N° 3622 - Rapport de M. Dominique Baert sur la proposition de loi, après engagement de la procédure accélérée, de MM. Dominique Baert et Dominique Lefebvre réformant le système de répression des abus de marché (3601).




N° 3622

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 mars 2016.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, réformant le système de répression des abus de marché (n° 3601),

PAR M. Dominique BAERT

Député.

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Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3601.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 7

I. LA COEXISTENCE DES POURSUITES ET DES SANCTIONS ADMINISTRATIVES ET PÉNALES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LES ABUS DE MARCHÉ : LE RÉGIME QUI A PRÉVALU JUSQU’À LA DÉCISION CONSTITUTIONNELLE 8

A. LES MODALITÉS DU CUMUL ET L’ARTICULATION ENTRE LES INSTITUTIONS 8

1. La coexistence des sanctions administratives et pénales : une dualité qui s’applique dans d’autres domaines que les abus de marché 8

a. Une double modalité de sanction prévue par les textes 8

b. Une double modalité de sanction résultant de l’existence d’une autorité administrative indépendante ayant un pouvoir de sanction 9

2. Le système dual en matière d’abus de marché 9

a. Le périmètre des abus de marché : deux corpus de normes distincts mais aux qualifications très proches 9

b. Deux voies répressives autonomes mais marquées par la collaboration : le cumul des enquêtes, des poursuites et des sanctions 10

i. La répression administrative 10

ii. La répression pénale 12

iii. Des procédures indépendantes mais coopératives 13

c. La dichotomie des recours ouverts aux professionnels : une spécificité liée à la création de l’AMF 14

B. SPÉCIFICITÉ ET COMPLÉMENTARITÉ DES VOIES PROCÉDURALES ADMINISTRATIVES ET PÉNALES 16

1. Dans les faits, le cumul des sanctions n’est que rarement appliqué et est inefficace sur le plan opérationnel 16

2. L’efficacité démontrée de la sanction administrative ne remet pas en cause le caractère essentiel de la voie pénale 18

a. Le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes : un pouvoir désormais acquis mais strictement encadré 18

b. La prédominance des sanctions administratives n’est pas la preuve de l’inefficacité de la procédure pénale 19

i. Le monopole du déclenchement des enquêtes en matière boursière par l’AMF et la nécessaire coopération avec le Parquet national financier 19

ii. Des sanctions pécuniaires plus nombreuses et plus sévères par la commission des sanctions de l’AMF 20

iii. Des peines d’emprisonnement peu répressives 22

iv. Le délai de jugement plus court par l’AMF et le décalage temporel lié au délai de transmission 22

c. La répression pénale est amenée à évoluer grâce à la création du Parquet national financier 23

C. LE PRINCIPE DE CUMUL DES POURSUITES ET DES SANCTIONS N’A PAS ÉTÉ INVALIDÉ, SOUS CERTAINES CONDITIONS, PAR LES JURISPRUDENCES FRANÇAISES ET EUROPÉENNES JUSQU’EN 2014 24

1. La position des juridictions françaises, sous l’égide du Conseil constitutionnel 24

a. Le cumul des poursuites et des sanctions : une validation constante mais encadrée du Conseil constitutionnel 24

i. Le principe ne bis in idem n’a pas valeur constitutionnelle 24

ii. La validation du cumul des poursuites et des sanctions sur le fondement du principe de nécessité des peines 25

iii. Le principe de proportionnalité : une limite au cumul des sanctions 26

b. Une jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’État conforme à la position du Conseil constitutionnel, mais qui a évolué dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité 26

2. La position des juridictions européennes : un durcissement progressif dans l’application du principe ne bis in idem 28

a. La dualité des voies répressives : une tradition juridique dans les pays de l’Union européenne ? 28

b. Les textes de référence dans le droit européen affirmant le principe ne bis in idem et leur interprétation jurisprudentielle 29

i. L’article 4 du protocole additionnel n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 22 novembre 1984 29

ii. L’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne 31

II. LES RÉCENTES ÉVOLUTIONS JURISPRUDENTIELLES IMPOSENT UNE MISE EN CONFORMITÉ DE NOTRE DROIT INTERNE AVEC LE DROIT EUROPÉEN ET LA CONSTITUTION 33

A. LA JURISPRUDENCE DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME FONDÉE SUR LE PRINCIPE NE BIS IN IDEM 33

1. La portée des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme 33

2. L’arrêt Grande Stevens de la Cour européenne des droits de l’homme du 4 mars 2014 34

a. La sanction infligée par l’autorité boursière est une sanction de nature pénale 34

b. La réserve de l’Italie relative à l’article 4 du protocole n° 7 n’est pas valable 35

c. Le principe ne bis in idem tel qu’interprété par la Cour européenne interdit largement le cumul des sanctions mais pas des poursuites 36

B. LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL FONDÉE SUR LE PRINCIPE DE LA NÉCESSITÉ DES PEINES 37

1. Les faits ayant donné lieu à la question prioritaire de constitutionnalité 37

2. La délicate interprétation de la décision du Conseil constitutionnel 40

a. Une décision d’inconstitutionnalité en droite ligne avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme 40

b. Une portée élargie à l’interdiction du cumul des poursuites, indépendamment de l’existence ou non d’une décision définitive 42

c. Un champ d’application circonscrit aux procédures relevant du même ordre de juridiction 42

3. Le dispositif juridique de la décision du 18 mars 2015 43

4. Les conséquences immédiates de la décision du Conseil constitutionnel 44

a. Le régime transitoire mis en place par le Conseil constitutionnel 44

b. Le dialogue informel institué depuis un an entre le Parquet national financier et l’AMF 45

C. LES PISTES DE RÉFORME ENVISAGÉES 46

1. La suppression de l’un des modes de poursuites 46

a. La dépénalisation des abus de marché 46

b. La limitation des sanctions administratives 47

2. La création d’une structure dédiée à la répression des abus de marché 48

a. L’extension de la compétence de la commission des sanctions 48

b. La création d’un tribunal d’exception 49

3. La mise en place d’une option pour l’une ou l’autre des voies existantes 49

a. La mise en place d’une instance d’aiguillage des contentieux 50

b. La définition de critères objectifs permettant de rendre les deux procédures alternatives 51

EXAMEN EN COMMISSION 53

EXAMEN DES ARTICLES 61

Article 1er A [nouveau] (art. L. 465-1 à L. 465-3-5 [nouveaux] du code monétaire et financier) : Mise en conformité des incriminations en matière d’abus de marché avec les dispositions de la directive 2014/57/UE et du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 61

Article 1er (art. L. 465-3-6 [nouveau] du code monétaire et financier) : Encadrement des possibilités de mise en mouvement de l’action publique pour les délits boursiers 81

Article 1er bis [nouveau] (art. L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier) : Encadrement de la possibilité pour l’autorité des marchés financiers de procéder à une notification des griefs 91

Article 2 (art. L. 621-15-1 [nouveau] du code monétaire et financier) : Encadrement de la possibilité pour l’autorité des marchés financiers de procéder à une notification des griefs 93

Article 3 (art. L. 621-16 du code monétaire et financier) : Mise en conformité des dispositions du code monétaire et financier relatives à l’imputation de la sanction administrative pécuniaire sur l’amende pénale 95

Article 4 (art. L. 621-16-1 du code monétaire et financier) : Suppression de l’interdiction pour l’Autorité des marchés financiers de se constituer partie civile en cas de double poursuite 95

Article 4 bis [nouveau] (art. L. 621-1, L.621-7, L. 621-9, L. 621-9-2, L. 621-17-1 à L. 621-17-7, L. 621-18-2, L. 621-18-4 et L. 632-7 du code monétaire et financier) : Transposition du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, sur les abus de marché 96

Article 5 (art. L. 744-12, L. 754-12 et L. 764-12 du code monétaire et financier) : Dispositions relatives à l’outre-mer 97

Titre du projet de loi 98

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 99

TABLEAU COMPARATIF 101

INTRODUCTION

« La vraie mesure de la peine est le dommage causé à la société »

Des délits et des peines. Cesare Beccaria.

La présente proposition de loi réformant le système répression des abus de marché présente trois caractéristiques.

L’urgence tout d’abord, car il faut légiférer avant le 1er septembre prochain. La nécessité ensuite de combler un vide juridique, tant pour les poursuites administratives que pénales. Le consensus enfin, car ce texte recueille l’assentiment de tous les acteurs, notamment le Parquet national financier et l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Cette proposition de loi se place sous le sceau de l’urgence, puisqu’elle répond à une décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 qui déclare contraires à la Constitution les dispositions légales en vigueur et paralyse donc l’ensemble de notre système répressif en matière d’abus de marché à compter du 1er septembre 2016.

L’urgence est même double, puisque ces mêmes dispositions doivent évoluer afin de se conformer aux dispositions de la directive et du règlement européens du 16 avril 2014 relatifs aux abus de marché, la directive MAD (Market abuse directive) et le règlement MAR (Market abuse regulation) dont la transposition doit intervenir au plus tard le 3 juillet 2016.

C’est donc sous le poids de cette double contrainte temporelle qu’est discutée cette proposition de loi essentielle, sans laquelle nous courons le risque de créer un vide juridique fortement préjudiciable à la continuité de la lutte contre la délinquance financière dans notre pays.

Les sanctions peuvent être de nature pénale ou de nature administrative. Certains contentieux font cependant l’objet d’un double dispositif contentieux, pouvant aboutir à une coexistence, voire un cumul des sanctions administratives et pénales − sachant que les peines privatives de liberté relèvent nécessairement des sanctions pénales.

Les modalités juridiques selon lesquelles s’articulent les sanctions pénales et administratives sont variées, et concernent des matières par nature très différentes. On peut citer par exemple le contentieux des installations classées pour la protection de l’environnement, qui, au chapitre IV du titre Ier du livre V du code de l’environnement, prévoit successivement des contrôles et contentieux de nature administrative, initiés par le représentant de l’État, mais également des incriminations de nature pénale pouvant qualifier le même fait générateur.

Le contentieux fiscal demeure le contentieux de masse le plus largement empreint de cette dualité de procédures, le code général des impôts prévoyant successivement, à son chapitre 2 du livre II consacré aux pénalités liées au recouvrement de l’impôt, des sanctions de nature fiscale et des sanctions de nature pénale. Les sanctions pénales, liées au délit de fraude fiscale, sont alors applicables indépendamment des sanctions fiscales (majorations pour défaut de dépôt dans les délais, manquement délibéré ou manœuvres frauduleuses, amendes fiscales). La jurisprudence du Conseil constitutionnel a cependant fixé une limite au cumul des sanctions pécuniaires. Il a ainsi assorti sa déclaration de conformité d’une réserve d’interprétation : « lorsque plusieurs sanctions prononcées pour un même fait sont susceptibles de se cumuler, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues » (1).

Le cumul des sanctions pénales et administratives peut également résulter du fait qu’il existe, dans le domaine concerné, une autorité administrative indépendante ayant des pouvoirs de sanction. C’est le cas par exemple en matière de communication audiovisuelle, telle que régulée par la loi du 30 septembre 1986. Cette dernière prévoit la possibilité pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) d’infliger des sanctions administratives (sanction pécuniaire, suspension d’édition ou de diffusion…) (2), des sanctions pénales étant également prévues par le texte (3). En matière de protection des données, la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés a créé la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), autorité administrative indépendante dotée de pouvoirs de sanction. Cette même loi prévoit au chapitre VII les sanctions applicables. Celles-ci peuvent être prononcées par la formation restreinte de la CNIL et revêtent le caractère de sanctions administratives, tandis que d’autres dispositions feront l’objet d’une répression pénale. Le cumul des sanctions pécuniaires est explicitement prévu, et encadré, par l’article 47 de la loi précitée : « lorsque la formation restreinte a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les mêmes faits ou des faits connexes, celui-ci peut ordonner que la sanction pécuniaire s’impute sur l’amende qu’il prononce ». C’est également le cas en matière de droit de la concurrence, l’Autorité de la concurrence étant compétente pour prononcer des sanctions administratives, certaines infractions relevant parallèlement d’incriminations pénales contenues dans le code monétaire et financier.

C’est enfin dans cette dualité que s’inscrit le contentieux des abus de marché qui constitue la matière de la présente proposition de loi.

Dans le cadre du droit boursier, le cumul des poursuites administratives et pénales ne concerne que les abus de marché, soit trois délits boursiers réprimés par le code monétaire et financier, auxquels correspondent autant de manquements administratifs. Ces derniers sont prévus par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Ce dernier peut être établi et modifié par le principal organe décisionnel de l’AMF, à savoir son collège, dont les décisions sont homologuées par arrêté du ministre chargé de l’économie. Le livre VI du règlement général est consacré spécifiquement aux abus de marché.

Le périmètre de ces infractions dédoublées est le suivant :

− le délit d’initié (article L. 465-1 du code monétaire et financier) et du manquement d’initié (article 622-1 du règlement général de l’AMF). Il s’agit dans les deux cas de l’utilisation ou de la communication à des tiers d’une information privilégiée, qui doit être confidentielle et précise ;

− le délit de diffusion de fausse information (article L. 465-2 du code monétaire et financier) et du manquement à la bonne information du public (article 632-1 du règlement général de l’AMF). Ils concernent les émetteurs de titres financiers. Le délit de diffusion de fausse information se définit par le « fait, pour toute personne, de répandre ou de tenter de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d’un émetteur ou de ses titres […] ». Le manquement à la bonne information se définit plus largement par un non-respect des obligations d’informations périodiques et permanentes défini dans le code de commerce et dans le livre II du règlement général de l’AMF, l’information transmise devant être à la fois exacte, précise et sincère ;

− le délit de manipulation de cours (article L. 465-2 du code monétaire et financier) et le manquement de manipulation de cours (article 631-1 du règlement général de l’AMF). Il s’agit dans les deux cas d’une entrave ou d’une tentative d’entrave au fonctionnement régulier d’un marché réglementé. Le manquement revêt, selon l’interprétation du Parquet national financier, « une dimension plus économique et moins morale », et est en cela moins restrictif. L’article L. 465-2-1 vise quant à lui les opérations particulières de manipulation des indices de référence.

La lecture comparée de ces textes fait donc apparaître une forte symétrie entre eux, de sorte qu’en pratique, les qualifications de délit et de manquement sont parfois difficiles à distinguer. La nature et l’effectivité de cette distinction, qui justifie l’utilité de la double incrimination, ont d’ailleurs été nourries par les interprétations jurisprudentielles françaises et européennes, à l’instar de celles relatives aux délits et manquements d’initié (4).

Il est à noter qu’il n’existe aujourd’hui aucune hiérarchie de gravité entre les deux catégories de sanction.

La mission qui incombe à l’AMF, par la voie de ses contrôles et de ses enquêtes, est définie au I de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier : « elle veille à la régularité des opérations effectuées sur des instruments financiers lorsqu’ils sont offerts au public et sur des instruments financiers et actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations. Elle veille à la régularité des offres ne donnant pas lieu à la publication du document d’information mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 412-1 et réalisée par l’intermédiaire d’un prestataire de services d’investissement ou d’un conseiller en investissements participatifs au moyen de son site internet. Elle veille également à la régularité des opérations effectuées sur des contrats commerciaux relatifs à des marchandises liés à un ou plusieurs instruments financiers. »

Dans un premier temps, c’est le collège de l’AMF qui doit décider d’ouvrir une procédure d’instruction, via une notification de griefs, après examen des rapports de contrôle et d’enquête. C’est l’organe de poursuite de l’Autorité.

Les manquements définis par le règlement général de l’AMF sont ensuite réprimés par la commission des sanctions celle-ci. Elle peut sanctionner toute personne ou société dont les pratiques sont contraires aux lois et règlements du champ de compétence de l’AMF. Lorsqu’elle est saisie par le collège de l’AMF, la commission des sanctions instruit les dossiers et statue sur les faits reprochés aux personnes poursuivies au terme d’une procédure encadrée. Elle peut prononcer des sanctions pécuniaires et/ou disciplinaires (avertissement, blâme, interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis). Elle prend ses décisions de manière collégiale, soit en section, qui sont au nombre de deux, soit en formation plénière.

La commission est indépendante et comprend douze membres distincts des seize membres qui composent le collège. Il s’agit de quatre magistrats (deux conseillers d’État désignés par le vice-président du Conseil d’État et deux conseillers à la Cour de cassation désignés par le premier président de la Cour de cassation), de six professionnels désignés par le ministre de l’économie, après consultation des organisations représentatives des sociétés industrielles et commerciales dont les titres sont offerts au public ou cotés sur un marché réglementé, et enfin de deux représentants des salariés des entreprises du secteur financier désignés par le ministre de l’économie, après consultation des organisations syndicales représentatives. L’Autorité des marchés financiers est particulièrement attentive aux exigences déontologiques qui doivent prévaloir dans le choix de ses membres, notamment au regard des éventuels conflits d’intérêts.

Le tableau suivant récapitule les sanctions administratives encourues en cas d’abus de marché :

SANCTIONS ADMINISTRATIVES ENCOURUES EN CAS DE MANQUEMENT
EN MATIÈRE D’ABUS DE MARCHÉ

Qualité de la personne

Manquement d’initié, manquement à la bonne information du public et manquement de manipulation des cours

Professionnels contrôlés par l’AMF mentionnés au paragraphe II de l’article L.621-9 du code monétaire et financier

Sanctions disciplinaires et sanctions pécuniaires de 100 millions d’euros maximum OU n’excédant pas le décuple du profit lié au manquement

Personnes physiques placées sous l’autorité des professionnels

Sanctions disciplinaires et sanctions pécuniaires de 15 millions d’euros maximum OU n’excédant pas le décuple du profit lié au manquement

Non-professionnels

Sanctions pécuniaires de 100 millions d’euros maximum OU n’excédant pas le décuple du profit lié au manquement

Source : groupe de travail du Parquet national financier, sous l’autorité de Mme Éliane Houlette à partir des données de l’AMF.

Il n’existe pas, comme dans le cas de répression pénale, une distinction entre personnes morales et personnes physiques, mais entre non-professionnels et professionnels, au regard de l’énumération limitative de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier. Les obligations professionnelles concernent en effet de manière indifférenciée « les entités ou personnes suivantes ainsi que les personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte » (5).

Les enquêtes sont réalisées par les enquêteurs spécialisés de l’AMF, souvent à la suite d’un travail de détection des abus de marché réalisé par les services de l’Autorité, comme le service de surveillance des marchés. La grande majorité des enquêtes en matière d’abus de marché est menée par ces services enquêteurs très spécialisés et pouvant mener une surveillance approfondie et continue du fonctionnement des marchés. La Brigade financière de la Préfecture de police de Paris possède en effet une compétence plus large, mais également moins spécialisée.

C’est pourquoi de nombreuses affaires transmises au Parquet pour l’instruction ont pour origine une enquête menée par les services de l’AMF.

Les délits relèvent quant à eux exclusivement de la procédure et des juridictions pénales. Les enquêtes sont alors menées par les services de police, et notamment par la Brigade financière évoquée précédemment, sous la direction du Parquet national financier. Ce dernier peut ouvrir une information judiciaire ou renvoyer la procédure d’enquête devant le tribunal correctionnel de Paris.

Le tableau suivant récapitule les sanctions pénales encourues en matière boursière, en fonction du délit et de la qualité de la personne concernée, et en distinguant les peines encourues par les personnes physiques et les personnes morales :

SANCTIONS PÉNALES EN MATIÈRE DE DÉLITS BOURSIERS

Délits concernés

Personnes physiques

Personnes morales

Délits d’initié

Utilisation de l’information par des dirigeants sociaux ou des professionnels

2 ans d’emprisonnement et une amende de 1,5 million d’euros ou le décuple du profit

Amende égale au quintuple de la peine d’amende prévue pour les personnes physiques et peines

complémentaires

(dissolution, interdiction d’exercer, fermeture définitive ou temporaire, etc.)

Dispositions de droit commun prévues aux articles 131-38 et 131-39 du code pénal

Communication de l’information à un tiers par des professionnels

1 an d’emprisonnement et une amende de 150 000 euros ou le décuple du profit

Utilisation ou communication de l’information par d’autres personnes

1 an d’emprisonnement et une amende de 150 000 euros ou le décuple du profit

Utilisation ou communication par d’autres personnes de l’information portant sur un crime ou un délit

7 ans d’emprisonnement et une amende de 1,5 million d’euros si le profit est inférieur à ce chiffre

Délit de fausse information du marché

2 ans d’emprisonnement et une amende de 1,5 million d’euros ou le décuple du profit

Délit de manipulation des cours

2 ans d’emprisonnement et une amende de 1,5 million d’euros ou le décuple du profit

Source : groupe de travail du Parquet national financier, sous l’autorité de Mme Éliane Houlette.

Les sanctions pénales encourues sont donc globalement moins sévères que les sanctions administratives. Cette hiérarchie diffère de celle qui prévaut en matière de contentieux fiscal, et peut surprendre au regard du caractère généralement plus répressif de la sanction pénale. Cette dernière inclut cependant des peines d’emprisonnement bien entendu réservées à la procédure pénale.

En pratique, les deux procédures peuvent coexister de manière autonome l’une par rapport à l’autre, pouvant aboutir à un cumul d’enquêtes, de poursuites et également de sanction, la Commission des sanctions de l’AMF pouvant prononcer des sanctions pécuniaires et/ou disciplinaires, et le tribunal correctionnel des peines d’emprisonnement et/ou amendes, et des peines complémentaires portant sur l’activité professionnelle pour les personnes morales. Plus largement, les nullités affectant une procédure sont sans incidence sur la validité de l’autre.

Parallèlement, plusieurs mécanismes sont prévus afin de permettre la coordination et l’échange d’informations entre le Parquet national financier et l’AMF, qui semblent en pratique être en contact régulier.

Concernant les échanges réciproques d’informations entre l’AMF et l’autorité judiciaire, le code monétaire et financier prévoit plusieurs obligations :

− l’article L. 621-15-1 prévoit l’obligation pour l’AMF de transmettre ses rapports d’enquête au Parquet national financier pour les dossiers donnant lieu à l’ouverture d’une procédure de sanction et pour lesquels des délits boursiers sont suspectés, dès lors que les griefs notifiés sont susceptibles de constituer un délit d’initié, un délit de diffusion de fausse information et/ou un délit de manipulation des cours ;

− ce même article prévoit parallèlement que le Parquet national financier doit informer sans délai l’AMF en cas de mise en mouvement de l’action publique sur les dossiers qui lui ont été transmis par l’AMF ;

− l’article L. 621-20-1 prévoit enfin que, si l’AMF acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit autre, elle est tenue d’en informer sans délai le procureur de la République et de lui transmettre l’ensemble des informations dont elle dispose. L’article L. 621-20-4, introduit en 2013, prévoit réciproquement une faculté – mais non une obligation – de communication du Parquet national financier à l’AMF de toutes pièces de la procédure pénale ayant un lien direct avec des faits susceptibles d’être soumis à l’appréciation de la commission des sanctions.

Au-delà de l’échange de l’information, le code monétaire et financier prévoit également des mécanismes de coopération entre les juridictions pénales et l’AMF :

– l’article L. 466-1 prévoit que l’avis de l’AMF peut être demandé par les autorités judiciaires saisies de poursuites concernant des sociétés cotées. Cet avis devient une obligation dès lors qu’il s’agit de poursuites relatives au délit d’initié ;

– l’article L. 621-20 prévoit que les juridictions judiciaires peuvent appeler le président de l’AMF à déposer des conclusions en cas de poursuites entrant dans son champ de compétence.

Selon le groupe de travail du Parquet national financier, « ces différentes dispositions permettent aux juridictions pénales de solliciter, en tout état de la procédure, l’avis de l’AMF en qualité d’expert des marchés financiers ».

Enfin, l’interaction entre les deux procédures est aussi incarnée par la faculté pour l’AMF d’exercer les droits de la partie civile lorsque des poursuites concernent l’un des délits boursiers évoqués (article L. 621-16-1 du code monétaire et financier), sous réserve bien entendu qu’elle n’exerce pas ses pouvoirs de sanction à l’égard d’une même personne ou s’agissant des mêmes faits.

Le schéma suivant illustre la dualité en matière de voies de recours qui prévaut dans le cadre de la condamnation des professionnels telles qu’énumérées à l’article L. 621-9 du code monétaire et financier :

LES VOIES DE RECOURS EN MATIÈRE D’ABUS DE MARCHÉ

Source : commission des finances.

Ainsi, concernant les professionnels dont la liste est arrêtée à l’article L. 621-9 du code monétaire et financier, l’organisation des voies de recours n’est pas dérogatoire : la sanction administrative relève de la juridiction administrative, le Conseil d’État étant la juridiction de premier et dernier ressort, et la sanction pénale de la juridiction judiciaire, le jugement de la cour d’appel de Paris
– centralisé au sein de la chambre 5-7 dite de « régulation économique » – en cas de recours pouvant faire l’objet d’un pouvoir en cassation.

La cour d’appel de Paris est également compétente en cas de recours contre les décisions de l’AMF impliquant des non professionnels – c’est-à-dire la grande majorité d’entre elles.

Cette spécificité s’explique par l’histoire de la création de l’AMF. En effet, cette nouvelle autorité administrative indépendante a été instituée par la loi dite de « sécurité financière » du 1er août 2003 (6), dont l’objectif était de simplifier le dispositif français de régulation des marchés financiers. La nouvelle autorité devait ainsi rassembler au sein d’une entité unique l’ensemble des organisations en charge du contrôle des marchés financiers : le Conseil des marchés financiers (CMF) créé en 1996, la Commission des opérations de bourse (COB) créée en 1967 et le Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF) créé en 1989.

Le partage du contentieux des recours contre les décisions de la commission des sanctions de l’AMF entre le Conseil d’État et la cour d’appel de Paris, prévu à l’article L. 621-3 du code monétaire et financier, trouve ainsi son origine dans l’ancienne distinction faite avant 2003 entre le contentieux de la COB, portant sur des abus de marchés susceptibles d’être sanctionnés pénalement et relevant de la juridiction judiciaire, et celui du CMF, relatif exclusivement aux sanctions disciplinaires et relevant de ce fait du Conseil d’État.

La question des voies de recours a été soulevée par le Conseil constitutionnel dans le cadre de sa décision du 18 mars n° 2014-453/454 2015, puisque ce critère est celui qui distingue le régime des professionnels, qu’il juge conforme à la Constitution, de celui des non-professionnels, inconstitutionnel au regard du principe de nécessité des peines du fait de l’unicité des voies de recours. Il est partiellement revenu sur sa jurisprudence dans sa décision n° 2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016, neutralisant les éventuels débats de compétences qui auraient pu émerger en matière de contentieux des abus de marché (cfinfra pour l’analyse détaillée de ces jurisprudences).

Selon les groupes de travail de l’AMF (7) et du Parquet national financier (8), les données chiffrées jusqu’en 2014 présentent le même constat : depuis la création de l’AMF en 2003, le cumul des sanctions administratives et pénales a été en pratique très rare.

Entre le 1er janvier 2004 et le 1er août 2014, 182 procédures ont fait l’objet d’une transmission par l’AMF au parquet de Paris, et au Parquet national financier depuis février 2014 : ce sont donc 18 procédures en moyenne qui étaient chaque année susceptibles de faire l’objet de doubles poursuites pénales et administratives. Le contentieux le plus fréquent est celui des infractions d’initié. Sur les 182 dossiers, 150 ont fait l’objet de décisions de la Commission des sanctions de l’AMF, soit 82 % des rapports d’enquête envoyés au parquet.

Le tableau suivant récapitule l’issue de ces dossiers en matière de sanctions :

LES SUITES APPORTÉES AU PLAN ADMINISTRATIF PAR L’AMF

 

Nombre de dossiers

En %

Nombre de dossiers transmis au pénal

182

 

Décisions de la Commission des sanctions

150

82 %

Sanctions pécuniaires ou disciplinaires de l’AMF

120

65 % du total et 80 % des décisions de la CDS

Mise hors de cause

28

19 % des décisions de la CDS

Prescription/incompétence

2

1 % des décisions de la CDS

Dossier en cours à la date des données

8

4 % du total

Dossier non transmis à la Commission des sanctions

24

13 % du total

Source : groupe de travail de l’AMF.

Sur les suites apportées au plan pénal sur ces 182 procédures, 131 étaient terminées au 1er août 2014 et 50 en cours d’enquête ou en cours d’instruction. Au total, environ 20 % des procédures transmises par l’AMF ont fait l’objet d’un renvoi devant le tribunal correctionnel. L’objectif du Parquet national financier n’est pas, suite à la réforme des procédures, de procéder à un rééquilibrage en faveur du parquet. Il lui apparaît légitime et efficient que, dans le cadre des futures concertations préalables, environ 80 % des dossiers fassent l’objet d’une notification de griefs et non d’une mise en mouvement de l’action publique.

Le graphique suivant présente la répartition des suites apportées au plan pénal dans les procédures transmises au Parquet par l’AMF :

LES SUITES APPORTÉES AU PLAN PÉNAL

Source : groupe de travail du Parquet national financier.

Le groupe de travail du Parquet national financier explique l’importance relative des classements sans suite « sur le fondement de l’existence de poursuites non pénales concomitantes. Il s’agit dès lors d’un classement en opportunité, le magistrat estimant que les faits ne méritaient pas une réponse pénale, eu égard notamment à l’existence d’une sanction administrative déjà prononcée et/ou d’un trouble peu grave à l’ordre public. »

En février 2015, date du rapport du groupe de travail du Parquet national financier, seules 17 procédures sur les 131 terminées ont donné lieu à la fois à une condamnation pénale et à des sanctions administratives, soit 13 % des procédures.

Dans le cas de l’affaire du groupe européen d’aéronautique et de défense (EADS, devenu « Airbus Group »), ayant donné lieu à la question prioritaire de constitutionnalité à l’origine de la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015, la situation était cependant inédite puisqu’il s’agissait d’une poursuite pénale faisant suite à une relaxe de la Commission des sanctions de l’AMF.

La remise en cause du cumul des poursuites et des sanctions suite à la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 et à l’arrêt de la CEDH Grande Stevens du 4 mars 2014 (cf. infra) n’est donc pas de nature à bouleverser l’ensemble des équilibres mis en œuvre en pratique. Néanmoins, en l’absence de double poursuite, la répartition des contentieux via une concertation préalable entre l’AMF et le Parquet national financier revêt une importance accrue, nécessitant une procédure d’aiguillage efficace.

L’émergence du pouvoir de sanction a, dans un premier temps, été perçue comme un empiétement de l’administration sur le pouvoir du juge et une atteinte au principe de séparation des pouvoirs. Il a cependant été validé sur le principe par le Conseil constitutionnel dès 1989, « dès lors, d’une part, que la sanction susceptible d’être infligée est exclusive de toute privation de liberté et, d’autre part, que l’exercice du pouvoir de sanction est assorti par la loi de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis » (9).

Comme le souligne M. Jean-Marc Sauvé dans son allocution à l’occasion d’un colloque sur la notion de sanction de décembre 2013 (10), « quoique délicate, l’acculturation des sanctions administratives dans notre droit s’est bien produite et leur essor s’est accompagné du développement des garanties accordées aux personnes visées par ces sanctions ». Il identifie également un second temps à cette évolution : celui de la « pénalisation » de la répression administrative, et de l’unification des principes qui guide l’application des sanctions, quelle que soit leur entité d’origine. Elle s’exerce notamment sous l’impulsion de la jurisprudence constitutionnelle, qui a érigé la notion générique de « sanction ayant le caractère de punition » (11) sans distinction entre sanction administrative et pénale, et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui depuis 1978 raisonne sur la notion de « matière pénale » (12), indépendamment de la qualification en droit interne.

Le pouvoir de sanction de l’AMF, comme celui des entités auxquelles elle a succédé, est donc guidé par ces évolutions et ces principes. En prolongement de ces réflexions, l’Office parlementaire d’évaluation de la législation, composé de membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, s’était penché dès 2006 sur les autorités administratives indépendantes (AAI) (13) et avait abordé la question des pouvoirs de sanction. Le rapporteur, M. Patrice Gélard, avait constaté à cette occasion que « l’AMF paraît disposer de la procédure de sanction la plus protectrice possible, son organisation distinguant strictement les fonctions de poursuite et de sanction, au sein du collège de l’autorité et d’une commission des sanctions, organe collégial à part entière ».

Selon le groupe de travail de l’AMF (14), « il existe depuis l’attribution des pouvoirs de sanctions à la Commission des opérations de bourse, et surtout depuis la création de l’AMF, une différence considérable dans la politique répressive qui est beaucoup plus efficiente aujourd’hui dans la voie administrative ».

Cette efficacité se décline autour des trois constats suivants, qu’il s’agira cependant de nuancer.

L’articulation entre les deux procédures administrative et pénale revient à confier à l’AMF l’opportunité des poursuites en matière boursière et à priver le Parquet national financier d’un pouvoir entier et global d’appréciation sur ce point. En effet, si l’AMF et le Parquet national financier disposent l’un et l’autre d’un pouvoir autonome de déclenchement des enquêtes en matière boursière, l’AMF possède, de fait, un quasi-monopole. Elle est la seule autorité à disposer d’un service d’enquête interne dédié à la détection des infractions boursières, équipé d’outils informatiques performants lui permettant une surveillance fine des marchés. La Brigade financière de la Préfecture de police de Paris est en retrait dans ce domaine, et ne bénéficie pas des mêmes moyens techniques d’expertise.

Hormis les cas de plainte par une victime ou de dénonciation par un tiers, le parquet est donc dépendant, pour déclencher l’action publique sur les délits d’abus de marché, de l’information transmise par les services de l’AMF. La qualité même de l’enquête policière peut être affaiblie par cette articulation. À titre d’exemple, les moyens d’enquête policière, tel que les interceptions téléphoniques, deviennent inutiles dès lors que les personnes mises en cause sont informées de l’existence de l’enquête, notamment à l’occasion des visites domiciliaires par l’AMF ou de la notification des griefs par le collège de celle-ci.

Cette prédominance de l’enquête administrative n’exclut pas, comme mentionné précédemment, la collaboration entre les deux institutions. Cet échange d’informations est prévu par la loi au titre de l’article L. 621-15-1 du code monétaire et financier, qui dispose que « si l’un des griefs notifiés conformément au deuxième alinéa du I de l’article L. 621-15 est susceptible de constituer un des délits mentionnés aux articles L. 465-1, L. 465-2 et L. 465-2-1, le collège transmet dans les meilleurs délais le rapport d’enquête ou de contrôle au procureur de la République financier ».

Cependant, lors des auditions menées par le Rapporteur, il a été souligné que la transmission de l’ensemble des pièces du dossier, et non plus seulement le seul rapport d’enquête, est nécessaire afin d’éviter l’allongement des délais de l’enquête policière et les redondances préjudiciables à l’efficacité des recherches. En pratique, il semble que les excellentes relations entre le Parquet national financier et l’AMF permettent à ce jour une coopération approfondie, assortie de la transmission des pièces nécessaires au Parquet national financier, lorsqu’il y a mise en mouvement de l’action publique.

Enfin, dès lors que le cumul des poursuites et des peines est impossible, mais qu’a contrario la dualité des enquêtes demeure, une réelle concertation pourrait impliquer la mise en place d’un mécanisme d’information réciproque dès l’ouverture de toute enquête administrative ou pénale, afin notamment de coordonner les actes d’investigation intrusifs, comme les perquisitions, les mesures de saisies ou d’auditions. Il ne s’agirait en aucun cas de faire découler de ce principe une confusion entre les personnels enquêteurs, le service de surveillance de l’AMF demeurant strictement indépendant et autonome vis-à-vis du Parquet national financier et de la Brigade financière.

La prédominance de l’enquête administrative sur l’enquête pénale ne résulte pas des textes, mais bien de la capacité opérationnelle des forces en présence. La décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 ne remet pas en cause le cumul des enquêtes, qui pourront continuer à se dérouler de manière indépendante en amont de la procédure de concertation préalable et d’aiguillage.

Le rapport du groupe de travail de l’AMF du 19 mai 2015 procède à une comparaison des sanctions prononcées dans la même affaire, qui révèle que, dans la très grande majorité des cas, le montant des sanctions administratives prononcées est nettement plus élevé que celui des amendes prononcées par les juridictions pénales. Il a déjà été exposé précédemment que le législateur a prévu des amendes pénales dont le montant maximal est inférieur à celui fixé pour les sanctions pécuniaires de l’AMF, ce qui fonde en partie le constat qui va suivre.

Le montant des sanctions imposées par l’AMF sur l’échantillon des 182 dossiers transmis au Parquet a ainsi dépassé 117 millions d’euros alors que celui des sanctions pénales a été de 2,9 millions d’euros seulement dans la même période, sachant que les juridictions pénales ordonnent généralement la confusion de l’amende pénale avec la sanction administrative prononcée (2,2 millions d’euros ont été imputés sur 2,9, soit 700 000 euros de sanction « effective ») correspondant à 0,6 % des sanctions AMF.

Les sanctions pécuniaires prononcées par la commission des sanctions sont substantielles, mais l’AMF peut rencontrer des difficultés à recouvrer l’ensemble des sommes. Lors de l’audition du secrétaire général de l’AMF par le Rapporteur, il lui a été confirmé que si 95 % de sanctions pécuniaires prononcées à l’égard de résidents français étaient recouvrées, cette proportion n’était pas atteinte pour les personnes étrangères condamnées.

Le montant moyen des sanctions pécuniaires administratives est d’environ 1 million d’euros selon l’analyse du groupe de travail du Parquet national financier, avec 23 % des procédures ayant donné lieu au prononcé d’une sanction d’au moins 1 million d’euros. Parallèlement, le montant moyen des sanctions pécuniaires pénales s’élève à 166 388 euros. Il faut cependant noter que cette tendance générale connaît quelques exceptions (15).

Par ailleurs, comme démontré précédemment sur la question du cumul des sanctions, le nombre de condamnations au pénal est en effet moins élevé que le nombre de condamnations administratives. Cependant, cette volonté du juge judiciaire de ne pas procéder de manière automatique à un cumul des sanctions ne doit pas être exclusivement perçue comme un manque d’efficacité de la procédure pénale, mais bien comme une régulation, en pratique, de l’application d’un système dual de poursuites et de sanctions.

De plus, l’article L. 621-16 du code monétaire et financier précise que « lorsque la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les mêmes faits ou des faits connexes, celui-ci peut ordonner que la sanction pécuniaire s’impute sur l’amende qu’il prononce ». Dans ces conditions, le groupe de travail du Parquet national financier souligne que « le prononcé de deux sanctions financières dans deux procédures distinctes paraît peu pertinent ».

Le fait que la sanction pénale intervienne le plus souvent dans un second temps à la suite de l’enquête des services de l’AMF, ajouté à la possibilité de confusion des peines, constitue des facteurs d’explication du caractère moins répressif de l’amende pénale.

Les peines d’emprisonnement prononcées par le juge pénal demeurent peu répressives. Elles ne sont pourtant pas exceptionnelles : 18 % des peines prononcées sur le panel étudié ont fait l’objet d’une peine d’emprisonnement uniquement, et 41 % ont fait l’objet d’une amende assortie d’une peine d’emprisonnement.

Cependant, l’ensemble de ces peines ont été assorties du sursis total, et la durée moyenne d’emprisonnement prononcé est de 9,3 mois. La durée la plus élevée d’emprisonnement avec sursis s’élève à 20 mois. La peine maximale encourue, à savoir un ou deux ans d’emprisonnement prévu par loi et jusqu’à sept ans dans le cas de certains délits d’initié, n’est donc jamais appliquée.

Le faible montant des amendes et l’application peu sévère des peines d’emprisonnement démontrent que le traitement de la délinquance économique est quelque peu sous-estimé par le juge pénal. Le relèvement des peines pénales encourues imposé par la directive européenne « MAD 2 » 2014/57/UE, conjugué à la réforme en matière de cumul des voies procédurales consécutive à la décision du Conseil constitutionnel, n’aura pas nécessairement d’impact sur les peines prononcées effectivement par le juge. Cependant, la création du Parquet national financier, spécialisé dans les délits boursiers (cf. infra), constitue sans aucun doute une opportunité de modifier l’approche pénale des abus de marché par l’institution judiciaire.

Selon le rapport précité du groupe de travail de l’AMF, les délais de traitement sont beaucoup plus élevés dans la voie pénale « en raison notamment des délais liés aux incidents de procédure et aux lourdeurs de l’instruction ». Ainsi, les délais de jugement des affaires les plus complexes auraient été très supérieurs à dix années, contre un délai moyen de traitement de deux ans et demi devant la commission des sanctions. De même, depuis 2004, sur les dix dossiers boursiers les plus importants le délai entre la date d’ouverture de l’enquête et la date de la décision de sanction a été de plus de 78 mois en moyenne dans le cadre de la procédure pénale, contre 39 mois dans la procédure administrative.

La procédure pénale est en effet, par nature, plus lourde que la procédure administrative. C’est une des conséquences de la protection maximale des droits de la défense qui la caractérise. Les voies de recours sont également plus longues dès lors que le contentieux relève de l’autorité judiciaire : alors que le Conseil d’État statue en premier et dernier ressort concernant les décisions de l’AMF relevant du juge administratif, la voie pénale prévoit la possibilité d’un pourvoi en cassation des jugements de la cour d’appel de Paris.

De surcroît, comme le souligne le groupe de travail du Parquet national financier (16), il semblerait que, dans le cadre des abus de marché, la longueur des procédures serait également imputable aux modalités d’articulation entre les poursuites administratives et pénales. En effet, si le délai moyen entre l’ouverture de l’enquête par l’AMF et la décision de la Commission des sanctions (31,7 mois) est bien plus court que celui constaté entre l’ouverture de l’enquête de l’AMF et la décision du tribunal correctionnel (46,8 mois), cela est en partie imputable au fait que la transmission des affaires au parquet intervient tardivement après la phase d’enquête de l’AMF. Le délai moyen entre la transmission de la procédure par l’AMF au parquet et la décision du tribunal correctionnel est en réalité de 31,3 mois, soit un délai de traitement équivalent, sur le panel considéré, à celui de l’AMF.

La transmission au Parquet national financier des rapports au stade de la notification des griefs engendre ainsi un décalage temporel inévitable entre les procédures administrative et pénale. L’AMF, qui a déjà effectué son enquête, peut immédiatement entreprendre la phase d’instruction qui consiste en une phase de contradictoire avec les personnes mises en cause et leurs conseils, puis la phase de jugement. Au contraire, lorsque le parquet reçoit la procédure de l’AMF, il doit saisir d’abord un service d’enquête, le cas échéant, un juge d’instruction pour procéder à une nouvelle enquête.

L’un des éléments à l’origine de l’efficacité et de la réactivité de l’AMF en matière de répression des abus de marché est la forte spécialisation des équipes en charge des dossiers, la matière financière nécessitant par nature une haute technicité.

Le Parquet national financier (PNF) a été créé par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Il s’agit d’un parquet à compétence nationale, distinct du parquet de Paris. Il est en charge de la lutte contre la corruption et la fraude fiscale ainsi que de la répression des abus de marché dans le cadre de contentieux qui se caractérisent par leur grande complexité. Le Parquet national financier se voit reconnaître des compétences d’attribution, partagées avec les parquets des juridictions territorialement compétentes et ceux des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), sur le fondement de l’article 705 du code de procédure pénale. L’article 705-1 du même code définit quant à lui une compétence exclusive du Parquet national financier en matière de délits boursiers : « Le procureur de la République financier et les juridictions d’instruction et de jugement de Paris ont seuls compétence pour la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus aux articles L. 465-1, L. 465-2 et L. 465-2-1 du code monétaire et financier. Cette compétence s’étend aux infractions connexes. Le procureur de la République financier et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national. »

Composé de quinze magistrats hautement spécialisés, ce nouveau parquet est amené à monter en puissance et à renforcer l’efficacité de la procédure pénale en matière de répression des abus de marché. Conjugué à la fin du cumul des poursuites et des sanctions, qui, comme nous venons de le démontrer, a nui au caractère opérationnel de l’intervention du juge pénal, le Parquet national financier devrait pouvoir raccourcir ses délais de jugement, et s’affirmer comme le second pilier essentiel de lutte contre la délinquance financière.

La règle du ne bis in idem n’apparaît pas dans la Constitution de 1958. Elle se trouve inscrite dans le cadre d’une disposition du code de procédure pénale à l’article 358, dans une rédaction du 2 mars 1959 qui n’a pas été modifiée depuis : « aucune personne acquittée légalement ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits, même sous une qualification différente ». La jurisprudence du Conseil constitutionnel n’a jamais abouti à conclure que ce principe avait valeur constitutionnelle.

Cependant, il a eu à se prononcer sur le respect de ce principe à de nombreuses reprises, et notamment en matière boursière lors de l’examen de la loi n° 89-531 du 2 août 1989, qui investissait la Commission des opérations de bourse d’un pouvoir de sanction (17). À l’occasion de la saisine du Conseil constitutionnel par soixante sénateurs, ces derniers ont soulevé la question de la conformité du cumul des sanctions au principe de valeur constitutionnelle selon lequel « une même personne ne peut pas être punie deux fois pour le même fait ». Le rapport précité note cependant que le Conseil n’avait pas, avant cette date, une jurisprudence tranchée sur le sujet. Pour preuve, la décision n° 89-260 du 28 juillet 1989 en réponse à cette saisine affirme que « sans qu’il soit besoin de rechercher si le principe dont la violation est invoquée a valeur constitutionnelle, il convient de relever qu’il ne reçoit pas application au cas de cumul entre sanctions pénales et sanctions administratives ».

Le Conseil constitutionnel n’a pas modifié sa position sur le cumul des sanctions administratives et pénales dans sa jurisprudence ultérieure. Il a cependant encadré la mise en œuvre d’un cumul de sanction sur le fondement de deux autres principes dont la valeur constitutionnelle est quant à elle affirmée de longue date.

Le principe de nécessité des peines découle de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, et fait donc partie intégrante du bloc de constitutionnalité : « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. » D’autres principes résultent de cette disposition, à savoir le principe de légalité des délits et des peines, le principe de non-rétroactivité et le respect du principe des droits de la défense.

Ces exigences ne concernent pas que les peines de nature pénale, le Conseil ayant étendu son application « à toute sanction ayant le caractère d’une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire » (18). Cette « judiciarisation » des sanctions administratives a permis de renforcer les garanties juridiques entourant leurs modalités et la protection des droits de la défense qui doit en résulter. Cependant, cette notion de « sanction ayant le caractère de punition », ayant pour conséquence de gommer la distinction entre sanction pénale et administrative, n’a pas été appliquée en matière de cumul des sanctions sur le fondement d’une atteinte à la nécessité des peines.

En effet, le Conseil constitutionnel s’est refusé à considérer les sanctions administratives comme de nature pénale, dès lors que la question du cumul était soulevée. Il a par ailleurs validé la possibilité du cumul des qualifications, puisque le principe de nécessité des peines « n’interdit pas au législateur de prévoir que certains faits puissent donner lieu à différentes qualifications pénales » (19), mais également le cumul des poursuites puisque « le principe de nécessité des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature disciplinaire ou administrative en application de corps de règles distincts devant leurs propres ordres de juridiction ». Ce dernier considérant, issu de la décision n° 2012-289 QPC du 17 janvier 2013 se prononçant sur la saisine d’un requérant invoquant l’atteinte au principe ne bis in idem, est repris de manière presque identique dans la décision du 18 mars 2015, dont la conclusion est pourtant bien différente.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a validé de manière constante le principe du cumul des sanctions sur le fondement d’une différence de nature entre les sanctions, mais en y ajoutant une condition tenant au respect du principe de proportionnalité des peines. Dans sa décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, au considérant 41, le Conseil affirme ainsi que : « considérant que, toutefois, lorsqu’une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues ; qu’il appartiendra donc aux autorités administratives et judiciaires compétentes de veiller au respect de cette exigence. » Cette jurisprudence n’a jamais été remise en cause, y compris dans la décision du 18 mars 2015.

Cette position du Conseil constitutionnel a conforté, pendant plus de vingt ans, le caractère constitutionnel du cumul des poursuites et des sanctions pénales et administratives.

La jurisprudence des deux juridictions suprêmes des ordres administratif et judiciaire est conforme à la position du juge constitutionnel, alors même que cette position aurait pu entrer en conflit avec le contrôle de conventionalité exercé par les juridictions. Elle diffère sur certains points, du fait de l’application du droit européen. C’est par exemple sur cette base que le Conseil d’État a considéré en 2005 que l’AMF, lorsqu’elle exerce son pouvoir de sanction, doit être « regardée comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale, au sens de la Convention européenne des droits de l’homme ». La référence au droit européen ne contredit donc pas l’interprétation du Conseil constitutionnel, qui se fonde quant à elle sur la Constitution et des principes à valeur constitutionnelle.

La hiérarchie des normes et l’application des principes issus du droit européen

L’application des textes européens et leur interprétation par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’imposent au juge national par le biais du contrôle de conventionalité. Ce dernier a été consacré par les célèbres jurisprudences de la Cour de cassation (Cour de cassation, 24 mai 1975, Société des cafés Jacques Vabre) et du Conseil d’État (Conseil d’État, 20 octobre 1989, Nicolo).

Pour rappel, le droit européen a en effet une valeur supérieure à celle de la loi dans la hiérarchie des normes, en vertu de l’article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. »

Le Conseil constitutionnel a, selon une jurisprudence constante, refusé d’être juge de la conventionalité, et donc de la conformité entre les lois et le droit de l’Union européenne – hormis sous le biais de l’obligation de transposition des directives européennes, découlant de l’article 88-1 de la Constitution. Il a ainsi rappelé à plusieurs reprises « la place, au sommet de l’ordre juridique interne, de la Constitution française » (par exemple : décisions n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 ou décision n° 2007-560 DC du 20 décembre 2007 sur le Traité de Lisbonne).

C’est pourquoi l’ensemble des textes européens consacrant le principe ne bis in idem n’ont pas trouvé d’application dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et ne sont pas explicitement invoqués dans celle en date du 18 mars 2015 qui, sur le fond, s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence de la CEDH.

Le principe ne bis in idem est un principe reconnu dans le droit européen, qui trouve donc à s’appliquer à la loi nationale dans le cadre du contrôle de conventionalité exercé par les juridictions. Malgré cela, la Cour de cassation a refusé de manière constante de faire droit aux demandes fondées sur l’article 4 du protocole additionnel instituant le principe ne bis in idem, sur le fondement de la réserve formulée par la France quant à son application (20) (cf. infra). Cette position a permis aux juridictions françaises de ne pas entrer en conflit jurisprudentiel avec le Conseil constitutionnel, sur des fondements différents de ceux invoqués par celui-ci.

L’instauration d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en 2010 a néanmoins engendré des saisines d’un nouveau genre, au titre du non-respect du principe ne bis in idem. Les deux cours suprêmes se sont donc trouvées dans la nécessité d’exercer leur compétence de « filtre » sur cette question. Comme le souligne le rapport précité du Club des juristes, entre 2010 et 2014, la Cour de cassation et le Conseil d’État ont systématiquement refusé de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité du pouvoir de sanction de l’AMF à la règle ne bis in idem, au motif que le Conseil constitutionnel s’était déjà prononcé sur cette question (21).

Cependant, suite à la décision Grande Stevens de la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation a procédé à un revirement de jurisprudence en acceptant de transmettre au Conseil constitutionnel plusieurs QPC sur ce sujet, au regard « du caractère sérieux de la question » pour des faits « susceptibles de porter une atteinte injustifiée au principe ne bis in idem », bien que ce principe ne soit pas élevé au niveau constitutionnel. C’est à la suite de cette décision de la Cour de cassation que le Conseil constitutionnel a pu se prononcer dans sa décision novatrice du 18 mars 2015.

Dans l’arrêt Grande Stevens de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), le Gouvernement italien invoque pour sa défense que la dualité des sanctions administratives et pénales est une « tradition constitutionnelle commune aux États membres ». Si cet argument n’a pas permis de donner gain de cause au gouvernement italien, il ressort cependant d’un récent rapport de la direction de l’initiative parlementaire et des délégations du Sénat (22) sur les régimes en vigueur en France, en Italie, au Pays-Bas et au Royaume-Uni qu’il s’agit en effet d’une application largement partagée en Europe en matière d’abus de marché.

Ce rapport, qui avait pour objectif de nourrir les réflexions menées par les sénateurs Albéric de Mongolfier et Claude Raynal dans le cadre de la rédaction d’une proposition de loi visant à mettre en conformité le droit français, tire deux conclusions principales de la comparaison des exemples étrangers :

− les quatre régimes étudiés prévoient à la fois des sanctions pénales et administratives, parfois pour les mêmes faits ;

− si l’Italie n’a pas encore résolu la difficulté qui a conduit à sa condamnation par la CEDH, les trois autres États ont prévenu le risque de double sanction.

L’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont tous trois mis en place des garanties procédurales visant à encadrer le cumul des sanctions, et à réguler l’articulation entre les décisions administratives et le jugement pénal. Ainsi, si la dualité des sanctions existe dans les textes, le cumul est quant à lui davantage encadré qu’il ne l’était en France avant la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015.

Les trois solutions pour prévenir le risque d’une double sanction

« En Allemagne, lorsqu’une affaire relevant de la compétence de la juridiction pénale est transmise au procureur, l’autorité de régulation des marchés suspend la procédure administrative jusqu’à la décision finale du juge pénal.

« Au Royaume-Uni se combinent la multiplicité des entités susceptibles d’instruire des poursuites et d’infliger des sanctions et le souci de respecter le principe du ne bis in idem. Il s’ensuit que l’autorité de régulation a rédigé un guide de bonnes pratiques et a élaboré un document-cadre qui précise les modalités de sa coopération avec les autres autorités de même nature et avec les autorités pénales. Existe aussi une « convention des procureurs » qui détermine les responsabilités de ces derniers lorsqu’un comportement peut faire l’objet de sanctions criminelles ou civiles et administratives et/ou lorsque plusieurs autorités compétentes en matière de poursuite et d’investigation peuvent agir de façon concurrente.

« Un modèle analogue est retenu aux Pays-Bas où les autorités fiscales, le parquet et les autorités de régulation ont conclu un véritable accord qui, réaffirmant le principe ne bis in idem, fixe leurs obligations respectives. Il s’ensuit que lorsque le ministère public ou le service des Impôts a connaissance d’une violation de la législation relative au contrôle financier, ils en informent l’autorité chargée de ce contrôle, en vue de l’« harmonisation » (afstemming) ex ante des suites à donner. Réciproquement, si l’autorité chargée du contrôle du respect de la législation financière a l’intention d’infliger une sanction administrative en vertu de celle-ci, elle en informe le ministère public en vue de la même « harmonisation » (qui semble aller plus loin qu’une simple « concertation ») des suites à donner.

« Dans chacun de ces trois régimes, l’existence d’un double dispositif de sanctions (pénales, d’une part, et administratives, de l’autre) ne semble donc pas avoir nécessité de modification de la législation en vigueur, le respect du principe ne bis in idem étant garanti. »

Source : synthèse de la note de la Direction de l’initiative parlementaire et des délégations du Sénat (rapport précité)

L’article 4 du protocole additionnel dispose que « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État ».

Cet article érige ainsi la règle dite ne bis in idem, « pas deux fois pour les mêmes faits »  (23), au rang de liberté fondamentale devant être garantie par l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe, sous le strict contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme.

Article 4 du protocole n° 7 – Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois

« 1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

« 2. Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

« 3. Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la Convention (24). »

Cependant, lors de la ratification du protocole additionnel, la France a ajouté en 1986 une réserve à l’application de cet article : « le Gouvernement de la République française déclare que seules les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale doivent être regardées comme des infractions au sens des articles 2 à 4 du présent protocole ». L’Allemagne, l’Autriche, le Portugal et l’Italie avaient prévu des réserves similaires. L’arrêt Grande Stevens de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 4 mars 2014, concernant le cumul des sanctions en matière d’abus de marché dans le régime italien, n’a cependant pas considéré que cette réserve suffisait à rendre le principe ne bis in idem applicable en l’espèce (cf. infra pour l’analyse détaillée de cette jurisprudence).

Préalablement à cet arrêt rendu en 2014, la Cour avait d’ores et déjà dégagé les critères permettant de qualifier la nature d’une sanction, indépendamment de celle qui lui était attribuée en vertu du droit national (administrative ou pénale). La nature de l’infraction se déduit ainsi de la détermination des intérêts protégés, ainsi que du degré de sévérité de la sanction. La Cour a ainsi amorcé, depuis l’arrêt Engel et autres c. /Pays-Bas du 8 juin 1976, un mouvement de « pénalisation » de la répression administrative, en recherchant dans toute infraction le caractère pénal de celle-ci (25).

Cette qualification emporte non seulement l’application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, mais impacte également l’ensemble des contentieux fondés sur la distinction entre sanction pénale et sanction administrative.

L’article 50 de la Charte dispose que « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi. »

L’article 51 dispose quant à lui que la Charte s’applique aux États membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. C’est le cas de la répression des abus de marché, réglementée dans le cadre de la directive 2014/57/UE et du règlement n° 596/2014, faisant l’objet d’une transposition dans le cadre de la présente proposition de loi.

Articles 50 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

Article 50

Droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction

Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi.

Article 51

Champ d’application

1.   Les dispositions de la présente Charte s’adressent aux institutions, organes et organismes de l’Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu’aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l’application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l’Union telles qu’elles lui sont conférées dans les traités.

2.   La présente Charte n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l’Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies dans les traités.

Aucune réserve n’a été formulée par l’État français lors de l’adoption de la Charte en 2007.

Dans une décision récente de 2014 (26), la Cour de cassation française a rejeté un recours fondé sur l’article 50, en admettant le cumul des sanctions au regard de l’application de l’article 52 de cette même Charte : « l’article 50 de la [Charte] ne s’oppose pas à ce qu’une personne sanctionnée pour un manquement relevant de la compétence de l’AMF puisse, en raison des mêmes faits, être poursuivie et condamnée pour un délit dès lors que, d’une part, ce cumul garantit la sanction effective, proportionnée et dissuasive, au sens de l’article 14-1 de la Directive MAD 2 n° 2003/6/CE du 28 janvier 2003, dont dépend la réalisation de l’objectif d’intérêt général reconnu par l’Union européenne, entrant dans les prévisions de l’article 52 de la Charte (27) et tendant à assurer l’intégrité des marchés financiers communautaires et à renforcer la confiance des investisseurs, d’autre part, le montant global des amendes susceptibles d’être prononcées ne peut dépasser le plafond de la sanction encourue la plus élevée ».

Cette décision, critiquée par la doctrine, démontre cependant une certaine cohérence avec le raisonnement à l’œuvre dans la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015, bien que les critères et les fondements invoqués diffèrent.

L’interprétation du champ d’application et de la portée de l’article 50 par la CJUE dans l’arrêt Aklagaren c/Hans Akerberg Fransson (28)

Saisie d’une question préjudicielle relative à l’interprétation de cet article, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a considéré que :

« le principe non bis in idem énoncé à l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne s’oppose pas à ce qu’un État membre impose, pour les mêmes faits de non-respect d’obligations déclaratives dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée, successivement une sanction fiscale et une sanction pénale dans la mesure où la première sanction ne revêt pas un caractère pénal, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier ».

Elle suit en cela la logique adoptée dans la jurisprudence de la CEDH. La CJUE rappelle à ce titre dans les motifs de sa décision que :

« aux fins de l’appréciation de la nature pénale de sanctions fiscales, trois critères sont pertinents. Le premier est la qualification juridique de l’infraction en droit interne, le deuxième la nature même de l’infraction et le troisième la nature ainsi que le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé (arrêt du 5 juin 2012, Bonda, C 489/10, point 37).

« Il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, à la lumière de ces critères, s’il y a lieu de procéder à un examen du cumul de sanctions fiscales et pénales prévu par la législation nationale par rapport aux standards nationaux au sens du point 29 du présent arrêt, ce qui pourrait l’amener, le cas échéant, à considérer ce cumul comme contraire auxdits standards, à condition que les sanctions restantes soient effectives, proportionnées et dissuasives. »

Source : Rapport du Club des juristes (29)

Avec une constance remarquable, la Cour européenne des droits de l’homme interprète ce principe avec une rigueur particulière. En effet, depuis l’affaire Gradinger c/ Autriche du 23 octobre 1995 (30), la Cour reconnaît qu’un État viole le principe ne bis in idem lorsque, indépendamment de la qualification juridique donnée à certains faits, il inflige deux sanctions pour des comportements identiques.

Il convient de noter que la France, lors de la signature du protocole n° 7, a émis une réserve concernant l’article 4, selon laquelle seules les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale doivent être regardées comme des infractions au sens des articles 2 à 4 dudit protocole. Il pourrait donc être tiré argument de cette réserve pour considérer que le raisonnement des juges européens ne peut être transposé dans l’ordre juridique interne, ce qui a été décidé à plusieurs reprises par les tribunaux français pour écarter les prétentions de requérants se fondant sur le principe posé par l’article 4 précité.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la portée d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme est limitée au cas d’espèce, et qu’il ne remet en cause de façon automatique ni la jurisprudence ni le droit positif de l’État intéressé, ou de ceux des États dont les systèmes sont comparables. Il ouvre droit, pour la personne lésée, à une « satisfaction équitable » de la part de l’État, équivalente à un dédommagement du préjudice subi.

Le caractère déclaratoire des arrêts de la Cour ne doit cependant pas conduire à minimiser leur portée réelle qui, en pratique, est considérable.

Les États se sont en effet engagés à se conformer aux arrêts de la Cour dans les litiges qui les concernent. Cet engagement moral et politique trouve sa traduction juridique dans la combinaison des articles 1er (31) et 46 (32) de la Convention.

Par ailleurs, l’objection tirée du caractère inopérant de la jurisprudence européenne pour raisonner en matière constitutionnelle ou pour refuser d’invoquer un « changement de circonstances » susceptible de justifier une question prioritaire de constitutionnalité, est contestable. On ne peut que souhaiter, en effet, que les jurisprudences du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’homme convergent lorsque cela est techniquement possible et théoriquement opportun.

La décision récente de la Cour européenne des droits de l’homme, faisant application sans aucune ambiguïté du principe ne bis in idem en matière boursière, dans le cadre du système italien tout à fait semblable au système français, mérite d’y porter une attention particulière tant cette jurisprudence, ainsi que celle du Conseil constitutionnel qui a suivi, sont à l’origine des dispositions de la présente proposition de loi.

Le 4 mars 2014, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Italie pour violation du principe ne bis in idem en raison du prononcé successif de sanctions relatives à des faits de fausse information du marché, envers trois personnes physiques et deux sociétés (33). Ces manquements avaient été sanctionnés d’une part par la CONSOB (34), conduisant au prononcé d’amendes administratives allant de 600 000 à 1,2 million d’euros, et d’interdictions de diriger des sociétés cotées, puis d’autre part, par le juge pénal italien.

Cette première décision dans le domaine des abus de marché s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour européenne, rappelée supra.

La Cour développe dans un premier temps un raisonnement bien établi selon lequel les sanctions pécuniaires susceptibles d’être infligées par les autorités de régulation du marché sont de nature pénale au sens de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour a ainsi rappelé que « la coloration pénale d’une instance est subordonnée au degré de gravité de la sanction qu’est a priori passible la personne concernée ». Par ailleurs, concernant l’interdiction temporaire d’administrer, de contrôler ou de diriger des sociétés cotées en bourse que l’autorité administrative italienne avait infligée aux requérants, la Cour a relevé que cette sanction était de nature à « porter atteinte au crédit » et à « l’honorabilité » de ces personnes. En conséquence, les sanctions infligées par la CONSOB relevaient bien, du fait de leur sévérité, de la matière pénale.

Nul doute qu’un raisonnement identique s’appliquerait dans le cas des sanctions pécuniaires pouvant être infligées par l’AMF, et dont la sévérité a été constamment renforcée. Les plafonds des sanctions susceptibles d’être prononcées par la commission des sanctions ont dernièrement été relevés par la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010 (35). Ainsi, le plafond de 10 millions d’euros applicable à certains professionnels régulés par l’AMF (36) a été porté à 100 millions d’euros, et le plafond de 1,5 million d’euros applicables à certaines personnes physiques placées sous l’autorité d’entités régulées a été porté à 15 millions d’euros, pour les faits commis postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.

Le Gouvernement italien avait, lors de la signature du protocole n° 7, émis une réserve quant à l’interprétation de ses articles 2 à 4, indiquant que ces dispositions ne doivent s’appliquer qu’aux dispositions expressément qualifiées de pénales en droit italien.

La Cour a déclaré irrecevable cette réserve au motif qu’elle contrevenait aux dispositions de l’article 57 de la Convention. Cette disposition n’autorise les réserves que dans la mesure où une loi alors en vigueur dans l’État en cause n’est pas conforme à la disposition sur laquelle porte la réserve. Sont en revanche interdites les réserves de caractère général.

Or, la Cour a relevé l’absence dans la réserve en question d’un « bref exposé » de la loi ou des lois prétendument incompatibles avec l’article 4 du protocole n° 7, et a condamné cette réserve qui n’invoque ni ne mentionne les dispositions spécifiques de l’ordre juridique excluant des infractions ou des procédures du champ d’application de l’article 4 du protocole n° 7, n’offre pas à un degré suffisant la garantie qu’elle ne va pas au-delà des dispositions explicitement écartées par l’État.

La réserve formulée par la France est ainsi libellée : « Le Gouvernement de la République française déclare que seules les infractions relevant en droit français de la compétence des tribunaux statuant en matière pénale doivent être regardées comme des infractions au sens des articles 2 à 4 du présent Protocole. »

Il est donc certain que la réserve française n’est pas valable du point de vue de la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci a d’ailleurs indiqué, dans le considérant 204 de sa décision, que l’argument selon lequel la réserve italienne était similaire à celle d’autres pays, dont la France, était inopérant.

Le cœur de la décision se trouve dans la portée conférée par la Cour au principe ne bis in idem. Cette analyse de la décision permet de comprendre les choix qui sont opérés par la présente proposition de loi.

En substance, la Cour a indiqué que le principe trouve à s’appliquer dès lors que deux critères sont remplis :

– les deux procédures sont de nature pénale ;

– les incriminations viennent sanctionner des comportements identiques qui se rapportent aux mêmes faits (37).

Lorsque ces deux conditions sont cumulativement remplies, la Cour énonce l’obligation de mettre fin aux poursuites toujours en cours dès lors qu’un jugement définitif est intervenu.

La Cour indique clairement que la garantie offerte par l’article 4 du protocole n° 7 entre en jeu « lorsque de nouvelles poursuites sont engagées » (§ 220) ou lorsque les deuxièmes poursuites ouvertes entre-temps « n’ont pas été arrêtées » (§ 223) et que « la décision antérieure d’acquittement ou de condamnation est déjà passée en force de chose jugée » (§ 220).

En prohibant l’ouverture de poursuites, pénales en l’occurrence, alors qu’une procédure répressive administrative a été définitivement clôturée, la Cour interdit :

– l’engagement de nouvelles poursuites pour des faits définitivement jugés selon une procédure de même nature ;

– a fortiori, le prononcé d’une deuxième sanction pour des faits déjà passés en force de chose jugée.

En revanche la Cour autorise la coexistence des poursuites dès lors qu’aucune décision n’est encore intervenue.

L’analyse de la décision permet donc d’observer que le cumul, ou la coexistence de deux procédures de poursuites reste possible, temporairement, tant qu’aucune décision définitive n’a été rendue.

Cette remarque permet de bien comprendre l’articulation des décisions européennes et constitutionnelles.

Le Rapporteur souligne toutefois que puisque l’une des deux poursuites a nécessairement vocation à tomber, ce cumul « mort-né » n’a en réalité aucune consistance juridique. Par ailleurs, l’autorisation d’un cumul temporaire des poursuites impliquerait une curieuse course contre la montre entre deux autorités d’un même pays, source d’incompréhension, de complexité et de duplication, en pure perte, des moyens de l’État. Aussi, la portée maximaliste qu’a donné le Conseil constitutionnel au principe de non-cumul sera à privilégier dans la mise en place de la réforme de la répression des abus de marché.

Le 18 mars 2015, se fondant sur le principe de la nécessité des délits et des peines, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution le cumul des poursuites et des sanctions administratives et pénales en matière financière prévus par les articles L. 465-1 et L. 621-15 du code monétaire et financier (38).

La décision du 18 mars 2015 a largement circonscrit l’interdiction de cumul en la subordonnant à quatre critères cumulatifs :

– l’identité des faits (considérant 24) ;

– la similitude de nature des sanctions encourues (considérant 26) ;

– la finalité identique des régimes répressifs (considérant 25) ;

– le fait que les poursuites et sanctions prononcées relèvent du même ordre de juridiction (considérant 27).

Mais, au-delà de cette limitation du champ de l’interdiction du cumul des sanctions, la décision du Conseil constitutionnel a interprété le principe de nécessité des peines comme interdisant également le cumul des poursuites.

C’est l’affaire du groupe européen d’aéronautique et de défense (EADS, devenu « Airbus Group »), dite « affaire EADS » qui a donné lieu aux questions prioritaires de constitutionnalité à l’origine de la décision du Conseil constitutionnel.

En l’espèce, la commission des sanctions de l’AMF a mis hors de cause en 2009 les sociétés actionnaires Lagardère SCA et Daimler AG et sept dirigeants et ex-dirigeants du groupe aéronautique soupçonnés d’avoir commis un manquement d’initié. Malgré cette décision, un procès pour délits d’initié, concernant les mêmes personnes et les mêmes faits, s’est ouvert devant le tribunal correctionnel de Paris en octobre 2014. La justice leur reprochait de s’être enrichis indûment en vendant leurs stock-options, principalement en novembre 2005 et mars 2006, alors qu’ils auraient eu connaissance d’informations privilégiées quant aux difficultés des programmes A350 et A380 du groupe.

La procédure pénale a été suspendue suite à la question prioritaire de constitutionnalité déposée par les prévenus.

Arguant notamment du fait que l’arrêt Grande Stevens, était « de nature à constituer un changement de circonstances », la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui a pour rôle de filtrer les questions de constitutionnalité, s’est résolue à saisir le Conseil constitutionnel de trois QPC portant, à titre principal, sur la conformité à la Constitution des articles L. 465-1, relatif au délit d’initié réprimé par le juge pénal, et L. 621-15 du code monétaire et financier, relatif au manquement d’initié réprimé par la commission des sanctions de l’AMF, et faisant valoir que présentait un « caractère sérieux » le grief tiré de ce que ces dispositions, en permettant le cumul de poursuites pénales et de poursuites devant la commission des sanctions de l’AMF définitivement jugées, porterait « une atteinte injustifiée au principe ne bis in idem ».

Suite à la décision du Conseil constitutionnel, le tribunal correctionnel n’a pu que constater l’extinction de l’action publique suite à la décision du Parquet de ne pas requérir la continuation des poursuites.

Point sur les cinquante-neuf dossiers pénaux en cours au 18 mars 2015 (39)

Vingt dossiers ont été touchés par la décision du Conseil constitutionnel, car l’AMF avait déjà définitivement statué. Ont été rendues des décisions mettant fin à la procédure pénale, sans condamnation ni prononcé de sanctions :

– décisions de classement sans suite prises par le parquet (40)  ;

– ordonnances de non-lieu rendues par les juges d’instruction ;

– jugements du tribunal correctionnel mettant fin aux poursuites.

En ce qui concerne les trente-neuf dossiers qui n’ont pas été touchés par la décision du Conseil constitutionnel :

– deux dossiers ont fait l’objet d’un jugement pénal ; ce qui signifie par principe que l’AMF n’avait pas elle-même procédé au prononcé de sanctions concernant les mêmes faits et les mêmes personnes ;

– dix dossiers ont fait l’objet d’un classement sans suite ou d’une ordonnance de non-lieu pour un autre motif que celui de la décision du Conseil constitutionnel (absence d’infractions, absence d’éléments suffisamment caractérisés, etc.) ;

– un dossier est actuellement sur le point d’être jugé ; pour ce dossier, l’AMF a déjà procédé à des condamnations. Lorsque le tribunal se réunira, il appréciera si la décision du Conseil constitutionnel est susceptible de s’appliquer et en fonction de sa position, il pourra s’agir d’un vingt-et-unième dossier touché par la décision du Conseil constitutionnel ;

– dix dossiers sont toujours ouverts à l’information judiciaire. Pour certains des faits visés par ces procédures, des enquêtes par les services de l’AMF peuvent être également en cours ; l’AMF laissera donc nécessairement la main au parquet pour ces affaires ;

– seize dossiers sont toujours en enquête préliminaire ; pour certains des faits visés par ces procédures, des enquêtes par les services de l’AMF peuvent être également en cours ; pour ces dossiers, la procédure de concertation obligatoire avec l’AMF est susceptible de s’appliquer à l’avenir.

À première vue, mais à première vue seulement, la décision du Conseil s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour européenne.

La convergence des deux jurisprudences tient à la fois au constat d’inconstitutionnalité lui-même et à deux des critères sur lequel il est fondé, à savoir l’identité des faits et la nature répressive des sanctions.

i. Le critère de l’identité des faits

Selon le Conseil constitutionnel, l’un des critères de l’interdiction du cumul de poursuites aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale est que ces poursuites visent à réprimer les mêmes faits qualifiés de manière identique. Or, il a estimé ce critère rempli s’agissant des dispositions des articles L. 621-15 et L. 465-1 du code monétaire et financier qui « tendent à réprimer les mêmes faits » et « définissent et qualifient de la même manière le manquement d’initié et le délit d’initié » (considérant 24), le commentaire de la décision insistant sur l’identité de « l’élément matériel » des deux incriminations.

Le Conseil constitutionnel l’illustre son argumentation par la comparaison du délit d’initié qui vise la personne possédant une information privilégiée « en connaissance de cause » au manquement d’initié qui vise celle « qui sait ou qui aurait dû savoir » que l’information qu’elle détenait constituait une information privilégiée. L’observation est similaire concernant la finalité des deux infractions, l’une poursuivant la « protection des investisseurs » et l’autre la « protection de l’épargne investie ».

ii. Le critère de la nature des sanctions encourues

Un autre critère commun avec la jurisprudence de la Cour européenne réside dans le constat que les sanctions pénales et administratives prévues par le code monétaire et financier ne sont pas de nature différente. Le considérant 26 dispose pour en arriver à cette conclusion que, nonobstant la possibilité dont dispose seul le juge pénal de prononcer une peine d’emprisonnement pour les personnes physiques, ou la dissolution pour les personnes morales, les sanctions pécuniaires prononcées par l’AMF « peuvent être d’une très grande sévérité et atteindre […] jusqu’à plus de six fois celles encourues devant la juridiction pénale en cas de délit d’initié » et que le montant de l’amende prononcé doit, dans les deux cas, tenir compte de la gravité des agissements et des circonstances de l’infraction.

Sur ce point, le Rapporteur estime surprenante cette affirmation d’une identité de nature entre les sanctions pénales et administratives. Comme l’a rappelé le vice-procureur Jean-Marc Toublanc au cours d’un réquisitoire relatif à des faits de fraude fiscale complexe, « l’argent n’a pas le même prix que la liberté ». Aussi, il paraît pour le moins curieux que le Conseil constitutionnel ait fait purement et simplement abstraction des peines privatives de liberté qui peuvent être seulement prononcées à l’issue d’une procédure pénale, pour ne s’attacher qu’à la comparaison des peines d’amende.

Justement, le Conseil constitutionnel a évolué sur ce point précis de façon spectaculaire dans une décision récente du 14 janvier 2016 (41). Était contestée la constitutionnalité des mots « s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou » figurant aux c et d du II de l’article L. 621-15, comme dans la QPC ayant abouti à la décision du 18 mars 2015, à la seule différence que le Conseil constitutionnel a examiné l’article L. 621-15 dans une rédaction antérieure à celle de la loi du 4 août 2008 (42) (rédaction en vigueur pour l’incrimination des requérants dans l’affaire EADS), à savoir celle issue de la loi du 30 décembre 2006  (43).

Or, l’article L. 621-15, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2006 (44), prévoyait que l’amende administrative encourue pour le délit d’initié était identique à l’amende pénale, à savoir 1,5 million d’euros ou le décuple des profits éventuellement réalisés.

Ainsi, nonobstant le fait que ces mêmes dispositions avaient déjà été déclarées inconstitutionnelles dans une autre version du texte critiqué, et dans la mesure où le montant des sanctions pécuniaires avait constitué un élément d’appréciation du Conseil constitutionnel pour caractériser l’existence de sanctions de même nature réprimant le manquement et le délit d’initié, cette modification de l’état du droit a constitué un changement de circonstances justifiant le réexamen au fond des dispositions critiquées.

Dans le considérant 12 de la décision de janvier 2016, le Conseil a indiqué que « les sanctions pécuniaires pouvant être prononcées par la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers pour le manquement d’initié à l’encontre d’une personne physique sont identiques à celles encourues devant la juridiction pénale pour le délit d’initié ; qu’en revanche, le juge pénal peut condamner l’auteur d’un délit d’initié à une peine d’emprisonnement lorsqu’il s’agit d’une personne physique ; que, d’autre part, lorsque l’auteur d’un délit d’initié est une personne morale, le juge pénal peut prononcer sa dissolution et une amende cinq fois supérieure à celle pouvant être prononcée par la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers ; qu’il résulte de ce qui précède que les faits prévus et réprimés par les articles précités doivent être regardés comme susceptibles de faire l’objet de sanctions de nature différente ».

L’importance accordée dans ce considérant 12 aux peines privatives de liberté laisse perplexe, à la lumière de la décision du 18 mars 2015 qui avait écarté quant à elle cet élément. Le Rapporteur estime que la seule différence de quantum de l’amende ne peut justifier deux décisions aussi opposées quant à la nature des sanctions pénales et administratives, et que cet infléchissement est susceptible de s’expliquer par la volonté de Conseil d’éviter la contagion de la décision du 18 mars 2015 à d’autres contentieux, et notamment au contentieux fiscal.

En tout état de cause, la décision du 14 janvier 2016 n’enlève rien à celle du 18 mars 2015, qui impose au législateur de mettre fin au cumul non seulement des sanctions mais également des poursuites en matière d’abus de marché.

La principale audace du Conseil constitutionnel dans la décision rendue le 18 mars 2015 réside dans l’interdiction qu’il a édictée non seulement à l’encontre d’un cumul des sanctions, mais également à l’encontre d’un cumul des poursuites, et ce y compris alors qu’aucune sanction définitive n’a encore été prononcée.

Alors que la Cour européenne des droits de l’homme n’a condamné que le déclenchement ou la continuation de poursuites après une décision devenue définitive, le Conseil constitutionnel est allé bien plus loin. En creux, et puisque la coexistence in abstracto de deux voies répressives dans l’ordre juridique n’est pas en soi inconstitutionnelle (considérant 19), il s’agit d’une invitation faite au législateur, de prévoir non plus un cumul mais une coordination entre les deux procédures afin de les rendre alternatives.

Ainsi, tout projet de réforme doit veiller à ce qu’aucune double poursuite ne puisse s’engager, concrètement, en parallèle l’une de l’autre.

Le nouveau refus du Conseil de consacrer le principe ne bis in idem et la portée étroitement circonscrite, du fait des quatre critères susmentionnés, donnée à l’interdiction de cumul qu’il énonce conduisent à une divergence importante avec les critères posés par la Cour européenne des droits de l’homme.

C’est en effet principalement la condition tenant à l’unicité de la juridiction qui, cantonnant étroitement le champ d’application de l’interdiction du cumul des répressions administrative et pénale, s’avère contraire à la jurisprudence de la CEDH.

Selon certains commentateurs de la décision, il s’agit même d’un principe non bis in idem « au rabais » (45) que consacre la décision, qui, confirmant la jurisprudence antérieure du Conseil, n’interdit pas, à la différence du principe non bis in idem au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, le cumul des poursuites et sanctions administratives et pénales dans les nombreuses hypothèses où celles-ci relèvent de deux ordres de juridictions différents, la juridiction administrative et la juridiction pénale (46).

En ce qui concerne la matière boursière, le Conseil distingue donc deux régimes :

– celui des professionnels (mentionnés au II de l’article L. 621-9 du code monétaire et financier), conforme au principe de nécessité du fait de la dualité de juridiction ;

– celui des non-professionnels, qui correspond à l’ensemble des quatre critères et constitue donc une atteinte au principe de nécessité des peines tel que défini dans la décision.

Le Conseil constitutionnel n’a été saisi que de certaines dispositions du code monétaire et financier relatives au délit et au manquement d’initié. Ont ainsi été déclarées inconstitutionnelles les seules dispositions du code qui faisaient l’objet de la question prioritaire de constitutionnalité :

• À titre principal, les textes servant de base légale à la sanction des délits et manquements d’initiés, à savoir :

– l’article L. 465-1 dans son ensemble.

L’article L. 465-1 est l’incrimination pénale du délit d’initié.

– certaines dispositions de l’article L. 621-15.

L’article L. 621-15 définit la procédure, les personnes concernées, les manquements ainsi que le quantum des sanctions pouvant être prononcées par l’AMF. Seuls les renvois au manquement d’initié, à savoir, aux c et d du II les mots « s’est livré ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou », ont été censurés par le Conseil constitutionnel.

• Par voie de conséquence, plusieurs dispositions connexes :

– certaines dispositions de l’article L. 466-1.

L’article L. 466-1 permet à l’autorité judiciaire saisie d’une affaire d’abus de marché de demander, en tout état de la procédure, l’avis de l’AMF. Le Conseil constitutionnel a censuré la dernière phrase de l’article ainsi rédigée : « Cet avis est obligatoirement demandé lorsque des poursuites sont engagées en exécution de l’article L. 465-1. »

– certaines dispositions de l’article L. 621-15-1.

L’article L.621-15-1 prévoit la transmission obligatoire par le collège de l’AMF au procureur de la République financier du rapport d’enquête afférent lorsque les agissements qui ont donné lieu à la notification de griefs sont susceptibles de constituer un délit boursier. Le Conseil constitutionnel a logiquement censuré dans cet article la référence à l’article L. 465-1.

– l’article L. 621-16.

L’article L. 621-16 prévoit que le juge pénal qui statue sur une affaire qui a fait l’objet du prononcé définitif d’une sanction pécuniaire par l’AMF peut imputer cette dernière sur l’amende pénale qu’il prononce.

– certaines dispositions de l’article L. 621-16-1.

L’article L. 621-16-1 autorise l’AMF à se constituer partie civile lorsque des poursuites pénales sont engagées sur le fondement de délits boursiers. La référence au délit d’initié a, là encore, logiquement été censurée.

Avant même toute réforme du système en place, la décision du 18 mars 2015 a bouleversé l’ordre juridique et les méthodes de travail des autorités concernées.

Après avoir rappelé qu’il ne lui appartient pas de proposer ou d’imposer au législateur les moyens qui permettraient de remédier à l’inconstitutionnalité des dispositions précitées, le Conseil constitutionnel a reconnu que l’abrogation immédiate des articles d’incrimination du délit d’initié, qui aurait pour conséquence d’empêcher toute poursuite et de mettre fin à celles engagées, y compris pour les personnes n’ayant encore fait l’objet d’aucune décision de sanction ou de relaxe, entraînerait « des conséquences manifestement excessives ».

Aussi, le Conseil a reporté au 1er septembre 2016 l’abrogation des dispositions en cause, laissant dix-sept mois au Gouvernement et au Parlement pour réformer le système répressif des abus de marché.

Alors que des travaux de réflexion ont été menés aussitôt après la décision du Conseil constitutionnel, voire en amont, aussi bien par le Parlement que par les autorités de poursuites, ainsi que par de nombreux juristes spécialisés, aucune réforme n’a pour l’heure été soumise à la représentation nationale.

Le Rapporteur souligne donc l’urgence dans laquelle la présente proposition de loi intervient, et la nécessité qu’il y a à adopter rapidement la réforme proposée.

En effet, si en principe peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la date de commission de l’infraction, l’article 112-1 du code pénal prévoit que « les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ».

L’abrogation du texte d’incrimination au 1er septembre 2016 étant sans aucun doute favorable aux personnes poursuivies, celle-ci serait rétroactive et concernerait l’ensemble des procédures en cours, peu important la date de commission des faits.

Il convient donc de combler au plus vite, et de la façon la plus satisfaisante possible, le vide juridique qui s’ouvrirait immanquablement.

Bien qu’il ait repoussé l’abrogation des dispositions du code monétaire et financier, le Conseil constitutionnel a énoncé qu’afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de sa décision, les poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le fondement soit des incriminations pénales, soit des textes répressifs appliqués par l’AMF, dès lors que des premières poursuites auront été déjà engagées pour les mêmes faits et à l’encontre des mêmes personnes, ou que des décisions définitives sur les poursuites sont déjà intervenues.

En conséquence, depuis le 18 mars 2015, un dialogue s’est naturellement instauré entre le Parquet national financier et l’AMF. Concrètement, en cas d’anomalie détectée par les enquêteurs de l’AMF, une enquête est ouverte par le collège sur décision du secrétaire général de l’AMF, à l’issue de laquelle l’AMF va se rapprocher du Parquet national financier, par échanges de courriers et lors d’entrevues informelles.

Il a été indiqué au Rapporteur lors des auditions menées, qu’en un an, six dossiers ont fait l’objet d’une orientation vers l’une ou l’autre des voies répressives. Pour cinq d’entre eux, le Parquet national financier a accepté la demande du collège de l’AMF de procéder lui-même à la notification des griefs, conservant ainsi la main sur la procédure. Un seul dossier a été « revendiqué » par le parquet, ce qui, après discussions avec le secrétaire général et le collège de l’AMF a été accepté par ces derniers. Quatre nouveaux dossiers sont en cours d’orientation.

Bien que seuls les textes relatifs aux opérations d’initié aient été déclarés inconstitutionnels, toute réforme devra nécessairement englober l’ensemble des infractions d’abus de marché. Par ailleurs, le souci de respecter les jurisprudences tant conventionnelles que constitutionnelles impose de réformer également les poursuites applicables aux professionnels régulés par l’AMF.

Partant de ces postulats, de nombreuses réflexions ont été conduites sur le sujet. Un bref examen des différentes solutions envisageables permet de comprendre et de justifier le compromis équilibré qui résulterait de l’adoption de la présente proposition de loi.

L’idée de supprimer l’une des deux voies répressives existant actuellement découlerait d’une lecture excessivement restrictive de la décision du Conseil constitutionnel, interprétée comme prohibant toute coexistence de procédure et donc tout aléa pour le justiciable.

Au regard de l’efficacité de la sanction administrative, et de l’allongement relatif des délais de la procédure pénale (cf. supra), la tentation de supprimer les délits boursiers existe.

Le Rapporteur souhaite insister sur les difficultés qu’engendrerait une telle solution.

Tout d’abord, il n’est pas opportun, dans un État qui a érigé l’institution judiciaire en garantie des droits fondamentaux, de confier la totalité d’une voie répressive conduisant à de lourdes sanctions patrimoniales aux seules mains d’une autorité administrative, aussi compétente et efficace soit-elle. Comme l’a souligné un auteur, « la prévalence des autorités administratives sur le juge est dangereuse pour la démocratie dont la préservation repose sur le juge » (47).

Par ailleurs, la directive européenne 2014/57 impose aux États membres de prévoir que les abus de marché « […] constituent des infractions pénales, au moins dans les cas graves et lorsque ces actes sont commis intentionnellement. » (48)

Les considérants 5 et 6 de la directive sont également dépourvus d’ambiguïté sur ce point puisqu’ils rappellent que « l’adoption de sanctions administratives par les États membres s’est révélée jusqu’ici insuffisante pour assurer le respect des règles relatives à la prévention et à la lutte contre les abus de marché », et qu’il est donc « essentiel que le respect des règles relatives aux abus de marché soit renforcé par la disponibilité de sanctions pénales marquant une désapprobation sociale plus forte que les sanctions administratives. L’établissement d’infractions pénales au moins pour les formes graves d’abus de marché établit des frontières claires pour certains types de comportements qui sont considérés comme particulièrement inacceptables et adresse au public et aux auteurs potentiels le message que les autorités compétentes prennent très au sérieux ces comportements ».

Dans l’esprit de ces dispositions, le Rapporteur considère que la coloration morale qui est consubstantielle à la sanction pénale joue un rôle fondamental de marqueur d’une désapprobation sociale forte, que ne possède pas la sanction administrative.

Les peines privatives de liberté encourues viennent rappeler aux auteurs cette stigmatisation de leur comportement par l’ensemble du corps social.

La suppression pure et simple des sanctions administratives viendrait mettre fin à un édifice répressif pourtant efficace et bien intégré par les acteurs des marchés.

Le pouvoir de sanction de l’AMF fait partie de son autorité indispensable pour contrebalancer l’asymétrie d’information en faveur des opérateurs de marché. Il constitue un prolongement indissociable de son rôle, en amont, d’information et de prévention.

La suppression des sanctions administratives pour les seules personnes non régulées n’est pas non plus souhaitable. Si cette réforme permettrait de remédier à l’entorse au principe de nécessité des délits et des peines tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel, elle laisserait entière pour les autres personnes l’entorse au principe ne bis in idem tel que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme l’a appliqué.

Une troisième possibilité résiderait en la diminution des sanctions administratives, ce qui semblerait, au vu de la décision du Conseil constitutionnel du 14 janvier 2016, leur faire perdre leur nature pénale. Cette voie n’est toutefois pas, en l’état, praticable car le niveau minimum des sanctions administratives à appliquer est désormais prévu par le règlement européen, et celles-ci doivent rester extrêmement dissuasives.

La mise en place d’une juridiction ad hoc, qui serait spécifiquement chargée de réprimer les abus de marché, est séduisante en ce qu’elle pourrait permettre, en fonction de sa composition et des pouvoirs qui lui seraient confiés, de cumuler les avantages de la procédure pénale et administrative. Une telle structure présenterait, en effet, l’avantage d’une extrême spécialisation à tous les stades de la procédure, d’une répartition plus cohérente des missions, que ce soit au niveau de l’instruction ou au niveau de l’élaboration de la sanction, ainsi que d’un accès plus aisé à la justice des investisseurs ayant subi un préjudice du fait de la diffusion d’une fausse information ou d’une manipulation de cours.

Deux solutions sont envisageables : soit transformer la commission des sanctions en juridiction de plein exercice, soit investir une juridiction existante d’une compétence exclusive en la matière.

Évoquée par le rapport remis par l’AMF le 19 mai 2015 sur les pistes de réformes visant à concilier le principe ne bis in idem avec la répression des abus de marché, cette solution permettrait l’unification et la rationalisation du contentieux financier actuellement dispersé en trois procédures distinctes (administratif, pénal et civil (49)). Cependant, le rapport précité a émis un avis défavorable à la mise en place d’une telle solution. Tout d’abord, la transformation de la commission des sanctions en tribunal des marchés financiers pourrait se heurter au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs entre les autorités administratives et judiciaires, compte tenu de sa nature « hybride ». Par ailleurs, la proposition de mise en place d’une procédure unique soulève des interrogations importantes puisqu’il en résulterait l’application de la procédure administrative aux délits boursiers alors que les autres délits financiers continueraient de relever de la justice pénale. À l’inverse, l’application de la procédure pénale à l’ensemble des manquements et des délits entraînerait un allongement des délais de traitement des dossiers.

Aussi, à l’instar des conclusions du rapport de l’AMF, le Rapporteur estime que, malgré son caractère novateur, la création d’un tribunal des marchés financiers peut difficilement permettre de réformer, dans les délais, notre système de répression des abus de marché.

Cette juridiction financière serait en quelque sorte, mutatis mutandis, le pendant du Parquet national financier créé en décembre 2013. Elle pourrait être le tribunal de commerce de Paris, dont la célérité et la compétence sont particulièrement reconnues, ou, si l’on admet que les sanctions administratives deviennent des amendes civiles et que le contentieux pénal soit cantonné aux infractions les plus graves, selon les critères retenus par la directive européenne de 2014, ces affaires pourraient être confiées à une chambre spécialisée.

Mais l’instauration d’un tribunal unique (50) aurait l’inconvénient de ne pas prendre en compte la spécificité du pouvoir de sanction du régulateur, et elle fait courir également un risque de saturation du fait de l’addition du contentieux civil. Cela rapprocherait le système français du fonctionnement de la Financial Conduct Authority au Royaume-Uni. Le régulateur aurait alors un rôle « d’aiguilleur ». Or, en France, le ministère public détient le monopole de l’opportunité des poursuites pénales.

Enfin, le Rapporteur souligne le risque politique, moral et sociétal qu’il y aurait à extraire les délinquants boursiers du droit commun, pour ne les présenter que devant un tribunal nouveau, et spécialisé dans une matière dont seuls les initiés peuvent comprendre l’ensemble des subtilités. Aussi, le signal envoyé serait particulièrement mal compris des citoyens, tant il est vrai que toute juridiction d’exception est regardée par les justiciables d’un œil suspect.

Le rapport Coulon (51) sur la dépénalisation de la vie des affaires avait fait des propositions intéressantes pour assurer une bonne articulation des procédures administrative et pénale, en suggérant un sursis de la poursuite administrative jusqu’à la décision finale du parquet et une reprise de la procédure administrative sur renvoi du parquet. Cependant, cette solution reste en contradiction avec la jurisprudence constitutionnelle qui interdit strictement tout cumul, simultané ou successif des poursuites, y compris lorsque la première procédure n’a abouti au prononcé d’aucune sanction.

La mise en place d’une option, ou d’un aiguillage entre la procédure pénale et la procédure administrative semble donc être la meilleure des solutions envisageables. Outre qu’elle répond parfaitement aux critiques formulées tant par la Cour européenne des droits de l’homme que par le Conseil constitutionnel, elle présente le mérite de ne pas bouleverser fondamentalement notre système répressif ni même les pratiques qui se sont développées en matière de poursuite des abus de marché. La ventilation des contentieux permet de conserver les avantages des deux procédures, tout en supprimant les inconvénients liés à la dualité des poursuites et des sanctions.

Une fois le principe de l’aiguillage admis, encore faut-il analyser les dispositions qui permettraient sa mise en œuvre concrète. Comment départager si tel ou tel dossier ressort plutôt de la sanction administrative que de la sanction pénale ? Quelle autorité serait la plus légitime pour arbitrer cette décision qui ne peut qu’être définitive ?

Le principe d’un rapprochement obligatoire du Parquet national financier et de l’AMF dès la fin d’une enquête s’est rapidement imposé. Aussi, à l’issue du travail des enquêteurs, lorsque l’une des deux autorités envisage d’engager des poursuites aux fins de sanctions, un dialogue devrait s’engager afin de déterminer, par voie de concertation, laquelle des deux voies devra être choisie.

La question se pose de savoir comment résoudre un éventuel désaccord qui persisterait entre l’AMF et le Parquet national financier.

La procédure suggérée par la proposition de loi sénatoriale relative à la répression des infractions financières (52), déposée en octobre 2015, institue une procédure particulièrement encadrée.

L’article 1er de la proposition de loi prévoit de formaliser un échange entre le Parquet national financier et l’AMF, dès lors que l’une de ces deux autorités envisage de sanctionner des délits ou des manquements boursiers. Cet échange est enserré dans des délais très stricts de quinze jours pour la première information, et de dix jours pour la confirmation de l’intention de poursuivre. Dans ce dernier cas, l’autorité qui confirme son intention de poursuivre malgré un souhait identique de l’autre partie au dialogue, saisi le conseil des infractions boursières, commission administrative indépendante créée dans le but d’arbitrer les conflits d’orientation des dossiers. Cette instance serait composée à parité de magistrats du Conseil d’État et de la Cour de cassation. De nature juridictionnelle, elle rendrait des décisions non susceptibles de recours.

Le Conseil d’État, a été saisi par le Gouvernement sur cette question de l’aiguillage des dossiers et sur les moyens pour mettre en place un arbitrage en cas d’échec de la voie consensuelle (53).

En ce qui concerne la création d’une « commission d’aiguillage », le Conseil d’État, après avoir indiqué qu’elle ne saurait être qualifiée de juridiction, a émis de nombreuses réserves, tant au plan de sa constitutionnalité que du point de vue d’une bonne administration de la justice. En effet, le Conseil d’État a considéré que les poursuites pénales, dont le Parquet conserve la liberté d’apprécier l’opportunité, ne pouvaient être soumises à une décision administrative, sous peine de porter atteinte à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Enfin, le mécanisme proposé par le texte sénatorial constitue une solution institutionnelle particulièrement lourde pour trancher des conflits qui seront selon toute vraisemblance relativement rares.

Le Conseil d’État, dans son avis précité, a en revanche considéré que la solution, plus souple et plus respectueuse des principes généraux du droit, consistant à faire trancher les cas de désaccord par le procureur général près la cour d’appel de Paris, ne portait atteinte à aucune des prérogatives qui seraient constitutionnellement protégées en matière d’opportunité des poursuites.

C’est donc le choix qui a été fait dans le cadre de la présente proposition de loi (cf. infra commentaire de l’article 1er).

Une fois les modalités de l’aiguillage arrêté, il convient de se pencher sur les critères qui permettront à l’AMF et au Parquet national financier, voire au procureur général, de se déterminer pour le choix de l’une ou l’autre des procédures.

Le critère de gravité est nécessairement celui qui semble être le plus pertinent. C’est par ailleurs celui qui est explicitement mentionné par la directive de 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché, dont le considérant 10 prévoit que « les États membres devraient être tenus d’ériger en infractions pénales au moins les formes graves d’opération d’initié, de manipulation de marché et de divulgation illicite d’informations privilégiées lorsqu’elles sont commises intentionnellement ».

Le critère de gravité reste cependant difficile à définir au sein d’un texte de loi, même si l’article 1er de la proposition de loi sénatoriale précitée indique que « la gravité s’apprécie notamment au regard du montant de l’avantage retiré, s’il peut être déterminé, ainsi que de la qualité de l’auteur de l’infraction ».

Si le Rapporteur souscrit à l’idée selon laquelle la voie pénale doit intervenir dès lors que la réprobation sociale sera suffisamment forte pour être exprimée par un procès correctionnel, il estime inopportune la fixation dans la loi de critères quantitatifs ou qualitatifs. Il convient en effet de s’en remettre aux autorités chargées de s’entendre sur la voie la plus appropriée au regard de l’ensemble des circonstances de l’affaire. Elles sauront sans aucun doute élaborer une « jurisprudence » cohérente en la matière.

La partition politique doit maintenant succéder au claironnement du chant juridique.

Le bouleversement du système répressif des abus de marché serait alors l’occasion d’en redonner le sens : tel est l’objet et l’ambition de la présente proposition de loi, qui s’efforce de proposer une solution équilibrée, tenant compte de l’ensemble des remarques et des raisonnements qui viennent d’être rappelés.

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EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa séance du 30 mars 2016, la commission examine, sur le rapport de M. Dominique Baert, la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché (n° 3601).

M. le président Gilles Carrez. Celles et ceux d’entre vous qui se sont rendus à la Cour de cassation en septembre dernier se souviennent avec quelle insistance le procureur général et la présidente de la chambre commerciale, financière et économique de cette juridiction avaient appelé notre attention sur l’urgence qu’il y avait à légiférer, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité.

M. Dominique Baert, rapporteur. La proposition de loi relative à la répression des abus de marché que je vous propose d’examiner présente trois caractéristiques.

L’urgence tout d’abord, car il faut légiférer avant le 1er septembre prochain. La nécessité ensuite de combler un vide juridique, tant pour les poursuites administratives que pénales. Le consensus enfin, car ce texte recueille l’assentiment de tous les acteurs, notamment le parquet national financier et l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Cette proposition de loi se place sous le sceau de l’urgence, puisqu’elle répond à une décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015 qui déclare contraires à la Constitution les dispositions légales en vigueur et paralyse donc l’ensemble de notre système répressif en matière d’abus de marché à compter du 1er septembre 2016.

L’urgence est même double, puisque ces mêmes dispositions doivent évoluer afin de se conformer aux dispositions de la directive et du règlement européens du 16 avril 2014 relatifs aux abus de marché, la directive MAD (Market abuse directive) et le règlement MAR (Market abuse regulation). La transposition doit intervenir au plus tard le 3 juillet 2016.

C’est donc sous le poids de cette double contrainte temporelle que nous discutons cette proposition de loi essentielle, sans laquelle nous courons le risque de créer un vide juridique fortement préjudiciable à la continuité de la lutte contre la délinquance financière dans notre pays.

Le champ des abus de marché, tel qu’appréhendé par les deux institutions chargées de les réprimer, à savoir l’Autorité des marchés financiers, autorité administrative indépendante dotée d’importants pouvoirs de sanction, et le parquet national financier, en charge de la poursuite pénale, comprend à ce jour trois infractions distinctes.

Premièrement, le délit d’initié – sanctionné pénalement – ou le manquement d’initié – sanctionné administrativement –, qui impliquent tous deux l’utilisation ou la communication à des tiers d’une information privilégiée avant que le public n’en ait connaissance, afin de réaliser des opérations sur les marchés.

Deuxièmement, le délit de diffusion de mauvaise information ou le manquement à la bonne information du public, qui concerne les émetteurs de titres financiers. Le délit de diffusion de fausse information implique l’intention de répandre publiquement des informations fausses et volontairement trompeuses sur l’état et les perspectives du marché.

Troisièmement, le délit et le manquement de manipulation des cours, constitué dès lors que l’objectif de la personne inculpée est d’entraver le fonctionnement régulier d’un marché réglementé.

Ces trois infractions constituent un socle solide et complet pour lutter contre les opérations visant à affaiblir la transparence des marchés et le bon fonctionnement des échanges qui s’y déroulent.

Avant la décision du Conseil constitutionnel, le système de répression des abus de marché était donc dual, puisqu’il existait une possibilité de cumul des enquêtes, des poursuites et des sanctions.

D’une part, l’AMF, dotée d’un service de surveillance des marchés technologiquement très avancé, pouvait, par l’intermédiaire de son collège puis de sa commission des sanctions, prononcer des sanctions pécuniaires atteignant 100 millions d’euros, voire le décuple du profit réalisé dans le cadre de l’abus de marché s’il est supérieur à 100 millions d’euros. L’AMF est également compétente pour prononcer des sanctions disciplinaires.

D’autre part, le parquet national financier, créé par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, bénéficie d’une compétence exclusive en matière de délits boursiers et répond à l’obligation de spécialisation inhérente à la matière financière. Les sanctions pécuniaires qu’il peut requérir demeurent cependant bien en deçà des sanctions administratives : 1,5 million d’euros pour les trois délits principaux. En revanche, la voie pénale peut se conclure par le prononcé de peines de prisons pouvant atteindre deux ans d’emprisonnement. Mais elles sont rarement appliquées en pratique, et toujours assorties de sursis.

Par conséquent, tant le quantum des peines encourues que l’application qui en est faite confirment que les sanctions pécuniaires administratives sont bien plus dissuasives que les sanctions pénales. En 2014, le montant moyen des sanctions administratives était de 1 million d’euros, et celui des sanctions pénales de 166 388 euros, autrement dit près de dix fois moindre. Durant cette même période, moins de 15 % des affaires ont fait l’objet d’une double sanction.

Telle était la situation jusqu’à la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015. Ce cumul des poursuites et des sanctions pénales et administratives avait toujours été validé par les tribunaux nationaux.

Cependant, le 4 mars 2014, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a clairement condamné l’existence d’un cumul des sanctions en matière d’abus de marché. Une interprétation rigoureuse du principe « ne bis in idem » – pas deux fois pour les mêmes faits – l’a conduit à condamner sans ambiguïté le système italien de répression des abus de marché, système grandement similaire au nôtre. Dans leur arrêt Grande Stevens, les juges de la CEDH ont imposé de mettre fin aux poursuites en cours dès lors qu’un jugement définitif était déjà intervenu sur les mêmes faits.

Dans la droite ligne de cette décision, le juge constitutionnel français a déclaré contraire au principe de nécessité des délits et des peines, prévu par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, l’article L. 465-1 et certaines dispositions de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, servant de base légale aux poursuites des délits et des manquements d’initiés. Le Conseil constitutionnel a toutefois reporté au 1er septembre 2016 l’abrogation de ces dispositions. Dans les affaires EADS, ayant donné lieu aux questions prioritaires de constitutionnalité, le tribunal correctionnel n’a pu que constater l’extinction de l’action publique. Au plan pénal, vingt autres dossiers ont été affectés par la décision du 18 mars 2015, car l’AMF avait déjà définitivement statué.

La décision du Conseil constitutionnel impose donc de revoir en profondeur l’articulation de ces procédures administratives et judiciaires.

La présente proposition de loi porte ainsi la réforme du système français de répression des abus de marché afin de mettre notre droit en conformité avec les jurisprudences tant constitutionnelle que conventionnelle. Loin d’empêcher la tenue des procès, il s’agit bel et bien de permettre qu’ils aient lieu dans le respect des prescriptions de la Constitution et d’éviter que, du fait de l’abrogation par le Conseil constitutionnel des articles qui autorisaient les poursuites administratives et pénales, notre pays se trouve démuni de toute possibilité de poursuite au début du mois de septembre de cette année.

Je vous propose de détailler rapidement le contenu de chacun des articles de la proposition de loi.

L’article 1er s’insère dans la partie du code monétaire et financier relative aux poursuites pénales. Il prévoit l’extinction de l’action publique dès lors que l’AMF procède à la notification des griefs pour les mêmes faits, une procédure de concertation obligatoire avec l’AMF si le parquet envisage d’engager des poursuites pénales et un arbitrage par le procureur général de la cour d’appel de Paris en cas de désaccord. Des dispositions de conséquence, relatives à la limitation du droit accordé aux victimes de mettre en mouvement l’action publique, sont également prévues. L’ensemble de ce dispositif sera précisé par un décret en Conseil d’État qui pourra prévoir notamment le formalisme de la concertation obligatoire et les modalités de saisine du procureur général.

L’article 2 est le miroir de l’article 1er : il reconduit les dispositions de l’article 1er concernant le volet administratif de la procédure, et s’insère au sein des dispositions du code relatives au pouvoir de sanction de l’AMF.

Les articles 3 et 4 tirent les conséquences du nouveau dispositif sur deux dispositions du code monétaire et financier, l’une relative à l’imputation de la sanction pénale sur la sanction administrative en cas d’affaires portant sur des faits connexes, et l’autre relative aux possibilités pour l’AMF de se constituer partie civile au procès pénal.

Enfin, l’article 5 prévoit l’application de ces dispositions outre-mer.

L’architecture du système propose une solution équilibrée au problème juridique que nous devons résoudre avant le 1er septembre prochain, et fait l’objet d’un consensus entre l’AMF et les autorités judiciaires de notre pays. C’est un mécanisme conforme aux principes généraux de notre droit, fondé sur la concertation et respectueux des compétences et des pouvoirs tant du parquet national financier que de l’AMF.

Les divers rapports publiés ces dernières années avaient envisagé plusieurs autres solutions. Elles sont détaillées dans mon rapport, mais aucune d’elles n’était optimale, tant sur le plan juridique que sur celui de l’organisation ou de l’efficacité.

Ainsi de l’abandon pur et simple de l’une des deux procédures, qui aurait pu se concevoir, aurait certainement porté atteinte à l’efficacité de la répression des abus de marché, de par les avantages respectifs que recèlent les procédures pénale et administrative.

De la même manière, la création, un temps envisagée, d’un tribunal d’exception aurait été très lourde à mettre en place, et sans doute mal comprise par nos concitoyens. Enfin, la mise en place d’une commission administrative de départage des dossiers a été jugée inconstitutionnelle par un avis du Conseil d’État du 19 novembre 2015.

En pratique, les dispositions de cette proposition de loi, qui figuraient dans l’avant-projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (« Sapin 2»), sont d’ores et déjà entrées en application puisque la procédure de concertation prévue par le texte est à l’œuvre depuis la décision constitutionnelle de mars 2015. Six dossiers ont déjà fait l’objet d’une orientation informelle, cinq vers la voie administrative et un vers la voie pénale.

Par-delà les dispositions de la proposition de loi, une circulaire commune aux ministères de la justice et des finances pourrait utilement venir préciser les critères qui présideront au choix de la voie répressive la plus appropriée. Nul doute que la voie pénale sera réservée aux cas les plus graves, commis par exemple en état de récidive ou en bande organisée, ou dans lesquels les préjudices subis auront atteint des montants très significatifs.

Telles sont les grandes lignes de la proposition de loi que je vous présente et qui, de fait, crée le dispositif d’aiguillage permettant de mettre en conformité le droit français avec la décision du Conseil constitutionnel et assure l’organisation des poursuites, et donc la répression des abus de marché.

Mais le Conseil constitutionnel n’a pas fait qu’interdire la dualité des sanctions ; il a aussi et surtout abrogé les articles donnant base légale à ces poursuites.

Il faut donc que le législateur comble ce vide juridique, en cohérence avec le cadre européen fixé par une nouvelle directive et un nouveau règlement, qui doivent être retranscrits avant le 3 juillet 2016.

C’est pourquoi je présente deux amendements, successivement avant et après l’article 1er, afin de transposer partiellement ces instruments. Cela n’avait pas pu être fait dans le cadre de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne du 16 juillet 2013, dite « DDADUE », car le Sénat s’était opposé à la demande du Gouvernement de les transposer par voie d’ordonnance. Il a donc été nécessaire de trouver un autre véhicule législatif pour réaliser la transposition « en dur », c’est-à-dire in extenso. Or, le retard pris en la matière implique aujourd’hui de légiférer dans l’urgence, puisque la France doit intégrer l’ensemble de ces dispositions avant le 3 juillet 2016, sous peine de s’exposer à un recours en manquement.

C’est pourquoi je vous propose par souci de cohérence de joindre ces modifications essentielles à la présente proposition de loi, car elles portent sur le même corpus juridique et participent à l’amélioration de notre système répressif en matière d’abus de marché, objectif que nous partageons tous ici et qui est d’évidence légitime dans le contexte économique que l’on connaît au sein de l’Union européenne. Au regard de l’importance et du nombre de modifications effectuées par ces amendements, et de leur cohérence avec l’ensemble de la proposition de loi, j’ai souhaité les déposer moi-même, après en avoir analysé les impacts et effectué les clarifications nécessaires.

Les dispositions européennes à intégrer dans notre droit national poursuivent un objectif bien identifié : renforcer la répression pénale en matière d’abus de marché dans les États membres en établissant des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives », aux termes des textes européens. Comme je vous l’ai exposé précédemment, les sanctions pénales encourues jusqu’à présent en droit français étaient peu dissuasives, particulièrement comparées aux sanctions administratives.

La première étape de la transposition prévue par les amendements que j’ai déposés refond le périmètre des trois délits principaux en matière d’abus de marché, afin de les rendre plus précis et plus opérants. On parlera désormais d’opération d’initié, au champ plus réduit que le délit d’initié existant, mais aussi de divulgation illicite d’information privilégiée, jusqu’alors incluse dans le délit d’initié, et de manipulation de marché, incluant l’actuel délit de manipulation des cours et celui de diffusion de fausse information.

Surtout, ces trois délits seront désormais tous punis d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement, au lieu d’un ou deux ans aujourd’hui en fonction des cas, et d’une sanction pécuniaire d’un montant égal à celui de la sanction administrative, à savoir 100 millions d’euros, contre 150 000 à 1,5 million d’euros aujourd’hui. Ces nouvelles définitions seront appliquées aux manquements administratifs.

Cette uniformisation de la qualification des délits et des sanctions pécuniaires administratives et pénales contribuera sans aucun doute à renforcer l’efficacité de l’ensemble du système répressif. Elle était d’autant plus nécessaire que le cumul des poursuites et des sanctions n’est plus possible : la voie judiciaire, par le biais du parquet national financier, est donc amenée à prendre toute sa place.

Par ailleurs, la transposition des textes européens a permis de clarifier le champ d’application de ces délits, de l’étendre à l’ensemble des marchés – y compris les marchés de quotas d’émission de gaz à effet de serre – mais également de renforcer le dispositif répressif en créant des infractions autonomes dès lors qu’il y a tentative d’infraction, ou encore complicité ou incitation à procéder à des abus de marché.

Ainsi, la décision du Conseil constitutionnel et l’obligation de transposition nous amènent à faire évoluer, certes dans l’urgence, l’ensemble de notre arsenal juridique en matière d’abus de marché. Cette évolution va dans le bon sens : celui de l’efficacité et de la légitimation de la sanction pénale au côté de la sanction administrative.

C’est pourquoi je vous encourage à adopter cette proposition de loi et les amendements qui lui sont étroitement associés, malgré les conditions très contraintes, je vous l’accorde, dans lesquelles se déroule le débat parlementaire.

Qu’il me soit d’ailleurs permis de préciser deux choses à cet égard. En premier lieu, j’ai évidemment évoqué toutes les formulations et les amendements que je vous propose lors d’entretiens avec Mme Éliane Houlette, procureur de la République financier, le procureur général près la cour d’appel de Paris, le secrétaire général et le président de l’AMF, ainsi que la présidente de la cour d’appel de Paris. En second lieu, je tiens à saluer le travail de qualité des administratrices, qui ont contribué à ce que ce rapport puisse vous être présenté aujourd’hui, malgré un calendrier aussi contraint.

M. le président Gilles Carrez. Je ne peux que confirmer vos propos de conclusion, monsieur le rapporteur : nos administratrices savent travailler dans l’urgence, puisqu’elles m’assistent notamment dans l’application de l’article 40 de la Constitution…

J’aimerais avoir votre point de vue sur certains aspects de sociologie administrative. J’ai compris lors de nos échanges à la Cour de cassation qu’il existait des conflits de compétence entre l’autorité judiciaire et l’autorité administrative indépendante qu’est l’AMF, notamment sa commission des sanctions, présidée par un membre du Conseil d’État et en partie composée de conseillers d’État. Les juges de l’ordre judiciaire en sont venus à penser qu’une partie de leurs compétences n’étaient plus exercées par le pouvoir judiciaire, comme cela aurait dû être le cas, notamment suite à la création du parquet national financier.

Au-delà de la nécessité de combler un vide juridique suite à la décision du Conseil constitutionnel et d’appliquer le principe « ne bis in idem », il se pose à l’évidence un problème d’articulation entre les deux entités. La future loi prévoit qu’elles devront se coordonner, mais si la coordination n’est pas possible, qui finira par l’emporter ?

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai cru comprendre que ce texte allait permettre de réguler les relations entre l’AMF et le parquet national financier. Tout le monde en a admis la nécessité, notamment pour combler le vide juridique qui a été constaté. Cette proposition de loi va permettre de nous doter d’une base juridique et de clarifier les relations entre les différentes entités en matière de procédure, c’est une très bonne chose.

Ma question va au-delà de cela. Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué que vous incorporiez à ce texte la transposition d’une directive européenne. Je voudrais être sûre que les dispositions que nous allons introduire ne vont pas au-delà de celles prévues par ce texte, car nous avons constaté à de multiples reprises que lorsque nous transposons une directive dans un texte de loi portant sur un domaine plus vaste, nous allons souvent, à vouloir être exemplaire, plus loin que la directive.

Je veux donc m’assurer que nous nous attachons à ne transcrire que les dispositions imposées par la directive européenne, et que nous réglons le problème des relations entre le parquet national financier et l’AMF.

M. le rapporteur. Nous avons un système de répression des abus de marché dual, avec un système administratif, avec à sa tête l’AMF, et un système pénal, avec à sa tête le parquet national financier créé par la loi de 2013.

Pendant longtemps, cette dualité s’est traduite par un doublement des enquêtes et des procédures : il n’était pas rare de voir l’enquête pénale se poursuivre alors que les procédures administratives avaient été closes, sachant que le montant de l’éventuelle condamnation pénale était imputé de la pénalité financière précédemment fixée par la sanction administrative… Cela entraînait un encombrement des procédures, qui duraient très longtemps sans être forcément efficaces. Finalement, le Conseil constitutionnel a interdit la dualité des sanctions et des poursuites, ce qui a contraint à classer sans suite ou à abandonner un certain nombre de procédures pénales à partir du moment où l’AMF s’était prononcée.

Cette proposition de loi prévoit la création d’un arbitre, d’une procédure de concertation et d’un système d’aiguillage, qui seront précisés par le décret en Conseil d’État et la circulaire prévus. Selon quels critères va-t-on privilégier la saisine de l’AMF ou du parquet ? Tout cela devra être affiné, et je propose dans le rapport certains critères à cette fin.

À ce jour, il ne s’est pas produit de désaccord depuis la décision du Conseil constitutionnel ; l’AMF et le parquet national financier ont bien compris qu’ils devaient travailler ensemble. Des procédures informelles ont été mises en place pour échanger des informations. Les personnes se connaissent et se respectent, et tous m’ont dit ne pas avoir connu de cas dans lesquels il aurait été nécessaire de recourir à un arbitrage extérieur. Mais la proposition de loi prévoit qu’un tel arbitrage puisse être rendu par le procureur général près la cour d’appel de Paris.

J’ai interrogé la procureure générale de la cour d’appel de Paris, qui a autorité hiérarchique sur le procureur national financier. Elle m’a répondu que le choix ne se ferait ni à l’affectif ni pour des raisons institutionnelles, mais sur la base du droit, au vu des critères qui auront été énoncés, dans un souci d’efficacité.

Vous avez raison, madame Dalloz : quand on transpose une directive, il arrive qu’on soit tenté d’aller plus loin. Je pense pour ma part qu’il faut transcrire la directive en l’adossant à cette proposition de loi. Nous créons une procédure prévoyant les modalités d’aiguillage, constituant la structure de concertation et définissant les modalités d’arbitrage afin d’appliquer des articles du code monétaire et financier qui seront abrogés à partir du 1er septembre. Il faudra nécessairement les réintroduire en prenant en compte la directive et le règlement européens.

J’ai donc souhaité procéder à une intégration « en dur » dans ce texte qui prévoit la répression des abus de marché. Il intègre les apports de la réglementation européenne, et en particulier la clarification des classifications des délits, car le délit d’initié était très vaste. Qui plus est, la réglementation européenne va élargir le champ des poursuites.

Je propose une mesure qui n’est pas prévue par la directive, et que je revendique : elle consiste à assurer l’homogénéité des sanctions pénales et administratives. Il existe depuis longtemps dans notre droit un décalage criant entre les sanctions administratives, qui peuvent être très lourdes, jusqu’à 100 millions d’euros, et les sanctions pénales, plafonnées à 1,5 million d’euros.

Cela se justifie d’autant moins que l’on est fondé à penser que seront soumis au juge pénal les faits les plus graves, commis en bande organisée par exemple. Autrement dit, les faits les plus graves iraient devant le juge pénal, qui prononce des peines plus faibles, tandis que les sanctions administratives, plus lourdes, prononcées par l’AMF concerneraient les faits moins graves… Si nous voulons que notre système de droit soit parfaitement équilibré, nous avons tout intérêt à homogénéiser le niveau des sanctions. C’est, je vous l’accorde, un plus par rapport à ce que contient la directive.

M. Alain Chrétien. On peut dire que nous mettons en place un renvoi préjudiciel, comme nous en connaissons en droit européen ou lorsque le Tribunal des conflits tranche pour savoir quel ordre juridictionnel est compétent. Ce système n’existait pas, et nous instaurons cette question préjudicielle pour lever les ambiguïtés entre l’ordre administratif – l’AMF – et les juridictions pénales. Ce parallèle vous semble-t-il judicieux ?

M. le rapporteur. Ce n’est pas tout à fait la même chose. Nous ne créons pas une nouvelle institution. Il ne s’agit pas de créer un tribunal d’exception, cette solution a même été explicitement rejetée. Et il ne s’agit pas de lever une ambiguïté, mais d’améliorer l’efficacité et de trouver, par la procédure d’arbitrage, les voies et moyens qui permettront de réprimer plus rapidement des faits qui auraient été décelés.

Ce n’est pas un grand secret que la procédure administrative est plus rapide. De manière générale, la commission des sanctions de l’AMF prend sa décision entre un an et deux ans après la commission des faits. L’enquête pénale et les procédures pénales duraient bien plus longtemps – de trois à dix ans – avant la mise en place du parquet national financier, qui nous assure que l’efficacité sera améliorée.

Désormais, il n’y aura plus de dualité des poursuites : les autorités se mettront d’accord, selon la qualité des auteurs, la nature, la gravité et les conséquences éventuelles des faits incriminés, pour déterminer si le soin de mener les poursuites revient à l’autorité administrative indépendante ou au parquet national financier. L’objectif est d’être le plus efficace possible, et que la sanction soit la mieux adaptée à la faute qui aurait été commise.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le rapporteur, j’ai entendu à plusieurs reprises la majorité affirmer qu’elle souhaitait se contenter de transposer les directives européennes. Or, si j’ai bien compris votre réponse à Marie-Christine Dalloz, la proposition de loi va plus loin qu’une simple transposition. Pourquoi avez-vous fait ce choix ?

M. Éric Alauzet. Les articles 1er et 2 sont symétriques. L’article 2 est clair : si une procédure pénale est engagée, il ne peut y avoir de procédure de l’AMF. En revanche, il semble que si des poursuites sont engagées par cette dernière, une procédure pénale reste possible en cas d’accord du procureur général ou de l’AMF. Est-ce bien cela ?

M. le rapporteur. Monsieur Hetzel, dans notre transposition, nous n’allons pas plus loin que la directive, qu’il s’agisse du périmètre, de la nature ou de la définition des délits. Toutefois, celle-ci ne précise pas le montant des sanctions. Dès lors, nous pourrions conserver le schéma actuel, et les sanctions pénales continueraient d’être sans commune mesure avec les sanctions administratives. Mais tous les juristes que j’ai rencontrés s’étonnent que l’on ait maintenu si longtemps un tel système, surtout si l’on veut vraiment lutter contre les abus de marché. De fait, actuellement, on peut avoir intérêt à aller au pénal plutôt que devant l’AMF. Or, rien ne justifie un tel décalage. J’ai donc souhaité que, pour les mêmes faits, il soit possible de prononcer des sanctions de même niveau – le juge conservant naturellement son pouvoir d’appréciation. C’est le seul point sur lequel le texte se différencie de la directive, laquelle, je le répète, laisse aux États le soin de définir le niveau des sanctions. En somme, je vous propose que le droit français, qu’il soit administratif ou pénal, parle d’une seule voix.

Par ailleurs, la directive impose que ces sanctions soient « effectives, proportionnées et dissuasives ». Or, j’ai bien montré qu’actuellement, au plan pénal, elles ne sont pas très dissuasives : une personne qui a gagné 50 ou 100 millions d’euros n’a que faire d’une amende plafonnée à 1,5 million d’euros. Quant à « la dissolution de la personne morale concernée », elle n’a pas été prononcée très souvent. On peut brandir l’arme nucléaire, encore faut-il qu’elle soit dissuasive… Pardonnez-moi cette comparaison, mon cher collègue !

Les deux procédures prévues au troisième alinéa des articles 1er et 2 sont parfaitement en miroir : dès lors qu’une autorité veut poursuivre, elle doit obtenir l’accord de l’autre. Il n’y a aucune différence entre les deux procédures.

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EXAMEN DES ARTICLES

Les articles de la présente proposition de loi visent à apporter une solution la plus équilibrée possible à l’importante et urgente question de politique juridique analysée supra, qu’il convient de résoudre avant le 1er septembre 2016.

Le texte permet d’organiser la vie commune des deux procédures complémentaires dont le maintien est indispensable pour permettre une répression adaptée à chaque cas. Le Rapporteur tient à souligner que l’instauration souhaitable de cette option, au cas par cas, par une procédure unique n’est pas vouée à créer la prééminence ou la domination, d’un ordre répressif sur l’autre, mais la coordination étroite des autorités, en vue d’une procédure efficace et juste, sans inutiles duplications, ou contradictions, ce qui est d’évidence l’essentiel !

La refonte globale des articles L. 465-1 et suivants visant à définir les différents délits constitutifs d’un abus de marché a été nécessaire afin de se mettre en conformité avec la directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché (dite directive « abus de marché »), ainsi que le règlement n° 596/2014 du même jour sur les abus de marché Elle est réalisée par l’adoption en commission de deux amendements du Rapporteur, créant les articles 1er A et 1er bis.

La transposition a été complétée par un autre amendement du Rapporteur visant à procéder aux coordinations nécessaires au sein du code monétaire et financier, mais également au sein du code de procédure pénale et du code pénal. L’amendement du Gouvernement créant le nouvel article 4 bis de la présente proposition de loi a par ailleurs procédé à la transposition de dispositions complémentaires du règlement européen précité relatif aux abus de marché, afin de favoriser la cohérence législative.

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Article 1er A [nouveau]
(art. L. 465-1 à L. 465-3-5 [nouveaux] du code monétaire et financier)

Mise en conformité des incriminations en matière d’abus de marché avec les dispositions de la directive 2014/57/UE et du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014

Le marché intérieur des services financiers fait partie intégrante des volets régulés par l’Union européenne, et qui participe au bon fonctionnement économique au sein de l’Union. Comme le rappelle à son premier paragraphe la directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 que la présente proposition de loi transpose : « L’intégrité du marché est nécessaire afin de garantir un marché financier intégré et efficace et renforcer la confiance des investisseurs. Le bon fonctionnement des marchés des valeurs mobilières et la confiance du public en ces marchés sont des préalables indispensables à la croissance économique et à la prospérité. Les abus de marché nuisent à l’intégrité des marchés financiers et ébranlent la confiance du public dans les valeurs mobilières, les instruments dérivés et les indices de référence. »

La directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché (dite directive « abus de marché »), ainsi que le règlement n° 596/2014 du même jour sur les abus de marché, abrogent la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 3 décembre 2002 visant à empêcher les abus de marché, ainsi que trois directives de la Commission du 22 décembre 2003 et du 29 avril 2004 qui la complètent.

Les trois directives complétant la directive du 3 décembre 2002 et abrogées par la directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 :

− la directive 2004/72/CE de la Commission, du 29 avril 2004 : cette directive définit les critères à prendre en compte dans l’évaluation des pratiques de marché aux fins de l’application de l’article 6, paragraphe 10, de la directive 2003/6/CE. Les pratiques des participants au marché doivent respecter les principes d’équité et d’efficacité pour protéger l’intégrité du marché. Ces pratiques ne doivent pas compromettre l’intégrité d’autres marchés de l’Union européenne qui lui seraient liés ;

− la directive 2003/124/CE de la Commission, du 22 décembre 2003 : cette directive fixe les critères détaillés à appliquer pour déterminer les informations réputées à caractère précis et susceptibles d’influencer les cours. En outre, elle spécifie une série de facteurs à prendre en considération lorsqu’on examine si un comportement donné constitue une manipulation du marché. Pour les émetteurs, la directive prescrit les modes et délais de publication des informations privilégiées et les cas précis dans lesquels les émetteurs sont autorisés à reporter cette publication pour protéger leurs intérêts légitimes ;

− la directive 2003/125/CE de la Commission, du 22 décembre 2003 : cette directive fixe des normes pour la présentation équitable des recommandations d’investissement et la mention des conflits d’intérêts. Elle établit une distinction entre les personnes qui produisent des recommandations d’investissement (qui doivent respecter des normes plus strictes) et celles qui diffusent des recommandations produites par des tiers.

Source : site Europa.

L’adoption par le Parlement et le Conseil d’une nouvelle directive et d’un nouveau règlement en avril 2014 a fait suite au rapport du 25 février 2009 du groupe sur la surveillance financière dans l’Union européenne dirigé par Jacques de Larosière. Ce dernier a en effet mis en exergue que les régimes de sanction des États membres étaient « faibles et hétérogènes » (54), alors que le contexte général de crise économique nécessite une régulation efficace et coordonnée.

La directive du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché et le règlement « MAR » du même jour ont pour objectif de remédier à cet état de fait en encadrant plus strictement les modalités d’application des sanctions pénales et en fixant des règles et des seuils minimaux, tout en laissant des marges de manœuvre aux États membres afin que les nouvelles mesures s’intègrent au mieux dans le droit national.

L’article 13 de la directive précitée et l’article 37 du règlement associé prévoient l’applicabilité de ces mesures à partir du 3 juillet 2016, date à laquelle les précédentes directives seront considérées comme abrogées.

I. LA REFONTE DE LA SECTION 1 DU CHAPITRE V DU TITRE VI DU LIVRE IV DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER, RELATIVE À « L’ATTEINTE À LA TRANSPARENCE DES MARCHÉS ».

Dans son actuelle rédaction, cette section du code monétaire et financier est composée de quatre articles : les articles L. 465-1, L. 465-2, L. 465-2-1 et L. 465-3. Le nouvel article 1er A de la proposition de loi propose une réécriture de l’ensemble de la section, qui serait alors divisée en huit articles, afin de répondre à l’ensemble des obligations prévues par la directive MAD du 16 avril 2014.

A. ARTICLE L. 465-1 : LE RENFORCEMENT DE LA RÉPRESSION PÉNALE EN MATIÈRE D’OPÉRATION D’INITIÉ

Le premier élément de modification est la proposition de relèvement du plafond de sanctions pénales en cas de délits d’abus de marché. Le nouvel article prévoit cette hausse des seuils pour les délits d’initiés, mais l’ensemble des articles, dont ceux faisant référence au délit de divulgation illicite d’informations privilégiées et celui de manipulation de marché, seront passibles des mêmes peines.

La réécriture intégrale de cette section a été nécessaire afin de se conformer au plus près à la rédaction de la directive et du règlement européens, qui ont procédé à de nombreuses clarifications de définitions et de champs d’application.

1. Le renforcement des sanctions pénales encourues : une avancée majeure en matière de répression des abus de marché

a. Les obligations issues de la directive sur le niveau de sanction

Le premier objectif de la directive du 16 avril 2014 sur les abus de marché est de renforcer l’efficacité des sanctions pénales dans ce domaine dans l’ensemble des États membres qui y sont soumis, en fixant « des règles minimales concernant des infractions pénales » (55), les États étant libres de prévoir une législation plus stricte. Cette obligation est assortie d’une double condition : la répression pénale doit, a minima, concerner les faits les plus graves (le considérant 11 de la directive précitée définissant ce critère), et dès lors que le caractère intentionnel du délit est démontré (56).

Les peines minimales à l’encontre des personnes physiques sont définies à l’article 7 de la directive, étant précisé que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que les infractions visées aux articles 3 à 6 [abus de marché] soient passibles de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives ». La directive établit une distinction :

– les délits d’initiés et de manipulation de marché doivent être passibles d’une peine maximale d’au moins quatre ans ;

– le délit de divulgation illicite d’information privilégiée doit être passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins deux ans.

Les sanctions pécuniaires encourues devant le juge pénal ne sont pas soumises à un seuil, mais doivent cependant répondre à l’objectif de sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives ». A contrario, les sanctions pécuniaires administratives sont plus strictement encadrées à l’article 30 du règlement sur les abus de marché précité du 16 avril 2014 :

– un montant maximal d’au moins trois fois le montant de l’avantage retiré de la violation ou des pertes qu’elle a permis d’éviter, s’ils peuvent être déterminés ;

– en matière d’abus de marché, un montant de sanction pécuniaire d’au moins 5 millions d’euros ;

– pour les professionnels, en cas de manquement à leurs obligations de prévention et de détection des abus de marché, ou de diffusion de bonnes information : un montant de sanction d’au moins 1 million d’euros.

b. Une adaptation nécessaire du droit français : des sanctions pénales « effectives, proportionnées et dissuasives »

Comme exposé lors de la présentation du droit existant (cf. supra), les peines maximales encourues sont de deux ans d’emprisonnement et 1,5 million d’euros d’amende, ou « jusqu’au décuple du profit éventuellement réalisé » (57) pour les trois principaux délits relatifs aux abus de marché. Le délit d’initié intègre cependant à ce jour celui de divulgation illicite d’information (un an d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende), incrimination autonomisée dans le cadre de la directive.

A contrario, les sanctions pécuniaires encourues en cas de manquement en matière d’abus de marché, et prononcées effectivement par la Commission des sanctions de l’AMF, sont pour lors bien plus dissuasives que les amendes pénales (58). Pour rappel, en cas de manquement d’initié, manquement à la bonne information du public et manquement de manipulation des cours, l’AMF peut prononcer une sanction allant jusqu’à 100 millions d’euros, pour les professionnels contrôlés par l’AMF, mais également pour les non-professionnels. Force est de constater qu’en matière de sanction administrative, la réglementation française se situe très au-delà des seuils minimaux fixés par le règlement européen.

L’amendement du Rapporteur propose ainsi de relever le seuil maximal des sanctions pénales à cinq ans d’emprisonnement et 100 millions d’euros d’amende, ou « jusqu’au décuple du montant de l’avantage retiré ou des pertes qu’il a permis d’éviter », sans distinction entre les trois types de délit et au-delà des seuils minimaux imposés par la directive.

Ainsi, les peines d’emprisonnement encourues sont légèrement supérieures en matière de délits d’initié et de délits de manipulation de marché – cinq ans au lieu des quatre ans imposés par la directive – et plus que doublées en matière de divulgations illicites d’informations privilégiées – cinq ans au lieu des deux ans imposés par la directive. Ces mesures conservent l’esprit du droit français, qui tend à uniformiser la répression des abus de marché, et procèdent par ailleurs à un alignement des sanctions pécuniaires pénales et administratives, en cohérence avec la disparition du cumul des sanctions.

Le choix d’uniformiser la peine d’emprisonnement à une durée de cinq ans maximum pour l’ensemble des incriminations n’est pas neutre. Il permet en effet, dans le cadre de l’enquête pénale, de recourir à des techniques d’enquêtes judiciaires plus intrusives (infiltration, interceptions téléphoniques ou de correspondances, captation ou encore saisie conservatoire). En effet, ces dernières ne peuvent être mises en œuvre que dans le cas où l’infraction soupçonnée fait l’objet d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement. Il s’agit donc d’une mesure importante visant à renforcer l’effectivité de la répression en matière d’abus de marché.

Les articles suivants traitant des délits autres que celui d’opération d’initié feront ainsi systématiquement référence « aux peines prévues au A du I de l’article L. 465-1-1 ».

Par ailleurs, la sanction pécuniaire continue à pouvoir s’élever au-delà des seuils numériques, jusqu’au décuple du montant de l’avantage retiré, dès lors que ce profit est inférieur à la somme de l’amende prévue. S’ajouterait de surcroît la possibilité d’évaluer « les pertes qu’il a permis d’éviter », conformément à la rédaction qui prévaut au considérant 24 de la directive sur les abus de marché et à l’article 30 du règlement associé, en matière de sanction administrative.

Le tableau suivant récapitule l’évolution des sanctions pénales, en indiquant les obligations fixées par la réglementation européenne, et les modifications sur le droit existant qu’elles entraînent au regard des nouveaux articles L. 465-1 et suivants :

NOUVELLES INCRIMINATIONS ET HAUSSE DES SANCTIONS PÉNALES

Nouvelle incrimination

Droit existant

Obligations issues de la directive et du règlement

Proposition de loi adoptée par la commission des finances de l’Assemblée nationale (peines identiques pour les trois délits)

Extension du champ

Opération d’initié

Utilisation de l’information par des dirigeants sociaux ou des professionnels

2 ans d’emprisonnement et une amende de 1,5 million d’euros ou le décuple du profit

Utilisation d’une information privilégiée dans les conditions de l’article 3 de la directive

Sanctions pénales « effectives, proportionnées et dissuasives » : pas d’indication de montant.

Élément de proportionnalité par rapport au profit réalisé ou à la perte évitée, s’ils sont chiffrables. Pas de seuil chiffré indiqué.

Peine minimale de 4 ans d’emprisonnement

Peines d’emprisonnement encourues : 5 ans maximum

Amende : 100 millions d’euros, et jusqu’au décuple du profit réalisé ou de la perte évitée

(alignement sur les sanctions administratives)

Extension à la tentative (droit existant), la complicité, la recommandation et l’incitation, ainsi que le fait de recourir à ces recommandations ou incitations

Même peine encourue que l’infraction principale

Extension aux marchés de quotas d’émission de gaz à effet de serre

Communication de l’information à un tiers par des professionnels

1 an d’emprisonnement et une amende de 150 000 euros ou le décuple du profit

Utilisation ou communication de l’information par d’autres personnes

1 an d’emprisonnement et une amende de 150 000 euros ou le décuple du profit

Utilisation ou communication par d’autres personnes de l’information portant sur un crime ou un délit

7 ans d’emprisonnement et une amende de 1,5 million d’euros si le profit est inférieur à ce chiffre

Disparition dans le cadre des nouvelles incriminations

Divulgation illicite d’information privilégiée

(intégré au délit d’initié dans le droit existant)

 

1 an d’emprisonnement et une amende de 150 000 euros ou le décuple du profit

Communication de l’information à un tiers par des professionnels

Sanctions pénales « effectives, proportionnées et dissuasives » : pas d’indication de montant.

Élément de proportionnalité par rapport au profit réalisé ou à la perte évitée, s’ils sont chiffrables. Pas de seuil chiffré indiqué.

Peine minimale de 2 ans d’emprisonnement

Peines d’emprisonnement encourues : 5 ans maximum

Amende : 100 millions d’euros, et jusqu’au décuple du profit réalisé ou de la perte évitée

(alignement sur les sanctions administratives)

Extension à la tentative

Oubli de l’incitation et la complicité (article 6 de la directive)

Extension aux marchés de quotas d’émission de gaz à effet de serre

Utilisation ou communication de l’information par d’autres personnes

La divulgation illicite d’information privilégiée reprend en substance le périmètre de deux incriminations incluses dans le délit d’initié.

Manipulation de marché (synthèse entre le délit de manipulation des cours et le délit de diffusion de fausse information)

2 ans d’emprisonnement et une amende de 1,5 million d’euros ou le décuple du profit pour les deux délits

Sanctions pénales « effectives, proportionnées et dissuasives » : pas d’indication de montant.

Élément de proportionnalité par rapport au profit réalisé ou à la perte évitée, s’ils sont chiffrables. Pas de seuil chiffré indiqué.

Peine minimale de 4 ans d’emprisonnement

Peines d’emprisonnement encourues : 5 ans maximum

Amende : 100 millions d’euros, et jusqu’au décuple du profit réalisé ou de la perte évitée

(alignement sur les sanctions administratives)

Extension à la tentative

Oubli de l’incitation et la complicité (article 6 de la directive)

Extension aux marchés de quotas d’émission de gaz à effet de serre

Régimes des sanctions pénales applicables aux personnes morales

Disposition générale des articles 131-38 et 131-39 du code pénal, soit le quintuple de la sanction pécuniaire prévu pour les personnes morales (7,5 millions d’euros au maximum pour les trois principaux délits d’abus de marché, ou jusqu’à cinquante fois profit réalisé, et peines complémentaires)

Extension de la responsabilité pénale des personnes morales en matière d’abus de marché, mesures pénales et non pénales effectives, proportionnées et dissuasives.

Maintien du droit existant, soit :

500 millions d’euros d’amende, et jusqu’à 50 fois le profit réalisé ou la perte évitée

 

Pour rappel : le montant des sanctions administratives

Pour les trois manquements (professionnels régulés et non professionnels) :

Sanctions disciplinaires et sanctions pécuniaires de 100 millions d’euros maximum OU n’excédant pas le décuple du profit lié au manquement (sauf personnes physiques placées sous l’autorité des professionnels : 15 millions d’euros)

Article 30 du règlement sur les abus de marché précité du 16 avril 2014 :

Un montant maximal d’au moins trois fois le montant de l’avantage retiré de la violation ou des pertes qu’elle a permis d’éviter, s’ils peuvent être déterminés ;

En matière d’abus de marché, un montant de sanction pécuniaire d’au moins 5 millions d’euros.

Pas de modification du droit existant

 

Source : commission des finances.

c. Précision du champ d’application : énumération des personnes concernées et définitions clarifiées des incriminations

i. Le champ des personnes concernées

L’article 3 de la directive précitée sur les abus de marché s’est attaché, à son alinéa 3, à détailler précisément les personnes concernées par ces mesures répressives.

Extrait de l’article 3 de la directive 2014/57/UE, alinéa 3

« Le présent article s’applique à toute personne qui détient des informations privilégiées parce qu’elle :

a) est membre des organes d’administration, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ou est un participant au marché des quotas d’émission ;

b) détient une participation dans le capital de l’émetteur ou est un participant au marché des quotas d’émission ;

c) a accès aux informations grâce à l’exercice de tâches résultant d’un emploi, d’une profession ou de fonctions ; ou

d) participe à des activités criminelles. »

Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 465-1 du code procède à une énumération moins précise, en visant « les dirigeants d’une société mentionnée à l’article L. 225-109 du code de commerce (59), et pour les personnes disposant, à l’occasion de l’exercice de leur profession ou de leurs fonctions, d’informations privilégiées […]». Il est proposé, par souci de clarté, de transposer en substance au sein du nouvel article L. 465-1-1, l’énumération de l’article 3 de la directive, en y détaillant explicitement les fonctions de direction. Le champ s’en trouve donc légèrement élargi, à l’instar des gérants d’entreprises qui sont désormais intégrés.

Par ailleurs, le champ est également étendu, en conformité avec les exigences de la directive (60), à « toute autre personne disposant d’une information privilégiée en connaissance de cause ». Cette indépendance vis-à-vis de la fonction exercée, et le recentrage sur la connaissance effective d’une « information privilégiée » répond à l’objectif de renforcement de la lutte contre les abus de marché. Par ailleurs, une infraction est plus sévèrement réprimée dans le périmètre du délit d’initié : l’utilisation ou la communication par d’autres personnes de l’information portant sur un crime ou un délit (alinéa 3 de l’article L. 465-1 en vigueur), punies de sept ans d’emprisonnement et 1,5 million d’euros d’amende.

Cette circonstance aggravante disparaît dans les nouvelles dispositions de l’article 1er A, mais demeure cependant dans le champ de l’opération d’initié la personne ayant obtenu une information privilégiée « à l’occasion de sa participation à la commission d’un crime ou d’un délit ».

En cohérence avec cette extension majeure du champ d’application, le règlement sur les abus prévoit, en son article 9, une mesure restrictive importante à l’application de ces dispositions, afin de protéger la présomption d’innocence, considérant qu’« il ne doit pas être considéré que le simple fait qu’une personne est en possession ou a été en possession d’une information privilégiée signifie que cette personne a utilisé cette information et a ainsi effectué une opération d’initié. [...] » (61)

Le Rapporteur a donc inséré cette référence à l’article 9, par dérogation au champ des personnes concernées par le délit d’initié au B du I du nouvel article L. 465-1-1.

ii. Clarification des notions d’opération d’initié et d’information privilégiée

Il paraît nécessaire de clarifier, au regard de la directive 2014/57/UE, ce que l’on entend par une opération d’initié. Afin de s’assurer de la conformité avec la réglementation européenne, l’article 1er A propose de reprendre au plus près les définitions contenues dans la directive :

– en reprenant dans le corps du nouvel article L. 465-1-1, au A du I, les termes de l’alinéa 4 de l’article 3 de la directive précitée qui définit l’opération d’initié (62). Cette qualification est en effet plus précise que la réalisation « d’une ou plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces informations », comme dans le droit qui s’applique aujourd’hui ;

– en conservant le caractère direct et indirect, car il fait partie intégrante de l’opération d’initié telle que définie à l’alinéa 1 de l’article 3 de la directive ;

– en renvoyant, au C du I de l’article L. 465-1-1, à la définition d’information privilégiée « au sens de l’article 7, paragraphes 1 à 4, du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché » (63).

d. La répression de la tentative identique à celle de la commission de l’infraction

L’alinéa 2 de l’article 6 de la directive 2014/57/UE dispose que « les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le fait de tenter de commettre l’une des infractions visées à l’article 3, paragraphes 2 à 5 et 7, et à l’article 5 (64) soit punissable en tant qu’infraction pénale ».

La rédaction actuelle de l’article L. 465-1 du code monétaire et financier intègre d’ores et déjà la tentative d’infraction, puisqu’à la fin du premier alinéa est inclus dans la définition du délit le fait « de réaliser », mais également « de tenter de réaliser ».

L’article 1er A de la présente proposition de loi procède à une modification rédactionnelle visant à clarifier l’alignement du régime de la commission à celui de la tentative de commission, en précisant au II du nouvel article L. 465-1-1 que « la tentative de l’infraction prévue au I du présent article est punie des mêmes peines ».

B. ARTICLE L. 461-2 : INCITATION, RECOMMANDATION, COMPLICITÉ ET TENTATIVE EN MATIÈRE D’ABUS DE MARCHÉ

L’article 6 de la directive précitée sur les abus de marché impose que le système répressif des États membres prévoie des sanctions pénales en cas d’incitation à commettre des abus de marché, en cas de complicité et en cas de tentative d’infraction. L’article 3 prévoit également une répression de nature pénale dès lors qu’une personne a recouru à une recommandation ou une incitation de manière consciente afin de réaliser une opération d’initié.

Si la directive prévoit que ces actes soit « punissables en tant qu’infraction pénale », il n’est pas précisé que les sanctions doivent être identiques à celle de l’infraction principale.

Extrait de l’article 6 de la directive 2014/57/UE (« Incitation, complicité et tentative »)

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que l’incitation à commettre les infractions visées à l’article 3, paragraphes 2 à 5, à l’article 4 et à l’article 5 et le fait de s’en rendre complice soient punissables en tant qu’infraction pénale.

« 2. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le fait de tenter de commettre l’une des infractions visées à l’article 3, paragraphes 2 à 5 et 7, et à l’article 5 soit punissables en tant qu’infraction pénale. » […]

Extrait de l’article 3 de la directive 2014/57/UE (alinéa 7)

« 7. Le fait de recourir aux recommandations ou aux incitations visées au paragraphe 6 est considéré comme une opération d’initié lorsque la personne qui y recourt sait qu’elle le fait sur la base d’informations privilégiées. »

Dans sa rédaction actuelle, le I de l’article L. 465-1 inclut dans le champ de l’infraction le fait de « permettre de réaliser » cette infraction, ce qui doit s’entendre comme un acte de complicité. La rédaction proposée précise qu’entre dans le champ de l’opération d’initié le fait de « faire usage de cette information privilégiée en réalisant pour elle-même ou pour autrui », ce qui inclut les actes de complicité.

Le nouvel article L. 465-2 ajoute les actes de recommandation et d’incitation, qui constituent désormais des infractions assimilables au délit d’initié lui-même. Sont ainsi punies des mêmes peines maximales que le délit d’initié la recommandation et l’incitation à réaliser des opérations d’initié, conformément à l’alinéa 1 de l’article 3 de la directive 2014/57/UE (I du nouvel article 465-2). La tentative de commission de ces infractions est punie des mêmes peines que l’opération d’initié (65).

Par ailleurs, sont considérés comme une opération d’initié, et sont donc punissables des mêmes peines dans les mêmes conditions :

– au II : le fait de faire usage de la recommandation ou de l’incitation de manière consciente, conformément à l’alinéa 7 de l’article 3 de cette même directive ;

– au III : le fait, pour toute personne, de communiquer la recommandation ou l’incitation.

Dans les deux cas, le régime propre à la tentative, la recommandation et l’incitation d’opération d’initié est également applicable sans qu’il soit besoin de le mentionner.

Enfin, le considérant 10 de la directive du 16 avril 2014 insiste sur l’obligation de mise en œuvre de sanctions pénales, dès lors qu’il y a un élément intentionnel démontré dans la commission des abus de marché. C’est pourquoi le II et le III de cet article insistent sur le caractère conscient (« en sachant qu’elle est fondée sur une information privilégiée ») de l’utilisation ou de la communication de la recommandation ou de l’incitation.

C. ARTICLE L. 465-3 : LE DÉLIT DE DIVULGATION ILLICITE D’INFORMATION PRIVILÉGIÉE AUTONOMISÉ PAR RAPPORT À L’OPÉRATION D’INITIÉ

L’article 4 de la directive 2014/57/UE impose la pénalisation de l’infraction de divulgation illicite d’information privilégiée, qui reprend le délit de communication d’information privilégiée à un tiers, prévu à l’alinéa 2 de l’article 465-1, et puni d’un an d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, ou jusqu’au décuple du profit réalisé (cf. supra page 12 du présent rapport). Ce délit fait donc partie intégrante du délit d’initié, dont il constitue une déclinaison moins sévèrement punie.

Article 4 de la directive précitée (« divulgation illicite d’informations privilégiées »)

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que la divulgation illicite d’informations privilégiées comme visé aux paragraphes 2 à 5 constitue une infraction pénale, au moins dans les cas graves et lorsqu’elle est commise intentionnellement.

« 2. Aux fins de la présente directive, une divulgation illicite d’informations privilégiées se produit lorsqu’une personne détient des informations privilégiées et divulgue ces informations à toute autre personne, sauf lorsque la divulgation s’effectue dans l’exercice normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions, y compris lorsqu’elle relève d’un sondage de marché effectué conformément à l’article 11, paragraphes 1 à 8, du règlement (UE) n° 596/2014.

« 3. Le présent article s’applique à toute personne se trouvant dans les situations ou les circonstances visées à l’article 3, paragraphe 3.

« 4. Aux fins de la présente directive, la divulgation ultérieure des recommandations ou incitations visées à l’article 3, paragraphe 6, est considérée comme une divulgation illicite d’informations privilégiées conformément au présent article si la personne qui divulgue la recommandation ou l’incitation sait qu’elle est basée sur des informations privilégiées.

« 5. Le présent article s’applique conformément à la nécessité de protéger la liberté de la presse et la liberté d’expression. »

La rédaction actuelle de l’article L. 465-1, alinéa 2, du code monétaire et financier prévoit, en son second alinéa, la répression du délit de diffusion de mauvaise information, qui se définit comme « le fait, pour toute personne disposant dans l’exercice de sa profession ou de ses fonctions d’une information privilégiée sur les perspectives ou la situation d’un émetteur ou de ses titres admis aux négociations sur un marché réglementé […] de la communiquer à un tiers en dehors du cadre normal de sa profession ou de ses fonctions ».

Le nouvel article L. 465-1-3 reprend en substance cette qualification, autonomise ce délit, et ajoute dans son champ la communication de l’information, « y compris lorsqu’elle relève d’un sondage de marché ». Cet ajout est nécessaire au regard de l’article 11 du règlement n° 596/2014 précité, qui circonscrit la définition du « sondage de marché », et l’intègre dans le champ des « informations privilégiées » pouvant de ce fait être divulguées illégalement.

Il est fait une référence explicite à cet article du règlement dans le cadre de la rédaction de l’article 1er A tel que proposé par le Rapporteur.

Les peines encourues renvoient à celles prévues à l’article L. 465-1-1 relatif aux opérations d’initié. Il est donc important de noter que la transposition de la directive engendre un renforcement substantiel des sanctions maximales en matière de communication illégale d’informations privilégiées, par rapport au droit existant : de 1 à 5 ans d’emprisonnement et 150 000 euros à 100 millions d’euros de sanctions pécuniaires. Par ailleurs, selon l’article 7 de la directive précitée, la peine d’emprisonnement minimal pour ce délit doit être de deux ans maximum, et non quatre comme l’opération d’initié et la manipulation de marché.

La France fait donc le choix de renforcer très significativement son arsenal répressif dans ce domaine, en cohérence avec l’objectif affiché de la directive.

Dans le même temps, il est important de souligner le choix de supprimer une circonstance aggravante : il est aujourd’hui prévu au troisième alinéa de l’article L. 465-1 que « lorsque les infractions en cause concernent la commission d’un crime ou d’un délit, les peines encourues sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 1,5 million d’euros si le montant des profits réalisés est inférieur à ce chiffre ». Cette disposition n’est en effet pas prévue par les textes européens.

L’article L. 465-1 prévoit d’ores et déjà, à son troisième alinéa, une sanction équivalente à l’infraction de communication d’information privilégiée dans les cas de tentative et de complicité (« réaliser, tenter de réaliser ou de permettre de réaliser »). Le II du nouvel article L. 465-3 étend la sanction prévue au I, et identique à celle de l’opération d’initié, à celle à la tentative de divulgation illicite d’information. Au titre de l’article 6 de la directive, le droit national n’est pas tenu de sanctionner pénalement la tentative de divulgation illicite : il ne paraît cependant pas opportun de revenir sur le droit existant, c’est pourquoi le II du nouvel article L. 465-1-3 propose de punir de manière identique la tentative.

Concernant la pénalisation de l’infraction en cas de complicité, recommandation ou incitation en matière de divulgation illicite d’information, les dispositions générales relatives à la complicité prévues à l’article 121-7 du code pénal (66) suffisent à couvrir l’ensemble de ces faits, puisque le second alinéa de cet article vise les faits de complicité par instigation. Les obligations prévues à l’article 6 de la directive 2014/57/UE sont donc respectées au regard du droit existant, sans qu’il soit besoin d’en faire mention particulière dans le cadre de ce nouvel article.

D. ARTICLES L. 465-3-6 ET L. 465-3-2 : LE DÉLIT DE MANIPULATION DE MARCHÉ, SYNTHÈSE DU DÉLIT DE FAUSSE INFORMATION ET DE MANIPULATION DES COURS

Le délit de manipulation de marché est prévu à l’article 5 de la directive précitée, qui en définit le périmètre.

Article 5 « Manipulations de marché »

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte que la manipulation de marché visée au paragraphe 2 constitue une infraction pénale, au moins dans les cas graves et lorsqu’elle est commise intentionnellement.

« 2. Aux fins de la présente directive, la notion de manipulation de marché couvre les activités suivantes :

« a) effectuer une transaction, passer un ordre ou adopter tout autre comportement qui :

« i) donne des indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui lui est lié ; ou

« ii) fixe à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié sauf si les raisons pour lesquelles la personne qui a effectué la transaction ou passé l’ordre sont légitimes et que cette transaction ou cet ordre sont conformes aux pratiques de marché admises sur la plate-forme de négociation concernée ;

« b) effectuer une transaction, passer un ordre, exercer toute autre activité ou adopter tout autre comportement affectant le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié, en ayant recours à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice ;

« c) diffuser des informations, par l’intermédiaire des médias, dont l’internet, ou par tout autre moyen, qui donnent des indications fausses ou trompeuses quant à l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui lui est lié, ou qui fixent le cours d’un ou de plusieurs instruments financiers ou d’un contrat au comptant sur matières premières qui leur est lié à un niveau anormal ou artificiel, lorsque les personnes qui ont diffusé les informations tirent, pour elles-mêmes ou pour une autre personne, un avantage ou un profit de la diffusion des informations en question ; ou

d) transmettre des informations fausses ou trompeuses, ou fournir des données fausses ou trompeuses, ou adopter tout autre comportement constituant une manipulation du calcul d’un indice de référence. »

Le délit de manipulation des cours est actuellement prévu à l’article L. 465-2 du code monétaire et financier et se définit comme une « manœuvre ayant pour objet d’entraver le fonctionnement régulier d’un marché réglementé ou d’un système multilatéral de négociation en induisant autrui en erreur » (premier alinéa), tandis que celui de fausse information consiste en « le fait, pour toute personne, de répandre ou de tenter de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d’un émetteurs ou de ses titres admis aux négociations, etc. » (second alinéa).

Le droit européen intègre donc les deux notions au sein de cette troisième infraction. Malgré l’unicité qui prévaut d’ores et déjà, puisque les deux qualifications sont réunies au sein du même article L. 465-2 du code monétaire et financier, la présente proposition de loi présente une rédaction subdivisée en deux articles afin d’améliorer la lisibilité des dispositions.

i. L’article L. 465-3-6 : la manipulation des cours

Il prévoit des sanctions pénales équivalentes à celles prévues pour les opérations d’initié :

– en cas de comportement ou d’opération visant à donner des indications trompeuses et qui fixe à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un instrument financier (I A) ;

– en cas de comportement ou d’opération qui affectent le cours d’un instrument financier, en ayant recours à des procédés fictifs ou à toute forme de tromperie et d’artifice (II).

Ces deux alinéas se caractérisent par une intention identique de la personne impliquée dans la manipulation de marché, mais distinguent des moyens différents d’y parvenir. Il reprend, en substance, les éléments de qualification des alinéas a et b du 2 de l’article 5 de la directive précitée (voir encadré supra). Sont également mentionnés les cas où la responsabilité ne peut être retenue, dès lors que le fait incriminé « est fondé sur un motif légitime et est conforme à une pratique de marché admise ». (67)

Le III de l’article proposé étend l’application des sanctions pénales à la tentative de manipulation de marché, dans ses deux occurrences, conformément aux obligations fixées à l’article 6 de la directive.

ii. L’article L. 465-3-2 : la diffusion de fausse information

Ce nouvel article reprend les dispositions prévues au c, et constitue une autre modalité de manipulation de marché, par le biais de la diffusion d’informations « fausses ou trompeuses ». Ce volet de l’infraction de manipulation de marché est conforme au délit de fausse information existant d’ores et déjà à l’article L. 465-2 du code monétaire et financier.

Le II de l’article proposé étend l’application des sanctions pénales à la tentative de manipulation de marché, dans ses deux occurrences.

Complété par les dispositions générales relatives à la complicité instigation prévues à l’article 121-7 du code pénal, le dispositif répressif en matière de manipulation de marché est également conforme aux obligations fixées à l’article 6 de la directive.

E. ARTICLE L. 465-3-3 : LES INDICES DE RÉFÉRENCE

La manipulation et la diffusion de fausse information en matière d’indices de référence sont d’ores et déjà prévues par le droit existant à l’article L. 465-2-1 du code monétaire et financier. Cet article a été ajouté par la loi du 26 juillet 2013, dite « loi bancaire » (68). Il est conforme aux obligations fixées en la matière au d de l’article 5 de la directive : la rédaction proposée est donc identique à l’actuel article L. 465-2-1. En effet, le règlement comme la directive relative aux abus de marché reconnaissent l’importance que peut recouvrir la lutte contre la manipulation des indices de référence. Le considérant 44 du règlement sur les abus de marché du 16 avril 2014 souligne ainsi : « les prix de nombreux instruments financiers sont établis à partir d’indices de référence. La manipulation ou tentative de manipulation d’indices de référence, y compris les taux interbancaires offerts, est susceptible d’avoir de graves répercussions sur la confiance des marchés et peut entraîner des pertes importantes pour les investisseurs ou des distorsions de l’économie réelle. »

Il est cependant proposé d’ajouter au champ de la sanction pénale la tentative de manipulation des indices de référence, afin d’être en conformité avec l’article 6 de la directive.

F. ARTICLE L.465-3-4 : LE CHAMP D’APPLICATION

Le nouvel article L. 465-3 a pour finalité de clarifier le champ d’application de l’ensemble de la section relative aux atteintes à la transparence des marchés.

Le droit existant précise les personnes concernées par l’application des peines encourues à chaque qualification d’infraction, au risque de provoquer un certain nombre de répétitions aux articles L. 465-1 et L. 465-2 du code monétaire et financier, et de nuire à la lisibilité générale de ces mesures. Ainsi, le champ d’application que l’on retrouve à chaque occurrence est celui « de toute personne disposant, à l’occasion de l’exercice de leurs professions ou de leurs fonctions, d’informations privilégiées sur les perspectives ou la situation d’un émetteur ou de ses titres admis aux négociations sur un marché réglementé au sens de l’article L. 421-1 ou pour lesquels une demande d’admission sur un tel marché a été présentée, ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations ou négociés sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée ou sur les perspectives d’évolution d’un instrument financier ou d’un actif visé au II de l’article L. 421-1 admis sur un marché réglementé […] ».

Le nouvel article L. 465-3 prévoit une « disposition balai » qui circonscrit les instruments financiers et assimilés pouvant faire l’objet d’un abus de marché. Pour cela, il propose de transposer l’article 1 de la directive précitée (69), afin de rendre le champ d’application plus lisible, et conforme aux obligations fixées par la réglementation européenne. L’on peut distinguer trois champs distincts :

– celui qui s’applique à l’ensemble des infractions, identique à celui du droit existant hormis l’ajout des quotas d’émission de gaz à effet de serre (70) ;

– celui qui s’applique aux manipulations de marché, qui comprend le précédent champ d’application, mais auquel s’ajoute, conformément à la directive (article 1) et au règlement (article 3) sur les abus de marché, les contrats au comptant sur les matières premières ;

– celui qui est exclu, en tout état de cause, de l’ensemble du champ des abus de marché, les programmes de rachat et les mesures de stabilisation, conformément à l’article 5 du règlement précité, et les activités se rapportant à la politique monétaire, à la gestion de la dette publique et à la politique climatique, conformément à l’article 6 du même règlement.

La transposition de la réglementation européenne implique donc une extension, mais également une clarification, du champ d’application des mesures répressives en matière d’abus de marché.

G. ARTICLE L. 465-3-5 : LE RÉGIME APPLICABLE AUX PERSONNES MORALES

Dans le droit existant, le dernier article de la section (article L. 465-3 du code monétaire et financier), modifié par la loi du 26 juillet 2013 précitée, précise le régime répressif des personnes morales en matière d’abus de marché. Le droit applicable est actuellement le régime de droit commun des peines criminelles et correctionnelles prévu aux articles 131-38 et 131-39 du code pénal :

– une amende égale au quintuple de celle prévue pour les personnes physiques ;

– des peines complémentaires visant à limiter ou mettre fin aux activités exercées par la personne morale, et notamment l’interdiction d’exercer l’activité en lien avec l’infraction.

Ces mesures ne sont pas modifiées dans le cadre du nouvel article. En effet, la directive 2014/57/UE oblige les États membres à prévoir des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives » en direction des personnes morales (71). Cependant, la hausse des sanctions encourues par les personnes physiques implique une hausse proportionnelle au quintuple des sanctions encourues par les personnes morales, soit 500 millions d’euros, ou jusqu’à cinquante fois le profit réalisé ou la perte évitée.

II. LES COORDINATIONS ET LA DATE D’ENTRÉE EN VIGUEUR

Il est également prévu un certain nombre de coordinations indispensables, avec le code monétaire et financier (II), mais également avec le code de procédure pénale (III) et le code pénal (IV).

Les coordinations au sein de ces différents codes impliquent le remplacement, au sein des articles concernés, de la référence à l’ancienne numérotation de la section relative à la transparence des marchés, au profit des nouvelles références d’articles (« L. 465-1 à L. 465-3-3 »).

L’ensemble des dispositions doivent entrer en vigueur le 3 juillet 2016, date à laquelle le droit national doit être conforme à la réglementation européenne des abus de marché, au titre de l’article 13 de la directive.

Article 13 (« Transposition »)

« 1. Les États membres adoptent et publient, au plus tard le 3 juillet 2016, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces mesures.

« Ils appliquent ces mesures à compter du 3 juillet 2016 sous réserve de l’entrée en vigueur du règlement (UE) n° 596/2014 (72).

« Lorsque les États membres adoptent ces mesures, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

« 2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive. »

*

* *

La commission est saisie de l’amendement CF10 du rapporteur.

M. le rapporteur. Comme je l’ai indiqué lors de ma présentation générale de la proposition de loi, cet amendement vise à procéder à une refonte complète des incriminations en matière d’abus de marché et modifie ainsi la base légale qui sert de fondement aux poursuites réformées par la proposition de loi. Les deux types de dispositions sont intimement liés et doivent, pour des raisons de lisibilité et de cohérence, être adoptés en même temps.

Sur le fond, l’amendement vise à augmenter très sensiblement les sanctions pénales. Ainsi, pour l’opération d’initié, le montant de l’amende est porté de 1,5 million d’euros à 100 millions et la peine d’emprisonnement de deux ans à cinq ans. Les sanctions administratives et pénales sont ainsi désormais uniformisées. Il s’agit de dispositions essentielles qui visent à la fois à assurer la cohérence du dispositif et à respecter l’obligation de transposition.

Cet amendement sera complété par l’amendement CF13 portant article additionnel après l’article 1er, qui procédera, en miroir, aux mêmes modifications pour les dispositions relatives à l’AMF – puisque celle-ci et le parquet national financier sanctionnent sur le fondement d’un renvoi à la même base légale –, ainsi que par deux amendements de coordination qui tireront les conséquences du changement de numérotation.

M. le président Gilles Carrez. Je comprends parfaitement que les sanctions susceptibles d’être prononcées par l’Autorité des marchés financiers et par le juge judiciaire soient harmonisées, mais l’AMF ne peut pas prononcer de peines d’emprisonnement. Dès lors, pourquoi augmenter également ces peines alors que l’harmonisation ne concerne que les sanctions pécuniaires ?

M. le rapporteur. Parce que la directive européenne impose que la peine d’emprisonnement soit au minimum de quatre ans pour les opérations et les manipulations de marché.

La commission adopte l’amendement.

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Article 1er
(art. L. 465-3-6 [nouveau] du code monétaire et financier)

Encadrement des possibilités de mise en mouvement de l’action publique pour les délits boursiers

L’article 1er de la présente proposition de loi insère au sein du chapitre V (infractions relatives à la protection des investisseurs) du titre VI (dispositions pénales) du livre VI (les marchés) du code monétaire et financier un nouvel article L. 465-3-6 comportant sept alinéas.

Ce nouvel article L. 465-3-6, qui s’inscrit au sein des dispositions relatives aux poursuites pénales pour les trois délits boursiers que sont les délits d’initié, de manipulation de cours ou de fausse information, a pour objet de restreindre la possibilité pour le procureur de la République financier de mettre en mouvement l’action publique, afin de rendre non plus cumulatives mais alternatives les poursuites pénales et administratives.

Un décret en Conseil d’État viendra préciser ses conditions et modalités d’application.

1. La création d’un nouveau cas d’extinction de l’action publique en matière d’abus de marché : la notification des griefs

Le I du nouvel article L. 465-3-6 prévoit que la notification des griefs, effectuée par l’AMF en application de l’article L. 621-15, est une cause d’extinction de l’action publique, pour autant que soient concernés les mêmes faits et les mêmes personnes.

a. Le nouveau principe posé par le I de l’article L. 465-3-6 du code monétaire et financier

La poursuite des infractions pénales par le ministère public obéit, quels que soient les délits en cause, aux règles édictées par le code de procédure pénale.

Le I de l’article L. 465-3-6 pose le principe d’un nouveau cas d’extinction de l’action publique, à savoir la notification des griefs par l’AMF sur les mêmes faits et concernant les mêmes personnes.

Ce nouveau cas d’extinction des poursuites vient donc s’ajouter aux autres causes énumérées par l’article 6 du code de procédure pénale, à savoir :

– la mort du prévenu ;

– la prescription (73) ;

– l’amnistie ;

– l’abrogation de la loi pénale ;

– la chose jugée ;

– la transaction lorsque la loi en dispose expressément ;

– l’exécution d’une composition pénale ;

– le retrait de plainte, lorsque celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite.

La notification des griefs par le collège de l’AMF traduit l’engagement des poursuites en vue de l’application de sanctions administratives, le dossier étant renvoyé à la commission des sanctions.

Ce cas d’extinction de l’action publique devrait rester très théorique, et limité aux dossiers en cours à la date de publication de la présente proposition de loi. En effet, la nouvelle procédure de concertation préalable, obligatoire à l’engagement de poursuites tant pénales qu’administratives (cf. infra), devrait rendre impossible la notification de griefs alors qu’une procédure pénale a été engagée par ailleurs.

Aussi, le I du nouvel article L. 465-3-6 ne devrait en théorie s’appliquer qu’aux dossiers en cours ou ouverts entre le 18 mars 2015 et la promulgation du présent texte. En pratique, cela reste encore improbable au vu du dialogue qui s’est instauré de fait entre le Parquet national financier et l’AMF, visant à orienter le plus tôt possible les procédures, dialogue largement imposé par le considérant 36 de la décision du Conseil constitutionnel (74).

Cependant, cette disposition est nécessaire à la sécurisation juridique du dispositif eu égard à l’interprétation que le Conseil constitutionnel a fait de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.

b. Le critère de l’identité des faits et des personnes

L’action publique ne sera éteinte que si la notification des griefs porte sur « les mêmes faits » et pour la « même personne ».

Cette nouvelle disposition, qui n’a vocation qu’à transcrire dans la loi le considérant 36 de la décision du Conseil constitutionnel, ne doit en effet pas conduire à ce que les poursuites pénales engagées à l’encontre d’une personne pour des faits autres que ceux ayant fait l’objet d’une notification des griefs ne soient éteintes.

Il s’agit de respecter pleinement l’interdiction du cumul des poursuites répressives, au-delà même de toute considération relative aux sanctions.

2. La création d’un préalable nécessaire à la mise en mouvement de l’action publique : la concertation avec le collège de l’Autorité des marchés financiers

Les troisième et quatrième alinéas de l’article 1er concentrent le cœur du dispositif, pour son volet pénal, en insérant au sein du nouvel article L. 465-3-1 du code monétaire et financer un II et un III ainsi rédigés :

« II.- L’action publique pour l’application des peines prévues à la présente section ne peut être mise en mouvement par le procureur de la République financier qu’après concertation avec le collège de l’Autorité des marchés financiers, et accord de celui-ci.

« III.- En l’absence d’accord, le procureur général près la cour d’appel de Paris autorise le procureur de la République financier à mettre en mouvement l’action publique, ou donne son accord au collège de l’Autorité des marchés financiers pour procéder à la notification des griefs […]. »

a. La nécessité d’un accord préalable entre l’AMF et le Parquet national financier afin de pouvoir engager les poursuites pénales

Le dispositif proposé n’autorise désormais la mise en œuvre de l’action publique, lorsque celle-ci a pour objet l’application des peines relatives aux délits d’abus de marché, que si les deux conditions cumulatives suivantes sont réunies :

– une concertation avec le collège de l’AMF est intervenue ;

– l’AMF a donné son accord à l’engagement de poursuites pénales.

Ainsi, plus qu’une simple concertation, c’est à un véritable accord de l’AMF qu’est subordonnée la mise en mouvement de l’action publique.

Dans le souci toutefois de respecter le monopole du ministère public en matière de poursuites pénales, et de sécuriser le dispositif sur le plan juridique, le Rapporteur proposera une amélioration de la rédaction de l’alinéa 3 de l’article 1er, en remplaçant le mot « accord » par les mots « avis conforme ».

Le Rapporteur précise que le décret en Conseil d’État prévu au VI du nouvel article L. 465-3-6 viendra détailler les modalités de cette concertation, notamment le formalisme de saisine de chacune des autorités, ou le délai dans lequel cette concertation devra intervenir. Cependant, le Rapporteur estime nécessaire de prévoir dans le texte même de la proposition de loi, un certain parallélisme avec le régime de l’arbitrage par le procureur général (cf. infra). Aussi, le Rapporteur déposera un amendement visant à rendre l’avis conforme susmentionné définitif, non susceptible de recours et versé au dossier de la procédure.

Ces remarques permettent d’aborder la délicate question de l’égalité des justiciables devant la loi. En effet, le Rapporteur est conscient de la difficulté qui pourrait être soulevée par certains plaignants, qui se voient appliquer une procédure pénale, alors que certains dossiers similaires se seront vus orienter vers la voie administrative. Le Conseil constitutionnel s’attache d’ailleurs à préserver les garanties qui découlent de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 selon lequel la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Le Conseil constitutionnel considère que ce principe d’égalité devant la loi pénale ne fait pas obstacle à ce qu’une différenciation soit opérée par le législateur entre agissements de nature différente, mais il rappelle régulièrement que « la loi pénale ne saurait, pour une même infraction, instituer des peines de nature différente, sauf à ce que cette différence soit justifiée par une différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi » (75).

En ce qui concerne les différences de peines encourues au plan pénal et au plan administratif, le Rapporteur estime que le nouvel article 1er A visant à augmenter le montant des amendes pénales encourues, permet d’une part de parer au risque d’inconstitutionnalité du mécanisme mis en place par la présente proposition de loi, et d’autre part de mettre notre droit en conformité avec les textes européens.

Par ailleurs, concernant les règles de procédure applicables à chacune des deux voies, le Rapporteur estime que toutes deux garantissent un socle minimal de droits pour les personnes soupçonnées d’abus de marché, et que le renforcement progressif des garanties applicables devant la commission des sanctions de l’AMF (76) permet d’écarter l’hypothèse d’une condamnation par le juge constitutionnel sur le fondement de l’égalité devant la loi pénale.

La constitutionnalité de la procédure d’aiguillage mise en place par la présente proposition de loi est également affirmée par de nombreux juristes, dont M. Stéphane Detraz, qui estime qu’« en toute lucidité, l’on n’imagine à aucun instant que le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation ou le Conseil d’État invalident en tant que telle la dualité de répression en matière de fraude fiscale au motif qu’elle laisserait aux autorités une liberté de choix entre la voie fiscale et la voie pénale » (77).

En ce qui concerne enfin les critères qui guideront le choix d’orienter les dossiers vers l’une ou l’autre des procédures, les auditions menées par le Rapporteur ont mis en évidence une liste de circonstances qui permettront d’objectiver la décision qui sera prise à l’issue de la concertation, par exemple :

– la gravité des actes ;

– la réitération des agissements ;

– le fait que les opérations soient commises en bande organisée ;

– la complexité des investigations à mener ;

– l’importance du préjudice réalisé.

En ce qui concerne le dernier critère, l’AMF et le Parquet national financier se sont, de manière informelle, mis d’accord sur le fait que le seuil de 1 million d’euros pourrait être discriminant, les affaires dans lesquelles les préjudices seraient supérieurs à ce montant ayant ainsi plutôt vocation à être orientées vers la voie pénale. En résumé, le Rapporteur, tout comme l’ensemble des acteurs concernés, est d’avis que la voie pénale devra être réservée aux cas les plus graves, ceux qui traduisent un comportement particulièrement répréhensible. Ils devraient représenter moins de 20 % des dossiers, sur la base d’une analyse des pratiques actuelles. Par ailleurs, il est tout à fait envisageable qu’une circulaire commune aux ministères de la justice et des finances et des comptes publics vienne préciser les critères qui permettront d’aiguiller les dossiers.

b. La mise en place, en cas de désaccord, d’un arbitrage du procureur général près la cour d’appel de Paris

Afin d’éviter tout blocage de la procédure en cas de difficulté à trouver un accord, le II prévoit que le procureur général près la cour d’appel de Paris est seul compétent pour autoriser le ministère public à engager les poursuites pénales, ou pour autoriser le collège de l’AMF à procéder à une notification des griefs.

i. Les modalités d’intervention du procureur général près la cour d’appel

Pour une question d’efficacité et de célérité de la procédure, l’arbitrage est soumis à un délai de deux mois à compter de la saisine du procureur général. Par ailleurs, si la décision du procureur général est versée au dossier de la procédure, le texte précise qu’elle est définitive et qu’elle n’est pas susceptible de recours.

L’impossibilité de faire appel de la décision qui aura été prise de façon consensuelle au cours de la concertation ne semble pas devoir poser de problème juridique. Cette orientation des dossiers s’analyse en effet comme un acte d’administration judiciaire, simple décision de gestion administrative. Il n’existe aucun droit à être jugé par telle juridiction plutôt qu’une autre, et l’alignement du montant des sanctions pécuniaires pénales et administratives devrait atténuer le différentiel dans les peines encourues. Par ailleurs, le Rapporteur rappelle que le droit européen même incite les États membres à prévoir une différenciation dans les cas les plus graves.

Le caractère définitif de l’arbitrage signifie qu’il ne sera pas possible de reprendre la procédure au moyen de la voie répressive qui aura été abandonnée, et ce quelle que soit l’issue de la procédure finalement choisie : relaxe, composition administrative ou pénale, non-lieu, exemption de peine, transaction, extinction de l’action publique, classement sans suite, etc.

Bien sûr, ce principe de non-retour ne vaudra que si les faits et les personnes en cause sont identiques.

ii. La pertinence du choix opéré par la présente proposition de loi

Le choix du procureur général près la cour d’appel de Paris est particulièrement pertinent, respectueux des principes et souple. Les auditions menées par le Rapporteur ont d’ailleurs permis de constater que cette option recueillait l’assentiment de l’ensemble des autorités concernées.

Ce choix est pertinent car le procureur général de la cour d’appel de Paris dispose d’une compétence exclusive en matière de droit boursier, qu’il s’agisse des recours exercés contre les décisions de la commission des sanctions de l’AMF (78), ou des appels contre les jugements des tribunaux correctionnels. Il est chargé par ailleurs, aux termes des articles 35 et 36 du code de procédure pénale, de veiller à l’application de la loi pénale et il « peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes » (article 36). En outre, le procureur général reçoit les recours gracieux qui sont formulés à l’encontre des décisions de classement sans suites prises par les procureurs de son ressort (79).

Le Rapporteur tient à souligner que cette autorité hiérarchique du procureur général sur le procureur de la République financier ne pose, en droit comme dans les faits, aucun problème quant au pouvoir d’arbitrage qui est confié au procureur général.

Lors de leur audition par le Rapporteur, les magistrats du Parquet national financier ont indiqué que ce choix était en outre particulièrement respectueux des principes gouvernant la procédure pénale, et notamment du monopole du ministère public, corollaire du principe constitutionnel de l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Enfin, ce recours au procureur général permet une souplesse dans la procédure, ce qui ne serait pas le cas d’autres recours comme celui de la saisine d’une commission administrative ad hoc.

En tout état de cause, le retour d’expérience du dialogue informel qui s’est développée entre le Parquet national financier et l’AMF depuis un an permet d’affirmer que les cas de désaccord sur l’orientation d’une procédure devraient être marginaux.

3. La limitation du droit pour une partie lésée de mettre en mouvement l’action publique

Cette limitation est l’objet des IV et V du nouvel article L. 465-3-6 du code monétaire et financier.

a. La limitation du droit de se constituer partie civile au seul cas dans lequel la voie pénale a été choisie

Le IV du nouvel article L. 465-3-6 instaure une dérogation aux dispositions de l’article 85 du code de procédure pénale qui prévoit dans son premier alinéa que « toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent […] ».

Le deuxième alinéa de l’article 85 pose ensuite des conditions à la recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile. Celle-ci n’est valable que si :

– le procureur de la République a fait connaître à la victime, à la suite d’une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu’il n’engagera pas lui-même des poursuites ;

ou

– un délai de trois mois s’est écoulé depuis qu’elle a déposé plainte devant ce magistrat ou qu’elle lui a adressé copie de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire.

L’article 85 précise également que « la prescription de l’action publique est suspendue, au profit de la victime, du dépôt de la plainte jusqu’à la réponse du procureur de la République ou, au plus tard, une fois écoulé le délai de trois mois ».

Ce bref rappel des dispositions du code de procédure pénale permet une meilleure analyse du texte de la proposition de loi.

En effet, le IV du nouvel article L. 465-3-6 tire les conséquences de la procédure d’aiguillage des dossiers et remplace, pour les délits boursiers, la première des conditions de recevabilité de la plainte posée par l’article 85, qui n’a plus lieu d’être.

Aussi, dans le cadre d’un préjudice subi suite à des abus de marché, la présente proposition de loi prévoit qu’une plainte avec constitution de partie civile n’est recevable que si :

– le procureur de la République financier a été autorisé à engager les poursuites, à l’issue soit de la concertation avec le collège de l’AMF, soit de la décision du procureur général ;

et

– un délai de trois mois s’est écoulé depuis qu’elle a déposé plainte devant ce magistrat ou qu’elle lui a adressé copie de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire.

La seconde condition à la recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile est maintenue : elle n’est toutefois plus alternative mais elle doit obligatoirement être remplie.

Ainsi, l’option opérée pour la voie pénale à l’issue de la procédure de concertation ou d’arbitrage devient un préalable indispensable à la recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile en matière de délits boursiers.

Cette disposition permet d’éviter que la partie civile puisse faire échec au choix qui aura été fait en faveur de la procédure administrative, ce qui viendrait annuler le bénéfice de la réforme en permettant de nouveau un cumul des poursuites administratives et pénales.

b. L’adaptation des dispositions du code de procédure pénale relatives à la citation directe

Le V du nouvel l’article L. 465-3-1 prévoit que, par dérogation à l’article 551 du code de procédure pénale, la citation visant les délits relatifs à des actes d’abus de marché « ne peut être délivrée qu’à la requête du ministère public ».

L’article 551 du code de procédure pénale dispose au contraire que la citation peut également être délivrée à la requête de la partie civile, et de toute administration qui y est légalement habilitée.

Cette disposition est le corollaire indispensable à la ventilation impérative des contentieux entre la voie pénale et la voie administrative, et elle vient compléter les dispositions du IV qui paralysent la possibilité pour la partie civile de mettre en mouvement l’action publique en imposant l’ouverture d’une information judiciaire.

La citation directe permet en effet à la victime ou au procureur de saisir directement le tribunal en informant la personne poursuivie des lieux et date de l’audience. La citation directe déclenchera donc l’action publique pour demander à la fois la condamnation de l’auteur de l’infraction et un dédommagement du préjudice de la victime, au même titre que la constitution de partie civile.

Il était donc nécessaire d’interdire également à la victime de délivrer une citation directe.

c. La conformité des dispositions de la présente proposition de loi aux principes généraux du droit et à la Constitution

La limitation du droit pour une partie lésée de mettre en mouvement l’action publique est donc la conséquence logique du dispositif mis en œuvre par la présente proposition de loi. Cette disposition ne soulève par ailleurs pas de difficulté d’ordre juridique.

En effet, d’autres cas de limitation, voire de suppression du droit des victimes de mettre en mouvement l’action publique existent déjà en droit pénal. Ainsi, en matière d’infractions militaires, la partie civile ne peut mettre en mouvement l’action publique que par voie de constitution de partie civile devant le juge d’instruction, et non par voie de citation directe. Cette disposition dérogatoire, prévue à l’article 698-2 du code de procédure pénale, a été jugée conforme à la Constitution dans des termes particulièrement éclairants. Le Conseil constitutionnel a ainsi relevé notamment que « la partie lésée conserve la possibilité de mettre en mouvement l’action publique en se constituant partie civile devant le juge d’instruction ou d’exercer l’action civile pour obtenir réparation du dommage que lui ont personnellement causé les faits à l’origine de la poursuite », et en a déduit que les dispositions contestées ne portaient pas d’atteinte substantielle au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction (80).

Par ailleurs, en temps de guerre, la victime ne peut pas mettre en mouvement l’action publique (81). De même, l’action civile est exclue devant les tribunaux administratifs statuant en matière de contraventions de grande voirie, devant la Cour de justice de la République (82) et devant la Haute Cour (83).

De telles exclusions n’ont jamais été jugées contraires au droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, puisque la victime conserve, dans tous les cas, le droit d’agir devant un juge civil en réparation de son préjudice.

Au surplus, le Rapporteur rappelle que la loi du 17 mars 2014 (84) a facilité la démonstration par les victimes de leur préjudice devant les juridictions civiles en matière boursière, puisque le nouvel article L. 621-12-1 du code monétaire et financier permet désormais à l’AMF de transmettre des pièces de ses procédures aux juridictions saisies d’une action en réparation civile.

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La commission examine, en présentation commune, les amendements CF11, CF3, CF4 et CF5, tous du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement CF11 est un amendement de coordination avec l’amendement de transposition qui vient d’être adopté. Il modifie des références d’articles afin de les rendre compatibles avec la nouvelle numérotation sans modifier les dispositions prévues à l’article 1er de la présente proposition de loi.

L’amendement CF3 tend à substituer au mot : « accord », qui aurait pu laisser entendre qu’il existe un lien de subordination, les mots : « avis conforme », qui semblent plus adaptés à la réalité des relations entre les deux autorités.

L’amendement CF4 a pour objet de mettre en cohérence la procédure de concertation entre l’AMF et le Parquet national financier avec la procédure d’arbitrage qui sera mise en œuvre par le procureur général près la cour d’appel de Paris. Il prévoit ainsi que l’avis conforme donné par l’AMF à l’engagement des poursuites pénales ne puisse être remis en cause et soit versé au dossier, afin de sécuriser l’issue de la procédure de concertation.

Quant à l’amendement CF5, il est de coordination.

La commission adopte successivement les amendements CF11, CF3, CF4 et CF5.

Puis elle adopte l’article 1ermodifié.

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Article 1er bis [nouveau]
(art. L. 621-14 et L. 621-15 du code monétaire et financier)

Encadrement de la possibilité pour l’autorité des marchés financiers de procéder à une notification des griefs

1. La mise en cohérence avec les dispositions relatives aux pouvoirs de sanction de l’Autorité des marchés financiers

L’article 1er bis modifie les dispositions relatives aux pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers (AMF), en tirant les conséquences de la transposition de la directive 2014/57/UE et du règlement 596/2014 du 16 avril 2014.

L’article L. 621-14 du code monétaire et financier prévoit que le Collège de l’AMF dispose d’un pouvoir d’injonction et de publicité, dès lors qu’une personne physique ou morale a manqué à ses obligations d’information. Cet article prévoit un pouvoir identique en matière d’abus de marché, c’est pourquoi il était nécessaire de faire référence aux nouvelles incriminations, telles que modifiées par la transposition des textes européens (cf. article 1er A).

Le troisième alinéa du II de l’article L. 621-14 renvoie désormais au II de l’article L. 621-15.

L’article L. 621-15 du code monétaire et financier, relatif au pouvoir de sanction de l’AMF par le biais de la Commission des sanctions, détaille dans son II l’étendue des infractions entrant dans le champ de compétence de l’autorité administrative. Les c et d détaillent le cas des infractions en matière d’abus de marché, qui peuvent faire l’objet d’une sanction administrative. Ces derniers font l’objet d’une réécriture globale, afin d’insérer dans l’énumération l’ensemble des infractions prévues aux nouveaux articles L. 465-1 à L. 465-3-3, tentative, complicité et incitation comprises. Le champ d’application est également modifié, afin d’y ajouter notamment les marchés de quotas carbone ainsi que les contrats au comptant sur les matières premières.

Par le biais de cet article, le Rapporteur effectue une mise en conformité complète avec la réglementation européenne dans le champ des manquements d’initié, de divulgation illicite d’information privilégiée ou de manipulation de marché. Le texte fait référence explicitement au règlement européen, et aligne ainsi les incriminations des manquements et des délits en matière d’abus de marché.

Ces dispositions entrent en vigueur au 3 juillet 2016, date limite de transposition des textes européens précités (III de l’article 1erbis).

2. Autre coordination

La transposition de la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE, ainsi que les mesures d’adaptation et d’harmonisation liées à cette directive, notamment les mesures tendant à la protection des investisseurs par le renforcement de la transparence et de l’intégrité des marchés financiers, doit s’effectuer par voie d’ordonnance, au titre de l’habilitation donnée par le Parlement à l’article 28 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014.

Le présent article prévoit que l’entrée en vigueur de cette ordonnance impliquera une modification du nouvel article L. 465-3 du code monétaire et financier, relatif au champ d’application des abus de marché. Il ne sera plus fait référence qu’aux « instruments financiers négociés sur une plate-forme de négociation », et non plus « aux instruments financiers négociés sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation », comme le prévoit le présent amendement.

En effet, la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers définit les « plates-formes de négociation » à son article 3, comme incluant les marchés réglementés, les systèmes multilatéraux de négociation (ou MTF) et les systèmes organisés de négociation (ou OTF).

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La commission examine l’amendement CF13 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement, comme je l’ai expliqué plus haut, est le pendant de l’amendement de transposition CF10 : il concerne le volet administratif du dispositif. Il s’agit en effet d’étendre la définition des nouvelles infractions en matière d’abus de marché aux dispositions relatives à l’AMF.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je trouve dommage, monsieur le rapporteur, que vous n’ayez pas intégré directement ces dispositions dans le texte de la proposition de loi. En déposant ainsi deux articles additionnels, vous mettez en lumière la transposition. Or, mettre quelque chose en lumière instille, du coup, le doute.

M. le rapporteur. Certes, mais si nous étions restés dans le flou, madame Dalloz, on aurait pu croire qu’il y avait un loup…

Lorsque j’ai commencé à travailler sur cette proposition de loi, l’article 23 de l’avant-projet de loi « Sapin 2 » renvoyait la transposition à une ordonnance ultérieure. Il m’a semblé paradoxal de reprendre dans la proposition de loi la procédure prévue à l’article 22 du texte afin de résoudre avant le 1er septembre 2016 le problème posé par la décision du Conseil constitutionnel, sans réécrire ces articles en conformité avec le droit européen. J’ai donc proposé de procéder à cette transposition dès maintenant, « en dur », plutôt que de la renvoyer à une ordonnance. Mais vous avez raison, madame Dalloz : si je vous avais consultée plus tôt, j’aurais sans doute présenté une proposition de loi intégrant ces deux articles additionnels. Néanmoins, ceux-ci n’ôtent rien, bien au contraire, à la cohérence du texte.

La commission adopte l’amendement.

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Article 2
(art. L. 621-15-1 [nouveau] du code monétaire et financier)

Encadrement de la possibilité pour l’autorité des marchés financiers de procéder à une notification des griefs

L’article 2 de la présente proposition de loi reprend en miroir les dispositions qui ont été prévues sous l’angle de la procédure pénale par l’article 1er en les transposant au sein de la section des dispositions relatives à la procédure administrative, à l’exception bien entendu des dispositions traitant des droits de la partie civile, qui ne sont de toute façon pas applicables à la procédure administrative.

Plus précisément, l’article 2 de la présente proposition de loi insère un nouvel article L. 621-15-1 au sein de la section du code monétaire et financier relative aux pouvoirs de AMF.

Le I de ce nouvel article est le pendant, pour l’AMF, du I du nouvel article L. 465-3-6 du code monétaire et financier applicable aux poursuites en matière pénale, puisqu’il prévoit que « le collège de l’Autorité des marchés financiers ne peut notifier de griefs aux personnes à l’encontre desquelles, à raison des mêmes faits, l’action publique […] a été mise en mouvement par le procureur de la République financier ».

Cependant, eu égard aux différences entre la procédure pénale et la procédure administrative, la disposition ne peut prévoir de « cause d’extinction de l’action administrative » lorsque le parquet décide de mettre en mouvement l’action publique.

Aussi, il est prévu que c’est l’action de l’AMF qui ne pourra être engagée en cas de poursuite pénale ouverte par ailleurs.

Le II du nouvel article L. 621-15-1 du code monétaire et financier interdit à l’AMF de notifier des griefs, lorsque les faits sur lesquels ils portent sont susceptibles de constituer un des trois délits boursiers réprimés pénalement, si le Parquet national financier n’y a pas donné son accord à l’issue d’une procédure de concertation.

Le Rapporteur, par souci de préservation de l’indépendance des deux autorités, proposera un amendement visant à remplacer le mot « accord » par les termes « avis conforme », et proposera, dans un second temps, de rendre celui-ci définitif, non susceptible de recours et versé au dossier de la procédure.

Le III du nouvel article L. 621-15-1 du code monétaire et financier indique qu’en l’absence d’accord à l’issue de la concertation, la procédure d’arbitrage par le procureur général près la cour d’appel de Paris, prévue au III de l’article L. 465-3-6 créé par le texte, s’applique.

Enfin, l’article prévoit également, pour la détermination de ses modalités d’application, le recours à un décret en Conseil d’État.

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La commission examine, en présentation commune, les amendements CF12, CF7, CF6 et CF8, tous du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement CF12 est un amendement de coordination. L’amendement CF7 vise, comme le CF3 à l’article 1er, à remplacer le mot : « accord », par les mots : « avis conforme ». L’amendement CF6 est l’amendement miroir de l’amendement CF4 en ce qui concerne l’AMF, et l’amendement CF8 est un amendement de coordination.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement CF6 prévoit que l’avis conforme n’est pas susceptible de recours. Cela ne fragilise-t-il pas la procédure ?

M. le rapporteur. Non, cela la sécurise !

Mme Marie-Christine Dalloz. Pourtant, notre droit prévoit toujours un recours.

M. le rapporteur. Pas après un arbitrage. En l’espèce, c’est admis par les deux parties. J’ajoute que le Conseil d’État a validé cette démarche. Mais vous pouvez toujours déposer un sous-amendement.

M. le président Gilles Carrez. Cela ne me paraît pas opportun car je pense que l’absence de recours sécurise bien la procédure.

M. le rapporteur. Je le pense aussi, monsieur le président : c’était une boutade…

La commission adopte successivement les amendements CF12, CF7, CF6 et CF8.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3
(art. L. 621-16 du code monétaire et financier)

Mise en conformité des dispositions du code monétaire et financier relatives à l’imputation de la sanction administrative pécuniaire sur l’amende pénale

L’article 3 de la présente proposition de loi tire les conséquences de l’interdiction du cumul des poursuites et des sanctions sur l’article L. 621-16 du code monétaire et financier permettant au juge pénal d’imputer sur l’amende qu’il prononce le montant de la sanction pécuniaire qui aurait été définitivement prononcée par l’AMF lorsque les deux affaires portent sur « les mêmes faits ou des faits connexes ».

Le présent article supprime donc les mots « les mêmes faits » car le cas ne pourra désormais plus se présenter.

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La commission adopte l’article 3 sans modification.

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Article 4
(art. L. 621-16-1 du code monétaire et financier)

Suppression de l’interdiction pour l’Autorité des marchés financiers
de se constituer partie civile en cas de double poursuite

L’article 4 de la présente proposition de loi vise à mettre en conformité les dispositions de l’article L. 621-16-1 du code monétaire et financier avec l’interdiction de la possibilité de cumuler, pour les mêmes faits et à l’égard des mêmes personnes, des poursuites administratives et des poursuites pénales.

En effet l’article L. 621-16-1 dispose que « lorsque des poursuites sont engagées en application des articles L. 465-1 (85), L. 465-2 et L. 465-2-1, l’Autorité des marchés financiers peut exercer les droits de la partie civile. Toutefois, elle ne peut à l’égard d’une même personne et s’agissant des mêmes faits concurremment exercer les pouvoirs de sanction qu’elle tient du présent code et les droits de la partie civile. »

L’article L. 621-16-1 a donc pour objet de prévoir que l’AMF ne peut se constituer partie civile dans un procès pénal que lorsqu’elle n’exerce pas en parallèle de poursuite pour les mêmes faits et les mêmes personnes. Cette situation ayant vocation, en application de la réforme des poursuites opérée par le présent texte, à disparaître, la dernière phrase de l’article précité n’a plus lieu d’être.

Aussi est-elle supprimée par l’article 4 de la présente proposition de loi.

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La commission adopte l’article 4 sans modification.

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Article 4 bis [nouveau]
(art. L. 621-1, L.621-7, L. 621-9, L. 621-9-2, L. 621-17-1 à L. 621-17-7,
L. 621-18-2, L. 621-18-4 et L. 632-7 du code monétaire et financier)

Transposition du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen
et du Conseil, du 16 avril 2014, sur les abus de marché

Cet article résulte d’un amendement du Gouvernement. Le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil sur les abus de marché entrant en application le 3 juillet 2016 harmonise la prévention et la répression des abus de marché au niveau européen. Il prévoit un certain nombre d’exigences visant à éviter que de tels abus ne soient commis, comme l’établissement de listes d’initiés ou la déclaration d’opérations suspectes, définit précisément les différents abus de marché et prévoit un dispositif de sanctions administratives.

Le présent article vient introduire dans le code monétaire et financier des aménagements nécessaires pour le mettre en conformité avec ce règlement. Il s’agit en particulier :

− d’aligner les articles législatifs relatifs aux listes d’initiés ou aux déclarations d’opérations suspectes sur le texte européen, en modifiant les articles L. 621-17-2 et suivants ;

− d’expliciter l’application aux quotas carbone du régime applicable aux instruments financiers, les marchés de quotas prévus par l’article L. 229-7 du code de l’environnement faisant désormais partie intégrante du champ d’application des abus de marché. Ils sont donc ajoutés au champ de la mission de surveillance de l’AMF (article L. 621-1 du code monétaire et financier), et par conséquent feront l’objet de dispositions les concernant prévues au règlement général de l’AMF (modification du champ de l’article L. 621-7 du code monétaire et financier) ;

− de doter l’AMF de la capacité de conclure des accords de coopération avec les autorités de pays tiers responsables de la surveillance des marchés de quotas carbone ou des marchés de matières premières (article L. 632-7 du code monétaire et financier).

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La commission est saisie d’un amendement CF9 du Gouvernement.

M. le rapporteur. Je ne vous cache pas que je n’ai pas eu le loisir d’examiner cet amendement qui vise à transposer les dispositions du règlement européen que je n’ai pas reprises dans l’amendement déposé après l’article 1er et qui tendent notamment à aligner le régime des quotas carbone sur celui des autres instruments financiers et à supprimer la notion de système multilatéral de négociation. Cependant, puisqu’il s’agit d’un amendement du Gouvernement, je recommande son adoption, ce qui ne vous étonnera guère, monsieur le président…

La commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF1 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je retire cet amendement.

M. le président Gilles Carrez. En effet, il ne porte pas tout à fait sur le même sujet. Je suppose que vous le redéposerez sur le projet de loi « Sapin 2», madame Dalloz…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un peu cela… Nous verrons si nous retrouvons les éléments de cet amendement dans le projet de loi !

L’amendement CF1 est retiré.

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Article 5
(art. L. 744-12, L. 754-12 et L. 764-12 du code monétaire et financier)

Dispositions relatives à l’outre-mer

Le I du présent article précise que le texte est applicable sur l’ensemble du territoire de la République. Il s’agit de rendre applicable ces dispositions sur l’ensemble du territoire, y compris dans les territoires à législation spéciale.

Le II du présent article rend le nouvel article L. 465-3-6, dans sa rédaction issue de la présente proposition de loi, applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

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La commission adopte l’article 5 sans modification.

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Titre du projet de loi

L’amendement CF2 de Mme Marie-Christine Dalloz est retiré.

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La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

– Autorité des marchés financiers (AMF) : MM. Gérard Rameix, président, et Benoît de Juvigny, secrétaire général, Mmes Anne Maréchal, directrice de la direction des affaires juridiques, et Laure Tertrais, conseillère législation et relations parlementaires.

– Cour d’appel de Paris : Mmes Chantal Arens, première présidente, Valérie Michel-Amsellem, présidente de chambre, Catherine Champrenault, procureure générale, et M. Marc Rouchayrole, avocat général, chef de la division affaires économiques et financières.

– Parquet national financier : Mme Éliane Houlette, procureur de la République financier, et M. Jean-Marc Toublanc, vice-procureur.

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TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte de la proposition de loi

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Texte adopté par la commission

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Article 1er A (nouveau)

Code monétaire et financier

 

I.– Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

   

1° Les articles L. 465-1 à L. 465-3 sont remplacés par des articles L. 465-1 à L. 465-3-5 ainsi rédigés :

Article L. 465-1

   

Est puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de
1 500 000 euros dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre, jusqu’au décuple du montant du profit éventuellement réalisé, sans que l’amende puisse être inférieure à ce même profit, le fait, pour les dirigeants d’une société mentionnée à l’article
L. 225-109 du code de commerce, et pour les personnes disposant, à l’occasion de l’exercice de leur profession ou de leurs fonctions, d’informations privilégiées sur les perspectives ou la situation d’un émetteur ou de ses titres admis aux négociations sur un marché réglementé au sens de l’article L. 421-1 ou pour lesquels une demande d’admission sur un tel marché a été présentée, ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations ou négociés sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée ou sur les perspectives d’évolution d’un instrument financier ou d’un actif visé au II de l’article L. 421-1 admis sur un marché réglementé, de réaliser, de tenter de réaliser ou de permettre de réaliser, soit directement, soit par personne interposée, une ou plusieurs opérations avant que le public ait connaissance de ces informations.

 

« Art. L. 465- 1.– I.– A.– Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 100 millions d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple du montant de l’avantage retiré du délit ou des pertes qu’il a permis d’éviter, sans que l’amende puisse être inférieure à ce même avantage ou ces mêmes pertes, le fait, par le directeur général, le président, un membre du directoire, le gérant, un membre du conseil d’administration ou un membre du conseil de surveillance d’un émetteur concerné par une information privilégiée ou par une personne qui exerce une fonction équivalente, par une personne disposant d’une information privilégiée concernant un émetteur au sein duquel elle détient une participation, par une personne disposant d’une information privilégiée à l’occasion de sa profession ou de ses fonctions ou à l’occasion de sa participation à la commission d’un crime ou d’un délit, ou par toute autre personne disposant d’une information privilégiée en connaissance de cause, de faire usage de cette information privilégiée en réalisant, pour elle-même ou pour autrui, soit directement, soit indirectement, une ou plusieurs opérations ou en annulant ou en modifiant un ou plusieurs ordres passés avant que la personne ne détienne l’information privilégiée, sur les instruments financiers émis par cet émetteur ou sur les instruments financiers concernés par ces informations privilégiées.

Est puni d’un an d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre, jusqu’au décuple du montant du profit éventuellement réalisé, sans que l’amende puisse être inférieure à ce même profit, le fait, pour toute personne disposant dans l’exercice de sa profession ou de ses fonctions d’une information privilégiée sur les perspectives ou la situation d’un émetteur ou de ses titres admis aux négociations sur un marché réglementé au sens de l’article L. 421-1 ou pour lesquels une demande d’admission sur un tel marché a été présentée, ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations ou négociés sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée ou sur les perspectives d’évolution d’un instrument financier ou d’un actif visé au II de l’article L. 421-1 admis sur un marché réglementé, de la communiquer à un tiers en dehors du cadre normal de sa profession ou de ses fonctions.

 

« B.– Le simple fait qu’une personne dispose d’une information privilégiée ne signifie pas que cette personne a fait usage de cette information, si son comportement est légitime au sens de l’article 9 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du
16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE et 2004/72/CE de la Commission.

Est puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 150 000 euros dont le montant peut être porté au-delà de ce chiffre, jusqu’au décuple du montant du profit réalisé, sans que l’amende puisse être inférieure à ce même profit, le fait pour toute personne autre que celles visées aux deux alinéas précédents, possédant en connaissance de cause des informations privilégiées sur la situation ou les perspectives d’un émetteur ou de ses titres admis aux négociations sur un marché réglementé au sens de l’article L. 421-1 ou pour lesquels une demande d’admission sur un tel marché a été présentée, ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations ou négociés sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée ou sur les perspectives d’évolution d’un instrument financier ou d’un actif visé au II de l’article L. 421-1 admis sur un marché réglementé, de réaliser, de tenter de réaliser ou de permettre de réaliser, directement ou indirectement, une opération ou de communiquer à un tiers ces informations, avant que le public en ait connaissance. Lorsque les informations en cause concernent la commission d’un crime ou d’un délit, les peines encourues sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 1 500 000 euros si le montant des profits réalisés est inférieur à ce chiffre.

 

« C.– Au sens de la présente section, les mots : ‟information privilégiée” désignent les informations privilégiées au sens des 1 à 4 de l’article 7 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 précité.

   

« II.– La tentative de l’infraction prévue au I du présent article est punie des mêmes peines.

Article L. 465-2

   

Est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article L. 465-1 le fait, pour toute personne, d’exercer ou de tenter d’exercer, directement ou par personne interposée, une manœuvre ayant pour objet d’entraver le fonctionnement régulier d’un marché réglementé ou d’un système multilatéral de négociation en induisant autrui en erreur.

 

« Art. L. 465-2.– I.– Est puni des peines prévues au A du I de l’article L. 465-1 le fait, par l’une des personnes mentionnées au même article, de recommander la réalisation d’une ou plusieurs opérations sur les instruments financiers auxquels l’information privilégiée se rapporte ou d’inciter à la réalisation de telles opérations sur le fondement de cette information privilégiée.

Est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article L. 465-1 le fait, pour toute personne, de répandre ou de tenter de répandre dans le public par des voies et moyens quelconques des informations fausses ou trompeuses sur les perspectives ou la situation d’un émetteur ou de ses titres admis aux négociations sur un marché réglementé au sens de l’article L. 421-1 ou pour lesquels une demande d’admission sur un tel marché a été présentée, ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations ou négociés sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée ou sur les perspectives d’évolution d’un instrument financier ou d’un actif visé au II de l’article L. 421-1 admis sur un marché réglementé, ou d’un contrat commercial relatif à des marchandises et lié à un ou plusieurs des instruments mentionnés précédemment de nature à agir sur les cours desdits instruments ou actifs.

 

« II.– Constitue l’infraction prévue au A du I de l’article L. 465-1 le fait, par toute personne, de faire usage de la recommandation ou de l’incitation mentionnée au I du présent article en sachant qu’elle est fondée sur une information privilégiée.

   

« III.– Constitue l’infraction prévue au I de l’article L. 465-3 le fait, par toute personne, de communiquer la recommandation ou l’incitation mentionnée au I du présent article en sachant qu’elle est fondée sur une information privilégiée.

   

« IV.– La tentative de l’infraction prévue au I du présent article est punie des mêmes peines.

Article L. 465-2-1

   

Est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article L. 465-1 le fait :

   

– pour toute personne de transmettre des données ou des informations fausses ou trompeuses utilisées pour calculer un indice défini au dernier alinéa du présent article ou de nature à fausser le cours d’un instrument ou d’un actif auquel serait lié cet indice, lorsque la personne ayant transmis les données ou les informations savait ou aurait dû savoir qu’elles étaient fausses ou trompeuses ;

   

– pour toute personne d’adopter tout autre comportement aboutissant à la manipulation du calcul d’un indice.

   

Constitue un indice toute donnée diffusée calculée à partir de la valeur ou du prix, constaté ou estimé, d’un ou plusieurs sous-jacents, d’un ou plusieurs taux d’intérêt constatés ou estimés, ou de toute autre valeur ou mesure, et par référence à laquelle est déterminé le montant payable au titre d’un instrument financier ou la valeur d’un instrument financier.

   

Article L. 465-3

   

Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies aux articles L. 465-1, L. 465-2 et
L. 465-2-1 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues par l’article 131-39 du même code.

 

« Art. L. 465-3.– I.– Est puni des peines prévues au A du I de l’article L. 465-1 le fait, par une personne disposant d’une information privilégiée concernant un émetteur au sein duquel elle exerce les fonctions de directeur général, de président, de membre du directoire, de gérant, de membre du conseil d’administration, de membre du conseil de surveillance ou une fonction équivalente ou au sein duquel elle détient une information, par une personne disposant d’une information privilégiée à l’occasion de sa profession ou de ses fonctions ou à l’occasion de sa participation à la commission d’un crime ou d’un délit, ou par toute autre personne disposant d’une information privilégiée en connaissance de cause, de la communiquer à un tiers, à moins qu’elle ne prouve que cette communication intervient dans le cadre normal de sa profession ou de ses fonctions, y compris lorsqu’elle relève d’un sondage de marché effectué conformément aux 1 à 8 de l’article 11 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 précité.

L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 du code pénal porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.

 

« II.– La tentative de l’infraction prévue au I du présent article est punie des mêmes peines.

   

« Art. L. 465-3-1.– I.– A.– Est puni des peines prévues au A du I de l’article L. 465-1 le fait, par toute personne, de réaliser une opération, de passer un ordre ou d’adopter un comportement qui donne ou est susceptible de donner des indications trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier ou qui fixe ou est susceptible de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un instrument financier.

   

« B.– Le A du présent I n’est pas applicable dans les cas où l’opération ou le comportement mentionné au I du présent article est fondé sur un motif légitime et est conforme à une pratique de marché admises, au sens du 9 du 1 de l’article 3 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 précité.

   

« II.– Est également puni des peines prévues au A du I de L. 465-1 le fait, par toute personne, de réaliser une opération, de passer un ordre ou d’adopter un comportement qui affecte le cours d’un instrument financier, en ayant recours à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice.

   

« III.– La tentative des infractions prévues aux I et II du présent article est punie des mêmes peines.

   

« Art. L. 465-3-2.– I.– Est puni des peines prévues au A du I de l’article L. 465-1 le fait, par toute personne, de diffuser, par tout moyen, des informations qui donnent des indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier ou qui fixent le cours d’un instrument financier à un niveau anormal ou artificiel.

   

« II.– La tentative de l’infraction prévue au I du présent article est punie des mêmes peines.

   

« Art. L. 465-3-3.– I.– Est puni des peines prévues au A du I de l’article L. 465-1 le fait, par toute personne :

   

« 1° De fournir ou de transmettre des données ou des informations fausses ou trompeuses utilisées pour calculer un indice de référence ou des informations de nature à fausser le cours d’un instrument financier ou d’un actif auquel est lié un tel indice ;

   

« 2° D’adopter tout autre comportement aboutissant à la manipulation du calcul d’un tel indice.

   

« Constitue un indice de référence tout taux, indice ou nombre mis à la disposition du public ou publié, qui est déterminé périodiquement ou régulièrement par application d’une formule ou sur la base de la valeur d’un ou de plusieurs actifs ou prix sous-jacents, y compris des estimations de prix, de taux d’intérêt ou d’autres valeurs réels ou estimés, ou des données d’enquêtes, et par référence auquel est déterminé le montant à verser au titre d’un instrument financier ou la valeur d’un instrument financier.

   

« II.– La tentative de l’infraction prévue au I du présent article est punie des mêmes peines.

   

« Art. L. 465-3-4.– I.– La présente section s’applique :

   

« 1° Aux instruments financiers négociés sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation a été présentée ;

   

« 2° Aux instruments financiers autres que ceux mentionnés au 1° dont le cours ou la valeur dépend du cours ou de la valeur d’un instrument financier mentionné au 1° ou dont le cours ou la valeur a un effet sur le cours ou la valeur d’un instrument financier mentionné au 1° ;

   

« 3° Aux unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement.

   

« II.– Les articles L. 465-3-1 et L. 465-3-2 du présent code s’appliquent également :

   

« 1° Aux contrats au comptant sur matières premières, au sens du
15 du 1 de l’article 3 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 précité, qui ne sont pas des produits énergétiques de gros, au sens du 4 de l’article 2 du règlement (UE) n° 1227/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie, lorsque l’opération, le comportement ou la diffusion a ou est susceptible d’avoir un effet sur le cours ou la valeur d’un instrument financier mentionné au I du présent article ;

« 2° Aux instruments financiers dont le cours ou la valeur a un effet sur le cours ou la valeur d’un contrat au comptant sur matières premières, au sens du 15 du 1 de l’article 3 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 précité, lorsque l’opération, le comportement ou la diffusion a ou est susceptible d’avoir un effet sur le cours ou la valeur du contrat au comptant sur matières premières.

   

« III.– La présente section ne s’applique pas :

   

« 1° Aux opérations de rachat par les sociétés de leurs propres actions, au sens des articles L. 225-206 à L. 225-216 du code de commerce, lorsque ces opérations sont réalisées conformément aux 1 à 3 de l’article 5 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 précité ;

   

« 2° Aux opérations de stabilisation, au sens du d du 2 de l’article 3 du même règlement, portant sur les instruments financiers mentionnés aux a et b du 2 de l’article 3 dudit règlement, lorsque ces opérations sont réalisées conformément aux 4 et 5 de l’article 5 du même règlement ;

   

« 3° Aux opérations ou comportements mentionnés aux 1 à 4 de l’article 6 du même règlement.

   

« Art. L. 465-3-5.– Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du présent code encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues à l’article 131-39 du même code.

   

« L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 du code pénal porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. » ;

   

2° À la fin de la seconde phrase de l’article L. 466-1, la référence : « de l’article L. 465-1 » est remplacée par les références : « des articles L. 465-1 à L. 465-3 » ;

   

3° Au premier alinéa de l’article L. 621-12, les références : « L. 465-1, L. 465-2 et L. 465-2-1 » sont remplacées par les références : « L. 465-1 à L. 465-3-3 » ;

   

4° Au troisième alinéa de l’article L. 621-17-7, les références : « de l’article L. 465-1 et du premier alinéa de l’article L. 465-2 » sont remplacées par les références : « des articles L. 465-1 à L. 465-3-1 » ;

   

II.– À la première phrase du premier alinéa de l’article 705-1 du code de procédure pénale, les références : « L. 465-1, L. 465-2 et L. 465-2-1 » sont remplacées par les références : « L. 465-1 à L. 465-3-3 » ;

   

III.– Au 7° de l’article 421-1 du code pénal, la référence : « à l’article L. 465-1 » est remplacée par les références : « aux articles L. 465-1 à L. 465-3 ».

   

IV.– Le présent article entre en vigueur le 3 juillet 2016.

Amendement CF 10 (Rect.)

 

Article 1er

Article 1er

 

La section 1 du chapitre V du titre VI du livre IV du code monétaire et financier est complétée par un article L. 465-3-1 ainsi rédigé :

La section 1 du chapitre V du titre VI du livre IV du code monétaire et financier est complétée par un article L. 465-3-6 ainsi rédigé :

 

« Article L. 465-3-1.– I.– Sans préjudice des dispositions de l’article 6 du code de procédure pénale, l’action publique pour l’application des peines prévues à la présente section s’éteint par la notification des griefs pour les mêmes faits et à l’égard de la même personne effectuée en application de l’article L. 621-15.

« Article L. 465-3-6.– I.– Sans préjudice des dispositions de l’article 6…

Amendement CF 11

 

« II.– L’action publique pour l’application des peines prévues à la présente section ne peut être mise en mouvement par le procureur de la République financier qu’après concertation avec le collège de l’Autorité des marchés financiers, et accord de celui-ci.

« II.– L’action publique pour l’application des peines prévues à la présente section ne peut être mise en mouvement par le procureur de la République financier qu’après concertation avec le collège de l’Autorité des marchés financiers et avis conforme de celui-ci. L’avis conforme du collège de l’Autorité des marchés financiers est définitif et n’est pas susceptible de recours. Il est versé au dossier de la procédure.

Amendements CF 3 et CF 4

 

« III.– En l’absence d’accord, le procureur général près la cour d’appel de Paris autorise le procureur de la République financier à mettre en mouvement l’action publique, ou donne son accord au collège de l’Autorité des marchés financiers pour procéder à la notification des griefs. Cette décision est rendue dans un délai de deux mois à compter de la saisine du procureur général près la cour d’appel de Paris par le procureur de la République financier ou par l’Autorité des marchés financiers. Elle est définitive et n’est pas susceptible de recours. Elle est versée au dossier de la procédure.

« III.– En l’absence d’avis conforme, le procureur général près la cour d’appel de Paris autorise…

Amendement CF 5

 

« IV.– Par dérogation aux dispositions de l’article 85 du code de procédure pénale, une plainte avec constitution de partie civile n’est recevable qu’à condition que le procureur de la République financier ait été autorisé à exercer les poursuites à l’issue de la procédure prévue aux II et III, et que la personne justifie qu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis qu’elle a déposé plainte devant ce magistrat contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou depuis qu’elle a adressé, selon les mêmes modalités, copie à ce magistrat de sa plainte déposée devant un service de police judiciaire. La prescription de l’action publique est suspendue, au profit de la victime, du dépôt de la plainte jusqu’à la réponse du procureur de la République financier.

 
 

« V.– Par dérogation au premier alinéa de l’article 551 du code de procédure pénale, la citation visant les délits prévus et réprimés par les articles L. 465-1 à L. 465-2-1 ne peut être délivrée qu’à la requête du ministère public.

« V.– Par dérogation au premier alinéa de l’article 551 du code de procédure pénale, la citation visant les délits prévus et réprimés aux articles L. 465-1-1 à L. 465-2-3 ne peut être délivrée qu’à la requête du ministère public.

Amendement CF 11

 

« VI.– Un décret en Conseil d’État précise les conditions et modalités d’application du présent article. »

 
   

Article 1erbis (nouveau)

   

I.– Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

Article L. 621-14

 

1° Le troisième alinéa du II de l’article L. 621-14 est ainsi modifié :

I.– Dans les cas de manquements aux obligations prévues aux articles
L. 233-7 et L. 233-8-II du code de commerce et L. 451-1-2 du présent code, l’Autorité des marchés financiers peut rendre publique une déclaration qui précise l’identité de la personne physique ou morale en cause, de même que la nature de l’infraction.

   

II.– Le collège peut, après avoir mis la personne concernée en mesure de présenter ses explications, ordonner qu’il soit mis fin, en France et à l’étranger, aux manquements aux obligations résultant des règlements européens, des dispositions législatives ou réglementaires ou des règles professionnelles visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou à tout autre manquement de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché. Ces décisions peuvent être rendues publiques.

   

Les décisions mentionnées ci-dessus sont rendues publiques lorsqu’elles font suite à des manquements aux obligations mentionnées au III bis de l’article L. 621-15. La publicité porte notamment sur l’identité de la personne physique ou morale en cause, de même que sur la nature de l’infraction. Dans ce cas s’appliquent les dispositions relatives au report ou à l’anonymisation des décisions en cause mentionnées aux deuxième, troisième et quatrième alinéas du V du même article L. 621-15.

   

Le collège dispose des mêmes pouvoirs que ceux mentionnés à l’alinéa précédent à l’encontre des manquements aux obligations résultant des règlements européens, des dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs et le marché contre les opérations d’initié, les manipulations de cours ou la diffusion de fausses informations, commis sur le territoire français et concernant des instruments financiers ou des actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé d’un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou pour lesquels une demande d’admission aux négociations sur un tel marché a été présentée.

 

a) Les mots : « cours et la diffusion de fausses informations » sont remplacés par les mots : « marché et la divulgation illicite d’informations privilégiées mentionnées aux c et d du II de l’article L. 621-15 » ;

[Cf. supra]

 

b) Après le mot : « financiers » sont insérés les mots : « , des unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement » ;

III.– Le président de l’Autorité des marchés financiers peut demander en justice qu’il soit ordonné à la personne qui est responsable de la pratique relevée de se conformer aux règlements européens, aux dispositions législatives ou réglementaires, de mettre fin à l’irrégularité ou d’en supprimer les effets.

   

La demande est portée devant le président du tribunal de grande instance de Paris qui statue en la forme des référés et dont la décision est exécutoire par provision. Il peut prendre, même d’office, toute mesure conservatoire et prononcer pour l’exécution de son ordonnance une astreinte versée au Trésor public.

   

En cas de poursuites pénales, l’astreinte, si elle a été prononcée, n’est liquidée qu’après que la décision sur l’action publique est devenue définitive.

   

Article L. 621-15

 

2° Les c et d du II de l’article L. 621-15 sont ainsi rédigés :

I.– Le collège examine le rapport d’enquête ou de contrôle établi par les services de l’Autorité des marchés financiers, ou la demande formulée par le président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

   

S’il décide l’ouverture d’une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées. Il transmet la notification des griefs à la commission des sanctions, qui désigne un rapporteur parmi ses membres. La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s’il n’a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction.

   

Un membre du collège est convoqué à l’audience. Il y assiste sans voix délibérative. Il peut être assisté ou représenté par les services de l’Autorité des marchés financiers. Il peut présenter des observations au soutien des griefs notifiés et proposer une sanction.

   

La commission des sanctions peut entendre tout agent des services de l’autorité.

   

En cas d’urgence, le collège peut suspendre d’activité les personnes mentionnées aux a et b du II contre lesquelles des procédures de sanction sont engagées.

   

Si le collège transmet au procureur de la République le rapport mentionné au premier alinéa, le collège peut décider de rendre publique la transmission.

   

II.– La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l’encontre des personnes suivantes :

   

a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l’article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les règlements européens, les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l’Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions des articles L. 612-39 et L. 612-40 ;

   

b) Les personnes physiques placées sous l’autorité ou agissant pour le compte de l’une des personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 17° du II de l’article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les règlements européens, les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l’Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions des articles L. 612-39 et L. 612-40 ;

   

c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié, à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou s’est livrée à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent :

 

« c) Toute personne qui, sur le territoire français ou à l’étranger :

– un instrument financier ou un actif mentionné au II de l’article
L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou pour lequel une demande d’admission aux négociations sur de tels marchés a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ;

 

« 1° S’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou à une manipulation de marché, au sens des articles 8 ou 12 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE et 2004/72/CE de la Commission ;

– un instrument financier lié à un ou plusieurs instruments mentionnés à l’alinéa précédent ;

 

« 2° A recommandé à une autre personne d’effectuer une opération d’initié, au sens de l’article 8 du même règlement, ou a incité une autre personne à effectuer une telle opération ;

– un contrat commercial relatif à des marchandises et lié à un ou plusieurs instruments mentionnés aux alinéas précédents, dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ;

 

« 3° S’est livrée à une divulgation illicite d’informations privilégiées, au sens de l’article 10 dudit règlement ;

– un instrument financier négocié sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lequel une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée ;

 

« 4° Ou s’est livrée à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du II de l’article L. 621-14,

– un indice tel que défini à l’article L. 465-2-1 ;

 

« dès lors que ces actes concernent :

   

« – un instrument financier ou une unité mentionnée à l’article L. 229-7 du code de l’environnement, négociés sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation situés sur le territoire français ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur de tels marchés a été présentée ;

   

« – un instrument financier lié à un instrument financier ou à une unité mentionnés au septième alinéa du présent c ;

   

« – un contrat au comptant sur matières premières mentionné au 1° du II de l’article L. 465-3-4 lié à un instrument financier ou à une unité mentionnés au huitième alinéa du présent c ;

   

« – un indice mentionné à l’article L. 465-3-3 ;

d) Toute personne qui, sur le territoire français, s’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié, à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou s’est livrée à tout autre manquement mentionné au dernier alinéa du I de l’article L. 621-14, dès lors que ces actes concernent :

 

« d) Toute personne qui, sur le territoire français :

– un instrument financier ou un actif mentionné au II de l’article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé d’un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou pour lequel une demande d’admission aux négociations sur un tel marché a été présentée ;

 

« 1° S’est livrée ou a tenté de se livrer à une opération d’initié ou à une manipulation de marché, au sens des articles 8 ou 12 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 précité ;

– un instrument financier lié à un ou plusieurs instruments mentionnés à l’alinéa précédent ;

 

« 2° A recommandé à une autre personne d’effectuer une opération d’initié, au sens de l’article 8 du même règlement, ou a incité une autre personne à effectuer une telle opération ;

– un contrat commercial relatif à des marchandises et lié à un ou plusieurs instruments mentionnés aux alinéas précédents, dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ;

 

« 3° S’est livrée à une divulgation illicite d’informations privilégiées, au sens de l’article 10 dudit règlement ;

– un instrument financier négocié sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lequel une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée ;

 

« 4° Ou s’est livrée à tout autre manquement mentionné au premier alinéa du II de l’article L. 621-14,

– un indice tel que défini à l’article L. 465-2-1 ;

 

« dès lors que ces actes concernent :

   

« – un instrument financier ou une unité mentionnée à l’article L. 229-7 du code de l’environnement, négociés sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation d’un autre État membre de l’Union européenne ou partie à l’Espace économique européen, ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur de tels marchés a été présentée ;

   

« – un instrument financier lié à un instrument financier ou à une unité mentionnés au septième alinéa du présent d ;

   

« – un contrat au comptant sur matières premières mentionné au 1° du II de l’article L. 465-3-4 lié à un instrument financier ou à une unité mentionnés au huitième alinéa du présent d ;

   

« – un indice mentionné à l’article L. 465-3-3 ; ».

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   
   

II.– À la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance prise en application du 1° de l’article 28 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, le 1° du I de l’article L. 465-3-4 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

   

« 1° Aux instruments financiers négociés sur une plate-forme de négociation ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur une plate-forme de négociation a été présentée ; ».

   

III.– Le I du présent article entre en vigueur le 3 juillet 2016.

Amendement CF 13

 

Article 2

Article 2

Article L. 621-15-1

L’article L. 621-15-1 du même code est ainsi rédigé :

 

Si l’un des griefs notifiés conformément au deuxième alinéa du I de l’article L. 621-15 est susceptible de constituer un des délits mentionnés aux articles L. 465-1, L. 465-2 et
L. 465-2-1, le collège transmet dans les meilleurs délais le rapport d’enquête ou de contrôle au procureur de la République financier.

« Article L. 621-15-1.– I.– Le collège de l’Autorité des marchés financiers ne peut notifier de griefs aux personnes à l’encontre desquelles, à raison des mêmes faits, l’action publique pour l’application des peines prévues à la section 1 du chapitre V du titre VI du livre IV a été mise en mouvement par le procureur de la République financier.

 

Lorsque le procureur de la République financier décide de mettre en mouvement l’action publique sur les faits, objets de la transmission, il en informe sans délai l’Autorité des marchés financiers.

« II.– Les griefs relatifs à des faits susceptibles de constituer un des délits mentionnés aux articles L. 465-1 à L. 465-2-1 ne peuvent être notifiés qu’après concertation avec le procureur de la République financier et accord de celui-ci.

« II.– Les griefs relatifs à des faits susceptibles de constituer un des délits mentionnés aux articles
L. 465-1-1 à L. 465-2-3
ne peuvent être notifiés qu’après concertation avec le procureur de la République financier et avis conforme de celui-ci. L’avis conforme du procureur de la République financier est définitif et n’est pas susceptible de recours. Il est versé au dossier de la procédure.

Amendements CF 12, CF 7 et CF 6

 

« III.– En l’absence d’accord, les dispositions prévues au III de l’article L. 465-3-1 sont applicables.

« III.– En l’absence d’avis conforme, les dispositions prévues au III de l’article L. 465-3-1 sont applicables.

Amendement CF 8

 

« IV.– Un décret en Conseil d’État précise les conditions et modalités d’application du présent article. »

 
 

Article 3

Article 3

Article L. 621-16

 

(Sans modification)

Lorsque la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers a prononcé une sanction pécuniaire devenue définitive avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les mêmes faits ou des faits connexes, celui-ci peut ordonner que la sanction pécuniaire s’impute sur l’amende qu’il prononce.





À l’article L. 621-16, les mots : « les mêmes faits ou » sont supprimés.

 
 

Article 4

Article 4

Article L. 621-16-1

 

(Sans modification)

Lorsque des poursuites sont engagées en application des articles L. 465-1, L. 465-2 et L. 465-2-1 l’Autorité des marchés financiers peut exercer les droits de la partie civile. Toutefois, elle ne peut à l’égard d’une même personne et s’agissant des mêmes faits concurremment exercer les pouvoirs de sanction qu’elle tient du présent code et les droits de la partie civile.






La seconde phrase de l’article L. 621-16-1 est supprimée.

 
   

Article 4 bis (nouveau)

   

I.– Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

Article L. 621-1

 

1° Le premier alinéa de l’article L. 621-1 est ainsi modifié :

L’Autorité des marchés financiers, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, veille à la protection de l’épargne investie dans les instruments financiers et les actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1 donnant lieu à une offre au public ou à une admission aux négociations sur un marché réglementé et dans tous autres placements offerts au public. Elle veille également à l’information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d’instruments financiers et d’actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1. Elle apporte son concours à la régulation de ces marchés aux échelons européen et international.

 

a) À la première phrase, après les mots : « instruments financiers », sont insérés les mots : « , les unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement » ;

b) À la deuxième phrase, après le mot : « financiers », sont insérés les mots : « , d’unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement » ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Article L. 621-7

 

2° L’article L. 621-7 est ainsi modifié :

Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers détermine notamment :

   

I.– Les règles de pratique professionnelle qui s’imposent aux émetteurs lorsqu’ils procèdent à une offre au public ou à une offre ne donnant pas lieu à la publication du document d’information mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 412-1 et réalisée par l’intermédiaire d’un prestataire de services d’investissement ou d’un conseiller en investissements participatifs au moyen de son site internet, ou dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ainsi que les règles qui doivent être respectées lors d’opérations sur des instruments financiers et des actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations.

 

a) Au I, après les mots : « des instruments financiers », sont insérés les mots : « , des unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement » et les mots : « qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations » sont supprimés ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

IV.– Concernant les prestataires de services d’investissement, les entreprises de marché et les membres des marchés réglementés, les chambres de compensation et leurs adhérents :

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

6° Les conditions d’exercice, par les membres d’un marché réglementé, d’activités pour compte propre et pour compte de tiers sur des actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1.

 

b) Au 6° du IV, après le mot : « sur », sont insérés les mots : « des unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement ou » ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

VII.– Concernant les marchés réglementés au sens de l’article
L. 421-1, les entreprises de marché et les systèmes multilatéraux de négociation :

   

1° Les principes généraux d’organisation et de fonctionnement que doivent respecter les marchés réglementés, ainsi que les règles relatives à l’exécution des transactions sur instruments financiers et actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1 admis sur ces marchés ;

 

c) Aux 1° et 6° du VII, après les mots : « instruments financiers », sont insérés les mots : « , unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement » ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

6° Les règles relatives à l’information de l’Autorité des marchés financiers et du public concernant les ordres, les transactions et les positions sur instruments financiers et actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1 admis sur un marché réglementé.

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   
   

d) Le IX est ainsi modifié :

IX.– Les règles relatives aux recommandations d’investissement destinées au public et portant sur tout émetteur dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un instrument financier qu’il émet, lorsqu’elles sont produites ou diffusées par toute personne dans le cadre de ses activités professionnelles, ainsi que les règles applicables aux personnes qui réalisent ou diffusent des travaux de recherche ou qui produisent ou diffusent d’autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d’investissement concernant des actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1, à l’intention de canaux de distribution ou du public.

 

– au premier alinéa, après le mot : « concernant », sont insérés les mots : « des unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement ou » ;

Un décret en Conseil d’État précise les cas dans lesquels une information relative à un instrument financier ou à un actif visé au II de l’article L. 421-1 donnée au public constitue la production ou la diffusion d’une recommandation d’investissement telle que mentionnée à l’alinéa précédent.

 

– au second alinéa, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « , à une unité mentionnée à l’article L. 229-7 du code de l’environnement » ; 

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Article L. 621-9

 

3° La première phrase du second alinéa du I de l’article L. 621-9 est ainsi modifiée :

I.– Afin d’assurer l’exécution de sa mission, l’Autorité des marchés financiers effectue des contrôles et des enquêtes.

   

Elle veille à la régularité des opérations effectuées sur des instruments financiers lorsqu’ils sont offerts au public et sur des instruments financiers et actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1 admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations. Elle veille à la régularité des offres ne donnant pas lieu à la publication du document d’information mentionné au premier alinéa du I de l’article L. 412-1 et réalisée par l’intermédiaire d’un prestataire de services d’investissement ou d’un conseiller en investissements participatifs au moyen de son site internet. Elle veille également à la régularité des opérations effectuées sur des contrats commerciaux relatifs à des marchandises liés à un ou plusieurs instruments financiers. Ne sont pas soumis au contrôle de l’Autorité des marchés financiers les marchés d’instruments créés en représentation des opérations de banque qui, en application de l’article L. 214-20, ne peuvent pas être détenus par des OPCVM. Sont soumis au contrôle de l’Autorité des marchés financiers les instruments financiers négociés sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée.

 

a) Après la seconde occurrence du mot : « financiers », sont insérés les mots : « , unités mentionnés à l’article L. 229-7 du code de l’environnement » ;

b) À la fin, les mots : « qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations » sont supprimés ;

Article L. 621-9-2

   

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Le collège ou le secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers peuvent demander aux commissaires aux comptes des sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou pour lequel une demande d’admission aux négociations sur de tels marchés a été présentée ou à un expert inscrit sur une liste d’experts judiciaires de procéder auprès des personnes ou entités dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou pour lequel une demande d’admission aux négociations sur de tels marchés a été présentée et des personnes mentionnées au II de l’article L. 621-9 à toute analyse complémentaire ou vérification qui leur paraît nécessaire. Les frais et honoraires sont à la charge de l’Autorité des marchés financiers. Les dispositions de cet alinéa sont également applicables aux commissaires aux comptes qui effectuent des missions dans le cadre d’offres au public.

 

4° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 621-9-2, les mots : « qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations » sont supprimés deux fois ;

Article L. 621-17-1

   

Tout manquement, par les personnes produisant ou diffusant des recommandations d’investissement destinées au public dans le cadre de leurs activités professionnelles ou par les personnes qui réalisent ou diffusent des travaux de recherche ou qui produisent ou diffusent d’autres informations recommandant ou suggérant une stratégie d’investissement concernant les actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1, à l’intention de canaux de distribution ou du public, aux règles prévues au IX de l’article
L. 621-7 est passible des sanctions prononcées par la commission des sanctions selon les modalités prévues à l’article L. 621-15.

 

5° À l’article L. 621-17-1, après le mot : « concernant », sont insérés les mots : « les unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement ou » ;

Article L. 621-17-3

   

Lorsque l’Autorité des marchés financiers transmet, conformément aux articles L. 621-15-1 et L. 621-20-1, certains faits ou informations au procureur de la République financier, la déclaration prévue à l’article
L. 621-17-2, dont le procureur de la République est avisé, ne figure pas au dossier de la procédure.

 

6° À l’article L. 621-17-3, les mots : « prévue à l’article L. 621-17-2 » sont remplacés par les mots : « ou la notification prévue à l’article 16 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement et du Conseil du 16 avril 2014 précité » ;

Article L. 621-17-5

   

Est puni des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal le fait, pour les dirigeants ou les préposés des personnes mentionnées à l’article
L. 621-17-2 du présent code, de porter à la connaissance de quiconque, et en particulier des personnes ou des parties liées aux personnes pour le compte desquelles les opérations déclarées ont été effectuées, l’existence de la déclaration mentionnée au même article ou de donner des informations sur les suites réservées à celle-ci.

 

7° À l’article L. 621-17-5, la référence : « l’article L. 621-17-2 du présent code » est remplacée par la référence : « l’article 16 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement et du Conseil du 16 avril 2014 précité », après le mot : « déclarées », sont insérés les mots : « ou notifiées » et, après le mot : « déclaration », sont insérés les mots : « ou de la notification » ;

Article L. 621-17-6

   

Sans préjudice de l’article 40 du code de procédure pénale, des articles L. 621-15-1, L. 621-17-3, L. 621-20-1 du présent code et de l’exercice de ses pouvoirs par l’Autorité des marchés financiers, il est interdit à cette dernière, ainsi qu’à chacun de ses membres, experts nommés dans les commissions consultatives mentionnées au III de l’article L. 621-2, membres de son personnel et préposés, de révéler les informations recueillies en application de l’article L. 621-17-2. Si l’Autorité des marchés financiers utilise le concours des personnes mentionnées à l’article L. 621-9-2, cette interdiction s’applique également à ces personnes, ainsi qu’à leurs dirigeants et préposés.

 

8° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 621-17-6, la référence : « l’article L. 621-17-2 » est remplacée par la référence : « l’article 16 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement et du Conseil du 16 avril 2014 précité » ;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Article L. 621-17-7

 

9° Les deux premiers alinéas de l’article L. 621-17-7 sont ainsi rédigés :

Concernant les opérations ayant fait l’objet de la déclaration mentionnée à l’article L. 621-17-2, aucune poursuite fondée sur l’article 226-13 du code pénal ne peut être intentée contre les dirigeants et les préposés des personnes mentionnées à l’article L. 621-17-2 qui, de bonne foi, ont effectué cette déclaration.

 

« Concernant les opérations ayant fait l’objet de la déclaration ou de la notification mentionnée à l’article 16 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement et du Conseil du 16 avril 2014 précité, aucune poursuite fondée sur l’article 226-13 du code pénal ne peut être intentée contre les dirigeants et les préposés des personnes mentionnées à l’article 16 du même règlement qui, de bonne foi, ont effectué cette déclaration ou cette notification.

Aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée contre une personne mentionnée à l’article L. 621-17-2, ses dirigeants ou ses préposés qui ont effectué de bonne foi cette déclaration.

 

« Aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée contre une personne mentionnée au même article 16, ses dirigeants ou ses préposés qui ont effectué de bonne foi cette déclaration ou cette notification. » ;

Sauf concertation frauduleuse avec l’auteur de l’opération ayant fait l’objet de la déclaration, le déclarant est dégagé de toute responsabilité : aucune poursuite pénale ne peut être engagée contre ses dirigeants ou ses préposés par application de l’article L. 465-1 et du premier alinéa de l’article L. 465-2 du présent code et des articles 321-1 à 321-3 du code pénal, et aucune procédure de sanction administrative ne peut être engagée à leur encontre pour des faits liés à une opération d’initié ou à une manipulation de cours.

   

Les dispositions du présent article s’appliquent même si la preuve du caractère fautif ou délictueux des faits à l’origine de la déclaration n’est pas rapportée ou si ces faits font l’objet d’une décision de non-lieu ou de relaxe et n’ont donné lieu à aucune sanction de la part de l’Autorité des marchés financiers ou de l’autorité compétente mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 621-17-6.

   

Article L. 621-18-2

 

10° L’article L. 621-18-2 est ainsi modifié :

   

a) Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :

I.– Sont communiqués par les personnes mentionnées aux a à c à l’Autorité des marchés financiers, et rendus publics par cette dernière dans le délai déterminé par son règlement général, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges d’actions d’une société ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liés, lorsque ces opérations sont réalisées par :

 

« Sont communiquées par les personnes mentionnées aux a à c à l’Autorité des marchés financiers et rendues publiques par cette dernière, dans les conditions mentionnées par le règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement et du Conseil du 16 avril 2014 précité, les opérations mentionnées à l’article 19 du même règlement, lorsque ces opérations sont réalisées par : » ;

a) Les membres du conseil d’administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ;

   

b) Toute autre personne qui, dans les conditions définies par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers a, d’une part, au sein de l’émetteur, le pouvoir de prendre des décisions de gestion concernant son évolution et sa stratégie, et a, d’autre part, un accès régulier à des informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur ;

   

c) Des personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, des liens personnels étroits avec les personnes mentionnées aux a et b.

   

Les personnes mentionnées aux a à c sont tenues de communiquer à l’émetteur, lors de la communication à l’Autorité des marchés financiers prévue au premier alinéa, une copie de cette communication. Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers définit les modalités de la communication à celle-ci ainsi que les conditions dans lesquelles l’assemblée générale des actionnaires est informée des opérations mentionnées au présent article.

   
   

b) Le dernier alinéa du même I est ainsi rédigé :

Le I s’applique aux transactions portant sur les actions et les instruments financiers qui leur sont liés, de toute société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé et ayant son siège statutaire en France ou ayant son siège statutaire hors de l’Espace économique européen et relevant de la compétence de l’Autorité des marchés financiers pour le contrôle du respect de l’obligation d’information prévue au I de l’article
L. 412-1.

 

« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers fixe le seuil au-dessus duquel les opérations doivent être communiquées et les modalités d’application de ce seuil. »

II.– L’Autorité des marchés financiers peut prévoir que les règles mentionnées au I sont également applicables, dans les conditions et selon des modalités fixées par son règlement général, aux instruments financiers négociés sur tout marché d’instruments financiers ne constituant pas un marché réglementé, lorsque la personne qui gère ce marché en fait la demande.

 

c) Les II et III sont abrogés ;

III.– Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers peut également déterminer les obligations de déclarations relatives aux opérations effectuées sur les actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1. Il précise également les personnes qui en sont redevables.

   

Article L. 621-17-2

 

11° Les articles L. 621-17-2, L. 621-17-4 et L. 621-18-4 sont abrogés ;

Les établissements de crédit, les entreprises d’investissement et les membres des marchés réglementés non prestataires de services d’investissement sont tenus de déclarer sans délai à l’Autorité des marchés financiers toute opération sur des instruments financiers ou des actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1, effectuée pour compte propre ou pour compte de tiers, dont ils ont des raisons de suspecter qu’elle pourrait constituer une opération d’initié ou une manipulation de cours au sens des dispositions du règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

   

Les instruments financiers mentionnés au premier alinéa sont les instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives ou réglementaires visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours et la diffusion de fausses informations, ou pour lequel une demande d’admission aux négociations sur de tels marchés a été présentée, dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, ainsi que les instruments financiers qui leur sont liés.

   

Article L. 621-17-4

   

Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers précise les conditions dans lesquelles est faite la déclaration prévue à l’article
L. 621-17-2.

   

La déclaration peut être écrite ou verbale. Dans ce dernier cas, l’Autorité des marchés financiers en demande une confirmation par écrit.

   

La déclaration doit contenir :

   

1° Une description des opérations, en particulier du type d’ordre et du mode de négociation utilisés ;

   

2° Les raisons conduisant à soupçonner que les opérations déclarées constituent une opération d’initié ou une manipulation de cours ;

   

3° Les moyens d’identification des personnes pour le compte de qui les opérations ont été réalisées et de toute autre personne impliquée dans ces opérations ;

   

4° L’indication que les opérations ont été effectuées pour compte propre ou pour compte de tiers ;

   

5° Toute autre information pertinente concernant les opérations déclarées.

   

Lorsque certains de ces éléments ne sont pas disponibles au moment de la déclaration, celle-ci doit au moins indiquer les raisons mentionnées au 2°. Les informations complémentaires sont communiquées à l’Autorité des marchés financiers dès qu’elles deviennent disponibles.

   

Article L. 621-18-4

   

I.– Tout émetteur dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, ou pour lesquels une demande d’admission aux négociations sur un tel marché a été présentée, établit, met à jour et tient à la disposition de l’Autorité des marchés financiers, dans les conditions prévues par le règlement général de cette dernière, une liste des personnes travaillant en son sein et ayant accès aux informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur ainsi que des tiers agissant en son nom ou pour son compte ayant accès à ces informations dans le cadre de leurs relations professionnelles avec ce dernier.

   

Dans les mêmes conditions, ces tiers établissent, mettent à jour et tiennent à la disposition de l’Autorité des marchés financiers une liste des personnes travaillant en leur sein et ayant accès aux informations privilégiées concernant directement ou indirectement l’émetteur, ainsi que des tiers agissant en leur nom ou pour leur compte ayant accès aux mêmes informations dans le cadre de leurs relations professionnelles avec eux.

   

II.– Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers peut également déterminer les modalités applicables aux obligations d’établissement, de mise à jour et de mise à disposition de listes de personnes ayant accès à des informations privilégiées concernant des actifs mentionnés au II de l’article L. 421-1. Il précise également les personnes qui en sont redevables.

   

Article L. 632-7

 

12° Le II de l’article L. 632-7 est ainsi modifié :

I.– Par dérogation aux dispositions de la loi n° 68-678 du
26 juillet 1968 relative à la communication des documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’Autorité des marchés financiers peuvent conclure, avec des autorités homologues relevant d’un État non membre de l’Union européenne et non partie à l’accord sur l’Espace économique européen, des accords de coopération prévoyant notamment l’échange d’informations. Par dérogation aux mêmes dispositions, la Banque de France peut conclure, avec des autorités publiques chargées de la surveillance des systèmes de paiement et des systèmes de règlement et de livraison des instruments financiers, des accords de coopération prévoyant notamment l’échange d’informations. Les informations communiquées doivent bénéficier de garanties de secret professionnel au moins équivalentes à celles auxquelles sont soumises les autorités françaises parties à ces accords. Cet échange d’informations doit être destiné à l’exécution des missions desdites autorités compétentes.

   

II.– L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’Autorité des marchés financiers peuvent également conclure des accords de coopération prévoyant notamment l’échange d’informations avec des autorités ou personnes relevant d’un État non membre de l’Union européenne et non partie à l’accord sur l’Espace économique européen, qui sont :

   

a) Responsables de la surveillance des établissements de crédit, des entreprises d’investissement des autres établissements financiers et des entreprises d’assurance ou de réassurance et des marchés financiers ;

 

a) Le a est complété par les mots : « et d’unités mentionnées à l’article L. 229-7 du code de l’environnement » ;

b) Chargées des procédures collectives des établissements de crédit, des entreprises d’investissement, des entreprises d’assurance et de réassurance, et de toute autre procédure analogue ;

   

c) Chargées de procéder au contrôle légal des comptes des entreprises mentionnées au a du présent article, dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions de surveillance, ou de l’exercice de leurs fonctions dans le cas des gestionnaires des systèmes d’indemnisation ;

   

d) Responsables de la surveillance des organismes intervenant dans les procédures collectives des établissements de crédit, des entreprises d’investissement, des entreprises d’assurance et de réassurance, ou dans toute autre procédure analogue ;

   

e) Responsables de la surveillance des personnes chargées du contrôle légal des comptes des entreprises mentionnées au a du présent II ;

   

f) Chargées de la gestion des systèmes de garantie des dépôts et des systèmes d’indemnisation des investisseurs ;

 

b) Après le f, il est inséré un f bis ainsi rédigé :

   

« bis) Responsables de la régularité des opérations effectuées sur des contrats commerciaux relatifs à des marchandises liés à un ou plusieurs instruments financiers ; ».

g) Chargées de la gestion de procédures de liquidation forcée ou de fonds de garantie pour les entreprises d’assurance et de réassurance ;

   

h) Des actuaires indépendants des entreprises d’assurance ou des entreprises de réassurance exerçant, en vertu de leur législation nationale, une fonction de contrôle sur celles-ci ainsi que les organes chargés du contrôle de ces actuaires.

   

Les informations communiquées bénéficient de garanties de secret professionnel au moins équivalentes à celles auxquelles sont soumises les autorités françaises parties à ces accords.

   

Cet échange d’informations doit être destiné à l’exécution des missions desdites autorités ou personnes.

   

II bis.– Lorsqu’elles proviennent d’une autorité d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou d’un pays tiers, les informations ne peuvent être divulguées sans l’accord exprès de l’autorité qui les a communiquées et, le cas échéant, aux seules fins pour lesquelles elle a donné son accord.

   

III.– L’Autorité des marchés financiers donne son autorisation expresse préalablement à toute transmission, par les autorités compétentes d’un pays tiers aux autorités d’autres pays tiers, de données et analyses de données relatives aux FIA et à leurs gestionnaires qu’elle leur a communiquées.

   
   

II.– Le présent article entre en vigueur le 3 juillet 2016.

Amendement CF 9

 

Article 5

Article 5

 

I.– Les dispositions de la présente loi sont applicables sur l’ensemble du territoire de la République.

(Sans modification)

Article L. 744-12

II.– Le I des articles L. 744-12, L. 754-12 et L. 764-12 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

 

I.– Les articles L. 451-1-1, L. 451-1-2 à L. 451-1-4, L. 451-1-6, L. 451-2-1, et L. 451-3 à L. 451-5, L. 465-1 et L. 465-2 sont applicables en Nouvelle-Calédonie sous réserve des adaptations prévues au II.



1° La référence : « et
L. 465-2 » est remplacée par les références : « , L. 465-2 et
L. 465-3-1 » ;

 

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Article L. 754-12

   

I.– Les articles L. 451-1-1, L. 451-1-2 à L. 451-1-4, L. 451-1-6, L. 451-2-1, et L. 451-3 à L. 451-5, L. 465-1 et L. 465-2 sont applicables en Polynésie française sous réserve des adaptations prévues au II.



[Cf. supra]

 

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   

Article L. 764-12

   

I.– Les articles L. 451-1-1, L. 451-1-2 à L. 451-1-4, L. 451-1-6, L. 451-2-1, L. 451-3, L. 465-1 et L. 465-2 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna sous réserve des adaptations prévues au II.




[Cf. supra]

 

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

   
 

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

 
 

« L’article L. 465-3-1 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n°  du réformant le système de répression des abus de marché. »

 
     
© Assemblée nationale

1 () Conseil constitutionnel, décision 2014-423 QPC – 24 octobre 2014 - M. Stéphane R. et autres [Cour de discipline budgétaire et financière].

2 () Articles 42-1 à 42-15, et 48-1 à 48-10 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.

3 () Articles 74 à 79-6 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986.

4 () Voir par exemple les débats suscités par l’arrêt de Cour de justice de l’Union européenne n° C-4/508, Spector Photo Group NV, du 23 décembre 2009.

5 () II de l’article L.621-9 du code monétaire et financier.

6 () Loi n° 2003-706.

7 () « L’application du principe ne bis in idem dans la répression des abus de marché. Proposition de réforme », Rapport du groupe de travail de l’Autorité des marchés financiers, 19 mai 2015.

8 () « La répression des abus de marché : vers une nécessaire réforme », rapport établi par Parquet national financier sous l’autorité de Mme Éliane Houlette, Procureur de la République financier, février 2015.

9 () Décision n° 260 DC du 28 juillet 1989, loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier.

10 () « La sanction : Regards croisés du Conseil d’État et de la Cour de cassation », colloque du vendredi 13 décembre 2013 - intervention de M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État.

11 () Par exemple : décisions n° 89-260 DC du 28 juillet 1989 et n° 92-311 DC du 29 juillet 1992, et plus récemment les décisions n° 2012-225 QPC du 30 mars 2012 et n° 2013-329 QPC du 28 juin 2013.

12 () Jurisprudence constante depuis l’arrêt de la CEDH Engel et autres, 8 juin 1976.

13 () Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation : « Les autorités administratives indépendantes : évaluation d’un objet juridique non identifié », 15 juin 2006.

14 () Op. cit.

15 () Dans le panel étudié, deux affaires ont donné lieu à des amendes pénales plus élevées que le montant des sanctions administratives (1 000 euros sur le plan administratif, pour une amende pénale cumulée de 160 000 euros ; et 10 000 euros sur le plan administratif, contre 25 000 euros au pénal). Par ailleurs, quatre affaires ont donné lieu au prononcé d’un même montant de sanction, avec systématiquement le prononcé de l’imputation de la sanction administrative sur la sanction pénale.

16 () Op. cit.

17 () « Poursuite et sanction des abus de marché : le droit français à l’épreuve des textes communautaires et des jurisprudences récentes (CEDH, CJUE, Conseil constitutionnel) » – Le Club des juristes, mai 2015

18 () Décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987, loi de finances pour 1988, et décision n° 88-248 du 17 janvier 1989, loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

19 () Décision n° 2010-604 DC du 25 février 2010.

20 () Cass. crim. 1er mars 2000, n°99-86.299 ; Cass. crim. 2 avril 2008, n° 07-85.179 ; Cass. crim. 28 janvier 2009, n° 07-81.674 ; Cass. com., 8 février 2011, n° 10-10.965.

21 () Pour rappel, l’une des trois conditions amenant la Cour de cassation ou le Conseil d’État à soumettre la QPC au Conseil constitutionnel est l’examen visant à démontrer le caractère inédit de la question posée. Ainsi, la disposition législative contestée ne doit pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances.

22 () « Législation comparée. La prévention du cumul des sanctions administratives et des sanctions pénales (ne bis in idem), LC 259, Direction de l’initiative parlementaire et des délégations, octobre 2015.

23 () Cette formule est en fait un dérivé de la maxime de droit romain nemo bis in idem debet vexari.

24 () L’article 15 de la Convention institue des possibilités de déroger à certaines de ses dispositions en cas d’état d’urgence.

25 () Il s’agissait dans le cas d’espèce de l’application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

26 () Cass. crim., 22 janvier 2014, n° 12-83.579

27 () L’article 52 admet que des limitations soient apportée à l’exercice des droits et libertés reconnus par la Charte, notamment si elles réponses à « des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ».

28 () CJUE, 26 février 2013, aff. C-617/10.

29 () Op.cit.

30 () CEDH, 23 oct. 1995, n° 15963/90, Gradinger c/ Autriche. L’affaire concernait un automobiliste ayant causé la mort d’un cycliste. Condamné par le tribunal régional à une amende, subsidiairement à une peine d’emprisonnement, pour homicide par imprudence, il fut également condamné, ultérieurement, à une amende par l’administration du district pour conduite en état d’ébriété, subsidiairement à une peine d’emprisonnement, en violation du code de la route.

31 () Article 1er : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention. »

32 () Article 46 : « Les Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties. »

33 () CEDH, 4 mars 2014, n° 18640/18, aff. Grande Stevens et a. c. Italie.

34 () Équivalent italien de l’AMF.

35 () Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.

36 () Par exemple, les prestataires de services d’investissement agréés ou les entreprises de marché.

37 () Le principe ne fera donc pas obstacle au concours idéal d’infractions, c’est-à-dire aux cas dans lesquels un même fait peut être punissable par le moyen de textes différents car ce seul fait possède plusieurs caractères délictueux. Dans l’affaire Götkan c. France du 2 juillet 2002 par exemple, la Cour admis que la personne pouvait avoir avait été jugée pour les mêmes faits délictueux, à savoir un trafic de stupéfiants en contrebande, parce que l’acte tombait sous deux infractions bien distinctes: un délit pénal général et un délit douanier.

38 () 18 mars 2015, décision n° 2014-453/454 QPC et n° 2015-462 QPC.

39 () Situation des dossiers au 25 mars 2016.

40 () Selon l’article 40-1 du code de procédure pénale, le procureur de la République décide s’il est opportun : soit d’engager des poursuites, soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites, soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient.

41 () Décision n° 2015-513/514/526 QPC du 14 janvier 2016.

42 () Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

43 () Loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social.

44 () Rédaction en vigueur jusqu’au 1er novembre 2007.

45 () « Principe non bis in idem et Convention EDH : la décision en trompe l’œil du Conseil constitutionnel », La Semaine Juridique Édition Générale n° 13, 30 mars 2015, 368, Note sous arrêt par Frédéric Sudre.

46 () Par exemple, les sanctions prononcées par les autorités administratives indépendantes (CSA, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution…), les sanctions disciplinaires émanant des juridictions disciplinaires des ordres professionnels, les amendes de la Cour de discipline budgétaire et financière, les sanctions fiscales relatives aux impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, etc.

47 () Thierry Bonneau, « Quel avenir pour la double répression pénale et administrative des abus de marché ? », Revue de droit bancaire et financier n° 4, juillet 2014, repère 4.

48 () Articles 3, 4 et 5 de la directive 2014/57.

49 () Un abus de marché peut causer à un investisseur deux sortes de préjudice. En premier lieu, l’investisseur peut soutenir que le comportement de l’initié a altéré son jugement dans l’arbitrage entre acquérir, vendre ou conserver. L’investisseur perd dans ces cas une chance de mieux arbitrer. En second lieu, l’investisseur peut soutenir que les comportements frauduleux ont exercé une influence sur le cours du titre et que son préjudice consiste en la différence entre le prix artificiel auquel il a acquis ou vendu et le prix estimé juste en l’absence d’abus. Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision du Conseil, le cours de l’action EADS avait chuté de 25 % le 14 juin 2006 et certains actionnaires avaient perdu près de 30 % de la valeur de leurs actions.

50 () D. Schmidt et A.-V. Le Fur, « Pour un tribunal des marchés financiers » ; Bull. Joly Bourse, janv. 2015, p. 2.

51 () J.-M. Coulon, Rapport sur la dépénalisation de la vie des affaires : Doc. fr. 2008, Rapports officiels

52 () Proposition de loi n° 20 relative à la répression des infractions financières, présentée par M. Claude Raynal, identique à la proposition de loi n° 19 relative à la répression des infractions financières, présentée par M. Albéric de Montgolfier, enregistrées à la Présidence du Sénat le 7 octobre 2015. Ces textes n’ont pour l’heure pas fait l’objet d’une inscription à l’ordre du jour.

53 () Avis n° 390558 du 19 novembre 2015.

54 () Directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil, considérant 3.

55 () Considérant 7 de la directive précitée.

56 () Considérant 10 de la directive précitée.

57 () Actuel article L. 465-1 du code monétaire et financier.

58 () Cf. 2 du B du I de la première partie du présent rapport (pages 18 et suivantes).

59 () Le président, les directeurs généraux, les membres du directoire d’une société, les personnes physiques ou morales exerçant dans cette société les fonctions d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance ainsi que les représentants permanents des personnes morales.

60 () Article 3, alinéa 3 : « le présent article s’applique également à toute personne qui a obtenu des informations privilégiées dans des circonstances autres que celles visées au premier alinéa, lorsque cette personne sait qu’il s’agit d’informations privilégiées ».

61 () Article 9 du règlement n° 596 /2014 relatif au « comportement légitime ».

62 () Article 3, alinéa 4 de la directive : « L’utilisation d’informations privilégiées pour annuler ou pour modifier un ordre concernant un instrument financier auquel ces informations se rapportent, lorsque l’ordre a été passé avant que la personne concernée ne détienne les informations privilégiées, est également considérée comme une opération d’initié ».

63 () L’article 7 du règlement sur les abus de marché définit de manière très précise ce que l’on entend par « informations privilégiées », dont les deux fondements demeurent la précision et le caractère confidentiel.

64 () Le champ comprend l’ensemble du délit d’initié, dont le fait de recourir aux recommandations et incitations de manière consciente, et la manipulation de marché. Est donc exclue la divulgation illicite d’information privilégiée.

65 () Conformément à l’article L. 121-4 du code pénal qui dispose que la tentative de commission d’un délit est équivalente à la commission elle-même : « Est auteur de l’infraction la personne qui : 1° Commet les faits incriminés ; 2° Tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit. »

66 () Article 121-7 du code pénal : « Est complice d’un crime ou d’un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.

Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »

67 () Référence au premier paragraphe de l’article 3 du règlement (UE) n 596/2014 (point 9).

68 () Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

69 () Alinéas 2, 3 et 4.

70 () Article L. 229-7 du code de l’environnement.

71 () Considérant 18 de la directive 2014/57/UE : « Afin d’assurer une mise en œuvre efficace de la politique européenne visant à assurer l’intégrité des marchés financiers exposée dans le règlement (UE) n° 596/2014, les États membres devraient étendre aux personnes morales la responsabilité des infractions prévues dans la présente directive en imposant des sanctions ou d’autres mesures pénales ou non pénales effectives, proportionnées et dissuasives, par exemple celles prévues dans le règlement (UE) n° 596/2014. Ces sanctions ou autres mesures peuvent comprendre la publication d’une décision définitive sur une sanction précisant l’identité de la personne morale responsable tout en tenant compte des droits fondamentaux, du principe de proportionnalité et des risques pour la stabilité des marchés financiers et les enquêtes en cours. Les États membres devraient, s’il y a lieu, et pour autant que leur droit national prévoie la responsabilité pénale des personnes morales, élargir cette responsabilité, conformément à leur droit national, de sorte qu’elle englobe les infractions visées dans la présente directive. »

72 () Le règlement n° 596/2014 est entré en vigueur le 2 juillet 2014.

73 () Celle-ci est de trois ans pour les délits boursiers.

74 () « Considérant, d’autre part, qu’afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, des poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et […] dès lors que des premières poursuites auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant le juge judiciaire statuant en matière pénale […] ou que celui-ci aura déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne ; que, de la même manière, des poursuites ne pourront être engagées ou continuées sur le fondement de l’article L. 465-1 du code monétaire et financier dès lors que des premières poursuites auront déjà été engagées pour les mêmes faits et à l’encontre de la même personne devant la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers […] ou que celle-ci aura déjà statué de manière définitive sur des poursuites pour les mêmes faits à l’encontre de la même personne. »

75 () Par exemple, décision n° 2013-328 QPC du 28 juin 2013. En l’espèce, la décision concernait des agissements de fraudes aux prestations sociales (RSA, allocations logement et allocation adulte handicapés) réalisées au moyen de faux documents. Ces actes sont punissables en vertu de l’article L. 114-13 du code de la sécurité sociale d’une amende de 5 000 euros, mais ils encourent également, par renvoi de l’article L. 135-1 du code de l’action sociale et des familles, les peines applicables à l’escroquerie, à savoir cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Aussi, le Conseil a décidé que « la différence entre les peines encourues implique également des différences relatives à la procédure applicable et aux conséquences d’une éventuelle condamnation ; que cette différence de traitement n’est justifiée par aucune différence de situation en rapport direct avec l’objet de la loi ; qu’eu égard à sa nature et à son importance, la différence entre les peines encourues méconnaît le principe d’égalité devant la loi pénale ».

76 () Les garanties procédurales qui, il y a dix ans, étaient un peu malmenées sont maintenant assurées, y compris en ce qui concerne la motivation de la décision, au point qu’on a pu dire que la commission des sanctions était devenue une juridiction.

77 () « Les sanctions de la fraude fiscale à l’épreuve des principes constitutionnels et européens », Stéphane Detraz, Droit fiscal n° 46, 13 novembre 2014, 625.

78 () À l’exception des recours contre les décisions rendues à l’encontre des professionnels régulés, mais ces recours ne concernent que 10 % du contentieux.

79 () Article 40-3 du code de procédure pénale.

80 () Décision n° 2015-461 QPC du 24 avril 2015.

81 () Articles 179 et 481 du code de justice militaire.

82 () Loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993, article 13.

83 () Ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959, article 27.

84 () Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

85 () Cette référence au délit d’initié a été abrogée par la décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 2015.