers.

La désignation de l’ANRU comme opérateur peut surprendre. Elle est toutefois pertinente pour trois raisons.

Tout d’abord, les ensembles immobiliers sur lesquels l’ANRU est intervenue au titre du programme national de rénovation urbaine ont des caractéristiques très similaires à celles des casernes domaniales de la gendarmerie nationale et des armées. La plupart des casernes dégradées ont été construites dans les années 1960 et 1970 et n’ont fait l’objet d’aucune rénovation depuis. L’ANRU pourrait donc apporter son expertise en la matière.

Ensuite, ce ne serait pas la première fois que l’ANRU interviendrait en dehors des quartiers de la politique de la ville. La critique la plus facile à l’encontre de cette proposition de loi est que cette nouvelle mission éloignerait l’ANRU de son cœur de métier, les quartiers prioritaires. Cette affirmation est fausse. Depuis 2003, date de sa création, l’ANRU s’est déjà vu confier de nombreuses missions qui n’ont qu’un lien indirect avec la rénovation des zones urbaines sensibles ou des quartiers prioritaires.

À titre d’exemple, l’ANRU gère trois programmes issus des programmes d’investissement d’avenir de première et deuxième générations (PIA 1 et 2) qui sont éloignés de la rénovation urbaine des quartiers populaires au sens strict. Il s’agit des internats de la réussite, pour lesquels l’ANRU s’est vu confier 490 millions d’euros de subventions de l’État ; du programme « Développement de la culture scientifique et technique », pour 100 millions d’euros ; et du programme « Projets innovants en faveur de la jeunesse », pour 84 millions d’euros.

Dans un rapport public de 2014, la Cour des comptes avait d’ailleurs exprimé sa surprise quant à ces désignations. Un programme de réhabilitation d’immeubles de logements dégradés des ministères de l’intérieur ou de la défense ne serait donc ni la première mission de l’ANRU qui se situerait en dehors du cadre de la politique de la ville, ni celle qui s’éloignerait le plus de son cœur de métier, la rénovation urbaine et la réhabilitation de bâti dégradé.

Ainsi, un programme de rénovation des casernes se rapprocherait du programme de rénovation des collèges dégradés, décidé en 2008, ou du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), que l’ANRU gère depuis 2009.

Troisième raison pour laquelle l’ANRU est un opérateur pertinent : son accompagnement permettrait de sécuriser des fonds dédiés à la réhabilitation des casernes. Les crédits ministériels consacrés à la rénovation des casernes sont régulièrement sacrifiés en cours d’année pour financer des besoins imprévus – phénomène qui risque de s’accélérer malheureusement en raison des derniers événements. La désignation de l’ANRU comme financeur complémentaire donnerait donc la visibilité nécessaire à des projets pluriannuels, tout en assurant le bouclage d’opérations de grande ampleur. Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015, deux nouvelles actions sont proposées : « Innovation numérique pour l’excellence éducative », pour un montant de 168 millions d’euros, et « Fonds de fonds de retournement », pour 75 millions d’euros, grâce à des redéploiements de crédits du PIA. Je propose de la même manière que le financement du programme de réhabilitation des casernes se fasse par une réaffectation d’autres fonds du programme d’investissement d’avenir dont la pertinence, comme l’utilité, dans le moment présent, apparaissent moins prioritaires. L’intervention de l’ANRU pourrait, enfin, déclencher un effet de levier susceptible de mobiliser d’autres sources de financement.

Mes chers collègues, l’adoption de cette proposition de loi permettrait d’envoyer un signal fort de solidarité à nos forces de l’ordre et à leurs familles. Je ne prétends pas qu’elle est la solution miracle. Son adoption serait toutefois la preuve que tous les moyens disponibles sont mobilisés pour répondre à cette situation que nous ne pouvons plus tolérer. Je vous invite donc à l’adopter, modifiée par les deux amendements que je vous présenterai dans quelques instants.

M. Daniel Goldberg. Monsieur le rapporteur, chacun ici est sensible au devoir de solidarité que vous appelez de vos vœux, a fortiori en ces moments difficiles. Néanmoins, votre proposition de loi ne me semble pas applicable, et ce pour trois raisons.

D’abord, l’ANRU a été créée, non pour répondre à la mission régalienne que vous évoquez, mais pour mettre en œuvre des projets de renouvellement urbain dans le cadre de la politique de la ville, au travers d’interventions ciblées. Grâce à un investissement de 5 milliards d’euros, le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) bénéficiera à 200 quartiers d’intérêt national, dont la liste a été fixée sur la base des zones les plus en difficulté définies par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine votée en 2014. Dans ces conditions, si d’autres missions devaient être confiées à l’ANRU, les objectifs concernant ces 200 quartiers devraient être revus en termes budgétaires.

Ensuite, le financement du programme de rénovation urbaine repose quasi exclusivement depuis 2009 sur Action Logement, dont la première mission est le logement des salariés des entreprises privées, via une contribution de 0,45 % sur la masse salariale. Par conséquent, si l’ANRU devait intervenir pour financer la rénovation des casernes, Action Logement serait amenée à se désengager du financement des logements des salariés, au moment même elle réfléchit à une nouvelle gouvernance.

Enfin, l’ANRU étant un établissement public, elle ne peut se substituer aux ministères de la défense et de l’intérieur dont les personnels sont généralement logés dans des logements sociaux, qui dépendent du groupe Société nationale immobilière (SNI). Les deux ministères n’ont pas attendu pour engager un programme de rénovation du parc domanial à partir de 2014. Ainsi, sur les 700 opérations prévues par le ministère de la défense pour un montant total de 560 millions d’euros jusqu’en 2020, 150 opérations ont été traitées et 185 sont en cours, pour des engagements financiers d’un montant de 100 millions d’euros.

Monsieur le rapporteur, le groupe socialiste ne votera pas votre proposition de loi, qui me semble davantage s’inscrire dans une démarche d’interpellation. Pour autant, l’action de l’ANRU pourrait être utile pour les casernes situées soit dans le périmètre d’un des 200 quartiers prioritaires, soit à proximité d’un de ces quartiers, comme c’est le cas de la caserne de Melun. Ces dossiers pourraient ainsi être traités au cas par cas. En outre, je ne suis pas fermé à une réflexion sur la mobilisation du foncier de ces ministères pour la reconstitution d’une partie des logements sociaux démolis.

M. Serge Grouard. Je salue la présentation remarquable du rapporteur, dont le travail a été réalisé dans des conditions délicates.

Il y a deux ans, en commission de la défense, j’avais interpellé le ministre sur la vétusté des casernes. Le problème est ancien, mais il n’a jamais été traité.

Notre nation doit exprimer sa reconnaissance à nos militaires pour leur esprit de sacrifice exceptionnel. Ces militaires, qui sont jeunes, voire très jeunes, sont le plus souvent, éligibles au logement social. D’où un profond sentiment d’injustice : alors que les programmes de rénovation urbaine, lancés par M. Jean-Louis Borloo, sont un réel succès – et je salue M. François Pupponi, président de l’ANRU, ici présent –, on refuse une fois de plus de traiter la question des logements de nos militaires. Trois arguments sont avancés.

D’abord, l’adoption de cette proposition de loi aboutirait à réduire la liste des 200 quartiers prioritaires. Cet argument ne tient pas, car d’autres lignes de crédits sont mobilisables, notamment dans le cadre des PIA. Le rapporteur a cité les exemples des programmes de réhabilitation des places d’internat et du développement de la culture scientifique et technique, qui ont bénéficié de subventions du PIA.

Ensuite, adopter cette proposition de loi reviendrait à amputer les crédits attribués aux quartiers prioritaires. Nous pensons, quant à nous, qu’un pourcentage très limité de l’enveloppe globale permettrait, non de rénover tous les logements de nos gendarmes et de nos militaires, mais de créer une impulsion grâce à des abondements de différents partenaires. Bref, ce texte peut créer une dynamique qui permettrait de débloquer la situation à court terme.

Enfin, le programme d’urgence du ministère de la défense est évoqué. Or il est très inférieur aux besoins réels au regard des problèmes existants : des balcons qui s’effondrent, des systèmes de chauffage qui ne fonctionnent pas !

En conclusion, on ne peut pas, d’un côté, tenir un discours de reconnaissance et, de l’autre, ne pas offrir à celles et ceux qui servent avec honneur la France et son drapeau les logements dignes auxquels chacun a droit dans notre pays. Tel est l’objet de cette proposition de loi que le groupe Les Républicains soutient totalement.

M. François Pupponi. Le problème est réel, a fortiori dans le contexte actuel où les militaires et les gendarmes, lorsqu’ils rentrent chez eux, sont des victimes potentielles des terroristes. Cette proposition de loi a donc du sens.

Je ne vois pas de difficulté à ce que l’ANRU intervienne pour des casernes situées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou à proximité. L’avantage serait une fidélisation des gendarmes et des militaires dans ces quartiers, ce qui permettrait à la fois de sécuriser ces zones et d’y assurer une mixité sociale. Les choses me semblent plus compliquées pour les casernes très éloignées des quartiers prioritaires.

L’ANRU ne peut intervenir dans les 200 quartiers prioritaires ou autour de ces quartiers que dans le cadre du NPNRU. Par contre, dans le cadre d’autres dispositifs, comme le programme d’investissements d’avenir, l’ANRU peut intervenir dans les 1 500 quartiers prioritaires de la politique de la ville.

L’enveloppe de 5 milliards d’euros est quasiment attribuée. Un prélèvement sur cette enveloppe pénaliserait donc les projets en cours.

Action Logement finance le logement des salariés, et non le logement des fonctionnaires des ministères de l’intérieur et de la défense. Cela pose d’ailleurs la question du financement des logements des fonctionnaires : un amendement du Sénat au projet de loi de finances pour 2016 vise à exclure La Poste de la contribution à Action Logement ; et la SNCF ne contribue pas à Action Logement pour le logement des cheminots.

En tant que président de l’ANRU, il me semble donc difficile de soutenir l’adoption de cette proposition de loi. Par contre, nous pouvons étudier le problème dossier par dossier, pour financer la rénovation des casernes dans le cadre du NPNRU, notamment celle de Melun. En dehors des cas qui pourraient entrer dans le cadre du NPNRU, nous pouvons imaginer une solution législative ou non, puisque l’ANRU porte le PIA.

Par conséquent, je propose qu’une réunion de la direction générale de l’ANRU se tienne prochainement pour déterminer la liste des casernes qui pourraient être concernées par ces programmes, afin de régler rapidement certaines situations. Je suggère également de continuer à travailler ensemble afin de trouver une solution pour les autres cas ne pouvant être réglés dans le cadre du NPNRU.

Mme la présidente Frédérique Massat. Monsieur le rapporteur, nous ne pouvons que nous réjouir de ces ouvertures.

M. le rapporteur. À l’heure où notre pays reconnaît l’action exceptionnelle des forces de l’ordre, toutes les pistes doivent être envisagées pour régler le problème des casernes dégradées. Notre proposition de loi n’est donc pas inutile.

En réponse à une question que je lui ai posée dans l’hémicycle le 21 janvier dernier, le ministre de l’intérieur m’a répondu que le pays allait consacrer 70 millions d’euros à la rénovation des casernes en 2015. Or ces 70 millions d’euros correspondent à des autorisations d’engagement, et non à des crédits de paiement. Les crédits de paiement s’effondrent – ils atteindront, je l’ai dit, un niveau historiquement bas en 2016. Dans ce contexte, le grand danger est de repousser la résolution du problème.

Dans le domaine culturel, les rénovations sont éternellement reportées, si bien que le coût de la rénovation finale s’avère beaucoup plus élevé. C’est ce qui arrivera pour la rénovation des casernes. Depuis 2013, aucun euro n’a été attribué à la maintenance courante de ces logements.

Conscient des limites de cette proposition de loi au regard des missions de l’ANRU, mon premier amendement distingue clairement les casernes situées dans les zones ANRU de celles qui ne le sont pas. Cette distinction correspond exactement à l’ouverture proposée à l’instant par la majorité et qui permettrait de régler rapidement le problème des casernes situées dans les zones ANRU ou à proximité, comme celle de Melun. Je vous invite donc à voter ce premier amendement. Bien évidemment, j’aimerais que vous adoptiez également mon second amendement, qui porte sur la rénovation des casernes hors zones ANRU grâce au PIA.

La rénovation des casernes dégradées suppose des investissements très lourds, qui ne peuvent être financés par les rares crédits du ministère de l’intérieur affectés aux casernes. Par conséquent, l’intervention de l’ANRU pour les rénovations lourdes constituerait un réel progrès.

Devant le Parlement réuni en Congrès, le Président de la République a indiqué que le pacte de sécurité l’emporterait sur le pacte de stabilité. Le moment est venu de faire un geste de solidarité envers les militaires, les gendarmes et leurs familles.

Face à des gendarmes et des militaires qui se montrent extraordinairement courageux dans des circonstances particulièrement difficiles, nous avons le devoir de ne pas faire de la politique à la petite semaine. À force de repousser le financement de la rénovation des casernes dégradées, nous nous retrouverons devant un « mur » financier infranchissable en 2018.

Ce soir, l’occasion nous est donnée d’affirmer notre volonté de trouver une solution. Ce texte est une proposition d’appel, mais elle est plus que cela.

Avant l’article 1er

La commission est saisie de l’amendement CE1 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à ce que le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), mis en œuvre par l’ANRU sur la période 2014-2024 et doté de 5 milliards d’euros, comprenne également la réhabilitation des casernes dégradées lorsque celles-ci se situent dans un quartier du NPNRU ou dans une bande de 500 mètres autour de ces quartiers.

Alors que certaines casernes, comme à Melun, se trouvent à proximité immédiate de quartiers qui feront l’objet du NPNRU, toute subvention de l’ANRU pour ces logements est actuellement impossible. Il s’agit pourtant d’une question d’équité pour les familles de gendarmes dont les logements se trouvent dans le même état de vétusté.

M. Daniel Goldberg. Les logements dépendant des ministères de la défense et de l’intérieur ne sont pas les seuls à être situés dans une bande de 500 mètres autour des quartiers ANRU. Si cet amendement était adopté, il faudrait modifier le périmètre des zones ANRU pour y inclure d’autres types de logement.

Sur près de 4 000 casernes, seules 671 font partie du parc domanial, la plupart relevant du parc locatif social ou des collectivités territoriales. Je considère que les cas concernés ne nécessitent pas de passer par la loi et qu’un travail conventionnel doit être élaboré entre les ministères de l’intérieur et de la défense et le ministère chargé de la ville pour traiter le problème. Le cas de Melun, par exemple, peut être traité par l’ANRU dans le cadre de la rénovation d’un quartier global.

En dépit de ces réserves, l’adoption de l’amendement marquerait un signe de bonne volonté.

Mme la présidente Frédérique Massat. Le président de l’ANRU a été clair voici quelques instants : il est possible de régler le problème au cas par cas. Il me semble donc inutile d’adopter les amendements, sachant que le groupe majoritaire, de toute façon, ne votera pas cette proposition de loi.

La commission rejette l’amendement CE1.

Article 1er
(article 6 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine)

Élaboration par l’ANRU d’un programme de réhabilitation des casernes dégradées des ministères de la défense et de l’intérieur

La loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la cohésion urbaine a été initiée par l’ancien ministre délégué à la ville, M. Jean-Louis Borloo. Cette loi a profondément réformé la politique de la ville en y ajoutant une dimension urbaine symbolisée par la création de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

Cette agence, qui est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) de l’État, a été chargée par l’article 10 de cette loi de contribuer à la réalisation du programme national de rénovation urbaine (PNRU) créé par l’article 6. Ce programme a été doté de 12 milliards d’euros sur la période 2004-2015 afin de procéder à la restructuration de plus de 500 quartiers majoritairement situés en zones urbaines sensibles (ZUS). Financé à l’origine par des subventions de l’État, le financement du PNRU est majoritairement assuré depuis la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (dite loi MOLLE) par des contributions de l’Union des entreprises et des salariés pour le logement (UESL), anciennement dénommé 1 % Logement. Les quartiers visés sont le plus souvent constitués de grands ensembles construits dans les années 1960, détenus par des organismes HLM et qui n’ont pas été rénovés depuis. Ils se caractérisent également par un taux de chômage fort et une absence d’intégration au reste de l’agglomération.

En application du premier alinéa de l’article 6, le programme national de rénovation urbaine, mis en œuvre localement par des collectivités territoriales, avec le soutien de l’ANRU, se traduit par :

– des opérations de réhabilitation et de résidentialisation d’immeubles dégradés ;

– des démolitions et des reconstructions de logements sociaux ;

– la création, la réhabilitation et la démolition d’équipements publics ou collectifs ;

– la réorganisation d’espaces d’activité économique et commerciale, ou tout autre investissement concourant à la rénovation urbaine.

Le premier programme de rénovation urbaine touche à sa fin le 31 décembre 2015. Au-delà de cette date, aucun nouvel engagement de l’ANRU ne pourra être contracté au titre du PNRU I. Près de 30 % des subventions doivent toutefois être encore versées par l’Agence au titre des engagements antérieurs, soit 3,6 milliards d’euros.

Par ailleurs, les besoins de rénovation étant encore importants dans un certain nombre de quartiers populaires, la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (dite « Loi Lamy ») a lancé, en insérant un nouvel article 9-1 dans la loi de 2003 précitée, un nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) doté de 5 milliards d’euros sur la période 2014-2024. Ce nouveau programme, similaire au précédent, sera mis en œuvre dans 200 quartiers d’intérêt national, où se concentreront 80 % des subventions de l’ANRU, ainsi que dans 200 quartiers d’intérêt régional.

L’article 1er de la proposition de loi vise à confier une nouvelle mission à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine en insérant un nouvel alinéa à l’article 6 de la loi du 1er août 2003. L’ANRU serait chargé d’élaborer un programme de réhabilitation en direction des casernes en activité dégradées des ministères chargés de la défense et de l’intérieur.

Ce programme serait adopté après l’accord des ministres compétents et l’avis des maires et des présidents d’EPCI sur les territoires desquels les casernes se situeraient. Le troisième alinéa de l’article précise qu’un programme opérationnel et un calendrier de réalisation sur cinq ans seraient arrêtés définissant les engagements financiers de l’ensemble des partenaires.

Comme pour le PNRU et le NPNRU, les modalités d’application et le fonctionnement précis du programme seront définis dans un règlement général approuvé par arrêté ministériel. Cet accord des ministères est essentiel car l’objectif d’un tel programme n’est pas que l’ANRU se substitue aux ministères mais qu’elle les accompagne et apporte des financements complémentaires. Comme pour le PNRU, les ministères conserveraient donc la maîtrise d’ouvrage des opérations de réhabilitation.

Le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) répond à un zonage strict où ne se situent pas la plupart des casernes des ministères de l’intérieur et de la défense. Pour celles-ci, l’ANRU peut, en revanche, être un partenaire de la réhabilitation opérée par les ministères. Cet accompagnement technique et financier est particulièrement nécessaire pour les grands ensembles de logements très dégradés.

C’est la raison pour laquelle votre rapporteur a proposé un amendement en commission afin que le programme de réhabilitation, mis en œuvre par l’ANRU soit spécifique et non intégré au PNRU comme c'était le cas dans la rédaction initiale de la proposition de loi.

Un tel programme pourrait, à terme, bénéficier d’une réaffectation de fonds du programme d’investissements d’avenir de deuxième génération (PIA 2) dont la pertinence, comme l’utilité, dans le moment présent, apparaissent moins prioritaires.

La commission, bien que consciente des conditions intolérables de logement de certains gendarmes et militaires, a jugé que la solution proposée par cet article n’était pas pertinente. Elle a donc rejeté l’amendement proposé par le rapporteur ainsi que l’article 1er.

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La commission examine l’amendement CE2 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement prévoit le financement de la rénovation des casernes en activité dégradées hors zones ANRU, grâce au PIA.

La commission rejette l’amendement CE2.

Elle rejette ensuite l’article 1er.

Article 2
Gage financier

L’article 2 de la présente proposition de loi vise à respecter l’article 40 de la Constitution qui dispose que « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ».

Cet article n’est donc qu’une précaution contre une irrecevabilité de procédure. Votre rapporteur tient toutefois à signaler que la volonté des auteurs de cette proposition de loi n’est pas de créer des dépenses publiques supplémentaires. Le programme de réhabilitation qu’ils proposent serait financé par une réaffectation de fonds déjà existants, qu’ils proviennent du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) ou des programmes d’investissements d’avenir (PIA) de première et deuxième générations confiés à l’ANRU.

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La commission rejette l’article 2.

La commission ayant rejeté chacun des articles ainsi que l’amendement portant article additionnel, l’ensemble de la proposition de loi est rejeté.

Mme la présidente Frédérique Massat. Monsieur le rapporteur, nous sommes néanmoins conscients du problème que vous avez soulevé. En tant que présidente de la commission des affaires économiques, je vous accompagnerai dans votre démarche, afin que non seulement l’intervention de l’ANRU, mais aussi les crédits des ministères de l’intérieur et de la défense, contribuent à la rénovation des casernes dégradées.

M. Serge Grouard. Je salue l’ouverture proposée par le président de l’ANRU. Dans la mesure où il existe un cloisonnement entre les ministères ainsi qu’entre ces derniers et l’ANRU, ce qui est logique puisque la rénovation des casernes n’entre pas pour l’instant dans le cadre de ses missions, je suggère l’établissement de contacts afin de concrétiser rapidement cette ouverture pour quelques sites.

M. Daniel Goldberg. Nombreux sont les logements qui ne sont pas conventionnés. Entrer dans une démarche de conventionnement permettrait une rénovation de ces logements par des crédits d’État.

M. le rapporteur. Un grand nombre des 2 500 logements militaires situés dans ma ville est géré par la SNI. Le président de la SNI, à qui j’ai indiqué qu’une partie de ces logements devrait légitimement entrer dans la catégorie des logements sociaux, m’a répondu que cela dégraderait son bilan ! Cette réponse est totalement anormale ! Je serais donc ravi que nous puissions œuvrer ensemble, chers collègues.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la Commission

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PROPOSITION DE LOI VISANT À FINANCER LA RÉNOVATION DES CASERNES
EN ACTIVITÉ DÉGRADÉES DES MINISTÈRES DE LA DÉFENSE ET DE L’INTÉRIEUR PAR L’AGENCE NATIONALE DE RÉNOVATION URBAINE,

PROPOSITION DE LOI VISANT À FINANCER LA RÉNOVATION DES CASERNES
EN ACTIVITÉ DÉGRADÉES DES MINISTÈRES DE LA DÉFENSE ET DE L’INTÉRIEUR PAR L’AGENCE NATIONALE DE RÉNOVATION URBAINE,

 

Article 1er

Article 1er

Loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine

Chapitre II : Programme national de rénovation urbaine.

Après le deuxième alinéa de l’article 6 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

Supprimé

Art. 6. – Le programme national de rénovation urbaine vise à restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers classés en zone urbaine sensible avant la publication de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine et, à titre exceptionnel, après avis conforme du maire de la commune ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent et accord du ministre chargé de la ville et du ministre chargé du logement, ceux présentant des caractéristiques économiques et sociales analogues.

   

Il comprend des opérations d'aménagement urbain, la réhabilitation, la résidentialisation, la démolition et la production de logements, la création, la réhabilitation et la démolition d'équipements publics ou collectifs, la réorganisation d'espaces d'activité économique et commerciale, ou tout autre investissement concourant à la rénovation urbaine.

   
 

« Un programme de réhabilitation en direction des casernes en activité dégradées des ministères chargés de la défense et de l’intérieur est élaboré par l’Agence nationale de rénovation urbaine, après accord des ministres compétents et avis des maires et des présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés.

 
 

« Un programme opérationnel et un calendrier de réalisation sur cinq ans sont arrêtés définissant les engagements financiers de l’ensemble des partenaires. »

 

Pour la période 2004-2015, il prévoit une offre nouvelle de 250 000 logements locatifs sociaux, soit par la remise sur le marché de logements vacants, soit par la production de nouveaux logements sociaux dans les quartiers classés en zone urbaine sensible avant la publication de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 précitée ou dans les agglomérations dont ils font partie. Il comprend également, dans les quartiers mentionnés au premier alinéa, la réhabilitation de 400 000 logements locatifs sociaux et, la résidentialisation d'un nombre équivalent de logements sociaux et en cas de nécessité liée à la vétusté, à l'inadaptation à la demande ou à la mise en œuvre du projet urbain, la démolition de 250 000 logements, cet effort global devant tenir compte des besoins spécifiques des quartiers concernés.

   
 

Article 2

Article 2

 

La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Supprimé

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Association professionnelle nationale des militaires de la gendarmerie du XXIè siècle (GendXXI)

M. Jean-Hugues Matelly, président

M. Kevin Crombez, délégué GendXXI du groupement blindé de gendarmerie mobile (GBGM) de Satory

Ministère de l’Intérieur

M. Jean-François Carrillo, sous-directeur de l’immobilier et du logement à la direction générale de la gendarmerie nationale

Ministère de la Défense

Mme Kristine Glucksmann, sous-directrice du logement à la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

M. Stanislas Prouvost, sous-directeur de l’immobilier et de l’environnement à la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives

Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU)

M. Nicolas Grivel, directeur général

Mme Anne Peyricot, directrice des relations institutionnelles

© Assemblée nationale