N° 3616 - Rapport de Mme Maud Olivier, en vue de la lecture définitive sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat en nouvelle lecture, visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées (n°3565).




N
° 3616

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 mars 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE (1) CHARGÉE D’EXAMINER, EN VUE DE LA LECTURE DÉFINITIVE, LA PROPOSITION DE LOI visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées,

PAR Mme Maud OLIVIER,

Députée.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1ère lecture : 1437, 1558 et T.A. 252.

2ème lecture : 2690, 2832 et T.A. 533.

C.M.P. : 3230.

Nouvelle lecture : 3149, 3350 et T.A. 673.

Sénat : 1ère lecture : 207, 590, 697, 698 (2013-2014) et T.A. 85 (2014-2015).

2ème lecture : 519 (2014-2015), 37, 38 et T.A. 14 (2015-2016).

C.M.P. : 171 et 172 (2015-2016).

Nouvelle lecture : 372, 406 et 407 (2015-2016).

La commission spéciale est composée de :

M. Guy Geoffroy, président ; Mme Marie-George Buffet, M. Charles de Courson, Mme Catherine Coutelle, vice-présidents ; M. Sergio Coronado, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Laurence Dumont, M. Gwendal Rouillard, secrétaires ; Mme Maud Olivier, rapporteure ; M. Élie Aboud, Mme Nicole Ameline, M. Pierre Aylagas, Mme Huguette Bello, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Valérie Boyer, Mme Sabine Buis, Mme Sylviane Bulteau, Mme Colette Capdevielle, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Dino Cinieri, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, Mme Pascale Crozon, Mme Seybah Dagoma, M. Bernard Debré, Mme Jeanine Dubié, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, Mme Martine Faure, Mme Marie-Louise Fort, Mme Michèle Fournier-Armand, M. Jean-Marc Germain, M. Claude Goasguen, M. Philippe Goujon, Mme Claude Greff, Mme Arlette Grosskost, Mme Edith Gueugneau, Mme Chantal Guittet, M. Guénhaël Huet, Mme Françoise Imbert, M. Armand Jung, Mme Marietta Karamanli, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Valérie Lacroute, Mme Sonia Lagarde, Mme Anne-Yvonne Le Dain, Mme Viviane Le Dissez, Mme Lucette Lousteau, M. Patrice Martin-Lalande, Mme Sandrine Mazetier, M. Jacques Moignard, M. Pierre Morel-A-L’Huissier, Mme Dominique Nachury, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Michel Pouzol, M. Patrice Prat, Mme Catherine Quéré, M. Frédéric Reiss, Mme Sophie Rohfritsch, Mme Eva Sas, M. Thierry Solère, Mme Suzanne Tallard, Mme Sylvie Tolmont, M. Philippe Vitel, M. Éric Woerth, M. Michel Zumkeller.

Mesdames, Messieurs

L’Assemblée nationale est invitée à statuer définitivement, en application de l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, sur la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

À la suite de l’échec de la commission mixte paritaire (2), notre assemblée, saisie en nouvelle lecture, a apporté plusieurs modifications au texte que le Sénat avait adopté en deuxième lecture. Ainsi, votre Commission a supprimé de l’article 1erla disposition permettant à l’autorité administrative de demander aux éditeurs et hébergeurs de sites Internet le retrait des contenus liés à une activité d’exploitation sexuelle ; elle a, par ailleurs, complété l’article 1er ter afin de sécuriser la procédure judiciaire de recueil des témoignages des personnes prostituées ; elle a, en outre, réintroduit à l’article 6 la condition de cessation de l’activité de prostitution pour la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour (APS) aux personnes étrangères victimes de la traite des êtres humains ou du proxénétisme engagées dans un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle. Elle a également apporté quelques modifications, d’ampleur toutefois plus limitée, aux articles 3 bis et 18.

Surtout, elle a rétabli plusieurs dispositions fondamentales de la proposition de loi supprimées par la commission spéciale du Sénat :

––  l’article 9 bis, qui aggrave les peines encourues par les personnes auteures de violences (tortures ou actes de barbarie, violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, viol…) à l’encontre des personnes qui se livrent à la prostitution, dès lors que les faits sont commis dans l’exercice de cette activité ;

––  les articles 16 et 17, qui créent respectivement l’infraction de recours à la prostitution – punie d’une contravention de la cinquième classe (soit 1 500 euros) et d’une amende délictuelle de 3 750 euros en cas de récidive – et la peine complémentaire de stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, laquelle est susceptible d’être prononcée à l’encontre d’une personne coupable de cette nouvelle infraction.

En séance publique, l’Assemblée nationale a, par ailleurs, adopté deux amendements de la commission spéciale : le premier complète l’article 3 afin qu’y soit expressément précisé que les associations qui aident et accompagnent les personnes prostituées pourront, dès lors qu’elles rempliront les conditions d’agrément fixées par décret en Conseil d’État, participer à l’élaboration et à la mise en œuvre du parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle ; le second effectue, à l’article 6, une coordination.

Saisi du texte en nouvelle lecture, le Sénat a, comme en première et deuxième lectures, supprimé du texte les articles 16 et 17 (3). Il a, en outre, apporté deux modifications à l’article 3.

À l’occasion de l’examen du texte en séance publique, les sénateurs ont d’abord adopté un amendement de coordination de la commission spéciale afin que cet article – qui crée notamment une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle destinée aux personnes prostituées – renvoie à l’article L. 744-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) (4).

Ils ont ensuite adopté un amendement du Gouvernement visant à préciser, dans un nouvel alinéa, les contours de l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle précitée. Cet alinéa prévoit que l’aide, incessible et insaisissable et dont le montant serait déterminé par décret, serait à la charge de l’État et financée par les crédits du fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées institué par l’article 4 de la présente proposition de loi. Le bénéfice de cette aide serait accordé par décision du préfet après avis de l’instance départementale chargée d’organiser et de coordonner l’action en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains, créée par le même article 3. Enfin, il serait procédé au réexamen du droit à bénéficier de l’aide dès lors que des éléments nouveaux modifieraient la situation de son titulaire.

La nouvelle lecture dans chacune des deux assemblées n’a pas permis d’aboutir à un texte identique. Dans ces conditions, il ressort que le désaccord persistant ne peut être surmonté qu’en donnant le dernier mot à notre assemblée, comme le permet la Constitution. Le Gouvernement a ainsi demandé à l’Assemblée nationale de statuer définitivement.

À ce stade de la procédure, l’Assemblée nationale ne peut, conformément à l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, que reprendre le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat.

Votre commission spéciale vous propose, en vue de la lecture définitive de la proposition de loi, de reprendre le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, sous réserve de la reprise de deux amendements adoptés par le Sénat à l’article 3.

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DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mardi 29 mars 2016, la commission spéciale examine, en vue de la lecture définitive, la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées (Mme Maud Olivier, rapporteure).

M. le président Guy Geoffroy. Notre Commission, constituée voici plus de deux ans, se réunit une dernière fois pour examiner cette proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel. L’échec de la commission mixte paritaire, que nous avons déploré, nous a toutefois permis de gagner du temps en évitant une lecture supplémentaire dans chaque chambre. Le 3 février dernier, nous nous sommes prononcés en Commission puis en séance sur la version du texte qui traduisait notre intention avant que nos collègues sénateurs décident à leur tour de maintenir leur position, en particulier sur les articles 1er ter, 16 et 17 – ce que je regrette, même si je le dis sans animosité aucune à leur égard.

Le Gouvernement – dont je salue la décision – a demandé à l’Assemblée nationale, conformément à l’article 45 de la Constitution, de statuer définitivement. Le 6 avril, l’Assemblée aura donc le dernier mot et la loi sera ainsi votée par le Parlement. Nous pourrons alors tous nous réjouir de l’aboutissement de ce travail long, patient et déterminé.

Au stade de la lecture définitive où nous sommes, je rappelle que l’Assemblée nationale ne peut que reprendre le texte de la commission mixte paritaire – encore faut-il qu’il y en ait un, ce qui n’est pas le cas –, ou reprendre celui qu’elle a adopté en nouvelle lecture en le modifiant le cas échéant par un ou plusieurs des amendements votés par le Sénat.

Plusieurs orateurs souhaitent s’exprimer avant l’examen des amendements. Avant de les entendre, je tiens à excuser l’absence de Mme Marie-Louise Fort et de M. Philippe Goujon.

M. Sergio Coronado. Je regrette que ce débat, qui nous occupe pourtant depuis deux ans et demi, n’ait pas permis de clarifier certains paradoxes. Le premier tient à la confusion entre traite, prostitution forcée et prostitution choisie. Madame la rapporteure elle-même évoque une part de 20 % à 25 % de prostituées indépendantes, qui ne sont donc pas victimes de la traite. Deuxième paradoxe : le travail sexuel existe dans d’autres domaines – qui, au demeurant, sont imposés par l’État. Rien n’est dit, par exemple, de la pornographie. Enfin, la volonté de pénaliser le client est formulée sans jamais poser la question de la prostitution. Comme l’a souvent dit M. de Courson, c’est l’une des principales contradictions du texte : comment ne pas s’attaquer à la possibilité qui est offerte à chacun d’entre nous d’offrir un service sexuel en toute légalité tout en imposant une amende aux acheteurs de services qui ne sont pas interdits – et, ce faisant, en jetant l’opprobre sur eux ? Nous verrons bien comment ces trois paradoxes continueront de vivre une fois la loi appliquée, et nous en tirerons le bilan dans quelques années.

Mme Marie-George Buffet. Je me réjouis que nos travaux atteignent enfin leur terme, tant il y a aujourd’hui urgence à ce que cette loi s’applique dans l’esprit de ce qu’a souhaité l’Assemblée nationale. La presse s’est récemment fait l’écho de la situation qui prévaut dans certains quartiers où des bandes de trafiquants de drogues, estimant que la prostitution est un trafic plus rentable encore, se muent en réseaux de traite et s’attaquent à des gamines de treize ou quinze ans, souvent en échec scolaire et en situation de fragilité. Il est donc urgent de réagir pour que la société porte sur la prostitution un nouveau regard : les prostitués et prostituées sont des victimes et les clients doivent être pénalisés.

M. Charles de Courson. Votre deuxième paradoxe, monsieur Coronado, était d’ordre fiscal. Permettez-moi de vous rappeler le principe de réalisme fiscal : toutes les activités sont taxées, y compris les activités illégales. Les personnes condamnées pour trafic de drogue encourent certes des peines de prison, mais aussi un redressement fiscal.

M. Sergio Coronado. En l’occurrence, la prostitution n’est pas une activité illégale.

M. Charles de Courson. Je n’ai pas dit le contraire, mais le principe de réalisme fiscal s’applique à toutes les activités, légales ou illégales ; il n’y a donc là aucun paradoxe. À ne pas taxer les activités irrégulières, on encouragerait le crime !

Je me réjouis que nous changions enfin de regard sur la prostitution et que nous nous intéressions aux clients. Tel est en effet le principal progrès qu’accomplit cette loi : changer le regard de la société, en particulier celui des hommes.

Mme Catherine Coutelle. La différence qui nous sépare, monsieur Coronado, tient au fait que nous n’avons jamais employé l’expression de « prostitution choisie ». Il suffit d’auditionner et de côtoyer les survivantes qui, le plus souvent, ont eu une enfance violente et très difficile, pour comprendre qu’elles ne se prostituent pas de gaîté de cœur. Nous avons même reçu le témoignage de prostituées qui, dans les années 1970, s’étaient trouvées au cœur de grands mouvements libertaires à Lyon pour, quelques années plus tard, nous reprocher notre bêtise de les avoir crues : jamais ces prostituées ne furent volontaires et toutes avaient un proxénète. Autrement dit, c’est un choix de société qui nous distingue, cher collègue. Nous n’employons pas davantage l’expression de « travailleurs du sexe ».

Le lien entre terrorisme, traite, trafic d’êtres humains et prostitution a récemment été établi à la tribune de l’ONU. Ce sont en effet les mêmes hommes qui se livrent à tous ces trafics très rentables : ils oscillent entre la drogue, les armes et le terrorisme avec le même cynisme et la même violence, et les femmes sont leurs premières victimes, en France comme ailleurs dans le monde.

Mme Maud Olivier, rapporteure. Voudriez-vous, monsieur Coronado, que l’on oublie les trois quarts des prostituées qui sont victimes des réseaux au motif que le dernier quart aurait choisi cette profession – pour des motifs qui m’échappent, car 90 % d’entre elles ne demandent en fait qu’à en sortir et ne voudraient pour rien au monde que leurs filles entreprennent la même activité ? Comment un humaniste peut-il accepter qu’une personne se paie le corps d’une autre personne pour la seule raison qu’elle a de l’argent ? C’est une situation inacceptable, compte tenu des violences que subissent les personnes prostituées
– quand bien même 75 % seulement d’entre elles seraient victimes des réseaux. Ne faudrait-il donc rien faire pour les aider ?

Le deuxième pilier de la loi, dont personne ne parle jamais, consiste à aider les prostituées qui le souhaitent à s’en sortir par des moyens renforcés. Nous en suivrons naturellement la mise en œuvre, tant ce volet est important pour celles, nombreuses, qui souhaiteront en bénéficier.

De même, il est essentiel de démanteler les réseaux – vous en conviendrez, monsieur Coronado. Pour que ces réseaux ne parviennent plus à générer les revenus qu’ils génèrent sur notre territoire, il faut évidemment tarir la demande. La baisse du nombre de clients prêts à acheter le corps d’une personne dissuadera les réseaux de s’implanter sur notre territoire. Nous ne nous contenterons toutefois pas de cette action, qu’il faut étendre au-delà de nos frontières, en Europe et dans le monde. On ne saurait en effet se contenter de pénaliser les clients français : ce sont les femmes du monde entier qui subissent des violences, comme on le constate de manière croissante.

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EXAMEN DES ARTICLES

chapitre II
Protection des victimes de la prostitution et création d’un parcours
de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle

Section 1
Dispositions relatives à l’accompagnement
des victimes de la prostitution

Article 3 (art. L. 121-9 et L. 121-10 du code de l’action sociale et des familles ; art. 42 et 121 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure) : Création d’un parcours de sortie de la prostitution et d’insertion sociale et professionnelle

La Commission accepte l’amendement de coordination n° 4 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement n° 5 du Gouvernement.

Mme Maud Olivier, rapporteure. Avis favorable.

M. Charles de Courson. Méfions-nous de ceux qui voudraient faire tomber notre texte, qui est d’initiative parlementaire, en recourant à l’article 40 de la Constitution. Cet amendement gouvernemental permet en effet d’éviter un éventuel recours devant le Conseil constitutionnel par une soixantaine de députés ou de sénateurs, en donnant une origine gouvernementale à la prestation concernée.

La Commission accepte l’amendement n° 5.

Chapitre IV
Interdiction de l’achat d’un acte sexuel

Article 16 (art. 225-12-1, 225-12-2, 225-12-3 et 611-1 [nouveau] du code pénal ; art. L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles) : Création d’une infraction de recours à la prostitution punie de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe

La Commission est saisie de l’amendement n° 1 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Cet amendement, comme les amendements nos 2 et 3 que je défendrai par la même occasion, porte sur la pénalisation de l’achat d’actes sexuels.

Dans ce débat, madame la rapporteure, il me semble déplacé de faire des procès en humanisme. Nos points de vue divergent sur la manière dont nous devons nous attaquer au problème grave de la traite et de l’esclavage, mais il n’est nul besoin de mettre en cause l’humanisme des uns et des autres. Accuseriez-vous l’opposition, lorsqu’elle ne partage pas votre point de vue, de ne pas être attachée à la liberté ou à l’égalité ? Engager le débat dans ces termes ne mène à rien.

Mme Catherine Coutelle. Pourtant, vous l’avez souvent fait !

M. Sergio Coronado. Il ne s’agit pas d’un débat purement doctrinaire. Depuis deux ans, j’ai tâché de porter la voix d’un certain nombre d’acteurs de l’encadrement, de l’accompagnement et de l’aide aux victimes, qu’il s’agisse d’associations comme Médecins du Monde ou d’organismes internationaux comme le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) qui, tout attachés qu’ils soient à la défense de l’humanisme, ne partagent pas du tout votre conception de l’action à mener pour tarir le phénomène prostitutionnel. Selon eux, votre proposition de loi fragilisera davantage la situation des victimes que vous voulez aider à juste titre.

Vous citez régulièrement l’exemple de la Suède, pionnière en matière de pénalisation et d’interdiction de l’achat d’actes sexuels. Or, l’examen des condamnations prononcées pour proxénétisme et pour traite montre que, contrairement à ce que vous affirmez, madame la rapporteure, cette interdiction ne s’est traduite ni dans l’immédiat, ni après quelques années par le démantèlement des réseaux, lesquels ont hélas continué de sévir. La prostitution de rue s’est déplacée sur Internet, sur les réseaux sociaux et dans d’autres lieux, mais elle n’a pas disparu. Le discours que vous tenez depuis deux ans et demi était celui que tenaient en leur temps les principaux artisans de la pénalisation du racolage – une mesure qui a montré l’étendue de son efficacité…

Enfin, si personne ne parle du deuxième pilier du texte, c’est parce que personne n’y croit, compte tenu de la faiblesse des moyens que vous déployez pour accompagner la sortie de la prostitution. Pour les principaux acteurs de l’accompagnement social et sanitaire des personnes prostituées, c’est même une véritable plaisanterie ! Pensez-vous vraiment que les victimes choisiront par milliers ce deuxième pilier que vous vantez tant ? Nous en dresserons un bilan chiffré dans quelques années, et je crains qu’il ne fasse pas honneur à celles et ceux qui auront cru – à bon escient sans doute – que cette mesure doctrinaire serait salvatrice.

Voilà pourquoi j’ai déposé, au nom de la majorité de mon groupe, ces trois amendements visant à supprimer les articles 16 et 17 ainsi qu’une partie de l’article 18.

M. Charles de Courson. Selon votre exposé sommaire, monsieur Coronado, « cette incrimination est très floue et il n’est pour l’instant pas précisé si elle concernera d’autres éléments, comme la pornographie ». La réponse est évidemment non, puisqu’il s’agit des relations de nature sexuelle. Les choses sont donc parfaitement claires.

Par ailleurs, vous prétendez que « la question du caractère délictuel de la récidive peut mettre en danger la prostituée en matière de complicité ». Le texte prévoit-il la moindre possibilité d’incriminer une personne qui aurait touché de l’argent en contrepartie d’une relation sexuelle ? Aucunement. Il y a donc au moins deux éléments de votre argumentation que je ne comprends pas.

M. Sergio Coronado. Sans être un consommateur éclairé de pornographie, je crois comprendre que les contrats passés par des acteurs et actrices du monde de la pornographie comprennent des actes sexuels. Je m’étonne donc que l’on entende s’attaquer à l’achat tarifé de prestations sexuelles sans tenir compte de ce domaine d’activité.

Ensuite, alors qu’une première incrimination peut se traduire par une amende, toute récidive constitue un délit. Or, toute personne participant à l’accomplissement d’un délit peut être considérée comme complice par une autorité judiciaire.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission repousse l’amendement n° 1.

Article 17 (art. 131-16, 131-35-1 et 225-20 du code pénal ; art. 41-1 et 41-2 du code de procédure pénale) : Création d’une peine complémentaire de stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels

La Commission est saisie de l’amendement n° 2 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je l’ai défendu.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission repousse l’amendement n° 2.

Chapitre V
Dispositions finales

Article 18 : Rapport du Gouvernement au Parlement sur l’application de la loi

La Commission est saisie de l’amendement n° 3 de M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Il est défendu.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission repousse l’amendement n° 3.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

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En conséquence, conformément à l’article 45, alinéa 4, de la Constitution et en application de l’article 114, alinéa 3, du Règlement, la commission spéciale demande à l’Assemblée nationale d’adopter le texte voté par elle en nouvelle lecture, ainsi que les amendements qu’elle a acceptés au cours de sa réunion du mardi 29 mars 2016.

© Assemblée nationale